une métaphore maternelle -...

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1/38 le signe de Jonas une métaphore maternelle 20 octobre 2009 - 23 avril 2013 Abstract : L'Etable, la Crèche, le Joug, des lieux célestes dans le firmament d'Eratosthène, la fidélité des étoiles à leur rendez-vous avec un enfant-dieu est née dans la légende des ciels bibliques. Rendez-vous des chercheurs en anthropologie culturelle à l'Abbaye de saint Bernard de Clairvaux avec l'émerveillement d'Hannah Arendt devant le miracle de la natalité : « un enfant nous est né ». Le signe de l'Etable, signe de Jonas.......................................................................... 1 François d'Assise et la cause franciscaine ............................................................... 2 Election de la mère juive .......................................................................................... 5 Le nom de Jean l'évangéliste .................................................................................... 7 Ceci se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain .................................................... 12 Enfermement disciplinaire, enfermement de la personne .................................... 14 La racine universelle *mn, concept de paternité divine ..................................... 17 Evolution darwinienne et permanence de la parole .............................................. 21 Le signe de la fille sans nom de Jephté.................................................................. 27 Petite histoire racontée aux enfants....................................................................... 32 Primauté de la métaphore maternelle .................................................................... 33 Toth a transcrit au ciel avec ses constellations, la terre avec son contenu et ce que crachent les montagnes, ce qui est irrigué par les flots 1 . Le signe de l'Etable, signe de Jonas Les langues sémitiques antiques ont enseigné que le pouvoir évocateur des images araméennes qui fleurissent dans les évangiles présente le mystère des graphies et des langages de la Torah écrite. L'histoire du peuple hébreu, remontant à l'exil et à des civilisations et des écritures déjà en voie de disparition au tournant de l'ère chrétienne, a laissé des papyrus et des vestiges archéologiques, des apocalypses et des sagesses transmises du père au fils parce que la tradition imposait alors la quête des origines et le regard vers les astres. Quelque chose du mystère propre au cunéiforme assyrien dans l’écriture des présages divinatoires échappe 1 Pharaon AMENOPEH, L'Onomasticon, XXI e dynastie tanite, 1085-950.

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le signe de Jonas une métaphore maternelle

20 octobre 2009 - 23 avril 2013

Abstract : L'Etable, la Crèche, le Joug, des lieux célestes dans le firmament d'Eratosthène, la fidélité des

étoiles à leur rendez-vous avec un enfant-dieu est née dans la légende des ciels bibliques.

Rendez-vous des chercheurs en anthropologie culturelle à l'Abbaye de saint Bernard de

Clairvaux avec l'émerveillement d'Hannah Arendt devant le miracle de la natalité : « un enfant

nous est né ».

Le signe de l'Etable, signe de Jonas.......................................................................... 1 François d'Assise et la cause franciscaine ............................................................... 2 Election de la mère juive .......................................................................................... 5 Le nom de Jean l'évangéliste .................................................................................... 7 Ceci se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain .................................................... 12 Enfermement disciplinaire, enfermement de la personne .................................... 14 La racine universelle *√mn, concept de paternité divine ..................................... 17 Evolution darwinienne et permanence de la parole .............................................. 21 Le signe de la fille sans nom de Jephté.................................................................. 27 Petite histoire racontée aux enfants....................................................................... 32 Primauté de la métaphore maternelle .................................................................... 33

Toth a transcrit au ciel avec ses constellations, la terre avec

son contenu et ce que crachent les montagnes, ce qui est irrigué

par les flots1.

Le signe de l'Etable, signe de Jonas

Les langues sémitiques antiques ont enseigné que le pouvoir évocateur

des images araméennes qui fleurissent dans les évangiles présente le

mystère des graphies et des langages de la Torah écrite. L'histoire du

peuple hébreu, remontant à l'exil et à des civilisations et des écritures

déjà en voie de disparition au tournant de l'ère chrétienne, a laissé des

papyrus et des vestiges archéologiques, des apocalypses et des sagesses

transmises du père au fils parce que la tradition imposait alors la quête

des origines et le regard vers les astres. Quelque chose du mystère propre

au cunéiforme assyrien dans l’écriture des présages divinatoires échappe

1 Pharaon AMENOPEH, L'Onomasticon, XXIe dynastie tanite, 1085-950.

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à notre entendement et, par voie de conséquence, aux études sur les

origines du christianisme. Une chose est certaine, l'astrologie et la

divination chaldéennes ne sont pas lues dans une perspective de

temporalité pour situer les habitus et les mentalités de chaque époque

par les exégètes et les historiens des religions. Astrologie et divination

sont aussi négligées que la perception de la voix de la mère par le fœtus

qui apprend in utero à s'humaniser dans la genèse de son ouïe quand il

manifeste son éveil vers la 26e semaine.

Si l’on choisit de traduire l'écriture des présages à l’aide d’autre écriture, il s’établit, nécessairement, entre celle des dieux et celle des hommes, une relation

analogique, chaque signe graphique étant la transcription d’un signe naturel. Dans

cette hypothèse, l’écriture humaine serait SIGNE DE SIGNE avant d’être signe de mot2.

C’est une remarque de cet ordre qu’il faut lire dans le message

attribué à Jésus concernant le signe de Jonas dans l’évangile de LUC 11-29.

En Jonas 3, il est écrit que le roi de Ninive avait fait glisser son manteau

royal, sous-entendant qu'il en avait sans doute revêtu un autre plus

modeste pour sauver son peuple en faisant périr à sa place, un substitut

revêtu du manteau royal. Le stratagème pratiqué sur Damqî en substitut

royal réellement sacrifié, était appliqué chaque année par la mort fictive

du roi qui offrait sa vie pour sauver son peuple, selon qu'il avait été écrit

dans l'argile sur une tablette akkadienne cunéiforme relatant les faits :

Lui et sa Dame-du-Palais sont entrés dans le rôle du substitut du roi3.

La Dame du Palais était peut-être son épouse, peut-être son étoile

astrologique de naissance ?

François d'Assise et la cause franciscaine

Le modèle de Jonas est l’Hébreu, offrant sa vie aux marins révoltés

contre lui pour les sauver de la perdition dans la tempête sur le navire

qu’il avait affrété pour fuir hors de la présence de son Dieu4. Les marins

consultent les présages qui désignent Jonas comme responsable du sort

qui les frappe dans cette tempête. La religion des Assyriens voyait le

péché des hommes dans leurs malheurs tombés du ciel.

D’où viens-tu, de quel pays es-tu ? Je suis hébreu, c’est le Seigneur, dieu du ciel que je vénère celui qui a fait la mer et

les continents. Hissez-moi et lancez-moi à la mer pour qu’elle cesse d’être contre

vous ; je sais bien que c’est à cause de moi que cette grande tempête est contre vous. […] Les hommes hissèrent alors Jonas et le lancèrent à la mer. Aussitôt, la mer se tint

2 Jean-Jacques GLASSNER Ecrire à Sumer, p. 258, Seuil 2000

3 René LABAT Le caractère religieux de la royauté assyro-babylonienne, p. 360. Thèse pour le

doctorat de Lettres. Librairie d'Amérique et de l'Orient Adrien Maisonneuve MCM 1939. 4 Il n’y a pas de majuscule en hébreu et en araméen, mais le texte original était peut-être en

grec, retraduit vers d’autres langues, le copte gnostique, peut-être ?

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immobile, calmée de sa fureur. […] Alors, le Seigneur dépêcha un grand poisson pour

engloutir Jonas, JON 1 & 2.

Trente ans après la crucifixion de Jésus, les nationalistes judéens,

peut-être représentés par les scribes évangéliques, dans leur aversion

pour les juifs hellénisés assimilés à l’occupant perse, grec ou romain,

soumis à un pouvoir illégitime allégorisent l’histoire de Jonas refusant à

son dieu de lancer un oracle contre la méchanceté des gens de Ninive.

Luc métaphorise dans la bouche de Jésus l’histoire de Damqî, désigné

comme substitut royal, selon la coutume babylonienne du IIe millénaire :

Il ne lui sera donné d’autre signe que le signe de Jonas, LC 11-29

Dans le récit sous forme de fiction littéraire et magique reconstruit par

les scribes évangéliques pour sauver la révolte de leur chef, Judas le

Galiléen, le sauveur nationaliste pris pour Jésus, réapparaîtra, vivant,

ressuscité, sortant du secret de la clandestinité comme le roi assyrien

après avoir accompli les rituels de purification destinés à sauver son

peuple des péchés qu’il n’avait pas commis et qu’il prenait sur lui. C’était

le rôle assigné à Jésus qui aurait pris sur lui la trahison des grands-

prêtres qui, depuis Hérode le Grand, avaient pactisé avec l’occupant et

avec les étrangers grecs et romains, dont ils avaient adopté la langue, les

gymnases pour l'éducation de leurs enfants avec les pratiques

pédophiliques. Caïphe, le grand-prêtre de Jérusalem était tout désigné pour accomplir la livraison, παραδουναι, LUC 22-6, de Jésus à Pilate, car les

ressources qu'il tirait du pouvoir romain étaient conséquentes, sa

fonction de fonctionnaire du temple surestimée par l'occupant qui avait

fait de lui un chef religieux. L'enfance et la jeunesse de Paul restent une

énigme parmi une série d’hypothèses, il faut envisager le rôle imposé à

un petit garçon malvenu ou castré, vendu par des parents pauvres pour le

service d’un temple païen ou élevé dans un gymnase hellénisé.

L’union de Jonas avec la mer est une allégorie de la catastérisation de

la mère engloutissant le fils, selon les rituels dictés par les présages

divinatoires mésopotamiens enrichis par les vieux mythes aquatiques

d'Asie mineure où Karl Jung voit désigner l'inconscient :

Ils le lancèrent à la mer, aussitôt, la mer se tint immobile, calmée de sa fureur, JON 1-15

Pour Karl Gustav Jung, l'aspect maternel de l'eau renvoie à la première

eau, la matrice utérine du fœtus, la conscience de l'être adulte qu'il sera

dans l'avenir5. Cette idée est sous-jacente au travail de deux paléographes

Laperrousaz et Dupont-Sommer à partir de textes antiques6.

5 Karl Gustav JUNG, Métamorphoses de l'âme et ses symboles 1911. Livre de poche 1993, p. 366

6 E.M. LAPERROUSAZ « La mère du Messie et la mère de l’aspic dans les hymnes de Qumrân » in

Mélanges d’Histoire des Religions offert à Henri-Charles Puech. André DUPONT-SOMMER Revue de l’Histoire des Religions t. CXLVII n° 2, Avril-juin 55 p. 174. André DUPONT-SOMMER La doctrine gnostique du wâ…w Paris Geuthner 1946.

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La métaphore maternelle de la mer est d'origine indo-européenne, un

jeu de mots sur l'arbre généalogique de la racine ie *√mori, perçue et

écrite mr par les langues sémitiques en contact, c'est-à-dire le sumérien

indo-européen et l'akkadien sémitique qui, pour des questions de

perception auditive, se confondra avec le ml et le mlk de la royauté de

Melchisedek. Cette métaphore, née dans l'inconscient onirique des

peuples antiques sans écriture, témoigne d'un état de conservation très

ancien des mentalités conservées dans les langues, elle indique

l'universalité de l'image amniotique en annonçant les textes de la Bible,

Sophocle, Œdipe-roi, Antigone, Freud. Cette métaphore apparaît dans la

douleur du peuple hébreu assis au bord du fleuve et pleurant sa nostalgie

dans le chant des exilés, si je t’oublie, Jérusalem.

L’histoire de Jonas le prophète, le signe évangélique signalé par

Matthieu et Luc, la tempête apaisée dont le thème est repris dans un

miracle de Jésus, MAT 8-24, est une allégorie du mariage hiérogamique

mésopotamien de Jonas avec sa mère, le sauveur des marins retournant

dans le sanctuaire marin de la patrie maternelle utérine. L’union sacrée

par hiérogamie est une notion mésopotamienne fondamentale pour

comprendre l’héritage babylonien dans le judaïsme. Avec Jonas, mais

également avec Matthieu et Luc, il s’agit du retour à la mer/mère et non à

la terre/mère, le ventre maternel amniotique du Déluge et de Ninive où il

passe trois jours et les trois nuits à lancer son appel à son dieu qui lui

répond au fond des abîmes, du ventre de la mort, pour laver le péché de

la ville qu’il est appelé à sauver. Pour Karl Gustav Jung, « la passion est

comme la mer qui a rompu ses digues et comme les eaux des profondeurs

et les eaux de pluie, génératrices, fécondantes et maternelles selon la

mythologie hindoue ».

Alors, elles quittent leurs bornes naturelles, se gonflent par dessus les

hautes montagnes et noie tout ce qui vit. Force qui transcende la

conscience, la libido ressemble au δαιµων daimon, au dieu bon comme au

diable7.

Métaphore aquatique, sauver l’eau de la vie, sa transmission, les eaux

primordiales, la mère, la Terre Promise, le temps irréversible, le retour

impossible, le regard en arrière interdit, Sodome et Gomorrhe, le sel à

protéger pour le goût qu’il donne aux nourritures terrestres, voilà

l’universel de l’interdit de l’inceste.

Quand il y a une loi, c’est parce qu’il y a eu transgression, c’est aussi

parce qu’il faut mettre les lois en accord avec les mœurs, c’est un

principe universel anhistorique qui permet parfois de pacifier les haines

raciales, tribales, sexuelles, claniques, familiales, etc.

7 Karl Gustav JUNG Métamorphoses de l’âme et ses symboles 1911. Poche 1993, p. 207

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Election de la mère juive

De l’image des eaux de la Genèse jusqu’à l’image de Barbelo8 au nom

formé sur l’étoile alpha de Boo, le Bouvier9 ou le Gardien de l'Ourse, la

continuité d’une pensée guidée vers les étoiles est assurée par Ezéchiel

grâce aux universaux des rêves et des mythes dans l'idiolecte utérin qui

renouvelle à chaque naissance le prodige de l'unicité singulière de chaque

être en confirmant l'élection de la mère juive. Le mystère du désir du

sacré prouve ici sa permanence. Au bout de sept jours, la parole de Yahvé me fut adressée en ces termes : Fils

d'homme, je t'ai fait guetteur pour la maison d'Israël, Ez 3-17

Le guetteur est le veilleur, ouros, le gardien dans l'étoile Arctouros.

L'histoire transgénérationnelle de l'humanité est écrite dans ses langues,

ses restes archéologiques en phonologie historique et philologique, la

mémoire neuronale qui conserve des rituels religieux et des allégories

pour le meilleur et pour le pire. La culture de l'Occident n'a retenu que le

pire. Le monument du camp d'Auschwitz s'effondre comme la mémoire

des survivants qui lisent l'actualité quotidienne dans la montée de

l'antisémitisme. Quand les partisans de la vérité se heurtaient à la perte

de l'espoir en une transmission de la vérité sur les silences de l'histoire

captive d’historiens non informés, alors le guetteur de Yahvé était

responsable de cette mémoire.

Existe-t-il dans la modernité universitaire des obstacles à la recherche

scientifique ? Dans le doute, les recherches bibliques sur les écritures, les

Ecritures, l'astrologie chaldéenne, l'anthropologie religieuse se

poursuivent parce qu’elles s’imposent conformément à la notion judéo-

chrétienne de vie, hay, venue du fond des âges. Cela consiste à faire vivre

les textes de la Bible, sans jamais cesser de les interpréter, à travers

l'immensité des déserts parcourus par les peuples nomades à travers les

millénaires. C'est ce levain de la tradition judaïque que le christianisme a

reçu de l'origine de son origine. J’ai parlé ouvertement au monde, j’ai toujours enseigné dans les synagogues et

dans le temple où les juifs se rassemblent et je n’ai rien dit en secret. JN 18-20. Chaque jour, j'étais dans le temple avec vous et vous ne m'avez pas arrêté. Mais

c'est pour que les écritures soient accomplies, MC14-49

En Marc 14-50, dans la bouche de Jésus, les écritures/Ecritures

seraient les présages divinatoires, en conformité avec la langue

akkadienne :

La divination, la volonté de déchiffrer les présages et de pénétrer le code graphique propre à la sphère divine, jouerait-elle un rôle moteur dans l'invention (de

8 L'évangile de Judas, papyrus Tchacos, Champs Flammarion 2008

9 ERATHOSTHENE Le ciel, mythes et histoire des constellations, sous la direction de Pascal

Charvet. Nil 1998, p. 57, 213,

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l'écriture) ? L'un des deux verbes sumériens pour dire "écrire" est hur dont le correspondant akkadien eseru fait référence, notamment, à l'inscription par les dieux

des présages divinatoires ; on sait, par ailleurs, que le dieu du soleil s'ingénie à écrire

sataru, les présages. Signes d'écriture et présages ont en commun, en outre, de

susciter par leurs configurations respectives ce qu'ils désignent10.

Selon Jean-Jacques Glassner, les devins mésopotamiens accordaient

aux signes traduisant leurs présages leurs valeurs de prononciation

courante. Nous sommes là exactement en présence de la fonction

performative de la parole égyptienne11. Le locuteur assyrien est créateur

par sa parole, il crée en nommant.

En sumérien, le signe KUR noté par trois encoches désignait la

montagne non comme la somme de trois unités, mais comme un

ensemble. Intuition du trois, père-mère-enfant, la notion de triangulation

œdipienne était en gestation dès les pictogrammes du -IIIe millénaire,

donc présente dans la pensée en marche figurée par le signe géométrique

de la nourriture, le signe de la femme, le triangle pubien des signes de

Sumer. La constellation Delta à trois étoiles, située juste au-dessus du

Bélier, indique que dès le IIe millénaire, l'idée de montagne était associée

à celle de triangle dans un traité égyptien :

Toth a transcrit au ciel avec ses constellations, la terre avec son contenu et ce que

crachent les montagnes, ce qui est irrigué par les flots12

.

Le trois de la triangulation vitale écrite dans le signe sumérien de la

nourriture, représentant de la valeur numérique de la lettre guimel,

troisième lettre de l'alphabet écrite et lue gml évoque le mot hébreu

gomel, celui qui fait le bien, tout en présentant la dualité richesse et

pauvreté comme si la mémoire du signe sumérien KUR désignant la

montagne se retrouvait dans le discours sur la montagne prêté à Jésus

Heureux les pauvres, car le royaume de Dieu est à eux, LC 6-20, MAT 5-3.

Un millénaire avant Jésus-Christ, la constellation Delta, la lettre

hébraïque daleth, la triangulation père-mère-enfant, l'analogie de la

fécondité du ciel et de la terre, évoquant la porte de la tente pour la

rencontre sacrée, auraient donc une ascendance commune dans les ciels

étoilés de Mésopotamie et d'Egypte. Le dieu Bélier des deux cultures dicta

par la suite aux Grecs l'invention d'un dieu portant les cornes d'un

bélier13, celui-là même qu'Abraham avait sacrifié à la place de son fils

Isaac.

10

Jean-Jacques GLASSNER Ecrire à Sumer, l'invention du cunéiforme p. 258, Seuil 2000 11

Frédéric SERVAJEAN Les formules des transformations du Livre des morts à la lumière d'une théorie de la performativité. Institut français d'archéologie orientale, 2004. 12

AMENOPEH, L'Onomasticon, XXIe dynastie tanite, 1085-950. 13

Pascal CHARVET Eratosthène, le ciel, mythes et histoire, des constellations, p. 101, Nil éditions 1998

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La paternité divine est un concept qui fut élaboré au cours des

millénaires à partir de la paternité du chef de clan, puis de Pharaon,

confirmé dans son pouvoir royal avec la racine hs, ie*√mn/man de

l'humanité.

La maternité fut divinisée au cours de ces très longues périodes

comme un don du ciel, un prodige de la nature, ce que la rationalité et la

biologie appellent une réalité. Il s'agit d'un réel incontestable qu'aucune

civilisation de l'Antiquité ne contesta à la femme en tant que lieu de

gestation d’une descendance dans son rôle de transmettrice14 d'humanité

par le langage, une nourriture plus essentielle que son lait. C'est la raison

pour laquelle elle était divinisée, prestige qu'elle perdit tardivement,

lorsque, pour des questions de traductions de langue à signes entre elles,

cunéiformes et hiéroglyphiques, puis entre langues alphabétiques, et à

travers des pratiques cultuelles diversifiées dans certains temples, elle

fut accusée d'avoir fait chuter l'homme.

La maternité n'est pas un concept. C'est pourquoi la seule filiation

reconnue par le peuple hébreu était la filiation maternelle, la mère juive

dont on est sûre, alors que le père peut être incertain. C’est pourquoi

selon la loi de Moïse, le bâtard était exclus de la communauté divine.

Le nom de Jean l'évangéliste

Le nom de Jonas dans sa forme hellénisée iôna, yonah en hébreu est

un anagramme de Iôan, le nom de Jean15. Un drame est caché dans le jeu

de mots sur le nom de Jean qui prête à Jésus des propos à interroger

concernant son antisémitisme, lui, l'apôtre juif parlant des autres, des

étrangers :

Si mon royaume était de ce monde mes gens auraient combattu pour que je ne sois

pas livré aux Juifs, JN 18-36.

En Marc 1-9, la voix qui descend du ciel comme une colombe est un

jeu de mots sur deux noms propres. En effet, la métathèse sur les deux

noms - Jonas-Iôna, et Jean-Iôan - présente l'anagrame d'un troisième nom,

Onias, dernier grand prêtre légitime, jadis déposé, puis assassiné.

Le signe de Jonas tel qu'il est mis dans la bouche de Jésus peut

exprimer du point de vue ultérieur des scribes évangéliques, l'élection

divine de Jésus par son père du ciel racontée dans un style quasi-

magique, propre aux pratiques écrites et aux croyances à la magie propre

aux mentalités de son temps. Et en effet, le sens crypté par les tout

premiers scribes évangéliques, Marc en particulier, visait à restaurer la

légitimité des familles sacerdotales au sein desquelles la tradition

14

En langue française, ce néologisme est un hapax qui parle pour lui-même de l’absence de féminin grammatical à ce masculin. 15

Christian AMPHOUX "Le problème de la vie de Jésus" in Dieu parle la langue des hommes, p. 132, Ed du Zèbre 2007

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désignait les grands-prêtres. L'opposition entre Marc et Jean est rarement

soulignée.

Le point de vue défendu dans le présent texte renvoie à la révolte

nationaliste de Judas le Galiléen dans la fonction attribuée au personnage

de Jean le Baptiste qui veut réformer le sacerdoce dans le sens donné par

Isaïe : J'envoie mon messager devant toi pour préparer ton chemin,

Une voix crie dans le désert

Préparez le chemin du Seigneur, Rendez droits ses sentiers, IS 40-3.

Marc ne mentionne pas le signe de Jonas, il remonte à Isaïe pour

ouvrir son évangile, MC 1-1, epheta en hébreu, efta en arabe moderne. Il

applique ses textes, Ezéchiel

J'ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau, EZ 3-2

Il s'agit bien chez Marc de la réponse à donner à l'appel de Yahvé qui a

parlé au cœur d'Isaïe Réconfortez, confortez mon peuple,

Et proclamez à son adresse

Parlez au cœur de Jérusalem Que son service est fini

Que son péché est expié,

Qu'elle a reçu de la main de Yahvé Double punition pour tous ses crimes, ES 40-1

Le cryptage des évangiles, Jean, Matthieu et Luc, touche à la révolte

fomentée par Judas le Galiléen, rendue imperceptible par les effacements,

ajouts et corrections ultérieures16.

Il apparaît que le signe de la colombe qui descend du ciel, descendre =

yarad, dont la racine est celle du nom du Jourdain, désigne le baptême

d'eau, lien culturel avec le bain rituel de purification pratiqué par les

juifs. Le nom du Baptiste, Iôan, Jean, apparaît alors comme le chaînon

entre le renouvellement du sens de la purification intérieure, le baptême

d'eau, inséparable de la purification par la parole, prêchée dans les

synagogues par Jésus qui fait vivre les textes, en animant la Torah écrite,

travail de la Mishna. Les juives renouvellent régulièrement les bains

rituels, les Chrétiens renouvellent les promesses de leur baptême à l'âge

de faire leur barmitza, la symbolique est identique, mais ce qui apparaît

là est l'usage doctrinal et théologique de la spécification initiale donnée

par la nature qui a différencié les sexes en un temps si lointain dans

16

Pour les recherches sur l'histoire des textes et les versions du texte de Marc, cf Christian AMPHOUX, CNRS, "Evangile de Marc", 1999, Mélanges de sciences religieuses, Revue trimestrielle n° 56, 1999, Université Catholique de Lille, 6 bd Vauban, BP 109, 59109 Lille. Christian AMPHOUX, in CORPUS CHRISTI, une série de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. Enquête sur le nom de Jésus. DVD GCT 452. 1997-1998, la Sept Arte, Archipel 33.

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l'évolution des espèces qu'il donne une idée du temps cosmique appelé

parfois éternité. Le judaïsme et le christianisme ont des conceptions

opposées concernant le corps, la vie, les liens du mariage, le

renouvellement des générations dans l'humanité, et c'est sur ce point que

l'avenir devra ouvrir un nouveau livre pour y écrire ses promesses. Ici, les

femmes juives et les femmes chrétiennes sont unies comme des sœurs,

mano nella mano à toutes les femmes voilées et violées du monde entier

où sous couvert d’un mariage socialement reconnu, tous les abus sont

passés sous silence.

Jean, Iôna, reprend la tradition mosaïque des Nombres, NB 14-22, Dieu

pardonne parce que Moïse lui demande pardon. Les rituels de purification

par l'eau arrivés jusqu'à aujourd'hui, différenciant les hommes et les

femmes, ont pour signification symbolique de reproduire pour mettre en

évidence ce qui se répète au quotidien dans la vie humaine,

l'imperfection, l'incomplétude, l'inachevé, le manque, l'insatisfaction,

l'espoir, le mythe de la terre promise, Jérusalem, la ville, la mère.

Le personnage de Jean-Baptiste reprend les Ecritures de l'écriture de la

vie, il allie la marche à la démarche vers l'avant, un renoncement pour

emporter la faute par le geste, le bain rituel dans le Jourdain, la source, la

rivière, l'eau vive du fleuve étincelant de la pensée et de la parole, la

transmission biologique des perceptions vécues in utero, puis autrement

à ‘âge adulte, la fidélité à l'alliance. Rites et liturgies se métaphorisent

selon les cultures et les langues, l'alternance de l'oral et de l'écrit, ils ont

la même fonction, mais leur sens se fige s'ils ne sont pas réinterprétés et

reformulés inlassablement, en fonction de l'évolution des mœurs et de

l’affadissement des tabous langagiers, et malheureusement des lois qui

ne sont pas toujours mises correctement en accord avec leur temps. Et

encore moins les comportements.

L'écriture des Nombres, NB 14-22, développe le débat entre Moïse et

Yahvé en colère parce que les hommes l'ont mis à l'épreuve, DT 6-16, sans

écouter sa voix, mise en garde réitérée par Matthieu et Luc, dans la

bouche de Jésus.

La fonction métaphorique de la colombe est dans la pureté et la

blancheur de son innocence, trahie, ensanglantée, livrée par le trafic,

se’orah en hébreu, les jeux de mots, les langages truqués, les textes

originaux modifiés par les scribes, le sacrifice de volatiles vendus comme

des indulgences pontificales sur le parvis du Temple de Jérusalem.

L'acheteur est dispensé grâce à sa richesse de faire la démarche

intérieure, soi-même sur soi-même, un peu comme le jeune homme riche

de l'évangile de MATTHIEU 12-22, qui s'en était allé fort tristement car il avait

de grands biens. La bête offerte en sacrifice faisait le travail de

propitiation à la place de l’homme et le dieu pardonnait.

Ce jeune homme riche n'avait pas connaissance de l'arbre

généalogique des alphabets protosinaïtique, paléosinaïque et

sudarabiques (yéménite) sans doute connus des scribes de Marc, la lettre en

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forme de loupe semblable au koppa grec, le trou de l'aiguille, notre y, le

yod offert à Salomon par la reine de Saba venue lui rendre visite avec ses

singes et ses paons. Il aurait été difficile de faire passer un chameau dans

cette noble lettre déposée par la huppe dont il est question au verset 28

de la sourate La Fourmi. Il ne savait pas, ce jeune homme riche, que le

guimel hébraïque était déjà incompatible avec le digamma tôt disparu de

l'alphabet grec. Il était resté en hébreu dans le vav avec sa fonction

inversive, signe syntaxique du lien temporel qui unit l'avenir au passé

pour l'accomplir (l'écrire) mais aussi conjonction de coordination entre

l'homme et la femme, car il fut écrit que toutes choses devaient

s'accomplir selon les écritures. Mémoire du hiéroglyphe égyptien mt,

symbole de virilité, lien d'amour et de fécondité, dont l'image fut

censurée par Epiphane de Salamine. Mémoire du verbe akkadien « écrire

les présages divinatoires » pour accomplir le désir des dieux du ciel, les

astres divinisés.

Les sacrifices d'animaux dispensaient l'offrant de faire la démarche

qui consiste à ne pas rester figé sur soi-même dans la culpabilité, car c'est

elle la source qui déchaîne les pulsions de vengeance et d'exclusion de

l'autre. L'enjeu était le pardon divin, au prix soit d’un taureau pour les

riches, d'une colombe pour les pauvres, métaphoriquement pour les

sages, d'un effort sur soi. La nouveauté était apparue avec le prophète

Amos.

Pardonne la faute de ce peuple selon la grandeur de ta bonté tout comme tu l'as

traité depuis l'Egypte jusqu'ici, NB 14-19. Yahvé dit : je lui pardonne, comme tu l'as dit. NB 14-20

Je hais vos fêtes, quand vous m'offrez des holocaustes, je n'en veux pas, AM 5-22

Que le droit jaillisse comme les eaux, et la justice comme un torrent intarissable, am 5-24

Avec Moïse, l'homme biblique était devenu capable de pardonner

parce qu'en lui, Dieu parle la langue des hommes, ce que Freud, sans

illusion sur les phénomènes de répétition, appellera le désir. Mais

longtemps après Moïse, le désir de l’homme continuera à être confondu

avec le désir d’un dieu à qui les hommes prêtaient leurs sentiments de

vengeance, de colère et de guerres, pas toujours d’amour, parfois de

pitié. La métaphore de la colombe qui, en MARC 1, accompagne la voix

divine soutenant la démarche du baptême d'eau pour humaniser la

transmission à la manière humaine, est trop souvent limitée aux mots qui

présentent cette métaphore comme un fait historiographique en oubliant

la réalité historique du bain rituel, exprimant un désir de purification

dans le judaïsme. Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. A

l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'esprit comme une

colombe descendre sur lui. Et des cieux vint une voix : tu es mon fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir, MC 1-9+

11/38

L’apologétique chrétienne des gens simples a fait de l’image « comme

une colombe », une vraie colombe. C'est ainsi que, dans un passé encore

récent, les petites maîtresses dans les écoles coptes enseignaient aux

petites filles que Jésus, enfant, pendant la récré, modelait des petits

oiseaux avec de la terre glaise pour les autres enfants. Il faisait un gala-

gala en soufflant sur ses modelages et, magiquement, les colombes

s'envolaient vers le ciel17. Elles ne savaient pas, les Coptes, que le signe

de Jonas, c'était beaucoup mieux que la venue du Gala-gala dans les

goûters d'anniversaire parce que les Egyptiens, leurs ancêtres, étaient

animistes et qu'ils adoraient les jeux de langage. C'est pourquoi

l'évangéliste Luc, médecin, était plutôt exorciste, une fonction issue du

sumérien mash = présage, mash-mash = exorciste18, une relique

expressive et grammaticale précieusement conservée depuis l'exil à

Babylone.

Le signe de Jonas est crypté dans une langue étrangère qui n'est ni du

grec, ni de l'hébreu, mais une agglutination de plusieurs langues, comme

en sumérien, selon des modes de pensée qui nous échappent parce que

les modes de cryptage ont changé. Le sens métaphorique de la voix qui

tombe du ciel comme le faucon Horus égyptien qui fonce sur une brebis

pour l'emporter n'est jamais explicité dans la tradition catholique

autrement que comme phénomène réel miraculeux. Le nom de la plante

éphémère qui avait donné tant de joie à Jonas en le couvrant de son

ombre pour le délivrer de son mal, JON 4-6, avait été oublié par les peuples

de l'oralité. Les Hébreux parlaient toujours en métaphores pour évoquer

cette chose si présente dans leurs rêves qu'elles préoccupaient les prêtres

qui en avaient fait une fonction sacerdotale, tant en Mésopotamie qu'en

Egypte. La trace de la détresse vécue par Jonas à son réveil ne s'était pas

effacée des écritures, sa colère avait obscurci l'onomastique royale de la

botanique antique à laquelle les hommes donnaient un nom divin, aisé à

retrouver en remontant l'historiographie des Lumières dans l'arbre

effeuillé de la connaissance, présent dans l'Herbier du Roy, conservé au

Jardin des Plantes ou dans la botanique égyptienne qui cache encore

quelques secrets dans ses hiéroglyphes.

Dans la taxinomie des œuvres de la création, Freud avait classé la

normalité du rêve d'inceste parmi les visions oniriques masculines

œdipiennes.

17

En arabe moderne d'Egypte, le gala-gala, c'est le mash-mash mésopotamien, le prestidigitateur que l'on invite les jours de fête pour le plus grand bonheur de tous et pour évoquer la mémoire syntaxique du superlatif sumérien rendu par la gémination de la consonne ou de la syllabe. Cette pratique phonique fut reprise par les Grecs qui l'écrivirent dans la gémination expressive des consonnes, au sujet de laquelle les hellénistes ne donnent pas d'explications, peut-être par négligence, peut-être par ignorance de la rhétorique biblique et de l’emploi des langages analogiques pourtant si pratiqués en araméen. 18

Lucien-Jean BORD Petit lexique du sumérien p. 99 Geuthner 2001

12/38

Quand on trouve dans un rêve la figuration d'un fait qui est commun à deux personnes, cela indique ordinairement qu'il faut chercher autre chose qui est commun

aux deux, et qui demeure caché parce que la censure en a rendu la figuration

impossible19

.

Freud, né par Amalia Bernay sa mère dans une lignée de rabbins,

aurait fait sa découverte grâce à une grande connaissance du

fonctionnement de l’analogie par la métaphore dans la langue biblique

que lui enseignait son père, langue sainte, dira-t-il, qui lui était plus

familière que la langue véhiculaire en Moravie. Sans la connaissance

de six langues étrangères qui s'entremêlaient dans les rébus de ses

propres visions oniriques, il n'aurait pas entendu la plainte des jeunes

filles hystériques de Vienne dont les jambes étaient paralysées par

l'ignorance et la terreur inspirée par l'inconnu. La connaissance de la

différence entre un homme et une femme, la réalité du rêve et

l'invention des leçons reçues de traditions antiques, était née comme

un arbre dans l'abîme linguistique qui séparait le sumérien du néo-

babylonien ramené de l'exil par ses ancêtres et du tchèque de sa nanny

catholique.

Freud avait découvert la clé des racismes inhérents à la nature

humaine qu'à défaut d'autre mot, il appelait pulsions. Il savait que la

haine précède l'amour dans la genèse du petit d'homme qui voit

disparaître sa mère de son champ visuel20.

Ceci se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain

La croyance à la résurrection d'un mort dans sa mémoire, la fille de

Jephté, Lazare à Béthanie, Jésus après sa passion, fait abstraction de la

métaphore cachée dans le mot résurrection, tel qu’il apparaît dans les

contextes des écritures antiques, sumérienne, akkadienne, hittite,

hourrite, louvite, ougaritique, égyptienne, hébraïque, araméenne.

La langue grecque avait modélisé ce phénomène dans la résurrection

d'Adonis au printemps sous la forme d'une fleur jaune.

La fille de Jephté, yifetah, n'avait-elle pas ressuscité dans le

personnage d'Iphigénie, offerte en sacrifice à Artémis par Agamemnon,

son père ? A moins que ce ne soit la légende d'Iphigénie qui aurait été

translittérée tardivement du phénicien ou du grec en hébreu dans le livre

des Juges ?

Dans l'évangile de Marc, la guérison du sourd-muet est une

résurrection du nom de Jephté, le Galaadite, un vaillant guerrier, le fils

d'une prostituée. Jésus lui toucha la langue : puis levant son regard vers le ciel, il lui dit : Ephepheta,

ce qui veut dire, ouvre-toi, MARC 7-34

19

FREUD L'interprétation des rêves p. 277, PUF 1926 et 1967 20

FREUD Métapsychologie 1915. Folio 1968, p. 42

13/38

Jephté, le fils d’une femme sans nom, sacrifiera sa fille qui mourra en

restant pour la postérité, la fille sans nom de son père. Et l'homme parla

comme avait parlé Yahvé à Ezéchiel enfermé dans sa maison, sa langue

collée à son palais, muet, mutique par la volonté du ciel. Et ce fut un

signe pour la maison d'Israël. Ez 3-24, 4-3. Couché sur le côté gauche21,

comme Pierre frappé au côté dans un rêve, Ezéchiel avait pris sur lui,

comme Damqî, le péché de la maison d'Israël, EZ 4-4. Le performatif à

gémination du phi grec ephpheta marquait son origine superlative

sumérienne, pour indiquer que l’ouverture était double, libérer la parole

et ouvrir son oreille à l’autre, voir, parler, croire, entendre. Les aveugles

voient, les boiteux marchent, les muets parlent, les oreilles entendent,

alors le ciel s’ouvre et la magie envoie une colombe pour approuver le

bain rituel et le baptême dans le Jourdain. Toucher la langue est bien la

grande leçon de linguistique que Jakobson enseignait avec le son et le

sens.

Et la vérité venait au jour comme s'ouvrait le ciel d'Eratosthène quand

les nuages s'estompaient pour faire apparaître l’importance des présages

reçus des devins qui observaient la vie des étoiles. Les signes du ciel

dictaient leurs mythes aux hommes, l'invention de l’écriture suivit pour

exprimer le désir du sacré chez les hommes. Dans le désert du Sinaï où

Moïse errait avec les Hébreux, lorsque la nuée s'élevait, le peuple levait le

camp, NB 9-20.

Alors, la pensée humaine faisait une avancée. Et dans l'épaisseur de

leurs forêts, les recluses des monastères féminins du Moyen-Age

ouvraient les yeux pour entendre dans les oracles chaldaïques le cryptage

secret du chiffre de la différence entre les remparts d'une citadelle et une

prison, un hôpital psychiatrique et une université française.

Et le livre s'ouvrait dans le ciel du désert pour que les Hébreux

dans le camp organisé autour de la tente, puisse voir l'Etable, un espace

entre deux étoiles, attaché à une longue tradition pastorale populaire, son

apparition dans le ciel était le signe d’un temps clément. L’Etable, un

espace dans le ciel sur la carapace du Crabe n’était pas un trou noir, mais

un espace nébuleux entre deux petites étoiles, les Anes, était la nuée qui

parlait au peuple et le peuple levait le camp et repartait. Elle constituait

sans doute la métaphore amoureuse d’un poème mésopotamien dans

lequel figure le roi d’Isin,

O Innin, lorsque tu seras ENTREE en l’Etable, l’Etable : O Inanna, sera joyeuse devant

toi.

O hiérodule, lorsque tu seras ENTREE dans la Bergerie, la Bergerie, Inanna, sera

joyeuse devant toi.

21

René LABAT, Traité akkadien de diagnostics et pronostics médicaux, Paris-Leyde 1951.

14/38

Lorsque tu te seras approchée des mangeoires, les honnêtes brebis déploieront

devant toi leur laine22.

Les trous rois mages de grand matin avaient suivi le train de leur

comète qui les avait guidés jusqu’à La crèche de Bethléem, la maison

pain, ce que savait Eratosthène puisqu’il l’avait écrit en grec, à

Alexandrie.

Jésus parlait à ses brebis qui le reconnaissaient à sa voix.

Enfermement disciplinaire, enfermement de la personne

Quand le cancer ronge l'âme du monolingue prise dans l'enfermement

des catégories d'Aristote, des statistiques, de l'observation des

comportements, de l'imagerie cérébrale, de doctrines et de dogmes

engramés dans l'enfance, il la dévore comme la fureur du feu quand il

s'empare du chaume d’un toit.

Toucher la langue, c'est déstructurer les jeux de langage de

l'inconscient qui parlent dans la parole vivante pour entendre dans la

voix du locuteur, son intention secrète de communication, ce que

découvrit Freud, yiddishophone, petit-fils, arrière petit-fils de rabbin,

imprégné de tradition talmudique, en prêtant l'oreille au désir

inconscient de ceux et celles qui, sur son divan, voulaient éviter de

sombrer dans le non-sens.

Ainsi parle le seigneur Yahvé : quiconque veut écouter, qu'il écoute, et quiconque

ne le veut pas, qu'il n'écoute pas, car c'est une engeance de rebelles, EZ 2-27

L'engeance de rebelles est le chaos des traces contradictoires du passé

qui habitent l'inconscient. Les langues humaines s'ouvrent aussi quand on

consulte les bases, les racines, les étymologies, la phonologie historique,

les mythes, les légendes, l'histoire, les silences, les graphies en contact,

les traductions, les interprétations et le désir de cacher la vérité aux

enfants parce qu'elle est trop triste. Mais le pire est, au sein des

hiérarchies masculines, le désir individuel de dominer les femmes afin de

mieux les rabaisser. C'est ainsi, qu'au bas Moyen-Age, les grandes familles

aristocratiques enfermaient les filles excédentaires dans les monastères

féminins pour éviter le morcellement de leurs terres et préserver la

conservation de leurs privilèges et de leur patrimoine légué au fils aîné,

héritier du titre de noblesse.

La grande diversité des formes d'enfermement malmène aujourd'hui la

modernité sociale et universitaire quand elle confond les missions et les

colonisations, l’éducation, l’accueil et l’intégration, le carcan idéologique

des traditions hellénistes et les anachronismes d'interprétation des

rapports de missions mal déchiffrés. Si ces témoignages du terrain

parvenaient au sommet des hiérarchies qui les recevraient tronqués, ils

22

S.N. KRAMER Le Mariage sacré, Berg International 1983, p.123.

15/38

ne seraient pas décryptés à cause de l’abîme qui sépare le pavé d’en haut

et la terre battue d’en bas.

Ouvrir la langue des présages écrits en cunéiforme, voilà bien un

travail pour philologues, sémanticiens, exégètes et historiens en quête de

sens et d'origine sur les vérités perdues à retrouver pour les faire

partager aux historiens des religions et vice-versa. L'enfermement

universitaire dans une institution qui a supprimé les langues antiques des

cursus a érigé des remparts entre les langues mortes et les langues

vivantes en faisant abstraction de la mémoire neuronale qui a enregistré

la diversité des langues que les prophètes appelaient Babel et Freud

l'inconscient phylogénétique. En médecine néonatale, il s’agit de la

genèse de l’ouïe fœtale. L'histoire des peuples et des religions n'est pas

une succession de faits et de dates, elle est un vivier de savoirs endormis

qui nécessite une remontée aux sources des langues mortes des

civilisations disparues dont sont issus nos enfants bien vivants issus des

guerres de libération.

Par conséquent, l'enjeu est grave, il s'agit pour chacun d'assumer les

séquelles de l’existence dans son inéluctable singularité. Il nécessite un

travail collectif, une solidarité, une traversée des cultures, un partage des

connaissances, des croyances, des sciences, une nécessaire

transdisciplinarité institutionnelle et scientifique avec de la modestie et

du bon sens. Et c'est bien là que le bats blesse. La transdisciplinarité est

conspuée par la réaction qui n'a pas entendu la grande complainte des

étudiants rassemblés au printemps 2009 sur le parvis de la chapelle de la

Sorbonne mais encadrés par les forces de l’ordre, promues sentinelles

armées d'une jeunesse désarmée, ethniquement hétérogène, angoissée

par le chômage et l’injustice sociale.

Les horloges de la Sorbonne ne sonnent plus depuis longtemps, ses

aiguilles arrêtées donnent l'heure de la mort de ceux que Pierre Teilhard

de Chardin appelait les fixistes qui n'avaient pas compris que l'enjeu de

l'existence de l'homme est au Cœur de la Matière, le langage, la langue, sa

langue. Un ensemble d'énergies, de créatures palpables, sensibles,

naturelles, pèsent comme un fardeau, le joug posé sur la grande famille

humaine dont les langues et les langages sont aussi mouvants que le sens

unique du temps d'une seule vie sur la même terre.

Yifetah, le nom hébreu de Jephté, voilà bien un mot dont le

phonétisme sonnant en consonnes pourrait bien partager son étymologie

avec ephpheta = ouvre-toi, ouverture pour laquelle il faut la clé moufta en

arabe, l'oracle sur Ninive offerte dans le livre de la vision de Nahum.

Et Toth, dieu des écritures, protecteur des rêves et du comput du

temps des femmes dans les temples de Pharaon et du Grand Roi, prend

son clou pour écrire dans l'argile en tèt et en sept (7), que Yahvé est une

citadelle au jour de la détresse.

16/38

Alors, d'un lieu si lointain que nul n'en a souvenance, Mafdet, la

déesse de la joie et de la musique se met à danser au son du fifre23 devant

Pharaon pour le soutenir dans sa rude épreuve. L'étymologie de son nom

qui repose sur la base *√mn surgit de la langue égyptienne pour évoquer

les affinités entre les langues chamito-sémitiques et indo-européennes. La

permanence de la botanique dont l'efficacité soutient la biologie de

l'humanité, *√mn, de l'homme, *√mn, le nom de la plante sacrée, *√mn, le

nom de Ménès s'écrit sur *√mn, premier roi mythique prédynastique dont

aucun égyptologue n'a encore pu prouver l'existence. Ce qui est resté du

passé, c'est l'homme-et-femme-créé dans sa capacité à engendrer une

descendance, la déesse de l'amour, Mafdet, dont le nom mn fut créé à

partir du nom mn de la plante sacrée, la pomme de silphium, l'Or des

dieux24.

Le hiéroglyphe égyptien montagne pouvait se lire mn, celle qui rend

stable et permanent dont l’épithète convenant parfaitement à la déesse

prêtant main forte au pharaon âgé lui rendait sa vigueur d'antan. La

stabilité et la permanence du signe sumérien KUR représentant un

ensemble de trois doigts, une mesure de longueur à Sumer, confirmait

une vision universelle propre à la pensée préhistorique d'avant l'écriture,

la triangulation œdipienne père/mère/enfant du signe triangulaire

sumérien du pubis, à valeur sémantique de la nourriture et de la femme.

Dans l'appellation mn, montagne et nom de la déesse Mafdet, il

faudrait voir le point de départ du terme méni, nom du roi Ménes,

Wédéni, fondateur de la monarchie égyptienne, dynastie zéro, celui qui

est rendu permanent, nom donné au monarque en vertu de sa vigueur

renouvelée grâce au silphium et au concours du lynx divinisé. Avec le

temps, cette épithète aurait été prise pour un nom, puis attribuée au

premier roi solidement installé, stabilisé, *√st, sur son trône. Ce passage

23

L'hébreu gil signifient exulter d'allégresse, bondir, jouir, se réjouir, jubiler. Le verbe égyptien khen peut être traduit par danser et voler s'il a son déterminatif "homme dansant", mais il signifie aussi "faire de la musique" au moyen du sistre. 24

Antoine MEILLET décrivit la formation des noms propres à partir des noms communs en indo-européen. On voit mal pourquoi la formation des noms communs dans les langues sémitiques suivrait un itinéraire différent. Le dieu indo-iranien Mitra, Le Journal Asiatique, tome X, Jui-Août 1907. La plante sacrée, l’aphrodisiaque silphium, appelée drogue couleur de cornaline, et aussi parfum lybien, (car dans la théologie d'Esna, Neith, déesse primordiale qui créa le monde de sa parole était libyenne) présente une supériorité sur le luncurium qui a le pouvoir de dégager un fort parfum de musc très apprécié dans l'Antiquité. Une ressemblance avec des mots égyptiens qui désignent simultanément le sceptre royal ouas w3s et l'arbre sh ws sous lequel git Horus à qui Seth vient d'arracher les yeux, arbre évoquerait pour les Egyptiens les perles de cornaline à cause de ses fruits ronds et rouges utilisés pour les maladies de yeux. La valeur des verbes wss rejeter et ws mâcher était peut-être étendue au verbe ws3 engraisser, gaver et à w3s exalté, puissant, honoré, dès lors que la plante sacrée servait à engraisser les femmes dans les harems pour les rendre plus attrayantes tout comme les bêtes entravées dans les pâturages de silphium dont la viande était la meilleure. Cette plante, utilisée comme engrais agricole dans l'Antiquité égyptienne, est utilisée de nos jours, dans les cultures arabo-berbères pour la culture des mangues, mais également pour permettre aux femmes de prendre du poids.

17/38

de l'adjectif au nom propre permit à l'égyptologue Vinkentiev d’anticiper

l’avenir de la philologie

il s'ensuivrait que la découverte à l'aube pharaonique des vertus stimulantes du silphium aurait joué un rôle historique important en transformant la royauté à terme

en royauté à vie25.

La base universelle *√mn de l'origine, lieu géographique har en

hébreu, la déesse Sin, le Sinaï, la montagne, l'étranger de l’autre côté de la

colline, l'inconnue, la Marianite, l'Ismaélienne, serait l'objet divin

transitionnel tabou dont on ne prononce pas le nom. Le dieu féminin de

l'origine, tel le feu volcanique, allie le sacré et le maudit, l'homme et la

femme, la plante sacrée et la femme maudite. Le féminin originaire

associe la plante sacrée et le serpent Tiamat, une divinité sumérienne

amphibie. L’envahissement de la terre par l’eau du déluge racontée par le

Grec Bérose est accompagné de l’invention d’une créature mythique

Oannès, mi-homme, mi-poisson, sortie de l’eau pour révéler aux hommes

l’ensemble des connaissances qui fondent la civilisation. L’eau est celle

des commencements bibliques, le souffle de Dieu planait sur les eaux. Le

souffle, l’air, le vent sont les variantes textuelles figurant l’esprit, l’âme,

la respiration, la vie, ayant des divinités spécifiques destinées à les

représenter.

Sin26, divinité lunaire vénérée en Mésopotamie établirait par sa

dimension cosmologique le lien entre différentes théogonies fondées sur

l'idée de lumière nocturne, le désir, le renouvellement de l'espèce, la

différence des sexes et la tyrannie de la peur de l’obscurité, sacralisée en

tabou que Freud appelle la terreur sacrée.

Le monolinguisme de l'enfermement institutionnel qui ferme ses

portes à d'autres langages disciplinaires est un déni exemplaire de la

différence des sexes et de l'anthropologie la plus élémentaire dans un

effacement de la question existentielle sur l’origine, donc sur le fait

religieux.

La racine universelle *√mn, concept de paternité divine

Au IIIe millénaire, le processus d'élaboration du mythe dans son

véhicule phonique suivrait le processus linguistique suivant : le roi dopé

au silphium passe publiquement un test au cours de la célébration de son

jubilé pour donner la preuve de sa virilité27. Par la vertu magique de

l'efficacité symbolique, l'effet de l'aphrodisiaque mn est alors divinisé, le

nom commun silphium, mn, devient un nom propre, Mafdet, mn, la

25

Vladimir VIKENTIEV "Le silphium et le rite du renouvellement de la vigueur". Bulletin de l'Institut d'Egypte XXXVII, n° 1, 1954-1955 26

Il y a une parenté phonique entre la déesse indo-européenne Sin et la lettre hébraïque sin = dent ainsi qu’une confusion éventuelle sur le s à cause des différents systèmes phonologiques des langues naturelles, sin et shin. 27

Vladimir VIKENTIEV "Le silphium et le rite du renouvellement de la vigueur". Opus cité

18/38

déesse-lynx. Il s'écrit comme montagne, mn. Il existait parallèlement une

plante à effet inverse, le gattilier28, dont l’effet anaphrodisiaque était

connu des Egyptiens. Il apparaît dans un papyrus conservé au Louvre,

véritable petit traité de botanique religieuse à orientation médico-

magique prononcée. Pros et antis cohabitaient dans les Palais, les temples

politiquement et les harems, corrects et incorrects confondus.

La plante silphium est désignée par son effet médicinal et son aspect

oreilles, qui donnent son nom à la déesse-lynx29. Le pouvoir féminin de la

déesse transforme la vitalité royale en vitalité sacrée, le rituel fondant la

nature du pouvoir royal divinise l'accomplissement de sa fonction

d'engendrement, le père est dieu, créateur de vie, Pharaon divinisé tient à

la main la croix ansée, signe de vie. Ainsi, le concept de paternité divine

fonderait sa première apparition historique sur les bases pulsionnelles de

la phonation30.

La racine *√mn du concept de permanence en égyptien désignant la

royauté suit l'histoire suivante dans les langues chamito-sémitiques31 :

H.s.: *man = know, test

WEST TCHADIC: *man = know CENTRAL TCHADIC: *Man/*mun = understand, analyse

EAST TCHADIC = *man = mind

SEMITIC: *mVnVw = count, également en akkadien, hébreu, arabe

Dans les langues indo-européennes32 :

I.E. *MAN/MEN véhicule l'idée de rester, de stabilité

VEDIQUE : MA-MANDHI = impératif du verbe rester SANSKRIT : MAN = attendre, rester immobiliser

GREC : MENO = je reste, je tiens bon, (FORME ISOLEE)

LATIN : MANERE = rester, séjourner, demeurer, mansionarius = gardien, IMMANERE = RESTER DANS, PERMANERE = rester jusqu'à la fin

ANCIEN FRANÇAIS : manoir, manage = demeure, maisnie = gens de maison,

28

Thierry BARDINET « Osiris et le gattilier » ENIM 6, 2013, p.33-78 29

Vladimir Vikentiev indique que le lynx se prête admirablement à un rapprochement avec cette plante ombellifère si l'on prend en considération ce que le folklore disait à propos de cet animal : « un être aussi fantastique que le sphinx aux poils roux ». Toute une série de légendes rapproche étrangement la vue du lynx et la puissance de son urine (wss) qui se coagulerait au contact de l'air en devenant une pierre précieuse d'un éclat de feu. Dans toutes ces fantasmagories se perçoit l'écho de faits réels prélevés dans le quotidien de l'existence de ces populations qui vivaient en grande harmonie avec la nature. En effet, le liquide secrété par les reins du lynx ne faisait que remplacer dans l'imagination populaire le suc s'écoulant de la tige ou de la racine de la plante. Par une série d'associations prélevées dans le réel botanique et les légendes, Vikentiev en arrive à désigner le luncurium confondu avec la chair du lynx, associé à l'escarboucle et à la gomme couleur de feu, comme évoquant pour les Égyptiens leur pierre rouge semi-précieuse, la cornaline, évocatrice d'ivresse et de folie, qu'ils désignaient par le même nom que la plante (ws). 30

Ivan FONAGY La vive-voix, Essai de psycho-phonétique, Payot 1983-1991 31

Vladimir E. OREL & Olga STOLBOVA Hamito-semitic etymological dictionary, materials for a reconstruction, p. 19, Brill 1995 32

Xavier DELAMARRE Le vocabulaire indo-européen, lexique étymologique thématique, Maisonneuve 1984. R. GRANDMAISON d'HAUTERIVE Dictionnaire des racines des langues indo-européennes, Larousse 1994. Calvert WATKINS The american Heritage. Dictionary of indo-european roots, Houghton Mifflin Company. Boston NewYork 2000

19/38

FRANÇAIS MODERNE : masure, ménage, permanence, ANGLAIS : mind (IDEE DE stand still MAIS INCERTAIN)

Dans les racines universelles33 : Mana = rester sur place

Mano = homme

Mena = penser

Tout se passe comme si le champ sémantique de la racine *√man/mn

permettait d'aborder la première question posée à l'univers par l'homme

des cosmogonies les plus anciennes comme était le reflet d’un désir

inassouvi, inépuisable, liant l'universalité de la libido à la pensée

consciente dans un éveil de la pensée rationnelle. Le lien logique entre la

ratio latine, la ration du militaire et la pensée rationnelle de l’âme comportait en soi, une contradiction intolérable. Le t de ratio [ss] et le s

de raison [z] expliquerait cette anachronisme phonétique certes, mais

alors le rôle des voyelles écrites dans les langues indo-européennes se

trouverait aux prises avec le déchiffrage difficile parfois aléatoire des

langues sémitiques antiques écrites avant l’invention des points

diacritiques. C’est ainsi que la primauté de la Torah orale serait apparue

aux Hébreux dans un désir de fidélité à l’origine en vue d’une

conservation de la source originaire inconnue du langage articulé, la loi

de Moïse transmise par la tradition.

C'est ainsi que la question inépuisable de l'origine et de la fin, la

naissance et la mort, inséparable de l'idée d'une puissance divine, à

travers les millénaires, aurait peu à peu imposé l'idée de monothéisme

comme réponse et comme solution à l’angoisse de l’au-delà de la mort.

L'universalité énigmatique du phonème pourrait ainsi porter le nom

religieux de mystère sémantique tôt découvert par les humains lors de

l’invention de la première écriture. Ce mystère correspondrait au

questionnement de Claude Lévi-Strauss relatif à la 3e leçon de Jakobson : On peut se demander si tous les caractères du phonème ne resurgissent pas dans

ce que nous avons appelé les mythèmes : éléments de construction du discours mythique qui, eux aussi, sont des entités tout à la fois oppositives, relatives et

négatives, des signes différentiels, purs et vides34

?

La racine *√mn du hiéroglyphe de la montagne serait le pivot

phonique à partir duquel le mythe de Babel divisa les hommes, posant la

filiation mésopotamienne et pharaonique en Ménès, fondateur de la

royauté égyptienne. La référence à la question de l'éternel féminin

représenté par la déesse Hathor, déesse de la musique et de l'ouïe, déesse

d'Or serait agglutinée sur le mode mésopotamien des langues

33

Merritt RULHEN L'origine des langues 1994. Préface André Langaney, anthropologue. Belin 1997 p. 256+, 34 Claude LÉVI-STRAUSS "Les leçons de la linguistique" in Le regard éloigné p. 198, Plon. Roman JAKOBSON Six leçons sur le son et le sens, troisième leçon, Minuit 1976

20/38

agglutinantes, dans le Fruit d'Or mn de la pomme de silphium, fruit

dangereux de l'arbre de la connaissance au jardin d'Eden du Livre de la

Genèse.

L'ouïe étant première, les assonances de la langue égyptienne

précédaient obligatoirement leur graphie. Mn, la permanence, assonait

avec le verbe souffrir. Ainsi par homonymie, la permanence royale de

droit divin fut-elle confondue avec la souffrance du Pharaon méni dans

son grand âge qui évoquait par assonance le nom de la déesse Mafdet et

le fruit d'Or. La Vérité perdue tant recherchée dans les vieux grimoires par

les prêtres égyptiens des Maisons de Vie, interprètes des songes, apparait

comme une investigation philologique, anthropologique, la

problématique du bien et du mal, une question profondément rationnelle

et normale, source de folie, de pathologie mentale, de guerres

génocidaires et de recherche scientifique.

Pour le meilleur et pour le pire.

Le principe créateur commun à la transmission de la vie ET à la

transmission du langage par la mère utérine serait représenté par mn, son

et sens. Le pouvoir vital de fécondité serait écrit dans le hiéroglyphe de la

montagne mn dans lequel le discours sur (about) la montagne prêté à

Jésus dans les évangiles plongerait ses racines les plus archaïques dans la

nuit des temps. Les paroles qui lui sont attribuées constituent une

mémoire de sagesse universelle transmise par le peuple hébreu de la

terre des humains, nomades en quêtes de justice.

Les phonèmes m et t du hiéroglyphe phallus égyptien dans le culte de

Mithra se retrouvent dans les langues indo-européennes sous la forme du

mot avestique mithra = contrat35. L'appellatif divin Mitra serait formé sur

le degré zéro i.e. *mi d'une racine *mei/*moi que l'on retrouve dans

toutes les langues indo-européennes.

La racine *√wi de la force vitale est celle du ravissement, enlèvement

dans le phylum indo-européen, sanskrit vahah, latin, vir, vires, français,

violent, viol, violer. Un rameau européen a donné le latin rapere, raptum,

anglo-saxon rep (Pokorny 1 rep). Il pourrait s’agir de la racine la plus

ancienne ie *√wegh transporter, ce qui en psychanalyse peut être associé

à des motions intérieures dont il est rarement rendu compte et qui aurait

trait à ce qui se transmet exclusivement de mère en fille, une errance

psychique profonde d’origine phylogenétique où un ailleurs féminin

spécifique parle depuis un lieu inconnu de l’inconscient pour raconter

l’éternelle misère des femmes. Le raptus anxieux des psychiatres qui

mène leurs patients au suicide serait de la même famille que le

ravissement des textes antiques mais renversé en son contraire, et dont il

est question chez les grands mystiques comme Jean de la Croix, Thérèse

d’Avila et tant d’autres. L’idée de ravissement, enlèvement, être enlevé, se

trouve dans la 2e lettre de Paul aux Corinthiens où la corrélation avec

35

Robert TURCAN Mithra et le mithriacisme p. 11 Les Belles Lettres 1993

21/38

l’idée de résurrection, relèvement du verbe qum dans le toponyme

Qumrân semble évidente. L’origine de cette idée, une impression

d’expérience vécue, traversée par ce qui dépasse l’humain était déjà

présente dans le Texte égyptien des Pyramides, dans la notion

d’ascension. Il s’agit toujours de monter au ciel, chez Paul et dans la Bible

de monter au troisième ciel. En psychiatrie comme en psychanalyse, la

sublimation résumerait mais mal, l’application que les individus font de

l’idée de ravissement avec son envers, le raptus anxieux pathologique,

l‘opposition entre le vécu viril du viol avec son envers dit passif, le vécu

de la femme au cours d’un viol et dans ses séquelles.

Avec la racine sanskrite mayah = restauration, revigoration, il y aurait

un mystérieux lien originaire entre les éléments constitués par :

le sémitique mt du phallus, le signe hiéroglyphique du lien égyptien

la racine ie *√wi de la force vitale

la racine polysémique hs *√mn du nom égyptien de la déesse Mafdet

le mitra de la racine ie *√mei du contrat des indo-européens,

Le phonème-racine *mei commun symbolisant le lien-contrat entre les

trois racines, préparant l'évolution phonologique et sémantique vers le

latin munus, une racine à valeur universelle36 pour l’idée homme,

humanité, pensée, esprit, le pro-nom allemand man ?

Evolution darwinienne et permanence de la parole

Ainsi, le nom de la fille de Ré, Maat37, déesse de la Vérité, de la Justice

et de l'harmonie universelle pourrait, dans une écriture sans voyelles,

assoner avec mt. Du point de vue phonologique et sémantique, si les

consonnes du nom de Maat, la Vérité, ont une origine commune mt avec

le nom du dieu Mithra, il n'y a aucune contradiction avec la racine *mei

qui fonde le contrat, autrement dit le Serment biblique. « Mets ta main

sous ma cuisse » Gen 21-2, engage le premier serviteur d’Abraham en

signe de promesse solennelle à respecter ce geste, signe de contrat entre

les deux hommes. Le serviteur était sans doute le premier eunuque

d’Abraham pour qu’une telle confiance lui ait été témoignée par son

maître : aller dans le pays de son maître pour trouver une épouse à son

fils Isaac. Va dans le pays que je te montrerai …

La racine *√mn de man, produisant l'i.e. humanité/humilité à l'ère

chrétienne, appartiendrait à un ensemble d'universaux audio-phoniques

« incorporés », c'est-à-dire incarnés, et incarnatus est, COMME S'IL existait

parmi les cellules nerveuses totipotentes, spécifiques au cerveau et à

l’enveloppe de peau, des cellules nerveuses à vocation auditive

36 Merritt RULHEN L'origine des langues 1994. Opus cité. Préface André Langaney, anthropologue. Opus cité, p. 254 + 37

En égyptologie, la prononciation de son nom est transcrite par M3't

22/38

préférentielle, présentes, dès le stade embryonnaire, permettant la

totalité des phonèmes possibles dans les lallations du tout petit. Ces

cellules cérébrales et dermiques réceptrices de sensations sonores

transmis par la peau de l’embryon in utero et ce par phylogenèse. Elles

s'organiseront peu à peu en système à partir du modèle idiolectal

maternel utérin parvenu à l’embryon par conduction amniotique pour

structurer la singularité de l'inconscient individuel de l’être vivant in

utero mais pas encore humain. C’est pourquoi toute maladie peut avoir

une source somatique.

Nous sommes dans le comme si de la pensée analogique qui permet de

proposer des hypothèses nouvelles, de source perceptive et intuitive, au

risque de les voir s’éliminer d’elles-mêmes par la suite. La langue-culture

maternelle s'organise individuellement pour chacun autour de ces

universaux-pivots des cellules cérébrales embryonnaires, les mêmes pour

tous, aussi universelles que les cellules totipotentes qui deviendront des

cellules se spécialisant pour chaque organe. Le volume du cerveau fœtal

de quelques jours expliquerait son étonnante disproportion avec le reste

du corps.

Dans cette perspective, la métaphore maternelle prendrait tout son

sens dans la source de l'être et de son humanité marquée par l’ADN

mitochondrial, permettant de comprendre le lien biologique entre la

quête du langage et la quête de ce qui dépasse l’être, son désir, la

connaissance, le divin des trois monothéismes. Les croyants sont à la

recherche d’une origine unique, le Dieu créateur de l’univers et de sa

parole que l’être humain entend en lui-même dans sa propre langue.

La recherche de la loi de vérité à laquelle tout enfant et toute

civilisation tentent de trouver une réponse correspondrait à la présence

universelle de récepteurs incorporés, auditifs, phonématiques déjà

spécialisés par rapport à l’animal, comme la pigmentation de la peau,

responsables de l'appel d'air déclenché par la demande de lois par

l'enfant lorsqu'il pleure et ultérieurement, harcèle ses parents et maîtres

de ses questions. On comprend mieux ainsi l'approche de Freud sur Akhenaton et son

prêtre Moïse dans la naissance du monothéisme : Avec une implacabilité grandiose, il s'oppose à toutes les tentations de la pensée

magique, il rejette l'illusion chère aux Egyptiens d'une vie après la mort. Il se fait gloire

de vivre en Maat, justice et vérité38.

La racine i.e.*√mn qui, à l'ère chrétienne, aurait généré les termes

humanité/humilité, contient en germe le sens de menacer. Il est étrange

d'observer qu'en louvite, une langue indo-européenne parlée par une

ethnie hittite, le terme mun désigne le sel dont les trois évangélistes à

l'exception de Jean prêtent à Jésus l'énoncé suivant

38

FREUD Moïse et le monothéisme 1938 p. 140, Folio 1986

23/38

Si le sel s'affadit, qui donc le salera.

La métaphore mn/mun est littéraire, certes, mais on peut s'interroger

sur son origine en termes de jeu de langage chez les évangélistes, ml

renvoyant au terme grec meli = miel ?

Sur ton offrande, tu mettras du sel, le sel de l'alliance de ton dieu, LEV. 2-13, une

alliance consacrée par le sel, NB. 18-19

En égyptien, le même idéogramme, bît, désignait le miel et l'abeille et

il était écrit dans le nom divinisé de Pharaon « celui qui appartient au

roseau et à l'abeille », pour symboliser les aires géographiques nord et

sud de son pouvoir. Le couple sémantique orgueil/humilité n'est ni

égyptien, ni grec, il est un effet tardif du monothéisme commun au

judaïsme et au christianisme qui aurait conservé ces notions de leur

origine araméenne hébraïque commune.

Le monothéisme ne serait pas né par hasard au Sinaï, sur le mont

Moussa, il serait le résultat d'une longue évolution, faite de mutations

dans une longue et très ancienne tradition égyptienne et hébraïque :

Une croyance à l'existence d'une force divine indéterminée, impersonnelle, présente en chaque dieu, individuelle mais universelle et largement répandue au-delà

des diverses formes visibles [...] croyance très générale en l'universalité et l'unicité

d'un être divin, sans nom, sans forme 39.

Le dieu de la Bible était un dieu changeant, procédant par à-coups,

comme s’il était la réplique d’un souverain régnant dans l’ambiguïté

même de l’appellatif Seigneur. Le Seigneur est un dieu jaloux et vengeur, NA 1-2

Le jubilé de Pharaon au cours duquel le souverain faisant la preuve en

public qu'il était digne de conserver son trône en dépit de son grand âge,

soutenu par l'efficacité de la plante magique40, sans doute à l'origine de la

notion universelle de royauté héréditaire, est sans doute également à

l'origine de l'hérédité sacerdotale de la lignée des grands prêtres du

Temple de Jérusalem remontant à David.

Le pouvoir pontifical dit infaillible, serait un héritage linguistique

modélisé sur la tradition, âprement disputée par la suite par les nouveaux

maîtres du Temple soumis aux envahisseurs étrangers, puis après

Bysance, confondu avec le désir des rois avides de terres à conquérir par

la guerre menée au nom de Dieu.

Le peuple hébreu, au retour de l'exil, aura conservé la notion

mésopotamienne écrire/accomplir les présages divinatoires, après avoir

39

POSENER Dictionnaire de la civilisation égyptienne p. 87 § dieux, Fernand Hazan 1959 40

Vladimir VIKENTIEV "Le silphium et le rite du renouvellement de la vigueur". Bulletin de l'Institut d'Egypte XXXVII, n° 1, 1954-1955

24/38

abandonné les cultes aux divinités astrales et déplacé ces cultes vers la

parole des prophètes.

Dans les sources mésopotamiennes, la plante médicinale, le gattilier,

était utilisée contre les démons responsables de l’impuissance masculine.

Si ces démons se présentaient à nouveau, la plante grâce à ses vertus

anaphrodisiaques pourrait leur infliger en retour un trouble du même

genre dans la sphère uro-génitale41.

La pensée analogique qui inventa le poison de la magie qui aliène mais

aussi son contre-poison, seul connu de l’empoisonneur ou

empoisonneuse était pratiquée dans la médecine égyptienne antique.

Conservée par les femmes, la botanique antique est connue des femmes

de fellahs, les paysans très pauvres des villages isolés de Haute Egypte

aujourd’hui, elle supplante la médecine moderne, mais aussi la justice

qui n’est pas encore arrivée jusqu’à elles.

Ces traditions millénaires propres aux campagnes profondes ont été

transposées par les informaticiens de la cité des sciences à Paris. Une

puce implantée sous la peau peut ouvrir une porte, faire reconnaître son

login à son ordinateur. Le risque, c’est que l’on peut influencer des

personnes à distance avec ce type de puce, car ce qui va du corps vers les

machines peut aller des machines vers le corps42.

Les hommes des temps bibliques connaissaient le pouvoir interactif

des démons du langage car dans le Livre d’Isaïe, le prophète se plaignait

qu’il n’y ait pas de paroles qui ne lui reviennent sans avoir produit leur

effet.

Ses despotes hurlent, et sans cesse, mon nom est bafoué. Mon peuple va

apprendre mon nom … il va voir que c'est moi qui lui dis : Me voici.

Brutalisé, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à

l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui …".

Concordance biblique, la parole de Jn 1-1 est au cœur du débat du

temps présent.

De même la parole jaillie de ma bouche ne revient pas vide sans avoir

produit ce qui me plaît – sans avoir rempli sa mission. Is 55-11

Mise en situation, toute parole actualise pour le locuteur la fonction

performative de l'efficacité symbolique de la cure shamanique lors d'un

accouchement difficile43. Un concept statique, l'alphabet grec en tant que

série de signes vides est en question dès lors que l’inconscient met ses

41

ENIM, Thierry Bardinet. Opous cité, p. 49 42

Le MONDE, 22-11-2002. Le Monde interactif. Cité des Sciences. 43

Claude LEVI_STRAUSS « L’efficacité symbolique », in Revue de l’histoire des religions. Fév-Mars 1949 et Anthropologie structurale tome 1,lon 1954.

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émotions en paroles, l’acte éthique par le silence livre le son des mots, la

libido, l’émotion est alors utilisée par les tragiques grecs pour faire effet

sur le spectateur. L’acte locutoire élève l’auditeur ou l’interlocuteur ou il

le rabaisse, l’écart interactif est là, la souffrance peut y être cachée, de

façon perverse de part et d’autre, locuteur/auditeur.

Tout se passe dans les mots, et surtout la mort [...] mots précis dotés

d'un sens technique dans la langue religieuse ou sacrificielle, mots de lieux

du corps [...] tous ces mots de la langue, la tragédie les emploie et les

détourne pour en faire la trame d'un discours très audible qui, sous le récit,

parle encore et toujours de la différence des sexes44.

Le principe de l’analogie est de tous les temps, il est modulable à

merci, procédé immuable fonctionnant à la vitesse de la lumière. Il est

l’étincelle qui traverse l’esprit pour éclairer l’écart qui sépare la cause et

la conséquence, le bourreau et sa victime, l’impuissance de la justice face

à la montée spectaculaire des racismes dans le monde.

Sous l'influence de Toth, dieu égyptien protecteur des écritures, la

notion de présage se serait enrichie de l'idée de la force performative de

la parole orale, parole rituelle, parole maternelle, malédiction proférée

contre un être, incarnée dans sa mémoire neurale avec effet dans son

actualisation nommée prédétermination par Freud, prédestination dans la

Bible. Le verbe akkadien « accomplir les présages des devins » en passant

en hébreu araméen « accomplir les prophéties » sera rendu en grec

évangélique par « accomplir les écritures », expression fréquente dans la

bouche de Jésus. Il s'agit d’une analogie avec le principe freudien de

répétition et de détermination par la langue de la mère et son langage.

Les prophètes bibliques connaissaient bien la fonction prophétique de

l’écriture poétique.

Le désir de Ruth, sa fidélité à elle-même et à l'amour qui l'animait avait

été plus fort que la Loi. Elle est restée fille de Noémi dans les mémoires,

tout comme Jésus est dit fils de Marie, deux exemples parfaitement

contraires à la tradition judaïque45. La filiation de David fut sans doute,

au cours du procès de Jésus savamment reconstruit en grec dans l’après

coup, pomme de discorde qui avait caché le nom de la plante sacrée, le

fruit de l’arbre de la connaissance offert par la déesse Mafdet à Pharaon

pour permettre à l'humanité de survivre dans la descendance royale. Le

désir de Ruth l'emporta sur les silences des Sadducéens, tout comme la

fortitude du désir chez Antigone qui l'avait emporté sur le pouvoir

terrestre de Créon.

44

Nicole LORAUX Façons tragiques de tuer une femme. Hachette 1985, p. 12 45

Jules ISAAC Jésus et Israël Fasquelle 1948

26/38

Les paroles d'Isaïe, prédestinant la vie de Jésus aux yeux des

évangélistes, leur permirent la reconstruction d'un passé qu'ils n'avaient

pas connu.

Ce serait implicite chez Marc en 12-18 à 27 :

Yahvé n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes complètement dans

l'erreur, MC 12-27.

Les réprouvés Tu temple de Jérusalem profané par les armées de

Pompée, réfugiés dans le Temple des Pierres Vivantes de Qumrân

n’étaient pas « des morts », ils étaient des « survivants de l’enfer, qui

avaient survécu à la mort de leur vitalité sacrée. Ils avaient « surélevé »

leur esprit en déplaçant leur fidélité à Yahvé vers la fidélité du soleil à

faire mûrir les blés en inventant un calendrier adapté à leur latitude.

Reprise peut-être du faucon « surélevé » d’Horus, un hiéroglyphe

égyptien de l’Ancien Empire, Gardiner G 7, sur son « piédestal pour statues

divines, i3t », Gardiner R 12, une idée de la royauté représentée par les

supports utilisés pour le transport des objets de culte et les figures

divines à face zoomorphes, les hiéroglyphes eux-mêmes dans les

processions égyptiennes. Ce sont ces figures zoomorphes trop réalistes

du -IV millénaire qui auraient été dénoncées par Moïse comme idoles

étrangères vénérées par les Egyptiens et autres peuples46, interdites par la

Loi, Dt 29-16

abominations et immondes idoles, le bois et la pierre, l’argent et l’or

déifiés chez eux, Dt 29-16

Les idées, les pratiques et les cultes avaient circulé avec les mythes

étrangers et leurs croyances transmis aux juifs lors de leur esclavage en

Egypte à resituer dans son contexte local en langue copte ? Les quatre

saisons avec deux jours de l’an, aux équinoxes de printemps et

d’automne, différenciaient les liturges de Qumrân des Egyptiens qui

n’avaient que trois saisons à cause de la crue du Nil et peut-être d’un

calendrier nomade inventé par les peuples du désert arabique traversant

la péninsule en immenses caravanes nord-sud, que les Hébreux auraient

croisées lors des « quarante années » au désert, plutôt à décompter en

siècles ? Des combats sanglants eurent sûrement lieu entre caravanes

arabes venant du Sud et caravanes mésopotamiennes en provenance du

Nord à travers le désert syrien auront marqué deux millénaires, du -IIIe

jusqu’à la fin -Ir millénaire, période préchrétienne de Qumrân.

Les universaux phoniques et graphiques mn de la plante sacrée portés

par une déesse de la joie, appartiennent aux archétypes inconscients de

l'humanité, efta = ouvre en arabe, la clé est le Nom de Mafdet, le miracle

46

Adèle GETTY La Déesse. Mère de la Nature vivante. Seuil 1966, p. 66+ pour les illustrations indiennes et les églises chrétiennes celtiques en Grande Bretagne.

27/38

et/ou la damnation par la parole, c'est le toucher la langue. Parler à l'autre

dans sa langue, l’entendre, c’est parfois, entendre son âme, atteindre son

inconscient dans l'incarnation de l'idiolecte de sa mère, in utero, selon un

processus de l'ADN mitochondrial encore inconnu des biologistes en

génétique.

Le signe de la fille sans nom de Jephté

Ce sont les anthropologues et les psychanalystes qui éclaireront le

chemin de l'avenir qui conduira vers la chute des murs entre les

biologistes généticiens et les philologues pour délivrer les séquestrés de

l’idiolecte de leur mère et de son prénom. L’enfermement carcéral de

querelles raciales et familiales, qu’ils soient athées ou croyants, qu’ils

soient juifs, chrétiens ou musulmans, qu’ils soient hommes ou femmes

remonte au système idiolectal de la mère, inconnu d’elle-même.

Rien n'a encore été dit sur la transmission utérine de la libido

maternelle. Tout est à découvrir et à dire sur le vécu des premières

semaines de l’embryon en matière du devenir de l’humanité puisque le

sexe de l’enfant, indifférencié au départ, se détermine pendant ces

premières semaines, avant qu’il ne devienne fœtus.

Et si Mafdet, déesse de la joie, avait confié son nom [mft/mfd] à la postérité de Pharaon, alors la fille sans nom de Jephté [yft] qui possédait

le yod du nom divin ressusciterait pour retrouver le nom de son père dans

une histoire sans doute censurée en Juges 11-29 ? A Alexandrie, ce jour-là,

personne parmi les scribes hellénistes de la Septente grecque n'avait

songé à substituer une biche à Artémis sur l'autel du sacrifice47.

C'est ainsi que les filles du monde entier, poly et monothéistes

secrètement assemblées, pleurent la fille de Jephté, le Galaadite, quatre

jours par an, un nombre aussi fatidique que la quatrième lettre de

l'alphabet, daleth, la Porte de la tente de la rencontre pour la rencontre, le

delta triangulaire du Nil.

Le Y géographique inondé par la crue du Nil unit le double pays du

Nord et du Sud dans la coiffe de la double plume, Gardiner S 9, posée sur

la tête du faucon en posture de sphinx. Mais comme il fallait écrire le

nom d’une déesse en parèdre à Horus, Gardiner propose Hathor, la déesse

dont le Nom en écriture hiéroglyphique translittéré en alphabétique

paléo-sinaïtique en -900, agglutinait le signe du siège d’Isis, Gardiner O 6,

au faucon Gardiner G 5. C’est sans doute, à cette date, que le

protosinaïtique à signes croisant le cunéiforme du Code d’Hammourabi se

serait peu à peu dirigé vers l’invention de l’alphabet paléo-sinaïtique. La

petite sphinge du Sinaï, la Dame à la turquoise, serait restée vivante dans

les mémoires des esclaves hébreux travaillant dans les mines du Sinaï qui

auraient expérimenté l’alphabétique devenu le paléohébraïque. Le temple

47

Michaela BAUKS "La fille sans nom, la fille de Jephté", in Dieu parle la langue des hommes, p. 109, Edition du Zèbre 2007

28/38

d’Hatshepsout à Serabit-el-Khadem, lieu de pèlerinage des Hébreux en

mémoire de la reine égyptienne Hatshepsout, (-1508 à 1480), mère de

Moïse, qu’elle nomma Hosarsiph, en le sauvant des eaux du Nil.

La triste histoire de la jeune fille sans nom de Jephté est à situer dans

la ligne du Cantique des Cantiques, une réécriture biblique du Mariage

Sacré mésopotamien, dans une sorte de relecture de l'hiérogamie

postérieure à l'époque sumérienne, dénonçant les sacrifices, inséparables

des repas des dieux prévus pour la cérémonie48. Ces deux histoires

racontent sur un millénaire et demi, l’aventure des écritures à signes

hiéroglyphique et cunéiforme dans l’usage qu’en firent les Hébreux au

Sinaï pour inventer leur alphabet, bien avant l’hébreu carré.

Entre le temps de Mafdet et le temps de Jésus, entre l'écriture du rituel

hiérogamique sumérienne et le tournant historique de l'ère chrétienne,

trois millénaires se sont écoulés. La primauté de la métaphore paternelle

l'a emporté pour une longue période sur la fonction humanisante de la

femme et de la mère, transmettrice de la parole à sa descendance,

l'enfant, le Fils de l’Homme (et de la femme). Les lexicologues et

lexicographes intervenus après la mort de Jésus introduisirent une

réduction des mots excédentaires précisant cette habileté donnée par la

nature à la femme. La métaphore maternelle s’effaça dans l’ombre qui

couvrit Marie, la Vierge juive, qui ne pouvait enfanter pour des questions

relatives aux contenus sémantiques des vocabulaires grec et hébreu. Les

mots ne recouvraient pas les mêmes réalités existentielles et culturelles

le mot jeune fille en hébreu ne voulait pas dire obligatoirement vierge ou

même nubile, c’est-à-dire impubère49. La traduction en grec entraîna une

substitution de la jeune fille nubile et impubère à la jeune fille grecque

encore vierge.

Après Jésus, un sage qui, sans Paul et sans l'antisémitisme de quelques

disciples hellénisés, serait passé inaperçu dans l'histoire de son temps, la

censure s'est installée sur la notion de fête, la morale a évincé l'éthique

de la personne, la religion s'est fossilisée dans des rituels animistes. Le

fétichisme a envahi les lieux de recueillement, le tourisme de masse a

remplacé les pèlerinages et rempli les amphithéâtres.

La haine de la francisque a estompé la cause franciscaine, héritée des

années 1940 à 1945, en estompant la mémoire du Poverello d'Assise qui

survit chez les partisans de l'ombre dans la recherche biblique quand ils

associent le mn de Mafdet au hiéroglyphe égyptien dw de la montagne à

la racine *√dw grecque de la crainte sacrée, identique au *dwei du deux

dont Emile Benveniste souligna l'identité formelle50. L’étonnant dw

48

Jean BOTTERO La Hiérogamie après l'époque sumérienne. Supplément à SN. KRAMER Le Mariage Sacré à Sumer et à Babylone, p. 175, Berg International 1983 49

En hébreu biblique, les occurrences du mot alma jeune fille indiquent que jusqu’au -IIIe siècle, le mot était traduit par shugater jeune fille à l’exception de Es 7 14 parthena vierge. 50

Emile BENVENISTE "Lexique et culture", in Problèmes de linguistique générale p. 294, NRF Gallimard 1966

29/38

égyptien désigne l’espace sacré du temple hellénistique d’Edfou

savamment déconstruit par l’égyptologue Jérôme Rizzo51.

Le jeu de langage sur le dw hiéroglyphique égyptien chamito-

sémitique et le *dw indo-européen est le clou de fondation symbolique

des affinités entre les langues égyptienne et indo-européenne, le trafic

se'orah opéré par les évangélistes, rapporteurs du discours sur la

montagne des synoptiques de Matthieu, Luc et Jean, très curieusement à

l'exception de Marc. Le clou de fondation du texte de ce dernier serait très

proche de la tradition akkadienne de Damqî : Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous : car le fils de l'homme n'est

pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la

multitude, MC 10-35-45

En phonologie historique l'initiale du nom de Sha-la, Déesse du Grain,

est toujours ignorée, les historiens continuent à zozoter, JG 12-6, en disant

Sala, pour évoquer les gués du Jourdain et le son du mot de passe

permettant l'émission correcte d'un phonème pour franchir sans

encombre le trait d'un algorithme étranger aux mathématiques, écrit

d'une majuscule séparée d'une minuscule par une barrière horizontale

infranchissable, écrite comme une fraction S/s. Ne suis-je pas Adad, le seigneur d'Alep, qui t'ai élevé dans mon sein et qui t'ai fait

revenir sur le trône de la maison de ton père. Lorsqu'un plaignant ou une plaignante

feront appel à toi, tiens séance et rends-leur justice52

.

Fils d'homme, prends une brique et mets-la devant toi : tu y graveras une ville, Jérusalem, Ez 4-1.

La fille sans nom de Jephté représenterait ce que Freud développera

dans son texte sur le tabou de la virginité. Personne n'avait pour elle,

gravé son nom sur une brique ou sur une pierre.

La résurrection de Jésus racontée dans les évangiles marquerait sa

réhabilitation, lors du retour de Judas, trente ans après une mort par

crucifixion, supplice réservé aux juifs d'Alexandrie, aux droits communs

et aux criminels, les trente années évoquant le jubilé trentenaire des fêtes

égyptiennes de Sed53. La résurrection de Jésus se produit comme un

événement magique lors d'un bref retour de Judas, sortant de la

clandestinité, dans la mémoire de ses apôtres et de ses disciples qui

découvrent l'histoire du double et de la substitution au nom de la

mémoire de l'exil à Babylone et des traditions égyptiennes.

Le texte de Jean raconte que le tombeau de Jésus était vide à l'arrivée

de Marie de Magdala. Le supplice de Jésus qui y est narré permet de

cacher la vérité sur le rôle de Judas pour protéger son mouvement de

51

J. RIZZO « L’exclusion de dw de l’espace sacré du Temple ». ENIM,- 5, 2012. P. 119-131. 52

Message du prophète Adad. Brique en argile cuite, temple de Shamash vers 1825-1810, Musée National de Damas. 53

Alexandre MORET La mise à mort du dieu en Egypte p. 50, Librairie Geuthner 1927

30/38

résistance contre les Romains et la langue-culture grecque. Joseph

d'Arimathie pourrait avoir participé à cette substitution et assumé une

tâche généralement confiée aux femmes, poser là les bandelettes, rouler à

part le linceul, dans un mutisme textuel sur lequel la recherche en magie

s'interroge. Tandis que Marie pleure, elle l'autre femme qui n'est pas la

mère, restée à l'extérieur du tombeau, deux anges vêtus de blanc lui

demandent la cause de son chagrin.

Marie de Magdala annoncera la résurrection aux compagnons de Jésus.

C'est elle qui, dans l'évangile apocryphe de Marie, écrit ou attribué plus

tard à une femme, pleure à nouveau quand elle se fait invectiver par

Pierre qui, par jalousie, refuse de changer ses habitudes pour écouter une

femme Se peut-il qu'il se soit entretenu secrètement avec une femme, à notre insu, et non

ouvertement, si bien que nous devrions faire volte-face et tous lui obéir54

?

En ce temps-là, il n'était pas de bon ton qu'une femme prenne la parole

en public, 1 CO 14-34, 35, mais pire que Paul, l'opinion publique était telle

qu'elle apparaît dans un apocryphe : Il se trouvait une femme nommée Véronique qui dit : voilà douze ans que je

souffrais d'un épanchement de sang ; je n'ai fait que toucher la frange de son vêtement

et aussitôt j'ai été guérie. Les Juifs dirent : la loi n'admet pas le témoignage d'une

femme55

.

Sous l'injonction de Paul, fondateur de la religion de Jésus, la

résurrection sera opérée sur des se’orah, des trafics de langages

hébraïques, hittites, ougaritiques, égyptiens, akkadiens, arabes, écrits en

grec et en copte, fortement hellénisés par la culture des philosophes et

des gnostiques qui ignoraient le sens profond du verbe qum, incorporé au

toponyme Qum-Khan.

Trente ans plus tard, la mémoire des paroles exactes de Jésus

reviendra, en discours rapporté direct selon des sources sémitiques

introuvables, reconstruites par des ajouts et corrections successives sur

un mode littéraire, cachant la polémique d'alors sur la question cruciale

et savamment contournée de la souffrance sexuelle de Paul. Sa castration

sans doute réelle est pourtant transparente dans les épîtres aux Galates et

aux Thessaloniciens, n'a pas été analysée en tant que maladie de l'âme.

Enfant consacré, destiné aux temples de Bâal, castré dès le très jeune âge

en vue de faire de lui plus tard un eunuque pour le gardiennage des

temples et des harems royaux, il aura pu être une victime de traditions

remontant à la nuit des temps56.

54

Evangile selon Marie, in Ecrits apocryphes chrétiens p. 21-22, Pléiade Gallimard 2005 55

Evangile de Nicodème, in Ecrits apocryphes chrétiens p. 270, opus cité 56

Violences sociales d'origine religieuse, Héritages en Occident, 2009. Internet

31/38

Le raccourci de la compréhension dans l'après-coup des prédications

de Jésus en Galilée permit la métaphore de son apparition, accompagnée

de l'image des langues de feu sur la tête de ses fidèles. Entre la mort de

Jésus et selon Jean, son apparition à Pierre, trois autres apparitions se

produisirent.

Semblables à l'invention de la langue de feu par nos ados des cités,

humiliés dans les zones sensibles par l'illettrisme de leurs parents et leur

déchéance sociale, ils pratiquent la métathèse antique qu'ils appellent

verlan pour parler le javanais franco-français, la kipa fait le lien entre le

ciel et l'homme, les enfants de nos écoles nationales se font la guerre à

mort entre arabes et juifs. Guerres de clans et de religions, ils imitent les

guerres entre savants et religieux qui se trament dans les hauts lieux de

la pensée scientifique comme de la décision politique où se décident leur

avenir de chômeur, leur éducation au grand banditisme et les carrières

professorales.

Enfants deux fois exilés, relégués dans les banlieues de nos grandes

métropoles, faute d'avenir, ils ont publié leur chronique57 à dessein de la

communiquer à ceux qui bénéficient généreusement des deniers publics

votés pour l'éducation de tous. En l'absence de vérité sur Mafdet, Déesse

de la Joye, le feu devient celui des voitures, les nuits de fêtes sans fifres,

ni danses.

Ce lien entre le ciel et la terre avait déjà été métaphorisé par les

Chinois, créant le signe écrit du jade, la pierre la plus dure qui soit. Le yu,

symbole du sceau royal posé au bas des parchemins chinois, sonne

comme le yoni des déesses et le yod des Hébreux, base pulsionnelle de la

phonation du désir du sacré.

Et si le malentendu entre les judéo-chrétiens des années trente et

quarante de l'ère chrétienne et les hellénistes réunis autour de Paul n'était

qu'une histoire de statues et de statuts pour l'âme royale ? Et si le débat

autour du nom de Jéhu, ya'ua, dont le nom est écrit en cunéiforme sur un

monument de basalte, de deux mètres de haut à Nimrud58, appelé

l'obélisque noir de Salmanazar III, était à rapporter au Nom de Yahvé.

Alors, pour de simples questions de phonologie et de correction

phonétique mal interprétée par les passeurs des gués du Jourdain, une

fois encore, Isaïe prendrait la parole. Il donnerait à l'analogie la primauté

qu'elle mérite comme découverte anthropologique, révolutionnaire pour

la pensée humaine :

Comme un héros, j'ai fait descendre ceux qui siégeaient sur des trônes. Ma main a atteint comme un nid les richesses des peuples. Comme on ramasse des œufs

abandonnés, moi, j'ai ramassé toute la terre, IS 10-13,14.

57

Boris SEGUIN, Frédéric TEILLARD d'EYRY Les Céfrancs parlent aux Français, Calmann-Levy, ISBN 2.7021.2587.5. Calmann-Lévi 1996. 58

Frédéric BOYER, André LEMAIRE Le Monde de la Bible p. 38-39, Editions des Arènes, 1999

32/38

L'évangile de Marc avait fait du désir du sacré un regard de Jésus vers

le ciel comme pour évoquer la déesse mésopotamienne Sha-la, la

constellation de l'Epi AB-SIN, sumbultu.

Marc connaissait le K araméen de la similitude. L'évangéliste avait

caché son secret dans l'expression toucher la langue59, Mc 7-34. Il faisait

référence à la langue maternelle que testaient les hommes de Galaad qui

s’étaient emparés des gués du Jourdain et faisaient périr ceux qui

voulaient les franchir mais ne pouvaient prononcer correctement le mot

shibboleth qui veut dire épi. Le test phonologique portait sur l'initiale du

nom de la déesse sha-la, [sh/z], la constellation Epi, AB-SIN, sumbultu, la

Vierge à l’Epi, Déesse mésopotamienne de la répartition du Grain, JUG 12-6.

Petite histoire racontée aux enfants

C’est alors qu’au héros de l’Isaïe peut-être grec et en quête de gloire,

peut-être hébreu hellénisé, peut-être purement fidèle à Yahvé, se

substitue La mère laborieuse conservée par le Louvre pour expliquer le

plurilinguisme de la poésie de Chardin à sa fille. Elle lui montre sa

tapisserie pour lui expliquer le petit point des brodeuses avec des laines

de couleur dans une trame un peu raide pour couvrir les bergères.

L’enfant qui, la veille, apprenait à lire, s’est saisi du clou des mains de

sa grande sœur, La petite maîtresse d’école exilée toute seule à Londres

et il essaye de comprendre, en grec, pourquoi la raideur d’un cadavre,

bâton en égyptien, peut faire des choses avec la même chose qu’un

bâton en babylonien, salamtu, traduit de l’akkadien en hébreu par

Edouard Dhorme, o.p. et en français par la Tob.

Comme si le gourdin faisait mouvoir celui qui le brandit, comme si le

bâton soulevait celui qui n’est pas de bois, Is 10-15.

Le petit frère de la maîtresse de l’Ecole de Londres pige au quart de

tour et il écrit 1 comme un,

Le reste de la forêt des arbres de la forêt sera un si petit nombre qu’un

enfant l’inscrirait, Is 10-19.

Il apprend ainsi la différence entre un chiffre arabe et un article

indéfini en français du XVIIIe siècle pour rendre compte du « Un »

égyptien qui a une majuscule, alors qu’il n’y a pas de majuscules en

hébreu. Le « Un » étant non-existant, il permet le multiple qui engendre

des millions de formes.

Mais ça, c’est pas pour les enfants, alors le petit garçon recopie sans

rien comprendre et il devient un scribe monolingue non-polyglotte mais

59

Toucher la langue touche à la prononciation individuelle et sociale, la personne, la voix, le niveau culturel, indique le peuple d’appartenance, le clan, l'ethnie, le groupe social à l'intérieur de la hiérarchie d'une société donnée.

33/38

existant, l’école est là pour ça, écrire de mémoire des ronds et des

bâtons.

Pour Isaïe 10-5, le gourdin de sa colère, c’était l’Assyrie, le bâton

dans sa main était son indignation. C’est pourquoi son dieu annonçait

qu’il allait faire de Jérusalem et de ses images ce qu’il avait fait de

Samarie et de ses idoles, Is 10-1 et 10-11.

Exactement comme les ados de CPPN il y a quelques années, quand

ils dessinaient leurs desseins sur les murs.

Qui es-tu, qui vénères-tu était l'implicite universel du test shibboleth

des hommes de Galaad à la douane des gués du Jourdain. La phonologie

des frontières testait la langue des astrologues/devins, astronomes dans

les ziggurats, langue religieuse de la royauté céleste, le soleil, Shamash à

qui ils attribuaient la fonction d'écrire de gauche à droite pour aller d’Est

en Ouest.

Mais ils savaient, les devins mésopotamiens, que la parole précède

l'écriture et, du haut de leurs ziggurats, ils expérimentaient la capacité

de leur regard à associer les anomalies de la nature à la régularité du

mouvement des astres dont ils tiraient des présages qui guidaient les

grands rois dans la conduite de leur peuple.

Primauté de la métaphore maternelle

Le retour au regard chaldéen sur les étoiles permet de dire qu'il y a

forclusion de l'origine grecque du christianisme, du phallus grec et du

pouvoir impérial romain.

Une idée universelle fut développée par James Frazer selon laquelle

dans tous les peuples et de tous les temps, moissonner, séparer la paille

et le grain, le semer, c'est ensevelir le dieu pour fertiliser la terre.

En Egypte, l'esprit du blé habite dans la gerbe, semailles et sépulture

ne font qu'un, la germination symbolise la résurrection, la divinité

personnifie la terre ou le blé, les épousailles sacrées du Soleil et de la

Terre assurent la fertilité et donnent lieu à des cérémonies agraires à la

fois religieuses et licencieuses60.

La gerbe était un dieu fécondateur de l'énergie virile qu'il fallait tuer

chaque année sous la forme d'un bélier, mais parfois sous la forme d'un

homme, choisi parmi les captifs étrangers ou les esclaves.

Le meurtre rituel du roi fut pratiqué en Egypte comme à Babylone, dès

la XIIe dynastie. Au cours de la mystérieuse fête du Sed, l'âme du roi, mise

à l'abri dans une statue en pierre dure, bravait la décrépitude61. Moïse

renversera ces idoles pour fonder le monothéisme. La gravure dans la

pierre dure de basalte était plus savante que l'écriture sur une brique

crue. En s'enflammant de colère, Moïse avait jeté les tables et les avait

60

James FRAZER Le rameau d'or p. 339+, Laffont 1981 61

Alexandre MORET La mise à mort du dieu en Egypte p. 47 à 52, Librairie Geuthner 1927

34/38

brisées au bas de la montagne. Jésus fera de même en renversant les

tables des changeurs pour annoncer avec rage l'incendie de la

bibliothèque d'Alexandrie et les autodafés de Torahs et de livres interdits

en terre chrétienne par les nazis de la Wermarcht.

Avec l'expression toucher la langue, Marc reprend une vieille formule

biblique du texte de JEREMIE 18-18 qui connaît, aujourd'hui, plusieurs

traductions en français :

Allons donc le démolir en le diffamant, ne prêtons aucune attention à ses paroles Allez, frappons-le sur la langue ; ne soyons plus attentifs à toutes ses paroles.

Qu'on le punisse par la langue, et ce qu'il dit qu'on s'en moque, frappons-le avec notre

langue. Frappons-le dans sa propre langue : soyons attentifs à chacune de ses paroles,

Quand les ennemis de Jérémie, né vers -645 dans une famille

sacerdotale des environs de Jérusalem, décidèrent de le frapper dans sa

langue, tout porte à croire qu'ils étaient des étrangers, assyriens,

égyptiens ou bien des élamites parlant l'akkadien. Leur langue, leur

culture et leur religion étaient incompatibles avec le discours politico-

religieux du serviteur de Yahvé. A cette date, il s'agissait peut-être aussi

de Grecs qui avaient déjà envahi le Proche-Orient et profané le Saint des

saints dans le Temple. L'immense variété des types physiques d'esclaves

et de captifs, représentée en archéologie mésopotamienne et égyptienne

dans les musées du monde entier permet de saisir la diversité de leurs

langues et la variabilité des cultures bibliques relatives à la conception

divinisée du principe de fécondation et de genèse de la fécondité.

On peut donc penser que Marc en 7-34 attribue une intention politique

à Jésus qui sous-entendrait qu'il avait reconnu un partisan chez le sourd,

volontairement mutique, pour ne pas se trahir par son origine perceptible

dans la prononciation de sa langue maternelle. Jésus le prend à part pour

l'entendre, il lui parle loin de la foule. En MC 8-23, il fera de même avec

l'aveugle quand il le conduira hors du village.

Toucher la langue, être touché dans sa langue indique bien qu'il s'agit

d'accepter une différence reconnue par l'autre, non seulement un accent

régional, étranger, mais une connaissance de sa culture d'origine.

Infériorisé dans son être intime par son état social, tout individu se

met en retrait et il déclenche la discrimination à son insu ou pire, la

condescendance de ceux qui s'octroient gratuitement la jouissance de lui

donner des leçons.

On peut poser que le malaise dans la culture reposerait sur le

rabaissement de la femme et de la mère dans son pouvoir exorbitant,

offert par la nature, d'hominiser le petit être et de l'humaniser, pouvoir

revendiqué et exercé depuis toujours par les chefs politiques, les armées,

les religions qui s’approprient ainsi l’habilité de la femme quand elle est

mère.

35/38

En fait, l'harmonie possible dans la nature reposerait sur la métaphore

maternelle, le bain amniotique de l'origine dans lequel se déroule la

genèse archaïque du futur adulte. Une fois conçu, l'enfant est coupé à

jamais du père, il devient l'œuvre de la mère, et de la mère seulement. Ce

n'est pas seulement ce que la mère vit avec son partenaire qui va compter

pour l'enfant, c'est sa libido, son héritage phylogénétique, ses émotions,

sa relation à la parole et aux langages, mais surtout ses priorités en

matière de relation à la loi, le c'est comme ça de la différence des sexes et

de leur fonction.

Si l'on n’accepte pas de reconnaître que le déni de la différence des

sexes fut renforcé par la théologie chrétienne des premiers siècles de

notre ère, alors on tombe sur une aporie, le déni du couple humain et le

déni du mariage comme institution universelle, sacralisée par toutes les

cultures.

Dans les religions-cultures gérées par le pouvoir masculin, la

prédétermination du sujet repose sur le sens des priorités inconscientes

chez la mère, sa soumission à la loi de sa religion, sa soumission à son

époux, sa soumission au seul plaisir masculin. Quand le mari est soumis

à la loi pontificale, il abdique son pouvoir paternel, il se fait le valet de

ceux qui, au nom de Dieu, édictent des lois qui écartent les femmes du

droit à penser donc à s'exprimer au même titre que les hommes. Quand la

femme se soumet à ce mari soumis, elle se fait la complice d'un délit de

partage du pouvoir, elle entre dans le déni de la nature de l'eau vive et de

la différence des sexes. La tradition catholique qui a privé les femmes

pendant des siècles du droit à la parité avec les hommes a installé un

grand déséquilibre dans la culture, malaise dans la civilisation, issu des

dogmes pontificaux imposés comme seuls repères pour la sexualité

féminine.

Depuis deux mille ans, le pouvoir pontifical a dévié la vocation à

l'amour et à la maternité vers une soumission aux droits de l'église à

légiférer sur le corps des femmes. La femme soumise à des dogmes

préformés, soumise à un mari lui-même soumis à un pouvoir extérieur à

son désir, est devenue l'objet d'un mâle désir de possession qui, avec le

temps, a produit la femme-gadget des images publicitaires. L’appel aux

pulsions d'emprise les plus basses que connaisse l'humanité permet de

vendre des voitures de luxe suscitant la fascination pour ce que l'on

appelle à juste titre, la jouissance du tragique, le mal.

Le concept de paternité s'est peu à peu transformé en concept culturel

de propriété privée, le droit de disposer du corps de la femme a gagné les

mentalités, l’anthropologique en histoire des religions s'est fossilisée en

perdant de vue le pouvoir performatif qui gère la modernité, la femme fut

créé pour l'homme et non l'homme pour la femme.

Le malaise dans la culture qui a produit au XXe siècle la catastrophe la

plus barbare jamais inventée par le savoir et la science des hommes

provient de cette perversion tonitruante qu'est la confusion entre les

36/38

rôles paternel et maternel. Le signe de Jonas est tristement resté dans les

mémoires comme la trace d'une légende, interprétée non comme

métaphore maternelle, mais comme pouvoir attribué à Jésus de nommer

son père du ciel, un Dieu qui cadre parfaitement avec les volontés

institutionnelles du pouvoir temporel confié à Pierre sur un jeu de

langage en hébreu encore à découvrir, bien que déjà publié sous le titre

Les Bibliocastes par un psychanalyste analysé par Lacan.

Le père du ciel a évincé le père naturel, le couple a été banni de la loi

de la nature, la femme est désormais dans l'inconscient collectif et trans-

générationnel un instrument à rabaisser.

La continuité historique du peuple juif avec la mémoire de l'exil à

Babylone s’est interrompue lors de l’envahissement de la pensée grecque

au Proche-Orient, étrangère à l'origine judaïque de la loi. La psychose

collective qu'est le malaise dans la culture avec la montée actuelle des

racismes est devenue le moteur des dérives qui ont gagné le champ

international.

Défendue dans les évangiles, la catastrophe culturelle pour les

femmes, donc pour les hommes, fut la primauté du pouvoir grec infligé à

la pensée juive, hellénisée par l'éducation de l'envahisseur imposée aux

enfants.

La primauté grecque du phallus et la loi de l'occupant romain ont

évincé la vérité sur laquelle les biographes de Jésus étaient informés, dès

le premier siècle, la mise en place du mythe de la naissance virginale de

Jésus, fils de Joseph et de Marie.

La transmission d'un message dévié de son origine par un se'orah mal

traduit, le un par un d'une amnésie infantile a leurré les chrétiens dans la

croyance obligée en une naissance virginale transmise comme un fait

historique avec déni du pouvoir métaphorique de toute parole, de

l'existence de la mère, de la femme et de son droit à aimer. Le déni de la

mère juive fut absolu dans l'hellénisation grandissante des croyances des

premiers judéo-chrétiens, les foules candides qui suivaient Jésus à qui la

parole fut retirée par Paul et les hellénistes. La psychose collective

générée par ce mensonge a pour nom aujourd'hui, malaise dans la

culture, montée des racismes, génocides, crises humanitaires, peuples en

danger pour manque de considération, de respect, d’eau et de pain.

Le combat contre la sublimation est désormais imposé par les

mystères chrétiens qui nous ont laissé la clarté archéologique des

vestiges de leurs pierres sculptées. Le silence, délibérément choisi par

des moines en quête de vérité, s'est transmis d'âge en âge, par monts et

par vaux, comme les plaques de sel que véhiculent les immenses

caravanes traversant le Sahara pour donner aux choses de ce monde le

goût que donne le sel de la terre.

Au temps de Josué et des Juges, la Mer Salée séparait la terre de Juda,

à l'Ouest, de la terre de Ruben, à l'Est. Un jour lointain, la Mer Salée

37/38

changea de nom, elle devint la Mer de la Plaine, puis plus tard la Mer de

Galilée. Aujourd'hui, on l'appelle Mer Morte.

Et si la Mer était toujours Vivante, hay en hébreu, isha la femme ?

Et si le sel de la mer où Jonas avait été jeté donnait la clé du mystère

des hommes de Ninive ?

Plus que la sagesse de Salomon, plus que la sagesse de Jonas, quelle

serait la sagesse venue du bout du monde qui enseigne que la descente

aux enfers de la pathologie mentale qui peuple les lieux d'enfermement

de notre culture repose sur les mensonges transmis d'âge en âge sur le

pouvoir illimité de la barbarie humaine.

La vérité est celle du fou, le psychotique, le schizophrène qui

hallucine dans son délire le savoir de Pilate, conservé dans l'âme de son

âme, sur les cryptages secrets des temps bibliques.

Et c'est ainsi qu'à la Saint-Michel, le président Schreber eut raison dans

sa folie au point que les doctes savants mirent toute leur attention en la

préface de son récit. Le prénom de Pauline, sa mère, était comme le mot

de passe qui donnait accès à la maison de Marthe et Marie, des femmes

juives qui conservaient la trace d'un antique papyrus dont le nom du

scribe était resté gravé dans le toponyme de leur lieu de vie, Beth-Ani.

Et si dans l'histoire de l'humanité, la métaphore maternelle l'emportait

sur le désir de domination qui soutient l'orgueil masculin, moteur du

mythe de la métaphore paternelle ? Et si le père était mort ? Alors, la

psychose qui ravage la modernité à cause de la confusion pathétique

entre la domination masculine et la capacité des femmes et des mères à

survivre à l'orgueil des tout-puissants donnerait la parole au Poverello

d'Assise qui avait si bien lu l'histoire du jeune homme riche qui s'en était

allé tristement parce qu'il avait de grands biens.

Alors les yeux de Matthieu verraient danser devant lui l'innocence de

la jeune fille sans nom d’un film de Pasolini qui, pour la plus grande

jouissance d'Hérodiade, sa mère, avait demandé à Hérode, le tétrarque, la

tête de Jean-Baptiste servie sur un plat. A cette nouvelle, son ami s'était

retiré loin de là, sur une embarcation, dans un lieu désert au nom

inconnu.

Au troisième, puis au deuxième millénaire, pour écrire un nom sur une

brique, il fallait de l'argile crue, un clou, une idée, un projet, un dessein,

une citadelle, un désir, un cœur pour penser avec Maat, déesse

égyptienne de la vérité et de la justice. Sur la balance, l'âme de Pharaon

purifié pèserait comme la plume lui permettant d'entrer dans l'éternité.

Pour être scribe, il ne fut pas écrit qu'il était nécessaire d'avoir un

nom. Il fallait seulement un support d'écriture.

38/38

De nos jours, pour une femme, pour formuler un désir, il faut s'asseoir

au bord du fleuve et chanter le chant des dispersées, pleurer parfois,

mais ne jamais oublier que l'érection du premier temple astronomique se

produisit sur un clou de fondation, un sacrifice d'enfant, pierres sur

pierres posées par des mains d'esclaves enlevés au cours de razzias et de

guerres sanglantes. Sur l'autre rive du fleuve, les hommes s'y

rassemblèrent une première fois, puis plus souvent et plus nombreux,

afin d'étudier la marche des étoiles dans le silence des nuits de

Mésopotamie. La fidélité de la lumière qu'elles leur envoyaient était à la

mesure de leur fidélité à leurs rendez-vous. Une métaphore assemblait

des briques crues au moyen de la paille et du chaume, évoquant pour

chacun d'eux les remparts d'une ziggurat, un observatoire pour le ciel

étoilé, les yeux des premiers astrologues qui indiquaient aux rois le

chemin tortueux qui mène au paradis perdu du ventre de leur mère.

Bientôt se construisirent des parvis, des monuments et des lieux de

silence. Savamment assemblées, les pierres et les briques instruisaient

l'œil à regarder et à entendre comme jamais encore vues ou entendues,

choses belles et choses rares qui sont au monde.

A Paris, au soir du 8 octobre 2009, la même lumière avait traversé la

synagogue et la cathédrale dans la salle du chapitre d'un vieux

monastère bénédictin réformé par saint Bernard.