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le signe de Jonas une métaphore maternelle
20 octobre 2009 - 23 avril 2013
Abstract : L'Etable, la Crèche, le Joug, des lieux célestes dans le firmament d'Eratosthène, la fidélité des
étoiles à leur rendez-vous avec un enfant-dieu est née dans la légende des ciels bibliques.
Rendez-vous des chercheurs en anthropologie culturelle à l'Abbaye de saint Bernard de
Clairvaux avec l'émerveillement d'Hannah Arendt devant le miracle de la natalité : « un enfant
nous est né ».
Le signe de l'Etable, signe de Jonas.......................................................................... 1 François d'Assise et la cause franciscaine ............................................................... 2 Election de la mère juive .......................................................................................... 5 Le nom de Jean l'évangéliste .................................................................................... 7 Ceci se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain .................................................... 12 Enfermement disciplinaire, enfermement de la personne .................................... 14 La racine universelle *√mn, concept de paternité divine ..................................... 17 Evolution darwinienne et permanence de la parole .............................................. 21 Le signe de la fille sans nom de Jephté.................................................................. 27 Petite histoire racontée aux enfants....................................................................... 32 Primauté de la métaphore maternelle .................................................................... 33
Toth a transcrit au ciel avec ses constellations, la terre avec
son contenu et ce que crachent les montagnes, ce qui est irrigué
par les flots1.
Le signe de l'Etable, signe de Jonas
Les langues sémitiques antiques ont enseigné que le pouvoir évocateur
des images araméennes qui fleurissent dans les évangiles présente le
mystère des graphies et des langages de la Torah écrite. L'histoire du
peuple hébreu, remontant à l'exil et à des civilisations et des écritures
déjà en voie de disparition au tournant de l'ère chrétienne, a laissé des
papyrus et des vestiges archéologiques, des apocalypses et des sagesses
transmises du père au fils parce que la tradition imposait alors la quête
des origines et le regard vers les astres. Quelque chose du mystère propre
au cunéiforme assyrien dans l’écriture des présages divinatoires échappe
1 Pharaon AMENOPEH, L'Onomasticon, XXIe dynastie tanite, 1085-950.
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à notre entendement et, par voie de conséquence, aux études sur les
origines du christianisme. Une chose est certaine, l'astrologie et la
divination chaldéennes ne sont pas lues dans une perspective de
temporalité pour situer les habitus et les mentalités de chaque époque
par les exégètes et les historiens des religions. Astrologie et divination
sont aussi négligées que la perception de la voix de la mère par le fœtus
qui apprend in utero à s'humaniser dans la genèse de son ouïe quand il
manifeste son éveil vers la 26e semaine.
Si l’on choisit de traduire l'écriture des présages à l’aide d’autre écriture, il s’établit, nécessairement, entre celle des dieux et celle des hommes, une relation
analogique, chaque signe graphique étant la transcription d’un signe naturel. Dans
cette hypothèse, l’écriture humaine serait SIGNE DE SIGNE avant d’être signe de mot2.
C’est une remarque de cet ordre qu’il faut lire dans le message
attribué à Jésus concernant le signe de Jonas dans l’évangile de LUC 11-29.
En Jonas 3, il est écrit que le roi de Ninive avait fait glisser son manteau
royal, sous-entendant qu'il en avait sans doute revêtu un autre plus
modeste pour sauver son peuple en faisant périr à sa place, un substitut
revêtu du manteau royal. Le stratagème pratiqué sur Damqî en substitut
royal réellement sacrifié, était appliqué chaque année par la mort fictive
du roi qui offrait sa vie pour sauver son peuple, selon qu'il avait été écrit
dans l'argile sur une tablette akkadienne cunéiforme relatant les faits :
Lui et sa Dame-du-Palais sont entrés dans le rôle du substitut du roi3.
La Dame du Palais était peut-être son épouse, peut-être son étoile
astrologique de naissance ?
François d'Assise et la cause franciscaine
Le modèle de Jonas est l’Hébreu, offrant sa vie aux marins révoltés
contre lui pour les sauver de la perdition dans la tempête sur le navire
qu’il avait affrété pour fuir hors de la présence de son Dieu4. Les marins
consultent les présages qui désignent Jonas comme responsable du sort
qui les frappe dans cette tempête. La religion des Assyriens voyait le
péché des hommes dans leurs malheurs tombés du ciel.
D’où viens-tu, de quel pays es-tu ? Je suis hébreu, c’est le Seigneur, dieu du ciel que je vénère celui qui a fait la mer et
les continents. Hissez-moi et lancez-moi à la mer pour qu’elle cesse d’être contre
vous ; je sais bien que c’est à cause de moi que cette grande tempête est contre vous. […] Les hommes hissèrent alors Jonas et le lancèrent à la mer. Aussitôt, la mer se tint
2 Jean-Jacques GLASSNER Ecrire à Sumer, p. 258, Seuil 2000
3 René LABAT Le caractère religieux de la royauté assyro-babylonienne, p. 360. Thèse pour le
doctorat de Lettres. Librairie d'Amérique et de l'Orient Adrien Maisonneuve MCM 1939. 4 Il n’y a pas de majuscule en hébreu et en araméen, mais le texte original était peut-être en
grec, retraduit vers d’autres langues, le copte gnostique, peut-être ?
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immobile, calmée de sa fureur. […] Alors, le Seigneur dépêcha un grand poisson pour
engloutir Jonas, JON 1 & 2.
Trente ans après la crucifixion de Jésus, les nationalistes judéens,
peut-être représentés par les scribes évangéliques, dans leur aversion
pour les juifs hellénisés assimilés à l’occupant perse, grec ou romain,
soumis à un pouvoir illégitime allégorisent l’histoire de Jonas refusant à
son dieu de lancer un oracle contre la méchanceté des gens de Ninive.
Luc métaphorise dans la bouche de Jésus l’histoire de Damqî, désigné
comme substitut royal, selon la coutume babylonienne du IIe millénaire :
Il ne lui sera donné d’autre signe que le signe de Jonas, LC 11-29
Dans le récit sous forme de fiction littéraire et magique reconstruit par
les scribes évangéliques pour sauver la révolte de leur chef, Judas le
Galiléen, le sauveur nationaliste pris pour Jésus, réapparaîtra, vivant,
ressuscité, sortant du secret de la clandestinité comme le roi assyrien
après avoir accompli les rituels de purification destinés à sauver son
peuple des péchés qu’il n’avait pas commis et qu’il prenait sur lui. C’était
le rôle assigné à Jésus qui aurait pris sur lui la trahison des grands-
prêtres qui, depuis Hérode le Grand, avaient pactisé avec l’occupant et
avec les étrangers grecs et romains, dont ils avaient adopté la langue, les
gymnases pour l'éducation de leurs enfants avec les pratiques
pédophiliques. Caïphe, le grand-prêtre de Jérusalem était tout désigné pour accomplir la livraison, παραδουναι, LUC 22-6, de Jésus à Pilate, car les
ressources qu'il tirait du pouvoir romain étaient conséquentes, sa
fonction de fonctionnaire du temple surestimée par l'occupant qui avait
fait de lui un chef religieux. L'enfance et la jeunesse de Paul restent une
énigme parmi une série d’hypothèses, il faut envisager le rôle imposé à
un petit garçon malvenu ou castré, vendu par des parents pauvres pour le
service d’un temple païen ou élevé dans un gymnase hellénisé.
L’union de Jonas avec la mer est une allégorie de la catastérisation de
la mère engloutissant le fils, selon les rituels dictés par les présages
divinatoires mésopotamiens enrichis par les vieux mythes aquatiques
d'Asie mineure où Karl Jung voit désigner l'inconscient :
Ils le lancèrent à la mer, aussitôt, la mer se tint immobile, calmée de sa fureur, JON 1-15
Pour Karl Gustav Jung, l'aspect maternel de l'eau renvoie à la première
eau, la matrice utérine du fœtus, la conscience de l'être adulte qu'il sera
dans l'avenir5. Cette idée est sous-jacente au travail de deux paléographes
Laperrousaz et Dupont-Sommer à partir de textes antiques6.
5 Karl Gustav JUNG, Métamorphoses de l'âme et ses symboles 1911. Livre de poche 1993, p. 366
6 E.M. LAPERROUSAZ « La mère du Messie et la mère de l’aspic dans les hymnes de Qumrân » in
Mélanges d’Histoire des Religions offert à Henri-Charles Puech. André DUPONT-SOMMER Revue de l’Histoire des Religions t. CXLVII n° 2, Avril-juin 55 p. 174. André DUPONT-SOMMER La doctrine gnostique du wâ…w Paris Geuthner 1946.
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La métaphore maternelle de la mer est d'origine indo-européenne, un
jeu de mots sur l'arbre généalogique de la racine ie *√mori, perçue et
écrite mr par les langues sémitiques en contact, c'est-à-dire le sumérien
indo-européen et l'akkadien sémitique qui, pour des questions de
perception auditive, se confondra avec le ml et le mlk de la royauté de
Melchisedek. Cette métaphore, née dans l'inconscient onirique des
peuples antiques sans écriture, témoigne d'un état de conservation très
ancien des mentalités conservées dans les langues, elle indique
l'universalité de l'image amniotique en annonçant les textes de la Bible,
Sophocle, Œdipe-roi, Antigone, Freud. Cette métaphore apparaît dans la
douleur du peuple hébreu assis au bord du fleuve et pleurant sa nostalgie
dans le chant des exilés, si je t’oublie, Jérusalem.
L’histoire de Jonas le prophète, le signe évangélique signalé par
Matthieu et Luc, la tempête apaisée dont le thème est repris dans un
miracle de Jésus, MAT 8-24, est une allégorie du mariage hiérogamique
mésopotamien de Jonas avec sa mère, le sauveur des marins retournant
dans le sanctuaire marin de la patrie maternelle utérine. L’union sacrée
par hiérogamie est une notion mésopotamienne fondamentale pour
comprendre l’héritage babylonien dans le judaïsme. Avec Jonas, mais
également avec Matthieu et Luc, il s’agit du retour à la mer/mère et non à
la terre/mère, le ventre maternel amniotique du Déluge et de Ninive où il
passe trois jours et les trois nuits à lancer son appel à son dieu qui lui
répond au fond des abîmes, du ventre de la mort, pour laver le péché de
la ville qu’il est appelé à sauver. Pour Karl Gustav Jung, « la passion est
comme la mer qui a rompu ses digues et comme les eaux des profondeurs
et les eaux de pluie, génératrices, fécondantes et maternelles selon la
mythologie hindoue ».
Alors, elles quittent leurs bornes naturelles, se gonflent par dessus les
hautes montagnes et noie tout ce qui vit. Force qui transcende la
conscience, la libido ressemble au δαιµων daimon, au dieu bon comme au
diable7.
Métaphore aquatique, sauver l’eau de la vie, sa transmission, les eaux
primordiales, la mère, la Terre Promise, le temps irréversible, le retour
impossible, le regard en arrière interdit, Sodome et Gomorrhe, le sel à
protéger pour le goût qu’il donne aux nourritures terrestres, voilà
l’universel de l’interdit de l’inceste.
Quand il y a une loi, c’est parce qu’il y a eu transgression, c’est aussi
parce qu’il faut mettre les lois en accord avec les mœurs, c’est un
principe universel anhistorique qui permet parfois de pacifier les haines
raciales, tribales, sexuelles, claniques, familiales, etc.
7 Karl Gustav JUNG Métamorphoses de l’âme et ses symboles 1911. Poche 1993, p. 207
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Election de la mère juive
De l’image des eaux de la Genèse jusqu’à l’image de Barbelo8 au nom
formé sur l’étoile alpha de Boo, le Bouvier9 ou le Gardien de l'Ourse, la
continuité d’une pensée guidée vers les étoiles est assurée par Ezéchiel
grâce aux universaux des rêves et des mythes dans l'idiolecte utérin qui
renouvelle à chaque naissance le prodige de l'unicité singulière de chaque
être en confirmant l'élection de la mère juive. Le mystère du désir du
sacré prouve ici sa permanence. Au bout de sept jours, la parole de Yahvé me fut adressée en ces termes : Fils
d'homme, je t'ai fait guetteur pour la maison d'Israël, Ez 3-17
Le guetteur est le veilleur, ouros, le gardien dans l'étoile Arctouros.
L'histoire transgénérationnelle de l'humanité est écrite dans ses langues,
ses restes archéologiques en phonologie historique et philologique, la
mémoire neuronale qui conserve des rituels religieux et des allégories
pour le meilleur et pour le pire. La culture de l'Occident n'a retenu que le
pire. Le monument du camp d'Auschwitz s'effondre comme la mémoire
des survivants qui lisent l'actualité quotidienne dans la montée de
l'antisémitisme. Quand les partisans de la vérité se heurtaient à la perte
de l'espoir en une transmission de la vérité sur les silences de l'histoire
captive d’historiens non informés, alors le guetteur de Yahvé était
responsable de cette mémoire.
Existe-t-il dans la modernité universitaire des obstacles à la recherche
scientifique ? Dans le doute, les recherches bibliques sur les écritures, les
Ecritures, l'astrologie chaldéenne, l'anthropologie religieuse se
poursuivent parce qu’elles s’imposent conformément à la notion judéo-
chrétienne de vie, hay, venue du fond des âges. Cela consiste à faire vivre
les textes de la Bible, sans jamais cesser de les interpréter, à travers
l'immensité des déserts parcourus par les peuples nomades à travers les
millénaires. C'est ce levain de la tradition judaïque que le christianisme a
reçu de l'origine de son origine. J’ai parlé ouvertement au monde, j’ai toujours enseigné dans les synagogues et
dans le temple où les juifs se rassemblent et je n’ai rien dit en secret. JN 18-20. Chaque jour, j'étais dans le temple avec vous et vous ne m'avez pas arrêté. Mais
c'est pour que les écritures soient accomplies, MC14-49
En Marc 14-50, dans la bouche de Jésus, les écritures/Ecritures
seraient les présages divinatoires, en conformité avec la langue
akkadienne :
La divination, la volonté de déchiffrer les présages et de pénétrer le code graphique propre à la sphère divine, jouerait-elle un rôle moteur dans l'invention (de
8 L'évangile de Judas, papyrus Tchacos, Champs Flammarion 2008
9 ERATHOSTHENE Le ciel, mythes et histoire des constellations, sous la direction de Pascal
Charvet. Nil 1998, p. 57, 213,
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l'écriture) ? L'un des deux verbes sumériens pour dire "écrire" est hur dont le correspondant akkadien eseru fait référence, notamment, à l'inscription par les dieux
des présages divinatoires ; on sait, par ailleurs, que le dieu du soleil s'ingénie à écrire
sataru, les présages. Signes d'écriture et présages ont en commun, en outre, de
susciter par leurs configurations respectives ce qu'ils désignent10.
Selon Jean-Jacques Glassner, les devins mésopotamiens accordaient
aux signes traduisant leurs présages leurs valeurs de prononciation
courante. Nous sommes là exactement en présence de la fonction
performative de la parole égyptienne11. Le locuteur assyrien est créateur
par sa parole, il crée en nommant.
En sumérien, le signe KUR noté par trois encoches désignait la
montagne non comme la somme de trois unités, mais comme un
ensemble. Intuition du trois, père-mère-enfant, la notion de triangulation
œdipienne était en gestation dès les pictogrammes du -IIIe millénaire,
donc présente dans la pensée en marche figurée par le signe géométrique
de la nourriture, le signe de la femme, le triangle pubien des signes de
Sumer. La constellation Delta à trois étoiles, située juste au-dessus du
Bélier, indique que dès le IIe millénaire, l'idée de montagne était associée
à celle de triangle dans un traité égyptien :
Toth a transcrit au ciel avec ses constellations, la terre avec son contenu et ce que
crachent les montagnes, ce qui est irrigué par les flots12
.
Le trois de la triangulation vitale écrite dans le signe sumérien de la
nourriture, représentant de la valeur numérique de la lettre guimel,
troisième lettre de l'alphabet écrite et lue gml évoque le mot hébreu
gomel, celui qui fait le bien, tout en présentant la dualité richesse et
pauvreté comme si la mémoire du signe sumérien KUR désignant la
montagne se retrouvait dans le discours sur la montagne prêté à Jésus
Heureux les pauvres, car le royaume de Dieu est à eux, LC 6-20, MAT 5-3.
Un millénaire avant Jésus-Christ, la constellation Delta, la lettre
hébraïque daleth, la triangulation père-mère-enfant, l'analogie de la
fécondité du ciel et de la terre, évoquant la porte de la tente pour la
rencontre sacrée, auraient donc une ascendance commune dans les ciels
étoilés de Mésopotamie et d'Egypte. Le dieu Bélier des deux cultures dicta
par la suite aux Grecs l'invention d'un dieu portant les cornes d'un
bélier13, celui-là même qu'Abraham avait sacrifié à la place de son fils
Isaac.
10
Jean-Jacques GLASSNER Ecrire à Sumer, l'invention du cunéiforme p. 258, Seuil 2000 11
Frédéric SERVAJEAN Les formules des transformations du Livre des morts à la lumière d'une théorie de la performativité. Institut français d'archéologie orientale, 2004. 12
AMENOPEH, L'Onomasticon, XXIe dynastie tanite, 1085-950. 13
Pascal CHARVET Eratosthène, le ciel, mythes et histoire, des constellations, p. 101, Nil éditions 1998
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La paternité divine est un concept qui fut élaboré au cours des
millénaires à partir de la paternité du chef de clan, puis de Pharaon,
confirmé dans son pouvoir royal avec la racine hs, ie*√mn/man de
l'humanité.
La maternité fut divinisée au cours de ces très longues périodes
comme un don du ciel, un prodige de la nature, ce que la rationalité et la
biologie appellent une réalité. Il s'agit d'un réel incontestable qu'aucune
civilisation de l'Antiquité ne contesta à la femme en tant que lieu de
gestation d’une descendance dans son rôle de transmettrice14 d'humanité
par le langage, une nourriture plus essentielle que son lait. C'est la raison
pour laquelle elle était divinisée, prestige qu'elle perdit tardivement,
lorsque, pour des questions de traductions de langue à signes entre elles,
cunéiformes et hiéroglyphiques, puis entre langues alphabétiques, et à
travers des pratiques cultuelles diversifiées dans certains temples, elle
fut accusée d'avoir fait chuter l'homme.
La maternité n'est pas un concept. C'est pourquoi la seule filiation
reconnue par le peuple hébreu était la filiation maternelle, la mère juive
dont on est sûre, alors que le père peut être incertain. C’est pourquoi
selon la loi de Moïse, le bâtard était exclus de la communauté divine.
Le nom de Jean l'évangéliste
Le nom de Jonas dans sa forme hellénisée iôna, yonah en hébreu est
un anagramme de Iôan, le nom de Jean15. Un drame est caché dans le jeu
de mots sur le nom de Jean qui prête à Jésus des propos à interroger
concernant son antisémitisme, lui, l'apôtre juif parlant des autres, des
étrangers :
Si mon royaume était de ce monde mes gens auraient combattu pour que je ne sois
pas livré aux Juifs, JN 18-36.
En Marc 1-9, la voix qui descend du ciel comme une colombe est un
jeu de mots sur deux noms propres. En effet, la métathèse sur les deux
noms - Jonas-Iôna, et Jean-Iôan - présente l'anagrame d'un troisième nom,
Onias, dernier grand prêtre légitime, jadis déposé, puis assassiné.
Le signe de Jonas tel qu'il est mis dans la bouche de Jésus peut
exprimer du point de vue ultérieur des scribes évangéliques, l'élection
divine de Jésus par son père du ciel racontée dans un style quasi-
magique, propre aux pratiques écrites et aux croyances à la magie propre
aux mentalités de son temps. Et en effet, le sens crypté par les tout
premiers scribes évangéliques, Marc en particulier, visait à restaurer la
légitimité des familles sacerdotales au sein desquelles la tradition
14
En langue française, ce néologisme est un hapax qui parle pour lui-même de l’absence de féminin grammatical à ce masculin. 15
Christian AMPHOUX "Le problème de la vie de Jésus" in Dieu parle la langue des hommes, p. 132, Ed du Zèbre 2007
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désignait les grands-prêtres. L'opposition entre Marc et Jean est rarement
soulignée.
Le point de vue défendu dans le présent texte renvoie à la révolte
nationaliste de Judas le Galiléen dans la fonction attribuée au personnage
de Jean le Baptiste qui veut réformer le sacerdoce dans le sens donné par
Isaïe : J'envoie mon messager devant toi pour préparer ton chemin,
Une voix crie dans le désert
Préparez le chemin du Seigneur, Rendez droits ses sentiers, IS 40-3.
Marc ne mentionne pas le signe de Jonas, il remonte à Isaïe pour
ouvrir son évangile, MC 1-1, epheta en hébreu, efta en arabe moderne. Il
applique ses textes, Ezéchiel
J'ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau, EZ 3-2
Il s'agit bien chez Marc de la réponse à donner à l'appel de Yahvé qui a
parlé au cœur d'Isaïe Réconfortez, confortez mon peuple,
Et proclamez à son adresse
Parlez au cœur de Jérusalem Que son service est fini
Que son péché est expié,
Qu'elle a reçu de la main de Yahvé Double punition pour tous ses crimes, ES 40-1
Le cryptage des évangiles, Jean, Matthieu et Luc, touche à la révolte
fomentée par Judas le Galiléen, rendue imperceptible par les effacements,
ajouts et corrections ultérieures16.
Il apparaît que le signe de la colombe qui descend du ciel, descendre =
yarad, dont la racine est celle du nom du Jourdain, désigne le baptême
d'eau, lien culturel avec le bain rituel de purification pratiqué par les
juifs. Le nom du Baptiste, Iôan, Jean, apparaît alors comme le chaînon
entre le renouvellement du sens de la purification intérieure, le baptême
d'eau, inséparable de la purification par la parole, prêchée dans les
synagogues par Jésus qui fait vivre les textes, en animant la Torah écrite,
travail de la Mishna. Les juives renouvellent régulièrement les bains
rituels, les Chrétiens renouvellent les promesses de leur baptême à l'âge
de faire leur barmitza, la symbolique est identique, mais ce qui apparaît
là est l'usage doctrinal et théologique de la spécification initiale donnée
par la nature qui a différencié les sexes en un temps si lointain dans
16
Pour les recherches sur l'histoire des textes et les versions du texte de Marc, cf Christian AMPHOUX, CNRS, "Evangile de Marc", 1999, Mélanges de sciences religieuses, Revue trimestrielle n° 56, 1999, Université Catholique de Lille, 6 bd Vauban, BP 109, 59109 Lille. Christian AMPHOUX, in CORPUS CHRISTI, une série de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. Enquête sur le nom de Jésus. DVD GCT 452. 1997-1998, la Sept Arte, Archipel 33.
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l'évolution des espèces qu'il donne une idée du temps cosmique appelé
parfois éternité. Le judaïsme et le christianisme ont des conceptions
opposées concernant le corps, la vie, les liens du mariage, le
renouvellement des générations dans l'humanité, et c'est sur ce point que
l'avenir devra ouvrir un nouveau livre pour y écrire ses promesses. Ici, les
femmes juives et les femmes chrétiennes sont unies comme des sœurs,
mano nella mano à toutes les femmes voilées et violées du monde entier
où sous couvert d’un mariage socialement reconnu, tous les abus sont
passés sous silence.
Jean, Iôna, reprend la tradition mosaïque des Nombres, NB 14-22, Dieu
pardonne parce que Moïse lui demande pardon. Les rituels de purification
par l'eau arrivés jusqu'à aujourd'hui, différenciant les hommes et les
femmes, ont pour signification symbolique de reproduire pour mettre en
évidence ce qui se répète au quotidien dans la vie humaine,
l'imperfection, l'incomplétude, l'inachevé, le manque, l'insatisfaction,
l'espoir, le mythe de la terre promise, Jérusalem, la ville, la mère.
Le personnage de Jean-Baptiste reprend les Ecritures de l'écriture de la
vie, il allie la marche à la démarche vers l'avant, un renoncement pour
emporter la faute par le geste, le bain rituel dans le Jourdain, la source, la
rivière, l'eau vive du fleuve étincelant de la pensée et de la parole, la
transmission biologique des perceptions vécues in utero, puis autrement
à ‘âge adulte, la fidélité à l'alliance. Rites et liturgies se métaphorisent
selon les cultures et les langues, l'alternance de l'oral et de l'écrit, ils ont
la même fonction, mais leur sens se fige s'ils ne sont pas réinterprétés et
reformulés inlassablement, en fonction de l'évolution des mœurs et de
l’affadissement des tabous langagiers, et malheureusement des lois qui
ne sont pas toujours mises correctement en accord avec leur temps. Et
encore moins les comportements.
L'écriture des Nombres, NB 14-22, développe le débat entre Moïse et
Yahvé en colère parce que les hommes l'ont mis à l'épreuve, DT 6-16, sans
écouter sa voix, mise en garde réitérée par Matthieu et Luc, dans la
bouche de Jésus.
La fonction métaphorique de la colombe est dans la pureté et la
blancheur de son innocence, trahie, ensanglantée, livrée par le trafic,
se’orah en hébreu, les jeux de mots, les langages truqués, les textes
originaux modifiés par les scribes, le sacrifice de volatiles vendus comme
des indulgences pontificales sur le parvis du Temple de Jérusalem.
L'acheteur est dispensé grâce à sa richesse de faire la démarche
intérieure, soi-même sur soi-même, un peu comme le jeune homme riche
de l'évangile de MATTHIEU 12-22, qui s'en était allé fort tristement car il avait
de grands biens. La bête offerte en sacrifice faisait le travail de
propitiation à la place de l’homme et le dieu pardonnait.
Ce jeune homme riche n'avait pas connaissance de l'arbre
généalogique des alphabets protosinaïtique, paléosinaïque et
sudarabiques (yéménite) sans doute connus des scribes de Marc, la lettre en
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forme de loupe semblable au koppa grec, le trou de l'aiguille, notre y, le
yod offert à Salomon par la reine de Saba venue lui rendre visite avec ses
singes et ses paons. Il aurait été difficile de faire passer un chameau dans
cette noble lettre déposée par la huppe dont il est question au verset 28
de la sourate La Fourmi. Il ne savait pas, ce jeune homme riche, que le
guimel hébraïque était déjà incompatible avec le digamma tôt disparu de
l'alphabet grec. Il était resté en hébreu dans le vav avec sa fonction
inversive, signe syntaxique du lien temporel qui unit l'avenir au passé
pour l'accomplir (l'écrire) mais aussi conjonction de coordination entre
l'homme et la femme, car il fut écrit que toutes choses devaient
s'accomplir selon les écritures. Mémoire du hiéroglyphe égyptien mt,
symbole de virilité, lien d'amour et de fécondité, dont l'image fut
censurée par Epiphane de Salamine. Mémoire du verbe akkadien « écrire
les présages divinatoires » pour accomplir le désir des dieux du ciel, les
astres divinisés.
Les sacrifices d'animaux dispensaient l'offrant de faire la démarche
qui consiste à ne pas rester figé sur soi-même dans la culpabilité, car c'est
elle la source qui déchaîne les pulsions de vengeance et d'exclusion de
l'autre. L'enjeu était le pardon divin, au prix soit d’un taureau pour les
riches, d'une colombe pour les pauvres, métaphoriquement pour les
sages, d'un effort sur soi. La nouveauté était apparue avec le prophète
Amos.
Pardonne la faute de ce peuple selon la grandeur de ta bonté tout comme tu l'as
traité depuis l'Egypte jusqu'ici, NB 14-19. Yahvé dit : je lui pardonne, comme tu l'as dit. NB 14-20
Je hais vos fêtes, quand vous m'offrez des holocaustes, je n'en veux pas, AM 5-22
Que le droit jaillisse comme les eaux, et la justice comme un torrent intarissable, am 5-24
Avec Moïse, l'homme biblique était devenu capable de pardonner
parce qu'en lui, Dieu parle la langue des hommes, ce que Freud, sans
illusion sur les phénomènes de répétition, appellera le désir. Mais
longtemps après Moïse, le désir de l’homme continuera à être confondu
avec le désir d’un dieu à qui les hommes prêtaient leurs sentiments de
vengeance, de colère et de guerres, pas toujours d’amour, parfois de
pitié. La métaphore de la colombe qui, en MARC 1, accompagne la voix
divine soutenant la démarche du baptême d'eau pour humaniser la
transmission à la manière humaine, est trop souvent limitée aux mots qui
présentent cette métaphore comme un fait historiographique en oubliant
la réalité historique du bain rituel, exprimant un désir de purification
dans le judaïsme. Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. A
l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'esprit comme une
colombe descendre sur lui. Et des cieux vint une voix : tu es mon fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir, MC 1-9+
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L’apologétique chrétienne des gens simples a fait de l’image « comme
une colombe », une vraie colombe. C'est ainsi que, dans un passé encore
récent, les petites maîtresses dans les écoles coptes enseignaient aux
petites filles que Jésus, enfant, pendant la récré, modelait des petits
oiseaux avec de la terre glaise pour les autres enfants. Il faisait un gala-
gala en soufflant sur ses modelages et, magiquement, les colombes
s'envolaient vers le ciel17. Elles ne savaient pas, les Coptes, que le signe
de Jonas, c'était beaucoup mieux que la venue du Gala-gala dans les
goûters d'anniversaire parce que les Egyptiens, leurs ancêtres, étaient
animistes et qu'ils adoraient les jeux de langage. C'est pourquoi
l'évangéliste Luc, médecin, était plutôt exorciste, une fonction issue du
sumérien mash = présage, mash-mash = exorciste18, une relique
expressive et grammaticale précieusement conservée depuis l'exil à
Babylone.
Le signe de Jonas est crypté dans une langue étrangère qui n'est ni du
grec, ni de l'hébreu, mais une agglutination de plusieurs langues, comme
en sumérien, selon des modes de pensée qui nous échappent parce que
les modes de cryptage ont changé. Le sens métaphorique de la voix qui
tombe du ciel comme le faucon Horus égyptien qui fonce sur une brebis
pour l'emporter n'est jamais explicité dans la tradition catholique
autrement que comme phénomène réel miraculeux. Le nom de la plante
éphémère qui avait donné tant de joie à Jonas en le couvrant de son
ombre pour le délivrer de son mal, JON 4-6, avait été oublié par les peuples
de l'oralité. Les Hébreux parlaient toujours en métaphores pour évoquer
cette chose si présente dans leurs rêves qu'elles préoccupaient les prêtres
qui en avaient fait une fonction sacerdotale, tant en Mésopotamie qu'en
Egypte. La trace de la détresse vécue par Jonas à son réveil ne s'était pas
effacée des écritures, sa colère avait obscurci l'onomastique royale de la
botanique antique à laquelle les hommes donnaient un nom divin, aisé à
retrouver en remontant l'historiographie des Lumières dans l'arbre
effeuillé de la connaissance, présent dans l'Herbier du Roy, conservé au
Jardin des Plantes ou dans la botanique égyptienne qui cache encore
quelques secrets dans ses hiéroglyphes.
Dans la taxinomie des œuvres de la création, Freud avait classé la
normalité du rêve d'inceste parmi les visions oniriques masculines
œdipiennes.
17
En arabe moderne d'Egypte, le gala-gala, c'est le mash-mash mésopotamien, le prestidigitateur que l'on invite les jours de fête pour le plus grand bonheur de tous et pour évoquer la mémoire syntaxique du superlatif sumérien rendu par la gémination de la consonne ou de la syllabe. Cette pratique phonique fut reprise par les Grecs qui l'écrivirent dans la gémination expressive des consonnes, au sujet de laquelle les hellénistes ne donnent pas d'explications, peut-être par négligence, peut-être par ignorance de la rhétorique biblique et de l’emploi des langages analogiques pourtant si pratiqués en araméen. 18
Lucien-Jean BORD Petit lexique du sumérien p. 99 Geuthner 2001
12/38
Quand on trouve dans un rêve la figuration d'un fait qui est commun à deux personnes, cela indique ordinairement qu'il faut chercher autre chose qui est commun
aux deux, et qui demeure caché parce que la censure en a rendu la figuration
impossible19
.
Freud, né par Amalia Bernay sa mère dans une lignée de rabbins,
aurait fait sa découverte grâce à une grande connaissance du
fonctionnement de l’analogie par la métaphore dans la langue biblique
que lui enseignait son père, langue sainte, dira-t-il, qui lui était plus
familière que la langue véhiculaire en Moravie. Sans la connaissance
de six langues étrangères qui s'entremêlaient dans les rébus de ses
propres visions oniriques, il n'aurait pas entendu la plainte des jeunes
filles hystériques de Vienne dont les jambes étaient paralysées par
l'ignorance et la terreur inspirée par l'inconnu. La connaissance de la
différence entre un homme et une femme, la réalité du rêve et
l'invention des leçons reçues de traditions antiques, était née comme
un arbre dans l'abîme linguistique qui séparait le sumérien du néo-
babylonien ramené de l'exil par ses ancêtres et du tchèque de sa nanny
catholique.
Freud avait découvert la clé des racismes inhérents à la nature
humaine qu'à défaut d'autre mot, il appelait pulsions. Il savait que la
haine précède l'amour dans la genèse du petit d'homme qui voit
disparaître sa mère de son champ visuel20.
Ceci se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain
La croyance à la résurrection d'un mort dans sa mémoire, la fille de
Jephté, Lazare à Béthanie, Jésus après sa passion, fait abstraction de la
métaphore cachée dans le mot résurrection, tel qu’il apparaît dans les
contextes des écritures antiques, sumérienne, akkadienne, hittite,
hourrite, louvite, ougaritique, égyptienne, hébraïque, araméenne.
La langue grecque avait modélisé ce phénomène dans la résurrection
d'Adonis au printemps sous la forme d'une fleur jaune.
La fille de Jephté, yifetah, n'avait-elle pas ressuscité dans le
personnage d'Iphigénie, offerte en sacrifice à Artémis par Agamemnon,
son père ? A moins que ce ne soit la légende d'Iphigénie qui aurait été
translittérée tardivement du phénicien ou du grec en hébreu dans le livre
des Juges ?
Dans l'évangile de Marc, la guérison du sourd-muet est une
résurrection du nom de Jephté, le Galaadite, un vaillant guerrier, le fils
d'une prostituée. Jésus lui toucha la langue : puis levant son regard vers le ciel, il lui dit : Ephepheta,
ce qui veut dire, ouvre-toi, MARC 7-34
19
FREUD L'interprétation des rêves p. 277, PUF 1926 et 1967 20
FREUD Métapsychologie 1915. Folio 1968, p. 42
13/38
Jephté, le fils d’une femme sans nom, sacrifiera sa fille qui mourra en
restant pour la postérité, la fille sans nom de son père. Et l'homme parla
comme avait parlé Yahvé à Ezéchiel enfermé dans sa maison, sa langue
collée à son palais, muet, mutique par la volonté du ciel. Et ce fut un
signe pour la maison d'Israël. Ez 3-24, 4-3. Couché sur le côté gauche21,
comme Pierre frappé au côté dans un rêve, Ezéchiel avait pris sur lui,
comme Damqî, le péché de la maison d'Israël, EZ 4-4. Le performatif à
gémination du phi grec ephpheta marquait son origine superlative
sumérienne, pour indiquer que l’ouverture était double, libérer la parole
et ouvrir son oreille à l’autre, voir, parler, croire, entendre. Les aveugles
voient, les boiteux marchent, les muets parlent, les oreilles entendent,
alors le ciel s’ouvre et la magie envoie une colombe pour approuver le
bain rituel et le baptême dans le Jourdain. Toucher la langue est bien la
grande leçon de linguistique que Jakobson enseignait avec le son et le
sens.
Et la vérité venait au jour comme s'ouvrait le ciel d'Eratosthène quand
les nuages s'estompaient pour faire apparaître l’importance des présages
reçus des devins qui observaient la vie des étoiles. Les signes du ciel
dictaient leurs mythes aux hommes, l'invention de l’écriture suivit pour
exprimer le désir du sacré chez les hommes. Dans le désert du Sinaï où
Moïse errait avec les Hébreux, lorsque la nuée s'élevait, le peuple levait le
camp, NB 9-20.
Alors, la pensée humaine faisait une avancée. Et dans l'épaisseur de
leurs forêts, les recluses des monastères féminins du Moyen-Age
ouvraient les yeux pour entendre dans les oracles chaldaïques le cryptage
secret du chiffre de la différence entre les remparts d'une citadelle et une
prison, un hôpital psychiatrique et une université française.
Et le livre s'ouvrait dans le ciel du désert pour que les Hébreux
dans le camp organisé autour de la tente, puisse voir l'Etable, un espace
entre deux étoiles, attaché à une longue tradition pastorale populaire, son
apparition dans le ciel était le signe d’un temps clément. L’Etable, un
espace dans le ciel sur la carapace du Crabe n’était pas un trou noir, mais
un espace nébuleux entre deux petites étoiles, les Anes, était la nuée qui
parlait au peuple et le peuple levait le camp et repartait. Elle constituait
sans doute la métaphore amoureuse d’un poème mésopotamien dans
lequel figure le roi d’Isin,
O Innin, lorsque tu seras ENTREE en l’Etable, l’Etable : O Inanna, sera joyeuse devant
toi.
O hiérodule, lorsque tu seras ENTREE dans la Bergerie, la Bergerie, Inanna, sera
joyeuse devant toi.
21
René LABAT, Traité akkadien de diagnostics et pronostics médicaux, Paris-Leyde 1951.
14/38
Lorsque tu te seras approchée des mangeoires, les honnêtes brebis déploieront
devant toi leur laine22.
Les trous rois mages de grand matin avaient suivi le train de leur
comète qui les avait guidés jusqu’à La crèche de Bethléem, la maison
pain, ce que savait Eratosthène puisqu’il l’avait écrit en grec, à
Alexandrie.
Jésus parlait à ses brebis qui le reconnaissaient à sa voix.
Enfermement disciplinaire, enfermement de la personne
Quand le cancer ronge l'âme du monolingue prise dans l'enfermement
des catégories d'Aristote, des statistiques, de l'observation des
comportements, de l'imagerie cérébrale, de doctrines et de dogmes
engramés dans l'enfance, il la dévore comme la fureur du feu quand il
s'empare du chaume d’un toit.
Toucher la langue, c'est déstructurer les jeux de langage de
l'inconscient qui parlent dans la parole vivante pour entendre dans la
voix du locuteur, son intention secrète de communication, ce que
découvrit Freud, yiddishophone, petit-fils, arrière petit-fils de rabbin,
imprégné de tradition talmudique, en prêtant l'oreille au désir
inconscient de ceux et celles qui, sur son divan, voulaient éviter de
sombrer dans le non-sens.
Ainsi parle le seigneur Yahvé : quiconque veut écouter, qu'il écoute, et quiconque
ne le veut pas, qu'il n'écoute pas, car c'est une engeance de rebelles, EZ 2-27
L'engeance de rebelles est le chaos des traces contradictoires du passé
qui habitent l'inconscient. Les langues humaines s'ouvrent aussi quand on
consulte les bases, les racines, les étymologies, la phonologie historique,
les mythes, les légendes, l'histoire, les silences, les graphies en contact,
les traductions, les interprétations et le désir de cacher la vérité aux
enfants parce qu'elle est trop triste. Mais le pire est, au sein des
hiérarchies masculines, le désir individuel de dominer les femmes afin de
mieux les rabaisser. C'est ainsi, qu'au bas Moyen-Age, les grandes familles
aristocratiques enfermaient les filles excédentaires dans les monastères
féminins pour éviter le morcellement de leurs terres et préserver la
conservation de leurs privilèges et de leur patrimoine légué au fils aîné,
héritier du titre de noblesse.
La grande diversité des formes d'enfermement malmène aujourd'hui la
modernité sociale et universitaire quand elle confond les missions et les
colonisations, l’éducation, l’accueil et l’intégration, le carcan idéologique
des traditions hellénistes et les anachronismes d'interprétation des
rapports de missions mal déchiffrés. Si ces témoignages du terrain
parvenaient au sommet des hiérarchies qui les recevraient tronqués, ils
22
S.N. KRAMER Le Mariage sacré, Berg International 1983, p.123.
15/38
ne seraient pas décryptés à cause de l’abîme qui sépare le pavé d’en haut
et la terre battue d’en bas.
Ouvrir la langue des présages écrits en cunéiforme, voilà bien un
travail pour philologues, sémanticiens, exégètes et historiens en quête de
sens et d'origine sur les vérités perdues à retrouver pour les faire
partager aux historiens des religions et vice-versa. L'enfermement
universitaire dans une institution qui a supprimé les langues antiques des
cursus a érigé des remparts entre les langues mortes et les langues
vivantes en faisant abstraction de la mémoire neuronale qui a enregistré
la diversité des langues que les prophètes appelaient Babel et Freud
l'inconscient phylogénétique. En médecine néonatale, il s’agit de la
genèse de l’ouïe fœtale. L'histoire des peuples et des religions n'est pas
une succession de faits et de dates, elle est un vivier de savoirs endormis
qui nécessite une remontée aux sources des langues mortes des
civilisations disparues dont sont issus nos enfants bien vivants issus des
guerres de libération.
Par conséquent, l'enjeu est grave, il s'agit pour chacun d'assumer les
séquelles de l’existence dans son inéluctable singularité. Il nécessite un
travail collectif, une solidarité, une traversée des cultures, un partage des
connaissances, des croyances, des sciences, une nécessaire
transdisciplinarité institutionnelle et scientifique avec de la modestie et
du bon sens. Et c'est bien là que le bats blesse. La transdisciplinarité est
conspuée par la réaction qui n'a pas entendu la grande complainte des
étudiants rassemblés au printemps 2009 sur le parvis de la chapelle de la
Sorbonne mais encadrés par les forces de l’ordre, promues sentinelles
armées d'une jeunesse désarmée, ethniquement hétérogène, angoissée
par le chômage et l’injustice sociale.
Les horloges de la Sorbonne ne sonnent plus depuis longtemps, ses
aiguilles arrêtées donnent l'heure de la mort de ceux que Pierre Teilhard
de Chardin appelait les fixistes qui n'avaient pas compris que l'enjeu de
l'existence de l'homme est au Cœur de la Matière, le langage, la langue, sa
langue. Un ensemble d'énergies, de créatures palpables, sensibles,
naturelles, pèsent comme un fardeau, le joug posé sur la grande famille
humaine dont les langues et les langages sont aussi mouvants que le sens
unique du temps d'une seule vie sur la même terre.
Yifetah, le nom hébreu de Jephté, voilà bien un mot dont le
phonétisme sonnant en consonnes pourrait bien partager son étymologie
avec ephpheta = ouvre-toi, ouverture pour laquelle il faut la clé moufta en
arabe, l'oracle sur Ninive offerte dans le livre de la vision de Nahum.
Et Toth, dieu des écritures, protecteur des rêves et du comput du
temps des femmes dans les temples de Pharaon et du Grand Roi, prend
son clou pour écrire dans l'argile en tèt et en sept (7), que Yahvé est une
citadelle au jour de la détresse.
16/38
Alors, d'un lieu si lointain que nul n'en a souvenance, Mafdet, la
déesse de la joie et de la musique se met à danser au son du fifre23 devant
Pharaon pour le soutenir dans sa rude épreuve. L'étymologie de son nom
qui repose sur la base *√mn surgit de la langue égyptienne pour évoquer
les affinités entre les langues chamito-sémitiques et indo-européennes. La
permanence de la botanique dont l'efficacité soutient la biologie de
l'humanité, *√mn, de l'homme, *√mn, le nom de la plante sacrée, *√mn, le
nom de Ménès s'écrit sur *√mn, premier roi mythique prédynastique dont
aucun égyptologue n'a encore pu prouver l'existence. Ce qui est resté du
passé, c'est l'homme-et-femme-créé dans sa capacité à engendrer une
descendance, la déesse de l'amour, Mafdet, dont le nom mn fut créé à
partir du nom mn de la plante sacrée, la pomme de silphium, l'Or des
dieux24.
Le hiéroglyphe égyptien montagne pouvait se lire mn, celle qui rend
stable et permanent dont l’épithète convenant parfaitement à la déesse
prêtant main forte au pharaon âgé lui rendait sa vigueur d'antan. La
stabilité et la permanence du signe sumérien KUR représentant un
ensemble de trois doigts, une mesure de longueur à Sumer, confirmait
une vision universelle propre à la pensée préhistorique d'avant l'écriture,
la triangulation œdipienne père/mère/enfant du signe triangulaire
sumérien du pubis, à valeur sémantique de la nourriture et de la femme.
Dans l'appellation mn, montagne et nom de la déesse Mafdet, il
faudrait voir le point de départ du terme méni, nom du roi Ménes,
Wédéni, fondateur de la monarchie égyptienne, dynastie zéro, celui qui
est rendu permanent, nom donné au monarque en vertu de sa vigueur
renouvelée grâce au silphium et au concours du lynx divinisé. Avec le
temps, cette épithète aurait été prise pour un nom, puis attribuée au
premier roi solidement installé, stabilisé, *√st, sur son trône. Ce passage
23
L'hébreu gil signifient exulter d'allégresse, bondir, jouir, se réjouir, jubiler. Le verbe égyptien khen peut être traduit par danser et voler s'il a son déterminatif "homme dansant", mais il signifie aussi "faire de la musique" au moyen du sistre. 24
Antoine MEILLET décrivit la formation des noms propres à partir des noms communs en indo-européen. On voit mal pourquoi la formation des noms communs dans les langues sémitiques suivrait un itinéraire différent. Le dieu indo-iranien Mitra, Le Journal Asiatique, tome X, Jui-Août 1907. La plante sacrée, l’aphrodisiaque silphium, appelée drogue couleur de cornaline, et aussi parfum lybien, (car dans la théologie d'Esna, Neith, déesse primordiale qui créa le monde de sa parole était libyenne) présente une supériorité sur le luncurium qui a le pouvoir de dégager un fort parfum de musc très apprécié dans l'Antiquité. Une ressemblance avec des mots égyptiens qui désignent simultanément le sceptre royal ouas w3s et l'arbre sh ws sous lequel git Horus à qui Seth vient d'arracher les yeux, arbre évoquerait pour les Egyptiens les perles de cornaline à cause de ses fruits ronds et rouges utilisés pour les maladies de yeux. La valeur des verbes wss rejeter et ws mâcher était peut-être étendue au verbe ws3 engraisser, gaver et à w3s exalté, puissant, honoré, dès lors que la plante sacrée servait à engraisser les femmes dans les harems pour les rendre plus attrayantes tout comme les bêtes entravées dans les pâturages de silphium dont la viande était la meilleure. Cette plante, utilisée comme engrais agricole dans l'Antiquité égyptienne, est utilisée de nos jours, dans les cultures arabo-berbères pour la culture des mangues, mais également pour permettre aux femmes de prendre du poids.
17/38
de l'adjectif au nom propre permit à l'égyptologue Vinkentiev d’anticiper
l’avenir de la philologie
il s'ensuivrait que la découverte à l'aube pharaonique des vertus stimulantes du silphium aurait joué un rôle historique important en transformant la royauté à terme
en royauté à vie25.
La base universelle *√mn de l'origine, lieu géographique har en
hébreu, la déesse Sin, le Sinaï, la montagne, l'étranger de l’autre côté de la
colline, l'inconnue, la Marianite, l'Ismaélienne, serait l'objet divin
transitionnel tabou dont on ne prononce pas le nom. Le dieu féminin de
l'origine, tel le feu volcanique, allie le sacré et le maudit, l'homme et la
femme, la plante sacrée et la femme maudite. Le féminin originaire
associe la plante sacrée et le serpent Tiamat, une divinité sumérienne
amphibie. L’envahissement de la terre par l’eau du déluge racontée par le
Grec Bérose est accompagné de l’invention d’une créature mythique
Oannès, mi-homme, mi-poisson, sortie de l’eau pour révéler aux hommes
l’ensemble des connaissances qui fondent la civilisation. L’eau est celle
des commencements bibliques, le souffle de Dieu planait sur les eaux. Le
souffle, l’air, le vent sont les variantes textuelles figurant l’esprit, l’âme,
la respiration, la vie, ayant des divinités spécifiques destinées à les
représenter.
Sin26, divinité lunaire vénérée en Mésopotamie établirait par sa
dimension cosmologique le lien entre différentes théogonies fondées sur
l'idée de lumière nocturne, le désir, le renouvellement de l'espèce, la
différence des sexes et la tyrannie de la peur de l’obscurité, sacralisée en
tabou que Freud appelle la terreur sacrée.
Le monolinguisme de l'enfermement institutionnel qui ferme ses
portes à d'autres langages disciplinaires est un déni exemplaire de la
différence des sexes et de l'anthropologie la plus élémentaire dans un
effacement de la question existentielle sur l’origine, donc sur le fait
religieux.
La racine universelle *√mn, concept de paternité divine
Au IIIe millénaire, le processus d'élaboration du mythe dans son
véhicule phonique suivrait le processus linguistique suivant : le roi dopé
au silphium passe publiquement un test au cours de la célébration de son
jubilé pour donner la preuve de sa virilité27. Par la vertu magique de
l'efficacité symbolique, l'effet de l'aphrodisiaque mn est alors divinisé, le
nom commun silphium, mn, devient un nom propre, Mafdet, mn, la
25
Vladimir VIKENTIEV "Le silphium et le rite du renouvellement de la vigueur". Bulletin de l'Institut d'Egypte XXXVII, n° 1, 1954-1955 26
Il y a une parenté phonique entre la déesse indo-européenne Sin et la lettre hébraïque sin = dent ainsi qu’une confusion éventuelle sur le s à cause des différents systèmes phonologiques des langues naturelles, sin et shin. 27
Vladimir VIKENTIEV "Le silphium et le rite du renouvellement de la vigueur". Opus cité
18/38
déesse-lynx. Il s'écrit comme montagne, mn. Il existait parallèlement une
plante à effet inverse, le gattilier28, dont l’effet anaphrodisiaque était
connu des Egyptiens. Il apparaît dans un papyrus conservé au Louvre,
véritable petit traité de botanique religieuse à orientation médico-
magique prononcée. Pros et antis cohabitaient dans les Palais, les temples
politiquement et les harems, corrects et incorrects confondus.
La plante silphium est désignée par son effet médicinal et son aspect
oreilles, qui donnent son nom à la déesse-lynx29. Le pouvoir féminin de la
déesse transforme la vitalité royale en vitalité sacrée, le rituel fondant la
nature du pouvoir royal divinise l'accomplissement de sa fonction
d'engendrement, le père est dieu, créateur de vie, Pharaon divinisé tient à
la main la croix ansée, signe de vie. Ainsi, le concept de paternité divine
fonderait sa première apparition historique sur les bases pulsionnelles de
la phonation30.
La racine *√mn du concept de permanence en égyptien désignant la
royauté suit l'histoire suivante dans les langues chamito-sémitiques31 :
H.s.: *man = know, test
WEST TCHADIC: *man = know CENTRAL TCHADIC: *Man/*mun = understand, analyse
EAST TCHADIC = *man = mind
SEMITIC: *mVnVw = count, également en akkadien, hébreu, arabe
Dans les langues indo-européennes32 :
I.E. *MAN/MEN véhicule l'idée de rester, de stabilité
VEDIQUE : MA-MANDHI = impératif du verbe rester SANSKRIT : MAN = attendre, rester immobiliser
GREC : MENO = je reste, je tiens bon, (FORME ISOLEE)
LATIN : MANERE = rester, séjourner, demeurer, mansionarius = gardien, IMMANERE = RESTER DANS, PERMANERE = rester jusqu'à la fin
ANCIEN FRANÇAIS : manoir, manage = demeure, maisnie = gens de maison,
28
Thierry BARDINET « Osiris et le gattilier » ENIM 6, 2013, p.33-78 29
Vladimir Vikentiev indique que le lynx se prête admirablement à un rapprochement avec cette plante ombellifère si l'on prend en considération ce que le folklore disait à propos de cet animal : « un être aussi fantastique que le sphinx aux poils roux ». Toute une série de légendes rapproche étrangement la vue du lynx et la puissance de son urine (wss) qui se coagulerait au contact de l'air en devenant une pierre précieuse d'un éclat de feu. Dans toutes ces fantasmagories se perçoit l'écho de faits réels prélevés dans le quotidien de l'existence de ces populations qui vivaient en grande harmonie avec la nature. En effet, le liquide secrété par les reins du lynx ne faisait que remplacer dans l'imagination populaire le suc s'écoulant de la tige ou de la racine de la plante. Par une série d'associations prélevées dans le réel botanique et les légendes, Vikentiev en arrive à désigner le luncurium confondu avec la chair du lynx, associé à l'escarboucle et à la gomme couleur de feu, comme évoquant pour les Égyptiens leur pierre rouge semi-précieuse, la cornaline, évocatrice d'ivresse et de folie, qu'ils désignaient par le même nom que la plante (ws). 30
Ivan FONAGY La vive-voix, Essai de psycho-phonétique, Payot 1983-1991 31
Vladimir E. OREL & Olga STOLBOVA Hamito-semitic etymological dictionary, materials for a reconstruction, p. 19, Brill 1995 32
Xavier DELAMARRE Le vocabulaire indo-européen, lexique étymologique thématique, Maisonneuve 1984. R. GRANDMAISON d'HAUTERIVE Dictionnaire des racines des langues indo-européennes, Larousse 1994. Calvert WATKINS The american Heritage. Dictionary of indo-european roots, Houghton Mifflin Company. Boston NewYork 2000
19/38
FRANÇAIS MODERNE : masure, ménage, permanence, ANGLAIS : mind (IDEE DE stand still MAIS INCERTAIN)
Dans les racines universelles33 : Mana = rester sur place
Mano = homme
Mena = penser
Tout se passe comme si le champ sémantique de la racine *√man/mn
permettait d'aborder la première question posée à l'univers par l'homme
des cosmogonies les plus anciennes comme était le reflet d’un désir
inassouvi, inépuisable, liant l'universalité de la libido à la pensée
consciente dans un éveil de la pensée rationnelle. Le lien logique entre la
ratio latine, la ration du militaire et la pensée rationnelle de l’âme comportait en soi, une contradiction intolérable. Le t de ratio [ss] et le s
de raison [z] expliquerait cette anachronisme phonétique certes, mais
alors le rôle des voyelles écrites dans les langues indo-européennes se
trouverait aux prises avec le déchiffrage difficile parfois aléatoire des
langues sémitiques antiques écrites avant l’invention des points
diacritiques. C’est ainsi que la primauté de la Torah orale serait apparue
aux Hébreux dans un désir de fidélité à l’origine en vue d’une
conservation de la source originaire inconnue du langage articulé, la loi
de Moïse transmise par la tradition.
C'est ainsi que la question inépuisable de l'origine et de la fin, la
naissance et la mort, inséparable de l'idée d'une puissance divine, à
travers les millénaires, aurait peu à peu imposé l'idée de monothéisme
comme réponse et comme solution à l’angoisse de l’au-delà de la mort.
L'universalité énigmatique du phonème pourrait ainsi porter le nom
religieux de mystère sémantique tôt découvert par les humains lors de
l’invention de la première écriture. Ce mystère correspondrait au
questionnement de Claude Lévi-Strauss relatif à la 3e leçon de Jakobson : On peut se demander si tous les caractères du phonème ne resurgissent pas dans
ce que nous avons appelé les mythèmes : éléments de construction du discours mythique qui, eux aussi, sont des entités tout à la fois oppositives, relatives et
négatives, des signes différentiels, purs et vides34
?
La racine *√mn du hiéroglyphe de la montagne serait le pivot
phonique à partir duquel le mythe de Babel divisa les hommes, posant la
filiation mésopotamienne et pharaonique en Ménès, fondateur de la
royauté égyptienne. La référence à la question de l'éternel féminin
représenté par la déesse Hathor, déesse de la musique et de l'ouïe, déesse
d'Or serait agglutinée sur le mode mésopotamien des langues
33
Merritt RULHEN L'origine des langues 1994. Préface André Langaney, anthropologue. Belin 1997 p. 256+, 34 Claude LÉVI-STRAUSS "Les leçons de la linguistique" in Le regard éloigné p. 198, Plon. Roman JAKOBSON Six leçons sur le son et le sens, troisième leçon, Minuit 1976
20/38
agglutinantes, dans le Fruit d'Or mn de la pomme de silphium, fruit
dangereux de l'arbre de la connaissance au jardin d'Eden du Livre de la
Genèse.
L'ouïe étant première, les assonances de la langue égyptienne
précédaient obligatoirement leur graphie. Mn, la permanence, assonait
avec le verbe souffrir. Ainsi par homonymie, la permanence royale de
droit divin fut-elle confondue avec la souffrance du Pharaon méni dans
son grand âge qui évoquait par assonance le nom de la déesse Mafdet et
le fruit d'Or. La Vérité perdue tant recherchée dans les vieux grimoires par
les prêtres égyptiens des Maisons de Vie, interprètes des songes, apparait
comme une investigation philologique, anthropologique, la
problématique du bien et du mal, une question profondément rationnelle
et normale, source de folie, de pathologie mentale, de guerres
génocidaires et de recherche scientifique.
Pour le meilleur et pour le pire.
Le principe créateur commun à la transmission de la vie ET à la
transmission du langage par la mère utérine serait représenté par mn, son
et sens. Le pouvoir vital de fécondité serait écrit dans le hiéroglyphe de la
montagne mn dans lequel le discours sur (about) la montagne prêté à
Jésus dans les évangiles plongerait ses racines les plus archaïques dans la
nuit des temps. Les paroles qui lui sont attribuées constituent une
mémoire de sagesse universelle transmise par le peuple hébreu de la
terre des humains, nomades en quêtes de justice.
Les phonèmes m et t du hiéroglyphe phallus égyptien dans le culte de
Mithra se retrouvent dans les langues indo-européennes sous la forme du
mot avestique mithra = contrat35. L'appellatif divin Mitra serait formé sur
le degré zéro i.e. *mi d'une racine *mei/*moi que l'on retrouve dans
toutes les langues indo-européennes.
La racine *√wi de la force vitale est celle du ravissement, enlèvement
dans le phylum indo-européen, sanskrit vahah, latin, vir, vires, français,
violent, viol, violer. Un rameau européen a donné le latin rapere, raptum,
anglo-saxon rep (Pokorny 1 rep). Il pourrait s’agir de la racine la plus
ancienne ie *√wegh transporter, ce qui en psychanalyse peut être associé
à des motions intérieures dont il est rarement rendu compte et qui aurait
trait à ce qui se transmet exclusivement de mère en fille, une errance
psychique profonde d’origine phylogenétique où un ailleurs féminin
spécifique parle depuis un lieu inconnu de l’inconscient pour raconter
l’éternelle misère des femmes. Le raptus anxieux des psychiatres qui
mène leurs patients au suicide serait de la même famille que le
ravissement des textes antiques mais renversé en son contraire, et dont il
est question chez les grands mystiques comme Jean de la Croix, Thérèse
d’Avila et tant d’autres. L’idée de ravissement, enlèvement, être enlevé, se
trouve dans la 2e lettre de Paul aux Corinthiens où la corrélation avec
35
Robert TURCAN Mithra et le mithriacisme p. 11 Les Belles Lettres 1993
21/38
l’idée de résurrection, relèvement du verbe qum dans le toponyme
Qumrân semble évidente. L’origine de cette idée, une impression
d’expérience vécue, traversée par ce qui dépasse l’humain était déjà
présente dans le Texte égyptien des Pyramides, dans la notion
d’ascension. Il s’agit toujours de monter au ciel, chez Paul et dans la Bible
de monter au troisième ciel. En psychiatrie comme en psychanalyse, la
sublimation résumerait mais mal, l’application que les individus font de
l’idée de ravissement avec son envers, le raptus anxieux pathologique,
l‘opposition entre le vécu viril du viol avec son envers dit passif, le vécu
de la femme au cours d’un viol et dans ses séquelles.
Avec la racine sanskrite mayah = restauration, revigoration, il y aurait
un mystérieux lien originaire entre les éléments constitués par :
le sémitique mt du phallus, le signe hiéroglyphique du lien égyptien
la racine ie *√wi de la force vitale
la racine polysémique hs *√mn du nom égyptien de la déesse Mafdet
le mitra de la racine ie *√mei du contrat des indo-européens,
Le phonème-racine *mei commun symbolisant le lien-contrat entre les
trois racines, préparant l'évolution phonologique et sémantique vers le
latin munus, une racine à valeur universelle36 pour l’idée homme,
humanité, pensée, esprit, le pro-nom allemand man ?
Evolution darwinienne et permanence de la parole
Ainsi, le nom de la fille de Ré, Maat37, déesse de la Vérité, de la Justice
et de l'harmonie universelle pourrait, dans une écriture sans voyelles,
assoner avec mt. Du point de vue phonologique et sémantique, si les
consonnes du nom de Maat, la Vérité, ont une origine commune mt avec
le nom du dieu Mithra, il n'y a aucune contradiction avec la racine *mei
qui fonde le contrat, autrement dit le Serment biblique. « Mets ta main
sous ma cuisse » Gen 21-2, engage le premier serviteur d’Abraham en
signe de promesse solennelle à respecter ce geste, signe de contrat entre
les deux hommes. Le serviteur était sans doute le premier eunuque
d’Abraham pour qu’une telle confiance lui ait été témoignée par son
maître : aller dans le pays de son maître pour trouver une épouse à son
fils Isaac. Va dans le pays que je te montrerai …
La racine *√mn de man, produisant l'i.e. humanité/humilité à l'ère
chrétienne, appartiendrait à un ensemble d'universaux audio-phoniques
« incorporés », c'est-à-dire incarnés, et incarnatus est, COMME S'IL existait
parmi les cellules nerveuses totipotentes, spécifiques au cerveau et à
l’enveloppe de peau, des cellules nerveuses à vocation auditive
36 Merritt RULHEN L'origine des langues 1994. Opus cité. Préface André Langaney, anthropologue. Opus cité, p. 254 + 37
En égyptologie, la prononciation de son nom est transcrite par M3't
22/38
préférentielle, présentes, dès le stade embryonnaire, permettant la
totalité des phonèmes possibles dans les lallations du tout petit. Ces
cellules cérébrales et dermiques réceptrices de sensations sonores
transmis par la peau de l’embryon in utero et ce par phylogenèse. Elles
s'organiseront peu à peu en système à partir du modèle idiolectal
maternel utérin parvenu à l’embryon par conduction amniotique pour
structurer la singularité de l'inconscient individuel de l’être vivant in
utero mais pas encore humain. C’est pourquoi toute maladie peut avoir
une source somatique.
Nous sommes dans le comme si de la pensée analogique qui permet de
proposer des hypothèses nouvelles, de source perceptive et intuitive, au
risque de les voir s’éliminer d’elles-mêmes par la suite. La langue-culture
maternelle s'organise individuellement pour chacun autour de ces
universaux-pivots des cellules cérébrales embryonnaires, les mêmes pour
tous, aussi universelles que les cellules totipotentes qui deviendront des
cellules se spécialisant pour chaque organe. Le volume du cerveau fœtal
de quelques jours expliquerait son étonnante disproportion avec le reste
du corps.
Dans cette perspective, la métaphore maternelle prendrait tout son
sens dans la source de l'être et de son humanité marquée par l’ADN
mitochondrial, permettant de comprendre le lien biologique entre la
quête du langage et la quête de ce qui dépasse l’être, son désir, la
connaissance, le divin des trois monothéismes. Les croyants sont à la
recherche d’une origine unique, le Dieu créateur de l’univers et de sa
parole que l’être humain entend en lui-même dans sa propre langue.
La recherche de la loi de vérité à laquelle tout enfant et toute
civilisation tentent de trouver une réponse correspondrait à la présence
universelle de récepteurs incorporés, auditifs, phonématiques déjà
spécialisés par rapport à l’animal, comme la pigmentation de la peau,
responsables de l'appel d'air déclenché par la demande de lois par
l'enfant lorsqu'il pleure et ultérieurement, harcèle ses parents et maîtres
de ses questions. On comprend mieux ainsi l'approche de Freud sur Akhenaton et son
prêtre Moïse dans la naissance du monothéisme : Avec une implacabilité grandiose, il s'oppose à toutes les tentations de la pensée
magique, il rejette l'illusion chère aux Egyptiens d'une vie après la mort. Il se fait gloire
de vivre en Maat, justice et vérité38.
La racine i.e.*√mn qui, à l'ère chrétienne, aurait généré les termes
humanité/humilité, contient en germe le sens de menacer. Il est étrange
d'observer qu'en louvite, une langue indo-européenne parlée par une
ethnie hittite, le terme mun désigne le sel dont les trois évangélistes à
l'exception de Jean prêtent à Jésus l'énoncé suivant
38
FREUD Moïse et le monothéisme 1938 p. 140, Folio 1986
23/38
Si le sel s'affadit, qui donc le salera.
La métaphore mn/mun est littéraire, certes, mais on peut s'interroger
sur son origine en termes de jeu de langage chez les évangélistes, ml
renvoyant au terme grec meli = miel ?
Sur ton offrande, tu mettras du sel, le sel de l'alliance de ton dieu, LEV. 2-13, une
alliance consacrée par le sel, NB. 18-19
En égyptien, le même idéogramme, bît, désignait le miel et l'abeille et
il était écrit dans le nom divinisé de Pharaon « celui qui appartient au
roseau et à l'abeille », pour symboliser les aires géographiques nord et
sud de son pouvoir. Le couple sémantique orgueil/humilité n'est ni
égyptien, ni grec, il est un effet tardif du monothéisme commun au
judaïsme et au christianisme qui aurait conservé ces notions de leur
origine araméenne hébraïque commune.
Le monothéisme ne serait pas né par hasard au Sinaï, sur le mont
Moussa, il serait le résultat d'une longue évolution, faite de mutations
dans une longue et très ancienne tradition égyptienne et hébraïque :
Une croyance à l'existence d'une force divine indéterminée, impersonnelle, présente en chaque dieu, individuelle mais universelle et largement répandue au-delà
des diverses formes visibles [...] croyance très générale en l'universalité et l'unicité
d'un être divin, sans nom, sans forme 39.
Le dieu de la Bible était un dieu changeant, procédant par à-coups,
comme s’il était la réplique d’un souverain régnant dans l’ambiguïté
même de l’appellatif Seigneur. Le Seigneur est un dieu jaloux et vengeur, NA 1-2
Le jubilé de Pharaon au cours duquel le souverain faisant la preuve en
public qu'il était digne de conserver son trône en dépit de son grand âge,
soutenu par l'efficacité de la plante magique40, sans doute à l'origine de la
notion universelle de royauté héréditaire, est sans doute également à
l'origine de l'hérédité sacerdotale de la lignée des grands prêtres du
Temple de Jérusalem remontant à David.
Le pouvoir pontifical dit infaillible, serait un héritage linguistique
modélisé sur la tradition, âprement disputée par la suite par les nouveaux
maîtres du Temple soumis aux envahisseurs étrangers, puis après
Bysance, confondu avec le désir des rois avides de terres à conquérir par
la guerre menée au nom de Dieu.
Le peuple hébreu, au retour de l'exil, aura conservé la notion
mésopotamienne écrire/accomplir les présages divinatoires, après avoir
39
POSENER Dictionnaire de la civilisation égyptienne p. 87 § dieux, Fernand Hazan 1959 40
Vladimir VIKENTIEV "Le silphium et le rite du renouvellement de la vigueur". Bulletin de l'Institut d'Egypte XXXVII, n° 1, 1954-1955
24/38
abandonné les cultes aux divinités astrales et déplacé ces cultes vers la
parole des prophètes.
Dans les sources mésopotamiennes, la plante médicinale, le gattilier,
était utilisée contre les démons responsables de l’impuissance masculine.
Si ces démons se présentaient à nouveau, la plante grâce à ses vertus
anaphrodisiaques pourrait leur infliger en retour un trouble du même
genre dans la sphère uro-génitale41.
La pensée analogique qui inventa le poison de la magie qui aliène mais
aussi son contre-poison, seul connu de l’empoisonneur ou
empoisonneuse était pratiquée dans la médecine égyptienne antique.
Conservée par les femmes, la botanique antique est connue des femmes
de fellahs, les paysans très pauvres des villages isolés de Haute Egypte
aujourd’hui, elle supplante la médecine moderne, mais aussi la justice
qui n’est pas encore arrivée jusqu’à elles.
Ces traditions millénaires propres aux campagnes profondes ont été
transposées par les informaticiens de la cité des sciences à Paris. Une
puce implantée sous la peau peut ouvrir une porte, faire reconnaître son
login à son ordinateur. Le risque, c’est que l’on peut influencer des
personnes à distance avec ce type de puce, car ce qui va du corps vers les
machines peut aller des machines vers le corps42.
Les hommes des temps bibliques connaissaient le pouvoir interactif
des démons du langage car dans le Livre d’Isaïe, le prophète se plaignait
qu’il n’y ait pas de paroles qui ne lui reviennent sans avoir produit leur
effet.
Ses despotes hurlent, et sans cesse, mon nom est bafoué. Mon peuple va
apprendre mon nom … il va voir que c'est moi qui lui dis : Me voici.
Brutalisé, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à
l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui …".
Concordance biblique, la parole de Jn 1-1 est au cœur du débat du
temps présent.
De même la parole jaillie de ma bouche ne revient pas vide sans avoir
produit ce qui me plaît – sans avoir rempli sa mission. Is 55-11
Mise en situation, toute parole actualise pour le locuteur la fonction
performative de l'efficacité symbolique de la cure shamanique lors d'un
accouchement difficile43. Un concept statique, l'alphabet grec en tant que
série de signes vides est en question dès lors que l’inconscient met ses
41
ENIM, Thierry Bardinet. Opous cité, p. 49 42
Le MONDE, 22-11-2002. Le Monde interactif. Cité des Sciences. 43
Claude LEVI_STRAUSS « L’efficacité symbolique », in Revue de l’histoire des religions. Fév-Mars 1949 et Anthropologie structurale tome 1,lon 1954.
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émotions en paroles, l’acte éthique par le silence livre le son des mots, la
libido, l’émotion est alors utilisée par les tragiques grecs pour faire effet
sur le spectateur. L’acte locutoire élève l’auditeur ou l’interlocuteur ou il
le rabaisse, l’écart interactif est là, la souffrance peut y être cachée, de
façon perverse de part et d’autre, locuteur/auditeur.
Tout se passe dans les mots, et surtout la mort [...] mots précis dotés
d'un sens technique dans la langue religieuse ou sacrificielle, mots de lieux
du corps [...] tous ces mots de la langue, la tragédie les emploie et les
détourne pour en faire la trame d'un discours très audible qui, sous le récit,
parle encore et toujours de la différence des sexes44.
Le principe de l’analogie est de tous les temps, il est modulable à
merci, procédé immuable fonctionnant à la vitesse de la lumière. Il est
l’étincelle qui traverse l’esprit pour éclairer l’écart qui sépare la cause et
la conséquence, le bourreau et sa victime, l’impuissance de la justice face
à la montée spectaculaire des racismes dans le monde.
Sous l'influence de Toth, dieu égyptien protecteur des écritures, la
notion de présage se serait enrichie de l'idée de la force performative de
la parole orale, parole rituelle, parole maternelle, malédiction proférée
contre un être, incarnée dans sa mémoire neurale avec effet dans son
actualisation nommée prédétermination par Freud, prédestination dans la
Bible. Le verbe akkadien « accomplir les présages des devins » en passant
en hébreu araméen « accomplir les prophéties » sera rendu en grec
évangélique par « accomplir les écritures », expression fréquente dans la
bouche de Jésus. Il s'agit d’une analogie avec le principe freudien de
répétition et de détermination par la langue de la mère et son langage.
Les prophètes bibliques connaissaient bien la fonction prophétique de
l’écriture poétique.
Le désir de Ruth, sa fidélité à elle-même et à l'amour qui l'animait avait
été plus fort que la Loi. Elle est restée fille de Noémi dans les mémoires,
tout comme Jésus est dit fils de Marie, deux exemples parfaitement
contraires à la tradition judaïque45. La filiation de David fut sans doute,
au cours du procès de Jésus savamment reconstruit en grec dans l’après
coup, pomme de discorde qui avait caché le nom de la plante sacrée, le
fruit de l’arbre de la connaissance offert par la déesse Mafdet à Pharaon
pour permettre à l'humanité de survivre dans la descendance royale. Le
désir de Ruth l'emporta sur les silences des Sadducéens, tout comme la
fortitude du désir chez Antigone qui l'avait emporté sur le pouvoir
terrestre de Créon.
44
Nicole LORAUX Façons tragiques de tuer une femme. Hachette 1985, p. 12 45
Jules ISAAC Jésus et Israël Fasquelle 1948
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Les paroles d'Isaïe, prédestinant la vie de Jésus aux yeux des
évangélistes, leur permirent la reconstruction d'un passé qu'ils n'avaient
pas connu.
Ce serait implicite chez Marc en 12-18 à 27 :
Yahvé n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes complètement dans
l'erreur, MC 12-27.
Les réprouvés Tu temple de Jérusalem profané par les armées de
Pompée, réfugiés dans le Temple des Pierres Vivantes de Qumrân
n’étaient pas « des morts », ils étaient des « survivants de l’enfer, qui
avaient survécu à la mort de leur vitalité sacrée. Ils avaient « surélevé »
leur esprit en déplaçant leur fidélité à Yahvé vers la fidélité du soleil à
faire mûrir les blés en inventant un calendrier adapté à leur latitude.
Reprise peut-être du faucon « surélevé » d’Horus, un hiéroglyphe
égyptien de l’Ancien Empire, Gardiner G 7, sur son « piédestal pour statues
divines, i3t », Gardiner R 12, une idée de la royauté représentée par les
supports utilisés pour le transport des objets de culte et les figures
divines à face zoomorphes, les hiéroglyphes eux-mêmes dans les
processions égyptiennes. Ce sont ces figures zoomorphes trop réalistes
du -IV millénaire qui auraient été dénoncées par Moïse comme idoles
étrangères vénérées par les Egyptiens et autres peuples46, interdites par la
Loi, Dt 29-16
abominations et immondes idoles, le bois et la pierre, l’argent et l’or
déifiés chez eux, Dt 29-16
Les idées, les pratiques et les cultes avaient circulé avec les mythes
étrangers et leurs croyances transmis aux juifs lors de leur esclavage en
Egypte à resituer dans son contexte local en langue copte ? Les quatre
saisons avec deux jours de l’an, aux équinoxes de printemps et
d’automne, différenciaient les liturges de Qumrân des Egyptiens qui
n’avaient que trois saisons à cause de la crue du Nil et peut-être d’un
calendrier nomade inventé par les peuples du désert arabique traversant
la péninsule en immenses caravanes nord-sud, que les Hébreux auraient
croisées lors des « quarante années » au désert, plutôt à décompter en
siècles ? Des combats sanglants eurent sûrement lieu entre caravanes
arabes venant du Sud et caravanes mésopotamiennes en provenance du
Nord à travers le désert syrien auront marqué deux millénaires, du -IIIe
jusqu’à la fin -Ir millénaire, période préchrétienne de Qumrân.
Les universaux phoniques et graphiques mn de la plante sacrée portés
par une déesse de la joie, appartiennent aux archétypes inconscients de
l'humanité, efta = ouvre en arabe, la clé est le Nom de Mafdet, le miracle
46
Adèle GETTY La Déesse. Mère de la Nature vivante. Seuil 1966, p. 66+ pour les illustrations indiennes et les églises chrétiennes celtiques en Grande Bretagne.
27/38
et/ou la damnation par la parole, c'est le toucher la langue. Parler à l'autre
dans sa langue, l’entendre, c’est parfois, entendre son âme, atteindre son
inconscient dans l'incarnation de l'idiolecte de sa mère, in utero, selon un
processus de l'ADN mitochondrial encore inconnu des biologistes en
génétique.
Le signe de la fille sans nom de Jephté
Ce sont les anthropologues et les psychanalystes qui éclaireront le
chemin de l'avenir qui conduira vers la chute des murs entre les
biologistes généticiens et les philologues pour délivrer les séquestrés de
l’idiolecte de leur mère et de son prénom. L’enfermement carcéral de
querelles raciales et familiales, qu’ils soient athées ou croyants, qu’ils
soient juifs, chrétiens ou musulmans, qu’ils soient hommes ou femmes
remonte au système idiolectal de la mère, inconnu d’elle-même.
Rien n'a encore été dit sur la transmission utérine de la libido
maternelle. Tout est à découvrir et à dire sur le vécu des premières
semaines de l’embryon en matière du devenir de l’humanité puisque le
sexe de l’enfant, indifférencié au départ, se détermine pendant ces
premières semaines, avant qu’il ne devienne fœtus.
Et si Mafdet, déesse de la joie, avait confié son nom [mft/mfd] à la postérité de Pharaon, alors la fille sans nom de Jephté [yft] qui possédait
le yod du nom divin ressusciterait pour retrouver le nom de son père dans
une histoire sans doute censurée en Juges 11-29 ? A Alexandrie, ce jour-là,
personne parmi les scribes hellénistes de la Septente grecque n'avait
songé à substituer une biche à Artémis sur l'autel du sacrifice47.
C'est ainsi que les filles du monde entier, poly et monothéistes
secrètement assemblées, pleurent la fille de Jephté, le Galaadite, quatre
jours par an, un nombre aussi fatidique que la quatrième lettre de
l'alphabet, daleth, la Porte de la tente de la rencontre pour la rencontre, le
delta triangulaire du Nil.
Le Y géographique inondé par la crue du Nil unit le double pays du
Nord et du Sud dans la coiffe de la double plume, Gardiner S 9, posée sur
la tête du faucon en posture de sphinx. Mais comme il fallait écrire le
nom d’une déesse en parèdre à Horus, Gardiner propose Hathor, la déesse
dont le Nom en écriture hiéroglyphique translittéré en alphabétique
paléo-sinaïtique en -900, agglutinait le signe du siège d’Isis, Gardiner O 6,
au faucon Gardiner G 5. C’est sans doute, à cette date, que le
protosinaïtique à signes croisant le cunéiforme du Code d’Hammourabi se
serait peu à peu dirigé vers l’invention de l’alphabet paléo-sinaïtique. La
petite sphinge du Sinaï, la Dame à la turquoise, serait restée vivante dans
les mémoires des esclaves hébreux travaillant dans les mines du Sinaï qui
auraient expérimenté l’alphabétique devenu le paléohébraïque. Le temple
47
Michaela BAUKS "La fille sans nom, la fille de Jephté", in Dieu parle la langue des hommes, p. 109, Edition du Zèbre 2007
28/38
d’Hatshepsout à Serabit-el-Khadem, lieu de pèlerinage des Hébreux en
mémoire de la reine égyptienne Hatshepsout, (-1508 à 1480), mère de
Moïse, qu’elle nomma Hosarsiph, en le sauvant des eaux du Nil.
La triste histoire de la jeune fille sans nom de Jephté est à situer dans
la ligne du Cantique des Cantiques, une réécriture biblique du Mariage
Sacré mésopotamien, dans une sorte de relecture de l'hiérogamie
postérieure à l'époque sumérienne, dénonçant les sacrifices, inséparables
des repas des dieux prévus pour la cérémonie48. Ces deux histoires
racontent sur un millénaire et demi, l’aventure des écritures à signes
hiéroglyphique et cunéiforme dans l’usage qu’en firent les Hébreux au
Sinaï pour inventer leur alphabet, bien avant l’hébreu carré.
Entre le temps de Mafdet et le temps de Jésus, entre l'écriture du rituel
hiérogamique sumérienne et le tournant historique de l'ère chrétienne,
trois millénaires se sont écoulés. La primauté de la métaphore paternelle
l'a emporté pour une longue période sur la fonction humanisante de la
femme et de la mère, transmettrice de la parole à sa descendance,
l'enfant, le Fils de l’Homme (et de la femme). Les lexicologues et
lexicographes intervenus après la mort de Jésus introduisirent une
réduction des mots excédentaires précisant cette habileté donnée par la
nature à la femme. La métaphore maternelle s’effaça dans l’ombre qui
couvrit Marie, la Vierge juive, qui ne pouvait enfanter pour des questions
relatives aux contenus sémantiques des vocabulaires grec et hébreu. Les
mots ne recouvraient pas les mêmes réalités existentielles et culturelles
le mot jeune fille en hébreu ne voulait pas dire obligatoirement vierge ou
même nubile, c’est-à-dire impubère49. La traduction en grec entraîna une
substitution de la jeune fille nubile et impubère à la jeune fille grecque
encore vierge.
Après Jésus, un sage qui, sans Paul et sans l'antisémitisme de quelques
disciples hellénisés, serait passé inaperçu dans l'histoire de son temps, la
censure s'est installée sur la notion de fête, la morale a évincé l'éthique
de la personne, la religion s'est fossilisée dans des rituels animistes. Le
fétichisme a envahi les lieux de recueillement, le tourisme de masse a
remplacé les pèlerinages et rempli les amphithéâtres.
La haine de la francisque a estompé la cause franciscaine, héritée des
années 1940 à 1945, en estompant la mémoire du Poverello d'Assise qui
survit chez les partisans de l'ombre dans la recherche biblique quand ils
associent le mn de Mafdet au hiéroglyphe égyptien dw de la montagne à
la racine *√dw grecque de la crainte sacrée, identique au *dwei du deux
dont Emile Benveniste souligna l'identité formelle50. L’étonnant dw
48
Jean BOTTERO La Hiérogamie après l'époque sumérienne. Supplément à SN. KRAMER Le Mariage Sacré à Sumer et à Babylone, p. 175, Berg International 1983 49
En hébreu biblique, les occurrences du mot alma jeune fille indiquent que jusqu’au -IIIe siècle, le mot était traduit par shugater jeune fille à l’exception de Es 7 14 parthena vierge. 50
Emile BENVENISTE "Lexique et culture", in Problèmes de linguistique générale p. 294, NRF Gallimard 1966
29/38
égyptien désigne l’espace sacré du temple hellénistique d’Edfou
savamment déconstruit par l’égyptologue Jérôme Rizzo51.
Le jeu de langage sur le dw hiéroglyphique égyptien chamito-
sémitique et le *dw indo-européen est le clou de fondation symbolique
des affinités entre les langues égyptienne et indo-européenne, le trafic
se'orah opéré par les évangélistes, rapporteurs du discours sur la
montagne des synoptiques de Matthieu, Luc et Jean, très curieusement à
l'exception de Marc. Le clou de fondation du texte de ce dernier serait très
proche de la tradition akkadienne de Damqî : Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous : car le fils de l'homme n'est
pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la
multitude, MC 10-35-45
En phonologie historique l'initiale du nom de Sha-la, Déesse du Grain,
est toujours ignorée, les historiens continuent à zozoter, JG 12-6, en disant
Sala, pour évoquer les gués du Jourdain et le son du mot de passe
permettant l'émission correcte d'un phonème pour franchir sans
encombre le trait d'un algorithme étranger aux mathématiques, écrit
d'une majuscule séparée d'une minuscule par une barrière horizontale
infranchissable, écrite comme une fraction S/s. Ne suis-je pas Adad, le seigneur d'Alep, qui t'ai élevé dans mon sein et qui t'ai fait
revenir sur le trône de la maison de ton père. Lorsqu'un plaignant ou une plaignante
feront appel à toi, tiens séance et rends-leur justice52
.
Fils d'homme, prends une brique et mets-la devant toi : tu y graveras une ville, Jérusalem, Ez 4-1.
La fille sans nom de Jephté représenterait ce que Freud développera
dans son texte sur le tabou de la virginité. Personne n'avait pour elle,
gravé son nom sur une brique ou sur une pierre.
La résurrection de Jésus racontée dans les évangiles marquerait sa
réhabilitation, lors du retour de Judas, trente ans après une mort par
crucifixion, supplice réservé aux juifs d'Alexandrie, aux droits communs
et aux criminels, les trente années évoquant le jubilé trentenaire des fêtes
égyptiennes de Sed53. La résurrection de Jésus se produit comme un
événement magique lors d'un bref retour de Judas, sortant de la
clandestinité, dans la mémoire de ses apôtres et de ses disciples qui
découvrent l'histoire du double et de la substitution au nom de la
mémoire de l'exil à Babylone et des traditions égyptiennes.
Le texte de Jean raconte que le tombeau de Jésus était vide à l'arrivée
de Marie de Magdala. Le supplice de Jésus qui y est narré permet de
cacher la vérité sur le rôle de Judas pour protéger son mouvement de
51
J. RIZZO « L’exclusion de dw de l’espace sacré du Temple ». ENIM,- 5, 2012. P. 119-131. 52
Message du prophète Adad. Brique en argile cuite, temple de Shamash vers 1825-1810, Musée National de Damas. 53
Alexandre MORET La mise à mort du dieu en Egypte p. 50, Librairie Geuthner 1927
30/38
résistance contre les Romains et la langue-culture grecque. Joseph
d'Arimathie pourrait avoir participé à cette substitution et assumé une
tâche généralement confiée aux femmes, poser là les bandelettes, rouler à
part le linceul, dans un mutisme textuel sur lequel la recherche en magie
s'interroge. Tandis que Marie pleure, elle l'autre femme qui n'est pas la
mère, restée à l'extérieur du tombeau, deux anges vêtus de blanc lui
demandent la cause de son chagrin.
Marie de Magdala annoncera la résurrection aux compagnons de Jésus.
C'est elle qui, dans l'évangile apocryphe de Marie, écrit ou attribué plus
tard à une femme, pleure à nouveau quand elle se fait invectiver par
Pierre qui, par jalousie, refuse de changer ses habitudes pour écouter une
femme Se peut-il qu'il se soit entretenu secrètement avec une femme, à notre insu, et non
ouvertement, si bien que nous devrions faire volte-face et tous lui obéir54
?
En ce temps-là, il n'était pas de bon ton qu'une femme prenne la parole
en public, 1 CO 14-34, 35, mais pire que Paul, l'opinion publique était telle
qu'elle apparaît dans un apocryphe : Il se trouvait une femme nommée Véronique qui dit : voilà douze ans que je
souffrais d'un épanchement de sang ; je n'ai fait que toucher la frange de son vêtement
et aussitôt j'ai été guérie. Les Juifs dirent : la loi n'admet pas le témoignage d'une
femme55
.
Sous l'injonction de Paul, fondateur de la religion de Jésus, la
résurrection sera opérée sur des se’orah, des trafics de langages
hébraïques, hittites, ougaritiques, égyptiens, akkadiens, arabes, écrits en
grec et en copte, fortement hellénisés par la culture des philosophes et
des gnostiques qui ignoraient le sens profond du verbe qum, incorporé au
toponyme Qum-Khan.
Trente ans plus tard, la mémoire des paroles exactes de Jésus
reviendra, en discours rapporté direct selon des sources sémitiques
introuvables, reconstruites par des ajouts et corrections successives sur
un mode littéraire, cachant la polémique d'alors sur la question cruciale
et savamment contournée de la souffrance sexuelle de Paul. Sa castration
sans doute réelle est pourtant transparente dans les épîtres aux Galates et
aux Thessaloniciens, n'a pas été analysée en tant que maladie de l'âme.
Enfant consacré, destiné aux temples de Bâal, castré dès le très jeune âge
en vue de faire de lui plus tard un eunuque pour le gardiennage des
temples et des harems royaux, il aura pu être une victime de traditions
remontant à la nuit des temps56.
54
Evangile selon Marie, in Ecrits apocryphes chrétiens p. 21-22, Pléiade Gallimard 2005 55
Evangile de Nicodème, in Ecrits apocryphes chrétiens p. 270, opus cité 56
Violences sociales d'origine religieuse, Héritages en Occident, 2009. Internet
31/38
Le raccourci de la compréhension dans l'après-coup des prédications
de Jésus en Galilée permit la métaphore de son apparition, accompagnée
de l'image des langues de feu sur la tête de ses fidèles. Entre la mort de
Jésus et selon Jean, son apparition à Pierre, trois autres apparitions se
produisirent.
Semblables à l'invention de la langue de feu par nos ados des cités,
humiliés dans les zones sensibles par l'illettrisme de leurs parents et leur
déchéance sociale, ils pratiquent la métathèse antique qu'ils appellent
verlan pour parler le javanais franco-français, la kipa fait le lien entre le
ciel et l'homme, les enfants de nos écoles nationales se font la guerre à
mort entre arabes et juifs. Guerres de clans et de religions, ils imitent les
guerres entre savants et religieux qui se trament dans les hauts lieux de
la pensée scientifique comme de la décision politique où se décident leur
avenir de chômeur, leur éducation au grand banditisme et les carrières
professorales.
Enfants deux fois exilés, relégués dans les banlieues de nos grandes
métropoles, faute d'avenir, ils ont publié leur chronique57 à dessein de la
communiquer à ceux qui bénéficient généreusement des deniers publics
votés pour l'éducation de tous. En l'absence de vérité sur Mafdet, Déesse
de la Joye, le feu devient celui des voitures, les nuits de fêtes sans fifres,
ni danses.
Ce lien entre le ciel et la terre avait déjà été métaphorisé par les
Chinois, créant le signe écrit du jade, la pierre la plus dure qui soit. Le yu,
symbole du sceau royal posé au bas des parchemins chinois, sonne
comme le yoni des déesses et le yod des Hébreux, base pulsionnelle de la
phonation du désir du sacré.
Et si le malentendu entre les judéo-chrétiens des années trente et
quarante de l'ère chrétienne et les hellénistes réunis autour de Paul n'était
qu'une histoire de statues et de statuts pour l'âme royale ? Et si le débat
autour du nom de Jéhu, ya'ua, dont le nom est écrit en cunéiforme sur un
monument de basalte, de deux mètres de haut à Nimrud58, appelé
l'obélisque noir de Salmanazar III, était à rapporter au Nom de Yahvé.
Alors, pour de simples questions de phonologie et de correction
phonétique mal interprétée par les passeurs des gués du Jourdain, une
fois encore, Isaïe prendrait la parole. Il donnerait à l'analogie la primauté
qu'elle mérite comme découverte anthropologique, révolutionnaire pour
la pensée humaine :
Comme un héros, j'ai fait descendre ceux qui siégeaient sur des trônes. Ma main a atteint comme un nid les richesses des peuples. Comme on ramasse des œufs
abandonnés, moi, j'ai ramassé toute la terre, IS 10-13,14.
57
Boris SEGUIN, Frédéric TEILLARD d'EYRY Les Céfrancs parlent aux Français, Calmann-Levy, ISBN 2.7021.2587.5. Calmann-Lévi 1996. 58
Frédéric BOYER, André LEMAIRE Le Monde de la Bible p. 38-39, Editions des Arènes, 1999
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L'évangile de Marc avait fait du désir du sacré un regard de Jésus vers
le ciel comme pour évoquer la déesse mésopotamienne Sha-la, la
constellation de l'Epi AB-SIN, sumbultu.
Marc connaissait le K araméen de la similitude. L'évangéliste avait
caché son secret dans l'expression toucher la langue59, Mc 7-34. Il faisait
référence à la langue maternelle que testaient les hommes de Galaad qui
s’étaient emparés des gués du Jourdain et faisaient périr ceux qui
voulaient les franchir mais ne pouvaient prononcer correctement le mot
shibboleth qui veut dire épi. Le test phonologique portait sur l'initiale du
nom de la déesse sha-la, [sh/z], la constellation Epi, AB-SIN, sumbultu, la
Vierge à l’Epi, Déesse mésopotamienne de la répartition du Grain, JUG 12-6.
Petite histoire racontée aux enfants
C’est alors qu’au héros de l’Isaïe peut-être grec et en quête de gloire,
peut-être hébreu hellénisé, peut-être purement fidèle à Yahvé, se
substitue La mère laborieuse conservée par le Louvre pour expliquer le
plurilinguisme de la poésie de Chardin à sa fille. Elle lui montre sa
tapisserie pour lui expliquer le petit point des brodeuses avec des laines
de couleur dans une trame un peu raide pour couvrir les bergères.
L’enfant qui, la veille, apprenait à lire, s’est saisi du clou des mains de
sa grande sœur, La petite maîtresse d’école exilée toute seule à Londres
et il essaye de comprendre, en grec, pourquoi la raideur d’un cadavre,
bâton en égyptien, peut faire des choses avec la même chose qu’un
bâton en babylonien, salamtu, traduit de l’akkadien en hébreu par
Edouard Dhorme, o.p. et en français par la Tob.
Comme si le gourdin faisait mouvoir celui qui le brandit, comme si le
bâton soulevait celui qui n’est pas de bois, Is 10-15.
Le petit frère de la maîtresse de l’Ecole de Londres pige au quart de
tour et il écrit 1 comme un,
Le reste de la forêt des arbres de la forêt sera un si petit nombre qu’un
enfant l’inscrirait, Is 10-19.
Il apprend ainsi la différence entre un chiffre arabe et un article
indéfini en français du XVIIIe siècle pour rendre compte du « Un »
égyptien qui a une majuscule, alors qu’il n’y a pas de majuscules en
hébreu. Le « Un » étant non-existant, il permet le multiple qui engendre
des millions de formes.
Mais ça, c’est pas pour les enfants, alors le petit garçon recopie sans
rien comprendre et il devient un scribe monolingue non-polyglotte mais
59
Toucher la langue touche à la prononciation individuelle et sociale, la personne, la voix, le niveau culturel, indique le peuple d’appartenance, le clan, l'ethnie, le groupe social à l'intérieur de la hiérarchie d'une société donnée.
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existant, l’école est là pour ça, écrire de mémoire des ronds et des
bâtons.
Pour Isaïe 10-5, le gourdin de sa colère, c’était l’Assyrie, le bâton
dans sa main était son indignation. C’est pourquoi son dieu annonçait
qu’il allait faire de Jérusalem et de ses images ce qu’il avait fait de
Samarie et de ses idoles, Is 10-1 et 10-11.
Exactement comme les ados de CPPN il y a quelques années, quand
ils dessinaient leurs desseins sur les murs.
Qui es-tu, qui vénères-tu était l'implicite universel du test shibboleth
des hommes de Galaad à la douane des gués du Jourdain. La phonologie
des frontières testait la langue des astrologues/devins, astronomes dans
les ziggurats, langue religieuse de la royauté céleste, le soleil, Shamash à
qui ils attribuaient la fonction d'écrire de gauche à droite pour aller d’Est
en Ouest.
Mais ils savaient, les devins mésopotamiens, que la parole précède
l'écriture et, du haut de leurs ziggurats, ils expérimentaient la capacité
de leur regard à associer les anomalies de la nature à la régularité du
mouvement des astres dont ils tiraient des présages qui guidaient les
grands rois dans la conduite de leur peuple.
Primauté de la métaphore maternelle
Le retour au regard chaldéen sur les étoiles permet de dire qu'il y a
forclusion de l'origine grecque du christianisme, du phallus grec et du
pouvoir impérial romain.
Une idée universelle fut développée par James Frazer selon laquelle
dans tous les peuples et de tous les temps, moissonner, séparer la paille
et le grain, le semer, c'est ensevelir le dieu pour fertiliser la terre.
En Egypte, l'esprit du blé habite dans la gerbe, semailles et sépulture
ne font qu'un, la germination symbolise la résurrection, la divinité
personnifie la terre ou le blé, les épousailles sacrées du Soleil et de la
Terre assurent la fertilité et donnent lieu à des cérémonies agraires à la
fois religieuses et licencieuses60.
La gerbe était un dieu fécondateur de l'énergie virile qu'il fallait tuer
chaque année sous la forme d'un bélier, mais parfois sous la forme d'un
homme, choisi parmi les captifs étrangers ou les esclaves.
Le meurtre rituel du roi fut pratiqué en Egypte comme à Babylone, dès
la XIIe dynastie. Au cours de la mystérieuse fête du Sed, l'âme du roi, mise
à l'abri dans une statue en pierre dure, bravait la décrépitude61. Moïse
renversera ces idoles pour fonder le monothéisme. La gravure dans la
pierre dure de basalte était plus savante que l'écriture sur une brique
crue. En s'enflammant de colère, Moïse avait jeté les tables et les avait
60
James FRAZER Le rameau d'or p. 339+, Laffont 1981 61
Alexandre MORET La mise à mort du dieu en Egypte p. 47 à 52, Librairie Geuthner 1927
34/38
brisées au bas de la montagne. Jésus fera de même en renversant les
tables des changeurs pour annoncer avec rage l'incendie de la
bibliothèque d'Alexandrie et les autodafés de Torahs et de livres interdits
en terre chrétienne par les nazis de la Wermarcht.
Avec l'expression toucher la langue, Marc reprend une vieille formule
biblique du texte de JEREMIE 18-18 qui connaît, aujourd'hui, plusieurs
traductions en français :
Allons donc le démolir en le diffamant, ne prêtons aucune attention à ses paroles Allez, frappons-le sur la langue ; ne soyons plus attentifs à toutes ses paroles.
Qu'on le punisse par la langue, et ce qu'il dit qu'on s'en moque, frappons-le avec notre
langue. Frappons-le dans sa propre langue : soyons attentifs à chacune de ses paroles,
Quand les ennemis de Jérémie, né vers -645 dans une famille
sacerdotale des environs de Jérusalem, décidèrent de le frapper dans sa
langue, tout porte à croire qu'ils étaient des étrangers, assyriens,
égyptiens ou bien des élamites parlant l'akkadien. Leur langue, leur
culture et leur religion étaient incompatibles avec le discours politico-
religieux du serviteur de Yahvé. A cette date, il s'agissait peut-être aussi
de Grecs qui avaient déjà envahi le Proche-Orient et profané le Saint des
saints dans le Temple. L'immense variété des types physiques d'esclaves
et de captifs, représentée en archéologie mésopotamienne et égyptienne
dans les musées du monde entier permet de saisir la diversité de leurs
langues et la variabilité des cultures bibliques relatives à la conception
divinisée du principe de fécondation et de genèse de la fécondité.
On peut donc penser que Marc en 7-34 attribue une intention politique
à Jésus qui sous-entendrait qu'il avait reconnu un partisan chez le sourd,
volontairement mutique, pour ne pas se trahir par son origine perceptible
dans la prononciation de sa langue maternelle. Jésus le prend à part pour
l'entendre, il lui parle loin de la foule. En MC 8-23, il fera de même avec
l'aveugle quand il le conduira hors du village.
Toucher la langue, être touché dans sa langue indique bien qu'il s'agit
d'accepter une différence reconnue par l'autre, non seulement un accent
régional, étranger, mais une connaissance de sa culture d'origine.
Infériorisé dans son être intime par son état social, tout individu se
met en retrait et il déclenche la discrimination à son insu ou pire, la
condescendance de ceux qui s'octroient gratuitement la jouissance de lui
donner des leçons.
On peut poser que le malaise dans la culture reposerait sur le
rabaissement de la femme et de la mère dans son pouvoir exorbitant,
offert par la nature, d'hominiser le petit être et de l'humaniser, pouvoir
revendiqué et exercé depuis toujours par les chefs politiques, les armées,
les religions qui s’approprient ainsi l’habilité de la femme quand elle est
mère.
35/38
En fait, l'harmonie possible dans la nature reposerait sur la métaphore
maternelle, le bain amniotique de l'origine dans lequel se déroule la
genèse archaïque du futur adulte. Une fois conçu, l'enfant est coupé à
jamais du père, il devient l'œuvre de la mère, et de la mère seulement. Ce
n'est pas seulement ce que la mère vit avec son partenaire qui va compter
pour l'enfant, c'est sa libido, son héritage phylogénétique, ses émotions,
sa relation à la parole et aux langages, mais surtout ses priorités en
matière de relation à la loi, le c'est comme ça de la différence des sexes et
de leur fonction.
Si l'on n’accepte pas de reconnaître que le déni de la différence des
sexes fut renforcé par la théologie chrétienne des premiers siècles de
notre ère, alors on tombe sur une aporie, le déni du couple humain et le
déni du mariage comme institution universelle, sacralisée par toutes les
cultures.
Dans les religions-cultures gérées par le pouvoir masculin, la
prédétermination du sujet repose sur le sens des priorités inconscientes
chez la mère, sa soumission à la loi de sa religion, sa soumission à son
époux, sa soumission au seul plaisir masculin. Quand le mari est soumis
à la loi pontificale, il abdique son pouvoir paternel, il se fait le valet de
ceux qui, au nom de Dieu, édictent des lois qui écartent les femmes du
droit à penser donc à s'exprimer au même titre que les hommes. Quand la
femme se soumet à ce mari soumis, elle se fait la complice d'un délit de
partage du pouvoir, elle entre dans le déni de la nature de l'eau vive et de
la différence des sexes. La tradition catholique qui a privé les femmes
pendant des siècles du droit à la parité avec les hommes a installé un
grand déséquilibre dans la culture, malaise dans la civilisation, issu des
dogmes pontificaux imposés comme seuls repères pour la sexualité
féminine.
Depuis deux mille ans, le pouvoir pontifical a dévié la vocation à
l'amour et à la maternité vers une soumission aux droits de l'église à
légiférer sur le corps des femmes. La femme soumise à des dogmes
préformés, soumise à un mari lui-même soumis à un pouvoir extérieur à
son désir, est devenue l'objet d'un mâle désir de possession qui, avec le
temps, a produit la femme-gadget des images publicitaires. L’appel aux
pulsions d'emprise les plus basses que connaisse l'humanité permet de
vendre des voitures de luxe suscitant la fascination pour ce que l'on
appelle à juste titre, la jouissance du tragique, le mal.
Le concept de paternité s'est peu à peu transformé en concept culturel
de propriété privée, le droit de disposer du corps de la femme a gagné les
mentalités, l’anthropologique en histoire des religions s'est fossilisée en
perdant de vue le pouvoir performatif qui gère la modernité, la femme fut
créé pour l'homme et non l'homme pour la femme.
Le malaise dans la culture qui a produit au XXe siècle la catastrophe la
plus barbare jamais inventée par le savoir et la science des hommes
provient de cette perversion tonitruante qu'est la confusion entre les
36/38
rôles paternel et maternel. Le signe de Jonas est tristement resté dans les
mémoires comme la trace d'une légende, interprétée non comme
métaphore maternelle, mais comme pouvoir attribué à Jésus de nommer
son père du ciel, un Dieu qui cadre parfaitement avec les volontés
institutionnelles du pouvoir temporel confié à Pierre sur un jeu de
langage en hébreu encore à découvrir, bien que déjà publié sous le titre
Les Bibliocastes par un psychanalyste analysé par Lacan.
Le père du ciel a évincé le père naturel, le couple a été banni de la loi
de la nature, la femme est désormais dans l'inconscient collectif et trans-
générationnel un instrument à rabaisser.
La continuité historique du peuple juif avec la mémoire de l'exil à
Babylone s’est interrompue lors de l’envahissement de la pensée grecque
au Proche-Orient, étrangère à l'origine judaïque de la loi. La psychose
collective qu'est le malaise dans la culture avec la montée actuelle des
racismes est devenue le moteur des dérives qui ont gagné le champ
international.
Défendue dans les évangiles, la catastrophe culturelle pour les
femmes, donc pour les hommes, fut la primauté du pouvoir grec infligé à
la pensée juive, hellénisée par l'éducation de l'envahisseur imposée aux
enfants.
La primauté grecque du phallus et la loi de l'occupant romain ont
évincé la vérité sur laquelle les biographes de Jésus étaient informés, dès
le premier siècle, la mise en place du mythe de la naissance virginale de
Jésus, fils de Joseph et de Marie.
La transmission d'un message dévié de son origine par un se'orah mal
traduit, le un par un d'une amnésie infantile a leurré les chrétiens dans la
croyance obligée en une naissance virginale transmise comme un fait
historique avec déni du pouvoir métaphorique de toute parole, de
l'existence de la mère, de la femme et de son droit à aimer. Le déni de la
mère juive fut absolu dans l'hellénisation grandissante des croyances des
premiers judéo-chrétiens, les foules candides qui suivaient Jésus à qui la
parole fut retirée par Paul et les hellénistes. La psychose collective
générée par ce mensonge a pour nom aujourd'hui, malaise dans la
culture, montée des racismes, génocides, crises humanitaires, peuples en
danger pour manque de considération, de respect, d’eau et de pain.
Le combat contre la sublimation est désormais imposé par les
mystères chrétiens qui nous ont laissé la clarté archéologique des
vestiges de leurs pierres sculptées. Le silence, délibérément choisi par
des moines en quête de vérité, s'est transmis d'âge en âge, par monts et
par vaux, comme les plaques de sel que véhiculent les immenses
caravanes traversant le Sahara pour donner aux choses de ce monde le
goût que donne le sel de la terre.
Au temps de Josué et des Juges, la Mer Salée séparait la terre de Juda,
à l'Ouest, de la terre de Ruben, à l'Est. Un jour lointain, la Mer Salée
37/38
changea de nom, elle devint la Mer de la Plaine, puis plus tard la Mer de
Galilée. Aujourd'hui, on l'appelle Mer Morte.
Et si la Mer était toujours Vivante, hay en hébreu, isha la femme ?
Et si le sel de la mer où Jonas avait été jeté donnait la clé du mystère
des hommes de Ninive ?
Plus que la sagesse de Salomon, plus que la sagesse de Jonas, quelle
serait la sagesse venue du bout du monde qui enseigne que la descente
aux enfers de la pathologie mentale qui peuple les lieux d'enfermement
de notre culture repose sur les mensonges transmis d'âge en âge sur le
pouvoir illimité de la barbarie humaine.
La vérité est celle du fou, le psychotique, le schizophrène qui
hallucine dans son délire le savoir de Pilate, conservé dans l'âme de son
âme, sur les cryptages secrets des temps bibliques.
Et c'est ainsi qu'à la Saint-Michel, le président Schreber eut raison dans
sa folie au point que les doctes savants mirent toute leur attention en la
préface de son récit. Le prénom de Pauline, sa mère, était comme le mot
de passe qui donnait accès à la maison de Marthe et Marie, des femmes
juives qui conservaient la trace d'un antique papyrus dont le nom du
scribe était resté gravé dans le toponyme de leur lieu de vie, Beth-Ani.
Et si dans l'histoire de l'humanité, la métaphore maternelle l'emportait
sur le désir de domination qui soutient l'orgueil masculin, moteur du
mythe de la métaphore paternelle ? Et si le père était mort ? Alors, la
psychose qui ravage la modernité à cause de la confusion pathétique
entre la domination masculine et la capacité des femmes et des mères à
survivre à l'orgueil des tout-puissants donnerait la parole au Poverello
d'Assise qui avait si bien lu l'histoire du jeune homme riche qui s'en était
allé tristement parce qu'il avait de grands biens.
Alors les yeux de Matthieu verraient danser devant lui l'innocence de
la jeune fille sans nom d’un film de Pasolini qui, pour la plus grande
jouissance d'Hérodiade, sa mère, avait demandé à Hérode, le tétrarque, la
tête de Jean-Baptiste servie sur un plat. A cette nouvelle, son ami s'était
retiré loin de là, sur une embarcation, dans un lieu désert au nom
inconnu.
Au troisième, puis au deuxième millénaire, pour écrire un nom sur une
brique, il fallait de l'argile crue, un clou, une idée, un projet, un dessein,
une citadelle, un désir, un cœur pour penser avec Maat, déesse
égyptienne de la vérité et de la justice. Sur la balance, l'âme de Pharaon
purifié pèserait comme la plume lui permettant d'entrer dans l'éternité.
Pour être scribe, il ne fut pas écrit qu'il était nécessaire d'avoir un
nom. Il fallait seulement un support d'écriture.
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De nos jours, pour une femme, pour formuler un désir, il faut s'asseoir
au bord du fleuve et chanter le chant des dispersées, pleurer parfois,
mais ne jamais oublier que l'érection du premier temple astronomique se
produisit sur un clou de fondation, un sacrifice d'enfant, pierres sur
pierres posées par des mains d'esclaves enlevés au cours de razzias et de
guerres sanglantes. Sur l'autre rive du fleuve, les hommes s'y
rassemblèrent une première fois, puis plus souvent et plus nombreux,
afin d'étudier la marche des étoiles dans le silence des nuits de
Mésopotamie. La fidélité de la lumière qu'elles leur envoyaient était à la
mesure de leur fidélité à leurs rendez-vous. Une métaphore assemblait
des briques crues au moyen de la paille et du chaume, évoquant pour
chacun d'eux les remparts d'une ziggurat, un observatoire pour le ciel
étoilé, les yeux des premiers astrologues qui indiquaient aux rois le
chemin tortueux qui mène au paradis perdu du ventre de leur mère.
Bientôt se construisirent des parvis, des monuments et des lieux de
silence. Savamment assemblées, les pierres et les briques instruisaient
l'œil à regarder et à entendre comme jamais encore vues ou entendues,
choses belles et choses rares qui sont au monde.
A Paris, au soir du 8 octobre 2009, la même lumière avait traversé la
synagogue et la cathédrale dans la salle du chapitre d'un vieux
monastère bénédictin réformé par saint Bernard.