Une culture: l’éveil à l’écrit en français les efforts...

48
Une culture : l’éveil à l’écrit en français L’éducation de base en Afrique: les efforts canadiens Billet de Daniel Lavoie

Transcript of Une culture: l’éveil à l’écrit en français les efforts...

Une culture : l’éveil à l’écrit en français

L’éducation de base en Afrique: les efforts canadiens

Billet de Daniel Lavoie

3À lire 2003

Billet de Daniel LavoieAuteur-compositeur-interprète et porte-parole de la FCAF

Mot de Jocelyne Lavoie Présidente de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français

Une culture à développer L’heure est à la culture de l’éveil à l’écrit en français

Les défis des familles interlinguistiques

L’aide canadienne en vue de diminuer l’analphabétisme en Afrique

◆ Plan d'action de l'ACDI en matière d'éducation de base

◆ Le Canada investit dans l’éducation au Mozambique et en Tanzanie

◆ Mille espèces d'oiseaux chantent en Ouganda • Des milliers d'enfantsscandent l'alphabet

◆ Les femmes du Niger se donnent un nouveau visage

◆ Des millions de manuels scolaires pour le Malawi

◆ Terre Sans Frontières en Républiquedémocratique du Congo

◆ Pour l’émergence d’un environnement de travail lettré

L’éveil à la lecture : Bébé lecteur!

Le Collège Frontière et la prévention de l’analphabétisme Des cercles de lecture aux cafés-rencontres

L’éveil à l’écrit Des livres et des lettres

Apprendre : un projet à vie

L’alphabétisation familiale, complémentarité école-famille-communauté

L’heure est à la culture de l’éveil à l’écrit en français

Lauréat du Prix de la francophonie 2003Gilles Vaudry a gagné son indépendance

Numéro de publication : 40007783

4

5

6

9

13

14

17

20

23

26

29

32

35

38

40

42

44

46

47

Sommaire

www.fcaf.net

J’ai voulu donner le goût de la lecture àmes enfants. Je voudrais bien vous direque je connais une recette qui marche àtout coup. Impossible. J’ai improvisé.

Il faut s’y prendre tôt, je crois. Les livres doiventtrès vite être quelque chose de spécial. Les petits

livres du Père Castor, les livres d’images, les jolies histoiresqu’on lit avant le dodo. Avant même de parler des plaisirsde lire, des découvertes qu’on y fait. Un livre doit être unendroit merveilleux où papa ou maman prend le temps des’installer confortablement avec l’enfant pour lui montrerdes bonheurs et des surprises.

Il faut se découvrir des talents d’acteur, de conteur, ne pas craindre le ridicule. Le pire qui puisse arriver, c’est defaire rire un peu la visite. Il est toujours surprenant de voirà quel point nos enfants nous trouvent plutôt bons. J’aipassé des petites histoires à des histoires « un peu pluslongues » à mesure que je sentais grandir en mes enfantsla capacité de suivre. Croyez-le ou non, le dernier livreque j’ai lu avec eux, avant de me faire larguer par un filsqui lisait maintenant ses romans seul, a été Le Seigneur desAnneaux. Huit mois, au rythme d’une dizaine de pages parsoir. Il avait sept ans et me surprenait en se souvenant despersonnages mieux que moi. Et il avait compris que leslivres recèlent des merveilles.

Je ne cacherai pas qu’il y avait des règles maison quin’autorisaient qu’une heure de télé par jour pendant lasemaine et qui permettaient, par contre, de veiller un peuplus tard si c’était pour lire avant de s’endormir. Nous, les parents, avons agi avec ruse, sans jamais lâcher. Noussommes de grands amoureux de la lecture et nous tenionsà communiquer ce plaisir à nos enfants.

Je ne saurais vous dire si ça marche à tout coup. Nousn’avons pas utilisé la même méthode avec tous lesenfants. Mais je peux vous dire qu’ils sont tous de grandslecteurs. Je suppose que ce qui ressort de tout cela, c’estque notre propre bonheur de lire était toujours évident.Si j’avais un conseil à donner aux parents, ce serait de lireeux-mêmes. Moins de télé, plus de lecture. Les enfantssont de grands copieurs. Et avec un peu de chance, avantd’atteindre la phase où ils rejettent tout, ils seront pris aupiège. Le piège du bon livre qui attend près d’un fauteuilconfortable.

4 À lire 2003

Les auteurs sont responsables des textes qu’ilspublient dans la revue À lire, édition 2003, et cestextes n’engagent en rien les membres de laFédération canadienne pour l’alphabétisation enfrançais. Les créations textuelles ou visuelles publiéesdans ce document appartiennent à leur auteur.

La Fédération canadienne pour l’alphabétisation enfrançais reçoit l’appui financier du Secrétariatnational à l’alphabétisation du ministère du Dévelop-pement des ressources humaines Canada. Il importeaussi de mentionner que cette édition de la revue À lire est produite en collaboration avec le gouver-nement du Canada par l’entremise de l’Agencecanadienne de développement international (ACDI). À lire a aussi été soutenue par une campagne definancement.

Nous voudrions adresser des remerciements toutparticuliers à Postes Canada. Le dévouement decette entreprise pour notre cause et son appui à ladistribution de cette publication sont aussi précieuxqu’appréciés.

Nous tenons enfin à remercier et à saluer ceux etcelles qui ont contribué de près ou de loin à laréussite de ce projet, que ce soit par leurs idées,leur encouragement ou leur dévouement à la causede l’alphabétisation en français.

RÉDACTIONIsabelle Côté, Joëlle Désy, Jean Frenette, Lucie Gravel, Daniel Lavoie, Stéphanie Moreau,Monique Sénéchal, Marie-Ève Thérien.

PRODUCTION

Rédactrice en chefDiane Pouliot

Conception et coordinationLinda Labrecque et Diane Pouliot

Page couvertureEykel design

PhotographiesGracieuseté de nos membres et collaborateurs

Révision linguistiqueMichelle Martin

ImpressionImprimerie Québécor inc.

CONSEIL D’ADMINISTRATIONPrésidente : Jocelyne LavoieVice-présidente : Suzanne BenoitSecrétaire : Roberta GilbertTrésorière : Colette AucoinReprésentant des apprenants : Carole Blouin

ADMINISTRATEURS ET ADMINISTRATRICESAline LafrenièreAnne-Marie d’EntremontCédric NoudjimayeRaymond RoyNicole GagnonJean-Denis JulienAnna Veltry

LE PERSONNELDirectrice générale : Luce LapierreDirectrice des communications : Diane PouliotDirectrice du développement : Margo FauchonAgente de recherche et d’analyse : Sophie TremblayAgent de projet : Tobias Keogh Adjointe à la direction : Renée LaurinAdjointe : Johanne Renaud

FÉDÉRATION CANADIENNE POURL’ALPHABÉTISATION EN FRANÇAIS

235, chemin Montréal, bureau 205Ottawa (Ontario) K1L 6C7

Téléphone : (613) 749-5333 Sans frais : 1 888 906-5666Télécopieur : (613) 749-2252Courrier électronique : [email protected] Internet : http://www.fcaf.net

ISBN 0-9685402-9-5

Billet de Daniel LavoieAuteur-compositeur-interprète et porte-parole de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français

J e suis particulièrement heureuse de vous présenter la revue À lire de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français (FCAF). La revue traite d’un sujet qui m’est cher : développer une culture de l’éveil à l’écrit. Vous constaterez vite que la FCAF élargit le concept

de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Si ce numéro aborde l’impor-tance d’éveiller très jeune l’enfant au monde de l’écrit, il parle aussi del’urgence, pour les adultes francophones en milieu minoritaire, demultiplier les occasions de lire et d’écrire en français et les lieux où l’on peut s’adonner à ces activités.

Au cours des prochaines années, la FCAF sera appelée à rassembler des intervenants en petite enfance et en alphabétisation, des chercheurs

universitaires et des professionnels de la santé. La Fédération a compris qu’une culture de l’éveil à l’écrit se développe avec l’aide des intervenants de divers milieux. D’ailleurs,la revue reflète bien la diversité des approches et des problématiques, que l’on soitfrancophone en milieu majoritaire ou en milieu minoritaire.

Le contenu de la revue me ravit en tant que présidente de la FCAF. En tant que nouvellegrand-maman, j’y trouve la confirmation de ma vision de l’éveil à l’écrit. Chaque fois quej’ouvre un livre à mon petit-fils, j’allume une étincelle dans son esprit. Chaque fois que jelui parle, j’espère l’aider à aimer le français. D’ailleurs plusieurs articles de la revue livrentdes témoignages de parents et d’intervenants qui ont à cœur d’aider l’enfant dès son jeuneâge à apprendre et à aimer apprendre.

En terminant, je remercie l’Agence canadienne de développement international (ACDI),grâce à laquelle la revue À lire consacre sept articles à l’éducation de base en Afrique. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à nos fidèles collaborateurs etcommanditaires qui ont rendu possibles la rédaction et la production de la revue À lire. À leur façon, ils fournissent une occasion de plus de lire en français.

Jocelyne Lavoie

Mot de la présidente de la

Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français (FCAF)

Apprendre,

çacom

menceà la maiso

n

Une culture à développerL’heure est à laculture de l’éveil àl’écrit en françaisPar Jean Frenette

Au lever, le matin, nous lisons le journal et nous jetons machinalement un coup d’œil

sur la boîte de céréales. Plus tard, nous déchiffrons lespanneaux de signalisation qui parsèment la route nousmenant au travail. Et pendant toute la journée, nousprenons des notes, nous lisons des instructions, nousconsultons des documents, nous nous tenons aucourant des dernières nouvelles… Enfin, le soir, nousessayons une recette dénichée dans un livre. Sansnous en rendre compte, nous « vivons » jour après jourgrâce à notre connaissance de l’écrit. Cette chance n’est pas donnée à tous. Plusieurs « survivent » sanssavoir lire ni écrire. L’apprentissage de la lecture et del’écriture commence dès le berceau. L’acquisition deces connaissances s’avère plus importante encore pour les Franco-Canadiens hors Québec, qui doiventégalement développer leur culture dans un milieuanglophone.

« Le milieu familial est la cléde la transmission de l’usagedu français d’une génération àl’autre », affirme sans hésiterMargo Fauchon, directrice dudéveloppement à la Fédérationcanadienne pour l’alphabétisa-

tion en français (FCAF). Cette pensée peutparaître une évidence, mais, en réalité, elle nel’est pas. Comment alors outiller les parents oules tuteurs qui vivent en milieu anglophone?Comment les aider à transmettre une langueque leurs enfants ne côtoient pas nécessai-rement au quotidien hors de la maison?

Le défi est de taille, comme le constatentchaque jour les parents qui désirent voir leurhéritage culturel se perpétuer encore quelquesannées. La situation diffère d’une province à l’autre, mais l’assimilation demeure unepréoccupation pour celles et ceux quisouhaitent voir s’épanouir le fait français auCanada, ce qui commence dans le milieufamilial, là où la culture prend forme.

L’écrit reste…« Les paroles s’envolent, les écrits restent », dit le proverbe. Cet énoncé représente bienl’importance de l’éveil à la lecture et à l’écriturepour transmettre une langue, l’oral ne suffisantpas toujours. Cet éveil se fait lorsqu’on estencore bien jeune. Les recherches des dernièresannées l’ont démontré : de 0 à 6 ans, c’est LApériode pour s’éveiller aux lettres et aux mots.

C’est en bas âge que l’enfant développe desaptitudes de base pour lire et écrire à travers denombreuses activités : comprendre ce qui estécrit sur sa boîte de biscuits préférés, préparer laliste d’épicerie avec les circulaires des supermar-chés, suivre une histoire dans un livre… L’éveilà la lecture et à l’écriture se passe donc à lamaison, en famille. Ce sont les parents quiapprennent à l’enfant à manger, à marcher...

Margo Fauchon

Ce sont eux qui peuvent lui faire découvrir leplaisir de lire et d’écrire. Ce qui importe, c’est que l’enfant voie que les mots écrits veulent direquelque chose, qu’ils peuvent le divertir, l’infor-mer, lui dire comment faire, le faire réfléchir...

Pour les parents membres d’une communautéminoritaire de langue officielle, il reste à choisirdans quelle langue se fera cet éveil, un choixencore plus difficile à faire dans les familles inter-linguistiques (composées d’un parent francophoneet d’un parent anglophone). Ce choix aurapourtant des conséquences à long terme, tant surle plan individuel pour l’enfant que sur le plancollectif pour la transmission de la langue, de lalangue française dans le cas qui préoccupe la FCAF.

Des études* ont d’ailleurs démontré que le choixde la langue dans laquelle se fera l’éveil à l’écritest intimement lié aux grandes questions démo-linguistiques, comme le choix de l’école ou de lalangue d’usage au foyer. Ce choix a aussi unegrande influence sur l’identité future de l’enfant,notamment en ce qui concerne :

• les compétences orales et écrites en français;

• l’identification à uneculture et à unecommunauté;

• le maintien de la langue,le degré de bilinguisme etle transfert linguistique;

• les compétences scolaires.

Développerune culturePour assurer le développement de la collectivitéfrancophone, la FCAF croit donc en la nécessité de lancer une initiative visant à faire connaître le concept de la culture de l’éveil à l’écrit et sonimportance. Cet éveil conduira la famille à prendreconscience de la place de l’écrit dans son quotidienet la poussera à introduire de nouvelles habitudeset attitudes au besoin.

Mais pour jouer leur rôle de premiers éducateurs,les parents ont besoin de soutien. « Il faut qu’onélabore des politiques et des programmes gouver-nementaux pour appuyer la famille », affirme Mme Fauchon.

Toutefois, avant d’en arriver aux « grandesmanœuvres », la FCAF a d’abord voulu vérifierl’intérêt du milieu. Dans un premier temps, la

Fédération a réuni des chercheurs pour faire letour des études existantes traitant de l’éveil àl’écrit. « Avec eux, nous avons déterminé septaxes de recherche qui permettraient de mieuxfaire avancer la culture de l’éveil à l’écrit »,souligne Mme Fauchon. Certains élémentsméritent une plus grande attention, notamment :

• la famille, l’identité et la langue;

• l’alphabétisation et la société;

• les facteurs d’influence sur l’alphabétisation et le choix de la langue;

• les compétences liées à l’éveil à l’écrit chez l’enfant d’âge préscolaire;

• les programmes d’intervention en milieu familial;

• les relations famille-école;

• les outils appuyant l’éveil à l’écrit et laformation à l’usage de ces outils.

En plus de ces démarches menées par des cher-cheurs, on a consulté des intervenants en vue de

mesurer leur volonté de faire équipe avec laFédération pour l’avancement de l’éveil àl’écrit en français. Chercheurs, fonctionnairesfédéraux, provinciaux et municipaux, inter-venants des réseaux d’alphabétisation et dela santé ainsi que du milieu social se sontrencontrés pour discuter du projet de laFCAF au cours de l’hiver 2003.

Devant l’enthousiasme suscité tant du côtédes chercheurs que de celui des intervenants,on a constitué un premier comité consul-tatif. « Je crois qu’on a réussi à créer cedébut d’énergie autour de l’éveil à l’écritafin que ça devienne une valeur », affirme

Mme Fauchon, qui prépare déjà la prochaineétape.

L’éveil d’un éveilImplanter une culture ne se fait pas sans aide; ilfaut y aller étape par étape, avec des gens qui ycroient. Des rencontres avec les divers interve-nants ont permis de dégager différentes pistesd’action, dont plusieurs figuraient déjà dans ledocument que Margo Fauchon avait préparé pourla FCAF.

En premier lieu, il faudrait approfondir lesconnaissances en ce qui concerne la portée de laculture de l’éveil à l’écrit. Une façon de le faireserait de mener des recherches sur l’influence duchoix de la langue dans laquelle se fera l’éveil à

7À lire 2003

l’écrit sur les transferts linguistiques. Les effets du déve-loppement oral sur l’éveil à l’écrit chez les jeunes enfantsconstituent une autre donnée que les recherches pour-raient apporter. Il importerait aussi de mieux connaîtreles stratégies gagnantes pour joindre les parents et lesappuyer.

Ces recherches, et bien d’autres, devront être sous laresponsabilité de « réseaux d’experts ». « La mise enœuvre de la culture de l’éveil à l’écrit doit être encadréepar des réseaux d’experts regroupant des chercheurs, desproducteurs de matériel et des intervenants, expliqueMme Fauchon. Ces réseaux devront, par ailleurs, êtrebien ancrés dans leur milieu, près de leur monde. Lesbesoins ne sont pas les mêmes au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan. »

Une culture qui separtagePour fonctionner efficacement, les réseaux d’expertsreliés à l’éveil à l’écrit devront créer des outils et desmoyens. Des outils pour eux-mêmes, bien sûr, maissurtout des outils pour répondre aux besoins des famil-les qui choisissent de favoriser l’éveil à l’écrit de leursenfants en français. « Tous les types de familles doiventy trouver leur compte : traditionnelles, monoparentales,reconstituées, francophones, interlinguistiques, néo-canadiennes, d’immersion, etc., souligne Mme Fauchon.Et il faudra aussi répondre aux besoins des adultes quiveulent parfaire leurs compétences en français si nousvoulons qu’ils puissent bien remplir leur rôle depremiers éducateurs. »

Cependant, pour qu’il y ait partage de la culture del’éveil à l’écrit, la population devra évidemment parti-ciper à l’action. Pour y parvenir, les réseaux d’expertsprépareront et donneront une formation aux intervenantsqui deviendront, en quelque sorte, les propagateurs dela « bonne nouvelle » au moment de leurs interventionshabituelles auprès des familles. « Ce peut être l’infirmièrede santé publique, par exemple. Comme elle a très tôtun contact direct avec la famille, elle a donc la possibi-lité de jouer un rôle important en apportant de l’infor-mation aux parents. Elle peut également voir s’il y a deslivres à la maison, et peut-être même en apporter… »,signale Mme Fauchon.

Ces nouvelles approches modifieront les façons de fairedans plusieurs milieux. La réussite de ce projet reposerasur la promotion des moyens et des outils. « La culturede l’éveil à l’écrit est une façon de perpétuer la languefrançaise, conclut Mme Fauchon. Elle doit devenir unevaleur canadienne. » ■

1 Tiré de Un nouveau vecteur de développement etd’épanouissement des communautés minoritaires delangue officielle, document conceptuel préparé pour la FCAF.

8 À lire 2003

9À lire 2003

La transmission du français varie selon lalangue maternelle des parents et selon laprovince ou le territoire. D’après uneanalyse des données statistiques du Recen-sement 2001 présentée dans le cadre duforum « L’éveil à l’écrit en langue française,

une valeur fondamentale du Canada », tenu à Ottawa les27 et 28 mars 2003, les enfants dont les deux parents sontfrancophones ont beaucoup plus de chance de parler fran-çais. Cette proportion se situe entre 75 et 100 pour 100selon la province ou le territoire. Toutefois, le portraitchange dramatiquement lorsqu’un des parents est delangue anglaise. Le français est transmis dans 20 à 40pour 100 des familles où la mère est de langue maternellefrançaise et le père, de langue maternelle anglaise, etseulement dans 10 à 15 pour 100 desfamilles lorsque la mère est de languematernelle anglaise et le père, de languematernelle française1.

Nous avons parlé à quelques parentsfrancophones ainsi qu’à des interve-nantes du milieu de l’éducation afind’en savoir davantage sur la réalité et lesdéfis des familles interlinguistiques.

Diane Dornez-Laxdal est mère de trois grands enfants :deux filles et un garçon. Alors que la famille était encoretoute jeune, son conjoint et elle ont choisi d’habiter unsecteur plus francophone de Winnipeg afin d’être àproximité des écoles et des services en français. « Monconjoint, un anglophone, savait à quel point c’étaitimportant pour moi de transmettre ma langue auxenfants. Nous en avions parlé souvent et longuementavant de fonder notre famille. Nous avions une entente.

Le choix du quartier allait de soi. » Il en a été de mêmepour l’usage du français à la maison; le français est devenula langue de communication à la maison. « Je travaillaisquand j’ai eu ma première fille. Nous avons donc trouvéune gardienne francophone pour s’occuper d’elle. »

Un portrait du quotidienLa famille Dornez-Laxdal a créé un environnement presqueentièrement francophone pour les enfants, mais cela nes’est pas fait sans accrochages : « À un moment donné,mon mari m’a dit qu’il avait l’impression que sa cultureétait moins valorisée que la mienne à la maison. Après

cette remarque, nous avons commencé àajuster le tir. J’ai continué à encouragerla musique et les livres en français ainsique le soccer et l’église, mais j’ai laisséles enfants choisir la langue de leurchoix pour d’autres activités. » DianeDornez-Laxdal fait remarquer que son fils,qui a longtemps joué au hockey dansune équipe anglophone, a récemmentrepris le jeu dans une équipe franco-

phone. « Je trouve important qu’il s’amuse en français. Et je suis heureuse que cette décision soit venue de lui »,dit-elle.

Cette mère de famille avoue toutefois que l’anglais prendun peu plus de place qu’auparavant à la maison. « Lesenfants vieillissent et choisissent souvent de parler à leursamis francophones en anglais. Ils trouvent que c’est plusaccepté par la société, mais ils se désignent commefrancophones. »

FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAISANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAISFRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAISANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAISFRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAISANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAISFRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAISANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS FRANÇAIS ANGLAIS

Les défis des famillesinterlinguistiquesPar Marie-Ève Thérien

Comment se fait-il que certaines familles interlinguistiques parviennent àtransmettre le français aux enfants, alors que d’autres n’y parviennent pas?Existe-t-il une formule magique qui assure le succès du français à la maison?

Même son de cloche dans la famillede Monique Chartier-Kroeker, éga-lement de Winnipeg. Ses enfants,deux filles, se désignent commefrancophones et son conjoint parlecouramment français. Mme Chartier-Kroeker affirme qu’il faut toutefoiss’attendre à travailler très fort pourinculquer une culture francophone à ses enfants dans un milieu mino-ritaire : « Il faut fournir beaucoupd’efforts et cela coûte aussi plus chersur le plan financier. » Elle signaleque les produits en français tels queles livres et la musique sont vendusà des prix plus élevés dans les maga-sins. « C’est aussi une question dechoix. Chez nous, la famille fera desactivités en français avant de lesfaire en anglais. Malgré leur jeuneâge, 13 ans et 8 ans, mes filles sontconscientes de la situation et deschoix qu’elles ont à faire. C’est toutde même difficile d’éviter la réalitéanglophone, qui fait aussi partie deleur identité. La famille de monconjoint est anglophone. »

Le clan manitobain Daudet-Mitchellgère aussi la question de l’identitéen tenant compte des racines franco-phones et anglophones de la famille.« Afin de respecter le couple, nouspartageons les activités entre le fran-çais et l’anglais. Ce n’est pas toujoursfacile. » Lucille Daudet-Mitchelldonne l’exemple du souper à lamaison : « Nos filles vont à l’écolefrançaise et passent donc leurs jour-nées à parler français. À l’heure dusouper, elles nous racontent les évé-nements de la journée en français,puisque la journée s’est déroulée en français. Parfois, elles doiventreprendre le récit en anglais afin derépondre aux questions de leur père.Elles se trouvent donc à raconterdeux fois leur journée. »

Malgré l’importance que son coupleaccorde au respect des deux langues,Mme Daudet-Mitchell n’a jamais flé-chi sur la place du français dans safamille. « J’ai toujours parlé à mesfilles en français. Je ne me verraispas faire autrement. Ça demandebeaucoup d’énergie, mais je ne lâche-rai pas. Mon mari et moi essayonsd’y aller avec les goûts de chacunepour encourager le français. »

Mme Daudet-Mitchell précise que cesfilles associent certaines activités au

10 À lire 2003

J e désire partager avec vous l’expérience de« l’éveil à l’écrit » telle que nous l’avonsvécue chez nous, au Manitoba. Je suis mem-bre du conseil de Pluri-elles depuis un an,

mais je suis maman depuis sept ans. J’ai donc uneplus vaste expérience comme mère. J’espère que monhistoire pourra contribuer à l’éveil à l’écrit.

J’ai 38 ans et mon mari, John, en a 54. Ma fille Solènea 7 ans, Rémi en a 6 et Max, 5. Mes enfants adorent la

lecture et je crois que nous avons bien réussi à les éveiller à l’écrit.

Au cours de ma première grossesse, John et moi avons décidé de parleren français à nos enfants. C’était aussi important pour John que pourmoi. John a appris le français à l’âge adulte et tous deux nous compre-nions bien la valeur de posséder plus d’une langue. Nous avons aussipris la décision de ne pas avoir de téléviseur dans notre salon ou aucentre de notre foyer. Nous avons mis l’appareil dans notre chambre à coucher pour nous deux, le soir quand les enfants sont couchés.

John et moi lisons beaucoup. Quand nous nous reposons ou durant les vacances, nous lisons des livres, des journaux ou des revues.

À la naissance de Solène, j’ai acheté des livres pour bébés. Elle avait àpeine quelques mois que nous lui en lisions. Nous avons aussi achetédes cassettes de chansons accompagnées de livres pour que je puisseréapprendre et apprendre les chansons pour enfants. Nous avons faitde même avec les deux garçons. Nous achetions des livres régulièrementen prenant soin de bien les choisir.

Je travaillais à la maison dans mon bureau et des gardiens ou gardiennesvenaient chez nous s’occuper des enfants. Puis, nous avons décidé deles inscrire à une garderie francophone à but non lucratif. Au début, leséducatrices m’ont demandé : « Qu’est-ce que vous faites de différentavec vos enfants? Ils sont tous des leaders dans leur groupe. » Je leur ai répondu qu’ils ne regardaient jamais la télévision. Là, elles ont biencompris. À l’école, les enseignants m’ont posé la même question et j’aidonné la même réponse. Durant l’été qui a suivi la fin de la maternellede Solène, nous avons rencontré sa maîtresse d’école et celle-ci lui ademandé si elle avait hâte d’entrer en première année. Solène a dit oui.Elle adore l’école.

Mes enfants ne connaissent pas l’anglais encore, mais ils vontl’apprendre facilement. Nous habitons un quartier francophone, prèsde l’école, à Saint-Boniface. Mes enfants sont les seuls petits-enfants de mon père qui parlent le français et qui vont à l’école française. Mamère est décédée en 1992. J’ai trois sœurs et un frère et ils ont tous desenfants. Le plus âgé de mes neveux, Dustin, qui a maintenant 16 ans, a demandé à sa mère (ma sœur) pourquoi elle ne lui avait pas appris lefrançais. Elle n’a rien trouvé à répondre.

Je souhaite bonne chance à la Fédération canadienne pour l’alphabé-tisation en français pour son projet d’éveil à l’écrit.

Louise Grouette-StockwellPrésidente de Pluri-ellesManitoba

Témoignage d’une Franco-ManitobaineLouise Grouette-Stockwell

11À lire 2003

français ou à l’anglais. « J’ai remarquéqu’elles jouent avec leurs Barbie enanglais, mais qu’elles se costumenten français. Je ne sais pas si elles sontconscientes de leurs choix, mais çam’épate de les regarder aller. »

Efforts concertés :de la famille à l’écoleD’après ces mères de famille, la ques-tion de l’identité occupe une placeimportante dans leur quotidien. Qu’ils’agisse de l’identité des enfants oudu foyer, il faut atteindre un équilibrequi varie d’une famille à l’autre.Voilà peut-être l’un des plus grandsdéfis des familles interlinguistiques.

Elles s’entendent, toutefois, sur l’im-portance de l’instruction en français,à la maison comme à l’école. Ce pointde vue est appuyé par des profession-nels du monde de l’éducation, dontMargarida Barcelos, directrice d’écoleà la retraite qui a longtemps travaillédans les écoles élémentaires franco-ontariennes dans la région d’Ottawa.Mme Barcelos fait entre autres référenceaux parents qui ont été instruits en français, mais qui ont depuisdélaissé cette langue pour vivre enanglais. « Lorsque les enfants sont enâge de fréquenter l’école, le parentfrancophone décide qu’il voudraitque ses enfants soient instruits enfrançais pour qu’ils soient bilingues.Les écoles se retrouvent donc avecquelques élèves de première annéequi ne parlent pas un mot de français.Il faut les franciser. » Margarida

Barcelos fait remarquer que certainsenfants s’adaptent très bien à leurnouvel environnement et peuventrapidement suivre les autres élèves.Dans d’autres cas, c’est plus difficile.« Il arrive que certains enfants ne veu-lent rien savoir du français. Quandj’étais encore directrice d’école, je di-sais aux parents qu’il fallait faire beau-coup plus que d’envoyer les enfantsà l’école française pour qu’ils appren-nent la langue. L’école ne suffit pas.Les enfants doivent faire d’autres acti-vités en français comme fréquenter lagarderie, suivre un cours de danse oude dessin en français. Il faut les expo-ser à la culture francophone. C’estextrêmement important », souligne-t-elle. Enfin, Mme Barcelos suggèreque les parents s’engagent davantagedans l’éducation des enfants.

Voilà donc un point important en cequi a trait à la langue. Il faut fran-ciser les enfantsavant leur entrée àl’école. Mais com-ment y parvenirquand l’enfant vitdans un milieuanglo-dominant?D’après JanineBertrand, coordon-natrice préscolaire à la Fédérationprovinciale descomités de parentsdu Manitoba, « leparent francophonequi veut transmettrele français à sesenfants doit prendrela décision de leurparler en français.Certaines familles neprennent pas assez letemps d’y penser. »

Qu’en est-il lorsque leparent francophone a de la difficultéà parler sa langue? Comment peut-ilavoir suffisamment confiance en luiet en ses connaissances du françaispour transmettre sa langue à sesenfants? Voilà un autre défi pour lafrancisation.

Janine Bertrand explique qu’il y ades solutions, dont le programmePaul et Suzanne qu’elle a aidé à créeren 1993 pour tenter de contrecarrerles taux d’assimilation élevés parmiles enfants de foyers mixes au

Manitoba. Il s’agit d’un programmede francisation à deux volets, un pourles parents et un pour les enfants deprématernelle qui parlent peu ou quine parlent pas le français et qui ontdroit à l’école française. Le programmevise à franciser suffisamment l’enfantpour qu’il puisse être inséré dans unematernelle française.

Le volet destiné aux enfants com-prend la lecture d’histoires quireprennent le vocabulaire de tous les jours et l’incorpore à plusieurscontextes. D’après le programmePaul et Suzanne, l’affectivité joue unrôle crucial dans l’acquisition d’unenouvelle langue et l’apprentissagedoit se rapporter au vécu des jeunesélèves. « C’est pour ces raisons queles activités proposées dans la classesont intéressantes; elles permettentd’engager l’imagination et la créati-vité de l’enfant2. » Le volet pour les

parents se composed’une trousse compre-nant une liste des res-sources et des endroitsoù ils peuvent obtenirdes services en français.Les parents peuventégalement assister à des rencontres où ilsreçoivent conseils etencouragements pour la poursuite de leursefforts. Le programmeenvoie aussi des inter-venants dans les foyersafin d’appuyer lesparents dans leurmilieu.

Mona Audet, directricegénérale de Pluri-ellesau Manitoba, œuvreaussi en ce sens. « Ilfaut franciser le conjoint

anglophone et encouragerle conjoint francophone à renoueravec ses racines. » Mme Audet suggèred’y aller d’une approche humaine etde faire tout ce qui est possible pourrépondre aux besoins des familles.Certains parents, surtout dans lesrégions rurales, ont souvent l’impres-sion que les gens de la ville ne com-prennent pas leur réalité. Pluri-elles a engagé des accompagnateurs, quisont des employés locaux, afind’aider les parents dans leurs effortsde francisation. « C’est fascinant devoir ces gens s’épanouir grâce à

Mona Audet, directrice généralede Pluri-elles au Manitoba

Avec la collaborationspéciale de Daniel Lavoie

Partenaires de la trousseMontre-moi :

Secrétariat national à l’alphabétisation

Éditions Chouette

Postes Canada

Patrimoine canadien

Télévision française de l’Ontario (TFO)

Pour commander la trousse ou le guide d’animation, adressez-vous à Johanne Renaud,

Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français (FCAF) au (613) 749-5333 ou sans frais au 1 888 906-5666,ou visitez le site Internet de la FCAF à l’adresse suivante : www.franco.ca/alpha.

Et pour lesintervenants quitravaillent auprès des parents :

■ Guide d’animation de la vidéocassette de la trousseMontre-moi

5$Frais d’envoi inclus

Pour les parents et leurs jeunes enfants!

La trousse

Contenu de la trousse

■ Une vidéocassette pour les parents

■ Une audiocassette de chansonsinterprétées par Daniel Lavoie et uncahier de chansons

■ 12 fiches d’activités

■ Un livre de Caillou des Éditions Chouette

■ Une boîte de marqueurs Crayola

■ Une marionnette 20 $

Frais d’envoi en sus

l’alphabétisation. Ils sont aussi mieuxéquipés pour aider leurs enfantsqu’ils inscriront à l’école française »,soutient-elle.

Enfin, ces mères de famille et cesprofessionnelles du milieu de l’alpha-bétisation s’entendent toutes sur unpoint : les familles interlinguistiquesqui souhaitent transmettre le françaisà leurs enfants doivent avoir unestratégie qui encourage l’usage dufrançais dès leur naissance. DianeDornez-Laxdal précise qu’en milieu

minoritaire il faut être cohérent,conséquent et décidé pour réussir àtransmettre le français à ses enfants.Pour sa part, Lucille Daudet-Mitchellinsiste sur le fait que son plus granddéfi est de veiller à la qualité de lalangue. « Il y a tellement de motsanglais qui peuvent s’insérer dans les conversations. Il faut travaillerfort pour les éviter », dit-elle.

En conclusion, Mme Dornez-Laxdalsoutient qu’il y a plus d’outils etd’organismes qu’auparavant pour

aider les familles interlinguistiques.« Ce qui importe le plus, c’est dedonner accès à ces ressources au plusde monde possible. Il faut appuyerles familles interlinguistiques dansleurs efforts afin qu’elles gardent laconviction qu’elles ont fait le bonchoix », conclut-elle. ■

1 L’éveil à l’écrit en langue française, une valeur fondamentale duCanada , Rapport de la rencontre exploratoire – les 27 et 28 mars2003, FCAF, p. 1.2 Janine Bertrand, La francisation – Apprendre le français avec Paulet Suzanne, Fédération provinciale des comités de parents duManitoba, 1997.

13À lire 2003

La Fédération canadienne pour l’alphabétisation enfrançais (FCAF) propose dans cette section de la revue À lire sept articles sur le rôle des Canadiens dans ladiminution et la prévention de l’analphabétisme en Afrique.

La FCAF souhaite ainsi informer les Canadiens des efforts soutenus de quelques organisations nongouvernementales canadiennes.

ACDIL’aide canadienne en vue de diminuer l’analphabétisme en Afrique

Printemps 2002. L’ACDI dévoile son Plan d’action en matièred’éducation de base. Il y a deux ans déjà que le Canada s’est engagé,en même temps que la communauté internationale présente au Forum

mondial sur l’éducation, à réaliser les objectifs d’une éducation de base dequalité pour tous d’ici 2015. C’était au Sénégal, en l’an 2000. Cet ultimatumvisait à ouvrir les portes de l’école à tous les enfants de la planète.

Le Forum donnait suite à la Conférence mondiale sur l’éducation deJomtien, tenue en Thaïlande dix ans plus tôt. D’un même élan, lesreprésentants de 155 gouvernements, d’organismes donateurs bilatéraux etmultilatéraux, d’organisations non gouvernementales (ONG) s’étaientengagés financièrement à réaliser l’éducation pour tous au cours de laprochaine décennie. L’enseignement primaire a alors été défini comme le principal instrument d’éducation de base des enfants.

En dix ans! L’échéance était bien courte pour une aussi gigantesqueentreprise. Le fossé était large à combler, car la population croît. À elleseule, l’Afrique subsaharienne a vu le nombre de ses enfants qui ne rece-vaient pas d’enseignement primaire grimper de 39 millions à 56 millionspendant les années 1990 (Banque mondiale), si bien qu’en 2000 on

14 À lire 2003

« Malgré les progrès considérablesréalisés depuis dix ans dans les pays endéveloppement, près de 900 millionsd’adultes sont toujours des analphabètesfonctionnels et 130 millions d’enfants,dont les deux tiers sont des filles, nesont jamais allés à l’école. » Rapport de l’ACDI

PLAN D’ACTION DE L’ACDI EN MATIÈRE D’ÉDUCATION DE BASE

CONSTRUIRE ENSEMBLE LA PLANÈTEPar Lucie Gravel

était loin de l’éradication totale del’analphabétisme chez les enfants :130 millions d’enfants dans le monden’avaient jamais fréquenté l’école. Lesdeux tiers étaient des filles. Deschiffres effarants.

Instaurer l’universalité de l’ensei-gnement primaire et l’égalité des sexesexige désormais que l’on fasse preuved’audace, d’originalité. La Conférencede Dakar a incité les pays à dresserrigoureusement leur plan d’action et àélaborer des stratégies de dévelop-pement.

Le cercle de la pauvreté dans le mondeDe tous les facteurs, la pauvreté estcelui qui contribue le plus à limiterl’accès à l’éducation. Cette pauvretérevêt plusieurs facettes : ou l’Étatn’arrive pas à offrir l’éducation pri-maire gratuite, à payer ses enseignantsou à construire des classes, ou les

parents n’ont pas les moyens deprocurer à leurs enfants les manuels etles uniformes requis pour fréquenterl’école, ou encore les enfants eux-mêmes sont obligés de travailler poursubvenir à leurs besoins et à ceux deleur famille. En éducation, la montéeen flèche du nombre d’orphelins enraison du sida accroît le poids del’analphabétisme, sans compter lesguerres, les conflits et les désastresnaturels. Si l’on ajoute au tableau que,dans certaines cultures, les femmes etles filles sont exclues des écoles parcequ’on considère que leur éducationn’a pas d’importance, on constate quela situation est alarmante. Les genssont de plus en plus pauvres.

Pour briser le cercle de la pauvreté,il convient de s’y attaquer avec desmoyens accrus, si l’on veut respecterl’engagement « qu’aucun pays déter-miné à mettre en œuvre l’éducationpour tous ne verra son action limitéeà cause d’un manque de ressourcesfinancières ». (Dakar, 2000)

Vouloir, c’est pouvoir

Au Canada, l’ACDI sait, en l’an 2000,que le compte à rebours a déjà com-mencé, que le temps presse. Quatrepriorités de développement socialsont déjà inscrites à son programme,des priorités interdépendantes dansquatre secteurs : l’éducation de base,la santé et la nutrition, la lutte contrele VIH/sida et la protection des enfants.

Après concertation et consultations,l’ACDI quadruple ses investissementsdans une éducation de base de qualité.Le Canada annonce l’octroi de 555 millions de dollars, répartis entre2000 et 2005. Les sommes permettrontun appui singulier à une multitude deprojets qui mettront en valeur lesprincipes directeurs suivants :

• l’éducation est un droit de lapersonne;

• l’éducation de base est un élémentessentiel au développement durableet à la réduction de la pauvreté;

15À lire 2003

• l’égalité des sexes est un préalable à l’éducation pour tous;

• la qualité de l’éducation estprimordiale;

• la collaboration entre les autoritéscentrales et les collectivités localesest le fondement essentiel de la per-tinence, de la qualité et de la priseen charge de l’éducation de base;

• l’éducation favorise la démocratie,l’égalité, la justice, la dignité et lerespect des droits de la personne.

En appuyant l’initiative de l’éduca-tion pour tous, le Canada croit quec’est par cette voie que nous arriveronsà atteindre les objectifs nationaux etinternationaux de réduction de lapauvreté et de développement durable.Autrement, les inégalités entre pays etentre sociétés ne feront que continuerà s’aggraver. L’éducation pour tous estporteuse de paix et de stabilité au seindes pays et entre les sociétés.

L’éducation de base : le Pland’action de l’ACDILe Plan d’action de l’ACDI entérineles décisions prises à Dakar :

• assurer à tous l’accès à une éduca-tion primaire gratuite et obligatoired’ici 2015;

• éliminer les disparités en fonctiondu sexe au primaire et ausecondaire;

• améliorer la qualité de l’éducationde base de tous les apprenants.

Si l’éducation répond à des besoinsfondamentaux de l’être humain, c’estaussi un droit universel indispensableà tout programme qui vise une meil-leure qualité de vie. L’éducation, c’estapprendre à connaître, à agir, à vivreen collectivité, et exister pleinement,c’est exploiter son potentiel et sestalents, et c’est vivre en société.

L’ACDI à l’œuvreDe concert avec ses partenaires cana-diens et des pays en développement,l’ACDI travaillera, d’ici 2015, à ce quetous les enfants aient la possibilitéd’accéder à un enseignement primaireobligatoire et gratuit de qualité. Lalecture, l’écriture, le calcul et lesconnaissances pratiques élémentaires,matières considérées comme faisantpartie de l’éducation de base, serontassurés à différents groupes d’âge. D’ici2005, l’ACDI favorisera notamment lesprojets qui portent sur l’éliminationdes disparités entre les sexes dansl’enseignement primaire et secondaireen accordant une attention particu-lière aux filles.

Dans l’action internationale, chaquepays et chaque culture diffèrent etévoluent au fil du temps. Les repré-sentants de l’ACDI sont décidés plusque jamais à tout mettre en œuvrepour créer une synergie nouvelle etsusciter l’élaboration de programmesoriginaux et innovateurs qui permet-tront d’atteindre les objectifs del’éducation pour tous. L’éducation nonformelle est un de ces programmes.

Si l’on remet en question l’écoletraditionnelle, c’est que le mondechange, les sociétés évoluent avectout ce que cela comporte d’exigenceset d’obligations. À l’aube du nouveaumillénaire, les défis sont de taille :mondialisation, démocratisation, révo-lution de l’information, sida, Internet,autant de changements qui comman-dent la mobilisation de nouvellesressources et l’amélioration de laqualité de l’enseignement.

L’éducation influe considérablementsur la vie des personnes et des peuples,car elle touche la santé familiale,l’épanouissement personnel et le déve-loppement social. Si l’éducation répondà des besoins fondamentaux de l’êtrehumain, elle constitue aussi un droituniversel indispensable à tout program-me qui vise une meilleure qualité devie. ■

16 À lire 2003

L’ACDI soutient entièrement la miseen œuvre des programmes d’enseigne-ment diversifiés, originaux, souples etfinancièrement abordables du milieuscolaire non institutionnel du Bangla-desh Rural Advancement Committee.

Dans certains pays des Antilles, lesgarçons prennent du retard sur lesfilles, surtout à l’école secondaire, et

l’ACDI s’intéresse de plus en plus àcette question. Il est à noter que danstous les pays les garçons ont tiré partides améliorations apportées à l’éduca-tion des filles.

L’ACDI appuie financièrement la for-mation des enseignants en Guyane,au Kosovo, au Malawi et en Afrique duSud.

L’ACDI a accru considérablement sonsoutien à l’éducation de base dansquelques-uns des pays les plus pauvresde la planète, dont le Sénégal, le Maliet la Guyane. Cette aide se révèle trèsfructueuse parce que les gouver-nements, les ministères de l’Éducationet les éducateurs de ces pays se sontmontrés déterminés à réaliser uneréforme pédagogique en profondeur.

L’ACDI sur le terrain : des exemples

Le Mozambique et la Tanzaniesont fermement décidés àinvestir dans l’éducation des

enfants. Pour y arriver, ils ontinvité le Canada, par l’entremise del’Agence canadienne de développe-ment international (ACDI), à par-ticiper à leur stratégie de réductionde la pauvreté. Une initiative, dit-on, qui devrait marquer positive-ment l’avenir d’écolier des jeunesde ces pays africains.

« Le Canada fournira 10 millionsde dollars au Mozambique toutcomme à la Tanzanie chaque annéependant cinq ans », affirme d’entréede jeu Marcia Colguhoun, agenteprincipale de développement pourle Mozambique. « En fait, cettesomme, qui servira à financer leplan stratégique pour le secteur del’éducation, fait partie d’un fondscréé pour les gouvernements etauquel collaborent plusieurs paysdonateurs », précise Michel Lemelin,directeur général de l’Afriqueaustrale. Le Canada n’est donc pas leseul investisseur dans cette affaire.Parmi les bailleurs de fonds, onretrouve les Pays-Bas, l’Allemagne,l’Irlande, la Suède et la Grande-Bretagne.

La stratégie se compose de troisgrands axes de développement :l’accès à l’éducation, la qualité del’éducation et le développementinstitutionnel. Plus précisément, leCanada redoublera ses efforts en cequi concerne l’accès universel àl’éducation, l’amélioration de laqualité de l’éducation de base, la

réduction des inégalités entre lessexes, la scolarisation continue etla formation des enseignants.

D’ailleurs, ces deux pays offrentdésormais l’accès gratuit à l’édu-cation. Bien que cette initiativegouvernementale ait accru le nom-bre d’inscriptions dans les écoles,les défis qui en découlent restentnombreux, mais on a enregistrédéjà certains résultats tangibles.« Après 12 mois d’implantation duplan, le taux d’inscription des élè-ves a augmenté de 45 % », résumeKate Rickie, agente de dévelop-pement pour le programme del’Afrique de l’Est (Tanzanie). AuMozambique, le taux d’inscriptiondes élèves de la première à la cin-quième année, indépendammentde l’âge, est passé de 92 % à 111 %chez les garçons et de 67 % à 87 %chez les filles. Précisons que lepourcentage dépasse 100 % quandles enfants qui ne font pas partiedu groupe d’âge approprié fréquen-tent l’école. Par exemple, lesenfants en première année seraientâgés entre 6 ans (âge officiel quicorrespond à la première année) et12 ans.

« En 1975, quand le Mozambiquea gagné l’indépendance face auPortugal, le taux d’alphabétisationdes 15 ans et plus tournait autourde 8 %. Depuis que la guerre a cesséau Mozambique, les chiffres nefont qu’augmenter. En 2000, letaux d’alphabétisation des hommesatteignait 60 % et 28 % chez lesfemmes. »

17À lire 2003

LE CANADA INVESTITDANS L’ÉDUCATIONAU MOZAMBIQUE ETEN TANZANIEPar Stéphanie Moreau

Photo de l’ACDI : Bruce Paton

Photo de l’ACDI

Photo de l’ACDI

Cet accroissement de la fréquenta-tion des écoles apporte son lot de défis.Au cours des longues années de guerrequ’a connues le Mozambique, plusieursécoles ont été détruites, ce qui a forte-ment diminué le taux de fréquenta-tion scolaire, selon Mme Colguhoun.Du côté de la Tanzanie, l’éducationest tout aussi précaire, mais elle ne doitpas son retard aux conflits guerriers.« Depuis deux décennies, le gouverne-ment n’a pas investi un sou dans lesprogrammes sociaux en raison de sonprogramme d’ajustement structurelqui favorisait d’autres secteurs del’économie tanzanienne », expliqueKate Rickie. Cela dit, dans un payscomme dans l’autre, il fallait d’abordconstruire et reconstruire des écoles.Pour la Tanzanie, on parle de 8800nouvelles salles de classe depuis ledébut du projet et d’un nombre aussiimportant pour le Mozambique.

On compte maintenant 2,5 millionsd’élèves sur les bancs d’école compa-rativement à 1,9 million en 1998.Toutefois, encore 23 % des Mozambi-cains redoublent une année et seule-ment le tiers des jeunes inscrits enpremière année terminent les cinqannées du primaire. « En Tanzanie, legouvernement souhaite baisser letaux de décrochage à 3 % d’ici à la findu programme », dit Mme Rickie.

On constate un manque flagrantde ressources de base. En Tanzanie, lesélèves de la première à la troisièmeannée se partagent un livre à trois. Dela quatrième à la sixième année, leratio est encore plus faible : oncompte un livre pour six élèves. AuMozambique, la situation n’est pasplus rose. Certaines écoles n’ont nitableaux et ni craies. On ne sera pasétonné d’apprendre qu’un desobjectifs que s’est fixés le Canada estde ramener le ratio livre-élèves à unpour un. La Suède et l’Irlande se sontengagées à fournir tous les manuelsscolaires de la Tanzanie gratuitement.Jusqu’à maintenant, on parle d’undon d’environ six millions de livres.

Comme le mentionne MarciaColguhoun, souvent les enfants n’ontmême pas de vêtements pour aller à

l’école. Et quand ce ne sont pas lesvêtements qui manquent, c’est letravail qui accapare les enfants. « Celaarrive plus souvent aux filles, préciseMme Rickie. Ce sont elles qui soignentles membres de leur famille quand undes leurs souffre du sida, parexemple. » Cette tendance voulantque les jeunes filles ne fréquententpas l’école parce qu’on réclame leursservices ailleurs semble particulière-ment difficile à briser. Autrement dit,l’éducation chez les filles n’est pasvalorisée. Quand elles ne doivent pasexécuter des travaux ménagers ou dutravail saisonnier, leurs parents leursuggèrent de se marier ou encore de seprostituer, tout cela en raison de lapauvreté.

De cette faible fréquentation scolairedes filles découle une autre réalité : la

18 À lire 2003

Photo de l’ACDI

rareté des femmes dans l’enseigne-ment. En général, les professeurs necourent pas les rues en Tanzanie ni auMozambique. Il n’y a pas si longtemps,on comptait seulement 1500 élèves dusecondaire qui s’inscrivaient au collègepour devenir professeurs. Cette année,on en a recruté 7000. Le Canada etd’autres bailleurs de fonds ont uni leursefforts pour créer et mettre en œuvreun programme de formation des pro-fesseurs; il s’agit d’un autre résultatvisible qu’a apporté le projet jusqu’àmaintenant et qui permettra d’offrirune éducation de meilleure qualitéaux élèves.

De plus, « le gouvernement, en colla-boration avec le Canada, a construit2200 maisons pour les enseignantsdes milieux ruraux. Cet incitatif étaitdes plus nécessaires puisque, au

Mozambique, 80 % de la populationhabite en milieu rural. Les écoles sontsouvent difficiles d’accès et cela causedes problèmes dans l’embauche deprofesseurs. »

Ces programmes et ces démarchess’inscrivent dans la décision qu’a prisel’ACDI en septembre 2000 de faire del’éducation de base « une des quatrepriorités de développement social quibénéficieraient d’un soutien accru, aumême titre que le VIH/sida, la santé etla nutrition et la protection desenfants ».

Selon les objectifs que s’est fixés leCanada, l’enseignement primaire uni-versel devrait se concrétiser d’ici 2015au plus tard et l’élimination des iné-galités entre les sexes dans l’éducationdevrait se résorber d’ici 2005. L’ACDI

souhaite ardemment voir l’écart serétrécir.

Comme on peut le constater jusqu’àmaintenant, les résultats positifs sontprobants. Rien n’indique que lesrésultats escomptés de ce plan straté-gique sont inaccessibles. Pour biensuivre l’évolution des investissementsen temps, en ressources humaines eten argent, l’ACDI a dernièrementversé cinq millions de dollars répartissur cinq ans à l’Institut de statistiquede l’UNESCO. Les mesures nécessairessont donc en place pour qu’un projetd’une telle envergure réussisse. Jusqu’àmaintenant, tout semble bien sedérouler sous le soleil de la Tanzanieet du Mozambique. ■

19À lire 2003

Photo de l’ACDI Photo de l’ACDI

L’Ouganda est un paradis pourles ornithologues. Dans leNord, quand la brousse

s’éveille au son des milliers d’oi-seaux qui chantent la gloire du nou-veau jour, des enfants commencentà besogner autour des cases, car ilsdoivent s’acquitter de leurs tâchesavant de se rendre à leur centred’apprentissage, dès 8 heures dumatin. Deux heures plus tard, ilsseront de retour au bercail pourvaquer à nouveau à leurs occu-pations ou partir en brousse.

La réalité, c’est qu’en Afriquesubsaharienne l’économie familialerepose sur les enfants; c’est un traitculturel. Les enfants font tout.Dans le Nord-Est ougandais parexemple, les collectivités pastoralessemi-nomades de Karamoja, quitranshument deux fois par annéependant les saisons sèches, comp-tent sur la main-d’œuvre desenfants. Obligés à des migrationssaisonnières, les hommes et lesgarçons quittent leur résidencepour faire paître leurs troupeaux àdes milliers de kilomètres plus loin.Là, ils s’accommodent de campe-ments itinérants pendant qu’à lamaison les filles accomplissent lestâches quotidiennes sous l’œilvigilant de leur mère. Difficile desonger à l’école dans de telles cir-constances. Il n’est donc pas éton-nant que, en l’an 2000, 10 pour100 seulement des enfants aientfréquenté l’école. Le nomadisme a

son prix; les enfants en feraient-ilsles frais?

Mais il y a plus encore.

L’ardoise ou le troupeauQuand les parents sont analpha-bètes, l’école – c’est bien connu –n’exerce pas beaucoup d’attrait.Encore moins lorsqu’on se heurte àdes parents issus de générations quise sont opposées farouchement auxautorités anglaises au temps de lacolonisation. Jusqu’à tout récem-ment, les Karamojongs faisaientencore obstacle à toute propositionde scolarisation. « On jetait unmauvais sort aux articles d’écriture,on enterrait le crayon », se souvien-nent encore les anciens des années1940. Ce sortilège fait référence à lapériode pendant laquelle les Anglaisdressaient des listes sur papier pourenrôler de jeunes indigènes dansleurs régiments. Les articles d’écri-ture étaient symboles d’oppression.C’est à se demander si les mar-chands d’esclaves de la fin du XIXe

siècle ne sortaient pas eux aussileur carnet…

Au moment de l’indépendancede l’Ouganda en 1962 – la Grande-Bretagne a fondé son protectorat àla source du Nil en 1894 –, la situa-tion n’avait pas du tout changéchez les nomades de Karamoja,malgré les tentatives répétées desAnglais d’instruire leurs enfants.

MILLE ESPÈCESD’OISEAUX CHANTENTEN OUGANDA DES MILLIERS D’ENFANTS SCANDENTL’ALPHABETPar Lucie Gravel

Photo de l’ACDI : Peter Bennett

Photo de l’ACDI : Peter Bennett

Photo de l’ACDI : Peter Bennett

Jusqu’en 1995, les gouvernementssuccessifs ont tenté à maintes reprisesde les sédentariser, tant pour lesalphabétiser et moderniser leur modede vie que pour les soumettre àl’impôt. Mais en vain!

L’école sur mesureIl aura fallu attendre que l’orga-nisation Save the Children Norwayentame un véritable dialogue avec lesnomades de Karamoja, en 1995, envue de les persuader du droit fonda-mental des enfants à l’éducation et deles convaincre du bien-fondé del’alphabétisation. La vie pastoraledevait prendre à tout prix un nouveautournant. On ne pouvait plus tolérerque ces populations, pauvres etisolées, accusent un si sérieux retard.Ailleurs au pays, les adultes étaientalphabétisés – on parle d’un taux de67 pour 100. Finalement, les pasteursse sont montrés disposés à s’instruire« à leur façon », à condition depréserver leur mode de vie nomadetraditionnel.

Le programme ABEKGrâce à l’appui financier de l’UNICEF,de l’Agence canadienne de dévelop-pement international (ACDI) et dugouvernement de l’Ouganda, Save theChildren Norway a élaboré un pro-gramme pilote d’éducation de base,de type non formel, le programme

ABEK (Alternative Basic Education forKaramoja) qui a débuté en 1998. Ils’adressait aux enfants défavorisés deKaramoja. Souvent plus proches de lavie adulte que de l’enfance, cesenfants qui travaillent ont eu droit àun programme tenant compte de leurvision du monde, de leur vécu et deleur disponibilité. En les aidant àconserver leur identité, on voulaitavant tout les préparer à s’intégrer aumonde extérieur par l’alphabétisation.

Par eux et pour euxPour garantir le succès d’un programmed’éducation de base adapté au modede vie nomade et respectant les lienssociaux et ancestraux, on fait appel àdeux intervenants issus de lacollectivité, habituellement un hommeet une femme, que l’on forme. Puis,on adapte les horaires en fonction desoccupations des bénéficiaires, dansun cadre moins formel que l’écoletraditionnelle. Ainsi, les enfantss’amènent en matinée pour unepériode de deux heures, puis revien-nent en fin d’après-midi, souventaccompagnés de leurs parents ougrands-parents. Lecture, écriture etcalcul se font dans la langue locale àl’aide de manuels écrits dans les deuxlangues, l’anglais et le karamojong.Divisé en modules, le programmeaborde des thèmes qui reflètent la viepastorale. On y passe en revue lesquestions liées à la famille, à la gestion

des ressources naturelles, au bétail.On accorde également une grandepriorité à la santé des gens et à laprévention du sida, car, en Ouganda,sur une population de 24 millionsd’habitants, 7 millions d’enfants sontdes orphelins du sida et 1,5 millionvivent avec la maladie. C’est à fairefrémir!

En veillant à ce que l’éducation nonformelle se fasse de façon structurée etorganisée, on s’assure que bon nombred’apprenants assidus franchissent lepont et poursuivent leurs études dansune école traditionnelle de typeformel.

En quelques années seulement, leprogramme a largement contribué àélargir la couverture de l’alphabé-tisation en milieu rural. Grâce à lapopularité et au succès du programmeABEK, le gouvernement a entrepris del’offrir à seize collectivités environ-nantes, dans deux sous-régions, cellesde Kotido et de Moroto, à la frontièredu Kenya. De 1997 à 2002, les inscrip-tions sont passées de 5 500 à plus de23 300. D’autres régions en ont fait lademande; on se prépare à le leur offrir.

L’école s’assouplitL’éducation non formelle offre unesolution de remplacement de choixdans la lutte contre l’analphabétisme.L’expérience vécue chez les Karamo-

21À lire 2003

Photo de l’ACDI : Peter Bennett

jongs permet d’en découvrir la perti-nence et la souplesse.

Les centres d’alphabétisation sontmoins coûteux que les écoles ordi-naires. Ils peuvent être mis sur piedplus rapidement et de façon ponctuelle.La formation y est moins longuepuisqu’on s’intéresse à l’acquisitionde connaissances de base et qu’ondonne des cours pratiques adaptésaux disponibilités d’une clientèlecible. Les centres permettent de récu-pérer ceux qui se montrent réfrac-taires à l’école traditionnelle ainsi queles jeunes exclus du système scolaire.

Vers un monde meilleurMême si le ministère de l’Éducation etdes Sports voit l’éducation nonformelle comme une solution depremier choix dans l’accélération duprocessus de scolarisation des couchesdéfavorisées en milieu pastoral, lesintervenants font face parfois à desdifficultés de taille.

Notons qu’au départ le programmeABEK a été conçu pour étendre l’accèsà l’éducation. On inscrit donc le plusgrand nombre possible de candidatsde tous les âges dans un cadre quel’on veut non formel. Le manqued’homogénéité qui en résulte soulèvedes problèmes de discipline. En effet,avec des ratios qui frôlent parfoiscinquante participants par groupe,l’animateur peut éprouver des diffi-cultés à accomplir sa tâche. Il serait

souhaitable qu’il y ait un meilleurencadrement pour maintenir la qua-lité des services.

Par ailleurs, les absences prolongéesdes enfants qui accompagnent lestroupeaux au cours de la période detranshumance influent sur la stabilitédes groupes parce que, à eux seuls, cesenfants représentent 40 pour 100 desapprenants. La gestion du programme,même divisé en modules, constituepar conséquent un véritable casse-tête. Quant aux filles, en majoritédans les groupes, elles viennent auxcours accompagnées de bébés, ce quipeut s’avérer dérangeant. Il faudraitdes garderies d’appoint pour corrigerla situation.

Le Canada y voitEn l’an 2000, le Canada a investi 10 millions de dollars pour aider legouvernement de l’Ouganda à éten-dre l’éducation de base aux groupesmarginalisés et défavorisés des collec-tivités pastorales, dont les filles. Lesenfants karamojongs de 10 à 16 ansont été ciblés; on a élaboré des pro-grammes d’études et du matérieldidactique à leur intention. On adonné la priorité aussi à l’éducationdes filles et à une meilleure formationdes enseignants. Un pas de plus versla solution. ■

22 À lire 2003

On dit que

l’Ouganda est

la « perle de

l’Afrique » en

raison de la

beauté de sa

nature et de la

douceur de son

climat. Et les

enfants? Ils

pourraient bien

devenir des

perles précieuses

lorsque

l’alphabétisation

les aura rendus

meilleurs

citoyens.

Photo de l’ACDI : Peter Bennett

Non pas qu’il faille changerleurs traits! Non. Elles sontbelles, ces femmes africaines

qui s’arment de courage, au sud duSahara! Mais depuis qu’on les inviteà l’école pour s’alphabétiser etprendre davantage conscience del’importance de leur rôle au sein dela famille, elles sont en train de setransformer. On croit qu’elles s’in-vestiront de plus en plus dansl’éducation de leurs enfants, car, enparticipant aux programmes, ellesseront en mesure de mieuxcomprendre le pourquoi du tableaunoir et des règles de calcul. Dumême coup, elles pourront discuterdu contrôle des naissances, duVIH/sida, du fonctionnement despetites entreprises et de microcrédit.Et elles consacreront du temps àdes ateliers de formation techniqueparticulière et à des apprentissagesfonctionnels.

Ce pas de plus vers l’éducationpour tous, le Canada y est pourquelque chose au Niger.

Le tandem CECI-ACDIDepuis février 2001, l’Agencecanadienne de développementinternational (ACDI) a confié 3,5 millions de dollars au Centrecanadien d’étude et de coopérationinternationale (CECI) afin de contri-buer à l’augmentation du tauxd’alphabétisation au Niger et à lamise en œuvre du Plan de dévelop-pement de l’éducation non formelle.Pour sa part, le CECI a investi prèsde 350 000 $. Le projet, qu’admi-nistrent à Niamey les agents de

développement du CECI, sous latutelle du ministère de l’Éducationde base, se nomme « Projet d’appuiau développement de l’éducationnon formelle au Niger »; il devraits’étendre sur quatre ans. Sa mise enœuvre est confiée à des interve-nants sur le terrain, soit une bonnevingtaine d’organisations non gou-vernementales (ONG) locales quifont de l’éducation non formelle enouvrant des centres d’alphabétisa-tion fonctionnelle. Jumelés à uneéquipe du CECI, ces intervenantssont présents dans les départementsde Tillaberi, de Zinder et d’Agadez.Les clientèles cibles sont les femmesen milieu rural et les jeunes de 9 à15 ans.

Les ONGAu Niger, les ONG nationales sesont multipliées aux côtés des ONGinternationales depuis 1995. Bienque leurs moyens financiers soienttrès limités, elles sont reconnuespour leur incidence positive sur lescommunautés rurales. Conscientsqu’elles jouent un rôle clé dansl’identification, l’allégement et lasolution des problèmes de société,les agents du CECI mobilisent leursressources et les appuient financiè-rement en leur confiant des contratsselon une procédure rigoureuse, caron les sait capables, par leur action,de construire des ponts entre lasociété civile et les gouvernements.C’est précisément par ces partena-riats entre l’État, les intervenantssur le terrain et les collectivités rura-les que passe le développement. Etle pays en a vivement besoin!

23À lire 2003

LES FEMMES DUNIGER SE DONNENTUN NOUVEAU VISAGEPar Lucie Gravel

Photo : Lucie Gravel

Photo : PADENF-CECI

Photo : Lucie Gravel

Quand on circule en brousse, sur lesroutes du Niger, on est porté à croire,en apercevant certains hameauxdépourvus de tout, que quelqu’un,quelque part, a été oublié... Lespanneaux routiers sont absents, lenom des localités est rarementaffiché… conséquence d’un tropfaible niveau d’instruction.

En parallèle, et toujours dansl’objectif d’étendre l’alphabétisationet d’améliorer la qualité de l’offre deservice en éducation non formelle, leCECI donne une formation au person-nel du ministère de l’Éducation de base.

La stratégie du faire-faireEn fonctionnant avec les ONG locales,le CECI applique la stratégie du faire-faire, stratégie porteuse de réussite,car les partenaires sont issus dumilieu. Ensemble, ils façonnent desprogrammes souvent moins rigides,moins longs et moins coûteux qu’enéducation formelle, et ils proposentaux bénéficiaires des zones rurales dessolutions de rechange à leur économiede survie. Cette initiative de décentra-lisation de l’offre de service en dehorsde la capitale s’inscrit dans le cadre duProgramme national de réduction dela pauvreté.

Le CECI est persuadé qu’en faisantappel aux femmes il parviendra à

s’acquitter de sa mission, celle de favo-riser l’éclosion de la société civilenigérienne et de renforcer la capacitéd’agir des acteurs locaux du dévelop-pement (ONG et personnel ensei-gnant). On aspire à ce que les femmesreprésentent 65 pour 100 des partici-pants aux programmes des régions.Jusqu’à présent, sur les 15 700 personnesalphabétisées, 57 pour 100 sont desfemmes.

L’aide internationale : un changement de capComme on peut le constater, l’approcheNord-Sud a marqué des virages impor-tants au cours des dix dernièresannées. Remboursement de la dettedes pays africains, mondialisation,décentralisation, VIH/sida, bonnegouvernance, autant de défis qui ontforcé tout un chacun à mettre enquestion les formes d’aide. Pendanttrop longtemps, les organisations ontcru que l’aide internationale dans lespays en développement consistait à« faire pour eux ». Cette époque estrévolue et il faut trouver d’autres solu-tions, car en Afrique subsaharienne lenombre de personnes vivant sous leseuil de pauvreté est passé de 240 à300 millions au cours de la dernièredécennie, et la situation continue dese détériorer de jour en jour. Il est doncprimordial d’évaluer sans cesse le« comment » de l’aide. Le « faire-faire »

incite les populations à prendre encharge leur propre destinée, ce qui faittoute la différence.

On ne le répétera jamais assez,alphabétisation… alphabétisation…alphabétisation… des femmes enparticulier, si l’on veut atteindre ledéveloppement durable.

Le saviez-vous?Au Niger, à l’aube du deuxième millé-naire, à peine un enfant sur quatreprend le chemin de l’école, selonl’Unicef. La majorité des mères – pasmoins de 92 pour 100 en 2000 – sontanalphabètes. En outre, hormis lesenfants issus d’un certain milieu aisé,les écoliers qui fréquentent l’école n’yrestent pas longtemps : au primaire, àpeine trois élèves sur quatre attei-gnent la cinquième année. Incroya-ble, mais vrai! Le terrain scolaire estvierge.

Parmi ces enfants non scolarisés,plusieurs travaillent aux tâchesfamiliales de survie avec leurs parents,mais il y a aussi ceux que l’insuffi-sance alimentaire oblige à s’éloigneret qui se retrouvent en ville, dans larue, à mendier à longueur de journée.Ils ont 15 ans, parfois 9 ans, ou même6 ans. On les croise partout, ceux quiont la rue pour seul partage, avec toutce que cela comporte de tragique.

Photo : Lucie Gravel

Laissés à eux-mêmes, sans points de repère, ils s’inventent unesociété à eux, les adultes étant incapables de leur offrir desconditions sociales convenables. Cette incapacité chronique à fairevivre décemment les enfants nigériens se traduit par un tauxd’indigence et de délinquance sans précédent. Triste réalité d’unpays que la sécheresse et l’aridité du climat de la dernière décennie,entre autres facteurs, ont plongé dans une pauvreté généralisée. C’estprécisément à la réduction de cette pauvreté que le CECI, le ministèrede l’Éducation de base et les ONG tentent de s’attaquer par tous lesmoyens. Comme on l’a dit, les femmes sont au cœur despréoccupations dans cette concertation, car elles sont les premièrestouchées par les pénuries alimentaires récurrentes. Quand vient letemps de nourrir la famille, les femmes sont au chaudron. En lesformant, on espère augmenter de 10 à 30 pour 100 leur productivitéet leur revenu.

Pourquoi avoir choisi la voie de l’éducation nonformelle?Ceux d’entre nous qui œuvrent en éducation s’interrogent sur lechoix de la voie de l’éducation non formelle. Rappelons d’abord quel’expression n’est sortie des milieux universitaires que depuis ledébut des années 1990. Ce principe s’oppose à l’éducation formelle,c’est-à-dire à l’éducation scolaire traditionnelle, mais il n’en demeurepas moins structuré et organisé.

En général, la formule de l’éducation non formelle est plus soupleet s’adapte mieux aux disponibilités des apprenants en offrant, surplace, une formation adaptée aux clientèles cibles, les adultes et lesjeunes. Par exemple, les formatrices ou formateurs peuventalphabétiser leur clientèle selon un programme structuré et à desheures variables en se servant de la radio ou de la télé; ils peuventaussi le faire dans la rue ou dans les champs en utilisant l’agriculturecomme thème pédagogique, sans compter que les femmes peuventassister aux classes sous un arbre avec leur nouveau-né sur le dos. Enoutre, ces formules de remplacement exercent un attrait certain sur lesjeunes exclus du système scolaire pour toutes sortes de raisons. Quandon les raccroche dans des centres d’alphabétisation à raison d’unetrentaine par classe, on leur permet d’acquérir des connaissancesinstrumentales par l’intermédiaire d’apprentissages fonctionnels oupréprofessionnels. Ainsi, les besoins fondamentaux d’éducation, àsavoir l’écriture, le calcul et la lecture en langue nationale, sontcomblés et appliqués à des projets de développement local.

Par comparaison à l’éducation non formelle, l’école traditionnellevouée à la formation générale est exigeante et nécessite des déboursésplus importants. On y arrivera! Mais avant que toutes les structuressoient en place au Niger, l’éducation non formelle apporte unremède et comble un fossé, en plus d’améliorer les conditions de viedes collectivités les plus vulnérables. ■

Le CECI en Afrique

Créé à Montréal en 1958, le Centrecanadien d’étude et de coopérationinternationale (CECI) est un des prin-cipaux organismes québécois d’aideinternationale. En Afrique, pas moinsde 66 volontaires, 4 jeunes stagiaires, 7 conseillers techniques canadiens et150 agents nationaux travaillent dans10 pays, dont le Niger, pour combattrela pauvreté et l’exclusion (Rapport2001-2002).

Au Niger, le CECI a fait ses débutsdans la capitale, Niamey, en 1982. Lespremiers volontaires ont œuvré ensanté, notamment en prévention dusida. L’organisme est intervenu par lasuite dans d’autres domaines, notam-ment dans l’hydraulique rurale etl’aménagement des terroirs villageois,la promotion féminine, les droitshumains, le renforcement des capacitésdes organisations de la société civile, la décentralisation, le développementéconomique et, plus récemment, l’alpha-bétisation et l’éducation non formelle.Outre la capitale, ce sont surtout dansles départements de Diffa et de Dossoque se sont concentrées les actions. Àl’heure actuelle, le travail de renfor-cement des capacités des organisationslocales, financé par l’ACDI, s’effectuedans les régions de Tillaberi, d’Agadezet de Zinder.

Ses grands partenaires financiersont été – et demeurent – l’ACDI et laBanque mondiale. Le CECI a largementcontribué à la réputation du Canadacomme chef de file en matièred’éducation.

25À lire 2003

Photo : Lucie Gravel

Il y a quatre ans à peine, 24 en-fants malawiens se partageaientle même livre à l’école. Grâce à

un don de plus de 11 millions delivres de la part de l’Agence cana-dienne de développement interna-tional (ACDI), les élèves de 4363écoles primaires du Malawi jouissentmaintenant de l’accessibilité au ma-tériel scolaire. Comment a-t-on réussià faire ce grand pas en avant dansl’éducation de base des Malawiens?

L’ACDI a fait bien des heureuxdepuis le début de ce projet. Pourse mettre en contexte, le Malawi seclasse au cinquième rang parmi lespays les plus pauvres de la planète.« Et depuis que son gouvernementa décidé, en 1994, d’offrir l’accèsgratuit à l’éducation, quatre foisplus de jeunes fréquentent l’école.En moins d’une décennie, le nombre d’élèves est passé de800 000 à près de 3,5 millions »,affirme Joanne Rampton, agente dedéveloppement pour le programmede l’Afrique australe.

L’engouement de la populationpour l’éducation qu’a créé le gou-vernement du pays par sa nouvellemesure sociale a vite touché d’au-tres sphères de l’éducation. « Onmanquait alors de professeurs etd’écoles », poursuit Mme Rampton.Et l’on a dû réimprimer plus d’unecentaine de livres –128 exactement.

Expédier des livres auMalawi, un défi de taille

« C’est en réponse à la demandedu gouvernement malawien que

l’ACDI a participé à cette mission »,affirme Michel Lemelin, directeurgénéral du programme de l’Afriqueaustrale. Ce qui revient à dire quele Malawi gère lui-même ce projetd’éducation formelle tout enprofitant de l’expertise de l’ACDIen la matière pour mieux cerner lesbesoins réels en matériel didactiquedans les écoles primaires et secon-daires du pays.

Pour pouvoir livrer les manuels,l’ACDI, en collaboration avec leministère de l’Éducation, desSciences et de la Technologie, a dûfranchir plusieurs étapes opération-nelles. « D’abord, il fallait recenserles besoins en livres de chaque éco-le, nous explique Joanne Rampton.Cela n’a pas été facile. Nous nesavions même pas combien il y avaitd’écoles au départ, ni combien d’en-fants, approximativement, fréquen-taient régulièrement l’école. » Deplus, les écoles du Malawi sontsouvent très éloignées les unes desautres et situées pour la plupart enmilieu rural; elles sont doncbeaucoup plus difficiles à atteindreet à trouver.

Une fois les écoles répertoriées,l’ACDI a demandé à chaque écolede remplir un formulaire sur lequell’école devait indiquer le nombred’élèves par niveau, le nombre delivres dont elle disposait et lenombre de livres demandés. « Enhuit semaines seulement, 93 % desécoles avaient retourné leur formu-laire. Les données ont ensuite étécompilées dans une base de don-nées qui a fait le calcul du nombrede livres nécessaires par niveau et

DES MILLIONS DEMANUELS SCOLAIRESPOUR LE MALAWIPar Stéphanie Moreau

Photo de l’ACDI : David Barbour

Photo de l’ACDI : David Barbour

Photo de l’ACDI : David Barbour

par matière. C’est à ce moment qu’ona connu le chiffre impressionnant etsynonyme de besoin pressant de11,5 millions de livres. Cet inventairea révélé que, dans certaines écoles,254 élèves utilisaient le même manuel.Aujourd’hui, confirme Mme Rampton,le ratio a atteint le un pour un. »

La mission venait alors de prendreforme. Du côté du Canada, on a conti-nué les démarches en faisant desdemandes de soumissions par voieconcurrentielle pour se choisir desimprimeurs. « Une fois les appelsd’offres lancées aux entreprises privéescanadiennes et notre choix arrêté,nous avons connu certaines difficultésquant aux droits d’auteur. Comme il aété mentionné précédemment, leslivres existaient comme tels auMalawi et, selon les désirs du minis-tère, le contenu devait rester le même.Le Canada a tout de même proposéd’ajouter un encadré en anglais et enchichewa contenant un message surle VIH/sida adapté à l’âge des élèves »,commente-t-elle. L’idée, qui cherchaità renforcer l’éducation des Malawiensen matière de santé, a été acceptée. Ilfaut préciser qu’un Malawien sur dix

est porteur du VIH, réalité qui, selonces chiffres, prend des proportionsconsidérables.

Une fois les livres imprimés, on aprocédé à leur emballage. SelonJoanne Rampton, cette étape duprocessus s’est très bien déroulée.« Nous savions combien de manuelset quels manuels envoyer à quelleécole. Les livres ont donc été emballésséparément et classés tout de suite parécole chez trois imprimeurs diffé-rents », précise-t-elle. À partir del’entrepôt où on les a classés, ils ontété chargés dans des conteneurs, puistransportés par bateau jusqu’auMalawi.

Commençait alors, en novembre2001, la distribution des livres enterre malawienne. Pour ce faire,l’ACDI a retenu les services d’undistributeur du Malawi par voieconcurrentielle. Le distributeur rece-vait les envois et devait distribuer labonne commande à chacune des4363 écoles. « De beaux défis ont étérelevés lors de la distribution », nousdit Mme Rampton, en se remémorantdes souvenirs. Les routes au Malawi

n’ont rien en commun avec celles duCanada; ce sont des routes de terrebattue. « Quand il pleut, ces routesdeviennent impraticables », affirmeM. Lemelin. Joanne Rampton s’estrendue au Malawi et a prêté main-forte aux distributeurs. Lorsque lapluie s’est mise à tomber, « notrevéhicule s’est enfoncé dans la boue.Nous sommes alors descendus et nousavons porté les livres sur nos têtesjusqu’à l’école. À ce moment-là, nousavons assisté à une scène mémorable :plusieurs personnes de la commu-nauté, qui ne faisaient pas partie del’équipe de distribution, se sontjointes à nous pour transporter leslivres », dit-elle.

Entre-temps, le stockage des livresavait soulevé certaines inquiétudes.Rendue sur les lieux, l’équipe aconstaté qu’il n’existait aucun endroitétanche pour entreposer les livres unefois les cours terminés. Et comme lementionnait dans un communiquéSusan Stewart, coordonnatrice duprojet, de nombreuses écoles auMalawi n’ont pas de murs, ni mêmede toit. « L’école se fait souvent sousles arbres », précise Joanne Rampton.

27À lire 2003

Photo de l’ACDI : David Barbour

Photo de l’ACDI : David Barbour

Il fallait donc trouver une solution pour garder leslivres au sec et en bon état et pour éviter les vols.L’ACDI avait tenté des expériences semblablesauparavant et s’était fait voler des livres à maintesreprises. Les pilleurs les échangeaient contre de lanourriture.

« C’est en faisant construire 12 300 classeursd’acier qu’il a été possible de résoudre ceproblème », ajoute l’agente de développement. Enjuin 2002, toutes les écoles avaient reçu suffi-samment de classeurs préassemblés et de cadenas.De plus, on avait mis en œuvre une autre mesurepréventive pour limiter le pillage avant l’arrivéedes livres au Malawi. Grâce à une initiative dugouvernement malawien, on a lancé unecampagne publicitaire, sur papier et à la radio.Deux comédiens malawiens bien connus de lapopulation ont participé à la conception desmessages radiophoniques. Selon Susan Stewart, unpourcentage très élevé de la population du Malawiécoute la radio. Le but de cette intervention étaitde clamer haut et fort que les livres étaient finan-cés par l’ACDI, donc gratuits, et que ces manuels,qui appartenaient aux écoles, représentaient unespoir sans pareil pour l’avenir des enfants.

Après une distribution réussie venait la nécessitéd’assurer un suivi. Le personnel de l’ACDI, encollaboration avec le ministère malawien, a créé« un système de comptabilité, une banque dedonnées informatisée et sur support papier,permettant de suivre la circulation des manuels ».Grâce à ce système, les écoles et le ministère sontmaintenant en mesure de savoir où se trouvent lesmanuels, dans quel état ils sont, combien denouveaux élèves fréquentent l’école et, par le faitmême, combien de manuels – de niveaux différents– sont nécessaires.

Selon l’ACDI, « le ministère entend mettre àprofit cette base de données pour aider les écoles àgérer d’autre matériel pédagogique et didactiquefourni sur place, comme les cahiers de notes et lescrayons ».

Il est encore un peu trop tôt pour savoir sil’envoi des livres a attiré un plus grand nombred’élèves à l’école. Toutefois, l’ACDI soutient que,pendant la dernière année du projet, environ troismillions de manuels scolaires additionnels serontlivrés aux écoles du Malawi. Cette fois, les opéra-tions seront conduites par les entrepreneurs locauxet chacune des transactions devra être inscrite dansla banque de données de manière à tenir informésl’administration centrale et chacun des districtsconcernés. La phase deux du projet est encore enpréparation et l’on souhaite pouvoir accorder uneaide pour l’approvisionnement en manuels. De ceprojet ressort un point important : de l’espoir pourles apprenants malawiens, il y en a. ■

28 À lire 2003

Yolande Seeley, coordonnatriceÉquipe d’alphabétisation Nouvelle-ÉcosseC.P. 590, Ste-Anne-du-RuisseauNouvelle-Écosse B0W 2X0

Courriel : [email protected]éléphone : (902) 648-2253 • Télécopieur : (902) 648-2341

Vos commentaires sur la

revue À lireLa Fédération canadienne pour l'alphabétisation enfrançais (FCAF) veut connaître votre opinion sur larevue À lire.

Votre opinion :

Envoyez vos coordonnées à la Fédération canadiennepour l’alphabétisation en français (FCAF), au 235, cheminMontréal, pièce 205, Ottawa (Ontario) K1L 6C7.

Nom

Adresse

Province Code postal

Téléphone ( )

Souhaitez-vous recevoir des exemplaires supplémentairesde la revue À lire? Faites-en la demande à la FCAF.

Téléphone : (613) 749-5333, sans frais : 1 888 906-5666

Dans les communautés desrégions de Goma et deMinova, en République dé-

mocratique du Congo, comme dansbien d’autres pays d’Afrique etd’ailleurs, les femmes constituentles principaux agents de change-ment tant dans la vie familiale quedans la vie sociale et commu-nautaire. Le développement socio-économique de leur communautéet de leur région passe par cesfemmes qui choisissent un jourd’avoir prise sur leur vie.

Depuis 1995, les organismeslocaux appuyés par Terre SansFrontières (TSF) proposent à cesfemmes une formation en alpha-bétisation liée à l’apprentissaged’un métier comme la coupe-couture, la menuiserie, la maçon-nerie, l’élevage de petits animaux etle jardinage en vue d’améliorer leursconditions de vie et de leur assurerune plus grande autonomie.

Ces femmes, qui sont-elles?Les activités de formation de TSF àGoma et à Minova s’adressent

d’abord aux femmes défavorisées et vulnérables, mais aussi à toutesles femmes intéressées. Les groupesse composent tantôt de femmes etde filles déplacées par la guerre oude veuves et d’orphelines victimesde guerre, tantôt de filles quitravaillent comme domestiques, ouencore de mères célibataires. Leshommes trouvent aussi leur placeau sein des groupes.

Des résultats mesurablesDans les régions de Goma et deMinova, 453 femmes depuis 1995ont participé à des activités deformation associées à l’apprentis-sage de la coupe-couture, de lamenuiserie ou de la maçonnerie et393 femmes ont terminé leurformation. De ce nombre, 293 ontréussi les examens provinciaux etont obtenu un brevet ou undiplôme. Pour l’année scolaire encours (2002-2003), 71 femmes sonten formation. Ce sont autant defemmes dans ces deux régions quiont senti et compris que la lecturepouvait les aider dans leursactivités de tous les jours.

29À lire 2003

TERRE SANS FRONTIÈRES ENRÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUEDU CONGO

Apprendre à lire, apprendre un métier, apprendre à changer sa vie au féminin!Par Cécile Cloutier

Leur vie personnelle etfamiliale changeDes changements de plus en plusmanifestes modèlent autrement la viede ces femmes et de leur communauté.Sur le plan personnel, les femmes con-golaises qui s’alphabétisent acquièrentde plus en plus confiance en elles etdans la vie et s’en remettent moinsaux traditions ou à l’autorité.

Les femmes de Goma et de Minovaqui ont appris un métier et qui se sontalphabétisées répondent mieux auxbesoins de leur famille. Elles peuventréparer des vêtements et en confec-tionner. Elles servent à leur familledes repas plus nourrissants et mieuxéquilibrés. Leurs logis sont plus pro-pres, mieux entretenus. Les membresde la famille mettent en pratique peuà peu de meilleures règles d’hygiène,ce qui contribue à diminuer lesinfections répétitives qui peuvents’avérer souvent mortelles. Les femmesarrondissent le budget familial grâceaux revenus qu’elles tirent d’un petitcommerce ou d’un élevage. Ellesprennent conscience de l’importancede scolariser leurs enfants et compren-nent qu’elles servent demodèles à leurs filles.

Leur vie sociale etéconomique prendun autre visageÀ Goma et à Minova, deplus en plus de femmesalphabétisées participentaux activités sociales de lacommunauté et s’y expri-ment plus librementqu’auparavant. Elles n’ontplus peur de l’autoritépolitique, administrativeou militaire. Certaines sedonnent maintenant ledroit de dénoncer lesinjustices dont elles sontvictimes et de protestercontre la violation de leurs droits defemme. Elles peuvent aussi sedéfendre et résister aux arrestationsarbitraires de leur mari. Ces femmescommencent à occuper des postes de

responsabilité dans leur communauté.On reconnaît qu’elles sont informéeset quelque peu émancipées et elles enéprouvent de la fierté. Et parce qu’ellessont renseignées, elles peuvent, entreautres actions, sensibiliser leur com-munauté à la nécessité de se protégercontre le sida et les autres maladiestransmises sexuellement.

En outre, les communautés accep-tent mieux les mères célibataires enraison de leur autonomie grandis-sante, ce qui leur permet de reprendreleur place au sein de la famille et de lasociété.

Bon nombre de femmes alphabé-tisées se sont créé un emploi, soit enmettant sur pied un petit atelier de

couture, soit en faisant l’élevage depetits animaux. D’autres femmes,dont 15 à Goma, ont trouvé un emploirémunéré. Elles travaillent dans unatelier de couture ou un centre de

santé, dans une association locale oudans une organisation non gouver-nementale internationale. Troisd’entre elles ont même fondé uncentre de formation dans leur villagerespectif.

Leur vie d’épouse n’est plus la même

Les femmes alphabétisées peuventmaintenant voir le mariage commeune complémentarité, et non commeun arrangement dans lequel le maridirige le ménage en dictateur. La ges-tion familiale se fait davantage encollaboration. Sachant lire, elles ontaccès à tous les documents qui con-cernent la famille. Elles ont leur mot àdire dans les prises de décision. Parailleurs, elles peuvent, si elles le dési-rent, conduire le bétail aux champs,tâche traditionnellement réservée auxhommes. Les travaux des champs nesont plus de leur seul ressort; les marisy collaborent de plus en plus. Toute-fois, malgré tous ces changements,leur vie d’épouse prendra encore dutemps, peut-être beaucoup de temps,à se modifier en profondeur. Partradition, les femmes effectuent tousles travaux, tandis que les hommesmènent une vie oisive dans un bureauou passent leur temps à palabrer. Partradition également, les hommes sesentent encore supérieurs aux femmes.

De précieux agents dechangementToutes les régions touchées par lesactivités de formation de TSF voienttranquillement émerger un nouveaupouvoir, celui des femmes formées etinformées.

30 À lire 2003

En Afrique, les femmes peuventinfluencer et changer tous les aspectsde la vie de leur famille et de la sociétédans laquelle elles évoluent parce quece sont elles qui exécutent les tâchesnécessaires au bien-être de la famille.Elles s’occupent de lamaison, des enfants, dupotager, du bétail et ellesrépondent aux besoins etaux exigences de leurmari. Elles ont l’habitudedu travail exigeant ets’adaptent plus facile-ment que les hommes auchangement.

L’apprentissage de lalecture et d’un métier lestransforme en une sourcede connaissances nouvel-les pour leur famille etleur communauté. Ellesportent un regard diffé-rent sur la vie et prennentconscience des événe-ments à un autre niveau.Elles véhiculent de nou-velles valeurs. Toute leurattitude change face àelles-mêmes et à la vie.L’exemple qu’elles offrentà leurs filles diffère de celui qu’ellesont reçu de leur mère ou qu’elles ontdonné à leurs aînées.

Terre Sans Frontières CanadaTSF est un organisme de coopérationinternationale dont l’action vise lespopulations démunies des pays endéveloppement dans une perspectivede développement durable.

Les activités de TSF sont concen-trées en Afrique, en Amérique latineet en Haïti. Ses principaux secteursd’intervention sont l’eau, l’éducation,la santé, la nutrition, l’agriculture etl’appui institutionnel. L’organismepoursuit un double objectif : enpartenariat, favoriser l’autonomie deces populations et promouvoir unerépartition plus équitable de larichesse.

Un modèle d’interventiondifférent

Fidèle à sa mission, TSF soutient desactivités susceptibles de favoriser undéveloppement durable en plaçant la

personne humaine et sesbesoins fondamentaux aucentre de ses actions.C’est pourquoi TSF privi-légie les femmes quand ils’agit d’éducation. L’édu-cation intégrale, commela conçoit TSF, ne peut seréaliser qu’en passant parles femmes.

TSF fonde ses inter-ventions sur la collabora-tion et le respect mutueldes partenaires. TSF n’im-pose jamais une interven-tion à une communauté.Connu des ressourceslocales, l’organisme leurlaisse la tâche de définirles besoins des différentescommunautés et de lesévaluer. Les organismes lo-caux déterminent l’inter-vention appropriée enréponse à un besoin

spécifique et transmettent ensuiteune demande d’appui à TSF. Enagissant de la sorte et en donnant son

appui institutionnel, TSF renforce etencourage ses partenaires locaux touten permettant des microréalisations.Au besoin, des bénévoles canadiens serendent sur place pour encadrer unprojet ou aider à son démarrage.

Terre sans Frontières n’a pas deplan de développement particulier enéducation à long terme. Ce créneaud’intervention n’étant pas prioritaire,l’organisme préfère s’investir dans lacréation de partenariats de qualitédans chacun des domaines d’interven-tion afin de s’acquitter de sa missionle mieux possible.

Après ce survol des activités deformation de TSF dans deux régionsdu Congo, il est facile d’imaginerl’immensité de la tâche qu’a accom-plie cet organisme depuis sa fondationen 1980. Il est réconfortant de penserà toutes ces femmes d’Afrique oud’Amérique latine ou encore d’Haïtiqui profiteront à l’avenir des activitésde formation de TSF dans leur com-munauté respective. Leurs fillesseront des témoins vivants des chan-gements qu’elles auront contribué àinstaurer dans tous les aspects de leurvie quotidienne. ■

31À lire 2003

Sur le planpersonnel, les femmes

congolaises quis’alphabétisentacquièrent deplus en plusconfiance enelles et dans la vie et s’en

remettentmoins aux

traditions ou à l’autorité.

Depuis près d’un an, le Canadaet le Burkina Faso travaillenten tandem à l’élaboration

d’un projet pilote de formation enmilieu de travail. En créant leProgramme d’enseignement nonformel (PENF), ces deux payspermettront d’accroître l’alphabé-tisation chez les Burkinabés.

Ensemble, l’ACDI, le Collège com-munautaire du Nouveau-Brunswick(Bathurst) (CCNB) et le gouverne-ment burkinabé règlent les derniersdétails de l’an 1 du PENF. « La pre-mière année aura surtout permis demobiliser des partenaires autourdes particularités du PENF », pré-cise Jeanne Comeau, directrice parintérim du CCNB de Bathurst. On aeffectué une analyse institutionnellede l’Institution nationale d’éduca-tion de base non formelle (INEBNF)et un état des lieux de la filiale del’édition.

« Les résultats de ce travail fait aupréalable confirment la nécessitéd’établir une politique éditoriale etdéfinissent en même temps lesparamètres de l’appui à l’élaborationde la politique éditoriale », poursuitMme Comeau. Par ailleurs, l’équipeen place a procédé à une analysedes besoins concernant, entreautres, le matériel didactique, laformation des groupes ciblés etcelle des formateurs.

L’analyse des besoins a faitressortir plusieurs éléments clés surlesquels on tablera pour définir lafaçon de procéder sur le terrain.« Nous avons pu conclure que les

apprenants burkinabés (des travail-leurs et des travailleuses, des femmeset des jeunes filles de plus de 15 ansfaisant partie de la main-d’œuvreactive) devaient apprendre à tra-vailler en équipe et à résoudre lesproblèmes quotidiens dans leurmilieu de travail, en apprendre surles activités génératrices de revenus(p. ex., comment mettre une entre-prise sur pied) et uniformiser lalangue d’apprentissage – car lesBurkinabés parlent souvent deuxou trois langues premières – pour,au fur et à mesure, introduire lefrançais », affirme Charline Vautour,chargée de projet au CCNB deBathurst.

Alors que cette analyse desbesoins prenait forme, une équipede consultants canadiens travaillaiten terre burkinabée à sélectionnerles entreprises qui participeraient àla première phase du programme.« Des efforts importants ont étédéployés à cette fin, soutient Mme Comeau. L’équipe en place a dûfaire des présentations dans les entre-prises du Burkina Faso et mettrel’accent sur le fait que ce projetoccasionnerait des retombées écono-miques et sociales intéressantes. »

Quatre entreprises ont été sélec-tionnées : l’Association pour lapromotion de la femme et la sauve-garde de l’environnement (APFSE),compagnie spécialisée dans leramassage des ordures dans la villed’Ouagadougou (capitale du BurkinaFaso); la Brigade Verte, entreprisequi s’occupe du nettoyage et dubalayage des rues d’Ouagadougou;

32 À lire 2003

POUR L’ÉMERGENCED’UN ENVIRONNEMENTDE TRAVAIL LETTRÉPar Stéphanie Moreau

Photo de l’ACDI : David Barbour

Photo de l’ACDI : David Barbour

Photo de l’ACDI

l’Office national des télécommuni-cations du Burkina Faso (ONATEL),société d’État de télécommunicationsen voie de privatisation; et HageIndustries, société anonyme dudomaine de la métallurgie.

Chacune de ces entreprises compteentre 25 et 30 employés, dont la majo-rité sont des apprenants analphabètescomplets. L’APFSE et la Brigade Verteemploient seulement des femmes etdes jeunes filles. Le programme deformation en milieu de travail vise àtransmettre le savoir-lire, le savoir-écrire et le savoir-calculer. La formationse donnera en mooré, puis en fran-

çais, si cela s’avère nécessaire. SelonMme Vautour, deux grands défisattendent le PNEF. L’un d’eux consisteà créer un programme intégré de for-mation individuelle et de formationcollective. Autrement dit, les Burki-nabés auront droit, en plus d’uneformation de base, à une formationpratique liée directement à leur

champ de compétence. Ainsi, il faudraapprendre à certains à faire une facture.

À l’heure actuelle, les gens sur placene savent pas exactement comments’articulera la formation sur le terrain.Une chose est certaine, on souhaiteprendre les mesures nécessaires pourfaciliter l’intégration de la formationau quotidien des Burkinabés. « Nousessayons d’utiliser à bon escient lesservices déjà en place sans créer deprécédent, affirme Jeanne Comeau.Par exemple, la participation deplusieurs femmes au projet force lesinstigateurs à prendre les mesuresnécessaires pour garder l’attention

de ces apprenantes.Sachant que ces Afri-caines ont souvent delourdes tâches fami-liales en plus du tra-vail, offrir un servicede garderie – servicequi existe déjà – seraitune solution envisa-geable d’intégrationde la formation auquotidien. Autrement,on parle aussi de fairela formation directe-ment en entreprise oumême à la maison. »

Le fait que le projettourne autour de lastratégie du faire-faire– stratégie qui impli-que la participationd’un Canadien et deson homologue burki-nabé à chaque étapedu projet – donne lepouvoir d’adapterchacune des sphèresdu projet aux besoinsréels des Burkinabés.« À ce sujet, il est im-pressionnant de voirà quel point les gensdu Burkina Faso s’ap-proprient le projet.Leur approche est

rigoureuse et ils sont convaincus quele projet peut fonctionner », ajouteMme Comeau.

Au cours des dix dernières années,le Burkina Faso a investi d’importantsefforts dans l’éducation de sa po-pulation pour faire basculer lesstatistiques actuelles en matière

d’alphabétisation et de scolarité. Ence moment, la scolarité moyenne del’ensemble des travailleurs burkinabéséquivaut à une deuxième année. En1998, la Banque mondiale estimaitque 21 % de la population du BurkinaFaso âgée de 10 ans et plus étaitalphabétisée, avec une moyenne de53 % en milieu urbain et de seu-lement 13 % en zone rurale. Parmil’ensemble des habitants de ce paysâgés de 6 ans et plus, près de 78 %n’avaient jamais fréquenté l’école,15 % avaient fréquenté l’école pri-maire durant quelques années et 6 %avaient fréquenté l’école secondaireou une autre institution d’enseigne-ment technique ou supérieur.

Cela nous renvoie à l’autre granddéfi du PENF : la formation desformateurs. Selon Jeanne Comeau,c’est tout un enjeu que de trouver desformateurs; ils se font très rares. Deplus, un constat s’impose : le nombred’alphabétisés est très inégalementréparti entre les sexes. Les hommessont deux fois plus alphabétisés(27,1 %) que les femmes (11,4 %). Etles femmes les plus pauvres sont 11 foismoins alphabétisées (3 %) que les plusriches (33,5 %).

Voilà pourquoi des partenairesburkinabés ont cru bon d’élaborer desactivités de postalphabétisation quis’adresseront particulièrement auxfemmes et aux jeunes filles. La forma-tion traitera de thématiques commela santé et la nutrition, la préventiondu sida et la contribution des femmesau développement économique et àl’entrepreneuriat.

En général, le projet PENF vise àfavoriser l’employabilité et le déve-loppement des habiletés nécessairesen milieu de travail. Au cours de laphase 2, le Canada souhaite se retirerprogressivement du projet pour lais-ser la place au Burkina Faso afin quece dernier gère éventuellement leprogramme lui-même. D’ici un an,l’implantation de ce projet unique enson genre engendrera des résultatsconcrets : un dossier d’actualité àsuivre. ■

33À lire 2003

Photo : CCNB

Photo : CCNB

34 À lire 2003

35À lire 2003

Par Jean Frenette

Bébé lecteur!

Lorsque Bébé vient au monde,c’est une page blanche; toute sa vie reste à écrire, oupresque… Bien sûr, il a déjàson caractère et sa personna-lité qu’il développera au fildes ans. Vous, vous êtes là, toutà côté, pour lui apprendre àmanger, à marcher, à êtrepropre, à parler, à grandir…En fait, c’est vous qui lui enapprendrez le plus, sansaucun doute. Et même sic’est à l’école qu’il apprendraà lire, c’est avec vous qu’ilpourrait prendre goût à lalecture et devenir un bébélecteur.

Je vous entends d’ici : « Un bébélecteur? Mais un bébé ne sait paslire! » Vous avez raison, évidemment.Et on imagine mal un poupon dedeux ou trois mois à la librairie ou àla bibliothèque. Enfin, c’est ce queje croyais, moi aussi, auparavant.Mais des bébés à la bibliothèque, ily en a beaucoup plus qu’on pense…

Une naissance, un livre Depuis quelques années, les bébéscanadiens envahissent les biblio-thèques publiques grâce à des projetsgouvernementaux qui les invitent à s’inscrire. Au Canada anglais,plusieurs provinces ont adopté desprogrammes, privés ou publics,dont le titre dit tout : « Books forbabies ». L’objectif est simple :intéresser les enfants à la lecture leplus tôt possible pour combattrel’analphabétisme.

Ces mesures touchent également les francophones hors Québec. Parexemple, en Ontario, le Ministry ofCommunity, Family and ChildrenServices a mis sur pied le programme« Bébé en santé ». « Les infirmièresremettent une trousse lorsqu’elleseffectuent leur première visite audomicile des familles après la nais-sance d’un enfant », explique PattyGauley, coordonnatrice de ce pro-gramme au Bureau de l’Est ontarien.Que ce soit pour les anglophones oules francophones, le contenu decette trousse, outre la langue uti-lisée, demeure le même; entreautres articles, on y retrouve une

cassette ou un disque compactintitulés Savez-vous planter des choux,comprenant des chansons, descomptines et des histoires, ainsi que le livre Lis-moi une histoire deBarbara Reid, qui encourage lesparents à lire des histoires à leursenfants.

Au Québec, il existe un programmepropre à l’éveil à la lecture, soit« Une naissance, un livre ». « Leprojet a vu le jour en 1999, auRegroupement des bibliothèquespubliques des régions de Québec etde Chaudière-Appalaches, alors quenous cherchions à réaliser un projetpour le millénaire », raconte MarieGoyette, de la bibliothèqueGabrielle-Roy à Québec. On visaitencore la petite enfance dans lecadre de la politique de l’éveil à lalecture du ministère de la Culturedu Québec. Pourquoi tenter dejoindre les tout-petits? « Les parentspensent que, parce que l’enfant nesait pas lire, il ne s’intéressera pasaux livres. C’est pour changer cetteperception qu’on a voulu faire unprojet spécialement destiné auxbébés », poursuit Mme Goyette.

L’éveil à la lecture

36 À lire 2003

Marie Goyette feuilletait un magazinelorsqu’un entrefilet a attiré sonattention. L’article rapportait que,dans une région de France, ondonnait un livre à chaque enfant qui naissait. Mme Goyette venait detrouver une idée pour souligner lemillénaire, mais il restait à la peau-finer. « En France, on remettait unlivre, puis c’était fini. C’est bien beaud’éveiller le goût de la lecture, mais il faut pouvoir s’approvisionner enlivres. Il manquait donc le voletbibliothèque », selon Mme Goyette.

Au livre, on a donc ajouté une carted’abonnement au nom de Bébé. MaisBébé n’étant pas autonome, il fallaitattirer les parents et toute la famillesur le chemin de la bibliothèque.Pour compléter la trousse de Bébécomposée d’un livre et d’une carte, la bibliothèque y a ajouté, pour lesparents, une bibliographie de livresdestinés aux tout-petits et, peut-êtrele plus important, des conseils.

Le plaisir desparents…« Fais pas ceci, fais pas ça, mangeavec ta cuillère, c’est l’heure dedormir! » Le rôle des parents n’estpas toujours de tout repos, et estmême parfois ingrat. Par contre, il y a de ces instants magiques quinous font chavirer. Le moment de lalecture en est un. Voir les yeux d’un

enfant briller lorsqu’il entend lesmots « Il était une fois… » illuminetoute une journée. Vous allez me dire,bien sûr, que Bébé ne comprend pasces mots, et vous avez raison, mais ilentend la voix de sa mère ou de sonpère et pour lui, ça, c’est déjà magique.

Toutefois, il est possible d’en faire unpeu plus. Entre autres conseils donnésaux parents dans la trousse « Unenaissance, un livre », on leur apprendà lire à voix haute et à jouer avec les livres des tout-petits. Lentement,Bébé associera des images et desmots, ce qui constitue une bellefaçon d’apprendre son vocabulaire.Et il ne faut pas avoir peur d’enmettre! Chanter, bouger, modifier sa voix, voilà quelques astuces quiintéresseront Bébé et l’amuserontautant que le parent…

Bébé peut aussi manipuler lui-mêmeses livres cartonnés; ils ne s’abîmerontpas, ou si peu, puisqu’ils sont juste-ment faits pour lui. Il les retournerasans cesse de tous les côtés pourapprécier les couleurs et les formesqu’il y voit. Les livres deviendront unjeu et, plus tard, ils seront toujoursassociés au plaisir.

Et si l’on ne sait pas lire?La lecture est un plaisir que, malheu-reusement, bien des adultes ne

connaissent pas. Les faibles lecteurssont encore trop nombreux au pays,mais rien ne les empêche de trans-mettre l’amour des livres à Bébé.

D’abord, il n’est pas nécessaire desavoir lire pour avoir de l’imagina-tion. Les enfants d’âge préscolaire ensont un bel exemple. Et rien ne nousoblige à devenir moins créatifs engrandissant : je connais bien desgrands-pères qui racontent de mer-veilleuses histoires venant tout droitde leur imagination.

Les livres de Bébé offrent aussi unetrès belle occasion d’apprendre à lireaux adultes qui ont des problèmes de lecture. Plusieurs livres cartonnéspour tout-petits n’ont qu’un mot parpage, un mot associé à une image. S’ily a des phrases, elles sont évidemmenttrès simples. Le parent ayant de fai-bles capacités de lecture peut donc yparfaire ses compétences tout douce-ment, en commençant par la base.

Le partageLa lecture d’un livre à Bébé constitueune occasion de partage entre l’enfantet le parent. Cependant, les parentsle savent, il est parfois essentiel pourune mère ou un père de quitter la« planète Bébé » de temps en temps.Inévitablement, ou presque, lesparents vivent de l’isolement durantles premiers mois de Bébé.

37À lire 2003

Cet isolement est encore plus granddans le cas des analphabètes qui,souvent, sont isolés même sans bébé.« Il faut aller chercher les moinsscolarisés, car ce n’est pas “naturel”pour eux de venir à la bibliothèque,affirme Mme Goyette. Les groupespopulaires nous en adressentrégulièrement. Par contre, les gensqui ont des problèmes de lecturesont souvent plus motivés à venir àla bibliothèque pourleurs enfants. L’enfantfait sauter desbarrières. »

La bibliothèque devientdonc une belle façon derencontrer d’autresparents et de partager. À labibliothèque Gabrielle-Roy,on organise même une fêtepour souhaiter la bienvenueaux bébés. « Nous faisonsune réception une fois parannée, en janvier. C’est unaccueil officiel, quasimentprotocolaire. Nous enprofitons pour présenter les servicesde la bibliothèque. Évidemment, il y a un goûter. Il y a des gens quiapportent des photos; nous, nous enprenons sur les lieux. En fait, nousvoulons montrer aux parents et auxgrands-parents qu’il n’y a pas degêne à venir à la bibliothèque avecun bébé », raconte Mme Goyette.

Ce genre d’activité est particulière-ment apprécié des parents. Il fautdire que les sorties à faire avec unenfant de six mois ne sont pas légion.

Le succès…Le programme « Une naissance, unlivre » n’a pas eu une incidenceuniquement sur Bébé et les parents.

L’engouement suscité chez cesderniers a un peu forcé la mainaux bibliothèques publiques duQuébec, puisque le projet, misen œuvre à Québec en 1999,s’est répandu à l’échelle de laprovince en 2001.

Dès la première année duprogramme au Québec, en 2001-2002, les 20 000trousses ont trouvé preneur.On a réalisé rapidementl’objectif d’atteindre30 pour 100 des bébésnaissants. Les bibliothèquesont dû s’organiser pour

servir tous ces nouveaux clients. « Il fallait leur faire une offre deservice pour les garder, pour ne pasqu’ils viennent juste pour le cadeau »,confie Mme Goyette, surtout que cer-taines bibliothèques partaient de loin,n’ayant même pas de livres pour bébés.

« Ici, à la bibliothèque Gabrielle-Roy,le personnel a été formé pour pouvoir

répondre aux parents. Nous avonsmis au point des animations et nousavons aménagé un coin pour lestout-petits, rappelle Mme Goyette. Et il a aussi fallu penser aux tables à langer… »

Et après…Attirer Bébé à la bibliothèque, c’estune première étape; mais que faireaprès? Parce que, ne l’oublions pas,Bébé n’a qu’une chose en tête :grandir… Et vite!

Plusieurs bibliothèques publiques ensont venues à élaborer unprogramme d’activités et d’ateliers,souvent en semaine, pour intéresserles enfants en bas âge. Par exemple,la bibliothèque Gabrielle-Roy a sathématique « Bibliobébé » pour lesenfants de 1 à 3 ans. « L’heure duconte » se révèle aussi une activitétrès prisée partout où on la propose.

Mais la plus belle heure du contepour Bébé, c’est celle qu’un de sesparents prend le temps de passeravec lui. Une petite histoire avant ledodo, c’est une assurance de « beauxrêves ». Et vous, les grands, avantd’aller dormir, pensez à cette phrase :« Les livres, c’est comme un câlin, çase donne… et ça aide à grandir. » (I. Ramon, tirée du programme« Une naissance, un livre ») ■

Principalement voué à l’alphabétisationdes adultes, le Collège Frontière s’inté-resse de plus en plus aux questionsconcernant l’éveil à la lecture et à lastimulation précoce. En fait, cet orga-nisme pancanadien qui œuvre depuis1899 grâce au soutien de milliers debénévoles, a pris conscience de l’impor-tance de la prévention en alphabétisa-tion. Le Collège Frontière s’est d’abordinterrogé sur les moyens de rendrel’apprentissage attrayant pour les enfants.Ensuite, dans la foulée des recherchessur l’alphabétisation familiale, une nou-velle interrogation est venue s’ajouter àla première : comment amener lesparents à s’intéresser aux ressourcesdisponibles afin d’aider eux-mêmesleurs enfants? Des cercles de lecture auxcafés-rencontres, le Collège Frontièreréussit aujourd’hui à inciter des famillesà développer leur plein potentiel sur leplan de l’alphabétisation.

Le Collège Frontière a vu dans la formuledes cercles de lecture un moyen sûr depermettre aux enfants de s’initier à lalecture tout en s’amusant. Depuis une dizaine d’années, des bénévoles,surtout des étudiants ou desparents, se réunissent chaquesemaine dans des bibliothèques,des garderies ou des centrescommunautaires pour lire deshistoires aux enfants et réaliserune foule d’activités en lien avec la lecture. Les cercles de lecture,orchestrés tout en souplesse, reposentsur un principe fondamental : ne jamaisforcer les enfants à participer s’ils n’enont pas envie. Jennifer Drolet, coordon-natrice de la halte-garderie Le Baluchon,explique qu’il faut savoir les intéresser,par exemple en chantant ou en faisantdes mimes. Elle ajoute que les cercles delecture sont très populaires auprès desenfants et des parents : « L’an dernier,les parents me demandaient quand setenait le cercle de lecture pour y emmenerleurs enfants. »

Le succès d’un cercle de lecture dépendaussi de la collaboration entre les orga-nismes communautaires et le CollègeFrontière. « Le travail du Collège Fron-tière serait impossible sans les lienssolides que nous entretenons avec plusde 200 organismes. Nos partenairesapportent leur contribution sous formede locaux, de temps, d’expertise et demultiples autres ressources tangibles etintangibles1. » Cette coopération permetnon seulement d’étendre la gamme desactivités offertes à la communauté, maisaussi d’atteindre un public susceptiblede profiter pleinement du cercle delecture. Ainsi, des enfants, qui autrementn’auraient accès que difficilement à uneactivité de stimulation intellectuelle,sont mis en contact avec une grandevariété de livres. Ils peuvent choisir ceuxqui les intéressent, et même se découvrirde nouvelles passions! En outre,l’atmosphère de fête et de jeu quirègne garantit la réussite du cercle.

Les cercles de lecture constituent un bonmoyen d’éveiller les enfants à la beauté

38 À lire 2003

Le Collège Frontière et la prévention de l’analphabétisme :des cercles de lecture aux cafés-rencontresPar Isabelle Côté

« Cependant qu’unenfant sur 432 a lapossibilité de devenirmédecin, un sur 350de devenir avocat et un sur 107 dedevenir professeur,un enfant sur 4court le risque dedevenir analpha-bète. »(Fondation québécoise pour

l’alphabétisation, 1999)

39À lire 2003

et à l’utilité du langage écrit. Toutefois,les cercles organisés par des parentsbénévoles se font rares. L’activité géréepar des bénévoles peut pallier lemanque de ressources ou de temps desparents, mais ne peut en aucun casremplacer le modèle parental si essen-tiel au maintien du désir d’apprendrechez l’enfant.

Les responsables ont créé de nombreusesressources dans l’intention de persua-der les parents de prendre part à unedémarche d’alphabétisation familiale.Ainsi, en 2002, le Collège Frontière aproduit, à l’adresse des parents, la vidéoIl était une fois… un cercle de lecturemontrant comment former un cerclede lecture dans leur communauté. Enoutre, au cours de cette même année,paraissaient d’autres ressources auCanada français, dont les trousses De Aà Z on s’aide! 2 et Montre-moi3. On nepeut qu’apprécier la pertinence de cesinitiatives, mais il reste un problème àrégler : trouver le moyen d’inciterles parents qui ont de la difficultéà lire ou qui manquent de tempsà consacrer à leurs enfants à prendre connaissance de tellesressources et à les utiliser.

Le défi est de taille. En effet, les inter-venants communautaires le savent : ilest parfois très difficile d’amener lesparents ayant vécu des expériencesd’apprentissage traumatisantes à entre-prendre une démarche d’alphabétisationavec leur enfant. La réticence peutvenir d’un sentiment d’incompétenceou d’une vision négative de l’envi-ronnement scolaire. Il importe donc deprivilégier une formule non scolaire etinformelle lorsqu’on veut informer cespersonnes sur les ressources disponibles.

C’est dans les bureaux montréalaisdu Collège Frontière qu’a germél’idée de présenter des ateliersd’alphabétisation familiale lorsde cafés-rencontres offerts par des organismes communautaires. L’idéed’intégrer ces ateliers à une activitémoins structurée part du principe qu’ilest toujours agréable de se réunir pourdiscuter autour d’une tasse de café. Eneffet, l’ambiance permet de dédramatiserdes sujets qui autrement paraîtraientlourds. Par surcroît, si l’activité estorganisée par un organisme commu-nautaire que fréquentent déjà lesparticipants, ces derniers se retrouventdans un environnement connu.

Dans le cadre d’un café-rencontre, lecontenu d’un atelier d’alphabétisationfamiliale doit être léger, souple etadapté au public, car – il ne faut pasl’oublier – les personnes présentesveulent avant tout y trouver du plaisir.L’activité dont on a fait l’expérience àMontréal débute par un volet surl’alphabétisation préventive. Lors de cepremier volet, l’animatrice ou l’ani-mateur pose des questions aux parentsen vue de susciter des réflexions surdifférents thèmes. Les participantsdébattent en suite de ces sujets engroupe, ce qui leur permet de mettre envaleur leurs propres connaissances etde les partager avec les autres. L’ani-matrice ou l’animateur poursuit enencourageant les participants à sug-gérer des activités d’apprentissage liéesà la vie quotidienne. Dans le deuxièmevolet de l’atelier, on aborde les pointssuivants : quoi lire et comment lire.L’animatrice ou l’animateur présenteaux parents une série de livres queceux-ci feuillettent et décrivent; ils pour-ront ensuite révéler leurs coups de cœur.

Pour amorcer une discussion sur la ma-nière de lire aux enfants, il peut êtreamusant de faire une mise en situationoù l’animatrice ou l’animateur imite unparent en situation de lecture avec sonenfant. Les participants doivent re-lever les faiblesses de la méthodeprésentée et suggérer des moyensde rendre la lecture plus intéres-sante pour l’enfant. Si les parentssemblent intéressés à organiser uneactivité de lecture en groupe, il seraittout indiqué de terminer l’atelier enprésentant la vidéo du CollègeFrontière sur les cercles de lecture.

Quel que soit le déroulement que l’onchoisit, le rôle de l’animatrice ou del’animateur est de lancer des pistes deréflexion qui susciteront une discussion.Les participants constateront ainsi que,ensemble, ils possèdent une mine deconnaissances qu’ils peuvent mettre àprofit. ■

1 Collège Frontière, Rapport annuel,2002.

2 Initiatives fédérales-provincialesconjointes en matièred’alphabétisation (IFPCA), 2001.

3 Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français(FCAF), 2002.

Pour obtenir de plus amples rensei-gnements, veuillez vous adresser auCollège Frontière, au 514 528-1001ou au 1 866 528-1001, ou encore àl’une ou à l’autre des adresses suivantes :

[email protected]

Par Monique Sénéchal

Monique Sénéchal est professeureagrégée au département de psychologiede l’Université Carleton à Ottawa.

Justine, 3 ans, aime faire la lecture à son petit frère Jaxon, 2 ans. Bienentendu, Justine ne sait pas lire, ellefait semblant de lire. Lauren, 5 ans,et Maggie, 3 ans, aiment réciter enchœur leur livre préféré tout en tour-nant les pages du livre. Par contre,Katrina, 4 ans, n’aime pas beaucoupla lecture de livres et entreprend trèsrarement ce genre d’interactions.Cependant, elle participe quand même à la routine de lecture aucoucher avec ses sœurs Jackie, 5 ans,et Brigit, 22 mois. Voilà autant d’exem-ples de la façon dont de jeunes enfantsvivent la lecture dans leur quotidien.

Mère de deux jeunes enfants, jepoursuis des recherches dans ledomaine de l’éveil à l’écrit. Commeparent, je veux préparer mes enfantsà devenir d’avides lecteurs. Commechercheuse, j’ai des connaissancessur l’apprentissage précoce des habi-letés menant à la lecture. Dans cetarticle, je décris comment je mariemes connaissances de chercheure à mon rôle de parent en adoptanttour à tour la voix de la chercheuse et celle de la mère.

Qu’est-ce que l’éveil à l’écrit?

Ce que la chercheure sait.L’éveil à l’écrit est une notion fluidese rapportant aux connaissances et aux habiletés de l’enfant d’âgepréscolaire qui faciliteront l’appren-tissage de la lecture et de l’écriture.L’idée maîtresse est que l’éveil à l’écritse fait de façon informelle dans le quo-tidien des enfants, commence trèstôt et forme la charpente sur laquelles’ajouteront les apprentissagesscolaires.

L’éveil à l’écrit comprend troisensembles de connaissances reliésentre eux. Le premier ensembleenglobe les connaissances de la langueparlée, notamment le vocabulaire desenfants et leur capacité à réfléchir surla structure de la langue parlée (parexemple, de faire des rimes ou detrouver des mots qui commencentpar le même son). Les deux autresensembles sont plus près de la lectureet de l’écriture parce qu’ils nécessitent,pour leur apprentissage, des contactsdirects avec l’écrit. Le deuxièmeensemble de connaissances inclut lafamiliarité des enfants avec la langueécrite (qui est plus complexe que lalangue parlée), leur connaissance desraisons pour lesquelles on lit et onécrit, leur connaissance du fait qu’onlit les lettres et non pas les imagesdes livres pour enfants. Le troisièmeensemble est encore plus près desmécanismes sous-tendant la lectureet l’écriture et comporte, entre autres,la connaissance du nom et du sondes lettres.

Ce que la mère fait.Quelles sont les habiletés que je veuxque mes enfants apprennent avantleur entrée en première année scolaire?Qu’ils aient le goût de la lecture, unbon vocabulaire, qu’ils se familiarisentavec la langue parlée et écrite et qu’ilsconnaissent le nom et le son des lettres.À la maison, nous utilisons principale-ment la lecture de livres pour enfantspour favoriser ces apprentissages.

Un livre par jour donne le goût de lalecture pour toujours

Ce que la chercheure sait.La lecture de livres entre un parent et son enfant est avant tout unesource de plaisir. C’est un momentparticulier où l’enfant a l’occasion de découvrir un monde imaginaire,d’avoir la pleine attention d’un parentet d’apprendre. Mes travaux de recher-che montrent que la fréquence de lalecture à la maison prédit le vocabu-laire des enfants de 5 ans, et que cevocabulaire prédira la compréhensionde l’écrit à 8 ans. De même, lesenfants de 9 ans qui lisent pour leplaisir rapportent que leurs parentsleur faisaient souvent la lecturelorsqu’ils étaient petits.

Ce que la mère fait.Nous avons chez nous des livres pourenfants partout – ils sont incontourna-bles. Nous lisons pour le plaisir, nouslisons pour récompenser nos enfantset nous lisons pour les calmer.

C’est bien meilleur ladeuxième fois

Ce que la chercheure sait.Mes travaux établissent que la répéti-tion est un moyen facile d’augmenterl’apprentissage que font les enfantslors de la lecture de livres.

Ce que la mère fait.Je lis souvent les mêmes livres à mesjeunes enfants. Les interactions demes enfants pendant la premièrelecture diffèrent de leurs interactionslors des lectures suivantes. Ils appren-nent à anticiper les événements del’histoire, si simple soit-elle.

40 À lire 2003

L’éveil à l’écrit : des

Que le parentsème les questionsaux quatre vents

Ce que la chercheure sait.Mes travaux avec lesenfants d’âge préscolairemontrent que ceux-ciapprennent plus de motsnouveaux lorsque l’adulteles questionne lors de lalecture d’un livre. Les ques-tions peuvent être aussisimples que de demanderde répéter un mot nouveauet aussi complexes que dedemander d’anticiper lasuite d’un récit. Les requêtesdu genre « montre-moi »,qui demandent une réponsenon verbale, auront un effetbénéfique sur la compréhension des nouveaux mots, tandis que lesquestions du genre « qu’est-ce quec’est? », qui nécessitent que l’enfantreproduise un mot nouveau, augmen-tent les chances que l’enfant utilise lenouveau mot. Ce type de questionspeut facilement être introduit pendantla lecture de livres pour enfants.

Ce que la mère fait.Je pose fréquemment des questions à mes enfants au cours de la lecturede livres, tout en n’oubliant pas quele but principal de l’activité est leplaisir.

À la biblio –tic –tac–thèque

Ce que la chercheure sait.Les statistiques pancanadiennesdémontrent clairement que lesfrancophones fréquentent moins lesbibliothèques que les anglophones.

Cette situation est bien déplorable,étant donné que le prix souventexorbitant des livres pour enfants enfrançais peut en limiter la présencedans de nombreux foyers.

Ce que la mère fait.Mes enfants et moi visitons réguliè-rement la bibliothèque. C’est unehabitude bien établie : nous y allonstoutes les deux ou trois semaines etnous choisissons toujours le mêmenombre de livres afin que je puisseles retracer plus facilement lorsquevient le temps de les retourner. Notrevisite dure entre une demi-heure etune heure et demie selon notre ho-raire et comprend souvent la lecturede plusieurs livres. Puisque noushabitons une ville majoritairementanglophone, les rayons de livres pourenfants comprennent plus de livresen anglais qu’en français. Néanmoins,nous y trouvons notre compte,empruntant à multiples reprises deslivres que les enfants aimentbeaucoup. Lorsque les enfants

m’apportent des livres en an-glais, je les « lis » en françaisparce que je crois que c’est lameilleure façon de préparermes petits à lire en français.

L’ABC de l’éveil àl’écrit

Ce que la chercheure sait.La connaissance du nom etdu son des lettres de l’alpha-bet avant l’entrée en premièreannée scolaire prédit la rapi-dité avec laquelle les enfantsapprennent à lire.

Ce que la mère fait.J’introduis l’alphabet defaçon très informelle, petit àpetit, profitant de momentsopportuns et quotidiens, sou-

vent très courts, où je mets l’accentsur une ou quelques lettres. Parexemple, il m’arrive de nommer deslettres ou de demander à mon enfantde les identifier lors de la relecture delivres très familiers dont le texte estsimple et court. Mon fils de 2 ansapprend à différencier les lettres desimages, tandis que ma fille de 3 ansapprend à reconnaître et à nommerdes lettres particulières.

Pour le plaisir de lire

La lecture de livres est une desnombreuses activités qui favorisentl’éveil à l’écrit. Il ne s’agit pasd’encourager les parents de jeunesenfants à limiter les activités d’éveil à l’écrit à la lecture de livres, maisplutôt d’encourager ceux qui ne lefont pas ou le font peu d’inclure lalecture de livres dans leurs activitésroutinières quotidiennes. ■

41À lire 2003

livres et des lettres

Le conjoint de Monique Sénéchal, Michael Taylor, faisant lalecture à ses enfants, Justine, 3 ans, et Jaxon, 2 ans.

CONFINTEA, 5e Conférenceinternationale sur l’éduca-tion des adultes qui s’estdéroulée à Hambourg enjuillet 1997, a marqué uneétape cruciale dans ledomaine de l’éducation des adultes au Canada.

L’une des résolutions qu’ontadoptées les 130 États membres pré-sents visait la tenue d’une semainepour célébrer, dans la joie, le droitd’apprendre tout au long de la vie.En septembre 2002, le Canada s’estjoint à une trentaine de pays pourcélébrer la Semaine internationaledes apprenants adultes.

La Commission canadienne pourl’UNESCO a collaboré étroitementavec les membres du Comité cana-dien de suivi de CONFINTEA afin delancer cette semaine. Le Comité estcomposé de représentants de l’Asso-ciation canadienne d’éducation desadultes des universités de languefrançaise, de la Canadian Associationfor the Study of Adult Education, duCanadian Network for DemocraticLearning, du Conseil des ministresde l’Éducation du Canada, de la

Fédération canadienne pour l’alpha-bétisation en français, de l’Institutcanadien d’éducation des adultes, du ministère du Développement etdes Ressources humaines Canada, du Movement for Canadian Literacyet du Secrétariat national àl’alphabétisation.

Cette semaine repose sur l’idéed’élargir la vision de l’apprentissage.Les nouvelles connaissances nes’acquièrent pas seulement en sallede classe, mais aussi dans la vie detous les jours, soit en cuisinant, enfaisant le recyclage de journaux ouen apprenant à communiquer. Bref,ce n’est pas parce qu’on a quittél’école qu’on n’apprend plus.

Au Canada, la Semaine a adopté unestructure décentralisée qui favorise laparticipation des organismes et despersonnes œuvrant dans le domainede l’éducation. Partout au pays, descentres d’alphabétisation, des centrescommunautaires, des écoles, ainsi quedes organismes gouvernementaux etdes entreprises privées ont mis surpied des activités. « L’objectif principalde la première année visait à promou-voir la Semaine internationale desapprenants adultes », souligne AnyleCôté, agente intermédiaire de projets

à la Commission canadienne pourl’UNESCO. « Notre objectif était dejoindre et de mobiliser le plus degens possible et de leur communiquerl’importance d’apprendre tout aulong de la vie. Tous les moments sontbons pour parler d’apprentissage. »

À l’occasion de la 1re Semaine inter-nationale des apprenants adultes aupays, la Commission canadienne pourl’UNESCO a élaboré une trousse àplusieurs volets dont 25 000 exem-plaires ont été distribués dans tout le Canada. La trousse contenait dumatériel promotionnel pour sensi-biliser l’ensemble du réseau à cettesemaine, le programme de la semaine,des témoignages d’apprenants adultes,des statistiques ainsi qu’une invitationà mobiliser le plus de gens possiblepour célébrer cette semaine. LaCommission a également créé un site Web comportant un calendriersur lequel les organismes pouvaientinscrire leurs activités de la semaine.

Un forum, tenu au Musée canadiendes civilisations à Gatineau, a donnéle coup d’envoi de cette semaine.Animé par Dennis Trudeau etMichaëlle Jean, respectivement de laCBC et de la SRC, le forum cherchaità faire valoir différentes formes

42 À lire 2003

Apprendre : un projet à viePar Marie-Ève Thérien

La Semaine internationale des apprenants adultesvise à promouvoir l’apprentissage à l’âge adulte tout au long de la vie, et ce, en s’assurant queles adultes soient au centre de cette initiative*.

d’apprentissage. Diffusé sur le Web, l’événement a permis à plusieurs communautés d’organiser des diffusions publiques et de prendre part auxcélébrations.

Les ministres provinciaux et territoriaux del’Éducation ont également démontré leur appuien faisant parvenir des lettres dans lesquelles ilsse déclaraient en faveur de l’éducation tout aulong de la vie.

Au nombre des activités organisées au Canada,mentionnons, en Ontario, le Printemps deslettres, activité de la FCAF invitant les apprenantsadultes à écrire une lettre à l’auteur-compositeur-interprète Daniel Lavoie. En outre, une campagneprovinciale de recrutement des apprenantsadultes, organisée par la Coalition francophonepour l’alphabétisation et la formation de base enOntario, a eu lieu dans 32 centres ontariens pourapprenants. Cette campagne a été appuyée pardes messages d’intérêt public diffusés à TFO et sur les ondes de la SRC.

En Saskatchewan, le Centre fransaskois desapprenants adultes a encouragé ses membres àprendre conscience pendant quinze minutes del’importance d’apprendre tout au long de la vie.Au Nouveau-Brunswick, la population étaitinvitée à lire pendant au moins vingt minutes et à s’inscrire au Défi de lecture.

Les médias locaux ont largement couvert lesactivités de la semaine. Il s’agit d’une excellentenouvelle pour la Commission canadienne pourl’UNESCO. « Cette diffusion est significative del’incidence de la semaine au Canada. Nousvoulions joindre les gens du réseau pour qu’ilss’approprient la semaine. C’est à la population de faire ce qu’elle veut de cette semaine »,souligne Anyle Côté.

La Commission canadienne pour l’UNESCO saitque le développement de la Semaine internatio-nale des apprenants adultes à l’échelle du pays estun projet à long terme. « Il faut créer l’habitudede cette semaine, qui s’inscrit dans les activités del’année », renchérit Mme Côté. « Cela peut prendreencore quelques années et des campagnes promo-tionnelles ou médiatiques avant que la popula-tion canadienne y soit réellement sensibilisée. »

La Semaine internationale des apprenants adultesde 2003, qui aura lieu du 7 au 13 septembre,portera notamment sur l’alphabétisation, puisques’amorce la décennie de l’alphabétisation del’UNESCO. On accordera une attention particulièreau rôle des technologies et de la communication. ■

* Commission canadienne pour l’UNESCO, Cadre d’action pour la célébration de la Semaineinternationale des apprenants adultes au Canada en septembre 2002, mai 2002.

43À lire 2003

Dans le cadre de la Semaine internationale des apprenantsadultes et pour une deuxième année, la Fédération canadiennepour l’alphabétisation en français (FCAF) présente l’activitépancanadienne « Le Printemps des lettres ».

En 2002-2003, la FCAF a reçu 126 lettres destinées à son porte-parole, Daniel Lavoie. Les lettres reçues ont été rassemblées enun recueil que la Fédération a distribué au printemps 2003.Toujours au printemps 2003, Daniel Lavoie a lu à haute voixdix de ces lettres sur les ondes des radios communautaires.

Par cette activité, la FCAF veut encourager les apprenants et lesanciens apprenants en alphabétisation à écrire. Elle les réinvitedonc à rédiger une lettre à l’intention de Daniel Lavoie.

Daniel Lavoie est auteur-compositeur-interprète. Pour enconnaître davantage à son sujet, visitez son site auhttp://www.lavoiedaniel.com.

Conditions de participation

■ Les participants doivent être des apprenants ou d’anciensapprenants en alphabétisation.

■ Ils doivent écrire une lettre d’une page au maximum (8 1/2 x 11) à Daniel Lavoie et répondre dans leur lettre à la question suivante :

« Qu’est-ce qui vous a le plus motivé(e) à suivre desateliers d’alphabétisation? »

■ Les participants doivent indiquer leur adresse complète et lenom du centre d’alphabétisation où ils ont participé à desateliers d’alphabétisation.

Période de participation

Les apprenants pourront envoyer leur lettre entre le 8 septembre 2003 et le 28 février 2004 à :

Daniel LavoieFCAF235, chemin Montréal, pièce 205Ottawa (Ontario) K1L 6C7

Monsieur Daniel

Porte-parole de

Le Printempsde

235, chemin M

Ottawa (Onta

Le Printempsdes lettres

2003

Le Printempsdes lettres

2003

Recueil des lettres envoyées à Daniel Lavoie porte-parole de laFédération canadienne pour l’alphabétisation en français (FCAF)

FCAFFédération canadienne pour l’alphabétisation en français

FCAFFédération canadienne pour l’alphabétisation en français

« Le Printemps des lettres »Apprenants, écrivez une lettre à Daniel Lavoie

LL es stages de perfectionnement del’Association canadienne d’éducationde langue française (ACELF) sontofferts annuellement depuis 1989. En 1991, l’ACELF a créé le stage deperfectionnement professionnel pourles intervenantes et intervenants œu-vrant dans le domaine de l’alphabé-tisation des adultes en français. Cestage se déroule à Québec, en mêmetemps que les quatre autres stages deformation destinés aux intervenanteset intervenants des divers secteurs de l’éducation (préscolaire, primaire,secondaire et direction d’école). Chaque été, une centaine de personnesde l’extérieur du Québec profitent d’unressourcement pédagogique et culturelde qualité. Depuis deux ans, les stagesse donnent à la Télé-Université duQuébec (Téluq), favorisant ainsi uneplus grande utilisation de la techno-logie au service de l’alphabétisation.

Au cours des ans, l’alphabétisationfamiliale est devenue un aspectimportant des stages de perfec-tionnement. En effet, le milieufamilial joue un rôle essentieldans le développement linguis-tique de l’enfant, et ce, dès lanaissance. L’enfant entre en con-tact avec la langue écrite et estexposé à des pratiques de lectureet de communication au sein dela famille. Il observe les compor-tements de ses frères et sœurs, de ses parents et de ses grands-parents et détermine ses propresattitudes envers la lecture etl’écriture.

Cependant, parler d’alphabétisa-tion familiale, c’est aussi enrichir

l’expérience des parents. En effet,l’alphabétisation familiale contribueà la prévention de l’analphabétismedans les milieux minoritaires franco-phones. Plusieurs parentséprouvent de grandesdifficultés avec la lectureet l’écriture et se sententincapables de stimulerl’écrit auprès de l’enfant.Dans certaines familles,la lecture d’une histoireà l’enfant avant d’allerau lit constitue unobstacle de taille. Lesprogrammes d’alphabé-tisation familiale encou-ragent l’utilisation de la lecture et de l’écriture en français au sein de lafamille. Les parentsdéveloppent des habi-letés personnelles qu’ils peuventtransmettre à leurs enfants par lalecture et d’autres modes de commu-nication comme des chansons, des

comptines, des contesou du bricolage.

« Le milieu familial est laclé de la transmission del’usage du français d’unegénération à l’autre*. »Les apprentissagesfamiliaux doivents’accompagner d’autresactivités, car l’engage-ment de la famille, del’école et de la commu-nauté dans le processusd’alphabétisation contri-bue à créer un environne-ment francophone danslequel les apprenants et

leur famille peuvent mettre enpratique leurs acquis et leursconnaissances.

Les familles canadiennes connais-sent bien les défis reliés au choixde la langue dans la famille. Cesdéfis sont encore plus prononcésdans les familles interlinguistiques,c’est-à-dire les familles où il y a unparent anglophone et un parentfrancophone. Les recherches etles statistiques démontrent que lechoix de la langue dans le proces-sus d’alphabétisation familiale ades effets directs sur :

• la langue parlée à la maison;

• le choix de l’école;

• les compétences orales etécrites en français;

• l’identification à une cultureet à une communauté;

• le maintien de la langue;

• le degré de bilinguisme;

• le transfert linguistique.

Ces grandes questions demeurent aucœur des discussions du comité con-sultatif des stages de perfectionne-ment. Lorsque celui-ci se réunit pourélaborer les stages, il prend encompte les conditions linguistiqueset culturelles particulières àl’éducation et à l’alphabétisation enfrançais en milieu minoritaire.

Le comité propose des thématiquespour la toile de fond des stages com-me fil conducteur à tous les ateliers :

• l’identité francophone, l’affirma-tion et l’appartenance culturelle;

L’alphabétisation familiale,

44 À lire 2003

Mme Désy est coordonnatrice de la formation des adultes à la Division del’éducation aux adultes du ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse etmembre du comité consultatif des stages de perfectionnement de l’ACELF.

Par Joëlle Désy

L’alphabétisation familiale,complémentarité école-famille-communauté

• les besoins en matière d’éducation des élèves et des écoles francophones;

• le partenariat entre l’école, la famille et la communauté;

• le projet éducatif.

Parallèlement, le stage offre quelques ateliers de maillage,dont « Alphabétisation familiale et intégration de l’élèveau cœur de la communauté ». Cet atelier s’adresse auxstagiaires des directions d’école et d’alphabétisation.L’atelier explore la complémentarité des milieux et descontextes en francophonie ainsi que la complémentaritédes rôles et des responsabilités en éducation francophone(école-communauté-famille). À la fin de l’atelier, les sta-giaires comprendront mieux comment l’école, la commu-nauté et le foyer francophones peuvent contribuer à laréussite identitaire de l’élève et de sa famille.

Un autre atelier d’alphabétisation familiale est auprogramme des stages; il s’agit de « Prêt-à-conter ». Ceprogramme offre un outil pratique qui aidera les parents à vivre une expérience de lecture enrichissante avec leurenfant. Les participantes et participants apprennent àconfectionner des trousses de lecture pour les familles et à transmettre ce savoir aux parents.

Outre l’aspect d’engagement à l’égard de la francophoniecanadienne, les stages d’alphabétisation misent sur laformation pour favoriser des pratiques pédagogiquesprofessionnelles. Les stagiaires obtiennent des compétenceset des connaissances inestimables qu’ils appliqueront dansleur milieu respectif, soit dans les centres d’alphabétisation,les conseils scolaires ou les organismes communautaires.

Les ateliers pour les stagiaires en alphabétisation s’adres-sent aux gestionnaires et aux formatrices et formateurs enalphabétisation. Le groupe suit un tronc commun, maisparticipe également à des ateliers soigneusement agencésqui présentent des contenus de formation plus spécifiquesà chacun des deux groupes. Par exemple, pendant que legroupe de formatrices et de formateurs suit l’atelier surl’animation de groupes, les gestionnaires participent à un atelier sur le leadership.

Le stage en alphabétisation des adultes constitue unespace pancanadien commun où les intervenantes etintervenants en alphabétisation peuvent se concerter etréfléchir sur les grands enjeux de l’alphabétisation enfrançais et trouver des moyens de parfaire leurs pratiquesd’alphabétisation.

De plus, le stage de perfectionnement en alphabétisationest une occasion unique pour les intervenantes etintervenants de partager leurs expériences et leursconnaissances en vue d’améliorer la qualité de leursinterventions auprès de la clientèle francophone. Lesstagiaires repartent dans leur milieu remplis d’une ardeuret d’une assurance à toute épreuve, désireux de mettre enpratique leurs nouvelles connaissances. ■

* Une culture de l’éveil à l’écrit en français. Un nouveau vecteur de développement et d’épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle, Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français, 2002.

45À lire 2003

« Pileur » de bois de son métier, Gilles Vaudryvoit son univers basculer à l’âge de 39 ans. Ungrave accident de travail le rend incapable dereprendre son travail et l’oblige à se recycler. Mais que faire lorsqu’on ne sait pour ainsi dire ni lire ni écrire? « J’allais à l’école quand j’étaisjeune, mais je n’apprenais pas. On est rebellequand on est jeune, et je pensais que c’était inu-tile. À l’époque, on pouvait tout de même faireplein de choses… », se souvient M. Vaudry. Maisquand il se retrouve chez lui, dans l’impossibilitéde travailler dans son domaine, ses limites luiapparaissent plus clairement.

Lentement, mais sûrementReprendre le chemin de l’école à 40 ans, c’est loind’être évident. « Au début, une sœur de la commu-nauté m’a offert de venir chez moi pour me mon-trer à lire et à écrire. Une chance! Sinon, je n’auraisprobablement pas été à l’école, pas comme j’étais“amanché”. J’étais très magané. » Ce n’estqu’ensuite que M. Vaudry a suivi de véritablescours d’alphabétisation avec un de ses neveux.

Après toutes ces années d’apprentissage, nonseulement il écrit assez bien pour mériter le Prixde la francophonie, mais il peut aussi aider lesautres à la Maison des mots, centre d’alphabétisa-tion situé à Sainte-Thérèse, au nord de Montréal.« L’autre jour, une femme venant d’un autre paysm’a demandé de lui apprendre des mots », raconteM. Vaudry avec fierté.

Une raison de vivreDans l’entourage de M. Vaudry, on savait qu’ilétait analphabète. « Personne n’en parlait, maisça se savait. Aujourd’hui, les gens m’encouragent.De toute façon, il faut que je continue, je ne peux pas lâcher. Je suis fier de ce que j’ai fait! »

Son fils aussi est fier de son père, et celui-ci luisert d’exemple. « Mon fils avait arrêté l’école,mais il a décidé d’y retourner. Ça lui tente et ilavance. Il vient même d’avoir une promotion àson travail! Moi, je n’ai pas été capable d’aller

plus haut. J’aurais pu être contremaître, dirigerdes hommes… Mais il fallait savoir lire et écrire »,poursuit M. Vaudry, avec une pointe de regret.Des regrets qui s’estompent rapidement toutefoislorsqu’il est question d’avenir. « Écrire, c’estvalorisant. Ça donne une raison de vivre. »

La vie aujourd’hui… et demainVeuf depuis deux ans, M. Vaudry se débrouillemaintenant vraiment tout seul. « Ma Micheline,ma femme, m’aidait. C’était un peu comme unebéquille pour la lecture et l’écriture. Mais elle m’abeaucoup encouragé à la Maison des mots, où jevais depuis six ans. Aujourd’hui, lorsqu’il y a quel-que chose que je ne comprends pas, ce sont mespetites filles de la Maison qui m’expliquent. »

Que de respect on sent chez M. Vaudry pour lesfemmes de la Maison des mots : Manon Corbeil,Violaine Provencher, Carole Dessureault etRéjeanne Savard ! Quatre femmes pour les-quelles il a beaucoup d’affection.

C’est grâce à ces femmes de la Maison, et à cettereligieuse, que M. Vaudry peut demeurer seul.Lire un bail, le comprendre, le signer, prendreconnaissance de son courrier, payer ses factures,feuilleter les circulaires, autant de choses qu’il ne pouvait faire auparavant.

Le plus beau, c’est que lire et écrire n’est pasqu’utile dans sa vie, c’est aussi agréable. « Je vaisparfois à la bibliothèque. J’ai lu sur le Titanic et je m’intéresse à l’histoire du pays. Et il y a le bois,j’ai toujours aimé travailler le bois. Maintenant, je peux lire sur le sujet », dit-il, un sourire dans la voix. Et les promenades à vélo, M. Vaudry en fait souvent, et il est heureux de pouvoirs’aventurer plus loin qu’autrefois : « Je peux allern’importe où et lire le nom des rues. Quelle fierté de ne plus avoir à demander où l’on est! »

P.S. M. Vaudry, vous m’avez confié qu’il vous manquait, malgré tout, toujours un peu deconfiance en vous. Sachez que vous êtes sur unevoie qui vous mènera sans doute beaucoup plusloin que vous le pensiez… Bonne route!

Gilles Vaudry a gagné son indépendance

L a u r é a t d u P r i x d e l a f r a n c o p h o n i e 2 0 0 3

46 À lire 2003

Aujourd’hui âgé de 59 ans, Gilles Vaudry a remporté le Prix de la francophonie 2003.S’il a mérité cet honneur, c’est qu’auparavant il avait gagné quelque chose de beaucoupplus significatif pour lui : son indépendance. « C’est fantastique de pouvoir tout fairetout seul. C’est une joie incommensurable. Ça ne s’explique pas, il n’y a pas de motpour décrire ça! » Pourtant, il l’a très bien exprimé lorsque nous nous sommes parlé…

Par Jean Frenette

Gil

les

Va

ud

ry

Écrire simplement• Apprenez à retenir l’attention de tous vos lecteurs.• Apprenez à écrire de façon claire et compréhensible.

Pour des communications orales claires• Apprenez à adapter vos messages oraux

à votre auditoire.

• Apprenez à écrire pour être compris du premier coup.

Traduire simplement• Apprenez à réécrire les textes pour

améliorer leur accessibilité.

La formation se donne au sein des organisations.

Vos messages sont importants ettous doivent les comprendre.

Communicateurs efficaces offre :• Des séances de formation sur mesure

d’une journée.

• Des séminaires et des conférences sur demande.

• Des services de réécriture en langage clair.

• Des services-conseils en rédaction, en révision et en communication claire et simple.

47À lire 2003

La Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français remerciesincèrement les organismes suivantsd’avoir contribué au succès de la revue À lire :

Éducacentre2412, rue Laurel, 6e étageVancouver (Colombie-Britannique)V5Z 3T2

Téléphone : (604) 708-5100Télécopieur : (604) [email protected]

Fédération d’alphabétisationdu Nouveau-Brunswick (FANB)317, avenue KingBathurst (Nouveau-Brunswick) E2A 1P4

Téléphone : (506) 548-5551 Télécopieur : (506) [email protected]

Société éducative de l’Île-du-Prince-Édouard48, chemin Mill, C.P. 159Wellington (Île-du-Prince-Édouard) C0B 2E0

Téléphone : (902) 854-7276Télécopieur : (902) [email protected]

Sœurs de la Charité d’Ottawa9, rue BruyèreOttawa (Ontario) K1N 5C9

Téléphone : (613) 241-5507Télécopieur : (613) 241-5509

Alphabétisation

Éducation

Formations diverses

Cours populaires

Présentation de conférences

Organisation d’ateliers

4537, 50e AvenueSaint-Paul (Alberta) T0A 3A0Tél. : (780) 645-6604Téléc. : (780) [email protected]

Soyez clairet compris !

avec Communicateurs efficacesDivision de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français (FCAF)

Trois ateliers de formation à votre calendrierde perfectionnement 2003-2004 :

Information : Diane Pouliot ou Johanne RenaudCourriel : [email protected] Téléphone : (613) 749-7351 ou sans frais : 1 888 906-5666Communicateurs efficaces : 235, chemin Montréal, Ottawa (Ontario) K1L 6C7

SES ACTIVITÉS ÉTANT étroitement

liées à l’écriture, Postes Canada

comprend la valeur de l’alphabéti-

sation. Des milliers de Canadiens

et de Canadiennes se vouent

à l’amélioration des niveaux

d‘alphabétisation des quelque

trois millions de personnes qui

éprouvent de la difficulté à lire

et à écrire.

Grâce à ses programmes tels que

les Prix de l’alphabétisation de

Postes Canada et le légendaire

Programme de lettres au Père

Noël, Postes Canada poursuit

sa contribution à la cause de

l’alphabétisation.

Alphabétisation, symbole de liberté

efficiente, digne de confiance, novatrice, attentionnée, audacieuse

www.postescanada.caDe partout... jusqu’à vous