Toux chronique chez l’enfant : Que faire?
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Toux chronique chez l’enfant : Que faire?
R.Boussoffara
Casablanca le 12/1/19
Introduction
Motif fréquent de consultation Enquête de 7251 de familles avec au moins 1 enfant âgé de 1-5 ans
• 85% des consultations chez le médecin sont pour les symptômes de l’asthme, y compris la toux
• 67% reçoit le traitement pour la toux • 35% des enfants viennent > 3x dans 6 mois
• Liste des causes est large • Diagnostique sous-jacente souvent insaisissable
– Traitement non spécifique pas suffisant
• Évaluation de la toux par les parents – double subjectivité – différente de celle de pédiatre
= la consultation souvent frustrante pour les parents et le
pédiatre (Shields et Doherty, 2013)
Bisgaard et Szefler, 2007
Définitions
• La toux est un symptôme (phénomène reflexe complexe de protection des VA)
• Tousser, même de façon apparemment répétée, n’est pas systématiquement « grave ».
• La toux qualifiée d’attendue correspond à une toux persistante observée de manière quasi physiologique après une infection des voies aériennes.
DE LA TOUX « NORMALE » À LA TOUX PATHOLOGIQUE !!!
Définition
• Une toux chronique chez l’enfant : Entre 3 et 12 semaines,
• Plus de 4 semaines (l’American College of Chest Physicians)
• Plus de 8 semaines (la British Thoracic Society)
• La variabilité de ces définitions est avant tout liée au temps considéré comme « normal » de résolution d’une toux persistante au décours d’un épisode infectieux des voies respiratoires.
• Les recommandations anglaises : une forme clinique intermédiaire entre la toux aiguë (< 3 semaines) et la toux chronique, appelée toux aiguë prolongée : entre 3 et 8 semaines
Shields MD, Bush A, Everard ML, et al. BTS guidelines: recommendations for the assessment and management of cough in children. Thorax 2008;63
Trois facettes de la toux
Toux « symptôme »
Toux « maladie »
Toux « réflexe »
Défense active VA:
• sécrétion du mucus (20–30mL/24 h)
• prévention de l’aspiration • exposition aux irritants dans l’environnement extérieur
16 toux par 24 heures, 1–34 chez les enfants
Maladies respiratoires/ systémiques
• Toux aiguë < 3 sem. Spontanément résolutive • Toux chronique: > 8 sem. (BTS) > 4 sem (ACCP)
La toux chronique nonproductive – isolée
> 8 sem.
Radiographie thoracique de
face et de profile -
NORMALE
Identification des mécanismes - nouvelles stratégies thérapeutiques
En fréquence
Aperçu schématique de l'organisation centrale des voies neurales de la toux
Tronc cérébral
C Aδ
Muscles respiratoires
Toux
α motoneurones
Traitement sous cortical
Cortex
A) Une voie afférente (dans n.vague) B) Centre de la toux réflexe (Tronc cérébral nTS ) C) Une voie efférente D) Traitement sous cortical et cortical (perception, localisation, quantification de l’irritation des VA)
Besoin de tousser
Discrimination sensorielle
D’après Narula et al., J Thorac Dis 2014;6(S7):S712-S719
Réponses cognitives et émotionnelles à l’irritation VA
Voies descendantes
C)
B)
A)
D)
L’anamnèse occupe une place centrale
• L’âge de l’enfant
• Quand et comment la toux a-t-elle débuté : après une infection ou un contage intrafamilial, de façon brutale ?
• Quelles sont ses caractéristiques : sèche ou productive, spasmodique, rauque, émétisante, diurne ou nocturne (prédominance) ?
• Est-elle isolée ou associée à d’autres signes : wheezing, fausses- routes, bronchorrhée, dyspnée d’effort, ralentissement pondéral, asthénie ?
• Y a-t-il des facteurs déclenchant : saisonnalité, primo décubitus, effort, air froid, alimentation ?
• Quelles sont ses modalités évolutives : aggravation, réponse aux b2-mimétiques ou à une antibiothérapie ?
• Y a-t-il des antécédents familiaux d’atopie ou de maladies respiratoires
• Quelle est la nature de l’environnement : tabagisme (parental), mode de garde, conditions de logement ?
Examen clinique
– Aspect général
– Poids
– Taille
– Auscultation pulmonaire : Sibilants , crépitants, localisés ou diffus
– Auscultation cardiaque : Souffle
– Examen ORL : ronflement, respiration bouche ouverte, salivation
– Le reste de l’examen
Les signes d’alerte
• un encombrement bronchique permanent
• des infections répétées des voies aériennes supérieures et/ou inférieures
• des épisodes de fausses-routes alimentaires et/ou de malaises avec cyanose
• un wheezing ou un stridor permanent
• une dyspnée aux deux temps
• un souffle cardiaque
• une limitation des activités, un retentissement sur le sommeil : Retentissement sur la qualité de vie
Signes d’alerte
Recherche d’éléments d’inquiétude !!
Radio du thorax
Inspiration Expiration
Ex incontournable +++
Le plus souvent normale
Rx du thorax Signes d’inquiétudes
Démarche diagnostique
9/10 : clinique rassurante Rx du thorax normale Orientation étiologiques
TTT d’épreuve Guérison
Echec D’emblée si signe d’alarme Et/ou Rx thorax anormale
Examens spécialisés ou de 2ème intention
Bilan de 2ème intention
Recherche de causes fréquentes
• Endoscopie
• TDM
• Prélèvements cyto bactériologiques
• IDR
• TC - EFR
Recherche de causes - fréquentes
• Test de la sueur
• Bilan immunitaire
• Etude des cil, génétique
Toux révélant une pathologie ORL
• Une toux grasse, surtout l’hiver
• Essentiellement matinale
• A l’examen
– Respiration la bouche ouverte, hyper salivation et ronflements
– l’auscultation montre des râles transmis
Contraste entre la gêne et la clinique
Toux révélant une pathologie ORL
• UACS : Upper airway cough Sd – Rhinite allergique
– Rhinite non allergique
– Rhinite post infectieuse
– Sinusite chronique
• Consultation ORL : Nasofibroscope+/- TDM
• TTT antihistaminiques, corticoïdes locaux
ATCD F ou P d’atopie renforce le Dg
Toux révélatrice d’asthme
• Diagnostic facile : Toux + Sibilants
• + difficile si toux isolée
– Toux équivalent d’asthme
– Toux spasmodique
– Trachéite spasmodique
– Toux spasmodique non productive déclenchée par l’effort, l’air froid, le fou rire, les pleurs, prédominant la nuit
ATCD F ou P d’atopie renforce le Dg
Toux révélatrice d’asthme
• EFR à partir de 5-6 ans – Sd obstructif réversible aux
B2 – Recherche de l’HRB lors
d’un test de provocation
• Les TC aux pneumallérgènes + renforcent le Dg
• Epreuve TTT – Réponse + : Asthme
probable ou résolution spontanée Arrêt du TTT Récidive= Asthme
Toux révélant un RGO
• Toux sèche
• En début de nuit
• Symptomatologie révélatrice :
– Asthme
– Laryngites aigues récidivantes
– Symptômes digestifs absents (50 à 75%)
Toux révélant un RGO
• Phmétrie – Sensibilité : 85% – Spécificité : 75%
• Impédece métrie endo luminale œsophagienne (reflux non acide)
• TTT non codifié : IPP ? • Test TTT possible (2 sem, au
max 2 -3 Mois) • Méta analyse cochrane
2011 : pas d’interêt à l’utilisation des IPP chez l’enfant
Chang AB, et al. Gastro-oesophageal reflux treatment for prolonged non-specific cough in children and adults. Cochrane Database Syst Rev 2011.
Infections bactériennes : Coqueluche - Mycoplasme
• Coqueluche – Maladie contagieuse d’actualité
– L’enfant et l’adolescent ont des formes – sévères que le NRS
– Dg retardé dans la population vaccinée
– La sémiologie peut être atypique
– Chez l’asthmatique : Incidence élevée de la coqueluche
– La confirmation Dg par PCR AV 3 semaines
– TTT : Macrolide inutile Ap 3 semaines
G. Benoist, E. Bidat / Archives de pédiatrie 22 (2015) 447–451 448
Infections bactériennes : Coqueluche - Mycoplasme
• Le Mycoplasme – Germe associé à plusieurs tableaux cliniques y compris la
toux chronique
– Impliqué dans l’initiation, l’aggravation, la pérénnisation
– Dg : • Sérologies à 15j d’intervalle : Dg retrospectif
• Par PCR
• Techniques remises en question : Revue cochrane 2012 : faux +
– Discuter le rationnel d’un TTT d’épreuve par macrolide au vu de l’émergence de souches Res aux macrolides, Selon cochrane 2012 : Absence de preuves suffisantes pour TTT les IRAB à mycoplasme par macrolides
Mulholland S et al. Antibiotics for community-acquired lower respiratory tract infections secondary to Mycoplasma pneumoniae in children. Cochrane Database Syst Rev 2012;9
Les troubles respiratoires somatotropes
• Situés dans le croisement : organique/fonctionnel/psychologique • Touche l’ado++++ • Les entités : La toux d’habitude, les soupirs profonds, la dysfonction des cordes
vocales et le Sd d’hyperventilation • Partagent des caractères sémiologiques :
– Toux sèche avec stéréotype propres à chaque sujet, ne gêne pas l’enfant mais sa famille – Diminuent voire disparaissent au sommeil – Résistant à toutes les TTT – Terrain d’anxiété (Conversion)
• Généralement considérés comme des Dg d’élimination (Enquête para clinique discutable : Cout)
• Prise en charge – Verbaliser le diagnostic – Rassurer – Ne pas minimiser (Expression d’une anxiété) – Soutien psychologique
Bronchite bactérienne persistante
• Entité clinique reposant sur 3 critères – Toux grasse chronique
– Répondant aux AB
– Absence des autres causes de toux productive
• Prévalence sous estimée
• Place importante dans la littérature anglo saxon
• Physio path : – Production de biofilm par la bactérie
– Une altération de la clearance muco ciliaire
Paul SP, Hilliard T. The importance of recognizing protracted bacterial bronchitis in children. Indian J Pediatr 2014;81(1)
Chang, Chest 2017, 151-152
Bronchite bactérienne persistante
• Tableau clinique : – Enfant de – de 6 ans ayant une toux d’au – 4 semaines continue
et isolée (clinique et RX)
• Rx : Epaississement bronchique parfois • Analyse des sécrétions peu rentable
– ECBC : pneumocoque,HI, Moraxella – LBA : Neutrophiles
• La fibro est invasive • TTT AB propose :
– Amox/ac clav ou macrolide durée au – 2 semaines
• Réévaluation clinique indispensable : Ne pas méconnaitre une cause S/S jacente
Chang, Chest 2017, 151-152 Paul SP, Hilliard T. The importance of recognizing protracted bacterial bronchitis in children. Indian J Pediatr 2014;81(1)
NOUVEAUX CONCEPTS D’AUTO- ENTRETIEN DE LA TOUX
• L’assimilation de la toux chronique réfractaire à une neuropathie sensorielle : • la compréhension de l’auto entretien d’une toux traînante inexpliquée soumise à des facteurs déclenchant multiples : air conditionné, humidité, exercice, stress, parole, fumée de tabac. . . • Par analogie avec une douleur de neuropathie sensitive (paresthé-
sie/hyperalgésie/allodynie), • les signes chroniques d’une toux réfractaire ont pu être reformulés selon le
modèle suivant : – Paresthésie laryngée (sensation anormale de type « chatouillement » de gorge), – Hypertussie (réaction tussigène exagérée à un stimulus connu comme la fumée de cigarette), – Allotussie (déclenchement de la toux à un stimulus non tussigène comme la parole)
• Le passage à une chronicité rebelle pourrait résulter soit d’une hyperréactivité des récepteurs périphériques notamment TRVP1, soit d’un remodelage central du réflexe de toux par plasticité neuronale abaissant le seuil de réactivité du centre bulbaire.
G. Benoist, E. Bidat / Archives de pédiatrie 22 (2015) 447–451 448
Traitements complémentaires
Phytothérapie (plantes médicinales) Pas d’études.
Aromathérapie (huiles essentielles) Pas d’études. Automédicamentation / mésusages.
Miel Toux chronique : discuté (Cochrane 2009). Pas avant 1 an.
Homéopathie (plantes, minéraux,…) Pas d’études.
Acupuncture Pratique par médecins, sages-femmes. Peu d’études.
Thérapies basées sur la tradition. Essais cliniques de faibles niveaux de preuves.
Autres thérapeutiques antitussives jugées inefficaces +/- E2 significatifs. Innocuité commune à toutes ces alternatives…
Perspectives thérapeutiques dans la toux réfractaire
Amitriptyline et gabapentine
amitriptyline Laroxyl Antidépresseur. Approche ORL. Etudes positives.
gabapentine Neurontin Utilisée dans les douleurs neuropathiques. Aucun effet sur la sensibilité à la capséine.
Antagonistes de récepteurs TRPs (transient receptor potential)
TRPV1 vanilloïde 1
SB-705498 Diminution de la sensibilité à la capséine, … mais pas de la toux. E2 : hyperthermie
TRPA1 ankyrine-1
GRC117536 Etudes en cours.
Autres
Inhibiteurs du canal sodique
Nav 1.7 Baisse de la toux (études animales).
Antagonistes de P2X2/3
AF219 Baisse de la toux. E2 : agueusie.
Thalidomide Amélioration du score de qualité de vie. E2 : constipation.
Tout doit il être traité?
• Toux attendue « normale »: Attendre • Toux spécifique, apprécier l’évolution de la toux, savoir
reconsidérer le TTT
• Toux non spécifique : TTTer en probabiliste
–Toux grasse… et si c’était une bronchite bactérienne
persistante
–Toux sèche… et si c’était de l’asthme ? ...
–Penser au psychogène
Conclusions
• La toux traînante est un défi pour le clinicien. • L’anamnèse et le cliché thoracique sont les points forts de la
démarche diagnostique initiale. • L’identification de signes d’alerte doit faire orienter vers une
étiologie précise. • La toux persistante au décours d’un épisode infectieux est souvent
banale et la réévaluation de l’état clinique permet le plus souvent d’éviter des explorations inutiles.
• Les causes les plus fréquentes de toux chronique sont la rhinosinusite avec écoulement postérieur et la toux équivalent d’asthme.
• La bronchite bactérienne persistante est probablement sous-évaluée.
• Le reflux gastro-oesophagien est souvent suspecté mais le lien de causalité est difficile à établir.