TOMBEAU DE VASCO DE GAMA

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TOMBEAU DE VASCO DE GAMA (Cathédrale des Jéronimos à Lisbonne)

On remarque, à droite, la sphère du roi Manuel, symbole des découvertes maritimes, à gauche, la croix de l'Ordre du Christ.

D O C T E U R F R A N C I S L E F E B U R E

EXPERIENCES INITIATIQUES

TOME III BALANCEMENTS MYSTIQUES

O M VASCO DE GAMA OCCULTISTE

RÉINCARNATION (9 FIGURES, I HORS-TEXTE)

« O M N I U M L I T T É R A I R E » P A R I S 72, AVENUE DES C H A M P S - É L Y S É E S

DU MÊME AUTEUR

LA RESPIRATION RYTHMIQUE ET LA CONCEN- TRATION MENTALE, thèse de médecine. — 2e édition complétée.

LES HOMOLOGIES ou LA LUMIÈRE SECRÈTE DE L'ASIE DEVANT LA SCIENCE MODERNE.

LA VIE SUR LES ASTRES (Théorie mécaniste de la reproduction).

L'EXPLOSION ATOMIQUE mise à la portée des enfants de 10 à 15 ans.

Articles dans la Revue « INITIATION ET SCIENCE » : « Le développement de la clairvoyance » (fasc. 17). « La concentration sur les chacras » (fasc. 18). « Le dédoublement, comment le provoquer »

(fasc. 17). « Les preuves expérimentales des sciences

occultes » (fasc. 19-20).

Prochainement : « Puissance du christianisme ».

Tous droits réservés pour tous pays. © by « Omnium Littéraire », Paris, 1959.

A mon fils Daniel dont la naissance nous fut prophétiquement annoncée.

F. L.

Le présent ouvrage est divisé en trois volumes :

Tome 1 : La vie sensorielle, Tome II : Visions et Dédoublements, Tome III : Balancements mystiques, OM, Vasco

de Gama, Réincarnation.

Les croix formant les vignettes de la première et de la dernière page de couverture ont été découvertes à la Chapelle des Carmes de Vidigueira (Alentejo, Portugal), construite par la famille de Vasco de Gama.

INTRODUCTION

Dans mon premier ouvrage, Homologies, j'ai divulgué une méthode initiatique qui m'avait été transmise par mon maître Arthème Galip, méthode apparentée au yoga et d'origine probablement iranienne. J'ai accom- pagné cette divulgation d'une analyse des rapports entre les exercices sensoriels respiratoires et moteurs donnés par Galip, et les diverses lois des sciences naturelles.

Dans Expériences initiatiques j'ai repris l'étude de cette méthode, mais d'une façon beaucoup plus appro- fondie.

Dans la première partie de ce travail, j'ai analysé en détail les exercices initiatiques sensoriels, dégagé les lois générales qui permettent de les exécuter de la façon la plus efficace et montré comment certains phénomènes étudiés en neurologie, tel le membre fantôme des amputés, sont en vérité des expériences spirituelles, c'est-à-dire une perception réelle par les sujets de leur propre membre éthérique.

Dans la deuxième partie, j'ai repris l'étude des exercices respiratoires, en soulignant le principe fonda- mental : la privation d'air physique qui, par compen- sation, provoque l'absorption d'air spirituel ou prana. De plus j'ai décrit les visions consécutives à l'imposition des mains de Galip puis les dédoublements survenus après la pratique persévérante des exercices.

Les phénomènes psychiques ayant constitué cette initiation se découpent franchement, je l'ai dit, en trois phases :

La première survint un mois après ma rencontre avec Galip et consista en visions grandioses dont la principale fut celle du Christ portant la couronne d'épines, balançant la tête de droite à gauche en regardant le ciel.

Galip m'avait dit : « Dans un mois vous serez trans- formé » et effectivement, un mois après, des modifica- tions profondes de mon caractère survinrent consécu- tivement à ces visions. On ne trouve qu'un point de comparaison, et encore très lointain, avec ce que Galip me fit vivre alors : le phénomène de la télépathie-retard étudié par Rhine. Cet auteur décrit des cas de télépathie dans lesquels un sujet a incontestablement eu connais- sance d'une pensée dirigée vers lui, mais plusieurs heures après que cette pensée a été émise. C'est un phénomène analogue, mais à un coefficient colossal, que me fit vivre Galip : retard d'un mois dans la transmission télépathique, ce qui est très long par rapport à toutes les expériences de ce genre déjà connues, mais éclate- ment brutal de forces formidables. Il semble que l'asso- ciation des exercices à la force mise en moi par Galip ait été nécessaire pour produire cet admirable phéno- mène. Chose curieuse, cette télépathie-retard n'avait été possible qu'avec le contact physique du maître, lors de l'imposition des mains.

Dans la deuxième phase de cette initiation survinrent les dédoublements : j'ai fait, pendant des années, des centaines de sorties conscientes hors de mon corps,

dont certaines furent prouvées objectivement ; j'ai raconté les plus intéressantes ; elles furent l'effet de la persévérance sur la méthode ; j'ai analysé, dans la mesure du possible, les rapports des divers exercices avec les dédoublements.

Dans la troisième phase, qui débuta plus tardivement, me sont revenus sans doute certains souvenirs de ma vie antérieure.

C'est cette phase que j'ai à décrire. Mais je reprendrai auparavant une étude plus appro-

fondie des exercices moteurs et, en particulier, des balancements mystiques car ils paraissent avoir été plus spécialement à l'origine de ces réminiscences.

Ainsi, dans les trois tomes d'Expériences initiatiques, nous aurons approfondi successivement chacune des trois parties, sensorielle, respiratoire et motrice, de la méthode qu'Arthème Galip m'avait confiée.

CHAPITRE PREMIER

LES BALANCEMENTS MYSTIQUES

I. — UNIVERSALITÉ DU BALANCEMENT MYSTIQUE

Par la présente étude, je désire démontrer l'impor- tance fondamentale des balancements dans le dévelop- pement spirituel ; je veux également préciser les moda- lités d'exécution qui permettent d'obtenir, le plus sûrement et le plus rapidement, des expériences psy- chiques ainsi qu'une élévation morale, en raison des rapports entre les balancements et la loi du perpétuel retour.

Cette démonstration sera faite au moyen, d'une part, de considérations théoriques et, d'autre part, d'expériences simples mises à la portée du lecteur.

Néanmoins, il ne sera pas inutile, auparavant, de rappeler l'importance qu'ont toujours eue les mouve- ments de balancement, aussi bien dans l'homme que dans l'univers, et de souligner l'aspect mystique de cette importance. Cela nous préparera à attribuer toute leur

valeur à la théorie et aux expériences individuelles qui seront indiquées plus loin.

Je rappelle tout d'abord que ma principale vision fut celle du Christ balançant la tête de droite à gauche et portant la couronne d'épines tout en levant les yeux vers le ciel.

Je rappelle également qu'un des dédoublements que je fis commença par un mouvement ondulant ser- pentin de la colonne vertébrale (tome II, page 104).

Yogananda, dans son auto-biographie d'un yogui, fait allusion à une expérience analogue : « Je me sentis légèrement soulevé au-dessus de mon lit, mon corps dépourvu de pesanteur se balançant de droite à gauche sur un rythme alterné » (Auto-biographie d'un yogui, page 267).

Ces balancements constituent, nous le voyons par ces quelques exemples, un rythme s'emparant du corps éthérique du yogui jusqu'à l'arracher du corps physique. Appartiennent-ils en propre à l'expérimentateur de l'oc- culte, ou celui-ci ne fait-il que prendre en main et plier à sa volonté une force propre de la nature hyperphysique ?

C'est cette dernière hypothèse qui semble la bonne, si l'on s'en rapporte au récit que, dans La mort celle inconnue, présente Raoul Montandon. Il s'agit d'un médecin qui, passé par toutes les apparences de la mort puis revenu à lui, fait un long récit où il détaille tout particulièrement les circonstances de la séparation de l'âme et du corps, et dit notamment ceci (page 272) :

« En vertu d'un pouvoir apparemment extrinsèque, mon moi se sentait poussé et repoussé de côté, en avant, en arrière, avec le même mouvement que celui d'un berceau. Et, par l'effet de ce processus, les liens qui l'unissaient aux tissus du corps allaient en se rompant graduellement... Je remarquai que d'innombrables fils se cassaient. »

Ainsi, ce mort revenu parmi nous a été arraché de son corps par une force cosmique manifestée par des

balancements dans son double invisible. Il semble bien que ce processus normal de la mort soit exploité par le Yogui et bien d'autres mystiques pour provoquer la séparation consciente et volontaire du corps et de l'âme.

Nous relèverons plus particulièrement la forme en croix des balancements (de côté, en avant et en arrière), que nous retrouverons dans les mouvements de tête de certains sorciers nègres cherchant le dédoublement.

Ces aperçus sur l'aspect occulte des balancements, grâce auxquels nous entrevoyons toute la profondeur du problème, nous feront accorder plus d'attention aux traditions religieuses qui mettent les balancements soit au premier rang de leurs pratiques, soit, tout au moins, à un rang honorable.

Soulignons tout d'abord que ces balancements font bien partie du yoga.

Dans Le yoga tibétain et les doctrines secrètes, traduit par le lama Kasi Dawa Sandup, on lit (page 215) : « Tourner le cou en rond, et le recourber en arrière et en avant. Par cela les nœuds nerveux du sommet de la tête et de la gorge sont dénoués. »

Nous voyons là, dans un style qui remonte à la pré- histoire, décrites l'ouverture du chacra coronal et du chacra de la gorge par le balancement antéro-postérieur, et la circumduction du cou.

Il n'est donc pas étonnant que le docteur Percheron ait vu dans un pays voisin du Thibet, en Mongolie, les sorciers accomplir des exercices analogues. Il nous dit dans Dieu et démons, Lamas et sorciers de Mongolie (page 253) : « Le corps absolument droit, et toujours à genoux, le shaman animait sa tête d'un mouvement giratoire. Les plumes de grand-duc décrivaient une circonférence de plus en plus grande, de plus en plus rapide. Sous le mouchoir rouge qui se soulevait j'aper- cevais la bouche ouverte en un trou noir. » Nous avons là d'intéressants renseignements sur les modalités de

l'exercice : cercles de plus en plus grands, rythme de plus en plus rapide, respiration par la bouche. Puis le shaman tombe inerte ; ensuite il devient probablement l'instrument de ce qu'on appellerait dans le spiritisme moderne : une séance d'incorporation.

Mais revenons à un yoga plus classique. Ernest-E. Wood, dans La pratique du yoga ancien et moderne, insiste particulièrement sur l'importance de cette partie du corps dans le développement spirituel (page 213) et indique cinq exercices de cet organe (pages 215-216). A ce qu'il écrit nous ajouterons que le cou est l'organe de liaison entre la tête et le tronc, donc entre l'intelli- gence et la vie végétative, autant dire entre le corps et l'âme. Agir sur le cou, c'est agir sur le lien qui tient les deux. Peut-être est-ce pour cela que le cygne, l'oiseau blanc au long cou a été choisi comme symbole de Brahma. Mais retombons brutalement sur la terre. Le même auteur nous conseille de faire ces exercices aux cabinets (page 215). Nous n'aurions osé l'écrire s'il ne l'avait fait avant nous, et pourtant, reconnaissons-le, ce qui est le plus élevé se manifeste dans ce qui est le plus bas, et c'est un des miracles du yoga de fertiliser les instants les plus perdus, de se mêler ainsi, imperceptiblement, à la vie du monde, nous accompagnant toujours et jus- qu'aux instants les plus intimes.

Rapprochons-nous maintenant de l'Occident. Nous trouvons les derviches tourneurs de Chypre par exemple. Raymond Loir, dans Naturisme 56 (n° 70), nous rapporte ces propos du grand Tchekibi : « Quand nous accomplis- sons la sima (la danse), nous quittons ce monde et ce que nous voyons reste entre nous et le Créateur. »

Dirigeons-nous vers le nord. C'est en Macédoine que nous retrouverons des Derviches tourneurs et diverses sectes chez lesquelles les balancements sont en grand honneur. Anatol de Meibohm nous donne sur elles d'abondantes précisions dans Démons, derviches et saints : « Le corps tourne, mais l'âme ne sent plus la

pesanteur » (page 158). Voilà qui, déjà, nous laisse pré- sager de la valeur spirituelle de l'organe de l'équilibre. « Les saints dansent en tournant, chante un cheikh sur le son de la flûte et des tambourins » (page 154). C'est d'ailleurs parfaitement conforme à l'enseignement du prophète qui a dit à un disciple : « Faites tout ce que j'aurai fait. » Alors le prophète tourna trois fois de droite à gauche en disant à haute voix : « La ilaha illa allah. »

Les Riffaï, toujours en Macédoine, insistent davan- tage sur la respiration, et la combinent avec des balan- cements. Ceux-ci correspondent à certaines voyelles, et nous aurons l'occasion de revenir sur ces deux faits importants (page 106). Ces pratiques mystiques ont marqué l'âme du peuple, qui pense que se balancer le jour du printemps porte chance.

Nous noterons en passant la similitude avec le yoga, visible en particulier dans ce vers d'un chant Betachis : « Nous étions l'espace entre les sourcils» (page 117).

Et ne croyons pas que cette coutume appartienne à la seule religion musulmane ou aux sectes qu'elle influença. Toujours A. de Meibohm nous apprend qu'Abraham Samuel Aboulafi, un des fondateurs de la cabbale espagnole, qui vivait au XIII siècle à Saragosse, a écrit : « Si un homme veut entrer en contact avec l'esprit-Tout et avec le monde des esprits qui provient de lui, pour recevoir la révélation divine, il doit pro- noncer le nom tétragramme de Dieu, non pas seulement avec certaines modulations de la voix et avec des inter- ruptions courtes ou longues, mais avec des mouvements et inclinaisons pénibles du corps. Il entre ainsi en extase et tombe en sommeil, exténué. Pendant son sommeil, il aura le sentiment que son âme a quitté son corps... Dans cet instant, les plus hautes révélations sont communi- quées à l'homme. »

Ainsi, au XIII siècle, en Espagne, on savait que les balancements provoquent le dédoublement ; on ne peut

le dire plus clairement que ne l'a dit ce cabbaliste du Moyen âge. Mais dans la France matérialiste du XIX siècle, qui s'en est souvenu ?

Relevons enfin la précision qui nous est donnée : les balancements doivent être continués jusqu'à en être exténué, ce qui nous rappelle les pratiques analogues des Aïssaouas marocains ou des nègres.

Un peu plus loin de nous géographiquement, mais rapprochés par leur rapport possible avec le christia- nisme, nous découvrons les soufis. Hidayat Khan, qui représentait après guerre leur mouvement en France, nous a personnellement confirmé que les mouvements de la tête font partie de leur enseignement. Cette secte d'Asie Mineure et d'Afrique est apparentée au Zoroas- trisme, comme l'étaient autrefois les Esséniens. Or les découvertes récentes de manuscrits autour de la Mer Morte ne laissent aucun doute sur les rapports entre le christianisme et l'essénisme, le premier ayant été une sorte de divulgation partielle de la doctrine secrète de l'autre. Plus cette filiation historique sera démontrée, plus clairement apparaîtra qu'un certain nombre d'exer- cices physiques, parmi lesquels sont les balancements, faisaient partie du christianisme originel.

Certes, ils ont été éliminés du catholicisme moderne. Complètement ? A moins que les génuflexions répétées avec flexion de la tête en soient des souvenirs ? A moins aussi que le balancement de l'encensoir lors de l'élévation de l'hostie soit l'expression symbolique de la présence universelle, donc divine, du rythme, comme nous le verrons bientôt ?

Si le catholicisme a éliminé les exercices de balance- ment du corps dans un but spirituel, on ne peut nier qu'il ait conservé de la souplesse dans ses balancements politiques d'un bord à l'autre, qui lui ont valu sa péren- nité, témoignant ainsi contre vents et marées de son étonnante vitalité. Mais le mysticisme populaire, lui, n'a pu se passer pendant près de deux mille ans des

« tournoyements de teste » comme les appelaient les convulsionnaires de Saint-Médard. (Albert Mousset : L'étrange histoire des convulsionnaires de Saint-Médard, p. 123.) Certains faisaient des exercices qui, au dire des témoins, n'auraient pu être faits volontairement, « par exemple tourner la tête comme sur un pivot et avec beaucoup de vitesse et se trouver parfois le nez par derrière entre les deux épaules ». « Mais, dit Albert Mousset, le plus singulier, et c'est un phénomène qui vaut d'être médité, c'est que les convulsions élèvent ces petites gens au-dessus d'eux, parfois jusqu'aux cimes du plus pur mysticisme. » Oui, cela mérite vraiment d'être médité, car c'est l'aveu de la puissance mystique réelle, sanctifiante, des balancements faits correctement, et bien que les convulsionnaires de Saint-Médard nous aient prouvé par ailleurs que ces mouvements exécutés à tort et à travers ne sont pas sans rapport avec le cycle sado-masochique qui dort au fond de tout être. On peut se demander en particulier si la flagellation, par l'ondu- lation du fouet, n'est pas une transposition, une exté- riorisation, de l'ondulation de la colonne vertébrale au cours des balancements ; et tout ceci, de nouveau, n'est pas sans rapport avec la passion du Christ.

Si les convulsionnaires de Saint-Médard ont fait beaucoup de bruit dans l'histoire, on parle moins du courant réincarnationiste qui accompagna les convulsion- naires ; pourtant l'un affirme qu'il était la réincarnation d'Enoch, un autre celle d'Elie.

Aux antipodes de l'espace et du temps, des popula- tions restées à un stade préhistorique, au centre de l'Aus- tralie, confèrent aux jeunes une initiation au cours de laquelle ils apprennent que leurs ancêtres reviennent dans un nouveau corps. « Au cours de la cérémonie initiatique, ils jettent leur tête en avant jusqu'aux genoux et poussent des cris rauques en se relevant » (Jacques Villeminot, Boomeran, page 134).

Cela suffit à nous convaincre de la valeur mystique

des balancements de tout le corps ou de la tête, et de la vertu dissociante des composants matériels et éternels de l'être qu'on leur a, toujours et partout, attribués. Notre documentation est-elle épuisée ? Non, car c'est un livre entier qu'on pourrait consacrer par exemple aux preuves historiques de cette tradition chez les nègres. Mais des films documentaires sur ces peuplades, dont certains ont été télévisés, ont mis le public au cou- rant de l'essentiel. Les balancements latéraux pendant la récitation du coran sont moins connus, peut-être, de ceux qui n'ont pas voyagé en Islam. Mais les balance- ments antéro-postérieurs qui accompagnent les prières musulmanes sont peut-être susceptibles d'éveiller sub- consciemment chez les musulmans fidèles à ces pratiques ce que les Hindous appellent la force de Kundalini.. La flexion du corps au cours de la prière mahométane est, en effet, bien proche de certains exercices du yoga de Cazjoran Ali (cf. dans l'Hebdomadaire Consolation de Maryse Choisy une suite d'articles parus en 1936). Et ainsi peut-être s'expliquerait l'extraordinaire vitalité de ces peuples. Tout ceci ne peut être clairement com- pris qu'en gardant sans cesse présente à l'esprit l'expé- rience de ce mourant dont l'âme, se détachant du corps fibre après fibre, est arrachée à la matière par un balan- cement cosmique. Ainsi, par ce rythme, les religions nous détachent des biens de ce monde et c'est ce qui fait leur puissance.

Car, quelles que soient nos opinions, nous devons nous incliner devant un fait : les civilisations techniques dont nous sommes si fiers, gavées de connaissance et férues d'hygiène, et dont l'idéal est de prolonger la vie, reculent chaque jour davantage devant les anciennes cultures, dont l'idéal est non de prolonger, mais de renouveler la vie et pour qui, par suite, les soucis de la technique et de l'hygiène passent après ceux de la recherche de Dieu.

Nous avons montré à quel point le balancement de

la tête et même du corps est un exercice religieux universel. En est-il ainsi parce qu'il constitue un aspect de la vibration, du rythme, phénomènes bien plus universels encore ? Vouloir énumérer tous les balance- ments de la nature, tous ses rythmes, serait vouloir décrire la nature même dans sa totalité ; aussi c'est presque au hasard que nous choisirons quelques rythmes qui nous ont paru un peu plus en rapport avec l'aspect mystique de la vie.

Le balancement des saisons fut longtemps l'objet d'un culte ; fêtes du solstice d'hiver, fêtes du solstice d'été. Le soleil bas dans le ciel à midi, le soleil haut dans le ciel à la même heure, voilà peut-être ce que le soleil de l'esprit, enfermé tout éveillé au centre du crâne, cherche à imiter dans la course frénétique et rythmée des danses initiatiques.

L'arbre aussi se balance au souffle du vent. Compa- raison puérile ? Mais quel vent mystérieux de l'esprit soufflait donc sur notre mourant, lorsque son corps éthérique se balançait pour s'arracher fibre par fibre à sa dépouille physique ? Sur ce corps éthérique qui est décrit, avec ses nadis ou vaisseaux invisibles et ses lotus, comme ayant une structure très analogue à celle d'une plante ?

Quel occultiste qui ne se prétende plus ou moins en rapport avec le serpent de l'initiation, ce serpent dont le mouvement du corps est littéralement l'ondula- tion, la vibration faite vie ?

Et ce petit serpent, que l'homme moderne a décou- vert comme étant à l'origine de sa vie et qui a nom spermatozoïde, ne se propage-t-il pas vers l'ovule avec le même mouvement de son flagelle que le mystique impose à sa colonne vertébrale ? L'ondulation, élément fondamental de toute vibration, se retrouve encore dans le mouvement du plus simple des êtres organisés : la reptation du ver de terre. L'ondulation est donc la forme primitive du mouvement, de l'animé, comme de

l'inanimé ; elle est l'origine du mouvement, Dieu lui- même, dans son aspect mouvant.

La religion est-elle propre à l'homme ? Non point. Les bandes de singes en liberté ont chacune leur chef, leur roi, qui les entraîne à des gambades et salutations face au soleil levant. Cet acte sans utilité pratique paraît être une adoration de la force créatrice physique à qui ils doivent la chaleur et la lumière. C'est un acte de gratitude envers la nature, donc un acte religieux, semblable d'ailleurs à ceux de nombreuses tribus primi- tives. Leur chef est donc une sorte de prêtre-roi. Des manifestations d'ordre religieux ont été par ailleurs souvent notées chez des animaux en liberté.

Il ne faut donc pas rejeter de notre étude les balan- cements de la tête dans lesquels se complaisent certains animaux au repos, tels les ours. La religion est une force trop fondamentale pour être l'apanage de l'homme. Cherchons plutôt en chaque espèce animale la forme du culte qui lui permet d'entrer en contact avec l'autre monde. Les balancements de la tête paraissent bien constituer le rite religieux de plusieurs espèces animales. Que cela ne nous conduise pas à mépriser ces mouve- ments eux-mêmes, sous prétexte qu'il nous faut une religion à la hauteur de notre intellectualité. Toute notre science ne nous rend pas les instincts animaux que nous avons perdus, qu'il s'agisse de choisir l'herbe qui doit nous purger ou le gibier qu'il faut dépister. Suivons donc, s'il le faut, les espèces animales au long des conduits étroits qu'elles ont su parfois trouver pour se glisser vers le monde infini d'où viennent et où vont les ego de tous les êtres vivants.

II. — LES CANAUX SEMI-CIRCULAIRES, ORGANES DU DÉDOUBLEMENT

Ayant relevé la multiplicité historique et géogra- phique des traditions accordant une valeur mystique

et même initiatique aux balancements, il est naturel de chercher tout d'abord s'il existe dans nos connaissances physiologiques sinon une explication, du moins quelque fait important susceptible de jeter une lumière nouvelle sur ce rapprochement entre le sentiment religieux et ces mouvements de gymnastique et de danse.

Tout d'abord, remarquons qu'il est impossible de considérer les mouvements de la tête et du cou comme des exercices totalement indépendants du reste de la colonne vertébrale. Il suffit de se placer derrière le sujet pour se rendre compte que toute la colonne vertébrale est entraînée dans le mouvement, souvent inconsciem- ment et par le seul jeu des réflexes de posture qui nous font adapter notre corps aux nécessités de l'équilibre. D'ailleurs le yoga étant un développement complet de tout l'être, il est normal que chacune de ses parties y soit intéressée. L'extrémité céphalique est le segment de la colonne vertébrale le plus apte aux mouvements. Il est donc normal qu'ils y soient d'une plus grande amplitude. Il ne s'agit donc pas, en fait, de balancement de la tête, mais de mouvements serpentins de la colonne, avec prédominance à l'extrémité céphalique. Ainsi il n'y a aucune ligne de démarcation précise entre les mouve- ments enseignés par Galip, ceux des derviches tourneurs, ou les balancements modérés qui accompagnent les prières musulmanes, et ceux, d'une violence démesurée, que pratiquent les Aïssaouas.

Pour saisir leur mode d'action spirituel, souvenons- nous de ce principe fondamental du yoga que nous avons déjà développé (tome I, page 27) :

« L'attention aux sensations données par un organe des sens lorsque l'excitation extérieure a disparu conduit à la perception de l'élément spirituel correspondant à cet organe. »

Ces « sensations résiduelles » seront, s'il le faut, réactivées ; par exemple : le bourdonnement naturel de l'oreille sera intensifié par l'obturation du conduit

auditif avec le pouce repliant le tragus ; ou bien les phos- phènes visuels seront stimulés par la contemplation d'une lampe, pendant quelques instants, avant l'expé- rience elle-même (voir addenda, page 181).

Ici, nous allons réactiver certaines sensations in- ternes par ces mouvements de balancement. Nous y porterons d'autant mieux notre attention que nous les aurons analysées en détail.

Nous les ordonnerons d'après leur rapport avec les différentes densités de l'organisme.

Les premières sensations dues aux balancements poussés à fond sont des sensations de choc osseux. Dans le balancement antéro-postérieur de la tête, en particulier, ce choc des surfaces articulaires vertébrales est si important qu'il devient facilement audible par le sujet lui-même qui apprendra à différencier ce son du bruissement doux dû à la compression des muscles, sorte de crissement étouffé.

Des sensations variées proviennent ensuite des ligaments vertébraux. Ce sont les plus nettes.

Enfin le sujet perçoit nettement ses muscles, tendus ou comprimés, contractés ou allongés.

Cet ensemble touffu rappelle la complexité des sensations que nous procure la respiration et que nous avons déjà analysées (tome I, page 79, et surtout Respi- ration rythmique et concentration mentale, page 149).

Mais toutes les sensations que nous venons d'énu- mérer ne sont, au fond, que très secondaires et ne suffiraient pas à expliquer le sentiment intense, sui generis, de balancement.

Celui-ci est engendré par les perceptions que nous avons des changements de position de notre tête, per- ceptions provenant de notre organe de l'équilibre (les canaux semi-circulaires de l'oreille interne) ainsi que de l'utricule et du saccule.

Ainsi c'est par les terminaisons nerveuses de l'oreille interne que sont conduits à la conscience les principaux

renseignements qui caractérisent l'impression de se balancer.

Maintenant appliquons rigoureusement les principes du yoga, que nous rappellerons par un exemple fonda- mental :

Les yeux physiques contiennent un pouvoir latent, celui de la vue spirituelle, qui s'éveille par différents exercices du regard physique, sans doute parce que celui-ci agit sur un organe de perception spirituelle appelé « œil de Schiva ».

Par analogie, les canaux semi-circulaires physiques contiennent un pouvoir spirituel qui peut être éveillé par des exercices adéquats.

Quel est ce pouvoir ? Le labyrinthe de l'oreille interne nous donne la

notion de notre position par rapport à la verticale et, plus encore, nous renseigne sur les variations de cette position.

S'il vient à fonctionner purement subjectivement, c'est-à-dire sans déplacement réel du corps, sans excita- tion, mécanique ou autre, de ses terminaisons nerveuses, nous aurons la sensation subjective de déplacement de notre corps, bien que celui-ci, en fait, n'ait pas bougé. Or cela répond à la définition même du dédoublement puisque, au cours de celui-ci, le corps physique est en un lieu, l'expérimentateur lui-même dans un autre, que la conscience du sujet se sent unie à un corps, semblable au corps physique, qui est dans une autre position que le « vêtement momentanément délaissé », et que, de plus, ce vêtement de chair est immobile alors que le sujet dont la conscience est dans son double perçoit nettement des variations de position, le plus souvent d'ailleurs ascensionnelles. Ainsi, lorsque se produit une dissociation entre les excitations mécaniques telles que changement de position de notre siège); qui agissent sur les canaux semi-circulaires, et les sensations que nous

recevons par ceux-ci, la notion que nous avons de la position de notre corps ne coïncide plus dans l'espace avec le corps lui-même. C'est cet état que l'occultiste considère comme celui de dédoublement, et on peut avancer que le labyrinthe de l'oreille interne contient en lui l'organe du dédoublement conscient, tout comme les yeux physiques recèlent le pouvoir de la vue spiri- tuelle.

Cette conception peut paraître choquante à priori, car une objection vient immédiatement à l'esprit : le vertige vrai répond à la définition ci-dessus. C'est un phénomène physique et non spirituel.

Mais une analyse plus profonde de ce qu'est le vertige ne fait que nous confirmer dans notre opinion car ce phénomène contient deux éléments subjectifs, qu'on dissocie franchement en physiologie.

Dans le vertige vrai, le premier élément, la sensation prédominante est celle de rotation des objets autour du sujet, d'un déplacement du milieu environnant. Dans le dédoublement, au contraire, les objets sont perçus à leur emplacement habituel ; ils ne participent donc à aucun mouvement d'ensemble. Par contre, le sujet dédoublé perçoit des déplacements de sa propre personne par rapport aux points de repère habituels inchangés et, en plus, à son corps immobile, momenta- nément abandonné. Nous avons tendance à confondre ces deux phénomènes, parce que nous sommes tous plus ou moins imprégnés, même à notre insu, des conceptions relativistes. Mais celles-ci sont adaptées à l'étude de la matière. L'observation des mondes internes, occultes, nécessite une plus grande attention aux phénomènes subjectifs.

Y a-t-il néanmoins dans le vertige un rudiment de dédoublement, un embryon d'initiation ? Faut-il le ranger à côté des phosphènes et du membre fantôme des amputés, parmi ces phénomènes à la frontière du corps et de l'esprit ?

C'est probable, car une observation attentive de son vertige permet au sujet de discerner le deuxième élément : une sensation purement subjective de dépla- cement du corps, en sens inverse des objets. Cette sensa- tion seule nous intéresse, et tout ce que nous avons à dire encore du vertige est à son sujet.

La sensation subjective de mouvement sera donc ici nettement séparée de la sensation illusoire de rotation du champ visuel, dont nous ne nous occuperons plus.

Nous avons expliqué (T.I.P. 104-7) comment une attention intense appliquée aux sensations musculaires qui subsistent pendant la relaxation conduit à la per- ception d'un membre qui ne coïncide plus avec le membre physique, et nous avons accumulé les arguments pour prouver que ce membre n'est pas une illusion nerveuse, mais un élément du corps éthérique. De même, dans le vertige qui persiste après des rotations rapides, la sépa- ration entre le corps physique, qui est immobile au repos, et la sensation interne par laquelle le sujet, surtout les yeux fermés, continue à se sentir tourner, cette sépara- tion n'est pas pure hallucination, car le corps éthérique, ou double, continue effectivement de tourner.

La sensation de déplacement du corps qui persiste après l'arrêt du fauteuil tournant est, pour le neuro- logue, une illusion sensorielle. Pour l'occultiste, il s'est réellement produit un décalage entre le corps physique et les corps invisibles, et, dès lors, il va chercher à exploiter ce décalage.

Comment cela ? Par l'entraînement qui, dans tous les domaines, conduit à des effets surprenants.

Cet entraînement aura deux effets :

1° Atténuer les inconvénients du vertige ; 2° Augmenter la sensation de séparation entre

la conscience et le corps.

ACHEVÉ D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DES IMPRIMERIES RÉUNIES

DE CHAMBÉRY EN NOVEMBRE MCMLIX

Dépôt légal : 4 trimestre 1959. N° d'Éditeur : 85.

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de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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