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Titredel’éditionoriginale:Grayson’sVow©2015,MiaSheridan

Pourlaprésenteédition:Photosdecouverture:©Shutterstock

et©iStockpourlatextureboisCouverture:MarionRosière

CollectiondirigéeparHuguesdeSaintVincentOuvragedirigéparSylvieGand

©2017ÉditionsHugoRomanDépartementdeHugoetCie

34-36,rueLaPérouse,75116Pariswww.hugoetcie.fr

ISBN:9782755630497

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

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Celivreestdédiéàmagrand-mère,quiatoujourseupourmoidebonsconseils,uneoreilleattentive,etuncœurremplid’amour.Tumemanqueschaquejour.

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«Mêmeuneviefaitedejoiesnepourraitexistersansunepartd’ombre,etlemotheureuxperdraittoutsonsenss’iln’étaitpasponctuédechagrins»

CarlJung

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SOMMAIRE

Titre

Copyright

Dédicace

CHAPITRE1-KIRA

CHAPITRE2-GRAYSON

CHAPITRE3-KIRA

CHAPITRE4-GRAYSON

CHAPITRE5-KIRA

CHAPITRE6-GRAYSON

CHAPITRE7-KIRA

CHAPITRE8-KIRA

CHAPITRE9-GRAYSON

CHAPITRE10-KIRA

CHAPITRE11-GRAYSON

CHAPITRE12-KIRA

CHAPITRE13-GRAYSON

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CHAPITRE14-KIRA

CHAPITRE15-GRAYSON

CHAPITRE16-KIRA

CHAPITRE17-KIRA

CHAPITRE18-GRAYSON

CHAPITRE19-KIRA

CHAPITRE20-GRAYSON

CHAPITRE21-KIRA

CHAPITRE22-KIRA

CHAPITRE23-GRAYSON

CHAPITRE24-GRAYSON

CHAPITRE25-KIRA

ÉPILOGUE-GRAYSON

REMERCIEMENTS

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CHAPITRE1

«Netetourmentepas,monamour,l’universéquilibretoujourslabalance.Sescheminspeuventêtremystérieux,maisilssonttoujoursjustes»

IsabelleDallaire,“Grand-mère”

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KIRAParmi toutes les mauvaises journées que j’avais pu passer, celle-ci était sûrement la pire. Et

pourtant, il n’était queneufheuresdumatin.En sortantde lavoiture, jeprisunegrandeboufféed’airparfumédecette find’étéetmedirigeaivers laNapaValleyBank. Jesentais lachaleurétouffantedecettesuperbematinéem’envelopper,etladouceodeurdujasminmechatouillerlesnarines.J’ouvrislaporte vitrée de la banque. La beauté paisible de cette journée tranchait avec mon humeur maussade.Quelleprétentiondemapart.Commesilamétéodevaits’accorderàmonétat.

–Puis-jevousaider?medemandaunecharmante jeunefemmealorsquejem’approchaisdesonguichet.

–Oui,dis-je,ensortantdemonsacmapièced’identitéetunvieux livretd’épargne.Jevoudraisfermercecompte.

Jeposailesdeuxdocumentssurlecomptoir.Uncoindulivretétaitcornéetlaissaitapparaîtredeschiffres griffonnés parma grand-mère lorsqu’ellem’apprenait à garder une trace des dépôts que nousfaisionsensemble.Cesouvenirme transperça lecœur,mais jeme forçaiàoffrir à la jeune femmeduguichetcequej’espéraisêtreunsourireradieuxpendantqu’elleprenaitlelivret,l’ouvraitetcommençaitàentrerlenuméroducomptesursonordinateur.

Jerepensaialorsaujouroùnousavionsouvertcecompte.Jedevaisavoirdixanset,accompagnéedemagrand-mère,j’avaisfièrementdéposécinquantedollars,gagnéspourl’avoiraidéeàjardinertoutl’été.Nousavionsprisl’habitudedevenirrégulièrementdanscettebanquependantlesvacancesdanssamaisondeNapa.Entreautreschoses,magrand-mèrem’avaitenseignélavraievaleurdel’argent:ilestprincipalementfaitpourêtrepartagé,pouraiderlesautres,etilpermetégalementuneformedeliberté.Lefaitquejeneroulepassurl’or,quej’aipeudeperspectivesetquelesseulsbiensmatérielsquejepossèdesetrouventdanslecoffredemavoituremeprouvequ’elleavaitcruellementraison:sansargent,j’étaistoutsauflibre.

–Deuxmillequarante-septdollarsetseizecents,meditlaguichetière.Satisfaite,j’acquiesçai.C’étaitmêmeunpeuplusquecequej’espérais.Voilàunebonnesurprise,

carj’avaisbienbesoindechaquecentime.Jerespiraiprofondémentetcroisailesmainssurleguichetenattendantqu’elleaitfiniderecompterlatotalitédelasomme.

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Unefoisl’argentrangédansmonportefeuilleetlecompteclos,jesouhaitaiunebonnejournéeàlajeunefemme.Avantdesortir,jem’arrêtaiàlafontained’eau.

Tandisquejesavouraislafraîcheurdansmabouche,unevoixmeparvintd’unbureauvoisin:–GraysonHawthorn,ravidevousrencontrer.Monsangseglaça, jemeredressai lentement,enessuyantmachinalementdupouce l’eausurmes

lèvres.GraysonHawthorn…GraysonHawthorn?Je connaissais ce nom. Je me souvenais de son effet sur moi, de la manière dont je me l’étais

murmuréinlassablementpourlesentirvibrersurmeslèvres,cefameuxjour,danslebureaudemonpère.Je me revoyais lui apporter une tasse de café, jeter un coup d’œil furtif sur ce dossier, qu’il avaitimmédiatementrefermé.Était-ilpossiblequecesoitlemêmeGraysonHawthorn?

M’aventurantplusprèsdubureau,jenevisriend’autrequelaportecloseetlestoredelafenêtrebaissé.Jedécidaialorsdemeréfugierdans les toilettes,de l’autrecôtéducouloir,àquelquespasdel’endroitoùsetrouvaitledénomméGraysonHawthorn.

Unefoisàl’intérieur,jeverrouillaileloquetetm’adossaiaumur.J’ignoraisqueGraysonHawthornvivaitàNapa.SonprocèsavaiteulieuàSanFrancisco,c’étaitdonccertainementlàqu’ilavaitcommissoncrime.Jen’avaisjamaissupourqueldélitilavaitétéjugé,jesavaissimplementquemonpères’étaitintéresséàcetteaffairependantunecourtepériode.Jememordislalèvreet,toutenmeregardantdanslemiroiraccrochéau-dessusdulavabo,jemelavaipuismeséchailesmains.

Je poussai doucement la porte pour essayer de mieux entendre leur conversation, mais seulesquelques voix étouffées me parvenaient. Soudain, la porte s’ouvrit, et, en me penchant, j’aperçus unhommeencostume,probablementl’undescadresdel’agence.Ilentradanslebureau.Ilfermaderrièreluisansserendrecomptequelaporteétaitrestéetrèslégèremententrebâillée,cequimepermettaitdesaisirquelquesmots.Colléecontrelaportefissuréedestoilettes, j’essayaidenouveaud’entendreleurconversation.

Vraiment,Kira?Tacuriositéestscandaleuse!C’estuneviolationdelavieprivée.Et,pire,celan’aaucunintérêt.

J’ignorailavoixdemaconscience,etmeremisàécouter.Jechasseraivitecetactepeuglorieuxdemamémoire.Etpuisaprèstout,personned’autrequemoi

n’avaitbesoind’êtreaucourant.Quelques mots me parvenaient : « Pardon… criminel… ne peut pas donner… cette banque…

malheureusement…»Criminel?ÇadevaitforcémentêtreGraysonHawthorn.Quelleétrangeetimprobablecoïncidence.

Jenesavaispresqueriendelui.Àpartsonnom,lefaitqu’ilavaitétéaccuséd’uncrime,etquemonpèreavaitétél’undeceuxquil’avaitutilisécommeunpion.D’ailleursGraysonHawthornetmoiavionsçaencommun : avoir été un jouet dans les mains de mon père. Il avait ruiné tant de vies avec si peu deremords, qu’il était rarequ’il se souviennedunomde sesvictimes.Quoiqu’il en soit, j’étais en traind’écouterauxportesdanslestoilettesd’unebanque,etmacuriositémaladivenemesemblaitpasêtreuneraison suffisante pour justifier ma conduite. Je respirai profondément, puis m’apprêtai à sortir quand

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j’entendislegrincementd’unechaise,quicessaaussitôt.Ilsvenaientcertainementd’ouvrirlaportecaràprésent,j’entendaisclairementleurdiscussion.

–Jesuisdésolé,MonsieurHawthorn,jenepeuxpasapprouvervotredemandedecrédit,disaitleconseiller,lavoixpleinederemords.Sivousaviezdavantagedevaleursoud’actifs…

Unevoixgraveluicoupalaparole,celledeGraysonsansdoute.–Jecomprends.MercipourvotrepatienceMonsieurGellar.Avantderefermerlaportedestoilettes,j’eusletempsd’apercevoirlasilhouetted’unhommegrand,

auxcheveuxbruns,vêtud’uncostumegris.Jemelavailesmainsunefoisdeplus,pourgagnerdutemps,puisquittaicetendroitexigu.Enpassant,jejetaiuncoupd’œilrapideaubureauetvisunhommeassis,encostumecravate,absorbéparcequ’ilétaitentraind’écrire.L’hommeencostumegrisétaitdoncbienGraysonHawthorn,etilavaitcertainementdéjàquittélabanque.

Jefisquelquespasdanslarueparcettemagnifiquejournéed’étépuismontaidansmavoiture.Jeprisuneminutepourobserverpar lavitre lecœurde lavillehistorique : toutétaitparfait,des storesimmaculésornant les devanturesdes commerces auxpots de fleursmulticoloresdécorant les trottoirs.J’adorais Napa, du centre-ville jusqu’aux quais. J’aimais aussi la campagne environnante avec sesvignoblescroulantdefruitsmûrsjaunevifenété,etsesfleurssauvagesenhiver,lesfameusesmoutardesblanches.C’était làquemagrand-mères’étaitretiréeaprèsledécèsdemongrand-père,làquej’avaispassétousmesétés,danscettepetitemaisonavecsonimmenseperronquidonnaitsurSeminaryStreet.Désormaisjelavoyaispartout,j’entendaissavoix,etjesentaisenmoisonesprittendreetmagnétique.Magrand-mèreseplaisaitàdire:«Aujourd’huic’estpeut-êtreunetrèsmauvaisejournéemaisdemainpourraitêtrelemeilleurjourdetavie.Tudoissimplementpatienteravantquecejourn’arrive.»

J’inspiraiprofondément,commepourchasserlasolitudequimegagnait.Oh,mamie,siseulementtuétaisencorelà.Tumeprendraisdanstesbrasettumediraisquetoutvabiensepasser.Et,commecesparolesviendraientdetoi,j’ycroirais.

Jefermailesyeux,melaissaiallercontrel’appui-têteenchuchotant:–Aide-moimamie. Je suisperdue. J’aibesoinde toi.Fais-moiunsigne.Dis-moiceque jedois

faire.S’ilteplaît.Leslarmesquejeretenaisdepuissilongtempsbrûlaientmespaupièresetmenaçaientdecouler.Au moment où j’ouvris les yeux, un mouvement dans le rétroviseur côté passager attira mon

attention. Je tournai la tête et découvris un homme grand, bien bâti dans un costume gris…GraysonHawthorn!

Je sursautai légèrement, le souffle coupé. Il se tenait debout, contre l’immeuble proche de mavoiture,àdroitedemonpare-chocs,lemeilleuremplacementpourquejepuisselevoirsansbouger.Jem’enfonçai justeunpeudansmon siège,mepenchai en arrièrepuis tournai légèrement la têtepour leregarder.

Adossé aumur, lesyeux fermés, il avait l’air effondré.EtmonDieu, il était…époustouflant ! Ilavait la carrure somptueused’un chevalier portant une armure.Ses cheveuxnoirs, presque trop longs,bouclaientsursoncol.Maisc’étaitseslèvresquiétaientvraimentdévastatrices!Ellesétaienttellement

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sensuelles que mes yeux voulaient les fantasmer encore et encore. Je le contemplai en essayant demémoriserchaquedétaildesonvisage.Puismonregardsemitàvoyagersursasilhouettemajestueuse.Soncorpsétaitenparfaiteharmonieavecsavirilitéintense,ilétaitmuscléetélégant,avecdesépauleslargesetunetaillefine.

Oh,Kira,tun’aspasvraimentletempsdereluquerdescriminelssurletrottoir!Tesproblèmessont un tout petit peu plus urgents ! Tu es à la rue et, soyons honnête, complètement désespérée.Concentre-toidonclà-dessus!

Jememordillailalèvre,incapabledelequitterdesyeux.Quelcrimeavait-ilcommis?J’essayaisde détournermon regardmais quelque chose en luim’attirait. Et ce n’était pas uniquement sa virilitésaisissantequimecaptivaittant.Enfait,jemesentaistrèsprochedelui,tantsonairtristeetgravefaisaitéchoàcequejeressentais.

«Sivousaviezdavantagedevaleurs…»–Est-cequetoiaussituesdésespéré,GraysonHawthorn?murmurai-je.Etpourquoil’es-tu?Soudain, il redressa la tête et semassa les tempes tout en regardant autour de lui.Après l’avoir

dépassé, une femme fit volte-face pour admirer son corps de haut en bas. Il ne la remarqua pas et,heureusement pour elle, elle se retourna juste à temps pour éviter un lampadaire. Je pouffaiintérieurement.

Graysonfixaittoujoursl’horizon.Pendantquejel’observais,unsans-abriquifaisaitlamanchesansrécolter lamoindrepièce, sedirigeavers lui.Plus il s’approchaitde lui,plus je retenaismonsouffle.PardonMonsieur,maisilsembleraitquecethommesoitlui-mêmedansunesituationencorepirequelavôtre.

Àmagrandesurprise,quandlemendiantarrivaàsahauteur,Graysonn’hésitaqu’uncourt instantavantdeluidonnerdel’argent.Jecroismêmequ’illuidonnatoutcequ’illuirestait.Jen’enétaispassûrecarj’étaisunpeuloin,maissonportefeuillesemblaitdésormaistotalementvide.GraysonsalualeSDFquin’arrêtaitpasdeleremercier,puisl’observaquis’éloignait.Ilsedirigeaensuited’unpasfermedansladirectionopposée,puisdisparutdemavue.

«Monamour,observelecomportementdesgensquandilspensentquepersonnenelesregarde.Tusaurasainsiquiilssontvraiment.»

Lesparolesdemamierésonnaient,commesielleétaittoutprèsdemavoiture.Jepoussaiunpetitcrienentendantlasonneriestridentedemontéléphoneetattrapaimonsacsurlesiègepassagerpourycherchermonportable.

C’étaitKimberly.–Salut,murmurai-je.–Kira,pourquoituchuchotes?medemanda-t-elle,lavoixtrèsbasseaussi.Jem’enfonçaidanslesiègeetm’éclaircislavoix:–Excuse-moi,lasonneriem’asurprise.JesuisàNapa,dansmavoiture.–Tuaspufermerlecompte?–Ouais.Ilyavaitplusdedeuxmilledollars.

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–C’estgénial.C’estunebellesomme,non?Jesoupirai.–Oui.Çavamepermettredetenirquelquetemps.J’entendais lesgarçonsdeKimberly rireen fond,elle leurparlaenespagnolpour les faire taire,

couvrantletéléphonedesamain,avantdereprendre:–Tusaisquetueslabienvenueàlamaison,situveux.–Jesais.Merci,Kimmy.Maisjenepouvaispasfaireçaàmameilleureamie.ElleetAndy,sonmari,étaiententassésdans

unminuscule appartement àSanFrancisco avec leurs jumeauxdequatre ans.Àdix-huit ansKimberlyétaittombéeenceinteetlorsqu’elleavaitapprisqu’elleattendaitdesjumeaux,çaavaitétéunchoc.Elleet Andy avaient toutefois réussi à surmonter cette épreuve, sans avoir une vie facile pour autant. Ladernièrechosedontilsavaientbesoinc’étaitqueleuramie«SDF»dormesurleurcanapé,etmettelesnerfsdeleurfamilleàrudeépreuve.SDF…J’étaisSansDomicileFixe…

Jerespiraiprofondément.–Net’inquiètepas,jevaistrouverunplan,luidis-jeenmemordillantlalèvre.Un sentiment dedétermination avait chassé le désespoir que j’avais ressenti toute lamatinée.Le

visagedeGraysonHawthornm’apparutalorscommeunflash.–Kimmy,est-cequetuasdéjàeulesentiment…qu’uneroutes’ouvraitdevanttoi?Quetuyvoyais

enfinclair?Kimberlygardalesilenceuninstantavantdereprendre:–Ohnon…Non,jeconnaistropcettevoix.Jesensquetuesentraind’élaborerunplanquejevais

devoir–probablementsanssuccès–teconvaincred’abandonner.Rassure-moi, tunet’espasremisentêtedetetrouverunmarisurleNet?Parceque…

Jeluicoupailaparole:–Pasvraiment…Laissetomber.Kimberlygrommela:–Nemedispasquetuasencoreeuunedetes«TrèsMauvaisesIdées»trouvéessuruncoupde

tête?Undetestrucscomplètementgrotesquesetpotentiellementdangereux.Jesourismalgrémoi.– Oh arrête. Ces idées soi-disant « Très Mauvaises Idées » sont rarement grotesques, et quasi

jamaisdangereuses.–Ahoui ?!Et la fois où tu as voulu commercialiser unmasque«bio»pour le visage avec les

herbesdetonjardin?Jesouris,jevoyaisexactementoùellevoulaitenvenir.–Ah,ça?Maformuleétaitpresqueaupoint.Enfait,j’auraismêmepulecommercialisercemasque

simoncobayen’avaitpasété…–Tum’asteintlevisageenvert.Impossibledelefairepartir!J’aipasséunesemainedanslecorps

delaFionadeShrek.

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Jememisàglousserdoucement.–Bon,d’accord,cetteidéen’apastrèsbienfonctionné,maisonavaitdixans.–OK,etàseizeansquandonafaitlemurpouralleràlafêtedeCarterScott?–Çaauraitpumarchersi…commençai-jeàargumenter.–Lespompiersontdûvenirmesauversurtontoit!–Tuastoujoursétéunetrouillarde,dis-je,ensouriant.–Età l’époquedelafac, lafoisoùtuesrentréepourlesgrandesvacancesetquetuasorganisé

cettesoiréeasiatiqueoùonatousdûvenirenkimono,etoùtuassurtoutfaillitousnoustuer?–Uneerreurdanslechoixdesproduits.Commentjepouvaissavoirqu’ilfallaitundiplômepour

cuisinercepoisson?Detoutefaçon,c’étaitilyauneéternité.–C’étaitilyadeuxans!Ellefaisaitminederesterdemarbre,maisausondesavoix,jesavaisqu’ellesouriait.Soudain,j’éclataiderire.–OK,tuasgagné,petitemaligne.Etmalgrétoutça,tum’aimesquandmême.–Oui,soupira-t-elle.Jenepeuxpasm’enempêcher.T’estropmignonne.–Çac’estdiscutable,jecrois.–Non,dit-ellefermement.Pasdutout!Tonpèreestunconnard,maistusaisdéjàcequejepense

detoutça.Etpuismaintenantmachérie,ilfautquetuarrivesàparlerdecequis’estpassé.Çafaitunan,etmêmesijesaisquetut’enremetsàpeine,tuasbesoinde…

Jesavaisqu’ellenemevoyaitpas,maisjesecouailatêteenmemordillantlalèvre.–Pasencore,luidis-jedoucement.Mercidem’avoirfaitrirecommeça,maistusaisKim,jesuis

vraimentdansuneimpasse.Etpeut-êtrequec’estd’une«TrèsMauvaiseIdée»dontj’aibesoin.Je ne pouvais pasmasquer la petite fêlure dansma voix à la fin dema phrase.Kimberly savait

toujoursmeremonterlemoral,maislàvraiment,j’avaispeur.–Jesais,Kira.Àsontonetàladouceurdesavoix,jesentaisqu’ellemesoutenait.–Etmalheureusement,situnetedécidespasàfairemarcherleréseaudetonpère,tuseraspeut-être

condamnéeàbossercommeserveusejusqu’àcequetusachesvraimentcequetuveuxfaire.Jesoupirai.–C’estpossible,maislesfourneaux,cen’estpasmontruc.–Tumarquesunpoint.J’entendaisunautresouriredanssavoix.–Quoi que tu fasses, on sera toujours lesKira etKimmyKats,OK ? Pour toujours.On est une

équipe,dit-elle,seréférantaunomdugroupequej’avaiscrééquandonavaitdouzeans.J’avaiseul’idéedenousfairechanterdanslaruepourgagnerdel’argent.J’avaisvuunreportageà

latélésurdesenfantsquimouraientdefaimenAfrique.Monpèreavaitrefusédemedonnerdel’argentpour parrainer l’un d’entre eux. Finalement, on s’était faites attraper en sortant de lamaison dans leshorribles costumes que j’avais fait avec des cartons et du ruban adhésif.Monpèrem’avait privée de

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sortieetd’argentdepochependantunmois.LamèredeKimberly,quiétaitnotregouvernante,m’avaitdonnélesvingt-deuxdollarsdontj’avaisbesoinpournourriretéduquerKhotso.Ellem’aidaégalementpourtousceuxquisuivirentcar,aprèscetépisodeetlapunitiondemonpère,jenepouvaispluspayeravecmonargent.

–Pourtoujours,luidis-je.Jet’aime,KimmyKat.–Jet’aimeKiraKat.Maintenant,jedoistelaisser,lesgarçonssontsurexcités.J’entendaisleséclatsderireetleshurlementsdeLevietMicahrésonner,ainsiquelebruitdeleurs

petitspiedsquimartelaientlesol.–Calmez-vous,lesgarçons!Etarrêtezdecrier!Kimberlys’époumonaitentenantletéléphoneà

distance.Çavaallercesoir?–Oui,toutvabien.Jepensequejevaismêmefaireunefolieetprendreunechambred’hôtelpas

chèreàNapa.Puisj’iraimarcherlelongdelarivière,çamepermettrademesentirprochedemamie.Je ne lui dis pas que ce matin, j’avais fait mes valises en urgence ni que je m’étais enfuie de

l’appartementquemonpèrem’avaitlouéenpassantparlasortiedesecours,pendantqu’ilfrappaitàlaporte d’entrée en hurlant. Pour ne pas l’inquiéter davantage, je ne lui dis pas non plus que, ce quej’appelaismes«affaires»étaiententasséesdanslecoffredemavoiture…Maismaintenantj’avaisunpeud’argentetuneTrèsMauvaiseIdéequimetrottaitdanslatête,pastotalementaboutie,certes,maistoutdemêmedéfendable.

D’ailleurs,dansmonillustrepalmarèsdeTrèsMauvaisesIdées,celle-cipourraitbiendécrocherlepompon!

Évidemment, j’allais approfondirmes recherches avant deme lancer. Puis je ferai une liste despointspositifsetnégatifs–çam’atoujoursaidéàyvoirplusclair.Carceplan-làexigeuneréflexionpréalable.

–Paixàsonâme.Tagrand-mèreétaitunedameincroyable,ajoutaKimberlyensoupirant.–Oui,c’estvrai.Embrasselesgarçonspourmoi.Jet’appelleraidemain.– D’accord. À plus tard. Au fait, Kira, je suis vraiment heureuse que tu sois revenue. Tum’as

beaucoupmanqué.»–Toiaussitum’asmanqué.Bye,Kimberly.Je raccrochai et restai assise dans ma voiture quelques minutes de plus. Je pris ensuite mon

téléphoneetmemisàchercherunechambred’hôtelabordablesurInternet.

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CHAPITRE2

GRAYSON–Lapompen’estpasréparable,Monsieur,onvadevoirlachanger.Jepestai intérieurementet rangeaimacléàmolettedans laboîteàoutils,enmeredressant. José

avaitraison.Appuyécontrecettepompequineservaitplusàrien,j’acquiesçai,toutenessuyantlasueurdemonfrontd’unreversdebras.Encoreunepiècequidevaitêtreréparéeouremplacée.

Josémeregardaitavecsympathie.–Enrevanchel’égrappoirfonctionne.Ilestcommeneuf.–Bon,aumoinsunebonnenouvelle,répondis-jeenattrapantlaboîteàoutilsquej’avaisapportée.Uneminusculebonnenouvelleadditionnéeàlasériedesmauvaises.Enfin,jeprendscequivient.–Merci,José.Jevaismedébarbouiller.Joséhochalatête.–Desnouvellesdelabanque,Monsieur?Jem’arrêtai,sansmeretourner.–Ilsontrefusémademandedecrédit.CommeJoséne réagissaitpas, jecontinuaiàmarcher. Jepouvaispresquesentir son regarddéçu

brûlermondos.J’avaispromisdecontinueràfairetournerlevignoblefamilial,etriensurTerren’étaitplus important pour moi. Mais José, lui, avait une famille à nourrir et son petit dernier n’avait quequelquessemaines.Sij’échouais,jeneseraispasleseulsansemploi.

Sivousaviezdavantagedevaleurs…Je serrai la mâchoire tant ces mots m’avaient fait du mal, leur sens allant au-delà de la valeur

financière.Ilsmerappelaientquejen’avaisjamaisétéunhommedevaleur.Sivousaviezdavantagedevaleurs…Si,eneffet.Avecdes«SI»onmettraitParisenbouteille.J’avaisécumé les«et si»demavieunnombre incalculablede fois.C’étaitunepertede temps

douloureuse.Detoutefaçon,jen’avaispasbesoind’uneraisondepluspourmemépriser.J’avais d’ailleurs décidé de chasser ces pensées de mon esprit. Je m’étais senti glisser

dangereusement vers l’auto-apitoiement, et je savais d’expérience que c’est un abysse dont il est très

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difficile de sortir. À la place, je m’étais drapé dans la froideur pour faire face au désespoir, et mepermettreainsidecontinueràfairemontravail.

Ducoup,jemesouvinsquemonpère,lui,m’avaittrouvédigne.Etpuisj’avaisfaitlevœudenepaslelaissertomber,pascettefois.

Quandjesortis,lesoleilbrillaitencorefièrementencettefind’après-midi.L’odeurdesrosesquemabelle-mèreavaitplantéesilyasilongtempsremplissaitl’air,etjepercevaismêmelebourdonnementparesseuxd’uneabeille.Jem’arrêtaipourobserverlesinterminablesrangéesderaisinsquimûrissaient,etlafiertémefitbomberletorse.Çaallaitêtreunebonnerécolte.Jelesentaisauplusprofonddemoi.Ilfallait qu’elle le soit. Cette pensée me permettait de tenir. Mais le problème, c’était que si monéquipementn’étaitpasprêtàl’automne,jenepourraisrienfairedemesfruits.J’avaisvendupresquetoutcequiavaitdelavaleurdansmamaisondefamillepourfinancerlaplantationdecesceps…

Quelquesminutesplustard,jemetrouvaidanslamaison,unegrandedemeureenpierreconstruiteparmonpère,conçuedansunespritvintage,aveclecachetdel’ancien.Ensontemps,c’étaitunebellebâtisse,maisaujourd’hui,commelematérieldevinification,elleavaitbesoindetravaux.Or,jen’avaisabsolumentpaslesmoyensdefinancercestravaux…

–Lapompen’estpasréparableWalter,lemaîtred’hôteldelafamilledevenuhommeàtoutfaire,mesalua.Jeserrailesdents:–Ilparaît.– J’ai fait une liste de tous les équipements pouvant être réparés, et ceux qui nécessitent d’être

remplacés.Ilyauncodecouleurenfonctiondespriorités.Génial!Toutcequimemanquait:unepreuvevisuelledudésespoirdemasituation…Enpassantdevantlecourrierposésurlaconsoleduhall,j’arrêtaiunesecondedem’auto-flageller.–Tuesaussimonsecrétaire,Walter,maintenant?–Ilfautbienquequelqu’uns’encharge.Tenircettemaisondemandebientropdetravailpourune

seulepersonne,Monsieur.–Permets-moidevousposerunequestion,Walter.–OuiMonsieur.–As-tufaitunelistedesmoyensquimepermettraientdepayerpourtouscescodescouleurquiont

besoind’êtreréparésouremplacés?Waltersecoualatête.–Non,Monsieur,jen’aiaucuneidéequevousn’auriezpasdéjàenvisagée.Maisj’espèrequema

listevousserautile.–Paslemoinsdumonde,Walter,dis-jeenmedirigeantversl’escalierprincipal.Etjet’aiditun

milliondefoisdem’épargnervos«Monsieur».Tum’asvunaître.Je ne méritais pas de titre particulier en plus.Walter en valait trois commemoi, et il en avait

sûrementconscience.Cependant,jesavaisqu’ilneperdraitjamaissonprofessionnalisme.WalterPopplewellvenaitd’Angleterreetétaitdanslafamilledepuisplusdetrenteans.Ils’éclaircitlavoix:

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–Etilyaquelqu’unpourvous,Monsieur.–Quiest-ce?luidemandai-jeenmeretournant.–Quelqu’un,àlarecherched’unemploi,Monsieur.Jelevailesyeuxauciel.DouxJésus.–Trèsbien, jevaismedébarrasserdelui.Peux-tujustemedirequelgenred’idiotvient icipour

trouveruntravail?Walterdirigeasonregardvers lacuisineoùj’entendaissafemmeCharlotte,magouvernante,rire

avecquelqu’un.En entrant dans la pièce, je découvris un homme assis à la grande table en bois, une assiette de

cookiesposéedevantlui.Quandilmevit,ilselevabrusquement,faisanttomberl’assiettequisebrisaenmillemorceaux.

–Ohmince ! s’écriaCharlotteenposant sur lapaillasse leverrede laitqu’elleétaiten traindeservirpourveniràsonaide.Nevousenfaitespas,Virgil.Occupez-vousdeparleràMonsieurHawthorn,moi,jevaisnettoyer.N’ypensezplus.

L’hommequisetenaitdevantmoiétaitmassif,unetailleXLauminimum.Ilportaitunechemiseàrayureskaki,rougeetbleu,etunecasquettedesGiants.Sonvisagerondsemblaitapeuré,etsonregardoscillaitentrel’assiettebriséeetmoi.

Jem’approchaipourlesaluer.–GraysonHawthorn.Ses yeux se posèrent sur ma main tendue. Il la serra fébrilement, et, au moment où son regard

rencontraenfinlemien,jecomprisàsonaircandidequ’ilétaitmentalementretardé.BonDieu.–MonnomestVirgilPotter,Monsieur…Hawthorn…Grayson…Monsieur.Il lâcha ma main en fixant timidement le sol, observa ensuite Charlotte qui balayait, grimaça

légèrement,puismeregardaànouveau.–Commelesorcier,Monsieur,saufquemacicatricen’estpassurlefrontmaisdansmondos,carje

suisrestétropprèsdenotrechauffageélectriquequandj’étais…–Quepuis-jefairepourvous,MonsieurPotter?–Oh,paslapeinedem’appeler«Monsieur»,Monsieur.JusteVirgil.–D’accord,Virgil.Charlotte,àgenouxsurlesol,mefusilladuregard.Jel’ignoraietrestaiconcentrésurVirgil.Ilhésita,sebalançantd’unpiedsurl’autre,enregardantànouveauCharlotte,quilevalesyeuxvers

lui, souritethocha la tête. Il retira lacasquettedebaseballdesa tête,commes’ilvenaitdese rendrecomptequ’ilavaitoubliédel’enlever,etlaserradanssesgrandesmains.

– J’espérais, Monsieur… En fait… Je cherche un emploi, Monsieur… Et je me disais que jepourraistravaillerpourvous.J’aientendudesgensenvilledirequevousalliezavoirbeaucoupdemalàfaireprospérervotrevignoble,etjepensaisquejepourraisvousaider.Jeviendraispourpascher,carje

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saisquejenesuispasaussiintelligentqued’autres.Maisjesuisunvéritableforçat.Mamèremel’adit.Jepourraispeut-êtrevousêtreutile?

Je soupirai. Il ne manquait plus que lui. J’étais déjà pris à la gorge par mon personnel, passuffisammentnombreuxpourmesbesoins,maisc’étaientlesseulsquejepouvaismepermettredegarder,et surtout les seulsqui étaient restés. Jepouvaisdifficilement enembaucherundeplus.Encoremoinsquelqu’unqui,sansnuldoute,travailleraitsansrelâche.

–Virgil…Jecommençaisàleremercier,maisilmecoupalaparole:–Voyez,Monsieur,mamaman, elle ne peut plus faire desménages à cause de son dos car elle

souffretrop.Etsijenetravaillepas,nousn’auronsplusassezd’argentpournousensortir.Jesaisquesiquelqu’unmedonnemachance,jeseraiunemployémodèle.

BonDieu.JejetaiunregardglacialàCharlottequiétaitentraindeviderlapelle.Elleétaitderrièretoutça.

Quecroyait-elle?Quandcet endroit serait en faillite,Walter et elle se retrouveraient au chômage. Jefermailesyeuxuneseconde,puislesrouvris.

–Virgil,jesuisdésolé,maisje…–Jesais,enmeregardant,vousvousditescertainementquejenesuispasd’unegrandeutilité,mais

jepeuxl’être.Jelesais,Monsieur.Jepeuxtravaillerpourvous.Sesgrandsyeuxd’enfantétaientremplisd’espoir.Sivousaviezdavantagedevaleurs…Les morceaux cassés de l’assiette tintèrent dans la poubelle, et, même si elle était occupée,

Charlottenemequittaitpasdesyeux.Jepinçailabouche.Sivousaviezdavantagedevaleurs…– Très bien, Virgil. Vous êtes engagé, lui dis-je, en regardant Charlotte dont les lèvres très

légèrementétiréeslaissaientdevinerunpetitsourirediscret.QuandmonattentionrevintàVirgil,sesyeuxbrillaient.Jelevailamain,commesicegestepouvait

tempérerl’intensitédesonbonheur.–Mais je nepeuxpasvouspayerbeaucoup, et nous allonsdevoir faireun essai, d’accord ?Un

mois,etonverracommentvousvousensortez.Vousdevezsavoirquenoustravailleronsparfoistardlesoir.Ilyadesdortoirsauniveaudesinstallationsviticoles.Sivousn’avezpasdevoiturepourrentrerchezvous,vouspourrezydormir.

Maisautrainoùallaientleschoses,cevignobleserait-iltoujoursenactivitédansunmois?Virgilacquiesçaexagérément,tordantsapauvrecasquettedanssesmains,àuntelpointqu’elleétait

sûrementdevenueimmettable.–Vousne le regretterezpas,Monsieur.Non, je nevais pasvous laisser tomber. Je suis ungros

travailleur.– D’accord, c’est bien, Virgil. Revenez demainmatin pour remplir le contrat, et apportez votre

pièced’identité.Neufheures,d’accord?

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Virgilhochaittoujourslatête.–Jeserailà,Monsieur,mêmeplustôt.Jeserailààseptheures.–Neufheuresc’estbien,Virgil,etvouspouvezm’appelerGrayson.–Oui,Monsieur,Grayson.Neufheures,d’accord.Virgil tourna son grand corps maladroit, salua Charlotte en souriant, puis quitta rapidement la

cuisine,probablementpouréviterquejenechanged’avis.PendantqueVirgils’éloignaitdelamaison,jerestaideboutfaceàlafenêtre,etpassaienrevuelesarbresquilongeaientl’alléejusqu’augrandportailenacieràl’entréedelapropriété.Jepestaiintérieurementpourlacentièmefoisaujourd’hui,et jetaiànouveauunregardglacialàCharlotte.

–Sijeneteconnaissaispasaussibien,jediraisquetuvoulezmamort.–Ah,pourtantvouslesavezbien,mongarçon.Toutcequejesouhaite,c’estvotresuccès.Biensûrquejelesavais.Maisjegrommelaiquandmême,pourlaforme.Charlottemesouritetfredonna,penchéeau-dessusdel’évier.Jesortissansrienajouteretmedirigeaiversladouche.Jenelefaisaispassouvent,maiscesoir,

j’allaismesaouleràmort.

***

Ce matin, le soleil tapait à travers les fenêtres, plongeant l’entrée dans une lumière dorée. Jedescendis les escaliers, beaucoup trop tôt d’ailleurs, sachant que j’étais rentré à la maison il y aseulementquelquesheures.Jereculaid’unpasoudeuxpournepasêtreébloui.Matêtemefaisaitunmaldechien,maisjel’avaisbienmérité.Letempsd’unesoirée,l’alcoolm’avaitfaitoubliermesproblèmeset,rienquepourcela,çaenvalaitlapeine.Touslesjours,jetravaillaisdel’aubeaucoucherdusoleil,etpourtant cela ne suffisait pas. Alors après l’épisode d’hier, à la banque, je méritais bien une nuitd’ivresse.Unhommenormalnepouvaitpassupportertoutça.

–Gray,monchéri,ilyaquelqu’unquisouhaitevousrencontrer.Bonjour.Charlottemesouritaumomentoùj’arrivaiaupieddel’escalier.–Oh,dit-elleenfronçantlessourcils.Vousressemblezàcesdéchetsquelechatrapporteparfois,

vousnetrouvezpas?J’ignoraisadernièreremarque.–Quiest-ceencore?Etdesibonmatin?Quelle nouvelle ne pouvait pas attendre une heure décente ? Le soleil se levait à peine, etmoi

j’avaisl’impressiond’êtreenenfer.–J’imaginequec’estencorequelqu’unquicherchedutravail?Uncul-de-jattepeut-être?Charlottesourit.–Jeneluiaipasdemandél’objetdesavisitemaisjenecroispasqu’ellecherche

dutravail.Elleatoussesmembres,etellevousattenddansvotrebureau,dit-elleensouriant.–Elle?

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–Oui,c’estunejeunefemme.Elles’appelleKira.Trèsbelle,meditCharlotteenmefaisantunclind’œil.

Finalement,peut-êtrequelajournéenecommençaitpassimal.Saufs’ils’agissaitd’unefilleavecquij’avaiscouché,etquej’avaispréféréoublier.

J’avalai deux cachets d’aspirine, attrapai une tasse de café dans la cuisine, et me dirigeai versl’entréedelamaison,danslegrandbureauquiappartenaitjadisàmonpère.

Unejeunefemmevêtued’unerobeample,decouleurcrème,faited’unematièrequiressemblaitàdelasoieetceinturéeàlataille,setenaitdosàmoi,parcourantl’imposantebibliothèquequifaisaitfaceàlaporte.Jem’éclaircislavoix,elleseretourna,surprise,enmettantlesmainssursapoitrine,etlaissatomber le livre qu’elle feuilletait. Elle écarquilla les yeux, puis se baissa pour ramasser, en riantdoucement.

–Désolée,vousm’avezfaitpeur.Elle se releva, et tout en s’approchant vivement de moi : – Désolée, euh, désolée. Grayson

Hawthorn,c’estça?Elleposalelivresurleborddubureauetmetenditlamain.Elleétaitde taillemoyenne,mince,avecdescheveuxcuivrésmagnifiques, tirésenunequeue-de-

chevalsévèreaubasdesanuque.Pasmongenre,maisCharlotteavaitraison,elleétaitjolie.J’avaisunepréférence pour les grandes blondes élégantes. Une en particulier, en fait.Mais je décidai d’oublieraussitôt cette pensée douloureuse. Aucun intérêt à ressasser cette histoire. C’est seulement lorsque ladénomméeKiras’approchaquejeremarquaisesgrandsyeuxbordésdecilsépais,ainsiquesessourcils,delamêmecouleurquesescheveuxsomptueux,soulignantdélicatementsonregard.Maisc’estlateintedesesyeuxquimerenversa.Jamaisjen’enavaisvud’aussiverts.Ilsétaientéblouissants,commedeuxémeraudes. J’eus le sentimentque cesyeuxavaient vudes choses commeaucuns autres.Ensorcelants.Magnétiques.J’enavaislesoufflecoupé.

Jereculailégèrement,recentraimonregard,etluiprislamain.Elleétaitpetiteetchaude.Sachaleurvoyageadepuismonbrasjusqu’àmondos.Jefronçailessourcilsetenlevaimamaindelasienne.

–Etvousêtes?Jenem’attendaispasàcequeletondemavoixsoitsidistant.–Kira,dit-ellesimplement,commesiçasuffisait.Kirafermasesyeuxsomptueux, jesentisalors

unepointedemécontentement.Ellesecoualatêtelentement,avantdemeregarderànouveau.–Pardon,maisçavousennuiesions’assied?Jeluimontrailachaisequisetrouvaitfaceaugrandbureauenacajou.Jeposaimatassedecafé,

puisallaim’asseoirdanslefauteuilencuirjustederrièrelebureau.–Voulez-vousunetassedecafé?luidemandai-je.JepeuxappelerCharlotte.Qu’est-cequecettefillepouvaitbienvouloir?Sonvisagenem’évoquaitrien.–Non,merci,dit-elleensecouantlatête.Ellem’enadéjàproposéun.Une mèche de cheveux glissa de sa queue-de-cheval, elle fit une petite moue ennuyée tout en

essayantdelareplacer.

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J’attendais. J’avais toujours mal à la tête, et alors que je massai distraitement mes tempes, jeremarquaiquesonregardsuivaitmamain.Jenepouvaism’empêcherdel’observer.

Ellerespiraprofondément,etseredressatoutencroisantlesjambes.Sachaiseétantplacéeloindemonbureau,mesyeuxpouvaientfacilementseperdrelelongdesesmolletsgalbés,deseschevillesfinesjusqu’àsapairedesandalesàtalonsbleues.Lesacquisetrouvaitmaintenantsursesgenoux,étaitbrodéde perles assorties à ses chaussures. Je ne connaissais rien à lamode,mais je savais reconnaître leschosesdevaleur.Mabelle-mèreaucœurdepierreavaitétél’incarnationmêmedel’élégance.

–Jeneveuxpasvouschasser,maisj’aibeaucoupàfaireaujourd’hui.Elleécarquillalesyeux.–Oui.Bien sûr. Je suis désolée.Dans ce cas, je vais aller droit aubut : j’ai une affaire à vous

proposer.Jelevaiunsourcil.–Uneaffaire?Ellehochalatête,toutenjouantaveclelongcollierenorqu’elleportait.–Oui,ehbien,enfait,MonsieurHawthorn,jesuisicipourvousdemanderenmariage.J’éclataiderire,recrachantpresquelagorgéedecaféquejevenaisdeprendre.–Excusez-moi?Sesmagnifiquesyeuxprirentalorsuneteinteindescriptible.–Vousavezbienentendu,jepensequec’estuneidéequipeutcertainementnousêtrebénéfique.–Etcommentpouvez-vousavoir lamoindre idéedecequimeseraitbénéfique,Mademoiselle…

Quelestvotrenomdefamille?Vousnemel’avezpasdit.Ellelevasonpetitmenton.–Dallaire.MonnomdefamilleestDallaire.Ellemeregardacommesielleattendaituneréactiondemapart.–Dallaire?Jeprisuntemps,fronçailessourcils.Jeconnaissaiscenom.–Dallairecommel’ancienmairedeSanFrancisco?–Oui.Elle leva son menton plus haut. Ah, elle était hautaine. C’était en tout cas ce que révélait sa

gestuelle.Elleétaitdelafamille«royale»despolitiques.Unehéritière.Jenesavaispasgrand-chosesurFrankDallaire,exceptéqu’ilavaitétémairependantdeuxmandats.Ilétaitextraordinairementriche,pas uniquement grâce à sa carrière politique, mais, d’après mes souvenirs, grâce également à desplacements immobiliers. Ou quelque chose dans le genre. Il était systématiquement sur la liste deshommeslesplusrichesdupays.AlorsqueDiablesafillefaisait-elleici?

– Je répètemaquestion,MademoiselleDallaire, qu’est-cequ’unmariage avecmoipourrait bienvousapporter?

Ellesoupira,enprenantunairunpeumoinshautain.–Jesuisdansuneimpasse,MonsieurHawthorn.Monpèreetmoinoussommes…

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ellesemorditlalèvreuneseconde,semblantêtreàlarecherchedumotjusteéloignés.Pourparlerfranchement,j’aibesoind’argentpourvivre,poursurvivre.

Jel’observaiuneseconde,puisricanaidoucement.– Dans ce cas, je peux vous assurer,Mademoiselle Dallaire, quem’épouser ne vous serait pas

profitable.Bienaucontraireenfait.Onvousamalinformée.Ellesecoualatêteetsepenchaenavant.–Cequim’amèneaupointquinousprofiteraàtouslesdeux.–Jevousenprie,ditesm’endavantage,luirépondis-je,nepouvantmasquermalassitude.Jememassaiànouveaulestempes.Jen’avaisvraimentpasletempspourcesbêtises.Elleacquiesça.–Ehbien,j’aiapprisquevotrevignobleest…commentdire…unéchec,etque,pourfairecourt,

vousavezbesoind’argent.Lafaçondontcettegossedericherésumaitmasituationmerenditfouderage.Jeretiraimamainde

matempeetluijetaimonregardleplusglacial.–Etcommentsavez-vousça?Ellerelevadenouveausonmenton.–J’aienquêtésurvous.–Ah.–Enfait,j’étaisàlabanquehier.J’aiaccidentellemententenduunepartiedevotreconversation.On

vousarefuséuncrédit.Je me figeai pendant que ses joues rougissaient. Eh bien, elle avait au moins l’élégance d’être

embarrassée.–Accidentellemententendu,moncul!Sonpetitmentonseredressaencore.Lacolère,etaussiunepointed’humiliationsurcequ’elleavaitpuentendre,fitcourirunedécharge

électriquedansmondos,meforçantàmeredresser.–Vousm’avez grossièrement espionné lors demon rendez-vous à la banque, avez fait quelques

recherches surGoogle, etmaintenant vous pensez connaîtrema situation ?Qu’est-ce que c’est que cebordel?

Son expression s’adoucit et sa langue rose vint mouiller sa lèvre inférieure. Mon corps réagitinstantanémentàcepetitmouvement,etjemeforçaiaussitôtàtempérermesardeurs.Jen’étaispasattiréparlapetiteprincessearroganteassiseenfacedemoi.Deplus,j’étaisavecunefemmelanuitdernière,Jadeuneblondequisentaitlapastèque…oubienétait-cel’ananas?

Elle avait été très entreprenante. Et pourtant, même cette escapade m’avait laissé vaguementinsatisfait…etempestantlasaladedefruits!Jemeconcentraiànouveausurlarousseassiseenfacedemoi.Ouétait-ellebrune?C’étaitpresquelemélangeparfaitdesdeux…Commesisescheveuxlisaientdansmes pensées, une autremèche s’échappa de sa queue-de-cheval. Kira la fit glisser derrière sonoreille.

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–Jenepensepasconnaître tous lesdétailsdevotresituation.Mais jesaisquevousavezbesoind’argent,etqu’ilvousrestepeudesolutions,enparticuliercomptetenudevotre…casier.

Lerosecoloraànouveausesjouesivoire,puisellecontinua:–Moiaussij’aibesoind’argent.Jesuistoutautantdésespéréequevous,enfait.Jelaissaiéchapperunsoupir.– Je suis sûrque sivousalliezvoirpapa, tout celapourrait être réglé.Leschoses sont rarement

aussidramatiquesqu’ellesn’yparaissent.Saufdansmasituation.Sesyeuxmefusillèrent,pourtantl’expressionsursonvisagerestaneutre.–Non,dit-elle.Leschosesneseréglerontpasavecmonpère.Nousavonseuunegrossedisputeily

aplusd’unan.–Hum.Etcommentavez-vousfaitdepuis?Ellefitunepause,commesielleévaluaitcequ’ellepouvaitrépondre.–J’aivoyagé.Pour faire du shopping probablement. Ou bronzer. Je balayai à nouveau du regard ses jambes

légèrementhâlées.Etmaintenant,safortunes’étaitenvoléeetPapan’allaitplussubveniràsesbesoins.Quelletragédie.

–Avez-vousquelquechosecontrelefaitdechercheruntravail?Avez-vousfaitdesétudes?–Macarrièreuniversitaireaété…courte.Etnon,biensûr,jen’airiencontrelefaitdechercherun

emploisibesoin.Maisjemecontenteraidedirequejesuisvenueiciaujourd’huiaveclaconvictionquej’ailepland’actionidéalpournousdeux.

Matêterésonnaitencore.Qu’est-cequej’enavaisàfairedesasituationdetoutefaçon?– Bien, pouvons-nous couper court à cette discussion maintenant ? Comme vous l’avez si

sommairementrésumé,mapropriétévinicoleestunéchec.J’aidoncbeaucoupdetravailaujourd’hui.–C’estvrai.Bon.Vousvoyez,MonsieurHawthorn,magrand-mère, lamèredemonpère,vivait

modestement, mais grâce à certains investissements de mon grand-père, elle est morte avec pas mald’argent.Ellel’aléguéàsesdeuxpetits-enfants,dontmoi,l’autreétantuncousinquejeneconnaispasbien.Cependant,elleastipulédanssontestamentquenousrecevrionsnotrehéritagesoitànostrenteans,soitennousmariant,cettedernièreoptionétantvisiblementlaplusrapide.

Jemerassisencroisantlesdoigts.–Etdonc,poursuivit-elle,mapropositionest lasuivante :nousnousmarions,nouspartageons la

fortunedemagrand-mère,et,auboutd’unan,nousdemandonsledivorce.Jelevaiunsourcil.–Partagerlafortune?Decombiend’argentparlons-nousexactement?–Septcentmilledollars.Moncœursemitàbattreplusvite.Troiscentcinquantemilledollars.C’étaitencoreplusque le

crédit que j’avais espéré que la banque m’accorde. Ce serait plus qu’assez pour réparer toutes lesmachinesetrénoverlamaison.Assezpourmettreenbouteillelevinquisetrouvaitdanslesfûts.Assez

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aussipourembaucheraumoinsdeuxemployés.Etsilanouvellerécolteétaitaussibonnequejel’avaisprédit,cettepropriétévinicoleseraitànouveauflorissantedansunan.Jepourraistenirlapromessequej’avaisfaiteàmonpère.

Jerestaisilencieux,passimplementpourévaluercequ’ellevenaitdedire,maisaussipourlamettremalàl’aise.Cequineservitàrien.Finalement,jerépondis:

–Intéressant.Iln’yapasdeclausesurladuréequenousdevronspasserensembleunefoismariés?Soulagée, elle secoua la tête, partant du principe quema question voulait dire que j’envisageais

cetteidéefolle.Est-cequejel’envisageaisvraiment?D’ailleursest-cequec’étaitvraimentsérieux?Ilyavaitforcémentunpiège.

C’étaittropabsurdepourêtrevrai.J’avaisdesdébutsdevertige,etpasuniquementàcausedelagueuledebois.

–Non,maismonpèreserait…mécontents’ilsavaitque,pourobtenirl’argentquemagrand-mèrem’alégué,jevousaiépouséetqu’ensuitej’aipartagél’héritageavecvous…quin’êtespersonne.

Elleeutl’aird’êtretraverséeparunepenséequejen’arrivaispasàdeviner.–S’ilavaitlemoindresoupçonsurlefaitquecesoitunfauxmariage,ilpourraittrèsbiententerde

contesterlepaiementdel’héritage.Ilestdoncdansnotreintérêt,àtouslesdeux,defaireensortequecemariage paraisse le plus authentique possible. Cependant, comme je vous le disais, mon père etmoisommesenfroid.Aussij’imaginequenousauronsàfaireleminimumd’efforts,maisilfaudraquecesoitsuffisammentconvaincant.

Je haussai les sourcils, prenant un peu de temps pour réfléchir à tout ce qu’elle venait de dire.C’étaitdélirant,incroyable.

–Attendez,vousn’êtespasunedecescingléesquim’écrivaientenprisonpourmedemanderenmariage,n’est-cepas?

Elleécarquillalesyeux.–Quoi?–Oui, ilyenavaitbeaucoup.Apparemment,certaines femmessont trèsexcitéesparcegenrede

choses.–Pourquelleraison?Pourquoi?Ellesecoualégèrementlatête,commesiellenecomprenaitpascommentlaconversationavaitpu

dérailleràcepoint.Elleavaitl’airsincèrementtroublée.Jesouris.–D’aprèscequejesais,lesfemmesaimentlesvoyous.Ellem’adressaunregardperplexe.–Jepeuxvousassurerquejenesuispascegenredefemme.Jehochailatêtelentement.–Ehbien, c’est unebonnenouvelle, parceque jepeuxvous assurerque, de toutemanière, vous

n’êtespasmongenre.Elleseredressa,raidecommeunpiquet.

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–C’estencoremieux.Cequejevousproposec’estdubusiness,riendeplus.Elledétournaleregard.Jenepouvaisplusvoirsesyeuxensorceleurs,etquandelleseretournases

jouesétaientrosesànouveau.–Cependant,çaauraitl’airsuspectquejenevivepasici,etfranchement,MonsieurHawthorn,j’ai

besoind’unendroitoùhabiter.Donc,jemesuisditqu’enéchangedevotrehospitalité,jepourraisfairevotrecomptabilité.Jesupposequevousn’avezplusbeaucoupdepersonnel.

Jem’adossaiànouveauàmonsiège.–Jesuisimpressionnéparvosrecherches,MademoiselleDallaire.Oui,effectivement, j’aidûme

séparer de mon comptable. Et de ma secrétaire. Et de la plupart de mes employés aussi. Mais fortheureusement,aucund’entreeuxn’afinisouslesponts.

Elleacquiesça.–Jesuisdouéepourleschiffres.J’aitravaillécommestagiairedansleservicecomptabilitédemon

père.Jeconnaisbienleslogicielsdesaisie.Jepourraistravaillerpourvousenéchanged’unechambreetdesrepas,et,bienévidemmentaussi,dansunsoucidecrédibilité.Jenedispasqu’ilfaudraquejeviveicitoutel’année,peut-êtreseulementdeuxoutroismois.Enfait,jusqu’àcequejesoissûrequemonpèreaacceptélemariageetm’ignoreànouveau.Jepourraisalorsm’éloignerdiscrètement,etnousn’aurionsplus jamais besoin de nous voir sauf, bien sûr, au tribunal pour le divorce. C’est d’une simplicitéenfantine. Et très temporaire. Bien entendu, nousmettrons tout ceci noir sur blanc. Et s’il vous plaît,appelez-moiKira.

Jelascrutaipendantunlongmoment,notantaupassagelafaçondontellevenaitdesortirtoutcela.Elle était brillante et sûre d’elle, mais était-ce le fait d’être assise ici, en face moi, qui la rendaitnerveuse?Jel’affrontaiduregard,maisellenedétournapaslesyeuxetrestademarbre.

–Etqueferez-vousavecvotrepartdecetargent,Kira?Sijepeuxmepermettredevousposercettequestion.

Elles’éclaircitlavoix.–Ehbien,enplusd’yvivre,jesuisengagéedansplusieursorganismescaritatifsàSanFrancisco.

L’un des centres est dans une situation désespérée et devra fermer s’il ne trouve pas les fondsnécessaires.

Jeluisouris,crispé.Ah.Toutcommemabelle-mère.Unehéritièreavecuneviedésœuvrée.Jelarevoyais,montantdanssaBentleypourallersauverlespauvrespaysansdelafamine,luipermettantainsidepasserpourunephilanthrope,avantdeseprécipiterchezLouisVuittonpourcomplétersacollectiondebagages.

–Jevois.Qu’est-cequeçapouvaitbienme fairede savoircequ’elle feraitde sonargentetquelétait son

but?Jedevaisseulementmepréoccuperdemapropresituation.–C’estunepropositiontrèsinhabituelle.Jevaisyréfléchiretjereviendraiversvous.Jecommençaiàmerelever.–Bon,écoutez,j’aibesoind’uneréponserapide.

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Elle parla vite et elle était légèrement essoufflée. L’effet qu’elle avait surmon corpsm’agaçait.Mon corps, ou plutôt la partie située entremes jambes, s’agita à nouveau.Bordel !Et je devais bienreconnaîtrequecettepartiedemoimanquaitsouventdediscernement…

Jemerassis.– Je voudrais pouvoir vous accorder plus de temps pour réfléchir, Monsieur Hawthorn, mais

malheureusement,lescirconstancesmeforcentà…Jelevailamainpourl’empêcherdecontinuer.–Jevousrecontacteenfindejournée.Oùserez-vousjoignable?Elleprituntempsavantderépondre:–JeseraiauMotel6cesoir.Jepeuxvousdonnermonnumérodeportable.Motel6?MonDieu,laprincesseétaittombéebienbas.Effectivement,sasituationsemblaitplutôt

désespérée.Jelaregardaiattraperunpost-itetunstylosurlecoindemonbureauetécriresoigneusementsonnumérodetéléphone.Jeleprisetlejetainégligemmentsurletasdepapiersendésordre.Ellesuivitmongesteduregard,puiselleditenmefixant,leslèvresserrées:

–Jepeuxvousassurerquemapropositionesthonnête.–C’estfortprobable…Biensûr,ilfaudraquejerencontrel’exécuteurtestamentairedevotregrand-

mère.Maisj’aiencorebesoind’yréfléchir.Jedoispenseràl’incidencequepourraientavoirlesautresaspectsdecettetransactionsurmavie.Criminel,c’estunechose,maiscrimineletdivorcé?Commentvais-jefairepourempêcherlesfillesdesejetersurmoi?

Elleplissasesyeuxextraordinaires.–Oui,ehbien,s’ilexistaituneautreoption,moinonplus jen’envisageraispascelle-là.Croyez-

moi.Cette princesse ne savait visiblement pas ce qu’était un vrai problème. Alors que nous nous

observions, une étincelle s’alluma brièvement dans ses yeux. Sous son air de femme d’affairesdécontractée,ellecachaitdifficilementunfortcaractère.Commeje l’avaisdeviné, ilyavaitaussiunepetite sorcière dans cette princesse.Nous étions tous les deux silencieux, nous guettantmutuellement,quandellesepenchalégèrementcommesielleattendaitquelquechose.Quejelaremerciepeut-être?

–Passezunebonnejournée.Jerestaiassiscettefois.Ellepouvaittrouverlaportetouteseule.Elleselevalentement,tendantle

braspourque jepuisse luidireau-revoir.Jemeredressaiet luipris lamainpour lasecondefois.Lamêmevaguedechaleurm’envahitàsoncontact,etjemeretiraiaussitôt.KiraDallairefitvolte-face,sonpetitmentonhautainenl’air,etsortitdemonbureausansseretourner.

Jemedirigeaivers la fenêtreet soulevai le store. Je la regardaimarcherversune Jettablanche.J’étaisétonnéqu’elleconduiseunevoituresidiscrète.Unefoisauniveaudelaportièreetalorsqu’elles’apprêtaitàmonter,elles’arrêtapourcontemplerlevignoble.

Ilyavaitquelquechosedanssonexpressionquimedonnaitmalgrémoil’enviedelarejoindre,àtelpointquejefaillismecognerdanslafenêtre.Qu’est-cequeçapouvaitbienêtre?Sonintérêtpourcetendroitdélabré,pensai-je.Maisilyavaitautrechose.Sacompréhensionpeut-être?

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Avantquejenepuisseyréfléchirpluslongtemps,ellegrimpaàl’intérieurdesavoitureetclaqualaportière.Uneminuteplustard,ellepassaleportailetdisparut.J’étaispeut-êtreinjusteavecelle.Pourtants’ilyavaitquelqu’unquipouvaitcomprendreleseffetsnéfastesdujugementdesautres,c’étaitbienmoi.C’étaitsansdoute justeàcausedemagueuledebois,etparcequ’ellem’avait faitpenseràmabelle-mère.Etbiensûr,ilyavaitlefaitqu’elleaitdébarquéicietm’aitouvertementproposéunmariageblanc.ÀmoinsqueKiraDallairenesoitpasexactementcequ’ellelaissaitparaître…

Jeme rassis à mon bureau, puis j’allumai mon ordinateur pour chercher son profil sur Google.Après tout, c’est elle qui avait commencé.À peine eus-je tapé son nomque toute une série d’imagesapparut:KiraDallaireenrobedesoirée,sortantd’unelimousine;KiraDallaireàlapremièred’unfilmdansteloutelcinéma;KiraDallairesetenantprèsdel’hommequiétaitsûrementFrankDallairelorsd’un gala de charité. Toujours avec le même petit sourire, à la fois crispé et hautain. Sur plusieursclichés,elleétaitauxcôtésd’unbeaujeunehommeblond,quisemblaitavoiraumoinscinqoudixansdeplusqu’elle.Jecliquaisurl’unedesphotosetluslalégendequiidentifiaitlecouple:CooperStrattonetsafiancéeKiraDallaire.Fiancée?Jeregardailadate,c’étaitilyaunpeuplusd’unan.Était-celaraisondesa«courte»carrièreuniversitaire?Avait-elletoutabandonnépourdevenirunedecesrichesépousesmondaines?

Jecliquaisurplusieursarticles,etmonméprisgrandissaitàmesurequej’assemblaislespiècesdupuzzledelapersonnequ’étaitréellementKiraDallaire.Iln’yavaitaucuneinformationdirecte,maisilétaitassezfaciledelireentreleslignes.

Kira était fiancée à Cooper Stratton, un jeune assistant du procureur local qui visait la coursupérieure de San Francisco, quand elle fut impliquée dans un scandale plutôt embarrassant. Alorsqu’elle se trouvait dans un penthouse du St. Regis Hotel, la rumeur courut qu’elle faisait usage dedrogues.Danslebutdelaprotégeretpourqu’ellesoitsoignée,sonpèrel’avaitenvoyéedansuncentrededésintoxication.PlusprobablementunesortedespaamélioréàLondresouParis !Sonfiancéavaitalorsrompuleurengagement.Quipourraitleluireprocher?

Maismaintenant,elleétaitderetouretsonpère…Etsonpèrequoid’ailleurs?Nefinançaitpluslaviedejet-setteuseàlaquelleelles’étaithabituée?Refusaitdeluidonnerdel’argentjusqu’àcequ’ellepuisseprouverqu’elleétaitprêteàchangersonstyledevie?Biensûr,jenefaisaisquedessuppositions.Quoiqu’ilensoit,KiraDallairesemblaitbiendécidéeàprendreleschosesenmains.

Jenem’étaispastrompésurelle:elleétaitexactementcommemabelle-mère.Unefemmequiavaitétégâtéeparlavieettrouvaitçaparfaitementnormal.Unepersonneégoïstequiattendaitquelemondeentier seplie à savolonté.Etquandcen’étaitpas le cas, elledétruisait tout sur sonpassage, sans sesoucierdeceuxqu’ellefaisaitsouffrir.

Je me penchai en arrière un instant pour mieux faire le tour de la question. Jamais je n’auraisimaginéuntelréveil.

Nousétions tousdeuxdésespérés,chacunànotremanière.Unequestiondemeurait :étais-jeàcepointmisérablepouroffrirmonnom,mêmetemporairement,pourdel’argent,etainsisauvercevignobleetréalisermonrêve?

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Quelquechosesurl’écrandel’ordinateurattiramonattention:unepetitephotoaubasdel’articlequej’avaislu.Jecliquaidoncdessuspourl’agrandir.

C’étaitunautreclichédeKiraDallaireetCooperStratton.Samainpossessiveétaitposéesursesreins,ilsouriaitfièrement,etellelevaitversluiunvisageépanoui.Monregardseconcentrasursajouedroite.Elleavaitunefossette.Lapetitesorcièreavaitunefossette.Mêmesimavieenavaitdépendu,jen’auraispaspuexpliquerlaraisonpourlaquelleceminusculedétailaccéléraitmonpoulsàcepoint.

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CHAPITRE3

KIRAIlressemblaitàunprince,maissi jedevaislechoisirpouruncontedefées, jeleprendraispour

jouerlerôleduDragon!Undragonodieux,quicrachedesflammestoutenvousjugeant.Cen’étaitpastrèssurprenant,macapacitéàjaugerlesgensétantmalheureusementtotalementnulle.

J’enavaisdéjàfaitl’expérience.Assezdouloureusement,d’ailleurs.Toujours est-il que je n’étais pas préparée à ce qu’il me toise avec autant de dédain. Oui, je

reconnaissaisquemonoffreavaitdûluisemblerchoquanteaudépart.Maisenl’occurrence,jeluifaisaisune faveur ! Je lui offrais de l’argent, enfin presque… Il y avait tout demême un prix à payer, je lereconnaissais:jeluidemandaisdesemarierpourdel’argent.Jenepouvaispasniercettecruellevérité.Maisj’avaisfaituneliste,et,àmonavis,ilyavaitbeaucoupplusde«pour»quede«contre»pourluicommepourmoi.Mêmesi les«contre»pesaient très lourdetpouvaient,sansdoute, fairepencher labalance.Malgrél’effortquej’avaisfaitpourluiproposerl’offred’unemanièretrèsprofessionnelle, ilm’avaitregardéeavecunprofondmépris,commesij’étaislapoubelledelaveille.Et,lefaitqu’avantcelajemesentedéjàcommelapoubelledelaveillenefaisaitqu’aggraverunpeupluslasituation!

Plusilsemontraitcondescendant,plusilmeregardaitdefaçonironique,plusjedevenaisnerveuse,hésitante et vexée. Je détestais ça. Toutema vie j’avais connu ce sentiment tristement familier d’êtreméprisée.

En plus, il m’avait dit que je n’étais pas son genre ! Comme si ça comptait. Ça n’avait pasd’importance.Pasdutout.Pasmêmeuntoutpetitpeu.Jen’avaisbesoinquedemonargentpourêtresongenre…

Maisalorspourquoicelam’avaitblessée?Jesoupirai.Ilavaitditqu’ilallaitm’appelermais,vulamanièrebrutaleaveclaquelleilm’avait

congédiée,jen’ycomptaispastrop.Bon,j’auraisessayé.EncoreuneautredemesTrèsMauvaisesIdées.GraysonHawthornm’avaitd’ailleurslaisséentendred’unevoixvirileet légèrementagacéequec’étaitexactement ce qu’il en pensait. La question était donc de savoir ce que j’allais faire maintenant ?Retournerchezmonpèreétaitinenvisageable.Jepréféraisencoredormirdanslarue.Oudanslefoyerdesans-abris. Mon cœur se serra en pensant à ce centre. Qu’est-ce qu’ils allaient faire maintenant ?Tellement de choses dépendaient de ma capacité à récupérer l’argent que mamie m’avait laissé.J’imaginequej’auraispumegarern’importeoù,ettrouvermilletypesdanslarueàquij’auraispufaire

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lamêmepropositionqu’àGraysonHawthorn.Ou,commenousenavionsplaisantéavecKimberly,mettreuneannonce sur Internet. Jepourraisvendremavoiture.Elle était àmonnom,et c’étaitunedes rareschosesquej’avaisachetéeavecmonargent.Mais,sijelavendais,jen’auraismêmeplusunendroitoùmeréfugierquandmonargentviendraitàmanquer.

J’avais pensé que voirGraysonHawthorn à la banque ressemblait à un signe dudestin. Plus j’yavaisréfléchihier,seuledansmapetitechambred’hôtel,plusj’avaistrouvéjustedepartagerl’argentdemamieaveccethomme-là,comptetenudulienquisemblaitexisterentreluietmonpère.Jenepouvaispasparler de cedernier point avec lui, et je ne crois pasqu’il aurait souhaité qu’on aborde ce sujet.Partagermonargentaveclui–argentdontilavaitenplusdésespérémentbesoin,aupassage–étaitunebonneactionquirééquilibreraitmodestementlabalance.

Jedoisadmettrequesonregardm’avaitégalementinfluencée.Ilressemblaitauxhérosdescontesdefées qui m’avaient toujours fait rêver, et qui semblaient prendre enfin vie. Et, mon Dieu, comme jevoulaiscroireànouveauauxhérosdemonenfance!

Mais,parfois,c’estàlafilledejouerlerôleduhéros.Surtoutquandceluiquidevaitendossercerôles’avèreêtreundragon!

JesavaisqueGraysonHawthornavaitfaitdeserreurs,maisaprèsavoirexaminésoncasendétail,ilmesemblaitqu’ils’agissaitplutôtd’unmalheureuxaccident.Et,quoiqu’ilensoit,c’étaituneerreurpourlaquelleilavaitpayé.Cher.Désormais,lesgenslejugeaient.Personneneluidonneraitunechance,etiln’obtiendraitjamaislecréditdontilavaitdésespérémentbesoin.

J’yétaisdoncalléeavecmestripes,ensuivantmoninstinct,biendécidéeànepaslejugeravantdel’avoir rencontré en personne. Avant de me « dégonfler » complètement, j’avais donc foncé à sondomiciledèslelendemainmatin.

Mais, finalement, le Dragon devrait régler ses problèmes tout seul, comme moi. J’étais seuleresponsabledemondestinetjen’avaispasvraimentletempsdem’apitoyersurmoi-même.

Jemegaraidevantl’hôteletmedirigeaiversmachambre.J’enlevai la robe et des sandales que j’avais portées pour mon rendez-vous avec Grayson

Hawthorn. C’était une tenue demon ancienne vie que j’avais jetéemachinalement dansma valise enpartant.J’avaisbienfait.Jevoulaisparaîtreprofessionnelleet lesjeansoulesshortseffilochésquejeportais habituellement n’amélioraient pas ma crédibilité. Mais cela aurait pu aussi traduire mondésespoiretvouloirdire:«Épousez-moi!»Peut-êtrequ’aprèstout,j’auraismieuxfaitdemettreundemesvieuxshortsusés…

Aprèsm’êtrechangée, je sortisde l’hôtel. Jepassai la journéeàmarcherdans lecentre-villedeNapa, à faire du lèche-vitrines. Je découvris plusieurs magasins, dont une librairie, et je déjeunaitranquillementdansunpetitcaféquemagrand-mèreadorait.

J’étaisdésespéréeetjenevoyaisaucunesolutionàmesproblèmes.Jefismalgrétoutl’effortdemeviderlatêteetdeprofiterautantquepossibledecesmoments.Sijedevaistrouverunjobdeserveusecomme Kimberly me l’avait suggéré, je le ferais. Je n’avais pas peur des boulots difficiles. J’avaisespéré trouverunautremoyen,mais j’avaiséchoué.Jemeredressaiet fis taire laScarlettO’Haraqui

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dormaitaufonddemoi.J’allaisprendrelajournéepourmoiet,unefoisquej’auraisoubliélerendez-vousmalheureuxdecematin,jememettraienquêted’unenouvellesolution.

Jeretournaiàmonhôtelendébutd’après-midi.Lecielétaitd’unbleu limpide.Unefoisdansmachambre,jem’allongeaisurlelit,submergéeparlafatigue.J’avaiseuunsommeilagitélaveille,guettantle réveil pour le rendez-vous avec Grayson Hawthorn. J’étais épuisée et je m’endormis presqueimmédiatement.

Jeme réveillaivaseuse,ne sachantplusoù j’étaispendantquelques instants, sentantquequelquechose clochait sans me souvenir quoi exactement. La réalité reprit ses droits lentement, les piècess’assemblaient et venaient se poser lourdement sur ma poitrine, comme le fait le chagrin. Grimaçantlégèrement,jemeretournaietregardail’horlogesurlatabledechevet.Ilétaitseizeheures,jenem’étaisdoncassoupiequ’unpeuplusd’uneheure.Jesoupiraietm’assissurlelit.

La douche chaude soulagea aumoinsmesmuscles, et jeme sentis immédiatementmieux. Jemeséchairapidementlescheveux,puislesramenaienunchignonquin’allaitpastenir.Magrand-mèredisaittoujoursquemachevelureétaitaussifougueuseetingérablequemoi.Maiselleledisaitavecunetelletendresse que je le prenais comme un compliment.MonDieu, comme ellememanquait,même aprèstoutescesannées.Neplusprofiterdesonamourinconditionnelétaitencoreuneplaiedouloureuse.

Je fouillais dansma valise à la recherche de vêtements propres quandmon téléphone sonna.Çadevait êtreKimberly.Mais en regardant l’écran,unnuméro localque jeneconnaissaispas, s’afficha.Moncœurs’arrêtauninstant,puissemitàbattrelachamadealorsquemondoigtglissaitsurl’écran.

–Bonjour,répondis-je,essoufflée.Unevoixgrave,sansaucunechaleur,medit:–C’estGrayson.–Oh.Jefeignislanonchalancemais,aumêmemoment,jem’effondraisurlelit,simplementvêtued’une

serviette.–Enquoipuis-jevousaider?–Dansquellechambreêtes-vous?–Quellechambre?–Quellechambred’hôtel.VousêtesauMotel6,n’est-cepas?SurSolanoAvenue?–Euh,oui.Mais…–Quellechambre?répéta-t-il.–211.Àquelleheureserez-vous…allô?Ilvientdemeraccrocheraunez,là,non?Quelc…Troiscoupsrapidesrésonnèrentàmaporteetjepoussaiuncridesurpriseenlaissanttombermon

téléphonesurlelit.Jemelevaid’unbond.–Un instant ! dis-je,me précipitant sur la valise et en retirant à la hâte un soutien-gorge et une

culotte.Lescoupsreprirent.–UNINSTANT!hurlai-jeànouveau.Quelleimpolitesse…Dragon!

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J’enfilailarobequejeportaislematinetj’étaisencoreentraindenouerlaceinturequandj’ouvrislaporte.GraysonHawthornoccupait tout l’espace, toujoursvêtudeson jeanetd’un tee-shirtbleuquimoulaitsontorsemince,maisde touteévidencebienmusclé.Savirilitémetouchaaucreuxduventre.Commecematin,ilexhalaitl’odeurfraîcheetpropred’unsavonmasculin,maislégèrementnuancéeparleseldelasueurquis’yétaitajoutée.Jemepenchaienavant,attiréeparsonparfumd’homme.Réalisantsoudaincequej’étaisentraindefaire,jecroisailesbrasetreculai.

– C’est un manque patent de professionnalisme. Vous auriez dû me prévenir que vous étiez enchemin.

Graysonentradanslapièceenprenantletempsderegarderautourdelui.Sesyeuxs’arrêtèrentunesecondesurmesbagagesLouisVuittonavantdeseposerenfinsurmoi.

–Jen’étaispassûrdevenirjusqu’ilyaenvironquinzeminutes.–Jevois.Ehbien,voulez-vousdescendre?Nouspourrionsprendreuncafé.–Ici,c’esttrèsbien.Jenevaispasresterlongtemps.J’aidutravail.Jejetaiuncoupd’œilaulitdéfaitetauxvêtementséparpillés.J’approchailachaisedubureau,puis

m’assissurlesiègeauboutdelit.Graysonpritplacesurlachaise.– J’ai examiné votre proposition.Avant d’aller plus loin, je voudrais rencontrer le notaire pour

m’assurer que l’argent sera versé commevousme l’avez dit, aumoment de notremariage, ou peu detempsaprès.

Jehochailatête;monrythmecardiaques’accéléraitencore.–Biensûr,jecomprends.Graysonhochalégèrementlatête.– Et si tout est en ordre, nous devrons établir un accord prénuptial, précisant les conditions

financièresdenotremariage.–Évidemment.–Peu importecequi sepasse financièrement l’annéequi suivranotreunion,nousnepartagerons

aucundenosrevenusoubiensmatériels.–Non,biensûr!Sonexpressionétaittoujoursaussiénigmatique.–Unefoisquej’aurairencontrévotreexécuteurtestamentaire,jedevraisvousfaireconfiancesurle

faitquevousallezréellementmedonnerlamoitiédelasomme.Jefronçailessourcils.–C’estl’accordquenousavonsconclu.Unemèches’échappademonchignonsommaireet j’essayaide lareplacer.LesyeuxdeGrayson

suivirentmamainpuiss’attardèrentsurmachevelurealorsquelamècheglissaitànouveau.–Oui,maisKira…dit-ilpresquedistraitementavantdemeregarderànouveaudanslesyeux.Ilsepenchaenavant,leregardmaintenantfixeetalerte.–Jenevousconnaispas.Quisait?Nouspourrionsnousmarier,puisvoustoucheriezlechèqueet

vousvousenvoleriezpourleBrésil.Avectoutlerespectquejevousdois,vousfaireconfiancerelève

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pourmoidelafoiaveugle.Jebondislittéralement.–Jeneferaijamaisunechosepareille!–C’estvousquiledites.Jemesuisrenducomptequelesgenslaissententendrecequilesarrange

surlemoment.Cequinesignifiepasforcémentqu’onpeutcomptersureux.Oui,jecomprenaiscequ’ilvoulaitdire.Jeprisuneprofonderespirationetacquiesçai:–Jesais.Maismoi,j’aibienl’intentiondetenirparole.Ilmeregardaletempsd’unbattementdecœur…,dedeux…,avantdedétournerlesyeux.–J’acceptequevousviviezaudomainependantdeuxmois.Celadevraitêtresuffisantpourinformer

votrepèredenotremariage,etpourquevoustrouviezunappartementavecvotrepartdel’argent.S’ilyaunproblèmeavecvotrepère,nouspourronsrenégocierledélai.Ilyauneanciennemaisondejardiniersurmapropriétéoùvouspourrezvousinstaller.Cen’estpastrèsluxueux,plutôtpetit,maisilyaunlitetl’eaucourante.

Lamanièredontilmedévisageaitétaitindéchiffrable.–Çaal’aircharmant.–Charmantestunbiengrandmot.Était-ce un défi que je lisais dans ces yeux de dragon noir, ou peut-être un petit caprice sur ses

lèvres?–Bien.Jelevailementon.Jenel’avaisjamaisbaissédevantmonpère,etjenecommenceraiscertainement

pasaveccethomme.–Vousêtesdésespéré.–Vousaussi.–Cen’estpasfaux.Sijepeuxmepermettrecettequestion,pourquoim’avoirchoisi?Jeveuxdire,

àpartparcequejesuisdésespéré?Salèvretremblalégèrement,etellemefixa,l’airsérieux.–Vousauriezpuprendreunsans-abridanslarueetpartagerlamoitiédevotrehéritageaveclui.Si

vouscherchezabsolumentàdonnerdel’argentilyabeaucoupdegensauboutdeleurviedanscemonde,Kira.

–Monpèrenecroiraitjamaisquejepuissetomberamoureuseetépouserunclochard,Grayson.Ceseraittropfacilepourluidecontesterlavaliditédel’héritage.Commevouspouvezl’imaginer,monpèreest très bien renseigné, et je dois être prudente. Je devais choisir la bonne personne. Une personneconvaincante.

Ilpenchalatête.–Votrepèrepeut-ilcontesterlavaliditédel’héritage?Est-ceunechosedontjedoismesoucier?Jesecouainégativementlatête.SiunmariageavecGraysonHawthornavaitlieu,ilseraitplutôtdu

genreàtoutfairepourlecacher,oubienàlemanipulerpourarriveràsesfins.Enfin…

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–Non,jenepensepas,maisj’aiapprisque,quandils’agitdemonpère,ilestplussagedeveillerauxmoindresdétails.

Malgrémesparolesoptimistes,unfrissonmeparcourutledos.–Jevois.Donc,vousavezl’intentiondeconvaincrevotrepèrequevousm’avezrencontrédansla

rue,quevousêtestombéefollementamoureuse,etquenousnoussommesmariésauboutd’unesemaine?Jesoupirai.– Il ne va pas trouver ça si improbable. Il me voit comme une fille impulsive, superficielle et

irrationnelle.Sesyeuxnoirsmesuivaientd’unairinterrogateur.–Etvousl’êtes?Toutcela?Jememordislalèvre.– Impulsive, oui, je l’avoue çam’arrive. Superficielle, non, je ne pense pas. Irrationnelle, ne le

sommes-nouspastous,parfois?Ilsemblaanalysermaréponsependantuneseconde.–Doncc’estcequ’onvadire?NousnoussommestélescopésdansuneruedeNapa,noussommes

tombésamoureux,etnousnous sommesmariés surune impulsionparcequenous sommes irrationnels,maispassuperficielspourautant?

Jeluiadressaiunpetitsourire.–Ensubstance,oui.Jecroisquenouspourronsréglerunpeuplustardtouslesdétailsafindetenir

lemêmediscours.Moncœurs’emballaitànouveau.–Doncvousacceptez?Marchéconclu?–Sitoutsepassebienaveclenotaire,oui,marchéconclu.Jehochailatêteetlaissaiéchapperunsoupir.–Vousneleregretterezpas,Grayson.–Oh,jesuissûrquesi,d’unemanièreoud’uneautre,Kira.Maisàpériodedésespérée…–Mesuresdésespérées!Etils’agitlàd’unemesureàlahauteurdenotredésespoir.Ilsourit,offrantàmavuesesdentsbienalignéesetimpeccablementblanches.Maisl’expressionde

dédain de cematin était de retour. Il semblait ne pasme voir comme une personne qui lui faisait uncadeau,maisplutôtcommecellequil’obligeaitàfairecedontiln’avaitpasenvie,cellequineluiavaitpaslaissélechoix.Ehbien,tantpis.Jen’avaispasbesoindesagratitude.Justedesonnom.Cependant,jenepouvaispasnierladéceptionquejeressentais.Quandjel’avaisvudanslarue,laveille,ilm’avaitsembléperdu,abîmé,maistoujoursbienveillant.Enrevanche,l’hommeassisenfacedemoimaintenantétaitcomplètementdifférent;raideetfroid.L’avais-jevraimentsimaljugé?

Comme s’il avait lu dansmes pensées, le sourire s’effaça de son visage aussi vite qu’il y étaitapparu.

–Ilyaencorequelquespetiteschosesdontjepensequenousdevrionsdiscutertrèsvite.–D’accord.

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Jecroisailesjambes.Sesyeuxsuivirentmonmouvement,puisilserralamâchoireetdétournalesyeuxavantdereprendre.

– Puisque vous allez vivre sur ma propriété et faire un peu de comptabilité, je pense que nousdevrionsêtreclairsquantàlanaturedenotrerelation.

–Notrerelation?Jepensaisquec’étaitclair.Nousnousmarionspourl’argent.Iln’estpasquestiond’unerelation.

Cetteentrevueguindéeetgênéesoulignaitparfaitementceconstat!–Nousseronsdesassociés.Riendeplus.–Çameva.Tantquevousêtesdiscret,jenevoispasd’inconvénientàcequevousmeniezvotrevie

personnellecommebonvoussemble.–J’ycomptebien.–Parfait.–Trèsbien.Jeneveuxpasquevousvousfassiezdesidéesfantaisistessurcetaccord.Jelevaiunsourcil.–Fantaisistes?–Romantiques.Inexactes.Jeserrailesdents.–Oui,vousavezététrèsclair,jenesuispasvotregenre.Etjevaisessayerdefairedemonmieux

pour ne pas tomber sous votre charme irrésistible, et ne pas faire des choses insupportablementmaladroites.

–Bien.J’avais envie de le frapper. C’était évidemment un homme habitué à être courtisé par la gent

féminine.Etapparemment,soitilpensaitquej’étaisunenonne,soitiln’avaitaucunecraintesurlafaçondontjemenaismaviepersonnelle.

–C’esttout?demandai-jefroidement.Grayson, que je surnommais dorénavant leDragon,m’étudiait. Je ne cherchais pas à deviner ce

qu’ilpensait.Probablementessayait-ildedéterminersi,ouiounon,j’allaisréellementêtreenmesuredenepastomberamoureusedelui.Ildevenaitpluslaiddesecondeenseconde.Espècedereptilearrogant!

–Vousavezmentionnémoncasier.Jesupposequevousconnaissezlanaturedemoncrime?Macolères’éteignitinstantanément.Jesentislachaleurmemonterauxjoues.–J’espèrequevousnetrouvezpasçatropintrusif,maisjepensaisqu’ilvalaitmieuxquejesacheà

quij’avaisàfaireavantdeproposermonoffre.Ilhaussalesépaules.–C’estunebonnedécisiond’affaires.Avez-vousdesquestionssurcequevousavezluavantque

nouspassionsàautrechose?Jeveuxbienrépondreàvosquestionsmaintenant,maisnousn’enparleronsplusensuite.

Jeneparvinspasàdissimulermasurprise.

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–Je…enfin,d’aprèscequej’aicompris,vousvousêtesbattuavecunhommeàl’extérieurd’unbardeSanFrancisco,etvousl’avezfrappéàplusieursreprises.Ilesttombé,s’estcognélatêteetilestmort.C’étaitunaccident.Vousn’aviezpasl’intentiondeletuer.Est-celavérité?

Jeme sentais gênéed’avoir résuméainsi une situationqui était certainement encore extrêmementbouleversante.Ilavaitfaitcinqansdeprisonpourcecrime.

Ilgardalesilencependantsilongtempsquejemedemandais’ilallaitmerépondre.Finalement,ilditsimplement:

–C’estassezjuste.Jeleregardaipendantunmoment,maissonvisageétaitimpassible.–Laprisonadûêtretrèsdurepourvous.Unelueuréclairabrièvementsonregardavantqu’ilnereprenneunairindifférent.–Vousn’avezmêmepasidée…Ilyeutunsilencegêné.Jememordislalèvre.–Etmaintenant,vousêtesunreprisdejustice.Ilsepencha,sonregardsombreetdirectfixésurmoi,sonodeurvirilebrouillanttousmessens.–Oui,Kira.Jesuisunreprisdejustice.Commevouslesavez,jenepeuxpasfairedecrédits.Et

c’estpeudirequemespossibilitésd’emploi sont limitées.Beaucoupdeportes sont ferméespourmoidésormais.Oui,vousallezêtremariéeàunreprisdejustice.LafilledeFrankDallairevaêtremariéeàunreprisdejustice!

Raisondepluspourmaintenirunedistanceentremonpèreetmoi;sansdoutepourlongtemps,cequim’allaittrèsbien.

Maisjeneluidispas.Aulieudecela,jerépondis:–Ilseradifficilededécevoirmonpèreplusquejenel’aidéjàfait.Ilm’examinaànouveauavecsesyeuxdedragon,ceuxquisemblaientlireenmoi.–Jevouscroissurparole.Ilselevabrusquement,mefaisantsursauter.Jebondisàmontouretnousfaillîmesnousheurter.Il

merattrapaenmeprenantparlesbras.Jelevailesyeuxversluietquandsonregardcroisalemien,ilsemblasurprisluiaussi.

–Jedoisyaller,dit-il,ensedirigeantverslaporte.–Oh,d’accord,luirépondis-jeenlesuivant.Justeunedernièrequestion.Euh…Encequiconcerne

lecalendrierdenotreaccord.Jeregardailachambre,calculantrapidementlenombredejoursquejepouvaisencorepasserici.

Biensûr,jedevaisaussiengagerunavocatpourrédigerlecontratdemariageavecleDragon,quelqu’unquin’auraitaucunlienavecmonpère.

–Jesaisquevousvoulezsûrement…Enfait,letrucc’estque…–Vousn’avezpaslesmoyensderesterici.Jesoupirai.–Si,maispluspourlongtemps.Surtoutsijedoispayerlesfraisd’avocat.

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Ilétaitdeboutdevantlaporte,lamainsurlanuque.Ilfinitparmedire:–Faitesvotrevalise.Vouspouvezveniravecmoitoutdesuite.Nousnousoccuperonsdetrouverun

avocatdemain.MaisKira,dit-ilense retournant, sinousne trouvonspasunaccordquinouscontentetousdeux,jevousdemanderaidepartirsur-le-champ.

J’acquiesçai.–Vousn’aurezpasàmeledemander.Ilhochalatêted’unmouvementbref.–Jevouslaissecinqminutespourfairevosvalises.Oui,chef,Dragon,chef,étais-jetentéederépondreironiquement.Maisjemecensurai,etpliaimes

affairesàlahâte.

***

Trente minutes après avoir quitté l’hôtel, et suivi le pick-up noir de Grayson, nous passions leportaildelapropriétéHawthorn.

Lapremièrefoisquej’étaisvenueici,j’avaisétésurpriseparlabeautédelavigne,etjeressentaislamêmechoseaujourd’hui.D’immenseschênesbordaient la longuealléeprincipaleet lacouronnedefeuillageombrageaitlavoiequiconduisaitverslapropriété.Gracieuseetélégante,lamaisonHawthornsedressaitaufondd’unecourornéed’unegrandefontainecirculaire.Elleavaitunaspectchaleureuxetaccueillant.Dulierregrimpaitd’uncôtédel’imposantefaçade,etdesbalconsenferforgéauxcourbesélégantesencadraientlesfenêtresdel’étagesupérieur.Derrièrelamaisonetlesjardins,leshectaresdevignesoffraient,àpertedevue,unpaysageàcouperlesouffle.

Jedécouvrisunpetitbosquetd’arbresfruitiersàgauchedelabâtisse,despêchespeut-être,oubiendes abricots.À première vue, tout cela ressemblait à un paradis luxuriant qui ne demandait qu’à êtreexploré.C’étaitseulementenapprochantqu’onpouvaitremarquerquelafontainenefonctionnaitpas,quelelierren’étaitpasentretenuetquelapelouseetlesjardinsenvironnantsétaientenfriche.Lejardinieravaitétécongédiésansaucundoute.Malgré tout,c’étaitquandmême trèsbeau.Àsonapogée,ce lieuavait dû être somptueux. Mes yeux s’attardaient sur les collines couvertes de vignes au loin, et jem’interrogeaisur l’étatdesraisinsqu’ellesproduisaient.J’avaishâtedevoircedomainerestauré,passeulement pour Grayson, mais pour la beauté du lieu lui-même. Il devrait être interdit de laisser unendroitcommecelui-citomberenruine.Jesuissûrequemamieseraitd’accordavecmoi.Maisjemislespenséesdemagrand-mèredecôtépourlemoment.Certes,ellenevoudraitpasvoircebeauvignoble,danscetterégionqu’elleavaittantaimée,tomberenruine.Maiselleseretourneraitaussidanssatombesiellesavaitquejememariaispourdel’argent!Jesuisunefemmequiépouseunparfait inconnuparintérêt.Moi!Celaternissaitencoreunpeuplusl’imagepeureluisantequej’avaisdemapersonne.Unsentimentdedésespoirm’envahitmomentanément.

Graysonsegarajusteavantlafontaine,et,enfaisantdemême,jeremarquaiunepetitemaisonsurladroite,partiellementcachéederrièreuntrèsgrandchêneetrecouvertedefeuillage.Ill’avaitappelée«la

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maisondujardinier»,maisdetouteévidence,lesjardiniersquiavaienttravailléicirécemmentn’avaientpasvécusurlapropriétéetavaientutiliséce«cottage»uniquementpourstockerlematériel.Pourtant,elleavaitquelquechosedepittoresque,àmoitiécachéedanslavégétationetdrapéedeglycine.

Jesortisdemavoiture,Graysonm’imitaetmerejoignit.Ilyavaitunelueurdedéfidiaboliquedanssonexpression.

Est-ce qu’il s’attendait à ce que jeme plaigne de l’hébergement ? Probablement.Comme tout lemonde,ilasûrementvuenmoiuneprincessegâtée,unefilleàpapaquiavaitvécuuneexistencefrivoleet vaine.Etmaintenant, il allait s’amuser avecmoi.Mais qu’est-ce que j’en avais à faire de ce qu’ilpensait?!

Dans quelquesmois, je ne le verrais plus jamais.Nos avocats pourraient gérer la procédure dedivorcefacilement,etjenepenseraiplusjamaisàlui.Etviceversa,j’enétaissûre.

JesuivisGraysonjusqu’àlaportedelamaison.Ilouvritsansutiliserdeclef,aprèsavoirécartélesimposantescorollesviolettesdesglycines.Toutenrespirantleparfumdecesfleursodorantes,j’entraiàl’intérieur.

Voyons… Du vieux matériel de jardinage, visiblement inutilisé, remplissait la première pièce.C’étaitpoussiéreux,sale,çasentaitlemoisietl’huiledemoteur.Jemefrayaiuncheminentrelestoilesd’araignées et j’entrai dans la deuxième pièce. Cela avait dû être une chambre à coucher, maisaujourd’huionn’yvoyaitplusqu’unpetitlitenmétalavecdesressortsrouillés.

–Biensûr,jevaisdemanderàCharlottedevousapporterdescouverturesetunoreiller,ditGraysonjustederrièremoi.

Jemeretournaietledévisageai.Était-cedelamoqueriequejelisaisdanssesyeux?Ehbien,oui,c’enétait.Salèvretremblaitcommes’ilessayaitderetenirunfourire.Iltrouvaitçadrôle?Cequ’ilnesavaitpas,c’étaitqueleslogementsoùj’avaisvécucesderniersmoisétaientbienpiresquecelui-là.Etquepourlesgensquej’avaisrencontrésalors,cetendroitauraitétéunpalais!

–Jemelavedanslafontaine,jesuppose?demandai-je,avecuncharmantsourire.–Ellenefonctionnepas.Maisilyal’eaucouranteici.Froide,enrevanche,paschaude.Çanevous

posepasdeproblème,n’est-cepas?–Nooon,dis-jed’unevoixexagérée.Unebonnedouchefroide,c’estvivifiant. Je lespréfèreaux

chaudesd’ailleurs.Ledragonauxépaissesécaillesconsidéramaréponse.–Jepariequec’estlecas,dit-ilfinalement,appuyantsahanchemincecontrelecadredelaporte,

toutenmeregardant.Tantmieuxpourluis’ils’amusait.Jeneplieraijamaisdevantlui.Jepourraisdormiràmêmelesol

danscettecabanepoussiéreusesicelamepermettaitd’obtenirlemeilleurdeGraysonHawthorn.–Ya-t-ilunecuisine?Unendroitoùjepourraismangerlesmiettesdepainquevousmejetterez?

demandai-je.Aprèsquejevousaidonnévotrepartdemonhéritage,biensûr.–Non,vousdevrezmangerdanslamaisonprincipale.JevaisdireàCharlottedevousattendrepour

ledîner,dit-il,ignorantladeuxièmepartiedemaphrase.

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JemesouvenaisdeCharlotte,vuecematin.C’étaitunefemmedodueauregarddouxetauxcheveuxgris.

–Serez-vousprésent?–Non,jevaissortir.Silence.OKKKK.–Qu’allez-vousraconteràCharlotte,exactement?–JevaisdirelavéritéàCharlotteetàWalter,sonmari.Ilsmeconnaissentdepuistoujours.Ilssont

ladiscrétionincarnée.J’eus une bouffée d’angoisse, etmon rythme cardiaque s’accéléra à l’idée que son personnel de

maison allait savoir que notre mariage était uniquement une façade. Je décidai pourtant de lui faireconfiancesursescertitudesquantàlafidélitédesonpersonnel.Deplus,ilseraitdifficiledeleurfairecroire que nous étions tombés amoureux quand, hier encore, je n’existais pas du tout dans la vie deGrayson!

J’auraispréféréfairetoutcelaseule,maiscen’étaitpaspossible.J’avaisbesoindelui.–Jevois.Trèsbien.Je regardai à nouveau la maison, détournant mes pensées en me concentrant sur l’étude de ses

dimensions.–Ehbien,ilyaquelquesinconvénientsflagrants,maisilyaaussidesavantages.Ilfronçalessourcils,hochalatêteunefois,puiscommençaàs’éloigner–Ledînerestà19h30.C’étaitdansmoinsd’uneheure.Jeferaismieuxdenettoyercetendroitaussivitequepossible.Graysonrevintquelquesminutesplustard,posamavaliseausol,puissedirigeaànouveauversla

porte. Brusquement, il s’arrêta. Je crus qu’il allaitm’avouerm’avoir fait une blague à propos de cetendroit,etm’inviteràlerejoindredanslamaisonprincipale.Aulieudeça,ilbalançafroidement:

–Aufait, j’interdisformellementl’usagededroguessurmapropriété.Sijemerendscomptequevousenavezamenéesici,notrecontratestrompu.

Jebafouillai,essayantdetrouveruneriposte,envain.Ilsortitenrefermantlaportederrièrelui.Uneseconde plus tard, j’entendis son pick-up rugir et s’éloigner. Il était évident qu’il avait fait desrecherches,etludesarticlessurla«situation»danslaquellejem’étaisretrouvéeilyaunan.

Jeramassaiunecanettedesodavideetlabalançaisurlaportefermée.Troptard.Reptileminable!J’auraisdûtoutarrêter.Commentosait-ilmetraitercommeçaalorsquejeluiavaisfaitl’offrelaplusgénéreuse de sa pauvre vie de bestiole à écailles ?Son arrogance était sans bornes.Et dire qu’ilmejugeait comme étant une enfant gâtée ! Une enfant gâtée et droguée. Mais, au-delà de la colère, unsentimentindéniabledehonteetdetristessem’envahissait.Est-cequetoutcelavalaitvraimentlapeine?Ilfallaitquejem’enpersuade.Carunjour,j’enétaissûre,lejeuenvaudraitlachandelle.

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CHAPITRE4

GRAYSONEllen’avaitpasbougé,commesielleenvisageaitvraimentdevivredanscettepetitebicoquesale.

Je souriais intérieurement. Je me demandais combien de temps il lui faudrait pour débouler dans lamaisonprincipale,etmedireque,pourrienaumonde,ellenes’installeraitlà-bas.Quinzeminutes?

Allez,cesoiraudîner,grandmaximum.Je luidevaisquandmêmeunpeuplusderespect…Elleavaitjouélejeu.Jem’attendaisàcequ’elles’indigne,qu’elletrépignederage,oumêmequ’ellemenacede s’arrêter de respirer !Mais la petite sorcière avait plus de cran que je le pensais. Je nem’étaisd’ailleurspasautantamusédepuis…depuisuneéternité.

Pendantuneminute, j’avaismêmeeuenviede rire. Jusqu’àcequ’il ressuscitedansmagorge, jen’avaispasréaliséàquelpointcesentimentm’étaitdevenuétranger.

Jeprisunedoucherapide,enfilaidesvêtementspropres,etdescendisannonceràCharlottequ’ilyauraituneinvitéepourledîner.

Enentrantdanslacuisine,l’odeurdesonbœufStrogonoffmittousmessensenéveil.Jemangeraispeut-êtreici,finalement.

–Bellesoirée,vousnetrouvezpas?medemandaCharlotteavecungrandsourire.

Jeprisunebièredans le réfrigérateur, l’ouvris,descendis lamoitiéde labouteille,etgrommelaiuneréponseaffirmative.

–Ilfautquejetedisequelquechose.Ellecessades’agiteretm’observaattentivement.–Çaal’airinquiétant.Jesecouailatêteenprenantuneautregorgéedebière.–Pourmoi,oui,maispaspourvous.–Voussavezbienquetoutcequivoustouchemetoucheaussi,Gray…dit-elledoucement.Uneminusculepartiedemoncœur,laseuleencoreenvie,frémitderegrets.–Jesais,Charlotte.–Alors,quesepasse-t-il?Dites-moitout.–Jevaissûrementmemarier.

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Charlotteportainstantanémentsesmainsàsabouche,etlaissaéchappersacuillère,quitombasurlagazinièredansuntintementmétallique.

–Oh,Gray!Vousavezmisunefilleenceinte?!Jerecrachaimagorgéedebière.–Non,monDieu,non.Charlottebafouilla:–Maisalorsques’est-ilpassé?Quiest-ce?Etpourquoi?Jeluiexposailesfaitssansfioritures,commeKiramelesavaitprésentéscematindansmonbureau.

Mêmeaprèsavoireutouteunejournéepouryréfléchir,toutçameparaissaitencorecomplètementfou…C’étaitabsurde.–Cen’estpasencoresigné.Maisellevaresterdîner,doncjesouhaitaisteprévenir.Aufait,elleva

habitericipourlemoment.LevisagedeCharlotteexprimaittoutesadésapprobation.Elledétestaitclairementcetteidée.–Vousallezvousmarierpourdel’argent,Gray?C’estçaquevousvoulez?Ehbien,pasmoi.Et

cettefillea-t-ellelemoindresensmoral?Vousméritezmieux.Vousméritez…– C’est temporaire, d’accord ? ! Si tout se passe comme Kira le prédit, ce sera une chance

incroyablepourlevignoble.Etpourêtrehonnête,c’estmondernierespoir.Jeserrailamâchoire,décidéàévitercettediscussionavecCharlotte.–Tuconnaismasituation.–Oui,maisvousdites…temporaire?Lemariagen’estpastemporaire.Cen’estpasunetransaction

commerciale,cen’estpasunehistoiredecontratsoudenégociations.Lemariage,c’est sacré, levœusacréd’aimerpourtoujours.

Jesecouailatête.Charlottesavaitqu’aprèsavoirétéletémoindu«bonheurconjugal»glacialentremonpèreetmabelle-mère,j’avaisquelquesraisonsdenepasrespecterlasaintetédumariage.

–Charlotte,laplupartdesgensnesontpascommetoietWalter.IlsuffitderegarderJessicaetFordHawthorn.

Elles’approcha,l’airému.Ellepritsontempspourchoisirlesbonsmots.–Gray,jesaisquedepuisquevousêtesrevenuàlamaison,leschosesontbeaucoupchangéetque

toutcelaaététrèsdifficilepourvous.Jesaisaussiquevousculpabilisezpourcequis’estpassé.Vousn’êtesplus lemême,Gray.Vousnesouriezplus,vouspassezvotre tempsà travailler.Vousvousêtesenfermédansvosproblèmes.Maiscemariagen’estpasunesolution.Cen’estpaspossible.Jenepeuxpasvouslaisserfaireça.

Unsentimentdecolèreetd’impuissancem’envahit,jefisclaquerbruyammentmacanettedebièrevidecontrelapaillasseenmarbre.Jen’avaisvraimentpasbesoindesremarquesdeCharlottesurcequej’étais devenu. Ou plutôt, sur ce que j’avais été forcé de devenir. J’avais déjà assez de mal à mesupporteràchaquesecondedechaquejour.

–Charlotte,tuesmafemmedeménage,pasmamère.Jenevaispasdiscuterdavantage.Metsuneautreassiette,pointbarre.

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Jesentisquejel’avaisblesséecarellepinçaleslèvres,seretournaverslaplaquedecuissonenmarmonnantunephraseinaudible,sansrevenirsurcequej’avaisdit.Charlotteétaitaussidoucequesonmariétaitrigide.Aumomentoùjequittailacuisine,ellemelançasansseretourner:

–Biensûr,vousresterezpourledîner.Pournousprésentervotrefutureépouse.Je m’arrêtai net, le mot « épouse » me fit légèrement sursauter. Je préférais employer le terme

d’« associée » à propos deKira.De toute évidence, Charlotte essayait deme secouer pourme faireouvrirlesyeux.Jen’avaispasprévuderesterdîneràlamaison,maisjerépondis:

–Biensûr.JepouvaisaumoinsfaireçapourCharlotte.Jem’enfermaidansmonbureauetjetaiunœilsurlesitedelamairiedeNapaValley.Iln’yavait

visiblementpasdedélaid’attentepoursemarier.Nousdevionssimplementprendrerendez-vousetnousprésenteravecuntémoin,oubienenchoisirunsurplaceparmiceuxqueproposaitlamairie.IlmerestaitjusteàespérerqueKiraseraitd’accordpourallerrapidementconsulterlenotaire.

Plustôtnousofficialiserionscefauxmariage,plustôtnouspourrionsymettreuntermeetretrouvernosvies.

Jefouillaidansmoncourrier,enmettantlesimpayésdecôté.Pourlapremièrefoisdepuisdesmois,jenetremblaispasfaceàl’amoncellementdefacturesquijonchaientmonbureau.Siçafonctionnait…siça fonctionnait, je pourrais toutes les payer.Mais, tant que rien n’était signé, jem’interdisais de tropespérer.

Je revins subitement à la réalité en voyant une lettre qui m’était adressée. C’était une écriturefémininequejereconnustoutdesuite.Jemesentisd’abordtrèsoppressé,puisreprismesesprits.Malgrélacuriosité,jedécidaidemettrelalettredecôté.Riendecequ’ellecontenaitnepourraitchangerquoiquecesoitàlasituationdanslaquellejemetrouvais.Jen’avaisnulbesoindeliresesexplicationsousesexcusespitoyables.

–Vaaudiable,Vanessa,murmurai-je,lescoudesappuyéssurmonbureauetlatêtedanslesmains.Ilauraitfalluquejesortepourmedéfouler.Aulieudecela,jedevaisdîneravecuneinconnuequi,

danspeudetemps,pourraittrèsbiendevenirmafemme.Charlotteavaitraison.C’étaitunetrèsmauvaiseidée,ridiculemême.Peuimporteàqueltitreellesyétaiententrées,lesfemmesavaienttoujourstrouvélemoyendemepourrirlavie!EtilétaitfortprobablequeKiraDallairefiniraitparêtrelapiredetoutes.Elleseraitlerappelconstantethumiliantdemachuteaufonddutrou.Lerappeléterneldecequej’auraisété réduità faire :épouseruneétrangèrepourde l’argent.S’ilyavaitmatièreà rirede toutça, jememoqueraisdemasituationpathétique,etdufaitquej’étaismêmecapabled’envisagercetteabsurdité.

Quelquesminutes plus tard, la sonnette de l’entrée retentit. Je terminai ce que j’étais en train defaire sachant queWalter allait lui ouvrir, son visage arborant sans aucundoute son air froid habituel.Mais si quelqu’un avait l’habitude de traiter avec du personnel de maison, c’était certainement KiraDallaire.Elleavaitprobablementétéélevéeavectouteunearméeàsabotteetrépondantàsesmoindrescaprices.

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Quandjemedirigeaienfinverslacuisine,jelavisassiseàlagrandetabledefermeenboispatinéeparlesans.Unverredevinétaitposédevantelle.Elleportaitunjeanetunechemiseamplevertfoncé.Ses cheveux étaient tirés en arrière aussi sévèrement que cematin. Était-ce vraiment il y a quelquesheuresseulement?J’avaisl’impressionqu’ils’étaitécouléunedécennie.

Charlottevirevoltaitdanslacuisine,ignorantsaprésence.Ellemeditsansmeregarder:–Jen’aipasnettoyélasalleàmangeraujourd’hui,puisquejen’aipasétéavertieasseztôtqu’ily

auraituninvité.EllejetaunregarddédaigneuxàKira.–J’espèrequevousneverrezpasd’inconvénientàdînerdanslacuisine,Monsieur.Ellemitl’accentsurle«monsieur»,essayantévidemmentdemeculpabiliserdel’avoirtraitéeplus

tôtcommeunevulgairefemmedeménage.–C’estparfait,Charlotte.Detoutefaçon,tusaisbienquejen’aimepasprendremesrepasdansla

salleàmanger.Jerejoignislatable,fisunsignedetêteàKiraetprisunegorgéed’eau.–Vousnebuvezpasdevin?medemanda-t-elle.–Rarement.–Vousnetrouvezpasçacurieuxpourquelqu’unquipossèdeunvignoble?–J’imagine.Ellemefixait,maisdèslafindemaphrase,elledétournaleregardetbalayalapièceduregard.–Cettecuisineestvraimentmagnifique,dit-elledoucement.Avant que je ne puisse répondre, Charlotte posa brusquement une assiette en face de Kira et

quelquesgouttesdesauceéclaboussèrentlatable.Cen’étaitpasdansseshabitudes.Ellemeréservalemêmesort,puislevafièrementlementonavant

des’éloigner.Jecommençaiàdîner,sansmêmelaremercier.Commesinousn’étionspaslà,Charlotterepritsontravailenfaisantbeaucoupdebruit.EntreKiraetmois’installaunsilenceembarrassant.

Quiduraetduraencore.Lesaiguillesdel’horlogeaccrochéeaumurdelacuisinebattaientlamesure.Lesseulsautresbruits

étaient:ceuxdeCharlotte,follederage,quilavaitlavaisselle,etceuxdenosfourchettes,quiheurtaientlesassiettesencadence.JeremarquaialorsqueKirasetrémoussaitsursonsiège,lesjouesd’unrougeécarlate.

–Êtes-vousdéjàalléenAfrique?medemanda-t-ellesoudain.EnAfrique?J’ouvrislabouchepourluirépondre,maisellepritlaparoleenpremier.Apparemment,c’étaitune

questionrhétorique.– Au Kenya, en particulier. L’accueil traditionnel y est merveilleux. Vêtus de leurs plus beaux

costumesd’apparat, lesguerriersde la tribu,fontcequ’ilsappellent ladansedessauts. Ils formentuncercleets’affrontentàceluiquisauteraleplushaut,montrantainsiàleursinvitéslaforceetlabravoure

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de leur tribu. C’est magnifique ! Et la hauteur que certains d’entre eux peuvent atteindre estimpressionnante.

Unemèches’échappadesescheveux,maisçanesemblapaslagêner.ElleavalaalorsunegrossebouchéedebœufStrogonoff,etsansprendrelapeinedemâcher,ellecontinuasonlaïus.

– Jeme disais que vous pourriez leur faire une concurrence d’enfer avec le chaleureux accueilHawthorn. Il est tellement réconfortant. Vous ne pouvez pas savoir à quel point vousm’avezmise àl’aise,àquelpointjemesensbien.Bon,biensûr,auKenya,ilfautboireleurcocktaildebienvenueàbasedelaitetdesangdevache,cequileurfaittoutdemêmegagnerquelquespoints.Maisjecroisquevousavezquandmêmetoutesvoschancesetque…

Jeposaimafourchette.–C’estfini?!Sonregardsemblaitlancerdeséclairsaumomentilcroisalemien.–Pasvraiment,pourquoi?Sesgrandsyeuxverts, lumineuxet indignésmefoudroyaient.Ellepritaussitôtunegorgéedevin,

l’airdétenduetcontinuasonrepas.Jejetaiuncoupd’œilàCharlottequi,j’ensuispresquecertain,venaitd’esquisserunsourireavantdeseretourner.

LaréponsesarcastiquedeKiramefitgrincerdesdents,maisjedusadmettrequ’elleavaitraison.Nousavionsétégrossiersavecelle. J’étaisd’unehumeurdechien.Pourtant,ellen’avaitpasvraimentméritécela.Jenel’aimaispas,voilàtout.Ouplutôt,jen’aimaispassongenre,etsaprésencesousmontoitmeramenaitàmesnombreuxéchecs.Celanedevaitpasm’empêcherd’êtrecourtois.Deplus,ellem’offraitunmoyendem’ensortir.Cen’estpaspourautantquejedevaismecomportercommesiellemefaisaituneénormefaveur.Jeneferaipassemblantdetrouvercettesituationagréable,maisjenenieraipasdavantagequenousétionsautrechosequedesassociésdanscedealrépugnant.Nousfaisionstouslesdeuxunsacrifice.Biensûr,elleallaitmeremettreunjolipécule,maiselleallaitégalementperturbermaviepourlesmoisoul’annéeàvenir,peut-êtremêmedavantage.Etpuissonnomseraitofficiellementliéaumienpourlerestantdenosjours.Quoiqu’ilensoit, j’avaisdécidéquenousneserionsriendeplusque des associés en affaires. En bonne intelligence. Elle s’était bien comportée jusqu’à présent. Jem’étais même plutôt amusé tout à l’heure, avec son emménagement dans la cabane du jardinier. Cequ’ellen’avaitd’ailleurspasencoreramenésurletapis.

–Nousdevrionsparler…–Dufaitquevousêtesledescendantdirectd’unlézardcracheurdefeu?Jem’ensuisdéjàrendu

compte.Charlottetoussotadanslacuisine,maiscouvritlebruitavecunecasserole.–Écoutez,Kira…Elletapadupoingsurlatable,tellementfort,quesescheveuxsedétachèrent:–Non,c’estvousquiallezm’écouter,Grayson.Sesyeuxdesorcièreétincelaientànouveau,provoquantunesortedefièvreardentedanstoutmon

corps,àmongranddésespoir.

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–Jevousai faituneoffre trèsgénéreuse.Sivous l’acceptez, ilesthorsdequestionquevousmetraitiezcommevousl’avezfaitjusqu’àprésent.Jepeuxvousassurerqu’avecvotrepassif,vousn’aurezjamaisdemeilleurepropositionquelamienne.Continuezàmeconsidérercommeunemoinsquerien,etjedisparaisavecmonhéritage.

Ivredecolère,jetapaiàmontourdupoingsurlatable.J’euslasatisfactiondevoirKirasursauterlégèrement.

– Si ça se fait, je neme laisserais pas non plus traiter comme si vous aviez pitié demoi, car,contrairementàvous,jenefaispastouteunehistoiredecesacrifice.Vouspensezvraimentquej’ailemoindredésirdememarieravecvousouquiquecesoitd’autre?

–Non,jepensequevousêtesàpeuprèsaussicapabledemonogamiequ’unchienerrant.Avecmoi,commeavecn’importequellefemme.

Deloin,j’entendisCharlottetousserànouveau.Jeplissailesyeux.–Exactement!Pensez-vousquejel’auraisfaitsijen’étaispascomplètementdésespéré,etsivous

n’étiezpasmatoutedernièreoption?Alors, jetez-moivotrefortuneauvisagesivousvoulez,maisnefaitespascommesivousn’aviezpasbesoindemoi,nefaitespasnonpluscommesivousn’étiezpasaussidésespéréequejelesuis.Etpuisarrêtezd’agircommesijen’étaispasvotreplusgrand,etsurtoutvotreseulespoir.Vousl’avezditvous-même.Pourquelqu’unquiestvenuicipourmendier,vousdevriezavoirlasagessedemetraiteravecrespect.

Sesjouesdevenaientdeplusenplusrouges.–Mendier?siffla-t-elle.Mendier?Leslourdesbouclesdesacheveluresedétachèrentcomplètement,etencadrèrentsonvisagecomme

deux colonnes de feu. J’en eus le souffle coupé. Je n’avais pas compris qu’elle en avait autant.Ellestombaientlelongdesesjouesetdégringolaientsursesépaules,apparemmentjusqu’aumilieudesondos.

Elleselevalentement.Jel’imitai,etunefoisdebout,nouséchangeâmesdesregardsfurieux,chacunàunbout de la table. Il y avait de l’électricité dans l’air…Quelque chosedepalpable et debrûlant.Étrangement,cettechaleursemitàdanser,àenvahirmoncorps,puisàcourirdansmonsangcommelacérémonied’accueilafricainequeKiram’avaitdécrite.Jemesentisalorsabsolument…vivant.

–J’aiétéfolledevenirici.C’est…Ellenouspointadudoigt.–C’estfou,çanefonctionnerajamais,nousdevrionsannuler,jepourraitrouverquelqu’und’autre,

jenesaispaspourquoijevousaichoisi.Jevoustrouveextrêmementdifficileàaimer.–C’estvalablepourvousaussi.Jesuisd’accord.C’estridicule.–Alors,c’estterminé,lança-t-elle.–Bien,grognai-je.Nousnousregardâmes.Lacolèrebrûlaitdanssesyeux.PourquoiDiableaimais-jetantcela?

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Aprèsplusieursminutesdetensionintense,jefisuneffortpourreprendremarespiration,puislevaiunsourcil.

–D’ailleurs, la prochaine fois que vous demanderez à quelqu’un de vous épouser, vous devriezessayerd’êtreunpeuplusdouce.Unhommeaimel’obéissancechezunefemme.

Sonregardbrilladeplusbelle,etunnouveaufrissontraversamoncorps.–Charlotte,dit-elle,cettefoisavecbeaucoupdedouceur,auriez-vousunefeuilleetunstyloàme

prêter?–Oh,oui!réponditCharlotte,ensortantunstyloetunblocdepapierd’untiroir,etenl’apportant

presqueencourantàKira,commesielleétaitsoudainementàsonservice.JeregardaiKiraattentivement,intriguéparcequ’elleallaitfaire.EllesouritpolimentàCharlotte,retiraprécautionneusementlebouchondustylo,leplaçaàl’autre

extrémitéavecunelenteurdélibérée,saisitleblocdepapierpuiscommençaàécrire.–Qu’est-cequec’étaitdéjà?Jeveuxm’assurerdenerateraucunmotdevosprécieuxconseils,dit-

elleenétirantlemot«aucun».Douce,c’estbiença?Est-cequ’ilfautmettreunecédilleàdouce?Jenem’ensouviensjamais.

Je la fixai en fronçant les sourcils, résistant à l’envie de rire à sa démonstration ridiculementsarcastique.

–Si j’étais vous, je nem’inquiéterais pas tant de l’orthographedumotdoucequede lamanièred’épouserleconcept.

–Hum,fredonna-t-elle.Etobéissante,dites-vous?–Oui.–Obéissante:OUI.Elleentouralemotsursafeuille.–Et?–Tropvolubile!Ceserarédhibitoirepourlesmarisfuturs.Ellefitsemblantd’écrire.–Tropvolubile:NON.Ellefitunegrandecroixsurlebloc-notes.–Quoid’autre?Ons’observapendantquelquessecondes,elle,feignantunregardintéressé,moim’appliquantàlui

offrirunsourirelégèrementarrogant.Envérité,jenesavaismêmepassi,d’unpointdevuejuridique,lefauxmariagequ’ellem’avaitproposéétaitvalable.Maisparlerdel’annuleravantmêmedelesavoirmebrisait lecœur. Jedétestais l’idée, jedétestais lapetite sorcièreà la languebienpenduequi se tenaitdevantmoi;jedétestaislefaitqu’enréalitéelleavait,danscettesituation,plusdepouvoirquemoi…

En même temps, c’était le premier évènement qui, depuis une éternité, m’avait donné un peud’espoir. Je ne réalisais quemaintenant combien cet espoir était agréable. Je détournai le premier leregard, rompant ainsi la tension qui flottait entre nous. Elle reprit la parole en posant le stylo et lesfeuillessurlatable.

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–Écoutez,cettesituationestpourlemoins…inhabituelle.Elle s’arrêta de nouveau, et mes yeux se posèrent alors sur elle. Son regard ne scintillait plus

commesil’idéedetoutannulern’étaitpasnonpluscequ’ellevoulait.– J’ai appelé mon notaire avant de venir, il peut nous voir demain en fin de journée. Peut-être

pourrions-noustrouverunmoyendecoexister,aumoinsjusqu’àcequenousayonsconstatéquetoutestconformeàcequejevousaidit.Nouspourronsalorsprendreunedécision.

–Jesuisd’accord.Ellepritunegrandeinspiration.–D’accord,trèsbien.Elletenditalorslamain,unsourcilarqué:–Onfaitunetrêve?Jeregardaisamain,puisluitendislamienne.–D’accord!Approchez-vous,qu’onseserrelamain.–Vous,venezici,dit-elleenmedéfiantdirectement.Jesouris.–Onseretrouveàmi-chemin?Elleplissalesyeux,hochalatête,ets’éloignadesachaise.Jem’écartaidelamienne,etnousnous

retrouvâmesauniveaudumilieudelagrandetable.Jeprissamainchaudedanslamienne,etlaserraipendantquenouséchangionsunlongregardprudent.

Finalement, elle laissaéchapperun sourire, et je l’imitai.Nous retournâmesànosplaces.QuandCharlottes’approchapourservirduvinàKira,elle lui jetauncoupd’œilquin’étaitplusdédaigneux,maiscurieux.

Notre dispute avait, d’une certaine manière, rendu Kira plus aimable aux yeux de Charlotte.Intéressant. Décidément, les femmes étaient un mystère pour moi. Kira lança un regard complice àCharlotteetlaremerciapourcedélicieuxrepas.

– Veux-tu visiter le reste de la maison ? lui demandai-je en la tutoyant pour la première fois,essayantainsidescellernotretrêve.

Elle sembla surprisemais acceptad’unhochementde tête.Enquittant la table,Kira remerciadenouveauCharlottepourledîner.Celle-ciluiréponditparungrandsouriresincèrequ’ellen’adressaqu’àelle.

J’accompagnaiKiradanslevestibuleprincipaletlavisitecommença.–Monpèreaconçucetendroitpourimiterunchâteaufrançais.Enentrantdanslesalonderéception,Kirasecoualatête.–Çayressemblevraiment!Çamefaitpenseràunchâteaudecontedefées,àpluspetiteéchelle.Et

puisilyaquelquechose…d’enchanteur.Ellefutencoreplussurpriseenvoyantlagrandefenêtrequidonnaitsurl’autreailedelapropriété.

Lapiscineétaitjusteendessous,aupieddequelquesmarches,dominantunpatioenpierrenaturelle.Satêteinclinéem’indiquaqu’elleadmiraitledédaledehaiesdanslacontinuitédelaterrasse.

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–C’estunlabyrinthe!s’écria-t-elle,surexcitée.Etilestimmense!Jeserrailamâchoirecommejelefaisaisàchaquefoisquejeregardaiscetendroitdétestable.–C’estcomplètementàl’abandon.Sij’avaiseudel’argentàmonretour,jel’auraisfaitarracher.–Oh pourquoi ? s’exclama-t-elle. C’est incroyable ! Est-ce que je pourrais y aller de temps en

temps?–Non.Absolumentpas.J’adouciscependantunpeumavoixpourcontinuer:–C’estdangereux.Elle ne savait pas pourquoi je détestais ce labyrinthe et elle ne le saurait jamais,mais c’était la

vérité–ilétaittropmalentretenupourêtreunendroitsûr.Sesyeuxbrillantsetinquisiteursm’observaient.Jepouvaislessentirsondermonvisage.Quandje

laregardai,ellehaussaunsourcilfin.–C’estlecœurdetatanière,j’imagine?Ellem’offritunsourireirrésistible.–L’endroitoùtuas…éclos?Jeplissai lesyeux, tentantde la fusillerduregard.Mais jesavaisqu’elleplaisantaitet jenepus

retenirunsourire.Jememismêmeàriredoucement.–Peut-être.Jelevaiàmontourunsourcil.–Mais,plussérieusement,net’enapprochepas.Kiradétournafinalementlesyeuxethaussalesépaules–Ehbien,d’accord,c’esttamaison.Je l’emmenaialorsvisiter leschambresuneàune,guettant sa réaction.Cettemaisonavaitétéun

joyauensontemps,maisellemontraitdésormaisdessignesdenégligenceévidents.Charlotte ne pouvait pas se démultiplier et elle avait dumal à conserver la demeure dans l’état

impeccableoùelleavaitétéautrefois.Quandj’expliquaicelaàKira,ellemeregardaetdit:–Tuaseuuneenfanceprivilégiée.Jecomprislesous-entendu:j’avaisagicommesielleétaitlaseuleàavoirconnuleluxe.–Leprivilègen’estpasseulementdéfiniparlarichessematérielle,Kira.J’aigrandidansunebelle

maisonavecbeaucoupd’employés,maisjepeuxt’assurerquejen’aijamaiseuunevieprivilégiée.Parexemple,jen’aijamaiseudeparents.

Ellepenchalatête,déconcertée.–Queveux-tudireparlà,Grayson?Jemereprisimmédiatement.–Lesdétailsdemonarbregénéalogiquen’ontaucuneimportance.Jemecontenteraidedirequeje

suishabituéàtravaillerdur,etjenegaspilleraipasundollardel’argentquetum’offresgénéreusement.En fait, je considère que tu me fais un prêt. Une fois que le vignoble fera des bénéfices, je terembourserai.

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Elleneréagitpastoutdesuite,puisfinitparhocherlatête.–Nousn’avonspasbesoindemettreçadansledossier,maistudevraischoisir…Elles’interrompit,etbalayadélicatementl’airdelamain,commepourmedirequejepouvaisfaire

cequejevoulaisàcesujet.Intéressant.Jenesavaispastropquoipenserdesaréponse.Entraversantlecouloirdel’étage,Kiras’arrêtadevantlaphotodemonpèreetdemabelle-mère.–Ilssontdécédéstouslesdeux?demanda-t-elleàvoixbasse.Jesecouainégativementlatête.–Monpèreseulement.Mabelle-mèrevitàSanFrancisco.Ellesetournadoucementversmoi.–N’a-t-elleaucuneenvied’aiderlevignoblequesonmariaimaittant,oubienn’ena-t-ellepasles

moyens?–Elleesttrèsriche.Maismonpèrem’aléguécevignoble,etilesthorsdequestionquejedemande

àmabelle-mèreunseulcentimedel’argentquemonpèreluialaissé.Nousn’avonsaucunerelationetnousn’enn’avonsjamaiseu.«Pourquoidevrais-je tesupporteralorsquetapropremèrenevoulaitmême pas entendre parler de toi ? » J’avais douze ans quand elle m’avait posé cette question. Jepouvaisencoreentendrecettephraseglacialerésonnerdansmatête.

– Je préférerais… oui, je préférerais épouser une étrangère pour de l’argent plutôt que de luidemanderunprêt.

Jeluiadressaiunsourireironiqueauquelelleneréponditpas.–De toute façon, c’est àmon père que j’ai fait cette promesse.C’est àmoi et àmoi seul de la

respecter.Ellemeregarda,latêtedenouveaupenchée.–Jeconnais l’importanced’unepromesse,Grayson.J’enaifaitaussi.J’ai jurédeneplusjamais

dépendredemonpère.Ellesetournaverslaphoto,etlaregardaencorequelquesminutes.–Tudoisressembleràtamère,dit-elleenremarquantévidemmentlacouleurtrèspâledescheveux

demonpère.–Oui,augranddésarroidetoutlemonde,répondis-je.Ellemejetaunbrefregardsansrelevermon

énigmatiqueremarque.Jenesaispaspourquoij’avaisditça.Jenevoulaispourtantpasqu’ellemequestionnesurmavie.Elle se rapprocha encore dumur de photos. J’en profitai pour détailler son profil, son petit nez

droit, lacourbedoucedesamâchoire, sesépaiscilsduveteuxet recourbés, ses longscheveuxsoyeuxencadrantsonvisageetcascadantdanssondos.

–Tuasunfrère?demanda-t-elle,enregardantlaphotooùjeposaisavecShane.–Oui.–Ilhabiteprèsd’ici?–Non,ilhabiteàSanDiego.–Vousêtesproches?

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–Jeneluiaipasparlédepuisplusdecinqans.Ellesetournaànouveauversmoi.–Pardon,jesuisvraimentdésolée.– Ne le sois pas, répliquai-je sèchement, l’emmenant plus loin avant qu’elle ne pose d’autres

questions indiscrètes. Jeme sentaisdéjà trèsmal à l’aise.Mais jenepouvaispas lui reprocher, cettevisitedeslieuxétaitmonidée.

–JevaistelaisseravecCharlotte,ellet’installeradansunechambre.Quantàmoi,jesors,ajoutai-je,dédaigneux,endescendantl’escalier.

Pendantuninstant,elleeutl’airinterloqué.–Ah,d’accord.Danscecas,merci,etbonnesoirée.Jecommençaisàm’éloignerquandjel’entendisfredonner.Jerevinssurmespas.–C’estlachansondePuffledragonmagique 1,non?Elleclignadesyeux,feignantl’innocence.–Est-cequec’estlenomdecettechanson?Jen’aijamaissuquelétaitletitreexact,niquivivaità

Honalicommeledisentlesparoles,j’aijusteretenulamélodie.Elle haussa les épaules. Je la fixai pendant un long moment. Elle soutint mon regard, son petit

mentonpointéversmoi.L’électricitécrépitaitdansl’airetj’avaislachairdepoule.Finalement,unefoissonpetitjeuterminé,jepartis,lalaissantseuledanslehalld’entrée.

1.PufftheMagicDragonestunechansonpopulariséeparungroupeaméricain,Peter,PaulandMary,en1963.

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CHAPITRE5

KIRAMonDieu, ce dragon soufflait le chaud et le froid, comme tous ces reptiles avaient, je suppose,

tendance à le faire. Je préférais presque les flammes qu’il m’avait crachées au visage à son attitudeglaciale lorsqu’il abordait certains sujets,ouqu’ilme regardait avecmépris. Jene saispaspourquoi,maisj’étaissûrequesafroideurn’étaitqu’unmasque.Aufond,ilavaittoutdudragon.Lachaleuràpeinecontenue.Etlapassionprobablementaussi.Jefrissonnai.JenedevaispaspenseràGraysonHawthornencestermes.Jen’ygagneraisrien,etrisqueraismêmedemebrûlerlesailes.Ilmel’avaitbienexpliqué,jen’étaispassongenre.

Jeprisuneprofondeinspiration,mesyeuxs’attardantsurlesmotsgravésdanslapierre,enlettresanciennes,au-dessusdelaporte:InVinoVeritas.Ilfaudraitquejecherchecequecelasignifiait.

JeretournaiàlacuisineoùjetrouvaiCharlotte,quinettoyaittoujourslesplansdetravail.Ellelevalesyeux,etmefitunsourirebienpluschaleureuxqueceuxqu’elleavaitpumefaireavant.

–Voulez-vousuncafé?–Oui,avecplaisir,répondis-jeensouriantàmontour.Maisseulementsivousenprenezunavec

moi!Charlotte hésita,mais finit par accepter. Jem’assis sur undes tabourets dubar.Elle servit deux

tasses,enplaçaunedevantmoiavecunpeudelaitetdusucre,posaunplatàtarteetdeuxassiettesavecdescouvertsàcôtéd’elle,ets’installaavecsonpropremug.

–Graysonestsorti,dis-jeentredeuxgorgéesdecafé.Ellepinçaleslèvres.–Oui,j’aicrucomprendre.Tartecaramelaubeurresalé?Ellecoupauneénormepart,etlaposasuruneassiette.–Oh…Bon,d’accord.J’hésitaispourtant,jusqu’àcequ’ellefasseglisserl’assiettesousmonnez,lesodeursdélicieusesde

carameletdecrèmefraîchemêléeschatouillantmonodorat.– Je sais que cette situation peut probablement sembler… Je tentai de trouver un autremot que

ridicule,inavouable,catastrophique.Immorale.–Singulière.

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C’estlemotquejeprononçaifinalement.–Oui,eneffet,dit-elleensecoupantunepartdetarte.Ellemesourit,mêmesielleapprouvaitmonchoixdemot.–J’espéraismieuxpourGray.Cen’estpascontrevous,voussemblezêtreunefillepleined’esprit.

C’estjustequej’auraispréféré,évidemment,qu’ilfasseunmariaged’amour.–Biensûr.Jenepusm’empêcherderougir.Moiaussij’espéraismemarier,unjour,paramour.–Voustenezbeaucoupàlui.Jecroquaiunmorceaudetarte,lessaveurssucréesetsaléeséclatèrentdansmabouche.J’essayai

toutdemêmedem’empêcherdegémirdeplaisir.Elleacquiesça.–JetravailleicidepuisqueGrayaétélaissélàpourlapremièrefois…Puisellesemblasereprendreetpoursuivit:–Jeveuxdire,depuisqueGrayestvenuhabiterici.J’auraisvoululuiposerd’autresquestions,luidemandercequ’elleavaitvouludirepar«laissé»,

mais jem’abstins. C’était la première fois que j’avais une conversation avec elle, je ne voulais pasqu’ellemeprennepourunefouineuse.

–Mais, évidemment, continua-t-elle, je comprends pourquoi votre offre est très séduisante pourGrayson.Il…

Ellesecouadenouveaulatêted’unairtrèstriste:–Ilestprêtàtoutpourretrouverlevignoblequ’ilaconnuautrefois.–C’estl’héritagedesafamille,jepeuxcomprendre.Ellehochalatête,sesyeuxcroisèrentlesmiens.Sessouvenirssemblaientvenirdetrèsloin.–Etpourvousalors?N’yavait-ilaucuneautreoption?–Celle-cisembleêtrelameilleurepourlemoment,dis-jecalmement.Jenesaispourquelleraison,jemesentaishonteusedevantlevisagesidouxdecettefemmed’âge

mûr,quiparlaitavecuncharmantaccentanglaisetmeregardaitgentiment.–Graynevousa-t-ilpasparlédemasituation?–Ilm’enadonnélesgrandeslignes.Ellemeregardafixementuninstant,commesiellemejaugeait.–Toutcequejeveuxdire,c’estquecettedécisionpeutavoirplusderépercussionsquevousnele

pensez.Jevousimplorederéfléchiravantdenepluspouvoirfairemachinearrière.–Jecomprendscequevousvoulezdire,Charlotte,etj’apprécievosconseils,mais…–Vousavezprisvotredécision.–Oui,eneffet.J’espèrequevousarriverezàmecomprendre.–Alors,dit-elle,c’estcommeça.Jebaissailesyeux,fixantmapartdegâteaudéjàbienentamée,nesachantpaspourquoij’attachais

tantd’importanceàl’avisdecettefemme.Ellerepritaussitôtlaparoleavantquejenepuissedirequoi

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quecesoit.–Etpeut-êtrequevousluiferezdubienfinalement.Jedoisavouerquejen’avaispasvuautantde

viedanssesyeuxdepuis…Disons,depuisbientroplongtemps.– Hum… grommelai-je en buvant une autre gorgée de café, ne sachant pas comment prendre ce

qu’ellevenaitdedire.Celasignifiaitprobablementque,bienquenousnenousfréquentionsquedepuisquelquesheures,

nousconnaissionsdéjà lespiresaspectsdenospersonnalités respectives.Je finiscequi restaitdematarte.

–Ah,Charlottependantque j’ypense, est-ceque jepeuxvousdemanderdesdraps?Et j’auraisaussibesoindecouverturesetd’unoreillerpourfairemonlitdanslepetitcottage.

Charlottemeregardabizarrement.– Vous voulez dire le cabanon du jardinier ? Il ne sert qu’à entreposer du matériel depuis des

décennies.Vousnepouvezpasydormir!Grayplaisantaitquandilvousainstallélà-bas.Jefinismatassedecafé.–Peut-être,maisjel’aimebien.Etc’estmonchez-moi.Jenedérangeraipersonnecommeça.–Jenepeuxpasacceptercela,réponditCharlotte,l’aircontrarié.Jen’aimedéjàpascetteidéede

mariageentreGrayetvous,maisilesthorsdequestionquejevouslaisseemménagerdansunecabanecrasseuse,infestéed’araignées.

J’éclataiderire.–Vousvoussouvenezquandj’aiparlédel’Afrique?J’yaivécuunan.J’enreviensàpeine.Cela

faitmoinsd’unesemainepourêtreprécise.Etcroyez-moi,lesinsectesquej’aicroiséslà-basferaientsecacherlesaraignéesd’ici!Jepensevraimentpouvoirgéreruneoudeuxpetitesbestiolesàhuitpattes.Etunlitavecdesdrapspropres,c’estuncranau-dessusdumatelasposéàmêmelesolenterrebattuesurlequelj’avaisl’habitudededormir.

–Quefaisiez-vousenAfrique?Jemecachais,jefuyais,j’étaisenexil.–J’aidaisunamiàconstruireunhôpital.J’aisouri,etc’étaitlepremiersourirevraimentauthentiquedepuismonretouràSanFrancisco.–Ilaideénormémentdefemmesetd’enfants.Unjourjevousraconteraitout.Charlottemecaressalamain,sonregardétaitbienmoinsméfiantqu’auparavant.–Bienvolontiers.

***

Une heure plus tard, j’avais fini de nettoyer la chambre à coucher du cottage grâce au balai queCharlottem’avait fourni. J’avais récuré soigneusement le sommier enmétal, et installé lematelas queWalteravaittransporté.QuandCharlottem’apportalescouvertures,elleregardalapièceavechorreur,meproposantànouveaudem’installerdanslamaison,puisellefilaaussivitequepossible.

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Jem’attaquerais à la salle de bains dans lamatinée. Pour l’instant, je fis couler l’eau glacée durobinetpourmelaverlevisageetmebrosserlesdents.

Je jetai un coup d’œil derrière le rideau de douche moisi, et grimaçai en voyant l’installationrouillée,lacouchedecrassesurlesoletlesépaissestoilesd’araignéesquicouvraientlesmurs.Beurk!

Commec’étaitlafindel’été,lessoiréesétaientunpeuplusfraîches,maisj’ouvristoutdemêmelesfenêtres.Labriselégèreentra,portantuntrèslégerparfumderosesetdeglycine,dissipantl’odeurdepoussièreetd’huiledemoteur.

Mêmesicen’étaitpasgrand-chose,lelitétaitconfortable.Jem’enfouissouslescouverturesavecmon téléphone, et j’envoyai un court texto àKimberly. Je n’entrai pas dans les détails, car je voulaisattendrequenousayons rencontréMonsieurHartmann, lenotairedemamie.Je lui raconterais toutunefois que ce serait signé, et pas avant, sans quoi elle essayerait de me faire parler. Et Dieu sait queKimberlysavaitêtrepersuasive!Ellemeferaitprobablementdouterdetoutcequej’avaisdéjàaccepté,etjenepouvaispasmelepermettre.Vraimentpas.

J’avais quatremessages. Je respirai profondément, avant d’ouvrir le premier qui venait demonpère.

Kira. Je sais que tu étais làquand j’ai frappéà taporte, et je sais que tum’as entendu. J’aienvoyé James à ton appartement avec un double des clefs, et il m’a dit que tu avais l’air d’avoirdéménagé.Appelle-moiimmédiatement,etdis-moicequetuasl’intentiondefaire.NousdevonsnousréuniravecCooperetnousassurerquenousavonstouslemêmediscours.Merde,Kira,tunepeuxpastepermettrededisparaître,tulesaisbien.J’aibesoinquetusoisàmadisposition.Rienn’achangédepuistonséjourenAfrique?Visiblement,non…Appelle-moi!

Clic.Mesyeuxseremplirdelarmes.J’aibesoinquetusoisàmadisposition.Biensûr,papa.Parceque

c’estcequejesuispourtoi,uneesclaveàtonservice.Lesdeuxmessagessuivantsétaientdemonpère.Jelessupprimaisanslesécouter.Heureusement,

j’avais pensé à désactiver le GPS sur mon téléphone pour qu’il ne puisse pas me localiser. C’étaitcertainement comme ça qu’il avait su que j’étais àmon appartement en train de fairemes valises – àmoinsqu’ilaitdesespionsàsonservicedansl’immeuble,cequiétaittoutaussiprobable.

Le derniermessage était deCooper. J’appuyai pour l’écouter, enmemordant les lèvres presquejusqu’ausang.Ilfallaitquejeforcemoncorpsàsedétendre.

Salut,Kira–blanc–Bonsang, j’espérais trouverquelquechoseàdireaprèsavoirentendulebip.–grandsoupir–Tonpèrem’aditquetuétaisderetour.Kira,onabesoindeparler.Ondoitseparler.Écoute,j’avaisespéréquetuallaisdécrocher.Tun’asjamaisréponduàaucunedemeslettres,maiss’ilteplaît,appelle-moi.Tum’astellementmanqué.

ClicJet’aimanqué?Espèced’enfoiré.Les larmesroulaientsurmes joues,et j’enfouismonvisagedans l’oreillerenrepensantàce jour

horrible, à cette trahison terrible quim’avait brisée enmillemorceaux.Au choc subi, à l’humiliation

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ressentieetdontilnerestaitaujourd’huiqueladouleur.Je finis par tomber dans un sommeil agité, dont je ne fus tirée que par le bruit d’un véhicule se

garantdansl’alléedegravier.Jemeredressai,àpeineréveillée.J’essayaidedistinguerquelquechosemaisilyavaittropdefeuillagedevantlafenêtreducottagepourapercevoirl’allée.J’entendisdespas,probablement ceux de Grayson qui sortait de son pick-up, et prenait la direction de la maison.Mespaupièreslourdesserefermèrent,etjesombraiànouveaudanslesommeil.

***

Lesoleilmatinalbrillaitàtraverslafenêtreouverte,diffusantunelumièrejaunecitronquifinitdedissipermes rêves. Jem’assis etm’étirai.Après avoir rapidement faitma toilette à l’eau glaciale dulavabo de la salle de bains, je nouai mes cheveux en chignon, puis j’enfilai un short en jean et undébardeurbleumarine.Jem’occuperaideladoucheplustard,etjemelaveraicetaprès-midiavantnotrerendez-vous.

Je pris la direction de lamaison.Le gravier crissait sousmes pas.Quand je frappai à la porte,Walterouvrit,levisagetoujoursaussiimpassible.

–MonsieurHawthornprendsonpetit-déjeunerdanslacuisine,annonça-t-il,trèsformel.–Merci,Walter.Jesouris,puismedirigeaiverslacuisine.Graysonétaitassisà lamêmeplacequ’iloccupaitaudîner,unmagazinedevinquelconqueposé

devantlui.Jeprismoiaussilesiègequej’avaisoccupélaveille,àl’autreboutdelatable.–Bonjour!lançaCharlotte,suruntonjoyeux.–Bonjour,dis-jeenfaisantunsignedetêteàGrayson.Ilyavaitfaceàmoidesœufs,dubacon,destoastsetdesgalettesdepommedeterre.Jemeservis

une belle assiette. Après plusieurs bouchées, je levai enfin les yeux et vis Grayson quime regardaitmanger.Surpris,ildétournaleregard.

–J’aibeaucoupdetravailaujourd’hui.Quelesttonprogramme?medemanda-t-il.Jefinisd’avalerlemorceaudetoastquejevenaisdemettredansmaboucheavantderépondre.–D’abordjevaisfaireunpeuplusdeménagedanslecabanon,puisjemesuisditquejepourrais

faireunebaladedanslapropriété,situn’yvoispasd’inconvénient.Ilsefigea.–Lacabanedujardinier?Tuveuxvraimentyrester?Enfin…C’étaituneblague,Kira.Jehaussailesépaules.–Jem’enfiche,c’estunendroitàmoi…Loindetoi…jenetedérangeraipascommeça.Cesera

commesijen’étaismêmepaslà.Jeluifisungrandsourire,qu’ilnemeretournapas.Graysonmeregardauneseconde,puisrepritmachinalementlalecturedesonmagazine.–Commetuvoudras.

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Quelquesminutesplus tard,Graysonpritcongé,semblantun toutpetitpeumoinsglacial,etpartittravailler en m’informant qu’il me retrouverait devant la maison à quinze heures. Je finis mon petit-déjeunerpuisproposaiàCharlottede l’aiderànettoyer, cequ’elle refusa. Je luidemandaialors si jepouvaisemprunterdesproduitsménagers,etretournaidansmapetitemaison,lesbraschargés.

Jepassailesquatreheuresquisuivirentànettoyerdesdécenniesdesaleté.Danslapetitesalledebainsd’abord–unvestigedesannéessoixante-dixtrèsprobablement–,puisjem’attaquaiauxfenêtres,auxsolsetmêmeauxmursdelachambre.Pourl’entrée,jenepouvaispasfairegrand-choseétantdonnéqu’elleétaitrempliedematérieldejardinage.Jemecontentaidemefrayerunchemindansledésordreetd’enleverleplusgrosdestoilesd’araignées.Jepouvaisfermerlaportedecettepièceetvivredanslesdeuxautres,désormaispropres.

Jeneprisqu’uneseulepausepourmanger rapidementdans lamaison,Charlottem’ayant informéqueledéjeunerm’attendraitdanslacuisine.

Quandj’eneusfiniaveclecabanon,lesmusclesdemoncorpsmebrûlaient,maisj’étaisfièredurésultat:touteslespiècesétaientdésormaisimpeccables.Mamaisonpourlesprochainsmois!C’étaitloin d’être raffiné, mais le luxe nem’avait jamais rendue heureuse de toute façon. Non, j’aimais cetendroit parce que c’étaitmon petit espace.C’est là que j’avais atterri…Là où le chemin que j’avaischoisideprendrem’avaitconduit.

Lajournéeavaitétéchaude,mais,lecabanonétantombragéparlesarbres,maintenantquel’après-miditouchaitàsafin,latempératureavaitchuté.Aumomentdepassersousl’eauglacialedeladouche,jepoussaidepetitscrisendansantsurplacepouressayerdemeréchauffer.Jemelavailescheveuxetlecorps à la vitesse de l’éclair grâce aux articles de toilette que j’avais apportés. J’avais oublié dedemanderàCharlottedesserviettes,etenattendantd’enavoir,jemeséchaiavecuntee-shirt,puisenfilaides vêtements propres.Heureusement, il y avait un sèche-cheveux, qui en plus de remplir sa fonctionpremière,meservitderadiateur.Jeneprispaslapeinedem’attacherlescheveuxetleslaissailâchéssurmesépaules.

Dehors,lecielétaitd’unbleupâleserein,parsemédequelquesnuagesblancslégersetcotonneux.Jerestaideboutàadmirerlesvignesquiondulaientsurlescollines.Jenesavaispasgrand-chosesurleprocessus de vinification, mais j’espérais apprendre. Non pas que je prévoyais de rester ici trèslongtemps, mais je trouvais intéressant de m’informer sur cette pratique séculaire et qui était restéetraditionnelle.

Jemepromenaiderrièrelamaison,justepourvoirlelabyrinthedeplusprès.Unefoisdevantcetteénormeconstructionnaturelle,jevisquel’entréen’étaitpasfermée.Jem’aventuraialorsàl’intérieurenmarchantprudemment,danslebutd’exploreruneoudeuxalléespasplus.L’endroitétaitenvahiparunevégétationluxuriante,lessentiersétaientbienplusétroitsqu’ilsn’auraientdûl’être,lesolétaitrecouvertpardesplaquesdemauvaisesherbes.Pourtant,c’étaitmagnifique.Ilyfaisaitbienplusfrais,aumoinsunedizainededegrésdemoinsqu’à l’extérieur.Si j’avais lacertitudedepouvoir trouver lasortie, jeflâneraisdanscedédale indéfiniment. Jemedemandais s’ilyavaitquelquechoseaucentre.Pourquoi

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Grayson voulait-il détruire quelque chose de si exceptionnel ? C’était grotesque. J’espèrais qu’ilchangeraitd’avisunefoisqu’ilauraitlesfondspourl’entretenir.

Jefisdemi-touravantd’êtrecomplètementperdue.Jecommençaiàdescendreunepetitecollineendirection d’une grande bâtisse en pierre que j’imaginais être l’endroit où le vin était fabriqué etentreposé. Il y avait quelques tracteurs et des camions stationnés devant, et je pouvais entendre lesmachinesfonctionneràl’intérieur.

Alors que je me rapprochais, je distinguai deux hommes debout près du bâtiment à côté d’untracteur,et,souscedernier,unepairedecuissesmuscléesdépassait.Undeshommesmesaluad’unsignede lamain, et je répondis de lamême façon. L’homme qui se trouvait sous le tracteur en sortit et sereleva.

Grayson.Moncœurs’arrêtanet.Ilétaittorsenu.Ilseredressacomplètementetattenditquejelesrejoigne.

J’avaisdéjà remarquéqu’il était trèsbienbâti, superbementproportionné,mais lavuede ses épauleslarges,desespectorauxparfaitementdessinéssurlapoitrine,desonabdomenplatetsculptémecoupalesouffleetmefit rougiraussitôt.Dieuqu’ilétaitbeau,massifmaisfin,sapeaulisseetbronzéebrillantsouslesoleil.C’étaitunmodèledevirilité,etjenepusmaîtriserlesréactionsdemoncorpsàsavue.Lesmusclesdemonventresecrispèrentinstantanément.Mauditdragon.

Graysonenlevalacasquettedebaseballqu’ilportait,lissasescheveuxenarrière,puislareplaçacommefontlesmecs.Luttantcontrelaréactiondemoncorps,j’envoyaiàGraysonmonsourirelepluséclatant.Ilmeprésentalesdeuxhommesaveclui,unHispaniqueavecunepetitemoustachequin’étaitpasbeaucoupplusgrandquemoinomméJosé,etungéantavecunsourire timide,Virgil.Je lessaluaitousdeuxetfisunsigneàGraysonquihochalatête.

–Letracteurestcassé?leurdemandai-je.–Non,réponditGrayson.D’ailleurs,c’estbienl’unedesseulesmachinesquinelesoitpas.J’étais

justeentraindeleréviseravantlarécolte.–Ettufaistouttoi-même,n’est-cepas?Pasétonnantquetutravaillesduleveraucoucherdusoleil.–Jen’aipaslechoix.Commetupeuxlevoir,monéquipeestassezréduite.Ildésignad’unsignedetêteJoséetVirgil.Celuiquis’appelaitVirgil,etquisemblaitêtrementalementretardé,s’avança.–Jesuisvraimentheureuxdevousrencontrer,Madame.MonsieurGraysonaditqu’ilsepourrait

qu’ilvousépouse,etjecroisquec’estunebonneidée.Ilditqu’ilnesaitpassivousêtesuneprincessepourriegâtéeouunepetitesorcière,maisjepensequesivousêtesunesorcière,vousêtesunegentillesorcière,carvousêtesvraimenttrèsjolie.

Ilrougitetbaissalesyeux.Àsesparoles,jemehérissai,etfisunsourirecrispéàGrayson,quieutlagrâcedeparaîtreunpeuembarrassé.Josétoussalégèrement,seretenantvisiblementderire.

–C’esttout?Qu’est-cequeMonsieurGraysonaditd’autreVirgil?Graysoneutunpetitriretendu.–Bon,assezbavardé.Nousdevrionsêtre…

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– Il dit que la raison pour laquelle il vous aime c’est parce que vous avez un paquet d’argent,continuaVirgilquin’avaitpascomprislasituation.Moiaussi,jevaisavoiruntasd’argentunjourpourquelesgensm’aiment.

Sonfrontseplissaitàmesurequ’ilréfléchissait.–Bien sûr,mamandit que cequi compte, cen’est pas cequ’unepersonnea,mais comment elle

traitelesautres,alorsjenesaispas…Ilsegrattalanuque,l’airunpeuperdu.Josétournalestalons,unsourireamuséauxlèvres.Ilpassaitunbonmoment.–Ehbien,Virgil,sij’étaisvous,j’écouteraisdavantagevotremèrequeMonsieurGrayson.Je jetai un regard dégoûté à Grayson. Qu’est-ce qui lui avait pris de parler devant cet homme

innocent?Deplus,plusieurspersonnesétaientmaintenantaucourantdenotreaccord.N’avait-ilrienécoutéde

cequejeluiavaisditsurmonpère?Maconsternationn’avaitrienàvoiraveccequ’ilavaitditdemoi.Loindelà.Jesavaisquec’était

cequ’ilpensait.Iln’avaitpasbesoindem’aimer.Etilpouvaitcroirequej’étaisunesorcièresiçaluifaisaitplaisir.Jemefichaisdel’opiniond’undragon.

Graysonenlevasacasquette,pritletee-shirtquiétaitaccrochéàlapochearrièredesonpantalon,etl’enfila.Jepoussaiunsoupirdesoulagement.Lesreptilesnusmeperturbaient.

–Messieurs,ditGraysonenquittantJoséetVirgil.Jevousvoisdanslamatinée.Je souris auxdeuxhommesquinousobservaient, en les saluantd’undernier signede lamain. Il

m’attrapaparlecoudeetmetiraderrièrelui.JelevailesyeuxversGraysond’unairindifférent.Jenevoulaispasqu’ilpensequesonavissurmoiavaitlemoindreintérêt.J’avaisbesoindeluipouruneseuleetuniqueraison.

Graysonsemitàrire.–Allez, jevais te ramenerà lamaison.Etpuisnous ironsnousoccuperdesavoirsinousallons

nouspasserlacordeaucou,oupas.

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CHAPITRE6

GRAYSONJeregardailafemmeassiseàcôtédemoi.Cellequiallaitêtremonépousedansquelquesjours.Ma

femme.Jesecouailatêtediscrètement,méduséparlesévénementsdesdernièresvingt-quatreheures.Cemariage n’était qu’un accord financier,mais tout demême. Qu’il soit truqué ou non, le fait était quej’allaisavoirunefemme.Quandj’étaisplusjeune,j’avaistoujourssupposéquejememarieraisunjour,jepensaismêmesavoiravecqui.J’avaisundésirsincèredefondermaproprefamille,devivrelegenrede vie rassurante dont j’avais toujours rêvé mais que je n’avais jamais eue. Et puis il y avait euVanessa…Et…disonsquelavieestpleinedesurprises.Etpastoujoursbonnes.

Elleseretournasursonsiègeensemordillantlalèvre.– Penses-tu que ce soit intelligent de dire à tes employés que notre mariage est une comédie ?

s’exclama-t-elle.Jet’aiprévenupourmonpère,etmoinslesgensserontaucourant,plus…–J’aiconfianceenJosé,c’estcommeunfrère.J’arrêtailavoituresurunparking.Impossiblederetenirlerirenerveuxquimontaitdansmagorge

enm’entendant dire ça. Personne ne savaitmieux quemoi que tous les frères n’étaient pas dignes deconfiance!

–OnpeutfaireconfianceàJosé,ajoutai-je.QuantàVirgil,jedoutequequiquecesoitprêteuneoreilleattentiveàcequ’ilraconte.

Kira, en ouvrant la portière, me lança un regard à la fois méprisant et nerveux. Je sortis de lavoiture.

–Entoutcas,ilsemblebiensavoiràquiilaàfaire,ajouta-t-elle.–Biensûr,delamêmemanièrequeleschiensetlesenfants.Etdanstouslescas,qu’ilssoientau

courantnem’inquiètepas.Quelqu’unmarchaitsurletrottoir.Instinctivement,jem’approchaid’elleetlafisreculerjusqu’àce

qu’elle soit bloquée contremon pick-up. Je vis alors la panique se peindre sur son visage. Je sourisquandnosdeuxcorpsfurentpressésl’uncontrel’autre.

–Qu’est-cequetufais?siffla-t-elle.–Jemontrepubliquementquenotrerelationestbienréelle,luiglissai-jeàl’oreille.Qu’est-ce qu’elle sentait bon ! Pas seulement bon, incroyablement bon. Son parfum était discret,

commeunebrisedefleurslointaines.Jen’avaispasidentifiécetteodeuravantquemonneznesepose

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doucement contre sa peau. Je frottai mon visage dans son cou, inhalant profondément pour capterl’essence délivrée par la chaleur de sa peau contre lamienne. Elle était aussi raide qu’un piquet. Jem’éloignai.MonDieu,mêmesiçanefaisaitquedeuxjoursquej’avaisvuJade,«lacorbeilledefruits»,j’avaisbesoind’unefemme.

–Situveuxquenotremariagesoitcrédible,ilvafalloirquetuymettesplusdeconviction.Sinonlesgensvontpenserquejetebrutalise.

Jemeretournaietmeremisenmarche.Aprèsuneseconde,ellemerattrapa.Enjetantuncoupd’œildanssadirection,jeristantsesépaulesétaientrigidesetsonpetitmentonlevéhautversleciel.Pourquoiest-cequej’aimaistellementlataquiner?

MonsieurHartmann, lenotairede lagrand-mèredeKira, passa en revue les termesdu testamentavecnous.C’étaitsimple,dit-il.Lepaiementaurait lieudèsquenousluiaurionsapportéunecopiedenotreextraitdemariage.Kiraetmoiétionsassisl’unàcôtédel’autre,noustenantlamaincommedeuxtourtereaux,lachaleurdesapeaubrûlantlamienne.MonsieurHartmannsemblaenchantéquandilnousobserva.

–Tagrand-mèreétaitunefemmeremarquable,Kira.Elleseraitsiheureusedetevoiramoureuse.Kiragrimaçalégèrement,etseforçaàsourire.–Merci,elleauraitadoréGrayson.J’ensuissûre.–Jen’endoutepas.Etelleauraitététellementcontentedesavoiraussiquetuveuxvivreici.Elle

aimaitvraimentcetteville.–Oui,c’estvrai,ditKiraensouriantaffectueusement.Ilétaitévidentqu’elleavaitbeaucoupaimésagrand-mère.Laculpabilitémenoual’estomac,mais

jel’ignoraidumieuxquejepus.Aprèstout,c’étaitlechoixdeKira.Jenel’avaismêmepasconnue.Jenedevaisrienàcettedame,niàelleniàsonargent.

–Tusais,poursuivitMonsieurHartmann,tagrand-mèrecroyaitquesilesannéesetlamaturiténefaisaient pas de toi une personne plus consciente des besoins des autres, ou du moins d’un autre, lemariageleferaitcertainement.C’estlaraisonpourlaquelleelleamiscetteconditionàtonhéritage.Ellevoulaitqu’ilsoitbienutilisé,et,idéalement,aveclepartenairequetuauraischoisipourpartagertavie.

Ilfitunclind’œilàKira.–Jesuistellementheureuxquecesoittoncas.Kiraluisouritetopinaduchef,maisellenesemblaitpastrèsàl’aise.–Çafaitlongtempsquejen’aipasvutonpère.Commentva-t-il?demanda-il.Kirasemblaaccuserlecoup.–Ilvabien,MonsieurHartmann,répondit-elle.Puis,aprèsunsilenceellereprit:jeneluiaipas

encoreditpourGrayson…Ceseraitgentilàvousdenepasluienparleravantquejepuisseluiannoncer.MonsieurHartmannfronçalessourcils,maisrépondit:–Biensûr.Une fois le rendez-vous terminé, nousnous assîmesdansmonpick-upet je contactai l’avocatde

Napaquiavaitsuivilesaffairesdemonpèrependantdesannées.Jepensaisqu’ilpourraitmerecevoir

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rapidementetj’avaisraison.Lerendez-vousfutfixéaulendemain.C’étaitvertigineux.Toutçasedéroulaittellementrapidement,etc’estcequej’avaisvoulu.Encore

unefois,plusvitecemariagecommencerait,plusviteKirapourraitpartir.–SiMaîtreKohlerpouvaitrédigerlecontratdanslasemaine,nouspourrionsnousmariervendredi

prochain,dis-jeàKirasurlecheminduretour.–D’accord,répondit-elletranquillement.–Jevaisprendrerendez-vousalors.Nousauronsbesoind’unentretienpréalableàlamairie,puis

d’unautrepourlacérémonie.JevaisregardersurlesiteInternet.–D’accord.Elle tira sa jupe pudiquement etmes yeux se posèrent sur ses jambes nues. Elles étaient belles.

Élancéesetfines.Legenredejambesqu’unhommevoudraitavoirautourdeluiquandil…Jeserrailamâchoire,chassantimmédiatementcespensées.Jeprisalorsconsciencedesonsilence,

etjedemandai:–Tuhésitesencore?–Non!Non,c’estbien.C’estrapide,maisçavaaller.– Plus vite onmet tout en place, plus vite on sera débarrassés, dis-je, exprimant la pensée que

j’avaiseueplusd’unefois.–Ouic’estvrai.Ellemefitunpetitsourireencoin.Jen’avaistoujourspasvusafossette.Peut-êtrequejel’avais

rêvéesurl’écrandemonordinateur.Jel’observaifurtivementprendreseslongscheveuxdanssesmainsetlesattacherenchignonavec

unélastiquequ’elleavait trouvédanssonsac.Desmèchesondulées tombaientautourdesonvisage,àl’endroit où elles semblaient toujours se placer quand ses cheveux étaient relevés. Ils étaientapparemment trop soyeux pour rester attachées toute la journée. Je me demandai ce que je pourraisressentirsij’enroulaisunedesesmèchesautourdemonpoing.

Putain!Maisarrêtedepenseràça!C’étaitunvraimystère.Unejolieprincesseavecletempéramentvolcaniqued’unepetitesorcière.

J’aimaisbeaucoupallumerlefeudanscesdeuxprunellesvertescristallines.Jemedemandaiscommentelleseraitaulit.Unepetiteséductricesexyqui…

Enme garant devant la maison du jardinier, je serrai les dents, frustré. Elle m’avait surpris enfaisantlechoixderesterdanscetaudisinsalubre.N’ayantquedel’eaufroide,ellenes’étaitsûrementpasdouchée,pourtantelleavaitl’airfraîcheetpropre.Jegrimaçai.Ellenepouvaitvraimentpasresterlà.Çamedépassaitqu’elleveuilleypassercinqminutes,oupireencoreyhabiter.J’avaispassécinqansdansunepetitecelluledebéton,etjen’avaispourtantaucundésirdevivrelà-dedans.C’étaitd’ailleurspeut-êtrepourcetteraison.Jenesupportaispaslongtempslespetitsespaces.

Souvent, la nuit je me réveillais en nage à cause des cauchemars que je faisais depuis monincarcération. Je n’avais jamais parlé à personne de mon expérience, et je doutais le faire un jour.

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Pendant quelques secondes, la solitude et la douleur,mes fidèles compagnes durant ces cinq longuesannées,m’assaillirent,etjesentisànouveaulepoidsdemeséchecspesersurmesépaules.

Jefermailesyeuxetchassaicesréminiscences,préférantconcentrermespenséessurKiraDallaire,etsurlefaitqu’ellehabitaitdanslaremisedemonjardinier.Jel’avaisvisiblementmaljugée,aumoinssurquelquespoints. Jemedemandaiquelsautressecrets j’auraisdécouvertssurellesi j’avaispris lapeinedecreuserplusprofondément.

Cequejen’avaispasfait.Pasdutout.Unefoislevéhiculeàl’arrêt,ellesautaàl’extérieuretrestaunmomentdevantlaportièreouverte.– Je serai prête pour notre rendez-vous demain matin, et ensuite, j’irai à San Francisco pour

m’occuperdequelquestrucs.Jem’absenteraitoutleweek-end.J’acquiesçai.Celameconvenaitparfaitement.Jepensaialorsqu’ilfallaitbienqu’ellesedoucheà

unmomentouàunautre.Moinsjelaverraisavantnotremariage,mieuxceserait.Celam’éviteraitd’ypenser.

–D’accord,rejoins-moidehorsàonzeheures.Elle hocha la tête, ferma la portière et s’éloigna à travers le feuillage. Je restai assis là pendant

quelquesminutes,enpleinquestionnementintérieur.Cen’étaitvraimentpastopdelalaisservivrelà.Enmêmetempsc’étaitsonchoix.Peut-êtrequ’unedosedegalèreferaitdubienàlaprincesse.Oubienétait-ceparcequelessorcièrespréféraientlespetitesmaisonsdanslesbois?Cetteréflexionmefitriremoi-même.

***

Lerendez-vousavecMaîtreKohlerfutsimpleetrapide.Nousn’avionspasvoulurédigeruncontratdemariageendétail,pourlecasoùnousserions«amenés»àdivorcer,maisnousavionsindiquéquechacundenouspartiraitaveccequ’ilavaitaudépart.Lecontratétaitextrêmementsimpleetnousavionsconvenud’unrendez-vouslejeudisuivantafindesignerlesdocuments.Après,nousenaurionsfiniaveclesformalitésadministrativesdenotremariage.J’avaisprisrendez-vousàlamairielevendredimatin,àdix heures. La seule chose qu’il nous restait à faire était de nous présenter. Jeme sentais légèrementnauséeux.EtvuleteintverdâtredeKira,c’étaitaussisoncas.

Jeladéposaiaucottageetluidisqu’onseverraitlundi.Elles’éloignasansunregard.Elleavaitétési silencieuse après notre rendez-vous que j’en venais à me demander si elle reviendrait de SanFrancisco.Peut-êtrequeceseraitmieuxainsi.Maiscen’étaitpascequejevoulais.Pourlapremièrefoisdepuisunan,jevoulaisqueletempspasseplusvite.

J’allais consulter la liste deWalter à proposdumatériel à réparer ou à remplacer. J’en eusdespapillonsdansleventre.Bientôt, jepourraislalireetrayeruneàunelestâcheseffectuées.Latensiondansmesépaulesavaitdisparu,etj’avaisfinalementlaisséunsouffled’espoirm’envahir.Lepouvoirdece dernier avait permis à mon cœur de battre sauvagement. Quand est-ce que j’avais éprouvé cettesensationpourladernièrefois?Impossibledem’ensouvenir.

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–Jenetelaisseraipastomber,jurai-jepourlacentièmefoisenm’adressantàmonpère.Tuserasfierdemoi,jetelepromets.

Ilfallaitquejemepersuadequ’ilmevoyait,qu’illesaurait.C’étaitcequimemaintenaitenvie.Jepassaileweek-endàtravailleravecuneardeurrenouvelée.Ilallaityavoirbeaucoupdeboulot,

malgrélesrentréesd’argentàvenir.Etj’avaisencoreunmaigreeffectif.Ilfaudraitquej’embauchedeuxpersonnesdeplusdèsquej’auraislechèqueenmain,oudèsquej’auraislacertitudequ’ilallaitarriver.

Quandjerevinsàlamaisondimanchesoir,jemesuissouvenudelabouteilledeVosne-Romanéequej’avaisdemandéàWalterdemonter.Lahonteetlesremordsm’avaientdévoréquand,pourrenflouermes finances, j’avaisenvisagédevendrecequiavaitété la fiertédemonpère : sacollectiondevinsrares.Lesimplefaitd’yavoirpenséétaitdéjàunetrahison.J’essaie.J’essaiesifortdesauvertoutcequit’étaitprécieux.

Lesoulagementdenepasavoirà lesvendreétait immense.Lasensationd’avoir réussi–encorequelquechosequinem’étaitpasarrivédepuislongtemps–m’envahit.

QuandjevisWalter,jeluidemandaideremettrelabouteilledanslacaveoùelleétaitconservée.–Oui,Monsieur.Jeleferaicettesemaine.–Merci.–Etpuis-jevousadressertousmesvœuxdebonheurpourvotre…mariage,Monsieur?Walteravaitprononcélemot«mariage»avectoutleméprisdontilétaitcapable.Et,venantdelui,

cen’étaitpasrien.–Non,Walter.Jevissalèvretremblerlégèrement–Trèsbien,Monsieur.Jevoussouhaitetoutdemêmelemeilleur.Mamèreavaitl’habitudededire

quelemariageressemblebeaucoupauvin.Ilsarriventtousdeuxlentementàmaturité,etdeviennentplusintensesetcomplexesavecletemps.

Jemetournaiverslui.–Walter, jepenseque tusaisaussibienquemoiquemonmariagen’aurapas le tempsdemûrir.

C’estprovisoire,uniquementpourdesraisonsquenousqualifieronsdeprofessionnelles.–Sivousledites,Monsieur.Jem’arrêtai,lessourcilsfroncés.–Ouijeledis.–Trèsbien,Monsieur.Je le fusillai du regard et me dirigeai vers les escaliers avant qu’il ne réussisse à vraiment

m’énerver.Iltrouvaittoujourslemoyendemedonnerl’impressionquej’avaisànouveaudouzeans.Etilavait une façon de me faire me remettre en question avec ses « Oui, Monsieur, Non, Monsieur ».Insolent!Jelevireraiundecesjours.Etsansindemnité.

Jeprismondînerseul,medemandantquandKirarentrerait.Jeneluiavaispasposédequestionssursonvoyage.Jenevoulaispasinstaurerunerelationentrenousoùnouspourrionssurveillerlesalléeset venues de chacun. Je ne voulais pas qu’elle pense qu’elle pouvait se le permettre avecmoi.Mais

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bon… si elle avait changé d’avis… Je préférais le savoir maintenant plutôt que d’attendre qu’ellem’appellecommeunefleuraprèsn’êtrepasrentréedelasemaine.

Àcontrecœur, je prismon téléphone et composai sonnumérodeportable, que je n’avais appeléqu’une seule fois enallantdans sa chambred’hôtel. Je réfléchis à ceque jepourrais lui écrire. Jenevoulaispasqu’elleaitl’impressionquejelasurveillais.

Grayson:Est-cequejedoisdemanderàCharlottedetegarderuneassietteauchaud?Quelquesminutesplustard,montéléphonebipa.Kira:C’estgentil,maisnon,merci.Jemerenfrognai.Est-cequ’elleétaitbêteoubienellelefaisaitexprès?Grayson : Très bien alors je vais demander à Charlotte de te préparer le couvert pour le petit-

déjeuner.Kira:Nonplus,ceneserapasnécessaire.Jeteremercie.Jegrognaisurletéléphone,frappantlespetiteslettresduclavier.Grayson:Merde,Kira,tureviensoupas?Auboutdequelquesminutes,jesentisuneétrangepaniquem’envahir.Kira:Oui,jeseraideretourdemainaprès-midi.Jetemanque?Jepoussaiunsoupirdesoulagement.Grayson:Non.Bonnenuit.Petitesorcière.

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CHAPITRE7

KIRAJefranchis lesgrillesde lapropriétédesHawthornà16heures,sous lechaudsoleildecette fin

d’après-midi.J’avaispasséleweek-endavecKimberly,luifaisantlecompterendudetoutcequis’étaitpasséavecGraysonHawthorndepuisnotredernièrediscussion.

Audébut,ellerefusademeparler,puis,pendantquinzeminutes,ellepiquaunecrisedecolère,mesortantdestiradesenespagnolquej’encaissai,assisesurlecanapéfaceàelle,lesbrascroiséscommeunenfantdiscipliné.Ellemerappelaaumoinsvingtexemplesde«TrèsMauvaisesIdées»quiavaientfinidemanièrecatastrophique.

Quandellerepritunpeusoncalmepourdiscuterpresquesereinementet,surtout,quandellecompritquejen’allaispasfairemachinearrière,ellemepritdanssesbrasetmeditqu’ellem’aiderait.C’étaitsouvent comme ça avec Kimberly. Je savais qu’il fallait que j’attende qu’elle se calme. Et elle meconnaissaitassezpournepasignorerqu’unefoisquej’avaiseuune«TrèsMauvaiseIdée»,ilyavaitpeudechancequejechanged’avis.Lefaitqu’elleaitpiquéunecolèreluidonnaitl’impressiond’avoirfait sondevoir. Je la laissais faire.Au fond, c’étaitune façondememontrer sonamour.Ellem’avaitbeaucoupmanqué.Elle avait toujours été gentille avecmoi, et c’était elle quim’aidait à ne pas fairen’importequoi.

Jefiségalementunerapidevisiteaucentred’accueiloùj’avaispassébeaucoupdetemps.Jeleurgarantisquej’allaisrecevoirungroshéritagequileurpermettraitdetenirlessixprochainsmois,jusqu’àcequ’unedeleursplusimportantessubventionssoitversée.

J’auraisaimépouvoirresterunpeupluslongtempsaveccesgensquej’adoraisetquejen’avaispasvusdepuissilongtemps.Jeleurpromis–ainsiqu’àmoi-même–quejeseraisderetourtrèsbientôt.

ÊtreloinduDragonpendantquelquesjoursm’avaitpermisderemettreleschosesenperspective.Jerevenaisàlapropriétéavecplusd’assurance.Ceplanallaitmarcher.Toutétaitmaintenantplusclair,etj’avaistendanceàpenserque,lorsquejeressentaisça,c’estquej’étaissurlabonnevoie.

Dansquelquesjours,nousserionsmariés,j’auraisl’argentdemamie,etjeseraissurlepointd’êtreindépendante.Jepourraisdéciderdecequejevoudraisfairedemavie.Jeseraisenfinlibre.

Bizarrement,mapetitemaisonm’avaitmanqué.Aprèsavoirouvertlesfenêtresetmismavaliseaupied du lit, je m’allongeai et souris en regardant le plafond sale et écaillé. J’enroulai unemèche decheveuxsurmesdoigts,etfredonnailadernièrechansonquej’avaisentendudanslavoiture.

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J’entendisau loin lebruitd’unvéhicule, trèsprobablementun tracteur,et lesvocalisesstridentesdesoiseauxdans lesbranches.Quandj’auraisdéménagé, jemetrouveraisunpetitendroitsemblableàcelui-ci,quelquepartdanslaNapaValley.Unendroitsimple.Unendroitoùjepourraisêtremoi-même.Oùjepourraistrouverlebonheur.Jem’assisensoupirant,sortismesvêtementsetdéballailesnouvellesserviettesmoelleusesquej’avaisachetéesàSanFrancisco.

Après avoir cherchéma trousse de toilette dansmavalise, je pris la direction de la douche.Unhommeétaitjustedevantlaporte.J’eustellementpeurquejelâchailesproduitsdetoiletteetpoussaiuncriaigüdignedupluseffrayantfilmd’horreur.

–Oh, oh, ditGrayson, en s’avançant versmoi, lesmains en l’air comme pour signifier « Jemerends»,afindemecalmerj’imagine.

Sesyeuxétaient écarquillésde surprise, et je nepusm’empêcherde remarquerqu’ils balayaientmoncorpsdehautenbas.

–OhmonDieu!criai-jeenmerendantcomptequej’étaisnuecommeunver.Je cherchaiquelque chosepourmecacher, et attrapai finalement la chemiseposée surmavalise

ouverteenessayantdemecouvrirautantquepossible.Graysonfitvolte-faceetsortitprécipitamment.Jemerecroquevillaiaupieddulit,monvisageétaitécarlate,mesjambestremblaient.–Tunefrappesjamais?–Tun’as rienque je n’ai déjàvu auparavant, entendis-je alors unpeu fort de l’autre côtéde la

fenêtreouvertetandisqu’ils’éloignaitdemamaison.Jecroisbienquej’airéponduengrognant.Trèsgênée,jemejetaisousladouche,ronchonnantencorecontrelesvoyeursirrespectueux.Rienqu’iln’avaitdéjàvu.Pouah!Salebêtepleined’écailles!Aprèsm’êtrefrottée tellementénergiquementquemapeauenétait irritée, j’enfilaidesvêtements,

mefisunchignonavecmescheveuxmouillésetmedirigeaiverslamaisonprincipale.Charlottemesaluagentimentàmonarrivéedanslacuisine.–Est-cequeGraysonestdanslesparages?demandai-je,enessayantdedissimulerletremblement

dansmavoix.–Il…–Jesuislà,entendis-jederrièremoi.Jemeretournai,leregardnoir.–Puis-jeteparlerenprivé?Ilplissalesyeux,maisnebougeapasd’unpouceignorantapparemmentmarequête,ounevoyant

pasd’objectionàcequeCharlottenousentende.Qu’est-cequeçapouvaitbienfaireaprèstout?Ellenousavaitdéjàentendusnousdisputeravant.Jecroisailesbras.–Tunepeuxpasdébarquerenterrainconquischezlesgenssansfrapper!–J’aifrappéàlaporte,répondit-il,l’airblasé,cequimefitencoredavantagebouillirderage.Etje

n’aipasdébarquécommeenterrainconquis.

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IlsetournaversCharlotte:–Charlotte,est-cequetum’asdéjàvufaireça?–Non,jamais,c’estvrai,dit-elleenfronçantlessourcils.Vousn’êtespasunhommeàfaireça.Jefrissonnai.–Débarquerenterrainconquis,entrerensautillant,s’introduire!–Ensautillant?demandaGrayson,incrédule.Jen’aijamaisfaitça.Mêmepasàlasalledesport!

N’est-cepasCharlotte?Ellesecoualatête.–Non,pascelanonplus.Ellelevaundoigt,tournantsonattentionversmoi.–Jel’aivusauteràlacordeunefois,maisiln’étaitencorequ’unpetitgarçon…Jelevailesbras,irritéeparlestaquineriesdeGraysonetlesoutienqueluiapportaitCharlotte.–Tun’aspasfrappé,ou,situl’asfait,jenet’aipasdonnélapermissiond’entrer.Jen’aipaspule

fairepuisquej’étaisnue!Jerêvaisousespommettesavaientrosi?Charlottetoussota.–OhmonD…,l’entendis-jediredansunsoupir.–Oui,ehbien,touts’estpassétrèsvite.Jen’aipresquerienvu.J’aidéjàeffacécettevisiondemon

esprit.Jepeuxtelejurerlamainsurlecœur.Ildisaitcelacommesiçaavaitétéunevisionparticulièrementdésagréable.–Situasuncœur,cequiestdiscutable,marmonnai-jeentremesdents.Ilmeregardalesyeuxplissés.–C’étaitunaccident,Kira.Jesuisdésolé.Jen’aipascherchéàtevoirnue,jetelepromets.Çane

sereproduiraplus.Il se passa un doigt sous l’œil, comme pour empêcher un tic. Il parlait à nouveau d’un ton

indifférent.Jemeredressaifièrementenlevantlementon.Pourquoisaréactionmegênaittant?J’auraisvoulu

que Grayson, la langue pendue, les yeux exorbités, ait dû résister de toutes ses forces à ma follesensualité?Jesavais,pourtant,quej’étaisloind’êtresexy.Coopermel’avaitsuffisammentrépété.Lacolèrecommençait à retomberet je croisai lesbras commepourme réconforter. Jeprisuneprofondeinspiration.

–Bon,trèsbien,alorsqu’est-cequetuvoulais?Graysongardalesilenceuninstantpourm’observer.–J’aivutavoituregarée.Jevenaisjustetedirequenotrecontratdemariageseraitprêtmercredi.

J’aidoncavancénotremariageàjeudi,dit-ilavantdepoursuivre:àconditionquetusoisd’accord.–Ah…Ehbien…Oui,çameva.Moncœursemitàbattreplusvite.–D’accord.

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Jemesentissoudaintrèsmal.Ilm’observaencorequelquesinstants,totalementsilencieux.–Alorsçayest,onfaitcommeça,marmonnai-je.Jevaisallerdînerenvillecesoir.Onsevoit

demain.Ilme fixa, l’air suspicieux,maisneditpasunmot. Jequittai rapidement lademeure,presqueen

courantjusqu’àmamaisondontjeclaquailaporteunefoisarrivée.

***

Nousnousévitâmespendantlesdeuxjoursquisuivirent.Oudumoins,c’estcequejepensaisquenousfaisions tous lesdeux.Jemetenaisà l’écart,et j’étaissûrequ’il faisait lamêmechose.Je levisplusieurs fois en passant, mais en dehors de ces moments, j’étais souvent seule. Je fis de longuespromenades dansNapa, ainsi que dans la propriétéHawthorn. Je lus beaucoup et j’aidai Charlotte àpréparerquelquesrepasqueGraysonnevenait jamaisprendre.J’appréciaidediscuteravecCharlotte.Elleétaitfacileàvivreetavaitlamêmeouvertured’espritquecelledemamie.Jelaconnaissaisàpeine,pourtant, elle semblait remplir le vide laissé par la disparition de ma grand-mère. Peu à peu, elledevenaitunefigurematernelle.

Le numéro de mon père s’était affiché plusieurs fois sur mon portable, mais je n’avais jamaisrépondu. Je finis par lui envoyer un texto pour lui dire que je prenais du temps pourmoi, et que jel’appelleraisbientôt.Jen’euspasderéponse.

Lemercredi,à11heures,Graysonetmoinousretrouvâmesdevantlamaisonprincipale,puisnousnous rendîmes en ville pour rencontrer son avocat.Nous avions renoncé à avoir chacun le nôtre pouréconomiser du temps et de l’argent.Aucun de nous deux ne parla sur le trajet. Il y avait une étrangetensionentrenousdepuis l’incident.J’avaisdumalàdéterminersic’étaitde lacolèreoude lagêne ;peut-êtreétait-celesdeux?

Cequiestsûr,c’estquepourmapartj’étaisencolèreetgênée.Maislui,pourquoiavait-ill’airsifurieux?Aucuneidée.Oualors,peut-êtrequej’interprétaismalsesexpressions.Jeneleconnaissaispastrèsbien.Etilyavaitpeudechancequeçachange.

Nousétionsenavancepournotrerendez-vous,jeluidemandaisiçaneledérangeaitpasquej’aillefaireuntourchezunpetitcavistedanslarue.JevoulaisacheterquelquechoseàCharlotte.Elleavaittoutfaitpourm’intégrerdanslamaisondeGrayson,allantbienau-delàdesonrôlesachantqu’unefemmedeménage aurait simplement fait son travail. Je voulais lui montrer ma gratitude, surtout au vu descirconstances.

Une fois à l’intérieur, Grayson regarda la sélection de vins en devanture du magasin, et je medirigeaiverslefond,làoùlesouvre-bouteillesetautresarticlesdecuisineétaientexposés.Alorsquejepassaisenrevuequelquesjolisplateauxàfromagesdansunedesallées,j’entendisunefemmechuchoter:

– Est-ce que tu as vuGraysonHawthorn ?MonDieu, tu sais que j’étais très amoureuse de luiautrefois?

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Jemeraidislégèrementquanduneautrefemmegloussa.–Qui ne le serait pas ?Va lui parler ! Évidemment, tu ne pourrais plus le présenter à tamère

maintenant,maispourunepartiedejambesenl’air…Bonsang,jepaieraischer.–Jevaispeut-êtremelaissertenter.Ilesttellementsexy.L’autrefemmesemitàrireetquandjelesentendiss’approcherdemoi,moncœursemitàbattrela

chamade.Jedéguerpisdansl’autresens,saisissantlebrasdeGraysonaupassage,etmerendisjusqu’àlasortie.

–Hé,dit-il,enm’emboîtantlepas.– Ilsn’avaientpasceque jeveux,expliquai-je, incapabledecomprendrepourquoi jemesentais

tellementbouleversée.–Qu’est-cequetuvoulais?–Euh,unplateauàfromages,ouunplatàgâteauxoun’importequoi,jenesaispas…J’essayaisévidemmentdenoyerlepoisson.–Ilsavaienttoutçalà-bas.–Écoute,dis-jeaprèsavoirreprismonsouffle.J’aientendudesfemmesparlerdetoietjemesuis

renducomptequejelesécoutais.C’étaitbizarreetgênant.Graysonm’observaitetdèsquejetournailatête,ilhaussaunsourcil.–Ellesparlaientdemoi?J’agitailamain.– Je suis sûr que tu sais que les femmes te trouvent… attirant, pour une raison d’ailleurs

parfaitementincompréhensible,dis-je,enhaussantlesépaules.–Attirant?–Sexy,terriblementexcitant.Graysons’arrêtanet,jefisdemême,puismeretournaiverslui.Ilmelançaunregardmalicieux.–Cesujetm’intéresse.J’aimeraisqu’onl’approfondisseunpeu.Jereprismoncheminenriant.Ilmerattrapa,medépassamême,desorteàmefairefaceenmarchant

àreculons,avecunairinsupportablementprétentieux.–Attends,est-cequetuétaisgênéeparceque…tumetrouves…attirant,petitesorcière?Tun’asrienquejen’aidéjàvuauparavant.–Non,dis-je,peut-êtreunpeuplusbrusquementquejen’auraisvoulu.Paslemoinsdumonde.Ony

est.Jelecontournaietpassailaporteducabinetd’avocats,poursuivieparleriremoqueurdeGrayson.Saletédecréatureailée,pleined’écailles.Lesformalitésjuridiquesétaientsimplesetfacilesàcomprendre.Toujoursvaguementagacéeparsa

taquinerie de tout à l’heure, j’ignorai complètement Grayson pendant que nous paraphions. Nousparcourûmes tous deux attentivement le dossier avant de le signer et d’en conserver un exemplaire.C’étaitterminé.

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La seule chose qui restait à faire était de nous marier. Mariée… À un dragon ! Un dragoncomplètementinintéressantetinsupportable.Pourdel’argent.Jegémisintérieurement.C’était,deloin,leplanleplusfouquejen’avaisjamaisélaboré.

C’étaitinsensé,ridicule,probablementhonteux…Non,pire,c’étaitcarrémenthonteux.Sansaucunrespectpourl’institutionsacréedumariage.Sansrespectdelamémoiredemagrand-mère,nonplus.

Ilyavaitbeaucoupde«contre».Mais… mais ça allait marcher. Je serais bientôt libérée de mon père. Concentre-toi, Kira.

Concentre-toi là-dessus.C’était un argument qui faisait très fortement pencher la balance du côté des«pour».

La veille, j’avais fait une liste sur le Dragon, après qu’il soit rentré pour dîner mais repartefinalementaussitôtenmevoyant,claironnantqu’ilallaitmangerenville.Moiaussi je l’avaisévité, jen’avaisaucuneraisondemesentirblessée.Lafameuselisteétait lerésultatdemonorgueilmisàmal,maisellem’avaitaidée.

–Notrerendez-vousestà14heures30demain.Ouplutôtnosrendez-vous.Nousenavonsunpourfairevalidernotrecontratdemariageetunautretoutdesuiteaprèspourscellernotreunion.

Jehochailatêtevigoureusement,commesitoutcelaétaitgénialetépatant.Mariée!Demain.À14heures30.Pourscellernotreunion!Çaavaitl’airtellementnormal.Sansimportance.C’étaitjusteunecorde au cou après tout, et si le nœud n’était pas assez serré oumal fait, on pouvait le défaire trèsfacilement.J’eussoudainl’envie irrésistiblederigolercommeunehystérique, jusqu’àenpleurerpeut-être.L’humeurdeGraysonavaitl’aird’avoirchangéégalement,ellesemblaitpluscontenue.

–Tuvasledireàtonpèreavantouaprès?–Après.Quandnousauronsencaissélechèque.Lasimplepenséed’affrontermonpèremetétanisait.Ducoindel’œil,jevisGraysonsecouerlatête,maisjeneluifispasface.Ilsemblaitm’étudier.–Situ…veuxfairemarchearrière,je…Jeluifissignequenon.Nousétionsalléstroploin.–Non,jeneveuxpas.Ettoi?–Nonplus.Il nous ramenadirectement à lamaison,où je le suivis complètement affamée.Dans l’entréepeu

éclairée,jeretiraimeslunettesdesoleiletlesenfonçaidansmonsacpleinàrasbord,enprenanttoutdemêmesoindelespousserbienaufondoùellesseraientmoinssusceptiblesdetomber.

–Jeteretrouveicià14hdemainalors,ditGrayson.Ilavaitvisiblementl’intentiondesemettreautravailpourlajournée,etdepoursuivresestravaux

surlebâtimentenpierre.–D’accord,acquiesçai-je,enprenantunairnonchalant.–Oh,regarde,tuaslaissétomberça.Graysonsepenchapourramasserunmorceaudepapieretmeletendit.Jefronçailessourcils.–Jenecroispasquecesoit…

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Àlacouleurdelafeuille,jeréalisaialorsquec’étaitlalistequej’avaisfaitesurGrayson.Danslamarge j’avais également griffonné à plusieurs reprises « Kira Hawthorn », pour tester ma nouvellesignature.Elleavaitdûtomberdemonsac.Jesentislachaleurmecolorerlevisage,etj’essayaidem’enemparer.

Grayson,mejetaunregardsuspicieuxetretintlepapier.–N’essayemêmepas,soufflai-je.Ilregardaalternativementlepapieretmoi,visiblementtrèsintéressédepuisquej’avaisréagiaussi

vivement.Quelleidiote,Kira!Touts’étaitpassésivitequejen’avaispaseuletempsdemasquermaréaction.–Qu’avons-nouslà?susurraGrayson.–C’estpersonnel,luirépondis-je.Rends-moiça.–Personnel?Noussommessur lepointdenousmarier,mapuce, ironisa-t-il, lavoixdeplusen

plussarcastique.Nousnedevrionsavoiraucunsecretl’unpourl’autre.–Trèsdrôle,donne-moiça.Ilavaitpresquedépliélafeuillequandjemeprécipitai.Ilm’évitaaisément,etjepoussaiuncrien

manquantdetomber.Ilseretournaetsedirigearapidementverslegrandsalon,àdroiteduvestibule.–Jepensequejevaism’installerdansunfauteuiletvoirdequoiils’agit.–Rends-moiça!hurlai-je,commeunegaminecapricieuse.Ildéplialafeuilletoutenmarchant.Jelesuivaisdeprès.–LeDragon,aliasGraysonHawthorn:Les«Pour»etles«Contre».Ilmeregardapar-dessussonépaule,haussantunsourcilsombre,puisilpritplacederrièrelegrand

canapéd’angleencuiravantdese tournerversmoi.Je trébuchaisur l’ottomaneassortie,manquantdetomberànouveau.

–Jet’interdisdelireça,l’avertis-jeenessayantdeluicommuniquertoutemacolère.Ilinclinalatête,regardantvisiblementmesbrouillonsdesignature.–Jepréféreraisvraimentquetugardestonnomdejeunefille,dit-il.Aïe.–Oui,évidemment.Jefulminais.–Donne-moicettefeuille.Ilrefusa.–Pour:C’estuntrouducul,maissonderrièreestagréableàregarder.Ilbaissalégèrementlepapieretmeregarda.–Tuaimesmoncul,petitesorcière?Tuauraisdûmeledire.Jet’aipourtantdemandédelaisserles

sentimentsdecôté.Maisjesupposequeçaneposepasdeproblèmequetuadmiresmoncul,sieneffettumetrouves…irrésistible.

Ilsouritd’unairsatisfait.

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–Tuesunêtrehumainaprèstout,dit-ilensegrattantlementoncommeperdudanssespensées.Lessorcièressont-elleshumaines?Hum…

Ilrevintàmesnotes.–Tu…Tu…,bafouillai-je, incapabledesavoircomment terminercettephrase, furieuse, lesbras

s’agitantensigned’impuissance.Il semblait prendre un malin plaisir à attiser délibérément ma colère. J’aurais voulu gommer

l’arrogancequesonbeauetinsupportablevisageaffichait.–Contre:c’estundragonpompeux,lutGraysoncalmement.–Çaalargementétédémontré,grognai-je.–Pour:ilabesoindemoi.LeregarddeGrayson,s’assombrit,puisseplantadanslemien.–Correction:j’aibesoindetonargent.Ehbien,iln’étaitpasprèsdel’avoir!Ilavaitfranchilalimite.Jenedonneraijamaislemoindre

centimeàcedragon.Jefouillailapièceduregardfrénétiquement,àlarecherched’unobjetquipourraitle blesser. Bingo, une bouteille de vin était posée sur un buffet, à côté d’une porte qui conduisaitcertainementàlacave.Jemeprécipitaidanscettedirectionetjel’attrapaiprêteàluijeterauvisage.

–Non!cria-t-il,unenotedepaniquedanslavoix.Celacoupanetmonélan.–Kira,dit-ilenlâchantlafeuilleensignedecapitulation,cettebouteilledevinestirremplaçable.Ilsepenchalentementpourramassermalisteetserelevatoutaussilentement,enmelatendant.–Onéchange?demanda-t-ilens’approchantprudemment,commesij’étaisunanimalsauvage.Jeregardailabouteillequej’avaisentremesmains.Elleavaituneétiquettefrançaise.QuandjeregardaiànouveauGrayson,jevisqu’ilétaitblanccommeunlinge.–Celle-là?demandai-jeinnocemment,enlapassantd’unemainàl’autre.Uncriétoufféluiéchappa.–Cettebouteille-ci?Irremplaçable?Ilexagéraitcertainement.Sinon,pourquoiserait-elleposéesurunbuffetdanslesalon?Cependant,

ellesignifiaitmanifestementbeaucouppourlui.Ilcontinuaitàserapprocherdemoi.–Resteoùtues,ordonnai-je.Ils’exécuta.Jelevailementon.–Excuse-toipourtonextrêmeimpolitesseet…J’agitailabouteilledevin,enessayantdetrouverlesmotsjustespourqualifiercequ’ilnousavait

fait,àmoietàmonorgueil.LemêmesonétouffésortitdelagorgedeGrayson,sesyeuxétaientfixéssurlabouteille.–Oui,oui,jem’excuse.Jem’amusaisjusteunpeuavectoi.Jenevoulaispastefairedemal,jele

jure.Viens,donne-moilabouteilledevin,Kira.Jelefixai,leregardsombre.–Non…

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Ilclignadesyeux.–Commentça,non?–Jenem’approcheraipas.C’esttoiquiviensversmoi.Sonvisages’éclaira,maisilcontrôlaimmédiatementsonexpression,lesyeuxrivéssurlabouteille

encoredansmesmains.–Onseretrouveàmi-chemin.Unesecondejepensaiàrefuser.Aprèstout,j’étaisclairementcellequiavaitlecontrôlemaintenant,

maisjedécidaiquelemilieuétaitunboncompromis.–D’accord,onfaitunéchangerapide.Ilacquiesçaetjefisunpasenavant.Hum.J’auraisaimévoirpluslongtempsceregardpaniquéet

impuissant,etentendreunedernièrefoiscetétrangebruitétouffésortirdesabouche.Jecontinuaisàfairepasserlabouteilled’unemainàl’autre.Monbrasgauchedessinaungrandcercleetj’avançaimonbrasdroitpourlasaisir,sansquitterleDragondesyeux,unpetitsourireaccrochéauxlèvres.

Lebruitduverrebriséretentitdanslesalonsilencieuxetjemefigeai,lesoufflebloqué,letempssemblants’êtrearrêté.Jeregardail’imposantecolonnedepierreàmagauche…Enlevantlebras,j’avaisbrisélabouteillecontrecettepierretrèsdure.Jedéglutis,fascinéeparcequiressemblaitàdusang.Levincoulaitsur lapierrepourfinirenuneflaquequis’élargissaitsur lesoldesecondeenseconde.Unbruitsourdmeparvintdelaporteetmefittournerlatêtebrusquement.

Waltersetenaitlà,boucheouverte,leteintblafard.– Je venais d’aller chercher la clef de la cave à vin, dit-il, la voix tremblante. Je suis désolé,

Monsieur.OhmonDieu.J’observaiencoreunefoislecoldelabouteillequejetenaisencore,puislentement,trèslentement,

jelevaimonregardversGrayson.Ilbouillonnaitd’uneragequ’ilcontrôlaitdifficilementapparemment.–Cen’estpastafaute,Walter.Tupeuxdisposer,dit-ild’untonglacial.LesilenceluiréponditpuisWalterreprit,avantdesortirrapidement:–Bien,Monsieur.Jeclignaidesyeux,puismamainlaissatomberlecoldelabouteillequisebrisasurlesol.Jerestai

figée,immobile,alorsqueGraysonapprochaitlentement.Laragequiémanaitdeluiétaitquasipalpable.Unefoisàmonniveau, il se rapprocha,etduboutdesdoigts, il levamonmentonverssonvisage.Unmuscledesamâchoire tressauta,commeunavertissement.Jemeredressai, lesyeuxplantésdésormaisdanslessiens.

–Cettebouteilledevin,lâcha-t-il,faisait lafiertéet lajoiedemonpère.Ilapassédesannéesàessayerdel’obtenir.Quandill’afinalementtrouvée,ilafonduenlarmes.Ilafonduenlarmes,Kira.Deslarmesdejoiesurcettebouteillequetuviensdebriserparpureméchanceté.

Jesecouailatête,essayantdésespérémentdenepasflancher.–C’étaitunaccident,elleétait…poséejustelà…

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Jedétestaisl’émotionqu’ilyavaitdansmavoix.Illâchamonmenton,sonregardhostilemefixaittoujoursintensément.–14heures,dit-ilenfin.Rendez-vousicidemainà14heures.14heures?Qu’est-cequ’ilyavaità14heures?Impossibledem’ensouvenir.Oh,monDieu,on

allaitsemarier.J’euspresqueenviedeluidirequetoutétaitannulé.J’avaismêmedéjàouvertlabouche,mais jenedis rien.De touteévidence, il faisait çapourmepunir,ou toutaumoinspour récupérer lemontantdecettebouteilledevin«irremplaçable».

Sur ces derniers mots, Grayson sortit du salon comme une flèche. Je restai immobile quelquesminutes,pourfinalementmediriger, les jambes tremblantesvers l’endroitoù ilavait laissé tombermalistepuérile.Je laramassaietmedirigeaivers lacuisineoùCharlotteessuyait leplande travail.Unedouceodeurdecannelleetdepommesflottaitdans l’air.Elleme jetauncoupd’œilnerveuxavantdedétournerlesyeux.

–Iln’estpasméchant,Kira.Jedéglutis.–Je…Jesecouailatêteetmerepris.–Jesuissûrequ’iln’estpastoujourscommeça,maisj’ailafacultédefaireressortirlepirechez

leshommes.–Jesuisconvaincuequecen’estpasvrai.Jehaussai les épaules.C’était vrai.C’était parfaitementvrai.Labile remontadansmagorge. Je

crusvraimentquej’allaisvomirmaisjeréussisàmeretenir.–Et peut-êtreque c’est davantage leur fautequede lavôtre,machère…Peut-être faudra-t-il un

hommetrèsspécialpour…disons…–Mecontrôler?Jepouffai,unpetitrirequiapportaunpeudegaîté.–Vousaimer,corrigea-t-elle.Je ne sais pas si je devais le prendre comme un compliment, mais Charlotte me souriait

chaleureusement.Aimer.Undésirpoignantétreignitmapoitrine.Êtreadorée,unefois,uneseulefois.Jesoupirai.– De toute façon, mon arrangement avec Grayson n’a rien à voir avec l’amour. Et ça n’a plus

d’importance.Iln’aurapaslieu.C’étaituneidéecatastrophiquedèsledépart.JemetournaiversCharlottequisuivaitpensivementdesyeuxsonépongesurleplandetravail.–Cevinétait-ilvraimentirremplaçableCharlotte?Sonpèrel’a-t-ilvraimentcherchépendantdes

années?Jeretenaismeslarmes.Charlotterestasilencieuseunmoment,puisellesemblaprendreunedécision.Ellemitl’épongesur

l’évier et fit le tour du bar pour s’asseoir à côté de moi sur un tabouret. Elle me prit les mainsaffectueusement.

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– Il ne vous le dira probablement jamais lui-même, Kira. Je vais donc vous parler un peu desrelationsdeGraysonavecsonpère.Jen’aimepaslespotins,maispeut-êtrequevouscomprendrezmieuxpourquoiGraysontientàtoutprixàredressercefichuvignoblesivousconnaissezunpeusonhistoire.

Elle sepinça les lèvrespendantun instant, puis sedétendit.Ce fichuvignoble ?C’était aussi samaison.Est-cequ’ellenel’aimaitpas?

– Grayson et son père, Ford Hawthorn, n’avaient pas de bonnes relations, dit-elle en secouanttristementlatête.Ilyavaitdenombreusesraisonsàcela,etpeut-êtrequeGraysonlespartageraunjouravecvous,maisdisonsqu’onneluia jamaisfaitsentirqu’ilétaitchezlui ici,nisonpèrenisabelle-mère. Ils luiont reprochéà tortdeschosespour lesquellesunenfantnedevrait jamaisêtreblâmé. Ilsl’onttraitémisérablementenl’excluant,c’étaitàceluiquilehaïssaitleplus.

Sonexpressiondouloureusemontraitàquelpointcelalamarquaitencore.–Graysonafaitdesonmieux,toutesavie,il…bref,çan’apasd’importance.Riendetoutcequ’il

apufairen’étaitassezbien.Durantsadétention,poursuivit-elleenprenantunmouchoirpouressuyersonnez,sonpèreneluiajamaisrenduvisite.Pasunefois.Fordadécouvertqu’ilavaituncancerpendantqueGrayson était enprison, et il est décédé rapidement après.Oudumoins c’est cequim’a semblé.Quandilestrevenuàlamaison,Graysonadécouvertquesonpèreluiavaitléguélevignoble,quiavaitcommencéàbattredel’ailedèsledébutdelamaladiedeFord.Ilalaissél’argentàsafemmeetaufrèredeGrayson,Shane,maisilaléguélevignobleàGrayson.

Uneombrepassabrièvementsursonvisage,maiselledisparutavantquejepuisseladéchiffrer.–Ce jour-làGrayson a juré qu’il sauverait le domaine, non pas pour lui,mais pour ce père qui

l’avaitévité toutesavieetqui, finalement, luiavait laisséce lieuenguisede réconciliation.GraysonpensequeFordluiaconfiésonbienlepluscherparcequ’ill’encroyaitdigne.Dignedelesauver,dignedelediriger.EtGraysonestcapabledepresquetoutpourprouverquesonpèreaeuraisondecroireenlui.

Jem’affaissaisurletabouret.Celafaisaitbeaucoupd’informations.–Mêmesisonpèreletraitaitsimalavant?Charlotteacquiesça.– Je crois que c’est justement parce que son père l’a traité si terriblement avant. PourGrayson,

sauvercevignoblesignifiesauversonamour-propre.Jehochai lentementlatêteenmemordantla lèvre.GraysonHawthornetmoiavionsbienplusde

points communs que je le pensais. Nous avions tous les deux été élevés par des pères qui n’avaientjamaiscruennous.

–Merci,Charlotte.Jelecomprendsunpeumieuxmaintenant.Etjepeuxmereconnaîtreenlui.Jeréfléchis,leslèvrespincées.–Jepensemêmequenouspourrionsêtreamissaufqu’ilpensequejesuisunesorcière,etjesuis

toujoursàpeuprèssûrequec’estundragon.Dumoinsavecmoi.Celal’amusaetellesemitàrire.–Pourquoim’avez-vousdittoutça,Charlotte?

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Elles’emparaànouveaudemesmains.– Je pense qu’onpeut voir les gens sous un jour différent quandon comprend leursmotivations.

Vouspensezpeut-êtrefaireressortirlepireenGrayson,maisdepuisquevousêtesentréedanssavie,etbienquecela fassepeude temps, il estplusvivantquedurant toute l’annéequ’ilvientdepasserà lamaison…Mêmesiças’esttraduitparbeaucoupdecolèreetdeflammes.

Elleserramesmainsfermement.–Jecroisquevotreprésenceestunebonnechose.Graysonpeutêtrearrogant,engrandepartieen

raisondesonphysique,maisàl’intérieur,sablessureesttrèsprofonde.Sonexpressions’assombrituninstant,puisellemesourit.Jenepusm’empêcherdeluirendreson

sourire.IlyavaitquelquechosedesimerveilleusementréconfortantchezCharlotte.–Tiens,laisse-moitecouperunebellepartdegâteauauxpommesetàlacannelletoutdroitsortidu

four,dit-elleenselevant.Elleétaitpasséenaturellementaututoiement.–Etaupassage,machérie,ditCharlotteenprenantmamainposéesurlecomptoir,unelueurdans

lesyeux,oublieleprinceetlaprincesse…J’aitoujourspenséquelavraiehistoireétaitentrelasorcièreetledragon.

Sonriremusicalretentitalorsdanslacuisine.

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CHAPITRE8

KIRAJen’avaispasimaginélejourdemonmariagecommecela.Jemeréveillaiseule,jeprisunedouche

glaciale,puisjequittairapidementlapropriétéHawthornpourm’acheterunerobedanslecentre-villedeNapa.Monshoppingàpeinecommencé,jeréalisaiàquelpointc’étaitridicule.Pourquoiavais-jebesoind’unenouvelletenue?Etquefallait-ilporterpourprononcerdefauxvœuxdemariageàl’hommequ’onépousaitpourdel’argent?L’hommequimehaïssaitleplus,probablement,aprèscequis’étaitpassélaveille.

Jeprisuneprofondeinspiration.J’allaispourtantlefaire.J’avaisprismadécisionunefoisaulit,laveille, en repensant aux raisons qui faisaient que j’avais besoin de l’héritage de mamie et en meremémorantaussicellesdeGrayson.Jecroyaisvraimentquenousavionsencorebienplusdechosesencommunqu’onnel’imaginait.Impossibledesavoirquelleproportionexactement,maisquelquepartaufonddemoi,jesentaisqu’enquelquesorte,ilétaitjustedepartagerl’argentaveclui,dragonoupas.

Je choisis finalement une petite robe d’été en dentelle blanche, et une paire de fines sandales àlanièresbleuesargentées.Cen’étaitpastrèshabillé,maisaumoinsj’auraisunpeul’aird’unemariéeàlamairie.Detoutefaçon,cen’estqueducinéma,pensai-jetristement.

Sur le chemindu retour, un souvenirme revint à l’esprit.Quand j’avais septouhuit ans, j’avaistrouvélacollectiondecataloguesetdemagazinesanciensdemamie.L’und’euxprésentaitsouventdesphotosderobesdemariée.J’avaisdécoupétousmeschoixpourchaquemomentdemonmariage,etlesavaiscolléssurunmorceaudecarton.J’avaispassédesheuresàparcourirchaquecatalogue,àchoisirles fleurs, les gâteaux, et tout ce que je pouvais trouver pour complétermon image dumariage idéal.Quand je l’avais fièrementmontré àma grand-mère, elle s’était extasiée, bien sûr, comme elle avaittoujourstendanceàlefaire.Etpuisellem’avaitdemandépourquoiiln’yavaitpaslepèredelamariée.

–Oh,luiavais-jedit,ilestautravail.Ilnepouvaitpasvenir.Mamiem’avaitregardéetristement,puisellem’avaitserréefortcontreelle.– Tu vas être la plus belle desmariées,ma chérie,m’avait-elle dit, et ton époux t’aimera d’un

amourinfini.Moncœurseserra.–Oh,mapetitemamie,jesuistellementdésolée,chuchotai-jedanslesilencedemavoiture.

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Aumomentoùjefinissaisdem’habiller,j’entendisfrapperdoucementàlaportedemoncabanon.Unpeusurprise,jemedemandaisiGraysonétaitfinalementvenumechercheraulieudem’attendreàlamaison commenous l’avions prévu.Oupeut-être qu’il venait pour tout annuler ?Mon cœur battait lachamade.

–Entrez.Uninstantplustard,j’entendislavoixchantantedeCharlottemedirebonjouretjemedétendis.Elle

entradansmachambre,rayonnante.–OhmonDieu,tuestrèsbelle,machérie.Je lui fis un petit souriremais j’étais énervée. Je ne voulais surtout pas qu’elle fasse comme si

c’étaitunevraiejournéedemariage.Celaneferaitqu’ajouteràmahonte.– Je t’ai apporté un petit porte-bonheur, dit-elle, la paume ouverte, laissant ainsi apparaître une

petitebrocheenargentetencristal,enformederose.–Ohnon,Charlotte,jenepeuxpasl’accepter.Cemariagen’apasbesoindeporte-bonheur.Ilest

vouéàl’échec,répliquai-je,lesjouestouteroses.–Ehbienalorsc’estunporte-bonheurpour toi.S’il teplaît,prends-le.Mamèremel’adonnéle

jourdemonmariage,etjen’aipasdefille,nidepetites-fillesàquil’offrir.Çameferaittellementplaisirsitul’acceptais.

–Jenepeuxvraimentpas,balbutiai-je,enretenantmeslarmes.–Alors,porte-lajusteaujourd’hui?Sonsourireétaitremplid’espoir.–Tupourrasmelarendreaprès,situveux.Elletapadanssesmains.–Ohoui,c’estencoremieux!Unobjetemprunté.Jelaissaiéchapperunéclatderire.–OK,maisseulementsitumelaissestelerendre.–Accroche-laici,dit-elleensepenchantetenlafixantsurlabretelledemarobe.Ellepritdureculetsouritaffectueusement.–C’estravissant!JemejetaiinstinctivementdanslesbrasdeCharlotte,m’enivrantduparfumapaisantdepoudrede

talcqu’elleportait.Elleritencoreetmepritdanssesbras.–Voilà,dit-elledoucement.À14heures,jemedirigeaiverslamaisonprincipale,oùGraysonm’attendait,adosséàlafaçade.Il

portaitunpantalonkakietunechemisebleuehabillée.J’essayaid’ignoreràquelpointilétaitbeau.Enpure perte. Enm’entendant approcher, il leva les yeux et je captai dans son regard un bref instant desurprise,quidisparutaussitôt.

–Prête?demanda-t-ilsimplement,sansfairedecommentairesurmatenue.Jeluirépondisparunhochementdetête.

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Aucun de nous deux ne parla pendant les cinq premièresminutes à bord de son pick-up. Jemetournaifinalementverslui,sonregardseposasurmesjambesnues.Quandilrelevalatête,lamâchoireserrée,sesyeuxmetranspercèrent.Pensait-ilquematenueétaittropdécontractée?

–Grayson,jesuis…jesuisdésoléepourlabouteilledevindetonpère.Ilsemblasedétendreunpeu,maisilgardaleregardfixédevantlui.–Cen’étaitpasentièrementdetafaute,tunepouvaispassavoirqu’unebouteilledevinsiprécieuse

serait posée dans le salon. Et je reconnais que je t’ai poussée à bout. Je suis un peu responsable det’avoirtaquinéeavecta…liste.Moiaussi,jesuisdésolé.

Jepoussaiungrandsoupirdesoulagementmêmesi l’évocationdemalistem’avaitfaitpiquerunfard.

–Noussommesquittesalors?Ilmefitunlégersourire.–Oui.Surtoutquandonsaitquetuvasmelarembourseraujourd’hui.Iltournasonvisageversmoi,etm’adressaunsourirediaboliquequiaccéléradangereusementles

battementsdemoncœur.C’étaituneblague.Jereprisvitemoncalme.–Prêteàt’engagerpourl’éternité?Ouaumoinspourdouzemois?demanda-t-ilenmeregardantdu

coindel’œil.Jerisnerveusement.–Plusprêtequejamais.Mêmesicen’estpasvraimentcommeçaquej’avaisimaginémonmariage.–Ahnon?Turêvaissansdouted’unegranderobeblancheetdelaprésencedetoutelacrèmedela

crèmedelahaute?Ilmefixaquelquessecondes.C’était vrai.Quand j’étais fiancée àCooper, c’était exactement ce que j’avais en tête pourmon

mariage,surtoutparcequec’étaitcequemonpèreetCoopervoulaient.Maiscelan’avaitjamaisétémonrêve.J’avaissimplementtoutfaitpourleurplaireàtouslesdeux.

Jesouris,maiscelan’avaitriendejoyeux.–Jecrois.Je ne voulais pas entrer dans les détails avecGrayson, encoremoinsmaintenant. Il cherchamon

regardpendantquelquesinstants,puisfixaànouveaularoute,sansrienajouter.L’ambianceétaitencoreunpeutendueetlesilences’installaentrenous.Nousétionschacunperdu

dansnospensées.BienqueGraysonm’aitditqu’ilmepardonnaitpourlevin,ilsemblaitencoreunpeunerveux,àencroirelacrispationdesamâchoirechaquefoisqu’ilmeregardait.

Ehbien, soit, aprèsaujourd’hui,nousnouséviterons. J’avaisprésentémesexcuseset il lesavaitacceptées. S’il nourrissait encore une quelconque hostilité, c’était son problème, ça ne changeait rienpourmoi.Pourmeviderl’esprit,jememordislalèvrejusqu’àmefairemalpourmeviderl’esprit.Jenevoulaispluspenser.Jenevoulaispasréfléchiràcequejem’apprêtaisàfaire.

Quelquesminutesplustard,alorsquenousarrivionsdevantlamairiedeNapa,unepluietorrentielles’abattitsurlavoiture.Nousrefermâmestrèsvitenosportièrespournousabriter.

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Graysonsemitàrire.–Ledestinestcontrenous.–Apparemment.Mêmesij’aientendudireque«Mariagepluvieux,mariageheureux».–Iln’yaquelesgensquiontdelapluieàleurmariagequidisentçapourseconsoler.Nousallons

devoircourir.–D’accord.Oncomptejusqu’àtrois,dis-jeenouvrantlaportière.Nouscourûmesjusqu’àlamairie.Jefistoutletrajetenhurlant.Ilmepritlamainàmi-cheminentre

lavoitureetlamairie,lesondesonrireprofondcouvrantlebruitdel’averse.Pendantuncourtinstant,nousétionsjusteungarçonetunefille,courantetriantsouslapluie,lejourdeleurmariage.Cemomentétait inattendu, presque onirique, mais quand nous fîmes irruption dans la mairie, nos regardss’accrochèrent,etjecomprisalorsqu’ilressentaitlamêmechosequemoi.

Lecharme sebrisa, cet étrangemoment s’évanouitbrusquement, lorsquenousvîmesque tous lesvisages étaient tournés vers nous. Il y avait deux autres couples également là pour se marier. Ils setenaientpar lamain, sereinsetheureux, lesyeuxplongésdans le regardde l’autrecommesic’était leplusbeaujourdeleurvie.Celamerenditparticulièrementconscientedecequenousallionsfaire.Etàenjugerparl’expressiondeGrayson,ilpensaitlamêmechose.

–Prête?medemanda-t-il.Non,non,non.–Oui.Jeregardaidéfilerl’heurequisuivitcommesij’étaisàl’extérieurdemonproprecorps.J’essayai

denepastenircomptedelaréalitédelasituation.J’imaginailesvisagesdesgensaucentred’accueil,lapetitemaisonoùjem’installeraisunefoisquej’auraisquittélapropriétédesHawthorn.Jefistoutpourresterconcentréesurcequecetteunionreprésenteraità terme.Onnousdonnanotre livretdemariage,puisnousfîmeslaqueuepouréchangernosvœux,commeilestd’usageàNapa.

Graysonétaitdistant,unpeufroid.LeDragonétaitpartietlePrincedeGlaceétaitderetour.Jeneluidemandaipasàquoiilpensait.Mesémotionsétaientdéjàassezdifficilesàgérer,jen’avaisvraimentpasbesoind’yajouterlessiennes.Ilnemesoutiendraitpas.Endéfinitive,iln’essayaitmêmepasdenousrendrelatâcheplusfacile.Maisqu’attendais-jedelui,aussi?

Lemomentdelégèretéoùnousavionscourusouslapluieavaitdisparudepuislongtemps,remplacéparlesilenceet lagêne.Finalement,unemployédelamairienousaccompagna,entantquetémoin, jerécitaimesvœuxetpromisd’aimer,d’honoreretdechérirGraysonHawthornjusqu’àlafindenotrevie.Unéclairdepeurme traversaà l’idéeque jecommettais lesacrilègede jureramouretdévotion.Unepromessequejen’avaispasl’intentiondetenir.C’étaitunmensonge,unefarceauxdépensdequelquechosedesacré.Jen’aijamaisétéunepersonneparticulièrementreligieuse,maisjemedemandaissinousserionstousdeuxpunispourcesimulacre.

Ilrécitasesvœux,d’unevoixposée,l’airlointain.Jel’observaietj’eusunpetitpincementaucœurenvoyantlesérieuxdesonexpression.Lorsquel’officiantnousdemandasinousavionsdesalliancesàéchanger,Graysonsortitdesapocheunebellebagueenoravec,aucentre,uneopalesertiedediamants.

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Il la glissa à mon doigt, et moi, je la contemplai, éblouie. J’essayai d’attirer son attention, mais ilsemblaitfascinéparmamain,puisillevasimplementlesyeuxversl’employédelamairie.J’admiraicebijou sublime,probablement ancien. J’avais lagorge serréequand jepensais àquelpoint il avait faitpreuvededélicatesseenapportantunebague.Jen’yavaismêmepaspensé.

–Vouspouvezembrasserlamariée.Graysondéposaunrapidebaisersurmeslèvres.Enlessentanteffleurerlesmiennes,l’hystérieque

jem’étais forcéedecontenirdepuiscematinfitsoudainementbouillonnermapoitrine,et j’eus leplusgrandmal à contenirun fou rire. Je feignisunepetite toux,mesyeux s’écarquillant àmesurequemoncorpsmetrahissait.

Son baiser me rappelait ceux que me donnait mon vieil oncle, ce vieux grincheux de Colburn.L’oncleColburn sentait l’antimite.Àdeuxdoigts de la perte de contrôle, je luttai contre l’hilarité. Jelaissaiéchapperunautrepetitrireetessayaidelecouvrirparunautretoussotement.

Les sourcilsdeGraysonse relevèrent,puis sesyeuxseplissèrentpendantqu’ilm’observait. Ilyavaitunepetitelueurdedéfidanssonregard.Ilpensaitquejeriaisparcequejememoquaisdelui.Jedéglutis,subitementtrèssérieuse.Qu’est-cequim’avaitpris?

Le stress de cette journéeme tapait sur le système.Bien sûr qu’il était normal qu’ilm’embrassecommeunvieiloncledesséché.Cemariageétaitunsimplearrangement.

Soudain,Graysonsecollacontremoiets’emparademonvisage.Je laissaiéchapperunpetitcrid’étonnement.Ilpressasabouchecontrelamienne,promenantsalanguesurmeslèvres.Jen’euspasletempsderéfléchir,moncorpsluiréponditinstinctivement,j’entrouvrisavidementlabouchepourlaisserentrersalangue,fondantàsoncontact.Cebaiserétaitunevéritableconquête,salanguepillamaboucheetjesentismesgenouxcéder.Jem’agrippaiàsesépaules.Toutaussibrusquementqu’ill’avaitinitié,ilrompitnotrebaiser.Nosbouchesseséparèrentavecunbruithumide,etjefinisparbasculerenavant,merattrapantdejustesseavantdem’étalersurlui.

L’officiantsourit.–Ehben…Oui,ehben…J’essayaidereprendremonsang-froid,etmeservisdemonpoucepouressuyerlasalivesousma

lèvreinférieure,pendantqu’ilterminaitdeprononcerlesderniersmotsd’usage.–Parl’autoritéquim’estconférée,jevousdéclaremarietfemme.C’étaitterminé.NousétionsofficiellementMonsieuretMadameGraysonHawthorn.Pourtoujours.

Amen.Ouaumoinspourl’annéeàvenir.Cequineméritaitprobablementpasunamen.Je marchai avec Grayson jusqu’à son pick-up, les jambes étrangement engourdies, et encore

légèrement sous le choc de son baiser. Un vague sentiment d’humiliation me parcourait également.Pourtant,ilavaitfaitquelquechosededélicat.

–Merci de t’être souvenud’apporter une bague, dis-je doucement. Je n’aimêmepas pensé à enacheterunepourtoi.Oùl’as-tutrouvéeensivite?

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–Elleétaitencoreàlamaison,jen’avaistoutsimplementpaseul’occasiondelavendre.J’admirailabagueenessayantdemeconvaincreques’ilavaitl’airsifroid,c’estqu’elleavaitdû

apparteniràsabelle-mère.Sielleétait justedestinéeàrendrenotreunionlégitimeauxyeuxdumondeextérieur,pourquoiétait-ceimportantdesavoird’oùelleprovenait?

–Jetelarendraiquand,heu…Ilréponditsimplement:–D’accord…C’étaitplutôtlaconique.–D’accord.J’avaisdécidédenesurtoutpasmentionnerlebaiser,oubienlefaitquejem’étaismoquéedesa

premièretentative.Maintenantquemonespritétaitplusclair,jecomprenaisqu’ilavaitprobablementfaittoutçauniquementpourrendrenotrecérémonieconvaincante.Aprèsunmomentdesilence,jedemandai:

–Bon.Est-cequetuveux…allerdéjeuner,oùautrechose?Jen’avaisaucuneidéeduprotocoleàrespecterpourcettejournée.C’étaitlejourdemonmariage.Oh…MonDieu…En fait, pasvraiment. Jene considéreraipas ce jour commeceluidemonmariage.Un jour, j’en

feraiunvraietceseraitleparfaitopposédecelui-ci.–Impossible.Jedoisretournerautravail,ditGraysonsansmeregarder.OK,trèsbien.–Onpourraitdînerensemblecesoir,peut-être?Ondevraitaumoinsfêterlapetitefortunequ’on

estsurlepointderecevoir.Jeluifisunpetitsourirepleind’espoir.Bienplusquejen’auraisvoulu.–Kira…Ilsoupiraetpassaunemaindanssescheveuxcommesilefaitquejeluiparle,etqu’enplusjelui

demanded’allerdîner, était terriblement irritant.Est-cequ’ilpensaitque jem’attendais soudainàunerelationaveclui,maintenantquej’étaissafemme,quej’avaisreçuunbaiserobligatoireetquejeportaisune babiole qu’il avait dénichée, abandonnée dans un coin poussiéreux de samaison ? Jeme sentaisconsumerparlacolèreetparunedouleurquejenevoulaispasavouer.

–Laissetomber,luidis-je.Detoutefaçon,jeviensdemesouvenirquej’aideschosesprévues.Ilmeregardacommes’ilsavaittrèsbienquejementais.–Peut-êtreuneautrefois,d’accord?J’ai

unproblèmeavecunedesmachines.Lesquelquesheuresqu’onaperduesaujourd’huim’ontdéjàmisenretard.

Jevenaisdefairevolerenéclatslasaintetédumariage,etilnefaisaitmêmepasunsimpleeffortdecourtoisie ? Je n’attendais pas de remerciements,mais tout demêmepas à être considérée commeunboulet.Jeravalaimadéception,carc’étaitévidemmentdugâchisquedeperdredutempsaveccedragonarrogant.

–Biensûr,jecomprends,dis-je,sansycroireuneseconde.Dèsquelevéhicules’immobilisadevantchezmoi,jesortisprécipitamment.

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–Jedevraisrecevoirlechèquedansunesemaineoudeux.Jepasseraitedonnertapart.Jem’étaiséloignéesansmeretournermaisjefinisparjeteruncoupd’œilpar-dessusmonépaule.

Graysonétaitdeboutàcôtédesonpick-up,lesmainsdanslespoches.Ilmeregardait.Jetraversai lesbroussaillesprèsdemoncottage,jelevailementonetrepoussaimescheveux.Puisjesentisunebrindilleacéréemefouetterlacuisse,déchirantungrandpandemarobe.Jepoussaiunpetitgémissement.Mince.Alorsque jepoursuivaismonchemin, j’entendissonpetit rireau loin,dansmondos.Jedusrésisteràmonenviedefairedemi-touretdecourirluiarrachersesyeuxdereptile.

Au lieu de ça, je pénétrai dansmon cottage en claquant la porte derrièremoi.Mais celle-ci nerentraitpasentièrementdanslescharnières,etellefitunpetitbruitridiculeentouchantlecadre.

C’étaitlejourdemariagelepluspitoyablequin’aitjamaisexisté.Tut’attendaisàquoi?C’estcequetuvoulais.Jeretirailabagueenopale,quin’étaitenréalitéqu’unaccessoiredecinéma,etjelaposaisurle

rebord de la fenêtre. Je retirai la broche queCharlottem’avait donnée pour ne pas oublier de la luirendre.Puis jem’assis surmon lit, jouantdistraitement avec lemorceaude tissudéchirédema robe,laissantfinalementcoulerleslarmesquibrûlaientmesyeuxdepuiscematin.

***

Après lesévénementsdela journée, j’étaisépuiséeetémotionnellementvidée.Commejen’avaispasbiendormilanuitprécédente,tropoccupéeàmedemandersijedevaisallerauboutdemadécisionoupas,jefisunelonguesieste.

Mes rêves commencèrent dans un vaste paysage de glace. J’errais sans but, pleurant de froid,claquantdesdentsettentantenvaindemeréchauffer.Soudain,jemeretrouvaiaumilieud’uneavalanchede flammes, sous une cascade de lave. Mon corps se liquéfiait et ma peau brûlait d’une chaleurdélicieusementérotique.Lefeumeconsumait,etpourtantjenemebrûlaispas.Jereprisconscienceengémissant, les seins durcis et le sexe trempé et sensible. Jem’effondrai surmes oreillers. Je n’avaisjamaisfaitderêveaussiintensémentérotiqueauparavant.Jecroisquemoncorpsavaittrouvécemoyenpourmerappelerqueçafaisaittrèslongtempsquejen’avaispasconnucegenredeplaisir…Aumomentoùmesmains se posaient surmes seins douloureux, j’entendis une portière de voiture claquer. Jemeredressai précipitamment, et courus jusqu’à la fenêtre. Ça ne pouvait pas être mon père, il n’y avaitaucunechancequ’ilaitapprismonmariage,n’est-cepas?Oubienavait-ildeshommesàluidanstousles tribunaux du pays ? Ça nem’étonnerait pas de lui. Non, non, tentai-je deme rassurer.Malgré satendanceàsemêlerdemavie,ilavaitdeplusgrospoissonsàs’occuper.Pourtant,l’adrénalinecouraitdansmesveinesetmoncœurs’emballait.J’eussoudainmoinschaud.

Jepassaimesmainssurmarobedéchiréeetfroissée,enprenantdeprofondesinspirationspourmecalmer.Ilnepouvaitrienmefairedetoutefaçon.Jeluidiraisquej’étaismariée,quec’étaitcommeça,qu’ilmelaissetranquille.

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Je traversai les buissons et une fois dans l’allée, j’aperçus une femme blonde parler à Graysondevantunepetitevoituredesportrouge.Ilsseretournèrenttouslesdeux,m’ayantmanifestemententenduarriver,etplutôtquederebrousserchemincommej’enavaisl’intentionaudépart,jem’approchaid’eux.Lafemme,quimeregardait,avaitl’aird’avoiravaléunepiluleextrêmementamère,etGraysonfronçaitlessourcils.

Quandjelesrejoignis,jetendislamainàlajeunefemme.–Salut,jesuisKira,luidis-je.Elleobservamamaincommesic’étaitunpoissonmort,puissedécidafinalementàprendrelebout

demesdoigtsetlessecouamollement.OK,jevois.–Jade.JesuispasséepourvoirsijepouvaisprépareràdînerpourGraysoncesoir.Elle lui jeta un regard charmeur, faisant battre ses faux cils.Un lourd parfum artificiel de pêche

émanait d’elle, mais je ne pouvais pas nier qu’elle était jolie. Si vous aimez ce genre. Ce qui étaitmanifestementlecasdeGrayson.Ilétaitentraindemepasserenrevueetaffichaituneexpressionintenseet…furieuse?Sessautesd’humeurallaientfinirparmerendrefolle.

Jetournailestalons,réalisantenfincombienjedevaisêtreaffreuse.Jesentaisquemonvisageétaitencorerougeàcausedemonrêve,et jemedoutaisquemescheveuxdevaientêtreenbataille,commetoujoursquandjemelevais.Marobeétaitdéchiréeetfroissée,j’avaisunairnégligéet…J’étaisl’exactopposédelabeautéapprêtéequisetenaitfaceàmoi.J’humidifiainerveusementmalèvreinférieure,malàl’aise.Jedétestaisça.

J’attendispatiemmentqueGraysonannonceàcettefemmequej’étaissonépouse.IlsetournaalorsversJade.–Biensûr,çamesemblefaisable.J’écarquillailesyeuxetlaissaiéchapperunepetiteexclamation.Ilallaitaccepterlapropositionde

Jadedeluifairelacuisineaprèsavoirrefusédedîneravecmoilejourdenotremariage?Etsiquelqu’unles voyait ? Et si Jade avait été une langue de vipère, et faisait courir le bruit qu’elle sortait avecGrayson?Moncœurbattaitlachamadeetj’étaisprochedumalaise.

Monmariallaitsortiravecuneautrefemmelejourdenotremariage.J’eussoudainenviederireàgorgedéployée.

Çan’arrivequ’àtoi,Kira.Iln’yaqu’àtoiqu’ilarrivedeschosespareilles.–Donne-moideuxminutespourmerafraîchir,ditGraysonàJade.–Biensûr,monchéri.Elleluisouritgentiment.Monchéri.Cettefemmevenaitd’appelermonfauxmarimonchéri.–Tupeuxtedoucherchez-moi,situveux.Elleesquissaalorsunsourireterriblementfauxetmefoudroyaduregard.Graysonentradanslamaison,nouslaissantseules,Jadeetmoi.–Alorsquiêtes-vousexactement,Kira?medemanda-t-elle,suruntonhautain.Jesuissafemme,machérie.J’espèrequetupasserasunemerveilleusesoirée.Jedusmeretenir

denepasdirecelaàhautevoix.Nousavionsconvenuquenouspourrionsfairecommebonnoussemble

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dansnotreviepersonnelleàconditiond’êtrediscrets.Jedoutaisfortementqu’onpuisseconsidérerquecettesituationl’était.C’étaitàGraysondegérercelaavecJade.Jen’avaispasencorefaitdesecrétariatoudecomptabilitépourGrayson,maisjemerappelaisoudainquejeluiavaisproposé.

–Jesuis,euh,sanouvellesecrétaire,sacomptable,sa…Jelaissaicedernier«sa»résumerlereste.Moinselleensavait,mieuxceserait.Elleplissalesyeux.–Etvousvivezici?Graysonchoisitcemomentpourréapparaître.Ilavaitàpeineeuletempsdeselaverlesmainsetde

passersonvisageà l’eau froide.Apparemment, ilne se souciaitpasde seprésenterdevant Jade sansavoir pris de douche, ou peut-être avait-il l’intention de la prendre chez elle, comme elle lui avaitproposé. Soudain une image me traversa l’esprit : Grayson, débarquant en serviette dans la cuisine,pendantqu’ellepréparait ledîner. Il luiembrassait lanuque.Pourquoi,maispourquoicettevisionmedérangeait-elleautant?

Quelleidiotetufais,Kira!–Tuesprête?demandaGraysonenregardantJade.–Hum,hum,fit-elle.Kiramedisaitàl’instantqu’elleesttanouvellesecrétaire,comptable,etpuis

d’autreschosesapparemment…Grayson et moi attendîmes qu’elle termine sa phrase, mais elle nous fixait, à la recherche

d’informations.Graysonseraclalagorge.Jetoussai.Jade,quantàelle,plissalesyeuxetserapprochadeGrayson,

exigeantvisiblementuneexplication.–Etvousvousêtesinstalléeici?demanda-t-elleànouveau,lesyeuxdeplusenplusrétrécis.–Jevisdanslapetitemaisonlà-bas.Jefisunsignedelamaindansladirectiondemoncottage.Commes’ilétaittoutàfaitnormalque

lessecrétairesviventsurplacedanslecabanonpoussiéreuxdujardinier.Jadefronçasonjolipetitnez.–Beuurk!Cepetitendroitaufonddesboisquiestàpeinevisibledel’allée?Ildoityavoirdes

ratslà-dedans.Jecroisailesbrasenladévisageantavantd’articulerlentement,lesyeuxécarquillésetenfeignant

l’excitation:–Ohoui!!!Ilyena.Unmarietsafemmeenfait,dis-jeenjetantuncoupd’œilàGrayson.Ilmeregardasanscomprendre.JerevinsàJadeetcontinuai.–OgilthorpeetOrtensia.Jesuisaussipresquesûrequ’Ortensiaestenceinte.Jeplaçaimonindexsurmonmentonpourmontrerquejeréfléchissaisintensément.–JevaisdevoirtrouverdesnomsenO,avantquelespetitsbébésratsn’arriventbiensûr.Sivous

avezdebonnesidées,faites-moisigne.Jeluilançaiunsourirehypocrite,résistantàl’enviedeluifaireunegrimace.

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Elle prit un air dégoûté etGrayson se détournapour « tousser »,mais j’aurais juré avoir vu seslèvressereleverlégèrementavantqu’ilnemettesamaindevantsabouche.

–Allons-y,ditJadeàGrayson,m’ignorantsoudain.–J’espèrequevous trouverezunmoyendevousdivertircesoir?meditGraysonenarquant les

sourcils.–Jenem’inquiètepaspourça,luirépondis-je,unsourirefauxauxlèvres.Ses yeux s’attardèrent surmonvisage le tempsde quelques battements de cœur puis il s’éloigna

avecJade.Unefoisarrivéeàsavoiture,ellesetournaversluietditsuffisammentfortpourquejepuissel’entendre:

–Jenel’aimepas.Elleestbizarre.SiGraysonluirépondit,illefitàvoixsuffisammentbassepourquelui,jenepuissepasl’entendre.Jeregardailavoituretourner,descendrel’allée,puisdisparaîtredemavue.Ce n’était qu’une question de temps avant quemon père ne sache que cemariage n’était qu’une

supercherie. Ça ne faisait même pas un jour et Grayson allait déjà tout gâcher. Je me concentraiintensémentpourcontrôlermonrythmecardiaque.

S’ilyavaitbienunejournéequiméritaitunverre,voireunebouteilledevin,c’étaitcelle-ci.Etçatombaitbien,j’habitaisdansunchai!

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CHAPITRE9

GRAYSON–Merci,dis-jeensortantdelavoituredeJade.Ellem’adressaunsourirecrispéensecouantlatête,sansdoutedéçuedecequis’étaitpassécesoir,

ouplutôt,enl’occurrence,decequines’étaitpaspassé.Jenesortaisengénéralpasdeuxfoisaveclamême femme, mais ce soir, j’avais eu la ferme intention d’évacuer la pression dans le lit de Jade.Pourtant,unefoisarrivéàsonappartement,ellem’avaitpoussésursoncanapéetavaitcommencéàmetripoter.Laseulechoseàlaquellejepensaisétaitquec’étaitlejourdemonmariage.Etputain,cequec’étaiténervant!Cen’étaitpascommesimonmariagesignifiaitquoiquecesoit.C’étaitjustequec’étaitdemauvaisgoûtdebaiserunefemmelejouroùj’avaisdonnémonnom,temporairementounon,àuneautre.Jen’appelleraispasçadel’honneur,carjen’enavaisquasimentpas,maisçamesemblaitquandmême détestable et immoral. Suffisamment en tout cas pour refroidir toutes les idées lubriques quej’auraispuavoirenvoyantlepetitcorpssoupledeJade.MespenséessetournèrentalorsversKirapourlacentièmefoiscesoir-là.KiraetsesstupidesratsauxprénomsenO.Saréflexionétaitvraimenttordue,alorspourquoiest-cequeçam’avaitdonnéenviedel’embrasserànouveau?L’embrassercommeilfaut.L’embrasser fort et longtemps, pendant que j’enroulerai sa crinière de feu autour de mon poing ? Jecommençaisclairementàdébloquer.

Je regardai la voiture de Jade s’éloigner et restai dans l’allée quelques minutes, pensant à mafougueuse petite sorcière d’épouse. Jem’étais préparé à ce qu’elle ne se présente pas cematin, à cequ’elleannulecettemascaradedemariageetàcequ’elledisparaisseaprèscequis’étaitpassélaveilleaveclalisteetlabouteilledevin.Etjen’arrivaispasàdéterminersij’auraispréférécelaoupas.Detoute évidence, nous ne nous entendions pas très bien, quel que soit le domaine, les affaires ou autrechose.Jen’avaistoujourspasdigérél’histoiredelabouteillecassée,maissij’étaistoutàfaithonnête,leschosesavaientdérapédepuisquejel’avaisvuetoutenue.Siseulementjepouvaiseffacercettevisiondemon esprit. Il allait falloir que j’y parvienne, car depuis cet instant, j’étais incapable de détournerd’ellemespensées.C’étaittotalementmalvenu…etpourtantindéniable.Quandj’étaisentréchezelleetque je l’avaisvue, là, debout, complètementnue, ledésir quim’avait envahi avait été si puissantquej’avaispresquedûm’agripper aumontantde laportepourme soutenir.Pendantun instant, j’avais étégagnéparquelquechosed’assezfortpourneplussentirmesjambesetpourm’empêcherderéfléchir.Jen’avaisjamaisrienconnudesemblableavant.Jem’étaispersuadéquec’étaitlechocprovoquéparcette

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situationquim’avaitcoupélesouffle,etavaitfaitmonterenmoiundésirsauvage.Maisjelavoyaisànouveaumaintenant.Monimaginationfaisantsurgirl’imagedesapeaulisseetdouce,desesseinstendusetcouronnésdedélicieuxtétonsrosepale,deladélicatecourburedeseshanchesetsesjambeslongueset galbées,malgré sa petite taille. Certes elle étaitmenue,mais en réalité ses vêtements cachaient savolupté.Maintenant,jelesavais,etj’auraispréférénejamaisêtreaucourant.Cen’étaitpasdansnotreaccord,etcen’étaitpasdebonaugurepourmatranquillitéd’esprit.Jenevoulaispasavoirdepenséeslascivespourmafemme.Commecellesque j’avaiseuescetaprès-midi,quandelleétaitapparuedansl’allée et qu’ellem’avait donné l’impressionqu’elle avait passé la journée au lit à faire l’amour.Sesjouesetseslèvresétaientroses,sesyeuxbrillaient,sesseinspointaientetsescheveuxétaientdécoiffés.Pendant un court instant, je m’étais demandé si elle avait invité quelqu’un dans son cabanon, et unsentimentquiressemblaitétrangementàdelajalousiem’avaitsaisi.Etpuisjem’étaisdemandésiellen’avaitpasplutôtétéseuledanscepetitlit,sesmainsprenantpossessiondesoncorps…Jeconnaissaisleregardd’unefemmeexcitée.Çam’avaitrendusuffisammentfoudefrustrationpouraccepterl’offredeJade.

ÀcesouvenirdeKira,jejuraiintérieurement,sentantmoncorpspalpitermalgrémoi.Penserainsiàmafemmememettaitvraimentdemauvaisehumeur.Aujourd’huiseraitlaseulejournéeoùjem’interdiraidecoucheravecd’autresfemmes.IlmeseraitimpossibledesurvivreenayantcespenséespourKira.Ilfaudraitquejemedéfouleavecd’autresfilles.Et,jelereconnaissais,ilfaudraitquejesoisplusvigilantqu’avec Jade, ce soir. Passer du temps avec des femmes qui connaissaient mon nom et savaient oùj’habitaisnerespectaitpasexactementl’accordqueKiraetmoiavionsconclusurlaconduitediscrèteàadopterdansnosviespersonnelles. Il étaitmaintenantgrand tempsdemettre cette clause à exécution,pourqueKiradisparaissedemespenséesleplusvitepossible.

Kira.Monépouse,maintenant.Non,paspourdevrai.Tais-toi!Arrêtedeterépéterça!Hier,c’étaitunepetitebombed’énergie.Maiscematin,elleavaitétédouceetdocile,saufquand

elles’étaitmoquéedenotrechastebaiser,mefaisantperdrelatêtedevantDieuetnotretémoin.Jel’avaisalorsembrasséed’unemanièrequiétaittoutsaufplatonique.

Elleavaitgrandidansleluxeabsoluetavaittoutdemêmepasséunedemi-journée–Charlottemel’avaitconfirmé–àrécurerlasalledebainsducabanonquidevaitêtredégueulasse.Maintenant,elleyvivait.Elleétaitsimystérieuse.Jen’arrivaispasàlacomprendre,etjen’enavaisniletemps,nil’envie.Et pourtant, pour une raison absurde, j’avais dumal à ne pas relever les défis qu’elle me lançait, àrésisteraudésirdefairenaîtredesétincellesdanssesyeux.J’enmouraisd’envie.Sonexpressionquandelleenrageait,sesjouesécarlatesetsonregardbrûlantd’indignationmedéstabilisaientenpermanence.Pourquoiaimais-jetantcela?

C’était la raison pour laquelle je l’avais taquinée avec sa stupide liste, et les choses s’étaientdégradéesàpartirdecemoment-là.

Etmaintenantnousétionsmariés.Jusqu’àcequeledivorcenoussépare.

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Jem’apprêtais à rentrer quand j’entendis ce qui ressemblait à des voix venant…d’au-dessus demoi?Jefronçailessourcils,puislevailesyeuxverslecielnoir.Non,çavenaitdeplusloin,ducabanondeKira.Jemarchailentementdanscettedirection,déconcerté.

–Ilyaquelqu’un?demandai-je.Lesvoixseturent,maisjecrusentendreunpetitrireétouffé.–Quiestlà?dis-jeplusfort.Pasderéponse.–Aie!criai-je,ensentantquelquechoseheurtermatête.Lesriresétouffésreprirentdeplusbelle.Jelevailesyeux.Uneouplusieurspersonnessetrouvaient

danslesarbres.Unautreglandmetombasurlecrâneetjegrognai.Quesepassait-il?–Quiestlà-haut?répétai-je,énervé.Descendezavantquej’appellelapolice!Il y eut unmoment de silence, puis j’entendis quelqu’un descendre. Je vis d’abord une paire de

jambesmassives portant un jean, puis la tête deVirgil apparut. Il sauta, puis il se tint devantmoi, levisagepenchéetmeregardantnerveusement.

–Qu’est-cequetufaisdanscetarbre?demandai-jeinterloqué.–Je,ehbien,euh,enfaitMonsieur,nousvoulionsessayerdevoirlesétoilesfilantes,vousvoyez…

Kiraetmoi,nouspensions…–Kira?Aumomentoùjeposaismaquestion,uneautrepairedejambesapparut,cesfameusesjambesfines

etgalbées.Kiraatterrit justedevantmoi,sescheveuxsoyeuxendésordre,etoùétaientcoincéesdesfeuilles,

encadrantsonvisage.Commetoutàl’heure,sesjouesétaientrougesetelleétaitessoufflée.Maiscettefois,ellesentaitl’alcool.Matoutenouvellefemmeescaladaitlesarbres,complétementivre!Jeserrailesdents.

–Donc…vousêtesfous,dis-je.–Hé,bonsoir,monmari,balbutia-elle.Comments’estpassévotrerencard?–Monrencard…Kira,turéalisesquetuauraisputebriserlecouetVirgilaussi,d’ailleurs?!Je

supposequec’étaittonidée?Kira jetauncoupd’œilàVirgil.Onauraitditunpetitgarçonquivenaitd’êtreconvoquédans le

bureaududirecteur.–C’étaitmonidée,absolument.Kirareconnaissaitlesfaits,droitecommeun«i»,lesbrascroiséssouslapoitrine.–Sais-tuquelorsquetumontesdansunarbretouteunejournée, tupeuxobservertout lemonde?

Personnenelèvelesyeux.C’estlachoselaplusintéressantequisoit.–Hum.Tuassansdouteunegrandeexpérienced’escaladedanslesarbres.Elletitubaetjelaretins.–Ouais,pasmal.–Etbiensûr,ilyacettehistoired’étoilesfilantes.

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–Ehbien,oui,çavautlecoupd’essayer,n’est-cepas?Personnenejouelesermitesdanssacabanedanslesboisenbuvantseul,lesoirdesanuitdenoces.

Ellefronçalessourcils,commesielleessayaitdesesouvenirdequelquechose.–Àl’avenir,pourrais-tuéviterd’entraînermesemployésdanstescascades?Jedétesteraisavoirà

appelerlamèredeVirgilpourluidirequesonfilsesttombéd’unarbre.–Oh,iln’yavaitaucundanger.Enfin,pasvraiment…Tun’asjamaisgrimpédansunarbre?Ceux-

ci sont parfaits. Les… – Elle fut interrompue par un petit hoquet – branches sont tellement énormes,tellementfortes,etlargesaussi.Tupourraisdormirdessus.

–Tues ivre,Kira.Si tuavaisessayédedormirsurunebranched’arbre, je t’aurais retrouvéeenmillemorceauxparterredemainmatin.

Ellesemitàrire,commesij’avaisditquelquechosededrôle.–Nan,maissérieusement,tuasforcémentdéjàescaladéundecesarbres?–Non.–Non?Maispourquoi?Ellemeregardal’airtrèssérieux,aussiéberluéequesijeluiavaisannoncéquejenerespiraispas

avantaujourd’hui.Sansrépondre,jemetournaiversVirgilquisebalançaitsursespieds.–Retournetecoucher,Virgil.–Oui,Monsieur,murmura-t-il.IlsetournaversKira,sonvisages’illuminacommesielleétaitunsoleildansunmondedeténèbres.

Enl’occurrence,lesténèbres,c’étaitmoi.Illuioffritleplusgrandsourirejamaisvusurlevisaged’unhommeadulteetluidittimidement:

–Bonnenuit,MademoiselleKira.Àmagrandesurprise,Kiraluirenditsonsourire.Elleétaitlà!Cettefameusefossettequej’avais

vuesurlaphotopiquéesurInternet.Ellel’avaitofferteàVirgil.Jen’yavaisjamaiseudroit,pasmêmeunefois.Etjenel’auraisprobablementjamais,surtoutaprèscesoir.

–MadameKira,corrigea-elleavecunclind’œil.Virgilme lança un regard qui, je le jure, était suspicieux. Il fit ensuite un signe de tête à Kira,

toujoursaussisouriante,ettournalestalons.Jeserrailesdentsetmetournaiverslapetitesorcière.Nousnousregardâmespendantquelquesinstants.–Monpèrenemel’auraitjamaispermis,dis-je.Degrimperauxarbres.Elleplissalesyeuxcommesielleessayaitdesesouvenirdecedontnousavionsparlé.Sonregard

croisalemien,etbienqu’ellefûtclairementivre,jevisladouceurapparaîtresursonvisage.–Monpèrenemelepermettaitpasnonplus.–Jepariequetunel’écoutaispas?dis-jeenhaussantunsourcil.Elle eut unpetit rire et secoua la tête.Elle semblait soudainement si triste que j’eus envie de la

prendredansmesbras.Maislesourirerevinttrèsviteilluminersonvisageetelletournasonregardversl’arbre.

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–Pasdutout.Jen’aijamaisététrèsdouéepourobéir.Nipourladouceur.Nipourtenirmalangued’ailleurs.Jeferaisuneterribleépouse.

Elle titubaencoreunpeuetellefitunpasversmoi.Je laprispar lebras,enriant, incapablederésister.

Ellesemblasoudainpenseràquelquechose.–Enparlantdemonpère, jet’aiditd’êtrediscretsurvotreviepersonnelle.Diiiscret,dit-elleen

étirantlemot.C’esttrèsimportant.Jetoussotai.–Jecroyaisquetuavaisditquetun’étaispastropinquiètepourtonpère.Ellesemordillalalèvre.–Jesuistoujoursinquiètequandils’agitdemonpère,murmura-t-elleenregardantauloin.Sesyeuxsefixèrentànouveausurmoietelleseredressa.–Jeneveuxpaslaisserlaporteouverteauxennuis.–C’estnoté.Elletanguaànouveau.–Allezpetitesorcière,nousallonsteramenerdanstademeureaufonddesbois.J’allaispresqueluiproposerdedormirdansl’unedeschambresdelamaison,maiselleavaitdéjà

refuséavant,etfranchement,jepensaisqu’ilétaitpréférablequ’ilyaitunedistanceentrenous,pourtouteunesériederaisonsauxquellesj’avaisdéjàsuffisammentréfléchi.

Unefoisarrivéedevantlaportedesamaison,ellesetournaversmoi,lesyeuxdanslevagueetlesjouesrouges.Elleinclinalatêteetleventsoulevalesfeuillesdesarbresjusteau-dessusd’elle,laissantfiltrer un rayon de lune qui tomba sur son visage, faisant briller ses yeux comme des émeraudes. Sescheveux,peut-êtreattachésplustôtdanslasoirée,avaientglissépourêtremaintenantpresqueentièrementlibresetcommed’habitudedesmèchessoyeusesdansaientlelongdesesjoues.Ellem’adressaunpetitsourire, ses lèvres se retroussant légèrement, et je restaimomentanément abasourdi. J’avaispenséquecettefilleétaitjuste«mignonne»?J’étaisl’hommeleplusstupidequisoit.

Unimbécileaveugle.Undébilecomplet.Elleétaitsublime.De façon totalement irrationnelle, j’eus l’impressionqu’onm’avait trompé, comme si cettepetite

sorcièrem’avaitjetéunsort.Peut-être que ce n’était pas si irrationnel, elle l’avait probablement fait. Une petite emmerdeuse

magique.Jeserrailesdents,etmeretournai.–Bonnenuit,dis-jepar-dessusmonépaule,sansmêmeattendrequ’elleaitpassélepasdesaporte.

Jerentraichezmoietprisunedouchetrèsfroide.

***

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J’évitaiKirapendantlesdeuxjourssuivants.J’étaisoccupé,maisau-delàdecetteraison,ellemedéstabilisait,etjen’avaispasbesoindeçaencemoment.Jen’avaisdutempsquepourdesrencontrestemporairesettrèssuperficiellesaveclesfemmes.Nouerunerelationavec«monépouse»auraitétéunetrèsmauvaiseidée.

Le seul contactquenousavionseuétait son textomeprévenantqu’elle avaitdemandéunecopiecertifiée de notre acte de mariage, mais que cela prendrait plusieurs semaines avant que nous larecevions.Ilfallaitencoreattendre,maisnoustouchionsaubut.Quelquessemainestoutauplus,etnousaurionslechèquedontnousavionstantbesoin.Ensuite,ceseraitenfinterminé.

Je n’avais aucune idée de ce qu’elle faisait, et je nem’en fichais.Ou dumoins c’est ce que jevoulais croire. En tout cas, elle semblait être assez heureuse pour m’éviter elle aussi. Elle ne seprésentaitplusauxrepas,etjerefusaisdedemanderàCharlottesi,ouiounon,ellemangeaitàlamaison.Cependant, je l’aperçus se promener à divers endroits de la propriété. Parfois elle devait apporter àdéjeunerauxhommesquitravaillaientavecmoi.Jemangeaistoujoursàlamaison,doncjenepouvaispasenêtresûr,etjeneleurdemandaipasnonplus.

Unesemaineaprèsnotremariage,alorsquejedescendaislacollineverslavigneoùtravaillaientJosé,Virgiletdeuxautreshommesquej’avaisembauchésàmi-tempslaveille,jestoppaibrusquement,lesyeuxécarquillés.Avais-jedeshallucinations?

Kirasetenaitdeboutsuruntracteurquisedéplaçaitaumilieudesceps.Elleétaitenéquilibresurune jambe, l’autre tendue derrière elle. Elle avait un long ruban dans une main qu’elle agitait. Ellechangeade jambeet ramenasesbrasdevantelledansunesortedepose.Leshommes l’acclamaientetapplaudissaient,levantlesdoigtscommepournotersaperformance.LetracteurconduitparJoséroulaittoujours,etKirasetournaverseuxpourfaireunegranderévérence,seslongscheveuxlibresbalayantlesol,avantdeseredresseretdeseretourner, la jambecolléeà l’oreillecommeuneballerine.J’eusuncoupaucœurenlaregardantfairecettedangereusecascade.Jememisàcourirendirectiondutracteur.José m’aperçut alors, et son sourire s’effaça. Il ralentit le tracteur, avant de l’arrêter définitivement.Immobile,jelesregardai,incapabledetrouvermesmots.Finalement,jeréussisàarticuler:

–Maisqu’est-cequevousfoutez?José segratta le cou et détourna sagement le visage, puisKira se redressa,medévisageant avec

insolence.–J’aiapportélerepas,dit-elleendésignantlessacsIn-N-OutBurgerposéssurunecouvertureau

piedd’unarbre,àdroitedutracteur.Ellesautadumarchepied.–Jeleurmontraisleprogrammequejeprévoyaisdefairepourêtreembauchéeaucirque.Jevoulais

êtredanseuse sur ledosd’unéléphant. Je l’aimis aupoint il y ades années avecmameilleure amieKimberlyqui,elle,conduisaitlavoituredegolfdemonpère.Nousavonscommencéàraconternosrêvesd’enfantet…

Elles’arrêta,souriantauxhommes.Jelaregardaifixement.–Ahouivraiment?!dis-je,sarcastique.

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Elleeutl’éléganceetlasagessedeparaîtreunpeuembarrassée.Maistrèsvitesonpetitmentonseredressa,etlefeudansaànouveaudanssesyeux.

–Nousnousamusionsjusteunpeu,etpassurletempsdetravail.C’étaitleurpausedéjeuner.Elleposalesmainssurseshanches.–C’estmonmatériel,Kira.Situt’étaisblessée,c’estmoiquiauraisétéresponsable.Avantqu’ellenepuisserépondre,jefixaiJosé.–Ettoi,qu’est-cequetuasàdirepourtadéfense?Joséhaussa lesépaules,mais jevisclairementqu’ilavaitenviederire,mêmes’ilessayaitde le

cacher.–Quandlademoiselleveutdanseràl’arrièred’untracteur,quisuis-jepourl’enempêcher?Elle

possèdelamoitiédecevignoble.Jeleregardaienserrantdesdents.Jen’allaispaspasserenrevuelestermesexactsducontratde

mariagequeKiraetmoiavionssigné,etpuis jepouvaisvoirqueJosés’amusait follement.Ceque jediraisn’auraitaucunimpact.Saletraître.Jejetaiuncoupd’œilauxgarçonsquiregardaientKiracommesielleavaitdécrochélalune.

–Descends,exigeai-je.C’était la deuxième fois en une semaine que j’avais dû ordonner àma femme d’arrêter de faire

quelquechosededangereux.–Pasquestionque tumontesdans lesarbresetque tudansessur les tracteurssurmapropriété !

Compris?Ellemedéfiaduregard,croisalesbrasetdit:–Etsijelefaisquandmême?–Si tu lefais, jevais teprouverque jepeuxvraimentêtreundragon,dis-jed’unevoixcalmeet

glaciale.Ellesautadutracteur,serecevantparfaitementsursespieds.–Peut-êtrequej’auraisdûapprendreàdevenirdompteusededragon!Ellesetenaitbiendroitedevantmoietelleagitaitsonruban.Seslongscheveuxchâtainsvoletaient

autourd’elleetdelourdesmèchessoyeuseseffleuraientsesjouesd’unroseprofond.J’avançaid’unpasmaiselleagitasonrubandevantmoi,commesic’étaitunfouet.

–Lâchetonarme,sorcière,grognai-je.Lacolèrem’échauffaitlesang.–Sinon,tuferasquoi?demanda-t-elle.–Sinon,c’estmoiquivaistedésarmer.Etpuis, jelaprendraissurmongenouetutiliseraiscefouetdefortunepourluidonneruneleçon.

Ellerelevalatête,puissautilladansmadirectionavantdes’éloigneraussivite,agileetgracieuse.Ellemenarguait.

–Oh,vas-y,situoses,dit-elle,lesyeuxbrillantd’excitationetdedéfi.Montreledragonquiestentoi.Netecacheplus.

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Jerelevaiimmédiatementledéfi.–Ledragonquiestenmoi?Situsavaismachèrepetitefemme,tun’asencorerienvu.Jem’approchai.Aumêmemomentellefitclaquersonrubandansmadirection.Jesentisunevive

brûluresurmamâchoire.Ellem’avaitfouetté!La petite sorcière m’avait vraiment fouetté et du sang coulait sur ma joue ! J’en restai

momentanémentétourdi.Mamainseposalentementsurmamâchoireblessée.Jebrûlaisderagequandmesyeuxseposèrent surKira.Lapetite sorcièreétait aussiabasourdiequemoi.Sesyeuxécarquillésallaient du ruban àma joue comme si elle ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Sa bouches’ouvritpuissereferma.

–Courez,MadameKira!C’étaitVirgilquicriait.Jemeretournaietvissonregardeffrayé.Kira poussa un petit cri, laissa tomber son ruban-fouet, et fit exactement ce queVirgil lui avait

suggéré.Jeprisunmomentpourdévisagerchacundemeshommes.CeuxdeKira,devrais-jedire.– Ce n’était pas vraiment de sa faute, Monsieur, dit José. On l’a provoquée, et il semblerait

qu’aucundevousdeuxnepeutrésisteràunbondéfi.Ilseretenaitderire,maisn’yparvintpas.Jelefoudroyaiduregard.–Àl’avenir,dis-jeenmetournantdansladirectionqueKiraavaitprise,évitezdedemanderàma

femmedefairedescascadesdangereusessurdesenginsenmarche.–Oui,Monsieur,entendis-jemurmurerdansmondos.Jememisalorsàcourirderrièrecetteinsupportablegamine.Jelaviss’arrêter,hésitantàseréfugierdanslecabanonoudanslamaisonprincipale.Ellechoisit

cettedernière,pensantprobablementqu’elleauraitlesoutiendeWalteretCharlotte.Noussavionstouslesdeuxqu’iln’yavaitaucunmoyendes’enfermerdanscecabanon.

J’avaispenséqu’elleessaieraitdes’échapperparunedesnombreusesportesà l’arrière,maisenarrivantdanslamaison,elleétaitlà,dansl’entrée,regardantautourd’ellesanssavoiroùaller.

Laportesefermadoucementderrièremoietj’utilisailebasdemontee-shirtpourépongerlesangquejesentaiscoulersurmamâchoire.Quandjerelevailatête,jeremarquaiqu’elleavaitlesyeuxrivéssurmonventrenu.Jesentismonentrejambedurcir,monsangcirculantsoudainplusvitedansmesveines.Putaindesorcière.

–Jenel’aipasfaitexprès,dit-elleenjetantuncoupd’œilauxescaliers,commesielleenvisageaitdelesprendrepours’échapper.

–Çat’arriveplussouventqu’auxautres.Kira,sij’avaisvouluterattraper,tuneseraismêmepasarrivéeàladeuxièmemarchedecetescalier.

Jevisladéterminationdanssonregard.Ellefeintaendirectiondelacuisine,avantdefilersurlagauche,verslesalon.Jemelançaiàsapoursuite,l’instinctdumâleprimitifchassantunefemelleenfuiteexcitantmessensetfaisantexploserl’adrénalinedansmonsang!

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Kiracourutverslecanapé,par-dessuslequelelleessayadesauter.J’étaisjustesursestalons.Jelaplaquaietellesemitàcrierensedébattant:

–Charlotte!Walter!Jeréussisàlamaîtriserenluibloquantlesbrasetjeluilançaiunregardtriomphal.Soudainellese

mit à se débattre et tourna la tête comme si elle s’attendait à recevoir un coup. Je la relâchaiimmédiatement.

–Tucroyaisquej’allaistefrapper?demandai-je,incrédule.Sesyeuxmagnifiquescillèrent,luidonnantunairvulnérableettrèsjuvénile.Unevaguedetendresse

mesubmergea,chassantlacolère–Jenetefrapperaijamais.Ellesecoualatête.–Je…jesais,dit-elle,maisjecomprisautondesavoixqu’ellen’étaitpasconvaincue.–Grey?Kira?Charlotteapprochaitderrièremoi,maisjenelevaipaslesyeux,etKiranetournapaslatête.J’étais

toujoursallongésurelle.–Nousallonsbien,Charlotte,affirmai-je.–J’aientendu…–Nousallonsbien,Charlotte,répétai-je.Donne-nousuneminute,s’ilteplaît.Ellehésitaunmoment,puisj’entendissespass’éloigner.Kirameregardaittoujoursavecdegrandsyeuxméfiants.Pensait-ellequ’avecmonpassédedétenu

arrêtépourcoupsetblessuresjepourraisleverlamainsurelle?Non,ellen’avaitjamaiseupeurdemoi,etn’avaitreculédevantrien,jusqu’àcequenoussoyonsdanscettedrôledeposition.

–Quelqu’unt’adéjàfrappée?Ellemefixaittoujours.–Oui,murmura-t-elle.Je fermai les yeux et laissai échapper un long soupir. Quand je les rouvris, elle me regardait

toujours,ouplutôtlacoupuresurmajoue,quej’avaisd’ailleurscomplètementoubliée.C’étaitjusteuneégratignure.Ceboutdetissuridiculeavaitdûmetoucherjusteaumauvaisendroit,sinonquellesétaientleschancesd’êtrecoupéparunruban?

–Jet’aifaitmal,dit-elle,d’unevoixpleinederegrets.Moncorpsétaitallongécontrelesien,sondélicatparfumfleurim’enveloppait,etseslèvresétaientlégèremententrouvertes.Sesyeuxétaientpleinsd’unetendresollicitudeetilsétaientsibeauxquejesentismapoitrineseserrer.

Je ne pus pas m’en empêcher. Je posai mes lèvres sur les siennes. Elle tressaillit, et après unmomentdetensionànousregarderdroitdanslesyeux,elles’abandonnasurledivan,m’enveloppadesesbrasetfermalespaupières.

Jegémisdeplaisir.J’utilisaimalanguepourdessinerlecontourdeseslèvres,avantdelaglisseràl’intérieurdesabouchebrûlante.Elleavaitungoûtdesucrechaud,ettandisquesalangues’emmêlaitàlamienne,jeglissaimamainsoussoncorpsetsuivislacourbedesondos.Ellesecambra.Alorsque

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noslanguesjouaientensemble,lebaiserdevintplusprofond,plusintense,etlamiennelapénétradansunmouvementdeva-et-vientvieuxcomme lemonde.Lapassion,aussibrutaleet soudaineque la foudre,s’abattit sur nous.Cela semblait si évident de la sentir comme ça, sousmoi. Je perdais peu à peu lecontrôle,etcettesensationétaitaussisurprenantequ’inquiétante.J’écartaimes lèvresdessiennespourl’observer : ses joues rosies, ses lèvres mouillées et gonflées par mon baiser, ses yeux à moitiéentrouverts. Elle était stupéfiante. Je saisis entremes doigts une de sesmèches acajou soyeuses et jemurmuraidoucement:

–Cescheveux…Elleentrouvritlesyeux,l’airsoudainementtroubléetméfiant.Ellegigotasousmoi,m’arrachantune

petiteexclamationquandellesefrottacontremonentrejambegonfléettendu.Ellesedégagea,meforçantàm’asseoirbrusquement.Elleseremitdeboutetmefixa.Lorsquejeluitendislamain,ellereculaenmefixant d’un air presque accusateur. J’ouvris la bouchepour dire quelque chose, sans trop savoir quoi,maiselleseretournaets’enfuitencourant.

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CHAPITRE10

KIRAJenecomprenaisrienàcequivenaitdesepasser.Jepensaisqu’ilallaitmetuerenmeregardant

aveccetteintensitéprédatrice,etl’instantd’aprèsilm’embrassait!Meslèvresfrissonnaientencoreenrepensantàlasensationdesabouchesurlamienne.J’yposai

mesdoigts,appuyantdoucementpoursentirleursensibilité,pourêtresûrequejen’avaispasrêvé.M’êtrelaisséeembrasserétaitgrave,maisilyavaitpire:jem’étaislaisséefaire.Encore.J’avais

entendu,aufonddemoi, touteslesraisonspourlesquellesj’auraisdûlerepousser.Maisjen’enavaispasétécapable.Aucontraire,Graysonsavaitexactementàquelpointilmeplaisait,maintenant.Quellehumiliation!

Surtoutaprèscequ’ilavaitfaitdenotrenuitdenoces.Je m’effondrai sur mon lit, faisant grincer les ressorts rouillés, puis fixai le plafond, en pleine

confusion.Depuis le jour où il était allé à un rendez-vous avec une autre femme, je l’évitais. Il avaitd’ailleursprobablementcouchéavecelle.Jegrimaçaienmeremémorantcefameuxjour,mais,commejelefaisais toujours, jechassaicessouvenirsdésagréables.Jeparvenaisd’ailleurssouventàoublier lesmoments difficiles. Quand c’était nécessaire, je m’y aidais de quelques bouteilles de vin que jeconservais à la maison. Être mariée à Grayson Hawthorn risquait de me transformer en alcooliquesolitaire,réfugiéedansunecabanedejardinierpourrie!Monplanpouraméliorermasituationsepassaitdécidémentmerveilleusementbien!

JegémisbruyammentenrepensantàGrayson.Iln’avaitpasappréciél’escaladedanslesarbres,etencore moins la danse du tracteur. Soit, et alors ? C’était un dragon bipolaire de toute façon. Pourcouronner le tout, je commençais àm’ennuyer. Etmon père disait toujours que quand j’avais trop detempsà tuer,celafaisait ressortir lepireenmoi.Surcepoint,aumoins, ilavait raison.Lavieoffraittellement de possibilités, pourquoi devrions-nous passer, ne serait-ce qu’une journée, à s’ennuyer ?J’auraismieuxfaitderoulerjusqu’àSanFranciscoetdepasserquelquessemainesàtravaillerdanslesdifférentsorganismesdecharitéquejesoutenais.J’avaisenvied’aiderlesautres.Jen’yétaispasencoreallée car je voulais leur apporter plusieurs chèques.Et puis je ne pouvais pasmepayer un logement,mêmetemporaire,avantderecevoirnotrecertificatdemariageetd’avoirtouchél’argentdel’héritage.

Certificat de mariage… Grayson. Mon mari. Qui m’avait embrassée ! Son attitude étaitincompréhensible.N’avait-il pas été parfaitement clair sur le fait que je n’étais pas son genre, et que

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surtout,jenedevaispasmefaired’idées.Etpuis,soudain,ça?!Cedevaitêtresouslecoupdelacolère,je ne voyais pas d’autre explication. Il n’avait sûrement pas vraiment envie de m’embrasser. C’étaitprobablement pareil que la première fois : une façonde prendre le dessus. Il fallait oublier ça.Nousn’avionsplusqu’ànous ignorerdenouveau.Etpuis,pourune foisdansmavie, ilvalaitmieuxque jecontrôlemesimpulsions,n’est-cepas?

Mespenséesembrouilléesfurentinterrompuespardescoupssurlaporte.Jemelevairapidementetdemandai:

–Quiest-ce?–C’estmoi,Grayson.Jen’étaispasprêteàlevoir.–Jesuisoccupée.Va-t’en.–Kira.Àsavoix,jesentisqu’ilétaitlégèrementagacé.– Ce cabanon ne ferme pas à clef. Je vais entrer que tu me donnes la permission ou non. Je

préféreraisquetum’yautorises.Jeserrailespoings.Dragonarrogant!–Trèsbien,entre,braillai-je.Jemefigeaienl’entendantentrer.Ilsedirigeaversmachambre.Jedétournaimonregardailleurs

car jenevoulaispasvoiràquelpoint ilétaitbeau,nirepenserauplaisirquej’avaisprisàsentirseslèvresdoucesetpleinessurlesmiennes.Etj’avaisencoresongoûtsurlalangue…

–Nousdevrionsparlerdecequivientdesepasser,dit-ild’unevoixfeutrée.–Pardon?demandai-jeavecdésinvolture,enmetournantverslafenêtre.–Tu ne t’en souviens pas ? dit-il avec une pointe d’humour. Si tu oublies aussi facilementmon

baiser,peut-êtrequejedevraisrecommencer,enm’appliquantcettefois.Jepensaisavoiraméliorémaperformanceparrapportàlapremièrefois,maispeut-êtreavons-nousencorebesoind’entraînement…

–Non,dis-jeenmeretournant.Jeprisunegrandeinspiration.Non,ceneserapasnécessaire.Onétaittouslesdeuxtrès…excités.Cesontdeschosesquiarrivent.Cen’estpasgrave.

Jefisdegrandsgestesdelamain.–Rassure-toi,jenevaispasmefairedesidéespourautant.Pasdepenséesirréalistes.Ilm’adressa alors le sourire en coin ravageur dont il avait le secret, et qui faisait certainement

tomber toutes les femmes dans ses bras. Comme Jade, avec qui il avait couché pendant notre nuit denoces.Jenesavaispaspourquoijelanommaispuisquejen’ypensaisplus.Ilserapprocha.

–Peut-êtrequec’estmoiquiaidespenséesirréalistes.–Oh.Jemanquaid’airsoudain.Jeprisunegrandeinspiration.–OK.Ehbien,cen’estpasunebonneidée.Çaneferaitquecompliquerleschoses.Etpuis,jene

suispastongenre,tutesouviens?–Jepensequejemesuistrompésurcepoint,Kira.

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Ilserapprochaencored’unpas.–Tuasvoulumetuer,luirappelai-je.–Oui,ehbien,ilfaudraitarrêterlesconneries.Cellesdustyleescaladerlesarbresetdansersurles

tracteurs!Jenepeuxpastelaisserteblesser.Etpuis,tum’asnarguédevantmeshommes,avantdemefouetter.

Bon,c’estvraiqueditcommeça…–C’étaitunaccident,contestai-jeMes yeux se posèrent sur la petite coupure de sa mâchoire, et une vague de culpabilité me

submergeaànouveau.Ilpritalorsunemèchedemescheveuxqu’ilreplaçaderrièremonoreille.Lefaitqu’ilsoitsiprès

demoimebouleversait,metroublait.Sonsex-appealdévastateurmeliquéfiaitlittéralement.Jepouvaissentirlachaleurdesoncorpscontrelemienetimaginersesmusclessaillantssoussesvêtements.Mesyeuxseposèrentsursabouchemagnifiquementdessinée,etjemesouvinsduplaisirquej’avaisressentiquandelleavaitcaressélamienne.Cefutcommeunélectrochocquimeramenaàlaréalité.

–Jesais,dit-il,pensif.Jedusfaireuneffortpourmesouvenirdecedontnousavionsparlé.–Pourjenesaisquelleraison,avectoijesuisparticulièrement…Ils’arrêta,semblantchercherlebonmot.–Reptilien?lançai-jeenmeredressant.–Fantasque,corrigea-t-ilenm’adressantunsouriredésinvolte,censémedésarmersansdoute.Çanemarchapasdutout.Presquepas…Ilm’observapendantquelquesinstants.–Tuasprobablementbesoindet’occuper.Tum’asditquetuavaisuneexpériencedecomptabilité.–Oui,j’aitravaillédanslacompagniedemonpère.J’aifaitdusecrétariatetdelacomptabilité.–Bien,alorslebureaudelamaisonestàtoimaintenant.Jesuisnavrédetedirequejen’aipaseu

beaucoupdetempsrécemmentpourclasserouranger.Tuvasavoirdupainsurlaplanche.J’acquiesçai.–Letravailnemefaitpaspeur.Ilpritunairpensif;sesyeuxétaientsombresetinsondables,parésdecilsincroyablementlongs.Il

balayaduregardlachambreoùnousnoustrouvions.Ilposalesyeuxsurlesvasesdefleursquej’avaisinstalléscematin,puisdérivaverslaportedelapetitesalledebains.

–Jevoisça.Ma poitrine se gonfla de fierté. Jusqu’à aujourd’hui, peu d’hommesm’avaient complimentée sur

moncaractèreoumontravail.J’étaispresquegênéetantcestroismotsavaientdel’importancepourmoi.Je voulais les retourner dans ma tête et les savourer pendant quelques minutes, mais Grayson prit ànouveaulaparole.

–Jecroisquenousavonspeut-êtreeutortdemettredesrèglesdansnotrerelation.Noussommesmariés,Kira.Etnoussommesmanifestementattirés l’unpar l’autre.Pourquoinepourrions-nouspas…

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explorerça?Jemanquaim’étouffer.Je luiplaisais?Ilmedésirait?Pourquoi?Parcequ’ilétaitexcitéetque

j’étais là?Despapillonss’agitèrentdansmonventre,comme lapremière foisoù j’avais rencontréunhomme. Je reculai et baissai le regard, incapable de soutenir l’intensité de ses yeux sombres dont jevoyaismaintenantqu’ilsavaientl’étonnantecouleurdesgrainsdecafé.Pasnoir,plusprofonds,d’unbrunsombresurprenant.

–Pourquoiest-cequetuasbesoindemoi?TuasJade.Jen’étaispasamère,maisalorspasdutout.–Jen’aipascouchéavecJade,Kira.Tuavaisraison.Çan’auraitpasétédiscret,maissurtout,ça

n’auraitpasétécorrect.Jem’enmoquais,maisj’étaissecrètementsoulagée.Nonseulementiln’avaitpascouchéavecJade,

maisenplusilavaitcomprisquesonacteauraitpurendrenotrerelationbeaucoupmoinscrédibleauxyeuxdesgens.

– Je suis ravie que tu aies réalisé que tu allais trop loin, mais en dehors de cela, je me fichetotalementdecequetufaisavecJade,insistai-jeenrelevantlementon.

Ilmesouritsimplement.–Alors,qu’enpenses-tu?De…nous?–Jepeuxtejurer,Grayson,quetuneseraispasimpressionnéparmontalentdanscedomaine…Jedétournaibrièvementmonregard.Ilfronçalessourcils.–Jepense,petitesorcière,quej’aimeraismefairemapropreopinionàcesujet.Savoixétaitchaudecommedumiel.La peurm’envahit lentement.Non.Non, je n’avais aucun intérêt àme laisser entraîner dans une

relation avec le Dragon. Il avait certainement eu dans son lit d’innombrables femmes qui savaientexactementcomments’yprendrepourdonnerduplaisir.Jenevoulaispasqu’ilmecompareàelles.Deplus,j’avaisvulegenredefemmequil’attirait,etjeneleurressemblaispasdutout.Jesecouailatête.

–Cen’estpasunebonneidée,etdetoutefaçonjenesuispasintéressée.Jenet’aimepasbeaucoupetjenetetrouve…pastrèsattirant.Hideuxmême,pourêtreplusjuste.

Il éclata de rire. Il savait bien qu’aucune femme saine d’esprit ne pouvait le trouver repoussant.Cependant,ilpensaitquej’étaisunpeutoquée,cequijouaitenmafaveur.

–Deplus, tu as lesmanières d’un reptile qui souffre de problèmes de digestion, ajoutai-je pourrenforcermonpropos.

–Jepeuxêtrecivilisésij’ymetsdumien,dit-ilaveccesourireravageurquimerendaitstupide.–J’endoute,murmurai-je.– Jevais te leprouver.Soisprêteà18heures, jepasserai techercher.Nousn’avons jamais fait

notredînerdemariage.Hein,quoi?Non.–Jenesuispaslibreàcetteheure-là,criai-jealorsqu’ils’éloignaitdéjà.

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–18heures,hurla-t-il.Jeserrailesdents,biendécidéeàluitenirtête.Maislavéritéétaitquejemesentaispitoyablement

seule,etquejem’étaisennuyéependanttoutelasemaine.Ilétaitdifficilederésisteràuneinvitationàdîner,mêmesic’étaitavecmonmari.Etpuis,peut-êtrequ’ilseraitbondeparler,deluienleverdelatêtecetteidéeridiculed’essayerd’allerplusloindansnotrerelation.Cedînerseraitunefaçondemechangerlesidées,cesoir,etcesoirseulement.Jeseraismoinsenclineàavoirde«TrèsMauvaisesIdées»sij’étaisoccupéeàtriersespapiers.Detoutefaçon,ilseraitrapidementtrèspris.Unefoisquel’argentdel’héritage serait arrivé, les choses rentreraient dans l’ordre.Bientôt je pourrais partir d’ici et effacerGraysonHawthorndemamémoire.Mais,avantcelaréfléchissons:qu’est-cequej’allaisbienpouvoirporteràmondînerdemariage?

***

Lepick-updeGraysons’arrêtadevantlecabanonà18heurespile.Jeprisunegrandeinspirationpourmedonnerducourageettraversailesbroussailles.Ilsetenaitprèsdelaportepassagerouverte.

–Disdonc,tusaisêtreungentlemanquandtuveux.Quil’eutcru?Sonsourireluidonnaitunairdereptiletrèssatisfait,passidyspeptiquequeça,douxmaisunbrin

diabolique.Jeprissamain,etm’installaidanslevéhicule.Ilétaitfraîchementraséetsescheveuxencorehumides brillaient dans la lumière. Sesmèches presque noires, luisantes, étaient toutes ébouriffées. Ilétaitdiaboliquementbeau.J’évitaideleregarderpournepassuccomber.S’ilyavaitbienunechosedontj’étaissûre,c’étaitqueleshommescommeluiavaienttendanceàuserdeleurcharmepourarriveràleursfins,etjenetomberaispasdanslepanneau.

Unefoisauvolant,ilroulaversleportail.–Alors,oùest-cequetum’emmènes?–Dansunendroittypiqueducoinquiteplairajepense.Ilavaitl’airdétendu,maispendantuncourt

instant,sonvisageparutinquiet.Je tortillai mon collier en observant son profil, me demandant à quoi il pensait. Ses yeux se

dirigèrent lentement versmamain, puis vers la chaîne enroulée autour demon doigt au niveau demapoitrine,puis surmondécolletéqu’il fixaavec insistance. Il reportasonattentionsur la route. J’avaisoptépourunerobed’étéjauneàtailleempireetdestalonscompensésbleumarine.Maisàcemomentprécis, étant donné la manière dont Grayson avait louché sur les parties exposées de ma peau, et latension sexuelle qui régnait dans la voiture, j’aurais donné tout ce que j’avais pour une tenue pluscouvrante,commeunsariouunboubouparexemple!

–Alors,Kira,tudisaisquetuavaisvécuenAfriquejusqu’ilyapeu.Qu’est-cequetuyfaisais?demandaGrayson.

Ilvoulaitsansdoutediscuterdetoutetderien.Ah,maintenantqu’ilvoulaitquejeréchauffesonlit,ilavaitdécidédes’intéresseràmoi.Classique.Maiscequ’ilnesavaitpas,c’estquej’avaistrèsbiencomprissonpetitjeuetquejenetomberaispasdanslepiège.

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–Unamiàmoiconstruisaitunhôpital.J’aidécidédel’aider.–Unami?répéta-t-il,enmeregardantducoindel’œil.–Enfaitc’estplutôtungarçonquej’aiparrainéàtraversunprogrammedecharité.Peuimporte,au

fildesannéesKhotsoestdevenuunami,épistolaire,évidemment.Aprèssanaissance,samèreasouffertdecequ’onappelleune fistuleobstétricale alorsqu’ellen’avaitque treizeans, et ça adonnéenvie àKhotsodedevenirmédecin.

Lafiertém’envahitenparlantdemonami.–C’estpresqueinconnuicienAmérique,maisc’estungrosproblèmeenAfriqueàcausedel’âge

trèsprécoceauqueldenombreusesfillessemarientettombentenceintes.Leursjeunescorpsnesonttoutsimplementpasprêtspourdonnerlavie.Enplus,leurviequotidiennetrèsdureentraînetrèssouventdesaccouchements difficiles, quand elles ne perdent pas carrément leur bébé. Elles souffrent ensuiteterriblement à causede ces fistules.Khotso adoncouvert unhôpital pour soigner ces jeunes femmes.Certaines vivent avec une fistule depuis des années, d’autres viennent de perdre leur bébé.C’est uneréussiteincroyablepourquelqu’undesijeune!

Jem’arrêtaisoudaindeparler,comprenantquejem’étaislaisséeemporterparlapassionpourceprojetcommeçam’arrivaitsouventquandj’enparlais.Jesentisquejerougissais.

–Pardon,je…–Tuespassionnéeparcesujet.C’estadmirable.Etçam’al’aird’êtreunecausetrèsimportante.

Tuaidesunepersonnequi,àsontour,enaidetellementd’autres.Ilmeregardaaveccequimesemblaêtreunprofondrespect.Moncœurseréchauffaendépitdela

promessequejem’étaisfaitedegardermesdistances.–Donctul’asaidéjusqu’àcequel’hôpitalsoitconstruitettuesrentréeàlamaison?Jefixaimesongles.– Eh bien, pas vraiment. J’aurais voulu rester jusqu’à l’inauguration mais il y a eu, disons, un

incident.Graysonhaussaunsourcil.–Unincident?–J’ai…euh…défiéuncheftribalàlacourseàpied.–Évidemment.Ilyavaitunepointedesarcasmedanssaréponse,maisenleregardantjevisdel’amusementdans

sesyeux.C’étaitpresqueaffectueux,etjememisàriredoucement.–Apparemment leschefsde tribusn’aimentpasêtreprovoquésenpublic.En toutcas, j’aipensé

qu’ilvalaitmieuxpourKhotsoetpoursonprojetquejeprennemesdistances,ausenspropreduterme.J’aidoncprisunvolretourunpeuplustôtqueprévu.

Etavantd’avoir le tempsde trouverunmeilleurplanqueceluide t’épouser,GraysonDragonHawthorn.

Nousnousarrêtâmessurunparkingducentre-villeetnousprîmesladirectiond’unrestaurantitalienquej’avaisrepéré,maisoùjen’avaisjamaisdîné.Ilétaitinstallédansunancienétablissementbancaire

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avecdelargescolonnesdepierresenfaçade.–J’aipenséqu’ilseraitappropriéd’avoirnotrepremierrendez-vousdansunebanque,ditGrayson

enm’ouvrantlaportière.Aprèstout,c’estdansunendroittelquecelui-ciquetoutacommencé…Jehaussailessourcils.–C’estvrai.Mêmesicen’estpasunpremierrendez-vous.C’estsimplementundînerdemariageen

touteamitié,undînerpratiquementprofessionnel.Avantqu’ilnepuisserépondre,unehôtessenousaccueillit.–GraysonHawthorn.J’aiuneréservationpour18heures30.Lajeunefemmeluiadressaunregardadmiratifetrejetasescheveuxenarrière,cherchantàattirer

sonattention,puiselleseretournapournousaccompagnerànotretable.Jeremarquai lesregardsqu’onnous jetaitalorsquenous traversions lasalleprincipale.Certains

venaient de femmes pleines d’admiration pour Grayson, mais la plupart étaient désapprobateurs.J’entendais,malgrémoi,chuchotersonnomendestermesquinemesemblaientpasélogieux.Jefronçailessourcils,notantlaposturerigidedeGraysonpendantquenoussuivionsl’hôtesse.

Jemesouvinsdesdeuxfemmesquej’avaisentenduesdanslemagasin:Tunepeuxpasleprésenteràtamèremaintenant…Monregards’assombritunpeuplus.Une fois assis, chacun avec un verre de vin, Grayson commença à se détendre légèrement. Je

regardaiautourdenous,lesgensévitaientdecroisernosyeux.Detouteévidence,onparlaitdenous.JemerappelaialorscommentunepetitevillecommeNapapouvaitfonctionner.TouscesgensjasaientsurGrayson,lejugeaient.Peut-êtrepoursoncrime,peut-êtrepourlesraisonsdesonretour.Peut-êtreparcequesonvignobleétaitruiné,peut-êtreparceque«tunepeuxpasleprésenteràtamèremaintenant.»

Lacompassionm’envahit.Jesavaiscequec’étaitd’êtrejugée,etdeseretrouvercruellementexclu.Il semblait immunisécontre leschuchotementsqui l’entouraient,pourtantquelquechosemedisait

qu’ilnel’étaitpastotalement.Jeleregardai,raidecommeunpiquet,étudiantavecunpeutropd’intérêtlemenu.Alors,lapromessequejem’étaisfaitederesterdétachées’évanouit.

–Jemesuisrenduecompte,luidis-jetoutdoucementenposantmamainsurlasienne,que,parfois,lameilleureréponseestlesourire.

Quandmamain le toucha, il tressaillit, et ses yeux se plantèrent dans lesmiens.Ce regard étaittellementvulnérablequ’ilfitfondremoncœur.C’étaitceluidel’hommequej’avaisvudevantlabanque.

–Essaye!Jel’encourageaigentiment,souriantmoi-mêmelargement.Enretour,j’eusdroitàunetimidegrimace.–C’estçatonsourire?Vraiment?Jefissemblantdetrembler.–Çaressembleplusàunehyèneenpleinecrisededémence.Surlecoup,ilparutchoqué,puisiléclataderire.Cesourireétaitàlafoislarge,lumineuxettrès,

trèsbeau.Jesourismoiaussi.Etsoudainlatensions’estompa.Jeretiraimamainquiétaitencorechaude

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denotrecontact.Aprèsça,ladiscussiondevintpluslégère.Jenevoulaisplusromprelecharmedecetteamitiésimplequenoussemblionspartagerdésormais.

Alorsqu’onnousservaitledessert,unedameâgéevintànotretable,suivied’unejeunefemmequiavaitl’airtrèsnerveuse.

–Jepensaisbienquec’étaitvous,GrayHawthorn,dit-elle.Jen’enétaispourtantpassûre.Vousnevousêtespasmontréensociétédepuisvotre…retour.

Ellesetournaversmoienmetendantlamain.–JesuisDianeFernsby.VousdevezêtreunedesconquêtesdeGray?lança-t-elle,labouchepincée

parlemépris,àenfairesuinterlecollagènedeseslèvresrefaites!Graysonluicoupalaparole–Enfait,Diane,ils’agitdemonépouse,KiraHawthorn.Mes yeux volèrent jusqu’aux siens et je déglutis, rendue muette par le choc. Je n’avais pas été

préparéeàentendrecesmots.LevisagedeDianepassapartouteslescouleurs.–Tonépouse?Gray,pourquoiest-cequelaplusvieilleamiedetamèreetmoin’avons-nouspas

reçud’invitationaumariage?–Mabelle-mère,corrigeaGrayson.Etlacérémonies’estdérouléedanslaplusstricteintimité.Ilmepritlamainetmesourit.–Nousnepouvionspasattendre.–Je…jevois,dit-elle,enfixantmamaingauche.Sesyeuxs’élargirentencorequandellevitlabagueàmondoigt.–Ehbien,c’estcertainementune…–Maman,nousdevrionsyaller.SalutGray,ditlajeunefillederrièresamère.–SalutSuzie,ditGrayd’untonpluschaleureux.Ellerougitendétournantleregard.Uneex-petiteamiepeut-être?–Oui,tuasraisonchérie.Ilfautqu’onyaille.Ellesetournaversnous.–Bon, toutesmes félicitations,dit-elle avecun tonqui était loind’être celuiqu’onutilisaitpour

congratulerlesgens.Aprèscequis’estpasséavecVanessa…tun’aspasdût’enremettreencore.Ellesecoualatête.–Romprevosfiançailles,etfinalementsemarierpendantquetuétaisencoreenprison!–Nousn’étionspasfiancés,ditGraysond’untoncalmeetfroid.Vanessa?Dianefitunsignedelamain.–Oh,allons,noussavionstousquec’étaitjusteunequestiondetemps.Tamèrem’avaitditquetu

avaismêmeachetéunebague.Etpuis…–Maman,coupasévèrementSuziedanssondos.Ellenousadressaunsouriredésolé,toutentirantlamaindesamère.

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–Bon,ehbien,àtrèsbientôt,sansdoute.Bonnesoirée.Aprèss’êtreéloignéedequelquespasdenotretable,Dianesepenchaverssafilleetluichuchotasuffisammentfortpourqu’onl’entende:

–Machérie, tu l’aséchappébelle aveccelui-là.Unex-détenu !Enplus j’ai entendudireque levignobleestprochedudépôtdebilan.Aprèstoutlechagrinqu’ilafaitàsesparents…

Sesparolesdevenaientincompréhensiblesàmesurequ’elles’éloignait,maislebruitdeclaquementdésapprobateurdesalanguerésonnadanstoutelasalle.

J’attendisqu’ellesdisparaissentdenotrechampdevisionpourparler:–Tonépouse?luidemandai-jeavecunsourirefigé.Jecroyaisquetudevaisjustemeprésenterpar

monprénom.Unmusclede lamâchoiredeGrayson tressauta,unefois,deuxfois,avantqu’ilnefasseuneffort

perceptiblepoursedétendrePuissonregardseposasurmoi.–Tum’asfaitcomprendrequ’ondevaitfaireensortequenotreunionaitl’aircrédibleafind’éviter

quetonpèrenesoupçonnequelquechose.Jemesuisjusteditqueçanepourraitpasfairedemalsilanouvelledemonmariagecouraitenville.DianeFernsbyestunedesplusgrandespipelettesdeNapa.

–Oh…Jefisunsignedetête.Ilsignaleticketdecartebleuequeleserveurvenaitd’apporter.LePrincede

Glaceétaitderetour.Jemesentaisexagérémentblessée.J’auraisvoululuiêtrereconnaissanted’avoirfaitensortequenotremariageparaissecrédibleauxyeuxdetous,maisj’avaisparfaitementconscienceque,s’ilavaitditquej’étaissafemme,cen’étaitnipourmonbien,niparrapportàmonpère.Ill’avaitditpourclouerlebecdeDianeFersnby.Jesavaisqu’ilpouvaitêtrelunatique,maistoutsepassaitsibienavant que cette femmene fasse irruption et ne parle de son ex.Qu’est-ce qui avait bien pu se passerd’ailleurs?UnefemmeavaitlarguéGrayson?Etoùétait-ellemaintenant?JemedemandaissiellevivaitàNapa,etsielleavaitdéjàentenduparlerdenotremariage.Detoutefaçon,jenepouvaispasm’occuperde la vie privée de mon mari. Aussi attirant soit-il, c’était beaucoup trop fatigant d’essayer de lecomprendre.

Graysonmedevançaetmeguida jusqu’àsonpick-up.L’humeur joyeuseetdécontractéequenousavions partagée pendant le dîner avait disparu, remplacée par la distance pénible de la froideur deGrayson.Maisunefoisassisdanslevéhicule,ilsetournaversmoi:

–Jesuisdésolépourcequis’estpassé,Kira.J’aivécutoutemaviedanscetteville,etbeaucoupdechosessesontpasséescessixdernièresannées.J’imaginequelesgenssontcurieux.Jetepriedebienvouloirm’excuserdet’avoirimposécela.

– Il y a une différence entre la curiosité et l’impolitesse revendiquée, murmurai-je en fixantl’horizon.

Graysonsoupira.–Jedoiscertainementmériterleurimpolitesse.PourlesgensdeNapa,jesuisunassassinetunex-

taulard.Etenplusj’aituél’enfantchéridelavillevoisine.Jeme souvins alors de l’article que j’avais lu à ce sujet. Le jeune homme vivait dans le comté

voisindeSonoma.

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Jememordislalèvre,nesachantpasvraimentquoidire.–Grayson,tunel’aspasassassiné.C’étaitunaccident.Tumel’asdittoi-même.–Lerésultatestlemême,ilestmort.–Est-cequetuveuxenparler?Jesuisdouéepour…–Non.Unsilencepesants’installapendantquelquesminutesavantqu’ilnesetourneversmoi,unsourire

ironiqueauxlèvres.–Tuasvucommejesaisfairepasserdubontempsàunefille?Impressionnantnon?Jelaissaiéchapperunpetitrire.–Jesuissûrequelesautresfillesneseplaignentpas.Graysongrimaça.–Bienquemabelle-mèren’aitjamaisétéunedemesgrandesfans,sonamieDianeauraitvouluque

jemerapprochedesafille.MaisSuzie…–N’étaitpastongenre?luidis-jeenarquantunsourcil.Graysonricana.–Disonsquejel’aitoujoursconsidéréecommeuneamie.Puisqu’on parlait du genre de filles qui plaisait àGrayson, j’osais lui poser la question quime

taraudait:–QuiestVanessa,Grayson?Ilneréponditpastoutdesuite,maisjevissesépaulesseraidir.Ilgardalesyeuxrivésdevantlui,et

dit:–Vanessaestlafemmedemonfrère.–Oh!C’étaitsortitoutseul.Sonfrèreavaitépousésapetiteamie–celleavecquiilavaitaccessoirement

prévudesemarier–pendantqu’ilétaitenprison?Jemeraidis,enimaginantàquelpointçaavaitdûêtre dur pour lui. Pas étonnant qu’il ne parle plus à son frère. Je bafouillai un « Je suis désoléeGrayson»,netrouvantriendemieuxàluidire.

Il hocha la tête une fois, puis démarra le pick-up pour quitter le parking. Le trajet du retour futcalme,laradionousberçait.Aprèsavoirfaitletourdelafontaine,Graysonsegaradevantlamaisonetsetournaversmoi.

–Est-cequetuveuxprendreunverre?J’aiunebouteilledevinqui,d’aprèslesconnaisseurs,estabsolumentdélicieuse.

Jesouris.C’étaitsansdoutestupidedemapartdem’enpréoccuper,maisj’avaisl’impressionqu’ilnevoulaitpasresterseul.Unverrenepouvaitpasfairedemal…

–Délicieuse,dis-tu?Tum’intéresses!Illâchaunpetitrireet,unefoissortiedupick-up,jesuivismonmaridanslamaison.

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CHAPITRE11

GRAYSON–Tusaiscequ’ondevraitfaire?meditsoudainementKiraensepenchantenavant.Nousétions

tousdeuxassissurdeschaiseslonguesàmoitiérouillées,surlaterrasse,unverredevinàlamain.Nouslesavourionstranquillementdansunsilenceagréable,leregardfixésurlapiscinecouverteparunebâcheetquidevaitêtreremplied’uneeautroubleetboueuse.Jem’étaismisentêtedelaséduirecesoir.Jenepensaispasqueça serait trèsdifficile, elleavait réponduàmonbaiseravecunenthousiasmeévident.Maisaprèscequis’étaitpasséaurestaurant,toutavaitchangé.

–J’ailesentimentqueçaneprésageriendebonquandcesmotssortentdetabouche,luidis-je.Ellemelançaunsouriremalicieux.–Nonvraiment!C’estunebonneidée.–D’accord,dis-moi?–Nousdevrionsfaireunefête!Jelevaiunsourcil,appuyantmatêtesurlachaiselonguepourmieuxlaregarder.–Unefête?Maispourquoi?–Ehbien,dit-elleenseredressantetenfaisantpivotersesjambeshorsdutransatpourêtreassise

face àmoi, j’ai l’impression que les habitants deNapa seméfient de toi.Ça ne ferait pas demal derestaurerl’imagedelafamilleetduvignobleHawthorndanscetteville.Jemetrompe?

–Non,jenecroispas.Elleavaitraison.Sijevoulaisavoirunepetitechancedesortirlapropriétédelacrise,êtreleparia

delarégionn’aideraitenrien.Néanmoins…–Commentunefêtepourrait-ellejouerenmafaveur?–Ceseraitjusteundébut,dit-elleenréfléchissant.Lesgensparlent,tulesaisbien.Sioninviteles

personnes lesplus influentesde lavilleetqu’elles sententque tu lesapprécies,ellescommencerontàréviser leurs jugements. Les ragots font oublier aux gens que le sujet de leursmédisances est un êtrevivant.Lesinvitericileurferaprendreconsciencedecela.Jesuispersuadéequelesgenssontprêtsàcomprendreetmêmeàpardonner.

–Tuleurdonnestropdecrédit.Elleplissalenez,analysantmesderniersmots.

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–Peut-être.Maisjepréfèrecroirequej’airaison.Aumoinsdanslamajoritédescas,merépondit-elle,l’airsoudainvulnérable.

Jebusunegorgéedevin,etluidis:–Tudoisavoirl’habitudedesragots.–Oui, c’est sûr !Presque toutemavie j’y ai été confrontée.Elle avait l’air triste et j’avais très

envie de la prendre dans mes bras. Je fixai l’horizon et bus une gorgée de ce vin blanc moelleux,savourantlesnotesdepoireetdecaramel.

–Bref, dis-je en changeant de sujet, et comment les gens vont se rappeler que je suis un « êtrehumain»?J’aicrucomprendrequetumevoyaisdavantagecommeundragonquecommeunhomme.

–Exact.Ellesourit.–Ilfaudracachertestendancesreptiliennes,aumoinspourunesoirée.Jememisàrire,étudiant lesombreset lesrefletsdeses traitsà lafaible lueurde la luneetdes

quelqueslumièresdelamaisonrestéesalluméesderrièrenous.–Plussérieusement,jen’aipasvraimentletempsd’organiserunefête.Ellesecoualatête.–Non,biensûrquenon.Jem’enoccuperai.Çam’éviteradefaireencoredesbêtises.Onpourrait

faireunthèmesafariafricain!Ouunbanquethawaïen!Jevaisfaireuntrucmagnifique.Ellesouritlargementetsapetitefossetteensorcelantesecreusasursajoue.Moncœurs’emballaet

jenepusretenirunrirenerveux.–Tuescenséem’aideràmettredel’ordredansmesdossierspourm’éviterd’avoirdesproblèmes.–Jepeuxfairelesdeux.Jesoupirai.– D’accord. Mais, s’il te plaît, attends juste de recevoir le chèque pour dépenser de l’argent

qu’aucundenousdeuxn’apourl’instant.–Promis.Enfinsaufpour les invitations. Je lespaieraidemapoche.Est-ceque tumedonnes la

permissiondechoisirladate?–Jetedonnemonfeuvert.Jepeuxtejurerquejen’aiaucunesortieprévuedansmonagenda.Unmomentdesilenceplanaentrenous.Ladoucebrisenocturnesentaitbonlarose,legoûtduvin

parfumaitmalangue,lesfeuillesbruissaientdansleventetplusloin,unebrumeiriséeflottaitau-dessusdesvignes.Jefermailesyeux,savouranttoutescessensations.Jemedemandaisdepuisquandjen’avaispasautantappréciél’instantprésent.

– Tu as l’intention de restaurer la piscine quand on aura notre argent ? demanda Kira, en ladésignantd’unpetitmouvementdetête.

–Sûrementpas.Jepréféreraisladétruire.–Pourquoi?Tun’aimespasnager?–J’aimebiennager.Maisjen’aipasdetrèsbonssouvenirsdecettepiscine.Monpèrepensaitqu’il

m’apprendraitànagerenjetantmonchiotàl’eau.

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Kirapritunegrandeinspiration.–Tonchiot?Pourquoiaurait-ilfaitça?murmura-t-elle.Seigneur. Je n’avais pas pensé à ça depuis si longtemps. Pourquoi est-ce que ça me revenait

maintenant?Parcequelapiscineétaitjusteenfacedemoij’imagine…– J’avais six ans et j’avais peur de l’eau. Mon père pouvait me menacer tant qu’il voulait, je

n’auraisplongépour rienaumonde. Il se tenait là, àcôtéde lapiscine,dans son foutucostumeetmehurlaitdessuspendantquejepleurais.

MonDieu,ils’étaitpassévingt-deuxansetjeressentaisencorel’humiliationcommesic’étaithier.–J’avais trouvéunpetitchienégaré justederrièrenotreportailet j’avaissuppliémesparentsde

m’autoriser à legarder. Ils avaient accepté à conditionqu’il restedehors et que ce soitmoiquim’enoccupe…

Jelaissailessouvenirsremonteràlasurface,essayantdevisualiserlatêtedecechiotquej’avaisappeléSport.C’étaitunbâtardmarronetblancavecdegrandsyeuxconfiants…

–Bref,nousétionsdehorspourqu’ilmedonneuncoursetj’avaisencorerefusédeplonger.Monpèreaattrapélechiotquiétaitassisjusteicisurlaterrasse.

Jedésignaidudoigtl’endroitexact.–Ill’ajetédanslapiscineenmedisantqu’ilfallaitquejesautepourlerécupérer,sansquoiilse

noierait.–OhmonDieu,Grayson,dit-elleenportantsesmainsàsabouche.J’esquissaiunsourire.–C’étaitilyalongtemps.Alorspourquoiest-cequeçamefaisaitencoremalauventred’ypenser?– Je suis resté figé aubordde lapiscine enpleurant et enhurlant, pendantque lebébé chien se

noyait,Kira.Monpèrel’afinalementsortidel’eau,maisc’étaittroptard.J’étaisencorerongéparlaculpabilité,j’avaisétélâche.–J’aimeraisjustequ’ilsoitencorevivantpourrevivrecettescène.Jelesauveraiscettefois.Jeme

noieraiss’illefallait,maisjelesauverais.–Biensûrquetulesauverais.Tuesunhommeaujourd’hui,avectoutlecouragequeçaimplique.

Tuétaisquasimentunbébéàl’époque,dit-elleenserelevantpourvenirs’asseoirsurmachaiselongue.Commentas-tupuapprendreànageraprèscetépisode?

J’enfouismamaindansmescheveux,etensaisisunepoignée.–GrâceàWalter.Monpères’estabsentéquelquessemainesplustardetWalterapasséleweek-

endàmedonnerdescoursdenatation.Ilportaitunedecescombinaisonsnoires,ferméesdesgenouxaucou.

Je me souvenais très bien du nombre de fois oùWalter m’avait fait refaire les exercices là oùj’avaispied,jusqu’àcequejesoissuffisammentenconfiancepouralleràl’endroitleplusprofonddubassin.Ilétaitrestétoutletempsavecmoi,melaissantm’accrocheràsesépaulesjusqu’àcequejeluidisequej’étaisprêtàlelâcher.

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–Plus tard,cetteannée-là, j’aiapprisànageràmonfrèredèsquemonpères’absentait,desorteque,s’ildécidaitdelejeteràl’eau,ilnageraitcommeunpoisson.Monpèreaététrèsfier,luidis-je,enessayantdeprendreuntonironique,maissansquejepuissemasquerlafiertéquej’enavaisressentie.

J’étaisfieretheureuxd’avoir,ensecret,évitéàmonfrèrederevivrelaterreuretlaculpabilitéàlaquellej’avaisfaitface.Jesoupirai,laissanttombermamainlelongdemoncorps.

–Cen’étaitpasdetafaute,dit-elledoucement,commesiellelisaitdansmespensées.Cequetonpèret’afaitétaitméchantetcruelpourunpetitgarçon.Jesuistellementdésoléequetuaiesdûsubirça,Grayson.

Elle posa ses mains sur mes joues avec beaucoup de douceur et de compréhension. Comme jem’étaistrompésurcettepetitesorcière!Enplongeantmesyeuxdanslessiens,remplisdecompassion,quelquechosecédaenmoietcommençadoucementàdisparaître.

Pourquoiavais-jepartagécettehistoireavecelle?Elleavaitcettefacultédemedonnerenviedemelivrer.Était-ceparcequ’aurestaurant,cesoir,au

milieudetouscesregardsinsistants,ellem’avaitfaitsentirqu’elleétaitdemoncôté?Oubienétait-ceparcequ’elleavaitl’intentiond’organiserunefêtedansleseulbutderedorermonblasonauprèsdemesconcitoyens?Parcequ’elleétaitattentionnéeetpensaitpouvoirfairequelquechosepourm’aider?Oubienencore,parcequejesentaissubitementquemonimprévisiblepetitefemmem’offraituneamitiéetunecompréhensioninattendues?Àmoinsquecesoitlabrumedusoirquiaitquelquechosedemagique?

–Madouceetbellesorcière,murmurai-je,enl’attirantàmoipourl’embrasser.Jeglissaimesmainsdanssonépaissecheveluresoyeuseet laissainos lèvress’effleurer.Elle se

raiditmais ne recula pas. Je dessinai tendrement le contour de ses lèvres avecma langue jusqu’à cequ’elles’ouvreàmoi.Jel’attiraiencoreplusprèsetjedécouvrisl’intérieurdesabouche;j’explorailescontoursdélicatsethumidesdeseslèvres.Moncorpsseréchauffalentementjusqu’àfairebouillirmonsang. Quand finalement elle s’abandonna à ce baiser, je retins un gémissement de plaisir,mais je nevoulaissurtoutrienfairequipuisseromprelecharmeetlafairefuir.Jelaissaimesmainsmassersondosdehautenbaset,peuàpeu, jesentissesmusclessedétendre.Notrepremierbaiseravaitétébrutaletexcitant,lesecondavaitétépassionnéettendreàlafois,maiscelui-ciétaitlentetsensuel,commesinosbouchesfaisaientl’amour.J’aiembrasséunnombreincalculabledefemmesdansmavie,maisjamaisunbaisernem’avaitdonnéautantdeplaisir.C’étaitpresqueaussiperturbantqu’excitant. Je la fisglissersousmoirapidement,avantqu’ellenepuisseréagir.Jem’appuyaisurmahanche,toutcontreellesurlachaiselongue.Elleclignadesyeuxcommesiellen’étaitpasrassuréeparcequivenaitdesepasser.Jevoulais la serrer tout contre moi pour qu’elle sente pleinement l’ampleur de mon excitation, mais jedoutaisquecesoitunebonneidée.Jedevaisconduirelentementmapetiteépouseàlapassioncesoir,etj’étaistoutdisposéàprendreletempsqu’ilfaudraitpouryparvenir.Labrèveétincelledecetaprès-midil’avaiteffrayépourjenesaisquelleraisonetjecomptaisbiensavoirpourquoi.Maispascesoir,cesoir,riend’autrequenousdeuxnecomptait.

Sachevelureauréolaitsonvisage,mesbaisersavaientlaisséunetracehumideetbrillantesurseslèvres. Embrumés par la passion mais aussi par une vague inquiétude, ses yeux m’observaient

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intensément. Jemepenchai et l’embrassai à nouveau, le corps tenduparmon effort pourme contenir.J’avais envie de lui arracher ses vêtements, et dem’introduire dans sa petite fente serrée, chaude etmoelleuse.Moncorpshurlaitdedésir.Jecommençaiàbaisserlabretelledesarobequandellepoussaungémissementensignedeprotestation.Jem’arrêtaietmepenchaipourembrassersoncou,promenantmeslèvressursapeaudouceetenivrante,lagoûtantunpeudelalangue.Ellebasculalatêteenarrièreetse cambra contre moi, j’en profitai pour baisser sa robe et libérer sa poitrine. Je baissai les yeux,incapablederetenirungrognementanimalàlavuedesesseinsgénéreux.

–Tuaslesplusbeauxtétonsdumonde,murmurai-je.J’aipenséàeuxsansarrêt.JemerapprochaietenembrassaiuncequiarrachaungémissementàKira.Enl’entendant,monsexe

durcitàmefairemal.–J’aieuenviedeleslécheretdelessucerdepuisquejesuisvenucheztoil’autrejour,avouai-je,

labouchecontre sapeau toutenembrassant sonautre sein.Toutceque jevoulais savoir, c’était s’ilsétaientaussibonsquebeaux.

–Grayson,gémit-elle,enpassantsesdoigtsdansmescheveux.Jeprissontétonérigéentremeslèvresetlecaressaidemalangue,encoreetencore.–Kira,tuesaussisavoureusequetuenasl’air.–Jepensequ’onnedevraitpas…cen’estpas…soupira-t-elle.Trèsvite,sonsouffles’accéléra.Sentantsonexcitationmonter,jepinçaisontétonentremeslèvres

et l’aspirai, tout en apaisant de la langue la petite douleur que j’avais créée. Elle cria en tirantmescheveux.

–OhmonDieu,Gray.Tu…nousdevons…–Chuuut, petite sorcière, la rassurai-je enprenant son autre seindansmabouche et en le suçant

doucementavantdemeretirer.Laisse-toialler.J’écartai ses cuisses en posant un demes genoux entre ses jambes. Elleme fixa, le regard flou,

commedroguéeparl’excitation.Unesensationintenseetprimitivedetriomphedemâlemesubmergea.Jepressaimon érection contre son ventre etme penchai pour l’embrasser encore. Soudain son corps seraiditetelletournalatête.

–Non,dit-elle,d’unevoixdouceettoujoursvoiléeparledésir.–Si,répondis-jeenmepenchant.Ellemerepoussa,lesdeuxmainssurmesépaules.–Non,répéta-t-elleplusfermement.Je grognai en me poussant sur le côté. Elle se releva rapidement, enfila sa robe, les jambes

flageolantes.Moncorpsbrûlaitdedésirinassouvi.J’avaistellementenvied’elle.Sonvisageaffichauneexpressionindifférente.

–Jeferaismieuxd’allermecoucher.Jel’attrapaiparlesmainsavantqu’ellenepuisses’enfuir.– Jepensaisceque je t’aidit,Kira.Nousn’avonsaucune raisondedormir seuls.Onpourrait…

consommercemariage.Tusensaussibienquemoicequisepasseentrenous.

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Jeluifismonsourirelepluscraquant,maiselledétournaleregardetretirasesmainsdesmiennes.Touslesmusclesdesoncorpsétaienttendusetsonregardparaissaittroubléetdouloureux.

–Est-cequetum’asracontécettehistoirepourque…Ellefitunmouvementdeva-et-viententrenousdeux,puisreprit:–…Çaarrive?Troublé,jedusprendreuninstantavantderépondre:–Quellehistoire?–Celleduchiot.–Lechiot?Commentça?Non!Est-cequ’ellepensaitquejeluiavaisparlédeçapourlamanipuler,pourqu’ellem’embrasse?Je

serrailamâchoire.Ellem’observaunmomentpuislaissaéchapperunlongsoupir.–Jetel’aiditGrayson,jenesuispasintéresséeparça…Ellefitànouveaucemouvementdeva-et-viententrenous.–Çaneferaitquecompliquerunerelationquil’estdéjàbienassez.Çanefaisaitpaspartiedenotre

deal.–Lesaccordssontfaitspourêtremodifiés.Jemerelevaipourluifaireface.Jeprisensuiteunemèchedesescheveuxentremesdoigtsetme

misàcaresser leur texturesoyeuse.Lalunefaisait ressortir leurcouleurflamboyanteaussibienquelesoleil.Mais,danscettesemi-obscurité,sacheveluredefeuétaitsombre.Quandjeluiferaisl’amour,ilfaudraitquecesoittoujoursàlalumièrepourquejepuissevoirlesflammesdanssescheveuxetlerefletémeraudedans sesyeux. Jevoulais voir son corpsbouger,montrant glorieusement qu’elle était la vieincarnée.Mon sexe se réveilla à nouveau, toujours aussi dur à la simple pensée de lui faire l’amour.Pendantdesheuresetdesheures.Ou,parpitié,mêmeuneseulefois…

–Çapeutêtreaussiéphémèrequenotremariage,Kira.Elle clignadesyeuxet porta sesmains à ses joues, visiblement fiévreuses. Jenepouvaispas le

savoir,aveccettefaiblelumière.–Çanefonctionnerapas.Crois-moi.Ellefitdemi-tourendirectiondesescaliersenpierrequimenaientàlamaison.Jel’appelaimais

elleneseretournapas.Ellepartitsansm’adresserneserait-cequ’unregard.Jem’allongeaisurlachaiselongueenlaissantéchapperunlongsoupirfrustré.J’essayaidecomprendrecequivenaitdesepasser.Jenesavaispasdu toutcommentgérerma femme.Mesconquêtes s’étaient toujoursoffertes facilementàmoi. Par contre, pour les garder… disons simplement que Vanessa avait prouvé que c’était pluscompliqué.Mais,Kiraetmoiavionsdéjàconvenuquenotrerelationseraitprovisoiredonc,avecelle,leproblèmeneseposaitpas.Aucunefemmen’avaitjamaisditnonquandonfaisaitl’amour,surtoutquandj’ymettaisdumien.Sansprétentionaucune,c’étaitlastrictevérité.Maisest-cequejesavaisréellementséduireunefemme?Unefemmeréticente?Quelleironiequecesoitavecmonépousequecelamedonnetellementdemal!

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***

–Àlundi,Charlotte,dis-je,enmepenchantpourl’embrassersurlajoue.Nousétionsvendredimatinet,Walteretelleallaientpasserleweek-endàSanFrancisco,chezdes

amis.–J’aimisaucongélateurplusieursplats,avec les instructionsnotéessur lescouvercles,dit-elle.

Ah, j’aiaussifaitunefournéedecookiesaucitron,ceuxquevousadorez.Ilssontenveloppésdansdupapieraluminiumdans…

–Charlotte,jesuisungrandgarçon.Jepeuxmedébrouillerseulpourleweek-end.Ellesourit,ensecouantlatêteetenmepinçantlesjouesaffectueusement.–J’aimeprendredesoindevous.Laissez-moivouschouchouter.Ah,oui!S’ilvousplaît,ditesà

Kiraquejeluiaipréparélesbiscuitsauxfloconsd’avoineetausucrebrunqu’elleaimetant.Oùest-elled’ailleurs?Jepensaisqu’elleviendraitnousdireaurevoir.

–Noussommesrentréstardhier.Elledoitsûrementsereposer,dis-jeenl’imaginantdanssapetitemaison,souslesdrapsavecsasplendidecheveluretoute…

Charlottemefixacommesisesyeuxpouvaientliremespensées.–Commentçasepasseentrevousmaintenantquevousêtesmariés?Elleavaitvouluassisterà lacérémoniemais je luiavaisformellement interdit.Àl’époque, jene

voulaisqueriennepuisserendrecemariageplusbizarrequ’ilnel’étaitdéjà.LaprésencedeCharlotten’auraitfaitqu’ajouteraumalaiseambiant,etm’auraitfaitculpabiliser.

Jesoupirai.– Je ne sais pas, c’est dur à dire avec elle. J’ai dumal à savoir ce qu’elle va faire la seconde

d’après,etjedevineencoremoinscequ’ellepense.Excepté le faitqu’ellemerésiste, cequiestprobablement la raisonpour laquelle je ladésire

tant.–Hum,dit-ellepensive.Eneffet,ilyacertainementpeudegensquipeuventégalersoncaractère.

Saufvouspeut-être.Ellemefitunclind’œil.–Jesuiscontentequevousayezdînéensemblehiersoir.C’estunbondébut.Ellesourit,etavantquejenepuisseluirépondre,ousimplementluidirenepassefaired’idées,

ellereprit:–Souhaitez-luidemapartunbonweek-end.Etdites-luiquej’aibieneusalistepourlafête.Quelle

merveilleuseidée!Jenesaispass’ilyaurgence,nipourquoiellem’aenvoyécete-mailàdeuxheuresdumatin,maisWalteretmoinousarrêteronsenvillepourcommanderlescartonsd’invitation.Jeconnaisun endroit où on pourra les faire imprimer immédiatement. J’ai toujours le carnet de Jessica avecl’adressedetouteslespersonnalitésimportantesdeNapa,jepourrailesenvoyeràl’imprimeurdèsquejetrouveraiuneminute.

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Kiranedormaitpasaumilieudelanuit?Pourquoi?Est-cequ’elleaussiavaitétéincapabledetrouver le sommeil après ce qui s’était passé sur la terrasse ? Est-ce qu’elle s’était tournée etretournéedanssonlit,enrepensantauxsensationsde…

– Dites à Kira qu’elles seront postées lundi sans faute, continua Charlotte, me sortant de mespensées.Tenez,buvezvotreorangepressée,ajouta-t-elleenmetendantmonverreàmoitiéplein.Ilyaunterriblevirusquicircule.

Jem’exécutai,terminantleverrepourqu’ellearrêteaumoinsdemesurveilleretdemeparlerdecettesoirée.Ellem’observaboireavecattention,presqueavecinquiétude.Est-cequ’elleavaitpeurquej’attrapecevirus?

Quandj’eusfini,ellepritmonverreetlerinçadansl’évieravantquejenelachassedelacuisine.JesaluaiWalterquiattendaitdansl’entrée,leurpetitevaliseposéeàsespieds.

–Au revoir,Monsieur,dit-il enadressantunpetit sourireaffectueuxà sonépousequi s’avançaitverslui.

Elle s’inquiétait de tout ce qui restait à faire dans lamaison et qu’elle n’aurait pas le temps derégler,commesinousrisquionslepiresielles’absentaittoutleweek-end.

Je travaillai jusque tard dans la journée, puis jeme rendis en ville pour acheter dumatériel. Jerentraivers17heures.Aprèsavoirprisunedoucherapide,jedescendisàlacuisineetmisaufourundesplatssurgelésdeCharlotte.J’envoyaiunmessageàKirapourluifairesavoirqueledînerseraitprêtà18heures.Uneheureplustard,ellenem’avaittoujourspasréponduetjecommençaiàm’impatienter.Est-cequ’ellem’ignorait ? Jene l’avaispasvuede la journée.Est-cequ’elle se terraitdans sonpetit taudispourm’éviter?D’ailleurs,n’aurait-ellepasdûcommenceràtravaillerdansmonbureau?Jefisuntourdanslamaisonpourvoirs’ilyavaitdestracesdesonpassage.Envain.Jepassaiencoreunpeudetempsdans mon bureau, mais quand mon niveau de frustration eut atteint son paroxysme et qu’il me futimpossibledemeconcentrer,j’allaicherchermontéléphone.

J’envoyai à nouveau unmessage à Kira, puis j’attendis cinqminutes, en tapotant sur le plan detravaildelacuisine.Rien.

J’étaisdéjàauniveaudelafontaineavantd’avoircomprisquej’avaisquittélamaison.Etsielles’étaitenvoléevers leBrésilcommenous l’avionsévoquédanssachambred’hôtelau toutdébut?Lapetitesorcière!Est-cequ’ellem’avaitquitté?Est-cequecequis’étaitpasséhiersoirl’avaitterroriséeàcepoint?Oubienest-cequesaprétenduedélicatesseetsacompassionn’étaientenfaitqu’unrôledecomposition?Monsangcouraitdansmesveines.Avecdelapaniqueoudelacolère,jenesavaispas,peut-êtreunmélangedesdeux.

Est-cequesavaliseauraitdisparu?Est-cequ’elles’étaittotalementfoutuedemoi?M’avait-elleabandonnéavec,commeseulcadeau,unorgueilpiétinéetlacordesanslamariée?Jeneprismêmepaslapeinedefrapper,traversailapremièrepièceencombréeetdéboulaidanslachambre,lecœurbattantlachamadeàl’idéedecequej’allaisytrouver.

Jepoussaiungrandsoupirdesoulagementenvoyantsavaliseouverte,sesvêtementséparpilléssurlesolde lamêmemanièrequ’hier.Monregardbalaya lapièceavantdeseposersur labossequ’ily

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avaitsouslesdraps.Elledormait?À18heures?–Kira?Pasde réponse. Jem’approchaidu lit et tirai lacouverture.Kirapoussaun soupirdouloureuxet

repliasesjambescontresapoitrine,enpositionfœtale.–Kira?Jel’appelai,carrémentinquiet.Sonvisageétaitcachéparsescheveuxmagnifiques,jelesdégageaietposaimamainsursonfront.

Ilétaitbrûlant,ellesuaitàgrossesgouttesetgrelottait.–OhmonDieu,Kira,tuesbrûlantemaprincesse.Ellepoussa justeunpetit râleet tournasonvisagedansmadirectionengardant lesyeux fermés.

Ellemarmonnaquelquechosed’inaudiblepuissemitàtremblerviolemment.Quelcon.C’étaitmafaute.Je l’avais laisséehabiterdanscetendroitpoussiéreuxetpleindecourantsd’air, l’obligeantàprendredesdouchesglacéespendantdes joursetdes jours.Qu’est-cequine tournaitpas rondchezmoi?Lestripesnouéesparlaculpabilité,jelaprisdansmesbras,lasoulevantdoucementavecl’édredon.

– Tu viens dans la maison et c’est non négociable. C’est un ordre. Je sais que tu aimes mecontredire,mais je n’accepterai aucun refus de ta part. Je ne te laisse pas le choix, tu doism’obéir.Qu’est-cequetudisdeça,femme?

J’essayaidelafaireréagirenlaquestionnant.Aulieudeça,ellesecollaunpeupluscontremoiettremblaànouveau.Jetraversaiprécautionneusementl’entréeencombrée,Kiradansmesbras.Jeclaquailaportederrièrenous,puisjetraversaiaupasdecourselecheminquiséparaitnosdeuxmaisons.L’airdecedébutdesoiréeétaitanormalementfroidetbrumeuxpourlasaison.Pendantquej’escaladais lesmarches,matêtesemitsoudainàtourneretjem’arrêtai,m’appuyantàlarambarde.C’étaitbizarre.MonDieu,j’espèrequejen’étaispas,moiaussi,entraindetombermalade.Ceneseraitpaslemoment.Lasensationdisparutaprèsquelquesminutes,melaissantjusteunpeuétourdi.JeportaiKirajusquedanslachambrequiavaitappartenuàmabelle-mèreetl’allongeaidélicatementsurlelit.Jepoussailacouettesurlecôté,etl’installaisouslesdraps.Aprèsavoirrepoussésescheveuxetluiavoirposéuneserviettehumidesurlefront,j’allaichercherduparacétamol.JesecouaigentimentKirapourlaréveiller.

–Kira,ilfautquetumedisessituasdéjàprisquelquechose.Kira?Elles’agitaetclignadesyeuxenmeregardant.Levertétaitencoreplusbrillantàcausedelafièvre.–Rienprisdutout,balbutia-t-elle.–OK,trèsbien,alorsilfautquetuavalesça,dis-jeentenantlescachetsprèsdesabouche.Ellelespritavecplusieursgrandesgorgéesd’eauquejevenaisdeluiapporter,puiselles’effondra

surlecoussinenfermantlesyeuxànouveau.J’observaisonvisagependantquelquesinstants.Lafièvrefaisait flamboyer ses pommettes caressées par ses longs cils. Ses lèvres étaient sèches et légèremententrouvertes.

–Masublimepetiterebelle,chuchotai-jeenrepoussantsescheveuxenarrière.Je fronçaialors les sourcilsenprenantconsciencedu frémissementétrangequi secouait toutmon

corps,unefoisencore.Cefrissonsefaufilajusqu’àmonaineet jegrimaçai légèrementensentantmon

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sexe se tendre.Cen’était vraimentpas lemomentd’être excité, pourtantmoncorps semblait en avoirdécidéautrement.J’avaisunpeuhonte.Lajeunefemmeallongéesurlelitétaitmalade,bonsang!

Aucoursdes trente-sixheuresquisuivirent, jeprissoindeKirapendantquesoncorpssebattaitcontrelafièvre,etlemiencontresondésir.Lapassionetl’enviequicirculaientdansmesveinesétaientunesortedetourbillonincontrôlable.Àplusieursreprises, jedusm’arrêterpourmaîtriseruneérectionimprévueet intensequiduraitdepuisdesheures.Cen’étaitpasnormal.Quelquechosene tournaitpasrond.

Pourlapremièrefoisdepuismonretour,j’appelaiJosépourluidirequej’étaistropmaladepourtravailler.Jen’auraisdetoutemanièrepaspuyalleretlaisserKiraseule.Maisenréalité,jen’étaispasenétatdequitterlamaison.J’étaiscommeunanimalenragé.J’avaisbesoindebaisercommeunViking,enpillantetenarrachantdesvêtements.Ilfallaitquej’assouvissemondésirencoreetencoreetencore,jusqu’à ce que cette insupportable douleur cesse et que je sois totalement vidé. Cette comparaisonsemblaitdramatiquementridiculemais jenevoyaispasd’autremanièrede l’exprimer.Jechangeai lesserviettes humides sur le cou et le haut de la poitrine deKira sans la regarder pour éviter de ne paspouvoirrésisteràlatentationdelaprendre,maladeoupas.Pourêtrecapabledem’occuperdelapetitesorcière,j’avaisdûmesoulageràquatrereprisesdanslasalledebains.Non,cen’étaitpasnormal.Est-cequ’ellem’avaitjetéunsortdiabolique?Jemesentaiscommepossédéparundémonsexuelagressif,toutdroitsortidestréfondsdel’enfer.

J’étaissurlepointd’appelerunmédecin,oupeut-êtreplutôtunprêtrepourqu’ilm’exorcise,quanddimanche,en finde journée, lessymptômes finirentpars’atténuer.Épuisémoralementetphysiquementvidé,ausenspropreduterme,jem’allongeaisurlelitprèsdeKirajusteunmoment.Elleétaitnettementplus fraîche, sa respiration était calme et régulière.La lumière du crépuscule qui filtrait à travers leslourds rideaux de la chambre et les mouvements lents du ventilateur au plafond m’endormirent enquelquesminutes.

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CHAPITRE12

KIRAJereprislentementconscience,aveclasensationdesortird’unpuitssansfond,loin,trèsloindela

lumièredu jour. Jeclignaidesyeuxenessayantdecomprendreoù j’étais. Ilyavaitquelquechosedechaud et lourd dans mon dos. Je me retournai, groggy, et me retrouvai face au visage renversant etsublimed’undragonendormi.J’essayaid’assemblerlesmorceauxdupuzzlepourcomprendrecommentj’avaisatterriici.Toutcedontjemesouvenaisc’étaitd’avoirgrimpédansmonlit,incapablederesterdebout, le corpspesantune tonne, etd’avoir euensuite l’impressionqu’onme faisaitbouillirvivante.J’étaisencorevaseuseetmesmembresétaientlourds.J’avaisdûêtremalade.DesbribesdesouvenirsdeGrayson me donnant du bouillon, me passant un linge frais sur le front et me caressant les cheveuxrevenaientpeuàpeu.Ilavaitprissoindemoi.Latendressem’envahissaitalorsquej’observaissabeautévirile.Jen’étaispasencoretotalementconsciente,etinstinctivement,libéréedetoutecrainteetdetoutepenséerationnelle,jeposaimamainsursonvisageetpassaimonpoucesursasolidemâchoireombréedebarbenoire.Voilàcequeceseraitdeseréveilleràsescôtés.Ceseraitcommeças’ilétaitvraimentàmoi.Ilnes’étaitpasrasédepuisdeuxjours.Est-cequ’ilétaitrestélà,danscettechambre,pendanttoutcetemps?

Graysonentrouvritlesyeuxetmefixapendantunlongmoment,lacompréhensionremplaçantpeuàpeulesommeil.

–Bonjour,murmura-t-ilenposantsamainsurmonfront.Ilsoupiraenlaretirant.–Tun’asplusdefièvre,dit-ilcalmement.–Oui.Tuasprissoindemoi,chuchotai-je.Merci.Ilestgentil.Cettepenséemevintsubitementetcommeuneévidence.Noussommesrestésainsiunmoment,entrelesommeiletl’éveil,tousdeuxencoreemmêlésdansla

toiledenosrêves.Ilavaitdesibeauxyeux,aussifoncésquelecielnocturneetdanslesquelsilétaittoutaussi facile de se perdre. Il posa sesmains surmes joues et passa ses doigts surmes pommettes. Jepoussaiunsoupirenmelaissantemporterparsescaresses.Soudain ilclignadesyeux,puis lesouvritcomplètementcommes’ilvenaitdesesouvenirdequelquechose.Lecharmeétaitrompu.Ilbasculasur

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ledos,l’airpresquecoupable.Ilsepassalesmainsdanslescheveux,tirantsurlesmèchessurlehautdesoncrâne.

–C’était…Lasonnetteinterrompitsespensées.Ilseredressainstantanément.–WalteretCharlottenesonttoujourspasrentrés.Jem’enoccupe.Ilseleva;sonjean,sontee-shirtfroissé,sescheveuxenbatailleetl’ombrefoncéedesabarbele

rendaient encore plus beau. Il était la virilité incarnée. Ilme coupait le souffle. Ses yeux sombres sepromenèrent le long demon corps et à nouveau il détourna le regard, l’air presque coupable. Jemeredressaienm’appuyantsurunbras.

–Dis-moiDragon,tun’aspasprofitédemonétat?dis-je,unsourcilarqué.Ilserralamâchoire,sonregarddevenantplussombrequejamais,etditsuruntonlaconique:–Non.Puisilfitdemi-touretsedirigeaverslaporte.–Prendsunedouchechaude.J’aiapportétavalise.Je regardai dans la direction qu’il avait pointée d’un mouvement de tête avant de sortir de la

chambreeteffectivement,mavaliseetmatroussedetoiletteétaientposéeslà,souslafenêtre.Comme Grayson l’avait suggéré, je m’offris le luxe d’une douche très longue et très chaude,

appréciant la sensation des gouttes brûlantes qui coulaient surmesmuscles endoloris. Jeme savonnailonguement.J’étaisauparadis.Quandjemedécidaifinalementàsortir,propre,lapeaugommée,j’étaisparfaitement réveillée et j’avais retrouvé forme humaine. Après avoir séché mes cheveux et m’êtrehabillée,jesuisdescenduerejoindreGraysonetmangerquelquechose.J’étaisaffamée.

Jemedirigeaivers lesalonoù j’avaiscruentendredesvoix,etm’arrêtaibrusquementenvoyantKimberlysurlecanapéfaceàGrayson.Ilsriaientensembleàproposdejenesaisquoijusqu’àcequ’ilsmevoiententrerdans lapièce.Kimberleypoussaunpetitcri,et se relevapourcourirversmoietmeprendredanssesbras.

–Qu’est-cequetufaislà?m’exclamai-je,folledejoie.Elleportaitunshortenjeanetundébardeuràfleurs.Sapeaudouce,encebelété,étaitencoreplus

matequed’habitudeetsoncorpsvoluptueuxplusparfaitquejamais.Sescheveuxnoirsetbouclésétaientattachésenqueue-de-cheval.

–Tun’aspasréponduàmesappelspendantdeuxjours!Jem’inquiétais.Jesuisvenuem’assurerquetun’étaispasligotéeettorturéedansunecaveàvin.

Ellemefitunclind’œiletsouritàGraysoncommesic’étaituneblaguequ’ilsavaientpartagée.Ilsavaientdéjà l’aird’être trèsproches.Jenesavaispasvraimentquoienpenser,d’ailleurs.Graysonseleva.

–Jevouslaissediscutertouteslesdeux,dit-ilenmefixant.Jenepouvaispasm’empêcherderemarquerquemême,s’ilvenaitdeseréveiller,ilavaittoujours

l’airfatigué,commes’iln’avaitpasbeaucoupdormi.–Jevaisprendreunedouche.Ravidet’avoirrencontrée,Kimberly.

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JedétournaileregardetmemordisleslèvresenimaginantGraysonHawthornnusousunjetd’eauchaude.Lesavonglissant…

–Kira?Tuveuxt’asseoir?medemandaKimberly.C’étaitvisiblementlasecondefoisqu’ellemeposaitcettequestion.–Oh,ouibiensûr!Àplus!dis-jeàGraysonquis’éloignaitdéjà.Etmerciencore.Ildétournaunpeulatête,maisneditpasunmot.–Viensici,ditKimberley,enmeprenantlamain.–Qu’est-cequisepasse?Depuisquevousvousêtesmariéstunem’aspasappeléuneseulefois,et

ceweek-end,tun’asréponduàaucundemesappelsoudemesSMS…–Jesuistombéemalade.Maisgenrevraimentmalade.Nousnousinstallâmessurlecanapéetj’attrapaiuncoussinquejeserraicontremoi.–Graysons’estoccupédemoi.Çameperturbaitencoreetjen’avaispaspuenparleraveclui.Pourquoiavait-ilfaitça?Comment

est-cequ’ils’étaitrenducomptequej’étaismalade?Etest-cequ’ilnes’étaitvraimentpasséquedeuxjoursdepuisqu’ilm’avaitembrasséeetcaresséeavectellementdetendrepassionquej’enavaisperdulesommeiletétaisrestéeincroyablementfrustrée?J’avaisfiniparmeleveretj’avaispréparéunelistedetoutcequ’ilfallaitpourlasoirée.Jel’avaisensuiteenvoyéeàCharlotte.Enmeconcentrantsurquelquechosed’autrequelui,jepensaispouvoirmecalmeretpeut-être,trouverlesommeilunefoisrecouchée.

Kimberlyhaussaunsourcil.–Jesuiscontentequetuaillesmieux,onparleradeçadansuneminute.Maisavantça,ilfautqu’on

s’explique.Tuasvolontairementoubliédemedirequec’estundieugrec?Jem’esclaffai.–Undieugrec?Jenevoisvraimentpasdequoituparles.C’estsansdoutelemecleplusmoche

quej’aivudemavie.Jepeuxàpeineleregarder.Kimberlymefitungrandsourire.–Menteuse.Ellepritunairsongeur.–Çam’inquièteunpeu.Tuvastomberamoureuseencoreplusfacilements’ilestàtongoût!Faisen

sortequeçan’arrivepas,jeterappellequeleplanc’estdelequitteraprèsquelquesmois.Jedisça,jenedisrien.Etsurtoutnelelaissepast’embrasser.

Jepoussaiungrandsoupirenmelaissantallercontreledossierducanapé.–Ehbien,enfait…Je racontai à Kimberly tout ce qui s’était passé depuis le mariage. Elle m’écouta attentivement

passantpartouteunegammedesentiments:lacolère,l’effroi,lasurprise.Àlafin,ellerestasongeuseunmoment.

–Tul’aslaissét’embrasser.J’arrivetroptard,maisjenesuispasétonnée.J’aibienvucommentilteregardaitquandtuesentréedanslapièce…Bon,OK,qu’est-cequetucomptesfairemaintenant?

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Comment ilmeregardait?Non ildevait sûrementvérifierque jene risquaispasde tomber,vucommej’avaisétémalade.

Jesecouailatête.–Rien.Ilveutjusteprofiterdemoicommed’uneépousequ’onasouslamainetmelaisserpartir.

Ça,jamais.Enfin…TumeconnaisKimberly.Jenefonctionnepascommeça.Ceseraitdésastreux,pourmoi.

KimberlyétaitsurlepointderépondrequanduncrideGrayson,enprovenancedelacuisine,mefitme leverd’unbond.Kimberlym’emboîta lepas.Graysonsortait tout justede lapièce.Charlotteétaitcertainementrentréependantquejeprenaismadouche,etlesuivaitdeprès.

–C’étaitfaitpourvousaider,luidisait-elle.Ilvitvolte-face,tenduetfusillaCharlotteduregard.–J’aifaillilavioler!Alorsqu’elleavaitdelafièvreetqu’elleétaitinconsciente,luibalança-t-il.–OhmonDieu,ditCharlotte.Ellelevalesyeuxauciel,pensiveetposaundoigtsursonmenton.–Est-cequ’ilfallaitdiminuerladosedemoitié,plutôtquedeladoubler?Elleretirasondoigt.–Oui,c’estsûrementcelaquiaposéproblème.–Quesepasse-t-il?demandai-je.Kimberlydévisageait tourà tourGraysonetCharlotte.Walterdébarquaalors,etpritplacesur le

côté.–Ellem’aempoisonné,ditGraysonenpointantCharlottedudoigt.Celle-ciéclataderire.– Je ne l’ai pas empoisonné. Je lui ai juste fait boire une décoction qui stimule les ardeurs

masculines.Çamevientdemamère.Ellem’adressaunclind’œil.Jesentisimmédiatementmesjouesvireraucramoisi.Charlotteavait

donnéàGraysonunmélangedeplantespouraugmentersesardeursavantqu’ilsnepartentenweek-end?Pourquoi?Et…oh,monDieu.Est-cequej’avaisbienentendu?Ilavaitfaillimevioleralorsquej’étaisinconsciente?Jedéglutispéniblement.

Walters’avançaalors.–Cen’estpasmaplace,Monsieur,mais…Graysonleregarda,leslèvrespincées.–Ceseraitbienlapremièrefoisqueçat’arrêterait,Walter!– En effet, confirmaWalter sans aucun remord, avant de continuer : jeme suis personnellement

renducomptequeboirebeaucoupd’eaudanslajournéeaideà,disons…fairedisparaîtreleseffetsplusrapidement.Cependant,jerecommanded’utiliserlebondosage.Çaaidegrandement.

Graysonlaissaéchapperungrognementdefrustrationetlevalesyeuxauplafond.–Jesuisenenfer.Charlottes’approchadelui.

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–Est-cequevousvoulezquejevousprépare…–Non!Jenetelaisseraiplusjamaismepréparerquoiquecesoit.Tuesvirée!Jesuisentouréde

cinglés.Puis il se dirigea vers la porte à grandes enjambées, et la claqua si fort qu’un vase posé sur

l’étagèrevacilla.JepoussaiunpetitcrietfixaiCharlotte.Ellemeregardaitcommesiderienn’était.–Ilt’arenvoyée?luisoufflai-je.Charlotteagitalesmains,paspréoccupéelemoinsdumonde.–Oh,ilmerenvoieàpeuprèsdeuxfoisparmoisdepuisqu’ilaseizeans.Ellenousinvitaalorsàlasuivreàlacuisine.–Venezprendreunetassedecafé,lesfilles.Kimberleyluiemboîtalepas,unlargesourireauxlèvres.Charlottepritplacedevantleplandetravail,unegrandeplancheàdécouperfaceàelle.Ellesemit

à pétrir de la pâte destinée à une pâtisserie quelconque. J’en profitai pour lui présenterKimberly et,aprèsquenousfûmesassises,elleservittroistassesdecafé.

–Maisqu’est-cequit’aprisCharlotte?luidemandai-je.J’essayaide la foudroyerduregard.Àcaused’elle, j’auraipuêtreagresséesexuellement toutde

même ! Mais y croyais-je vraiment ? Grayson était-il capable d’une chose pareille, même sousl’influencedelapotiondeCharlotte?Jeplissailefront.Jenel’auraisjamaiscru,maisjem’étaistrompésur les hommes. D’après mon expérience, ils étaient loin d’être dignes de confiance. Dieu sait parexemple,quelaparoledemonpèrenevalaitpasgrand-chose,etcelledemonfiancéencoremoins.

QuantàCharlotte, ses intentionsétaientbonnes,mêmesi ellesétaient trèsmaladroites. J’enétaissûre.

LesyeuxdeCharlottepétillaient.–J’avaislesentimentquevousvousévitieztouslesdeux.Etpuisvousêtesallésdîner.J’aipensé

que Grayson aurait peut-être besoin d’un coup de pouce pour faire ce qu’il fallait. Vous étiez seulspendanttoutleweek-end…

Ellefronçalessourcils.– Enfin, jeme suis peut-être trompée dans le dosage et bien sûr, j’aurais dû tenir compte de sa

virilité…Jegrognai et enfouisma tête dansmesmains.Quand je relevai les yeux, je la découvris quime

regardait,unlargesourireauxlèvres.Jenevoulaispaspenseràlavirilitédemonmari!–Jenecroispasqu’ilaitréellementbesoinqu’onl’aidedanscedomaine.Charlotteposalerouleauàpâtisserieàcôtéd’elle.–Ettoi?demanda-t-elle,espérantdetouteévidencequejeluirépondequej’enavaismoiaussitrès

envie.–Je…Ilmeplaît.Je…Jememisalorsàcaresserlereborddematasse.

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–Enfait,ilyamêmedesmomentsoùjel’aimebien,dis-jeensecouantaussitôtlatête.Maisjenepeuxpasluidonnercequ’ildésire,pourplusieursraisons.

JeregardaialorsKimberlyenmemordillantlalèvre.Ellemeréponditparunregardcompatissant.–Laraisonprincipaleestqu’iln’auraitcertainementaucunproblèmeàcoucheravecmoietàfaire

ensuitecommes’ilnes’étaitrienpassé.Etjesaisquemoijen’enseraipascapable.Jebaissailesyeux.Ças’étaittoujourspassécommeça,làoùmoncorpsdécidaitd’aller,moncœur

suivait.UnfrissoncourutlelongdemacolonneenpensantqueGraysonpourraitfacilementmedétruiresijeluiendonnaislapossibilité.J’enavaisdéjàfait lesfrais,et jenecomptaispasrecommencer.Cettefois-ci,jenemelaisseraipasavoirparmescapricesstupides.

Surtoutpasavecundragon,trèsvirildesurcroît.Charlotte caressamamain posée sur le comptoir, laissant au passage un peu de farine surmon

poignet.–Nous les femmes,nous sommes faitescommeça,machérie.Nousoffronsnotrecœurenmême

tempsquenotrecorps.Enrevanche,quandleshommesdonnentleurcorps…Elleregardaleplafondcommesiellecherchaitlesmotsjustes.–Ilsdonnentleurcorps…Kimberlyetmoiavionsterminésaphraseàl’unisson,cequinousfitéclaterderiretouteslestrois.

Mon cœur se gonfla d’amour pour ces deux amies. Çam’avait manqué de ne pas avoir de présenceféminineautourmoi.

–Oui,doncc’estdéfinitivementexclu,dis-jeàCharlotteensouriant.–Jenesaispas,onverra,dit-elleenmefaisantunclind’œil.–Plusdecomplotmaléfique,entoutcas.CelamefaisaitpourtanttrèsplaisirqueCharlotteveuillequ’ilyaitunevraiehistoireentreGrayson

etmoi.Peut-êtrequec’étaitsurtoutparcequ’ellerefusaitd’admettrequecemariageétaitunemascarade,etquelerendreréelluipermettraitdeseréjouirpourGraysonplutôtquedeleplaindre.

–Ohnon,ditCharlottesuruntonpeuconvaincant.Oudumoins,jenemeferaipasprendre.Jelaissaiéchapperunpetitrireetprisunegorgéedecafé.J’étaistentéedeposerdesquestionsà

Charlotte sur ce que j’avais appris sur Grayson, et plus précisément au sujet de Vanessa. Maispremièrement,jetrouvaisquecen’étaitpasbiendeparlerdeçaderrièresondos,ensuite,Kimberlyétaitprésente.

–Est-cequ’iltepardonnera?–Oui,un jourou l’autre.Tuvoisça?dit-elleenmemontrant lapâte. Je luiprépare ses scones

préférés,àlamyrtille.Illesaimeavecdelaconfitureetdelacrème.Ilvabouderpendantquelquesjoursparfierté,maisçapasseratrèsvite.

Ellesouritjoyeusementavantderedevenirsérieuse.–Tiens,Kira,çamefaitpenserqu’ilfautquej’ailleausuddudomainepourramassercesabricots.

Ilssonttellementmûrs,qu’ilsfinissentpartombertoutseuls.Tupourraism’aideràenfairequelquespotsdeconfiture?

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–Oui, bien sûr. J’ai fait de la confiture à la fraise avecma grand-mère, une fois ! dis-je enmeremémorantcettebellejournée.

–J’aimecetendroit,déclarasoudainKimberlyentredeuxgorgéesdecafé.Jepensequetuescheztoiici,Kira.

Lajoiem’envahitàcesmots,rapidementremplacésparunegrandeboufféed’angoisse.Nousétionsassisesdanslacuisineconfortableetparfuméepardeseffluvesdemyrtilleetdecafé.

Nousdévorionsdesmuffinsàl’avoineetaumiel,etCharlottenousracontaitsonescapadeduweek-end.Jepensaisoudainàquelquechose:Graysonavaitlaisséentendrequ’enquelquesorteilavaitgrandisansparents.Jenecomprenaistoujourspaslesdétailsexactsdesasituation.Maisilavaittortsurunpoint.Ilavait eu des parents durant tout ce temps. Ils s’appelaient Walter et Charlotte Popplewell, et ilsl’aimaientcommesic’étaitleurfils.JemedemandaisiGraysonenavaitconscience.

Nous bavardâmes encore un peu, puisKimberly annonça qu’elle devait reprendre la route. Je laraccompagnaidehors,etunefoisprèsdesavoiture,ellemeditensouriant:

–C’étaittrèsagréable.Jepensecequej’aidit,poursuivit-elleenobservantlapropriété,tuesfaitepourcetendroit.

Elleobservamonvisageuneseconde.–Maisprendssoindetoi.Jenepourraipassupporterdetevoirsouffrirànouveau,KiraKat.–Jevaisfaireattention,jetelepromets.Ellehochalatête.–Jedétesteavoiràteparlerdeça,aprèsavoirvucommetutedébrouillesbien…Moncœurseserra.–Monpèret’aappeléen’est-cepas?J’avaistoutdesuitedeviné.Elleavaitsystématiquementcetairpincéquandellepensaitàmonpère.

Elleacquiesça.–Ilaappeléplusieursfois,allantmêmejusqu’àinsinuerquesijenetedisaispasdelejoindre,il

se débrouillerait pour s’immiscer dans le travail d’Andy, et je ne pense pas qu’il parlait d’unepromotion…

–Quelenfoirédemanipulateur!Andy était flic, et il n’était évidemment pas impossible que mon père ait des contacts au

DépartementdePolicedeSanFrancisco.Maisdelààproférercegenredemenace?Ilseraitdoncprêtàtoutpourmecontrôler,quitteàtombersibas?

Kimberlyposasesmainssurmesépaules.–Maintenant,écoute-moi.Jeneteledispaspourquetutesentesobligéedelecontacter.Andyest

unpeuinquietmais,sincèrement,onpréfèrepointerauchômageplutôtquedelaissertonpèredéciderdetavie.Jemesuisjusteditqu’ilvalaitmieuxquetulesaches.Quisaitdequoid’autreilseracapable?Ceseraitpeut-êtremieuxquetuailleslevoirmaintenant,histoirequ’ilnesachepasoùtutetrouvesavantquetut’ysoispréparée,oupire,qu’ilnedébarquesansprévenir.

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Jememisàtrembler.Jenouaimesbrasautourdemoipourmeréconforter.Elleavaitraison.Jenelaisseraipascettehistoirecauserdesproblèmesàmesamis.

–Jevaislefaire.MerciKimberly.S’ilvousplaît,faitesquececertificatdemariagearrivevite.Jedoisjusteencaissercechèque

avant…Jelaserraifortdansmesbrasenluipromettantdevenirlavoirauplusviteetdelateniraucourant,

puisjeregardaisavoitures’éloigner.Jerestailàunmoment,lesbrascroisésàfixerlafontaineenpannesanslavoir.Jemedemandaià

quoielleressembleraitunefoisqu’elleseraitréparéeetoùcetteréparationseplaçaitsurl’échelledesprioritésdeGrayson.Grayson…Ilavaitpasséleweek-enddansunétatdesuppliceabsoluàcausedeCharlotte,et,malgrécela,ils’étaitaffectueusementoccupédemoi,surveillantmatempératureetfaisantensortequejenesoisjamaisseule.Jem’étaismanifestementtrompéesurleDragon,dumoinsàcertainségards.Iln’étaitpascettebêteinsensiblequej’avaisimaginéeaudépart.

Jeréfléchisunmomentàlamanièredontilavaitétéabandonnéparsonfrère,sonpèreetsabelle-mère.C’étaitjusteunhommeaprèstout;unhommequiportaituneblessureprofondeetquifaisaitdesonmieuxpoursesortird’unesituationqui,avantmonarrivée,luilaissaittrèspeud’espoir.

Jerepensaiàlamanièredontilavaitétélésé,passeulementparsonpère,maisaussiparlemien.Est-ceque,s’illesavait,ilcomprendraitquejeneluienparlepas?jesongeaiàluidiremaintenant…Seulement,notreplann’avaitpaschangé.Nousallionsnousséparer,etce,trèsrapidement.Alors,quelintérêt?

Préoccupée, je rentrai etme dirigeai vers le bureau où j’avais officiellement rencontréGraysonHawthornlapremièrefois.Jem’assisderrièrelagrandetabledetravail,etjecommençaiàfouillerdanslapiledecourrierqueCharlotteavaitdûprendredanslaboîteauxlettresenarrivantlematin.Ilyavaitaussi unemontagnede lettres plus anciennesqui n’avaient jamais été ouvertes. Je les séparai en troispiles : celles qui ressemblaient à des factures, celles à jeter et les courriers personnels. Il y avaitplusieurslettresquin’avaientpasétéouvertesadresséesàGrayson.L’écrituresemblaitêtrecelled’unefemme. Je lesmis de côté. Je trouvai alors une carte postale dont la photo représentait un vélo posécontreunarbre,etenlaretournantjeremarquaiquel’écritureétaitlamêmequesurlesenveloppes.Elleétait trèsrécente.Jen’hésitaiqu’un trèscourt instantavantde laissermesyeuxglisserde l’adresseaumessage.

Grayson,Tutesouviensquandonavaittreizeans,quejet’aicouvertdeboueavecmonvéloetquejemesentaisterriblementmal?Tum’avaisditqu’ilétaitimpossiblederestertroplongtempsfâchéavecmoi.Jepriepourqueturessentestoujourslamêmechose,etquetoncœurpuissemepardonner.Jenecesseraipasd’essayer…Avectoutmonamour,Vanessa

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Vanessa.Avectoutmonamour?Ellel’aimaitencore?ElleessayaitdeconvaincreGraysondeluipardonner?D’avoirépousésonfrère?Jeressentissoudainunedouleurbizarreàlapoitrineetmapeausehérissa.Jen’aimaispasça.Jemisdecôtéleslettreslesplusrécentesquandjedécouvrisunpliquim’étaitadressé.Jeretinsmonsouffleenl’ouvrantetjepoussaiunsoupirdesoulagementenvoyantqu’ils’agissaitdenotrecertificatdemariage.Lasensationd’irritationsetransformaalorsenunenthousiasmedébordant. Je balançai les autres lettres sur le bureau, et courus vers la porte d’entrée en criant àCharlotte:

–Jevaisenville.Jereviensvite.Jel’entendismerépondre:–D’accord…Puislaporteclaquaderrièremoi.J’avaisdel’argentàrécupérer.Jediraismêmeunegrossesommed’argent.

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CHAPITRE13

GRAYSONVers15heures, jem’arrêtaide travailler, tropépuisépourcontinuer.Jeretournaià lamaisonoù

l’odeurfamilièredessconesàlamyrtilledeCharlotteflottaitdansl’air.Jemesuisalorsdirigéverslacuisine.

–C’estuncoupbas,dis-jeenfeignantd’êtreencorefâché.J’avaisl’intentiondenepast’adresserlaparolependantencoreaumoinsunjouretdemi.Allez,donnem’enun.

Charlotterayonnaitetelles’exécutaenposantsuruneassietteunsconetoutchaud,avecunpeudecrèmefraîchedessusetunecuillèredeconfitureàcôté.

–Tricheuse,marmonnai-je.Jenetepardonnepaspourautant.Charlottemeregardaensouriantdégusterunebouchéedecetavant-goûtduparadis.–Jesuisdésolée.Jenevousvoulaispasvousfairedumal.Ellem’observaunmoment.–Jevoulaisjuste…– Tu voulais que nous ayons, Kira et moi, un vrai mariage, dis-je en secouant la tête. Désolé,

Charlotte,maisçan’arriverapas.Jen’ainiletempsnil’envied’avoiruneépouse.Enrevanche,pourcequiestdel’aspectphysique…j’avaistentémachance.MaisCharlotten’avait

nul besoin de le savoir, ça lui donnerait de faux espoirs. Et puis de toutemanière,Kira avait refusé.Pourtantjen’avaispasditmonderniermotsurcepoint.Pourlemoment,nousétionsmarietfemme,alorspourquoinepasenprofiter,aumoinspendantunpetitmoment?Elleétaitcommeunepetiteflammedansmonsang,belle, imprévisibleetpleinedevie.Lesdeuxmoisouunpeumoinsquenousavionsdevantnoussuffiraientamplementpoursatisfairemondésir.Jesauraienfincequecelafaitdelasentirsousmoi,autourdemoi,surmoi…Après,terminé,jeserairassasiéetjepourraipasseràautrechose!

–Vous savez, je ne vous ai pas donné cettemixture pour que vous ne ressentiez qu’une simpleattirancephysiquepourelle, intervintCharlottecommesielle lisaitdansmespensées. J’espéraisbienplusqueça.C’étaitjustepourfairecirculervotresang,sivousvoyezcequejeveuxdire.Ellemefitunclind’œilet je lui jetaiun regardnoiren retour,écœuréparnotresujetdeconversation.Ellem’avaitpratiquementélevé!Maisellerepritavantquejenepuissel’arrêter.

–Dans le corps et dans la tête.Quant àKira, elle ne veut pas non plus d’une relation purementsexuelleavecvous,voussavez.

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Jem’arrêtaicettefois,trèsintéressé.–Commentlesais-tu?–Parcequec’estunefemme.C’estcommeçaquejelesais.Je réfléchis à ce qu’elle venait de dire. Si nous faisions l’amour, est-ce que Kira en voudrait

davantage?C’étaitpeuprobable,laplupartdutemps,ellenesemblaitmêmepasappréciermaprésence.Maiselleavaitaimémescaresses.C’étaituneévidence.Enyrepensant,cette tensionsexuelleexistaitdepuisletoutdébut.Ellen’avaitpasquittémonespritdepuisquej’avaistouchésapeaupourlapremièrefois.Jen’avaispasvoulul’admettre,carj’étaistropaveugléparmespréjugés,maisjenepouvaispluslenier.Pourquoiaurait-ilétéimpossibled’avoirunerelationpurementsexuelle?Encequimeconcerne,cela me semblait parfaitement envisageable. Je voulais aller plus loin avec cette délicieuse petitesorcière.Maintenant,ilnemerestaitplusqu’àlaconvaincre.

Quandjel’avaistrouvéesimaladedanssonlit,l’enviedeprotégerKiram’avaitinquiété.Maistrèsrapidement, les plantes de Charlotte avaient fait effet. Protéger Kira de moi-même et contrôler mespulsionsavaitalorspristoutemonénergie;jen’avaispaseuletempsderéfléchiràcebesoindeprendresoin d’elle. Aussi bizarre que cela puisse paraître, cela avait finalement été une bonne chose. Maismaintenant plus j’y pensais, plus je considérais ça comme une réaction normale qu’un homme veuilleveillersursonépouse.Mêmesic’étaitunmariagedefaçade.

Tôtoutard,cedésirs’estomperait,commenotreunion.–EnparlantdeKira,dis-je.Oùestcettepetiterebelle?–Jenesaispas.Elleaquittélamaisonilyaplusieursheures.Qu’est-ce qui pouvait être si important ?Avant que je ne puisse poser la question à voix haute,

j’entendisunevoituredansl’allée.Etpeudetempsaprès,lavoixdeKiraretentit:–Hello!Ilyaquelqu’un?–Jesuislà,machérie,ditCharlotte.Kiraentraentrombesdanslacuisineetposaparterreunegrandeboîteavecuntrousurledessus.–Qu’est-cequec’est?luidemandai-je,endésignantl’imposantcarton.–Unesurprise,dit-elleensouriant.Jegrognai.Quediableavait-elleencorepuinventer?–Maisd’abord,dit-elleens’asseyantsur le tabouretàcôtédemoi.Noussommesofficiellement

mariés.J’aiapportélecertificatdemariageàMonsieurHartmann.Notrechèqueseraprêtdèsdemain.Nouspourronslerécupéreràlapremièreheure.

Unevagued’excitationenvahittoutmoncorps.–Quoi?C’estvrai?–Toutàfait,répondit-elleensouriant.Incapabledemeretenir,jemelevaietlaprisdansmesbrasavantdelafairetournoyer.–Onl’afait,dis-je.J’avais dumal à y croire. Je la reposai au sol.Elle leva alors la tête, ses yeuxbrillaient et son

sourireétaitrayonnant.J’eusmêmedroitàlafossette.

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–Jesais,soupira-t-elle.Jelafixaiintensément,lebesoindel’embrasserétaitsifortquejemedemandaisic’étaitnaturelou

silesplantesdeCharlottefaisaienttoujourseffet.Jefusinterrompuparungrattementdiscret,provenantdelaboîtequiétaittoujoursparterrederrière

nous. Je fronçai les sourcils et le souriredeKira s’agrandit encore.Sonenvoûtante fossette creusa sajoueunefoisencore.Puiselleseprécipitaverslecarton.

–Qu’est-cequec’est?Elles’accroupit,soulevalecouvercleetensortitcequiétaitvisiblementungrandchiotouunpetit

chien.Deuxpairesd’yeuxmefixaient: l’uneétaitsombreetexpressive,unpeupaniquéeaussi, l’autreétaitvertémeraudeetremplied’excitation!

–OhmonDieu,s’exclamaCharlotteensedépêchantderejoindreKira.Quies-tu?Charlottesoulevalaplaquedemétalautourducouduchienetlut:–SugieSug?–Ça se prononce commeSugar,mais avec i. e. à la fin, ditKira avec fierté.Un peu comme le

rappeurSugeKnight.SugieSug.–Ahoui,ditCharlotte,commesiellesavaitcequ’étaitunrappeur.–Peut-êtrequej’auraisdûl’écrireavec«Ch»audébut,ditKira,songeuse.JesecouailatêteenregardantànouveaucettechoseétrangequeKiratenaitdanssesbras.–Mais,c’estquoiceSugieSug?demandais-je.Qu’est-cequ’ilasurlatête?C’était comme si la partie inférieuredu crânedu chien, plus la truffe et lamâchoire, avaient été

mutilées.Kiraserracequej’avaisfinalementidentifiécommeunchiotdéjàassezgrand,unesortedebâtard,

contresapoitrineetrecouvritsonautreoreilledesamainlibre.–Chhhhut,dit-elle.Ellet’entend,tusais?Ellemelançaunregardméprisant.–EtSugieestunefille.Ellefitunsourireauchienquilaregardait,lesyeuxfrémissantsd’espoir.–N’est-cepas,bébé?N’est-cepas,petitsucred’orge?Maisouitul’es,tuesunefille,unegentille

fille.Unegentillefifille.Jegrimaçai en l’entendantparler commes’il s’agissaitd’unvraibébé.Mais lapetite chiennene

semblaitpasdérangéelemoinsdumonde.Elles’agita,essayantmanifestementd’attirerunpeuplusl’attentiondeKira,enluiléchantlevisage

aveccecurieuxmuseaudéformé.Kiraéclataderireetmitànouveausesmainssurlesoreillesduchiot.–Jel’aisauvée.Sonpremierpropriétairel’amuseléealorsqu’elleétaitàpeinesevrée.Maisilne

luiapasenlevésamuselièreàmesurequesonmuseaugrandissait.Quandelleaété trouvée,elleétaitmouranteetilafallul’opérerpourluiretirercetinstrumentdetorture.

Elle ôta ses mains des oreilles de la chienne. Charlotte, qui gazouillait comme une grand-mèredécouvrantsapetitefillepourlapremièrefois,grattouillaitsesoreilles.

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–Oh,lapauvrepetitechérie.Net’inquiètesurtoutpas,SugieSug.Tuvasêtretrèsbienici.Touteexcitée,lapetitechiennejappaetbaissaaussitôtlatêtecomme,sielles’attendaitàrecevoir

uncoup.Ellelevadesyeuxtristesversnous,lesoreillesbaissées.–Unchien,ici?demandai-je.Pasquestion.Pardon,maisladernièrechosedontj’aibesoinc’est

d’unanimalquicourtpartoutetque j’aurai tout le tempsdans lespattes.Jen’aipas le tempsdem’enoccuper.

Kirafronçalessourcilsetmetenditlachienne,m’obligeantàlaprendre.–J’aisauvéSugieSugpourtoi.Elleestàtoi.Considèreçacomme,disons,moncadeaudemariage.

Etaussicommeunremerciementpourtagentillesse,ceweek-end.Ellesouriait.Jerestaiunmomenttétaniséensentantcepetitpoidschauddansmesbrasetenvoyant

ces grands yeux foncés, rivés sur moi, avec un mélange de peur et d’espoir. Je sentis alors un petittiraillement dans ma poitrine. Ohmon Dieu. Kira m’offrait un chiot après l’histoire que je lui avaisracontéesurmonpère.Agaçantepetitesorcière.Petitesorcièredouce,compatissanteetagaçante.

Jesoupirai.C’étaitunedélicateattentionet j’étaiscontentqu’ellenesoitpasfâchéeaprès la façondontnous

nousétionsquittéssurlaterrasseaprèsnotrerendez-vous.Maisquandmême…–Kira,jenepeuxpasavoirunchienquis’appelleSugieSug.Jenesaismêmepascequeçaveut

dire.Etpuisçafaittellementfille.–Oh!s’exclama-t-elle,undoigtsurseslèvres.Jel’aiappeléecommeçaetelleal’airdes’yêtre

faite.Sonvrainomc’estSugarPieHoneyBunches,Sugiec’estlediminutif.ÇaveutdireTarteauSucreetauMielàlaLouche.

J’observaiànouveaul’animal.Elleétaitextrêmementvilaine.Pathétiquementmoche.Abîmée.Maisendépit de sadifformité et de sonnom impossible, j’étais incapablede la chassermaintenantqu’elleétaitdansmesbrasetqu’ellemelançaitsesregardssuppliants.J’avaisunetrèsgrandepropriété.Ellepourraitcourirpartoutetjenelacroiseraisquerarement.Ilfaudrait,enrevancheluiapprendreànepasmangerleraisin.Celapouvaitêtredangereuxpourleschiens.Jelareposaiparterre.Ellerestaplantéelà,àmeregarder.

–C’estencoreunchiotettunel’asrécupéréequ’aujourd’hui.Ilestencoretempsdeluidonnerunnouveaunom.

Jereculaiunpeu.–Aupied,Scout.Elleinclinasavilainetête,ets’assittranquillement.Kirafit,elleaussi,unpasenarrière.–Aupied,SugieSug.Lachiennesemitimmédiatementàcourirverselle,sesgrossespattescliquetantsurlesol.Kirala

soulevaetcommençaàbabilleraveccettemêmevoixinsupportable.–Aupied,SugieSug,appelai-je,cettefois.

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Kiralaposaparterreetlechiotcourutversmoitoutaussibruyamment,puisbaissalatêteaveccemêmeaireffrayé.Jelasoulevaidetellefaçonquejepuisselaregarderdanslesyeux

–D’abord,sachequetuasledroitdet’exprimerici.Ellem’observait avecun regard expressif, comme si elle comprenait ce que je disais. Puis, elle

léchatimidementmajoue.KiraetCharlottemeregardaientensouriant.–D’accordc’estbon,ellepeutrester,dis-je,lesdentsserrées.Jefisdemi-tourmonnouveauchiotdanslesbras.SugieSug.Qu’est-cequim’arrivait?–Jevaisluifairevisiterlamaisonetl’habitueràsonnouveaunom,lançai-jeenquittantlacuisine.Unconcertdejoyeuxriresfémininsm’accompagnajusquedanslesescaliers.Cen’étaitpasunson

quej’avaisentendusouventdanscettemaison…jusqu’àl’arrivéedeKira.

***

Lelendemain,debonmatin,Kiraetmoipartîmesenvillepourrécupérerlechèque,quiétaitàlafoisledéclencheuretlacausedenotremariage.MonsieurHartmannousleremitetnoussouhaitabonnechance.Àpeinedixminutesaprèsquenoussoyonsentrésdansl’immeuble,nousétionsànouveaudanslarue.Nousnousfixions,encoresouslechoc.JesourisàKiraetjeluidis:

–Allonsouvriruncompte.Elle acquiesça en souriant. Sur le chemin, nous passâmes devant la banque où nous nous étions

rencontrés.Elleavaitgardédebonssouvenirsdecetendroitmaisjenesupportaispasl’idéed’ouvriruncompte làoùonavait rejetémademandedecrédit,que leur refus soit justifiéounon.Soudain, jemesouvinsàquelpointj’étaisdépriméàcemoment-là.J’attrapailamaindeKiraetlaserrai.Ellesouritetsafossetteapparut.Unemèchedesescheveuxrouxtombasursonœiletjenepusmeretenir.Jem’arrêtaietlatiraiendirectiond’unimmeubleavantdelaplaquercontrelemuretdeluidonnerunbaiserrapideetintense.Sasurprisemefitsourire.

–Allezfaireçadansunechambre,criaquelqu’unquipassaitunpeuplusloin.Kiraeutl’airchoquéetjeluifismonsourireleplusdiaboliqueenhaussantlessourcils.–Non,dit-ellefermement.Maisquandelle sedégagea, jevisqu’elleme regardait avecunpetit sourireencoin.Moncœur

s’arrêtauninstant.C’étaittellementdifférentdemaréactionhabituelledansunetellesituation.J’éclataiderireetmelançaiàsapoursuite.

Uneheureplustard,nousavionsouvertdeuxcomptesséparés,chacuncréditédetroiscentcinquantemilledollars.Enrentrantàlapropriété,lahontemesubmergea;j’avaisl’impressiondel’avoirvolée,commesijen’avaisaucundroitsurcetargent.

–Jeterembourserai.Tulesais,n’est-cepas?Ellemefitunsignedetête.–Situveux,répondit-elle.–J’ytiens.

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Kirarestasilencieuseuneminute,puisellecontinuad’unevoixdouce.–Jedoisallerrendrevisiteàmonpèreaujourd’hui.Elleavaitl’airaccablé.J’étaistellementhabituéàvoirlajoieetlaviebrillerdanssonregardque

j’en fus déconcerté. On aurait dit que la simple idée de le rencontrer la vidait de toute son énergie.J’ouvrislabouchepourparler,maisjenetrouvaipasmesmots.Jemecontentaidemarmonner:

–D’accord.Ellemeregardacommesiellevoulaitmedemanderquelquechose,maisaulieudecelaellemefit

unsignedelatête,descenditdupick-upgaréetmelança,sansseretourner,qu’onseverraitdansdeuxjours.

C’auraitdûmesatisfaire.J’allaisêtretranquillependantquarante-huitheures.Jen’auraispasàmesoucierd’unesorcièreinsupportablesemantlapagailleetlechaosdanslapropriétéetm’excitantcommeaucune autre femme ne l’avait fait. Je devrais probablement aller en ville et me trouver une femme.J’étais tellement frustré sexuellement. Kira ne le saurait pas, et puis elle s’en fichait si j’avais biencompris.Ilfallaitjustequejesoisdiscret.Jesavaisl’être.Alorspourquoiétais-jegagnéparunvaguesentimentdemalaiseàl’idéedeKiraquittantlaville?J’auraisdûmepréoccuperdavantagedelafaçondontjepouvaisassouvirmesdésirs.Pourmechangerlesidées,jemerendisdansmonbureau.Ilyadessemaines,j’avaislistédesfournituresetdumatérielàcommander.Unimmensesentimentdesatisfactionm’envahit.Toutétaitentrainderentrerdansl’ordre.

Lachienne trottinadansmonbureauet s’allongeaàmespiedspendantque je travaillais surmonordinateur.Quarante-cinqminutes plus tard, une foismes commandes passées, jeme levai et appelail’horriblebestiolequidormaitsousmonbureau.

–ViensmonvieuxRien.Ellenebougeamêmepaslatête.Jel’observaiunmoment.C’étaitunefille,doncpeut-êtrequ’ellevoulaitunnomquiluiconvienne

mieux.–ViensBailey.Paslamoindreréaction.Jeserrailesdents.–IciSugieSug,dis-jedansmabarbe.Lesoreillesdelachiennesedressèrent,ellepoussaunjappementexcitéetserelevainstantanément

pourvenirjusqu’àmoi.Jelafoudroyaiduregard.Ellemesautadessus,haletante,j’auraisjuréquesonmuseaudéformésouriait.

–Vousaimezçavous les femmes,n’est-cepas?demandai-jeenmedirigeantvers lacuisine, lachiennesurlestalons.

Dansl’entrée,jerencontraiCharlotte.–Kiraestentraindemettresavalisedanssavoiture,dit-elle.Vousnepartezpasavecelle?–Pourquoiirais-je?Ellehaussalesépaules.

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–Jemedisaisjustequeçaseraitplusconvaincantsivousallieztouslesdeuxluiannoncerquevousvousêtesmariés.Vousnecroyezpas?

KiraavaitmanifestementditàCharlotteoùelleallaitetpourquoi.Jefronçailessourcils.–Sielleavaitvouluquejel’accompagne,ellemel’auraitdemandé.Jereportaimonattentionsurlachienne.–ViensiciMaggie.Elles’assitenmeregardant.Jesoupirai.–AllezSugie.L’insupportablepetitbâtardsedressapourmesuivredanslacuisine.Charlottepouffa.–Jevoisqueçat’amusebeaucoup,dis-je,enlaregardant.Charlottesourit,ensortantdeuxoutroistrucsduréfrigérateur.–JeprépareunsandwichpourKira.Est-cequevousenvoulezun?–Avecplaisir,dis-jeenm’asseyantsuruntabouret.–Commepourcetteadorablefifille,dit-elleensouriantàlachiennequiremuaitlaqueuegaiement.

JesupposequelapremièrefoisqueKiral’aappeléeSugieSug,ellel’aditavectantd’amourquecettechiennen’apaspul’oublier.Jepensequec’étaitlapremièrefoisdanssatristevie,qu’onlanommaitsuruntonaimant.C’estunesensationtrèspuissantevoussavez.

JecroisaileregardsagedeCharlotteetréfléchisàcequ’ellevenaitdedire.Monépousem’avaitoffertcettechiennepourréparerquelquechosequim’étaitarrivéilyatrèslongtemps.LesyeuxinquietsettristesdeKiratoutàl’heuremedisaientqu’elleaussiavaitpeut-êtrebesoindepanseruneblessuredupassé. Nous étions peut-être mari et femme uniquement sur le papier, mais elle avait spontanémentcherché àm’aider, simplement parce qu’elle en avait eu l’occasion. Peut-être que je pouvais faire lamêmechosepourelle.

–EnveloppelesdeuxsandwichsCharlotte,dis-je.Jel’accompagne.Charlottemeréponditjusted’unsourirecomplice.

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CHAPITRE14

KIRAJechargeaismavalisedanslecoffredemavoiturequandjevisGraysonsortirdelamaisonavecce

quisemblaitêtreunsacdevoyage,etunsachetenplastique.J’aifermélecoffreetjel’airegardéavancersansbougerjusqu’àcequ’ilarriveàmonniveau.–Qu’est-cequetufais?luidemandai-je.–Jeviensavectoi,merépondit-ilenouvrantlecoffrepourenextrairemavalise.–Tuviensavecmoi?bafouillai-je.Mais…Ilrefermalecoffreetsetournaversmoi.–Kira, ça aura l’air plus crédible si nous rencontrons tonpère ensemble.Nous avons conclu ce

marché tous les deux et nous devons nous impliquer autant l’un que l’autre, pour que ça fonctionne.Considèreçacommeunefaçondegagnermapartd’héritage.

Ilmarchajusqu’àsonpick-upetmitnosaffairesderrièrelessièges.–Etpourquoiest-cequetumetsmavalisedanstonpick-up?–Parcequejeveuxconduire.Jemesentiscurieusementhumiliée.C’étaitunsentimenttrèsfamilierchezmoi.–J’imaginequeçafaitpartiedetanaturededragondominateur?–Jecrois.IlposalepetitsacplastiqueremplidessandwichsqueCharlotteavaitpréparés,surlesiègearrière

etgrimpaauvolant.J’ouvrislaportepassageret,sansmonter,leregardai.–Tuadoresm’énerver,n’est-cepas?Ilpritunairsongeurcommes’ilseposaitlaquestion.–C’estvraiquec’estassezexcitant,dit-ilenmeregardant.Maiscen’estpaslesujet.–Riennet’obligeàfaireça,dis-je.Honnêtementjen’avaispastrèsenviequemonpèrerencontreGraysonpourlapremièrefoislejour

oùjeluiapprenaisquenousnousétionsmariés.Jepouvaisfacilementimaginerledédainglacialdontilferaitpreuve,passeulementavecmoimaisaussiavecGrayson.JemedemandaissilenomdeGraysonluisembleraitfamilier?Probablementpas,carmonpèrenesesouvenaitquedesgensquipouvaientluiservir, d’une manière ou d’une autre. De plus, ce qui s’était passé entre eux remontait maintenant àplusieursannéesetn’avaitduréquetrèspeudetemps.Iln’empêchequejen’avaisjamaisimaginéque

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Graysonseraitprésent le jouroù j’annonceraisàmonpèreque je l’avaisépousé,sans leprévenir.Çapourraitmal tourner et je ne voulais pas de témoin à une telle scène, surtout pasGraysonHawthorn.D’autantquej’étaisconvaincuequemonpèreneferaitabsolumentaucuneffortpourménagerGrayson.MonDieu,depuisquandm’inquiétais-jepourleDragon?

Celadevenaitpréoccupant.–C’est lameilleuremanièrede faireKira.Bon, onpeut y allermaintenant ? Je neveuxpasme

retrouvercoincédanslesembouteillagesàSanFrancisco.–Quivas’occuperdeSugie?demandai-je,ententantundernierargument.–Charlotte.EtVirgill’aideraaussi.Ilsembles’êtreprisdesympathiepourcettechienne.Jepoussaiundernier soupir avantdecéder.Trèsbien, il pouvaitvenir avecmoi, etvoirde ses

propres yeux pourquoi je préférais l’épouser plutôt que d’accepter quoi que ce soit de mon père. Ilverrait…Ilverraitvraimentquij’étais…Etçamefaisaitpeur.Pourquoi?

J’aivitecompris,jevoulaisqueleDragonmerespecte.Jenevoulaispasqu’ilmevoiecommeunehéritière gâtée, ce qui avait été sa première réaction, trèsméprisante, au tout début, quand nous nousétions rencontrés dans son bureau. Je ne voulais pas qu’il découvre le faste de l’endroit où j’avaisgrandi ; il n’avait plus rien à voir avecqui j’étais ni avec ceque j’attendais de la vie.C’était drôle,j’avaisépousécethommeetpourtantjen’avaisjamaiseul’intentiondeluifairepartagermavieprivéeoumessouffrances. J’avaismisenplacecetarrangementcommes’il s’agissaitd’uneentreprise.Et jecomprenaisbrusquementquenotrerelationétaitentraind’évoluer,dumoinsencequimeconcernait.Çacommençaitàmeterrifier.

C’étaitincontestablementtrès,trèsbête.Jedécidaid’oubliertoutcelapendantunmoment.Jebaissailavitreetrespirail’airdouxetparfumé

decettefind’été.–Oùas-tuprévudedormir?medemandaGraysonunefoissurl’autoroute.–Àl’hôtel,répondis-je.–PaschezKimberly?Jesecouailatête.–Maintenantque j’ai lesmoyensdedescendredansunhôteldignedecenom, jenepréfèrepas

m’imposer.Leurappartementesttoutpetit.Graysonacquiesça.–Çaal’aird’êtreuneamietrèsproche.–Oui,eneffet.C’estmameilleureamie.J’aisourienappuyantmatêtesurlesiège.–Nousavonsgrandiensemble.Samèreestvenuetravaillerdansmafamillequandnousavionscinq

ans.Elleestcommeunesœur.Mamèrevenaitdemourirdansunaccidentdeski,dis-jeenmemordantlalèvre,etdisonsque…lamèredeKimberly,RosaMaria,m’aenquelquesorteprisesoussonaile lespremierstemps.

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Jesouriais,heureusedepenseràautrechosequ’aumomentoùj’auraisàfairefaceàmonpèrepourluiannoncermonmariage.

–Quelquesjoursaprèsquesamèreeutcommencéàtravaillercheznous,c’étaitl’anniversairedeKimberly.RosaMariaorganisaune toutepetite fêteavec lesenfantsdesautresemployés. Jemourraisd’envied’yêtre invitée,et j’avaissuppliémonpèredem’emmenerluiacheteruncadeaumais ilavaitdit:«Tun’aspasbesoindeluioffriruncadeaucartun’iraspas.UneDallairen’arienàfaireavecdesgensdesibasseextraction.»

J’avaismodifiémavoixpourimitercelledemonpère,bienplusgrave,etjesourisàGrayson.Ilfronçaitlégèrementlessourcilsetnemerenditpasmonsourire.

–Bon,commetupeuxl’imaginer,repris-jeenmeredressant,iln’étaitpasquestiondeluiobéir.J’aidoncprisuncollierquemamèrem’avaitoffert,avecunpetitcœurdessusetjel’aidonnéàGeorge,notrejardinierpourqu’illecoupeendeux.J’aimisledemicœursuruneficelle,mesuisrendueendouceàlafêtedeKimberly,etjeluiaioffertcebijoudefortuneenluidisantquenousserionsdésormaismeilleuresamiespourtoujours.

Àl’évocationdecesouvenirmoncœurseremplitdechaleur.–Ellel’aencore.Graysonétaitsilencieux,ilsemordaitlalèvresanssedétourner.Jeregardaisdroitdevantmoi,me

sentantunpeuidiote.Puisjesentissesyeuxseposersurmoi.–TuestoujoursprochedeRosaMaria?–Non,dis-jetristement.Monpèrel’arenvoyéeilyadesannées.Çaaététrèspénible.Ilavaiteu

uneliaisonavecelle,etill’atoutbonnementremplacéeparunefilleplusjeune,quifaisaitofficeàlafoisdefemmedeménageetdecamaradedejeu.RosaMarianem’aplusjamaisparléaprèsça.Toutesmestentativessontrestéeslettremorte.

Jechassaicesouvenird’ungestedelamain,essayantdebalayerladouleurquiétaitattachéeàcesévènements.

–Ellet’enavoulu?medemandaGrayson,lavoixfrémissante.–Kimberlymeditquenon,maisquec’étaitdevenutropdouloureuxpourelled’avoir lemoindre

contact avec les personnes qui pouvaient lui rappeler ce quemon père lui avait fait. Elle l’aimait, jecrois.Lui,à l’inverse, lavoyait justecomme…disons,commeunmoyenpratiquedegardersamaisonpropreetsonlitchaud.

–Jevois,dit-illagorgeserrée.Je le fixaiavec l’impressionétrangequ’il lisaitdansmespensées,etqu’ilavaitcomprisplusde

chosesquecequej’avaislaisséentendre.Jesecouailatêteenfronçantlessourcils.–Alorsdequoiest-cequevousparliezavecKimberlyhiermatin,avantquejenedescende?lui

demandai-je.Ilmefitungrandsourire,changeantainsil’ambiancemorosequis’étaitinstalléedepuisquej’avais

évoqué l’histoire deRosaMaria et demonpère.Le soleil passait à travers les vitres et tapait sur le

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visage de Grayson, faisant ressortir ses yeux marrons et profonds, et mettant en valeur sa puissantemâchoireombréedebarbe. Jedétournais le regard, enmemordant la lèvre. Il fallaitque j’ignore sessomptueusesécaillesdedragon.Jemelerépétaisenboucle.

–Detoi.dit-il.Quandjeleregardai,sonsourires’agranditencore.–Ellemeracontaitdesanecdotestrèsintéressantessurtouteslesfoisoùelleadûtesortirdupétrin.Jesoupirai.–C’estunefillebien,maiselleexagère.C’estundesespiresdéfauts.LeriredeGraysonétaitsincèreetchaleureux.–Jenesaispas.J’aitendanceàpenserquecen’estpaslecas.Ilfixaànouveaularouteensouriant.–Elleditqueparfoisdedrôlesd’idéestepassentparlatête…–OK,ellem’asortiedesituationsbizarres,dis-jepourmadéfense.Maispasdupétrin.–J’ail’impressionqu’avectoilafrontièreesttrèsmince.Jeledévisageais,agacée,maisjenepouvaispasm’empêcherdeclignerdesyeuxdécouvrantson

souriresitendre.Jeregardaiànouveauparlafenêtre,etdis:–J’aifaitbeaucoupd’efforts,depuisquejevisavectoi,pourlimiterleflotdemes«idées».–OhmonDieu,s’exclama-t-il.Jen’osemêmepasimaginercequec’estquandtuneteretienspas.Jepestai,leregardsombre.–Tun’aurasqu’àdemanderàmonpère,dis-je, enpriantpourqu’ilne le fassepas.Quand tu le

rencontreras,iltediraquelboulettuasrécupéré.Jen’aiaucundoutelà-dessus.Toutenmemordantlalèvre,jetournailatêtepourregarderdéfilerlepaysage.–Hé,ditGrayson,etjesentissamainchaudeattraperlamiennesurlesiègequinousséparait.Jebaissailesyeuxsurnosmainsjointes,puisremontaiensuitesursonregardquimefixait,avantde

seconcentrersurlaroute.–Çavabiensepasser,d’accord?J’aiacquiescé,mais jecroisqu’ilsavaitqu’ilavait tort.Jepouvaismêmemeretrouverdansune

situation de complète humiliation devant Grayson. Non, ça n’allait pas bien se passer. C’était mêmecertain.

***

Lescouleursjaune-orangé,àlafoisdoucesetvibrantesducoucherdesoleilnaissant,baignaientdelumièrelemanoirinspirédelaRenaissanceitalienne.Couronnantlacolline,ilétaitnichédanslequartierdePacificHeightsàSanFrancisco.C’étaitprobablementlebienimmobilierlepluscherdelarégion.LademeureDallaire.Home sweet home. Je grimaçais intérieurement. J’avais très peu de bons souvenirsdanscetendroit.

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En regardant la maison, je compris que toute ma vie, je m’étais dissimulée dans l’ombre de lapersonne que mon père voulait que je sois. Tout ce que j’avais toujours souhaité, c’était l’amourinconditionnelquequelqu’unmedonnerait.

Endescendantdupick-upgarédevantl’imposantebâtisse,jefixaisGraysonsanspouvoirdéchiffrersonexpression.Arrivéenhautdel’impressionnantescalierextérieur,ilseretournapouradmirerlavueàcouperlesoufflesurleGoldenGateBridge,laprisond’Alcatraz,AngelIslandetjusqu’àlapéninsuledeMarin Headlands. J’entendais des gens jouer au tennis sur le terrain en terre battue qui se trouvaitderrièrelamaison.

Graysonmeregardaensilencependantquej’appuyaissurlasonnette.Jerefusaisd’entrerdanscettemaisoncommesic’étaitchezmoi.Quelquessecondesplustard,j’entendisdesbruitsdepasrésonnersurlemarbredel’entrée,etlaportes’ouvritsurunejeunefemmed’originehispaniqueentenuedesoubrette.Jenel’avaisjamaisrencontrée.Jeluisouris.

–Bonjour,jesuisKiraDallaire.Jecroisquemonpèrem’attend.Jeluiavaisenvoyéunmessagesurlaroutequiétaitrestésansréponse,doncjenesavaispass’il

m’attendaitvraiment.Lajeunefemmenoussouritetouvritlaporteengrandpournouslaisserentrer.–Jevaislechercher,dit-elleavecunfortaccentespagnol.Est-cequejepeuxvousfairepatienter

dansle…–Nousallonsattendreici.Jen’avaispasl’intentiondem’éterniser.J’avaisdéjàenviedepartir.Lajeunefemmeacquiesçaavantdedisparaître.–Tupeuxme laisser seuleunmomentpourque jepuisseparler àmonpère ?dis-je àGrayson.

Ensuite,jeteleprésenterai.Ilmedévisageapuis,sansdireunmot,ilacquiesçad’unmouvementdetête.Aprèsêtrerestéedelonguesminutesdeboutdanslesomptueuxhallenmarbre,j’entendisànouveau

desbruitsdepas.Jelevailesyeuxsurl’imposantesilhouettedemonpèreenhautdesmarches.Jejetaiuncoupd’œilsurGraysonquiétaitappuyécontreunedescolonnesdemarbre,justeàcôtédemoi.

– Kira, dismon père en dévalant l’escalier, les yeux rivés auxmiens, ses lèvres fines pincées,arborantunairréprobateurquinelequittaitjamaisetquejeconnaissaisbien.

–Jesuisraviquetutesoisfinalementdécidéeàrentreràlamaison.Sontonétaittoutsaufsatisfait.IlneregardamêmepasGrayson.–Allonsparlerdansmonbureau,dit-ilensetournantbrusquement.Jerelevailementon.–C’esttrèsbienici,dis-jeleplusfortpossible,lecoupantdanssalancée.Jen’avaisaucuneintentiondesuivremonpèredanssonbureau,oùils’assiéraitderrièresatable

imposantecommeunjugerendantsasentence.Monpèreseretournalentement,lamâchoirecontractéeensigned’avertissement,ets’approchademoi.C’estàcemoment-làqu’ilregardaGrayson.

–Etvous,quiêtes-vous?demanda-t-il.Jemesuisalorsavancée.C’étaitparti.–C’estmonmari,papa.GraysonHawthorn.

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Pendantplusieurssecondes,monpèren’émitaucunson,commesiletempss’étaitarrêté.Soncous’empourpraetils’approchademoi.

–Tun’espassérieuse?–Si, très.Nousnous sommesmariés ilyaquelques semaines. Je suisdésoléedenepas t’avoir

invité,maisjesaisàquelpointtoncalendriermondainestchargé.Lecoupmepritparsurprise.Laviolentegiflerésonnadanstoutel’entrée.Jesursautai,unedouleur

vive enflammama joue, jusqu’àmonœil. Je relevai la tête juste à temps pour voir samain foncer ànouveausurmonvisageetmepréparaiàrecevoirunesecondegifle.Maisellen’atteignitjamaissonbut:j’écarquillai lesyeuxenvoyantGraysonattraper lepoignetdemonpère avec la ragemeurtrièred’undragon.

–Qu’est-cequivousprend?dit-il.Ilavaitdûsedéplaceràlavitessedelalumièrepour,làoùilétaitplacé,arriveràtempsetempêchermonpèredemefrapperànouveau.Marespirationétaitsaccadéeetjepoussaiunrâlederage.

Monpère,ivredecolère,dégageasamaindecelledeGrayson,etposasesyeuxsurmoi.J’étaisentraindereculerrapidementleplusloinpossible.Jemisquelquessecondesàretrouvermesesprits.Jemetins le plus droit possible, en soutenant son regardmême si toute la partie gauche demon visagemelançaitatrocement.

–Merci, dis-je en levant lementon, dissimulantma douleur. Je prends ça comme un cadeau demariage.

–Ilafalluqueçatombesurtoi,Kira.Monpèresecoualatête,l’airécœuré.–Tuesvraimentuneidiote,tulesais?IlpointaGraysondumenton,sansleregarder.–Tu t’es fourvoyéeavecunputaindecoureurdedots,et tune t’enesmêmepas renduecompte.

Ensuite,ils’adressaàGrayson.–Jenedonneraipasuncentimeàmafille,dommagepourvousdeux,GraysonHawtorn.Il prononça son nom comme s’il parlait de Satan.Mon cœur s’arrêta de battre quandmon père

plissalesyeux,commesicenomluiétaitfamilier.Ilsecoualégèrementlatêteetconcentrasonregardfurieuxsurmoi.

–Nousnevoulonspasuncentimedevotreargent,ditGraysonfroidement.Allons-y,Kira.Jem’éloignais déjà, quand j’entendis des pas venant du fond de lamaison.Enme retournant, je

découvrisCooper.MonDieu,ilsm’avaienttenduunpiège.Levertigemesaisitcommesijemetrouvaisaubordd’unefalaise.Cooperseprécipitasurmoi,sonlookbonchicbongenreaccentuéparsatenuedetennis.

–Kira,dit-il,leregardplantésurmoi.Je grimaçais quand il passa la main dans mes cheveux ; je tournais la tête pour m’en dégager.

Comment avais-jepucroireque jepourraispassermavie avec cethomme? Jepouvaisdéjà à peine

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supporterd’êtreensaprésence. J’aialors sentiGraysonse rapprocherdemoietmeprendre lamain.CoopernousdévisageaGraysonetmoi,touràtour,sanscomprendre.

–Kira?Ilpassasamainsurmajoue.–Vousl’avezfrappée?demanda-t-ilincrédule,ensetournantbrusquementversmonpère.Commes’ilnel’avaitjamaisfait.Lacolèreetleméprisétaientsurlepointdem’étouffer.Monpèrepinçaleslèvresetdit,avecunairironique:–Elleestmariée,Cooper.Félicite-la.Cooper,lesyeuxécarquillés,setournaversGrayson.Sijeneleconnaissaispas,j’auraisditqu’il

avaitl’airblessé.SonregardseperdaitentreGraysonetmoi.Ilfinitpardemander:–Maisquiest-ce?D’oùsort-il?SonregardnequittaitpasGraysonmêmes’ilétaitévidentquec’étaitàmoiqu’ilposaitlaquestion.

Graysonplissalesyeux,enconsidérantCooperavecundemi-souriremoqueur.–IldirigesonentreprisefamilialeàNapa,répondis-je.C’estlàquenousnoussommesrencontrés.J’espéraisquecetteexplicationseraitsuffisante.Cooperpoursuivit:–Oùvousvousêtesrencontrés?Quandça?Ilyadeuxsemaines?Ilyavaitunepointederagedanssavoix.Jemeredressaidetoutemataille.–CenesontpastesaffairesCooper,dis-je.Plusmaintenant.–Maisenfintun’espas…Ilesquissaunpasdansmadirection.Graysonvintseplacertoutprèsdemoipourmeprotégeret,

avantquejenepuisseréfléchir,jemeblottiscontreluienfixantCooper.–Est-cequetupensaisvraimentquej’allaisencorevouloirêtreliéeàtoi?–Nousaurionspunousréconcilier,Kira,dit-ill’airpeiné.Ilauraitmieuxfaitdefaireduthéâtreplutôtquededevenirjuge.–Jepeuxt’assurerqueçan’auraitpasétépossibleetqueçaneleserajamaispourdesraisonsqui

vontbienau-delàdemonmariageavecGrayson.Pendantquelquesinstants,nousnoussommesconfrontésdansunface-à-facetendu.–Arrêtonscesabsurdités,aboyamonpère.Cooperpritunegranderespiration,etm’observaunesecondeavantdelâcher:–Ilvafalloirtrouverunesolution,alors.Il avait l’air résigné. Je levai lesyeux surGraysonen soupirant.C’est bon, ils étaientpassés en

mode«Faisonsavec»,cen’étaitplusnotreproblème.Lesmotsquej’avaisentendussortirdelabouchedemonpèreilyaunanmerevenaientsoudain:

« Ne t’inquiète pas Cooper. Je vais l’envoyer loin le temps que les choses se calment. Toi, resteconcentrésurl’objectiffinal.»

–C’estleurterritoire.Laissons-les.

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Je savaisque j’avaisparléavecamertume.Mavoixs’étaitbriséeà la fin, trahissant laprofondedouleurquejeressentais.

–Kira…commençaCooper.Maisjel’interrompisensecouantlatêteetjetirailebrasdeGrayson.Cedernierrésistaetlâchama

main.Ils’approchademonpère.–Vousêtespeut-être sonpère…dit-il calmement surun tonglacial.Mais jevous interdisdene

serait-cequeposerundoigtsurelle.Suis-jeclair?MonpèrejetaunregardméprisantàGrayson,puisàmoi.–Jetesouhaiteunebellevie,KiraHawthorn,dit-il,acerbe.Sesmotsmefirentl’effetd’unenouvelleclaque.C’étaitcequejevoulais,non?Alorspourquoiest-

cequeçafaisaitsimal?Aprèsça,monpèreseretournaetquittalapièce.Cooper,quantàlui,restafigéen nous regardant nous diriger vers la porte. Grayson serrait ma main en descendant les escaliersextérieurs.J’avaisl’impressionquec’étaitlaseulechosequimefaisaitencoretenirdebout.

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CHAPITRE15

GRAYSONJe posai la valise deKira sur le lit de la chambre d’hôtel etme tournai vers elle. Elle n’avait

toujourspasparlédepuisquenousavionsquittélamaisondesonpère.Celadit,jen’avaispasnonplusessayédefairelaconversation.J’avaiseubesoin,moiaussi,dedigérercequivenaitdesepasser.Siçan’avaittenuqu’àmoi,jeseraisrentrédirectementàNapa,maisjesavaisqueKiravoulaitallervoirlecentred’accueiletildevaitdéjàêtreferméàcetteheure.Nousnousyrendrionsdanslamatinéeaprèsunebonnenuitdesommeil,quinouslaisseraitletempsd’évacuercequis’étaitpasséavecsonpère.

Jeme tournai vers elle et je croisai ses grands yeux sublimesmais affligés pour lemoment. Sasouffranceme fit l’effetd’uncoupdepoingdans l’estomac, et jepoussaiun long soupir.C’étaitdonccommeçaquecettefillemagnifiqueetpleinedevieavaitgrandi?Jesavaiscequeçafaisaitd’êtreunedéceptionpermanentepoursesparents.Maiscommentavait-elleconservécettelibertéetcetteouvertured’esprit dans un environnement aussi froid etméprisant ? Comment avait-elle réussi à dépasser ça ?Quand ellem’avait raconté l’histoire de RosaMaria, je croyais avoir compris. Son père, qui nemesemblait pas être le plus gentil des employeurs, avait été dur avec sa fille ne sachant pas comments’occuperd’unepetiteorpheline, très vive de surcroît.Cependant, j’avais donné à cet homme tropdecrédit.Bien,bientropdecrédit.

– Tu dois me détester de t’avoir mêlé à ça, finit-elle par dire, en évitant mon regard. Je suisvraimentdésolée.

Ladétester?Jem’approchaid’elle.–Non,c’estmoiquisuisdésolé.Jepassaidoucementmesdoigtssursajouemeurtrie.–Sijem’étaisdoutéqu’ilallaittefrapper,jeseraisrestéplusprèspourl’enempêcher.Ellesecoualatête.–J’auraisdûréfléchiràunemeilleurefaçondeluiannoncerlanouvelle.Ilm’ararementfrappée.Je

nem’yattendaispas.Etpuis,jel’aiunpeupoussé.Ondiraitquejenepeuxpasm’enempêcher.Ellepoussaungrandsoupir.–Cen’estpastafautes’ilt’afrappée,Kira.Elleacquiesçamaissansréelleconviction.–Jecroisqu’ilfaudraitquejeprenneunbonbainchaud.Etpeut-êtrecommanderàdînerdans…

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J’avaiscompris;ellevoulaitêtreseule.–Biensûr.Jevaism’installerdansl’autrechambre.Kira fit un petit signe de tête et, attrapantmon sac posé à terre, jemedirigeai vers la porte qui

séparait sa chambredu reste de la suite. J’aurais bien aimém’installer dans la chambreoù elle allaitdormir,maisaprèscequivenaitdesepasseravecsonpèreetsonex-fiancé,cen’étaitpas lemomentd’exercerunepressionsexuellesurKira.Jemesentaisd’ailleursmaintenanttrèscoupabledetenterdeluiimposerquoiquecesoit;elleavaitdéjàassezsouffertdecelapourtouteunevie.

–Ah, au faitGrayson, dit-elle en faisant demi-tour.Merci d’avoir laissé croire àmon père quej’étaistafemme…

Jem’arrêtai.–Tuesmafemme.Ellesouritgentiment.–Tusaisbienceque jeveuxdire.Tuas faitensortequeçasonnecommesi j’étaisvraiment ta

femme.C’étaittrèsconvaincant.Jefronçailégèrementlessourcils,sanstropsavoirquoidire.C’étaitvrai,Kiran’étaitpasvraiment

mafemme.Siellel’avaitété,j’auraissuquoifairepourapaisersonregardhanté.Aulieudeça,jefisunpetitsignedetête.

–Jetevoisdemainmatin.Une foisdansmachambre, jeprisunedouche,à la foispourmedébarrasserde la saletédueau

voyage,maissurtoutpouressayerdelaverl’imagedel’altercationaveclepèredeKirademonesprit.Tousmes sensm’avaient poussé à le frapper quand il l’avait giflée.Mais jem’étais retenu.Agresserquelqu’unne feraitqueme renvoyerenprison,et jenepouvaispasmepermettrece risque.Mais, cetincidentm’avaitpermisdemesouvenirdemahonte,etdemerappelermes limitesen tantqu’homme.Commentpourrais-jemebattre aujourd’huipourmonépouse,mêmesi j’yétaisobligé?Mon épouse.Alors non, peut-être queKira n’était pas vraimentma femme,mais cet argument pesait tout demêmelourd.

JesoupiraienrepensantàFrankDallaire.Jenem’étaisjamaisvraimentintéresséàlapolitiquedeSanFrancisco,maisj’avaisl’impressionquec’étaitunmaireassezapprécié,durmaisjuste,prochedesminoritésetdelaclassemoyenne.J’imaginequ’ilvenaitdenousfaireladémonstrationdecequepouvaitêtre le jeu politique. Je trouvais difficile de croire qu’un homme qui traitait si mal sa fille puisses’intéresseràautrechosequ’àlui-même.

Etilétaitmaintenant,temporairement,monbeau-père.MonDieu,dansquoim’étais-jefourré?Ilmerestait à espérer que Kira avait raison, et qu’il jouerait le jeu publiquement et nous laisseraittranquilles…Pourquoiavais-je lepressentimentqueçanesepasseraitpascommeça?Jebalayaicespensées,m’habillaietm’assisunmomentsurlebalconenmedemandantcequepouvaitbienfaireKiradansl’autrechambre.Jenepouvaispasm’empêcherdel’imaginernue,danssonbain,lapeauglissanteetmouillée,sescheveuxrebellestombantendésordresursesépaules,leliencensélesretenir,disparuunenouvellefois.Ledésirserépanditdansmesveines,etenmêmetemps,j’auraisvoululaserrerdansmes

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brassimplementpourlaréconforter.Impossibled’expliquercesentimentnouveauetperturbant.Assislà,quelque chose de puissant naissait enmoi, un désir vital de posséderma femme,mais également uneenviedelaprotégeràlaquellejenem’attendaispas.

Arrête.Arrêteçatoutdesuite.Je ne pouvais pas m’en empêcher. Je voulais rallumer la lumière dans ses yeux, je voulais la

réconforter, revoir cette petite fossette ensorcelante. Je me redressai et rugis littéralement. Ça nemarcherait jamais. Il fallaitque jeme reprenne.Riende toutçane faisaitpartiedemon travail.Nousavionspensécemariagecommeunaccordprofessionnelet,mêmesinousavionscédéànotreattiranceréciproque, il ne fallait pas poursuivre dans cette voie.Cependant, nous étionsmariés.Notremariagedevaitenêtreunvraioupasdutout.Nousnepouvionspasresterdansunstadeintermédiaireflou.Çaneferaitdubiennià l’un,nià l’autre.Maintenantque j‘étaisaucourantpourRosaMariaetsonpère, jecomprenaismieuxsaréticenceàs’engager.Elleavaitpeut-êtrevusarelationphysiqueavecmoiunpeupluscommecequ’ilsavaientpuvivre.Avait-elleraison?

J’étaisperdu.Ilauraitsansdouteétéplusraisonnabled’oubliermonattirancepourellemaintenantquejemerendaiscomptequecelaallaitau-delàdusimpledésirphysique,etj’admettaisquejetenaisàelle.Maispourjenesaisquelleraison,quandelleétaitprèsdemoi,jeperdaislecontrôleettoutesmesbonnes intentions s’envolaient. À chaque fois. Et je n’arrivais toujours pas à comprendre pourquoi.Qu’est-cequimetroublaittantchezelle?

Aprèstout,Kiraétaitdanslamêmesuitequemoietelleavaitpeut-êtrebesoindecompagnie.Peut-êtreavait-ellebesoindemoi.Oupeut-êtrequej’étaisjusteentraindemefairedesfilms.

Après avoir regardé lemenu du room-service et commandé pour être livrés dans notre suite, jefrappaiàlaportedesachambre.Lorsqu’elleouvrit,jeladécouvrisenjeanavecunhautnoir,lespiedsnusetlescheveuxencorehumides.Ellen’étaitpasmaquillée,toujoursaussibelle,etelleparaissaittrèsjeune.Évidemmentpuisqu’ellen’avaitquevingt-deuxans.Sonjeuneâgenemeperturbaitpasplusqueça,peut-êtreparceques’illuiarrivaitdesecomportercommeuneenfantturbulente,ellepouvaitaussiêtreextrêmementmature.Biensûr,découvrircespetitséclairsde sagessen’avait serviqu’à la rendreencoreplusintéressanteàmesyeux.Intrigantepetitesorcière.Enentrant, jesentis le légerparfumdefleursquin’appartenaitqu’àelle.

–Salut,dit-elle,enmeregardantbizarrement.J’entraidanslachambresansyavoirétéinvité.–J’aiprislalibertédecommanderàdînerpournousdeux.JesaisquetuaimeslebœufStrogonoff

deCharlotte.Jemedoutequelechefneluiarrivepasàlachevillemais…Jehaussailesépaules.Kirahésitauninstantetfinitparsoufflerunpetit«oui»–Çameva.Merci.Enrevanche,jerisquedenepasêtredetrèsbonnecompagnie.Ellesetournaetsedirigeaverslebalconpourcontemplerlaville.Jelarejoignis,m’appuyantsur

labalustrademétalliqueavantdelaregarder.Elleévitamonregardenbaissantlementoncommesielleessayaitdemecachersonvisage.

–Hé,luidis-jegentimentenmeredressantetenmetournantverselle.

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Duboutdesdoigts, je remontaisonmentonversmoi.Sesyeuxbrillaientde larmes.Ellepritunegrande inspirationetunpetit sanglot remontadanssagorge.Unélanprotecteurm’envahitet je laprisdansmesbras;satêteselogeasousmonmenton.

–Chhhhuttt,toutvabien.J’avaislagorgeserréeenlasentantsecrisperdansmesbras,commesiellen’avaitpasl’habitude

d’êtreconsolée.Enmêmetemps,enayantgrandisansmèreetavecuntelpère,ellen’avaitsûrementpasl’habitude.Jen’avaispaseubeaucoupplusdechance,maisassezpoursavoircequec’était.

–Kira,chuchotais-je.Détends-toi.Laisse-moiteprendredansmesbras,moncœur.Ellesedébattitfaiblementpendantuncourtinstant,puisquandjelaserraiplusfort,ellefinitparse

blottircontremoietfonditenlarmes.Kirasanglota,levisageenfouidansmontorse,pendantunlongmoment.Sasouffrancemedévastait.

Ellefinitparsecalmeretrelevalatête.Latendressequim’envahitàcetinstantneressemblaitàriendeceque j’avais puvivre avant.Çam’inquiétait unpeu,mais jemismes craintes de côté et essuyai dupouceleslarmesdeKira.J’écartaiquelquesmèchespourvoirsonvisage.

–Toutvabien.Jesuislà.–DitleDragonàlasorcière,ajouta-t’elletendrement,leregardtoujoursembué,maisplusbrillant.Celamefitrire.–Là,jeteretrouve.Ellesouritlégèrementetrecula.Mesbrasmesemblèrentbienvidessoudain.Elles’effondrasurune

deschaisesdubalcon,jeprisalorscellequisetrouvaitdel’autrecôtédelapetitetableenplastique,etm’assis.

–Tuvasmeparlerdecequiestarrivé?Elles’appuyacontreledossierdelachaiseensoupirant,devinantquej’évoquaislesmotivationsde

safuiteenAfrique.Ellepritunegrandeinspirationetselança:–J’airencontréCooperàungaladecharitéorganiséparmonpère.J’étaisrentréàlamaisonpour

l’étéaprèsmapremièreannéed’université.MonpèreavaitprisCoopersoussonaileet lepréparaitàobtenirsonpremierfauteuildejuge.

Ellesemorditlalèvreetregardaailleursunmoment.– Bien que mon père ne fasse plus de politique, il est toujours très impliqué dans le monde

judiciairedeSanFrancisco.Elleme fusilla du regard pendant un quart de seconde et jeme demandai si elle pensait àmon

implicationdans lemonde judiciairedeSanFrancisco.Heureusement, jen’avais jamaisétéencontactavecFrankDallaire.Ellerestasilencieuseunmoment.

–Bref,Cooperetmoiavonscommencéàsortirensembleàlaplusgrandejoiedemonpère.Ellefixal’horizon,perduedanssessouvenirs.–C’étaitlapremièrefoisdemaviequej’avaisl’impressiondeluiplaire.Jemesentais…Jeme

sentais désirée. C’était un sentiment très fort. Presque comme une drogue dont on deviendrait

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instantanémentdépendant,dit-elleensecouantlatête,abattue.–Donctun’asjamaisvraimentaiméCooper?Jedétestaislasensationdepiqûrequelajalousieme

faisait ressentir quand je pensais àKira avec un autre homme,même s’il appartenait à son passé. Jem’efforçaidechassercettevision.

–Oh,jepensequesi.Ilétaitpolietavaitlesmanièresd’ungentleman.Monpèretrouvaitquenousallionstrèsbienensemble,etilpensaitquenousnouséquilibrerionsparfaitement.Cooperauraitfiniparm’apprivoiser,etmoi je luiauraisoffert lenomdeDallairepoursacampagneetsafuturecarrièredejuge.

–Ques’est-ilpassé?demandai-je,lapeurauventre.–NousnoussommesfiancésàNoëletje…disonsquejeluiaidonnémavirginité.Elle fronça les sourcils et se détourna pendant ce quime sembla être une éternité.Mesmuscles

étaienttendusetjefisuneffortpourmecalmer.–Jet’enparlecarçaasonimportancepourlasuitedel’histoire.–D’accord,Kiras’éclaircitlavoixavantdereprendre.– J’avais prévu de rentrer cet été-là, et de commencer à préparer lemariage. Cooper était très

impliquédanssacampagneetsonéquipetravaillaitàl’hôtelSt.Regis.Kiraobservasesonglesquelquessecondesavantdereprendre:– J’étais sortie plus tôt de mes examens et, au lieu de rentrer directement à l’appartement que

possédaitmonpère,j’avaisdécidédefaireunesurpriseàCooperàl’hôtel.Sonairdevintencoreplussombre.–Cooperatoujourssembléinsatisfaitaulitavecmoi.Ilnel’ajamaisvraimentdit,maisilfaisait

assezbienpasserlemessage.Aussi,jem’étaisditquepeut-être,sijelesurprenais,enportantuntruc…Tuvoiscequejeveuxdire.Ellerougit.

–Bref, je suismontée dans sa chambre et unmembre de son équipe de campagne, qui attendaitmanifestement leroom-service,aouvert laporte. Ilaessayédem’empêcherd’entrerdans lachambre,sanssuccès,etjesuistombéesurCooper,avec…desfemmes.

–Desfemmes?Plusieurs?Kirahochalatête,l’airblessé.–Ilyenavaitunesouslui,etunederrièreluiquiseservaitd’ungenrede…Ellesecoualatêteetfermalesyeux,essayantmanifestementdefairedisparaîtrecetteimagedesa

mémoire.–MonDieu…Ellemitsonvisagedanssesmainsuninstantetrepritsarespiration.–Jen’aipasbesoinquetumedécriveslascène.J’aisaisil’essentiel,dis-jelavoixétranglée.Ellefitunsignedetête,l’airsoulagé.–Ilyavaitdeslignesdecocaïnesurlatablebasseetunebouteilled’alcoolàmoitiévide.

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–Putain,dis-jeenmepassantlamaindansmescheveux,revoyantCooperleGolden-Boydanssatenuedetenniscetaprès-midi.

–Coopers’estfinalement«dégagé»quandilafiniparmeremarquer,maisilétaitivreoudrogué,oulesdeuxenmêmetemps.Jenesaispas.Ilacommencépars’excuser,maisçaadégénéré.Ils’estmisàmehurler dessus, disant qu’il ne voulait pas d’une pute comme épouse.Qu’il avait déjà des vraiesprostituéespourça.J’aiessayédepartirmaisilm’aretenueetjemesuisbattueaveclui.Onesttombésparterre,ilm’afrappéemaisjemesuisdégagée.Quandj’aiessayédem’enfuir,ilm’aattrapéeparlacheville et je suis tombée sur la tablebasse enverre. Jeme suis cassédeuxcôtes,monvisageaprisaussi,etjemesuisouvertlebras.Touts’étaitpassétrèsvite,c’étaitunvraicarnage.Ilyavaitdusangpartout.Lesmembresdel’équipedecampagnedeCooperquiétaientdansuneautrepiècesontarrivésencourant.Ilsm’ontsortieetquandnoussommesarrivéschezmonpère,ilsontfiniparappelerunmédecin.

–Kira,dis-jelavoixtremblanteetlecœurserré.Jecomprenaisparfaitementpourquoielleétaitsifragilequandils’agissaitdesexe.Cen’étaitpas

justeàcausedesonpèreetdu licenciementdeRosaMaria.C’étaitbienpluspersonnelqueça,on luiavaitfaitcomprendrequesesdésirsétaientrépréhensiblesetchoquants.Etellel’avaitcru.Quipourraitluienvouloir?C’étaitsapremièreexpérience.Ellen’avaitconnuqu’unseulhomme.

Kiradétournaànouveaulesyeux.–Quandmonpèreestrentréàlamaisonetaappriscequis’étaitpassé,dit-elle,levisageànouveau

crispé. Ilm’a dit que j’avais tout gâché.Et puis il s’estmis à vouloir tout rattraper : il a contacté lepersonnel de l’hôtel en inventant que j’avais des problèmes de drogue et qu’à cause de cela, j’étaisdevenueviolenteBiensûr,ilnevoulaitpasentendreparlerdufaitquejeveuilleromprelesfiançailles,maisj’étaistrèsdéterminéesurcepoint.

–Ilt’atoutmissurledos!Elleacquiesça.–Oui. La campagne et le statut de Cooper étaient bien plus importants que sa propre fille. Il a

suggéréunvoyageenEuropepour faire croireque j’étais encurededésintoxicationouenmaisonderepos.Àmonretouronauraitputourner l’histoireànotreavantageenmefaisantpasserpourunefillefortequiavaitvaincusesaddictions.Tuimagineslesgrostitres?«Unehéritièresombredansladrogue,maisgrâce à l’amour et à la dévotionde songénéreux fiancé, elle reprendpeu àpeugoût à lavie. »Quellemerveilleusehistoired’amour.Biensûr,Cooperseraitpassépourunhéros.Sacampagneettoutescellesàvenirauraientétécouronnéesdesuccèsavecunehistoirepareille.Monrôleàmoiétaitceluidelafillepaumée,maistoutça,pourlabonnecause.

–Cen’estpascroyable,lançai-jeEllesoupira.–Commetupeuxl’imaginer,iln’étaitpasquestiondesuivreleplandemonpèrequiconsistaità

m’envoyer enEurope faire du shopping.Mais j’avais envie de partir loin.Même le fait de revenir àl’université ici, enCalifornie,me paraissait trop proche. Je voulais qu’un océan nous sépare, au senspropreduterme.J’étaisdévastéeetj’avaisbesoindemesoignerphysiquementetmoralement.Ilfallait

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quejetrouvecequej’allaisfairedemavie.JemesuisalorssouvenuedelapropositiondeKhotso,quejen’avaispaspuaccepteraudépart.C’étaituneinvitationpourl’aiderdanssonhôpitalet,parlamêmeoccasion,dem’éloignerdemonpèreetCooper.Jesuisrestéeencoreunjour,letempsdefaireuntest,lesMST et le VIH, puis jeme suis envolée pour l’Afrique avec le peu d’argent qui restait surmoncompte.

Elleavaitrougiàl’évocationdesesexamenssanguins,puisprisunairsongeur.–Quandjesuisarrivéelà-bas,jemesentaiscomplètementvidée,désespérée.Maistuvois…Sesyeuxs’étaientéclairéssubitementetj’étaispenduàseslèvres.–J’aitravailléavecdesfemmesquiavaientétéchasséesdeleurvillageparleursfamilles,pourdes

raisons dont elles n’étaient pas responsables. Plusieurs d’entre elles avaient perdu leur bébé. Ellesétaientmaladesettraumatisées.Ellesavaientperdutellementplusquemoi.Jemesuisdisalorsquesiellestrouvaientlaforcedes’ensortir,malgréleursituationdésespérée,ilfallaitquejesoiscapabled’enfaire de même. Des gens souffrent dans le monde entier, chaque jour. Mais il y en a d’autres quitriomphentaussi.Alorsjemesuisditquesicesfemmesmefaisaientconfiancepourquejelesaideàsesoigneretàs’ensortir,jedevaismoiaussiêtrecapabledesurmontermespropresproblèmes.

–Çaal’airsifacilequandjet’écoute.J’avaislavoixétranglée.Commentpouvait-elleêtresiforte?Ellesecoualatête.–Cen’estpasfacile.Çademandedutravail,de lafoi. Il fautcroireenseschances. Il fautaussi

accepterladouleur.Parcequeleproblèmec’estquetunepeuxpassoigneruneblessuresansaffrontertoutes tesémotions.Tudois sentiretcomprendre tadouleur.C’estcommeçaqueça fonctionne.Doncnon,cen’estpasfacile,maisc’estpossible.Ettoutcequejesouhaitemaintenant,c’estquemonpèremelaissetranquillepourpouvoirdéciderseuledecequejevaisfairedurestedemavie.

Je comprenaismaintenant. Je comprenais pourquoi elle était allée si loin pour gagner un peu deliberté. Je comprenais pourquoi elle avait préféré semarier à un étranger plutôt que de demander lemoindrecentimeàsonpère.Detoutefaçon,cetargentseseraitsûrementretrouvéenpartiedanslestringde strip-teaseuses à cause de Cooper. Elle avait décidé de partager la somme en deux parts égales,commesielleneméritaitpasplus.Etellem’avaitchoisi,moi.

–Ettesréflexionst’ontconduiteàquelleconclusion?demandai-je.Quelssonttesrêves,madouceKira?–Jepourraisretourneràl’universitéoudevenirpirateetnaviguersurlesseptmers.Lefaitestque

j’ailechoix.Grâceàmagrand-mèreetàtoi,jepeuxfairecequejeveux.Mesyeuxétaientplantésdanslessiensetj’eussoudainl’irrésistibleenviedetomberàgenouxetde

luipromettredetoujourslaservir.Calme-toi,Gray.Jefinispardire:–Tuferaisunepiratetrèssexy.Elleéclataderireaumêmemomentoùquelqu’unfrappaàlaporte.–Room-service,dis-jeensouriant.

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J’installailesplatssurlatablebasse,laseuleduvastesalon,etnousnousassîmesparterrepourdîner.L’ambiancesemblaitêtrepluslégèremalgrélessujetstrèslourdsquenousavionsabordés,etendépit du fait que Kira venait de partager sa douloureuse histoire personnelle. Peut-être en avait-ellebesoin après tout. J’imaginequ’elle n’en avait pasbeaucoupparlé, voire pasdu tout, d’autant qu’elleétaitpartieimmédiatementaprèslesévènementsetqu’elleétaitrentréerécemment.

–Tusais,dis-jeentredeuxbouchéesd’unbœufStrogonoff,quin’étaitvraimentpasaussibonquecelui de Charlotte, je te dois des excuses. Je t’ai sous-estimée quand je t’ai rencontrée. Je m’étaiscomplètementtrompésurtoncompte.

Kirahaussalesépaules.–J’ail’habitude.Etpuisjet’aipasmalsous-estiméaussi,Dragon.Ellefitunclind’œiletjeluisouris.–Kira,jesaisqu’ons’étaitmisd’accordpourdeuxmois,maistupourrasresterpluslongtempssitu

lesouhaites.Jeveuxdire,situasbesoindetempspourtrouvertaprochaineétape.Ellemeregardaitducoindel’œil.–Tupourraisregrettercetteproposition,dit-ellesarcastiquement.Jeréprimaiunsourire.–Probablement.Tumepoussesconstammentàbout.Maismapropositionestsérieuse.Ellesetournaversmoi,ensouriant,sapetitefossetteenvoûtantecreusantsajoue,etjeressentisune

vaguebrutalededésir.–Çametouchebeaucoup,maisjepensequ’ilseraitbonpourmoiquejetrouvemonproprefoyer.J’essayaid’ignorermadéceptionenentendantcesmots.–Est-cequeturesterasàNapa?S’ilteplaît.S’ilteplaîtreste.Ellepritunairsongeur–Jenesaispas.Sionveutrétablirtonstatutdanslavallée,iln’estpastrèsjudicieuxquejevive

séparéedetoitoutenhabitantdanslecoin.MaisjeresteraienCalifornieunpetitmoment.Jusqu’ànotredivorce.

Jefisunsignedetête,etunsilencegênants’installa.Ellepensaitàmapropresituation?Pourquoiest-ce qu’elle s’en souciait, après tout ? Je ne savais plus ce que je ressentais et je ne voulais pas ypenser.

Après le dîner, j’ai posé les assiettes et les couverts dans le couloir pour que le personnel lesenlève.Enrevenantdanslasuite,jetrouvaiKiradanssachambre,devantlaporte-fenêtredubalcon.Elleadmiraitlaville.Jel’observaipendantquelquessecondes,enregistrantdansmamémoirelavisiondesasilhouette détendue et de sa longue chevelure déployée sur ses épaules.Une bouffée de tendressemesubmergea.Elleétaittellementforteetsibelle.Jem’installaiderrièreelleetjepoussaisescheveuxsuruneépaulepourembrassersanuque.Ellefrissonna,maisnes’éloignapas.

–Kira,murmurai-jeenm’imprégnantdesonodeurdélicieuse.

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Jenesavaispassijedevaislatoucher,etsijedevaisessayerdefaireévoluernotrerelationdansce sens. Peut-être qu’il fallait que je la protège contre moi-même mais, à ce moment précis, j’étaisvraimentincapabledem’arrêter.Etquandj’aiembrasséànouveausoncouetqu’elleapousséunlégergémissement,j’aicomplètementperdumonsang-froid.

Jel’airetournéedansmesbrasetj’aiposémesmainssursesjouesenévitantlebleu,làoùsonpèrel’avaitfrappée.J’embrassaidoucementseslèvres.Unprofondgémissementmontaalorsjusquedansmagorgealorsquejepassaismesdoigtsdanslesondulationssoyeusesdesescheveux,puisj’inclinaisatêtepour pouvoir enfoncer ma langue plus profondément. Je voulais la dévorer, entrer dans sa chaleur,m’imprégnerdesaforcevitale.

Je reculaidoucement, l’emmenant jusqu’àceque l’arrièredemes jambes touche le lit.Puis je laretournaietjelafisbasculerenarrière.Jeprisunelongueinspirationpourtenterdecalmermondésir.

Kiramefixa,lesyeuxmi-clos.MonDieu,elleétaittellementbelle.–J’aienviedetoi,luidis-je,d’unevoixrauque.Elle cligna des yeux, le regard maintenant incertain. Elle aussi me désirait, mais elle n’était

visiblementpasprête.Jem’insultaimentalement,merappelantsoudainsonregardembuéetses lèvrestremblantesdetoutàl’heure.J’auraispulaconvaincredecoucheravecmoicesoir,j’enétaissûr,maisçanemesemblaitplusunetrèsbonneidée.Pasmaintenantquejeconnaissaissonhistoire.Quandelleviendraitàmoi,ilfaudraitquecesoitdesonpleingré.Maisjepouvaistoutdemêmefairequelquechosepourelle.Jememisdenouveauàl’embrasser.

–Laisse-moitedonnerduplaisir,Kira.Laisse-moitemontrercombientuesbellequandjetefaisjouir.

Elleavaittoujoursl’airincertaine,maisellenemedemandapasd’arrêter,jeprisdoncçapourunencouragementetjedéposaiunbaiserdanssoncou.Ellebasculalatêteenarrière,puispoussaunlégersoupirquandjememisàlécheretàmordrelapeaudouceettendredesagorge.Songoûtétaitàlafoisnouveauetfamilier,etlesbattementsdemoncœurs’accélèrent.

–Tuesenvoûtante.Parfaite,luisusurrai-jeàl’oreille,enluiretirantsachemise.Elle leva lesbrasau-dessusde sa tête, l’airmoins inquiet, ledésir ayantchassé sesprécédentes

réserves.J’airetirésonsoutien-gorgeetj’aiprisuninstantpouradmirersapoitrinedénudée.Monpénisétait

pressécontrelafermetureéclairdemonjean,etjeposaimamainsurlapointerosed’undesesseins.Jelagriffaidoucementavecl’ongledemonpouceetKirasecambraengémissant.

–Gray,lâcha-t-elle.Enentendantmonnomsurseslèvres,ledésirquej’éprouvaisdécuplaetjeserrailesdents.Jesuçai

monpouceetmouillaisontétonpour lestimuler, jusqu’àcequ’elle laisseéchapperd’adorablespetitssoupirs. Puis jeme baissai et pris l’autre dansma bouche, enroulantma langue autour ; je lemordisdélicatementpuisl’aspiraiànouveau.Seshanchessecambrèrentcontremonérection.Ungémissementnouséchappaàtouslesdeux.

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LesdoigtsdeKiraseperdirentdansmescheveuxetjecommençaiàembrassersonventre.Jemelevai pour retirer son jean et mes yeux plongèrent dans les siens. Ils étaient si clairs et brillants depassion.Puis,ellefermalespaupières.

–Tuestellementbelle,murmurai-je.Ma fougueuse petite sorcière s’agitait et gémissait, tressaillant de désir. Un homme ne pouvait

trouvercettevisionquepuissammentérotique.Commentrésisteràunetelleréponsedelafemmeàquionfaitl’amour?Laregarderainsi,c’étaitcommeabsorberlesrayonsdusoleil.

Après avoir jeté son jean et sa culottepar terre, jem’agenouillai face à elle et la fis doucementdescendreversmoipourqueses jambessoientprèsdemonvisage.Elleétaitnue,brillanteethumided’excitation.Sonparfummefitpresquegrognertantj’avaisenviedelaprendre.Jetremblaisquasimentdedésirpourcettesublimepetitesorcière.

–Gray,dit-elled’unevoixétranglée.Elleenfouitlatêtedansl’oreillerengémissant.–NonKira,laisse-moit’entendre.Ellemeregarda,troublée,puisselaissaaller.Jefistournermalangueautourdesonclitorisgonflédedésir.Legoûtdesessucsexplosasurma

langueetmonsexedurcitencore.J’allaisjouirjusteenluidonnantduplaisir.Jen’avaisjamaisétéaussidésespéré.Elle s’abandonna légèrement en s’appuyant surmon visage. Je suçai, léchai et savourai sachairhumidependantunlongmomentenl’écoutanthaleter.Sesgémissementsdeplaisirmerendaientfou.Je finis par enfoncer deux doigts en elle. Elle poussa un petit cri, les cuisses tremblantes. Son corpsconvulsaetsecontractaautourdemesdoigts.Unefoisqu’ellefutapaisée,jelevailatêteetdéposaiunbaisersonventre.Kirapoussaunsoupir,puisellepritmonvisagedanssesmainsetjel’embrassai,lalaissant sedélecterde songoût surmaboucheet surma langue.Notrebaiserdurapendant cequimesemblaêtreuneéternité.Monérectiondouloureusecontinuaitàpalpiterdedésir inassouvi.Puis jemelaissaitombersurlecôtéetprissoncorpsnudansmesbras,enremontantlacouverturesurelle.

–Tuesmagnifique,répétai-je,presqueeffrayé.Pourquoilessentimentsquej’avaispourellemefaisaient-ilssipeur?

Elle poussa à nouveau un soupir de plaisir et se blottit contre moi.Mes doigts dessinaient descerclesdélicatssursahancheetj’essayaisdecalmermondésirfurieuxetmessentimentsconfus.Jemesouvinsalorsdumomentoùjeluiavaisditqu’ellen’étaitpasmongenre.Jefailliséclaterderire.Nonseulementelleétaitmongenre…maisc’estcommesielleavaitétéfaitepourmoi.Jechassaicetteidéedésagréable. Je ne voulais pas m’autoriser à penser à des choses pareilles. Ça avait dû la blesserd’entendrecesmotsdanslabouched’unhommeaprèstoutcequ’elleavaitsubiavecsonfiancé,mêmesiellenem’appréciaitpasà l’époque.RepenseràCooperStratton fit redescendre lapressiondansmoncorps,aumoinspartiellement.LarespirationdeKiradevenaitrégulièreetellelaissaéchapperunpetitronflement délicat. Elle s’était endormie. Mon Dieu, si j’avais su que le mariage serait si frustrantsexuellement, j’aurais peut-être demandé plus de contreparties. Elle me rendait fou, elle pouvaitm’agacer,etparadoxalementm’exciterplusquen’importequi.Etpuis,ellem’amusaitaussi.Ellem’avait

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même offert un chien, bordel. Etmaintenant elle allait encore plus loin. Elle venait deme donner saconfianceetsoncorpsdélicieux.Excité?Putain,oui.Satisfait?Absolument.Jesourisintérieurementetembrassailesommetdesoncrâne.

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CHAPITRE16

KIRAJefrappaidoucementàlaportedelachambredeGrayson,memordantlalèvreenattendantqu’il

réponde. Jem’étais réveilléeseuledansmon litcematin,encorenueetenveloppéedans lesdrapsdel’hôtel.Enmesouvenantdecequis’étaitpasséavecGrayson,jem’étaissentiegênéemaisaussi,aufond,habitée par un profond sentiment de tendresse. Il avait visiblement compris la douleur que Cooperm’avait infligée et avait cherché à la faire disparaître. Et aussi fou que cela puisse paraître, ça avaitmarché. Ilm’avait faitmesentirbelleetdésirable, et je suis sûrequeça luiavait coûtécher.En fait,j’étaiscertainequ’ilavaitétéhorriblementfrustré.Jem’envoulais,etpourtantquandilouvritfinalementlaporteetqu’ilmesourit,jepoussaiunoufdesoulagement.Iln’étaitmanifestementpasfâché.Cecidit,c’estluiquiétaitparti.Jem’étaisdemandépourquoiiln’étaitpasresté,pourquoiiln’avaitpasessayédesatisfairesondésir.Jel’auraislaisséfaire.Jepensaismêmequejel’auraissuppliésijenem’étaispasendormietoutdesuiteaprès,ivredeplaisiretvidéeparunejournéeémotionnellementtrèséprouvante.

–Bonjour,dit-il.–Tuespartihiersoir,luilançai-jeensentantmesjouescommenceràs’échauffer.Ils’appuyacontrelechambranledelaporte,enm’observantcommes’ilessayaitdeliredansmes

pensées.Jecachaimesyeuxderrièremescils.–J’aipenséquetuavaisbesoind’unebonnenuitdesommeil,etjenesavaispassituétaisd’accord

pourquejereste.Jen’aipasvouluteréveillerpourteposerlaquestion.Tuavaiseuunerudejournée.Sa délicatesseme donna l’impression qu’ilme prenait dans ses bras etme serrait contre lui. Je

relevailesyeuxetplantaimonregarddanslesien.–Merci.Pour,hum…Pourtout.Unsourireétrangeétiraseslèvres.–Maisjet’enprie.Prêteàpartir?J’acquiesçai.Jeregardaissabouche,cettebouchemagnifiqueetsensuellequejesavaismaintenant

capable de donner tant de plaisir. Je vis soudain se former sur ses lèvres un large sourire entendu,prouvant qu’il savait parfaitement à quoi je pensais. J’ai alors immédiatement baissé le regard sur lavalisequej’avaisdanslesmains.Graysonricanadoucementenprenantsonsacetnoussortîmesdanslecouloir.

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–Tuessûrqueçanetedérangepasquenousnousarrêtionsaucentred’accueil?demandai-jepourchangerdesujet,mêmesijesavaisquenouspensionsàlamêmechose.

Je l’observai du coin de l’œil en marchant vers l’ascenseur. J’adorais son look au sortir de ladouche,avecsescheveuxencorehumidesetdécoiffés,etsonparfumd’hommequim’enivrait.Jenesuispassûrequecequenousavionsfaitlanuitdernièreallaitchangerquoiquecesoitànotrerelation,aussijedécidaid’attendreunsignedesapart.D’ailleursçanechangeraitprobablementrien.C’estcequ’ilavait préciséquand il avait abordé lapremière fois lespointsquipourraient êtremodifiésdansnotrecontrat.Temporaire,çamerevenait.Ilvoulaitquenotrerelationsoittemporaire.Netemontepaslatête,Kira.

– Pas du tout, dit-il. Du moment qu’on ne reste pas trop longtemps. J’aimerais être rentré auvignobleasseztôtpourtravaillerunpeu.

–Onneresterapaslongtemps,lerassurai-je.Justeassezpourdirebonjouretleurfaireunchèque.Ilyaquelquesautresorganismescaritatifsàquijeveuxfaireundon,maisjepourrailesposter.

Unedemi-heureplustard,nousnousgarionssurleparkingducentredanslequartierdeTenderloin,sansdoutelecoinleplusdangereuxdeSanFrancisco,maisoùlesloyersétaientabordables.

QuandGraysonetmoisommesentrésdans l’immeuble,unhommeâgéetmanifestementsans-abrinousbousculaenpassant.Unpeuplusloin,onentendaituneconversationbruyantelesriresetlespleursd’un enfant. Une odeur de hamburgers à la sauce tomate que je pouvais reconnaître entre mille, mechatouillaitlenez.

Une femme aux cheveux courts, noirs et bouclés s’approcha de nous précipitamment. Je laconnaissaisbien.

–KiraDallaire,c’estbientoi?Elle poussa un petit cri strident enme prenant dans ses bras et enme serrant contre son ample

poitrine.J’éclataiderire.–SalutSharon.–Machériej’étaistellementdéçuedenepasêtrelàquandtuespasséel’autrejour.Carlosmel’a

dit.Çafaituneéternité.Ellemedévisageadehautenbasaveclatendressed’unemère.–Bon,tuasl’airenforme.Maiscommentvas-tuvraiment?Qu’est-cequit’estarrivé?demanda-t-

elleenappuyantdoucementsesdoigtssurmajoue,puisentournantmonvisagepourmieuxvoirlagrossemarquequin’avaitpasencorecomplètementdisparu.

JesourisenlaissantSharonfairecesgestestendres.–Jevaisbien.Etça,c’estuncadeaudemonpère,maisçava.Sharon,leslèvrespincées,pritaussitôtunairmenaçant.– Je suisbiencontenteden’avoir jamaisvotépour cethomme.Est-ceque jepeux fairequelque

chose?Jesecouaislatête.–Quelqu’uns’enestdéjàoccupé.

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Jejetaiuncoupd’œilàGrayson,àcôtédemoi.–SharonMurphy,jeteprésenteGraysonHawthorn.Jen’aivolontairementpasexpliquéquelétaitnotrelien.Sharonmejetauncoupd’œilsuspicieux,

maistenditlamainàGraysonenluiadressantunsourirechaleureux.–Onnepeutpasresterlongtemps,maisj’aimeraisvousfaireundon.J’aiparléavecCarlosausujet

dessubventions.Sharonsoupira.– Je dois être honnête avec toi Kira, nous allons devoir fermer les portes jusqu’à ce que la

subventionarrive.–Non,plusmaintenant,dis-jeensouriant.Sharonmepritànouveaudanssesbras.–Tuasvraimentungrandcœur,petitange.QueDieutebénisse.Lesyeuxpleinsdelarmes,SharonsetournaversGrayson.–Est-cequevousvoulezvisiternotreétablissement?Dehors,ilyaquelquesenfantsquetuconnais,

Kira.Ilsseraientheureuxquetuviennesleurdirebonjour.Je jetai un regard furtif àGraysonqui découvrait l’établissement où j’avais passé tant de temps.

C’étaitincroyablementbizarredelevoirici.–Est-cequeçat’embête?–Non,nonvas-y.Quinzeminutesplus tard, j’avaisrédigélechèqueet jouaisàchataveclesenfants.Jerelevais la

têteenriantauxéclatsetenessayantdecontrôlerenvainmescheveuxquivolaientpartoutautourdemonvisage,quandjecroisaileregarddeGrayson.Unpetitgarçon,Matthew,metouchaethurladejoie,cequimefitencoreplusrire.Jetapaidanssamainpourleféliciterdesondéplacementfurtif.Graysonsetenaitjustedevantlaporte,leregardsombre,unpetitsourireauxlèvres.Ilnousregardaitjouer.Jemesentissoudainunpeugênéedem’êtreamuséecommeunegamine.Jecourusverslui,ensaluantdeloinlesenfants.

–Hé,dis-je,enessayantdereprendremonsouffle.–Salut,toi.Ondiraitquetut’eséclatée.Jehaussailesépaules.–Ohoui.Ilssontadorables.Tuesprêtàpartir?Ilhochalatête.–Jecomprendspourquoitut’esautantimpliquéepourcetendroit.J’ail’impressionqu’ilsfontun

superboulot.Jeluifisungrandsourireetsesyeuxseposèrentsurmajoue,ilfronçaalorslessourcilsavantde

détournerleregard.Çaletracassaitencoredevoirqu’onm’avaitfrappée.Celameréchauffalecœur.–Oui,ilsfontunsupertravail,luidis-jesimplement.AprèsavoirditaurevoiràSharon,nousavonsreprislarouteversNapa,verscheznous.Ouplutôt,

versmamaisonprovisoire,corrigeais-je.J’étaistrèsexcitéeàl’idéederetournerdansmonpetitcabanon

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et de revoir Charlotte,Walter,Virgil, José, et Sugie Sug. Ce sentimentm’inquiétait d’ailleurs. JemecomportaiscommesilevignobleHawthornétaitmon«chez-moi»,maiscen’étaitpaslecas.Jesavais,d’ailleurs,qu’ilfaudraitlequitterdansquelquessemaines.EtmêmesiGraysonm’avaitproposéderesterpluslongtemps,j’étaissûrequeçaneferaitquerendreleschosesplusdifficilesencore.J’avaiscédéàmondésirpourlui,cequejeneregrettaispasuneseconde.Mêmesicelaavaitétéanodin,ilseraitencoreplusdurpourmoidelequittermaintenant.Jeneluidiraisjamaisbiensûr,mêmesic’étaitlavérité.Maismaintenantquelemalétaitfait,est-cequ’ilyavaitvraimentlamoindreraisonpourquejeneprennepasduplaisiravecluitantquec’étaitencorepossible?Peut-êtrequejequitteraisGrayson,lecœurbrisé,maisest-cequeçanevalaitpaslecoupdeprofiterpourl’instantdel’alchimiequ’ilyavaitentrenous?Unfrissonmetraversaausimplesouvenirdesescaressesdelanuitprécédente,etencomprenantqu’ilsemblaitmieuxconnaîtremoncorpsquemoi.

–Tuasfroid?demanda-t-ilenmettantsamainfaceauventpourévaluerlatempératuredel’air.–Non,répondis-jesansluidonnerplusd’explications.Letrajetpassaassezvite.Nousparlionsdetoutetderien.Encequimeconcernait,j’avaiseuma

dosedeconversationsdifficilesaveccequis’étaitpasséchezmonpère,puisdanslachambred’hôtel.–Oh,dis-je,àpeuprèsunedemi-heureavantd’arriveràlapropriété,j’aioubliédetedirequeta

fêtevaavoirunthème.–Ahbon?Lequel?demandaGrayson,enhaussantlessourcils.–Ehbien,j’airepenséàlapremièrechosequejet’aiditeausujetdelamaisonquandtumel’asfait

visiter.Ilrestasilencieux;ilnesesouvenaitvisiblementpas.Ilfinitpardire:–Quec’étaitlatanièred’undragon?Jepoussaiunsoupird’impatience.–Non,j’aiditçaàproposdulabyrinthe.–Ohoui,biensûr…Alors,vas-y,rappelle-moicequetuasditsurlamaison,Kira.–J’aiditqu’elleressemblaitàunchâteaudecontesdefées.–D’accord…Et?J’éclataiderireenhaussantlesyeuxaucielfeignantl’exaspération.–Lethèmeseraunbalmasquédecontesdefées.C’estparfait!Etc’estdansdeuxsemaines.J’ai

entouréladatesurlecalendrierdelacuisineetceluidetonbureau.–Deuxsemaines?Maistupensesquequelqu’unvavenirsionlesprévientsitard?– Ils en auront sans doute encore plus envie. En choisissant une date si rapprochée, on leur fait

passerunmessage,on leur laissecroirequ’onse fichequ’ils soient làoupas. Ils seront intrigués.Tuverras,toutelavillevavenir.

Enfinjel’espère.Graysonéclataderire.–D’accord.Tun’auraspasbesoindelireLapsychologiedesfêtespourlesNuls.Tumaîtrisesdéjà

toutçatrèsbien.

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Jesouris.–Enplus,j’aiuntempslimitépourlaissermonempreintedanstavie.–Oh,maistul’asdéjàlaissée,tonempreinte.Jegloussaistimidement.–Jeveuxdireuneempreintepositive.Quelquechosequirestegravée.Je restais songeuse,pensantà toutes les raisonspour lesquelles j’espéraisquemes idéespour la

fêteluiseraientprofitablessurlelongterme.Ilmefixapendantunlongmomentavantderegarderlarouteànouveau.Ilsouriait,maisneditpas

unmot.Quandnous sommes arrivés àNapa, il était unpeuplus demidi.Graysonprit nos affaires et se

dirigeaverslamaison.–Jevaismettreçadansl’entrée.Pourquoiest-cequetuneviendraispasavecmoidansl’unitéde

vinificationpourvoirdansquoituasinvesti?Ilm’adressaunsourirecharmeurpar-dessussonépaule,enplissant lesyeuxàcausedusoleil,et

j’enfustoutretournée.–D’accord.J’habitais icidepuisplusieurs semainesmaintenant, et jen’avais toujourspasété invitéedansce

bâtimentmystérieuxoùGraysontravaillaitconstamment.J’étaisimpatientededécouvrircequ’ilyavaitàl’intérieur.

Ilrevinttrentesecondesplustard,enm’annonçantqueCharlotteetWaltersemblaientêtresortis,etqu’ilsavaientdûprendreSugieaveceux.Jedescendislacollineàsescôtés,enivréeparleparfumdesrosesetdecespetitesfleursblanchesquiavaientuneodeursucréeetboisée.J’inspiraiprofondément:

–Çasenttropbonici.–CesontdesrosesetdesfleursHawthorn,dit-il,l’airfermé.Mabelle-mèrelesaplantéesilya

des années, quand elle était enceinte de Shane. Charlotte lui avait dit que les roses symbolisaientl’équilibre–lafleurenelle-mêmereprésentelabeautéet lesépines,aucontraire,nousrappellentquel’amour peut être douloureux. Les fleurs Hawthorn, c’est évidemment en notre hommage. Ce sont lesdernièresqu’elleaitplantéesici.

–Pourquoi?demandais-jeenrepensantàlabrocheenformederosequeCharlottem’avaitprêtélejourdemonmariage.

–Parcequ’elleétaitentraindelesplanterlejouroùmamère,lafemmeavecquimonpèrel’avaittrompée,adébarquépourm’abandonnersurlepasdeleurporte.Ellen’aeudecesseensuitedemedirequecetteodeurluirappelaitlepirejourdesavie:lejouroùelleavaitdécouvertqu’elleavaitététrahie,etqu’àchaquefoisqu’ellemeregarderait,elleyrepensait.

Mon cœur s’arrêta un instant, puis se remit à battre avec une telle intensité que je ressentis unedouleurdanslapoitrine.

–Oh,soupirais-jeenluiprenantlamain,lagardantserréependantquenousmarchions.C’est…Jesuisvraimentdésolée.C’estcruel.

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Maintenant,jecomprenaismieuxsonamertumeetaussisa…profondesolitude.Ilmesourittristement.–Elleaessayédelesarracherplusieursfois,maisellesrefleurissaienttoujours;ellesnevoulaient

paspartir.Unpeucommemoi,disait-elle.Il souritànouveau,commesiça luiétait indifférent.Jepensequeçaavaitpourtantdû leblesser

profondément. Forcément. Je serrai samain plus fort etme rapprochai, lui offrant le réconfort demaprésences’ilenavaitbesoin. Imaginercethommemagnifiqueêtre rejetépar tousetprivéd’amourmebrisait lecœur.Mais,enmême temps, jenepouvaispasm’empêcherdemesentirprivilégiée. Il étaitextrêmementsecretetgénéralement trèsréservé.Pourtant, ilpartageaitavecmoiquelquechosede trèspersonnel.

–Ma belle-mère était impliquée dans beaucoup d’associations caritatives à Napa, je n’arrivaismêmepasàsuivre.Jepensequ’elleyallaitsurtoutpourlesdéjeunerscauseriesentredames.

Ilricanamaissonrireétaitsansjoie.J’observaissonprofil,comprenantsoudainqu’ilavaitpenséaudépartquej’étaiscommeelle.–Jecroisqu’ilyadifférentessortesdegénérosité.Çamedésolequetabelle-mèren’aitjamaispu

trouvercelleducœurpourêtreplusmaternelleavecunpetitgarçonquin’étaitpaslesien.Ilmeregardal’airunpeuchoqué.–C’estdupassé,maintenant.Non,moijenecroispasquecesoitdupassépourtoi.Jenesavaispasjusqu’àquelpointilvoulaitseconfiermaisjedemandaiavechésitation:–Tuveuxbienmeparlerdetamère?–Mamère?–Honnêtementjenesaispasgrand-chosesurelle,sicen’estqu’elleétaitdanseuseclassique.Elle

étaitmembreduNewYorkCityBalletquandellea rencontrémonpère. Ilsonteuuneaventured’unenuit.Elleesttombéeenceinte.Àcausedesagrossesse,elleadûquitterlacompagnie.Elleaeudumalàm’élever,mereprochantd’avoirruinésacarrièreetsoncorps.Puiselleadécidéqu’ellenepouvaitplussupporterdemevoir.Ellem’aabandonnéici,avecmonpère,puisadisparu.Jen’aiplusjamaisentenduparlerd’elle.

–C’estterriblementégoïste.Elle l’avait abandonné là où il était devenu l’objet d’encore plus de reproches, d’amertume, de

cruauté.Onl’avaitexcludelafamille.Pasétonnantqu’ilsoitsiméfiant.–Onfaitlapaire,tunetrouvespas?medemanda-t-ilavecunpetitsourireironique.Jesoupirai.–Ouais,jecroisbien.Jememordislalèvreenrepensantànosvies.–C’estfoutoutcequ’onaencommun.–Onnes’équilibrepasdutout,n’est-cepas?J’éclataiderire.

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–Paslemoinsdumonde.Onatoutfaux,ensemble.Il seplantadevantmoi,de telle sorteque je fus forcéedem’arrêter. Ilpritmonvisagedans ses

mains,etmesourit.–Onn’apastoutfaux…murmura-t-il,enposantseslèvressurlesmiennes.Saboucheétaittendre,sonbaiserétaitdouxmaisilréveillamoncorpstoutentiercommeàchaque

fois. Il s’arrêta trop vite, me laissant étourdie, la main posée sur son ventre ferme. Lentement, ilm’adressadenouveauun sourire pleind’une arrogancevirile. Je nepus retenir de lui répondrede lamêmefaçon.Jem’exaspéraismoi-même.

–Allez, viensDragon, dis-je en lui attrapant lamain. Je vais découvrir ce que tu fais dans lesprofondeursdelagrottelugubreoùtuteréfugiessisouvent.

Ilrit,enm’emboîtantlepas.Enouvrantlaportedelabâtisseenpierreaupieddelacolline,Graysonappela:–José?–Ici,lançacelui-ci.Lapiècedanslaquellenousétionsentrésétaitgrande.Auplafond,desverrièreslaissaientfiltrerles

rayons de soleil. Il y avait plusieurs grossesmachines de chaque côté de l’allée centrale et, derrièreelles,cequisemblaitêtred’énormesfûtsenacierinoxydable.

Graysonsedirigeaverslamachinelaplusproche.–C’estunebandedetriageoùvontlesgrappesaprèsavoirétérécoltées.Ellessonttriéesàlamain

pourenleverlesraisinsabîmésetlesfeuillesrestantes.Ilfitletourdel’énormeappareil,dépassaletapisroulantetmemontraunesorted’escalator.–Ça,c’estl’égrappoir.Lestigessortentpar-là,poursuivit-il,enmemontrantunrécipientenmétal,

puisretournentdanslaterredesvignes.Ilavançaetjelesuivis.– C’est la deuxième table de tri, m’expliqua-t-il, en pointant une autre table où au moins huit

personnespouvaienttenir.Çaamènelefruitjusqu’auxemployésquiretirentlesderniersboutsdetigesoudefruitsindésirables,toujoursàlamain.

Ilmejetaunregardcharmeuroùbrillaitunepointed’autodérision.– Ici au Vignoble Hawthorn, nous estimons que la qualité du vin vient de celle du fruit. Nous

passonsbeaucoupdetempsànousassurerqueleraisinesttriéavecsoin.Jeluisourisironiquement.–Jen’endoutepas.Combiendepersonnestravaillaientsurlapropriétéautempsdesasplendeur?–Centsoixante-quinze.Aujourd’hui,Graysonavaitsixsalariés:unseulàtempsplein,troisàmi-temps–dontunhandicapé

mental–etdeux,âgés,quiétaientplusdesmembresdelafamillequederéelsemployés.Sijen’avaispas encore compris à quel point il était en difficulté,maintenant, non seulement je le savais,mais jen’avaisplusaucundouteàcesujet!

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Il memontra les cuves de fermentation en acier inoxydable et m’accompagna dans une secondegrande pièce où il y avait desmachines similaires. José semblaitmettre quelque chose en place, trèsconcentrésurcequ’ilétaitentraindefaire.Ilnousfitunpetitsignedetêteetseremitautravail.Aulieude fûts en acier, cette pièce contenait ce qui semblait être des cuves de fermentation géantes en boisinstalléescontre lemurdu fond.Tandisqu’ilmeguidaitdans lapièce, j’écoutaisGraysondécrire lesdifférentes fonctions des équipements, attentive,mais remarquant aussi l’enthousiasme émanant de toutson corps. Il adorait ça. J’aurais voulu prendre du recul et juste l’observer, agiter les bras, ses yeuxbrillantsdefiertéetsesépaulesmassives.Ilavaitl’airvivant,avecplusd’énergiequejamais.

– José installe une nouvelle machine de triage, une secoueuse pour les grains, dit-il. Une despremièreschosesquej’aicommandéeaveclegénéreuxdonDallaire.

J’eusunpetitrirediscret.–C’estunboninvestissement,mesemble-t-il.Jel’observaiunmoment.–TonpèreseraitfierdetoiGrayson.Brusquement,sonvisagesetransformaetj’eusl’impressiond’avoirunpetitgarçonenfacedemoi,

timideetvulnérable.Ilmitlesmainsdanslespochesdesonjeanetsepenchaenarrièresursestalons.–Jepensequ’ill’auraitété,dit-ildoucement,avantdesourireavecfierté.Est-cequetuveuxvoir

l’endroitoùlesfûtssontconservéspourlevieillissement?J’acceptaiensouriant,réalisantàquelpointilétaitencoretouchéparl’imagequesonpèreavaitpu

avoir de lui. Je le comprenais plus que personne, mais pour je ne sais quelle raison, ça me rendaitincroyablementtriste.Graysonmepritlamainetm’emmenajusqu’àlaportedufond.L’airyétaitplusfraiset iln’yavaitpresquepasde lumière.Je lesuivisdans le longcouloirenciment.Enarrivantaubout,jetombaisurunegrandepièceavecdelonguesrangéesdebarils.Ilsedégageaituneodeurâcredebois.J’inhalaiàpleinspoumons,absorbantl’airhumideetterreux.

–CesontdesfûtsbourguignonsfabriquéavecduboisdecetterégiondeFrance,m’expliqua-t-il.–Hum.Pendantcombiendetempsest-cequevousfaitesvieillirlevin?–Celui-ciestenfûtdepuiscinqans.Ilestquasimentprêtàêtremisenbouteille.Cequi,encoreune

foisgrâceàl’héritageDallaire,vaenfinpouvoirêtrefait.Doncilavaitétémisenfûtjusteaprèsquesonpèretombemalade.L’unedesdernièreschoses

quiavaientétéfaitesici,auvignobleHawthorn.Jusqu’àcejour.–Tulemetsenbouteilleici?–Onlefera,unefoisquemanouvellemachined’embouteillageseraarrivée.– Je ne savais pas qu’il y avait autant d’étapes, dis-je en détaillant les barils quim’entouraient,

songeuse.–Jet’aiseulementmontrécommentlefruitétaittransformé.Ilyaencorebeaucoupd’étapespourla

fabricationduvin.Jet’expliqueraiçaunautrejour.Unautrejour…etpourtant,ilsétaientcomptésici.Avantquejenepuisseréagir,jecomprisque

Grayson s’était rapproché demoi. Je soupirai en voyant l’intensité de son expression.Même dans la

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pénombre,jepouvaisvoirlefeubrûlerdanssesyeux.Jefisunpasenarrièreetmecollaicontrelemurenpierrederrièremoi.Sesmainsseposèrentdechaquecôtédemonvisage,avantqu’ilnesepencheversmoi.L’airdecettepièceétaitglacial,etseslèvrescontrelesmiennessemblaientparticulièrementbrûlantesettendres.

–Tuessichaude,murmura-t-il,lisantmanifestementdansmespensées.En s’appuyant contre lemur, il poussa sa langue entremes lèvres entrouvertes. Il posa alors les

mainssurmesjoues,meforçantàm’agripperàsoncoupournepasglisser.Commentétait-ilpossiblequesesbaisersaientunteleffet,qu’ilsm’excitentàcepoint,etmedétendentenmêmetemps?Sonbaiserétaitpleind’assurance,soncorpscolléaumienétaitchaudetdur.Salangueétaitpartout:ellecaressaitmon palais, l’intérieur demes joues,mes dents, puis elle revenait s’emmêler à lamienne comme s’ilcherchaitàconnaîtrechaquerecoindemabouche.J’essayaisderetenirlesgémissementsquimontaientdansmagorge,envain.Jegémis,colléetoutcontrelui;j’avaisl’impressionquemoncœurbattaitentremesjambesetmestétons,dursetsensiblesfrottaientdélicieusementcontresontorse.

J’avaisdéjàembrassédeshommesdansmaviemêmes’ils’agissaitplutôtdegarçons.Jecomprissoudainquejen’avaisjamaisétéembrasséecommeça.Entoutcas,passic’étaitcequ’unbaiserdevaitfaireressentir.

EnsedétachantdemeslèvresGraysondit:–Tuestellementdélicieuse.Jen’arrivepasàmerassasierdetoi.Etpuis,Dieumerci,ilm’embrassaànouveau,salangues’introduisantdansmabouche.Jepassais

mesmainslelongdesmusclespuissantsdesondos.Ilétaitsibienfait,sigrandetimposant,sifort.Unfrissonme parcourut. Je voulais découvrir chaque partie de lui. Je pouvais sentir la pression de sonérectioncontremonventre,faisantcourirunedécharged’excitationdanstoutmoncorps.

Jedescendisalorsmamainentrenousdeux,etlaposaisurcettebossedureàl’avantdesonjean.Ilsursautaetpoussasonsexecontremamain.

–Kira,grogna-t-il.Ilfautqu’ons’arrête.Sioncontinue,çaseraimpossible.Jetremblai.J’étaisdanslemêmeétatquelui,prêteàlesupplierdemeprendrelà,contrecegrand

murglacé.Maisnon,Joséétaitjustederrièrelaporte.Ilpourraitnoussurprendre.QuandjemedonneraiàGrayson,ceseradansunlit,avecbeaucoupdetempsdevantnous.

Graysonrecula,jefixaimonregardsurlapreuvedesonexcitation.Sonjeanétaittenduetgonfléauniveaudelabraguette.Jedéglutis.J’avaistrèsenviedeleprendredansmamain…

J’avaisenviede lui, je le reconnaissaismaintenant. J’avaisdésespérémentenviede lui,etçameterrifiaitautantqueçam’excitait.

J’avaiscrupouvoirluirésister,maisj’avaissous-estimésonpouvoirdeséductionsurtoutquandilmelaissaitentrevoirlesaspectslesplusvulnérablesdesapersonnalité.Maintenant,jenepouvaisplusluirésister.

–Ondevraitrentrer,dis-je,enmerecoiffanttantbienquemal.Ilm’observaunmomentavantderepousserdudoigtunemèchebouclée.–Resteavecmoicettenuit,Kira,chuchota-t-il.

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Lapeuretledésirmeprirentauxtripes.C’étaitjoueraveclefeu.Jelesavais.Etpourtant…J’enavais tellement envie. Je voulais le connaître intimement. Je désirais qu’il me fasse sentir belle etdésirablecommeill’avaitfaitlanuitdernière.Jevoulaisaussisentirsoncorps,savoircequ’ilaimait,cequilerendaitfou.Ilyavaitdegrandeschancesquejetombeamoureusedelui.Peut-êtremêmequec’étaitdéjàfait.Maisjesauraisgérermessentiments.Àquoibonvivresitoutétaitennuyeux?Est-cequeça ne valait pas le coup de risquer son cœur pour découvrir le plaisir avecGraysonHawthorn ?Unplaisirquim’embraseraitentièrement.Peut-êtreque jen’aurais jamaisplus l’occasiondeconnaîtrecegenredepassion.Est-cequejenedevraispasvivrecetteexpériencetantquej’enavaisl’opportunité?Mêmesicelas’avéraitdifficile, jesauraisgérermesémotions.Etjenem’autoriseraijamais,augrandjamais,àcultiver l’espoir ridiculequecoucheravecmonmaripuisse l’ameneràavoirdes sentimentspourmoi.

–Oui,luidis-je,enleregardantdanslesyeux.Ilpritmamainet la serra très fort, triomphant.Nousavons salué José, etnous sommessortis au

grandjour.Nousavonsdescendulacollineetquandnoussommesrentrésàlamaisonquelquesminutesplustardj’aiattrapémavalise,déposéeparGraysonunpeuplustôt,puisj’aiprisladirectiondemoncabanon.

–Hé,tuvasoù?demanda-t-il.–Chezmoi,luirépondis-jeenmeretournant.–Tun’habitespluslà-bas.Tuasdéménagé.–C’esttoiquiasfaitça?demandai-jeenplissantlesyeux.J’aimais mon petit cabanon. J’appréciais d’avoir mon espace. Et si les choses avançaient entre

Grayson et moi d’une autre manière, il serait encore plus important que je garde un endroit où meréfugier.

–Oui.L’unedesraisonspourlaquelletuestombéemaladec’estqueturespiraisunairpoussiéreux,etquetuprenaisdesdouchesfroides…

–C’estridicule!J’avaischopéunvirus.Celan’arienàvoiraveclapoussièreoulesvirus.–Jen’ensaisrien,toujoursest-ilquetuemménagesici,danslamaison.–Non.–Si.Noussommesrestés, faceà facedans l’entréependantplusieursminutes, jusqu’àcequeGrayson

croiselesbrasets’appuiecontrelemur.–Jeterappellequetuasacceptédedormirdansmachambrecesoir.–Oui,cesoir,maisçaneveutpasdirequejem’installeavectoi.–Mais,si.–Non jenem’installepasavec toi,grognai-je. Je regardaialors l’escalier,puis je reportaimon

attentionsurGraysonenhaussantunsourcil.–Onfaitlacourse.Celuiquigagnedécidera.Iléclataderire.

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–Tuveuxfairelacourseavecmoi?Oh,petitesorcière,tun’aspaslamoindrechancefaceàmoi.Tupeuxmêmedéclarerforfaittoutdesuite.

–Jen’abandonneraijamais.Etjenepensaispasauxescaliersmaisàlarampe.Tuprendsuncôté,jeprendsl’autre.

J’avais rêvé de glisser sur ces rampes depuis le premier jour où je les avais vues ! C’étaitl’occasionrêvée.J’étaisuneprodelaglissadesurrampe.Ilyenavaittroischezmonpère.

Graysonritdeplusbelle.–Tuplaisantes?Enguisederéponse,jemecontentaideleregarder,lessourcilsarqués.–Non,évidemment,tuneplaisantespas.C’estcomplètementridicule,tusaisça?Pourtant,nousavonsgrimpé lesescaliers.Unefoisenhaut, il s’installasur la rampededroiteet

moisurcelledegauche.J’avaisposélesfessessurleboisbrillant.–Jen’arrivepasàcroirequejesuisentraindefaireça,marmonnaGrayson.–Situaspeur,jepeuxtelaisserpartirenpremier,dis-je,enluisouriantinnocemment.Ilmeréponditaussiparunsourire.Diabolique.–Cen’estpaslapeine,sorcière.J’ajustaimapositionsurlarampe–Àvosmarques,prêts,partez!Quand je commençaima descente, je poussai un grand cri dévalant à toute vitesse le bois lisse.

J’avaisdumalàconservermonéquilibreetjememisàhurlerquandjemanquaidebasculersurlecôté,me redressant miraculeusement. J’entendais Grayson rire aux éclats près de moi, mais j’évitai de leregarder.J’arrivaienbasbienplusvitequeprévu,etjemeretrouvaiàvolerdanslesairs.Jefinisparatterrirsur lemarbrefroidenmerattrapantsurmesmains.Étourdie, jecrusentendre laportes’ouvrirmais jenepouvaisplusm’arrêterde rire surtoutquand jevisGraysonqui se tordaitde rire luiaussi,étalé par terre. J’étais presque sûre d’avoir atterri la première. Nous sommes restés allongés là unmomentàreprendrenotresouffle.Nosriress’atténuèrentpeuàpeu.Jelevailesyeuxetcomprisqu’ilyavait quatre paires de chaussures face à nous. Je relevai la tête et aperçusWalter qui nous regardait,interloqué.Àcôtéde lui,Charlotte, l’airchoqué,mefixait, laboucheentrouverte.Ellese tournaalorsversGrayson.

Jeme redressai alors, n’ayant plus du tout envie de rire, surtout quand je découvris les visagesstupéfaitsd’unhommeséduisant,accompagnéed’uneblondemagnifique.

L’hommesemitsoudainàrire.–Salut,dis-jeenluitendantlamain.Jesuis…–Shane,intervintGraysond’unevoixétranglée.EtVanessa.Jeme tournai vers lui et je remarquai qu’il n’avait brusquement plus l’air aussi enjoué ; il était

glacial.–Qu’est-cequevousvenezfoutreicivousdeux?

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CHAPITRE17

KIRAOhmonDieu.Shane : le frèredeGrayson.Vanessa : la femmequ’il allaitdemanderenmariage

avantd’allerenprison.Maintenantl’épousedesonfrère.Ici.Enchairetenos.Jemislesmainsdanslespochesdemonjeanenfaisantdemonmieuxpouravoirl’aircooletsereine.Oudumoinsautantqu’onpuisse l’être en se relevant après s’être étalée sur le sol à la suite d’un vol plané depuis une ramped’escalier.

–Est-cequec’estelle?demandaShane,leregardfixésurmoi.Jenesavaispasvraimentquoifairedecettequestion,maisilmeregardaitdefaçonamicaleetsa

voixétaitchaleureuse.Jedécidaidesourire,etluitendisànouveaulamain.–KiraDallaire.–Hawthornmaintenant,n’est-cepas?Shaneme fit un grand sourire enme serrant lamain. Je jetai un regard àGrayson qui, lui, était

complètementindéchiffrable.–Ah,c’estvrai.Effectivement,c’estça.J’oublietoujours,murmurai-jeenm’éclaircissantlavoix.–Biensûr,c’estencoretoutnouveau,pasvrai?ditShaned’unaircomplice.–C’estvrai,chuchotai-je.Lagrandeblondecharismatiquemefitunchaleureuxsourire,s’avançapourmeserrerlamain,après

quej’ai lâchécelledeShane.MonDieu,elleétaitvraimentsublime, lapetitesœurdeGraceKellyenplusbelle.

ShaneregardaGrayson.–QuandCharlottenous a annoncé lanouvelle, tupeux imaginer le chocqueça a été.Maisona

espéréqueçavoulaitdire…–Quevousseriezlesbienvenusdansmamaison?demandaGraysond’untonglacial.Vousaviez

tort.Vouspouvezfairedemi-touretrepartir.– Gray, dit Charlotte en s’approchant de lui. Ils ont fait tout ce chemin pour vous voir et pour

rencontrerKira.–C’esttoiquiasmanigancétoutçaCharlotte?demandaunGraysonlivide,enfoudroyantCharlotte

duregard.

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–Grayson,murmurai-je,malàl’aiseaumilieudecetteréuniondefamilleglaciale.Peut-êtrequejedevrais…

Ilm’interrompit:–J’aigagné.Pendantuneminute,jen’euspaslamoindreidéedeceàquoiilfaisaitréférence.Notrecoursesur

lesrampes.D’ordinaire,j’auraisargumenté–cariln’avaitévidemmentpasgagné–maisj’aicomprisquecequ’ilavaitvraimentvouludire,c’estquemaintenant, jen’avaispasd’autrechoixquederesterdans la maison si nous ne voulions pas éveiller les soupçons de son frère et de sa belle-sœur –accessoirementsonex-petiteamieetquasimentfiancée.DouxJésus!Ça,c’étaitdansl’éventualitéoùilleurdemanderaitderester.Etdansl’éventualitéoùilleurdiraitquenousétionsréellementmariés.Moncœurbattaitlachamade.Jemesuiscontentéed’acquiescer.

Walternousrappelaalorssaprésenceendisant:–Sivouspermettez,jecroisquejevaisvouslaisser.Jepensequejevaisfairepareil.JeposailesyeuxsurmavaliseetlesacdeGraysonquiétaienttoujoursprèsdelaporte.–Jevaismonterlesaffairesetvouslaisserdiscuter.Jesentisqu’ilsmesuivaientduregardquandj’allaichercherlessacs.C’étaittrèsgênant.Lesilence

envahitlapièce,onn’entendaitplusquelebruitdemespas.Jedevinstouterouge,etjemeretournaiunefoisaupieddel’escalier.

–Onsevoitpourledîner,donc,dis-jeaprèsm’êtreéclaircilagorge.Jeregardaisautourdemoi,maisGraysonnemevoyaitpas.IlfixaitVanessaavecuneexpression

que je n’avais jamais vue auparavant sur son visage. Il ne me répondit pas et ne daigna même pasdétournersesyeuxdeVanessaassez longtempspourpouvoirmeremercier.C’étaitcommeuncoupdepoingdansl’estomac.

J’entendislesgriffesdeSugiecliquersurlesol.Elledébarquadanslapièceennousregardant.Ellereniflaetbaissalatête.

–IciSugie,dis-jecalmementetelletrottajusqu’àmoi.–Ravidet’avoirrencontrée,Kira,ditShaneenlançantunregarddesympathie.Ilsavaitquesonfrèreaimaitencorecettefemme.Charlottemefitunsignedetête,enposantles

mainssursonestomac.Pourquoiest-cequ’ellem’avaitpousséedanssesbrassiellesavait?Est-cequ’elle voulaitque jem’enaille?Vanessame fit unpetit sourire, jeta ensuiteun coupd’œil furtif àGraysonavantdeseretournerversmoietmesjouesécarlates.Ellel’aimaitaussi?OhmonDieu.C’enétait trop. Je tournai les talons, etme dépêchai demonter lesmarches pour rejoindre la chambre oùj’avaisdormiquandj’étaismalade,avecSugiedanslespattes.Enjetant lessacsà terre, jem’adossaicontrelaportefermée,assezlongtempspourreprendremonsouffle.

StupideKira,medis-jeenmeréprimandant.Quelquesbisous,quelquesrévélationspersonnellesettuaspenséqueGraysonétaitquoi?Tonami?Tonvraimari?Tuesunesacréeidiote!Idiote, idiote,idiote!Lamanièredontilavaitregardécettefemmeenbasétaitincomparableaveclafaçondontilme

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regardait,moi.Maiselleétaitmariéeà son frère…Cen’étaitpascommes’ilpouvait la récupérerunjour.Oui,maislesimplefaitqu’illadésireencorefaisaitdéjàbienassezmalensoi.Etjedétestaisça.Jedétestaisça.

Je me redressai. Bon, Dieu merci, je ne m’étais pas entièrement donnée à lui. Tout allait bien.J’allaisbien.Nousavionspartagéquelquesmomentsintimesetmaintenant,nouspouvionsrevenirauplaninitialquiétaitdetoutemanièreunebienmeilleureidée.

Soudain,on frappaà laporte, et je sursautai,m’éloignantunpeuavantdeme retourner. J’ouvrispourdécouvrirVanessaquisetenaitfaceàmoi.Ellesourittimidement.

–Est-cequejepeuxentrer?demanda-t-elle.Jedéglutisetluirendistoutdemêmesonsourire.Jeluifissigned’entrer.–Jeviensjusteicipourprendremadouche,dis-je,conscientedemonmensonge.Celledelasalle

debainsprincipalenefonctionneplus.Vanessasoupira.–MonDieu,dis-moiplutôtcequimarcheici.Toutesttellementdifférent…Elles’interrompitmaisj’avaisdéjàcomprisquelemot«différent»danssabouchen’avaitriende

positifdanscecasprécis.Sugies’approchaet reniflacraintivement lespiedsdeVanessa.Cettedernièrereculaetsebaissa

pourlacaresser,maiselleretirasamaindèsqu’ellevitsatête.–Oh,elleest…C’estunefemelle?–Elles’appelleSugie,répondis-jeenl’attrapantavantdel’installersurlefauteuilàdroitedulit,de

luifairequelquesgratouilles.PuisjerevinsàVanessa.Ellepritplacesurletabouretdelacoiffeuseetcroisasesjambesfuselées.Jem’assissurlecoffre

au pied du grand lit. Vanessa portait une jupe rose, courte et charmante avec un haut en soie à finesbretellesgrispâlequifaisaitressortirlacouleurdesapeaubronzée.Unsautoirenperleformaitunnœudentresesseins.Elleypassalesdoigtsnerveusementenm’observant.Cetexamendétaillémestressait.

–J’adoretatenue,luidis-je.Etc’étaitvrai.C’étaitchic,àlafoissimpleettendance.Ellemefitungrandsourire.–Merci.Çafaitpartiedemacollection.J’aiunepetiteboutiqueàSanDiego.Jepenseaussiàen

ouvriruneici.C’estunedesraisonsdecevoyageenfait : trouverunlocal.Jen’aipasgrandidanslarichesseetavoirdustyleavecunpetitbudgetatoujoursétéunepassionpourmoi.C’estleleitmotivdemaboutique:êtreéléganteetstyléeavecunpetitbudget.

Ellerougitetbaissalesyeux.–Pardon,jeparletrop.Elletoussa,puisrelevalatêteetcontinua:–NousétionstellementcontentsquandonaentenduqueGraysons’étaitmarié,dit-elleenchangeant

desujet.Etelleavaitl’airsincère.Mesdoigtstapotaientfrénétiquementsurmesgenoux.

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Jefinisparluidire:–Merci.Voussavez…Jenesaispasexactementcequ’ils’estpasséentreGraysonetShane,mais

j’espèrequ’ilspourronttrouverlemoyend’arrangertoutça…Putain, c’était vraiment bizarre. Est-ce que je devais faire comme si Grayson et moi étions

vraimentmarietfemme?J’auraisaiméqu’ilprenneunmomentpourmeparlerdetoutçaavantd’avoirce tête-à-tête avec Vanessa Hawthorn. Elle avait l’air d’être très gênée, elle aussi, et je ne pouvaism’empêcher deme demander ce qu’elle ressentait pour Grayson. Pourquoi lui avait-elle fait ça ? Jemouraisd’enviede luiposer laquestion,maisçan’auraitpasétécorrect ; jenesavaismêmepass’ilfallaitquejefassecommesij’étaisaucourantdequoiquecesoit.

–Moiaussi,dit-elleensemordantlalèvre.Ilssontentraindediscuterdanslebureau.Entoutcas,jetenaisvraimentàprendrequelquesminutespourvenirtevoiret tedireàquelpointjesuiscontented’avoirunesœur.

–Merci,çametouche.Etc’estpareilpourmoi,luidis-jeensouriant.Jesuiscontente,moiaussi,d’avoirunesœur.

Même si c’était temporaire. Je fis tourner ma bague autour de mon doigt, stressée, tandis queVanessa se levait. Sa tenue était impeccable, sans aucun pli. Comment était-ce possible s’ils avaientvoyagé toute la journée?Jevoulaisvraiment ladétester, j’avaisdenombreuses raisonspourça,maiselleme rendait la tâche difficile tant elle était gentille et sympathique. Pas étonnant queGrayson soittombéamoureuxd’elle.Elleavaittoutcequejen’avaispas.

Ellebaissaalorslesyeux,etfixamabague.–Jepeux?demanda-t-elle,l’airabsorbé.Jejetaisuncoupd’œilàmamain,puisretiraislabague

queGraysonm’avaitdonnée.Ellelamitdanssamainetl’observaenretenantsonsouffle.–Uneopale?Regarde!Ellelevalamaingauchepourmemontrerqu’elleavaitelleaussiuneopale,commepierrecentrale,

sursabaguedefiançailles.–C’estmapierrepréférée,m’expliqua-t-elle.Ellereprésentel’amouretlapassion.Ellemefitungrandsourireavecsesdentsparfaitementalignéesetincroyablementblanches.–Onadoretouteslesdeuxl’opale,çaprouvequ’onestfaitespourêtresœurs.Ellemepritdanssesbras, laissant l’odeurdesonparfum légerm’envahir,puiselle reculaaussi

vitequ’elles’étaitjetéesurmoi.–Onseparletoutàl’heure?–Biensûr,dis-jeenluiadressantunpetitsourire.Unefoisqu’ellefutpartie,jem’assissurlelit,lesyeuxrivéssurlabague.Jemesuisremémoréles

parolesqueDianeFersbyavaiteues,disantqu’ellesavaitqueGraysonavaitachetéunebagueàVanessamaisqu’ellepensaitqu’iln’avaitjamaiseulapossibilitédefairesademande.Jenem’étaisjamaisditquecetteopalepouvaitêtreunebaguedefiançailles,maisjem’étaistrompée.

– Il m’a donné la bague qu’il avait l’intention de lui offrir pour leurs fiançailles, chuchotai-je,incrédule.

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Trèsénervéeetblesséeàlafois,jetortillailabaguejusqu’àpouvoirlaretirer.–Salebêtepleined’écaillesJemurmuraicetteinsulteduboutdeslèvres.Néanmoins,l’insulternesoulageapasmapeine.Cela

neréduisaitpaslafêluredansmoncœur,cellequesesmagnifiquesécaillesavaientfaite.

***

Après m’être douchée et avoir essayé, autant que possible, d’oublier cette conversation avecVanessa,jesuisdescenduepourtrouverGrayson.Ilfallaitqu’onsevoieetqu’onparledecequej’étaiscenséefairefaceàcettesituationbizarreetinconfortable.

Jecriaisonnom,envain.JedécidaidesortirettrouvaiShanequiréparaitlafontaine.Ilyavaitunepetiteboîteàoutilsposéeausolprèsdelui,alorsqu’ilétaitpenchéaumilieudubassinvide.

–Hé,luidis-je.Ilseredressaetmeréponditlesourireauxlèvres:–Hé,salut.–J’espéraisbienquequelqu’unsedécideàlaréparer.Sonsourires’élargitencore.–Ondiraitquec’estjusteunepièceàchanger.Jeferaiunsautenvilledemainpourl’acheter.J’acquiesçai.Ilyeutensuiteunsilencegênantavantqu’onsemettetouslesdeuxàrire.Ilmesourit

ànouveau.IlressemblaittellementàGrayson.C’étaitvraimentuntrèsbelhomme,mêmes’ilavaitl’aird’ungamin,làoùGraysonétaitsaisissantdematurité.Maisilétaitaussigrand,ettrèsvirilégalement.

–Est-cequetusaisoùestGrayson?demandai-je.–Ilestallédînerenville.Sonsouriredisparut.Jetombaisdehaut.Graysonétaitpartisansunmot,melaissantmedépatouillertouteseule.Çane

faisaitqueconfirmerquejenecomptaispasvraimentpourlui.–Ah,d’accord.AvecVanessa?chuchotai-jed’unevoixrauqueavantdemereprendre.Shanesecouadoucementlatête,lesyeuxfixéssurmonvisage.–Non.Vanessaestalléevoirsesparents.Jepoussaiungrandsoupir.–Ah,effectivement.Jen’avaismêmepaspenséaufaitqueVanessaavaitgrandiici,elleaussi.Monventreseserraen

pensantàtouslessouvenirsquecestrois-làdevaientavoirensemble.Quelrôleavais-jelà-dedans?Jen’avaispasdeplacedanscetableau.Temporaire,Kira.Tuestemporaire.

Shanes’assitsurleborddelafontaineetmefitunsignedetêtepourmeproposerdelerejoindre.Ilm’offrait un sourire timide. Je décidai de faire les quelques pas qui nous séparaient. Ilm’observa unmoment,etcommed’habitude,jerougis.

–Jepeuxtedemandercequetusaisdecequis’estpasséentreVanessa,Grayetmoi?

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OK,doncpasd’entréeenmatière,droitaubut.–Pasgrand-chose,répondis-jehonnêtement.JustequeGraysonetVanessaétaientensemble,etque

Vanessaettoi,vousvousêtesmariéspendantqu’ilétaitenprison.Jememordislalèvreinférieure.Shaneserenfrogna.–Etque,naturellement,ils’étaitsentitrahi.J’acquiesçai,lesyeuxfixéssursonvisageessayantdedéchiffrersonexpression.J’avaisdumalà

identifierlesémotionsquiletraversaientmaisonauraitditquec’étaitduchagrin.Étrange…–Naturellement,murmurai-je.–Cen’estpastout,Kira.J’aimemonfrère.Jefisunsignedetête,carétrangement,jelecroyais.Ilavaitl’airsombreettrèstriste.–Alorspourquoi?demandais-je.Shanesoupira.–C’estàGraysonque jedoisenparlerenpremier. Jemerendscomptequ’on t’avraimentmise

dansunesituationembarrassante,etsansteprévenir.Jeveuxjustequetusachesqu’onatoutessayé.Ilsecoualatête.–Ilnerépondpasànoslettres,neprendpasnosappels.Laseulechosequenousn’avonspasfaite,

c’estdel’attacheràunechaiseavecdugrosscotchetdeleforcerànousécouter.Jeris,mêmesijenetrouvaispasçadrôle.–Vousdevriezpeut-êtreyréfléchir.Engénéral, leshommespeuventêtre têtusetbornés,mais je

trouvequeleDragonyesttoutparticulièrementdisposé.Shanemedévisageaensouriant,amusé.–LeDragon?C’estcommeçaquetul’appelles?–Uniquementquandilcrachedufeuetqu’ildéploiesesailesautourdelamaison.–Qu’ildéploiesesailesautourdelamaison.LesouriredeShanes’agrandissait.–Charlottenousavaitprévenus,maisj’avaisdumalàlecroiretantmonfrèreestsérieuxetdétaché.

Jusqu’àcequejelevoisglissersurlarampe,commel’enfantqu’iln’ajamaisété…–Ah,ça?Onavaitjustefaitunpari.Shaneinclinalatête.–Jepensequetueslabonnepersonnepourlui.Etj’avaisespéréqu’ilseraitplusdisposéànous

écoutermaintenantqu’ilatrouvélebonheuravectoi.J’étaissoudaintrèsgênée.Commentcethommeallait-ilsesentirquandildécouvrirait lavérité?

Peut-être qu’il ne la découvrirait pas. SiGrayson ne s’était pas sauvé sansmêmeme dire au revoir,j’auraispuluiposerlaquestion.D’ailleurs,pourquoiCharlotteavait-ellemanigancétoutça?J’avaiscrucomprendrequ’ellevoulaitqueGrayetmoisoyonsensemble.Jen’ycomprenaisrien.Et jemesentaistrahiesanstropsavoirenquoi.

–Bon,detoutefaçon,ilnevousapasfichusdehors,pasvrai?C’estdéjàundébut.Shanesourit.

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–Ouic’estundébut.Ilselevaenmetendantlamain.–CharlotteetWalterdînentavecdesamis.Elleamisunplataufourquidoitêtrepresqueprêt.On

dîneensemble?J’aiprissamainetmesuislevée.–Biensûr.Àlamaison,ilsortitlepouletfarcideCharlottedufouretjepréparaiunepetitesalade.Shaneme

parladelasociétéinformatiquequ’ilavaitmontéeàSanDiego.Ilavaitl’aird’adorersontravail,quienplusluipermettaitdetravaillerdechezlui.

–Donctun’avaisaucuneenviedefaireduvin?demandai-jeenmeservantunpeudesalade.Ilfitnondelatête.–Aucuneenvieetaucunecompétence.L’informatique,çaatoujoursétémontruc.Quandj’aihérité

demonpère,j’aiutilisél’argentpourmontermaboîte.–Ehbien,heureusementquetonfrèrevoulaitfaireduvin.Ilacquiesçamaissonvisageétaitfermé.–Oui,heureusement.Jeluiaiparléunpeudemoi,enéludantlefaitquejem’étaiséloignéedemonpèrepourqu’ilneme

posepasdequestions.Aprèsquenousayonsdînéetrangélacuisine,jeluiaiditquej’allaismonterdansmachambrepour lire car j’avais euune longue journéeetque j’étais fatiguée.Envérité, j’avaispeurqu’ilcommenceàm’interrogersurmarelationavecGraysoncarjenesavaispasquoirépondre.

Avantdememettreaulit,jedécidaid’envoyerunpetitmessageàGrayson.J’avaislesentimentquenous avions construit quelque chose ensemble,même si à ce stade je n’arrivais pas encore définir lanaturedenotrerelation.Ilétaitcertainementcontrariéetvulnérableavecl’arrivéeinattenduedesonfrèreetdesonex-petiteamie.Peut-êtreavait-ilbesoind’uneamie?J’attrapaimontéléphoneetcommençaiàécrire:

Est-cequetuvasbien?K.J’ai attendu plusieurs minutes, mais comme je ne recevais aucune réponse, je pris mon livre et

essayaidemeconcentrersurl’histoirequej’avaiscommencée.Uneheureplustard,n’ayanttoujourspasde réponsedeGraysonetbienqu’il soit très tôt, jedécidaidedormir. Je fermai la lumièreetprisunoreillerdansmesbras.

***

Desbraspuissantsquimesortaientdulitmeréveillèrentensursaut.Jemedébattisjusqu’àcequelapersonnequimetenaitpousseuncridedouleur,avantdemelâchersurlelitmoelleuxetdes’effondrerprès demoi.Mon regard croisa alors celui de Grayson, dans la pénombre. Il avait l’air de souffrir,commesij’avaisheurtéquelquechosedesensible.

–Qu’est-cequetufabriques?chuchotai-je,enmeredressantsurlesgenoux.Mescheveuxétaientenbatailleautourdemonvisageetdansmondos.Ils’allongeasursoncôtédulitetlevalesyeuxversmoi,

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l’airsongeur.–Tudevaistecoucherdansmonlitcesoir,articula-t-ilpéniblement.–Danstonlit?Tut’attendaisàcequeje…Tusensl’alcooletleparfumbonmarché.J’essayaisdemasquermapeine.Ilavaitdetoutemanièrel’airtropivrepourremarquerquoiquece

soit.Graysonlevaunsourcil.–Desblondesmesonttombéesdessusaubar.–Oh.Qu’est-cequej’étaiscenséerépondreàça?Effondrée,jeposaimesmainssurmescuisses.Sonex

débarquedoncilvadansunbaret laissedes inconnuesle tripoter?Pourquoin’es-tupasvenumevoirGrayson?

–Maisapparemment,dit-il enpassantundoigt sur l’unedemescuissesnues. Jen’aimeplus lesblondes.J’aimelesrousses.Oulesbrunes.Oulemélangeparfaitdesdeux.J’aimetoi.

Ilmeregardapresqueenlouchant,l’airsoudaindéboussolé.–Pourquoiest-cequetun’espasdansmonlit?Jehaussaislesépaulesentournantlatêteetcroisaislesbras.–Tutemoquesdemoij’espère?!Tudisparaissansdireunmot,enmelaissantmedémerderavec

tonfrèreettonex.Ensuitetuvastesaouler,tulaissesdesfemmestetripoterdansunbar,ettuvoudraisquejet’attendesagementàlamaisondanstonlit?Maistumeprendspourquiexactement?

Jebouillonnaisderageetj’étaisbouleversée.Graysonseredressacontrelatêtedelit.–Jeteprendspourmafemme.Malgrésonétatd’ébriétéilmefitunsourirechaleureuxetcomplice.Jerefusaidemelaissercharmer.Ilm’avaitblessée.–Jen’enaiquelenom!–Alorsilfautyremédier.Cesoir.Tuasditquetuétaisd’accord,toutàl’heure.Ileutl’airsoudaintrèsvulnérable,cequinemanquapasdemefairefondre,commeuneidiote.–S’il teplaîtKira,dis-moiquetuasenviedemoi.C’est justeque…Moi, j’aienviedetoi, j’ai

besoindetoi.Savoix tremblait. Ilavaitbesoindemoi?Donc jen’étais riendeplusqu’une solutionpratique.

Riendeplusqu’unmoyentemporairedesoulagersondésirphysique.Maismoi,jevoulaisplusquesapassion.Jevoulais…OhmonDieujevoulaissoncœur.Jefussoudainprisedepanique.

–Est-cequetuesencoreamoureuxd’elle?C’étaitsortitoutseul.Grayson se raidit immédiatement, il se redressa et évidemment,même s’il était bourré, il neme

demandapasàquijefaisaisréférence.Ilbaissalesyeuxsurmoi,l’airsoudainfroidetdétaché.–Tunevaspasmerépondre?

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Jerelevailementon,refusantdebaisserlesyeux.Jedétestaislefaitqu’ilaitautantdeprestance,qu’il soit simassif, surtoutquand il se tenait au-dessusdemoi commec’était le cas. Ilmeperçait duregardcommesisesyeuxd’ébènepouvaientlireenmoi.

–Jeneveuxpasteblesser,Kira,maislasituationentreVanessa,monfrèreetmoineteregardepas.Çan’aabsolumentrienàvoiravectoi,affirma-t-il.

S’iln’avaitpasl’intentiondemeblesser,ilavaitunedrôledefaçondelemontrer.J’étaisdévastéemaisjecontinuaisàsoutenirsonregard.Jenevoulaispasluilaisserpenserquesesmotsm’atteignaient.J’avaisdéjàdumalàlereconnaîtremoi-même.

–S’ilteplaît,va-t’en,dis-jed’unevoixdéterminée.Jen’aipasenviedetoi.Pasdutout.Il sepassa lamaindans les cheveux, commes’il réfléchissait, commesi c’étaitmoiqui étais en

traindeluifairedumal.Puisiltitubalégèrement,serattrapadejustesse.Iljuradanssabarbe,puissortitdemachambreenfermantdoucementlaporte.

S’ilsnedormaientpasici,jeseraispartieretrouverlesanctuairedemoncottage.J’avaisprévudedormiravecGraysoncesoir.Etmaintenant, lefaitdecoucherdansunechambredanslamêmemaisonqueluim’étaitinsupportable.

Jem’effondraisurmonoreiller,enessayantdemeretenirdepleurer.

***

Sijem’étaisimaginéequ’auleverdujour,leDragonauraitvoléjusqu’àmachambreenmepriantdel’excuser,j’auraisétéextrêmementdéçue!Enfait,jenel’aipasvudutoutpendantlesjoursquiontsuivi.Àl’évidence,ils’étaitréfugiédansl’unitédevinificationpourinstallerlesnouveauxappareilsets’assurerquetoutfonctionnait.Oudumoinsc’estquej’avaisapprisparShane,quiétaitaumoinsaussifrustréquemoiqueGraysonnousignoretous.Graysonn’enavaitmêmeplusrienàfairequ’ondécouvrequenotremariageétaitfictif.

–Jevaisresterdanslecoinetl’obligeràmeparlerdèsquepossible,m’avaitditShane.Jefiniraiparl’avoiràl’usure.

Ilm’avaitfaitunclind’œilmaisilnesemblaitpastrèsconvaincului-même.Jeme refusais à faire lamêmechose.En fait, c’était dansmonADNdeme sauver quand jeme

trouvaisdansunesituationdouloureuse,etc’étaitcequemoninstinctmedictaitdefaire.Maisj’avaisunefêteàorganiseret ilme restaitpeude temps.Commentavais-jeétéassez follepourme laisserunesipetitefenêtredetir?Difficiledem’ensouvenir.LesinvitationsétaientpartiesetlesgensattendaientunévènementqueleDragonn’honoreraitprobablementpasdesaprésence.Toutreposaitsurmoi,mêmesiàcet instant précis ilm’était difficile deme souvenir pourquoi j’avais attaché tant d’importance à cetteréception.

J’aipassélapremièrepartiedelasemaineàrangerlebureaudeGraysonenessayantdemettredel’ordredanssacomptabilité.Walterm’avaitaidéecommeilpouvaitcarc’étaitluiquis’étaitoccupédetenirlesdossiersàjour,mêmes’ilneconnaissaitpasleslogicielsaussibienquemoi.

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Quandnousavonscommencéàéplucherlescomptes,jeluiaidemandé:–Walter,est-cequevouspensezquejepourraisvoirlesbilansfinanciersdesdernièresannées?Je

ne veux pas outrepasser mes fonctions, mais j’aimerais avoir une meilleure idée du moment où levignobleacommencéàdécliner.

Jemedisaisquesijecomprenaispourquoil’entrepriseavaitpériclitésirapidementaprèsledébutdelamaladiedeFordHawthorn,jepourraisêtreplusàmêmed’aideràtenirlescomptesdelapropriété.Jepourraispeut-êtremêmedonnerquelques conseils àGrayson,bienqu’ilne lesméritepas. J’auraisprobablementdûleregarderéchoueravecdélectationetnepasl’aideràtenirsapromesseàsonpère.Maisj’enétaisincapable,jen’avaispaslecœuràçaet,enplus,jevoulaisqu’ilsoitfaitbonusagedel’argentdemagrand-mère.

JeremarquaiqueWalteravaitl’airgêné.–Lesarchivesn’ontpasététrèsbienconservées.ToutaéténégligéquandMonsieurHawthornest

tombémalade.–Maisildoitbienresterquelquechose?Sijepeuxjustejeteruncoupd’œilrapideàcequiest

disponible,jepensequeçapourraitaider.VraimentWalter,jenepeuxrienfairesijenecomprendspascequiestarrivéparlepassé.

Il resta silencieux pendant si longtemps, que je doutaismême du fait qu’ilm’ait entendue.Maisquandj’airelevélatête,j’aivuqu’ilmefixaitattentivement.J’ensursautaipresque.Jusqu’alors,j’avaistoujoursvuWaltercomplètementimpassible.

–Jevaisvoircequejepeuxtrouver,finit-ilparmedire.–MerciWalter.Plustarddanslajournée,Walterm’aapportéunepiledeCD-ROMet,enmeregardantdroitdans

lesyeuxilm’adit:–Cesontlesregistrescomptablesdescinqdernièresannées.–Oh,mercibeaucoup.J’aiposélesmainsdessuspourlesattrapermaisillesaretenusenmedisant–Commevousl’avezdit,ilestplusfaciled’aiderdansleprésentencomprenantlepassé.J’espère

quecesdocumentsvousserontutiles.Jefronçailessourcils.–Oui…Walterlâchalapileenmefaisantunsignedetêteet,droitcommeun«i»,ilquittalapièce.Qu’est-

cequeçapouvaitbienvouloirdire?Jen’avaispasletempsdeparcourirlesCDtantquejen’avaispasmistouslesdossiersencoursà

jour,je me suis donc concentrée là-dessus. J’ai aussi été chercher Vanessa dans la cuisine pour luidemandersielleavaitletempsdem’aideràpréparerlafête.Nousavionsdéjàreçuplusieursréponses,suffisammentpourquejemesenteunpeustressée; lesgensallaientveniretnousavionsintérêtàêtreprêts.Puisqu’onpouvaitm’assister,j’auraiseutortdem’enpriver.J’aiexpliquélethèmeàVanessa,etluiaimontréleslistesquej’avaisdéjàfaites.

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–OhmonDieu,biensûr!J’adorerais,dit-elle.Quelleidéegéniale.–Commentça?J’entendissoudainletimbregraved’undragondansmondos.Nousnoussommesretournéestoutes

lesdeuxpourregarderGraysons’avancerverslefrigoetprendreplusieursbouteillesd’eau,SugieSug,surlestalons.Jeledévoraiduregard.Jenel’avaispasvudepuisdesjours,etc’étaitcommesimesyeuxétaient affamés. Il avait visiblement très chaud et dégoulinait de sueur.C’était glorieux. Je détournaisalorsleregard,attristéeparsaréaction.Àl’évidence,jenecomptaisplusdutoutpourluimaintenantqueVanessaétaitdanslesparages.

–L’idéedesoiréedeKira,ditVanessa.Est-cequ’elle t’enaparlé?C’estunbalmasquésur lethèmedescontesdef…

–Jesuisaucourant,dit-ilenouvrantunebouteille,etenbuvantunegrandegorgée.Monregardrestaitfixésurlesmusclesdesagorgependantqu’ildéglutissait.Lorsquejerelevaila

tête, jevisqu’ilavait lesyeux rivés surmoi. J’aialors toutdesuitedétournémonattentionen faisantsemblantdemeconcentrersurmaliste.Jesentaismesjouesrougir,etjemehaïssais.

Vanessa,toutexcitée,meditalors:–Monpersonnagepréféréc’estlaféeClochette.Ridicule,n’est-cepas?dit-elleenriant.–Pasdutout.DumomentquetuarrivesàconvaincreShanedes’habillerenPeterPan,répondis-je

ensouriant.Elle éclata d’un riremusical comme je n’en avais jamais entendu. Elle ferait une fée Clochette

parfaite.De toutemanière, elle aurait fait une parfaite n’importe quoi. Je la regardai, debout dans salonguerobeàdosnu,avecdesrayurescorailetblanc.Sescheveuxsoyeux,dorésetlissescascadaientsur ses épaules. Elle était parfaite. Je la détestais. Non, en fait je l’aimais bien, et c’était ça que jedétestais.Jem’envoulaisdel’apprécier.Pourquoin’était-ellepasunegrossegarcerepoussante?

–Jevaism’assurerqu’ilressembleàuneversionviriledePeterPan.Avecjustecequ’ilfautdefantaisieenfantine.Toutcommelui.

–Quoi?demandais-je,distraite.Jesecouailatête,meforçantàreprendrelefildenotreconversation.–Oh…Shane…PeterPan,biensûr.Je jetaiuncoupd’œilàGraysonqui revissaitdoucement lecapuchondesabouteilled’eau, l’air

dur,lesmusclesdesamâchoirecontractés.SugievintalorstimidementreniflerlespiedsdeVanessa,quisebaissaetcaressasatêteavantde

retirertrèsvitesamain.–J’ail’impressionquejevaisluifairemalàchaquefoisquejelatouche,dit-elle,gentiment.–Tuneluiferaspasmal.Elleasurtoutbesoind’amour.Laseulechosequipourraitluifairedumal,

c’estqu’onl’enprive.Graysonmefixaunmomentpuis,sansunmot,ilseretournaetquittalacuisine.Sugielesuivit,et

unefoisàlaporte,ellenousregardaenjappanttristement,puisellebaissalatêteavantdecourirpourrattrapersonmaître.

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J’avaislecœurbrisé.JemereplongeaidansmalistepourqueVanessa,quim’observait,nevoiepasmonvisage.Ilnepouvaitpasaumoinsfairesemblantdem’apprécier,pourlaforme?Qu’est-cequeShaneetVanessaallaientpenser?

–Jesuisdésolée,Kira,ditVanessa.Notreprésencemetvotremariageà rudeépreuve.Onferaitmieuxdepartir…

–Non,nefaitespasçapourmoi,Vanessa.ShaneetGraysonontdeschosesàrégleretjenevaispasm’interposer.

Je serais partie bien assez tôt, en revanche Shane sera toujours le frère deGrayson. Je refusaisd’êtrelaraisonpourlaquelleGraysonneluidonneraitpasaumoinsunechancedes’expliquer.Etpuis,quelquesoitl’intérêtphysiquequeGraysonavaitpuavoirpourmoi,ilavaitdisparuvisiblementEtjecomprenaisbienpourquoi.QuipouvaitconcurrencerVanessa?Elleétaitbelleàl’intérieuretsublimeàl’extérieur.Moij’avaisl’impressiond’incarnerparfaitementlesurnomqueGraysonm’avaitdonné,unesorcièrehideuse,enhaillons,dontpersonnen’avaitvoulu.Carengénéral,dansuncontedefées,onnefinitpasaveclasorcière.

Quelques minutes plus tard, Charlotte, très agitée, surgit dans la cuisine, et évalua d’un regardnerveuxlaproximitéentreVanessaetmoi.Jen’avaispaseuunmomenttranquilleavecCharlottedepuisqueShane etVanessa étaient à lamaison,mais à chaque fois que je l’avais croisée, elle joignait sesmainsetsemblaitprierdiscrètement.Çanemeremontaitpasvraimentlemoral.

Vanessa,Charlotteetmoiavonsreprislalisteendétailpournouspartagerlestâches.–Bon,maintenantquivam’aideràfaireungâteauaucarameletaubeurredecacahuètes?Shaneme

l’ademandé,c’estsonpréféré,seréjouit-elle.–Ohmoi,jevaist’aider,ditVanessa.Ilfautquej’apprennelarecettepourquejepuisseluienfaire

detempsentemps.Charlottepritdeuxtabliersdansletiroir,entenditunàVanessaetunautreàmoi.–Laprochainefois,Charlotte,luidis-je.Pourlemoment,ilfautquejefasseunelistedetoutesles

chosesàfaireàl’extérieur.Aumêmemoment,jecomprenaisqueCharlotteetVanessaméritaientdepasserdutempstoutesles

deux. J’allais vraisemblablement quitter les lieux très bientôt, alors que Vanessa, elle, faisait partieintégrantedecettefamille.Enypensant,jeressentisunevivedouleur.C’étaitcertainementexcessifmaispourtantbienréel.Charlottemeregardaunpeutristeethochalatêtegentiment.Jenepouvaispasluienvouloir.Elle savait que j’étais de passage.Vanessa serait là pour toujours alors que j’allais partirbientôt.IlétaitplusimportantqueCharlotteveilleàconstruireunpontentreShane,VanessaetGraysonplutôt que d’essayer de rendre durablema relation avecmonmari. De toutemanière, ce serait peineperdue.Peut-êtrequ’elleavaitfiniparlecomprendre.

D’humeurmélancolique,jesortisetobservailafaçadedelamaison.J’avaisdemandéàuneéquipedejardiniersdevenirdèsquepossible,medisantqu’ilallaityavoirpasmaldetravailpourredonnerunaspectdécentàceterrain.Lamaisonseraitbienplusbelleunefoisquelelierreseraittaillé.Jenotailesquelquespointsquipouvaient,selonmoi,êtrearrangésàtempsdansl’alléecentrale,puispassaiderrière

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lamaisonpour réfléchir à ce qu’on pouvait faire dans cette zone. J’aurais adoré ouvrir la terrasse etnettoyerlapiscine.J’imaginaisdesampoulespenduesdanslesarbresetquiauraientdonnéunelumièremagiquedecontesdefées…

Monregardseperdantauloindanslesrangéesdevignes,jerestaiplantéelàunmoment,àimaginercequecelapourraitdonner.Pourquoiétais-jesiprofondémentdésespéréeetsi triste?Jepensaisàceque Grayson pouvait bien être en train de faire à ce moment précis, à l’amour grandissant que jeressentaispourcelieuetpourlesgensquivivaientettravaillaientici.J’avaisimaginéquemarelationavec Grayson prendrait la direction de… De quoi, Kira ? L’amour ? C’était donc ça que j’avaissecrètementcommencéàespérer?Uneémotionprochedel’angoissemepritàlagorgeetjereculaidequelquespaspourpouvoirm’adosseràunorme,lesyeuxfermés,désespérée.Encoursderoute,j’étaistombée amoureuse demonmari. Il n’y avait aucune autre explication possible à la souffrance que jeressentais,àsasoudaineindifférenceetàlapossibilitéqu’ilsoitencoreamoureuxd’uneautrefemme.

En admirant le soleil qui brillait sur les vignes, j’admis que j’étais peut-être même tombéeamoureusedeGraysondèslapremièresecondeoùj’avaisposélesyeuxsurlui.Jamaisjenel’avouerais,mais j’étais bien obligée de le reconnaître.Mon chevalier en armure étincelante debout devant cettebanque,lacertitudequ’ilmesauveraits’étaitinfiltrédansmoncœurcommeunebrisesecrète.

OhmonDieu,c’étaitunecatastrophe.Uneterriblecatastrophe.Jevoulaism’échapper, fuir ces sentiments, loindeceque jevenaisde réaliser.Et je savaisque

c’étaitexactementcequej’allaisfairedèsquelafêteseraitfinie.Jenepouvaispasrestericiensachantque,à toutmoment, jepouvais tomberencoreplusamoureusedemonmari. Ilnem’aimerait jamaisenretour. Au lieu de ça, mes sentiments non partagés me feraient sombrer, et jamais plus je ne seraisheureuse.

Le passage d’une silhouette solitaire près du labyrinthe, en dessous de moi, m’arracha à messombrespensées.Jeplissai lesyeuxet reconnusShane.Aprèsunecourtehésitation, jemisma listeetmoncrayondanslapochearrièredemonshortenjeanetdescendislapentepourlerejoindre.

–Salut,dis-jedoucement.Iltournalatêtedanstouslessens,manifestementsurprisenpoussantunepetiteexclamation.–Salut,Kira,dit-ilensouriant.–Pardon,jenevoulaispast’effrayer.–Non,non,net’inquiètepas.J’étaisjustepartitroploindansmespensées,jecrois.Ils’assitsurunbancenpierreetmefitsignedefairedemême.Jem’exécutai,enplaçantmesmains

derrièremoi.Jeregardailelabyrintheàcôtédenousetluidis:–C’estvraimentincroyable.Vousavezdûbienvousyamuserquandvousétiezpetits.Shanesoupiraenpassantlamaindanssescheveux,commeGraysonpouvaitlefaireparfois.Ilavait

l’airtriste.

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–MonDieu,non.Unefoislanuittombée,monpèreavaitpourhabitudedenousameneraucentreetdenousabandonnerlàpourqu’onretrouvenotrechemin.Ilnousatorturésaveccemaudittruc.

J’aisentiquejedevenaislivideetmesuistournéeversShane.–Pourquoi?dis-je,lavoixétranglée.Ilhaussalesépaulesetsecoualatête,ressemblantsoudainàunpetitgarçon.–Quisaitpourquoimonpèrenousfaisaitcela?Ilavaitdesidéesbienarrêtéessurlamanièrede

fairedenousdeshommes,etc’étaitl’uned’entreelles!Biensûr,Graysonétantl’aîné,c’estluiquienaleplussouffert.

Ilfitunepauseenfixantsesmainsposéessursesgenoux.– J’entendsencore lespleursdeGraysonqui,nuit aprèsnuit, appelaitnotrepère, enessayantde

trouverlasortie.Sonvisageétaitmarquépar ladouleur. Ilvenaitde faireunbonddans lepasséet, impuissant, il

entendaitsonfrèrecrieràl’aide.J’avaislachairdepouleetm’entouraidemesbras.–Après avoir fouillédans lespapiersdemonpère,Walter a trouvéunplandu labyrinthe et l’a

donnéàGrayson.Jenel’aibiensûrapprisquedesannéesplustard.Graysondevaitavoiralorsseptouhuitans.Walterluiadit:«Tuapprendsça.Vas-yenpleinjour,mémorisechaquevirageetétudietouslesrecoins.Quandtonpèret’yemmènera,c’esttoiquiauraslepouvoir.Fais-ensortequ’ilnesoitjamaisaucourant, et débrouille-toipour connaître ce labyrinthe comme tapoche.Grâce à ça, tun’aurasplusjamaispeur.»Etc’estexactementcequeGraysonafait.Lesourirequiapparutsurseslèvreschassalatristessedesonvisage,etjenepusm’empêcherdel’imiter.Walter.QueDieubénisseWalter.

–Plustard,quandmonpèrem’aentraînédanslelabyrinthe,Graysonsefaufilaitdanslesalléesparl’arrière,metrouvaitetmefaisaitsortirsansquenotrepèren’ensacherien.Ilrestaitcachéjusqu’àceque je sois à l’intérieur, puis il s’y glissait à son tour. Grâce à lui, je n’ai jamais connu lesmêmesfrayeurs. Je n’avais à vivre que ce court instant avant qu’il n’arrive. Et je peux jurer, dit-il la voixlégèrementtremblanteavantdesereprendre,qu’iln’yariendemieuxaumondequelamaindequelqu’unquetuaimesetquit’attrapedanslenoirquandtuesperduetterrorisé.

J’étaisbouleversée.Cepauvrepetitgarçon.Jenesavaispasquoidire.J’étaisincapabledesortirle moindre mot, une énorme boule s’était logée dans ma gorge. Pas étonnant que Grayson déteste lelabyrinthe,ilavaitservidesalledetorturegéante!

–Metrouverdanslenoiretmeprendreparlamain,monfrèreafaitçapourmoideplusieursetnombreusesmanièresaucoursdesannées:

–Alors,pourquoi?murmurai-jeenclignantdesyeuxpourretenirmeslarmes.Shanetournalatêtepourmeregarder.–PourquoiVanessa?demanda-t-il.J’acquiesçaienmemordantlalèvre.–S’ilteplaîtShane,explique-moi.J’essayedecomprendre.J’essayejustedecomprendreetpeut-

êtrequesij’yarrivejepourraisvousaider,d’unemanièreoud’uneautre.Ilsoupira.

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–Parcequejen’aijamaiscessédel’aimer.Ilfitunecourtepauseetileutunpetitsouriretriste.–Onagrandiensemble,tusais,touslestrois.Graysonn’ajamaiseul’airdefaireattentionàelle

alorsquemoi,jel’aitoujoursaimée.Ilregardalecielunmoment,seremémorantcertainementdesévènementsprécis.– Et puis finalement, il s’est déclaré le premier et jeme suis dit qu’il avait peut-être caché ses

sentimentspendanttoutescesannées.Jemesuisdoncmisenretrait,aumomentoùj’allaismoiaussi,luirévéler que je l’aimais. J’aurais clairement dit ce que je ressentais pour Vanessa si cela avait étén’importequid’autre.Maislà,c’étaitimpossible.Graysonn’ajamaisétébientraitédanslafamilleetils’estsacrifiépourmoisanscesse.C’étaitnormalquejem’éloigne.J’aimaisVanessa,maisjel’ailaisséepartirsansdireunmot.

Jeserraileslèvres,pleinedetristesse,enregardantlecielbleu.–Etpuisilestparti…–Oui,dit-iltoutbas.Tudoismetrouverdétestable.–Non.Jenesuispaslàpourtejuger,dis-jedoucement.Shanesoupiraenpassantlamaindanssescheveux.Jen’allaipasplusloin.Jesavaisqu’ilvoulaitexpliquerlasuiteàsonfrèreenpremier.Toutefois,

jecomprenaisdéjàunpeumieuxlasituationaveccettedeuxièmeversion.JemedemandaisjustecequeVanessa ressentait pour Grayson maintenant. Quelle pagaille ! Une pagaille dont il fallait que jem’éloignepourleslaisserréglerleursproblèmesentreeux,d’autantplusdepuisquejesavaisexactementcequej’éprouvaispourGrayson.Jenem’étaispastrompée.Iln’yavaitpasdeplacepourmoidanscettehistoire.Graysonavaitpeut-êtreraisonluiaussi.Peut-êtrequeriendetoutcelanemeconcernait.Assiselà,jemesentaissoudainplusseulequejamais.

– Il m’a parlé de ta maman, sa belle-mère, et du fait qu’elle ne l’a jamais accepté, lui dis-jeprudemment.

Shanepoussaungrandsoupir.– Non, elle le détestait, et avec lui, tout ce qu’il représentait. Elle considérait que sa vie était

parfaiteavantquelamèredeGraysonneseprésenteàsaporte.Jen’étaispasnéàl’époque,maisellel’asouventditaufildesannées.Quantànotrepère,ceen’étaitpasunpapapoule,mêmeavecmoi.MaisilétaitparticulièrementfroidavecGrayson,commepourmontreràmamèrequ’ilreconnaissaitsonerreur.Detoutefaçon,pourelleiln’yavaitaucunmoyendeseracheter.

Shanesetournasoudainversmoi.–Jesuisétonnéqu’ilt’aitparlédetoutcela.Ilnel’ajamaisévoquéavecpersonne,pasmêmeavec

moi.Jehaussailesépaules.– Ilme l’a raconté avec beaucoup de détachement, comme s’ilme parlait de la pluie et le beau

temps.Shanesouritironiquement.

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–Crois-moi,Graysonn’estpastrèsexpressifmaisausujetdesonpèreetdesabelle-mère,ilesttoutsaufdétaché.J’étaislàetjepeuxtel’affirmer.

J’acquiesçai,sanstropsavoirquoidire.Jesavaisjustequ’ilnefallaitpasquejecreuseplusetquej’enapprennedavantagesurlesmalheursdeGrayson,sinonjetomberaisencoreplusamoureusedelui.C’estcommecelaquefonctionnaientlesfemmes,etjenefaisaispasexceptionàlarègle.Eneffet,qu’yavait-ildeplussexychezunhommequedesabdosetuncœurmeurtri?Ondevraitlesmettreenbouteilleetlesvendreparmilliers!Oupeut-êtreécrireunlivre:Abdosetcœurmeurtri:Labibledel’attrape-gonzessespourvous,leshommes.J’auraisrisijen’avaispaseuautantenviedepleurer.

IlétaitmaintenantplusclairquejamaisGraysonnem’aimerait,mêmes’ilarrivaitàtournerlapagedesonhistoireavecVanessa.Soncœurétaitentourédeglace,etj’auraisétébienfolled’espérerlafairefondreunjour.

–Nesoispassitriste.Onaaussiquelquesbonssouvenirsici.Notreenfancen’apasétéfaitequed’horreursetdetraumatismes.Onavaitaussil’habitudedevolerdescookiesàCharlotte,etonembêtaitsouventWalterpouressayerdeluisoutirerunsourire.

Jerismalgrémoi,toutenfronçantlessourcils.–Mercid’avoirpartagétoutçaavecmoiShane.Çametouchebeaucoupquetuaiesassezconfiance

pourteconfieràmoi.Ilm’étudiauninstantavantdemefaireungrandsourire.Sansréfléchirjepassaimesbrasautourde

luienpensantaupetitgarçonqu’ilavaitété,seuldanslenoiravecsoncourageuxgrandfrèrequivenaitluiprendrelamain.Iléclataderireetmeserracontrelui.Commejemedégageaisdenotreétreinte,ilmedit:

–Jesuissurtout…–Tum’asdéjàvoléunefemme,tut’imaginesquetuvaspouvoirenprendreuneautre?interrompit

Grayson.Nous nous sommes tous deux levés très vite comme si on venait de faire une bêtise. Jeme suis

écartéedeShane.–Graysononétaitjuste…–NetemêlepasdeçaKira,dit-il,enfixantShaneavecunregardfurieux.–Putain,Gray,s’exclamaShane,incrédule.Onétaitjusteentraindeparler.GraysonserapprochadeShane,lamâchoirecontractée.Monsoufflesebloquadansmagorge.Jene

savaisplussijedevaispleurerouluibalancern’importequoiàlatête.–Jecroissavoircommentonfaitpourparler,ditGrayson,d’unevoixposéemaisglaciale.Etça

n’engagenilesbras,nilecorps.Alorsexplique-moi,Shane:j’airaison?Une,cen’estpasassez?TuveuxaussiséduireKira?

Shanesemitàcrier.–SéduireKira ?BonDieu, tu es vraiment débile quand tu es jaloux.Tupenses vraiment que je

voudraisdraguertafemme,espèced’idiot?J’aperçusVanessaetCharlottequicouraientalorsversnous.

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LamâchoiredeGraysons’étaitencorepluscrispéeenentendantlemotjaloux.Iljetaunregardnoiràsonfrère,enl’observantlesyeuxmi-clos.

–Jaloux?Tupensesquejenetefaispasconfianceparcequejesuisjaloux?Tunetedispasquec’estparcequetuesunenfoirédetraître,unputaindementeur?Jenesuispasjaloux.

Ilserapprochad’unpas.–Cen’estmêmepasmavraiefemme.Ons’estmariéspourl’argent,grogna-t-il.Jeprisunebrusque inspirationquime lacéra lagorgecommedes lamesde rasoir etmonvisage

commença à brûler. Trois paires d’yeux convergèrent vers moi dans un silence de plomb. Shane etVanessa étaient choqués, Charlotteme regardait, attristée. Grayson, quant à lui, fixait toujours Shane,maisilfinitparmejeteruncoupd’œilencomprenantquel’attentionétaitfixéesurmoi.Sonexpressionchangeabrièvementcommes’ilvenaitderéalisercequ’ilvenaitdedire.

–Kira…commença-t-ilJ’avaisdéjàtournélestalonsetjecourais,loindesregards,loindujugement,loindelahonteetde

cettedouleurintense.Loin.

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CHAPITRE18

GRAYSONJ’étaisunidiot.Unidiotjaloux.Shaneavaitraison.J’étaistombésurKiraetluidanslesbrasl’un

de l’autre et j’avais perdu la tête. Je m’étais complètement fermé depuis que Vanessa et lui étaientarrivés. J’avaismême ignoréKira, après être allé dans sa chambre pour coucher avec elle alors quej’étaiscomplètementbourré.J’étaislaseulepersonneàblâmersielleétaitalléechercherduréconfortauprèsdeShane.Shane, qui avait toujours été un séducteur extraverti. Shane, qui n’avait jamais déçupersonne.

Jeneveuxpasdetoi.Jeneveuxpasdetoidutout.Personneneveutdetoi.Personnen’ajamaisvouludetoi.Biensûrqu’elleétaitàl’aiseetensécuritéavecShane,quineleseraitpas?Unenouvelledécharge

dejalousiemefouettaledosetjegrinçaidesdents.Jamaisjen’avaisétéjalouxàcaused’unefemme,maislebesoindepossessionquej’avaiséprouvéenvoyantKiraetShanes’étreindrem’avaitpousséàbout.Jelesavaisobservéscettesemaine,jelesavaisvussepromenerdanslapropriété,discuter,riremêmeparfois.Unsentimentprochedudésespoirm’envahissait.Ilfallaitquejemeressaisisse.Pourquoiétais-jejalouxaprèstout?Mêmesicen’étaitplusd’actualité,elleavaitacceptédevenirdansmonlit,alorsqu’est-cequejevoulaisdeplus?Est-cequej’étaisénervéparcequej’avaissabotécetterelation,aumême titre que j’avais toujours saboté ce qu’il y avait de positif dans ma vie ? Ou bien était-ceuniquementparcequeShanem’avaitvoléVanessa?Jenem’étaispasautoriséàypenserdepuisqu’ilsétaientarrivés.Aulieudeçaj’avaissimplementdécidédemerenfermer.

Pire même, dans un effort ridicule pour prouver que je n’étais pas jaloux, et, je devais lereconnaître, peut-être également pour faire du mal à Kira, j’avais balancé la cruelle vérité sur notremariage. La blessure profonde et l’humiliation que j’avais vues dans ses yeux me culpabilisaientaffreusement.Encoreunhommedanssaviequil’utilisaitcommesouffre-douleur.Etmerde.Ensuite,elleétaitpartieencourant.Jel’avaischerchéepouressayerderéparermeserreurs,aprèsavoirlaisséShane,VanessaetCharlotte,bouchebée.C’étaitunsacrébordel.J’étaisunsacrébordelàmoitoutseul.C’étaitcommesij’avaisretenudelalavetoutelasemaineetquemaintenantlevolcanexplosait.

Qu’est-cequiavaitfaittournercettehistoireaucauchemar?J’avaisrencontréKiraDallaire,voilàcequim’étaitarrivé.

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Je la trouvai dans la partie sud de la propriété. On aurait dit qu’elle ramassait des abricots. Jerêvais,oubienest-cequ’elle lesmettaitdanssontee-shirt?Jesuisresté làà l’observeruneseconde.Ellesautillaitentrelesfruits,sepenchaitetlesramassait,enenhumantundetempsentemps.Qu’est-cequelapetitesorcièrepouvaitbienavoirentête?Jecomprenaissoudainquej’étaiscomplètementnoué.Pourquoiest-cequemonexaspéranteépousemefascinaitàcepoint,mêmequandj’avaisunebouledansle ventre ? Je m’approchai d’elle lentement. Au moment où j’arrivais à l’endroit où des centainesd’abricots tropmûrs jonchaient le sol, elle avait dix ou quinze fruits qui pesaient dans son chemisierqu’elleavaitretournépourfaireunesortedepochekangourou.

–Kira,dis-jelepluscalmementpossible.Qu’est-cequetufais?–JeramassedesfruitspourlaconfituredeCharlotte,cellequetuaimestantetquiterendheureux.

Jevoulaisenfairedepuisledébutdelasemaine,maisentrelerangementdetonbureau,lapréparationd’unefêtequitepermettrad’entrerdanslabonnesociétédeNapa,tafamilleàgéreretletempspasséàessayer de trouver la façon d’échapper à certaines questions de Shane et Vanessa…D’ailleurs, en ypensant,jetiensàteremercierd’avoirlaissééchapperlavéritéparcequetum’enlèvesunpoids.Tunepeuxpassavoiràquelpointjemesenssoulagéedeplusavoiràmentir!

–Kira,dis-jeenm’approchant.Jesuisdésolé.C’étaitmaladroitdemapart.–Deplus,reprit-ellecommesiellenem’avaitpasentendu,quelgâchisdenourriture!Ilyades

gensquin’ontpasassezàmanger,mêmeprèsdenous,ici,àNapa.Etlà,ilyatouscesfruitsquijonchentlesolcommesic’étaitnormal.C’estscandaleux,vraiment.

–Kira,répétai-je,enmerapprochantunpeuplus.Elleseretournaversmoi,sescheveuxlongsetonduléscaressaientsondosetdesmèchesbouclées

tombaientsursonvisage.Sesyeuxvertsétaientfurieux.Onauraitditunetempêtetropicalesurlepointd’exploser.Sesjouescramoisiesindiquaientclairementqu’elleétaitfollederage.J’apercevaislebasdesonventre,puisqu’elles’étaitfaitunpanierdefortuneavecsonchemisier.Jeretenaismarespirationenla voyant.Elle était le plus bel animal sauvageque je n’avais jamais vu, etmon instinct primaire eutbrusquementledésirdeladompterimmédiatement,ici,maintenant.

Je savaisqu’il fallait que je rampeà sespieds, etmonDieu, elleméritait biencela.Mais aprèsavoirpasséunesemaineàla teniràdistance,enlavoyantmaintenantfaceàmoi, toutfeutoutflamme,ellemefitperdrelecontrôlecommeelleseulesavaitlefaire.

Je m’avançai vers elle et ses yeux s’écarquillèrent. Elle fit tomber tous les fruits qu’elle avaitrécoltésdanssonchemisier.Desabricotsmousettropmûrss’écrasèrentausolenluiéclaboussantlespieds.Ellem’appartenait.Lajalousiequej’avaisressentieenlavoyantdanslesbrasdeShanemebrûlaità nouveau et je la plaquai contre mon corps. En la regardant, je réalisai à quel point je la désiraidésespérémentetcommeilavaitétédurdepassercesderniersjourssanselle.J’étaisànouveaujalouxetvulnérable.J’avaisdésespérémentenviequ’elleapaisemonangoisse,qu’ellesoignecettepartieblesséedemoncœurqu’ellepensaitdigned’êtreaimée.Jevoulaisqu’elleaitenviedemoi,aussi.Mais jenesavaispasexprimertoutescesémotions,nicommentluidemander.Surtoutavectoutcequej’avaisàme

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faire pardonner. Jeme suis donc exprimé de la seulemanière que je connaissais. Jeme suis emparéd’elleetj’aiposémeslèvressurlessiennes.

J’avaisprévudenel’embrasserqu’uneseulefoispuisdelalaisserpartir,maislegoûtdeseslèvrespulpeusessurmaboucheaalluméuneflammedansmonbas-ventre.Jel’aiserréecontremoiincapabledemedétacherd’elle.Elles’estdébattuependantuncourtinstant,sesbrasmerepoussant,alorsquejeraffermissais ma prise. Puis elle s’est mise à sangloter et a passé ses bras autour de mon cou, enm’embrassant à son tour avec passion. J’enroulaima langue autour de la sienne.Le goût de sa saliveapaisaitma douleur etme procurait un sentiment de paix intérieure comme je n’en avais pas ressentidepuisuneéternité.Peut-êtremêmeétait-celatoutepremièrefois.

Avantquejenepuissemeperdredanscebaiser,Kiramerepoussaviolemment.Elle trébuchaenreculant,seslèvresétaientmeurtriesetsesyeuxdésormaispleinsdedouleur.

–Kira,dis-je,enremarquantletonsuppliantdemaproprevoix.Viens.Ellereculaencore.–Non.J’hésitais.Quevoulait-elle?–Onserejointaumilieu.Jemontraisdelatêteunemarquesurl’herbeentrenous.–Non,cracha-t-elle,rebelle.Unevaguedecolèrem’envahit.Jenepouvaispaslalaisserpartir.Jeladésirais,moncorpsentier

vibraitpourelle, j’avaisbesoindelaposséder.Jamais jen’avaisautantvouluunefemme.Merde,quecette petite sorcière aille au Diable ! Qu’est-ce qu’elle me voulait ? J’allais essayer de l’attraper ànouveau,quandellesebaissabrusquementpourramasserquelquechose.Jesentisalorsunabricotmouetjuteux heurter mon front. Le fruit écrasé coula sur mon visage. Je restai un moment pétrifié puis,incrédule,jepassaiunemainsurmonfrontoùmondoigtrecueillitunpeud’abricot.

–Tumecherches,petitediablesse,dis-jeenlaregardantdanslesyeux.J’attrapaiàmontourunabricottropmûretlejetaisurelle.Ellepoussaunpetitcristridentquandle

fruit s’écrasa dans son décolleté, puis semit à dégouliner sous son chemisier. Elle resta bouche bée,stupéfaitequejel’aiimitée.

–Çateplaît,salemonstrevisqueux,siffla-t-elle.Commençaalorsunebatailled’abricots.Unemultituded’émotionsmetraversaientquejen’arrivais

pasà identifier. J’avais lesangchaud,commesi l’indifférenceglacialedans laquelle jem’étaisdrapécesderniersjoursavaitcomplètementfondu.Desfruitsfusaientautourdemoi,lapluparts’écrasaitenmeheurtantdepleinfouet,leurjussucrécommençaitàcoulersurmescheveuxetsurmoncorps.Nosdeuxvolontéss’affrontaient.JedevaiscertainementressembleràKira,quiavaitl’airdes’êtrerouléedansunebassine de confiture.Dès qu’elle s’arrêta pour reprendre son souffle, jeme suis jeté sur elle et nousavonsroulésurl’herbe.J’étaisallongésurelleetundésirirrépressiblemontasoudainenmoi.Jenesuispassûrdesavoirquicommençaàembrasser l’autre,mais jecroisquec’étaitelle.Nousnoussommesjetésl’unsurl’autre,nousdévorantdeslèvres,delabouche,gémissant,nosdeuxcorpscollés.J’aiglissé

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mamainsoussachemisepourcaressersapeaudouce,souple,etelles’estcambréesousmoi.Jesentaisses pulsations s’accélérer sous ma paume posée contre son cou. Mon désir pour elle me consumait,ravivant l’incendie qui ravageait mon cœur. Ma sublime, mon exaspérante petite sorcière. Tellementcompatissanteetgénéreuse.Obstinéeetrebelle.

–S’ilteplaît,Gray,dit-elle,haletante,enagrippantàmachemise.J’articulaipéniblementenfrottantmonbas-ventrecontreelle:–Oui,dis-moi.DisquetuasenviedemoiKira,s’ilteplaît.–Oui,j’aienviedetoi.J’aienviedetoiàenmourir.Mon soulagement fut intense et féroce. Mon Dieu, elle me faisait complètement craquer. Je ne

pouvaispasattendreunesecondedeplus.Monsexepalpitait impatiemmententremescuisses.J’allaisenfinlaprendre,qu’onsoitallongésdansl’herbeoupas.

–OhmonDieu,s’exclamaunevoixféminine,toutprèsdenous.–Qu’est-cequec’estquec’est…?dituneautrepersonne.–Pourl’amourde…–Ehbienjen’aijamaisrienvude…Noussommesrestés lesyeuxdans lesyeux,attendantque lebrouillarddenotredésir se lève. Je

plissaislesyeuxàcausedusoleil,etjen’arrivaisàdistinguerquelescontourssombresdesixpersonnesqui planaient au-dessus de nous. Abasourdi, il me fallut quelques minutes pour me remettre de mesémotionsetreprendrelecontrôledemoncorps.Kira,quantàelle,s’étaitéloignéedemoicommesijelabrûlais.Unefoisqu’ellefutdebout,jemeredressai.Unabricotécraséglissademonvisagesurmonbras.

Quandjefusenfincapablededistinguerlesvisagesfaceàmoi,mesyeuxpassèrentdeCharlotteàWalter, puis à Shane, et enfin à Vanessa. Il y avait aussi une femme aux cheveux roses que je neconnaissaispas,etpourfinir,unautrevisagefamilier,celui-ci.

–Harley,dis-je,surprisetravi.Harley, un gros nounours couvert de tatouages, toujours aussimassif et inquiétant que dansmon

souvenir,s’avança.–Çaalors!Jen’enrevienspas.Maiscommentest-cepossible?J’enbafouillais,m’avançantpourluiserrerlamain,moncerveauessayantdecomprendrecequise

passait.JemeforçaisàchasserKiraleplusloinpossibledemespenséespourrécupérerquelquefacultémentale.

–Commentes-tuarrivéici?J’essuyaimamaincollanteetpleinedefruitssurmonjean.Sanssuccès.Harleymefixaunmomentavantd’éclaterd’unriregraveetchaleureux.–Mec,j’suissortiy’aunmois.Ilmedévisageadehautenbas,exprimanttouràtourledégoûtetl’hilarité.–Mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est de savoir ce qui t’est arrivé. On dirait que tu t’es…

englué.Kiras’approchaalors.Elleétaitpresqueméconnaissabletantsonvisageétaitcouvertd’abricot.

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–Attendez,Harley?Harley?Elleétaitsisurprisequ’ellenetrouvaitplussesmots.Harleyluilançauncoupd’œil.–Kira?Matêteallaitdel’unàl’autre.–Vousvousconnaissez?demandai-je,trèsétonné.Touslesautresfaisaientcommemoietlesobservaient.Ilnemanquaitplusquelepop-corn.–OhmonDieu!s’écriaKiratouteexcitée.EllecourutversHarleyindifférenteaufaitqu’elleallait

l’enduire de la même purée collante que celle dont elle était recouverte. Il ne l’arrêta pas, bien aucontraire,etellesejetadanssesbrasenleserrantdetoutessesforces.J’auraispuêtreànouveaujaloux,maiscetteétreintefutrapideetHarleyluisouriaitavecuneaffectionamicale.

–Jenepeuxpascroirequetusoisici.–Oùvousêtes-vousrencontrés?demandai-jeencore.–Aucentred’accueil,dit-elle,sansmêmemeregarder.Matêtetournait,passeulementparcequeHarleyétaitunrappeldemonpassé,maissurtoutàcause

de la violente transition entre l’épisode fiévreux avecKira et la réunion demaintenant.D’ailleurs, lesilencedesautresquiregardaientlascèneparlaitpoureux:ilsétaientchoquéseuxaussi.

–Commentsefait-ilquevousvousconnaissiez,touslesdeux?–Nousnoussommesrencontrésenprison.–Oh, s’exclama-t-elle, en tournant enfin son regard versmoi. Puis elle reporta son attention sur

Harley–Tuasfaitdelataule,Harley?–Ouais,Kira, j’en ai fait, désolé de te l’apprendre comme ça.Ça s’est révélé être lameilleure

chosequimesoitarrivée,enfait.Lavieestbienfaite.Mêmesiaujourd’hui,dit-ilense tournantversmoi,jepriepourqu’ilyaituneplacepourtravaillerici.

–Tuasbesoindebosser?demandai-je.Biensûrquejepeuxtedonnerduboulot.Toutcedonttuasbesoinmonpote.

LevisagerondouillarddeHarleys’illumina.–J’espéraisquetudiraisça.Il se tourna vers la femme aux cheveux roses, vêtue d’une mini-jupe moulante en cuir et d’un

débardeurquisemblaitpeintsurelle.–Aufait,jeteprésentePriscilla.J’ai levé mamain collante pour lui expliquer pourquoi je ne lui offrais pas. Elle se mit à rire

doucementetdit:–Raviedeterencontrer,Grayson.Harleym’abeaucoupparlédetoi.ElleregardaittouràtourKiraetmoi,l’œilamusé.EllesouritensuiteàHarley.Charlotteserapprochaalors.

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–Gray,peut-êtrequevousetKirapourriezallervouslaverde…enfin…vouslaveretensuitenouspourrionstousrejoindrelamaison?

Elleavaitl’airpleined’espoir.Jemesuisditqu’ilsavaientdûseprécipitericienpensantqueKiraetmoiétionsentraind’endécoudrephysiquementaprèscequis’étaitpasséprèsdulabyrinthe.C’était,aufinal,assezexact–bienquecelan’avaitpasétéviolent.Enfin,pascomplètement.

–C’estunebonneidée,non,Kira?Ellemeregarda,l’airindécis.–Oui,d’accord,dit-ellefinalement.Jelaretinsparlamanche.Elles’arrêta,leregardfixésurmamain.–Kira…–Nettoyonsdonctoutça,Grayson,dit-elledoucement,sanscroisermonregard,nemepermettant

pasd’essayerdeliresonexpression.Jehochailatête,etjelarelâchai.Nousnoussommestousdirigésverslamaison,Kiraentête.Harleymeracontacommentilm’avait

retrouvéici,àNapa,puisdécrivitlepetitappartementquePriscillaavaitàVallejo,lavillevoisine.–Jemesuissouvenuquetuvivaisdans lavalléedeNapa,etaupremiercoupd’œil, j’aisuque

j’étaisaubonendroit…C’estfoucequeletempspassevite.JeregardaiHarleyavecunepointederegrets.–Jesaisquej’aiunpeucoupélespontsetj’ensuisdésolé,maisunefoisarrivéici,j’aicompris

quej’allaiscroulersousleboulot,etj’aiviteétédépassé.–Jecomprends, tun’aspasà t’excuser.Tudisaissouventquec’étaitbeau ici,maisc’estencore

plusmagnifiquequecequej’avaisimaginé,dit-ilenbalayantd’unemainlescollinesvertvif,couvertesdevignes,etlamontagned’unebeautéàcouperlesouffle.

–Ledomainevabientôtretrouversasplendeurd’antan,dis-jedistraitementenregardantKiraquiapprochaitdelamaison.

Elleseretournabrusquement,commesiuneidéevenaitdeluitraverserl’esprit.ElleembrassaHarleysurlajoueetluipritlamain.–Jesuistellementheureusedetevoirsienforme,dit-elle,leregardembué.Jefronçailessourcils,maisellenemeregardapas,etellen’attenditpasnonplusqueHarleylui

réponde.Elletournalestalonsetdisparutdanslamaison,melaissantlesyeuxfixéssurl’endroitqu’ellevenaitdequitter.

–Grayson,ditShaneens’approchantdemoi.Aprèstadouche,etunefoisquetuauraspuprofiterdeHarleyetPriscilla,nousdevrionsdiscuterentêteàtête.

Vanessasetenaitderrièreluietsemordaitnerveusementlalèvre.MonDieu,c’étaitsûr.J’avaisrévéléqueKiraetmoiavionsarrangénotremariage.Maintenant,il

fallaitquejem’explique.Seulement,commentfairealorsquej’avaismoi-mêmedumalàcomprendre?Toutcelasemblaitclairecommedel’eauderoche,ilyapeu…Maismaintenant,lasituationétaitàpeuprèsaussigluanteetempêtréequejel’étaismoi-même.

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–D’accord,marmonnai-jeenrentrant.Charlotte,veux-tubienprépareràHarleyetPriscillaquelquechoseàmangeretàboire?Jeredescendsdansuneminute.

–Biensûr,réponditCharlotteenlesaccompagnanttousdeuxverslacuisine.Je tentaid’ouvrir laportede lachambredeKira,maiselleétaitverrouillée,etquand je frappai,

elleneréponditpas.Elleétaitprobablementdéjàsousladouche.C’estcequej’allaisfairemoiaussi,avant de redescendre.Mais j’éprouvais d’abord le besoin de lui parler.Les choses étaient restées ensuspens,etjevoulaism’assurerqu’elleallaitbien.Jevoulaism’assurerqueNOUSallionsbien.

Jemedouchai,jetantenboulemesvêtementscollantsetlesenveloppantdansuneserviettepourlesapporteràlabuanderie.MonDieu,commentenétions-nousarrivéslà?Çarimaitàquoi?Aprèsavoirenfiléunjeanpropreetuntee-shirt,jemarchaipiedsnusverslachambredeKiraetfrappaidenouveauàsaporte.Toujourspasderéponse.Jetournaialorslapoignéequiétait,cettefois-ci,déverrouillée.Était-elledéjàdescendue?jejetaiuncoupd’œilàl’intérieurdelachambreetjeremarquaiimmédiatementremarquéquesavaliseavaitdisparu.Leventreserréparlapanique,j’entraidanslapièceenl’appelant.Le placard était ouvert, mais il n’y avait plus rien à l’intérieur, à l’exception de quelques sacs devêtementsremplisdevieilleriesappartenantàmabelle-mère.Aumomentoùj’allaismeruerdehors,jetombaisurunmotposésurlacommode,et,justedessus,labaguequej’avaisofferteàKira,etqu’ellen’avait pas enlevée depuis notre premier dîner.En la prenant, la lumière fit scintiller les facettes desdiamants.Qu’est-cequej’espéraisexactement,enluioffrantcebijou?Jen’étaispassûrdevouloirlirelemessage.

Grayson, je pense qu’il est clair aujourd’hui que nous devons prendre nos distances. Tu asbesoinde tempspour t’expliquer avecShane etVanessa, et je neveuxpas êtreunobstacleentrevous.Jeseraiàlafêtelasemaineprochainepourexécutermadernièremissionentantqu’épouse,ensuitejedéménageraipourdebon.KiraP.-S. Cette bague est celle de Vanessa, pas la mienne. Elle ne m’a d’ailleurs jamaisvraimentappartenu.

Jelaissaitomberlemorceaudepapier,lagorgenouée,ledosparcourudefrissons.Elleavaitditqu’elleavaitenviedemoimaiselleétaitpartie.Jemeretournaietdescendisl’escalier.Lesfrissonsquiétaientnésdansmacolonnegagnaientpeuàpeutoutmoncorpsetparalysaientmoncœur.Cesentimentglacialm’étaitfamilier.Jeleconnaissais,jeleméritais.Jesurvivrais.

En suivant les voix qui venaient de la cuisine, je retrouvai Harley, Priscilla et Charlotte tousattablés.Charlottecommençaàmecouperunmorceaudesongâteauaucaféetàlacrème,maisjelevailamain,refusantensilencesonoffre.Ellefronçalessourcils.

–Harleym’aracontécommentvousluiavezsauvélavie.Charlottem’adressaunregardtendreettristeàlafois.

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Jepassailamaindansmescheveux.Jen’avaisjamaisparléàpersonnedemonséjourenprison.Jen’étaispasnécessairementdisposéàlefairemaintenant,maisjenepouvaispasvirerHarleycommeunmalpropre.Jeluidevaistant.Ilétaitlà,etilavaitvécucettehistoireavecmoi.

–Plutôtcommentilasauvélamienne,dis-je.–Nan,nan…Jenem’ensouvienspas,dit-il,sepenchantenarrièreetencroisantsesdoigtssursa

têtechauve.–C’étaituncoupdechance, et aprèsça, tum’aseudans lespattespour les cinqannéesquiont

suivi,ai-jedit,lagorgeserrée.Situn’avaispasétélà,jeseraismortlà-bas.Etc’étaitvrai.Quandnousétionsarrivés,j’étaissouslechoc,incapabledecroirequej’allaisfaire

cinqansdetaulealorsquemonavocatm’avaitassuréquejeferais,aupire,sixmoisdetravauxd’intérêtgénéral. J’étais dans la cour avecHarley, que je ne connaissaismême pas à cemoment-là, quand unéclairbrillantm’avaitattirél’œil.Instinctivement,j’avaisréagietcelaavaitdonnéletempsàHarleydesetourneretdedésarmerl’hommequi,autrement,l’auraitpoignardéavecunelamedefortune.Àpartirde ce jour,Harley, qui avait fait plusieurs passages enprison et connaissait bien le système carcéral,m’avaitprotégédetoutessortesd’horreurs.

–Ehbien,vousfaitespartiedelafamillealors,ditCharlotteavantdedétournerlesyeux,leregardembuédelarmes.

HarleyfitunsignedetêteàCharlotteetluiadressaunsourirechaleureuxavantdemeregarder.–Etmaintenant, dit-il. J’arrive ici, et je te retrouvemarié àKiraDallaire. La vie est pleine de

surprises.Jetentaid’acquiescerparunpetit«oui»maisilrestacoincédansmagorge.Jedécidaidenepas

mentionnerlescirconstancesdenotremariage,oulefaitqueceseraitbientôtfini,detoutefaçon.Harleymefixaitavecunairque je luiconnaissaisbien. Ilpouvaitparaîtregrosetméchant,mais

c’étaitunfinobservateur.C’étaitsûrementliéaufaitqu’ilavaitgrandidanslesruesdeSanFrancisco.Ilm’avait racontéqu’onavaitdeuxsolutions : soit anticipercequ’unepersonnepourraitvous faire, soitdevenirsavictime.

–TuveuxquejeteraconteunehistoiresurKira?–Biensûr,dis-je,pasvraimentsûrquej’enavaisenvie.Harleyhochalatête.–Ilyaenvironsixans,j’étaisdansunemauvaisepasse.Ils’arrêtaetregardaPriscillaquilefixaitavecsympathie,puispritsamaindanslasienne.–Jen’arrivaispasàm’arrêterdeboire,j’avaistoutperdu,emportantdansmachutetousceuxqui

m’aimaient…J’avaisenviedemettrefinàmesjours.–MonDieu,Harley…murmurai-je.Jen’étaispasaucourant.Ilmeréponditparunsignedetête.–C’estdifficiled’admettre àquelpoint j’étais faible, àquelpointmavie avait peudevaleur à

l’époque,mais c’est la vérité. Je suis allé au centre d’accueil pour ce que j’avais imaginé êtremondernierrepas,etc’estlàquej’airencontréKira.Elledevaitêtreadolescenteàl’époque.

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Uneadolescente.Lesadolescentsn’étaientpascaractérisésparleuraltruisme.MaisKiraavaitétégentille,déjààcemoment-là…

JemeconcentraiànouveausurcequeHarleydisait.– Ellem’a servi un peu de nourriture et s’est assise avecmoi. Nous avons bavardé pendant un

moment.Elleavaitapportéuneboîtedemagiepourdivertir lesenfantsetellem’afaitquelques tours.Elleétaithabitéeparsonrôle.Elleétaitpleinedevie,vousvoyezcequejeveuxdire?

Oui,jevoyais.–C’était la première fois que je souriais depuis longtemps, et ellem’a dit que si je revenais le

lendemain,ellem’expliqueraitletruc.Maisc’estlesimplefaitquequelqu’unm’aitdemandéderevenir,et semblait le vouloir assez pour m’y inciter en me promettant les solutions à des tours de magieridicules, qui m’a fait revenir ! Le lendemain, elle m’a refait des tours pour continuer à capter monattention.C’estlàquejemesuisrenducomptequejen’avaisaucuncentred’intérêt.Etcesimpleconstatm’adonnél’espoirdontj’avaisbesoin.J’aidonccontinuéàvenir,etjesupposequec’estgrâceàcelaquejesuistoujoursenvie.Voilà.

Dieu,queçaluiressemblait,c’étaitmêmeduKiratoutcraché!J’aisentimoncœurbattredansmapoitrineetlaglacequil’entouraitacommencéàfondre.Jen’arrivaispasàsavoirsij’étaisfâchéounon.Petitesorcière.Oùétait-elle?

Harleyacontinué:–Maisjen’étaismalheureusementpasencoreprêtàchanger.J‘aidonccommisquelqueserreurs,et

j’aifinipardevenirtonpartenairedeprison.Maisjeteledis,etDieum’enesttémoin,siKiranem’avaitpassauvélaviecejour-là,tun’auraispaseuàmesauverànouveauàtontour.Etjen’auraispasnonplusétélàpourtesoutenirlemieuxquejepouvaisderrièrelesbarreaux.C’estdrôlecommeleschosessontliées,n’est-cepas?Drôle,commeuneviepeutenaffecteruneautre,etainsidesuite.

–Drôledehasard.Harleyclignadesyeux.–Situcroisauhasard.Ilfitunepauseetesquissaunsourire.–Ehbien,écoute,monpote,onauraletempsderessassernosvieuxsouvenirs.Maissijeveuxêtre

enformepourbosserdemainmatin,jeferaismieuxderentrermereposer.Priscilladoittravaillercesoir.–Oh,ditCharlotte.Quefaites-vous,machère?–Jesuisdanseuseexotique,dit-elleensouriant.–Oh,unedanseuse,charmant!réponditCharlotteenjoignantsesmainscommesiPriscillavenaitde

luidirequ’elleétaitmeneusederevueàBroadway.Jem’éclaircislavoix,etsourisàHarleyetPriscillaenmelevant.–Jenepeuxpasvousdireàquelpointjesuiscontentquetum’aiesretrouvé.C’estbondetevoir.–Toiaussi,monfrère.Nousavonsfaituncheckcommenouslefaisionsenprison.CharlotteaprisHarleyetPriscilladans

sesbras, et les aaccompagnés jusqu’à laporte.Après leurdépart, et avantquequiconquen’aitpu se

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demanderoùj’étais,j’aiprismesclefsetjesuissortiparlaportedederrière.Puisj’airejointmonpick-up,direction:laville.J’avaisuneépouseàretrouveretquelquescoursesàfaire.

***

–Ah,vousêtesderetour!ditCharlotteenbrandissantlacorbeilledelingedemasalledebainsetdeuxchemisesqu’elleavaitévidemmentrepassées.

Je regardai par la fenêtre sans même lui répondre. Je l’ignorais d’ailleurs depuis une semaine,surtoutàcauseducoupqu’ellem’avaitfaiteninvitantShaneetVanessa,m’obligeantducoupàsupporterleurprésence.

Jevenaisde rentrerdemonpetit touràNapaà la recherchede lavoituredeKira.L’histoiredeHarleym’avait convaincud’aller la retrouver,mais jen’auraispeut-êtrepasdû.Elleavaitditqu’ellem’envoulait.Peut-êtreétait-ceuneréactionàbrûle-pourpoint?Oubiencelaavait-iluneraisonpurementphysique?Oualors,elleavaitmenti.Oubien…Bref…Lerésultatétaitqu’ellen’étaitpaslà.

Ellem’avaitquitté.Jeneveuxpasdetoi.Jeneveuxpasdetoi,dutout.Sivousaviezdavantagedevaleurs…Peut-êtrequ’elleétaitalléejusqu’àSanFranciscopourretrouverKimberly.Elleavaitditdansson

motqu’elleseraitderetourpourlafête,pourtant.–Ehbien,quandvousaurezfinidevousnoyerdanslesregrets,ledînersera…LesmotsdeCharlottes’arrêtèrentbrusquementaumomentoùjelevailesyeuxverselle.Elleétait

debout près de la porte du placard en train de suspendre les chemises repassées. Elle se tournabrusquementversmoi.

–Alors, voilà comment vous vous voyez, leméchant.Ou attendez, peut-être la victime.Ou bienmêmelecapitaineCrochetfaceàvotrePeterPandefrère,c’estça?demanda-t-elleentenantlecostumequej’avaisétélouéaprèsavoirmonéchecàlocaliserKira.

Iln’yavaitqu’unmotpourdécrirel’expressiondesonvisage:déception.Ladéceptiontotale.–Commentveux-tuque jem’habille,Charlotte ?Enprince ?C’est justeune fête stupide, çan’a

aucunsens,etenplus,jenesuispasunprince.–C’estunefêtequevotrefemmeagénéreusementorganisée.Jelafusillaiduregard.–Mafemmeestpartie,ellem’aquitté,ellenerevientquepourlafêteetelles’envajusteaprès,

pourtoujours,commenousl’avionsprévu.Commenousl’avionsprévu.Charlottesemblachoquéependantunbrefinstant.Ellem’observa,leregardinquisiteur.Ilrégnaitun

silencedeplomb.–Maiscen’estpascequevousaviezprévu,n’est-cepas?

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Charlottes’approchademoietmetenditlamain.Jem’ensaisisetellelaserraentrelessiennes,sonparfum,unmélangedepâtisserieetdetalcmeréconforta.

–Ah,mongarçon,vousvousêtesfaitmalentombant,n’est-cepas?–Entombant?demandai-jeenretirantmesmains.Commentça?–Entombantamoureux.DeKira.Devotrefemme,dit-elleenmesouriantgentiment.Jedéglutisetmetournaiverslafenêtre.–JenesuispasamoureuxdeKira,insistai-je,maislesmotsétaientfragiles,commes’ilsn’avaient

aucunpoidsetflottaientdansl’air.Charlottesoupira.–Par tous les saints,vousêtes tous lesdeuxsi têtus !Vousméritez justed’êtreenchaînés l’unà

l’autrepourlavie.C’estunmiraclequ’àcausedevoshistoires,jenemesoispasmiseàboire.Je ricanai. Je n’étais pas amoureux de la petite sorcière. L’étais-je ? Non, impossible, mes

sentimentspourelleétaienttrop turbulents, trophorsdecontrôle,aussi. Ilsétaient terrifiants.Peut-êtrequej’étaisobsédéparelle,enchanté,séduit.Maisamoureux?Non.

–Ellemerendfou,dis-jeenmetournantversCharlotte.Quandnoussommesensemble,nousnouscomportonslaplupartdutempscommedesenfantsintenables.

Et sinon comme des amants désespérés, incapables de s’éloigner plus d’une seconde l’un del’autre…

Charlotteclaquasalangueethochalatête.–Nousdevrionstousêtredesenfantsquandils’agitd’amour,ouvertsetvulnérables.Elles’arrêtauninstant.–JeneconnaispastoutdupassédeKira,maisjesaisquevousavezdebonnesraisonsdeluiouvrir

votrecœur.Etaussiunebonneraisondevouloirchoisirquelqu’unquin’inspirepasunetellepassion,unetelleintensitéetunetellepeur.Mais,Grey,cessentimentssignifientquevousl’aimez…Pourceuxquiontétéblesséscommevousl’avezété,commeKiraaussiprobablement, l’amour, levrai,peut-êtreuneperspectiveeffrayante.C’estleplusgrandactedefoipossiblequecroireenl’amour.

Je passai la main dans mes cheveux. Je n’en pouvais plus. Je ne savais même pas par oùcommencer,nisurquoimeconcentrer.J’étaistirailléentremacolèreetmondésirdésespérépourKira.

–Jepensequ’unbondébutseraitdéjà…deparleràvotrefrèreetàVanessa,etdelesécouternonpasavecvotreressentiment,maisavecvotrecœur,ditCharlotte,commesiellelisaitdansmespensées.

Ellemerepritlamain.–Etgardezentêtequel’amourn’estpastoujourssimpleetfacile.Ilpeutblesser.L’amourobligeà

s’ouvriretàlaisserentrerl’autrejusqu’àlaplusintimepartdenotreêtre.Carlevéritableamourestunefleur,maisquiportedesépines.

–C’estvrai.Piquant,etdouloureux.Le riredeCharlotte sonna joyeusementcommedesclochesdansunecathédrale.Ellemeserra la

mainavecforce.

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–Piquant,oui,acéréaussi,maispastoujoursdouloureux.Ilmetànupourmieuxnousguérir,Soyezcourageux,nelecombattezpas…Rendezlesarmes,mongarçon.

Ellesehaussasurlapointedespiedspourm’embrassersurlajoue,jemepenchailégèrementpourlalaisserfaire.Puisellesouritgentimentets’enalla.

L’amour n’est pas toujours simple et facile. Est-ce pour cela que j’avais choisi Vanessaauparavant ? Parce quemes sentiments pour elle étaient tièdes ?Dès que jeme posai la question, jecomprisau fonddemoique la réponseétaitoui.ShaneetmoiavionsgrandiavecVanessa.Elleavaittoujours étéuneamie,belle etdouce. J’avais remarqué la façondont,Shaneet elle, se regardaient enespérantquel’unferaitunpasversl’autre.Maisilsnes’étaientrenducomptederien.Pourtant,alorsqueje le savais, j’avais dragué Vanessa, sachant que Shane ne m’en empêcherait pas. J’avais hontemaintenant.

Jelavoulaisparcequ’avecellejecontrôlaisparfaitementmessentiments,quecegenrederelationpaisible,sansrisques,sansépinesétaitprécisémentcequejerecherchaisàcemoment-là.Aprèsavoiressayédegagnerunamourqu’onnemerendaitpas,jemesuisretrouvétoutseulàespérerlebonheur.Jenevoulaisplusdeçà,plusattendreenespérant.Çafaisaittropdemal.J’avaisdoncchoisiquelqu’unquinem’inspiraitriendetoutça.Vanessaavaitététropgentillepourdirenon.Et,quelquepart,aufonddemoi,j’avaisressentiunecertainesatisfactionenprenantquelquechosequejesavaisreveniràShane.Jeluiavaisdonnétoutemavie,j’avaisfaitensortequ’ilnesouffrepascommemoij’avaissouffert.J’avaisméritéVanessaplusquelui.Seigneur.C’étaitmonfrèreetjel’avaistrahi,mêmes’ilnelesavaitpas.Etje n’avais pas pensé à elle non plus.Mes sentiments tièdes auraient-ils suffi ? Bien sûr que non. Àl’époque,jeregardaistoutavecunesortededétachementfroid.Avecsachaleuretsonexubérance,Kiraétaitlaseulequiavaitétécapabledem’enfairesortir.Vanessaetmoin’aurionsjamaisétéheureux.Jem’étais dit qu’il ne serait jamais nécessaire de lui confiermes secrets parce qu’elle connaissaitmonhistoirefamiliale,maislavéritéétaitquejenelevoulaispas.Jen’avaisjamaiseubesoindepartagermonjardinsecretavecelle,etjenel’avaisalorspasfait.Sijel’aimais,cen’étaitquecommeuneamie.

Elle m’avait dit qu’elle voulait se réserver pour le mariage. À ce moment-là, j’avais déjà eutellementdefemmesdansmon litquecelam’avaitsemblénormald’attendremafemme.Probablements’était-elleréservéepluspourShanequepournotremariage,qu’elleenaiteu,àl’époque,conscienceoupas.Maismaintenant…Dieumerci,jen’avaisjamaisfaitl’amouràlafemmedemonfrère.Aujourd’hui,lepeuqu’onavaitfaitmesemblaitdéjàincestueuxetabsolumentrépugnant.

Une fois que j’avais été incarcéré, ils s’étaient trouvés. En réalité, je n’avais souffert que d’unsentimentdetrahison.J’avaissurtoutpleurélapertedel’unedesrarespersonnesquiavaittoujoursétéauprèsdemoi:monpetitfrère.Depuis,jenem’étaispluspermisderessentirquoiquecesoit.Etpuis,Kiraétaitarrivée,chamboulantmesémotionsetmeforçantàassumermesdésirs.Ellememaintenaitdansuntelétatquejenepensaisplusàmeprotéger.Deplus,dèsquejetentaisd’érigerdenouveauxmurs,ellelesdétruisait.Àchaquefois.

Kira,quinefaisaitrienàmoitié.Kira,quiavaitsouffertautant,voireplusquemoi.

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Soudain,jemesentisencoreplusmisérable;noshistoiresavaientbeaucoupdepointscommunsetmêmesielleavaitétégravementmaltraitée,Kiraavaitchoisid’embrassersondestin,pleined’espoir,d’optimisme,etavecunegénérositéstupéfiante.Etmoi?Moijem’étaisretiréetenveloppédefroideur,jem’étaiscentrésurmespropresdésirs.Contrairementàmafemme,j’avaisétélâche.

Pourtant,j’avaisenvied’allermieux.Jevoulaisêtredigned’elle.Etjeladésirais.Passeulementsoncorps.Elle.QueDieumevienneenaide…Jevoulaissoncorps,oui,maisjevoulaistellementplusquecela.J’avaisenviedesonapprobation,deconnaîtresespensées,sessecrets.Etjevoulaiscontinueràluiconfierlesmiens.

Jeme laissai tomber lourdement sur le lit.Je l’aimais.Kira, belle, envoûtante avec ses cheveuxardentsetsesyeuxverts.Kira,quim’avaitramenéàlavie.Kira,lemélangeparfaitdevulnérabilitéetdedéfi.Kira.Mafemme.

J’entendis unpetit bruit degriffes qui glissaient sur le parquet.Sugie poussadumuseau la porteentrouverte,ettrottinaversmoi.Elleémitunsontrèsdouxetaulieudebaissersatêtemutilée,ellelaposasurmongenou,mefixantdesesyeuxprofonds.Jeluigrattail’oreille.

–Que tu es belle,ma Sug, dis-je, en la félicitant d’avoir su trouver un chemin vers le bonheur.Quandsuis-jetombéamoureuxdeKira?demandai-jeauchienquemafemmem’avaitoffert.

Sugienem’offritaucuneautreréponsequ’unpetitgémissementsatisfait.Quandétait-cearrivé?Lapremièrefoisoùellem’avaitappeléDragon?Étaient-cecesstupidesratsdontlenomcommençaitparO?Lapremière foisoù je l’avaisembrassée?Oupeut-êtreen la regardant joueraveccesenfantsaucentred’accueil,sescheveuxvolantfollementautourdesonvisage?Oubienétais-je tombéamoureuxd’ellesansm’enrendrecompte?

Oh,MonDieu…Jel’aimais.Etjevoulaisqu’ellem’aime.Jelevoulaiscommeunmortdefaim.J’en avaismal à la poitrine et çame terrifiait. Je ne savais pas comment gérer ces émotions que jem’avouaisenfin,etjesavaisencoremoinscommentluiavouertoutcecisansqu’ellemerejette.

Soyezcourageux,nelecombattezpas…Rendezlesarmes,mongarçon.J’aienfouimatêtedansmesmains,incapablededéterminersij’avaiscecourageenmoi.

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CHAPITRE19

KIRABeazleyHouseétaitunedemeurequidataitde1902etavaitététransforméenuncharmantBed&

Breakfast,àquelquespasducentre-ville.C’estlàquej’avaischoisidem’installerdepuispresqueunesemainepourpansermesblessures,etfinirdepréparerlasoiréeauvignobleHawthorn.J’avaisétéencontactpermanentavecCharlotteparmessagesetjesavaisquetouslespréparatifssedéroulaientcommeprévu,aussibienàl’intérieuretàl’extérieurdelamaison.Charlottem’avaitproposéàplusieursreprisesdepassermevoirmais j’avais toujours refusé.C’étaitgentildesapartmaispersonnenepouvait rienfaire pourmoi, et cela aurait été encoreplus douloureuxdepasser du temps avecdesmembresde lafamille deGrayson. Je savais que j’allais souffrir, il fallait donc que je commence àm’éloigner dèsmaintenantpournepasêtreencoreplusdévastée.

J’essayaidecomprendrepourquoi,pendanttoutcetemps,Graysonnem’avaitpasenvoyéuntextooupasséuncoupdefil.

Monidéedemariagearrangéavaittournéàlacatastrophe.Maseuleconsolationc’étaitquej’avaisatteintmon but, j’étais indépendante financièrement et j’avais enfin cette liberté tant désirée. Quant àGrayson,sonvignobleétaitenpassed’êtreànouveauopérationnel.

Pour l’heure, jemepréparaiset faisais lesdernièresfinitionssurmoncostumepour lafêtedecesoir.Jem’yrendrais,commeje l’avaispromis,pourvérifierque toutsepassaitbienetm’assurerqueGraysonetmoiavionsl’aird’unvraicouplemarié.Aprèsquoi,jequitteraisimmédiatementlaville.JenepourraispasretourneràBeazleyHousesansquecelaneparaissesuspect.J’avaissympathiséaveclespropriétairesetilspensaientquejedormaischezeuxàcausedetouslestravauxqu’ilyavaitàfaireaudomaine.Je leuravaisditque lapoussièremedéclenchaitdescrisesd’asthme.Après lasoirée, ilmeseraitimpossiblederesteràNapaoudanslesenvirons.Sijamaisquelqu’unenvilleserendaitcompte,que nous n’étions pas un couple heureux et fraîchement marié, il se sentirait trahi et cette soirée,organiséedanslebutd’améliorerl’imagedeGrayson,n’auraitserviàrien.JedemanderaisàGraysonsije pouvais passer une dernière nuit dans mon cabanon, et àWalter de m’accompagner récupérer mavoitureet.Puisjepartiraidanslamatinée.J’avaisassezpleurécettesemaine.Ilnefallaitd’ailleurspasque je recommence, car jevenaisdepasserpresqueuneheure àmemaquiller.Commeunboxeurquis’apprêteàmontersurlering,jemesuisredresséeetj’aienfilémeschaussures.Soudain,montéléphonesonna:lechauffeurétaitarrivé.

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J’aijetéunderniercoupd’œildanslemiroiretj’aiattrapémavaliseavantdequitterlachambre.Iln’y avait personne dans les parties communes, mis à part un employé qui préparait le dîner dans lacuisine, à gauche de l’entrée. J’avais déjà payé ma note et je verrais les propriétaires à la soiréepuisqu’euxaussiétaientinvités.

Lavoiturem’attendaitdevantlamaison.Lechauffeurmeregardaavecdesyeuxécarquilléstandisquejedescendaislesescaliers.

–Waouh,dit-il,quelcostume!Lesyeuxbraquéssurmoi,ilpritmonbagageetm’ouvritlaportièreenmetendantlamain.C’était

trèsagréable.Jeluisouris.–Merci.Jegrimpaiàl’arrière,enprenantsoindemalonguerobeencombranteetenl’arrangeantdumieux

possiblepournepasdisparaîtresoussonvolume.Cetterobeétaitlaprincipaleraisonpourlaquellejenevoulaispasprendremavoiture:jen’auraisjamaisputenirderrièrelevolant!Elleétaitfaitedesatinetde tulledecouleurnoire etvert foncé. J’avais ajoutéunecrinolineà trois cerceaux sous la jupepouravoirdel’ampleur.Lehautétaitunbustierquej’avaisfaitfairesurmesurepourqu’ilmefasseunetaillebienfine.Jel’avaisaccessoiriséeavecdetrèslongsgantsnoirs,plusieurscolliers,noirseuxaussi.Unchapeaudesorcière,pointuetàlargesbords,venaitfinirledéguisement.Mescheveuxétaientdétachésetjelesavaisrendusencoreplussauvagesqued’habitudeenlesbouclantaufer.Monrougeàlèvresétaittrèsvif,mesyeuxétaientcharbonneuxetmonmasque,quinerecouvraitquemonregardétaitnoiretmefaisaitencoreplusressembleràunchat.

J’avais envisagé plusieurs costumesmais finalement celui-ci s’était révélé le plus approprié. JequitteraisGraysondelamêmemanièrequej’étaisarrivédanssavie:commesapetitesorcière.Non,medis-je déprimée, pas SApetite sorcière. Je n’avais jamais été sienne. J’étais désespérée à l’idée quec’étaitladernièrenuitquejepasseraisauvignoble.Hawthorn.Peut-êtrequececostumeétaitl’ultimeetridicule façon que j’avais trouvée pour lui avouer mon amour. Je voulais que Graysonm’aime touteentière mais il ne désirait que mon corps. Tu es vraiment une idiote, Kira. Une idiote stupide etdésespérée.Jeneseraisjamaisassezbienàsesyeux,commejen’avaisjamaisétéassezbienauxyeuxdemonpèreoumêmeàceuxdeCooper.Cequiétaitimportantaujourd’hui,c’étaitquejemetrouvebienàmespropresyeux.

Letrajetmeparuttrèscourt.Jemeconcentraispourmedétendreetprenaisdegrandesinspirations.Dieumerci,jeportaisdesgantscarjesuissûrequemesmainsétaientglacéesetmoites.

Quandjedescendisdelavoiture,aidéeparlechauffeur,j’avaislesoufflecourtetenviedevomir.Lafontainefonctionnaitànouveau,l’eauclapotaitetscintillaitdoucemententombantdanslebassin.

Lescouleurs rose et pourpredu ciel de cette finde journée s’harmonisaient avec l’éclairagedoréquiprovenaitlamaison.Lelierreétaitbientailléetlesjardinièresauxbalconsétaientpleinesdefeuillagesluxuriantsetdepétuniasblancsqui tombaientencascade.LeparfumdesrosesetdesfleursHawthorn,que je connaissais bien, me parvenait grâce à la brise qui agitait les buissons du jardin redevenu

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somptueux.J’aifaituntoursurmoi-mêmepouradmirerlapropriété,remarquantlalueurtremblantedelampesnichéesdanslesarbresdel’alléeprincipale.Celadonnaituneatmosphèremagiqueaudomaine.C’étaitmagnifique,enchanteuretcaptivant.Ledécoridéalpouruncontedefées!

Commej’auraivouluquecesoitlemien…Jeprisunegrandeinspirationetjeredressailesépaules.Puisjefisunsignedetêteauchauffeurqui,

aprèsm’avoirremismavalise,hochalatêteenretour.Iln’yavaitdansl’alléequelacamionnettedutraiteuretdeuxautresvoituresquidevaientappartenir

auxmusiciensquej’avaisengagés.Celasignifiaitquej’avaisréussiàarriverparfaitementàtempspouraccueillirlespremiersinvités.J’allaislesrecevoiravecGrayson.Jefussoudainprisedepanique,maisjepris ànouveauunegrande inspiration et je levai la têtepourpriermagrand-mèredem’envoyer laforcedetenirmonrôle.Puisjerelâchailesépaules,enmemotivant.

Jepeuxlefaire;allez,plusqu’unedernièremission.Jesaluailesdeuxvaletsquisetenaientsurlecôtéenpantalonnoir,chemiseblancheetvesterouge,

et qui attendaient que lespremièresvoitures arrivent. J’appuyai sur le boutonde la sonnette,même sij’avaispris l’habituded’entrersansfrapperdepuisqueGraysonetmoiétionsmariés.Walterouvrit laporteetécarquillalesyeuxavantdelesplisserlégèrement.Jeclignaidesyeux…Jevenaisderecevoirmontoutpremierdemi-souriredeWalter!Jeluisourisàmontourtandisqu’ilprenaitmamainetbaissaitlatêteensignederévérence.

–MadameHawthorn.–Walter…Jem’apprêtaisà luidiredem’appelerKira,sansdoutepour lacentièmefois,quandlavisiondu

foyeretdusalonvidemecoupalesouffle.JeposaimavaliseausolpourqueWalterpuisselarangerquelquepartet jecontemplai lamaison.Lesmouluresavaientétéciréesetbrillaientdemillefeux, leslustres étincelaient et les derniers vestiges de la lumière du jour qui passaient par les fenêtres sereflétaientenprismesurtouslesmurs.Degrandsvasesderoses,delysetdefeuillagesétaientposésunpeupartout,parfumantainsilespiècesdeleursodeursdoucesetagréables.Enentrantdanslesalon,jevislequatuoràcordesinstallédansuncoindelapièceetunbarbienapprovisionnédansl’angleopposé.Le mobilier avait été placé de telle sorte qu’il y avait de nombreuses chaises, mais aussi beaucoupd’espacepourbavarderetmêmeunepistededanseprèsdel’orchestre.

Enm’approchantdelafenêtre,jedécouvrisl’eautransparenteetpropredelapiscineencontrebas.Aumilieu de la terrasse un autre groupe demusiciens semettrait à jouer une fois l’heure du cocktailpassée.Depetitestablesagrémentaientlaterrasseetdesbougies,judicieusementplacées,donnaientuneauraromantiqueàl’endroit.

Jemeretournaifaceàlapièceetrestaisilencieuseunmoment.J’étaispriseentreunsentimentdejoieetdegrandetristesse.J’aimaisprofondémentcetendroit,or j’allais lequitter.Jebaissai lesyeux,envahieparledésespoir.

Soudain, je sentis le poids d’un regard insistant surmoi.Grayson se tenait de l’autre côté de lapièce,saboucheincroyablementsensuelleesquissantunsourire.Jesursautaiendécouvrantsoncostume.

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Lajoiequejeressentaisétaitbrusqueetviolente,jeportaismamaingantéeàmeslèvres.J’allaiséclater de rire. L’espoir, le bonheur, la surprise, le chagrin et une centaine d’autres émotions sebousculaientenmoi.Jefisunpasversluiaumomentmêmeoùils’avançaitpourmerejoindre.Est-cequ’ilavaitfaitçapourmoi?

Il portait un smoking noir. Son masque ne couvrait que la moitié supérieure de son visage, etressemblait à des écaillesdedragon irisées, bleues, vertes et noires.Enhaut dumasque il y avait depetitescornes,etdesfilamentsrougesetorangequiscintillaientetdansaienttoutautourpoursymboliserlefeu.

IlétaitdéguiséenDragon.Il s’arrêta et se tourna légèrement pourmemontrer les ailes accrochées à son dos, elles étaient

noiresaveclesmêmesécaillesbleu-vertetdesflammes.Sonsouriregrandissaitàmesurequ’ilavançaitversmoi.Nousavonstouslesdeuxaccélérélepaspournousretrouveraumilieudelapièce,faceàface,àquelquescentimètresl’undel’autre.

Noussommesrestésainsiànousregarderpendantquelquesinstants,jusqu’àcequ’ilmedise:–Bonjourpetitesorcière.Savoixétaitgraveetj’auraisjuréquesesyeux,derrièrelemasque,brillaientdedésir.–Tuesravissante.–Bonjour,Dragon,luidis-je,alorsquedesmilliersdequestionsmevenaientàl’esprit.Je remarquaiqu’il étaitdiaboliquementbeau tandisqu’ilmesouriait ànouveauetquemoncœur

battaitlachamade.–Toiaussi.Jen’enrevienspasquetuaiesfaitça.Jesecouailatêteetregardaisonmasqueensouriant.–Ehsi.Sonsouriredisparutaumomentoùilfitunpasversmoi.–Tum’asmanqué.–Vraiment?chuchotai-je,enapprochantàmontour.–Oui,monDieu,oui.Kira.Cettesemaine…J’ai tellementdechosesàtedire.Onatellementde

chosesàsedire.J’espère…–Onadeschosesàsedire?l’interrompis-je,ànouveaupleined’espoir.–Oui.Jebaissaislesyeux.–Tunem’asmêmepasappelée,luidis-jeenessayantdecachermapeine.Jecroyais…–Charlotteaessayédesavoiroùtuétais.–Jenesavaispasqu’ellemeposaitlaquestionpourtoi.Pourquoiest-cequetunemel’aspastout

simplementdemandétoi-même?–Jemesuisditqu’après…bref,jevoulaistemontrerleschosesplutôtquedetelesdire.J’aidonc

pensé qu’il valaitmieux que je patiente jusqu’à ce soir, dit-il, la voix étranglée. J’avais besoin de teregarderdanslesyeux.Kira…

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–Je…–Kira!Unevoixjoyeuses’élevaitdepuislaporte.Charlotteseprécipitaversnous,déguiséeenmarrainela

bonnefée.Enmetournantverselle,jerisdeboncœuretlalaissaimeserrerchaleureusementcontreelle.–Oh,jeneveuxpasvouscasser!Laissez-moivousregarder.Ellemefitfaireundemi-tourdansunsens,puisdansl’autre.–Parfaite.Absolumentparfaite.– Toi aussi, Charlotte, lui dis-je. Tu devrais tout le temps t’habiller comme ça. Et tu peux me

tutoyer,tusais.– Ma petite chérie, tu sais à quel point je t’aime, n’est-ce pas ? m’obéit-elle, une expression

affectueusesurlevisage.–Oui,dis-je,enlaserrantdenouveau.Je le savais. Malgré les raisons pour lesquelles elle avait fait venir Shane et Vanessa. Je

commençaisd’ailleursàpenserquesesmotivationsétaientbienplusprofondesquecequejen’avaispuimaginerjusqu’ici.Jen’avaisjamaisdoutédesesraisonsoudufaitqu’elletenaitàmoi.Ça,jelesentaisauplusprofonddemoncœur.

Quelques secondes plus tard, Vanessa et Shane arrivèrent. Vanessa était la plus parfaite féeClochettequejen’avaisjamaisvue,etShaneportaitunsmokingavecunmasquevert,lechapeaudePeterPanetuneépéeattachéeàsaceinture.Jesentismesjouess’empourprerenrepensantàladernièrefoisoùjelesavaisvus.MaiscommeilsmesouriaienttousetqueVanessaseprécipitaitaffectueusementdansmesbras,jeparvinsàmedétendre.Jejetaiuncoupd’œilàGraysonquisemblaitcalme.

Tandis queShane etVanessa allaient se servir unverre aubar, je fis face à unGrayson. Il étaitapaiséetsemblaitheureux.Jel’avaisrarementvucommeça.

–Tuasfaitlapaixaveceux,dis-je,incrédule.–Oui.Nousavionsbeaucoupdechosesànouspardonner.Etjeleuraitoutexpliquésur…nous.Je

t’aiditquej’avaisbeaucoupdechosesàtedire.J’ouvraislabouchepourluidemanderdesprécisions,maislasonnettedelaported’entréeretentit.

Le quatuor à cordes semit à jouer lamélodie de « Je veux y croire », la chanson du conte de féesRaiponce,deDisney, tandisquelesmaîtresd’hôtelarrivaientdelacuisineavecdesplateauxd’argentsurlesquelsétaientposésdeshors-d’œuvreàl’odeurdélicieuse.

Lesdeuxheuressuivantesfurentuntourbillondeprésentationsetdeconversationsaveclesinvités.Jeprissoindevérifierquelafêtedémarraitsansproblème,puisjem’assuraiquetouteslespersonnesprésentesétaientàl’aiseets’amusaient.

Lescostumesétaientmerveilleux,certainsinvitésportaientdesublimesmasquesavecunetenuedesoirée,d’autresétaientcostumésdespiedsàlatête.Jen’enrevenaistoujourspasqueGraysonsesoithabilléendragon.

Quandjepusfaireunepause,jeprisunecoupedechampagnesurundesplateauxquipassaitetjememisenretraitpouradmirerleseffortsetletravailaccompli.Toutlemondeavaitl’airdes’amuser,et,

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sijemefiaisauxregardsémerveillésdechacun,lapropriétéHawthornlesavaitimpressionnés.Avecunpeu de chance, ils diraient en ville queGrayson avait été un hôte accueillant et chaleureux et que samaisonétaitsublime.Contrairementàcequ’endisaitlarumeur,cetendroitn’étaitpasenruine.Bienaucontraire,labâtissefaisaitpasserlemessagequelapropriété,tellePhénix,rayonnaitànouveausousladirectiondeGrayson.Quin’aimaitpas leshistoiresderenaissance?Quin’avait jamaisrêvédevivreunehistoirepareille?C’étaitcequej’espéraisetlaraisonmêmedecettesoirée.

Je cherchai Grayson du regard et le trouvai au milieu d’un petit groupe d’invités, dont DianeFernsby,quiriaientauxéclats,manifestementamusésparunehistoirequ’illeurracontait.Ilrelevalatêteetcroisamonregardavantdemefaireungrandsourire.L’expressiondanssesyeuxmecoupalesouffle.Cesourirecauseraitmaperte…

JefusalorsdistraiteparHarley,déguiséenLaBêteetPriscillaquielle,avaitoptépouruneversionpunkdeLaBelle.Jelesembrassaitouslesdeux,raviedelesrevoir.Harleyavaitcommencéàtravaillerau vignoble. C’était un homme bon et gentil, malgré ses blessures, visibles ou non. J’étais tellementheureusequeGraysonaitquelqu’uncommeçaauprèsdelui.JepassaiquelquesminutesàdiscuteraveceuxetàapprendreàconnaîtreunpeumieuxPriscilla,puisjepartisbavarderavecd’autresinvités.

Je saluaiVirgil, qui étaitdéguisé enune trèsgrosseversiond’Aladin. Jeparlai rapidement avecJoséetsafemme,déguisésenLoupetenPetitChaperonRouge,avantdeleurprésentermesexcusesetdemeretirerpourvérifierquetoutsepassaitbiendehors.

Laterrasseextérieureétaitilluminéepardesbougiesetlesinvitéssefrayaientuncheminautourdelapiscine.Lesbruitsderiressemêlaientàlamusiquedugroupequicommençaittoutjusteunenouvellechanson.Jerestailàunmomentàlesobserver.Àaucunmoment,jen’avaispuavoirunevraiediscussionavecGraysonetjemourraisd’enviedemeretrouverseuleaveclui.Jusqu’àmaintenant,cettesoiréeavaitétéuntourbillonet,malgrémonimpatience,j’étaistrèssatisfaitedelamanièredonttoutsedéroulait.

–M’accorderiez-vouscettedanse?Moncœurchaviraensentantlachaleurd’uncorpsderrièremoietlacaressed’unmurmuresurmon

épauledénudée.Unmagnifiquedragonmesouriait,lamaintendueversmoi.–Jeviensdeprendreconsciencequejen’aipasencoredanséavecmonépouse.Jamais,pourêtre

exact.Jelaissaiéchapperunpetitrireetluiprislamain,luipermettantdem’entraînerjusqu’aumilieude

lapistededanse.Jereconnuslamusiquedufilm«Ilétaitunefois»,maisjen’auraispaspunommercetitreenparticulier.

–Jenesavaispasqu’undragonpouvaitdanser.Il me prit dans ses bras et commença à me diriger. En se penchant près de mon oreille, il me

susurra:–Plusquetunecrois.Lesgenspensentquenoussommeslourds,maiscen’estpasvrai.C’estun

faitpeuconnu,maisdanseravecundragonc’estcommedanseravecunéclair.Etilmefitvirevolter.Moncœurbonditetjerisauxéclats.Mescheveuxvolaientderrièremoi.Il

me fit tourner dans l’autre sens enme faisant un grand sourire et, aussi bête que cela puisse paraître,

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j’avaisl’impressionquejescintillais.Nousavonsensuiteralentietjemesuiscomplètementabandonnéeàlamusiqueetaubalancement

de son corps contre lemien. J’avais envie de lui demander tellement de choses, besoin de l’entendreprononcerlesmotsquejecroyaisdevinerdanssesyeux.Maispourcela,j’avaisbesoind’êtreseuleaveclui,departagerunmomentquineseraitqu’ànous.J’étaisencorebouleverséeparlarapiditéàlaquelleleschosesavaientchangé:jem’étaispréparéeàluidireaurevoircesoiretmaintenant…etmaintenant,ilyavaitunsoupçond’espoir,mêmesij’avaispeurderêver.

Lachansonseterminaetjereculailentement,incapabledequittermonmaridesyeux.Luiaussimefixaitet jevoyaisdanssonregardquelquechosequejen’avaisjamaisvuauparavant.Il tendit lamaincomme pour toucherma joue, quand soudain des applaudissements retentirent. Je découvris alors quenousétionslesseulssurlapiste,etquelesinvitésapplaudissaientcommesinousavionsdansépoureux.Je ris etmes joues s’empourprèrentquand je fisunepetite révérence.Grayson,unpeuembarrassé luiaussi,s’inclina.

Unefemmes’approchadenous,enboîtantlégèrement,unsourireaffectueuxauxlèvres.–C’étaitcharmant,dit-elle,lesmainsjointes.JesuislamamandeVirgil,TrudyPotter.– Oh ! C’est formidable de vous rencontrer. Vous savez Virgil fait partie de notre famille

maintenant.– Je ne vais pas vous retenir plus longtemps mais je voulais juste vous remercier, Monsieur

Hawthorn,dit-elleenprenantunegrandeinspirationcommesielleseretenaitdepleurer.– Je vous en prie, répondit Grayson gentiment. Elle lui fit un signe de tête et disparut dans

l’assemblée.–Jeluiaijustedonnéuntravail,murmura-t-il.–Biensûr,maisjepensequec’estbienplusqueçapourelle.Jelevailesyeuxverslui.Ilmeregardaintensémentetpoussaunpetitsoupir.Soudain,àmadroite,

j’entendisdesapplaudissements isoléss’approcherdenous.Jemetournaiverscebruit, lesourireauxlèvres. Je découvris alors que c’était mon père. Mon sourire s’effaça, et mon cœur se mit à battrefrénétiquement.Graysonmepritalorslamain.

–Bonjour,Kira,ditmonpère.Je le fixai avecméfiance, regardant autour demoi pourm’assurer que personne ne pouvait nous

entendre. Il était debout dans l’ombre et apparemment, personne ne l’avait encore reconnu. C’étaitcertainementnormalqu’ilsoitàuneréceptionorganiséeparsafille,maisjenevoulaispasqu’ilreste.

–Qu’est-cequetufaisici?demandai-jefroidement.–Jenevoulaispasm’imposer,maissimplementvoirl’endroitoùtuhabites.Jenesavaispasque

j’interrompraisunefête.Etpuisj’aidétestélamanièredontnousnoussommesquittésàSanFrancisco.Enplus,jevoulaisensavoirdavantagesurl’hommequetuasépousé.

IlregardabrusquementGrayson.–VoussemblezêtrepluscheràsesyeuxquecequeKiram’alaissécroire.Ilestévidentquetout

pèredignedecenoms’inquiéteraitpoursafilledanscescirconstances.

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–Pouvons-nouscontinuercettediscussionenprivé?demandaGrayson,lamâchoirecontractéeetlesoufflecourt.Cen’estcertainementpaslelieuadéquat.

Il tourna la tête vers les gens qui nous entouraient, sirotant du champagne. Les gens riaient etcommençaientàenvahirlapistededanse.

Mon père plissa les yeuxmais acquiesça. Grayson sansme lâcher la main, se dirigea vers sonbureau.Laporteferméederrièrenous,ilasséna,lavoixglaciale:

–Laissez-moivousdonnerunconseil:neremettezplusjamaislespiedscheznous.Monpèresetournaverslui,leregardtoutaussifroid.–Vousmecomprendrez,bien sûr, si jedécidedene suivreaucundesconseilsprodiguésparun

meurtrier.Il parlait lesdents serrées, ses lèvresbougeant àpeine.Grayson le regarda, levisage totalement

impassible.–Qu’est-cequetuveux?demandai-je,abattue.Cettenuitétaittellementmagiqueavantqu’iln’arrive.Jemesentaissoudaindésespérée.Ilnousdévisagea,détaillantnoscostumes,ensegardantbiendenousdirecequ’ilenpensait.–Toietmoinenoussommestoujourspasvusentêteàtête,Kira.Maisilestclairquejeneveux

pasvoirmafillemariéeàunmeurtrier,etex-taulard,desurcroît.–Arrête.Tunesaisriendelui.Jemesentaismal.Jeposaimamainsurmonventre,commepourcontenirlanausée.–Kira,ditGrayson,memettantclairementengardesanspourautantchangerd’expression.Tun’as

pasàsubirça,laisse-moiparleràtonpère,s’ilteplaît.Jelesaisisparlebras.–Grayson,tunesaispasàquituasaffaire…–Jepensequec’estunebonneidée,repritmonpère.Lesourirequ’ilm’adressaalorssemblaitaussifauxquesespromessesdecampagne.Graysonme

rassurad’unregard.–Jepeuxmedébrouillertoutseul,petitesorcière.Savoixdevinttendre.–Fais-moiplaisir,retournet’amuseràlafête.Jelaissaiéchapperunsoupirfrustréetjefixaimonpèreunmoment.Puisjereportaimonattention

surGrayson.Moncœurs’affola,unmauvaispressentimentm’envahitpeuàpeu.Qu’allait-ilsepasser?–D’accord,acquiesçai-je,nesachantquefaire.Jesortisdelapièce,lespoingsserréspourcacher

mesmainstremblantes.

***

Lalunebrillaitd’unelueurdoréeetunelégèrebrumecommedesplumessoyeusesflottaitautourdemoi.Jem’assissurlebancàcôtédulabyrinthe,làoùShaneetmoiavionsdiscuté.Celamesemblaitdéjà

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loin,mais en réalité cela ne datait que d’une semaine. J’enlevaimes gants et les épingles tenantmonchapeauetjelesposaisurlebancàcôtédemoi.Demesdoigts,jesoulevaimescheveux.

La terreur que j’avais ressentie dans le bureau de Grayson s’était transformée en une bouled’angoissediffuse.Mescraintesétaient innombrableset tourbillonnaientdansmonventreen imaginantmonpèreetGraysondiscuterseulàseul.Pourquoiétait-ilicietquepouvait-ilbienvouloir?Qu’est-cequ’ilsavaitexactement?Iln’avaitpassemblésesouvenirdeGrayson…Qu’allait-iltenterdecontrôlermaintenant?Neserais-jejamaislibéréedesonemprise?

Quandj’entendisdesbruitsdepas,jemelevai.Graysonapprochait.Ilavaitenlevésonmasque.Jelaissais’échapperunsoupir,sentantlapaniquemonterenmoi.

–Ques’est-ilpassé?Ilmeréponditd’unpetitsourire.–Tonpèrem’aoffertunebellesommed’argentpourm’éloignerde toidéfinitivement,davantage

mêmequel’héritagedetagrand-mère.La boule coincée dans ma gorge tomba immédiatement dans mon ventre. Le souffle coupé, je

détournaileregard,m’enveloppantdansmesbras.Bon,labonnenouvellec’étaitqu’ilpensaitquenotremariageétaitbienréel.

–Ilestparti?–Oui.–Tudevrais accepter sonoffre.De toute façon, nous allons divorcer, et il n’a pas à savoir que

c’étaitdéjàprévu.J’essayaisd’êtrelaplushonnêtepossible.J’espéraisquelafragilitédemavoixnemetrahiraitpas.–Tutrembles.–Ah,bon?Jefrottaimesbras.–C’estqu’ilfaitpeufroid,jetrouve…Sesmainsremplacèrent lesmiennes,et réchauffèrentmesbrasnus.Ellesétaientchaudeset fortes

surmapeau.–Kira,chuchotaGrayson.Tun’asplusàavoirpeurdelui.Jesuistonmari,c’estàmoideprendre

soindetoimaintenant.Jeneveuxpasdesonargent.Jeluiaibienfaitcomprendre.Etjeneveuxpasfuir.J’espéraisquetuavaiscomprisça,cesoir.

–Tu…tuasrefusé?Jeretrouvaimavoixnormale,etmetournaiverslui.Ilcaressaunemèchedemescheveux,poséesurmonépaule.–Oui,madouceetbellesorcière,j’airefusé.Jemerendsbiencomptequ’ilestpeut-êtredifficile

deprendreausérieuxuntypedéguiséendragon,pourtant…Jerisdoucement.–C’estlaraisonpourlaquellejeteprendsausérieux.–Çatombebien,parcequej’espérais…Ehbien, j’espéraisquenouspourrionsdonnerunevraie

chanceàcemariage.J’espéraisquetuaccepteraisd’êtreàmoi…vraiment.Mafemme,monamour,mon

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amie.Toussestraits,sesyeuxprofondsreflétaientsavulnérabilité.Moncœurfitunpetitbonddejoie.–Tuveuxquenoussoyonsmariéspourdevrai?chuchotai-je.–Oui.Jelevoulaisaussitellement,quejen’osaispresquepasycroire.–EtVanessa?demandai-je,lesyeuxausol.Ilsoupira.– Je n’ai jamais aimé Vanessa, Kira. Ou plutôt ce n’était pas du véritable amour. Je le sais

maintenant.Vanessa était destinée à Shane. Je comprends aujourd’hui ce que l’on ressent quand on arencontrésonâmesœur.Lamienne,c’esttoi.

–Gray,murmurai-je,enm’appuyantcontresamainquicaressaitmajoue.–Nous avonsdiscuté cette semaine.Vanessa etmoi n’étions pas destinés à être ensemble.Nous

étionssimplementdesamisetKira,nousne…Jamais,nousn’avonspassélamoindrenuitensemble…Je…savais…Jesavaisquejenel’aimaispas,etqu’ellenem’aimaitpasnonplus.

Cessimplesmotsm’apportaienttellementdepaix.Ilsourit.Magnifiquedragon.–Ilssontaucourantdetout.Etjeleuraiditquej’allaisessayerdeteconvaincredemedonnerune

autrechance.C’estcommesionavaitretiréunpoidsdemesépaules.Etj’airetrouvémonfrère!J’observaisonvisage.Sesyeuxdisaientqu’ilétaittotalementapaisé.–Jesuisdésolépourcettestupidebague.Je…Ilavaitundoigtposésurseslèvrescommes’ilchoisissaitsesparoles.–Jenevoulaispasteblesser.Jen’yavaisjustepaspensé,etquandj’aitrouvécettebague,jeme

suis dit que ça ferait l’affaire. Si j’avais choisi des bijoux pour toi, j’aurais pris quelque chose decomplètement différent…Peut-être des émeraudes, pour tes yeux. En tout cas pas une pierre incolorecommelediamantoul’opale.Paspourtoi.

J’avaisl’impressionderêver.J’avaispasséunesemaineàcogiter,hantéeparlapeurd’êtrerejetéeetl’enviedeprendremesjambesàmoncou.

–Est-cequeçamarchera?Onatoutfaitàl’envers,jesuisdéjàtafemme.Ilsemitàrire.–Oui,tues…monenvoûtantefemme.Sesyeuxparcoururentmonvisage,ilpritalorsunairsérieux,pleindedésir.–Dis-moijustequetoiaussi,tuasenviedemoi,Kira.Moncœurbattaitlachamade.Ilm’avaitdéjàposécettequestiondeuxfois.Lapremièrefois,j’étais

blesséeetperdueetj’avaisditnon.Laseconde,j’avaisditoui,etpuisj’étaispartie.Maismaintenant,jecomprenaiscequ’ilmedemandaitvraiment.EndehorsdeCharlotteetWalter,quiavaientcombléautantquepossiblelesfaillesdesavie,ilnes’étaitjamaissentivraimentdésiréparpersonne.Ilavaitétéutileàsonfrère,maisrejetépartouteautrepersonnequicomptaitpourlui.Oui,jeledésirais.Jevoulaisqu’ilsachequ’ilétaitdigned’êtreaimé.Étais-jeprêteàluiaccordermaconfianceunefoisencore?Etluiàenfairedemême?

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–Oui,Grayson.J’aienviedetoi.C’estjusteque…enfait,onsaitsipeudechosesl’unsurl’autre.–Jesaiscequejedoissavoir,etlereste,nousledécouvrironsensemble.Ilpritmamainetmeguidalelongducheminverslelabyrinthe,lesbruitsdelafêtenousparvenant

danslabrisenocturne.–Quelesttondeuxièmeprénom?–Isabelle,commemagrand-mère.Ettoi?–Jen’enaipas.Jemesuistournéeverslui.–Tun’aspasdedeuxièmeprénom?Maiscen’estpasnormalça.Ilhaussalesépaulesetseslèvress’incurvèrentenunsouriredouxetvulnérable.–Non,j’imaginequenon.Je le dévorai des yeux. Là, sous les étoiles, je le voyais si clairement, si intensément. Pas

simplementsabeautémasculineétonnantemaistoutlereste:sonintelligence,saloyauté,soncaractèreprotecteur, son esprit et la profonde sensibilité qu’il laissait si peu entrevoir. Soudain, j’étaisimpressionnée.J’étaissa femme.Cethommemagnifiquem’avait choisie. Jevoulais l’aimer, le chérir,transformertoussessombressouvenirsenlumière.Jevoulaisêtredignedelui,etilfallaitqu’ilm’aimeenretour.

–Qu’est-cequit’afaitprendreconsciencedecequeturessentais?demandai-jeendissimulantmonregardderrièremescils,soudaintimide.

Ilsourit.–Charlottem’aaidéàcomprendre.Ellem’aencouragéàycroire.Àlâcherprise.–Ah,c’estunbonconseil.–Ettoi,savais-tuavantcesoir?–Jepensequejelesavaisdepuisunmoment.–Vraiment?Sonairraviparlaitpourlui.Nousnoussommesarrêtésprèsdel’entréedulabyrinthe,etjeluiaiprislamain.–Nousysommes,dis-jedoucement,enpointantlelabyrinthe.–Oui,répondit-il,lesyeuxfixéssurmoi.Nousysommes,eneffet.Ilserapprochademoi,meprenantdanssesbrasetchuchotacontremeslèvres.–Tum’apporteslapaix,petitesorcière,ettufaisbouillonnermonsang.Jesourissanséloignermabouchedelasienne.–Maisest-cequetumefaisconfiance?demandai-je,encollantmamainsursavestepoursentirles

battementsdesoncœur.–Sijetefaisconfiance?Unpliseformaentresessourcilssombres.Jem’échappaienpassantsoussonbras,ilseretourna

alorspourmefaireface.–Viensmechercher,Grayson,dis-jeavantdem’enfoncerdanslelabyrinthe.

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–Kira,appela-t-ilàvoixbasse.Qu’est-cequetufais?–Jet’aideàtedébarrasserdequelquechose,dis-jeentournantd’uncôté,puisdel’autre.J’entendaisGraysonderrièremoi.Ilmarchaitlentement,moi,jecourais.–Situarrivesàmetrouver,jesuisàtoi.– Kira ! cria-t-il, et malgré la distance, j’entendais qu’il m’ordonnait de revenir. Je connais ce

labyrinthecommemapoche,tunepourraspastecacherici,tusais.Oh,oui,jelesavais.Unfrissonparcourutmondosetjetournaid’unautrecôté.–Vraiment,Dragon?criai-je.Nousverronsbien,j’attends!J’étais déjà complètement perdue. J’éprouvais une peur vague,mais je pensais aussi àGrayson,

enfant,etàcequ’ilavaitdûressentir,perduseulici,pendanttoutescesannées.Ilyavaitégalementunepointe d’excitation à l’idée du moment où il allait me découvrir. Les arbustes étaient grands et malentretenus. Je courais en tenant les cerceaux dema jupe au plus près demon corps,ma longue robetraînantausolderrièremoi,lesbranchesdesarbressemblantsetransformerenmainstenduesprêtesàmesaisir.Lalune,lesétoiles,etlalueurdelamaisonunpeuplusloinétaientnosseulessourcesdelumière.

Ilnedisaitplusrien,maisjel’entendaismarcherdanslesmauvaisesherbesetdanslesbranchagesd’unpasdécidé,fonçantversmoicommes’ilsavaitexactementoùj’allais.Jetournaiunenouvellefois,etlà,danscequisemblaitêtrelemilieudulabyrinthe,jedécouvrisunevieillefontaineenruine.Ilyavaitunbancdepierre,jem’yassisetj’attendisGrayson.

L’écho lointain de la musique et des voix des invités me parvenait, mais je tendais l’oreille,attentiveàsespas,lecœurbattantdeplusenplusfort.

–Oùes-tu,petitesorcière?demanda-t-il,maintenanttrèsprochedemoi.Iln’avaitpourtantpasl’airdeposerunequestion.Effectivement,ilsavaitexactementoùj’étais.Ma

fréquencecardiaqueaugmentaencoreunpeu.Iltournaàl’angle,toutprèsdel’endroitoùj’étaisassise,monsoufflesebloquadansmagorge.Je

voyais, à la lumière des étoiles, son regard qui me fixait. Je me levai lentement et aumoment où ilcommençaàmarcherversmoi, je levaimamain, lui faisantsignedes’arrêterpourque je le rejoigne.J’avaisenfincomprisquecertainesfois,ilfallaitserencontreraumilieuduchemin.Parfois,leplusbelacted’amourétaitderejoindrel’autrelàoùilsetrouvait.Ilmeregardam’approcher,leregardsombreetindéchiffrable.

Jemarchaisversluietjecomprisqu’aumomentoùjel’avaisvudevantcettebanque,j’étaisdéjàamoureuse,maisd’unemanièrepuérileetromanesque.J’étaistombéeamoureusedel’imagedeGrayson.Maisici,danslesdédalessombresdulabyrinthe,oùilavaitétéunjourunpetitgarçonperdueteffrayé,jeluitendislamainetjetombaiamoureuse.Demonmari.

Samainétaitbienréelle,chaudeetsolidequandilserraalorslamienne.

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CHAPITRE20

GRAYSONLafêtetouchaitàsafinetjefaisaisletourdesinvités,leplusvitepossible,pourparleravecles

unsousaluerlesautres.JevisCharlottepartagerunediscussionaniméeaveclafamilledeJosé,jelessaluaiensouriantetleurdemandaisijepouvais«l’emprunter»uninstant.

–Pardon,Charlotte, je vais allerme coucher.Est-ceque tu pourrais t’occuper des invités et lesinviter à rester pour profiter de lamusique et du buffet ? Ah et s’ils te demandent où nous sommes,pourras-tunousexcuser,Kiraetmoi?

Mafemmem’attend,là-haut,dansnotrechambre.–Vousexcuser?Vousêtessûr?Ilyaencore…–OuiCharlotte,absolumentsûr.Je lui fisunclind’œiletm’éloignaiavantqu’ellenepuissecontinuer.Jepassaidevantquelques

convivestrèsconcentréssurleurconversation,puisrejoignisl’escalier.Jemontailesmarchesdeuxpardeux,j’auraispresquepulesgravirpartroistantj’étaispresséderetrouvermafemme.

Quand j’ouvris la porte de ma chambre, Kira se brossait les cheveux, assise devant le petitsecrétaire, vêtue d’une serviette de bain pour seule tenue. En entendant la porte se refermer, elle seretourna etme sourit tendrement.Elle s’était démaquillée et ses cheveux longs et soyeux tombaient encascadedanssondos.Elleétaitmagnifiqueetavaitl’airinnocent,peut-êtreunpeueffrayéaussi.Elleselevaetfitletourdelachaisesurlaquelleelleétaitassise,pourmerejoindre.

–Bonsoir,petitesorcière,murmurai-jeenm’approchanttoutprèsd’elle.–Bonsoir,Dragon,medit-elledansunsouffle, toutenportant sesdoigtsàmoncoupourdéfaire

monnœudpapillon.Ellesemblaitgênéedemedéshabiller,sesmainstremblaientet,quandjevoulusl’aider,ellesemit

àrire,unpeuembarrassée.–J’ail’impressiond’êtreunejeunemariée,dit-elle,unepointed’humourdanslavoixmaissesyeux

étaientgrandouvertsetvulnérables.–Tul’es.Ma jeune mariée. C’était mon tour, de me sentir bizarre. Comme si l’air de la pièce nous

enveloppaitetserefermaitsurnous.Plusriend’autren’existaitdanscettebulle.

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Jebaissailesmainsetlalaissaiterminerdedénouermonnœudpapillon.Ellefinitparlejeteravantdedéboutonnerlesdeuxpremiersboutonsdemachemise.Elledéposaunbaiseràlanaissancedemoncou,marespirationétaitsuspendueàlasensationdeseslèvrestendresetchaudessurmapeau.Ellesortitsalanguecommepourmegoûteretm’embrassaànouveau,avantdereculerpourfinirdedéboutonnermachemise.Jelaregardais,concentréesurcequ’ellefaisaitavecsesmains.Cettefemmeestàmoi.Jamaispersonne d’autre ne l’aura, pensais-je. Dans la pénombre, mon regard la dévorait : ses cils longs,presque posés sur ses joues, la légère ouverture entre ses lèvres, celle du bas plus pleine que lasupérieure,leminusculegraindebeautéàl’extrémitédesonsourcildroit,etl’endroitexactsursajoueoùjesavaisqu’apparaîtraitsafossettesiellevenaitàsourire.

–Tuestellementbelle,dis-je,admiratif.Sesgrandsyeux,émerveillés,rencontrèrentlesmiens,ilsétaientaussivertsquel’herbedescollines

dansdescontréesbrumeusesetchimériques.Masublimepetitesorcière,ilyavaitdelamagieenelleetjevoulaisplongerdanssalumière.Plusjamaisjeneregarderaiscelabyrinthesansrepenseràcetinstant,auclairdelune,oùelles’étaitavancéeversmoietm’avaittendulamain,leregardpleind’amour.

Elle repoussa ma veste et la laissa tomber par terre, puis elle fit de même avec ma chemisedéboutonnée,enpassantsesmainssurmesbicepsdénudés.

–Tuestellementbeau,dit-elle,avantdeplantersesyeuxdanslesmiens.Sansjamaismequitterduregard,elledesserralaserviettequ’elleavaitenrouléeautourd’elleetla

laissatomber.Elleétaitsibelle,nue,voluptueuseavecdescourbessidélicieusesquej’eneuslesoufflecoupé.Jeprissonvisageentremesmainsetjel’embrassaisanspouvoirretenirunrâled’excitation.Jeladésirais tellement que jeme sentais presque vaciller surmes jambes.Mon sexe tendu était comprimédansmonpantalon.Jesuçaisalèvreinférieuretoutenbalançantmeschaussuresetdéfaisantmaceinture.Nousavonscontinuéànousembrasserpendantquejemedéshabillais,laissanttombermonboxeretmonpantalon.Jem’arrachaiàsaboucheseulementpourpouvoirretirermeschaussettesetbalancertoutesmesaffaires.Quandàmontour, jemeretrouvainufaceàelle,sesyeuxparcoururentchaquepartiedemoncorpsavantdes’arrêtersurmonérection.Sonregardseplantadanslemienetelledemanda,lesjouesrougiesparledésir:

–Est-cequejepeuxtetoucher?–Oui,biensûrqueoui.Jesuisàtoi.Jet’enprie,caresse-moi.Çafaisaitdesmoisquej’attendaisdesentirsesmainssurmoi.Unsiècle.Uneéternité…Ellepritdélicatementmestesticulesdanssapaume.Jegémis,meforçantàresterimmobilependant

qu’ellemedécouvrait.Monsoufflesortitenunrâlelorsqu’ellesaisitlabasedemavergeetqu’ellefitglisser samain jusqu’en haut pour faire le tour demon gland avec son pouce.MonDieu, que c’étaitbon…

–Kira,grognai-jeenposantmamainsurlasiennepourlaretirer.Jenevoulaispasqueçaseterminetropvite.Elleentrouvritlaboucheenregardantnosmainsliées,etjesuivisdesyeuxsagorgequidéglutissait.

J’yposaimonpouce,voulantsentirchacunedesréactionsdesoncorpsfaceàmoi.Jecaressaisagorge,

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lentement, debas enhaut pendant un court instant avant debasculer sa tête en arrière pour goûter seslèvres,sabouche.Jetressaillaisensentantsapeautendreetsoyeusecontrelamienne,jemedélectaisenéprouvant sa douceur contrema fermeté. Elle s’offrait. Succombait. Je pris un peu de recul pour lirel’expression sur sonvisage.Est-ceque cequenous étions en traindevivre avait autant d’importancepourellequepourmoi?Est-cequec’étaitnouveaupourelle?Différent?Jenesavaispasquelsmotschoisirpour luiposercesquestions,aussi jecherchais les réponsesdanssesyeux. Je tombais sous lecharmedesesderniersavantqu’ellebaissesescilsetmeprennelamainpourm’amenerverslelit.

Elles’allongea.Jemepenchaiau-dessusd’elleenprenantsoindemettrelepoidsdemoncorpssurunseuldemesgenouxpourécarterdélicatementsescuissesavecmonautrejambe.Jemefrottaialors,làoùelleétaittendreetchaude,pourl’entendregémirtoutbas.

– Nous y sommes, murmurai-je, répétant la phrase qu’elle m’avait dite avant d’entrer dans lelabyrinthe.Enfin.Enfin.Cemotrésonnaitenmoi,commes’ilavaitplusd’importancequetoutel’attentequej’avaisenduréeavantqueKiranesoitàmoi.J’avaisl’impressionqu’ilrésumaitàluiseulquelquechosequejedésiraisressentirdepuissilongtemps.Toutemavie,enfait.

Enfintueslà.Elleentrouvritlesyeux,unpeudanslevagueavantd’ouvrirlabouche.–Oui,dit-elle.Nousysommes.Jepressaimeshanchescontrelessiennes,cequinousfitgémirtouslesdeux.Ellerenversalatête

sur lematelas.Sesonglesgriffèrent délicieusementmoncuir chevelum’arrachantune autreplaintedeplaisir.

Aulit,j’avaisprisl’habitudedefaireleschosesdansunordreprécis.Jesavaiscommentdonnerduplaisiràunefemme,enprendremoi-mêmeetaboutiràuneexpériencemutuellementépanouissante.MaisavecKira,c’estcommesij’avaistoutoublié.J’essayaisdemesouvenirdecequ’ilfallaitquejefasseenpremier, de la position qu’il fallait que j’adopte,mais çam’était complètement sorti de la tête, je nepouvais compterque surmon instinct. J’étais concentréque surmonexcitation et sur la chaleurde sachairdouceettendrealorsqu’ellesecambraitsousmoi.C’étaitcommesiKiraétaitlapremièrefemmequejetouchais,j’avaispeuretj’avaisl’impressionderedevenirunnovice.

Jel’aidéjàfait.Jemerassurais,maisçasonnaitfaux.Jen’étaisplussûrderien.J’inclinai légèrement la têtepourquema languepuisse la pénétrerprofondément.Ellepoussaun

longsoupird’extaseetsalanguevintsemêlerà lamienneencoreetencore.Ellepoussaitseshanchescontremaqueuepalpitanteetsesseinsgénéreuxs’écrasaientcontremapoitrine.Jegrognaiàcecontactdélicieuxetquittaisabouchepourpromenermeslèvreslelongdesagorge,desesseins,desestétonsdurcisquejeléchai,l’unaprèsl’autre.Jelescaressai,lesmordisdoucement,puisjelesaspiraiavecmalanguejusqu’àcequ’elledeviennefolledeplaisir,lesoufflehaletantetlecorpspressécontrelemien.

–Kira…Je l’idolâtrais, je voulais en faire ma déesse, connaître chaque recoin inexploré de son corps,

chaquecreuxsensible,chaquecourbedélicate.Jelaretournailafaisantgémirdoucementetj’embrassaisa colonne vertébrale, m’enivrant de l’odeur de sa peau, la respirant. Je descendis jusqu’aux petites

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fossettesjusteau-dessusdesesfesses.Jelesléchai,avantdepromenermeslèvresplusbas…plusbasencore, jusqu’à l’arrière de ses genoux. J’avais perdu tout contrôle, m’abandonnant entièrement auxexigences demon corps. Les petits sons qu’elle émettaitme rendaient fou de désir, j’étais totalementamoureuxdelapetitesorcièreadorableetséduisantequigémissaitsousmoncorps.

–Kira,susurrai-jeànouveau.Jelarenversaisurledosetjepassaimesmainssursoncorpsenlacaressant,enépousantchacune

desescourbes,tandisqu’ellesecambraitpours’offriràmoi.Jedéposaiunbaisersurl’intérieurdesacuisseetsesmainsvinrents’agripperàmescheveux.

–S’ilteplaît,haleta-t-elle.Lentement je rapprochai ma langue de son clitoris gonflé, léchant son pourtour sans jamais le

toucher. Chaque petit gémissement qu’elle poussait me faisait bander davantage. Je ne pouvais pasattendre plus longtemps. J’allais jouir avantmême d’être en elle. J’avais désespérément besoin de lapénétrer,dem’abandonnerenelle,d’alleretvenirdanssoncorpschaudethumide.Jem’allongeaisurelleetpressaimonsexedouloureuxcontresonpubis.Kiras’agrippaàmesépaules.

–S’ilteplaît,dit-elleànouveau,d’unevoixrauqueetdésespérée.«Oui»futtoutcequejeréussisàdire,meslèvresrevenantàsabouchepourunbaisersauvage,

tandisquesesmainscaressaientmesbras,mondos,montorsecommesiellesétaientpartoutàlafois.Oui,Oui,Oui. Quelque part dans un coin de mon cerveau embrouillé, je pensais : qu’est-ce qui sepasse?Sic’estçafairel’amour,alorsjenel’aijamaisfaitavant.Sic’estçalapassion,alorsjen’enai vécu que la version tiède jusqu’à aujourd’hui. Ça, c’était comme danser avec la foudre ! Jemereculai justeun instantpour la regarderdans lesyeuxpendantquesesmains saisissaientmesépaules,puis j’entrai en elle. Elle cligna des yeux enme regardant et l’expression de son visage exprima undélicieuxmélangedevolupté,dedouteetd’impatience.

–Kira,murmurai-jeencoreenm’enfonçantenelle.C’étaitcommesitoutmonvocabulaireétaitdésormaisréduitàceseulmot.Soncorpsétaitchaud,

humide et doux, mais tellement serré que je pouvais à peine le pénétrer. Je laissai échapper ungémissement, tremblant pourmemaîtriser tandis que je rentrais un peuplus en elle.Kira souleva sonbassincommepourm’inciteràallerplusviteet,malgrémondésir,jenepusm’empêcherdesourire.

MonDieu,elleestenvoûtante.MonDieu,elleestàmoi.Je continuai àm’enfoncer encoreunpeuetKiragémit avantd’enrouler ses jambes autourdema

taille. Puis, après un dernier coup de rein, je la pénétrai entièrement. Elle ferma les yeux dans unfrémissementetentrouvritlabouchedansunsoupirtremblant.Jecommençaialorsàbougerenelle.Sonregardaccrochéaumienalorsquenousnefaisionsplusqu’un,devintpresquetropdifficileàsupporter.Sa respiration s’accélérait, ses hanches venaient à la rencontre desmiennes. Je luttais pour retenir lajouissancequimontaitdansmonventre,contractaitmestesticulesetmedonnaitlachairdepoule.Putain,çamefaisaitpresquemaltellementc’étaitbon.

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Jem’entendaisvaguementluichuchoterdesmotssansaucunsens,quicherchaientjusteàexprimermonémotion;ilsétaientincohérents,crusetsortaientduplusprofonddemonêtre.

Sesmainsexploraientmondos,jusqu’àcequ’ellesarriventsurmesfesses.Kiras’yaccrochaalorsquejememouvaisenelle.

–Plusvite,gémit-elle.Jesentismescheveuxsedresserd’excitationdansmanuqueàcesmotsJ’accélérailacadence,lapénétrantdeplusenplusfort,larespirationsaccadée.Jenesavaisplus

oùjefinissais,oùellecommençait.J’étaisentraind’essayerdeluiarracherunnouveaubaiserquandellelaissaéchapperunpetitcrietque jesentissesmusclessecontracterautourdemoi. Jeprisunpeudereculpourl’admirerpendantl’orgasme.Jeregardaisavecémerveillementcettefemmejouir,cettefemmequim’avaittellementrésisté,quim’avaitmisàl’épreuve.Ellemefascinait,ellem’avaittesté,m’avaitpoussédansmesretranchements,etellecontinuaitàm’intriguer.Elleétaittoutpourmoi:mesrêves,mafaiblesse,etlapersonnequimedonnaitenvied’êtrefort.Elleétaitlaseulefemmeàm’avoirmontréquej’étaisimportant,quej’étaisdésiré.Quejepouvaisluisuffire.

–Kira!Jerugisunedernièrefoisenéjaculant.Leplaisirétaitsiintensequ’unepluied’étoilesdansadevant

mesyeux.Jem’affalaisurelle,latêteposéedanslecreuxdesoncoupendantquenousreprenionsnotresouffle.Sesmainscouraienttoujoursdansmondos,dehautenbas.Sescaressesmeréconfortaient,carj’étaistotalementébranléparcequenousvenionsdepartager.Aprèsquelquesminutes,jemeretiraietjela pris dansmes bras, en fixant sans le voir le ventilateur au plafond. Cette expérience avait fait dechacunedemesaventuressexuellespasséesunepiètreplaisanterie!

Jemesentaisétrangementvulnérable,commesielledétenaittouslespouvoirs.Jenesavaispastropquoifairedecettenouvellesensation.J’avaistoujourseul’impressiond’êtreceluiquiavaitsexuellementlecontrôle,maislà…

–Commenttesens-tu?murmura-t-elle.–Commetonmari,répondis-jeaussitôt,lesourireauxlèvres.Ettoi?Commenttesens-tu?Ellemeregarda.Elleavaitl’airheureuseetcomblée.Ellechuchota:–Commetonépouse.Jesourisetlaserraiunpeupluscontremoi.Kiradessinaitdescerclesautourdemontétonetjefrissonnais,larapprochantencoredemoi.Elle

basculalatêteetlevalesyeuxversmoi.–Est-cequec’esttoujourscommeça?demanda-t-elleunbrintaquine.–Non,répondis-jeimmédiatement.Jeposaimonregardsurellepourqu’ellepuissevoirlasincéritédansmesyeux.– Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi merveilleux que ça. Je n’ai jamais rien ressenti d’aussi

merveilleuxquetoi.Lesoulagementetlajoieselisaientsursonvisageetellesouritdoucement.–Est-cequeceseratoujourscommeçaentrenous?

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J’observaissonairvulnérable.Oui,ceseraittoujourscommeçaentrenous,carc’étaitKira,c’étaitsagaieté,sonenthousiasmeetsoncaractère.Maisjecroyaisquejesavaiscequ’ellevoulaitdire.Elleavaitétéhumiliéeautrefoisalorsqu’ellen’étaitpourriendans l’échecdesarelationavecCooper.Uninsupportablesentimentdejalousiem’assaillitetjen’avaisaucuneenviedeparlerdesonexdansnotrelit. Jemedisqu’ilvalaitmieuxque jeprennesaquestionà la légèrepour lemoment. Je lui sourisetdéposaiunbaisersonfront.

–Ehbien,ilvafalloirqu’ontrouvelaréponsetoutseuls,voyonsvoirça!Jeme retournaibrusquementet l’enjambaipour l’embrasser fort sur labouche,enmaintenant ses

bras au-dessus de sa tête. Elle semit à rire avant de se débattre, prisonnière sousmon corps.On sechamaillait,c’étaitunmomentlégeretcharmant.

Jel’embrassaiencoreavantdeladélivrer.–Nousn’avonspasutilisédepréservatifs,dis-jeenlaregardantpourjaugersaréaction.Jecomprenaisaprèscoupque,pourlapremièrefoisdemavie,jen’yavaispaspenséuneseconde.

Jen’étaispastrèsinquietmaisj’avaispeurqu’ellelesoit,mêmesiellen’avaitriendit.Ellehésita;ellen’yavaitpaspensénonplusvisiblement.–Pouruneseulefois,cen’estpeut-êtrepastrèsgrave.Jevaismefaireprescrirelapilule,comme

ça,onseratranquille.–D’accord,dis-jeenhochantlatête,medemandantpourquoij’étaissipeuinquiet.Onnerisquaitrien,etpuisaprèstout,onétaitmariés!Onavaitunemaison.Jenepensaispasêtre

prêtàavoirdesenfants, jen’yavaismêmejamaissongé.Maisceneseraitpasundramenonplus.Jevoulaismanouvellefemmerienquepourmoipendantunbonboutdetemps,maissiçadevaitarriver,onsedébrouilleraittoujours.

–Tuveuxdel’eau?luidemandai-jeenfrottantmonnezcontrelesienetenembrassantlecoindesabouche.

–Ouijeveuxbien,s’ilteplaît,répondit-elle.JemelevaietKiras’assitcontrelatêtedelit.Jeprisunmomentpourladévorerduregard:ses

cheveux acajou enbataille autour de sonvisage, ses yeuxvertsmi-clos et fatigués, son expressiondesatisfaction absolue, sa nudité complètement exposée, ce corps que je venais de posséder. Jeme suisdirigédanslasalledebainsavantd’oublierl’eau.Jemedépêchaidemerecoucherpourprofiterd’elle.Quandj’aperçusmonrefletdanslemiroir,jefussurprisdemevoirsourire.Jenem’enétaismêmepasrenducompte

***

–Est-cequetuvasm’enparlerunjour?demanda-t-elle toutdoucement,enembrassantmoncou.Nousvenionsdefaire l’amourpour lasecondefoisetnousétionsallongéssur lesoreillers, la têtedeKiraposéesurmontorse.

J’attendisuninstant,pascertaindecedontelleparlait.

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–Tuveuxdiremonséjourenprison?Elleacquiesça,leslèvrestoujourscontremapeau.Jebaignaisdansleparfumdesescheveux.Jevoulaisqu’elle sache toutdemoi,partager avecelledeschosesque jen’avais jamaisdites à

personne,maisjenesavaispasquelsmotschoisir.Jen’enavaispasl’habitude.J’attrapaiunepoignéedesescheveux.

–JevenaisjustederentrerdeNewYorkoùj’étaisallévoirmamère.–Tuesallévoirtamère?demanda-t-elle,étonnée.Jefisunpetitgestedelatête.–Levoyageétaitdéjàpresqueterminéavantmêmed’avoircommencé.J’aiessayédenepluspenser

àelle.Maisàl’époque,je…jevenaisd’obtenirmondiplôme,etjem’étaisditquesiellemevoyait,quesi elle découvrait l’homme que j’étais devenu, elle… je ne sais pas, elle tomberait à genoux et meprieraitdelapardonner.J’avaisimaginécelaexactementcommeça,aussistupidequecelaparaisse.J’aidoncprisl’avionpourNewYorketjemesuisprésentéàsaporte,sanslaprévenir.

Je gardai le silence unmoment,me remémorant tous les espoirs que j’avais entretenus avant desonneràlaportedesonappartement.

–Elleétaitmariée,etavaitfondéunefamille.Elleavaitdeuxpetitsgarçons.–Elleadûêtretrèscontentequetuvienneslavoir,dit-ellegentiment.J’eusunpetitrireamer.–Non.Elleaététrèsviolente,ellem’aditquej’avaisruinésavie.Àl’époque,elleétaitàl’aube

d’uneimmensecarrièreavantquejen’ymetteunterme,selonelle.Ellem’aégalementditqu’elleétaitheureuseden’avoirpaseuàveillersurmoi,etàsesouvenirchaquejourdecequ’elleauraitpudevenirsijen’avaispastoutgâché.Puisellem’ademandédepartir.Jecroisquecequiaétéleplusdurdanstout ça, c’est la façon dont elle regardait ses deux autres enfants pendant que j’étais là. J’ai prisconsciencequ’ellen’étaitpasincapabled’aimer,maisquec’étaitmoi,Grayson,quiposaitproblème.

Jeluiconfiaiscettehistoireleplussimplementquejepouvais,maisjesentaisquemespommettess’empourpraient.Lesouvenirdecemomentétaitencoredouloureux;j’avaisétémarquéauferrouge.

–Gray,dit-elle,avectoutelacompassiondumonde.Elleposalamainsurmajoueetjemelaissaiallercontreelle.–J’aiprislevolderetourversSanFranciscoetjemesuisrendudansunbar.J’avaisbesoind’un

verre.Dedixplutôt.–Tuétaisblessé,dit-elle.–Je…oui.Putain,siseulementj’avaisjusteprislaroutepourrentreràlamaison.Mavoixsecassasurlederniermot.J’avaistellementderegrets.Kirameserratrèsfortcontreelle.–J’étaisaubardepuisàpeuprèsuneheurequandjesuistombésurBrentRiley,ungossederiche

quejeconnaissaisvaguementetavecquij’avaisfaitplusieurssoirées.Safamillevivaitdansunevilleàtrenteminutes d’ici. Il était àSanFrancisco pour son enterrement de vie de garçon. Il y avait tout ungroupeavec lui. J’avais traînéaveceuxàununeépoque.MaisBrentetmoi,onnes’était jamaisbien

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entendus.C’étaitunvraiconnard,legenredemecquiavaitl’airparfaitetclassemaisqui,encoulisseétaitodieuxetégocentrique.

Ellehochalatête.–Jevoistrèsbiencequetuveuxdire,ironisa-t-elle.J’embrassaisonfronttendrement,sachantqu’ellepensaitàCooper,oupeut-êtreàsonpère.Oules

deux.–Oui,bref,nousmarchionsendirectionduparking.Là,ilm’aditqu’ilsavaientdroguéunenana,et

queluietlesautresmecsallaientlaramenerdansleurhôtelpours’amuserunpeu.Kirameregarda,effarée.–Ilm’ademandésijevoulaisenêtreetm’amontréunevoituregaréeoùunefilleétaitcouchéesur

lesiègearrière.Jesuisdevenufou.Jecherchaislabagarre,Kiraetjevenaisdetrouveruneraisondemebattreaveclui.

–C’étaitunebonneraison,Gray,murmura-t-elle.Jepoussaiungrandsoupir.– Peut-être… Je l’ai cogné en pleine face, mais c’est lui qui m’a poussé en premier. Et çame

suffisaitpourdémarrerlabagarre.J’aiétésanspitié.Ilaréussiàrendrequelquesbonscoups,maisc’estmoiquiluiaicolléuneraclée.J’yaiprisduplaisir.Etpuisilesttombé…

Jemetusetjefermailesyeuxenrepensantàcemomentatroce.–À lamanièredont sa têteacogné le sol, J’ai su toutdesuitequ’ilétaitmort.Lesgenssesont

dispersés,lesvoituresontfui,lapoliceestarrivée…Le regard qu’elle leva surmoi exprimait tant de compréhension et de bienveillance que j’aurais

voulupouvoiryplonger.J’yauraiscertainementtrouvélarédemption.–Tun’avaispasl’intentiondeletuer.–Non,monDieu,non!Jen’aijamaisvouluça.Jevoulaisjusteluifairemal,luidonnerunebonne

leçon.Jemesuisprispoursonjuge,sonjuryet,vulatournurequeçaapris,aussipoursonbourreau.Kira caressaitma joue avec son pouce. Comment pouvait-elleme regarder avec autant d’amour

aprèscequejevenaisdeluiconfier?–Est-cequ’ilsontréussiàretrouverlafille?–Oui,ilsl’onttrouvée,maistroptardpourdécelerlamoindretracededroguedanssonsang.Ma

défensen’apaspuutilisercetargumentauprocès.Jeprisuneprofondeinspiration.– Ma défense… Quelle blague. Mon père avait refusé de payer un avocat, il m’a laissé me

débrouiller.Jeneparvenaispasàmasquerlasouffranceetl’amertumedansmavoix.–J’aidûprendreunavocatcommisd’office.Legarsétaittotalementincompétent,etmêmes’ilne

l’avaitpasété,lenombrededossiersqu’ilavaitàtraiterétaittellementimportantqu’iln’auraitpaspufairegrand-chosepourmoi.Bref,entoutcasilétaitsûrquejeseraiscondamnéàunepeineminimepourcequis’étaitpassé,aupiresixmois,aumieuxdestravauxd’intérêtgénéral.Donc,quandlejugearendu

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sonverdictavecunepeinedecinqannéesincompressibles,j’aiétédévasté,anéanti.C’étaitcommesimavieétaitfoutue.

JesentislecorpsdeKiraseraidirmaisellerestasilencieuse.– J’ai attendu quemon pèreme rende visite, ne serait-ce qu’une fois,mais il ne l’a jamais fait.

Ensuite,Shaneestvenupourmedirequ’ilallaitépouserVanessa…Jemesouvenaistrèsbiendeladouleurquej’avaisressentieàl’époque,mêmesi,danslesfaits,je

n’enavaisplusrienàfaire.J’avaisétédévasté.Puisj’avaiscoupélespontsavecShaneenleretirantdemalistedevisiteurs.Ilavaitessayédemecontacter.Pendanttoutescesannées,iln’avaitjamaiscessédem’écrire,detenterdemerendrevisite,commeVanessad’ailleurs.

Kiralevalatêtepourmeregarder.–Çaadûêtreterriblepourtoi.Tuasdûtesentirtellementabandonné,tellementtrahi.J’acquiesçai,sachantàquelpointellepouvaitcomprendre.–Jen’auraispassurvécusansHarley.Ettoi,petitesorcière,tuyespourbeaucoup.Ellefronçalessourcils.–Commentça?JeluiairacontécequeHarleym’avaitconfié.Elleposasonmentonsurmontorse,unpetitsourire

tranquilleauxlèvres.–Alorspeut-êtreque,d’unecertainemanière,j’étaislà-basavectoi.Est-cequeçateparaîtdébile

cequejeviensdedire?J’éclataiderire.–Non,çameparle.Jebaissailesyeuxverselle,moncœurbattaitlachamade.Soncorpscharmants’appuyaitcontrele

mienetaussiincroyablequeçapuisseparaître,j’avaisencoreenvied’elle.Passeulementsexuellement.Dansmoncœuraussi.Jeladésiraisdetouteslesmanièresqu’unhommepeutdésirerunefemme.

Jet’aime.Jet’aimeraitoujours.Je voulais lui déclarer ma flamme mais les mots restaient coincés dans ma gorge, la peur

m’empêchaitdesortirlemoindreson.Aulieudeça,jel’aiembrassée,sansm’abandonnertotalement.Jen’étaispasassezcourageux.Dumoinspasencore.

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CHAPITRE21

KIRACommec’étaitétranged’êtreamoureusedemonmari!Étrange,maisabsolumentmerveilleux.Jeme

suis renducompteque jemarchaisdans levignobleHawthornavecunpetit sourire rêveuraux lèvres.J’avaisinstallétoutesmesaffairesdanslachambredeGraysonetnousavionscommencéunenouvelleviedecouple,bienréellecettefois.J’avaislevertigeenpermanence,incapabledecroirequejevivaisçapourdebon.

Nous avions dit au revoir à Shane et à Vanessa en leur promettant qu’une fois les vendangesterminées,nousviendrionspasserdutempsaveceuxdansleurmaisondevacancesdeSanDiego.Commeleurdépartavaitétédifférentdeleurarrivée!Jesourisintérieurementenyrepensant:Graysonetmoiétalés sur le sol de l’entrée. Il faudrait d’ailleurs peut-être recommencer la course étant donné queMonsieurleDragonavaitl’impressiond’avoirgagné!

J’aipassélesjoursquiontsuiviàmettredel’ordredanssonbureau,réglantunnombreincalculabledefacturesettraitantsixannéesdecomptabilité.Çan’allaitpasêtreuntravailfacile.Cependant,j’étaisdéterminéeàcomprendrecequiétaitarrivépourprovoquerunteldéclindelapropriété.C’étaitaussilamiennedésormais,etpourtoujours.Jeferaisensortequeçan’arriveplusjamais.

Àlafindechaquejournée,j’attendaisavecimpatiencequeGraysonquittesontravailpourquenousdînionsensemble.Puisonfaisaitdelonguesbaladesautourduvignoble.Onparlait,onriaitenpartageantdessecrets,onapprenaitàseconnaîtrecommesinousvenionsdenousrencontrer.C’étaitd’ailleurslecas,saufquej’étaisdéjàamoureuse.Etjerêvaisdujouroùiltomberaitluiaussiamoureuxdemoi.

L’heurevenue,oumêmeparfoisbienavant,nousnousretirionsdansnotrelitoùnouspassionsdelonguesheuresàfairel’amour.J’avaisdécouvertchezGraysonlesendroitsdesoncorpsquilerendaientfou de passion. J’avais appris des manières d’utiliser mon corps et ma bouche qui lui permettaientd’abandonner un peu l’état de contrôle permanent qu’il avait maintenu jusqu’alors. Je lui avais aussipermisd’apprendreàmeconnaître,plusprofondémentetplusintimementquequiconque.Àchacundesesgémissements,àchacundesesorgasmes,àchacunedesescaresses,GraysonmerassuraitetmeprouvaitqueCooperavaiteutort.Jesavaisprocurerduplaisiràunhomme.

Lesquelquesfoisoùnousavionsdînéenville,plusieurspersonnesprésentesàlafêteétaientvenuesnous saluer, et Grayson avait été avenant et chaleureux avec eux. C’était comme si je regardais lacarapace froide et distante qu’il s’était créée voler en éclats. Bien sûr, il y en avait toujours qui

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l’observaientavecméfiance,maisçaprendrait justeunpeuplusde temps.Je luiavaisditque j’allaisréfléchiràdenouvellesidéespourredorersonblason.Ilari,merétorquantqu’iln’avaitaucundoutelà-dessus!

Unmatin, quelques semaines après la fête, je décidai de prendre Sugie avecmoi et d’aller mepromenerdans lesvignes.Depuis toutce temps, jen’avaisencore jamaismarchédans lesrangéesquej’admiraisdeloin.Bienqu’ensoleillée,c’étaitunejournéeunpeufraîche.L’automnepointaitleboutdesonnez.BientôtlesgrappesseraientcueilliesetlegrosdutravailcommenceraitauvignobleHawthorn.Jeprisunegrandeinspirationdecetairfraisàl’odeurdeterreetteintédesnotessucréesduraisinmûr.Sugiereniflaitlesol,cherchantdeschosesintéressantespourunetruffedechien.Graysonavaitditqu’ilétaitquasimentprêtpourlesprochainesvendanges.Ildevaitembaucherdesextras,maisendehorsdeça,toutlematérielétaitenétatdemarcheetprêtàfonctionner.

Jenepouvaispasêtreplusheureuse,notreplanavaitfonctionné.Levignobleallaitànouveauêtrerentable,etsansl’argentdemagrand-mère,riendetoutcelan’auraitétépossible.Pourtantjeregardaislesvignessans lesvoir…J’étais tropperturbéepourprofiterdupaysage,cematin. IlyavaitquelquechosedetrèsinquiétantdanslesfichierscomptablesqueWalterm’avaitdonnés.Jen’avaisd’abordpasvoulul’admettre,maisplusjem’étaispenchéesurledossier,plusj’enavaiseulaconfirmation.Etjenesavaispasquoifaire.

–Tuasl’airperduedanstespensées.Jemeretournaienmettantmamaindevantlabouche,riantauxéclatsetGraysonmepritdansses

bras.–Commenttuasfaitpourmetrouverici?demandai-je,tandisqu’ilembrassaitmoncou.Jepensais

êtretrèsbiencachée.–Tunepourrasjamaism’échapper.Jeréussiraitoujoursàteflairer.Ilmitalorssonnezsurmagorgeetcommençaàmereniflercommeunchien.Dragon.Jememisà

rire,sarespirationmechatouillait.Jelerepoussai,ilétaithilareaussi.– Là, j’ai eu tellement demal à te retrouver que je devrais peut-êtrem’isoler avec toi, dans un

endroitbiencaché,ettepunirenfaisanttoutuntasdetrucsdragonesques.–Tunepensespasenavoirdéjàassezfait?répliquai-je,provocante.–Jamaisassez.Ilseretournaetc’estlàquejeremarquaiqu’ilavaitapportéunpanier.Iljetauncoupd’œilautour

denous,etposasonregardsurunpetitespaceherbeuxetbienexposé.Enouvrantlepanier,ilpritunecouvertureenpatchworketl’étala.GraysonsetournaalorsversSugiequireniflaitquelquechoseàcôtédenous.

–Laisse-nousunpeud’intimitéSug.Vachasserunesourisoun’importequoi.Sugie, ravie, sedirigeaversunpieddevigneunpeuplus loindans le rang, évitant les grappes,

commesielleavaitétédresséepourça.–Tuastoutprévu.Qu’est-cequec’estquetoutça?

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–Toutça,dit-il,ens’asseyantetenm’invitantàlerejoindreentapotantlesoltoutprèsdelui,c’estpourt’apprendreàreconnaîtrelesdifférentsraisins.Vienslà.

Jeluiobéis.–Situveuxdevenirl’épouseparfaited’unvigneron,tudoisconnaîtrelesvariétésderaisinsqu’on

cultive, de telle sorte que, quand les gens te poseront des questions, tu pourras leur répondre avecassurance.

–Ah…Jetentaid’ouvrirlepaniermaisillerefermaaussitôt,cequimefitrire.–Patiencepetitesorcière.D’abord,j’aibesoinquetutedéshabilles.Jelevaiunsourcil.–Pourunebonneleçon,c’estnécessaire,dit-il,enmereluquantlascivement,lesyeuxdébordantde

lamalicehabituelledudragon.Moncœurchaviraitetmesmuscleslesplusintimessecrispèrentdélicieusementdevantsabeauté

virile.Soncharmeétaitencoreplusdévastateurquandilredevenaitdragon!–Ilfaitunpeufraispourêtretoutenue,tunecroispas?–Jevaistetenirchaud.Promis.Jememisàrireetluiobéis.Jeretiraimonhautàmancheslongues,puismeschaussuresetj’ouvris

lepremierboutondemonjean.Jem’allongeaietGraysonm’aidaàenleverlebas.Jemesentissoudainmoins sûre demoi, allongée là, nue, devant lui. Personne nem’avait jamais contemplé avec une telleintensitéetdesurcroîtàlalumièredujour.

–Tuessibelle,belleàencrever,murmura-t-il.Ilsepenchaetposaseslèvressurmoncouavantdechuchoterdansmonoreille.–Unefois,jemesuisditque,quandjeteferaisl’amour,ilfaudraitqueçasoitaugrandjourpour

quejepuissevoirchaquepartiedetoietadmirercettesublimechevelured’unecouleurmerveilleuse.Ilpritunemèchequ’illaissaglisserentresesdoigts.–Cesyeux,sivertsquejevoudraispouvoiryplonger…–Grayson,chuchotai-jeenpassantmesdoigtsdanssescheveux,tandisquemoncorpssedétendait,

réchaufféparsachaleur.Il semitàgenouxun instantpourenlever son tee-shirtpuis sebaissapourdégrafermonsoutien-

gorge.Ilfitglisserlesbretelleslelongdemesbras,sesyeuxs’attardantsurmesseinsquiavaientdurciinstantanémentaucontactdel’airfrais.

–Despétalesderose,souffla-t-il.Puis il revint sur moi, et introduisit sa langue dans ma bouche. Je frissonnais, des étincelles

naissaientaucreuxdemescuisses.Mesmains sepromenaient le longde sa colonne.Sapeau était commedu satin chaud. Il était si

large, si ferme, siparfaitementvirilquec’enétait scandaleux. J’adorais sentir sonpoidsau-dessusdemoi,lemouvementdesesmusclessousmespaumes,toutçaprovoquaituneagitationdélicieusedansmonventre.Ilétaitbienplusfortquemoietilmetraitaitpourtantavectellementdedouceur.Lemouvement

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trèslentdesonbassincontrelemienm’enflammaitetjegémissaisdanssabouche.Nousavionsdéjàfaitl’amourunnombreincalculabledefois,maisàchaquefoisc’étaitcommesic’étaitnouveau,différent.

Jeglissaimamainentrenousetpassaimesdoigts sur lesmusclesdesonventre, je les sentis secontractersousmescaresseset ilpritunegrande inspiration.Qu’est-ceque j’aimais fairegémirmonmagnifiquemari. Ilsouritcontremabouche,s’éloignantdemoialorsqueje laissaiséchapperunpetitgémissementd’abandon.Oui,maisc’était luiquiavait lecontrôleaujourd’hui. Ilprit quelquechosedanslepanieretleposaàcôtédenoussurlacouverture.Unegrappederaisins.

–Ça,dit-ild’unevoixrauque,c’estduchardonnay.Il arrachaungrain, le suça entre ses lèvres et l’ouvrit endeux. Je le regardais, subjuguée tandis

qu’illeprenaitentresesdoigtsetl’approchaitdemontéton.Jesoupiraienbasculantlatêteenarrièreetfermailesyeux.Lasensationcontremapeaudufruitjuteuxréchaufféparsaboucheétaitmerveilleuse.Ilsepenchaetléchalejusderaisinlaissésurmesseins,embrassantchaquetétonavantdeposerlegrainsurmeslèvres.

–Legoûtduchardonnayestgénéralementneutre,lesparfumsétantrévélésparlechênedufût,dit-ilenlefrottanttrèsdoucementsurmabouche.

Jeléchaimeslèvresetilregardamalangueavecunairmystérieuxetpleindedésir.Àlaveinedesoncou,jevoyaisquesonpoulss’accélérait.Jeprisleraisinentremesdentsetjelecroquai,fermantlesyeux pour sentir le goût sucré éclater sur ma langue. Grayson se pencha alors et m’embrassa enenfouissantsalanguedansmabouche.

–Hum,me susurra-t-il à l’oreille après avoirmis fin à notre baiser. Tu te débrouilles très bienjusqu’àmaintenant.Tuesuneélèvetrèsattentive.

–Ilestassezdifficiledenepast’obéir!Ileutunpetitriresatisfaitavantdeprendreuneautregrappe,violettecettefois,danslepanier.–CabernetSauvignon,dit-ilàvoixbasse.Ànouveau, ilpritungrainentresesdents, le fenditendeuxet le fitglissersurmonventre. Il se

pencha pour aspirer le jus, et la sensation de sa langue chaude sur la peau fine demonbas-ventre fitbondirmonpoulsfrénétiquement.Jeserraisatêtedansmesmains,haletante.Ilrelevalevisage,mesyeuxcroisèrentlessiensetpendantuncourtinstant,quelquechosed’indéfinissablepassaentrenous.

Jet’aime,pensais-je.Moncœurestàtoi.Jelaissaimatêtepartirenarrière,tropeffrayéedeluidiredesmotsqu’ilnepourraitpasmedireen

retour.–Cesgrainsfontunvintrèsintéressant,dit-ild’unevoixquirévélaitqu’ilsebattaitpourgarderle

contrôle.Soit je neme rappellerai jamais de cette leçon, soit jeme rappellerai de chaquemot.Dechaquesensation.

Avantmêmequejenem’enrendecompte,Graysons’étaitmisdeboutetavaitretiréseschaussurespuis enlevé son jean.Enune fractionde seconde, il futde retourprèsdemoi, arrachantunautre fruitd’unegrappederaisin,cettefoispourprefoncé.Illetenaitentreseslèvresetilpassasonpoucedansmaculotte. Je soulevaimes hanches et il la fit glisser le long demes jambes. J’étais complètement nue.

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Agenouilléàcôtédemoi,ilfitcourirsonindexentremesjambesetjegémis,m’offrantàlui.Ilappuyaleraisinsurlapartielaplussensibledemapeauetjedusmeretenirdemepressercontrelui.

–Merlot,grogna-t-il.Offreunvinauxrichessaveursdebaies.Cefutunsuppliceetunelibérationàlafoisquandilenléchalejus,salangueroulait,melapaitetle

plaisirétaitsiintensequejecrusquej’allaisjouirdanslaminute.Jemedébattisencriantsonnom.Ilseremitbrusquementsurmoi,mapeauglacéeseréchauffaitpeuàpeuaucontactdesachaleur.Ilpritsonpénisdanssamainetmecaressadesonextrémitégonflée.Jebasculaimonbassinpourluiouvrirmonsexe.

–Oui,dit-ildansunsouffle,alorsqu’ils’enfonçaitenmoi.Jeperdislesouffleensentantlapressionmaintenantsifamilièredesonsexeenmoi.Rienn’était

plusmerveilleux.Rien.Sauf…Si!Ilyavaitquelquechosedeplusmerveilleux…Ilmepénétraencoreunpeuplus.Jepoussaiuncriaigutantmonplaisirétaitintenseetbrutal.Jelaissaimesmainsdescendrejusqu’à

ses fessessavourant lasensationdesesmusclesenactionsousmespaumes.Nousbougionsensemble,commedansunedansesensuelle,leplaisirmontantencoreetencorejusqu’àcequenousnouslaissionsaller. Je me mis à crier, mon corps était secoué de spasmes délicieux et impossibles à contrôler.J’entendisGraysonjouir luiaussiaprèsdeuxdernierscoupsdereinserratiques.Il trembla,puis laissatombersatêtedanslecreuxdemoncou,larespirationhaletante.Lemondesemblaits’êtrearrêtéalorsque je revenais tout doucement sur Terre. Le souffle rauque deGrayson contrema peau reprenait unrythmenormal.Lesnuagesflottaientparesseusementau-dessusdenostêtes,lesoiseauxgazouillaientdanslesarbresenvironnantsetlecœurdemonmaribattaitcontrelemien.Lemonden’étaitquebeauté.

– Quelles sont les autres leçons que je peux attendre avec impatience en tant qu’épouse d’unvigneron?demandai-je,encoreessoufflée.

Graysonsemitàrirecontremapeau.–Oh,j’aibeaucoupdeleçonsàtedonner.Cen’estqueletoutdébut.Ilroulasurlecôtéetm’embrassaunedernièrefoisensouriantcontremabouche.L’airétaitfrais;il

étaittempsdenousrhabiller.Graysonsortitunthermosdecafé,lesmuffinsàl’orangeetauxcranberriesdeCharlotteetunTupperwaredefraises.Nousavonsprisnotrepetit-déjeuner,nousavonsrietdiscuté.Jenecroispasqu’ilauraitpuexisterunbonheurplusgrandquecelui-ci.

***

L’après-midisuivante, ilpleuvaitdescordes.Lesgouttestombaientsurlafenêtre, transformantlemonde extérieur en une aquarelle brumeuse. Je me suis assise sur la chaise du bureau de Grayson,contemplant les chênes, puis le grand portail, et enfin les dossiers de comptabilité étalés devantmoi.J’avais tout réorganisé et, désormais, chaque chose avait trouvé sa place, dans un dossier étiqueté etsoigneusementrangédanssontiroir,oudansl’undestrieursempiléssurledessusdubureau.Jemelevai,dérangeantSugiequibâillaàmespieds.

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–Resteici,mafille,dis-jecalmement.Jerevienstoutdesuite.Danslacuisine,CharlotteetWalterétaientassiscôteàcôte,chacundevantunetassedethéposée

surlagrandetable.–Oh,bonjour,chérie,veux-tutejoindreànous?Latempératureavraimentbaisséaujourd’hui.–Ouiavecplaisir.Nebougepas,jevaischercherunetasse,dis-jeàCharlotteenlacoupantdans

sonélan.Jem’assis,puisjeluitendismatasse.Ellelaremplitimmédiatement.Unefoisservie,jeposaimes

mainsfroidesautourdemonmugbrûlant.–Est-cequetoutvabien?demandaCharlotte,lavoixinquiète.Jeveuxdire,entretoietGray?J’ai

l’impressionque…–Oui, toutvabienentrenous,dis-jeensouriant.Mieuxquebien,même.Cen’estpasçaquime

travaille.JeregardaiCharlotteetWalter,hésitantàformulermessoupçonstoutensachantquejen’avaispas

vraimentlechoix.–Quesepasse-t-il?demandaCharlotte.ElleetWalterétaientaussiimmobilesquedesstatues.– J’ai épluché les vieux livres de comptes et il semble… Enfin, j’ai l’impression que Ford

Hawthorn a délibérément ruiné ce vignoble. Comment a-t-il pu faire une chose pareille ? dis-je enchuchotant.

CharlotteetWalterseregardèrent,levisagesombre.– Il ne faut rien dire àGrayson… répliqua Charlotte. En temps normal, je déteste lemensonge,

mais…ilaassezsouffertàcausedesonpèreetça…çaledétruirait.Unjourpeut-être…Jepensequenoussauronstrouverlebonmoment,maisattendons,ilcommenceàpeineàseremettre.

Jesoupirailonguement.–C’estvrai,dis-jed’unevoixétouffée,un frissonparcourantmoncorps.Maispourquoiaurait-il

faitunechosepareille?–C’était sonderniermessageàGrayson,ditCharlotte, lesyeuxembuéspar lechagrin.Waltera

pourtantessayédumieuxqu’ilpouvaitdepréserverledomaine.MaisquandFordadécouvertqu’ilétaitmalade et queShane et Jessicaont refuséd’hériter duvignoble, il a compris qu’il serait obligéde lelégueràGrayson.Ilaalorscommencéàledétruire.Heureusement,ilavécumoinslongtempsqu’ilnelepensait,faisanttoutdemêmeénormémentdedégâtsavantdemourir.

Jemesuissentiemal,prised’uneviolentenausée.–Illehaïssaitàcepoint?demandai-je,lecorpssoudainglacéjusqu’auxosmalgrélethéchaudque

jetenais.Jedusdesserrerlesmains,comprenantquej’étaissurlepointdecassermatasse.–Ilsehaïssait,expliquaCharlotted’unevoixdéforméeparlacolère.Etilatransposécettehaine

danssarelationavecsonfils.Ilavaitl’intentiondelaisseràGraysonuneruinesansvaleur,commeuneultimegifle.C’étaitcruelet…

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–Cen’estpasvrai.La voix de Grayson résonna dans la pièce. Je fus tellement surprise que je sursautai et que je

m’ébouillantaiavecmonthé.–Grayson…–Non,dit-il,lavoixbrisée.Ilentradanslacuisine.Jemelevai,imitéeimmédiatementparWalteretCharlotte.–Gray,ditCharlotteenluiprenantlamain.–Dis-moiquecen’estpasvrai,Charlotte,supplia-t-il.Elle baissa les yeux pour dissimuler son visage, profondément attristé. Elle n’arrivait pas à lui

mentir,pasàGrayson,pasenréponseàcettequestionsidirecte.Lemalétaitfait.Iltournalestalonsetquittalapièceencourantversl’escalier.

AvantqueCharlotteetWalterneluiemboîtentlepas,jelesarrêtaid’ungestelamain.–Laissez-moiluiparler.S’ilvousplaît.Ilsacquiescèrent.Charlottesetordaitlesmains,bouleversée.–Sivousavezbesoindenous,noussommeslà,nousnebougeonspas,marmonnaWalter.Jeleurfisunderniersouriretristeetjefonçaiversl’étage.Jen’arrivaispasàycroire.Comment

était-cepossible?Enpassant lesdossiersenrevue, j’étais tombéesurdeschosestrèssuspectes,maisj’avaiseudumalàcroirequecequejevoyaisétaitvrai.Commentpouvait-onêtresicruel?Commentpouvait-onêtresihaineuxàlafindesavie?C’étaitçal’héritagequ’ilavaitdécidédelaisseràsonfils?Celan’avaitaucunsenspourmoi.J’entraidanslachambrequeGraysonetmoipartagions,etjeletrouvaidebout,devantlafenêtre.Ilregardaitlapluietomber.

–Gray,dis-jetimidement,enm’approchant.Ilsetournaversmoi,l’airtellementdévastéqu’ilmecoupadansmonélan.– Je lui avais fait une promesse ! hurla-t-il. Enfin, c’est ce que je croyais… et pendant tout ce

temps…Ils’éloignadelafenêtreets’adossaàl’undesmursdelachambre.Sesjambesflageolaient,ilse

laissaalorsglisserausoletenfouitsatêtedanssesbras.Jepoussaiunpetitcrid’effroietmeprécipitaiversluipourleprendredansmesbras.Etenfin,pressétoutcontremoi,ilfitcequ’ilauraitprobablementdûfairedepuiscessixlonguesannées,etpeut-êtremêmeavant:ilsemitàpleurer.

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CHAPITRE22

KIRALevignobleHawthornsemblaittrèscalme.Graysonétaitrestédansnotrechambretoutelajournée,

sansallertravailler,couché,leregardfixéauplafond.J’étaisrentréeplusieursfoisdanslapièce,maisilnem’avaitquasimentpasadressélaparole.Jepensaisqu’ilavaitsimplementbesoindedigérercequ’ilvenaitd’apprendre.Commentleblâmer?Ilétaitprofondémentblessé.Toutceenquoiilavaitcrûdepuisdesannéesvenaitdevolerenéclats.Ilavaitvécudansleseulbutdetenircetteuniquepromesse,maiselleétaitbaséesurunmensonge.Etlavéritéétaitsimochequ’ellel’avaitbrisé.Jecomprenaiscequ’ilressentait.J’avaisvécuquelquechosedesimilaire.J’auraisjusteaiméqu’ilmeparle.

Jemeréveillaiaumilieudelanuitencherchantmonmari,maissoncôtédulitétaitvideetfroid.Jepartis,ennuisette,àsarecherchedanslamaisonsombreetsilencieuse.

–Grayson?appelai-jedoucement.Pasderéponse.Jem’arrêtaipourtendrel’oreilleetj’entendisunbruitlointain,vraisemblablement

celuid’unverrecassé.Jesuivislebruitjusqu’àmetrouverdevantlaportedelasalleàmangerquimenaitàunecaveàvin,

unendroitque jeconnaissais sanspourtantn’yavoir jamaismis lespieds.Elleétaitentrouverte, justeassezpourlaisserpasserunfiletdelumière.

–Grayson?appelai-jeànouveau.Toujours pas de réponse. J’ai alors ouvert la porte et j’ai descendu, non sans crainte, l’étroit

escalierencolimaçon.Lessonsétaientplusdistincts;jem’arrêtaiuninstant,surpriseparlevacarme.Enarrivantenbas,jetrouvaiGraysonassisparterre,affalécontreuneétagère,entraindeboireune

bouteilleaugoulot.Lorsqu’ilmevit,ils’essuyalabouched’unreversdemainetmetenditlevin.–Kira,goûteça.C’estunDomaineLefl…bla-blabla,ons’enfiche,deFrance,dit-ild’untonléger

unsourireironiqueauxlèvres.Puis,ilbalançalabouteilleàmoitiévidequiatterritaumilieudeplusieursautresdéjàenmiettes.

Lesolencimentétaitjonchédevin,deverreetd’étiquettestrempées.–Oups,désolé,ellem’aéchappé.D’habitude, jenesuispasaussimaladroit.Hé,onn’aqu’àen

ouvriruneautre.Ilfouilladansl’étagèrederrièrelui,saisitunenouvellebouteillepuisramassaletire-bouchonqui

traînaitparterre.Jemeprécipitai,m’agenouillantprèsdelui.

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–Grayson…dis-jeenposantmamainsursajoue.Àquoitujoues?Ilstoppasalutteaveclabouteille,etmeregardatristement.–Jedégustelacollectiondegrandscrusdemonpère.Walterabienfaitdelaprotégeravantqu’il

nelaréduiselui-mêmeànéant,maisaujourd’hui,jereprendsleflambeau.Ils’arrêta,levisageravagéparladouleur.Puis,ilreprit:–Tuterendscomptequej’aivendutoutcequiétaitpossibledanscettemaisonenépargnantlacave

parcequejecroyaisquemonpèreseraitdéçu?C’estgrâceàtonarrivéequejen’aipasétécontraintdelefaire…

Ilpointalesquelquesbouteillesquitrônaientencoresurl’étagère.–J’étaistellementsoulagéd’avoirfaituntrucquiauraitrendumonpèrefier.Iléclatad’unriresansjoie.Ah!Iltentaitdoncdesefairejusticelui-mêmePourtant,àencroiresonregard,çanel’apaisaitpas.–Danscecas,dis-jeenmerapprochant.Pourquoinepasvendretoutleresteaulieudeluidonner

satisfaction en faisant exactement ce qu’il aurait fait ?Et avec l’argent, on pourrait acheter…unpetitsingeapprivoisé,etluidonnerlenomdetonpère.Ou…untandem?OnferaitletourdeNapapourdireàtoutlemondequelordurec’était.Ou…unperroquet!OnluiapprendraitàdiredessaloperiessurFordHawthorn.

Jeposailamainsursongenou.–Ilyamieuxàfairequeça.Onvatrouverquoiensemble.Graysoncaressamacuissenued’undoigt,puisremontajusqu’auborddemanuisettequ’ilsouleva

délicatementavantdereprendre:–Tuessibelle.Jesouristimidement.–Ettuessisaoul.–InVinoVeritas,murmura-t-ilencitantlaphrasegravéeau-dessusdelaporte.Sondoigtsuivitlacouturedemaculotte.–Lavéritéestdanslevin.Ah.Ils’arrêta,etfronçalessourcils.–Leproblème,c’estqu’ici,iln’yaquedesmensongesetdestromperies.–Grayson,non…Ilsecoualatêteetretirasamain.– Tu te rends compte, son plan était tellement sournois, c’était le moyen idéal de me faire

comprendrecombien ilmehaïssait.Lavengeanceparfaite.S’ilavaiteu justeunpeuplusde temps, ledomaineneseraitqu’untasderuinesàl’heurequ’ilest.

Ilfrémitenreprenantsarespiration.–Jepensaisquec’étaituncadeau,maisc’était tout lecontraire.Après toutça…jepensaisqu’il

finiraitpar…MonDieu.Çafaittellementmal,Kira,dit-il,d’unevoixdévastéeparladouleur.

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Son regard me brisa le cœur, le fracassant en mille morceaux au milieu des bris de verre quijonchaientlesol.

–C’estsidouloureux…–Jesais.Jeleprisdansmesbras,etilposalatêtecontremapoitrine.MonDieu,jecomprenaistellementla

douleurqu’ilressentait.–Écoute-moi,Grayson.Jeprissonvisageentremesmains,leregardantdanslesyeux.– La douleur fait partie de la vie. Pas seulement pourmoi. Pas seulement pour toi. Pour tout le

monde.C’estinévitable.Parfoismême,ladouleurestsigrandequ’ellefinitpardevenirl’essencemêmedetapersonne.Saufsitudécidesdel’enempêcher.L’amourestlàpourcomblerlesmanques.Carsituledécides,lasouffranceluioffreencoreplusdeplace.Etcetamournousrendplusforts.

Sesyeuxsombrescherchèrentlesmiens.–Tucroisça?–Jelesais!Graysonsoupiralonguementavantdeseréfugierànouveaucontremoi.–MaKira…siseulementj’arrivaisàycroire,moiaussi.–Tuyarriveras.Lemomentvenu.Etceseraça,l’héritagedetonpère.Voilàunebellevengeance.Onrestaassis,commesiletempss’étaitfigé,jusqu’àcequemesjambess’engourdissent.Graysonlevafinalementlesyeuxversmoi,puisilpassasonpoucesurmapommette,etmurmura:–Est-ce que ça gâcherait lemoment si je te disais que j’ai envie de t’emmener là-haut et de te

baiserjusqu’àépuisement?J’aiéclatéderire.– Je suisà tonservice.Maisavant,allons faireducafépourque tudessaoules.Tu risquesde te

sentirtropmaldemain.Etpuis,onvaavoirunelonguejournéesiondoittrouverunsingeàadopter.Graysonlaissaéchapperunpetitrirequisetransformaengémissement.–D’accord.D’accord.

***

–Graysonnevapastravailleraujourd’hui?medemandaCharlotte,l’airinquiète.–Jenepensepas,iln’esttoujourspasréveillé.Ilabesoindedormir,ilaunpeutropbuhiersoir.J’avaisdéjàparléàWalterdel’hécatombequiavaiteulieudanslacave.Ilavait toutnettoyé,et

faisait l’inventairedesbouteillesqueGraysonn’avaitpasdétruites.Si lesingeétaitune idéepeu tropfarfelue,enrevanche,j’étaissérieuseausujetduperroquet.

–Peut-êtrequejedevraismonterlevoir?suggéraCharlotte.–Plus tard,Charlotte. Il apprécierait ta compagnie, j’en suis sûre,mais jecroisqu’il avraiment

besoindesereposer.Ilavaitl’airsi…

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Jememordillailalèvreuncourtinstant,avantdereprendre:dévasté.–Jem’endoute.MalheureusementniWalternimoinepouvonsl’aideràretrouverlajoiedevivre.–Ilvadescendre.Charlotteacquiesça,maissonregardreflétaitsesdoutes,etsonmanquedeconvictionneservitqu’à

mestresserdavantage.L’étreintequejeluidonnaiensuitelabouleversa.–Çavaaller,dis-je.Jesentis,enledisant,quemontonmanquaitd’assurance.LeregardperdudeGraysonaumomentoù

j’avaisquittélapiècem’avaitglacélesang.Sansoublierque,moiaussi,jeluicachaisquelquechose.Audébut,jen’avaispasvul’intérêtdelui

direlavérité.Etpuistouts’étaitenchaînésivite…Maintenant,cesecrets’étaitinstalléentrenousetilfallait que je lui parle. J’ignorais comment il allait réagir. Il était encore si fragile émotionnellement.Combiendesecretspouvait-ilencoreencaisser?Combiendecoupsunepersonnepouvait-ellerecevoiravantdes’effondrer?

C’estencoremoi,mamie.Si seulement tupouvaism’envoyerunpeude tasagesse…Qu’est-cequejedoisfaire?

Charlottemetirademarêverietourmentée.–Grayareçuunappelcematin,lesétiquettespoursesbouteillessontprêtes.Jevaissûrementaller

envillepourlesluichercher.–Jevaism’enoccuper.J’aibesoindeprendrel’air.J’ail’impressiond’êtrederrièreGraysonen

permanence. Il a sûrement besoin d’être un peu seul pour faire le point. Je ne veuxpas le gêner. S’ildescend,tupourrasm’envoyeruntextopourmeprévenir?

–Ouibiensûr,machérie.Àtoutàl’heure.JemerendisdirectementàlapetiteimprimerieoùGraysonavaitcommandélesétiquettespourle

vinquiallaitêtreembouteillé.Lafemmedel’accueilmetendituneboîte,etalorsquejepayaisparcartebancaire,jelavisfroncerlégèrementlessourcils.

–Excusez-moiMadameHawthorn,maisvotrecartenepassepas.–Commentça?C’estimpossible.Moncompteestlargementcréditeur.Pouvez-vousréessayer?Maislerésultatfutlemême,etlasituationdevintparticulièrementgênante.Malgrélefrissonquidescenditlelongdemondos,jenemedémontaipas.–Monmariadûfairedesachatssansmepréveniretmaintenantilfautquejepasseàlabanque!Elleesquissaunsourire.–Çam’estdéjàarrivé.Voulez-vousquej’essaieavecuneautrecarte?Je n’en avais pas d’autres. Je fouillai dans mon sac, en comptant les billets que j’avais.

Heureusement,ilm’enrestaitunpeu.J’avaisretiréduliquideilyaquelquessemainespourdonnerdespourboiresaupersonneldelafête,maisGraysonavaitdéjàveilléàcela,etjen’avaispaseuàutiliserl’argent qui était resté dansmon portefeuille. Tout était encore là. Je comptai, et lui tendit ensuite lasommeenlaremerciant,avantdequitterlaboutique,laboîtesouslebras.

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Puis,jemontaidansmavoiturepourfileràlabanque.Lesentimentdepaniquequim’avaitenvahieàl’intérieurdel’imprimeries’étaitmaintenanttransforméenuneangoissevague.Moncœurbattaitdansmapoitrinecommesijepressentaisquequelquechosedeterribleallaitseproduire.Oh,monDieu,s’ilvousplaît,faitesquecenesoitqu’unmalentendu,uneerreurbancaire,riendeplus.S’ilvousplaît,s’ilvousplaît…

Une fois la voiture garée, je pris un moment pour respirer profondément avant de rentrer dansl’agence. Heureusement, il n’y avait pratiquement personne, et l’un des guichets était libre. Quandj’expliquaipourquoij’étaislà,laguichetièreconsultamoncompteenfronçantlessourcils.

–Jesuisnavrée,MadameHawthorn,ilsemblequ’ilyaiteuuneoppositionsurvotrecompte.OhmonDieu.–Uneopposition?Vouspouvezmedirepourquelleraison?Ellesecoualatête.– Non, je suis désolée. Vous devriez recevoir un courrier si vous êtes à découvert ou si votre

compteestbloquépouruneraisonjuridique.Moncœurbattaitsivitequej’avaisdumalàretrouvermonsouffle.–Pouvez-vousvérifierlecomptedemonmari?Justepourmedires’ilyaeuuneoppositionsurle

sienaussi?–Heu…–S’ilvousplaît.Donnez-moijustecetteinformation.Jesaisqu’iln’estqu’àsonnom,maissivous

pouviezjuste…J’étaisentraindecéderàlapanique.Jeposailamainsurmapoitrine.–Pardon…Ellemesouritavecsympathie.–Laissez-moiregarder…Ellerecommençaàtapotersursonclavierd’ordinateur,etplissalesyeux.–Oui,ilsemblequecesoitlamêmechosepourlui.–Merci,dis-je,obligéededéglutirpournepasvomir tant j’étais écœurée.C’estgentildevotre

part.J’étaissurlepointdepartirquandellem’interpellaunedernièrefois–Jesuissûrequeleschosesvonts’arranger,MadameHawthorn.Jetournailatêtesansm’arrêterdemarcher.Non,nonçan’allaitpass’arranger.OhmonDieu.–Oui,j’ensuissûre.Merci.Jemedirigeaiaupasdecourseversmavoiture,lapeaumoiteetglacée.Jeprismontéléphonepour

appelermonpère.Ildécrochaàlatroisièmesonnerie.–Qu’est-cequetuasfait?–Kira,dit-ilsimplementaprèsunecourtepause.–C’estl’argentdemagrand-mère!hurlai-je,horsdemoi.Qu’est-cequetuasfait?

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Je l’entendis soupirer, puis il me sembla qu’il mettait sa main sur le téléphone pour parler àquelqu’un.Jecrusentendreuneporteserefermeravantqu’ilnereprennelaconversation.

–Cen’estpasunhommepourtoi,Kira.C’estuncriminel.–Espèced’ordure!C’esttoiquiesderrièretoutça!Maispourquoi?Mavoixsebrisa.Lacolèreetlechagrinmesubmergèrent.–Tumedétestesàcepoint?Ces mots m’étaient familiers. N’avais-je pas déjà posé la même question au sujet du père de

Grayson?–Jenetedétestepas,Kira.Aucontraire,jeveuxt’empêcherdefairedesmauvaischoix.–C’estMAvie!hurlai-je.Jesuisunefemmemaintenant.Tun’avaispasledroitdefaireça.Tute

rendscomptequetumetssonentrepriseenpéril?Etsesemployés,ilsdépendentdelui!–Sitonmaricomptesurtonargentpourréussirdanslesaffaires,cen’estpasunhommedignedece

nom.dit-ild’unevoixsècheetimplacable.–Tun’asaucundroit,aucunelégitimité.Légalement,cetargentàmoi.C’estmagrand-mèrequime

l’alégué.–Oui, peut-être,mais je suis capable d’aller jusqu’au procès pour te prouver la logique dema

positionetlafoliedetonchoix.Jelefaispourtonbien,Kira.Jesuistonpère.Jenepeuxpastelaisserfoutretavieenl’air.

J’étaissichoquéequemoncorpstoutentierfrémitd’horreuretdeslarmescoulèrentsurmesjoues.–Tufaisçapourtonproprebien…Tunet’esjamaispréoccupédemonbonheur.Tunepeuxpas

supporterdemevoirfairequelquechosequetun’aspasdécidé,parpurorgueil.Tun’acceptespasquejenesoispassoumiseàtesdirectivescommeceuxquit’entourent.

–Kira,soupira-t-il.–Tu ne penses pas que tu lui en as déjà assez fait comme ça ? demandai-je, comprenant que je

n’avaisplusrienàperdremaintenant.Detoutefaçon,ilavaitdéjàfaitcequejeredoutaisleplus.– Jeme souviens très bien, tu sais. J’étais là le jour où le juge qui s’occupait de son affaire a

débarqué dans ton bureau. J’ai entendu le conseil que tu lui as donné. Je t’ai entendu lui dire decondamnerGraysonsansindulgencepourenfaireunexemple.Etc’estcequ’ilafait.

–Jedonnebeaucoupdeconseils.Iln’yapasdeloicontreça.Etsicegarçonaprislemaximum,c’estqu’illeméritait.

Iln’avaitpasoublié.Larapiditédesaréponseparlaitpourlui.Ilnes’ensouvenaitpaslorsquenousétionsalléslevoiràSanFrancisco,maisj’étaissûrequeçafiniraitparluirevenir.IlavaitenquêtésurGrayson. J’en étais convaincue. Que ce soit avant ou après qu’il lui eut proposé un pot-de-vin, peuimporte.

Mon père avait participé à la longuemise àmort deGrayson. Et il avait de bonnes raisons : ilvoulaitprotégerquelqu’un.

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Pendantuninstant,leseulbruitqu’onentenditfutceluidemarespirationhachéealorsquejetentaisdecontrôlermessanglotsdésespérés.

– Ces conseils que tu donnes affectent des vies, papa. Des vies humaines, celles de gens quirespirent,quiontdesespoirsetdesrêves…C’estcommelesconseilsquetuasdonnésàCoopersurlafaçondegérerlasituationavecmoi!Tum’asdétruite.Tut’enrendscompte?DelamêmemanièrequeçaadétruitGrayson.Alorsjet’ensupplie,nefaispasça.Arrêtetoutçaetlaisse-nousêtreheureux.Tunousasdéjàassezfaitsouffrir.S’ilteplaît…

Cettefois,jenepusretenirmessanglots.–JesuisdésoléKira,c’estpourtonbienet,c’estvrai,pourceluideCooperaussi.Turéaliserasun

jourquec’étaitunesagedécision…Quantàtonmari,jeluiaifaituneoffretrèsgénéreusepourqu’ilsetienneloindetoi.Jesuggèrequ’illasaisisses’ilneveutpasquesonentreprisecoule.

–Qu’est-cequeçacache?–Pasgrand-chose.Ilreçoitunbeaupéculepouruntoutpetitsacrifice.Jeluiaijustedemandédese

teniràdistance,etdemettreuntermeàcettehistoireoùilaprofitéd’unejeunefilleperdueavecunbelhéritage.

Untoutpetitsacrifice.Voilàcommentilmevoit.Cettephrasemeglaçalesang,nonpasparcequemonpèrem’humiliaitunefoisdeplus,maisparce

quejecomprisqu’iln’avaitaucunscrupuleàruinerlaviedeGrayson.Encoreunefois.–Ilcommencejusteàseremettreettuluidemandesdepasserànouveaupourunparia?Comment

veux-tuqu’ilsereconstruisedansunendroitoùpersonnen’aderespectpourlui?–Cen’estpasmonproblème.Aveclapropositionquejeluiaifaite,ilpeutrefairesavien’importe

où.Ilsevoyaitcommeunvéritablehéros.Sonegocolossallepoussaitàseprendrepourlebrasde

lajustice.Ildéliraitclairement.–C’estpourçaquetul’asépousé?demanda-t-il.C’étaitencoreunedetesactionsdecharité?–Non,jel’aime,répondis-jesimplement.Désormais,iln’yavaitplusaucuneraisondeleluicacher.J’étaisindifférentesoudain.Ilnemelaisseraitjamaistranquille.Jepasseraislerestedemavieà

êtresonpion,sousuneformeouuneautre.Leregardfixésurlepare-brise,jeraccrochai,sansriendire.Je n’ai gardé aucun souvenir du trajet jusqu’à la maison. La maison. Un autre sanglot manqua

m’étouffertandisqueleslarmescoulaienttoujoursplussurmesjoues.–Toutvabien,merassurai-je.Toutvabiensepasser.Graysonetmoiallonsréglerça,ensemble.Il

aditqu’ilallaitprendresoindemoidésormais.OhmonDieu,maisnoussommesànouveautotalementfauchés.

En passant le portail, j’ai immédiatement remarqué une berline noire garée devant la fontaine.Putain,quoiencore?Jem’arrêtaijustederrièreelleaumomentmêmeoùCooperensortait.Moncœurs’arrêtadebattre,avantderepartirànouveauàtoutevitesse.Àcerythme,j’étaisbonnepourfaireunecrisecardiaqueavantlafindelajournée.

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Jeprisunegrandeinspirationetdescendis,claquantlaportièrederrièremoi.Coopermarchaitdéjàdansmadirection.

–Kira,qu’est-cequinevapas?demanda-t-il,l’airinquiet.Jen’encroyaispasmesyeux.–Tunesaisvraimentpas,Cooper?Oubienest-cequetuesdanslecoup,toiaussi?Monpèreet

toi,vousformezungenrededuodément,dis-jesèchement.Ilrestasilencieuxuntemps,lessourcilsfroncésetprituneinspiration.–Oui,jesuisaucourant.Pardon,Kiramaisj’approuvecequ’ilfaitpourtesortirdelà.IlpointaitdudoigtlamaisondeGraysonderrièrelui.–C’estunassassinKira,dit-ilsévèrement.Tun’esprobablementmêmepasensécurité.–Jesuisunmilliondefoisplusensécuritéavecluiquejenel’aiétépendanttoutletempsoùnous

étionsensemble.J’élevais le ton et lui jetais les mots au visage.Mais une vague de découragement m’envahit à

nouveau.MebattreavecCoopern’allaitpasrésoudrelasituation.Jechangeaidetactique.–Cooper,dis-jeenm’approchantdelui,lavoixlégèrementtremblante.Jesaisquecequetuasfait

c’était…Jesecouaislatêtecherchantlesmotsquiallaientleconvaincreetnepasl’énerver.–C’étaitàcausedeladrogueetdel’alcool.Jesaisquetun’étaisplustoi-même.Ilconsidéreracetteexplication,etsemblalatrouveràsongoût.–Plusdutout,Kira.Menteur.–Jen’étaisplusdutoutmoi-même.Jenecontrôlaisplusrien.Maispersonnenedoitsavoirça.Ça

détruiraitmavie.Maisçanet’aposéaucunproblèmededétruirelamienne.Jefisnondelatêtevivement.–Jeneveuxpast’exposer,Cooper.Jamaisjenerévéleraicequis’estpasséentrenousetj’accepte

deprendre la responsabilitédenotre séparation.C’estd’accord. Je ferai tout ceque tumedemandes.Mais je t’en prie, persuademon père deme rendre l’argent dema grand-mère.Convaincs-le de nouslaissertranquille.Jet’enprieCooper,situm’asaiméeunjour,neserait-cequ’untoutpetitpeu,s’ilteplaît,laisse-moiêtreheureuse.

Cooper serra les lèvres, l’air soucieux, pensant sans doute à ce que je venais de dire. Pleined’espoir,jem’approchaiunpeuplus.

–Tunesaispas toutcequ’il a fait.Toutcedont il estcapable. Je saisque tuesmieuxque lui,Coop.Neteplacepasàsonniveau,net’abaissepasplusquetunel’asdéjàfait.

–Qu’est-cequ’ilafait?medemandaCooper,enrepoussantunemèchedecheveuxdemonvisage.Jejetaiuncoupd’œilàlamaison,avecl’espoirqueGraysonnesoitpasentraindenousobserverà

la fenêtre. Non, il devait très probablement dormir. Je ne voulais pas qu’il assiste à ça. Je devaisconvaincreCooperdem’aider.

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Jesecouaislatête.–Ilmanipulelesgenspourarriveràsesfins.Ils’estmêmeservideGrayson.Illuiadéjàfaitdu

mal,ils’estservideluid’unemanièreabominable.–Commentest-cequ’ils’estservidemoi?LavoixfroideetposéedeGraysonrésonnaitprèsdemoi.Jesursautai.Jenel’avaispasvuarriver,

nosvoituresl’avaientcachéetj’étaistropconcentréesurCooper.Jen’avaispaspenséqueGraysoniraittravailler aujourd’hui. Mais il avait dû y aller, un court moment au moins, puisqu’il venait de cettedirection.

–Grayson…Jem’éloignaideCooper.Sugie, qui était juste derrière Grayson, fixa Cooper et se mit à grogner avant d’aboyer, à deux

reprises.Jen’enrevenaispas.C’était,àmaconnaissance,lapremièrefoisdesaviequeSugiegrognaitcontrequelqu’un.

–Jepensequevousferiezmieuxdepartir.Monchiennevousaimepas.Cooperricana.–Jesuissûrqu’elleconnaîtaussibienl’âmehumainequevous…–Ellenementpas,elle, rétorquaGraysond’unevoixglaciale.C’estunechienne,pasunhomme

politiquecommevous.Sortezdemapropriété.–J’allaispartir.Coopers’adressaalorsàmoi:–Tuconnaismaposition,Kira.Tonsortmepréoccupeautantquetonpère.Onestlàpourt’aider.Si

tuasbesoin,appelle-moi.Jeserailàenunefractiondeseconde.Graysons’avança.–Jepeuxvousassurerquemafemmen’aurajamaisbesoinderienvenantdevous.CooperfitfaceàGraysonunmoment,latensionétaitpalpable,àtelpointquejemesuisarrêtéede

respirer. Puis il recula prudemment, fit demi-tour et se hâta de monter dans sa voiture. Je pouvaissouffler.

NiGraysonnimoin’avonsditunmotavantqueCooper,sonchauffeuretsavoitureaientpasséleportail.

–Qu’est-cequec’étaitqueça?Ettuaspleuré?medemandaGraysonens’approchantdemoi,l’airàlafoisénervéetinquiet.

–Je…oui.Jetremblaisdetoutmoncorps.–Ilfautqu’onparle,Grayson.Est-cequ’onpeutrentrer?Ilm’observaunmoment.Sonvisageétaittenduparl’inquiétude.OhmonDieu,j’allaisluifairedu

malalorsqu’ilsouffraitdéjà.J’appréhendaistellementcemomentquejerentrailatêtedanslesépaules.Jelesuivisjusqu’àlamaison,lesjambestremblantesetj’entrai,aprèslui,danssonbureau.J’étais

étonnéeduchoixdelapièce,maispeut-êtrequ’ilm’avaitconduiticiparcequec’étaitlaplusprochede

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laported’entrée.–Est-cequetuveuxbient’asseoir?demandai-je.–Jepréfèreresterdebout,dit-ild’untonsec.Ilétaitsifroid.Jefrissonnaisetjecroisaislesbrascommepourmeréconforter.–Qu’est-cequisepasse,Kira?Sapostureetsonregardattentifmedonnaientl’impressionqu’ilattendaitderecevoiruncoup.–Noscomptessontgelés,dis-je,effondrée.Ileutd’abordl’airtroublépuischoqué.–Quoi?Comment?Jeprisunegrandeinspiration.–C’estmonpère…Jeneconnaispaslesdétails.Iladûfairequelquechose,desdémarches,des

réclamations,jenesaisquoi,pourqu’ilpuisseyavoiruneenquête.– OK, bon, quelles que soient ses réclamations, elles ne reposent sur rien. Selon les termes du

testament,cetargentestàtoi.–Jesais,maisilpeutfairetraînerl’affaireassezlongtempspourqu’onsoitobligédevendredes

meublesoudesmachinespoursurvivre.Ilpeutlefaire.Illeferatrèsprobablement.Graysonjuraetsepassalamaindanslescheveux.–Jesuistellementdésolée.Jel’aisous-estimé.Jenepensaispas…Grayson fixait un point derrière moi. C’était comme s’il portait un masque, je ne pouvais pas

déchiffrercequ’ilressentait.Ildemeurasilencieuxsilongtemps,quejemesuismêmedemandés’ilallaitreprendrelaparole.

–PourquoiCooperest-ilvenuici,etdequoiparliez-vous?Tuasditquetonpères’étaitservidemoi.

Enfin,ilabordaitcesujet–Qu’est-cequetuvoulaisdireparlà?Dis-moi.–Cooper…estvenujustepour,jenesaispas,fairecommes’ilsesouciaitdemoi.Jem’approchaideGrayson,etjeposaimamainsursonbiceps.–Jet’enprie,écoutecequejevaistediremaintenant.Ilfautquetucomprennespourquoijenete

l’ai pasdit avant.Audébut j’ai penséque çan’était pasnécessaire…Etpuis, plus le temps apassé,plus…

Graysons’estpétrifié.–Abrège,Kira.Crachetonhistoire.Maintenant.–Je t’aiditque j’avaisétéenstagechezmonpère, ilyaquelquesannées. J’étaissouventàson

bureau.J’aisurprisdesconversations…Monpèreatoujourspenséques’ilavaitdel’influencesurlesjuges,ilauraitlepouvoirabsolu.

Vucommeça,iln’avaitpastort.Nilavériténilesfaitsn’avaientd’importancesivousaviezlesgensquiprennentlesdécisionsfinalesdanslapoche.

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–Illesdragues’illepeut,commedanslecasdeCooper,ilchercheàgagnerleursfaveurs,passedescontrats…Ilfaitçadepuisdesannées.

Pourlepouvoir,onenrevienttoujoursaupouvoir.–Enquoiçameconcerne?J’observaislestraitsfigésduvisagedeGrayson.–Un soir, nous étions au bureau après les heures de travail et je finissais quelques dossiers en

l’attendant.SoudainlejugeWentworth,…celuiquis’estoccupédetoncas–jeluijetaiuncoupd’œilsurluimaissonexpressionn’avaitpaschangé–estvenuconsultermonpèresurdifférentesaffaires,dontlatienne.

–Continue,dit-il,lamâchoirecontractée.–Jeleuraiapportéundossieretj’aipuenentendrejusteassez…assezpourcomprendre.C’était

une année électorale, tu vois, et…monpère lui a conseillé de te faire plonger en te donnant la peinemaximale,pourenvoyerunmessageclair:iln’étaitpassévèreseulementaveclesmeurtrescommisparlespauvresou lesminorités,maisaussiavec lescriminelsblancset riches.Cen’estqu’un jeu,un jeud’intérêtsetdemanipulationdesfaits.Danscemilieu,lesjoueursnecomptentpas,nilesvies,toutpeutêtredéformédumomentquetul’abordessouslebonangle.Tuétaisunpion.C’estpourçaquetun’aspaseudestravauxd’intérêtgénéralouunepeineminimalecommel’avaitprédit tonavocat.Tuaspriscinqansàcausedemonpère.Etmoije…jen’aijamaisoubliétonnom.Cefameuxjouràlabanque,jel’aientenduettoutm’estrevenu.

J’eusfinalementlecouragederegarderGraysondanslesyeux.Jevoulaissavoirs’ilavaitcompriscequejedisaismais,mêmes’ilavaitblêmi,ilétaittoujoursaussifroidetimpassible.

–Etpuis tuasdécidédem’utiliserà ton tour.Toutçan’aétéqu’uneseuleetmêmegigantesquemachination.

Jefronçailessourcils.–Quoi?Non,pasdutout!C’étaitunhasardquandjet’aicroiséàlabanque,commesic’étaitle

destin,etje…Ilmecoupalaparole.–Tupensesvraimentquejevaistecroire,maintenant?Jevaistedirecequetuasfait:tut’esservi

demoi.Iléclatad’unrireméprisant.–Quellemanièregénialederendrelamonnaiedesapièceàtonpère!C’étaitlavengeanceparfaite.

Épouser lemec qu’il a faitmettre en prison. Pas étonnant qu’il ait été si furieux. Putain, en fait tu escommelui,tuesunemanipulatrice,tutesersdesgens.

Jesuffoquaisetautourdemoitoutdevenaitsombrecommesimonchampdevisionrétrécissait.Manipuler?Meservirdesgens.Non,jen’aipaspufaireça…J’admetsquej’aitoujourseudes

idéesdestratagèmesetdesplans,maisilsn’avaientjamaispourbutdefairedumalauxgens…J’enétaismaladequ’ilpenseça.J’aiposémamainsurleborddesonbureaupournepastomber.

Est-cequej’aifaitça?Vraiment?Est-cequej’aifaitçaàGrayson?

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Jesecouaislatêteensignededénégation.–Jenemesuispasservidetoi,Grayson.J’aivouluessayerderétablirlajustice.Jepensais…–Rétablirlajustice?Etcommentest-cequetuasrétablilamoindrejustice?Iléclataànouveaud’unrirequimeglaçalesang.Ilenfouitensuitelamaindanssescheveuxettira

nerveusementsursesmèches.–C’étaitça tonplanpendant toutce temps?M’utiliserpour toucher l’argentetpuis lereprendre

d’unemanièreoud’uneautre?Putaindemerde.Vousêtestousdesmenteurs.Etregardecequetuasfaitdemoi…Unmecsanslesou,mariéàunecomploteuse,etjedoisencorefairefaceàtonpère,l’hommequiadéjàbousillémaputaindevie!

Sonvisageétaitmaintenantrougedecolère.Ilhurlait,lavoixtremblantederage.–Grayson,dis-jeentendantlamainverslui,jen’airiencomploté,jetelepromets.Tutetrompes.

Jepeuxcomprendrequetusoistrèsénervéaprèscequetonpèreafait,maislàtuvoisleschosescommequelqu’unquiaététerriblementtraumatisé.Jet’enprie,sionréfléchitensemble,toietmoi,ontrouveracertainement…

Ilrecula,l’airdégoûté.Jelaissaitombermamain.–Trouverquoi?Tumanigancesencore,Kira?Arrête, jenesupporteplusd’entendreça.Çame

donnelanausée.Tumedonneslanausée.Toutçam’écœure,lesmanipulations,lesmensonges,lessemi-vérités.

Jesecouaisnégativementlatête.–Tufaisfausseroute.S’il teplaît,prendsjuste le tempsderéfléchir.Jenesuispascommemon

père.Nicommeletien.Jesoufflaicettedernièrephrase.Jen’enétaispasfière.–Çan’arienàvoiravecmonpère.Ilprononçalemotcommeuneinsulte.–Çaaàvoiravectoietlefaitquejeneteferaisplusjamaisconfiance.Jesecouaislatêteencore,frénétiquement,refusantladistanceglacialequ’ilmettaitentrenous.–Jesais,tudoisavoirl’impressionquetunepeuxplusavoirconfianceenrien.Maiscen’estpas

vrai.–Jel’aicru.Unelarmecoulasurmajoue.–Grayson,jesuistafemme.Lelienquinousunitest…– Je peux le trouver dans le bar du coin n’importe quel jour de la semaine, ton lien, lança-t-il

impassible.Jerefermaimesbrasautourdemoi,essayantdésespérémentd’oubliersesparoles.–Jesaisquetunepensespascequetuviensdedire.Jenevoulaispastefairedemal.Jet’aime,

dis-je,lavoixbrisée.Ilhurladerire,latêterejetéeenarrière.Ladouleurquejeressentisalorsétaitabominable.–Tum’aimes?Tum’aimes?Est-cequetusaiscequel’amourm’aapportédanslavie?

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Ilattrapaunpresse-papierssursonbureauetlejetadetoutessesforcessurlafenêtre.Lavitrevolaenéclatsetleprojectileseretrouvaquelquepart,dehors,surlapelouse.

Jepoussaiunpetitcrietilsetournaversmoi,lespoingsserrés.–Tunem’aimespas.J’aiétéacheté,riendeplus.J’aijouélerôledumari,pasvrai?Etmaintenant

notrecontratestrompu.Va-t’en!Sorsdemamaison!–Tuveuxquejem’enaille?demandais-je.Jesuistafemme,j’habiteici.C’estmamaison…–Plusmaintenant.Jevaisappelertonpèrecetaprès-midietacceptersonoffre.Aumoins,toutesles

autrespersonnesquitravaillentauvignoblen’aurontpasàsouffrirdecemariage.J’avaisbrièvementbaissélatêteetjelarelevaipourcroisersonregard.–S’ilteplaît,Grayson,situmelaissaisjustem’expliquer,tu…– Je n’en ai rien à foutre de tes explications ou de tes jolismots. Ils se terminent tous par des

mensonges.Dégage!Il était fou de rage et il hurlait. Je sursautai etm’effondrai en sanglots. Puis j’ouvris la porte et

m’enfuis,suivieparSugiequin’avaitcessédegémir.Enlarmes,jemeprécipitaidanslachambreetjetaidesvêtementsetdesaffairesdetoilettesdansmavalise.J’étaissûrequej’allaisoublierdeschoses,maisj’étaistroptristeetdésemparéepourfaireunerechercheapprofondie.

N’avais-jedéjàpasvécucelaauparavant?Desvêtementsbalancésdansunevalisepourfuiràlahâte?Seulement,cettefoisquelqu’unm’yforçait.Cettefois…Cettefois,jem’étaisfaitjeterdehors.

Parmonmari.Parl’hommequej’aimaisdetoutmoncœur.Peut-êtrequec’étaittoutcequejeméritaisfinalement.Jeme baissai et regardai Sugie dans les yeux, caressant sa petite truffe difforme en essayant de

reprendrelecontrôledemarespiration.–Tueslà,majoliefifille.Prendssoindetoutlemondeici,d’accord?Sachequejet’aimeetquetu

esunebonnefille,unetrèsbonnefille.Je me relevai avant de m’effondrer définitivement en pleurs, puis je descendis les marches de

l’escalier.Quandj’arrivaidansl’entréedelamaison,jem’arrêtaiunesecondepourjeteruncoupd’œildans

lebureau.Graysonétaitdeboutderrièrelatable,penché,lesmainsàplat.Jevoulaism’approcher,maisil leva lesyeux. Ilmedévisagea sansdireunmot, le regarddur et distant.Onaurait dit un étranger ;c’étaitcommesinousn’avionsjamaisrienpartagé.

Jereculai,etsortisàlahâtepourrejoindremavoiture.Jejetaimavalisesurlesiègearrièreetmemis au volant. Le souffle court, je luttai pour faire entrer un peu d’air dans ma poitrine. J’avaisl’impressionquelemondes’étaitécroulé.

Grayson,deboutderrièrelafenêtre,meregardaitpartir,exactementcommeill’avaitfaitaupremierjourdenotrehistoire.

Jedémarraiet je roulaiendirectionde lagrilleencontournant la fontaine. Jepassaidevantmonpetit cottage et devant le chêne dans lequel j’avais grimpé. Puis je franchis le portail du vignoble

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Hawthornàunevitesse folle.Ladistanceentre le seulendroitoù jem’étais sentieheureuseetmoi secreusa,inexorablement.

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CHAPITRE23

GRAYSONLe désespoir. C’était la seule émotion que j’étais capable de ressentir. Tout ce que je pensais

connaître,toutcequiavaitétéunesourcedemotivations’étaiteffondréautourdemoi.Desmenteurs,destricheursmachiavéliques,desmanipulateurs.C’étaittousdesmenteurs.

Mamaisonressemblaitmaintenantàcettepetitecellulesombreetobscureoùj’avaisvécupendantcinq longuesannéesdesolitude.J’erraisdans lesdifférentespièces lanuit,buvantquand jen’arrivaispasàtrouverlesommeiljusqu’aublack-out,pourdormirensuitetoutelajournée,lesvoletsfermés.Letravailn’étaitplusunedistractionagréablecommeilavaitpul’être.Detoutefaçon,àquoibonramenercevignobleàlavie?Pourvivredanslademeurequemonpèreavaitutiliséecommearmepourmepunir,pour que je n’oublie pas à quel point je n’avais aucune valeur ? Voir le domaine prospérer nem’apporteraitplusaucunesatisfaction.Ceneseraitqu’unrappeldouloureuxdelahainequecethommem’avait portée, et combien je m’étais pathétiquement accroché à l’espoir qu’il m’aimerait un jour,croyant stupidement qu’il m’avait légué ce vignoble par amour. Je voyais mon père partout. Jen’éprouvaisaucunefiertédevantletravailaccomplimaisseulementdelahonte.Moiaussi,jepouvaisledétester.C’étaitmêmedevenumanouvellepromesseenverslui.

Ce que mon père avait juré au beau milieu d’une dispute avec ma belle-mère me revenaitmaintenant.Bonsang,Jessica,c’étaituneputaind’erreur.Si jepouvais touteffacer, je le ferais. Etcetteerreur,c’étaitmoi.Ehbien,j’enavaisfaitunemoiaussi.Mefieràluiétaitlachoselaplusstupidequej’avaisfaite.Maisjeneferaispasdeuxfoislamêmeerreur.Plusjamais.

J’avaisdemandéàWalterdevendrelesdernièresbouteillesdelacollectiondevinsdemonpère.J’avaisensuiterassemblélepeudeforcequimerestaitpourallervoirJosé,HarleyetVirgilpourleurdonner congé. Je ne pouvais plus les rémunérer. J’avais utilisé l’argent de la vente des vins pour lespayerjusqu’àlafindumois.Leursvisageschoquésetattristésn’avaienteupoureffetquedemefairememépriserdavantage.

J’aidûensuiteannonceràWalteretCharlottequ’ilsétaientlicenciés,euxaussi.Certes,j’avaisviréCharlotte assez régulièrement au cours de ces dernières années, mais je pouvais voir dans ses yeuxqu’ellesavait,cettefois,quej’étaissérieux.Unjouroul’autre, ilmefaudraitvendrelevignoblepoursurvivreetrepartiràzéro,maisjen’enavaispasencorelaforce.

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CharlotteetWalterontessayédemeparler,maisjen’aipasvoululesécouter.Mêmeeuxm’avaientmenti, les deux personnes en qui je pensais pouvoir avoir totalement confiance. Ils m’avaient laissécroirequemonpèreavaitfiniparm’aimer,maiscen’étaitqu’unecruelleetterriblefaçondedissimulerlavérité.Ilsm’avaientregardémetransformerenunidiotridicule,etlasouffrancequeçameprovoquaitétaitincommensurable.

Et Kira…Mon cœur s’emballait. La pire de tous. Je lui avais stupidement donné mon cœur,absolument toutcequ’ilenrestait,etpendant toutce tempsellem’avaitmenti,elleaussi.Etsurquelsautres sujets?Quelleautrebêtiseaurait-ellepume fairegoberavantque jedécouvre,désespéré,quej’avaisétéencoreunefoisledindondelafarce?Jeplissailesyeuxenrepensantàcemomentdansmonbureauoùellem’avaitconfesséqu’ellem’avaitmentidepuisledébut.Celaavaitétécommeuncoupdepoignard en pleine poitrine. La seule pensée qui avait traversé mon esprit avait été, non, pas toi,n’importequid’autre,maispitié,pastoi!

Jejetaimonverredevincontrelacheminéedusalon,medélectantdusoncristallinduverrequisebrisait.Jeposaimesbrassurlerebordetlaissétombermonfrontsurlapierrefroide.Mêmequelquessemainesaprèssondépart,laseuleévocationdunomdeKiradéclenchaituneréactiondemanqueaigu.Imbécile!

Ellem’avait dit qu’ellene ressentait riend’autrequedudégoûtpourCooperStratton.Et puis jel’avaisvueluiparler,lesmainsposéessursontorse,essayantdeleconvaincredejenesaisquoi.Ellel’avaitappeléCoop.J’avaisreconnusonexpressioncoupablequandjelesavaissurpris.Petitementeusemanipulatrice.

Plusjamais.Jenechercheraisplusjamaisàsavoirquim’aimaitounon.J’allaislaisserlespartiesdemoiquipouvaientencoresouffrirserecouvrirdeglace.Jedétestaisl’idéed’êtreencorevulnérable.Jesavaiscommentfaire.J’avaisvécuavecuncœurcouvertdegivrependantdesannées;l’indifférencen’étaitpasdifficileàvivre.Maisçamefaisaitsimal.

Il fallaitque j’ailleau tribunal réglercettehistoirededivorce,mais jen’avaisaucune idéed’oùKirasetrouvait.Etpuis,jenemesentaispascapabledequitterlamaisondetoutefaçon.Jen’allaispasprendrel’argentdesonpère,etluidonnerlasatisfactiond’avoirunascendantsurmoi.Pluspersonnenemecontrôlerait,encoremoinscetteordure.

Finalement,épuisépar lesimple faitdepenser, jem’effondraisur lecanapé,pournepasdormirdansnotrelitoùflottaienttropdesouvenirs.Sonparfum.Trèsvite, jetombaidesommeil,sonprénomsurmeslèvres.

***

Lecentre-villedeNapaétait tristeetgris, renduplusmoroseencorecar j’étaisvenuydonnerengagelabaguequej’avaisofferteàKiralejourdenotremariage.Lahonteet l’embarrasm’envahirent.J’étais réduit à cela, une fois encore. J’avais d’abord acheté cette bague pour Vanessa. Mais si laremettreaupréteursurgagemebrisaitlecœur,c’étaitparcequejel’avaisofferteàKira.Kira.

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Jetraversaislavillepourrejoindrelevignoblequandjecroisaisavoiture.Jefussisurprisquejedonnaiuncoupdevolant,manquantdedéraperdanslesgraviers.KiraétaitàNapa?Elleétaitlàdepuisledébut?Oùavait-ellepuséjourner?ElleavaituncertainnombredepointsdechuteàSanFrancisco,maisici?Moncœurcommençaàbattrelachamade.Jemegaraisurlebas-côté,etjebondishorsdemonpick-up.Danscequartier, ilyavaitquelquesmagasinsetunrestaurant.Jeregardaià travers lavitrinedesdeuxmagasins,rien.Qu’est-cequetufaisGrayson?Qu’est-cequetuvasbienpouvoirluidiredetoutefaçon?Jen’enavaisaucuneidée,pourtantrienquedel’imaginer,j’avaisleventrequisecrispait.Elleétaitici.J’avaisétédévastéquandellem’avaitparlédesonpère,j’avaisréagiviolemment,maispeut-être…peut-êtrequesijeluiparlais,ellem’aideraitàcomprendre.Jenemelaissaipasletempsdeprendredurecul.

Lerestaurantn’avaitpasdefenêtre,alors,lecœurbattant,jepoussailaportepourvoirsielleétaitlà.Jel’aperçusimmédiatement.

CooperStrattonétaitàcôtéd’elle,pluspossessifquejamais,agrippéàsonbras.Jevisrouge.Jenem’étaisdoncpastrompésurelle.C’estàcemoment-làqu’ellem’arepéré.Une

pointedesurprise,puisquelquechosed’indéfinissable,passasursonvisage.Lesyeuxécarquillés,elleregardaCooperpuisseretournadenouveauversmoi,sesyeuxmagnifiquesmesuppliantàdistance.Jememis à bouillir de rage. Sans que j’aie eu l’impression de prendre une décision consciente, jemeplaçaisurleurchemin.

–Ehben,tun’aspasperdudetemps.C’étaitçatonplandepuisledébut?M’épouser,débloquerl’argent,lerécupérerd’unefaçonoud’uneautre,etpuis…lui?

Nonseulement,ellem’avaitmentiàproposdurôledesonpèredansmavie,maisellenem’avaitpastoutditsurCooper.Sielleledétestaitvraimentdelamanièredontellel’avaitprétendu,elleneluiaurait jamaisaccordétroisminutesdesontemps,etencoremoinsundéjeunerentêteàtête.Putaindepetitementeuse.Magnifiquepetitementeuse.Ladouleur,atroce,brûlamonâme.

Kirareculad’unpas,maisuneboufféedesonparfumdélicatenvahitmessens.Lasensationviolentedemanquerevint,medonnantenviederugirdedouleur.Ellen’estpasàtoi.Ellenel’ajamaisvraimentété.Elleneleseraplusjamais.

Jeneveuxpasdetoi.Jeneveuxpasdetoi.Jeneveuxpasdetoi.Jeneveuxpasdetoi.Jeneveuxpasdetoidutout.–Grayson,s’ilteplaît,tunesaispascequetudis,dit-elle,lavoixbrisée.–Oh,jecroisquejelesaistrèsbien.Jefisquelquespaspourm’approcherd’elle,etluimurmureràl’oreille:–Dis-moi,Kira,tuaschoisid’êtreunedesesputains,oubienlafemmeaufoyerquinevoitriende

cequi sepasseautourd’elle ?Si c’est ladernièreoption, tucomprendsqu’ondoitd’aborddivorcer,n’est-cepas?

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Kiratressaillitenentendantmesproposetpoussaunepetiteexclamation.Puis,Coopers’approchademoiendisant:

–Qu’est-cequevousfoutezlà?Avantmêmequ’ilaitletempsdes’interposer,jemeretournaiverslui.Larageetladouleureurent

raison demon contrôle et un tsunami de violenceme submergea. Je l’attrapai par le col et l’envoyaivaldinguer dans lemur.Kira et plusieurs personnes semirent à hurler dans la salle du restaurant quidonnaitdanslevestibuleoùnousnousdonnionsenspectacle.

Cooper était livide etme regardait effrayé, alors que je continuai à le presser contre lemur. Jelaissaiéchappermonsouffleet jelerelâchaibrusquement.Ilfaillitbasculerenavantquand je reculai.L’angoisse remplaça rapidement la colère.Qu’est-ce que je venais de faire ? Sonné, je dévisageaiCooper,quimeregarda,l’airfurieuxmaisaussiavecunepointedejoiemaligne.Ilmepointadudoigt.

–Tuvasretournerenprison,connard.Ilserajustaetsemitàrireavantdes’adresseràunhommequidevaitêtreledirecteurdurestaurant,

deboutdansuncoin,choqué:–Prenezlesnomsetlesnumérosdetouslestémoinsdecettescène.Monavocatlescontactera.PuisilregardaKiraavecsatisfaction:–Allons-y.LeslarmescoulaientsurlevisagedeKira.–Laisse-moiluiparleruneminute,dit-elle,lavoixbrisée.Cooperfronçalessourcils:–Jenetelaisseraipasseuleaveclui.Tuvoisbienqu’ilestdangereux.Jeluibloquailepassage,etKirasemitdevantmoienposantsesmainssurmapoitrine.–Ilyadumonde.Toutvabien.C’estmonmari,Cooper.–Pourlemoment.Cooperplissalesyeux,nousdévisageanttouràtour,ethochalatête.–Jedoisreprendrelaroutedetoutefaçon.Jeviendraitecherchercesoir.Ilsepenchapourl’embrassersurlajoue,sesyeuxchassieuxnemequittantpas.Lacolèrerevintau

galop.J’avaistrèsenviedeluiencollerune.Qu’est-cequeçaauraitchangé,àcestade?Maisjerestaiplantélà,lamâchoirecrispée,essayantderetrouverunpeudecalme.Coopermepointadudoigt.

–Vousaurezdesnouvellesdemonavocat.Jeleregardaisimplement,sansprendrelapeinedeluioffrirunequelconqueréaction.Il sortit du restaurant sans se retourner, etmon regard se posa enfin sur celui deKira.Elle était

livide, les yeux écarquillés. Elle ne s’attendait visiblement pas à me croiser, au bras de son ex etmaintenantnouveaupetitami!

–Gray,murmura-t-elle.Ellefitunpasdansmadirectionmaisjen’avaisplusrienàluidire.Moncœursebrisaencoreun

peuplus.Jenecroyaispasquec’étaitpossible.Jefisdemi-touretm’éloignairapidement.–Grayson!

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Jel’entendiscrierdansmondos.Jefisalorsvolte-faceetmarchaidroitsurelle.Ilyavaitunepetiteruellejusteàcôté,jel’attrapaiparlepoignet.Unefoisdanscetendroitdiscret,jelaplaquaicontrelemurenbriques.Ellepoussaunpetitcrid’effroi.

–Qu’est-cequetufais?–J’essayedemesouvenirdecequiabienpumeplairecheztoi.Jecollaimabouchecontrelasienne,léchantlacommissuredeseslèvres.Ellepoussaunpetitcriet

s’abandonna,mêmesisoncorpsdemeurait tenducontre lemien.J’enfonçaimalanguedanssabouche,puislaretiraiaussivite,meforçantàlaregarderavecl’expressionlaplusneutrepossible.

–Vraimentmoinsbienquedansmonsouvenir.Elleclignadesyeux,décontenancée.Jemepenchaipourfairecourirmeslèvreslelongdesagorge.

Sentantsoncorpssecontracter,jem’écartaiunpeu.–Non,rien.Seslèvrestremblèrentetsesyeuxs’emplirentdelarmes.Jechassairésolumentlesentimentvague

deculpabilitéquimesubmergeait.C’estunementeuse.–Tu sais ceque jepense? Jedevais être sacrémentdésespéréet toi, tu étais…commentdit-on

déjà?Disponible.Depuisquetuespartie,jesuisarrivélaconclusionquej’aimelavariétéenmatièredefemmesetquec’estencontradictionaveclesvœuxdemariage.J’aivérifiéçacesdernierstemps.C’étaitpasmalavectoi,maisdepuis,j’aiconnumieux.

Elle tressaillit, les larmes coulant sur ses joues. La honteme dévorait mais je n’en laissai rienparaître.Surtoutpas.SielleallaitrejoindredirectementlelitdeCooper,jedevaisaumoinsgarderunpeu de fierté. Alors que nous dévisagions, le petit menton levé refit sa réapparition.Même dans cescirconstances,ellearrivaitàsereprendre.Qu’elleaillebrûlerenenfer!

Jevoulaislabrisercommeellel’avaitfaitavecmoi.Jevoulaismemettreàgenoux,lasupplierdemepardonner,laserrercontremoijusqu’àcequ’elle

mesortedecethorriblecauchemar.Jemedétestaisdepenserça.Jem’envoulaisd’espérer.Toutmoncorpsserévoltaitàlapenséed’essayerencoreunefoisd’obtenir l’amourdequelqu’un

quinevoulaitpasm’endonner.Ellesetenaitlà,pâle,choquéeetd’unebeautérenversante,pourtantellen’enavaitpasledroit!Ellem’avaittoutpris,plusmêmequecequejepensaisposséder.

L’image terriblement douloureuse de Kira enveloppée dans les draps de Cooper me traversal’esprit,m’obligeantàdéglutirpournepasvomir.

–J’aiappréciécequetum’asoffert.C’étaitplutôtagréable.Maisjel’aipayécher,jetrouve.Jecaressaisajouesoyeuse.Ellemefixait,immobile.–Monnom,monvignoble,etmaintenant,probablementaussimaliberté…Moncœur,monâme.Unelarmes’écrasasurmamain.Jelaretiraicommesic’étaitdel’acide.Jesortisprécipitamment

delaruelleetjemeretrouvaisurletrottoirensoleillé.Jel’entendissangloter,maisellenemerappelapasetjenefispasdemi-tour.J’ailaissémoncœurdanscetteruelle.Toutentier.Cettefois,ilnerestaitplusrienàprendre,ellepouvaittoutgarder.Jen’enauraisplusjamaisbesoin.

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Jerentraiàlamaison,lesnerfsplusàvifquejamais.Unefoisarrivé,jefonçaiversl’armoireoùjecachaisunebouteilledevieuxScotch.Levinneseraitpasassezfortaujourd’hui.

Aprèslepremierverre,jememisàcontemplerlesvignesparlafenêtre.JusteavantledépartdeKira,j’avaismesuréletauxdesucre,l’acidité,vérifiélestanins,etdéterminéquandlesraisinsseraientparfaitementmûrspour la récolte. Ils l’étaientmaintenant.Mais je n’avais pas les fonds nécessairespourembaucherdupersonnelpourm’aider.Jelevaimonverreenguisedetoastabsurdeàlavigne.

–Tuasremplitamission.Désolédet’avoirperdue,toiaussi.Rapidement,leraisinallaitpourrirdansunimmensegâchis,unemétaphoreparfaitedemavie.En

plus,j’allaisprobablementfinirenprisonpouravoiragresséCooperStratton.Jeremplisunautreverre,etjelaissail’alcoolmebrûlerlagorge.Désormais,toutétaitperdu.Iln’yavaitplusd’espoir,plusaucunespoir.

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CHAPITRE24

GRAYSONLorsquejereprisconscience,jegémisenprenantmatêtedansmesmainspouressayerd’atténuerla

douleurquipulsaitdansmoncrâne.J’étaisdans lesalon,affalésur lecanapé,unebouteilledeScotchvideetunverreposéssurmonventre.Jeneprispaslapeinedelesdéplaceravantdemereleveret,ilsroulèrentsanssecassersurletapismoelleux.Unefoisdebout,jemanquaidetrébucheretmemassailanuquepouressayerdesoulagermonmaldecrâne.Dehors, lesoleilse levaitdansuncielaux infiniesnuances dorées. Soudain, je clignai des yeux et me figeai. Il semblait y avoir… des douzaines devendangeurs dans les vignes, qui récoltaient le raisin. Je plissai les yeux, grattant distraitement monestomac,essayantdecomprendrecequejevoyais.

–Jemesuisditquevousalliezenavoirbesoin,ditunevoixderrièremoi.Jemeretournai.C’étaitCharlottequiposaitunverred’eauetdeuxcachetsd’aspirinesurlapetite

tableprèsducanapé.–Mêmesi j’estimequevotredouleurn’estpasauniveaudecequevousméritez…J’aienviede

vouscollerunboncoupsurlecrâne,maisjecroisquevousvousdébrouilleztrèsbiensansmoipourça.–Maisqu’est-cequisepassedehors?demandai-je,enignorantsaremarque.–Lesgrappesnevontpassecoupertoutesseules.Jeprisunegrandeinspiration.–Cequejeveuxdirec’estquiaembauchécespersonnes?Tusaistrèsbienquejenepeuxpasles

payer.–Harleyademandédel’aide,puisVirgil,Joséetluiontmisencommunl’argentdeleurdernière

paye,cellequevousleuravezdonnéeàlafindumois.Ilsvontlepartagerentrelenombredepersonnesquiontacceptédetravaillerpourvouscettesemaine.

–Lavendangeprendplusdetempsqueça,tulesaistrèsbien.–Oui,certes,maisc’estdéjàundébut.Etpuissivousmettezlevinquiestdanslesfûtsenbouteille,

vouspourrezcommenceràlevendre.Ilyaunedeuxièmeéquipequivientdansl’après-midipours’enoccuper.

Jeme tournai tropbrusquementversCharlotte, grimaçantdedouleur,mamigraine se rappelant àmoi.

–Pourquoi?Pourquoiest-cequ’ilsferaientça?

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–Parcequ’ilscroientenvous,j’imagine.–Ilscroientenmoi?J’éclataid’unrireamer,etçan’eutd’autreeffetquedemefaireencoreplusmalàlatête.–Qu’est-cequeçavaleurapporterdebonquandl’heureseravenuedenourrirleursfamilles?Et

enparlantdeça,qu’est-cequetufaisencoreici?Charlottepinçajusteleslèvres.–Peut-êtrequevouspourriezprendreunedoucheetlesrejoindre.–Non.Ilsetrouvequ’unedeuxièmebouteilledeScotchetmoi-mêmeavonsdéjàquelquechosede

prévuaujourd’hui.Jen’avaisrienàfaireduregardréprobateurqu’ellemejetaavantdequitterlapièce.Ellem’avait

mentielleaussi.Laseuleraisonpourlaquellejenel’avaispasdégagéed’ungrandcoupdepiedaucul,c’étaitparcequecettemaisonétaitlasiennedepuispluslongtempsquemoi.Maiselleseraitobligéedepartirtrèsbientôt,quandjenepourraisplusacheterdenourriture.Oubienquandonviendraitm’arrêterpour avoir agresséCooperStratton.Tout le bordel demavieme revenait. Je grognai en passantmesmainsdanslescheveux.

–Charlotte,hurlai-je.Elles’arrêtasouslagrandevoûtequiséparaitlesalonetlehallenmeregardant.–Est-cequelapoliceestpassée,ouatéléphoné?–Non,répondit-elle,avantdeseretourneretdedisparaîtredanslacuisine.Comment se fait-il qu’elle ne m’ait pas demandé pourquoi je posais cette question ? Peut-être

qu’ellenepouvaitsimplementpasensupporterdavantage.Toutcommemoid’ailleurs,mêmesilesortenavaitdécidéautrement.

J’avalai les deux comprimés d’aspirine, puis je montai me doucher. L’eau chaude apaisait mesmusclesendoloris.Unefoishabillé,jemerendisdanslachambred’amis,del’autrecôtéducouloir,pourregarderlesvignesauloin.Lesmachinesetleshommesétaienttoujourslà.Imbéciles!C’étaitunepertedetemps.

Jeregagnaimachambreetm’allongeaisurlelit,leregardbloquésurleventilateurduplafond,celuiquej’avaisfixédesnuitsdurant,émerveillé,aprèsavoirfaitl’amouravecKira.Arrête.Nepensepasàelle.Pasmaintenant.Est-cequ’elles’étaitréveilléeauprèsdeCoopercematin?Est-cequ’ilsprenaientle petit déjeuner au lit ?Torturéparmespensées, je décidai d’aller chercher la secondebouteille deScotch. Je comptais boire jusqu’à réduire mon cerveau en bouillie et tuer toutes les cellules quihébergeaientencorelesouvenirdeKira.

Charlotteétaitdans le salon,ellepliait lacouverturesous laquelle j’avaisàmoitiédormi lanuitpassée.Enregardantparlafenêtre,jemarmonnai:

–Ilsperdent tousleur temps.Jedétestecetendroit.Mêmesiaujourd’hui j’avais lesmoyensd’enfaireuneréussite,jen’enauraisrienàfoutre.Jepréfèrefairecommemonpère,ledémolir.Iln’yaquedelasouffranceici:desmalheurs,desmensongesetdesmauvaissouvenirs.

–Sic’estcequevouspensez,alorsj’imaginequecedoitêtrevrai.

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–Ouic’estcequejecrois.C’estcequejesaissurtout.–Trèsbien.Jememordisleslèvres,agacéqueCharlottepuisseencorem’exaspéreravecjustequelquesmots.Etapparemment,cen’étaitpasfini:–Walter aussi est ici, vous savez, poursuivit-elle alors que j’avais la tête enfouie dans le bar.

J’espèrejustequesondosnevapaslelâcher.Etpuiscommeiln’yvoitplustrèsclair, j’espèreaussiqu’ilsauracueillirlesbonnesgrappes…

Jem’arrêtaietjelevailesyeuxauciel.–Walterestl’imagemêmedelabonnesanté,dis-je.Ellehaussalesépaules.–Jenevoulaispasvousdéranger.Jevouslaissevousnoyerdansl’alcool.Simplement,sivousy

pensez,allez lesvoirde tempsen temps. Je suis sûrequeçava les stimulerpendantqu’ils travaillentcommedesfous,pourmoinsqueleminimumsyndical,sousunsoleildeplomb.

–Pfff,ilnefaitpassichaudqueça.J’avais très bien compris qu’elle essayait deme faire culpabiliser.En fait, pour être honnête, je

savaisqu’unejournéededurlabeurseraitsûrementplusefficacequ’unegrossecuitepourmechangerlesidées.Entoutcas,jen’auraispasl’impressiond’avoiruncamiondedixtonnessurlatête.

– Si ça peutme permettre de ne plus t’entendre, alors je sors tout de suite et je vais travaillerjusqu’àm’enbriserlesos.

Charlottehaussalesépaules,maisj’avaisbienvuqu’elleavaitesquisséunsourireavantdesortir.Mauditesoit-elle!

***

En rentrant dans la soirée, sale et dégoulinant de sueur, chaquemuscle demon corpsme faisaitsouffrir.Apparemment,Harleyavaitcontactétouslesanciensdétenusqu’ilconnaissaitdansl’hémisphèrenordetilsétaienttousdansmonvignoble.Jenesavaispassiçadéboucheraitsurquelquechose,maisentoutcasladouleurquej’avaisressentieenimaginanttouslesfruitsdontj’avaistantprissoinpourrirsurpied,avaitdisparu.Aumoins,ilsétaientdanslesfûtsetpourraientêtremisenbouteille.Etpuis,quandjevendraiscedomaine,j’entireraisunmeilleurprixs’ilétaitenétatdemarcheplutôtques’ilavaitl’airdesombrer.J’allaisdivorcerdeKira,prendreunpeud’argentdelaventeduvignobleetpartirquelquepartpourfaire…quelquechose.Oui,maisquoi?Qu’est-cequejesavaisfaireàpartduvin?Peudechoses.Lediplômedecommercequej’avaispasséàl’universitéétaitobsolètemaintenant.Deplus,personnenevoudraitembaucheruncriminel.Lamisèremeguettait.Lespenséesquej’avaischasséesdemonespritentravaillanttoutelajournéerevenaientmetorturer.

Je pris une douche rapide et m’apprêtais à descendre l’escalier, quand je m’arrêtai devant lachambre que Kira avait occupée avant de s’installer dans ce que je considérais, encore, être notrechambre.Lechagrinmeserralecœurenvoyantcettepiècevide.J’ouvrislapenderiemaisellen’avait

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rien laissé derrière elle. En tirant le premier tiroir de la commode resté ouvert, je découvris deuxchemisesdenuit.Unpeugêné,j’enfouismonnezdansletissu,m’enivrantdesonparfumaffolant,douxetdélicat.Jeretinslegémissementquimontaitdansmagorge,etjelesreposailàoùjelesavaistrouvées.C’estàcemomentquejevisunepetiteboîtequiressemblaitàunécrin.Jel’ouvristoutdoucementetjerestaibouchebéeenvoyantàl’intérieuruneallianceenplatinepourhomme.Jeladétachaiducoussinenveloursbleumarinesurlequelelleétaitposée,etjel’observaiàlalumière.

MonDragon.Monamour.Gravésàl’intérieurdel’anneau,cesmotsm’atteignirentenpleincœur.Perdu,jerestailàpendant

cequimesemblaêtreuneéternité.Jefinisparremettrel’alliancedanssonécrinetdansletiroiroùjel’avaistrouvée.PuisjedescendisremercierHarley,VirgiletJoséqueCharlotteavaitinvitésàdîner.Ilsvenaient justed’arriver.Ilsétaientsalesetépuisésmais,d’unecertainemanière,heureux.Lesremordss’ajoutèrentalorsàmonchagrin.Malgrétousleursefforts,jeneseraispasenmesuredeleuroffrirgrand-chose.Illeurfaudraittrouveruntravailailleurs.

Poingcontrepoing,jeremerciaiencoreHarley.–Mec,tunepensaispasquej’allaisarrêterdeteprotégersousprétextequ’onestsortisdetaule?Ilsouriaitenmassantsesbrascostauds,tannésparlesoleil.Ildevaitavoiraumoinsaussimalque

moi,sûrementplus.Ilnes’étaitpasarrêtédetravaillerdepuisleleverdusoleil.–Jeneteméritepas,Harley,luidis-jeenmefrottantlanuque.–Peut-être,peut-êtrepas.Cen’estpasàmoid’enjuger.Jesais justequisontmesamiset j’aide

mesamis.Jetedoislavie…jedoislavieàKiraaussi.Vouspouvezmedemandercequevousvoulez,jeseraitoujourslà!

Jetentaidemereprendre,soudainsubmergéparl’émotion.J’étaistellementfatigué…–Mafemmepensecommemoi.Tumesuis?–Heu…Harleyrigola.–Priscillaestuneputaindegonzesse,dit-ilenmefaisantungrandsourire.Virgils’avança,pataud,nousinterrompant.–Hé!Virgil,dis-je.Sugieétaitjustederrièrelui.–Salutm’sieurHawthorn,Monsieur.Ilsouriaitgaiement.–Jevendangeetjefaisdubonvin.Jeluisourisàmontour.–Merci,Virgil.Jel’attrapaiparlesépaulesetlesecouai.–Tuesunmecbien.–José,saluai-jeànouveau.Allonsmanger.

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Commenousnousdirigionsvers lacuisine,Walterapparutdans lesescaliers. Iln’avaitpas l’airbienetj’étaisrongéparlaculpabilitédesavoirqu’ils’étaittuéàlatâchetoutelajournéepourmoi.BonDieu,ilavaitdeuxfoismonâge.Jefronçailessourcilsenlevoyantsecramponneràlaramped’escalieretportersonautremainàlapoitrine.

–Walter,demandai-je.Ileutl’airdesuffoqueretbasculaenavant.Jebondispourinterrompresachute.Charlottesemità

crierderrièremoi,etjeluttaipourmeredresser,lepoidsdeWalterdanslesbras.–Retourne-le!ordonnaHarley.Toutsemblaitsepasserauralenti,commesilesvoixvenaientdesfondssous-marins,jen’entendais

plus que les battements de mon pouls dans mes oreilles. José appela les urgences tandis que jem’agenouillaisàcôtédeWalter.Ilavaitdumalàrespirer,lamaintoujoursposéesursoncœur,tandisqueCharlotteetmoiétionspenchésau-dessusdelui.

–Lessecoursarrivent,lançai-je,mortdepeur.Charlottepleuraitensilenceenluicaressantlescheveux.Ilessayaitdedirequelquechose,àelle,

puisàmoi,maisaucunmotnesortait.Finalement,ilpritmamain,laserrafortetd’unevoixétrangléemedit:

–Comme…mon…fils…L’émotionfutsiintensequej’eneuslesoufflecoupé.–Ne parle pas, dit Charlotte. Et ne t’avise pas deme quitter. N’y pensemême pas vieux bouc

obstiné.Walter poussa un dernier soupir et perdit connaissance. La panique m’envahit. J’haletais. Je

n’entendais plus qu’un mot répété en boucle : « Non, non, non. » C’était ma voix, terrorisée, quiinvoquaitcemotcommeuneprièredésespérée.

***

Lachambred’hôpitalétaitsombreetsilencieuse,lespremièreslueursdel’aubefiltraientàtraversles stores, et le battement régulier du cœur deWalter était commeunemélodie jouée par lemoniteurcardiaqueàcôtédesonlit.J’étaisassissurunechaise,prèsdelui,lescoudessurlesgenoux,latêteentrelesmains.Charlotteétaitrentréequelquesheuresplus tôtpoursereposerunpeuetnourrirSugie.Elleavaitdemandéàpasserlanuitàl’hôpitalmaisiln’yavaitpasdelitsupplémentairedisponible,etpeudechancespourqueWalterseréveillependantlanuitmêmesisonétatétaitstable.Jem’étaisdoncportévolontairepourrester,enluidisantquemondosétaitplusrobuste.Jel’appelleraiss’ilseréveillaitavantqu’ellenerevienne.

D’unemain,jemassailesmusclesendolorisdemanuque.–J’espèrequevousnem’envoudrezpas,murmuraWalter,mefaisantsursauter,sijevousdisque

vousavezunemineterrible,Monsieur.Jepoussaiungrandsoupir.

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– Quand est-ce que ça t’a déjà préoccupé que je t’en veuille ou pas,Walter ? répondis-je, enessayantdedissimulerlegrandsourirequimevenait.

–Jamais,avoua-t-il.Jemelevai,etjeprislepichetquisetrouvaitsurlatabledenuitpourluiservirunverred’eau.Je

l’aidaiàletenirpendantqu’ilbuvaitdelonguesgorgées.Ilreposasatêtesurl’oreiller,etmeregarda.Jem’assissurlachaisequej’avaisrapprochéedesonlit.Ensortantmontéléphone,j’annonçai:

– C’est bien ton genre de tout dramatiser comme tu l’as fait hier. J’appelle Charlotte pour larassurer…

–Attendezquelquesminutes,intervintWalterd’unevoixsérieuseenprenantmamain.Jem’arrêtaietposailetéléphone.–Jen’aipasfaittoutcecinémapourquevoussortiezd’icisansentendrecequej’aiàvousdire.Jeluifisunpetitsourireencoinensecouantlatête–Trèsbien,jet’écoute.Pendantunmoment,Walterrestasilencieux.Quandilparlaenfin,savoixétaitcalmeetposée.– Quand je me suis retrouvé allongé au pied de l’escalier, vous savez ce que j’ai pensé ? Je

n’arrêtaispasdemedire:s’ilvousplaît,nemelaissezpasquittercemondesansavoirditàcemômecequejepensedelui.

–Walter…dis-je,passantlamaindansmescheveuxetensentantl’émotionenvahirmapoitrine.Walteretmoineparlionsjamaisdenossentiments.–Nousavionsunfils.Ils’éclaircitlavoixquivenaitdesecassersurlemot«fils».Jerelevailatête.–Quoi?Vousn’avezjamaisdit…–Non,c’est tropdifficilepournousdeparlerdeHenry,c’étaitencoreunbébé…Charlotte,elle

était…dévastée,commemoi.–Jesuisdésolé,Walter,dis-je,lagorgeserrée.Il acquiesça. J’avaisdéjàvucette tristessedans sesyeux. Je connaissais cevisage.C’était celui

qu’ilavaitchaquefoisquemonpèremepunissait.Pendanttoutemonenfance,Walters’étaiténormémentinquiétédelamanièredontj’étaistraité,etilavaitprissoindemoi.Jen’avaisjamaissuqueCharlotteetluiavaientperduunfils.

–Nousnepouvionsplusavoird’enfant aprèsça.Vivredans lamaisonoùnous l’avionseuétaitdevenuinsupportable.Nousavonsdoncdécidédevenirici,enAmérique,pourcommencerunenouvellevie.Noussommesentrésauservicedevotrefamilleetnousavonsretrouvéunpeudebonheur.Etpuis,unjour,onafrappéàlaporteetvousêtesarrivé.MalgrélafaçondontFordetJessicaHawthornontréagi,pourCharlotteetmoi,pournous,vousétiezundonduciel,etçan’ajamaischangé.Ilnes’estpaspasséunejournéesansquenoussoyonsfiersdevous.Jeveuxquevouslesachiez.

–Walter…–Nousn’avonspas toujourspuêtre là.Nousn’avonspas toujourspu intervenir carnous avions

peurd’êtrerenvoyésparvotrepèreetdeneplusêtreprésentspourvousaider.Maisnousavonsfaittout

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notre possible pour vous faire sentir… que vous n’étiez pas seul, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain.Jamais.Nousvousavonscaché lesvraiesmotivationsdu legsdevotrepèreparamour,etnousavonsessayédeporterceterriblefardeauàvotreplaceaussilongtempsquenousl’avonspu.Cen’étaitpasparmalhonnêteté.C’étaitparamour.J’espèrequevouspourreznouscomprendremaintenant.

Jemeredressai,essayantdemepénétrerdesonmessage.Biensûrquejel’avaistoujourssu.WalteretCharlotteagissaientdavantagecommedesparentsquemonproprepèreetmabelle-mère.Mais…etsiWalteretCharlottes’étaienttrompésàmonsujet,etpaslui?

–Ets’ilavaitraison,Walter?Jesuffoquaispresquetellementj’avaispeurdecela.–Votrepère?–Oui,chuchotai-je.Lui,ettouslesautres.– C’est vraiment ce que vous pensez ? Que Charlotte et moi avons tout faux, et que c’est Ford

Hawthornquiavaitraison?Etvotremère?EtJessicaaussi?–Je…JerevoyaisWalterdanssonmaillotdebainnoiràl’anciennem’apprenantànager,meguiderdans

ledédaledulabyrintheencomptantnospasetenmémorisantchaquevirage.PuisCharlotteessuyantsesmainspourmieuxmeréconforterquandellesavaitquejesouffrais.Jerepensaisàtouslessagesconseilsqu’ellem’avaitprodiguésaufildesans,etàl’amourimmensequ’ellem’avaitdonnésansretenue.

–Peut-être,ditWalter,quevousposezcettequestionparcequevousvousdemandezaussiàquellecatégorievotreépouseappartient.

Walter a toujours tout compris avantque jen’aiebesoinde lui expliquerquoiquece soit. Jenevoyaispaspourquoiceseraitdifférentcettefois-ci.

–Je…C’estvrai.Jenesaisvraimentpassijepeuxluifaireconfiance.Ilmefixapendantunmoment.–Ehbien,soupira-t-il,jepensequevousn’aurezjamaislaréponsesivousneprenezpaslerisque.

Oualors,vouspourriezhanterlescouloirsduvignoblecommeunfantômeenfaisantclaquerleschaînesquevousvousêtesfabriquéesvous-même,effrayantaupassagequelquesgaminsparlafenêtre.

J’éclataiderireavantdemecalmerrapidement.–Savez-vouspourquoijevousappelleMonsieur?depuistoujours?Jesecouailatête.–Pourvousrappelerquevousforcezlerespect,etqueçaatoujoursétélecas.–Merci,Walter,dis-je,étoufféparlagratitudequej’éprouvaisàavoirquelqu’uncommeluidans

mavie–Quevousditvotrecœur?Jebaissailesyeux,repensantàl’alliancequej’avaisretrouvéedansletiroir.MonDragon.Mon

Amour. Jene savaisplusquoipenser.Je t’aime,avait-elle dit, et pourtant je l’avais jetée dehors.Ledésespoiret ledoutemeprenaientaux tripes.Sansmême luidonner lachancedes’expliqueruncourtinstant,jel’avaisaccuséedecomploterdansmondos.Deplus,sij’étaismaintenantprêtàlacroireetà

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accepterlefaitquenotrerencontreàlabanqueétaitunsignedudestin,commentpouvais-jeluienvouloirdenepasm’avoirdit,dèscepremierjourdansmonbureau,quesonpèreétaitresponsabledemalourdecondamnation ?Nem’étais-je pas,moi aussi,méfié d’elle ?N’avions-nous pas décidé ensemble quenotrerelationseraitjustetemporaire?Etsij’écoutaisvraimentmoncœurcommeWalterlesuggérait,neme dirait-il pas que c’était toutKira que de vouloir partager de l’argent avec moi pour compenserl’injusticequesonpèrem’avaitfaitsubir?Commesitoutça,étaitsafaute.

À laminuteoù je l’avais rencontrée,ellem’avait tenu tête.Paspourmenuire,aucontraire,pourm’aideràm’élever.Pourmerendreunsemblantd’espoir,de joie.Lafête,soncostume, toutmedisaitqu’ellecroyaitenmoi,qu’ellevoulaitchangerleregarddesautressurmoi,etlemien.Elleavaitvumavaleur,etellemel’avaitditdemillefaçonsdifférentes.

OhDouxJésus.Laculpabilitérecommençaitàmebrûlerlesentrailles.J’avaistoutgâché,persuadéquetousceuxenquij’avaisconfiancefiniraientparmetrahirs’ilsnel’avaientpasdéjàfait.LavoiravecCooper et entendre sa confession n’avait fait que matérialiser cette peur. Pour cette triste raison, jen’avaisvualorsquelepireenelle.Kiraétincelaitetmoi,j’avaisvécudansl’obscuritéfroidependanttrop longtemps.J’avais l’impressionquemonâmeavait tentédésespérémentderessentir lachaleurdesonamouretseretrouvaitmaintenant terrifiéeà l’idéedemourirdansles ténèbresdepuisqu’elleétaitpartie,emportantavecelletoutesalumière.Malgrétout,aupremierdoute,jem’étaisdétournéd’elle.Jen’avaispasvoulucroirequ’ellem’aimait,mêmequandellel’avaitditetmêmesiellemel’avaitmontréencore et encore. Oui, j’avais été ridiculement irrationnel, froid et cruel, tombant si bas que j’avaisutilisésespeurslesplusprofondespourluinuire.C’étaitunebelleettendrejeunefemmedevingt-deuxans, et j’avais vu sa joie de vivre se briser devant moi, et la lumière éblouissante que j’aimais tantsombrer sousmesyeux. Je l’avais jetéeà la rue sansun sou.MonDieu,pourautantque je sache,mafemmedormaitdanssavoiture.Pasétonnantqu’ellesoitalléevoirCooper.Quelautrechoixavait-elleeu?J’avaistellementhontedemoi.

Quandlemomentdechoisirentreluifaireconfianceoularepousserétaitarrivé,j’avaischoisilasecondesolution.

Rendslesarmes,mongarçon.Pourtant, au derniermoment, je n’en avais pas été capable. Pas complètement. J’avaismanqué à

mondevoirvis-à-visd’elle.J’avaismanquéàmondevoirvis-à-visdemoi.Etpuisjemesouvinsdequelquechosequimecoupalesouffle.Ellepourraittrèsbienêtreenceinte

demoi!Nousavionsfaitl’amourdeuxfoissanslamoindreprotection.–Jel’airepoussée,dis-jemisérablement.Jeluiaiditdeschosescruelles.Mêmesije…elleneme

pardonnera jamais. Je ne sais même pas si je peux me pardonner moi-même… Il n’y a plus aucund’espoir.

Walter,l’hommequiavaittoujoursétémonhéros,meregardasilencieusementunmomentavantdefermersesyeuxfatigués.Jemelevai,pourquitterlachambreetlelaissersereposer,quandjel’entendismedire:

–Tufinirasparterendrecomptequelàoùilyaunréelamour,ilyatoujoursunréelespoir.

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***

Plus tard dans l’après-midi, je suis rentré à la maison. Les hommes que Harley avait recrutéstravaillaient encore comme des forçats dans les vignes. Je descendis pour les remercier, cherchantensuiteHarleypourleteniraucourantdel’étatdeWalter.Ilallaitmieux.Ilauraitbesoind’unpontage,maislemédecinnousavaitassuréquel’opérationétaitcouranteetqueWalterseraittrèsprobablementderetouràlamaisondansquelquesjours.Quandj’aidemandéauxgarsoùétaitHarley,l’und’euxm’aditqu’ilétaitpassérapidement,puisqu’ilétaitrepartietseraitderetourdanslajournée.

J’allai me doucher, comptant ensuite rejoindre l’unité de vinification où José supervisait laformationauxnouvellesmachines.J’étaisfatigué,maisilétaithorsdequestionquejeleslaissetravaillersansmoi.Jepourraisdormirplustard.Etpeut-êtrequ’enpleinlabeur,uneidéepourregagnerlecœurdemafemmeallaitmevenir.CarDieusaitqu’àpart tomberàgenouxdevantelleenlasuppliant, jen’enavaisaucune.

Je descendis ensuite dans la cuisine pour préparer un peu de café. J’allumai machinalement latélévision en attendant qu’il coule, et me figeai littéralement en voyant la tête de Cooper Strattonapparaîtreàl’écran.Jesaisislatélécommandeposéesurleplandetravail,tâtonnantpouraugmenterlevolume.Leprésentateuravaitdéjàcommencéàparlerquandj’yparvinsenfin.

–…cettevidéoextrêmementchoquanteaétéfilméeilyadeuxjoursparunecall-girl,onyvoitlejugeCooperStrattondansunechambreduPalaceHotelaprèsundînerdecharité.Filméàsoninsu, lejugeStratton,visiblementdansunétatd’ébriétéavancé,sevanted’avoiracceptédespots-de-vin,d’avoirétémêléàdesactivitésdecorruptionavérées,etd’userdesoninfluencepourorientercertainsverdicts.Uneinvestigationestencoursetlesdétailsnesontpasencoreconnus,maislejugeStrattonaégalementavoué à plusieurs reprises dans la vidéo être demèche avec l’ancienmaire de San Francisco, FrankDallaire,desaccusationsqueM.Dallaire réfuteavecvéhémence.Pourmémoire,CooperStrattonétaitfiancéàlafilledumaire,KiraDallaire,desfiançaillesquiontétérompuestrèsmédiatiquement.

Lesjambescoupéesparlechoc,jedusmecramponneraucomptoirpournepasm’effondrer.Etleprésentateurdereprendre:

– Cette histoire souligne la profonde préoccupation du public à l’égard de la corruption enpolitique.Entantqu’électeursetcitoyens,nousaimerionstouscroirequeceuxquioccupentdespostesàresponsabilitén’utilisentpasleurpouvoiràdesfinspersonnelles,maiscetteaffairejetteaujourd’huiunvoiledesuspicionsurlemondepolitique.Jevousproposederevoircesimages.

Lavidéocommença,filméeparunepersonneassisesurCooperStratton,lui-mêmecouchésurunlit,ensmoking.Ilriait,enracontantprécisémentcequeleprésentateuravaitrésumé.Incréduleet lecorpsraidi par la colère, j’écoutais Cooper raconter comment il avait gâché des vies, d’abord commeprocureuretmaintenantcommejuge.PasétonnantqueFrankDallairel’aittantprotégéquandKiral’avaitsurprisavecdesprostituées.Ilfaisaitlesaleboulotpourluidepuisdesannées.Etellen’avaitpaseulemoindresoupçon.Jedéglutis,tentantderesterconcentrésurlavidéo.Lajeunefillequifilmaitsemitàrireetl’encourageaàcontinuer,flattantsonegoenluidisantcombiensonpouvoirl’excitait.Quandelle

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se pencha pour défaire son nœud papillon, j’aperçus une mèche de ses cheveux qui tombait devantl’objectif.Ilsétaientroses.Jesecouailatête.Çanepouvaitpasêtreelle.Jeplissailesyeuxpendantquelapersonnequitenaitlacaméras’excusaitdedevoirallerauxtoilettes.L’imageflouerevintsurellequiavançait à toute vitesse aumilieu de ce qui semblait être un gala de charité. Il y avait des rires, dubrouhaha,desbruitsdevaisselleenfond.Enmerapprochantdel’écran,jevisenarrière-planuninvitéen smoking, seulement de profil, mais il ressemblait étrangement à Harley, et… Oh, putain, jereconnaissaisunautrevisage.Elleétaitdeprofilaussi,maissansl’ombred’undoute,c’étaitmabelle-mère,JessicaHawthorn.Qu’est-cequisepassait,bonsang?

–Charlotte!appelai-jeavantdemesouvenirqu’elleétaitàl’hôpital.Putaindemerde.Josénerépondaitpas.Jemeprécipitaivers lesvignespour leprévenir trèsvitequejeseraisde

retourdèsquepossible.–Jem’occupedetout,patron,répondit-ilalorsquej’étaisdéjààmi-chemindelaporte.Jecourusàlamaison,balançaiquelquesaffairesdansunsacetrejoignismonpick-up,poursortir

dudomainepiedauplancher.Seigneur!Commenttoutcelaavait-ilpuarriver?Monespritbouillonnait.Kira.Kiraétaitderrièretoutça.Jevoulaislaserrerdansmesbras,leplusfortpossibleetnejamaislalâcher.Lapetitesorcièreavaittoutmanigancé.C’étaitsûr.Douceetbellepetitesorcière.Elleauraitpusemettreendanger.C’étaitdoncpourçaqu’elleavaitvuCooperàNapa?Etmoiquil’avaistraitéesicruellement ce jour-là. Elle avait fait tout ça pour m’aider, pour nous aider, tout comme Harley etPriscilla.Jesavaisquec’étaiteux,jen’avaisaucundoute.

Maisilyavaitencoredeszonesd’ombre.Lesquestionssesuccédaientdansmatête.Etjesavaisoùjedevaisallerchercherlesréponses.

Enconduisant,desimagesdeKiramerevinrent:elle,seretournantversmoidanslelit,lalumièredumatincaressant sonvisage endormi, ses yeuxverts s’ouvrant à peine, ses lèvresm’offrant undouxsourirequandelleseblottissaitcontremoi.Jelarevoyais,tenantSugiedanssesbras.

«Elleabesoind’amour,plusquen’importequi»,avait-elleditàVanessa.«Laseulechosequipourraitluifairedumal,c’estlemanqued’amour.»

J’aifermélesyeuxuninstant,unedouleurintenseenvahissantmapoitrine.Jemesouvinsquandelleavait sautédecetarbre,quandelle s’était tenuedebout sur le tracteurenposantcommeuneballerine,puisquandelleavaitglissé sur la rampe, lesyeuxdébordantde joiepure.C’étaitvraid’ailleurs,elleavaitcertainementgagnécejour-là.Jelavismarcherversmoidanslelabyrintheenmetendantlamain.Cettenuit-là,sousleclairdelune,ellem’avaitsauvé.Etjen’avaispasétéassezfortpourlasauveràmontour.Lesimagestraversaientmonesprit,moncœur.Jelarevoyais,agenouilléedevantmoisurlesolde lacaveàvin, le regard tendreetamoureux.«Si tu ledécides, la souffranceoffreencoreplusdeplaceàl’amour.Etcetamourquinousremplitnousrendplusforts.»MonDieu.C’estexactementcequ’elleavaitfait.Elleavaitpristouscesespacesvidesenelleetlesavaitremplisd’amour.Maisquandlepireétaitarrivé,j’avaisététropstupide,tropeffrayépourlalaisserm’apprendreàfairecommeelle.

J’étaistombédésespérémentamoureuxd’unepetitesorcièremagique,unefilleresplendissanteauxyeuxd’émeraudeetàlacrinièreaussiindomptablequ’elle.Kira,mapetitefemmeardenteàl’espritplus

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lumineuxquelesoleil,aucœuraussitendrequ’unagneautoutjustesortiduventredesamère.Elleavaitgagné mon cœur et mon âme, je lui appartenais jusqu’à mon dernier souffle. J’étais prêt maintenant.J’étaisprêtàm’abandonner tout le temps,quoiqu’ilarrive.J’espérais justequ’iln’étaitpas troptard.S’ilvousplaît,faites-ensortequ’ilnesoitpastroptard.

***

La femmequim’ouvrit portait une tenue de soubrette.Elleme conduisit dans le salon, etmeditqu’elle allait voir si Jessica était disponible. Je hochai la tête, le visage fermé. Je décidai de ne pasm’asseoirsurlecanapéimmaculé.

Quelquesminutes plus tard,ma belle-mère entra dans la pièce telle une diva, aussi parfaitementcoifféequedansmonsouvenir,chaquemèchedesescheveuxchâtainsparfaitementàsaplace.

–Grayson,dit-elle,setenant,gênée,prèsdelaporte.Uninstantaprès,ellesedirigeaitverslebar.–Tuveuxuncocktail?Ilesttoujourscinqheuresquelquepart,non?MoonDieuuu,tuasentendu

parlerdecettehistoiredepolitiquescorrompusquiestsurtoutesleslèvresenville?Nousysommes!J’avaislaconfirmationqu’elleavaitquelquechoseàvoiraveclesmésaventures

deCooperStratton.–Tuyétais,non?Elle se servitunverredevin. Je refusaiceluiqu’ellemeproposa.Elleavalaunegrandegorgée

avantderépondre.–Biensûrquej’yétais!Qui,d’aprèstoi,abienpupayerlesdeuxmillecinqcentsdollarsdedroits

d’entrée?Jelaregardai,circonspect.–Pourquias-tupayé?HarleyetPriscilla?Elleprituneautregorgéedevin.–Etpourmoiaussi. Jemesuisditquec’étaitunebonnecause.Alors tun’étaisvraimentpasau

courant?–Non.Ellehochalatête.–Tafemmeestvenuemevoirlasemainedernière.Apparemment,ceCooperétaitl’undeceuxqui

ontparticipéàtadescenteauxenfers.Ellem’aditqu’elleconnaissaitsonpointfaible,etqu’elleavaitprévulefairechanteràl’aidedeclichéscompromettants,etparlamêmeoccasion,depiégersonpère.

Kira.Sielleétaitenfacedemoi, je l’auraisembrasséefougueusement,avantde l’étrangler.Elleavaitdoncl’intentiondefairepressionsurluienprenantdesphotosobscènes.C’étaitleplustordudesplansjamaisimaginés!

–D’aprèscequejevois,leurplanafonctionné,au-delàmêmedeleursespérances.ÀWashington,c’estl’effervescence,paraît-il.C’estmêmelesujetprincipaldel’émissionAmericaToday.

Jerestaisansréaction.

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–Donc,leplaninitial,c’étaitseulementdeprendredesphotos?Jessicahaussalesépaules.– C’est ce qu’ils m’avaient dit en tout cas. Elle m’a simplement demandé de les aider

financièrement.–Etpourquelleraisonas-tuaccepté?demandai-jeenpensantàtouteslesfoisoùellem’avaitdit

deschosescruelles,àtouscesmomentsoùelleavaitregardémonpèremepunir,simplementparcequej’avaislemalheurd’êtreenvie.

Ellesetournaverslafenêtre,ensirotantsonvin.–J’aieuletempsdeprendredureculdepuislamortdeFord.Ellesetournaalorsversmoietposasonverresuruneconsole.–Je…J’auraispuagirdifféremmentavectoi.J’étaisamère,blesséeet…Bref,jesuissûrequetu

t’en fiches, et honnêtement, je n’ai pas vraiment envie de revenir sur tout ça. Mais quand Kira m’ademandé de l’aide, j’ai pensé que je te devais aumoins ça. Ta femme t’aime visiblement beaucoup,Grayson.

Ellemeregardapresquecommesiellemevoyaitpourlatoutepremièrefois.J’étais stupéfait. Je la dévisageai en silence, elle sedirigea alorsversunpetit secrétaire, et prit

quelquechosedansletiroirduhaut.–J’allaistel’envoyer,maismaintenantquetueslà…Ellemetenditunboutdepapier.J’écarquillailesyeuxquandjeviscequec’était.Ellevenaitdeme

donnerunchèquededeuxcentcinquantemilledollars.–Qu’est-cequec’estqueça?demandai-jeenluirendantlechèque.– C’est une partie de l’héritage de ton père. Espérons que cela couvre aumoins une partie des

dommagesqu’ilacausésauvignobleavantsamort.Ellesavait.Ellesavaitcequ’ilavaitfait.–Etsijeneveuxpasdecetargent?–Alors tu serais un idiot, tout comme lui. Prends-le, et repars de zéro,Grayson, ici ou ailleurs.

Prendscechèque,etsoisheureux.–Je…–Est-cequelesrosesetlesHawthornfleurissenttoujours?–Je…Comment?Oui…Ellehochalatête.Elleavaitunelueurdanslesyeux.Delatristessepeut-être.Oudesregrets.Elle

sedirigeaverslaporte.– Formidable, je suis contente d’entendre ça. Je suppose que tu veux lui faire ta déclaration

maintenantn’est-cepas?–Oui,dis-je,dépasséparmilleémotionsquejen’auraispassunommer.Jepliailechèque,lerangeaidansmonportefeuille,puisjesortisdelamaisondemabelle-mère.Je titubai.SeuleKira était capabled’adoucir un cœur commecelui de Jessica.Seule Kira.Mon

Dieu,seulementelle.

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J’avaisunefemmeàtrouveretunmeaculpaàfaire.Unmeaculpatellementénorme,qu’ilfaudraitenréécrireladéfinition.

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CHAPITRE25

KIRA–Cequisepasselà,c’estladéfinitiondumotpitoyable,ditKimberlyenjetantuncoupd’œilparla

fenêtreàcôtédemoi.Degrossesgouttesdepluiedégoulinaientsurlafenêtredel’appartementdeSharonoùjeséjournais

depuisdeuxsemaines.L’hommeassissurleperronenbas-etquiétaitaccessoirementmonmari-étaittrempéjusqu’auxos,sescheveuxnoirscolléssursonfront.Etilportaitsondéguisementdedragon.

–Tuvasfinirparavoirpitiédeluiquandmême?demandaKimberlyensetournantversmoi,lesbrascroisés.

En apprenant que Sharon était au centre d’accueil et que j’étais seule, elle s’était précipitée iciaprèsqueGraysonsoitalléechezellelasupplierdeluidireoùj’étais.Elleavaitcédé,maisjen’étaispas sûre de pouvoir en faire autant. Grayson avait passé vingt minutes à tambouriner à la porte enm’appelant.Quandils’étaitmisàpleuvoir,j’étaiscertainequ’ilallaitpartirmaisaulieudeça,ils’étaitassisetavaitéludomicilesurlesmarches.

J’aisecouélatête.–Jenepeuxpas,Kimberly,aupremierregard,jevaism’effondrer.Aprèscequ’ilm’adit…Les

chosesqu’iladûfaire…Jen’aipasledroitdecéder.Grayson connaissait mon talon d’Achille et l’avait ciblé de la façon la plus précise possible :

Depuis que tu es partie, je suis arrivé à la conclusion que j’aime plus de types de femmes que leconsentementdumariagenel’autorise.C’étaitpasmalavectoi,maisdepuis,j’aiconnumieux.

Je sentis un pincement aigu, douloureux dans la région du cœur en repensant à ses mots. Jem’éloignaidelafenêtrepournepasrisquerdelevoirdehors.

–Etpuisavectoutcequej’aifait,lescomplots,lesmanigances…–Oui,tuaseulaplusgrandedetesTrèsMauvaisesIdées,etsoitditenpassant,heureusementque

tunem’enaspasparléavantparcequejet’auraisenchaînéeplutôtquetelaissermettreçaenmarche.MaisKira,tuasaussidénoncédeuxdesfigurespolitiqueslespluscorrompuesdecesdernièresannées.Cesdeuxhommesauraientcertainementruinéencoredenombreusesvies.Jesuisfièredetoi.

Jepoussaiunlongsoupir.–Priscillaafaitlaplusgrossepartieduboulot.Detoutefaçon,Graysonneverrapasçadumême

œilquetoi.

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–Commetoutlepays,ilsaitexactementcequis’estpassé,etilsaitaussiquec’étaittonidée.Etpourl’instant,ilesttoujoursassisdehorssouslapluiecommeunpathétique…pigeon,oujenesaisquoi.

–Un dragon plutôt. Peut-être qu’il est venu pourm’étrangler. Qu’est-ce qu’il t’a dit exactementquandiladébarquécheztoi?

–Deschosesquetudoisentendre,répondit-ellegentiment.Deschosesquil’avaientapparemmentconvaincuedeluidonnerl’adresseoùjemetrouvais.Un

courtinstant,mesconvictionsfurentébranlées.UnesortedegrincementsurlemurduduplexdeSharonnouspétrifia.Jeretinsmonsouffle,lesyeux

ronds.Soudain, le couinementd’unevieille fenêtrequi s’ouvrebrisa le silencedans lequelnousnoustrouvions.

–Quelqu’unestentré,chuchotaKimberly.Montéléphoneestenbas.Nousfonçamesvers lecouloirenpoussantunpetitcrid’angoissequandnousvîmesquelqu’unse

hisserparlafenêtre.Ilétaitcoincédansl’encadrementpar…sesailes!Jem’arrêtaibrutalement,laissantéchapperunsoupirdesoulagement.

–Grayson…soufflai-je,enrevenantdansl’entrée.–Qu’est-ceque…?s’exclamaKimberlyjustederrièremoialorsqu’ilsautaitdanslapièce.Ilatterritdansunbruitsourdethumide.Ilgrogna,sefrottalebras,puissemitàgenoux.Puisilm’aperçutetsereleva.–Kira,dit-il,uneflaqueseformantsoussespieds.L’étincellededésirquibrûlaitdanssesyeux

sombresmepritauxtripes.–Qu’est-cequetufabriques?demandai-jeenledévisageant.Sontee-shirtgrisbleuétaitplaquésur

sa poitrine, soulignant chacun de ses muscles, et son jean moulait ses cuisses solides. J’avalaipéniblementmasalive. Ilétait incroyablementbeau,deboutdevantmoi,mêmetrempépar lapluie,sesailesdégoulinantderrièrelui.

Graysonpassalamaindanssescheveux,écartantquelquesmèchesdesonfront.IlattrapaauvollaserviettequeKimberlyvenaitdeluilancer.

–Jevaisjuste…attendreenbas,dit-elle.J’acquiesçaienmordillantmeslèvres,puismeretournaiversGraysonquiseséchaitlescheveux.

Ilavaitlaisséglissersesailes,séchésonhautaveclaserviette,puissesjambes.Ilfinitparépongerl’eauquiformaituneflaqueàsespieds.Mesyeuxsuivaientchacundesesmouvements.

Quand il se releva, nos regards s’accrochèrent, le temps comme suspendu. Finalement, il ditdoucement:

– J’étais assis en bas sous la pluie, et jeme suis dit : que ferait Kira àma place ? Elle feraitquelquechose.Elle trouverait une Idée.Elle ne resterait pas là en attendant que le tempspasse.Ellerassembleraittoutsoncourage,etelleessaierait,mêmes’iln’yavaitplusd’espoir…Etjemesuisditquejevoulaisêtreaussicourageuxquetoi.

Oh.Mesjambessemirentàtrembler,etjeduslutterpournepasm’effondrersurlechamp.–Ettuasdoncescaladél’immeuble,puistuesrentrépareffractionchezSharon?

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Ilhaussalesépaules,unpetitsourireauxlèvres.–Entrerpareffractionestlameilleureidéequej’aitrouvée,surlecoup.Ils’éclaircitlagorge.–Enfait,c’estmonplanB.Audépart,vois-tu,monplanAn’étaitpassiélaboré,j’allaisteparler

desrisquesquetuavaispris,puistefairequelquessuggestionsàproposdetesidéestrouvées…souslecoupdel’impulsivité.

Ilsortitalorsunmorceaudepapierpliéetmouillédesapoche.–J’aifaitunelistedespouretdescontre.Je laissai échapper unpetit rire. Ilme lançaun regardpleind’espoir endépliant prudemment le

papier,prenantsoindenepasledéchirer.–J’aiparlédetonesprit,detacompassionetdetagentillesse.Maisj’aiaussilistétouteslesfaçons

donttumerendsfou,jusqu’àmeposerdesquestionssurmasantémentale.Ilretournasafeuilledepapierdansunsenspuisdansl’autre.–Maisjen’arrivepasàmesouvenirquelsétaientlespouretlescontre,parcequ’ilsseconfondent

pourfairedetoiquelqu’und’unique,etjen’aipasenviedechangeruneseuledeceschoses.–Oh…soupirai-je,biendécidéeànepasm’effondrer.Ehbien,ça…çaal’aird’avoirfonctionné.

Tuauraispufairebienpire…Jedétournaimesyeuxdelui,memordantlalèvreunmoment.–Maisqu’est-cequetuessayaisdeprouverexactement?Maintenantquetueslàenfacedemoi,

qu’est-cequetuveuxGrayson?Mavoixémuetremblait,j’essayaisdelamaîtriseretdecacherl’espoirnaissantquejecommençais

àressentir.–Jeveuxtedirecequejet’auraisditcejour-là,dansmonbureau,sij’avaisétéassezcourageux,si

j’avaisétéassezfort.Jeveuxtedirequejetefaisconfiance,quejet’aime,etquejenepeuxpasvivresanstoi…J’espèrequetumepardonnerasdet’avoirrepoussée,det’avoirditdeschosessicruelles,det’avoirmenti,et j’espère…J’espèrequetum’aiderasàmepardonner.Jesuisdésolé,jesuistellementdésolé.

Savoixn’étaitplusquedouleur.Moncœurs’emballa.J’essayai de faire le tri dans tout ce qu’il venait de dire,mon esprit s’accrochant surtout à trois

mots.–Tum’aimes?Jefisunpasverslui,maisillevabrusquementlamainpourm’arrêter.Jeclignaiplusieursfoisdes

yeux,indécise.Maisquandjecompris,jenepusretenirmeslarmes…Ilvoulaitvenirjusqu’àmoi.Cequ’ilfit,s’arrêtantàquelquespasd’oùjemetenais.Ilesquissaunsouriretremblant.

–Oui,dit-il,jet’aimetellementquejemesenscommeunecoquillevidesanstoi.Jemordismalèvretremblante.–Etleschosesquetum’asditesàproposdesautresfilles…Mavoixs’éteignit.Lesouvenirdesesmotsétaitsipéniblequejenepouvaispluscontinuer.

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–Non,grogna-t-il.MonDieu,non,j’aidittoutçapourtefairedumal,pourtepunir.Ilfermalesyeux,levisagedéfiguréparunrictushonteux.–J’aiétéetjeteseraitoujoursfidèle.Moncorps,maisaussimoncœuretmonâmesontàtoi.J’ai

faitunepromesseetj’ail’intentiondelatenir.Jesouris,j’étaisunpeuessouffléeetencoreauborddeslarmes,àlafoisvulnérableetsoulagée.–Jet’aiétéfidèleaussi…Cejour-là,àNapa,jen’étaisavecCooperqueparcequeçafaisaitpartie

du plan. Il pensait que j’habitais toujours là… Je voulais simplement savoir à quelle cérémonie il serendait.Aprèsça,jemesuiséclipsée.Jenesuisjamaisalléenullepartaveclui,quecesoitcettenuit-làouuneautre.

Ilfermalesyeuxuninstant.–Excuse-moid’avoirdoutédetoi.Jesecouailatête.–Jesaisqueçaavaitl’airbizarre.Jet’auraisexpliquési…–J’aiétélamentable.Plusqueçamême.Jecaressaiseslèvres,ravalantmeslarmesenadmirantsonvisage.–Tusouffrais.Ilhochalatête,l’airtoujoursaussicoupable.– J’étais certaine que tu venais me faire signer les papiers du divorce. Tu n’as pas accepté la

propositiondemonpère?Ilsecoualatête.–Plutôtcrever.Jeregardaimespieds.–Ehbien,c’estunchoixjudicieux,parcequec’estcequirisquedenousarriver…Jenesaispas

combiendetempsilfaudrapourrécupérerl’argentdemagrand-mère,oumêmesimonpèrecontinueraàlebloquer.Ilpourrait…

–Ils’avèrequeJessicaHawthornsouhaiteinvestirdanslevignoble.Jerelevailatête,confuse.–Vraiment?Jenel’avaisvuequebrièvement.Elleavaitacceptédemedonnerl’argentpourfinancermonplan,

maiselleavaitétéexpéditiveetdésagréable.–Ouais…Et,poursuivit-il,jeveuxquetusachesquej’aiprisconsciencedessentimentsquej’avais

pourtoi,etaussidufaitquej’aiagicommeunimbécilejusqu’àcequejedécouvretoutcequetuavaisfaitpourmoi,pournous…Aussiextravagantquecesoit.

Iln’avaitvisiblementplusrienàajouter.Jedéglutis,monsourires’effaçantpeuàpeu.–J’aiplanifié,j’aicomploté…Jerelevailatête.

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–Jen’avaispaslechoix,Grayson.Jenesavaispassituallaisaccepterlapropositiondemonpère,mais si tu l’avais fait, il aurait sali ton nom et tous les efforts que tu avais faits pour restaurer taréputation.Etsiturefusais,tuétaisruiné.Toutcelaétaitdemafaute,jedevaismeracheter.Ilfallaitquej’essaye.

Leslarmescoulèrentsansquejepuisselesretenir.Ilsedirigeaversmoi,unsouriretendreauxlèvres.–Jesais,petitesorcière,etnousavonsbeaucoupànousdireàcesujet.Maisd’abord,jeveuxque

tu saches que j’ai eu tort en te comparant à ton père, ou aumien. Tu complotes, c’est vrai, dit-il ensouriant,sondoigtcaressantmapommette,maistesintentionssonttoujoursbonnes,généreuses,commetoi.Riendemauvaisnepourraitsortirdetoi,Kira,parcequ’iln’yariendemauvaisentoi.

Lesoulagementetlebonheurm’inondèrent.Jesecouailatête.–Finislescomplots.Jeveuxdire…saufsic’estpourquelquechosedetrès,trèsimportant.Jedétournaileregard.–Saufsi…Jem’arrêtai,lesyeuxrivéssursonvisage.Jemegorgeaisdesabeauté,desadouceur,desonrire.–D’accord,jet’aime,Kira.Jepourraisteledireindéfiniment.Jesuisprêtàbraverlesépines,pour

toi.Mêmeàm’yjeteràcorpsperdu.–Ceseraitdouloureux,chuchotai-je.Ilrit.–J’essayaisdefaireunemétaphore.Charlotte…commença-t-il.Ah.Oui,Charlotte.Ellem’avaittéléphonétouslesjourspourprendredemesnouvelles,et,mêmesi

jeneluiavaispasconfiémadernièreTrèsMauvaiseIdéejusqu’àcequelavidéoaitétéenvoyéeàlatélévision, ellem’avait abreuvée de ses sages conseils et demots réconfortants. Ellem’avait surtoutoffertsonamourcommeunevraiegrand-mère.

–Larose.Ellem’enaparlé.Unsourireenfantinnaquitsurseslèvres,puisilécartaunemèchedecheveuxdemonvisage.Son

expressiondevintplustriste.–J’auraisaiméêtrevraimentprêtàvivreselonceprécepte.Nousaurionspuévitertoutcegâchis.Submergée par l’émotion, une larme roula sur ma joue. Grayson l’effaça d’un geste du pouce.

Surpriseparunrefletmétallique,jeregardaisamaindeplusprès.–Tuastrouvél’alliance?–Oui,dit-il.Etsiellem’esttoujoursdestinée,sachequejenel’enlèveraiplusjamais.–Oui,ellet’appartient,murmurai-je.Jesuisdésolée,vraimentdésoléedet’avoircachélavéritésur

laresponsabilitédemonpèredanstacondamnation.Jen’aijamaiseul’intentiondeteblesser.Jet’aimeaussi.Jen’aijamaiscessédet’aimeretjet’aimeraitoujours.Mondragon.

Ileutl’airsoulagé,puisdemandad’unevoixrauque–Jepeuxteserrerdansmesbrasmaintenant?

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En guise de réponse, je l’étreignis. Je sentis son sourire contremon front. Il frotta samâchoirerapeuseetvirilecontremapeau.

–Viensavecmoi,Kira,murmura-t-il.Rentreàlamaison,s’ilteplaît,laisse-moiteprouverquejepeuxêtrelemariquetumérites.

Jehochailatêtesansquittersapoitrine,respirantleparfumdélicieusementfraisdelapluiesurmonmari.Monmariquim’aimaitetquivoulaitquejerentreàlamaisonaveclui.Lamisère,lechagrinetlapeurressentiscesdernièressemainesmesubmergèrentsoudainetjenepusretenirunsanglot,appuyantmatêteunpeuplusfortcontrelui.Sesbrasm’enlacèrent,etilposasajouecontrematête.

–S’ilteplaît,sècheteslarmes,Kira,murmura-t-il.Jeneveuxplusjamaistefairepleurer.Ilmeregardaittendrement.Il prit mon visage entre ses mains, et se pencha pour prendre ma bouche. Je l’embrassai

langoureusement, savourant le goût délicieux de ses lèvres sur les miennes. Ça m’avait tellementmanqué.Illéchachacunedemeslarmes.Sonsoufflechaudcaressaitmapeau.Jel’embrassaiencoreetencore,matristessemouillantseslèvresd’uneessencesalée.

Ilsereculaetilpritunmomentpourdétaillermonvisagepuisilchuchota:–Tuespeut-êtreenceinte.J’écarquillailesyeux,toutd’aborddéstabilisée.Maisjesecouailatête.–Non,c’estimpossible,dis-jeenmesouvenantqu’unesemaineavant,j’avaiseumesrègles.J’avaiséprouvédusoulagementdansunpremiertempsmaisaussiunpeudedéception.–Jem’étaismêmeditquesitunemequittaisdéfinitivement,j’auraisaumoinsunepetitepartiede

toipourtoujours.–Kira,dit-ilsimplementenmeserrantcontrelui.–Ramène-moiàlamaison,dis-je,blottiedanssesbras.

***

Après avoir raccompagné uneKimberly tout sourire à sa voiture, Grayson etmoi avons faitmavalise,rejointsonpick-up,etsommesrentréscheznous.Cheznous.Sessimplesmotsmeremplissaientdejoie.

Jeviendraischerchermavoitureunautrejour.Pourl’instant,jenepouvaispasenvisagerd’êtreloindemonmari,mêmepouruneheure.

Nousavonspasséletrajetànousracontertoutcequis’étaitpassépendantnotreséparation.Graysonm’écoutaexpliquerleplanavecHarley,Priscilla,ettoutcequej’avaisélaboré.–Jenesaispass’il fautvous tuer tous les troisoufaireérigerunmonumentenhonneurdevotre

courage,dit-il.–Personnellement,j’aimel’idéedumonument.Enfin,situmedemandesmonavis.Jeluioffrismonplusbeausourire.Ilmeregardaensouriantluiaussi,puisfinitparéclaterderire.

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–Cettediablessedefossettevientjustedetesauverlavie.J’éclataiderireàmontour.– JepensequeHarley abienméritéunepromotion, constata-t-il.C’est apparemmentun jongleur

horspair.Nonseulementilt’aidait,maisenplusilagérétouteuneéquipeauvignoble,sansgagnerunsou.

–Jesuisaucourant,luirépondis-je.Charlottem’enaparlé.Ilhaussaunsourcil.–Donc,j’étaisleseulànepasêtredanslaconfidence?Apparemment,toutlemondesavaitcequi

setramait,saufmoi.Jeposaimamainsursonbras.–C’estladernièrefois.Àpartirdemaintenant,tuferaspartiedetousmescomplots.–Tun’espluscenséefairedecomplots,merappela-t-il.–Ah,oui,c’estvrai.Celaprovoquaunenouvellefoissonhilarité.EnpassantlesportesduvignobleHawthorn,Graysonpritmamain,etlaserra.Une fois arrivés devant la maison, Charlotte nous attendait, visiblement enchantée. Elle dévala

l’escalierduperronpourmeprendredanssesbrasjusqu’àm’étouffer.–CommentvaWalter?demandai-je.–Parfaitementbien!Ilrentredemain!Ellemeserraplusfortencore.Jemesentaisbien,pleinedegratitudeetdejoie.J’étaisàlamaison.

Enfin,murmuramoncœur.Enfin.Harley,Virgil, José, ainsi queplusieurshommesque jene connaissaispas sedirigeaientvers la

maison, venant visiblement de finir leur journée de travail. Ils riaient, plaisantaient et nous saluèrentbruyammentquandilsfurentàportéedevoix.Sugieétaitsurleurstalons,haletanted’excitation.Pendantunmoment,letempss’arrêtaetjelesobservai,unsourireauxlèvres:c’étaitmafamille.Ungroupedemarginauxetd’opprimésqui, ensemble, avaient redonnévie àunvignoble sur ledéclinet fait tomberdeuxhommespuissantsetcorrompus.

–Hé,Harley!criaGrayson.Appelletafemme,etdemande-luidenousrejoindre.J’aiàpeuprèsmilletoastsàfaireensonhonneur.

Harleysourit.–Jem’enoccupe,monpote.Ondécidadenepasregarderlesinformationscesoir-là.Lemondeattendrait.Aprèsunbondîner

defamille,pleinderires,dediscussions,etdebeaucoup,vraimentbeaucoupd’acclamations,Graysonetmoi rejoignimes notre chambre. Il me fit l’amour. D’abord brutalement et vite, puis lentement etdélicatement.Jemesentaistellementsereine,pleinedelui.Plustard,blottiedanssesbras.Lesmotsmemanquaient,j’étaisgorgéedeplaisiretd’amour.

–Kira,murmura-t-il.Jeveuxquetusachesquejemesuisfaitunenouvellepromesse,unepromessequejecomptehonorerpourlerestantdemesjours.

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–Laquelle?chuchotai-je,sentantl’importancedesmotsqu’ilallaitprononcer.Iltournamonvisageverslesien.– Nous sommes mariés, et il y aura des moments où nous serons en désaccord, où nous nous

disputerons,oùnousdouteronsl’undel’autre.Ilyauradesjoursoùl’amourquej’éprouvepourtoimeferapeur.Maisjetefaislapromessedenejamaism’enallersansquenousnousexpliquions.

Ilm’observa,d’unairdouxetvulnérable.–Jeveuxdirequejenemerefermeraiplussurmoi-même.Jeveuxfaireface.Jemebattraijusqu’à

cequenousayonstrouvéunesolution,peuimporteletempsqueçaprendra.Tupeuxêtresûrequejamaisplusjeneterejetterai.Jeteleprometsduplusprofonddemoncœur.

Jehochailatête,submergéeparlatendresse.–Jetefaislamêmepromesse.Ilsourittendrement.–Parfois,nousnousrencontreronsàmi-chemin.Àd’autresmoments,jeviendraiàtoi.Etjeferaide

monmieuxpourmettremafiertédecôtéetsavoirquandc’estàmoidefairelepremierpas!–Moiaussi,murmurai-je,lesyeuxembués.Il sepenchaetembrassamespaupières,obligeantmes larmesàcouler.Ses lèvres lesburent sur

monvisage,puisilmeserraunpeupluscontrelui,plongeantsonvisagedansmescheveux.Cette promesse, chuchotée à la lueur de la lune dont les rayons entraient par la fenêtre de notre

chambre,étaitsacréeetcommegravéedanslapierre.Carcettepromesseprenaitracinedanslavéritéetl’amour.

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ÉPILOGUE

GRAYSONHuitansplustard

–Jepeuxsavoircequetuesentraindefairepetitlutin?demandai-jeàlapetitedefilledeseptansqui rampaitdans l’herbe.Elle releva la tête.Unecascadedecheveuxauburnaccompagnasongesteetelleplantasesgrandsyeuxmarrondanslesmiens.

–Jejoueàêtreunechenille,merépondit-elle.–Ah,dis-jeententantdemasquerlesourirenaissantsurmeslèvres.Hiertuétaisunepâqueretteet

aujourd’huiunechenille.Ellesemitàgenoux,enposantlesmainssursespetiteshanches.– PapiWalter a dit qu’on ne pouvait pas parfaitement comprendre quelqu’un tant qu’on n’a pas

regardélemondeàtraverssesyeux.–Ilt’aditça,vraiment?J’imaginaistrèsbienWalterdireça.C’estluiquim’avaitapprisàêtreunbonpère.Toutcequeje

savais,jeluidevais.–Bien,maistusaisjenecroispasqu’ilfaisaitallusionauxpâquerettesetauxchenilles.–Maiscesontmespréférés!insista-t-elle.Jeveuxlescomprendrelepluspossible!Jememisàrire.–Etalors?Qu’est-cequetuasdécouvertpourlemoment?–Ehben,lespâquerettesregardentverslecieltoutelajournéeetl’observentsetransformer.Elles

doiventsedirequelaTerreestvraimentunendroittropmignon.Leschenilles,elles,regardentjustelesol.

Ellefronçalessourcils.–Leschenillesdoiventêtretrèsdéçuesparlemonde.J’éclataiànouveauderire.Jelaprisdansmesbrasetobservaisapetitefrimoussesisérieuse.

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– Tu sais ce que je vois, moi ? Une très jolie petite fille avec un cœur très bienveillant. Bon,maintenantdis-moi,oùesttapetitesœur?J’aiquelquechoseàvousannoncer.

–Ellejoueàsedéguiserdanslecabanon.Papa,est-cequetuasmisunautrebébédansleventredemaman?

J’écarquillailesyeuxetjerestaimuetquelquessecondes.–Commentest-cequetusaisça?–Tuavais lamêmetêtesur tonvisagequandtum’asditquetuavaismisCéliadanslebidonde

maman.–Etàquoielleressemblecettetête?Ellesegrattalebras,l’airsongeur.–Jenesaispas.UnpeucommeSugiequandelleattrapeunbâton.J’éclataiderire,imaginantlatêtedeSugie,àlafoistrèsfièreetunpeusurprisequandellevenait

deréussiruntrucqu’elletrouvaitgénial.–Etbientuasraison.Etdevinequoi?C’estuneautrepetitesœur.–Uneautrepetitesœur?Ellefitungrandsourire,révélantsesdentsmanquantesetlafossettecraquantesursajouequ’elle

tenaitdesamère.–Çafaitpleindefilles,papa!–Ehoui!J’étaistellementheureux.Jen’auraispaspul’êtreplus.Pourtantchaquejour,jemefaisaislamême

réflexionetmonbonheurnecessaitdegrandir.Toutçaparcequ’unefemmeavaiteuunjourlecouragedepousserlaportedemonbureauetdemedemanderenmariage.Toutçaparcequej’avaisfinalementosém’abandonneràmadélicieusepetitesorcière,etqu’enretour,ellem’avaitoffertunemaisonpleinedepetitesfillesturbulentesquimontaientauxarbres,seprenaientpourdeschenilles,medonnaientletournisparmoment,etmeremettaientàmaplacetrèsrégulièrement!Jen’étaisdécidémentpaslechefdansmamaison,maisplusquetout,ellesmerendaientfoud’amour.

J’ai reposé Isabellepar terreetonest entrésdans lecabanonoù, jadis, avaitvécuune très joliesorcière. Je trouvaialorsCélia,quatreans,déguiséeenprincesse.Elle jouaità ladînettesur lapetitetabledel’entrée,unetasseàlamain.Ilyaplusieursannées,nousavionsfaitdestravauxdanslecabanonetnousl’avionstransforméensalledejeupournosfilles.

–Onvaavoiruneautresœur!hurlaIsabelle.Célias’arrêta,latasseàmi-chemindesabouche.Elleouvritdegrandsyeux.–Uneautresœur?dit-elleenfaisantdesbonds.Elleseprécipitaversmoisursespetitstalonsen

plastiqueetsejetadanslesbrasquej’avaisouvertspourelle.–Mercipapa.Jerêvaisd’unepetitesœur.Je regardai son beau visage en forme de cœur, ses yeux verts pétillants pleins de joie et teintés

d’unepointed’espièglerie.–C’estmonrôle,tusais,deréalisertoustesrêves.

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Ellepritunairsongeur,ettortillauneboucledesescheveuxnoirs.–Est-cequejepeuxavoirunponey,alors?Jeposaimonindexsurleboutdesonnez.–Pourêtreencoreplusgâtéequetunel’esdéjà?– Hum, dit-elle, boudeuse, mais je voyais qu’elle était déjà en train d’échafauder un plan pour

obtenirceponey.Noussommesremontéstouslestroisverslamaison.Charlotteétaitdanslacuisine,etjemeremplis

lespoumonsdel’odeurdouceetsucréedecitronquiembaumaitlerez-de-chaussée.–MamieCharlotte,appelaCélia.Onvaavoirunbébésœur!CharlotteéclataderireetpritCéliadanssesbraspendantqu’Isabellenouaitlessiensautourdesa

taille.– Je sais,mes amours, j’ai entendu la grande nouvelle. Est-ce qu’on ne fêterait pas ça avec une

tranchedecakeaucitrontoutdroitsortidufour?–Oupeut-êtredeux?Céliapenchalatêteenluiadressantsonpluscharmantsourire–Quellecoquine!dis-je,enéclatantderire.J’embrassaiCharlottesurlajoueetjeluidemandai:–Est-cequetuasvuKira?– Elle s’est volatilisée, répondit-elle en posant Célia. Va la chercher, jem’occupe de ces deux

poupées.Elle était heureuse. Je savais à quel point chouchouter et faire des câlins àmes petites filles lui

faisaitplaisir.Etelleadoraitcuisinerpourelles.Jeluifisunclind’œiletpartisàlarecherchedemafemme.Jen’avaisaucuneidéedel’endroitoù

ellepouvaitêtre.Endescendantlacolline,j’observaiavecfiertélesvignesplusbas.Huitansplustôt,nousavionssauvécevignobledelafaillitegrâceà l’argentqueJessicam’avaitdonné,àbeaucoupdetravail,etàdestasd’amisfidèles.Depuis,chaqueannéenousavionsprospéréunpeuplus,allantmêmejusqu’àvoirnosvinsrécompenséspardesprix.LevignobleHawthornétaituneentrepriseflorissanteetj’étais particulièrement fier du fait que nous employions désormais presque deux cents personnes.Beaucoup étaient d’anciens prisonniers qui cherchaient à se réinsérer et avaient besoin que quelqu’unleurfasseconfiance.C’étaitHarley,maintenantdirecteurd’exploitationaudomaine,quiavaitlancécetteidée.ÀNapa,quelquesentreprisesluiavaientmêmeemboîtélepasquandilsavaiententendudireàquelpointnosemployésétaientassidus.

L’argentdelagrand-mèredeKiraavaitfinalementétédébloqué,bienavantqueleprocèsnesoitterminé.CooperStrattonavaitétéenvoyéderrièrelesbarreauxpourunesériededélitslonguecommelebras.FrankDallairen’avaitjamaisétéreconnucoupable,maisenpolitiquelasuspicionfaittout,etça,ille savaitmieuxquequiconque.Personnen’avaitvouluêtreassociéauxsoupçonsqui luicollaientà lapeau.Ilavaitdisparudupaysagepolitiqueet,d’autantquejesache,n’étaitplusdutoutaugouvernement.Pasplusquedansnotrevie.

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Toutefois,etbienheureusement,nousn’étionspasenmanquedefamille.ShaneetVanessaavaienteudeuxgarçonsquivenaientsouventnousrendrevisite.Ilsrentraientsouventchezeuxunpeuétourdisaprèsquenosfilleslesaientmalmenés.Ellesleurjouaientdestours,lesobligeaientàjoueràlapoupéeetàparticiperàdesescapades!

–Jesavaisque je trouverai ici,dis-jeenprenant ledernier tournantdu labyrinthesoigneusemententretenu.

JesourisenrejoignantKirasurlebancoùelleétaitassise,enfacedelafontaine,lesmainsposéessursonpetitventrerebondi.Lesémeraudesdesabaguedefiançaillesbrillaientausoleil,merappelantlejouroùnousavionsrenouvelénosvœux.Lacérémonieavaitétéintimeetensoleillée,jeluiavaispassélabagueaudoigt sous l’abricotierdenotrevignoble. J’avaisvoulu luioffrirunvraimariage avecdel’amour,dubonheuretdesproches,etc’estcequej’avaisfait.

Monépousemesouriait,lafossettequifaisaitchavirermoncœuraucreuxdesajoue.– C’est mon endroit préféré, le cœur de ta tanière. Je sais que tu me retrouveras toujours ici,

Dragon.Jerisdoucementetl’installaisurmesgenouxpourlasentirtoutcontremoi.Elleenveloppasesbras

autourdemoncouetposasonfrontcontrelemien.–Uneautrefille…Jecaressaisoncou.–Hum,murmurai-je.Encoreunefemmepourmedominer.Sijeneteconnaissaispas,jediraisque

c’étaitencoreundetesplans.Kiraéclataderire.–Non,cen’estpasvrai,cen’étaitpasundemesplans,c’étaitundemesrêves.Ellepritmonvisageentresesmainsetm’embrassa.–Merci,chuchota-t-elletoutcontremabouche.Jedébordaisd’amouretdereconnaissance.Jeserraimafemmeunpeupluscontremoi,ivredeson

parfum.Àcetinstantjesusqueplusjamaisjenepenseraisquelavien’étaitpasfaitedemiracles.Grâceàsonamour,masublimepetitesorcièreavaittransforméunendroitquiétaitautrefoisremplidesolitudeet de souffrance en un océan de bonheurs et de rêves. Les arbres, les roses et les vignes au loin,murmuraientcevieiladage:InVinoVeritas.Danslevinsetrouvelavérité.

Maisdansmoncœurils’entrouvaitunautre:Dansl’amoursetrouvelavérité!Et lavéritéquem’avaitenseignée l’amourc’étaitqu’onnepeutdevenir fortqu’aprèsavoireu le

couraged’affrontersessouffrances,etquelesfaillesbéanteslaisséesparlapeinepermettaientàl’amourd’entreretdelescombler.

J’étais heureux d’avoir connu les deux, souffrance et bonheur, car c’était ce qui faisait lemerveilleuxéquilibredelavie.

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REMERCIEMENTS

Commetoujours,j’aireçul’aided’ungrandnombredepersonnespourécrirecelivre.Unimmenseettendremerciàmonéditrice,AngelaSmith,quim’aaidéàaméliorerl’intrigueetqui

acruencettehistoire,plusquemoiparfois.Mercid’avoirétélà,dupremierauderniermot.Ma profonde gratitude va également à Marion Archer. Tu es une éditrice si talentueuse, et tes

conseilssonttellementpertinents.Tonenthousiasmeettonimplicationdansceprojetmetouchentau-delàdetoutemesure.

Merci à Karen Lawson grâce à qui, dans leur version finale, mes livres sont des bijouxsoigneusementpolis.C’estuncadeauinestimable.

Àmesprécieuxlecteurs,quiontlucelivreenavant-première,etm’ontfaitdescommentairesetdessuggestions de grande valeur : Cat Bracht, Natasha Gentile, Michelle Finkle, Nikki Larazo et ElenaEckmeyer(quiontdonnéàmondragonetàmasorcièreuneattentionsupplémentaireetbienveillanteenlisantmonmanuscrit deux fois, et quiont aimémondragonmalgré son soufflebrûlant tout commemasorcièrequiluiafaittournerlatêtejusqu’àcequ’ilcède).

Merci à mon merveilleux agent, Kimberly Brower, qui m’a tenu la main tout au long de cetteaventure.Mercidemesoutenirinlassablementetpatiemment.Tuesincroyablementgénéreuse,letempsetl’attentionquetum’accordesmedonnentl’impressiond’êtreleseulauteurdonttut’occupes(etjesaisquenousdisonstouscela!).

Àtoienfin,cherlecteur,sansquijen’auraispaseulachancedefairecequejefais.Unamoursansfin,etmillemercis!

Merci également à tous les blogs qui citent et recommandent mes livres. Mes penséesreconnaissantes.

Etpourfinir,àmonmari.Jenesaispascommentteremercierpourtonaideettonsoutien,pourlesinterminables discussions que nous avons eues (en voiture, au restaurant, dans le lit, et même en sebrossantlesdents!),pourmesincessantesquestions,pourmesdoutespermanents,etpourletempsinfiniquej’aipassé,seuledansmatête,àcréercespersonnages.Lapromessequejet’aifaitem’aapportéplusdebonheurquejen’enauraijamaisosérêver.

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