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INTRODUCTION A LA THEORIE DES ORGANISATIONS

Franois Pichault

INTRODUCTION A LA THEORIE DES ORGANISATIONSF.PICHAULT

Prsentation Le cours vise introduire les tudiants l'analyse des organisations modernes, partir de l'examen d'un certain nombre de variables qui en caractrisent le fonctionnement: division et coordination du travail entre oprateurs, dpartementalisation, mcanismes de liaison entre units, systmes d'autorit et flux de communication formelle, systmes de pouvoir et flux de communication informelle, processus de prise de dcision et de dfinition des objectifs, type d'environnement, etc. Son ambition est la fois descriptive (reprage de diffrentes formes organisationnelles sur base des variables sus-mentionnes) et explicative (initiation aux grands dbats thoriques de la thorie contemporaine des organisations, travers lexamen des perspectives rationnelle, contingente et politique). Il recourt de nombreuses tudes de cas afin de concrtiser le propos. Objectifs Les principaux objectifs assigns au cours sont les suivants: - proposer une initiation critique un ensemble de notions et de modles explicatifs habituellement utiliss en thorie des organisations; - amener les tudiants appliquer ces notions et modles au diagnostic de situations organisationnelles concrtes. Supports Le support thorique du cours est l'ouvrage de J.NIZET et F.PICHAULT: Introduction la thorie des configurations. Du one best way la diversit organisationnelle, Qubec/Bruxelles, Gatan Morin/De Boeck Universit, 2001. Par ailleurs, les tudiants disposent ci-aprs d'un syllabus crit, constitu de certains complments thoriques et d'un dossier dtudes de cas. Les deux supports (livre et syllabus) sont indispensables pour lassimilation du cours. Evaluation Un examen crit est organis la fin du 1er semestre: il est centr sur le diagnostic d'une situation concrte dorganisation, partir d'une grille qui aura t labore et applique plusieurs tudes de cas durant le cours. Pour les tudiants qui n'ont pas obtenu une note globale de 12 lors de cette premire preuve, un examen oral est prvu en 2e session: celui-ci aborde les grandes questions thoriques qui traversent l'ensemble du cours.

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Plan du cours INTRODUCTION (syllabus) 0.1. 0.2. 0.3. 0.4. 0.5. La thorie des organisations: objet ou point de vue? La diffrence entre discours analytique et discours normatif Description, comprhension, explication (dterminisme/interactionnisme) Du manager au systme d'action Perspectives danalyse du cours

CHAPITRE 1: C0OPERATION AU TRAVAIL 1. Division et coordination du travail des oprateurs 1.1. Division du travail entre oprateurs (verticale et horizontale) 1.2. Coordination du travail entre oprateurs 1.3. Modes dorganisation du travail (de lOST au modle californien) 2. Dpartementalisation, diffrenciation et liaison entre units 2.1. Formes de dpartementalisation 2.1.1. Dpartementalisation par input et par output 2.1.2. Span of control 2.2. Diffrenciation horizontale et verticale 2.2.1. Les interdpendances entre flux de travail 2.2.2. Les interdpendances dchelle 2.3. Mcanismes de liaison entre units 2.3.1. Mcanismes reposant sur des relations interpersonnelles 2.3.2. Mcanismes reposant sur la formalisation 2.3.3. Mcanismes reposant sur des reprsentations mentales 2.4. Formes structurelles (en clocher, plane ou revitalise) CHAPITRE 2: ACTEURS ET POUVOIR 0. Lautorit et la communication formelle (syllabus) 0.1. Pouvoir et autorit 0.2. Les flux de communication formelle 0.2.1. Systmes de flux formels 0.2.2. Les diffrents types de communication formelle et les structures de rseaux 0.2.3. Limportance de la communication informelle 0.3. L'autorit: sources et conditions dacceptation 1. Les typologies des acteurs 2. Les modalits de lexercice du pouvoir (sources du pouvoir, pression et lgitimation) 3. La localisation du pouvoir dans lorganisation 3.1. Comment analyser la localisation du pouvoir? 3.1.1. Identifier les acteurs formellement habilits prendre les dcisions 3.1.2. Dterminer les acteurs qui influencent les processus de dcision 3.2. Les systmes d'influence 3.2.1. Le systme de contrle personnel 3.2.2. Le systme de contrle bureaucratique 3.2.3. Le systme de contrle idologique 3.2.2. Le systme des comptences spcialises 3.2.5. Jeux politiques et effectivit des mcanismes de coordination 3.3. Relations entre coalitions d'intrts internes et externes

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4. Conflits et ractions aux conflits (syllabus) CHAPITRE 3: PRISE DE DECISION ET OBJECTIFS 0. Le schma classique du processus dcisionnel (syllabus) 0.1. Expos du schma 0.2. Limitations psychologiques de la rationalit (cognitives et motionnelles) 0.3. Limitations sociologiques de la rationalit 1. Les buts considrs isolment 1.1. Buts de mission et buts de systme 1.2. Le degr d'oprationnalit des buts 1.3. Buts officiels et buts oprants 1.4. Buts spcifiques aux acteurs 2. Les rapports entre buts 2.1. Systmes de buts intgrs 2.2. Systmes de buts conflictuels CHAPITRE 4: FACTEURS CONTEXTUELS 0. Contingence versus constructivisme 1. Age et taille 2. Technologie 2.1. La thse de Woodward 2.2. Critiques et complments 3. March 3.1. Degr de stabilit du march 3.2. Degr de complexit du march 3.3. Degr dhostilit du march 3.4. Degr dhtrognit du march 4. Culture nationale (syllabus) CHAPITRE 5: LES CONFIGURATIONS 0. La dlimitation de lenveloppe organisationnelle 1. La configuration entrepreneuriale 2. La configuration missionnaire 3. La configuration mcaniste 3.1. Les caractristiques gnrales de la configuration mcaniste 3.2. Les variantes de la configuration mcaniste 4. La configuration adhocratique 5. La configuration professionnelle 6. Synthse des diffrentes configurations 7. Les hybrides 7.1. Configuration pure et hybride 7.2. Hybrides par juxtaposition et par superposition 7.3. Questions thoriques lies aux hybrides 8. Le changement organisationnel (thorie du cycle de vie)

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SYLLABUS COMPLEMENTAIRE INTRODUCTION 0.1. La thorie des organisations: objet ou point de vue? Un vieux dbat, au sein des sciences humaines, oppose les partisans d'une dfinition des disciplines en termes d'objet et en termes de point de vue. Les premiers revendiquent, en quelque sorte, un territoire pour chaque discipline: la sociologie soccuperait des groupes sociaux, la psychologie des individus, lconomie du march, etc. Les seconds dfendent au contraire le principe d'une spcificit du regard disciplinaire, indpendamment de l'objet envisag. Ces derniers tendent reprsenter aujourd'hui la position dominante. Selon une telle conception, la sociologie tudie nimporte quelle ralit par rfrence des mcanismes sociaux (appartenance des groupes, rapports de pouvoir, croyancs collectives, etc.); la psychologie peut tudier la mme ralit, mais cette fois par rfrence des mcanismes mentaux (processus cognitifs, affectifs, motionnels, motivations, etc.); si lconomie sattaque son tour cette ralit, elle se rfre quant elle des mcanismes de march (minimisation des cots, maximisation des gains, etc.). Un mme objet peut videmment tre abord par diffrentes disciplines. On peut ds lors affirmer que la thorie des organisations rassemble, autour dun objet (les organisations), diffrents points de vue disciplinaires: celui de la sociologie, de la psychologie, de lconomie, du droit, etc. 0.2. La diffrence entre discours analytique et discours normatif La thorie des organisations donne souvent lieu des prolongements pratiques. Sans doute constitue-t-elle un corps de connaissances permettant de comprendre et d'expliquer le fonctionnement des organisations. Cet ensemble de connaissances est construit sur l'observation de situations concrtes, passes ou prsentes (=modles), mais n'a d'intrt pour l'homme d'action (le gestionnaire) que dans la mesure o il comporte un aspect prdictif (du type telle intervention amne tel rsultat) qui l'aidera dans son activit de manager. Bon nombre de thoriciens de l'administration et des organisations sont alors conduits privilgier des propositions de nature normative (du type voil ce qu'il faut faire) et quitter la sphre de la connaissance scientifique proprement dite pour entrer de plain-pied dans celle de l'intervention ou de l'action transformatrice. Ils n'hsitent d'ailleurs pas dissimuler de tels partipris d'action sous des propositions d'apparence scientifique. Malgr cette tendance dominante qui caractrise de nombreux manuels de management, de plus en plus d'auteurs soulignent aujourd'hui qu'une politique cohrente de gestion de l'enttreprise ne peut se rduire l'accumulation de recettes plus ou moins systmatises, de formules plus ou moins en vogue, dont l'intrt rside peut-tre davantage dans la possibilit offerte l'organisation qui les applique de bnficier d'une image de marque moderniste que dans une amlioration concrte de son fonctionnement. En ralit, dans ce domaine comme dans tant d'autres, tout projet de changement doit d'abord se baser sur une connaissance prcise des mcanismes qui traversent la vie des organisations. En faisant l'impasse sur une telle analyse, on se condamne des checs cuisants, plus ou moins brve chance, tant donn la multiplicit

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des paramtres prendre en considration. Il convient d'examiner d'abord comment l'organisation fonctionne, en rapport avec son environnement, de poser ensuite un diagnostic et c'est seulement ce moment que l'on peut commencer suggrer des pistes en vue d'une amlioration du fonctionnement actuel. Il s'agit donc de marquer clairement la frontire entre l'observation et l'analyse du fonctionnement des organisations (= niveau analytique), d'une part, et les principes que l'on entend prconiser pour atteindre tel ou tel objectif (= niveau normatif), d'autre part. Dans le premier cas, on cherche avant tout dcrire une ralit, afin de mieux la comprendre et surtout de l'expliquer le plus objectivement possible (voir point 0.3.). Dans le second, on se place au contraire sur un plan dlibrment normatif, en recherchant ou en privilgiant certaines orientations d'action susceptibles de transformer la ralit existante. Toutefois, cette diffrence de niveau ne justifie nullement la rupture que d'aucuns se plaisent entretenir entre les deux sphres, prtextant que le gestionnaire et l'homme d'action, confronts des problmes quotidiens immdiats, n'ont ni le temps ni les moyens de s'embarrasser de pralables thoriques. Nous restons persuads que, quelle que soit sa nature, l'intervention en organisation ne peut se passer d'une comprhension raisonne des contextes dans lesquels elle est appele oprer. Inversement, l'accumulation de connaissances sur le facteur humain dans l'organisation est inutile et vaine si elle ne peut dboucher sur une amlioration concrte des modes de gestion en vigueur. Attention: la frontire entre niveaux analytique et normatif ne tient pas tant une prtendue neutralit du chercheur qui disparatrait une fois qu'il se mue en consultant. Elle se rfre davantage, notre avis, l'orientation mme de ses analyses dans la mesure o elles dbouchent, une fois pass le cap du simple constat, sur la poursuite d'une certaine forme d'efficience organisationnelle. Une chose est par exemple de constater que les phnomnes de pouvoir sont omniprsents et qu'ils marquent de leur empreinte tout processus de changement. Une autre est de rflchir la faon de grer les organisations en tenant compte de tels phnomnes. Dans le premier cas (niveau analytique), on se borne analyser le droulement des projets et, ventuellement, dnoncer les illusions qui les sous-tendent. Dans le second (niveau normatif), on se trouve directement impliqu dans la conduite du changement, en partageant par consquent la responsabilit de sa russite ou de son chec. 0.3. Dcrire, comprendre, expliquer Lanalyse dune organisation comme de nimporte quel autre objet social peut tre subdivise en trois tapes: description, comprhension, explication. Toute dmarche scientifique dbute par une tentative de description systmatique de la ralit analyse, l'aide d'outils statistiques, de monographies, de typologies, etc. Nous serons ainsi amens oprer certaines distinctions conceptuelles et regrouper certains lments premire vue disparates, afin d'aboutir une apprhension plus fine du rel. Il faut bien reconnatre qu'une partie importante de la production actuelle des sciences humaines et des sciences de gestion se cantonne bien souvent ce premier

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stade, en offrant tout au plus un dgrossissement de la ralit observe, sans faire appel de vritables schmas explicatifs. Ces derniers sont pourtant le but ultime de toute analyse scientifique. Le stade de la comprhension constitue sans doute l'une des spcificits des sciences humaines par rapport aux sciences de la nature. Puisque nous tudions une ralit laquelle nous participons en tant qu'acteurs sociaux, les faits que nous analysons ont pour nous un sens: en d'autres termes, ils sont intelligibles. Comme le souligne Boudon, il ne saurait tre question de donner la comprhension des faits sociaux le statut d'une mthode spcifique. Mais cela n'implique pas qu'on doive ignorer la signification des faits sociaux, tout au contraire (Lanalyse mathmatique des faits sociaux, Paris, Pon, 1967, p.27). C'est d'ailleurs cette recherche de signification qui nous mettra souvent sur la voie des relations tablir entre phnomnes, caractristiques du stade de l'explication. Nous pouvons ainsi chercher connatre le sens qu'attribuent les diffrents acteurs d'une mme organisation la notion de changement ou au problme de l'accroissement de la productivit, en tentant d'interprter et de dcoder les sous-entendus, les allusions, voire les silences de leur discours. Le critre de l'intelligibilit renvoie, au fond, l'exprience sociale de l'observateur: mais il ne lui permet videmment pas d'avoir un accs immdiat c'est--dire non construit et non matris l'explication. L'explication proprement dite consiste tablir des relations incertaines entre les phnomnes observs. Elle suppose donc le test d'une ou de plusieurs hypothses, entendues comme des propositions douteuses, susceptibles d'tre infirmes par les faits. La recherche de causes ne signifie pas ncessairement l'adoption d'un schma de causalit linaire. Comme le suggre Simiand (Le salaire, lvolution sociale et la monnaie, Paris, Alcan, 1932, pp.15-25), puisque notre objectif est d'atteindre une connaissance raisonne du rel, il convient d'y oprer une hirarchisation entre causes et conditions, mme dans les cas d'interdpendance o les faits relis peuvent tre tour tour considrs comme variable explicative ou expliquer. Les causes constituent, par rapport au fait tudi, les antcdents les plus proches, dont la relation au fait est considre comme la plus gnrale (tout X est suivi de A) et pour lesquels la rciproque de cette relation demeure vraie (tout A est prcd de X). Les conditions apparaissent, en quelque sorte, comme des causes de second ordre, entretenant avec le fait tudi des relations de dpendance moins immdiates mais toujours significatives. Puisque nous tentons d'obtenir une reprsentation simplifie de la ralit, il n'est pas ncessaire d'y faire figurer l'ensemble des lments susceptibles d'tre pris en considration. Parmi ceux-ci, l'explication vise la fois identifier une cause ou un ensemble de causes et des conditions qui s'y rapportent. Tout modle labor en sciences humaines est donc ncessairement de nature probabiliste. Toute explication s'inscrit ncessairement dans le cadre d'une tradition thorique et mthodologique qui constitue galement sa manire d'aborder et d'expliquer le rel. On distingue gnralement, en la matire, deux ples entre lesquels se situent la plupart des recherches menes: le ple dterministe et le ple interactionniste. Dans le domaine de la sociologie, pareille distinction a notamment fait l'objet d'une prsentation systmatise par Boudon (Effets pervers et ordre social, Paris, PUF, 1977). Mais elle est loin d'tre propre cette discipline et partage en fait l'ensemble des sciences sociales.

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L'approche dterministe repose essentiellement sur deux postulats: tout fait social peut tre expliqu par des phnomnes (a) qui lui sont antrieurs et (b) qui sont ncessairement extrieurs aux sujets impliqus dans l'apparition de ce fait. En d'autres termes, le fait social est le rsultat d'un processus qu'il convient de reconstituer en examinant le contexte dans lequel il s'est dvelopp; ce contexte prend le plus souvent la forme de contraintes sociales qui psent sur les vellits d'action individuelles. L'approche interactionniste se base au contraire sur des phnomnes (a) qui se produisent simultanment au fait social tudi et (b) qui refltent gnralement les intentions des acteurs concerns. Plutt que de retracer, pour chaque fait social, le processus qui a conduit son mergence, on tche ici de montrer dans quelle mesure il rsulte de la combinaison d'actions simultanes, dont on entend dgager la rationalit. Il est rare que les recherches menes en sciences sociales puissent se ranger, de manire systmatique et exclusive, sous l'une ou l'autre de ces bannires. Le plus souvent, elles oscillent entre les deux ples. Il s'agit en fait de positions extrmes, qui peuvent d'ailleurs rapidement se rvler intenables. Ainsi, le dterminisme intgral aboutit une sorte d'extriorit absolue et toute puissante des facteurs sociaux qui finit par rendre totalement improbable la moindre possibilit d'volution. Nous veillerons donc viter le pige d'une approche qui mettrait exclusivement l'accent sur le poids des contraintes sociales ou organisationnelles. Inversement, l'interactionnisme peut conduire une sorte d'hyper-rationalisme dans lequel l'influence des usages, des traditions et des structures sociales peut tre compltement vacue: tel est le cas de certaines analyses du changement organisationnel o les ractions des acteurs sont ramenes de simples stratgies personnelles, indpendamment de la position occupe dans la structure organisationnelle. Il s'agit au fond de veiller conserver une position d'quilibre entre ces deux ples, qui reconnaisse l'influence des contraintes structurelles tout en examinant la manire dont, face de telles contraintes, s'laborent les stratgies des acteurs. 0.4. Du manager au systme d'action 0.4.1. Ltude du rle des managers: de Fayol Mintzberg A. Fayol et Urwick Au dbut du XXe sicle, les activits administratives commencent prendre une certaine ampleur, mais leur prise en compte effective dans les pratiques managriales reste faible, tant l'attention des responsables continue tre centre sur l'organisation des activits industrielles. Quelques patrons clairs prennent cependant conscience de la ncessit d'organiser de faon plus rigoureuse le dveloppement des activits administratives. C'est vers cette poque qu'est publi le clbre trait de Fayol (Administration industrielle et gnrale, 1916), nonant un ensemble de rgles relatives la gestion des organisations. Il distingue une srie de fonctions (ensemble d'oprations de mme nature): a) les fonctions classiques - techniques (production-transformation des biens et des services)

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commerciales (changes de l'entreprise avec l'extrieur, achats et ventes) financires (recherche et grance des capitaux) comptabilit (informations sur la situation conomique de l'entreprise) scurit (celle des installations et du personnel)

b) la fonction administrative proprement dite (ce qui est nouveau) Fayol la dfinit par une srie de tches: - prvoir - commander - organiser - coordonner - contrler (concordance rsultats/dcisions) Cette fonction administrative est diffuse dans l'organisation: tout membre participe l'administration. L'importance de cette fonction varie cependant selon la position du membre que l'on considre: plus on se rapproche du sommet de la hirarchie, plus elle prend de l'importance. Cela signifie que le top management a essentiellement des fonctions administratives. De lautre ct de lAtlantique, Urwick, conseiller en management, va dvelopper ce thme et les apports de Fayol. Il crit plusieurs ouvrages dont un en collaboration avec Gulick (Papers on the science of administration, 1959). La notion-cl qu'il propose est celle de management. Celle-ci se dcompose nouveau en une srie d'activits: planning organizing (=prvoir chez Fayol) (=construire d'une manire abstraite l'organigramme et sa charpente avec dfinition des diffrentes fonctions) staffing (=recruter et former les personnes adquates pour occuper les diffrentes fonctions) directing (=commander chez Fayol) coordinating (=coordonner chez Fayol) reporting (=contrler chez Fayol, c'est--dire l'ensemble des informations qui permettent le contrle ou la reddition des comptes) budgeting (=prvision budgtaire, une partie du planning en fait)

On parle du POSDCORB dUrwick. La seule nouveaut par rapport Fayol est la distinction entre organizing (fonctions abstraites) et staffing (personnes dans les fonctions). Les nouvelles orientations prnes par Fayol et Urwick se heurtent d'abord de vives critiques avant d'tre progressivement acceptes par les responsables managriaux. Il est vrai que plusieurs d'entre elles s'opposent nettement aux principes tayloriens, qui ont pourtant commenc faire leurs preuves dans le monde industriel, mais dont l'entre dans l'univers administratif ne s'oprera que bien plus tard. Un des principes fondamentaux du fayolisme, qui sera repris plus tard par Urwick, est celui de l'unit de commandement: selon lui, l'organisation idale devrait s'inspirer de la hirarchie militaire o chaque maillon (chaque travailleur) n'a au-dessus de lui qu'un seul chef dont il reoit les instructions et qui surveille le bon accomplissement de son travail. Les raisons invoques

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sont plutt d'ordre vaguement psychologique (la pluralit des ordres risque d'entraner l'incohrence et l'incomprhension chez le subordonn). Le systme de communication dans l'entreprise, tel que le conoit Fayol, doit absolument suivre la voie hirarchique. Toutefois, en cas d'urgence et pour autant que les suprieurs en soient prvenus, deux subordonns peuvent entrer en contact l'un avec l'autre pour changer des informations vitales ou utiles au bon fonctionnement de l'organisation: il s'agit de la fameuse passerelle de Fayol. On sait pourtant que la plupart des communications sur le lieu de travail ne suivent pas la voie hirarchique. O O O O O

O > O X Y B. Taylor et Ford A son tour, le taylorisme va petit petit se dvelopper dans le domaine administratif, mme si ses origines sont d'abord situer dans le secteur industriel. En ralit, Taylor tait proccup par l'organisation du travail en atelier et par l'improductivit du travail ouvrier (importance des temps morts et tendance la flnerie). Il pensait qu'une partie importante des problmes ainsi rencontrs provenaient d'un manque de communications entre travailleurs et patrons. C'est sur cette base qu'il propose de rationaliser le travail ouvrier par l'tude systmatique des temps et mouvements, qui permet de dgager une sorte de modle de la meilleure manire de faire, tablie scientifiquement. Cette mthode idale doit pouvoir tre clairement enseigne aux ouvriers et ceux-ci se verront alors proposer des standards des normes de production atteindre. Taylor considre que l'organisation traditionnelle d'un atelier (avec chef, sous-chef, etc.) est mauvaise dans la mesure o le contrematre y apparat comme une sorte d'homme-orchestre, qui on demande d'tre polyvalent. Selon lui, il s'agit l d'un mythe, l'ouvrier idal n'existant pas. Taylor estime qu'il faut au contraire spcialiser les contrematres dans le contrle de la cadence, la surveillance des procdures et des normes de production, etc. Chaque ouvrier devrait donc recevoir des instructions de plusieurs contrematres spcialiss. Il s'agit l d'une rupture fondamentale par rapport au principe de l'unit de commandement, prne par Fayol. La grande ide de Taylor est l'intervention du Bureau des Mthodes, chelon intermdiaire entre le chef d'atelier et le contrematre. Celui-ci est assist par le Bureau, qui est charg de la prparation du travail d'excution (rpartition entre les diffrents oprateurs, dfinition des procdures optimales et du temps ncessaire pour les accomplir, vrification du rythme et de la manire dont le travail a t effectu l'aide de fiches remplies quotidiennement et

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rmunration des ouvriers) et son rle est rduit de la simple surveillance. L'intervention du Bureau des Mthodes repose donc sur le principe de la sparation radicale entre travail de conception et d'excution: le travailleur ne pense pas, il a simplement obir ce que l'on lui dit de faire. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'en faire un spcialiste: au contraire, l'ouvrier doit n'avoir qu'un minimum de tches accomplir si bien que sa responsabilit en tant qu'excutant ne porte que sur un minimum de gestes. Malgr leur souci commun d'une analyse minutieuse des modes d'organisation du travail, Fayol et Taylor se sparent donc sur plusieurs points fondamentaux. L o le taylorisme conduit gnralement la parcellisation des tches destine casser la rsistance des ouvriers de mtier le fayolisme encourage la spcialisation fonctionnelle, voire la professionnalisation des activits administratives. De plus, Taylor entend soumettre l'excution de chaque tche parcellise l'autorit d'un contrematre particulier tandis que Fayol insiste plutt sur la ncessit d'un commandement unique pour chaque travailleur, quel que soit le nombre de tches effectuer. Enfin, si l'organisation scientifique du travail cherche liminer toute intervention spontane de la part de l'oprateur dans l'organisation de son activit, l'administration industrielle et gnrale recommande au contraire de stimuler les initiatives du personnel et de favoriser son implication dans la ralisation des objectifs de production. Le taylorisme continue aujourd'hui a exercer une forte influence sur l'organisation du travail industriel et administratif. Signalons le succs qu'il a connu galement en URSS, o Lnine s'est montr un fervent admirateur de Taylor. Ford va venir complter le systme taylorien en russissant articuler plus troitement la sphre de la production et celle de la consommation (principe des salaires levs donns aux ouvriers pour qu'ils puissent racheter le surcrot de production obtenu grce l'lvation du rendement du travail ouvrier). C'est Ford galement qui va prner l'introduction des chanes de montage (avec le principe du convoyeur qui rduit encore davantage les gestes humains accomplir: c'est prsent la machine qui apporte le matriau l'homme et non l'homme qui va vers la machine). La chane de montage va encore accentuer la parcellisation des tches de l'ouvrier. L'ensemble des principes noncs par Taylor et Ford portent le nom de scientific management. Notons qu'il s'agit de principes dicts par des hommes de terrain (ingnieur, industriel), qui sont les premiers lancer les bases d'une science du management. C. Weber Weber s'intresse essentiellement aux grandes organisations. Celles-ci ont tendance se dvelopper selon un modle bureaucratique, dont Weber tente de dresser le type-idal, et en estimant qu'il s'agit l de la tendance qui leur permet d'optimiser leurs performances. L'organisation bureaucratique est rgie par des rgles impersonnelles (=indpendantes de la personnalit des membres qui exercent les diffrentes fonctions) qui dterminent, dans une certaine mesure, l'activit de ces membres et les pouvoirs dvolus certains d'entre eux. L'objectif est de rendre plus

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rationnel et moins imprvisible le comportement des membres (en luttant contre leur tendance naturelle l'insoumission). Une telle organisation fonctionne sur la base d'une stricte hirarchie: tout membre est la fois subordonn et suprieur un autre, sauf videmment ceux qui se trouvent aux deux extrmes de l'chelle. Elle est galement structure sur le principe de la centralisation au sommet. Les membres de l'organisation bureaucratique sont des experts temps plein: ce sont des gens forms, spcialiss dans leur fonction. L'organisation bureaucratique se rpand de plus en plus dans la vie sociale (administrations publiques, grandes entreprises, arme, Eglise, etc.). Seules les petites entreprises chappent encore son emprise. Toute la pense classique en organisation dont nous venons de prsenter les principales orientations repose sur des postulats rudimentaires, notamment dans le domaine psychologique: 1. l'homme est cens se comporter de manire logique et rationnelle, en adoptant un comportement d'optimisation; 2. l'oprateur n'agit qu'en rponse des stimulants dtermins; 3. l'homme a une tendance naturelle la paresse et il faut donc le superviser de manire assez stricte; 4. si un problme se pose, il y a ncessairement une solution meilleure que les autres pour le rsoudre (hypothse du one best way); 5. le rle du chef est donc naturellement de rechercher la meilleure solution et de la mettre en oeuvre, la vie de lorganisation tant considre comme la rsultante de son action. D. L'cole des relations humaines Durant l'entre-deux guerres, un certain nombre de psychologues sociaux ont commenc s'intresser de prs aux problmes du travail, surtout la suite des nombreuses situations d'insatisfaction et de manque de motivation engendres par le taylorisme. On connat tout d'abord les tudes de Hawthorne, qui ont marqu un pas dcisif dans ce domaine. Un dpartement de l'Universit de Harvard, dirig par E.Mayo, est contact par les responsables de l'usine de Hawthorne, dans laquelle rgne un climat social relativement satisfaisant, pour y tudier les moyens d'amliorer les performances. Une quipe de chercheurs y est envoye, avec sa tte Roethlisberger & Dickson. Le point de dpart de leur recherche est trs taylorien: ils tudient l'influence des variations d'clairage, d'horaire, etc. sur les performances des opratrices d'un atelier. A leur grande surprise, la productivit continue augmenter mme lorsque les opratrices sont replaces dans les conditions initiales de l'exprience. En ralit, les ouvrires se sont senties devenir objet d'attention, ont dvelopp en consquence un sentiment d'auto-valorisation et ont form un groupe cohrent: les relations privilgies dont elles bnficiaient avec les chercheurs s'avraient beaucoup plus souples et moins autoritaires qu'avec leurs surveillants habituels. Ces constats furent complts par des interviews non structures qui ont fait apparatre l'importance du nous dans l'expression du mcontentement et des griefs: ces derniers sont collectifs alors

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que pour Taylor, le rapport social au sein de l'entreprise est individualis (le travailleur est isol face son chef et n'est pas cens nouer des rapports avec les autres ouvriers). En menant des enqutes complmentaires dans certains ateliers, ils observent l'adoption, dans un groupe, de pratiques informelles qui ne correspondent pas aux procdures officielles. Ce groupe labore ses propres normes en matire de productivit lgrement suprieures aux standards officiels (pour pouvoir constituer des rserves de manire faire face aux coups durs ou aux brusques renforcements d'autorit vous n'avez pas atteint votre score) mais sans exagrer car la direction s'en rendrait compte et en demanderait rapidement davantage (de plus, il ne faut pas lser ceux qui ne parviennent pas suivre le rythme). Apparaissent donc des mcanismes d'auto-rgulation informelle, en marge des normes officielles, et qui expriment une tendance spontane du groupe rsister aux pressions extrieures. Cette observation a pu tre reproduite dans d'autres contextes. Paralllement aux dcouvertes d'Hawthorne, les travaux de Kurt Lewin, disposant d'un gros programme de recherche en sciences sociales sur le leadership et le changement, vont contribuer donner une impulsion dcisive au mouvement des relations humaines dans l'entreprise. Lewin en arrive montrer qu'un leadership dmocratique ou participatif (o le leader discute avec les oprateurs des objectifs, des moyens mettre en oeuvre, de la manire de distribuer le travail, etc.) est aussi efficace qu'un leadership autocratique (o seul le leader dtermine les rles, la manire de procder, etc.) mais donne plus de satisfaction aux participants. De la mme manire, dans ses tudes sur les processus de changement, Lewin montre que celui-ci a plus de chances de bien s'oprer si les membres du groupe dans lequel il a lieu ont coopr la dcision de changement; par ailleurs, il risque de donner de moins bons rsultats si les participants en sont simplement informs. Dans ces diffrents travaux, on met donc l'accent sur les forces agissantes l'intrieur du groupe: d'o le nom de dynamique de groupes. Le credo sousjacent est que le leadership dmocratique et la participation augmentent la satisfaction des oprateurs tout en contribuant l'amlioration des performances en termes de productivit. Il faut donc encourager la transformation des organisations dans le sens des relations humaines. A la limite, on n'hsite pas liminer les tudes contradictoires. Ces tudes, sous l'implusion de Likert notamment, vont conduire des efforts soutenus de formation des cadres au leadership dmocratique. L'insistance sur les normes de groupe informelles en matire de productivit et le leadership dmocratique sont caractristiques du mouvement des relations humaines. Il s'agit, en ralit, d'un mouvement trs amricain l'origine. Il va se rpandre en Europe dans les annes '55-'60. Diffrentes critiques ont t adresses ce courant thorique. Plusieurs auteurs ont montr que la principale faiblesse des relations humaines est de considrer l'organisation comme une systme uniforme et ferm, sans interfrences avec les phnomnes conomiques et sociaux extrieurs. On a finalement remplac un one best way par un autre. L o le taylorisme ne voyait dautre salut que dans loptimisation des cadences, les

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relations humaines insistent sur la ncessaire prise en compte de la motivation des individus, seule garantie leurs yeux du succs organisationnel. Mais de nombreux doutes se font jour cet gard. Ainsi Clark Kerr observe-t-il quil ny a aucune corrlation entre la frquence des actions de grve et la pratique d'un leadership participatif ou autocratique. En ralit, beaucoup d'autres variables interviennent. Il y a des causes plus larges que les seules interactions l'intrieur de l'entreprise pour expliquer le conflit: les structures conomiques environnantes, les phnomnes idologiques, l'ensemble du monde externe interviennent galement part entire. D'autres critiques portent sur le caractre statique de l'analyse des relations humaines, qui ne tient pas compte des interactions lies au changement. L'aspect paternaliste est galement fortement remis en cause. Mayo est effectivement un ethnologue qui a pu observer que dans les socits rurales, les lites prenaient en charge le dveloppement social. A l'heure actuelle, les patrons devraient donc logiquement prendre le relais de ces lites traditionnelles dficientes! Au fond, si la thorie classique pouvait tre accuse de parler de l'organisation sans les gens, le courant des relations humaines peut faire l'objet de la critique inverse: il parle des gens sans l'organisation... De plus, certains chercheurs soulignent la non-reproductibilit de l'effet bnfique du management participatif: parfois, il vaut mieux changer les situations que de tenter tout prix de le faire avec les hommes! E. Mintzberg Sopposant toute la tradition classique et son discours normatif, la suite de certains thoriciens comme Simon, Mintzberg va privilgier une attitude beaucoup plus analytique. Au lieu de proposer le portrait idal dun chef planificateur, poursuivant lefficacit (cole classique) ou soucieux de faire participer et de valoriser le potentiel de ses hommes (cole des relations humaines), Mintzberg va se dcider observer, durant de longues priodes, lactivit quotidienne de grands dirigeants. Pour lessentiel, voici ce que ses observations lui ont montr (voir ce sujet Aktouf, Le management: entre tradition et renouvellement, Boucherville, Gatan Morin, 1989): Le travail du gestionnaire n'est pas ordonn, continu et squentiel, ni uniforme, ni homogne. Il est, bien au contraire, fragment, irrgulier, hach, extrmement changeant et variable. Ce travail est aussi marqu par la brivet : peine le manager a-t-il fini une activit qu'il lui faut sauter autre chose, et ainsi de suite sans arrt. Le travail quotidien du dirigeant n'est pas une srie d'actions issues de son initiative, de sa volont transforme en dcisions, aprs examen des situations. C'est bien plutt une srie ininterrompue de ractions toutes sortes de sollicitations qui viennent du milieu environnant, soit externe soit interne. Le dirigeant passe plus des deux tiers de son temps en communication verbale, sous forme de discussions en face face, de runions, de coup de tlphone, etc. Le dirigeant revient plusieurs fois, pour de courtes priodes, sur les mmes questions: il est loin de correspondre l'ide traditionnelle de celui qui traite un problme la fois, dans l'ordre et la srnit.

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Le dirigeant est une sorte de point focal, d'interface ou de point de convergence entre plusieurs sries d'intervenants, internes et externes, dans la vie de l'organisation. Il doit constamment assurer, raliser ou faciliter les interactions entre toutes ces catgories d'intervenants pour permettre le fonctionnement de l'entreprise. Mintzberg a formul, partir de ses observations, ce qui va trs rapidement assurer sa notorit: les trois sries de rles principaux, subdiviss en rles secondaires, que le gestionnaire passe son temps assumer. C'est ainsi que, nous dit-il, le manager remplit des rles interpersonnels, des rles informationnels et des rles dcisionnels. Les rles interpersonnels regroupent des rles secondaires: de symbole Le gestionnaire reprsente l'organisation dans toutes sortes de crmonies, vis--vis des sollicitations externes, relevant de son statut de dirigeant et relatives l'image de l'entreprise. de leader Le manager est celui qui motive ses troupes, qui les guide, qui galvanise ses collaborateurs, qui donne l'exemple. d'agent de liaison Il cre et entretient des rseaux d'informateurs, participe des conseils d'administration d'autres compagnies, est membre de diffrents clubs, assure la continuit et le dveloppement de contacts ncessaires au meilleur fonctionnement de l'entreprise. Les rles informationnels se subdivisent en rles: d'observateur Le gestionnaire recherche et reoit toute information pertinente la conduite de l'entreprise, la meilleure connaissance de son environnement ou de l'impact de ses activits. de diffuseur Il diffuse, l'intrieur de l'organisation, les lments pertinents de l'information reue, s'assure que la bonne information va au bon destinataire, provoque les actes ncessaire la meilleure exploitation des donnes en main. de porte-parole Il reprsente sur le plan de l'information, son organisation, ses collaborateurs et ses subordonns vis--vis de l'extrieur, du conseil d'administration, de la compagnie mre, s'il y a lieu. Les rles dcisionnels son les rles suivants: d'entrepreneur Le gestionnaire est l'afft, dans et hors de l'entreprise, des occasions d'expansion, d'amlioration et de lancement de projets nouveaux. de rgulateur

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Il fait face toute situation nouvelle, s'assure, chaque fois o c'est ncessaire que des correctifs sont apports et vrifie que les ractions aux situations de crise ou de perturbations sont appropries. de rpartiteur de ressources Il veille ce que chacun dispose, au moment voulu des moyens voulus pour raliser sa part d'activit dans l'organisation. Dans la partie d'organisation qu'il dirige, il dlivre les autorisations requises et approuve les programmes de travail. de ngociateur Il prend part toutes sortes de discussions devant engager son institution, la reprsenter, notamment vis--vis des partenaires et interlocuteurs externes. 0.4.2. Du manager lorganisation comme systme daction Paralllement cette volution vers des approches plus analytiques que normatives, de nouvelles conceptions vont voir le jour o lorganisation n'est plus vue comme la rsultante de l'action d'un chef mais comme un systme d'activits de deux ou plusieurs personnes, coordonnes en vue d'atteindre un mme ensemble dobjectifs. Dans cette perspective nouvelle, dfendue notamment par un auteur comme Barnard, la fonction fondamentale du chef est de: - fixer et maintenir un ou des objectifs communs; - assurer la poursuite de ces objectifs par un systme de communication adquat; - soutenir la contribution des membres par un quilibre entre rtributions et contributions, de faon ce qu'ils continuent participer l'organisation. La perspective est ici beaucoup plus sociologique puisqu'on y reconnat d'emble la dimension collective de l'action. Nous voici donc rendus progressivement la notion de systme pour dfinir l'organisation. Celle-ci constitue dsormais un ensemble: - en rapport rciproque avec son environnement, de tels changes lui garantissant une certaine autonomie; - form de sous-systmes en interaction, cette interdpendance lui assurant une certaine cohrence; - subissant des modifications plus ou moins profondes dans le temps, tout en conservant une certaine permanence. Un tel systme est la plupart du temps finalis (avoir un but) et hirarchis (avec certaines parties qui dpendent d'autres). On appelle structure formelle le systme tabli dans l'intention explicite d'atteindre certains objectifs, qui dispose la fois de rgles (conues pour prvoir et modeler le comportement des membres dans le sens de ces objectifs, qui ont donc une fonction coercitive) et d'un ensemble structur de statuts relis par des canaux de communication et des lignes hirarchiques clairement dfinis.

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Ce systme formel est en fait largement dpendant du contexte dans lequel il se trouve: cest ce que tenderont tablir les thoriciens de la contingence structurelle (Woodward, Burns et Stalker, Lawrence et Lorsch, etc.). Ecartant dfinitivement le principe du one best way, ces auteurs montrent que le contexte conomique, culturel, technologique, dans lequel une organisation opre conditionne en grande partie son mode de fonctionnement. Pour le dirigeant, il ne sagit plus en ralit que dadapter la structure de son organisation aux contraintes du contexte, sous peine de voir ses performances diminuer. Son rle sefface donc sous le poids des dterminations de lenvironnement. Toutefois, la vie de l'organisation ne peut se rduire des aspects purement formels, ni des relations aussi mcaniques entre contexte et structure. A la suite des travaux de Simon, Cyert et March, deux auteurs franais, Crozier et Friedberg, vont souligner toute l'importance des jeux de pouvoir comme mcanismes de rgulation des organisations, travers lesquels les stratgies des acteurs se trouvent intgres dans un modle structur. Telle est la notion, propose par ces auteurs, de systme d'action concret: il s'agit d'un ensemble humain structur qui coordonne les actions de ses participants par des mcanismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-dire la stabilit de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mcanismes de rgulation qui constituent d'autres jeux (Crozier et Friedberg, Lacteur et le systme. Les contraintes de laction collective, Paris, Seuil, 1977, p.246). Ces jeux refltent les rapports de force existant entre les diffrents acteurs en prsence, et correspondent la structure informelle de lorganisation. Ils expriment une dimension essentielle de la vie des organisations: l'existence de conflits et de phnomne de pouvoir. 0.5. Variables fondamentales et perspectives danalyse du cours On se souvient que Weber fut un des premiers auteurs dresser une sorte de portrait idal du fonctionnement des organisations bureaucratiques. Le modle auquel il aboutit qui est une reprsentation simplifie de la ralit comporte un certain nombre de variables, prenant certaines valeurs et s'articulant d'une manire typique. Il est clair, cependant, qu'aucune organisation concrte ne rpond parfaitement tous ces critres: la plupart du temps, elle s'en approche par certains aspects et s'en loigne par d'autres. Il s'agit en fait d'une mthodologie originale qui a t mise au point par Weber et qu'il qualifie d'idal-typique. Le type idal est une sorte de schma conceptuel, construit partir des tendances effectives que l'on peut observer, des degrs divers, dans la ralit. Celles-ci sont extrapoles et amenes une sorte d'tat pur en fonction des objectifs que le chercheur assigne son tude. Il s'agit donc d'une sorte d'talon auquel on pourra rapporter le rel. La mthodologie idaltypique opre en deux tapes qui doivent tre clairement distinctes: dans un premier temps, on effectue un travail purement conceptuel de construction du type idal; dans un deuxime temps, ce tableau imaginaire nous permet de retourner vers le rel et de mener notre investigation l'aide d'un instrument de mesure. On pourra alors apprcier quel point le rel effectif s'approche de ce modle pur. C'est une mthodologie analogue que nous allons appliquer au diagnostic des organisations. Weber a construit un type idal concernant les organisations bureaucratiques, mais il s'agit seulement d'un cas de figure

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possible. Nous allons donc tenter, dans la suite du cours, de reprer les variables qui permettent de caractriser les diverses formes d'organisation en fonction des valeurs qu'elles prennent. En rassemblant les diffrents lments issus de lvolution des conceptions en matire de management (cf 0.5. et 0.6), nous pouvons dfinir l'organisation comme: - un systme d'action collective, dont le problme majeur consiste dfinir les modes de coopration les plus efficaces entre ses membres; - qui doit faire face un environnement donn et tablir avec lui des relations plus ou moins durables; - qui est caractris par la poursuite de certains objectifs communs; - qui est travers par de multiples jeux de pouvoir entre ses membres dont ladhsion est problmatique dans la mesure o ils poursuivent leurs propres objectifs. Plusieurs termes importants ressortent de cette dfinition et vont constituer les variables fondamentales des diffrents types idaux dorganisation que nous distinguerons: - les structures de coopration ou de coordination entre membres (chapitre 1) - le contexte dans lequel se situe l'organisation et avec lequel elle est en relation (chapitre 2); - les objectifs dont la ralisation est poursuivie (chapitre 3); - les acteurs et leur pouvoir (chapitre 4). Ces diffrentes variables renvoient en fait des perspectives danalyse trs diffrentes, qui proviennent des diverses conceptions de lorganisation que nous avons exposes prcdemment. Certaines dentre elles prsentent lorganisation comme la rsultante de laction dun dirigeant qui conoit et formule sa stratgie de faon optimale et ensuite la met en oeuvre: convenons de parler ce sujet de la perspective rationnelle. Dautres soulignent le poids des contraintes du contexte, auxquels le dirigeant doit adapter ses choix stratgiques, sous peine de voir les performances de lorganisation diminuer: il sagit de la perspective contingente. Ces deux premires perspectives ont en commun de mettre laccent sur les choix que le dirigeant doit poser pour assurer le fonctionnement optimal de son organisation. Tout diffrents sont les auteurs qui insistent sur la pluralit des intrts en prsence dans la vie dune organisation. Celle-ci nest plus vue essentiellement comme le rsultat de laction managriale; elle est prsente comme un tat dquilibre, toujours provisoire, entre des coalitions dintrts qui nouent entre elles des relations de pouvoir. Nous sommes alors en prsence de la perspective politique. Dans cette perspective, chaque acteur, ou chaque groupe d'acteurs poursuit des buts spcifiques, en fonction de ses intrts propres, ce qui donne lieu des conflits entre buts. Le processus dcisionnel est donc ncessairement domin par des jeux de pouvoir. Le cours sorganise la fois autour des quatre variables fondamentales que nous avons numres, et des trois perspectives que nous venons desquisser. Les structures de coordination (chapitre 1) peuvent tre vues, dans un premier

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temps, comme le reflet dune volont managriale (perspective rationnelle). Dans un second temps, elles doivent aussi tre envisages dans leurs interrelations avec les contraintes du contexte (perspective contingente): tel est lobjet du chapitre 2. Quant la dfinition des objectifs et au pouvoir des acteurs (chapitres 3 et 4), ces variables renvoient indiscutablement la perspective politique. Le chapitre 5 tentera de proposer une articulation entre ces diffrentes perspectives.

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CHAPITRE 2: ACTEURS ET POUVOIR 0. Lautorit et la communication formelle 0.1. Pouvoir et autorit Dune manire trs gnrale, on peut dfinir le pouvoir comme une capacit dinfluence sur autrui (nous reviendrons plus loin sur cette dfinition): le pouvoir suppose donc toujours lexistence dune relation entre acteurs. Par contraste, lautorit est un attribut: il sagit dun phnomne de croyance selon lequel une lgitimit est accorde celui ou celle qui en bnficie ainsi quaux actions quil ou elle entreprend. On a longtemps considr que seule existait l'organisation officielle. Les tudes de Hawthorne et de Barnard ont cependant montr qu'il y avait aussi, dans toute organisation une vie informelle, lie au besoin de maintenir une identit, l'adhsion des membres de l'organisation un ensemble plus vaste, etc. Barnard opposait cette vie informelle la structure hirarchique de l'organisation officielle. Depuis lors, on s'est rendu compte que la structure formelle peut aussi bien se manifester par le rle de coordination entre dpartements jou par certains experts, l'existence de communications latrales, etc. Auparavant, l'informel tait associ l'ensemble des phnomnes qui n'avaient rien voir avec la structure officielle de l'organisation; prsent, on y voit surtout les relations de pouvoir.STRUCTURE - FORMELLE - INFORMELLE CONCEPTION CLASSIQUE la ligne hirarchique le reste CONCEPTION MODERNE la structure officielle le pouvoir

En ralit, il s'agit d'une opposition factice: quand des relations de pouvoir sont lgitimes, elles entrent dans un systme d'autorit et deviennent par consquent formelles ou officielles. Mais elles engendrent ou stimulent leur tour des relations conflictuelles informelles. Les structures formelles ou informelles se rpondent donc et s'articulent sans cesse l'une l'autre, de manire minemment dynamique. Il est totalement artificiel de figer le systme dans sa structure formelle. La distinction formel/informel n'est propose qu' des fins purement analytiques mais il faut garder l'esprit l'interdpendance effective entre ces deux types de structure. Convenons que la structure formelle renvoie l'existence de rgles ou de prescriptions crites, qui constituent le cadre de l'action quotidienne des membres de l'organisation. 0.2. Les flux de communication formelle 0.2.1. Systmes de flux formelsA. L'ORGANIGRAMME

L'organigramme est sans doute la premire chose qu'on prsente dans une firme comme moyen de mieux la connatre. Il n'est qu'une reprsentation du flux d'autorit qui permet de reprer la rpartition officielle des fonctions, avec

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les liens de subordination et de travail: on observe ainsi qui est subordonn qui et qui travaille avec qui, dans quel dpartement. Il s'agit, la plupart du temps, d'une reprsentation trop fruste et simpliste pour obtenir une vision valable de la complexit organisationnelle.B. LE FLUX DE TRAVAIL, LES ROLES ET LES STATUTS

Le flux de travail (work flow) est une autre manire d'aborder la structure formelle de l'organisation. Il s'agit de la squence des travaux ncessaires pour qu'un input devienne un output. Dans une acirie, le flux de travail se prsente de la manire suivante: minerai >acier>lamin Dans un hpital, le flux de travail se prsente de la manire suivante: entre du patient>inscription>consultation>traitement ventuel >paiement >sortie Dans une administration, le flux de travail se greffe sur le circuit suivi par les dossiers traits. Il ne s'agit pas d'un flux hirarchique. Il peut faire l'objet d'un contrle par la hirarchie mais peut galement avoir lieu sans relation avec la hirarchie ni sans tapes hirarchiques. Ce flux de travail, qui coexiste avec le flux d'autorit, est trs important observer dans la mesure o il conditionne les relations quotidiennes dans la vie des organisations. L'analyse du flux de travail comporte deux tapes: la description du travail effectuer et de la manire de le faire (qui fait quoi, avec quel outil et quel moment?); l'tude des rglementations en vigueur, particulirement dans le cadre des structures bureaucratiques. La premire phase suppose la description des postes de travail, mme situs des niveaux trs hauts dans l'organisation, et non des fonctions (qui peuvent quant elles tre exerces par diffrents services et plusieurs personnes): elle suppose une analyse minutieuse des tches affectes chaque poste et pas seulement des tches que les agents doivent accomplir selon les rgles crites en vigueur. Mais cette description du poste de travail aboutit finalement au simple nonc d'un ensemble de tches et est donc sociologiquement assez pauvre. C'est la raison pour laquelle il semble plus intressant de recourir des notions comme celle de rle et de statut, partir de la position occupe dans la division du travail et dans un systme de communication. Attention: il ne s'agit pas de notions formellement dfinies comme telles, mais plutt de concepts qui nous permettent d'apprhender la ralit. Le rle est un modle plus ou moins standardis de comportement. Au thtre, sont tablis l'avance des personnages, ayant telle position sociale et oeuvrant dans tel contexte dramatique. Chacun de ceux-ci reoit des rles assigns, s'en saisit et les interprte. Le rle vcu est donc la manire dont les acteurs interprtent les rgles de comportement qui leur sont donnes. Chaque individu joue plusieurs rles selon le contexte dans lequel il se trouve: familial, civique, professionnel, politique, etc.

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Quant au statut, il ne s'agit pas d'une notion juridique. Dans la plupart des organisations, le statut juridique n'est d'ailleurs pas clairement tabli, sauf peuttre dans les administrations publiques. Nous lentendrons comme, d'une part, l'ensemble des droits, privilges et immunits dont jouit une personne ainsi que, d'autre part, l'ensemble des devoirs, restrictions, limitations et prohibitions qui gouvernent ses attitudes. Dans une organisation, le statut est li la position hirarchique et la comptence et peut tre plus ou moins formalis. A un extrme, le statut est trs marqu: dans l'administration publique, l'Arme, l'Eglise, etc. Il se caractrise alors par un apparat institutionnel avec crmonies d'intronisation, prestations de serment, insignes et habits distinctifs1, etc. A l'autre, il est trs peu marqu: groupements coopratifs, etc. Le statut garantit une certaine stabilit psychologique des personnes: grce lui, tout n'est pas tout le temps remis en question. Il permet d'tablir plus ou moins clairement o l'on se trouve, d'o vient la communication, etc. Certaines de ses manifestations empchent cependant de mener bien des projets de changement: ceux-ci risquent en effet de modifier le statut auquel les membres de l'organisation sont attachs et qu'ils vont tenter de dfendre envers et contre tout. 0.2.2. Les diffrents types de communication formelle et les structures de rseauxA. LES COMMUNICATIONS HIERARCHICO-FONCTIONNELLES

Les communications hirarchiques ou descendantes (line) suivent, comme leur nom lindiquent, la ligne hirarchique. Elles constituent la base des relations entre un suprieur et ses subordonns, dans le cadre de la supervision directe (le chef commande X, Y et Z). Les communications hirarchiques reposent sur une cascade de dlgations, du sommet aux oprateurs: en effet, le top management n'est pas en relation de commandement directe vis--vis des excutants. Cette srie de dlgations constitue le principe de la ligne hirarchique.A

B1

B2

B3

C1

C2

Mais ct de la ligne hirarchique proprement dite, nous avons galement des communications de type fonctionnel (staff), par lesquelles se marque linfluence des analystes et autres experts.1

Les titres, rmunrations, taille et dcoration du bureau, place de parking, place dans l'annuaire, etc. sont autant de signes attachs non pas un rle, mais un statut. Ils ont une grande importance dans la vie des organisations mais ils comportent un certain nombre de restrictions: en effet, plus on devient visible, sur le devant de la scne, plus on est surveill sur le plan du langage, de la vie prive, des loisirs, etc.

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CHEF D'ATELIER BUREAU D'ETUDES

CONTREMAITRE A

CONTREMAITRE B

CONTREMAITRE C

Linfluence de ces personnes en position de staff est non ngligeable, mme si elles ne font pas partie de la chane dautorit hirarchique. Leur pouvoir effectif contredit le principe de l'unit de commandement prconis par Fayol. On parle alors dune communication de type hirarchico-fonctionnel (linestaff), qui combine le principe de la ligne hirarchique avec la multiplication des interventions de spcialistes. Ce type de communication ne vas pas sans poser un certain nombre de problmes. Il se peut, par exemple, que l'on rencontre des conflits entre les services de contrle (en position fonctionnelle) et les responsables de services (en position hirarchique vis--vis de leurs subordonns). Dans ce cas, le travailleur risque de recevoir des directives ou des injonctions contradictoires de la part de son chef et de la part du service fonctionnel concern. De plus, les objectifs des diffrents services en position fonctionnelle ne sont pas toujours les mmes: les uns visant contrler les performances dans la perspective de l'accroissement de la productivit, les autres cherchant faire respecter les rgles lmentaires de protection du travail en vue de maintenir une certaine paix sociale dans l'organisation, etc. Autre cas: un Bureau des mthodes, situ dans la logique taylorienne, qui cherche formaliser le travail d'excution et n'entend pas que le travailleur participe au travail de conception et un service du personnel, sensibilis par la question de la formation, qui met en place des initiatives allant dans un sens contraire aux interventions du premier, etc.B. COMMUNICATIONS ASCENDANTES (OU CENTRIPETES)

Dans ce type de communication, des informations remontent de la priphrie vers le centre et constituent des donnes prcieuses pour la direction. Il peut mme sagir de suggestions ou de revendications. Par ailleurs, il faut insister sur l'aspect cathartique de ce type de communication: une fois que le mcontentement est exprim, il est dj quelque peu apais. Officiellement, et sur le plan des principes, personne ne veut se montrer oppos ce type de communication dans l'entreprise. Mais, dans les faits, de nombreuses difficults apparaissent qui entravent leur bon fonctionnement. 1. Il y a d'abord une distance non ngligeable entre la base et le sommet (problme des diffrences de statut dans l'organisation). Une telle distance sociale est perue diffremment selon la position que l'on occupe. 2. Les chelons intermdiaires jouent galement un rle de filtre dans la remonte de l'information utile et pertinente pour la direction: chaque chelon, les acteurs tentent de maintenir leur monopole sur une zone d'incertitude, ce qui altre la communication.

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Plusieurs recettes ont t imagines pour amliorer ce type de communication: citons notamment la fameuse bote suggestions, o le personnel est invit mettre des suggestions sur lesquelles la direction statue. Toutefois, de tels moyens ont rencontr plusieurs problmes concrets lors de leur mise en oeuvre: faut-il stimuler ou non les suggestions par un systme de rcompenses?, quel doit tre le rle du suprieur immdiat (le contrematre) face l'agent qui met une suggestion?, etc. Actuellement, les cercles de qualit et de progrs constituent une formule parfois plus efficace pour stimuler la communication du bas vers le haut ou de la priphrie vers le centre. D'autres moyens parallles par lesquels transitent les communications ascendantes peuvent tre trouvs dans l'action de la dlgation syndicale (exprimant les revendications de la base) ou l'intervention de reprsentants des travailleurs dans le conseil d'entreprise. Notons cependant que le conseil d'entreprise est galement une voie privilgie de transmission de l'information du haut vers le bas.C. COMMUNICATIONS LATERALES

Il s'agit de relations entre agents ou entre services d'une organisation sans qu'il existe entre eux un lien hirarchique. Mais cela ne veut pas dire que les partenaires de ce type de relation soient situs sur un mme niveau. Il en va ainsi notamment du workflow, qui est la squence des travaux depuis l'input initial jusqu' la sortie du produit: il constitue un flux de communication part entire, caractris par des contacts directs entre agents et plus ou moins encourag par la direction sauf s'il n'apparat pas possible de rsoudre le problme de cette faon, auquel cas la communication doit remonter la ligne hirarchique. Un certain nombre de communications ont galement lieu entre les services auxiliaires et leurs clients oprationnels. Ce type de communications reprsente l'essentiel des relations clients/fournisseurs: tel est le cas, le plus souvent, des services d'entretien, des pools de dactylographie, etc. Ces services occupent au fond une position de matrise sur des ressources rares. Ils sont au service des autres mais organiss de manire centralise, pour des raisons essentiellement conomiques (limitation du personnel ncessaire). Sans doute les responsables de ces services n'ont-ils gnralement pas le statut suffisant pour imposer leurs vues aux autres services. Toutefois, la gestion des priorits et des urgences en leur sein devient souvent un enjeu stratgique dans leurs relations avec les autres services. Des communications latrales interviennent par ailleurs dans le cas des rles de liaison (le contact direct manant du workflow ne suffit plus: on recourt alors des cadres d'un service voisin qui, tout en continuant appartenir ce service, assurent dsormais un rle de liaison entre les units concernes), de coordination et d'intgration (un agent est charg de la conduite dun groupe de projet et dispose cette fin dune autorit partielle). Dans tous ces cas, les cadres concerns n'ont pas vraiment de responsabilit hirarchique. En revanche, ils ont beaucoup de relations et doivent savoir parler la fois le langage des techniciens, des commerciaux, des agents de la production, etc. Ils sont donc des hommes de contact, disposant du pouvoir du marginal scant.

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Dune faon gnrale, il y a beaucoup de chance de rencontrer de la communication latrale ds que lon met en place dans lorganisation des dispositifs transversaux (groupes de projet, comits inter-dpartementaux, structure matricielle, etc.)D. COMMUNICATIONS COLLEGIALES

On a envisag jusqu'ici des relations entre deux acteurs qu'ils soient individuels ou collectifs. Mais la majorit des communications qui caractrisent la vie de l'organisation ne s'effectuent pas sur un mode aussi linaire et simplifi, de personne personne ou de groupe groupe. La plupart des relations qui se nouent sur le lieu de travail apparaissent dans le cadre d'un travail collectif, dont la manifestation extrieure est la runion. Toutefois, on parlera ici de communication collgiale au sens strict pour dsigner les communications qui se nouent entre les membres dun groupe appels participer un processus de prise de dcision. Examinons les principaux avantages d'un tel mode de communication: - il sagit tout dabord dun puissant moyen de coordination entre dcideurs, favorisant les changes de connaissances et offrant la possibilit de corriger l'information des participants; - les dcisions ainsi adoptes prennent en compte, du moins en principe, les diffrents aspects d'un problme; - ces dcisions voient galement leur lgitimit renforce: l'autorit qui s'exprime apparat davantage impartiale: il ne s'agit pas de l'arbitraire d'un seul; - la continuit de la gestion est par ailleurs garantie: il y a beaucoup de chances de rencontrer une certaine continuit dans les politiques mises en oeuvre, mme dans le cas du dpart ou de larrive de personnages-cls; - il sagit aussi dun moyen de formation (la vision partielle de chacun peut slargir) et dun stimulant l'innovation (cfr la technique du brainstorming, o l'on met un ensemble d'ides, sans les critiquer, puis o on les discute pour en retenir certaines). Un certain nombre de dsavantages sont nanmoins pointer: le risque de dissolution des responsabilits; la longueur et la lenteur des procdures ncessaires; leur cot souvent lev; le risque de renforcement du pouvoir des bons orateurs et de ceux qui savent manipuler.

E. STRUCTURE DES RESEAUX DE COMMUNICATION

Les relations entre le centre et la priphrie dune organisation peuvent tre organises de diffrentes manires: il sagit des rseaux de communication, caractriss selon le type de communication dominant dans lorganisation. Si la majorit des flux de communication descendent depuis le sommet, en passant par une srie dchelons intermdiaires (flux hirarchiques), ou encore sils descendent et remontement directement de et vers un point central (communication la fois descendante et ascendante), on parle de rseaux structure centralise: ce type de structure est en principe plus efficace pour

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rgler rapidement des problmes simples, mme si cela peut engendrer certaines insatisfactions pour les partenaires de la priphrie. Il se justifie aussi davantage dans un environnement hostile. Si les problmes se compliquent (problmes qui demandent une intense activit d'interprtation et un surcrot important d'informations), la personne qui occupe la position centrale n'est plus mme de tout interprter avec suffisamment de nuance et de grer efficacement la masse d'informations pertinentes. Des rseaux structure dcentralise savrent alors davantage adapts: tel est le cas lorsque se multiplient les interventions dexperts (communication fonctionnelle), lorsque chaque membre est en relation avec les autres (communication collgiale), ou encore lorsque prdominent les flux de communication latrale. Les partenaires priphriques sont ici davantage satisfaits car leur poids est plus important dans le processus dchange d'informations. En revanche, la communication est ncessairement moins rapide, puisque diffrents protagonistes sont susceptibles dintervenir tout moment. 0.2.3. Limportance de la communication informelle On se souvient des expriences de Hawthorne qui ont permis de mettre en vidence l'importance des communications informelles entre membres dune organisation, alors qu'elles ne sont pas prvues dans la structure officielle. Selon Barnard, de telles communications sont utiles dans la mesure o: - elles correspondent un besoin de communiquer des oprateurs qui leur permet de protger, d'une certaine manire, l'intgrit de leur personnalit (mme dans des situations de travail alinantes) - elles leur offrent la possibilit de mettre en vidence certains traits de leur caractre, de s'exprimer et de s'intgrer des groupes plus vastes (fonction de socialisation); - elles supplent l'insuffisance des communications formelles. La tentation de nombreux responsables managriaux est de diminuer limportance des communications informelles. Le dveloppement des technologies de rseau permet aujourdhui de formaliser de plus en plus les communications entre membres dune organisation (messagerie lectronique, etc.). Toutefois, il faut bien se rendre compte que la communication formelle ne reprsente quune part minime des changes lintrieur dune organisation, lesquels refltent largement les jeux de pouvoir entre acteurs. Ceci explique lchec ou le succs mitig de nombreuses initiatives managriales cherchant officialiser les communications informelles par le biais de cercles de qualit, de journaux dentreprise, dagendas lectroniques, etc.

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0.3. L'autorit: sources et conditions dacceptation Weber propose de distinguer un certain nombre de fondements de l'autorit formelle (ou officielle): 1. l'autorit charismatique, en fonction de laquelle on pense qu'un individu possde des dons exceptionnels, qui lui accordent une sorte de droit naturel de commander; dans cette perspective, Gandhi, Hitler ou Napolon ont t des leaders charismatiques. 2. l'autorit traditionnelle, base sur la perptuation de traditions immmoriales, non crites, qui donnent d'emble une lgitimit celui qui exerce le pouvoir; ainsi, l'adage suivant lequel le roi est mort, vive le roi traduit bien que peu importe la personnalit du roi, l'important est qu'il y en ait un pour poursuivre la tradition. 3. l'autorit rationnelle-lgale se fonde sur la croyance en des lois et des rgles dcoulant d'une loi fondamentale (constitutionnelle ou autre). Ces lois et rgles dterminent qui a le pouvoir, comment il l'exerce, etc. Certaines combinaisons peuvent avoir lieu entre ces trois types: ainsi, l'autorit rationnelle-lgale, la plus frquente dans nos dmocraties occidentales (entreprises, administrations publiques, hpitaux, etc.), peut se voir renforce par la prsence d'un leader charismatique, etc. Quant l'autorit traditionnelle, elle est devenue aujourd'hui beaucoup plus rare. A ces trois types classiques, on peut sans doute ajouter un quatrime, la suite des travaux de Milgram sur la soumission l'autorit: il pourrait se nommer autorit scientifique et serait bas sur la croyance en l'omniscience et la bonne foi du scientifique, dont la seule intervention dans un processus de dcision suffirait justifier les situations les plus extrmes. Dans cette perspective, le recours croissant aux experts psychologues, ergonomes, consultants en organisation, responsables de Bureaux des Mthodes, conseils en informatique, etc. tmoigne de la prsence dans l'organisation d'une forme d'autorit qui ne relve pas exactement des trois types prcdents. Si l'autorit est lgitime, parce que base par exemple sur un fondement lgal, elle nest pas pour autant ncessairement accepte. Or, l'autorit n'est effective que lorsqu'elle est accepte. Barnard envisage ce problme partir de l'quilibre entre le cot d'une participation l'organisation et les gratifications que l'on en reoit. S'ils sont satisfaits, les membres dune organisation y restent et collaborent en fonction de leur degr de satisfaction. S'ils ne sont plus ou pas satisfaits, ils la quittent pour autant qu'ils trouvent une solution plus agrable ailleurs. On reste dans une organisation ou on la quitte en fonction des avantages comparatifs que l'on peroit. Il est clair qu'on n'envisage pas ici le cas des institutions totalitaires mais celui d'organisations qui n'englobent pas toute la vie des membres. Les sources de satisfaction, pour les membres, sont les suivantes: leurs activits, ce qu'on leur demande d'effectuer, leur mtier, leur rle;

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leurs relations avec les autres membres (suprieurs, collgues, subordonns); leur statut pcuniaire et social (considration sociale, prestige); l'orientation gnrale de l'organisation (accord sur les buts pousuivis). Ces satisfactions sont values en regard de celles que l'on pourrait connatre ailleurs. Bien sr, il faut se demander dans quelle mesure ces alternatives existent et si les membres de l'organisation les peroivent et savent mme qu'elles existent.

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CHAPITRE 2: ACTEURS ET POUVOIR 4. Conflits et ractions aux conflits L'analyse politique met l'accent sur la diversit des intrts en prsence dans toute organisation. Une telle confrontation peut s'oprer sur diffrents modes. Le premier d'entre eux est sans doute le plus radical: il se manifeste par des actions de grve, de sabotage, de bris de machines, etc. Toutefois, des situations de conflit aussi extrmes paraissent finalement assez marginales et leur impact ventuel sur le droulement du processus d'informatisation se rvle relativement faible. La confrontation peut encore avoir lieu de manire ouverte, avec des oppositions et des refus explicites de la part des utilisateurs qui se soldent, plus ou moins brve chance, par l'chec pur et simple du projet d'informatisation: comme nous aurons l'occasion de le souligner, le cas est loin d'tre exceptionnel. Mais le conflit entre rationalits est le plus souvent vcu sur un mode larv et implicite. Il peut alors s'analyser en termes de ngociations et d'ajustements rciproques, conduisant des situations de compromis et d'quilibre provisoire. La plupart du temps, l'affrontement direct est ainsi vit. En consquence, le conflit entre intrts divergents peut tre vu comme un tat normal de l'organisation. On peut cependant s'interroger sur la manire dont les responsables managriaux le grent au quotidien. Nous pouvons cet gard nous rfrer aux travaux de March et Simon (1969) cherchant reprer les diverses ractions managriales possibles face l'apparition de conflits. (a) rsolution de problmes Les responsables de l'organisation peuvent tout d'abord tenter de venir bout des situations conflictuelles en stimulant la recherche d'informations supplmentaires et de solutions nouvelles en vue de rsoudre les problmes qui semblent tre l'origine des conflits. (b) persuasion Ils peuvent aussi chercher modifier les objectifs des membres de l'organisation, en les persuadant du bien-fond de leurs propres positions. Dans l'utilisation de la persuasion, il existe une croyance implicite selon laquelle, un certain niveau, les objectifs sont communs et le dsaccord au niveau des objectifs secondaires peut tre transcend par rfrence aux objectifs communs. On comptera moins sur le rassemblement d'informations que dans l'activit rsolutoire (...). Comme dans le cas de la rsolution des problmes, cependant, le phnomne de l'vocation jouera un rle considrable dans ce cas ce sera l'vocation de critres appropris (c'est--dire d'objectifs que l'on n'avait pas encore fait rentrer en ligne de compte) (1969, p.128). (c) marchandage Une troisime stratgie possible est la pratique du marchandage, qui conduit l'laboration de compromis plus ou moins long terme. Une des principales questions qui se posent dans la thorie habituelle du marchandage est de savoir la limite dans laquelle des solutions de

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marchandage reprsentent le rsultat d'appels faits des valeurs communes de juste milieu ou d'vidence (et ainsi, selon nos termes, de persuasion) plutt qu'un combat faisant intervenir l'enttement, la puissance, etc. (...). Dans chaque cas, nous pouvons identifier une mthode de marchandage par son attirail bien connu de conflits d'intrts, de menaces, de falsifications de positions, et (en gnral) de stratgie (1969, p.128). (d) alliances et rapports de force Enfin, les gestionnaires peuvent mettre en uvre une mthode plus directement politique1, en constituant des alliances stratgiques et des rapports de force unilatraux vis--vis de certains groupes afin de faire triompher l'un ou l'autre point de vue. Les deux premiers types de raction sont de nature fondamentalement rationaliste: ils considrent que les conflits, lis l'existence d'objectifs individuels contradictoires, sont temporaires et peuvent toujours tre dpasss. March et Simon les qualifient d'analytiques. Les deux derniers types font davantage appel la stratgie de nature politique et reconnaissent le rle dterminant des rapports de pouvoir entre individus ou entre groupes. Cette fois, le dsaccord sur les objectifs est prsent comme une donne structurelle qu'il est vain de chercher liminer ou surmonter. Les stratgies politiques sont cependant plus rares dans la mesure o, comme le notent March et Simon, elles entranent certaines consquences ngatives pour l'organisation: En tant que processus de prise de dcision, la ngociation a des effets potentiellement destructeurs pour l'organisation. La ngociation cre presque ncessairement des contraintes sur les systmes de statuts et de pouvoir dans l'organisation. Si ceux qui sont formellement les plus puissants gagnent, la perception des diffrences de statuts et de pouvoirs dans l'organisation (...) sera renforce. S'ils n'ont pas gain de cause, leur position est affaiblie. En outre, la ngociation reconnat et lgitime l'htrognit des buts dans l'organisation (1969, p.129). C'est la raison pour laquelle les directions auront plutt tendance privilgier les ractions de type analytique, mme si elles finissent par se rvler inappropries aux circonstances. De plus, lorsqu'il leur faudra, malgr toute leur mfiance, recourir la politique, celle-ci sera trs souvent dissimule sous un arsenal de pratiques diverses de rsolution de problmes ou de persuasion. Tout en mobilisant des mcanismes de relations sociales diffrents, les ractions analytiques sont assez proches l'une de l'autre: les tentatives de persuasion ne recourent-elles pas souvent, en effet, la slection et l'interprtation biaise de l'information2?

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March et Simon qualifient ce quatrime type de politique mais il nous semble que l'on peut tout autant dsigner par ce terme le troisime type, qui fait explicitement rfrence l'existence de conflits d'intrts, de menaces, etc. 2 Pfeffer (1982, pp.115-122) distingue cet gard plusieurs types d'actions manipulatoires, selon qu'elles s'exercent sur les contraintes attaches une prise de dcision quelconque (premises), sur le nombre de solutions prises en compte (alternatives) et sur la manire dont ces solutions peuvent tre perues (information about alternatives).

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Quant aux deux ractions de type politique, elles se distinguent davantage dans la mesure o elles comportent des a priori sur le pouvoir des acteurs et leur capacit mobiliser des ressources pertinentes. Si on recherche l'laboration de compromis (attitude c), on suppose que la partie adverse acceptera d'accommoder quelque peu sa position, de mettre de l'eau dans son vin, de ngocier. Le dsaccord sur les objectifs demeure entier, mais il y a de bonnes raisons de penser que l'on se mettra d'accord sur une sorte de moyen terme o chacun y gagnera un peu, tout en devant cder du terrain. Si l'on recourt l'tablissement de rapports de force unilatraux (attitude d), on suppose que la partie adverse ne cdera pas et agitera constamment la menace d'un exit1, appuye notamment sur son expertise lgitime. On tente alors de reprer les alliances possibles ou, dfaut, les oppositions jouer.

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Nous faisons ici rfrence aux trois attitudes possibles que sont susceptibles d'adopter, selon Hirschman (1970), les membres d'une organisation: la soumission l'autorit (loyalty), la critique de l'autorit (voice) et le dpart pur et simple de l'organisation (exit).

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CHAPITRE 3: PRISE DE DECISION ET OBJECTIFS 0. Le schma classique du processus dcisionnel 0.1. Expos du schma Le modle rationaliste constitue sans doute l'une des perspectives les plus classiques pour tudier la question de la formation des dcisions. Il se place dlibrment sur un plan normatif, en proposant un schma idal de comportement pour les dcideurs. Un ensemble de conditions en sous-tendent le fonctionnement. Tout d'abord, l'information joue un grand rle dans l'ensemble du processus de dcision: elle permet au dcideur d'adopter une dmarche entirement raisonne o les diffrentes tapes suivre ont pu tre dcomposes, analyses et, dans la mesure du possible, quantifies. Le dcideur dispose, pralablement toute prise de dcision, d'une information complte sur l'ensemble des solutions susceptibles d'tre appliques au problme qui se pose lui1 et sur les consquences possibles de leur application principe d'exhaustivit et il est capable de choisir la meilleure solution principe d'optimisation . En outre, le dcideur dispose d'outils d'valuation efficaces qui l'aident surveiller le bon accomplissement du processus principe de contrle et rviser en consquence ses objectifs, les ressources affectes la solution du problme ou la dcision elle-mme principe de rtroaction. Par ailleurs, le rationalisme postule que le ple de dcision est unique: soit parce que le gestionnaire est seul dcider, soit parce les divers intervenants dans la prise de dcision (gestionnaires, ligne hirarchique, technocrates, concepteurs de programmes, etc.) partagent fondamentalement les mmes valeurs et les mmes objectifs: on limine d'emble toute possibilit de conflit entre dcideurs sur les objectifs poursuivre. Ces derniers sont considrs comme donns et restent inchangs de la formulation l'implmentation et au contrle principe d'invariabilit des objectifs : ils se ramnent, la plupart du temps, la poursuite du profit. Le schma rationnel de la prise de dcision est rcapitul la figure 1. Il s'applique aussi bien aux dcisions stratgiques (qui concernent l'ensemble de la vie de l'entreprise) qu'aux dcisions oprationnelles.

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La prise de dcision tant assimile un processus de rsolution de problme.

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Figure 1: Le schma rationnel de la prise de dcisionEnvironnement Ressources

Situation de dpart

Problme

Objectifs ou situation souhaite

Dfinition du problme

Recherche des Solutions + Etude des effets

Choix d'une solution Dcision

Excution

Contrle Concordance entre Excution - Dcision Dcision - ProblmeFEED BACK

Adaptation ventuelle: des ressources des objectifs

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Dans une telle perspective, la formation des stratgies est conue comme un processus squentiel dans lequel le dcideur a pleine matrise sur l'laboration de la dcision proprement dite et sur son implmentation ultrieure, le suivi de cette dernire tant assur par des outils d'valuation sophistiqus. Si des problmes se posent au stade de l'implmentation (rsistances au changement, par exemple), c'est qu'ils n'ont pas t correctement apprhends a priori ou que l'analyse pralable des solutions possibles n'a pas t mene adquatement. En principe, rappelons-le, tous les membres de l'organisation sont censs adhrer aux objectifs du dcideur. On comprendra sans peine qu'un tel processus de formation des stratgies ne peut s'oprer que dans un environnement relativement simple (c'est--dire analysable et formalisable), souvent rduit au secteur d'activit. 0.2. Limitations psychologiques de la rationalit Si on adopte une vision analytique et non normative du processus de prise de dcision, on est oblig de constater que le schma prsent prcdemment exige un certain nombre de conditions de la part du dcideur: une connaissance prcise des facteurs internes et extermes, de l'environnement, des ressources disponibles, etc.); une connaissance de l'ensemble des voies d'action possibles; une connaissance du futur, c'est--dire des effets de ces actions, marqus par l'automaticit, la probabilit ou l'incertitude; un systme de choix cohrent (pour pouvoir comparer les solutions, il faut une chelle unique de rfrence, avec un principe de transitivi logique: si A>B, B>C, alors A>C. Mais peut-on comparer entre elles des valeurs aussi diverses que la rentabilit, le prestige, la scurit personnelle ou la localisation gographique?); la volont de rechercher la meilleure solution (optimisation). Cela fait videmment beaucoup de conditions. On peut considrer que ce schma est utile pour explorer la forme des prises de dcision dans l'entreprise ou chez le consommateur. Mais peut-on vraiment affirmer que l'acteur est toujours aussi pleinement rationnel et omniscient? Beaucoup d'auteurs, en thorie des organisations, se sont bass sur un tel schma. Des consultants continuent d'ailleurs aujourd'hui inciter les managers se comporter de cette manire: ce qui montre bien le caractre normatif du schma. Simon, prix Nobel dconomie, a t un des premiers auteurs insister sur le caractre inluctablement limit de la rationalit des acteurs dans un cadre organisationnel. Les potentialits individuelles de chaque acteur, ses motivations personnelles et la quantit d'informations dont il dispose sur son environnement constituent les principales limites de sa rationalit. La plupart du temps, il se montre en effet incapable de prendre en compte la complexit des problmes auxquels il est confront et manifeste une mconnaissance des solutions lmentaires susceptibles de leur tre apportes. Finalement, l'acteur se contente bien souvent de prendre une dcision satisfaisante, qui correspond trs rarement la solution optimale. Quand le cot de la recherche est trop lev par rapport ce qu'on escompte, le processus s'arrte la dernire

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solution trouve, que l'on trouvera meilleure que la prcdente. Tel est l'apport fondamental de la thorie de la rationalit limite: l'acteur agissant dans le cadre de l'organisation ne peut tre apprhend l'aide des concepts de l'conomie classique. L'homo oeconomicus est en effet cens disposer d'une information complte sur toutes les voies d'actions possibles et leurs effets, agir selon un systme de valeurs cohrent et tabli une fois pour toutes (fonction de prfrence ou courbe d'indiffrence) et adopter un comportement d'optimisation (maximisation du profit ou de l'utilit). En revanche, l'homme organisationnel de Simon dispose d'une information partielle sur les voies d'actions possibles et leurs effets, prend ses dcisions en fonction de motivations variables et de ressources qui lui sont propres (certainement pas un systme de valeur cohrent), sans grande cohrence et se caractrise par un comportement de simple satisfaction (il arrte ses recherches au moment o il a trouv une solution satisfaisante par rapport au niveau d'aspiration qu'il s'est consciemment ou inconsciemment donn, souvent en fonction de son exprience passe). Il n'y a donc jamais d'inventaire de toutes les solutions possibles et optimisation de la slection. Plusieurs auteurs ont explor la piste ouverte par Simon en matire de limitations la rationalit. Voici quelques uns des modles auxquels ils ont abouti: suboptimisation: le dcideur est submerg par l'information et est press par le temps; il privilgie par consquent certains objectifs et certaines informations une fois pour toutes; quasi-satisfaction: au lieu de se rfrer un objectif, dpendant d'un certain niveau d'aspiration, on aurait tendance se reporter des rgles morales simples qui existent dans le corps social et que l'on fait siennes, comme le respect de l'galit, la privatisation ou, au contraire, la nationalisation, etc. limination de solutions: on aurait ainsi tendance liminer certaines solutions par une sorte de processus squentiel o on prend en compte, successivement, certains lments comme le prix, le caractre national ou tranger, etc.; on conserve les solutions qui restent et on choisit dans ce rsidu. Ces lments de rflexion ont t conceptualiss par Lindblom dans sa thorie de l'incrmentalisme: les chefs d'entreprise prennent des dcisions qui amliorent ou corrigent des dcisions antrieures, prises par d'autres, la suite de multiples essais et erreurs. La premire solution qui apparat meilleure que les prcdentes est choisie. C'est l'art du muddling through, la dbrouille qui opre a posteriori. Il a montr qu'aucun administrateur ne peut appliquer srieusement la mthode rationnelle, incarne l'poque par la recherche oprationnelle; qu'il pratique instinctivement une mthode de comparaison la marge entre quelques solutions empiriques, tous fins et moyens confondus (niveau analytique); qu'il vaut mieux qu'il agisse de cette manire dans la mesure o il prend moins des risques (niveau normatif). Il s'attache donc montrer la supriorit logique du modle d'ajustement a posteriori sur le modle de la rationalit absolue, a priori. La rationalit est par ailleurs limite galement sur le plan motionnel. La plupart des dcisions sont en effet values, par le dcideur, en termes de risques prendre. Sans doute s'agirait-il pour lui de mettre en oeuvre un processus heuristique: mais, comme le plus souvent, il ne dispose gure de

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temps, sa raction naturelle est plutt l'hypervigilance, qui peut alors donner lieu, soit au statu quo (il vaut mieux ne pas changer), soit de soudaines prises de dcision quelque peu insenses (under stress), dans une sorte de fuite en avant o il s'agit de faire quelque chose tout prix. La dcision est alors prise dans un climat de tension motionnelle, qui conduit dcider ... n'importe quoi. Malgr le pas important qu'il permet d'accomplir dans la comprhension de la vie des organisations, ce type d'analyse du processus de prise de dcision reste encore largement empreinte de psychologisme. L'accent y est mis sur les limitations intrinsques du raisonnement humain (d'ordre cognitif et/ou motionnel) et non sur les facteurs structurels lis au fonctionnement de l'organisation. Un auteur comme Simon continue penser que des techniques adquates d'aide la gestion et la dcision (intelligence artificielle, par exemple) permettent de surmonter les obstacles la rationalit pour arriver faire correspondre les pratiques individuelles aux objectifs gnraux de l'organisation. L'apport de ces analyses n'en a pas moins t capital dans la mesure o il a permis de prendre conscience du caractre relatif de la rationalit des acteurs. Il a d'ailleurs suscit de nombreuses recherches qui ont tent de mieux cerner la pluralit des objectifs susceptibles d'apparatre dans la vie des organisations. Il a ainsi ouvert la porte une rflexion fondamentale sur le caractre plus ou moins collectif de la prise de dcision. 0.3. Limitations sociologiques de la rationalit Dans la plupart des cas, le dcideur n'est pas seul. Il convient en effet de prendre en considration le fait que le dcideur peut se croire seul au moment du choix mais n'est en fait jamais seul car son choix est dlimit, voire orient: a) en amont: - par certaines dcisions dj prises, qui vont dlimiter le cadre de sa propre dcision - par les acteurs qui vont tenter d'orienter