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Teori Sastra Prancis | muslikh madiyant THÉORIE DE LA LITTÉRATURE (1975-1985 et 1992-1997) INTRODUCTION Le terme "littérature" LE RÉGIME SOCIO-HISTORIQUE DE L'ARCHI-TEXTE A) LE DISCOURS INSTITUTIONNEL 1) L'ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE 2) L'HISTOIRE LITTÉRAIRE 3) LA CRITIQUE LITTÉRAIRE a) La critique historique 1°) La critique philologique 2°) La critique psychologique b) La critique herméneutique 1°) La critique symbolique 2°) La critique thématique B) DU DISCOURS AU PARCOURS : L'HISTOIRE ET LA DIALE CTIQUE 1) LA CRITIQUE SOCIOLOGIQUE a) Le réalisme critique du jeune Lukacs Typologie de la forme romanesque b) Le structuralisme génétique de Goldmann 1°) En philosophie 2°) En sociologie de la littérature 3°) En sociologie du roman c) Le personnalisme ou l'existentialisme de Falardeau Typologie du roman québécois 2) LA CRITIQUE SOCIO-HISTORIQUE : DE LA PRATIQUE À LA CRITIQUE a) La critique philosophique de Marx et Engels b) La critique politique de Lénine bahan ajar Sastra Roman| 1

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THÉORIE DE LA LITTÉRATURE

(1975-1985 et 1992-1997)

INTRODUCTION Le terme "littérature" LE RÉGIME SOCIO-HISTORIQUE DE L'ARCHI-TEXTE A) LE DISCOURS INSTITUTIONNEL 1) L'ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE 2) L'HISTOIRE LITTÉRAIRE 3) LA CRITIQUE LITTÉRAIRE a) La critique historique 1°) La critique philologique 2°) La critique psychologique b) La critique herméneutique 1°) La critique symbolique 2°) La critique thématique B) DU DISCOURS AU PARCOURS : L'HISTOIRE ET LA DIALE CTIQUE 1) LA CRITIQUE SOCIOLOGIQUE a) Le réalisme critique du jeune Lukacs Typologie de la forme romanesque b) Le structuralisme génétique de Goldmann 1°) En philosophie 2°) En sociologie de la littérature 3°) En sociologie du roman c) Le personnalisme ou l'existentialisme de Falardeau Typologie du roman québécois 2) LA CRITIQUE SOCIO-HISTORIQUE : DE LA PRATIQUE À LA CRITIQUE a) La critique philosophique de Marx et Engels b) La critique politique de Lénine 1°) Les écrivains et leurs oeuvres 2°) La littérature et le Parti 3°) La culture c) La critique esthétique de Trotski d) Le réalisme socialiste de Staline et Jdanov e) Le populisme de Gramsci ou de Mao

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f) Le fonctionnalisme de Trétiakov g) La critique du réalisme par Brecht h) La critique de l'esthétique aristotélicienne par Boal 3) LA THÉORIE CRITIQUE : DE LA CRITIQUE À LA THÉORIE a) Le technicisme de Benjamin b) La théorie esthétique d'Adorno c) L'esthétique critique de Marcuse 4) LA CRITIQUE RADICALE C) LE RÉCIT CONSTITUTIONNEL 1) L'ESTHÉTIQUE DE LA RÉCEPTION 2) LA THÉORIE SOCIOLOGIQUE a) Sartre et Barthes b) La sociologie positive d'Escarpit 1°) La sociologie de l'écriture 2°) La sociologie du livre 3°) La psychosociologie de la lecture c) La sociologie positionnelle de Bourdieu 1°) Le champ du pouvoir et le champ intellectuel 2°) La sphère de production restreinte 3°) Les instances de diffusion et de légitimation : la loi culturelle 4°) La sphère de grande production 5°) L'art savant et l'art moyen 6°) Les positions et les prises de position 3) LA THÉORIE SOCIO-HISTORIQUE a) Macherey b) Hadjinicolaou c) Vernier d) R. Balibar e) Macherey et É. Balibar 4) LA POÉTIQUE 5) LA SOCIO-SÉMIOTIQUE a) Zima b) Grivel 1°) Sur le texte 2°) Sur le roman 6) LA GRAMMATOLOGIE CONCLUSION

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INTRODUCTION

La littérature est art et langage : c'est un système esthétique— le texte—impliquant un registre rhétorique de genres, de styles ou de figures et un régime socio-historique—l'archi-texte—impliquant un récit constitutionnel (ou un parcours), qui inclut lui-même un discours institutionnel. Qui dit art dit technique; qui dit langage dit grammaire; qui dit technique et grammaire dit tekhnê : poiêsis et physis. Le système esthétique fait de la littérature un art; le régime socio-historique en fait un métier : la littérature devient un art quand les artisans deviennent des artistes; mais c'est l'origine de l'(oeuvre d')art qui est l'origine des artistes.

Martin Heidegger : «L'origine de l'oeuvre d'art» dans Chemins qui ne mènent nulle part. Gallimard nrf (Classiques de la philosophie). Paris;

1962 [1950] (320 - 2 p.) [p. 11-68].

Sans admettre qu'il faille parler d'art chez les Grecs ou chez les Égyptiens et surtout avant (aux temps préhistoriques), il faut mentionner que pour les Grecs de l'Antiquité, la poésie est une technique qui s'accompagne de musique; seule la poésie est un "art", qu'elle prenne la forme du poème ou de la tragédie, du dithyrambe ou de l'épopée. La poésie et la musique—et la poésie est une sorte de musique chantée, de chant—sont à l'âme ce que la gymnastique est au corps. Quand Platon parle d'expulser les poètes de la Cité, c'est parce qu'ils ne sont pas assez "artistes", c'est-à-dire pas assez philosophes –et peut-être pas assez athlètes (dans leur imitation)...

Au Moyen-Âge, la poésie continue de dominer et elle gagne même d'autres formes comme le roman; mais c'est seulement à la Renaissance, au moment où l'artiste remplace l'artisan et où l'écrivain devient un artiste, que la littérature accède à l'art, sous la poussée même du roman; elle résulte de la rencontre de la graphie et de la typographie, de l'écriture et du livre, livre qui avait pourtant précédé l'invention de l'imprimerie. Cela veut dire qu'il n'y a pas vraiment de

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littérature orale, mais une littérature écrite d'expression orale (au Moyen-Âge).

Alain Viala. Naissance de l'écrivain.... L. Febvre et H.J. Martin. L'apparition du livre. Albin Michel.

A. M. Boyer. Le livre. Larousse. Études françaises, Volume 18, numéro 2 : "L'objet-livre".

Le terme "littérature"

Le terme "littérature" n'a pas toujours eu la même signification que l'on lui (re)connaît aujourd'hui :

1°) Au XVIe siècle, "littérature" veut dire "culture", culture du lettré : érudition; c'est la connaissance des lettres mais aussi des sciences; c'est une somme de lectures. Ainsi, dit-on à l'époque, "avoir de la littérature" : c'est un avoir.

2°) Au XVIIIe siècle, "littérature" désigne la condition de l'écrivain, soit :

a) le monde des lettres; b) la carrière des lettres; c) l'industrie des lettres.

C'est un devenir : le devenir-artiste de l'écrivain.

3°) À partir du XIXe siècle, "littérature" devient plus ou moins synonyme de "belles-lettres" (les lettres et les humanités par rapport aux sciences qui s'autonomisent) :

a) c'est l'art de l'expression intellectuelle (éloquence, poésie); b) c'est l'art d'écrire des oeuvres qui durent; c) c'est l'art d'écrire par rapport aux autres arts; d) c'est l'art d'écrire par rapport aux autres techniques d'écriture (théologie, philosophie, science, etc.).

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D'une part, c'est une activité (une existence technique); d'autre part, c'est un être (une essence esthétique) plutôt qu'un état (la condition ou la qualité de l'homme de lettres en sa culture et en son érudition). La littérature se trouve alors réduite à l'écriture, voire à l'écriture de fiction (depuis la Révolution française) et, de plus en plus, à la fiction romanesque.

4°) Au XXe siècle, Escarpit considère que la littérature est l'ensemble de la production littéraire incluant les faits littéraires : c'est donc un objet d'étude, un corpus d'oeuvres consacrées, c'est-à-dire enseignées par les intellectuels, professeurs ou autres (selon Barthes).

Robert Escarpit dans Le littéraire et le social, p. 259-272 et dans Littérature et genres littéraires, p. 7-15.

LE RÉGIME SOCIO-HISTORIQUE DE L'ARCHI-TEXTE

A) LE DISCOURS INSTITUTIONNEL

Le discours institutionnel est la conception du parcours littéraire (ou du récit constitutionnel) qui est proposée par l'esthétique transcendante de l'agréable (ou du bon) et du beau, l'esthétique du goût et du plaisir constitutive d'une métaphysique de l'art jusqu'en histoire et en critique littéraire.

Jean-Marc Lemelin. «La communication de l'art ou De l'esthétique» dans La signature du spectacle ou de la communication. Ponctuations II. Ponctuation. Montréal; 1984 (208 p.) [p. 17-58].

1) L'ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE

Nous pouvons proposer que, chez les Grecs de l'Antiquité, l'esthétique est le lien entre la technique et la métaphysique : elle est le devenir-technique de la métaphysique et le devenir-métaphysique de la technique; elle est inséparable de la dialectique et ainsi de la politique,

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qui est l'art des arts. La dialectique est l'art -- la tekhnê -- de dialoguer et de persuader, de convaincre et donc de vaincre l'adversaire; elle est mise en scène dans et par l'éloquence; aussi a-t-elle les pieds dans la rhétorique, qui est l'art du discours en général et qui inclut la poétique, celle-ci étant alors l'art -- le métier et ses règles -- d'un discours comme la poésie (à ne pas confondre avec le poème, puisqu'on la retrouve autant dans la tragédie et l'épopée).

Au Moyen-Âge, la dialectique et la rhétorique font partie du trivium, avec la grammaire; le trivium et le quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie et musique) constituent les sept arts libéraux enseignés dans les facultés des arts. Au XVIIe siècle, la rhétorique commence à être dissociée de la logique (l'art de penser) et de la grammaire (l'art de parler et d'écrire) par la modernité de la pensée cartésienne; elle n'est plus un art (une pratique) et elle devient une théorie des figures de discours ou de style : elle est maintenant réduite à une théorie des tropes, à une tropologie, à une rhétorique restreinte, alors qu'elle avait été généralisée jusqu'à l'époque des collèges classiques. Au XVIIIe siècle, par Kant, et au XIXe, par Hegel, la dialectique est déplatonisée -- avant d'être marxisée, par Marx, Engels, Lénine et Staline : la politique moderne (ou postmoderne) est sans doute l'échec de la dialectique des Anciens...

Revenons à l'esthétique comme discours qui constitue et institue l'art comme art, la littérature comme littérature. Pour l'esthétique, l'art a une essence, une valeur en soi, une valeur d'usage; cette valeur (ou son concept ontologique), c'est la beauté comme synonyme de vérité et de liberté; en somme, la beauté est un concept éthique avant d'être esthétique. L'esthétique est à l'art ce que l'épistémologie est à la science : elle en est la réification, la réduction à une chose, à un artefact.

Distinguons cinq esthétiques :

1°) Pour l'esthétique objective, il y a une réalité extérieure à la pensée, une réalité objective dont l'art (la littérature) est le reflet : plus le reflet est exact, plus il y a réflexion passive ou active de la réalité par une oeuvre, plus celle-ci est réaliste, plus elle a de la valeur. À

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l'esthétique objective du contenu (thématique) conduisant au réalisme, correspond l'esthétique objective de l'expression (stylistique) conduisant au formalisme. La forme (l'expression) et le fond (le contenu) sont les catégories duelles fondamentales de l'esthétique (objective). Le réalisme socialiste, c'est-à-dire la soi-disant esthétique marxiste est une esthétique objective du contenu.

Avner Ziss. Éléments d'esthétique marxiste. Éditions de Moscou [surtout «Petit vocabulaire esthétique», p. 280-300].

2°) Pour l'esthétique positive, l'art est homologue (plutôt qu'analogue), comme sujet, à l'objet qu'est le monde ambiant ou environnant. Le développement de l'art est alors le développement conceptuel de l'histoire, de l'esprit, de la pensée. L'esthétique hégélienne -- et a fortiori l'esthétique aristotélicienne, contrairement à l'esthétique platonicienne (plutôt objective) -- est une telle esthétique positive en définissant l'art par un concept, par son propre concept (à réaliser ou à retrouver), et en séparant l'artistique et le politique tout en les réunissant dans le spirituel (l'Esprit absolu). Pour Hegel, il y a une hiérarchie des arts, du matériel au spirituel : l'art supérieur est l'art idéal et idéel, c'est l'art le plus éloigné du matériel (la matière et la nature), c'est l'art le plus raisonnable et le plus spirituel; c'est la poésie. Aux arts symboliques (la thèse) comme l'architecture, ont succédé les arts classiques (l'antithèse) comme la sculpture et, enfin, les arts romantiques (la synthèse) comme la poésie (musicale, théâtrale, littéraire). La poésie est elle-même hiérarchisée de l'épique au dramatique en passant par le lyrique : en ce sens, l'opéra de Wagner est l'art romantique par excellence. L'esthétique du jeune Lukacs (et de Goldmann) est elle aussi une esthétique positive (fondamentalement hégélienne).

3°) L'esthétique négative qui s'inscrit dans la dialectique négative d'Adorno et de Horkheimer et qui est inspirée de la théorie critique de l'École de Francfort à laquelle les deux appartenaient, repose sur une critique (kantienne) de la raison au profit d'une éthique du jugement, mais elle n'accède pas au statut d'esthétique transcendantale du

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sublime comme chez Kant. Pour Adorno, l'art a valeur de vérité parce qu'il est liberté et il est la négation de la totalité (la réalité, la société, l'aliénation, le fascisme) qui est fausseté.

4°) Pour l'esthétique subjective d'un Marcuse, l'art, comme subjectivité, a un potentiel révolutionnaire de transformation de l'objectivité.

5°) De Nietzsche à Lyotard et à Deleuze, se développe une esthétique affirmative, pour laquelle l'art n'est pas intentions mais intensités : pouvoir d'affirmation de la libido, du désir, de la force, de la volonté de puissance; cette esthétique s'oppose à la fois à l'esthétique objective de Platon et à l'esthétique positive de Hegel, mais pas à l'esthétique négative et à l'esthétique subjective.

L'esthétique (objective ou positive) est la philosophie spontanée (naïve, non critiquée) de la critique littéraire, qui est elle-même la philosophie spontanée de la littérature (réaliste ou formaliste). L'esthétique se retrouve ainsi dans les trois illusions de la critique littéraire dénoncées par Macherey :

1°) L'illusion empirique (ou naturelle) -- l'illusion de l'induction, selon nous -- prend l'oeuvre comme acquise et clôturée par l'ouvrage, comme un étant donné, comme un état de fait; elle ne questionne pas le corpus et elle clôture le texte en réduisant la littérature à l'écriture; elle explique l'oeuvre par l'auteur individuel (l'écrivain) ou par l'auteur collectif (la société, la classe, le groupe, le sexe). Le critique empiriste se fait le complice de l'écrivain en suggérant que ce sont les auteurs et les oeuvres qui font la littérature, alors que c'est la littérature -- l'art, la tradition, l'histoire, la critique -- qui fait les auteurs et les oeuvres.

2°) L'illusion normative (ou virtuelle) -- l'illusion de la déduction, encore selon nous -- corrige l'oeuvre selon un modèle esthétique, éthique, idéologique; elle la soumet à une norme, à un code, à un(e)mode; elle refait l'oeuvre en la restreignant à une lecture idéologique, en réduisant la littérature à l'idéologie. Expliquant l'oeuvre par un lecteur naïf, le critique magistrat (journaliste) se fait alors le maître de l'écrivain.

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3°) L'illusion interprétative (ou culturelle) actualise ou réalise les deux autres illusions en une herméneutique qui met en oeuvre les couples duels de catégories esthétiques ou métaphysiques : fond/forme, intériorité/extériorité, inspiration/improvisation, etc. Elle explique l'oeuvre par l'oeuvre, mais en postulant que l'oeuvre à un sens (secret, caché) en soi et que la lecture ne fait que le découvrir, le dévoiler, le révéler (ou le trahir); le sens se trouve alors réduit à la signification. L'interprète se fait interprêtre, c'est-à-dire esclave ou disciple, voire complice, de l'oeuvre même, substituant l'explicitation (herméneutique dans sa genèse et son exégèse) à l'explication (sémiotique), l'interprêtrise (psychologique) à l'interprétation (métapsychologique).

Pierre Macherey. Pour une théorie de la production littéraire. Nicos Hadjinicolaou. Histoire de l'art et conscience de classe.

2) L'HISTOIRE LITTÉRAIRE

Pendant très longtemps, les études littéraires se sont confondues avec l'histoire littéraire, celle-ci consistant à raconter après coup ce qu'elle considère être la littérature, à en faire l'historique; en France, après la Révolution, l'histoire littéraire s'est affairée à constituer un ensemble d'écrits en littérature nationale et la littérature en un art, en établissant un corpus d'oeuvres connus et de chefs-d'oeuvre reconnus, selon divers critères :

1°) la langue écrite : le français et non d'autres langues parlées sur le territoire français;

2°) l'époque : le Moyen-Âge, la Renaissance, le Classicisme et les Lumières avant la Révolution et la Modernité depuis;

3°) l'école (ou le courant);

4°) le genre : la non-fiction et la fiction, le poème et le roman ou les autres formes romanesques (nouvelle, conte), la pièce de théâtre, les écrits intimes ou autobiographiques, etc.;

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5°) le style : variable d'une oeuvre ou d'un auteur à l'autre;

6°) l'auteur lui-même : sa vie et son oeuvre.

L'histoire littéraire cherche, à travers ces différents critères, à établir un répertoire d'oeuvres et un palmarès d'auteurs; elle fait donc l'inventaire ou la nomenclature des oeuvres et elle opère des classements : elle classe en tendances, en courants, en écoles, en genres, en styles, en thèmes, en influences, etc. Pour l'histoire littéraire, l'objet des études littéraires, c'est le corpus à constituer ou à reconstituer, à instituer, à ficher dans les annales et les archives et dont il faut rendre compte dans des bibliographies et des monographies ou dans des anthologies et des manuels. Pour l'histoire littéraire, la littérature est d'abord et avant tout ce qui se retrouve à la bibliothèque ou ce qui doit s'y retrouver; c'est là qu'on la cherche et qu'on la trouve.

3) LA CRITIQUE LITTÉRAIRE

a) La critique historique

Inséparable de l'histoire littéraire, la critique historique est une approche externe ou extérieure, transcendante par rapport aux textes; c'est une critique qui est parfois normative ou prescriptive (corrective), selon une idéologie religieuse, morale, politique ou autre. C'est une critique adjective, en ce sens qu'elle ajoute beaucoup au texte par la paraphrase, qu'elle multiplie les intermédiaires et les médiations entre l'auteur et le texte ou entre le texte et le lecteur et qu'elle fonctionne surtout à l'épithète. C'est une critique génétique; c'est la genèse, c'est-à-dire l'origine et l'historique de l'oeuvre, qui mobilise toute son énergie et trouve son aboutissement ultime dans l'édition critique. La critique historique ou génétique, que l'on appelle aussi "ancienne critique", peut être philologique ou psychologique.

1°) La critique philologique

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La critique philologique est une critique académique d'érudition. Devant l'affluence, l'abondance, des oeuvres, il lui faut faire appel à la bibliographie. La critique bibliographique consiste à faire l'inventaire de ce qui se publie et à le répertorier dans les manuels, les anthologies, les dictionnaires, les encyclopédies, etc. La critique philologique doit aussi faire appel à l'historiographie. La critique historiographique examine les différents états d'un texte, de la première version ou des premiers manuscrits à l'édition originale (ou princeps) et aux autres éditions; il lui faut donc comparer les notes, les projets, les plans, les ébauches, les brouillons, les remaniements, les corrections, les scolies, les ajouts ou les coupures d'un version à l'autre : c'est l'avant-texte qui l'intéresse et qui est le moyen d'établir une édition critique. Elle peut aussi s'attarder aux influences entre les oeuvres ou entre les auteurs et s'inscrire ainsi dans l'histoire des idées et des mentalités.

La critique philologique, de la bibliographie à l'historiographie, se préoccupe du style de l'oeuvre et elle favorise la publication de thèses, de mémoires, de journaux intimes, de correspondances, contribuant ainsi à la gloire des auteurs et sous le prétexte que c'est le hors-texte (les textes d'accompagnement) qui explique ou éclaire le texte.

2°) La critique psychologique

La critique philologique est souvent complétée ou relayée par la critique psychologique, qui lui sert d'exégèse et qui est une critique sentimentale de vulgarisation. Très souvent, la critique psychologique est une critique biographique, pour ne pas dire hagiographique : elle parle plus des auteurs que des oeuvres. La critique psychologique peut autant faire appel à la démagogie, dans le pire des cas, qu'à la pédagogie, dans le meilleur des cas. La critique démagogique domine la critique journalistique : le journal fait passer la propagande pour de l'information, la promotion pour de l'opinion, la publicité pour de la popularité. C'est souvent une anecdote à propos de l'auteur ou l'aventure du texte qui lui sert de fil conducteur. Du journal au magazine, la différence n'est que quantitative : plus spectaculaire. L'auteur y est en quelque sorte le personnage ou l'acteur principal. La critique démagogique ne cherche pas à expliquer le texte mais à

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impliquer le lecteur en appliquant au texte trois ou quatre recettes de lecture : elle résume, elle répète, elle annonce, elle glorifie ou sacrifie...

C'est la philologie (de la genèse à l'exégèse) qui permet à la critique psychologique de se faire pédagogie. La critique pédagogique cherche à énoncer la littérature, à l'enseigner par la revue ou le manuel, plutôt qu'à renseigner sur elle; elle s'attarde surtout aux personnages, à leur caractère, à leur vraisemblance, etc.

La critique philologique (de la langue et du style) et la critique psychologique (des personnages et des thèmes) sont donc inséparables au sein de la critique historique ou génétique, qui consiste à amener la littérature à l'oeuvre, à recouvrir l'oeuvre du manteau de la littérature et à se (con)fondre ainsi avec une stylistique : pour la critique philologique, l'oeuvre c'est le style de l'auteur; pour la critique psychologique, le style de l'oeuvre c'est l'auteur. Répétons que «la philologie, ou la bibliographie, lit l'oeuvre dans la vie de l'auteur (écrivain et société, style et langue); la psychologie, ou la biographie, lit la vie de l'auteur (individuel ou collectif) dans l'oeuvre».

Jean-Marc Lemelin. «Les études littéraires» dans Le sens (p. 13-21, surtout p. 17).

b) La critique herméneutique

L'ancienne critique allie donc l'érudition philologique et la vulgarisation psychologique : elle interprète surtout l'oeuvre par l'auteur; la "nouvelle critique" ou la critique herméneutique interprète plutôt l'auteur par l'oeuvre. C'est une critique qui s'avoue plus subjective; mais son approche est plus interne que celle de la critique historique; l'exégèse l'occupe davantage que la genèse. Au sein de la critique herméneutique, nous distinguerons la critique symbolique et la critique thématique.

1°) La critique symbolique

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La critique symbolique considère que les thèmes se réalisent dans des images, dans l'imaginaire ou l'imagerie d'une oeuvre, sous la forme de symboles; symboles qui peuvent, par exemple, tenir des quatre éléments de la nature.

Gaston Bachelard. Gilbert Durand.

Si ces symboles tiennent des mythes, il est alors possible de parler de la critique symbolique comme d'une mythocritique empruntant à la mythologie et à l'ethnologie.

Georges Dumézil. Northrop Frye. Mircea Eliade. Roger Caillois.

Claude Lévi-Strauss.

Si les symboles sont attachés à des complexes, il est possible de parler de la critique symbolique comme d'une psychocritique, aussi souvent d'inspiration jungienne que freudienne.

Charles Mauron. Marie Bonaparte.

Marthe Robert. Gérard Bessette.

2°) La critique thématique

Pour la critique thématique, il y a toutes sortes de thèmes mythiques ou psychiques, mythologiques ou psychologiques, sociologiques ou philosophiques, psycho-sociaux ou socio-historiques (religieux, moraux, etc.). Le thème peut être conscient, préconscient ou subconscient; ce peut être une catégorie ou une forme a priori comme l'espace et le temps. Parfois la thématique et la symbolique sont réunies.

Georges Poulet.

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Jean-Pierre Richard. Jean-Paul Weber. Jean Starobinski.

Jean Rousset. André Brochu.

Lorsque la thématique rassemble surtout des thèmes philosophiques (ontologiques, phénoménologiques) ou des thèmes théologiques, il y a lieu de parler de philocritique.

Georges Bataille. Pierre Klossowski. Maurice Blanchot. Jean-Paul Sartre.

Serge Doubrovski.

Alors que la philocritique est plus ou moins rattachée à la philosophie existentialiste, la sociocritique l'est plutôt à la philosophie socialiste ou communiste et nous allons maintenant nous attarder davantage à la critique sociologique, dont fait partie la sociocritique.

B) DU DISCOURS AU PARCOURS : L'HISTOIRE ET LA DIALECTIQUE

L'esthétique littéraire, l'histoire littéraire et la critique littéraire dont il a été question jusqu'ici contribuent à l'institutionnalisation de la littérature, à la constitution de l'institution littéraire, comme rencontre du corps (professionnel, professoral, intellectuel) et du texte; rencontre qui va conduire au corpus. La critique sociologique, la critique socio-historique et la théorie critique ont quelque chose d'anti-institutionnel ou de contre-institutionnel -- cela ne veut pas dire non-institutionnel -- en ce qu'elles se réclament d'autres institutions, d'autres appareils d'institution et d'autres appareils (politiques ou idéologiques).

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1) LA CRITIQUE SOCIOLOGIQUE

La critique sociologique s'intéresse aux marques ou aux traces de la société dans la littérature (réduite à l'écriture).

a) Le réalisme critique du jeune Lukacs

Chez Hegel, l'aliénation comme négation par l'antithèse est un moment essentiel de la dialectique de la pensée; mais pour le jeune Lukacs, elle est réification : désappropriation [Feuerbach] plutôt que subjectivation, elle transforme les êtres et les choses en res, en objets. C'est par le fétichisme de la marchandise, caractéristique du capitalisme selon Marx, que l'aliénation devient réification. La philosophie de l'aliénation (Hegel, Feuerbach, jeune Marx) se transforme en théorie de la réification chez le jeune Lukacs et elle s'oppose à la théorie du reflet...

Georg Lukacs. Histoire et conscience de classe.

Ce que la sociocritique retient du jeune Lukacs, c'est d'abord et avant tout sa théorie du roman. Selon Lukacs, le roman est «le genre majeur, dominant, de l'art bourgeois moderne» et c'est la forme dialectique de l'épique : le roman est l'épopée moderne; il est «la principale des formes littéraires correspondant à la société bourgeoise» et son évolution est liée à l'histoire de cette société. «Le monde de l'épopée répond à la question : comment la vie peut-elle devenir essentielle?»; l'épopée a succédé à la tragédie, qui a répondu «à la question : comment l'essence peut-elle devenir vivante?» Cette conception du roman fera de Lukacs un partisan de ce qu'il appelle «le grand réalisme» (critique ou historique), dont le modèle est Balzac, et un partisan de «l'art tendancieux» (ou engagé), qui a pris parti contre l'ordre établi et contre l'art pour l'art (et non pour le Parti).

Selon Goldmann, Lukacs décrit «un certain nombre d'essences atemporelles, de[s] formes qui correspondent à l'expression littéraire de certaines attitudes humaines cohérentes». Il étudie les grandes formes épiques réalistes, c'est-à-dire qui «reposent, sinon sur une

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acceptation de la réalité, du moins sur une attitude positive envers une réalité possible, dont la possibilité est fondée dans le monde existant»; «dans la littérature épique, les "formes" sont l'expression de relations multiples et complexes qu'entretient l'âme avec le monde». Ainsi, «le roman est la principale forme littéraire d'un monde dans lequel l'homme n'est ni chez soi ni tout à fait étranger». «Le roman est la forme dialectique de l'épique, la forme de la solitude dans la communauté, de l'espoir sans avenir, de la présence dans l'absence». Selon Goldmann, la description par Lukacs de la structure significative romanesque correspond à l'analyse marxienne du fétichisme de la marchandise. Dans la forme romanesque, analysée par Lukacs et caractérisée à la fois par la communauté et l'antagonisme radical entre le héros et le monde, «la communauté a son fondement dans la dégradation commune de l'un et de l'autre par rapport aux valeurs authentiques qui régissent l'oeuvre, à l'absolu, à la divinité» : «l'antagonisme est fondé sur la nature différente et même opposée de cette dégradation».

Typologie de la forme romanesque

Le jeune Lukacs est surtout célèbre pour sa typologie de la forme romanesque :

1°) (selon l'abstraction ou l'identification par la thèse ou l'affirmation), il y a d'abord le roman de l'idéalisme abstrait, du personnage démonique à conscience trop étroite pour la complexité du monde :

le modèle est Don Quichotte de Cervantès ou Le rouge et le noir de Stendhal;

2°) (selon l'objectivation ou l'aliénation par l'antithèse ou la négation), il y a ensuite le roman psychologique à héros passif dont l'âme est trop large pour s'adapter au monde :

le modèle est L'Éducation sentimentale de Flaubert;

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3°) (selon la médiation ou la nouvelle totalisation par la synthèse ou la négation de la négation), il y a aussi le roman éducatif du renoncement conscient qui n'est ni résignation ni désespoir :

le modèle est Wilhelm Meister de Goethe.

Ce dernier type de roman est «la réconciliation de l'homme problématique avec la réalité concrète et sociale»; c'est la synthèse des deux premières formes. Lukacs entrevoit enfin «le dépassement des formes sociales de vie» dans les romans de Tolstoï : nouvelle thèse?...

Georg Lukacs. Théorie du roman.

b) Le structuralisme génétique de Goldmann

1°) En philosophie

La sociologie de Goldmann se définit comme étant un structuralisme génétique (à la Piaget) : «Le structuralisme génétique part de l'hypothèse que tout comportement humain est un essai de donner une réponse significative à une situation particulière et tend pour cela à créer un équilibre entre le sujet de l'action et l'objet sur lequel elle porte, le monde ambiant».

La catégorie fondamentale chez Goldmann est celle de totalité développée par Lukacs : «[l]a totalité du processus de l'expérience sociale et historique telle qu'elle se constitue dans la praxis sociale et la lutte des classes». Cette totalité fonde «la structure significative temporelle et dynamique»; elle est la réunion du sujet et de l'objet. Pour qu'il y ait totalité, il faut qu'il y ait identité du sujet et de l'objet; mais Goldmann remplace l'identité totale de Hegel ou de Lukacs par une identité relative ou partielle. C'est parce qu'il y a identité partielle, voire partiale, du sujet et de l'objet, et non pas différence radicale entre les deux, qu'il est impossible de séparer les jugements de fait et les jugements de valeur; ici Goldmann s'oppose, en kantien, au néo-kantien Weber.

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Étant donné la totalité constituée par l'identité relative du sujet et de l'objet, le sujet est et a la conscience possible de l'objet : il peut en être conscient. Mais cette conscience possible n'est pas celle d'un individu; elle est celle d'un groupe -- d'une classe sociale. La conscience possible désigne : «le maximum d'adéquation à la réalité que saurait atteindre (tout en étant entendu qu'elle ne l'atteindra peut-être jamais) la conscience d'un groupe, sans que pour cela celui-ci soit amené à abandonner sa structure». Mais s'il y a une telle conscience possible, c'est qu'il y a une possibilité objective d'expliquer le présent par l'avenir et de modifier l'avenir par le présent. Ce qui sépare la conscience possible de la possibilité objective, nous avons déjà suggéré que c'est la réification.

La conscience possible est une conscience qui peut être une conscience de classe, une conscience qui peut faire d'une «classe en soi» une «classe pour soi». Entre la conscience possible et une oeuvre littéraire ou philosophique, intervient la vision du monde : «un point de vue cohérent et unitaire sur l'ensemble de la réalité et la pensée des individus, qui à quelques exceptions près, est rarement cohérente et unitaire».

Selon Goldmann, ici fidèle à Piaget, pour connaître la vision du monde d'un groupe, il faut la comprendre (c'est-à-dire la décrire) et l'expliquer. «Comprendre une structure c'est saisir la nature et la signification des différents éléments et processus qui la constituent comme dépendant de leurs relations avec tous les autres éléments et processus constitutifs de l'ensemble» : c'est la description (ou l'analyse) d'une partie. «Expliquer un fait social, c'est l'insérer dans la description compréhensive d'un processus de structuration dynamique qui l'englobe» : c'est l'inscription de la partie dans un tout (ou la synthèse).La compréhension consiste dans «la description des liaisons essentielles dont le devenir constitue la structure»; l'explication consiste dans «la compréhension des structures plus vastes qui rendent compte du devenir des structures partielles».

Par exemple, Goldmann déclare que «le concept lukacsien de vision tragique a été un instrument capital pour la compréhension des écrits de Pascal et de Racine; la compréhension du mouvement janséniste en

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tant que structure dynamique a par contre une valeur explicative par rapport à ces écrits; de même la description compréhensive de l'histoire de la noblesse de robe a une valeur explicative pour la genèse du Jansénisme, la description compréhensive de l'évolution de la structure des rapports de classe dans la société française globale aux XVIe et XVIIe siècles a une valeur explicative pour les processus dynamiques constituant le devenir de la Noblesse de Robe, etc.». «Compréhension et explication ne sont donc qu'un seul et même processus intellectuel».

Lucien Goldmann. Le Dieu caché. Lucien Goldmann. Épistémologie et structuralisme génétique.

Collectif. Le structuralisme génétique. Collectif. L'oeuvre et l'influence de Lucien Goldmann.

Jean-Michel Palmier. «Goldmann vivant» dans Esthétique et marxisme.

2°) En sociologie de la littérature

En sociologie de la littérature, le structuralisme génétique de Goldmann s'oppose à la simple critique sociologique des contenus, parce que «la relation essentielle entre la vie sociale et la création littéraire ne concerne pas le contenu de ces deux secteurs de la réalité mais seulement les structures mentales, c'est-à-dire ces catégories qui organisent en même temps la conscience empirique d'un groupe social et l'univers imaginaire créé par l'écrivain». Toujours selon Goldmann, «[a]lors que la sociologie des contenus voit dans l'oeuvre un reflet de la conscience collective, la sociologie structurale voit en elle un des éléments constitutifs les plus importants de celle-ci, celui qui permet aux membres du groupe de prendre connaissance de ce qu'ils pensaient, sentaient ou faisaient sans se rendre compte de la signification objective de leurs actes». C'est dire qu'«[i]l n'y a donc pas homologie entre la structure biographique ou sociologique de l'auteur et celle du groupe, mais entre les structures mentales catégorielles de l'oeuvre en tant que virtualité de celle du groupe». La vision du monde, qui est celle non pas d'un sujet individuel mais d'un sujet collectif, n'exprime pas la conscience réelle du groupe mais sa conscience possible.

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Pour comprendre le rapport entre une oeuvre et la conscience collective, entre la création artistique et la vie quotidienne, le structuralisme génétique pose cinq thèses :

1°) la relation qu'il y a entre oeuvre et société concerne les catégories;

2°) les structures ou catégories mentales ne sont pas celles d'un individu;

3°) il y a homologie ou relation significative entre la conscience collective et une oeuvre littéraire et cette homologie est exprimée par une vision du monde;

4°) ce sont les catégories de la vision du monde qui font l'unité et la cohérence d'une oeuvre;

5°) les structures catégorielles ne sont ni conscientes ni inconscientes : elles sont informulées.

Selon Goldmann, plus une oeuvre est cohérente ou plus sa vision du monde est structurée et plus cette oeuvre a de la valeur; valeur qui est donc de nature conceptuelle, pour la littérature comme pour la philosophie. En ce sens, la philosophie ou la sociologie de Goldmann est fondamentalement une psychologie. Selon Zima, Goldmann «continue avec persévérance la tradition hégélienne en supposant que toute grande oeuvre littéraire exprime une vision du monde et qu'elle peut être interprétée de manière univoque, autrement dit : qu'elle a un équivalent philosophique».

Pierre Zima, p. 176.

Ce qui intéresse Goldmann n'est donc pas la conscience collective réelle mais la conscience collective possible que peut structurer la vision du monde, qui est l'intermédiaire ou la médiation entre les structures sociales et les structures littéraires. L'homologie qu'il y a entre la société et la littérature ne passe pas par la conscience réelle mais par la conscience possible et par la vision du monde (psychologique); qui est à la fois compréhension et explication. Autrement dit, une oeuvre ne reflète pas l'idéologie consciente réelle

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d'une classe, elle en est la psychologie, c'est-à-dire rapport à cette idéologie.

Reproduire la conscience réelle collective (ou l'idéologie) est le propre des oeuvres moyennes, selon Goldmann, et non des «grandes oeuvres». Le caractère collectif de la création littéraire ne provient pas de la conscience collective réelle, mais «du fait que les structures de l'univers de l'oeuvre sont homologues aux structures mentales de certains groupes sociaux ou en relation intelligible avec elles, alors que sur le plan des contenus, c'est-à-dire de la création d'univers imaginaires régis par ces structures, l'écrivain a une liberté totale». La vision du monde d'une grande oeuvre fait que la structure de celle-ci correspond le mieux possible à la structure de la conscience possible du groupe créateur, conscience qui «tend vers une vision globale de l'homme», vers la totalité selon Lukacs. C'est donc la vision du monde qui est la catégorie la plus importante de la sociologie de la littérature de Goldmann.

3°) En sociologie du roman

Empruntant à Lukacs et à Girard, Goldmann affirme qu'il y a une homologie entre la structure romanesque classique et la structure de l'échange dans l'économie libérale et qu'il y a certains parallélismes entre leurs évolutions ultérieures. Il y a une relation entre la forme romanesque et la structure du milieu social à l'intérieur duquel elle s'est développée, entre le roman comme genre littéraire et la société individualiste moderne. La forme romanesque paraît être à Goldmann : «la transposition sur le plan littéraire de la vie quotidienne dans la société individualiste née de la production pour le marché. Il existe une homologie rigoureuse entre la forme littéraire du roman [...] et la relation quotidienne des hommes avec les biens en général, et par extension des hommes avec les autres hommes, dans une société productrice pour le marché». Dans la production pour le marché, la valeur d'échange prime sur la valeur d'usage; ce qui fait que le rapport de la conscience des hommes aux biens est réifié, aliéné, soumis au fétichisme de la marchandise. Comme la société de marché, le roman évolue de la valeur d'usage à la valeur d'échange : il est l'histoire du passage de la première à la seconde. Comme l'individualisme

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disparaît à cause de la transformation de la vie économique de la concurrence en monopole, «nous assistons à une transformation parallèle de la forme romanesque qui aboutit à la dissolution progressive et à la disparition du personnage individuel, du héros». Cette disparition a eu lieu en deux étapes :

1°) une étape transitoire, où la biographie de l'individu est remplacée par la biographie du groupe, dans les romans de Malraux;

2°) une deuxième période, qui va de Kafka au nouveau roman, où le héros n'est pas remplacé, où il y a absence du sujet.

Le roman (à héros problématique) n'exprime pas la conscience réelle ou possible de la bourgeoisie à l'histoire de laquelle il est lié; il la critique et s'y oppose, selon Goldmann.

Les romans de Malraux et le nouveau roman servent de champ d'application aux analyses goldmaniennes de la forme romanesque. Dans les romans de Malraux, Goldmann retrace l'évolution de la vision du monde des personnages, des héros problématiques, et il tente de faire le lien avec l'évolution de la société bourgeoise. Quant au nouveau roman, il serait l'expression de l'aliénation provoquée par l'évolution du mode de production capitaliste. Le nouveau roman serait donc encore du roman réaliste, car il représente la réification, ce «processus psychologique» qui fait qu'il y a «suppression de toute importance essentielle de l'individu et de la vie individuelle à l'intérieur des structures économiques et, à partir de là, dans l'ensemble de la vie sociale».

C'est pourquoi, dans le nouveau roman, il y a «disparition plus ou moins radicale du personnage et renforcement corrélatif non moins considérable de l'autonomie des objets»; après la dissolution du personnage apparaît «un univers autonome d'objets» dans les romans de Robbe-Grillet. Le nouveau roman est réaliste parce que «sa structure est analogue à la structure essentielle de la réalité sociale» au sein de laquelle il a été écrit : il correspond à la réification, au monde déshumanisé de la réification. Le roman réaliste est à la fois compréhension et explication de la totalité comme étant aliénée,

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réifiée par le capital; mais il est aussi promesse de désaliénation, de nouvelle totalisation, de libération par une nouvelle totalité : en ce sens, il est humaniste.

Lucien Goldmann. Pour une sociologie du roman.Jacques Leenhardt.

Henri Mitterand. Pierre Barbéris.

Jean Decottignes. Claude Duchet et al.

Charles Bouazis, dans Le littéraire et le social. Claude Prévost.

Jean Thibaudeau.

c) Le personnalisme ou l'existentialisme de Falardeau

La critique sociologique de Falardeau ne peut être considéré comme étant de la sociocritique, mais comme une critique sociologique des contenus, une thématique. Falardeau inscrit sa sociologie du roman dans une sociologie de la littérature, elle-même inscrite dans la sociologie de l'art, qui fait partie d'une sociologie de la culture; il considère que l'objet de la sociologie de la littérature est les oeuvres littéraires comme «oeuvres de civilisation», de culture : «la culture informe la conscience, les attitudes collectives»; mais «la culture propose ou impose, les hommes disposent»...

Falardeau distingue la littérature des autres arts, parce qu'elle est aussi langage; mais contrairement à celui-ci, elle est davantage communication qu'expression. C'est parce qu'elle est «une expression pour l'expression» que la poésie est plus près de la littérature orale : de la parole; en poésie, «la chose l'emporte sur la signification»; la poésie est expression; elle s'adresse aux sens. Le roman est plutôt du côté de la littérature écrite; il est communication et s'adresse plutôt à l'entendement. Distinguant la poésie (littérature orale) de la littérature écrite (le roman) et identifiant celle-ci à l'imaginaire, Falardeau en arrive quasiment à confondre le roman (c'est-à-dire la fiction romanesque) et la littérature, comme le fait plus ou moins Sartre. Contrairement à la poésie, le roman n'est pas une parole mais un

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discours; cependant, il demeure du jeu : le romanesque est du ludique, selon Falardeau.

Comme Escarpit, Falardeau distingue une sociologie du livre, une psychosociologie de la lecture et une sociologie de l'oeuvre; mais c'est à celle-ci qu'il s'attarde exclusivement. Accusant Goldmann de sociologisme parce que celui-ci affirme que le sujet de l'oeuvre est un sujet collectif, Falardeau plaide, au nom de la personne qui est «libre et autonome», pour un sujet individuel (originel et original). Situant son analyse dans une «optique phénoménologique», Falardeau ne s'intéresse pas aux homologies entre le social et le littéraire, mais entre le social et l'imaginaire qui structure les oeuvres.

Selon Falardeau, «toute démarche sociologique doit partir des oeuvres considérées en elles-mêmes et pour elles-mêmes», parce que ce sont des transpositions(transcendantes et autonomes) structurées par la vision du monde (dans un sens plus large que chez Goldmann) : c'est «une saisie totalisante de l'existence humaine et du monde, des normes qui les régissent, des pôles qui leur donnent orientation, des valeurs qui ont cours, des relations qu'ils entretiennent ou non avec un au-delà du monde»; c'est une mentalité. Cette vision du monde est individuelle-collective; elle est latente dans l'oeuvre; il y a un décalage entre la vision consciente de l'écrivain et la vision du monde dans son oeuvre : entre le projet et le résultat.

Falardeau distingue la vision du monde de l'idéologie qu'une oeuvre peut véhiculer : «La vision du monde est de l'ordre de la perception ou de l'intuition, l'idéologie est de l'ordre du système de pensée, souvent de la doctrine». La vision du monde est le produit des structures signifiantes de l'oeuvre :

1°) la structure formelle : enchaînement des parties de l'oeuvre et leur progression, procédés narratifs, rhétorique;

2°) les «deux formes essentielles» que sont l'espace et le temps;

3°) les personnages;

4°) les thèmes, les symboles, les mythes.

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Pour penser la dialectique roman/société, Falardeau propose que le roman exprime ou préfigure la société : il est l'écho, la transposition d'éléments significatifs de la vie sociale d'une part, il est une révélation, une divination de la société, d'autre part. De la société aux oeuvres, le roman est «roman-écho»; et, des oeuvres à la société, il est «roman-révélation». Le roman, à la fois comme roman-écho et comme roman-révélation, ouvre sur l'imaginaire, dont les trois principales directions sont : le ludique, le symbolique et l'onirique. Par l'imaginaire, le roman construit ce que la société pourrait -- ou devrait -- être : une société possible...

L'imaginaire est au contenu ce que le style est à l'expression; ou plutôt, l'imaginaire est au style ce que le contenu est à l'expression, car c'est par le style que passe l'imaginaire. Le style est d'abord un écart entre l'oeuvre écrite et le langage populaire, puis un écart entre une écriture autre et l'écriture-institution des autres, et, enfin, un écart entre une écriture personnelle et les écritures contemporaines; le style est originaire, originel et original. Style et imaginaire font la vision du monde d'une oeuvre; s'il y a homologie, c'est entre les procédés stylistiques, qui sont des transcriptions esthétiques, et les réalités sociales. Alors que l'imaginaire dénonce le psychosocial et la culture, le style enfonce dans le social et dans la littérature. Style et imaginaire confèrent à l'oeuvre une autonomie absolue; autonomie par laquelle «l'oeuvre remplit une fonction sociale». En somme, le projet imaginaire de s'opposer à la société enfonce dans le style littéraire; l'oeuvre, surtout le roman, en est le résultat culturel (et donc social).

Typologie du roman québécois

Pour Falardeau, comme pour Marcotte, Robidoux et Renaud, le «roman québécois authentique» naît entre 1925 et 1940, 1933-34 marquant un tournant décisif. Comme le jeune Lukacs, c'est par le type de héros romanesque qu'il procède pour établir sa typologie du roman québécois :

1°) le héros du roman traditionnel, du roman paysan ou historique est un héros qui se veut exemplaire; sa vision du

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monde lui est donnée et il veut y correspondre comme à un modèle; il vit dans un espace québécois et rural :

Menaud, maître-draveur de Savard marque l'apothéose de ce roman du héros exemplaire; il en est la dernière incarnation : Menaud atteint le mythe par sa foi et sa fidélité; c'est un héros dramatique (tragique ou démonique, disait Lukacs);

2°) avec La Scouine de Laberge, Un homme et son péché de Grignon et les romans de Thériault, le héros n'est plus préoccupé par un modèle idéal : c'est la négation du héros exemplaire dramatique;

3°) apparaît en même temps le héros romanesque urbain : celui qui est préoccupé de modèle (chez Harvey, Desrosiers, Charbonneau, Giroux, Lemelin, Roy), celui qui ne l'est pas du tout et qui apparaît pour la première fois dans les romans de Langevin; «étape capitale, peut-être la plus révélatrice de notre roman contemporain» : «Le héros romanesque urbain sans modèle est désespéré de reconstruire autrui; trop faible pour s'affirmer contre autrui, incapable de comprendre et d'aider autrui», il est étranger au monde;

4°) le roman à héros aliéné :

cette aliénation est davantage religieuse que politique et économique; ainsi, ce qui fait «le plus grand intérêt du roman québécois, en définitive, est peut-être d'ordre théologique», conclut Falardeau.

Selon lui, l'évolution du roman québécois «a été parallèle, parfois antérieure, à l'évolution sociale du Québec français. Les personnages romanesques, à la fois échos et prophètes, ont été les annonciateurs d'un long repli léthargique, puis par la suite, d'un lent éclatement de la société. Ils témoignent du déclin de la vie rurale et des étapes de l'affrontement de la civilisation urbaine de type nord-américain. Au fur et à mesure que les groupes sociaux arrivent à la ville, ils se sentent écrasés par un univers social étranger qui les domine, qui

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détient les éléments du pouvoir économique et politique ainsi que les valeurs de la réussite. Éloignée du sol à sa base et des instruments de sa libération au sommet, la collectivité perd son identité et doit inventer un autre visage d'elle-même. Elle doit trouver de nouvelles significations au monde, à sa relation avec le monde, à son action dans le monde. De nouvelles valeurs doivent être improvisées».

Jean-Charles Falardeau. Notre société et son roman.Imaginaire social et littérature. L'essor des sciences sociales au Québec.

2) LA CRITIQUE SOCIO-HISTORIQUE : DE LA PRATIQUE À LA CRITIQUE

La critique sociologique de Lukacs et de Goldmann et la critique socio-historique ont en commun la dialectique (hégélienne ou marxienne); mais ce qui distingue les deux est la prise de parti ouvertement marxiste (communiste plutôt que socialiste) de la seconde. Ce qui distingue la critique socio-historique de la critique historique, c'est que la première s'intéresse à l'histoire sociale et non pas à l'histoire littéraire. Chez Marx et Engels, elle s'inscrit dans leur parti-pris prolétarien et dans leur critique de la philosophie, leur critique de la critique. Alors que la critique sociologique repose sur la philosophie de l'aliénation et la théorie de la réification, la critique socio-historique repose sur la philosophie (ou la double thèse) du reflet et la théorie de l'idéologie.

a) La critique philosophique de Marx et Engels

Pour Marx et Engels, la littérature est langage, c'est-à-dire conscience (ou pensée); mais parce qu'elle est langage, c'est-à-dire parce qu'elle n'est pas la «vie réelle» selon eux, elle est idéologie et non science. Quand Marx et Engels parlent de l'idéologie, il parlent entre autres choses :

. d'un langage opaque, contrairement à la science qui serait un langage transparent;

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. d'une "camera obscura", c'est-à-dire d'une image inversée des choses;

. d'une illusion qui n'a pas d'histoire et qui est conscience fausse (ou faussée), alors que la science serait conscience vraie;

. d'une superstructure sociale qui serait le reflet, c'est-à-dire la réflexion et la réfraction : la représentation et la reproduction, de l'infrastructure économique : «conditions matérielles d'existence», forces de production, capital et travail, mode de production (capitaliste).

Ce qui fait que dans une formation sociale capitaliste, la littérature est bourgeoise : idéaliste, idéologique, spéculative, comme la philosophie.

Marx et Engels. L'idéologie allemande.

Alors qu'en philosophie, Marx et Engels opposent le matérialisme à l'idéalisme, en littérature, ils se contentent d'opposer le réalisme (balzacien) au romantisme. Ils font du réalisme une esthétique du contenu, où il y a primat du contenu sur l'expression, de la réalité comme contenu de pensée, de la pensée comme forme de réalité, de la pensée comme retard sur la réalité et comme regard sur cette même réalité. Dans sa «critique de la critique critique», Marx reproche à la critique (critique) de Sue par Szeliga d'être une «fiction», une «construction spéculative» et idéaliste qui fait dépendre la réalité de la pensée, l'objet de la notion (l'idée hégélienne), les «êtres naturels» de «l'être conceptuel». Pour Marx, les «mystères» dont parle Szeliga à la suite de Sue ne sont que des objets imaginaires et non des objets de connaissance, parce qu'ils ne rendent pas compte de la réalité; selon lui, les classes sociales sont gommées dans le célèbre roman de Sue, la lutte des classes est déniée et il y a collaboration de classe entre divers personnages du roman.

Au sujet de Balzac, le débat est situé à un autre niveau : cette fois la contradiction ne se situe pas entre la réalité et la pensée, ou pas

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directement, mais entre l'idéologie de l'individu Balzac et l'écriture de l'écrivain Balzac. Selon Marx et Engels, Balzac est un partisan de l'aristocratie et même de la monarchie : il défend donc une idéologie réactionnaire; par contre, dans ses romans, il décrit, avec ses intentions et ses prétentions historiques ou ses ambitions scientifiques de savant historien, la décadence de l'aristocratie, la montée de la bourgeoisie et la situation qui en résulte dans le peuple (la paysannerie surtout). L'écriture romanesque de Balzac est donc d'une part, sinon révolutionnaire tout au moins progressiste, et, d'autre part, elle est plus proche de la réalité que celle de Sue.

Marx et Engels. La Sainte Famille. Georg Lukacs. Marx et Engels historiens de la littérature.

Jean-Louis Houdebine. Langage et marxisme.

b) La critique politique de Lénine

Il y a trois types d'intervention de Lénine à propos de la littérature:

1) les écrits sur les oeuvres et les écrivains russes : Herzen, Gogol, Nekrassov, Tourgueniev, Dostoïevski, Maïakowski, Gorki et surtout Tolstoï;

2) les écrits sur la littérature et le Parti : la question de la «littérature de parti», de la place et du rôle des intellectuels, de la lutte contre le populisme et du rôle de la presse;

3) les écrits sur la culture : les débats autour de la «culture prolétarienne», de la «culture nationale» et de l'héritage culturel.

1°) Les écrivains et leurs oeuvres

Comme il y a des contradictions en littérature et même une contradiction fondamentale entre l'écriture et l'idéologie, il y a aussi des contradictions chez les écrivains qui se retrouvent dans leurs oeuvres. Comme pour Marx et Engels, pour Lénine, il y a une contradiction principale entre l'idéologie de l'écrivain (c'est-à-dire le point de vue ou le projet) et son écriture (c'est-à-dire son oeuvre, son

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résultat); cette contradiction se trouve dans l'écriture même. C'est ce type d'intervention qu'a surtout retenue la sociocritique.

Lénine. Sur l'art et la littérature 3 tomesPierre Macherey. «Lénine critique de Tolstoï L'image dans le miroir» dans Pour

une théorie de la production littéraire. Claude Prévost. «Lénine, la politique et la littérature» (surtout «Les articles de

Lénine sur Léon Tolstoï» dans Littérature, politique, idéologie [p. 91-153]. Jean Thibaudeau. Interventions; socialisme, avant-garde, littérature [p. 147-163].

Guy Besse et al. Lénine, la philosophie et la culture.

2°) La littérature et le Parti

Selon Lénine, il faut une littérature de parti et il ne faut pas négliger le rôle de la presse dans sa diffusion. La littérature est irréductible au système d'écriture («création littéraire», «initiative personnelle», «penchants individuels», «pensée et imagination», «forme et contenu»); c'est surtout une affaire de procès de lecture et d'idéologie, d'État ou de Parti («journaux», «organisations», «maisons d'édition et dépôts», «magasins et salles de lecture», «bibliothèques et diverses librairies» : c'est par là que passe la transformation (politique et non esthétique) de la littérature (bourgeoise). Pour Lénine, il n'y a pas d'art et de littérature en dehors des classes sociales; toute littérature est une littérature de classe : l'écrivain dépend de son éditeur et de son public (aussi bourgeois). Les intellectuels doivent manifester un «esprit de parti» contre la littérature bourgeoise.

Lénine. «L'organisation du parti et la littérature de parti» dans Sur l'art et la littérature, tome 2 [p. 19-24 et p. 91-135 pour la polémique entourant

l'article de 1905].

3°) La culture

Selon Lénine, il n'y a pas de culture nationale : toute culture est une culture de classe; la culture nationale, c'est la culture de la classe dominante. La soi-disant culture populaire n'est pas la culture de la classe dominée, malgré ce que prétend et défend le populisme; la culture populaire n'est pas synonyme de culture révolutionnaire ou de

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culture prolétarienne : c'est une contradiction dans les termes comme parler d'"art prolétarien", de "littérature prolétarienne", de "philosophie prolétarienne", de "science prolétarienne". Il ne suffit donc pas d'opposer une littérature comme le réalisme socialiste à la littérature dite bourgeoise : toute littérature implique une domination, des effets de domination déterminée par la division du travail et la survalorisation du travail intellectuel. C'est ainsi que Lénine va plutôt favoriser l'élévation du niveau culturel des masses par l'alphabétisation, par l'éducation, par l'information et par la propagande (cinématographique ou monumentale), ainsi que la popularisation de l'héritage culturel.

Lénine. Sur l'art et la littérature tome 2 [p. 315-436].

c) La critique esthétique de Trotski

Trotski considère que la dictature du prolétariat ne durera que quelques dizaines d'années et qu'«avant de sortir du stade de l'apprentissage culturel, le prolétariat aura cessé d'être le prolétariat». Il distingue la culture politique et la culture artistique, celle-ci manquent au prolétariat : il n'y a pas de poésie prolétarienne, non pas parce qu'elle n'est pas prolétarienne, mais parce qu'elle n'est pas de la poésie... C'est ainsi que Trotski finira par plaider pour un «art indépendant».

Léon Trotski. Littérature et révolution.

d) Le réalisme socialiste de Staline et Jdanov

L'article de Lénine sur la littérature et le Parti va servir de caution au réalisme socialiste proposé par Jdanov, représentant de Staline dans le domaine de la culture, lors du premier Congrès des écrivains soviétiques en 1934 : l'esprit de parti et la thèse du reflet vont alors constituer une nouvelle esthétique, une soi-disant esthétique marxiste ou socialiste, ou prolétarienne. Cette esthétique du réalisme socialiste peut être résumée assez simplement :

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1) la construction du socialisme provoque la production d'une littérature socialiste;

2) la corruption et la décadence du régime capitaliste conduisent au déclin et à la décadence de la littérature bourgeoise;

3) seule la littérature soviétique est révolutionnaire;

4) la littérature soviétique est héroïque et optimiste, parce que ses écrivains sont les «ingénieurs des âmes» (selon Staline);

5) la méthode de la littérature et de la critique littéraire appelée la méthode du réalisme socialiste consiste à : «connaître la vie afin de pouvoir la représenter véridiquement dans les oeuvres d'art, la présenter non point de façon scolastique, morte, non pas simplement comme la "réalité objective", mais représenter la réalité dans son développement révolutionnaire»;

6) la littérature soviétique est tendancieuse; c'est une littérature de classe comme toute littérature;

7) être «ingénieur des âmes», c'est-à-dire pratiquer le réalisme socialiste en littérature et en art, «cela veut dire avoir les deux pieds sur le sol de la vie réelle» : rompre avec le romantisme traditionnel et lui opposer le romantisme révolutionnaire dominé par le héros prolétarien à l'esprit positif et optimiste;

8) on ne peut être réaliste socialiste si on ne possède pas la maîtrise littéraire : une «langue riche» pour des oeuvres au «contenu idéologique et artistique élevé».

Contrairement à Lénine, le réalisme socialiste confond donc littérature soviétique, littérature nationale, littérature populaire, littérature socialiste, littérature prolétarienne et littérature révolutionnaire. Le réalisme socialiste, en littérature et en art, est le produit de la philosophie du reflet et de la théorie -- théorie chère á Staline -- des forces productives (de leur primat sur les rapports de production) dans le champ de la culture (Marr en linguistique et Lyssenko en biologie, en plus de Jdanov). Dans et par le réalisme socialiste, est institué et

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perpétué le métier d'écrivain : le réalisme socialiste insiste davantage sur l'élévation artistique des oeuvres littéraires que sur l'élévation politique du niveau culturel des masses.

Collectif. Esthétique et marxisme.

e) Le populisme de Gramsci ou de Mao

Comme Lénine dans ses écrits sur la culture et contrairement à Trotski, Gramsci ne plaide pas en faveur d'une art nouveau mais pour une culture nouvelle et donc pour l'élévation du niveau culturel des masses : pour une élévation politique par la popularisation (littérature populaire, littérature de masse, para-littérature, sous-littérature, feuilleton; celui-ci étant l'origine de l'idée de surhomme au XIXe siècle, selon Gramsci).

Ce qui importe à Gramsci n'est pas de savoir pourquoi une oeuvre populaire n'est pas une oeuvre littéraire, selon des critères artistiques ou politiques, mais de voir comment et pourquoi c'est un succès de librairie et de voir quel est son efficace : quel est l'efficace de la littérature populaire comme folklore, qui est une voie d'accès à la connaissance pour le peuple et qui est une «conception du monde et de la vie, dans une grande mesure implicite, de couches déterminées (dans le temps et l'espace) de la société, en opposition avec les conceptions du monde "officielles"».

C'est le sens commun qui crée le futur folklore et qui est le folklore de la philosophie ou une conception populaire; tandis que la religion est la philosophie des foules et que la philosophie est le sens commun des intellectuels, la religion des intellectuels... Ce qui importe finalement à Gramsci, ce n'est pas le folklore ou la littérature mais l'étude que l'on peut en faire.

Ce qui amène Gramsci à s'attarder au rôle hégémonique des intellectuels, qui constituent une couche plutôt qu'une classe sociale : des intellectuels traditionnels ou des clercs, qui n'appartiennent pas aux classes fondamentales du mode de production déterminant, sont distingués les intellectuels organiques de la bourgeoisie (lesdits grands

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intellectuels comme Croce) et ceux du prolétariat : le Parti comme Prince moderne est un intellectuel organique collectif.

Antonio Gramsci. Gramsci dans le texte.

Pour Mao, les intellectuels complets contribuent à la transformation de la culture par le primat de la popularisation sur la création et par l'alphabétisation. Ils allient la lutte idéologique sur le front culturel à la lutte politique par la littérature de parti. Il doit y avoir formation des intellectuels pour leur inculquer une position de classe prolétarienne et une attitude populaire en face d'un public déterminé et homogène; l'étude doit conduire à la liaison avec les masses et à la rééducation par le langage et le style des masses.

Partisan du réalisme socialiste, Mao distingue d'une part un critère artistique (l'élévation du niveau esthétique des oeuvres, sa propre activité poétique) et un critère politique (le rôle des intellectuels dans l'élévation politique du niveau culturel des masses); d'autre part, il s'attarde toujours au primat de la ligne politique sur la ligne idéologique, de la ligne idéologique sur la ligne culturelle, en vue de l'abolition de la division du travail entre le travail manuel et le travail intellectuel -- de là, les jadis trop célèbres Gardes rouges...

Mao Tsé Toung. Sur la littérature et l'art.

f) Le fonctionnalisme de Trétiakov

Pour Trétiakov, l'idéologie n'est pas dans la matériau de l'art, mais dans sa forme, ou plutôt dans sa fonction de plus en plus formelle, esthétique, élitique; il faut donc transformer sa fonction. L'art ne doit plus être une drogue, être esthético-endormant, comme dans les sociétés féodalistes ou capitalistes, où il y a primat des tripes par la fiction; au contraire, dans les sociétés socialistes, il doit y avoir primat de l'intellect par le documentaire et le journal, où prévaut le fait. Contre le roman de «l'homme-héros», il doit y avoir plutôt construction du récit par une méthode qui est celle de la «biographie de l'objet».

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Pour le reportage et l'essai et contre le récit et le roman, il ne saurait y avoir pour Trétiakov de «Tolstoï rouges» : à l'épopée tolstoïenne, il oppose l'épopée moderne, qui n'est pas le roman (comme chez Lukacs) mais le journal. Pour une écriture sans fiction, Trétiakov est amené à remettre en question le métier d'écrivain et à prôner la désindividualisation et la déprofessionnalisation, s'attaquant ainsi à la division sociale du travail qui valorise et favorise le travail de l'écrivain parce qu'intellectuel et individuel; il va même jusqu'à proposer de planifier la production de livres par la commande sociale. Ainsi le travail littéraire n'est-il plus un art mais un artel : l'art (individuel) de l'écrivain et le cartel des éditeurs doivent être remplacés par l'artel (collectif) des journalistes.

Serge Trétiakov. Dans le front gauche de l'art.

g) La critique du réalisme par Brecht

Pour Brecht, il ne suffit pas non plus de procéder à l'interprétation de la fiction (théâtrale) ou de prétendre à la transformation de la fiction littéraire par le réalisme, qui n'est qu'un "contenutisme", un formalisme des contenus. Selon lui, le réalisme n'est pas un ensemble de modèles ou de procédés esthétiques; c'est «l'adéquation entre un projet politique engagé dans une pratique (celle qui vise à la maîtrise de la nature et de la société) et l'utilisation de techniques littéraires appropriées (ces dernières étant en fait des procédés de représentation de la réalité)». Le réalisme littéraire ou théâtral est un réalisme politique (lié au socialisme) et un réalisme philosophique (lié à la thèse du reflet).

Bertolt Brecht. «Sur le réalisme» dans Écrits sur la littérature et l'art 2. Bernard Dort. Théâtre réel.

J.- M. Lachaud. Brecht, Lukacs.

La transformation du théâtre a lieu par la distanciation, c'est-à-dire non pas seulement ni surtout par le texte mais par la mise en scène. La distanciation est la distance entre l'acteur et le personnage et la différence entre la réalité et le théâtre. Elle a, selon nous, ses limites :

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1°) le théâtre continue de ne pas aller aux spectateurs, au public;

2°) le rapport privilégié auteur/pièce/comédiens est maintenu ou préservé par la mise en scène;

3°) ce que la distanciation dénonce ou annonce est souvent perdu dans ce qu'elle énonce, dans un scientisme ou un dualisme qui peut être vécu par le spectateur, soit comme populisme : "voir quelqu'un pointer la lune du doigt et ne voir que la lune" (slogan, réalité sans signification : «aliénation économique» selon Perniola), soit comme élitisme : "voir quelqu'un pointer le lune du doigt et ne voir que le doigt" (affiche, signification sans réalité : «aliénation artistique» selon le même Perniola).

Walter Benjamin. Écrits sur Bertolt Brecht. Martin Esslin. Bertolt Brecht.

Louis Althusser. Pour Marx [p. 142-152].

h) La critique de l'esthétique aristotélicienne par Boal

Au théâtre, l'esthétique de la praxis d'un Brecht se distingue de l'esthétique de la catharsis d'Aristote (et de Hegel), pour qui le comédien pense et agit selon l'auteur; le comédien est sujet et le spectateur est objet. Chez Brecht, le comédien agit et le spectateur pense, grâce à la distanciation qui s'oppose à la mimesis; le comédien est objet et le spectateur est sujet, mais l'auteur demeure. Chez Boal, le spectateur pense et agit; il est comédien, mais il joue son propre rôle d'opprimé; l'auteur est donc remis en question (par le «joker»).

Boal met de l'avant un théâtre sans spectacle, qui casse la séparation scène/salle, qui va vers le public et qui transforme les spectateurs en comédiens et en auteurs. Tandis que Brecht résout le théâtre tragique (ou dramatique) par le théâtre épique, Boal dissout le spectacle de théâtre par un théâtre sans spectacle. Le «théâtre de l'opprimé» est un théâtre d'intervention et d'action qui s'oppose à la représentation et au réalisme; c'est un théâtre-journal, un théâtre-statue, un théâtre-forum ou un théâtre invisible (mise en scène qui n'est pas spectacle mais

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mise en cause et en action). Dans une «dramaturgie simultanée», il y a conquête des moyens de production théâtrale.

Selon Boal, il existe un «système tragique coercitif» chez Aristote, où l'art imite la nature, qui est un mouvement vers la perfection. L'imitation est donc une recréation des actions humaines (rationnelles) par rapport aux activités qui, elles, peuvent être irrationnelles. Le héros tragique (ou le protagoniste) est guidé par son ethos (capacités, habitudes, actions) et par la dianoïa (pensée, discours); mais il est en proie à un défaut tragique ou une imperfection, l'hamartia (cause irrationnelle). Il y aura alors anagnôrisis, reconnaissance du défaut comme tel par le protagoniste, ce qui donne raison à la société. À partir de là, le spectateur sera en proie à l'empathia, qui est un compromis émotionnel du spectateur à qui on enlève la possibilité d'agir, qui délègue les pouvoirs de l'action au personnage dans une attitude passive, et par lequel compromis il y a identification du spectateur, dans la pitié et la crainte, au protagoniste. Par la catharsis, il y aura enfin correction de l'imperfection, purification ou purgation, apaisement, intimidation, coercition, répression, punition : la tragédie est donc une sorte de procès.

Augusto Boal. Théâtre de l'opprimé.

Il semble que Boal confonde la théorie esthétique de la tragédie d'Aristote et la tragédie elle-même et qu'il n'aille pas aussi loin que la théorie du tragique de Nietzsche et que le théâtre sans théâtre d'un Artaud : le «joker» ou le «jockey» y est encore un résidu de l'auteur ou de l'acteur-protagoniste. Elle a cependant, en commun avec Fischer, un retour à la pratique. Pour ce dernier, l'art sociologique n'est pas un art social ou politique, un art populaire ou un art révolutionnaire; il ne représente pas et ne met pas en scène le social : il met en question, en cause, l'idéologie bourgeoise de cette représentation du social et qui est l'idéologie de la représentation présente dans le réalisme (par la thèse du reflet). C'est donc une mise en pratique de la théorie sociologique comme interprétation élaborée d'un fait social; ce n'est pas seulement une sociologie de l'art, mais une pratique dont la démarche est utopique, négative et critique. La

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pratique sociologique, depuis une socio-analyse de l'art, est à la fois théorie sociologique et art sociologique. En cela, Fischer, rejoint l'idéologie des mouvements d'avant-garde : dadaïsme, surréalisme, futurisme, etc.; pour l'avant-gardisme, l'art change le monde...

Friedrich Nietzsche. La naissance de la tragédie et La naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque.

Antonin Artaud. Le théâtre et son double. Jacques Derrida. «Le théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation» dans

L'écriture et la différence. [p. 341-368]. Hervé Fischer. Théorie de l'art sociologique.

Jean-Marc Lemelin. La grammaire du pouvoir.

3) LA THÉORIE CRITIQUE : DE LA CRITIQUE À LA THÉORIE

La théorie critique a été élaborée dans les années 1920-1930 par l'École de Francfort, plus particulièrement par Horkheimer et Adorno; les autres principaux membres sont Benjamin, Marcuse et Habermas. La théorie critique est une nouvelle critique de la raison, de ses impasses, de ses apories, de ses antinomies. L'École de Francfort s'oppose au néo-kantisme (qui sépare les jugements de faits et les jugements de valeurs), au réalisme de Lukacs, au réalisme socialiste, à la phénoménologie de Husserl autant qu'à celle de Hegel en philosophie, ainsi qu'au stalinisme et au fascisme en politique. Il y a un retour certain à Kant, par un certain détour par Nietzsche, qui est, lui aussi, un critique de la raison, mais pas au profit de l'entendement et du jugement.

Selon Adorno, «la pensée possède un moment d'universalité» : le penser implique le faire. Il y a donc refus du dogme de l'unité de la théorie et de la praxis, car la praxis est source de théorie, mais elle n'est pas recommandée par elle. Il y a impossibilité d'une connaissance rationnelle de la totalité. Contre la phénoménologie et l'épistémologie, Adorno dénonce l'imposture d'une pensée d'une science de la philosophie et il revendique l'utopie, qui est le «signe du vrai en opposition avec la fausseté de la totalité». Aussi, la dialectique

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négative, qui est la méthode de la théorie critique, est-elle une dialectique à deux moments, voire à un seul moment : celui de la négativité...

Alors que pour la sociocritique, il y a identité totale ou partielle du sujet et de l'objet, pour la théorie critique, il y a non-identité du sujet et de l'objet. Pour la première, il y a aliénation, parce que la totalité est faussée par la réification; pour la seconde, il y a aliénation parce qu'il y a fausseté de la totalité. Pour la sociocritique, l'art a une valeur d'usage; ce qui corrompt l'art, c'est la valeur d'échange (le fétichisme de la marchandise). Pour la théorie critique, l'art est vérité, liberté, authenticité dans son essence; c'est une force productive contre les rapports de production dominants. Pour la sociocritique et son esthétique positive, la littérature est conceptuelle; pour la théorie critique et son esthétique négative, elle est mimétique. Les deux partagent l'élitisme des grandes oeuvres : réalistes pour la sociocritique, avant-gardistes pour la théorie critique. La philosophie de l'aliénation de la sociocritique est en quête d'une médiation, d'une nouvelle totalisation; la dialectique négative de la théorie critique est en quête d'une utopie. Les deux rejettent la philosophie du reflet de la critique socio-historique et de son esthétique objective, surtout celle du réalisme socialiste.

Max Horkheimer. Théorie critique et théorie traditionnelle et Théorie critique. Theodor Adorno. Dialectique négative.

Horkheimer et Adorno. La dialectique de la raison.

1) Le technicisme de Benjamin

Partisan du théâtre épique de Brecht, Benjamin favorise la transformation de la littérature davantage que l'interprétation de l'écriture (par l'identification cathartique ou l'illusion mimétique). Il refuse de séparer la tendance politique juste et la tendance artistique (littéraire) juste, car celle-là inclut celle-ci, comme la fonction inclut la position; c'est cette tendance littéraire «qui assure la qualité de l'oeuvre» : «ne peut être politiquement juste que ce qui est

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littérairement juste». C'est par la technique qu'il y a dépassement de l'opposition de la forme et du fond ou du contenu et qu'il y a rapport entre la tendance et la qualité de l'oeuvre : détermination de «la fonction qui revient à l'oeuvre au sein des rapports de production littéraires d'une époque».

C'est pourquoi, à la suite de Brecht, Benjamin prêche pour la transformation de la fonction de l'art : il ne faut pas se contenter d'approvisionner «l'appareil de production», il faut le transformer; il ne suffit pas de continuer à l'approvisionner avec un contenu dit révolutionnaire (réalisme socialiste). Mais cette transformation de la fonction de l'art ne passe que par la technique : le progrès technique est la base du progrès politique. Sans la technique, un auteur n'apprend rien aux écrivains et un auteur qui n'apprend rien aux écrivains n'apprend rien à personne, selon Brecht.

Benjamin insiste sur le caractère déterminant de la production comme modèle pour entraîner les producteurs à la production et mettre à leur disposition un appareil amélioré; «cet appareil est d'autant meilleur qu'il entraîne plus de consommateurs à la production, bref qu'il est à même de faire des lecteurs ou des spectateurs des collaborateurs». Le rôle de l'intellectuel est ainsi de faire progresser la socialisation des moyens intellectuels de production; la prolétarisation de l'intellectuel ne peut pas contribuer à cette socialisation, contrairement à ce que prône l'idéologie de la révolution culturelle de Mao... Selon Benjamin, «la théorie selon laquelle le niveau des progrès techniques, qui aboutissent à un changement de la fonction des formes artistiques et par là des moyens intellectuels de production, serait un critère déterminant pour une fonction révolutionnaire de la littérature».

Walter Benjamin. «L'auteur comme producteur» dans L'homme, le langage et la culture.

Par ailleurs, «par principe même, l'oeuvre d'art a toujours été susceptible de reproduction»; mais la reproduction technique, elle, est tout à fait nouvelle. L'authenticité de l'oeuvre ne peut cependant être toute reproduite : «[c]e qui fait l'authenticité d'une chose est tout ce qu'elle contient d'originairement transmissible, de sa durée matérielle

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à son pouvoir de témoignage historique». Parce qu'elle ne peut pas être toute reproduite, l'authenticité de l'oeuvre en est dévaluée : au temps des techniques de production, l'aura de l'oeuvre est atteinte. L'aura, c'est «l'unique apparition d'un lointain, si proche qu'il puisse être»; c'est la valeur cultuelle, la valeur d'usage désormais perdue : «l'oeuvre d'art ne peut que perdre son aura dès qu'il ne reste plus en elle aucune trace de sa fonction rituelle»; nous n'avons plus le culte de l'art. Au début, la valeur d'unicité de l'oeuvre se fonde sur un rituel qui est le support de la valeur d'usage de l'oeuvre; maintenant, l'art se sécularise et devient politique et non plus religieux : il n'est plus sacré mais profane. La fonction cultuelle ou rituelle dominée par la valeur d'usage (l'aura) est donc remplacée par la fonction culturelle dominée par la valeur d'échange, la valeur d'exposition caractéristique de l'industrie culturelle.

Face à cette constatation de la perte de l'aura et du changement de fonction de l'art, Benjamin se tourne vers des formes d'art comme le cinéma qui, par la technique, peut atteindre les masses; il plaide pour «une forme d'accueil par la voie du divertissement», qui est à la fois recueillement mystique (l'individu se plonge dans l'oeuvre) et divertissement mythique (l'oeuvre pénètre dans la masse). Enfin, en art comme en politique, Benjamin oppose le communisme au fascisme. Le fascisme est l'esthétisation, le devenir-esthétique, de la vie politique, dont le point culminant est la guerre, dans laquelle sont entraînées les masses; pour les fascistes «la guerre est belle» (selon le slogan du futuriste fasciste italien Marinetti). Le communisme est la politisation de l'art, son devenir-politique, auquel les masses contribuent et participent.

Walter Benjamin. «L'oeuvre d'art à l'ère de la reproductivité technique» dans Essais sur Bertolt Brecht. Mythe et violence. Poésie et révolution.

Origine du drame baroque allemand. Baudelaire.

Recherches internationales à la lumière du marxisme # 87.

Matvejevitch. Pour une poétique de l'événement.

b) La théorie esthétique d'Adorno

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Selon Adorno, l'art est, dans son essence même, liberté; la liberté est l'essence de l'art, ou son concept. La liberté est émancipation en face de la réalité empirique, de la totalité; elle est aussi proposition d'un univers qui est dénonciation de cette réalité, de la fausseté de la totalité, et protestation contre elle. La liberté de l'art est synonyme d'autonomiede l'art; c'est sa spécificité et son inutilité, celle-ci étant la force ou la valeur de l'art : son contenu de vérité que peut révéler une analyse technique interne poussée.

Mais l'art a perdu son essence à cause des lois du marché, de la valeur d'échange, du capital, de l'aliénation, de la totalité, de la totalité comme aliénation ou fausseté, de la totalisation et de la totalitarisation par la raison et à cause de la proximité du public, du commerce, de l'industrie culturelle. Cette perte de liberté de l'art, perte de sa spécificité et de son autonomie, fait que l'art se trouve dans une situation aporétique : après s'être libérée de sa fonction cultuelle (ou religieuse), il est devenu prisonnier de sa fonction culturelle, de sa fonction d'exposition. La fonction d'exposition, par l'industrie culturelle, fait de l'art une marchandise et un véhicule idéologique (au service de la domination), rendant impossible tout art révolutionnaire. L'art est donc équivoque et paradoxal, parce qu'il est vérité (liberté), mais dans la fausseté de la réalité à laquelle il participe et contribue, même quand il la transforme.

Pour transformer la réalité, qui est fausseté de la totalité, l'art doit retrouver son essence; pour retrouver son essence et sortir de sa situation aporétique, il faut que l'art, dans sa perte, révèle son contenu de vérité, contre l'absurdité de la réalité. À la fausseté de la réalité, il faut opposer la vérité de l'art dans son inutilité : à la fausseté de la totalité, il faut opposer la vérité de la négation esthétique, de la négativité; la négation n'est pas aliénation comme chez Hegel, mais négation de l'aliénation, de la totalité comme aliénation. La négativité de l'art se retrouve surtout dans l'avant-garde, dans la puissance négatrice de l'oeuvre de Beckett selon Adorno, qui ne cache pas son élitisme en s'opposant au réalisme -- la théorie critique n'a que faire de la réalité, d'une prise de parti en faveur de la réalité -- et au populisme (du jazz et du cinéma, par exemple).

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C'est par la forme comme contenu de vérité que l'oeuvre d'art transforme la réalité : la forme est technique; elle est l'équivalent esthétique des forces économiques productives; elle est force : intensité. La forme «a sa place précisément là où l'oeuvre se détache du produit»; elle est «la marque du travail social et «le langage polémique de l'oeuvre» : «[c]'est par la forme, "synthèse non violente du dispersé", que l'oeuvre conserve les contradictions dont elle est issue. La forme constitue en ce sens un déploiement de la vérité»; elle est «contenu sédimenté».

L'extension du concept de forme a pour conséquence d'éclairer le rapport entre le contenu, le matériau et le sujet : le contenu, c'est ce qui se passe (le récit, en somme); le matériau, c'est ce dont dispose le producteur et qui entre dans sa manière de procéder (l'écriture, donc); le sujet ne se définit que dans son opposition à la forme, opposition rejetée par Adorno. La forme est la médiation entre le produit et l'oeuvre, entre l'intention du produit et le sens de l'oeuvre, entre le projet (intentionnel, intentionné et attentionné) et le résultat : «[l]a forme, c'est-à-dire la structuration des éléments, est un contenu sédimenté dans la mesure où l'articulation technique permet de maintenir dans ce contenu ce qui autrement serait oublié et [qui] ne serait plus capable de parler directement». La forme est une réaction contre la formule traditionnelle.

Que l'art soit social, non pas par une «prise de position manifeste», est une évidence sans grand intérêt; ce qui est moins évident, c'est qu'il a aussi un caractère asocial : il est «la négation déterminée de la société déterminée». Par sa seule présence, par sa seule existence, l'art critique la société. «Paradoxalement, la fonction sociale de l'art réside alors dans son absence de fonction», son inutilité. Mais engagé ou autonome, il peut être intégré, neutralisé : la neutralisation est le prix de l'autonomie. Cela ne peut mener l'art qu'à l'aporie : c'est parce que l'oeuvre est à la fois polémique et idéologique, polémique par sa présence et idéologique par son rapport à la domination, qu'elle est aporétique. L'oeuvre ne réussit pas à sortir de cette aporie par le refus de la communication, par l'abstraction (la non-figuration ou la non-représentation) : c'est là une condition nécessaire mais insuffisante. Ce qu'il faut à l'oeuvre, c'est l'expression : une sorte de synthèse suprême

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de la forme et du contenu. L'expression n'est pas engagement à la Brecht ou non-engagement (l'art pour l'art), mais renoncement et négation : c'est dans le désespoir que l'espoir est le plus vivace; il ne peut y avoir qu'un «espoir négatif»...

En résumé, l'art est social et utopique et non atopique; son utopie est fondée sur le développement topique des forces productives et elle se justifie de la fausseté de la totalité (la barbarie du fascisme de l'époque). L'art est donc à la fois autonome et hétéronome : il se sépare de la réalité par son effet sur elle, mais il y retourne sous une autre forme qu'esthétique, sous une forme industrielle. Le contenu de vérité de l'art, son aura en somme, fait sa valeur, et non un quelconque contenu de réalité comme pour le réalisme. Pour l'esthétique de la raison héritée de Hegel, l'essence de l'art réside en la beauté de la valeur ou du concept; pour l'éthique du jugement héritée de Kant, dont s'inspire la théorie critique, l'essence de l'art réside en sa valeur de vérité, de liberté.

Theodor Adorno. La théorie esthétique. Autour de la théorie esthétique. Philosophie de la nouvelle musique. Essai sur Wagner. Musique de

cinéma. Mahler.

Marc Jimenez. Adorno : art, idéologie et théorie de l'art.

c) L'esthétique critique de Marcuse

Marcuse présuppose qu'il y a une esthétique marxiste, mais qu'il faut opposer une esthétique critique à l'esthétique orthodoxe du réalisme socialiste. Reprenant grosso modo la théorie esthétique d'Adorno qu'il vulgarise, Marcuse propose lui aussi que l'oeuvre d'art a une qualité et une vérité et que c'est dans l'oeuvre d'art même, identifiée à la «forme esthétique» que se trouve le «potentiel politique». L'oeuvre d'art a son contenu de vérité, sa forme, qui fait sa valeur et sa force. L'art est quasi autonome et il transcende les rapports sociaux; ce qui fait que l'art, réduit à l'art d'avant-garde, est subversif et qu'il s'oppose à la «conscience dominante». Ainsi l'art peut-il être qualifié de révolutionnaire. Il est une force de production étrangère aux rapports de production; il est une telle force parce qu'il est forme et parce qu'il

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est subjectivité, en laquelle il y a un potentiel révolutionnaire d'opposition à la «socialisation agressive exploiteuse»... Marcuse en arrive à parler du pouvoir de la beauté : le Beau étant le principe de plaisir (ou d'Eros) contre le principe de réalité; l'art est à la fois esthétique et érotique.

Herbert Marcuse. La dimension esthétique.

4) LA CRITIQUE RADICALE

La critique radicale de Perniola s'oppose à l'idéologie esthétique en tant qu'elle considère que l'art n'est pas une catégorie ontologique, une essence esthétique (qui serait la beauté ou la vérité), mais une catégorie historique et sociale; l'histoire sociale est donc l'origine du concept d'art même. La critique radicale n'est pas seulement une critique de l'esthétique, mais aussi une critique de l'art lui-même comme catégorie historique et de l'émergence de son concept.

La critique radicale a comme point d'ancrage la catégorie de totalité : pour Perniola, la totalité n'est pas aliénation; mais s'il y a aliénation (comme le postule la sociocritique), rien ne lui échappe, et donc l'art y participe et y contribue (malgré ce que prétend la théorie critique). La totalité est l'unité de la signification et de la réalité ou du sujet et de l'objet dans le concept; l'aliénation est leur séparation. Ainsi, la critique radicale cherche à voir comment il y a séparation idéologique, sous le capitalisme, de la réalité et de la signification et comment -- dans un même geste -- l'économie se présente comme totalité (en déniant l'art) et l'art se présente comme totalité (en déniant l'économie). L'art et l'économie sont des catégories totalitaires : des pseudo-totalités (des modalités et non des nodalités, comme la signification et la réalité)...

L'économie est réalité sans signification : matérialité ou passivité réelle; elle fonctionne à l'hétéro-référence, c'est-à-dire que sa

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manifestation présuppose un terme extérieur, la valeur d'échange, qui conduit à l'aliénation de la réalité de la signification. L'art est signification sans réalité : idéalité ou activité idéale (ou idéelle); il fonctionne à l'auto-référence, par laquelle il y a renvoi du produit à l'opération qui conduit à l'aliénation de la signification de la réalité. «L'économie monopolise la réalité; l'art monopolise la signification».

L'économie et l'art sont des «opposés complémentaires»; c'est-à-dire qu'ils constituent la contradiction fondamentale de la totalité ou, plutôt, la contradiction générale (dérivée) de la contradiction fondamentale réalité/signification de la totalité. L'aliénation économique est aliénation de la réalité; la réalité y est aliénée parce qu'en elle, la nécessité, qui est un prédicat de la réalité, devient sujet, en se transformant ainsi en matérialité, et la réalité devient le prédicat de la nécessité : réalité aliénée.

L'aliénation artistique est aliénation de la signification; la signification y est aliénée parce qu'en elle, la liberté, qui est un prédicat de la signification, devient sujet, en se transformant en idéalité, et la signification devient son prédicat : signification aliénée; ce que Lukacs avait déjà entrevu dans l'art devenu moralité à cause de la réification... Dans l'aliénation artistique, il y a aliénation de la signification par la liberté; dans l'aliénation économique, il y a aliénation de la réalité par la nécessité. Mais la liberté et la nécessité ne sont que des prédicats de la totalité, des attributs du sujet; la signification et la réalité sont les attributs ou les propriétés de la totalité.

Pour Perniola -- ici très hégélien (jusqu'à ne plus l'être) --, l'aliénation n'est pas réification mais séparation; il y a dans l'aliénation quelque chose de positif, une dimension positive qui constitue l'art et l'économie mais qui leur échappe (comme il échappe à la totalité) : c'est le résiduel. L'aspect résiduel de l'art est le désir ou l'imagination : le monde imaginé ou aliéné; en ce sens, l'art est l'aliénation du désir, désir aliéné : il est au-dessous du désir. L'aspect résiduel de l'économie est la lutte des classes : l'économie est l'aliénation du travail, travail aliéné; mais le travail n'est pas lui-même une activité aliénée, puisqu'il n'est pas une activité mais une passivité et non

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créativité. Dans une «Histoire totale», la lutte des classes et le désir constitue la vie quotidienne; la réalité et la signification égalent la réalisation critique en plus de la critique radicale; l'activité réelle et la réalité significative sont ou font la totalité.

À cause de son aspect résiduel, de son résidu, la réalisation de l'art n'est pas la (ré)solution esthétique de l'art par l'art; c'est la dissolution (critique) de l'art, la fin de l'aliénation étant la fin de l'art (prévue par l'esthétique de Hegel, qui voit l'art dépassé par la religion, puis par la philosophie dans la savoir absolu) : le résidu empêche la résolution de l'art par l'art. Il n'y a pas d'art ou d'économie révolutionnaire, les deux étant inséparablement liés au monde bourgeois. La révolution,, comme abolition des séparations, se situe donc au delà de l'art et de l'économie. La fin de l'aliénation serait la fin de la séparation et la réalisation de la signification, ainsi que la fin de la vie quotidienne, vie quotidienne qui est pourtant le moteur du processus historique, parce qu'elle est à la fois désir ou imagination et lutte des classes.

Dans et par l'aliénation économique, le travail voit son être réduit à un paraître; la marchandise n'a d'être que l'avoir; l'insécurité et la misère conduisent au sacrifice ou à la guerre; le luxe n'y est qu'illusion (fausse conscience de l'économie) et prétention (idéologie qui consiste à asservir la signification à l'économie).

Historiquement, au niveau de l'aliénation artistique, la poésie, «langage significatif idéal», a cédé la place à la tragédie dans l'Antiquité; le poème, puis le dithyrambe primitif, a été remplacé par la tragédie : le théâtre, le comportement théâtral, s'est substitué au langage poétique; l'oeuvre d'art s'est constituée en objet artistique. Au niveau de l'aliénation économique, le langage commun (matériel), le langage économique, s'est fait représentation, comportement économique : idéologie théorique, puis politique (l'isonomie de la démocratie : l'égalité devant la loi) et, enfin, spectacle; l'objet économique est constitué en marchandise industrielle. L'oeuvre d'art, comme objet du tyran (dans l'Antiquité), de l'artisan (au Moyen-Âge) et de l'artiste (depuis la Renaissance), devient une simple marchandise industrielle, qui doit être soumise au détournement.

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Les trois dimensions de la critique radicale sont donc : la théorie dialectique -- plutôt que critique, malgré ce qu'affirme lui-même Perniola -- dans son langage, l'action exemplaire dans son comportement et le détournement en face des objets : ici, Perniola rejoint Debord. Ces trois dimensions opposent la critique radicale à l'aliénation économique et à l'économie politique d'une part, et, à l'aliénation artistique et à l'esthétique d'autre part.

Mario Perniola. L'aliénation artistique. Guy Debord. La société du spectacle.

Jean-Marc Lemelin et O'Neil Coulombe. Le pouvoir de la grammaire.

C) LE RÉCIT CONSTITUTIONNEL

Le récit constitutionnel est au discours institutionnel ce que la théorie littéraire est à la critique littéraire; c'est le parcours social et historique de la littérature, parcours que présuppose le discours institutionnel : le parcours est au discours ce que le volume est à la surface qu'il inclut; il en est ainsi la profondeur (de champ). Le récit constitutionnel (et constitutif) de la littérature est au système esthétique de l'écriture qu'il inclut ce que l'architexte -- ici sans trait d'union = la tradition de la lecture et la lecture de la tradition -- est au texte. De la même manière, le régime socio-historique de l'archi-texte est au système esthétique du texte ce que les rapports de production (ou le travail) sont aux forces de production (ou au capital) : ce que la révolution -- au sens (géométrique) de "tourner en rond" -- est à l'évolution...

1) L'ESTHÉTIQUE DE LA RÉCEPTION

Nous allons d'abord examiner un exemple d'herméneutique théorique inspirée d'une philosophie singulière : la phénoménologie; nous avons nommé l'esthétique de la réception de Jauss et de l'École de Constance.

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Selon Jauss, l'art, donc la littérature, a d'abord et avant tout une fonction de communication; s'il l'a perdue, il doit la retrouver. La communication est une praxis [activité] impliquant l'auteur, l'oeuvre et le lecteur. L'auteur, comme destinateur ou émetteur, est l'origine de la production ou de la poiêsis [action]. L'oeuvre est à la fois code, message et artefact; elle est le lieu de la mimesis et de la catharsis ou de la semiosis [raison, signification] et elle passe par la distribution, la circulation, l'échange. Le lecteur, comme destinataire ou récepteur et dans la consommation, est sujet à l'aistêsis [sensation] ou à l'esthesis[sensibilité, passion].

L'oeuvre est le résultat de la convergence du texte et de sa réception. Entre l'auteur et le texte, il y a un jeu de questions et de réponses qui est lié à l'action ou à l'effet de et sur la tradition. Lors de la réception du texte, il y a aussi un jeu de questions et de réponses de la part du lecteur, par lequel jeu il y a sélection par rapport à la tradition, c'est-à-dire le corpus d'oeuvres connues ou reconnues. La tradition résulte elle-même d'une identification synchronique ou diachronique de l'horizon d'attente et du consensus ou des canons esthétiques qui constituent le code esthétique des lecteurs.

L'horizon d'attente peut être social ou littéraire. L'horizon d'attente social résulte du code esthétique, d'une sorte d'habitus; c'est un ensemble de formes et de normes. L'horizon d'attente littéraire peut conduire, par un écart, à un changement d'horizon. L'art a une fonction de création sociale, de création de normes : il n'est pas seulement réalisation ou rupture des normes, ni non plus transmission des normes; par la création, par la transmission ou même par une rupture par rapport à la norme, il y a fusion des horizons : événement littéraire ou artistique. La fusion de l'horizon d'attente social et de l'horizon d'attente littéraire est caractéristique de la grande production.

Le concept d'horizon d'attente est le concept central de l'esthétique de la réception : «L'analyse de l'expérience littéraire du lecteur échappera au psychologisme dont elle est menacée si, pour décrire la réception de l'oeuvre et l'effet produit par celle-ci, elle reconstitue l'horizon d'attente de son premier public, c'est-à-dire le système de références objectivement formulable qui, pour chaque oeuvre au moment de

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l'histoire où elle apparaît, résulte de trois facteurs principaux : l'expérience préalable que le public a du genre dont elle relève, la forme et la thématique d'oeuvres antérieures dont elle présuppose la connaissance, et l'opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne».

Lorsque l'esthétique de la réception propose de retourner à l'horizon d'attente primitif, elle ne peut le faire qu'en s'en remettant à l'horizon d'attente social : les circonstances socio-historiques de la réception; pour l'horizon d'attente littéraire, elle doit s'en remettre au métatexte, c'est-à-dire à ce qui a été publié sur ou autour d'un texte dans les journaux, les magazines, les revues, etc. C'est donc dire que la reconstitution (historique) de l'horizon d'attente n'est jamais que la constitution (littéraire) d'un tel horizon par l'herméneutique. Ainsi y a-t-il reconstitution de l'horizon d'attente social par la constitution d'un horizon d'attente littéraire. En un mot, il n'y a pas reconstitution d'un horizon (passé), mais seulement horizon de constitution (présent) : selon Derrida, ici fidèle à la phénoménologie de Husserl, «il n'y a pas de constitution -- donc de reconstitution -- des horizons; il n'y a que des horizons de constitution»...

H. J. Jauss. «Littérature médiévale et théorie des genres» dans Poétique 1 et «Littérature médiévale et expérience esthétique» dans Poétique 31, ainsi que Pour

une esthétique de la réception. Jacques Michon. Structure, idéologie et réception du roman québécois de 1940 à

1960. CELC # 3; Sherbrooke; 1979. CELC # 7.

Poétique 39. Degrés 28.

Revue des sciences humaines 177. Walter Iser. L'acte de lecture.

2) LA THÉORIE SOCIOLOGIQUE

Avec la théorie sociologique de la littérature, on abandonne les oeuvres littéraires particulières pour le phénomène littéraire en général, dans lequel s'inscrivent ces oeuvres; on abandonne le texte pour le livre comme objet culturel et comme objet économique (ou

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marchandise). On ne s'intéresse plus guère à la société dans la littérature (dans l'écriture), mais à la littérature dans la société. La théorie sociologique de la littérature est une sociologie des contenants, plutôt qu'une sociologie des contenus comme une certaine critique sociologique; mais les contenants ne sont pas ici les signifiants : ce sont les conditions de production et de consommation des oeuvres littéraires; conditions qui constituent une médiation entre les oeuvres et la société et qu'il faut observer pour comprendre le phénomène littéraire.

Ces conditions de production et de consommation, c'est le fait littéraire : le contexte des oeuvres. La théorie sociologique considère le contexte seulement comme hors-texte, comme comment de la littérature. C'est à la théorie socio-historique de la littérature que reviendra d'expliquer le pourquoi du phénomène littéraire par les conditions de reproduction.

a) Sartre et Barthes

L'existentialisme de Sartre n'est évidemment pas une sociologie mais une philosophie; cependant, il a exercé une grande influence sur la théorie sociologique d'Escarpit et de Bourdieu. Chez Sartre, il y a déni de l'écriture par la littérature, de la poésie par la prose. Pour Sartre, «la poésie est du côté de la peinture, de la sculpture, de la musique»; or, «c'est une chose que de travailler sur des couleurs et des sons, c'en est une autre de s'exprimer par des mots. Les notes, les couleurs, les formes ne sont pas des signes, elles ne renvoient à rien qui leur soit extérieur» : «Il est donc le plus éloigné de considérer les couleurs et les sons comme un langage». Donc, la poésie ne se sert pas des mots, elle les sert : «Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage».

C'est à l'écrivain, qui s'oppose au poète, que revient la tâche de rechercher la vérité en se servant du langage comme d'un instrument et en ayant affaire aux significations : l'empire des signes, c'est la prose, qui est «utilitaire par essence». Le prosateur ne peut que s'engager puisqu'il se sert des mots : «l'écrivain est un parleur». La poésie est la forme; pour elle, le langage est une fin, et non un moyen

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comme pour la prose : elle est anti-littérature, c'est-à-dire qu'elle n'a jamais été plus littéraire...

Chez Barthes, ce que dit Sartre de la prose caractérise la littérature française d'avant 1850; ce qu'il dit de la poésie caractérise la littérature depuis. Contrairement à Sartre, Barthes dénie la littérature au profit de l'écriture. Il distingue :

1°) la langue, qui est «un corps de prescriptions et d'habitudes, commun à tous les écrivains d'une époque» et qui «passe entièrement à travers la parole de l'écrivain»;

2°) le style est la forme, la parole de l'écrivain dans sa dimension verticale (c'est-à-dire non linguistique mais biologique, charnelle); alors que la langue est horizontale, le style est vertical : la langue est en deçà de la littérature, alors que le style est au delà; l'écrivain ne choisit ni l'une ni l'autre;

3°) l'écriture se situe entre la langue et le style; c'est par elle que l'écrivain choisit et s'engage; elle est «la morale de la forme» : le lieu de la liberté et de l'engagement.

Ce que dit Sartre de la littérature, donc, Barthes le dit de l'écriture : «Langue et style sont des forces aveugles; l'écriture est un acte de solidarité historique. Langue et style sont des objets; l'écriture est une fonction : elle est le rapport entre la création et la société, elle est le langage littéraire transformé par sa destination sociale, elle est la forme saisie dans son intention humaine et liée ainsi aux grandes crises de l'Histoire». Barthes est amené à opposer l'écriture à la communication et à la parole; à opposer aux écritures politiques, éthiques, romanesques ou poétiques une écriture littéraire : un «degré zéro de l'écriture»... Ce degré zéro a été atteint avec Flaubert et Mallarmé et il marque le début de la modernité, qui «commence avec la recherche d'une littérature impossible»; littérature impossible qui est le cadavre du langage.

Barthes oppose l'écriture à une sous-écriture : au réalisme des Zola, Maupassant et Daudet; il propose plutôt :

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1°) une écriture opaque : celle de Flaubert ou de Mallarmé;

2°) une écriture blanche : celle de Blanchot;

3°) une écriture neutre : celle de Camus (ou de Gide);

4°) une écriture parlée : celle de Queneau.

L'écriture blanche ou neutre est transparente : sans style.

Barthes oppose l'écriture à la littérature, comme il oppose le scriptible au lisible :

1°) le lisible, c'est ce qui peut être lu mais non écrit : est lisible ce qui s'écrivait et s'écrit encore comme tel; c'est le texte classique ou traditionnel; c'est l'écriture comme véhicule; c'est le produit: c'est l'affaire de l'écrivant; c'est l'écrivance (transitive);

2°) le scriptible, c'est ce qui est aujourd'hui écrit, ce qui se récrit; c'est le texte moderne (pluriel, atonal); c'est l'écriture comme matériau; c'est la production : c'est l'affaire de l'écrivain; c'est l'écriture proprement dite (intransitive).

Le scriptible «fait du lecteur un producteur de texte». Quant au recevable, c'est «l'illisible qui accroche» mais est impubliable.

Jean-Paul Sartre. Qu'est-ce que la littérature?Roland Barthes. Le degré zéro de l'écriture et S/Z.

b) La sociologie positive d'Escarpit

Escarpit affirme d'abord que pour qu'il y ait littérature, il faut qu'il y ait sélection : une série d'oeuvres sont reconnues comme littéraires. «Tout n'est pas littérature pour l'historien de la littérature». Mais s'il y a une telle sélection ou parce qu'il y a une telle sélection, c'est que la littérature existe : on la vend, on la lit, on l'étudie, on l'enseigne, on en parle, on en vit; elle est une réalité : un objet réel. Par contre, ce ne

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sont pas les oeuvres qui donnent sa spécificité ou qui définissent la littérature, qui lui confèrent une existence; cette spécificité ne peut être perçue qu'au niveau du phénomène. Pour Escarpit, il y a donc d'une part l'oeuvre littéraire et d'autre part le phénomène littéraire : l'existence de la littérature.

Reprenant ensuite la problématique de Sartre et de Barthes et pour résumer les éléments de la spécificité littéraire, c'est-à-dire du phénomène littéraire (puisque seul le phénomène est spécifique), Escarpit y va de quatre énoncés :

1°) La littérature est un art, mais elle diffère des autres arts parce qu'elle est à la fois chose et signification, à la fois art et langage.

2°) «La littérature dans notre société se caractérise par une adéquation ou un affrontement dans l'au-delà du langage d'une forme institutionnelle et d'une liberté d'écriture», d'une idéologie et d'une écriture.

3°) «La littérature est composée d'oeuvres qui organisent l'imaginaire selon des structures homologiques aux structures sociales de la situation historique», tel que Goldmann le propose lui aussi.

4°) «[E]st littéraire une oeuvre qui possède une "aptitude à la trahison", une disponibilité telle qu'on peut, sans qu'elle cesse d'être elle-même, lui faire dire dans une autre situation historique autre chose que ce qu'elle a dit de façon manifeste dans sa situation historique originelle»; c'est par l'aptitude à la trahison qu'il y a survie de l'oeuvre.

Ce quatrième critère redonne une essence à l'oeuvre, à l'écriture, au système par rapport à l'existence, au phénomène, au procès.

Escarpit envisage ainsi la littérature à la fois comme processus et comme appareil :

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Comme processus, elle se caractérise par un projet, par un médium et par une démarche :

1°) Le projet, c'est l'oeuvre brute, c'est l'écriture; c'est la production, par l'écriture, de l'oeuvre; dans ce projet conscient, domine le sociologique sur le psychologique, l'historicité sur l'individualité; mais les deux sont réunis par le sémiologique, par l'expressivité.

2°) Le médium, c'est le livre ou le document écrit : c'est à ce niveau que la littérature, de processus, devient appareil; quand il est question du livre, il est question d'imprimerie, de typographie, de reliure, d'édition, de collection, de format, de prix, etc.

3°) La démarche, c'est l'oeuvre lue, c'est la lecture; c'est la consommation, par la lecture, de l'oeuvre.

Comme appareil ou institution, la littérature se compose de la production, du marché et de la consommation:

1°) Il y a production par l'éditeur; pour Escarpit contrairement à Bourdieu, c'est l'éditeur -- lui qui était imprimeur ou libraire jusqu'à la fin du XVIIIe siècle -- qui est le producteur et non l'auteur; c'est l'éditeur qui fait la première sélection et ce qu'il publie est à 75% non littéraire (selon la classification des bibliothèques).

2°) Sur le marché, le livre ou le document est un produit comme un autre; c'est un instrument qui obéit donc aux lois de la circulation : il y a là aussi sélection.

3°) La consommation est tributaire de la publicité et, au niveau intellectuel (scolaire), du statut professionnel et de la situation culturelle des publics : il y a ici une dernière sélection.

Au niveau du processus, la société est dans la littérature : le sociologique y est un aspect du littéraire; au niveau de l'appareil, la littérature est dans la société : le littéraire est un aspect du

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sociologique. C'est au niveau du livre comme médium du processus et comme instrument de l'appareil, et non pas au niveau de l'oeuvre comme projet du processus, qu'il y a rencontre du sociologique et du littéraire. Escarpit distingue alors une sociologie de l'écriture (la production par l'auteur et surtout par l'éditeur) , une sociologie du livre (la distribution par le libraire) et une psychosociologie de la lecture (la consommation par le public).

1) La sociologie de l'écriture

La sociologie de l'écriture consiste en une sociologie des oeuvres et des auteurs ou une sociologie des écrivains. Escarpit situe d'abord l'écrivain dans le temps, puis dans la société. Selon lui, «c'est seulement après sa mort que l'écrivain se définit comme membre de la collectivité littéraire» : l'écrivain doit donc affronter l'oubli. Il est possible d'établir un échantillonnage des écrivains dans le temps à partir de la génération (qui peut durer de 35 à 40 ans) ou de l'équipe : «L'équipe est le groupe d'écrivains de tous les âges (bien que d'un âge dominant) qui, à l'occasion de certains événements, "prend la parole", occupe la scène littéraire et, consciemment ou non, en bloque l'accès pour un certain temps, interdisant aux nouvelles vocations de se réaliser». Et ce sont «des événements de type politique comportant un renouvellement de personnel» qui provoquent ou permettent ces accessions d'équipes.

Pour situer un écrivain dans la société, il faut d'abord se renseigner sur ses origines socio-professionnelles et géographiques. Il n'est pas non significatif qu'un écrivain soit né en métropole ou en province : il y a des modes métropolitaines et des modes provinciales; la concurrence sur le marché n'est pas la même de l'une à l'autre. Il n'est pas non plus indifférent d'avoir fréquenté une école plutôt qu'une autre. Mais davantage que les origines géographiques ou familiales, que la tradition de classe, c'est la fonction de classe qui importe : c'est le métier d'écrivain.

Il y a deux façons de faire vivre l'écrivain :

1°) par le financement interne, c'est-à-dire les droits d'auteur;

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2°) par le financement externe, qui est de deux types : le mécénat et l'auto-financement.

Le mécénat a été très répandu sous le régime féodal et monarchique et à l'époque de l'aristocratie : beaucoup d'écrivains ont été entretenus par la noblesse ou par le clergé; il se perpétue aujourd'hui sous la forme du mécénat d'État : pensions, bourses, subventions, fonctions officielles, prix littéraires. L'auto-financement peut prendre plusieurs formes : fortune personnelle ou familiale, spéculation; second métier (qui est en fait le premier : il y a beaucoup de professeurs, de journalistes et de professionnels libéraux qui écrivent; le second métier est alors une sorte d'"auto-mécénat"...

Escarpit considère le second métier comme un succédané du mécénat; il prône l'intégration du métier des lettres au système économico-social; il prêche pour l'homme de lettres et donc pour le droit d'auteur. Il existe deux formes de règlement des droits d'auteur :

1°) par le forfait, qui est un contrat par lequel l'auteur cède ses droits à l'éditeur, moyennant une certaine somme d'argent;

2°) par le paiement par pourcentage, où l'auteur reçoit un pourcentage sur chaque livre vendu.

Un auteur peut aussi choisir le salariat, au service d'une maison d'édition comme lecteur, réviseur, rédacteur, conseiller littéraire ou journaliste-critique. Il y a aussi le demi-salariat, qui peut lier un auteur et un éditeur : un éditeur peut avoir une "écurie d'auteurs"...

Il y a une dernière façon de vivre de sa plume, c'est le travail littéraire à la pige, qui consiste en adaptations, traductions, livres documentaires, littérature alimentaire (des "pot-boilers", disent les Anglais). L'écrivain devient alors un entrepreneur en littérature : il écrit ce qu'un autre signe ou l'écrit sous un pseudonyme; il est alors un «manoeuvre de la plume» : une sorte de «nègre» de la littérature.

Nous pourrions résumer ce qui précède en disant que la condition de l'écrivain dépend davantage de sa fonction que de sa tradition; mais

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que sa situation implique non seulement sa condition mais aussi sa position (ses prises de position).

Cependant, encore davantage que la situation de l'écrivain tributaire du «succès du livre en tant qu'objet commercialisable», c'est la survie littéraire «de l'oeuvre en tant que résultat d'un processus dialectique de communication» qui préoccupe Escarpit. Le succès commercial du livredépend d'un entrepreneur-producteur, l'éditeur, qui achète une oeuvre d'un écrivain-réalisateur et le fait transformer en livre par un imprimeur. En plus de l'auteur et de l'imprimeur, l'éditeur doit payer le publicitaire, le distributeur, le transporteur, le libraire, le dépositaire, etc. Avant l'invention de l'imprimerie, le «noeud économique de la production» entourait l'auteur; puis il s'est déplacé de l'auteur à l'imprimeur, de l'imprimeur au libraire et enfin du libraire à l'éditeur. La fin du XXe siècle voit le déplacement de l'éditeur par le distributeur.

De ses deux fournisseurs, l'auteur et l'imprimeur, c'est sur l'imprimeur que l'éditeur doit s'appuyer, parce qu'il ne peut pas mesurer la valeur de la matière première ou brute qu'est l'oeuvre de l'auteur. Il faut donc que la fabrication du livre coûte le moins cher possible ou il lui faut produire un livre qui sera acheté, non pas parce qu'il est bon mais parce qu'il est beau, non pas parce que c'est une oeuvre mais parce que c'est un produit : de l'édition de consommation (le livre de poche) à l'édition de conservation (le livre de luxe) en passant par l'édition expérimentale (le livre d'avant-garde, le livre-objet). Le travail de l'auteur est alors noyé sous les efforts du maquettiste, de l'illustrateur, du papetier, du typographe, du relieur et de l'ébéniste (si on vend la bibliothèque avec les livres)...

Pour neutraliser l'arbitraire du projet de l'oeuvre de l'auteur, l'éditeur compte sur la publicité et la promotion ou sur l'image de l'écrivain, ou sur les prix ou les nominations, ou sur une légende (qui peut résulter d'un scandale ou de la vie de l'auteur). Il faut faire de l'écrivain une vedette ou un paria.

Selon Escarpit, il y a non-coïncidence entre le succès commercial vu par l'éditeur (au sein de l'appareil) et le succès littéraire vu par

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l'écrivain (qui inscrit le projet de l'oeuvre dans un processus). L'écrivain se considère lui aussi comme un producteur et non seulement comme un fournisseur de matière première; pour lui, son oeuvre est un produit élaboré, fini, transformé. Dans cette oeuvre, il «inscrit une vision du monde, une conscience individuelle, une situation historique particulière, une intention délibérée». La réussite de l'écrivain dépend ou «est régi par le rapport de forces entre la communication au niveau de ce que nous avons appelé le processus littéraire et la communication au niveau de ce que nous avons appelé l'appareil littéraire».

Mais, au delà de la réussite de l'écrivain (la gloire) et du succès du livre (la fortune), il y a la survie de l'oeuvre. Puisque les dictionnaires et les manuels d'histoire de la littérature ne retiennent en France qu'environ mille noms d'écrivains sur cent mille (qui ont publié des oeuvres réputées littéraires au moins à un certain moment) pendant plus de 450 ans, comment une oeuvre survit-elle? Comment s'effectue le tri? Escarpit cite le psychologue américain Lehman pour tirer trois conclusions :

1°) une oeuvre écrite après l'âge de 40 ans a moins de chances de survie qu'une oeuvre écrite avant;

2°) il y a un rapport entre l'âge de l'écrivain et l'âge du lecteur;

3°) la récognition a lieu vers 25 ans et dure environ 15 ans.

Mais parce qu'il distingue une méthodologie sociologique et une problématique littéraire, un appareil littéraire et un processus littéraire, il n'accorde aucune valeur phénoménologique à ces conclusions. Il lui faut faire appel à l'aptitude à la trahison, qui contre «l'absurdité de l'existence humaine», et à la contingence de la littérature pour justifier le fait que des oeuvres survivent et d'autres non : le lecteur peut s'opposer ou acquiescer au «consensus de la vision historique de la littérature»; il n'y a pas de génies méconnus : un écrivain oublié n'est pas ressuscité, redécouvert ou remis à la mode; il y a seulement reclassement, selon Escarpit.

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2) La sociologie du livre

Escarpit identifie deux circuits de distribution ou de circulation :

1°) le circuit lettré, qui est le milieu littéraire, où se recrutent écrivains, enseignants et autres hommes de lettres comme éditeurs et critiques, sans oublier les étudiants; le milieu littéraire se définit par le jugement;

2°) les circuits populaires, caractérisés par le goût et qui alimentent le grand public.

Le circuit lettré passe surtout par la librairie, alors que les circuits populaires passent par des débits ou des points de vente comme les tabagies ou les kiosques à journaux. Les deux circuits sont contrôlés par la bourgeoisie et par la petite bourgeoisie intellectuelle; seuls les circuits populaires s'adressent aux classes dominées, qui ne participent aucunement au "jeu littéraire".

Il importe de distinguer le public théorique de l'éditeur du public réel du libraire, ce dernier public étant une clientèle : «C'est sur une clientèle que le libraire modèle son stock». Pour cette clientèle, le libraire ne peut pas sélectionner la littérature, la faire : c'est le rôle de l'éditeur; il peut seulement la classer, la classifier, y créer des hiérarchies par la vitrine et l'étalage. C'est surtout à la librairie moyenne que revient de distribuer le livre littéraire. La librairie moyenne opte pour la spécialisation : elle se limite et (s')oriente. Le circuit lettré de la librairie est donc très limité : il touche en France moins de 5% de la population et de la production de livres. Éditeurs, libraires et critiques littéraires sont les principaux intermédiaires de ce "circuit fermé" qu'est le circuit lettré...

Sur les circuits populaires, «circuits ouverts», il n'y a pas vraiment de clientèle, puisque le détaillant n'est qu'un dépositaire; l'initiative revient au distributeur-grossiste, à l'entreprise de distribution qui est souvent un monopole : le détaillant, contrairement au libraire, n'a rien à perdre et très peu à gagner, car le monopole reprend habituellement

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les livres invendus (qui finissent alors souvent sous le pilon ou dans un cimetière de livres qui se charge de les écouler à rabais).

Escarpit déplore -- toujours dans le but de promouvoir une politique du livre -- le déséquilibre entre les deux circuits. Pour forcer ce qu'il appelle le «blocus social de la littérature», il propose quatre types de procédés :

1°) les procédés commerciaux traditionnels, c'est-à-dire étendre aux circuits populaires la production et la diffusion du circuit lettré par l'édition à bon marché (le livre de poche) et par les clubs du livre;

2°) les procédés commerciaux hétérodoxes comme le colportage (le porte-à-porte);

3°) le prêt par bibliothèques, bibliothèques ambulantes; rayons de prêt à l'anglaise dans les magasins, bibliothèques de paroisse, d'usine, de syndicats; mais il y a encore là une sélection, par le bibliothécaire;

4°) le dirigisme, qui doit éviter le souci didactique, parce que la littérature n'est pas la cause mais le résultat de la lecture.

Mais Escarpit remarque qu'il est impossible de passer alors à côté d'un didactisme technique, idéologique ou humain au niveau de la distribution parce que «le déséquilibre de la distribution répond au déséquilibre de la production». Sauf que, chose curieuse, la solution ne se trouve pas au niveau de la production, selon lui, mais au niveau «du comportement des groupes humains envers la littérature, c'est-à-dire au niveau de la consommation», de la lecture.

3) La psychosociologie de la lecture

«Tout écrivain, au moment d'écrire, a un public présent à la conscience, ne serait-ce que lui-même», déclare Escarpit. On écrit d'abord pour quelqu'un avant d'écrire à quelqu'un : il y a donc un public fictif avant qu'il n'y ait un public réel. Quand il y a coïncidence entre les deux publics, entre le public-interlocuteur et le public-

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consommateur, l'oeuvre est fonctionnelle, c'est-à-dire non littéraire pour Escarpit, qui distingue un public lettré et un public populaire. Le public lettré« est divisé et subdivisé en groupes sociaux, raciaux, religieux, professionnels, géographiques, historiques, en écoles de pensée, en chapelles». C'est l'éducation qui est le ciment du groupe social, parce qu'elle rend possible la communauté de culture, la communauté des évidences et la communauté de langage; ces liens enchaînent l'écrivain à son public : «Tout écrivain est donc prisonnier de l'idéologie, de (l'idéologie) de son public-milieu : il peut l'accepter, la modifier, la refuser totalement ou partiellement, mais il ne peut y échapper». Il est prisonnier de l'idéologie parce qu'il est prisonnier du langage : il ne peut écrire n'importe quoi et n'importe comment et dans n'importe quelle langue, il lui faut utiliser "les mots de la tribu"...

Et «au-delà du langage, les genres et formes littéraires sont d'autres déterminations imposées à l'écrivain par le groupe. On n'invente pas un genre littéraire : on l'adapte aux nouvelles exigences du groupe social, ce qui justifie l'idée d'une évolution des genres calquée sur l'évolution de la société». Comme le genre, le style n'est pas seulement l'affaire de l'écrivain mais aussi du public; le style est une mode : «une communauté d'évidences transposée en formes, en thèmes, en images». Pour l'écrivain lettré, ledit grand public est aussi éloigné que le public étranger ou que le public de la postérité.

Selon Escarpit (après Sartre), il ne peut y avoir littérature s'il n'y a pas convergence ou compatibilité d'intention entre l'auteur et le lecteur (le public-interlocuteur). Si le lecteur ne fait pas partie du public-milieu de l'auteur, c'est le mythe qui l'y introduit; mais ce mythe lui est fourni par son propre groupe social. Les intentions ne peuvent coïncider que si l'écrivain et le lecteur font partie du même groupe : «c'est en cette coïncidence que résulte le succès littéraire»; «le livre à succès est le livre qui exprime ce que le groupe attendait, qui révèle le groupe à lui-même». Ici, Escarpit rejoint autant l'esthétique de la réception que la critique sociologique.

Entre l'auteur et le grand public ou un public extérieur à son public-milieu, il ne peut pas y avoir une telle coïncidence, une telle convergence entre leurs intentions; il ne peut y avoir que

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compatibilité, entente. Se produit alors ce qu'Escarpit appelle une trahison créatrice, c'est-à-dire non plus le succès mais la survie tributaire de l'aptitude à la trahison qui confère une deuxième existence...

Après s'être penché sur le public ou le lecteur, Escarpit s'attarde à la lecture, parce que «savoir ce qu'est un livre, c'est d'abord savoir comment il a été lu». Même si l'école tend à faire du lecteur, qui est un consommateur, un connaisseur, il demeure que «l'acte de lecture n'est pas un simple acte de connaissance»; guidée par le goût, la lecture engage l'être vivant tout entier, proclame Escarpit. La lecture ne se confond pas avec la consommation : on peut lire sans acheter (en empruntant ou en volant) et on peut acheter sans lire, pour collectionner par exemple.

Dans la consommation-lecture, Escarpit distingue ici aussi la consommation fonctionnelle et la consommation littéraire. Les motivations fonctionnelles sont : l'information, la documentation et les lectures professionnelles. Mais on peut faire un usage fonctionnel d'un livre littéraire :

1°) lire peut être un acte thérapeutique : on peut lire pour s'endormir, pour s'occuper l'esprit, pour chasser une angoisse;

2°) lire peut être un acte gymnastique ou hygiénique : on peut lire pour s'évader, pour s'exciter (lectures de terreur, humoristiques, lacrymogènes, érotiques); toute lecture, qu'elle soit pornographique ou non, a un aspect érotique;

3°) lire peut être un acte militant : on peut lire par devoir, pour apprendre ou pour être au courant de sa doctrine (religieuse ou politique).

Pour Escarpit, «les motivations proprement littéraires sont celles qui respectent la gratuité de l'oeuvre et ne font pas de la lecture un moyen, mais une fin». L'acte de lecture littéraire est à la fois sociable et asocial; sa motivation est presque toujours une insatisfaction d'ordre personnel, interpersonnel ou collectif; en cela, c'est «un recours contre

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l'absurdité de la condition humaine» : un peuple heureux n'aurait pas de littérature... Toute lecture est d'abord une évasion; mais on peut s'évader pour s'enrichir (comme le prisonnier) ou s'évader pour s'appauvrir (comme le déserteur). Mais une motivation peut ne pas être à la hauteur d'une lecture et vice versa.

Lorsqu'il étudie les circonstances de la lecture, Escarpit s'interroge sur la notion de disponibilité, de loisir. Selon lui, les facteurs de disponibilité sont :

1°) l'âge : c'est entre 35 et 40 ans qu'on lit le plus;

2°) le type d'activité professionnelle;

3°) l'habitat;

4°) les conditions climatiques;

5°) la situation familiale.

Les moments de disponibilité se divisent en trois catégories :

1°) les moments creux irrécupérables (transports, repas), qui sont le plus souvent consacrés au journal et au policier ou au "roman de coeur" (surtout le feuilleton illustré);

2°) les heures libres (après le travail) comme la lecture de soirée ou au lit : c'est le "livre de chevet" auquel on consacre le plus de temps;

3°) les périodes de non-activité (dimanches, congés, maladie, convalescence, retraite), où le sport est le principal rival de la lecture.

De son examen psychosociologique de l'acte de lecture, Escarpit conclut au décalage de la lecture et de la littérature : on lit peu de littérature -- et on lit peu tout court. Mais «[m]ieux valent certainement des romans à la chaîne pour tous les lecteurs possibles que quelques lectures de haute qualité réservées à une élite». En cette

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politique nationale et internationale du livre, Escarpit se révèle être le principal détracteur de McLuhan.

Robert Escarpit. Sociologie de la littérature.Robert Escarpit et al. Le littéraire et le social.

CERM . Colloque sur la situation de la littérature, du livre et des écrivains.

c) La sociologie positionnelle de Bourdieu

Nous ne traiterons pas de l'épistémologie de la sociologie ou de la sociologie de la connaissance de Bourdieu, pour nous limiter à sa sociologie de la culture, de l'art et de la littérature. Chez lui, la sociologie littéraire, c'est la sociologie du champ littéraire. Un champ est plus ou moins synonyme de milieu; c'est «une structure de relations objectives, au sein de laquelle tous les éléments, et notamment les positions des agents du champ, s'entredéterminent» et où les positions (ou les statuts) déterminent les prises de position (ou les valeurs). Un champ a une logique interne, mais il est en relation avec d'autres champs :

1°) le champ politique est le champ du pouvoir;

2°) le champ intellectuel est inclus dans un type spécifique de champ politique : c'est le champ du savoir;

3°) le champ culturel peut être littéraire, artistique, religieux, juridique ou scientifique : il est plus vaste (et plus vague) que le champ intellectuel : c'est le champ du savoir-faire;

4°) le champ littéraire est un champ idéologique : c'est le champ du savoir-dire ou du comment-dire.

1) Le champ du pouvoir et le champ intellectuel

Le champ intellectuel occupe une certaine position dans le champ du pouvoir et il assigne ainsi une position déterminée à la fraction intellectuelle et artistique : aux écrivains et aux artistes; les intellectuels constituant une fraction dominée de la classe dominante. Il y a une relation entre la position d'une oeuvre (du corpus) dans le

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champ idéologique qu'est le champ littéraire et la position dans la champ intellectuel de l'auteur (ou de l'agent) qui l'a produite. Le champ intellectuel est déterminé dans sa structure et sa fonction par la position qu'il occupe à l'intérieur du champ du pouvoir; il est un système de positions déterminées.

Il y a homologie -- et non reflet -- entre le champ intellectuel et le champ du pouvoir. Étant donné que la fraction des intellectuels (artistes et écrivains) constitue une fraction dominée de la classe dominante, elle entretient donc des relations ambiguës ou ambivalentes envers la classe dominante et envers les classes dominées (ou le peuple). Mais au sein même de cette fraction elle-même dominée, il existe des dominants (des «DOMINANTS-dominés») et des dominés (des «dominants-DOMINÉS»; et, entre l'art individuel (bourgeois) des dominants et l'art social (ou populaire) des dominés, il y a l'art pour l'art, qui occupe une place doublement ambiguë ou ambivalente : c'est la position de Flaubert et de Mallarmé dans la seconde moitié du XIXe siècle en France.

Avec l'art pour l'art, on assiste à une «autonomisation progressive du système de relations de production, de circulation et de consommation des biens symboliques». Avec l'avènement de la bourgeoisie dans le champ du pouvoir, il y a transformation de l'artisan en artiste et transformation du lettré ou de l'homme de lettres en intellectuel professionnel; il y a ainsi affranchissement économique et social de la vie intellectuelle et artistique, qui se détache de la tutelle de l'aristocratie, de la noblesse et du clergé, et de leurs demandes éthiques et esthétiques. Le champ intellectuel devient alors relativement autonome par rapport au champ du pouvoir.

Les principaux facteurs qui conduisent à l'autonomie relative du champ intellectuel sont les suivants :

1°) l'apparition d'un corps de producteurs professionnels, d'intellectuels professionnels et non plus de professionnels intellectuels;

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2°) le développement d'une véritable industrie culturelle, surtout à cause de la grande presse;

3°) l'extension du public de consommateurs, surtout parmi les femmes, provoquée par la généralisation de l'enseignement élémentaire, de l'école obligatoire;

4°) la multiplication des instances de diffusion, de légitimation et de consécration : des intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs.

Mais ces mêmes facteurs provoquent la division du champ intellectuel en deux sphères :

1°) la sphère de production restreinte, où la valeur symbolique des oeuvres prime, où la valeur d'usage (c'est-à-dire le produit ou l'objet : l'oeuvre) prime sur la valeur d'échange (la marchandise : le livre);

2°) la sphère de grande production, où la valeur d'échange prime sur la valeur d'usage, la valeur économique sur la valeur symbolique.

2) La sphère de production restreinte

La sphère de production restreinte est un système qui produit des biens symboliques objectivement destinés à un public de producteurs de biens symboliques, produisant eux-mêmes pour des producteurs symboliques, pour des intellectuels. Dans cette sphère, il n'y a pas concurrence pour la conquête d'un marché économique, mais pour la reconnaissance culturelle accordée par les pairs, qui sont à la fois des clients et des concurrents. Cette sphère rompt donc avec le public de non-producteurs : avec les fractions non intellectuelles de la classe dominante.

Ainsi y a-t-il connivence entre les écrivains et les critiques; de plus en plus, ceux-ci produisent des interprétations "créatrices" pour les créateurs : il y a solidarité entre artistes et critiques; solidarité

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accentuée par les postmodernistes... Dans la sphère de production restreinte, il y a monopole du capital symbolique; y est concentré le monopole de la consécration culturelle et symbolique : là seulement, il y a prétention à la légitimité culturelle. C'est la différence de thèmes, de techniques, de styles, qui fait la valeur esthétique; mais la valeur n'est que le droit à l'existence. Par contre il y a des procédés de distinction (comme différence et distance) reconnus et d'autres non.

Dans la sphère de production restreinte, «l'affirmation du primat de la forme sur la fonction, du mode de représentation sur l'objet de la représentation est en effet l'expression la plus spécifique de la revendication de l'autonomie du champ et de sa prétention à produire et à imposer les principes d'une légitimité proprement culturelle tant dans l'ordre de la production que dans l'ordre de la réception de l'oeuvre d'art». De la même façon, on y contraint le langage pour contraindre à l'attention du langage et le sujet de l'oeuvre d'art devient l'artiste lui-même, c'est-à-dire son style : sa technique. Dans cette sphère, domine le principe de gaspillage (ou de gratuité) : l'offre précède la demande et il y a plus d'offre que de demande. On y produit des oeuvres "pures" ou "abstraites", des oeuvres ésotériques; c'est un art savant réservé à ceux qui peuvent le déchiffrer, le décoder et en jouir...

3) Les instances de diffusion et de légitimation : la loi culturelle

La reproduction de la sphère de production restreinte passe par des instances de diffusion et de légitimation : par des appareils d'institution, dirions-nous. Les instances de diffusion sont : les musées, les galeries, les journaux, les revues et les maisons d'édition. Les instances de légitimation sont : les académies, les sociétés savantes, les cénacles, les salons, les cercles de critiques et les écoles. Il y a à la fois opposition et complémentarité entre ces instances et la sphère de production restreinte : par exemple, à l'école, on traite de manière légitime les oeuvres légitimes; mais, en même temps, on introduit un certain arbitraire culturel en culture légitime.

Le but des instances de diffusion et de légitimation est d'assurer la conservation et la consécration des oeuvres, c'est-à-dire leur

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reproduction : leur canonisation. Mais il peut y avoir une longue période entre la conservation et la consécration; autrement dit, le «procès de canonisation» est de durée variable. Et, en dernière instance, c'est l'École (comme appareil idéologique d'État) -- et surtout l'Université -- qui canonise en faisant (re)connaître de tous et pour tous la loi culturelle et en faisant méconnaître l'arbitraire de cette loi.

Cette loi culturelle fait que se sent exclu celui qui est exclu de la culture légitime; c'est-à-dire que celui qui n'est pas reconnu comme littéraire, par exemple, plutôt que de se reconnaître comme non (re)connu, fait tout ce qu'il peut pour être reconnu un jour, et cela, seulement parce qu'il reconnaît lui-même la littérature, parce qu'il lui accorde une valeur, parce qu'il la reconnaît comme légitime, parce qu'il reconnaît la loi culturelle, la légitimité de cette loi : la loi culturelle exclut ou tend à exclure toute possibilité de contestation de la loi qui n'est pas en même temps une reconnaissance de cette loi, affirme Bourdieu... La loi culturelle domine les lois du marché dans la sphère de production restreinte.

4) La sphère de grande production

Ce qui distingue la sphère de grande production et la sphère de production restreinte, c'est justement le rapport à la loi culturelle et aux instances de consécration. Dans la sphère de grande production, ce sont les détenteurs des instruments de production et de diffusion -- et non les producteurs eux-mêmes, identifiés aux auteurs par Bourdieu et non aux éditeurs (par Escarpit) -- qui orientent la production; et cela, en fonction du marché et non de la consécration : en fonction des lois économiques du marché et non de la loi culturelle.

Contrairement à l'art savant, l'art moyen est destiné à un public de non-producteurs, au grand public : à toutes les classes sociales. Mais cet art moyen est soumis à la demande de ce public; il ne crée pas son public : il est créé par lui. C'est surtout à cause de ce public, du marché, que les oeuvres sont différentes de celle de la sphère de production restreinte. La sphère de grande production est régie par le principe d'économie (d'épargne et de dépense) et non par le principe de gaspillage.

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Pour résumer ce qui précède, disons que la sphère de grande production (les circuits populaires ou ouverts) est à la sphère de production restreinte (le circuit lettré ou fermé) ce que le principe d'économie est au principe de gaspillage, ce que les lois économiques du marché sont à la loi culturelle du champ, ce que le capital économique (le profit, la fortune) est au capital symbolique (le prestige, la gloire), ce que l'art moyen est à l'art savant, ce que la comédie est à la tragédie : ironie, parodie, imitation, accélération du rythme...

5) L'art savant et l'art moyen

Au sein de l'art savant (ou sacré) de la sphère de production restreinte, Bourdieu distingue :

1°) les oeuvres d'avant-garde : destinées à quelques pairs;

2°) les oeuvres d'avant-garde en voie de consécration ou déjà reconnues;

3°) les oeuvres d'"art bourgeois" : destinées aux fractions non intellectuelles de la classe dominante et souvent consacrées par des instances de légitimation.

Dans le culte de la forme, l'art savant est le bonheur de l'art.

Au sein de l'art moyen (ou profane) de la sphère de grande production, Bourdieu identifie :

1°) la culture de marque : les ouvrages couronnés par des prix littéraires;

2°) la culture en simili : les ouvrages de vulgarisation qui s'adressent aux classes moyennes et surtout à leurs fractions en ascension;

3°) la culture de masse : les ouvrages dits "omnibus".

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Dans la recherche de l'effet (sur le public) et dans le plagiat ou la parodie de l'art savant, l'art moyen est l'art du bonheur -- jusqu'au kitsch!

Non seulement Bourdieu distingue-t-il l'art savant et l'art moyen à l'intérieur d'un même art, mais aussi entre les arts. Il y a les arts savants : la musique, la peinture, la sculpture, la littérature, le théâtre, où il y a des instances légitimes de légitimation. Il y a les arts moyens en voie de consécration : le cinéma, la photographie, le jazz (comme folklore), où il y a des instances de légitimation concurrentes et prétendant à la légitimité : c'est la «sphère du légitimable», par rapport à la «sphère de légitimité» à prétention universelle des arts savants. Il y a les arts moyens(ou des techniques) : le vêtement, la cosmétique, la cuisine, la décoration, l'ameublement, l'artisanat, etc., où il y a des instances non légitimes de légitimation : c'est la «sphère de l'arbitraire».

Le marché de la sphère de production restreinte de l'art savant lui est interne : il a son propre marché. Le marché de la sphère de grande production de l'art moyen lui est externe : c'est le marché du mode de production de la formation sociale.

6) Les positions et les prises de position

Les prises de position des producteurs dépendent donc des positions qu'ils occupent sur le marché des biens symboliques. De sa position par rapport à la loi culturelle, par rapport au légitime, dépend la prise de position d'un auteur ou d'une oeuvre. La loi culturelle est la loi de la sphère de production restreinte; mais c'est cette loi qui fait la loi dans tout le champ intellectuel. La loi définit les rapports entre les structures du champ, l'habitus (qui est un ensemble de dispositions) et la pratique des agents; elle détermine l'opinion (la doxa culturelle) et l'opposition à l'opinion. C'est par rapport à la loi qu'une oeuvre acquiert du capital. Sur le marché des biens symboliques, on se bat pour la légitimité, pour le monopole de la légitimité.

Bourdieu refuse l'interprétation strictement interne des oeuvres parce que cette interprétation assume «une fonction idéologique en

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accréditant l'idéologie proprement intellectuelle de la neutralité idéologique de l'intellectuel et de ses productions». Il rejette la séparation du fonctionnement interne des oeuvres de leur fonction sociale externe : ce n'est pas parce qu'un champ jouit d'une autonomie relative, voire entière, qu'il n'a pas de conditions externes qui constituent ses «raisons sociales d'exister» ou sa fonction sociale.

Pierre Bourdieu. «Le marché des biens symboliques» dans L'année sociologique 22 (1971), «Champ intellectuel et projet créateur» dans Les Temps modernes 246, «Champ intellectuel, champ du pouvoir et habitus de classe» dans Scolies, La distinction. Questions de sociologie. Leçon sur la leçon. Ce que parler veut dire. Les règles de l'art.

Actes de la recherche en sciences sociales. Accardo. Initiation à la sociologie de l'illusionnisme social.

Claude Lafarge. La valeur littéraire Alain Viala. Naissance de l'écrivain.

Jacques Dubois. L'institution de la littérature. Abraham Moles. Psychologie du kitsch; l'art du bonheur.

CELC # 6 : «L'arbitraire culturel». Jacques Leenhardt et Pierre Jozsa. Lire la lecture.

À la suite des travaux de Bourdieu, Ponton a examiné les rapports entre le programme esthétique et l'accumulation du capital symbolique, en prenant comme exemple le Parnasse, en France à la fin du XIXe siècle. Selon Ponton, des stratégies de captation ou de gestion du capital symbolique peuvent rendre compte de la formulation du programme esthétique des Parnassiens. C'est pour acquérir du capital symbolique et conquérir le champ littéraire par la légitimité culturelle que le Parnasse se manifeste comme École littéraire et comme pratique spécifique de l'écriture, tel que Bourdieu lui-même tâche de le (dé)montrer à propos de Flaubert.

Pour conquérir une place -- et même la meilleure place -- dans le champ littéraire, les Parnassiens (avec Leconte de Lisle en tête), à cause de leurs positions, sont amenés à élaborer une nouvelle doctrine poétique, dominés qu'ils sont alors par les Romantiques. Dépourvu vers 1850 de tout pouvoir symbolique, Leconte de Lisle se fait le

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défenseur de l'art pour l'art en poésie et le prophète de la forme. Mais pour aspirer à la légitimité culturelle, il ne peut passer par les circuits déjà frayés de la consécration : il lui faut d'autres instances. C'est ainsi qu'il réunit dans son salon d'autres poètes -- aussi dépourvus que lui de tout pouvoir symbolique -- et que naît l'École parnassienne, qui se fait connaître par différentes manifestations et par divers manifestes. De cénacle en 1850, le Parnasse détient le pouvoir symbolique dans le champ littéraire en 1885.

Les étapes de l'acquisition du capital symbolique par le Parnasse et de sa conquête du champ littéraire sont les suivantes :

1°) une phase de rupture prophétique, marquée par la préface-manifeste des Poèmes antiques de Leconte de Lisle, qui s'oppose au néo-romantisme et à «l'École du Bon Sens»;

2°) une phase de rationalisation prosodique, où il y a constitution d'une communauté émotionnelle caractérisée par des rapports étroits entre le maître et les disciples comme Hérédia; de cénacle qui se réunit dans le salon de Leconte de Lisle, le Parnasse devient une École littéraire où les disciples ont chacun leur salon;

3°) une phase de pleine orthodoxie (en prosodie et en pouvoir symbolique), où il y a des exclusions (Verlaine), mais aussi de l'opposition de la part des Symbolistes : Mallarmé, à son tour, est en quête de capital symbolique; cette phase est marquée par l'entrée des Parnassiens comme critiques dans les journaux les plus prestigieux et par un autre manifeste;

4°) une phase de casuistique prosodique, de complaisance, où on commence déjà à réfléchir sur son art et où les Parnassiens sont reçus à l'Académie française ou nommés officiers de la Légion d'honneur; la décadence est alors proche...

Ainsi la valeur symbolique des oeuvres à peu à voir avec leur valorisation esthétique.

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Rémi Ponton dans Revue française de sociologie XIV (1973).

Fournier a cherché à démontrer la même chose à propos du peintre Paul-Émile Borduas, amené à opter pour la peinture automatiste au Québec. Selon Fournier, c'est pour acquérir du capital symbolique que Borduas, alors à l'École du Meuble, s'oppose à Alfred Pellan de l'École des Beaux-Arts qui domine à l'époque le champ artistique. C'est parce qu'une position est déjà occupée -- par un type particulier de pratique picturale : celle de Pellan -- que Borduas en choisit une autre, puisqu'il ne peut déloger Pellan de la sienne. L'automatisme de Borduas a aussi des motivations pédagogiques : Borduas enseigne la peinture. Mais d'un strict point de vue pictural, l'automatisme, pour être original et avoir ainsi une place, se doit de se démarquer du surréalisme.

Le Refus global de Borduas et consorts, en 1948, a été une des premières étapes dans cette tentative d'acquérir du capital symbolique et de conquérir -- de partager avec Pellan -- le champ artistique et de jouir de la légitimité culturelle.

Marcel Fournier dans Possibles.

Jean-Marc Lemelin. «Le champ littéraire au Québec; récits pragmatiques». dans Robert Giroux et Jean-Marc Lemelin Éds. Le spectacle de la littérature; les aléas et les avatars de l'institution [p. 187-247].

4) LA THÉORIE SOCIO-HISTORIQUE

De la critique littéraire à la théorie littéraire, il y a une tentative de réduction de la transcendance de la littérature, que celle-ci soit culturelle (historique) ou artistique (littéraire), à l'immanence; mais il arrive que ce soit une réduction de la transcendance spirituelle à une transcendance matérielle. En outre, il y a une entreprise de définition de la littérature comme phénomène(socio-historique) et comme langage (sémiotique). Par ailleurs, ce qui distingue la théorie socio-historique de la littérature de la théorie sociologique, c'est la prise de

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parti marxiste (communiste) de la première, ainsi que l'adoption d'une théorie de l'idéologie plutôt que d'une théorie de l'institution. Au sein du marxisme même, la théorie de l'idéologie d'Althusser est substituée à la philosophie de la représentation ou à la théorie du reflet (réflexion) de Marx et Lénine (reprise par le réalisme socialiste) et à la philosophie de l'aliénation de Hegel et de Lukacs ou à la théorie de la réification (réfraction), qui diffère de la sociocritique à la théorie critique. La théorie socio-historique de la littérature a donc comme fondement le matérialisme historique (ladite science de l'histoire) et la psychanalyse.

Louis Althusser. «Idéologie et appareils idéologiques d'État» dans Positions.

Jean-Marc Lemelin. «Idéologie, idéologies et idéologiques» dans Recherches et théories # 23 et «L'institution littéraire et la signature; notes

pour une taxinomie» dans Voix et Images VI # 3 [p. 409-433].

a) Macherey

Selon Macherey, l'oeuvre (c'est-à-dire le texte : l'écriture) n'est pas création mais production; avant de savoir comment elle fonctionne, il importe de savoir quelles sont les lois de sa production :

1°) le langage quotidien (commun) est le langage de l'idéologie, c'est-à-dire de la représentation réelle d'un rapport imaginaire [ou symbolique] aux conditions matérielles d'existence (selon Althusser);

2°) la littérature, l'écriture littéraire plutôt, fait du langage et de l'idéologie un usage inédit;

3°) le langage littéraire n'est pas reproduction de la réalité, mais production par la contestation du langage;

4°) l'auteur n'est pas le sujet de l'oeuvre : l'écrivain n'est pas le sujet du texte; il n'y a pas de sujet individuel ou collectif.

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Les lois de la production sont fournies à l'oeuvre littéraire :

1°) par l'histoire des formations sociales, c'est-à-dire des ensembles socio-historiques résultant des modes de production (et de reproduction);

2°) par le statut de l'écrivain;

3°) par les autres oeuvres littéraires;

4°) par les autres usages du langage.

Pour Macherey, il faut tenir compte du travail du discours littéraire par la forme que donne au langage la littérature moderne et l'usage qu'elle en fait par la fiction, qui est une «illusion déterminée. C'est le triomphe de la bourgeoisie au XIXe siècle en France qui fait de la littérature française d'abord et avant tout une littérature de fiction : écrire de la littérature fictionnelle devient alors une condition nécessaire, mais insuffisante, de légitimité, une «norme littéraire» (selon Prieto). Selon Macherey, «une oeuvre se constitue contre une idéologie autant qu'à partir d'elle»: «avec elle est produit un nouveau désordre, en rapport (non conforme) avec le désordre de l'idéologie»...

L'oeuvre naît d'un «secret à traduire» et elle «se réalise en révélant son secret». La simultanéité de ces deux questions définit une rupture qu'il faut étudier : au sein de l'oeuvre, il y a une rupture entre l'idéologie et l'écriture, entre les conditions historiques (y compris le projet de l'auteur) et le défaut propre à l'oeuvre; il y a un décalage, un écart, une rupture qui est le centre et la clef de l'oeuvre. Il y a une rupture entre le projet de l'auteur et son résultat exprimé dans l'oeuvre : «l'oeuvre n'existe que parce qu'il y a une telle rupture entre ce qu'elle devait ou pouvait être et ce qu'elle est». Ainsi l'oeuvre n'est-elle pas révélation, c'est-à-dire représentation du projet de l'auteur ou expression de son résultat : elle est figuration d'un écart entre le projet et le résultat. L'auteur ne figure pas ce qu'il représente et il figure ce qu'il ne représente pas : c'est ce qui fait la réussite ou l'échec d'une oeuvre.

De la représentation du projet de l'auteur, dont le titre de l'ouvrage est le concentré, à son expression, il y a modification de l'idéologie par la

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figuration (dans l'oeuvre). L'oeuvre est le produit de cette dialectique. Aussi la littérature, «mythologie de ses propres mythes», n'est-elle pas conscience ou connaissance; elle n'est pas un savoir, mais elle peut être l'objet d'un savoir, si la méthode (les études littéraires) est adéquate tout en étant subordonnée à son objet réel (la littérature).

Pierre Macherey. Pour une théorie de la production littéraire.

b) Hadjinicolaou

Hadjinicolaou cherche à faire avec la peinture ce que Macherey à cherché à faire avec la littérature. Pour Hadjinicolaou, l'histoire de l'art comme discipline, science ou théorie est une région de l'histoire (matérialisme historique). Son objet d'étude, parmi les idéologies esthétiques, est l'idéologie esthétique de l'image ou l'idéologie imagée : la production d'images.

Hadjinicolaou dénonce d'abord trois obstacles à la définition de l'objet de l'histoire de l'art:

1°) l'histoire de l'art comme histoire des artistes, qui est une conception qui voile le rapport entre l'image et l'idéologie; elle comprend trois variantes :

l'explication psychologique (par la personnalité ou le comportement de l'auteur),

l'explication psychanalytique -- psychocritique plutôt, selon nous -- (par l'inconscient de l'auteur),

l'explication sociologique (par l'environnement de l'auteur);

on passe ainsi à côté de l'oeuvre pour s'intéresser à l'artiste : on est alors victime de l'idéologie bourgeoise de l'individu créateur, alors qu'il n'y a pas de sujet de l'oeuvre;

2°) l'histoire de l'art comme partie de l'histoire des civilisations, qui est une conception qui méconnaît le rapport entre l'art et les idéologies globales des classes sociales; pour cette conception, représentée par

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l'autogenèse des contenus de Panofsky, et dont la technique privilégiée est l'iconologie, l'histoire de l'art n'est qu'une partie de l'histoire de la culture, de l'histoire de l'esprit ou de l'histoire des sociétés, ces trois histoires étant autonomes, mais l'histoire de l'art n'ayant aucune autonomie relative : il n'y a pas d'histoire de l'esprit et la sociologie de l'art n'a pas d'objet qui lui soit propre;

3°) l'histoire de l'art comme histoire des oeuvres d'art, où il y a négation du rapport art-idéologies-lutte idéologique des classes :

par l'histoire de l'art comme histoire des formes, qui considère le style comme l'expression de l'état d'esprit d'une époque,

par l'histoire de l'art comme l'histoire des structures,

par l'histoire de l'art comme addition des analyses d'oeuvres d'art particulières;

l'histoire de l'art acquiert ainsi une indépendance absolue : or, si l'histoire de l'art est autonome, elle n'est pas indépendante.

Ces trois obstacles -- correspondant respectivement à l'illusion empirique, à l'illusion normative et à l'illusion interprétative selon Macherey -- contribuent à l'idéologie bourgeoise de l'art qui consacre des oeuvres comme art, qui considère les oeuvres d'art comme étant l'esprit de tous et par tous et qui lie des valeurs esthétiques à la forme.

Hadjinicolaou n'est cependant pas un adepte du réalisme (socialiste); selon lui, le réalisme n'est qu'une des idéologies imagées. D'autre part, on ne peut pas non plus adopter le point de vue des producteurs d'images, des artistes, sur leurs oeuvres : parce que l'idéologie globale personnelle de l'artiste n'est pas analogue à celles des oeuvres; parce que l'artiste a la conscience de son travail, mais pas la connaissance; parce que la conscience de classe de l'artiste n'explique pas plus le style de l'oeuvre que son origine de classe.

Hadjinicolaou explique le style par l'idéologie imagée. Reprenant le concept d'idéologie développé par Althusser et Poulantzas, il précise d'abord que l'idéologie d'une image n'est pas son contenu, mais la

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manière de représentation du monde, manière qui implique l'unité de la forme et du contenu. Toute image est une oeuvre idéologique; elle est idéologique par son idéologie imagée. Une idéologie imagée est : «une combinaison spécifique d'éléments formels et thématiques de l'image qui constitue une des formes particulières de l'idéologie globale d'une classe sociale» et «à travers laquelle les hommes expriment la façon dont ils vivent leurs rapports à leurs conditions d'existence». L'idéologie imagée fait que la production d'images (la peinture) n'est pas une pure et simple transcription, une reproduction, des idéologies politico-sociales des classes, mais qu'elle est une production spécifique. L'idéologie imagée est un rapport entre le style et l'idéologie globale d'une classe; c'est le «style collectif d'un groupe». Elle ne s'identifie pas à une image, mais au style d'une image.

Hadjinicolaou s'oppose alors à trois conceptions du style :

1°) à la conception du style comme organisation de la forme, conception qui est celle de l'histoire des oeuvres d'art et de l'histoire des artistes;

2°) à la conception du style comme somme de la forme et de la force ou comme fond;

3°) à la conception du style comme conséquence de la culture, de l'esprit et de la société, conception qui est celle de l'iconologie.

Pour Hadjinicolaou, s'inspirant d'Antal, le style réunit la forme et le thème; c'est un style de classe: il est neutre de toute valorisation esthétique; ce n'est pas une catégorie esthétique : toute oeuvre, esthétique ou pas, a son style.

Tout style, «toute idéologie imagée fait allusion à la réalité, à une "réalité" qui est la combinaison de la "conscience" qu'une classe a d'elle-même avec sa "vue sur le monde"»; elle est donc l'équivalent de la figuration selon Macherey. Cette allusion va de pair avec une

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illusion quant à la place objective de cette classe dans le rapport des classes et dans le monde. Le style est donc allusif et illusoire...

Sont ensuite distinguées l'idéologie imagée positive et l'idéologie imagée critique. Avec l'idéologie imagée positive, il y a un rapport non conflictuel avec d'autres types d'idéologies (des classes dominantes); avec l'idéologie imagée critique, il y a une critique à l'égard d'autres types d'idéologies (non imagées) dont certaines ont leur place en elle. Toute idéologie imagée collective est positive; mais elle est investie par de multiples contradictions idéologiques esthétiques; l'une de ces contradictions peut être une idéologie imagée critique.

Hadjinicolaou nie l'existence d'un effet esthétique dissociable de l'idéologie imagée de chaque oeuvre. L'effet esthétique est «un ensemble de réactions qui s'échelonnent du déplaisir au plaisir et qui varient selon le rapport entre l'idéologie esthétique du spectateur et l'idéologie imagée de l'oeuvre», selon la reconnaissance ou la méconnaissance des spectateurs dans l'idéologie imagée de chaque oeuvre; c'est donc un effet de domination. Le plaisir éprouvé devant une image et la reconnaissance idéologique du spectateur dans l'idéologie imagée de la même oeuvre ne sont qu'une seule et même chose.

En d'autres mots (ou en nos propres mots), le plaisir esthétique (conscient) -- à ne pas confondre avec la jouissance (inconsciente) -- résultant d'un effet esthétique particulier et singulier est un mixte de séduction (érotique) et de réduction (esthétique), un mélange de reconnaissance (du familier et du familial : du domestique) et de méconnaissance (de l'étrange et de l'étranger : du mondain); mixte (ésotérique) ou mélange (exotique) par lequel il y a interpellation de l'individu en sujet et constitution du sujet en individu, et ce, dans l'identification, qui est la source de la sujétion, de l'assujettissement selon Althusser.

Nicos Hadjinicolaou. Histoire de l'art et lutte des classes. Jean Baudrillard. De la séduction.

c) Vernier

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Vernier s'en prend elle aussi à l'esthétique, dont elle dénonce les prétentions scientifiques et révèle les intentions idéologiques ou philosophiques. Dans son étude du phénomène littéraire, elle affirme que la littérature jouit d'une autonomie relative par rapport à l'idéologie, que le corpus littéraire est variable de même que les critères de "littérarité" (sélection, élection), que des écrits peuvent être rangés dans le corpus littéraire autant pour les désamorcer (politiquement) que pour les amorcer (idéologiquement) et que la littérature est art et langage.

Pas plus que le langage, l'écriture (c'est-à-dire le texte) n'est transparente : elle n'est pas le véhicule transparent d'un message individuel (par un code collectif) ou d'un message collectif (par un code individuel). L'écriture n'est pas transparente : à travers elle ne transparaît pas parfaitement l'idéologie qui y apparaît, parce qu'il y a le travail de l'écriture. C'est par le langage, c'est par la langue, que l'idéologie, comme forme(s), advient à l'écriture; mais ce travail de l'écriture sur la langue n'est pas spécifique au discours littéraire mais à tout discours. L'écriture ne devient pas littérature parce qu'elle respecte ou transgresse une norme linguistique, mais parce que ce respect ou cette transgression est reconnue (valorisée) par l'esthétique, reconnue comme esthétique par l'idéologie dominante, qui est l'idéologie de la classe dominante et qui détermine (en fixant la fonction esthétique de la littérature, c'est-à-dire sa fonction sociale) les critères de reconnaissance (identification et valorisation) des textes comme littéraires.

Mais parce que le texte est à la fois oeuvre de langage et oeuvre d'art, à la fois norme et transgression de la norme (linguistique ou artistique), à la fois genre et style, il peut y avoir des textes subversifs par rapport aux normes linguistiques et artistiques qui sont reconnues comme littéraires. Selon Vernier, jamais un écrit absolument conforme aux normes de la langue et aux normes de l'art n'a réussi à s'imposer comme texte littéraire. Autrement dit -- et qu'elle ait raison ou non --, cela veut dire que s'il y a confusion entre l'écriture et l'idéologie ou opposition radicale entre les deux, il n'y a pas littérature; pour qu'il y ait littérature, il faut qu'il y ait négociation, compromission, compromis entre les deux...

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Vernier pense qu'un texte littéraire s'oppose d'une façon ou d'une autre au système linguistique ou au système esthétique de l'idéologie dominante, que tout texte littéraire est plus ou moins novateur, parce que l'art est connaissance et donc transformation du réel et parce que le langage est transformation et investigation de la langue. Pour devenir littéraire, un texte doit alors mettre en cause l'idéologie par des distorsions, qui sont des «transformations ou contraventions aux normes esthétiques en vigueur à une époque donnée (celles du "bon français" comme celles de la rhétorique ou des genres littéraires)». Ces distorsions n'agissent que si elles sont mises en oeuvre par le dysfonctionnement et que si elles mettent en cause le fonctionnement des textes, par le dysfictionnement ajouterions-nous.

Vernier propose finalement de substituer à la lecture, aux codes de lecture de l'idéologie dominante, des modes de perception ou d'utilisation des textes par l'idéologie dominée : la dislecture -- la "disgression" selon Bataille -- est l'exploitation du dysfonctionnement et des distorsions du texte.

France Vernier. L'écriture et les textes et «Une science du "littéraire" est-elle possible? dans La Nouvelle Critique 1971.

d) R. Balibar

Chez R. Balibar, le rapport entre l'écriture et l'idéologie se situe presque exclusivement au niveau de la langue; c'est par un enseignement de la langue qui distingue un français primaire et un français secondaire et qui substitue un français littéraire (fictif) à un français populaire (réel) que l'École, l'appareil scolaire (qui est l'appareil idéologique d'État dominant d'aujourd'hui en société bourgeoise), impose l'idéologie dominante (la lecture littéraire : la fonction littéraire) à l'écriture; et même plus, elle impose une écriture (un style littéraire : la fiction) aux écrivains mêmes et cette écriture (littéraire) à la lecture (scolaire) ou aux étudiants.

L'écrivain ne peut échapper à l'influence de l'enseignement de l'école qu'il a fréquentée et il a été marqué par l'exercice scolaire : d'abord la rédaction-narration, puis la dissertation-explication; il a la grammaire

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de la langue. Mais il refoule un français primaire (commun, neutre) par un français secondaire (réservé à une minorité, donc imprégnée d'inégalités, de conflits et de luttes). Son oeuvre est marquée par cet écart, par ce décalage entre deux pratiques linguistiques : entre une pratique (de classe) et un idéal (national, voire international). S'il y a alors des «distorsions linguistiques», c'est qu'il est difficile, sinon impossible, d'être en même temps fidèle à une pratique et à un idéal linguistique; à cause d'une part de la langue même et d'autre part de l'enseignement bourgeois de cette langue.

L'écrivain ne peut qu'exhiber son français primaire (ou élémentaire) en le déformant; c'est le refoulement par une instance refoulante (le français secondaire : la dissertation-explication par exemple), d'une instance refoulée (le français primaire : la rédaction-narration par exemple) qui produit des effets littéraires : l'oeuvre. Mais dans ce refoulement, il y «perte de sens», qui est le retour du refoulé, que la classe dominante amadoue en le sacralisant littéraire, pour éviter que ne soient dévoilées les causes de ce retour du refoulé; causes qui sont son propre enseignement (scolaire) et sa propre idéologie (littéraire).

Cette perte de sens -- correspondant sans doute aux distorsions chez Vernier --, organisée en système, représente un danger vital pour la bourgeoisie en matière de politique linguistique, qui est l'école française obligatoire pour tous les Français de France depuis le XIXe siècle ou l'unification linguistique : une seule et unique langue pour tous les citoyens. Il faut donc à la classe dominante reconnaître comme littéraires ces textes dangereux pour elle, pour les désamorcer... Ainsi un texte littéraire est-il un texte qui oublie qu'il est scolaire : qui reproduit fictivement des pratiques scolaires sans le dire. Un style littéraire n'est que le produit fictif des contradictions d'un français à prétentions nationales et internationales, d'un français à la fois unique et discriminant, d'un français déchiré entre un français primaire et un français secondaire. Aussi, est-ce «la déformation de la rédaction primaire par le travail de la fiction» qui est «la base d'un sujet fictif, d'une histoire fictive» : de la fiction, surtout de la fiction réaliste. Enfin, une telle déformation n'est possible qu'à celui qui connaît, et le

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français primaire (le vocabulaire), et le français secondaire (la grammaire, la syntaxe surtout), qui est le principal générateur ou le principe générateur du fait littéraire fictif.

Camus, par exemple, dans L'Étranger, marqué par un enseignement qui a fait passer le français populaire pour un français primaire et le français secondaire comme seul français littéraire, déforme le français littéraire-usé d'alors par le français populaire; mais il maquille cette déformation en refoulant les rapports scolaires-littéraires : il sublime le français élémentaire, souffrant -- comme toute la production littéraire bourgeoise -- d'un «complexe d'enseignement primaire». D'ailleurs, le texte dépourvu de ce complexe n'est pas reconnu comme littéraire...

C'est l'oubli du français élémentaire qui fait apparaître le sens littéraire; le sens résulte de cet oubli, et, dans le souvenir, il y a perte de sens. La fiction est oubli du travail de la fiction (comme mémoire); elle est résistance au et du récit. Le français littéraire est un français fictif parce que simulé; le texte est le résultat de cette simulation productrice d'effets de réel. Mais dans le texte, il n'y a pas que simulation (linguistique et idéologique : scolaire), il y a aussi distorsion (lapsus, non-sens), confrontation du français littéraire (fictif) et du français populaire : il y a lutte contre la domination du français secondaire, contre la dissertation; «la dissertation rate parce que la rédaction lui résiste». Dans le texte comme dans le rêve, l'inconscient travaille et travestit l'idéologie : la fiction est subvertie par la pulsion; de là, des "frictions" : des effets de sens (avec perte de sens)...

Renée Balibar. Le français national et Les français fictifs.

e) Macherey et É. Balibar

Dans leur Présentation de l'ouvrage, Les français fictifs, de R. Balibar, Macherey et É. Balibar insistent sur la détermination des effets littéraires, c'est-à-dire autant la lecture que l'écriture, par l'appareil scolaire et par l'enseignement de la langue qui y est dispensé; ils

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insistent aussi sur le fait que la littérature n'est qu'effets littéraires, que ces effets littéraires ne sont pas extérieurs à la littérature mais qu'ils sont bien «la littérature elle-même». Cette détermination de la littérature par l'école et la langue et ainsi par la lutte des classes est une détermination interne à la littérature (et à l'écriture). D'autre part, le projet idéologique comme la postérité de l'oeuvre, sa sacralisation, sont aussi des effets littéraires.

À partir de la théorie léninienne du «reflet sans miroir» (ou comme réflexion) et en opposant le matérialisme au réalisme, Macherey et Balibar distinguent la littérature comme forme idéologique, comme idéologie, et la littérature comme production, comme écriture. D'une part, comme forme idéologique, la littérature a une objectivité matérielle : elle n'est pas constituée extérieurement à l'histoire d'une formation sociale, de son État et de ses appareils; comme forme idéologique, elle est inséparable des pratiques linguistiques et des pratiques scolaires; la littérature a une triple détermination : linguistique, scolaire et imaginaire (dans ses effets de fiction). D'autre part, à la base du processus de production littéraire, il y a un rapport inégal, contradictoire à une même idéologie, l'idéologie dominante, qui doit lutter pour sa propre domination.

Après avoir démontré l'objectivité matérielle de la littérature comme formation idéologique, Macherey et Balibar s'attardent à sa spécificité idéologique au niveau :

1°) des textes littéraires, qui sont des formations idéologiques particulières et singulières;

2°) du mode d'identification idéologique produit par le travail de la fiction littéraire;

3°) de la place de l'effet esthétique littéraire dans le procès de reproduction de l'idéologie dominante.

Des textes littéraires, ce sont les contradictions qu'il faut analyser et non pas leur unité apparente et illusoire (inscrite dans l'idéologie littéraire qui accompagne toujours toute production littéraire). Le texte

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littéraire est le produit d'une ou de plusieurs contradictions idéologiques, qui ne peuvent être résolues que dans l'idéologie; le texte est leur solution imaginaire -- imaginaire parce qu'impossible --, mais aussi leur solution littéraire -- littéraire parce qu'imaginaire. Ainsi, le texte n'est pas l'expression d'une idéologie, mais sa mise en scène; il n'est pas sa "mise en mots" : il est la mise en scène -- et qui dit mise en scène dit : représentation, spectacle, pouvoir --de contradictions linguistiques, scolaires et idéologiques et il en est la solution imaginaire et littéraire : la résolution.

Le texte littéraire produit aussi un effet de réalité; il produit en même temps un effet de réalité et un effet de fiction. Ainsi, "fiction" et "réalisme" ne sont pas les concepts de la production littéraire; ce sont des notions produites par la littérature elle-même, par l'idéologie littéraire. Aussi le référent n'est-il qu'un effet de discours; il n'est pas non discursif. Le réel, qui n'est pas le référent, est projeté dans le texte littéraire sur le mode hallucinatoire -- pour ne pas dire hallucinogène... Dans le texte, il y a référence hallucinatoire à une "réalité" dont on s'approche et dont on s'éloigne : c'est l'illusion référentielle. Cette référence hallucinatoire dans le texte, ce sont les "sujets" (scripteur ou lecteur, personnes ou personnages, prénoms ou pronoms, noms propres), qu'il faut opposer aux "objets", à des choses, à un monde de choses dites "réelles". Et plus il y a de "sujets" (dans les sagas ou les séries télévisées, par exemple), plus c'est fictif : plus c'est réaliste!

À partir de là, on peut constater que l'effet esthétique littéraire n'est qu'un effet de domination, même s'il est un effet idéologique singulier, parmi d'autres dont il dépend et diffère, et même si c'est un effet irréductible à l'idéologie en général. L'effet littéraire est un effet complexe : un effet qui est à la fois la matérialité du texte (son écriture) et sa reconnaissance comme texte littéraire, sa reconnaissance esthétique par l'idéologie : tout texte est littéraire, parce que le reconnaître comme texte c'est le reconnaître comme littéraire... Et il est reconnu dans la mesure où il est lu, interprété, critiqué, analysé : c'est la lecture qui le fait littéraire et non l'écriture. La lecture (idéologique) transforme l'écriture manifeste du texte en une suite de récits et d'associations libres -- comme le rêveur pendant

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et après son rêve -- qui «développent et réalisent les effets idéologiques du texte».

L'effet littéraire est de provoquer -- à l'infini, chez les lecteurs des classes dominantes cultivées -- d'autres discours idéologiques sur l'écriture du texte. Le texte est «l'opérateur d'une reproduction de l'idéologie» dans son ensemble : par d'autres discours où se réalise toujours la même idéologie (avec ses contradictions). L'effet littéraire, comme effet esthétique, assujettit des individus à l'idéologie dominante et il perpétue la domination de l'idéologie de la classe dominante. C'est donc un effet inégal : il n'est pas le même pour un lecteur de la classe dominante que pour un lecteur de la classe dominée -- en autant qu'il y a un lecteur de la classe dominée...

L'effet de domination suppose d'abord que le texte refoule l'idéologie dominée : le français populaire par exemple; il suppose ensuite que la scolarisation contribue autant à la littérature que la littérature ne contribue à la scolarisation; il suppose enfin qu'il y a là aussi lutte des classes. L'effet littéraire ne peut être qu'un effet de domination : la littérature, bien plus que d'être une littérature de classe, ne peut être que dominante.

Pierre Macherey et Étienne Balibar. «Présentation» de Les français fictifs. Gérard Delfau et Anne Roche. Histoire/littérature.

Par rapport à la théorie sociologique de la littérature, la théorie socio-historique prend parti pour l'histoire, la science de l'histoire qu'est le matérialisme historique selon le marxisme, plutôt que pour la sociologie et elle affirme qu'il y a matérialité de l'idéologie et donc du phénomène littéraire (institution littéraire : corpus, attitudes et études littéraires; autres institutions : rhétorique, canonique, juridique, publicitaire, etc.; appareils d'institution : instances comme les maisons d'édition; appareils idéologiques d'État : École surtout, mais aussi Milieu, Foyer, Associations et Communications de plus en plus) et équipements collecteurs (enseignement et divertissement). Le social est donc alors irréductible au sociologique... Mais en privilégiant quasi exclusivement la matérialité de l'idéologie, de la littérature comme art, les deux théories négligent la matérialité de l'écriture, de la littérature comme langage, et elles passent ainsi à côté d'une science

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de la littérature, d'une science littéraire qui soit complète ou, tout au moins, en voie d'être complétée (et complexifiée).

5) LA POÉTIQUE

Il existe, au XXe siècle, deux principales tentatives de fonder une science spécifiquement littéraire : la poétique (à base rhétorique ou linguistique), qui est une approche de la littérarité et la sémiotique (à base logique ou linguistique), qui est une approche de la littéralité. La poétique a pour objet la littérature, mais ce n'est pas proprement une science; la sémiotique est une science (ou, tout au moins, un projet et une méthode scientifique), mais elle n'a pas proprement pour objet la littérature mais le langage (ou la signification).

La poétique est une partie de la rhétorique chez Aristote; chez les Formalistes russes, elle se donne une base plus linguistique; chez Genette, il y a un retour certain à Aristote et un certain détour par la linguistique. La poétique veut être la science de la littérature, du discours littéraire, de la littérarité, celle-ci étant ce qui fait qu'une oeuvre littéraire est littéraire, spécifiquement littéraire; la spécificité littéraire ou la littérarité consisterait en grande partie en la fonction poétique. Chez Jakobson, la poétique est une partie de la linguistique et elle a pour objet la fonction poétique en poésie; cette poétique du poème est une phonologie. Chez Todorov et Genette, la poétique est une partie de la rhétorique; cette poétique du roman est une philologie ou une narratologie. Alors que la poétique (structurale) de Genette est une poétique narrative, la poétique (historique) de Bakhtine est une poétique discursive.

Pour Genette, la littérature est l'art du langage; la littérarité est l'aspect esthétique de la littérature, l'oeuvre littéraire ayant une fonction esthétique, une intention esthétique. Selon lui, il y a deux régimes de littérarité : un régime constitutif (objectif) marqué par les intentions, les conventions et les traditions; un régime conditionnel où il y a

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appréciation subjective et jugement. L'établissement de ces deux régimes peut reposer sur un critère thématique (le contenu) ou sur un critère rhématique (l'expression, la manière, le style). De ces critères, vont dépendre des modes de littérarité : le critère thématique commande la fictionalité (en régime constitutif), la fiction, et le critère rhématique commande la poésie (en régime constitutif) et la prose non fictionnelle ou factuelle (en régime conditionnel), la diction.

La littérature se définit donc ici comme fiction ou comme diction et dans la transcendance du genre. Il y a chez Genette dénégation de la fonction sociale (matérielle) de la littérature au profit de sa fonction esthétique (spirituelle). Par contre, il ne considère pas que la littérarité soit synonyme de qualité, de valeur; c'est une question de genre (régime/mode/registre) : de poétique (génologie ou théorie des genres, typique ou typologie des genres stylistique, rhétorique réduite à une tropologie et faisant donc partie de la poétique à son tour).

Les Formalistes russes se sont eux-mêmes aperçu qu'il est impossible de définir la littérature ou de distinguer le littéraire et le non-littéraire par des critères formels : le littéraire et le non-littéraire partagent les mêmes formes, les mêmes genres, les mêmes styles; la définition de la littérature varie selon la fonction sociale qu'elle joue à une époque donnée et dans un espace donné : ce n'est pas une question de forme, de littérarité.

Jean-Marc Lemelin. «(Méta)langues; pragmatique et grammatique des études littéraires : Les théories de l'écriture» dans La puissance du sens; essai de

pragrammatique [p. 59-99, surtout p. 70-75] et Kristeva/Meschonnic; théorie de l'écriture et/ou théorie de la littérature.

Roman Jakobson. Essais de Linguistique générale et Questions de poétique.Tzvetan Todorov. «la notion de littérature» dans Qu'est-ce que la poétique?,

Littérature et signification, Introduction à la littérature fantastique, Poétique de la prose et Grammaire du Décaméron.

Groupe u. Rhétorique générale.Gérard Genette. Introduction à l'architexte, Fiction et diction et L'Oeuvre de l'art;

immanence et transcendance. Henri Meschonnic. Pour la poétique.

Iouri Tynianov. «L'évolution littéraire». Formalistes russes. Théorie de la littérature

Mukarowsky, Tomachevsky, Lotman.

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Wellek et Warren. La théorie littéraire.

5) LA SOCIO-SÉMIOTIQUE

«Pour la sémiotique, la littérature n'existe pas», disait jadis Kristeva : la sémiotique n'est pas une théorie de la littérature, mais une théorie générale de la signification et une théorie particulière de l'écriture (ou du texte); c'est pourquoi nous ne nous y attarderons pas plus, ici, qu'aux autres théories de l'écriture, dont nous avons déjà traité ailleurs [cf. Lemelin dans références qui précèdent]. Mais la socio-sémiotique, elle, est une théorie de la littérature.

a) Zima

Avec Zima, il y a une tentative théorique de synthèse d'une sociologie littéraire (influencée par la sociocritique et la théorie critique) et d'une sémiotique littéraire (inspirée des Formalistes russes et de Bakhtine). Cette «sociologie de l'écriture fictionnelle» ou romanesque ou cette sociologie du texte littéraire peut être considérée comme étant une véritable socio-sémiotique. Zima rejette la sociologie littéraire des contenants extérieurs (public, écrivain, édition) et la sociologie littéraire des contenus intérieurs (information contenue par l'écriture), en les accusant de manquer l'écriture ou de la considérer comme dénotative et monosémique, alors qu'elle est connotative et polysémique.

C'est parce que la «structure significative» de Lukacs, puis de Goldmann, est une structure profonde, donc une «structure monosémique de signifiés» qu'elle ne peut rendre compte du texte fictionnel, qui a une «structure (superficielle) de signifiants». La polysémie est donc produite à la surface comme images par les signifiants. C'est pourquoi Zima oppose «les aspects mimétiques (non conceptuels, figuratifs) des langages littéraires« au «caractère

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conceptuel» du langage communicatif (dénotatif). Contrairement à Goldmann, Zima ne peut que séparer la littérature de la philosophie et de l'idéologie; par contre, contrairement à Benjamin et à Adorno, la littérature ne s'identifie pas à sa technique.

De là, Zima propose trois hypothèses, dont les deux premières sont empruntées à Bakhtine et la troisième à Goldmann :

1°) la langue n'est pas neutre;

2°) les problèmes socio-économiques peuvent être représentés comme des problèmes linguistiques sur le plan textuel et intertextuel : l'idéologie est dans la forme, dans le signe, dans la langue;

3°) l'autonomie de l'art est inséparable de l'individualisme bourgeois.

C'est donc par le socio-linguistique que le socio-économique advient au textuel, au fictionnel, au littéraire.

D'une part, «en opérant un affaiblissement du lien conventionnel entre le signifiant, le signifié et le référent -- car «les signes d'un texte n'ont pas de valeur existentielle, ne sont pas signes d'objets réels» -- le texte fictionnel acquiert une autonomie relative à l'égard de la structure socio-idéologique qui l'a engendré»; d'autre part, ce même texte est irréductible à un système conceptuel : «Au niveau du texte, la non-identité entre image et concept équivaut à une rupture entre la littérature et l'idéologie». Le texte fictionnel a donc un double caractère : il a une autonomie relative (c'est le caractère asocial de l'art selon Adorno) et il est irréductible à un système conceptuel (c'est son caractère mimétique).

Un texte est autonome parce qu'il est mimétique, parce qu'il a une structure non figurative (selon Mukarowsky); en outre, c'est sur le plan de l'écriture que se manifeste le sens social du texte. «La particularité du texte littéraire réside dans sa capacité de transformer les signifiés (les concepts) en des signifiants polysémiques qui, dans le

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cas idéal, peut absorber tous les sens». C'est pourquoi, dans le texte littéraire, l'écriture est-elle un but et un moyen, un lieu et un enjeu d'abord linguistiques «[c]ar l'impact des structures sociales sur la production littéraire n'est repérable que sur le plan général de la situation socio-linguistique et sur le plan spécifique de l'évolution littéraire. Pour l'écrivain et pour l'écriture, la réalité sociale se présente comme une réalité linguistique et littéraire, ce qui signifie qu'une rupture avec le discours littéraire traditionnel (par exemple avec celui du roman classique, du roman psychologique) a certes des raisons sociales, mais qu'elle doit d'abord être coupure sur le plan linguistique ou plus exactement : sur celui du discours littéraire».

C'est avec le texte proustien que Zima cherche à éprouver sa socio-sémiotique. Il affirme que la cohérence d'un texte n'est pas synonyme de valeur; puis, il rappelle que le roman proustien n'est pas conceptuel parce qu'il transforme le langage communicatif en langage mimétique. Le discours mimétique refuse de fonctionner comme un message, comme une conversation, comme une communication : comme «la valeur d'échange qui impose ses lois au langage de tous les jours». «Dans la Recherche proustienne, chaque mot est imprégné de significations sociales et résiste en même temps à une traduction conceptuelle en langage philosophique ou idéologique. Dans ce roman, le langage lutte pour la singularité et l'irréductibilité de ses signes, utilisés comme moyens échangeables par la communication commercialisée de la société du marché».

Ainsi À la Recherche du temps perdu de Proust s'oppose-t-elle à l'écriture conceptuelle, philosophique et sociologique, de La Comédie humaine de Balzac. Pour Proust, la vérité n'est pas conceptuelle, logique; elle n'est pas abstraite : «Les romans de Proust, Joyce et Musil, nés au début du XXe siècle, au début de l'ère monopoliste, attaquent le noyau du discours idéologique dans lequel se cristallise le sens de tout énoncé conceptuel structuré suivant les lois de la logique : la syntaxe», proclame Zima.

La structure narrative est le plan le plus général sur lequel se situe la transformation du communicatif en mimétique : du syntagmatique en paradigmatique. C'est pourquoi les épisodes de la Recherche refusent

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d'être résumés et d'être transposés en d'autres systèmes sémiotiques, résistant au concept (signifié) et insistant sur le signifiant (image). Au niveau même de la phrase, «le syntagme par excellence», l'écriture proustienne continue et radicalise la lutte du romantisme contre la phrase et pour le mot, contre la loi et pour le hasard (de la mémoire). Chez Proust, le mot devient nom, le mot dénotatif devient nom connotatif, l'image l'emportant sur le concept; et il y a affaiblissement du lien entre les deux, ce qui transforme le signe verbal dans le texte fictionnel et fonde son autonomie.

Mais cette autonomie est conditionnée par l'évolution linguistique et donc socio-économique de la société française à la fin du XIXe siècle; apparaît alors le «vocabulaire de la réclame» : les mots mêmes deviennent des marchandises. On assiste en même temps au déclin de l'individualisme, rendu superflu par le marché. À un langage commercialisé et une idéologie de plus en plus stéréotypée, Proust oppose une «particularisation radicale de l'écriture». Dans les romans mêmes de Proust, il y a une telle opposition entre la conversation des salons et une écriture très particulière, entre le snobisme mondain et sa parodie ou son pastiche : entre la réalité et la fiction, entre l'objectif et le subjectif, entre le général et le particulier...

Pierre Zima. Le désir du mythe -- une lecture sociologique de M. Proust, Goldmann -- dialectique de l'immanence, L'École de Francfort -- une dialectique

de la particularité, Pour une sociologie du texte littéraire, L'ambivalence romanesque et «Littérature et société» dans A. Kibédi-Varga et al. Théorie de la

littérature. Mickhaïl Bakhtine. Le marxisme et la philosophie du langage, La poétique de

Dostoïevski, Esthétique et théorie du roman et L'oeuvre de Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge.

Henri Godard. Poétique de Céline.Claude Abastado. Mythes et rituels de l'écriture.

b) Grivel

S'inspirant d'une part de la sémanalyse de Kristeva (elle-même influencée par la psychanalyse de Freud et de Lacan, par la grammatologie de Derrida et par la sémiotique de Barthes ou de Greimas) et d'autre part par la théorie de l'idéologie d'Althusser, Grivel cherche à joindre théorie de l'écriture et théorie de la littérature

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dans une socio-sémiotique qui est d'abord et avant tout une sémiotique textuelle; il cherche à fonder, non pas une théorie du texte littéraire, mais une théorie littéraire du texte. Nous nous limiterons ici à une série de remarques ou de formules au sujet du texte, des rapports entre écriture et idéologie et du roman comme texte, en adoptant et en adaptant les thèses de Grivel.

1°) Sur le texte

1. Le texte est son effet; son effet le contient : le texte est donc histoire, dans l'histoire.

2. Le texte n'est pas (relativement) autonome, même s'il y a coupure entre l'idéologie et l'écriture : l'autonomie du texte est un mythe.

3. Le texte est sa lecture, même s'il commande sa lecture : il est engendrement des lectures et de la lecture de ces lectures qu'est la théorie.

4. Le texte renvoie à la fiction qui renvoie au référent.

5. Le contexte fait partie du texte; il mène au sens du texte, comme le texte mène à son effet.

6. L'usage du texte produit son usure (à la fois son intérêt et sa détérioration).

7. Le sens du texte est le produit et la finalité du texte.

8. À partir de son effet, tout le texte sera pris pour vrai.

9. Le titre ne raconte pas le texte mais son intention, son projet.

10. Le texte accomplit un service idéologique.

11. Toute littérature est propagande.

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12. Dans le texte, il y a des universaux, des archétypes, des idéologèmes (des énoncés idéologiques, selon Bakhtine et Kristeva), qui font le «code dans l'écrit».

13. Le sens d'un texte est le rapport de son dire à sa pratique, c'est-à-dire à son utilisation institutionnelle en fonction de l'intertexte.

14. L'idéologie représente le champ d'existence du texte, son origine, sa fin, aussi bien que son milieu même.

15. Le texte est un effet de production idéologique (soumis à la dictée institutionnelle et prenant part à sa profération) : il illustre, accumule, réalise le sens idéologique; le texte est produit-producteur d'idéologie.

16. Le texte est un effet idéologique d'obnubilation de l'idéologique.

17. L'intention d'un texte est une pratique de classe.

2°) Sur le roman

1. Le roman est un instrument de connaissance idéologique.

2. Le roman n'a pas de sens : il est un sens, celui de l'idéologie.

3. Le roman, comme tout récit, est un texte.

4. L'auteur n'est pas l'auteur du roman; l'art est une oeuvre non de l'homme mais de ce qui le produit : l'idéologie; il n'y a pas de sujet (individuel ou collectif) de l'oeuvre.

5. Le texte romanesque est un effet sur le sens idéologique donné.

6. Le roman se définit par son efficacité, son efficace, son effet.

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7. Le texte romanesque vérifie et démontre, en fiction, le sens idéologique de base.

8. Le roman est de l'intérêt produit à partir d'une histoire.

9. Un roman sans extraordinaire est un faux roman.

10. La poésie est l'extraordinaire de la prose.

11. Le sens du récit, du roman, va de l'infirmation à la confirmation.

12. L'effet du roman est une réduction de l'écriture, de la fiction.

13. Le lecteur, prévu par le texte, est un rôle du roman.

14. La fiction, pour être efficace, se fait passer pour l'histoire.

15. Le personnage n'est personne; la personne est la fiction, projetée, reçue pour vraie, du personnage.

16. Tout élément du texte romanesque est instrument de la vraisemblance.

17. Toute subversion, ou toute soumission romanesque, commence par le nom propre; le nom propre signifie la fiction et la vérité de la fiction.

18. Le roman ne peut pas montrer le roman.

19. L'extraordinaire masque l'origine romanesque du texte.

20. Le roman est le signifiant de l'archétype idéologique; il est la leçon du roman : le propre discours de l'archétype.

21. Il n'y a pas de roman sans contradictions, sans antagonismes.

22. Le roman ne représente pas la lutte des classes; il la manque, il en représente l'état idéologique : il représente la

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représentation du conflit entre le réel et l'oeuvre -- l'instance idéologique.

23. Quand le roman peint la lutte des classes, il cesse d'être roman.

24. Le roman est théoriquement inimaginable dans une société sans classes.

25. Le roman est une proposition idéologique dans sa portée et son fonctionnement.

26. Plus le roman dénonce sa textualité, plus il donne à croire à sa justesse.

27. La réalité est l'apparence du roman.

28. Le roman est un des procédés de vraisemblabilisation (de vérification) de l'idéologique.

29. La fiction se fait vraie pour être lisible (lue) dans son effet de fiction.

30. La vérité de la fiction est l'archétype.

31. Le roman accomplit l'idéologique.

32. C'est le code idéologique qui est l'auteur du livre, du roman.

33. Le roman démontre le code; il ne le démonte pas.

34. Le roman se définit par son rendement idéologique.

35. L'intérêt romanesque est un intérêt idéologique.

36. Le roman, via l'idéologique, sert le politique; mais la politique est le refoulé du roman.

37. Le roman est un instrument, une parole, de la classe dominante.

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38. La lecture du roman se joue à propos de la reconnaissance de l'ordre de classe.

39. Le capitalisme provoque l'apparition du roman; l'apogée de la bourgeoisie coïncide avec le roman réaliste.

40. Le roman est une projection de l'idéologie dominante sur la classe dominée.

41. On ne peut changer le roman qu'en faisant cesser le roman : le "roman socialiste" est une contradiction dans les termes.

42. Le roman développe et soutient la pénétration idéologique de la classe dominée.

43. Le roman est une tactique d'épuration idéologique.

44. Le roman est une censure; il réalise une police culturelle (idéologique).

45. Le roman signifie la mise à mort de la conscience de la classe dominée.

46. Le roman ne se nie pas dans le roman; aucun roman ne sort du roman; il n'y a pas d'anti-roman.

47. Le roman est un genre faux; il ne peut constituer une parole vraie.

48. Le roman n'engendre que le roman, c'est-à-dire l'idéologique; c'est sa seule réalité.

49. Il n'y a pas de roman véritablement réaliste possible.

50. Le roman répète le roman; du roman succède au roman : le roman est interminable.

Charles Grivel. Production de l'intérêt romanesque, «Modes de réduction institutionnelle du texte (romanesque)» dans le tome II de Production de l'intérêt

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romanesque, «Pour une sémiotique des produits d'expression, 1 : Le texte», «Théorie du récit ou théorie du texte».

Charles Bouazis.Littérarité et société, Essais de la sémiotique du sujet et Ce que Proust savait du symptôme.

Charles Bouazis et al. Essais de la théorie du texte. Julia Kristeva. Le texte du roman.

Léo Hoek. La marque du titre. Roland Barthes et al. Littérature et société.

Colloque de Cluny II. «Littérature et idéologies» dans La Nouvelle Critique 39bis, 1970.

Littérature. Degrés.

Semiotica.

6) LA GRAMMATOLOGIE

Nonobstant la poétique de Meschonnic et la sémanalyse de Kristeva, dont nous avons longuement traité ailleurs et en marge de la phénoménologie (herméneutique) et de la psychanalyse (métapsychologique), il est une théorie de l'écriture qui est irréductible aux théories esthétiques de l'écriture (littéraire) ou aux théories littéraires de l'écriture (esthétique), c'est la grammatologie de Derrida comme théorie de la déconstruction. La déconstruction n'est pas seulement une théorie littéraire mais aussi, sinon surtout, une théorie philosophique; ou plutôt, c'est une théorie qui questionne la distinction de la littérature et de la philosophie.

La déconstruction est déconstruction de la métaphysique, celle-ci étant entendue comme histoire de la philosophie, comme humanisme (philosophie de l'homme ou anthropologie), comme rationalisme, comme dualisme et comme réalisme, comme idéalisme ou comme matérialisme : comme (phal)logocentrisme. La déconstruction est la stratégie de la grammatologie comme «science de l'inscription de l'écriture». La déconstruction est en dialogue avec : la linguistique, la pragmatique, la psychanalyse, la sémiologie, l'ethnologie, la

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phénoménologie et d'autres philosophies et même la théologie (négative). Déconstruire n'est pas détruire, mais démonter, distinguer, différencier, différer; c'est l'opération de la différance, qu'il y a à l'origine, avant toute distinction, séparation ou opposition, avant toute présence (du présent-vivant). La différance est la non-origine de l'origine...

Dans ses avancées théoriques, la grammatologie de Derrida postule que la métaphysique a toujours considéré l'écriture comme secondaire par rapport au parler -- que Derrida confond avec la parole -- et donc que l'écriture est dérivée, reléguée à un rang moins important (par la linguistique elle-même). Au contraire, la grammatologie propose que l'écriture est originaire et qu'elle n'est donc pas la simple reproduction de la langue parlée. Mais l'écriture n'est pas la simple graphie -- la grammatologie n'est pas une graphologie -- mais l'inscription et l'articulation de la trace, qui est écarts et retards, durée, mémoire, espace-temps, espacement et temporation. Associée au graphe (gestuel, visuel, pictural, musical, verbal), la trace est gramme (lettre); le gramme est la mesure du graphe. La trace est originaire et non originelle; si elle est originale, ce n'est pas comme origine, mais en tant qu'elle est l'impossibilité de l'origine : non-origine de l'origine. C'est pourquoi Derrida va souvent parler d'archi-trace ou d'archi-écriture : d'écriture généralisée par la différance. Par exemple, la différance est la trace de l'écrit dans le parlé : a/e; les signes de ponctuation s'ajoutent au parlé, en sont le supplément et non la reproduction.

L'écriture est l'impossibilité d'un signifié sans signifiant, d'un concept sans itération, c'est-à-dire sans répétition : la répétition est à l'origine, comme le figuré précède le propre. Le texte ne saurait donc s'expliquer par l'origine : par l'auteur et la société qui l'entoure ou par l'histoire. Le texte est écriture, mais l'écriture n'est pas intention, vouloir-dire : elle est langue; elle est la langue par rapport au discours qui la met en scène et en oeuvre. Cependant, il n'y a d'écriture, il n'y a de texte, que par la lecture –ce que nous appelons, mais pas à la manière de Genette, l'archi-texte : le procès ou la chaîne de lecture—; la lecture étant à la fois tradition et trahison ou (tra)duction. L'écriture généralisée ou l'archi-écriture, c'est la lecture incluant l'écriture.

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La lecture est textualisation de l'écriture : à la fois liaison— lire = lier –et livraison— livrer à destination selon une destinée, tel est le destin du livre. Selon nous mais pas selon Derrida, la textualisation est oralisation et vocalisation. Ce qui caractérise l'écriture, c'est donc la textualité, qui est à la fois texture et stricture (et non structure), sous l'opération de la striction, qui est un mouvement de découpage, de décryptage, de déchiffrage, de déchiquetage : de dissémination.

La textualité est à la fois la clôture et la non-clôture du texte. Il y a clôture du texte par le livre; il y a du livre dans le texte : c'est ce que nous appelons la topique rédactionnelle. Mais parce qu'il y a du texte dans le livre : c'est ce que nous appelons la topique éditoriale, il y a aussi non-clôture du texte par le livre. La rencontre du texte et du livre (ou de l'archi-texte), de l'écriture et de la lecture, c'est la signature; mais la signature n'est pas le nom propre de l'auteur : c'est la loi du nom propre ou le nom propre de la loi (comme rapport de la littérature et du droit, comme rapport à l'institution). La signature diffère l'écriture, par la lecture, dirions-nous, dans ce lieu ou ce milieu qu'est la topique titrologique.

En nous éloignant de Derrida, terminons en posant que la signature -- le non-concept -- est la généalogie -- le non-propre : l'inapproprié du propre, la non-propreté de la propriété, la non-propriété du propre ou de l'approprié -- du nom propre. Elle est l'ensemble des topiques de l'architexte (ou du récit) qui instituent la scripture du regard et des tropiques de l'archétexte qui constituent l'orature de la voix (comme récit et rythme). La signature est la parole (re)liant l'animalité de la bête humaine et l'oralité de l'animal parlant dans la textualité...

Jacques Derrida. L'écriture et la différence, La voix et le phénomène, De la grammatologie, La dissémination, MARGES De la philosophie, etc.

Jean-Marc Lemelin. Signature; appellation contrôlée et «Rousseau et Derrida : L'oralité et la textualité» dans Le sujet ou Du nom propre [p.91-

104].

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Ainsi s'achève le projet de fonder une théorie de la littérature qui se veut scientifique et qui se démarque de l'idéologie, c'est-à-dire de l'histoire et de la critique littéraires. Viennent ensuite d'autres idéologies ou optimismes littéraires : post-structuralisme, post-modernisme, féminisme, résistance à la théorie, qui sont des prises de parti et des agences de promotion de la littérature ou des littératures : littérature mineure ou minoritaire, littérature nationale, littérature transculturelle, littérature féminine, littérature homosexuelle, littérature postmoderne, etc.

CONCLUSION

Selon la célèbre 11eme thèse sur Feuerbach énoncée par Marx vers 1845, ce qui importe, ce n'est pas seulement d'interpréter le monde, c'est surtout de la transformer; Thom, lui, inverse la formule. La critique littéraire ne fait qu'interpréter la littérature en la réduisant à l'écriture; de la critique à la théorie et avec la théorie, ou bien il est question encore d'interpréter la littérature, ou bien il est question de la transformer : soit par l'écriture (la technique) et donc par l'esthétique (le réalisme, socialiste ou pas), soit par la lecture (l'idéologie) et donc par la politique (la révolution)...

Alors que la théorie critique, sous la primat des forces productives et de la fonction sur la fiction, réaffirme le rôle ou le pouvoir de l'art, la socio-sémiotique, sous le primat de la fiction sur la fonction et conférant à l'écriture le pouvoir d'une force productrice, insiste plutôt sur le rôle du langage : la valeur esthétique y est ici linguistique (la valeur étant source de sens), tandis qu'elle est là davantage économique (la valeur d'usage s'opposant à la valeur d'échange ou à la valeur d'exposition). Avec la théorie critique, la forme est contre la norme; avec la socio-sémiotique, la forme est la norme.

Pour une véritable science de la littérature, il ne suffit pas de décrire et d'expliquer le régime socio-historique de l'archi-texte, il faut aussi comprendre le système esthétique du texte (incluant la surface du phéno-texte et la profondeur du géno-texte), mais pas selon une esthétique transcendante de l'agréable (ou du bon) et du beau. Il nous faut une esthétique transcendantale ou immanente du sublime : non

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pas une esthétique du plaisir (l'effet esthétique), mais une esthétique de la jouissance (la cause esthétique comme origine et destin ou devoir).

Pour cela, les approches suivantes sont nécessaires :

1°) une approche latérale de la littérature comme art et langage : une prag(ram)matique sociologique et socio-historique comme construction (institution, constitution, reconstitution);

2°) une approche littérale de la langue et du discours ou de l'écriture et de la lecture : une grammaire de la signification qui nous est fournie par la sémiotiquecomme reconstruction du sens;

3°) une approche littorale de la signature par la déconstruction (grammatologique ou métapsychologique, phénoménologique ou psychanalytique) : une (pra)grammatique.

Ainsi est possible une approche littéraire de la parole : une (dia)grammatique de la voix comme récit --(archi)texte ou archigenre : grammaire du sens -- et rythme -- archétexte : signifiance --; grammatique qui inclut donc une narratique et une rythmique, sous l'instruction de la diagrammatique du langage, elle-même sous le patronage de la struction et de la (trans)duction de la pragrammatique comme science générale de l'homme et comme science du sens (qui est à la fois monde et langage, animalité et oralité).

Dans la réduction de la bibliothèque à la librairie, de la collection à la série, de l'édition ou de la version à l'exemplaire, les études littéraires se découvrent ou s'inventent un nouvel objet : l'objet-livrecomme artefact de l'archi-texte et comme prise de contact ou mise en contact avec le texte, comme (mi)lieu de la textualité.

Jean-Marc Lemelin. La puissance du sens; deuxième livre : «La jouissance du nom propre : La signature de quatre romans québécois» [p. 113-196], Du récit,

Oeuvre de chair et Le sens. André Kibédi-Varga et al. Théorie de la littérature.

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Maurice Genevoix et al. Méthodes du texte.

Marc Angenot et al. Théorie littéraire.

Théorie de la littérature

La théorie de la littérature est l'étude savante de la littérature en tant que phénomène culturel. Il s'agit d'une discipline qui relève à la fois à la linguistique et à l'esthétique. La théorie du langage littéraire est parfois désignée sous le terme de poétique.

Par souci de clarté, l'article présente ce qui relève de la littérature en général (genres, figures de style, comparatisme) et de l'analyse littéraire pour ce qui concerne les techniques d'étude des œuvres individuelles. Une théorie de la littérature ne peut se construire que sur l'étude d'un corpus d'œuvres. Réciproquement, l'analyse littéraire, pour être pertinente, doit s'appuyer sur une réflexion théorique sur le statut et la fonction de la littérature

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Critères de littérarité d'une œuvre

Critères internes à l'œuvre Qui relèvent de la forme des textes. C'est-à-dire l'esthétique , le

style, les champs lexicaux, les symboles, les figures de style... Qui relèvent du contenu des textes, donc les thèmes et valeurs

qui permettent d'analyser le texte selon le mode de représentation particulier de la vie que lui insuffle l'auteur.

Qui relèvent des relations entre les textes, soit l'intertextualité. En effet, un texte n'existe que dans une littérature constituée d'autres textes. Toutes ces œuvres se recoupent, que ce soit par la stylistique, la thématique, les idées... Des combinaisons nouvelles peuvent émerger, ce qui rend l'œuvre particulière.

Critères externes à l'œuvre Qui relèvent de l'auteur. l'œuvre est l' expression d'un moi

unique, avec une vision particulière. Qui relèvent du milieu social où celle-ci s'exerce. Là entre en

jeu la vision élitiste de la littérature. C'est-à-dire qu'on fait un lien entre la qualité de l'œuvre et sa diffusion. Plus celle-ci est largement diffusée et facilement comprise de tous, moins elle est appréciée par la critique littéraire, parce qu'une lecture exécutée trop au premier degré implique moins d'efforts de la part du lecteur.

Qui relèvent du lecteur. Il faut que le lecteur s'investisse dans l'œuvre afin d'en donner sa propre interprétation.

Plus il y a de ces critères dans une même œuvre, plus celle-ci est littéraire. Cependant, cette vision de la littérature est celle de l'institution littéraire même, la littérature peut être perçue différemment selon la vision qu'on a de celle-ci et des critères qui la constituent. Le concept de littérature n'est pas un concept de précision, il faut considérer la littérature dans son ensemble.

Théories littéraires

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Plusieurs approches peuvent être considérées lorsqu'on étudie la littérature ou un texte littéraire :

Formalisme

Le formalisme, du latin forma, « forme », est un concept esthétique. Il désigne :

Les mouvements littéraires et artistiques mettant l'accent sur « la forme plutôt que sur le fond » (par exemple dans la doctrine de l'art pour l'art. En musique, certaines écoles stylistiques se sont appuyées plutôt sur des formes prédéfinies alors que d'autres créaient un style musical plus personnel à partir même du matériau sonore. Voir notamment la controverse entre sérialisme er spectraux)

Une adhésion excessive aux formes artistiques en opposition au naturalisme ou au réalisme (connotation péjorative)

Par extension, l'adoption de formes abstraites, éloignées de leur sujet réel, dans d'autres disciplines

En linguistique : une approche théorique considérant le langage comme un système de formes plutôt qu'une matière propre. Cette approche a été popularisée par le groupe des formalistes russes et a largement inspiré le structuralisme.

« Aucun art ne peut refuser absolument le réel... Le formalisme peut parvenir à se vider de plus en plus de contenu réel, mais une limite l'attend toujours... Le vrai formalisme est silence. De même, le réalisme ne peut se passer d'un minimum d'interprétation et d'arbitraire. »

— Albert Camus, L'homme révolté, Paris, Gallimard, 1972, p. 332.

Selon Klages, le formalisme est « la pensée par signes purs ». Cette définition, au début du XX e   siècle , anticipe la meilleure illustration du langage formaliste, la programmation informatique, dont les termes

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récurrents, protocoles, commandes, routines, séquences, n'admettent aucune approximation.

Le formalisme philosophique

La notion de formalisme est souvent associée, à bon droit, à la philosophie, mais surtout aux mathématiques. Au moment où Descartes inventait la géométrie analytique et où Leibniz jetait les bases de la logique formelle, la Bourse, une institution où le signe a plus d’importance que le signifié, apparaissait en Europe.

Si en art, le formalisme se résume par le paradigme l'art pour l'art, en morale, il trouve sa forme la plus aboutie dans l'impératif kantien : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse à toi-même ». Cette approche formaliste de la morale a inspiré la célèbre formule au sujet de Kant : « la philosophie kantienne a les mains propres, mais elle n'a pas de mains » ; autrement dit, elle est trop formaliste pour trouver son application dans la vie réelle.

Le formalisme mathématique

Un formalisme est un système formel composé d'un langage formel et d'une sémantique représentée par un système déductif ou calculatoire. Un formalisme a pour objectif de représenter de manière non-ambiguë un objet d'étude en science. Les formalismes sont très courants en mathématique, logique mathématique ou en Informatique théorique, par exemple.

Les autres aspects du formalisme contemporain

Cet encodage formaliste de la pensée affecte de nombreux aspects de la vie moderne ; outre la place des technologies numériques, qui en sont l'illustration la plus concrète, un arsenal de chiffres sont couramment utilisés pour décrypter la société humaine : quotient intellectuel, PIB, taux de natalité, sondages, dont le versant formaliste peut être critiqué, notamment dans les choix de gestion économiques.

Joseph E. Stiglitz a critiqué l'idéologie formaliste du FMI et de la Banque Mondiale, qui ne concèdent des prêts aux pays en

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développement que sous caution de critères formels de taux d'inflation, taux de croissance et autres paramètres qui conviennent rarement à la diversité des économies concernées. La crise asiatique de 1997 serait une conséquence de l'application de cette politique formaliste dans les pays d'Asie du sud-est. Cet économiste dénonce aussi la libéralisation des marchés financiers, où, sémiologiquement parlant, le signe - cotes de bourse - a plus d'importance que le signifié - industries dans leur contexte socio-politique. Cette acception du formalisme trouve également un écho dans le concept deleuzien de déterritorialisation

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Histoire littéraire

L'histoire littéraire est la discipline qui étudie l'évolution de la littérature à la lumière des courants littéraires et des relations entre littérature et histoire.

Origines

On pourrait dire que la littérature commence avec l'alphabet, mais il existait sûrement une autre littérature, préhistorique peut-on dire, faite de contes et de récits oraux. Nous ne pouvons pas bien sûr rendre ici compte de cette période de l'histoire, nous commencerons donc notre exposé avec la littérature antique.

Littérature antique

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Littérature de l'Égypte antique

Littérature grecque

Traditionnellement, le premier des écrivains est Homère, et son épopée en deux volumes: l'Illiade et l'Odyssée. Mais il est aujourd'hui admis que ce poète ne fut qu'un archiviste de récit plus anciens, qu'il se borna à cataloguer, puis à ordonner. Intéressons-nous maintenant au grec attique du V e   siècle av. J.-C. , tel qu'il était parlé à Athènes. Ce dialecte (la Grèce en comptait plus de trois cents) est en effet celui qui connut la plus grande fortune littéraire. Cette époque compte des poètes comme Eschyle, Sophocle, Euripide, Ésope, ou encore des écrivains comme Théophraste ou Platon.

Si cette époque compte plus de poètes que d'écrivains « normaux », c'est que, comme le faisait remarquer un critique moderne, les grecs avait une façon très lyrique d'approcher l'art, un peu comme les allemands aujourd'hui. Pour eux, tout était poésie, et pas seulement ce qui semblait un peu relevé.

Œuvres majeures de cette époque : Le traité des Caractères, les dialogues de Platon, les tragédies (l'Agamemnon, Ajax, Andromaque,…)

Littérature latine

A contrario, l'art latin marque un recul de la poésie, certes les auteurs sont plus nombreux, mais seuls Horace, Virgile et Ovide sont poètes. On voit aussi naître un nouveau genre, la satyre, crée par Horace, Perse et Juvénal, l'épître à sujet moral comme celle de Sénèque, et l'épigramme comme celle de Martial. La période faste de cette littérature est en fait celle du règne d'Auguste, défenseur des arts. La fin de l'empire romain voit l'apparition d'une nouvelle littérature, celle des chrétiens, qui n'est pas de l'art à proprement parler, mais qui mérite sa place ici.

L'art latin fut fortement influencé par celui des Grecs.

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Œuvres majeures de cette époque : L'Enéide de Virgile, Les épîtres d'Horace, les fables de Phèdre, les satyres de Juvénal, le catéchisme de Saint Augustin.

Littérature du Moyen Âge

Cette période est assez pauvre en chefs d'œuvre, et se caractérise surtout par l'effort des moines pour conserver les œuvres de l'antiquité. Encore une fois, la littérature chrétienne se développe.

On peut néanmoins signaler des œuvres comme la chanson de gestes ou les fabliaux.

Œuvres majeures de cette époque : Somme théologique de Saint Thomas d'Aquin.

Littérature du XVIe siècle

Période dite baroque, qui correspond à la Renaissance. En réaction contre la pauvreté artistique du siècle passé, les écrivains de cet époque préfèrent « en faire trop ». Ce siècle fut également très poétique, contrairement à ce qu'affirmait Boileau dans son art poétique. Les poètes de cet époque sont l'Arioste, le Tasse, Ronsard, du Bellay, Shakespeare et Pope. Cette période est d'abord marqué par une imitation des Anciens, puis par le rejet total de ces derniers.

Ce formidable essor fut rendu possible par l'invention de l'imprimerie.

Œuvres majeures de cette époque : Les épopées des italiens, les odes et les sonnets des français, et les tragédies de Shakespeare.

Littérature du XVIIe siècle

Période dite classique. Époque de Corneille, Racine, Molière, la Fontaine et Boileau en France, de Calderon pour l'Espagne.

Regardez d'autres dictionnaires:

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Histoire Littéraire — Cet article est ue ébauche cocerat l’histoire et la littérature. Vous pouvez partager vos coaissaces e l’améliorat ( commet ?) selo les recommadatios des projets correspodats. L' histoire littéraire est la… (Français Wikipedia)

Revue d'Histoire Littéraire de la France — Revue d'Histoire littéraire de la Frace Cet article est ue ébauche cocerat la presse écrite et la littérature. Vous pouvez partager vos coaissaces e l’améliorat ( commet ?) selo les recommadatios des projets correspodats. La… (Français Wikipedia)

Revue d'Histoire littéraire de la France — Revue d'Histoire littéraire de la Frace Cet article est ue ébauche cocerat la presse écrite et la littérature. Vous pouvez partager vos coaissaces e l’améliorat ( commet ?) selo les recommadatios des projets correspodats. La… (Français Wikipedia)

HISTOIRE — s. f. Récit d'actios, d'évéemets, de choses diges de mémoire. Histoire uiverselle. Histoire géérale. Histoire particulière. Histoire aciee. Histoire modere. Histoire profae. Histoire sacrée. Histoire saite. Histoire… (Dictionnaire de l'Académie Française, 7ème édition (1835))

AFFABULATION — . f. T. d’Histoire littéraire Partie d’ue fable, d’u apologue, qui e explique le ses moral. O emploie plus souvet das ce ses le mot MORALITÉ ou MORALE. Il sert aussi à désiger la Trame d’u récit, l’itrigue d’ue pièce. Voici e deux… (Dictionnaire de l'Académie Française, 8ème édition (1935))

ALEXANDRIN, INE — adj. T. de Versificatio Qui a douze syllabes. Vers alexadri. Les tragédies, les poèmes épiques sot ordiairemet écrits e vers alexadris. La césure, le repos du vers alexadri est le plus souvet après la sixième syllabe. Les vers… (Dictionnaire de l'Académie Française, 8ème édition (1935))

HÉROÏ-COMIQUE — adj. des deux genres T. d’Histoire littéraire Qui tient de l’héroïque et du comique. Il se dit de Poèmes ou autres ouvrages d’esprit. Le Roland furieux, le Lutrin sont des poèmes héroï-comiques.… (Dictionnaire de l'Académie Française, 8ème édition (1935))

HISTOIRE — . f. Récit d’actios, d’évéemets, de choses diges de mémoire. Histoire uiverselle. Histoire géérale. Histoire aciee. Histoire modere. Histoire profae. Histoire sacrée. Histoire saite. Histoire ecclésiastique. Histoire romaie.… (Dictionnaire de l'Académie Française, 8ème édition (1935))

SYMBOLISME — . m. Figuratio par des symboles, iterprétatio par les symboles. Le symbolisme des religios primitives. Le symbolisme du portail de Moissac. E termes d’Histoire littéraire, il se dit d’u Mouvemet poétique de la fi du dix-euvième… (Dictionnaire de l'Académie Française, 8ème édition (1935))

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Comparatisme

Le comparatisme est l'étude comparée des grammaires ou des littératures de langues différentes. Voir les articles détaillés :

Littérature comparée

La littérature comparée est une approche multi-disciplinaire qui consiste en l'étude comparative des littératures de différentes aires linguistiques, mais aussi de différents médias et types d'arts. Le comparatiste peut s'intéresser aux littératures nationales, tout comme à la musique, à la peinture, au cinéma, etc. La pratique de cette discipline exige la maîtrise de plusieurs langues et des connaissances dans plus d'un domaine de recherche. Par sa nature pluraliste, la littérature comparée encourage les échanges entre les disciplines et les lieux de recherche.

L'Université Paris IV-Sorbonne, l'Université d'Indiana-Bloomington et l'Université de Tokyo-Komaba sont réputées pour leurs rôles importants de ce domaine. Dans le monde francophones, cette discipline est également enseignée, entre autres, à l'Université de Montréal et à l'Université de Genève. La littérature comparée spécifiquement française s'est longtemps limitée aux études des auteurs en relation biographique. Aujourd'hui, sous l'influence des recherches américaines et japonaises, elle s'est ouverte aux études thématiques, idéologiques, etc.

Quelques grands noms de la littérature comparée :

Erich Auerbach Fernand Baldensperger

René Étiemble

Pierre Brunel

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Géocritique

La géocritique est une méthode d'analyse littéraire et une théorie littéraire qui accorde le plus grand intérêt à l'étude de l'espace géographique.

Les premiers travaux présentés comme géocritiques sont issus d'un colloque organisé par Bertrand Westphal à l'université de Limoges. Sa contribution, « Pour une approche géocritique des textes » (publiée aussi en ligne), constitue un manifeste de la géocritique. Mais des études qui ne se disaient pas géocritiques mais qui abordent des thématiques voisines ont été bien entendu produites longtemps auparavant.

Théorie

La géocritique repose sur trois prémisses théoriques : la spatio-temporalité, la transgressivité, et la référentialité. L’idée que l’espace et le temps forment un ensemble continu (l’espace-temps) est due aux découvertes de la physique moderne. La conduire dans le domaine de la théorie littéraire permet de proposer une méthode d’analyse littéraire interdisciplinaire. L’analyse ne se centre plus seulement sur des données à rapporter au temps comme la vie de l’auteur, l’histoire du texte (que reconstitue la critique textuelle), ou le cours du récit (qu’étudie la narratologie), mais sur des données spatiales. La géocritique a donc des affinités avec la géographie, et se nourrit de certains concepts philosophiques comme celui de déterritorialisation.Grâce aux travaux de Michel Foucault, Henri Lefebvre et Mikhail Bakhtine, les représentations de l’espace sont maintenant caractérisées par une transgression générale et croissante des normes établies. La cartographie n’est plus l’apanage des grands États, et diverses saisies d’un même espace, selon les points de vue considérés, sont prises en compte par les sciences humaines et sociales. Comme elle en tient compte, la géocritique est multifocale, ce qui la distingue de l’imagologie, généralement centrée sur la vision de l’étranger dont témoigne l’auteur d’un récit de voyage.

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La géocritique est confiante aussi dans la référentialité des œuvres littéraires : entre le monde et le texte, autrement dit entre le référent et sa représentation, il y a un lien. S’interroger sur sa nature et son état permet à la géocritique de proposer une étude de la fiction en littérature qui doit beaucoup à la théorie des mondes possibles. La notion de tiers-espace, créée par le géographe américain Edward Soja (Thirdspace) permet de postuler un moyen terme entre l'espace géographique et ses diverses représentations.

Pratique

La géocritique peut se consacrer à l’étude de lieux décrits dans la littérature par des auteurs divers, mais elle peut aussi étudier l’impact des œuvres littéraires sur les représentations courantes des lieux qu’elles décrivent.

Les travaux théoriques qui ont contribué à constituer le domaine de recherche que la géocritique a fait sien sont nombreux, anciens et divers. Gaston Bachelard, dans certains de ses ouvrages, a étudié des œuvres littéraires pour dresser une typologie des lieux selon leurs connotations. Maurice Blanchot a donné corps à l’idée qu’il existe un espace littéraire spécifique, lieu imaginaire de la création de l’œuvre, qui reste sensible dans la conception de l’espace manifestée par l’écrivain. Dans son Atlas du roman européen, Franco Moretti a étudié la diffusion de ce genre en Europe et les rapports noués entre le texte et l’espace. Des thèses de doctorat, soutenues ou en cours d’élaboration, se consacrent au Paris des écrivaines américaines des années 1900-1940, à la notion de territoire dans la fiction postmoderniste, à l’espace dans les œuvres de Jules Verne ou de Céline.

L’imagologie L’écocritique

La géopoétique de Kenneth White

Sources

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T e o r i S a s t r a P r a n c i s | muslikh madiyant

Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace (1957), Paris, PUF, « Quadrige », 1994.

Maurice Blanchot, L’Espace littéraire (1955), Paris, Gallimard, « Folio Essais », 1988.

Yves Clavaron, Le Génie de l’Italie, Géographie littéraire de l’Italie à partir des littératures américaine, britannique et française (1890-1940), Paris, Connaissances et Savoirs, 2006.

Franco Moretti, Atlas du roman européen : 1800-1900 (1997), tr. de l’it. Nicolas Jérôme, Paris, Seuil, « La Couleur des Idées », 2000.

Jean-Marc Moura, L’Europe littéraire et l’ailleurs, Paris, PUF, « Littératures européennes », 1998.

Edward Soja, Postmodern Geographies: The Reassertion of Space in Critical Social Theory. London: Verso Press, 1989.

Edward Soja, Thirdspace: Journeys to Los Angeles and Other Real-and-Imagined Places. Oxford: Basil Blackwell. 1996.

Bertrand Westphal (éd.), Géocritique mode d’emploi, Limoges, Pulim, 2001.

Bertrand Westphal, L’Œil de la Méditerranée, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2005.

Bertrand Westphal, Pour une approche géocritique des textes, SFLGC, Vox Poetica, 2005.

Bertrand Westphal, La Géocritique, Réel, Fiction, Espace, Paris, Éditions de Minuit, « Paradoxe », 2007.

Lionel Dupuy, En relisant Jules Verne   : un autre regard sur les Voyages Extraordinaires, Dole, La Clef d'Argent, 2005. 176 p.

Lionel Dupuy, Jules Verne, l'homme et la terre   : la mystérieuse géographie des Voyages Extraordinaires, Dole, La Clef d'Argent, 2006. 176 p.

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Création littéraire — Littérature La liseuse, de Jea Hooré Fragoard, 1772 Cet article ou cette sectio est sujet à cautio car il e cite pas suffisammet ses sources.  (ovembre 2008) Pour redre l'article vérifiable, sigalez les passages sas source avec… (Français Wikipedia)

Narratologie

La narratologie (science de la narration) est la discipline qui étudie les techniques et les structures narratives mises en œuvre dans les textes littéraires.

Histoire de la narratologie

Les premiers travaux en narratologie des études littéraires modernes proviennent du formalisme russe et tout particulièrement des travaux de Victor Chklovski et de Boris Eichenbaum.

En Allemagne la narratologie s'est développée sous l'impulsion de Franz Karl Stanzel et de Käte Hamburger.

Comme la sémiologie, la narratologie s'est développée en France à la fin des années 1960, grâce aux acquis du structuralisme. En 1969, Tzvetan Todorov, forgeait le terme dans grammaire du Décaméron, et en 1972, Gérard Genette définissait certains de ses concepts fondamentaux dans Figures III.

Le personnage

Un récit est composé de plusieurs éléments essentiels, notamment un personnage, c’est-à-dire celui qui participe à l’histoire, le narrateur, celui qui raconte l’histoire et, enfin, un auteur, celui qui l’écrit. Il ne faut donc pas confondre le narrateur et l’auteur, puisque le narrateur n’est, en fait, qu’un rôle joué et inventé par l’auteur. Donc, le narrateur narre l’histoire et l’écrivain l’écrit.

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De même, tout comme une œuvre contient un auteur implicite, il existe aussi un lecteur et une personne construite à qui on destine le récit, c’est-à-dire le destinataire : « Le texte, objet de communication, ne se conçoit pas sans destinataire implicite. »[1] Le destinataire se définit comme le lecteur implicite à qui s’adressent les « effets de lecture programmés par le texte » [2], soit celui à qui s’adresse la narration. Selon Vincent Jouve, à la suite de l’analyse du destinataire on peut théoriquement mettre au jour les réactions du « lecteur réel », c’est-à-dire le sujet bio-psychologique qui tient le livre entre ses mains, lors de sa lecture du texte.

En narratologie, on nomme le destinateur « narrateur », par définition celui qui émet le message, et le destinataire « narrataire », celui à qui s’adresse le discours énoncé. Le narrataire n’a pas plus une existence réelle que le narrateur : ils n’existent que sous la forme textuelle. Le narrataire existe sous trois formes : narrataire intradiégétique (qui a toutes les caractéristiques d'un personnage), narrataire invoqué (qui n'a de caractéristique fictionnelle que l'apostrophe du narrataire intradiégétique[3]), narrataire extradiégétique (qui correspond à une figure de lecteur postulée par le texte lui-même et à laquelle tout lecteur s'identifie en lisant l'histoire)[4].

Les différents modèles d'interprétation des œuvres

Le modèle sémiotique

De prime abord, la sémiotique est la science dont l'objet est l'ensemble des processus de signification. Comme la sociologie ou la psychologie, la sémiotique n'a pas d'objet propre, mais elle constitue une grille d'analyse des phénomènes affectant le vivant et donc, elle représente un lieu où peuvent converger de nombreuses sciences comme la linguistique, l'anthropologie, la sociologie, la philosophie, l'épistémologie, etc. Peu importe son objet d'étude, elle approche les différents phénomènes qui le constituent en se demandant quel en est leur SENS.

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La sémiotique narrative, voire la sémiotique greimassienne, s'intéresse aux structures de l'histoire qui compose le récit, soit au "contenu". Sur ce plan, l'histoire peut se définir comme un enchaînement d'actions prises en charge par des acteurs. Par définition, l'acteur est l'instance chargée d'assumer les actions qui font fonctionner le récit. En effet, il ne peut y avoir de récit sans actions.

En ce qui concerne les actants, on se réfère surtout au schéma actanciel tel qu'établit par A.J. Greimas. Selon lui, les rôles actantiels (ou actants) sont au nombre de six:

1. le sujet2. l'objet

3. l'opposant

4. l'adjuvant

5. le destinateur

6. le destinataire

Finalement, le rôle thématique désigne l'acteur qui est porteur de sens, notamment au niveau figuratif. Il renvoie donc à des catégories (psychologiques, sociales) permettant d'identifier le personnage sur le plan du contenu. Selon Vincent Jouve [5] "si le rôle actantiel assure le fonctionnement du récit, le rôle thématique lui permet de véhiculer du sens et des valeurs. De fait, la signification d'un texte tient en grande partie aux combinaisons entre rôles actantiels et rôles thématiques".

Le modèle sémiologique

Une approche est qualifiée de sémiologique lorsqu'elle choisit d'étudier un aspect (par exemple le personnage) sur le modèle du signe linguistique. Ainsi, le personnage devient le "signe" du récit et se prête à la même qualification que les signes de la langue. De ce fait, on peut classer les personnages d'un récit en trois catégories:

les personnages référentiels : ils reflètent la réalité (personnages historiques, mythologiques, personnages types);

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les personnages embrayeurs : ils dessinent la place de l'auteur ou du lecteur dans la fiction (narrateur-témoin, observateur);

les personnages anaphores : ils rappellent des données importantes ou préparent la suite du récit (historien, enquêteur, biographe, devin, prophète).

Philippe Hamon retient aussi trois champs d'analyse :[6]

l'être (le nom, le portrait physique, la psychologie, etc.); le faire (les rôles thématiques et les rôles actantiels);

l'importance hiérarchique (statut et valeur).

Le modèle sémio-pragmatique

Dans la lignée des travaux effectués par Umberto Eco dans Lector in fabula (1985), une approche sémio-pragmatique étudie le personnage comme "effet de lecture". En d'autres termes, la narration (la manière dont le narrateur effectue sa présentation, sa mise en scène) influence l'image que retient le lecteur d'un personnage et les sentiments qu'il lui inspire.

Selon Vincent Jouve les personnages peuvent induire trois types différents de lecture :[7] "Un personnage peut se présenter comme un instrument textuel (au service du projet que s’est fixé l’auteur dans un roman particulier), une illusion de personne (suscitant, chez le lecteur, des réactions affectives), ou un prétexte à l’apparition de telle ou telle scène (qui, sollicitant l’inconscient, autorise un investissement fantasmatique). On nomme respectivement ces trois lectures : l’effet-personnel, l’effet-personne et l’effet-prétexte."

Les actions et l'intrigue

Selon Paul Larivaille[8], l'intrigue (l'histoire) se résume dans toute œuvre selon un schéma quinaire:

1. Avant - État initial - Équilibre2. Provocation - Détonateur - Déclencheur

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3. Action

4. Sanction - Conséquence

5. Après - État final - Équilibre

Bref, selon ce schéma, le récit se définit comme le passage d'un état à un autre par la transformation (étapes 2, 3 et 4):

"Un récit idéal commence par une situation stable qu'une force quelconque vient perturber. Il en résulte un état de déséquilibre; par l'action d'une force dirigée en sens inverse, l'équilibre est rétabli; le second équilibre est bien semblable au premier, mais les deux ne sont jamais identiques. Il y a par conséquent deux types d'épisode dans un récit; ceux qui décrivent un état (d'équilibre ou de déséquilibre) et ceux qui décrivent le passage d'un état à l'autre."

(Tzvetan Todorov, Qu'est-ce que le structuralisme?, tome 2, "Poétique", Paris, Éd. du Seuil, 1968, p. 82)

La narratologie post-classique (Baroni 2007) est venue redéfinir les notions de schéma narratif et d'intrigue en insistant sur l'actualisation du récit par un interprète et sur les émotions (suspense, curiosité, surprise) générées par la "mise en intrigue" des événements. La séquence narrative repose dès lors sur l'alternance entre un noeud textuel qui agit comme un inducteur d'incertitude chez l'interprète, un retard qui entretien la tension narrative par une narration réticente, et enfin un dénouement textuel qui viendra éventuellement répondre aux questions engendrées par le noeud. Cette conception de la séquence narrative fait ressortir deux modalités alternatives de l'intrigue suivant le type de noeud textuel: l'interrogation peut porter soit sur le développement ultérieur d'un événement sous-déterminé (alors les pronostics de l'interprète accompagnent un sentiment de suspense), soit sur la nature d'un événement mystérieux actuel ou passé (alors les diagnostics de l'interprète accompagnent un sentiment de curiosité) (Baroni 2007: 110-152). Cette approche renouvelée permet de définir l'intrigue non seulement en tant que logique de l'action ou structure immamente de l'histoire, mais également en tant que dispositif textuel et fonctionnel dont dépend en partie l'intérêt anthropologique de la

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narrativité et ses effets passionnels ou "thymiques" sur un auditoire (cf. catharsis). Il devient en outre possible de tisser des liens entre narratologie thématique (Bremond, Larivaille, etc.) et narratologie modale (Genette) en insistant sur la nécessaire interdépendance entre histoire (fabula) et discours (sujet).

"les éléments textuels qui sont susceptibles de nouer une intrigue - c'est-à-dire les "complications" actionnelles ou les obscurités provisoires du texte - ne peuvent être ressentis et perçus comme des "événements" dans le procès narratif qu'en fonction de leur caractère "tensif", qui est plus ou moins marqué ou diffus. (...) Tension et intrigue se trouvent dès lors indissociablement liés, ce sont deux dimensions du récit qui se définissent réciproquement à partir d'un point de vue thymique et compositionnel."

(Raphaël Baroni, La Tension narrative, "Poétique", Paris, Éd. du Seuil, 2007, p. 54)

L'analyse de Genette

Le temps narratif

Il est important de toujours bien distinguer ce qui relève ou non de la narratologie, c'est-à-dire ici, le temps de l'univers représenté et les temps du discours.

La narratologie peut analyser le temps du récit. Il en existe plusieurs : l'ordre, la durée, la fréquence, etc. L'ordre du récit est l'ordre des faits. Il peut y avoir rétrospection ou anticipation, l'ordre peut aussi être linéaire mais aussi anachronique. La durée quant à elle est le temps que dure les faits, le rythme de la narration. Aussi, la fréquence est le nombre de fois qu'un événement s'est passé.

On peut distinguer :

1. l'ellipse : Certains événements dans la narration sont passés sous silence et à ce moment on utilise une ellipse temporelle

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pour que le lecteur puisse se situer dans le texte. Exemple : « Le jour J (ellipse temporelle) arriva ». On peut supposer que les jours précédents n'ont pas été narrés.

2. le sommaire : on résume en quelques lignes des événements de longue durée, le récit va plus vite que l'histoire.

3. la scène : le temps de narration est égal au temps du récit. On raconte les événements tels qu'ils se sont passés. Exemple : dans un dialogue.

4. la pause : le récit avance, mais l'histoire est suspendue, on omet une période de l'histoire. Exemple : lors d'une description.

Les moments de la narration

On distingue au moins quatre moments différents dans la narration :

1. ultérieur : on raconte après ce qui s'est passé avant;2. antérieur : on raconte avant ce qui va se passer;

3. simultané : on raconte directement ce qui se passe;

4. intercalé : on mélange présent et passé.

Les modes narratifs et les points de vue Focalisation externe

L’histoire est racontée à travers le regard d’un narrateur extérieur à l’histoire qui n’y participe pas.

Focalisation interne

L’histoire est racontée à travers le regard d’un personnage

Focalisation zéro (point de vue omniscient)

Le narrateur sait tout et en sait même plus que les personnages (surtout dans le roman, permet de donner des informations en très peu de lignes)

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Dans la majorité des romans, les 3 points de vue coexistent en alternance et s’inscrivent donc dans la focalisation variable (zéro) : la focalisation se déplace d’un personnage à un autre ou est indéterminable.

Lorsque le narrateur se confond avec l'un des personnages qui raconte l'histoire de son point de vue, il s'agit d'un récit à la première personne. Cette technique est différente de la focalisation interne. En effet, le narrateur peut prendre une distance avec le regard du personnage tout en utilisant la focalisation interne. Il peut pour cela utiliser l'ironie, à la manière de Flaubert.

Références

1. Vincent Jouve , L’effet-personnage dans le roman, coll. « Écriture », Paris, PUF, 1992, p. 18

2. JOUVE, Vincent . L’effet-personnage dans le roman, coll. « Écriture », Paris, PUF, 1992, p.21

3. WAGNER, Frank. "Analogons (de quelques figures de lecteurs/lectrices dans le texte et de leurs implications pragmatiques)", in Revue d'études cuturelles (Lecteurs et lectrices, théories et fictions), Dijon, Association bourguignonne d'Etudes Linguistiques et Littéraires, n°3, automne 2007, pp. 11 à 33.

4. JOUVE, Vincent. La Lecture, Hachette, coll. "Contours littéraires", 1993.

5. La poétique du récit, Éd. Armand Colin, 1997, p.53

6. Pour un statut sémiologique du personnage Seuil, coll. Point, 1977

7. L'effet-personnage dans le roman PUF, coll. Écriture, 1992

8. L'analyse morpho-logique du récit, in Poétique n°19, 1974

Psychocritique

Méthode d'analyse littéraire inspirée par la psychanalyse.

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La psychocritique a été définie par Charles Mauron, créateur du terme et de la méthode, en 1948.

Charles Mauron : la psychocritique

S'appuyant sur cette notion de mimesis dans la création littéraire, Charles Mauron propose une méthode d'analyse littéraire dans: Des Métaphores Obsédantes au Mythe Personnel, [1]. L'analyse est menée en quatre phases :

1. l'inconscient s'exprime dans l'œuvre: métaphores et symboles véhiculent une réalité intérieure, le mécanisme de création s'apparente à celui du rêve éveillé.

2. il s'avère que ces métaphores et symboles se retrouvent dans les diverses œuvres du même auteur. On procède à une juxtaposition de ces œuvres.

3. On dégage des "réseaux métaphoriques" qui éclairent d'un nouveau jour des thèmes symboliques "obsédants". Chaque œuvre est une dramatisation, une représentation de désirs, de pulsions, de tabous qui relèvent inconsciemment de l'obsessionnel.

4. La vie de l'auteur, son passé permettent de mieux comprendre la prévalence de ces réseaux métaphoriques : on définit ainsi le "mythe personnel" de l'auteur.

Poète, romancier ou dramaturge, le créateur ne peut être réduit à un être ratiocinant : il reproduit, plus ou moins consciemment, son expérience humaine et son art réside dans sa capacité de sublimation de ses pulsions primaires.

Notes et références

1. Charles Mauron, des métaphores obsédantes au mythe personnel

Citation de Charles Mauron in Chants et danses du Périgord, éd. Pierre Fanlac 1968 "Comme nous protégeons les beautés de notre

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pays, ses monuments ou ses paysages, nous devons protéger sa langue dont le trésor nous a été confié. Nous ne pouvons pas laisser les fatalités imbéciles et l'insouciance générale, détruire un élément de civilisation. Une LANGUE vaut bien une cathédrale.".

Ce document provient de « Charles Mauron ».

Catégorie : Théoricien de la littérature

Littérature

La liseuse, de Jean Honoré Fragonard, 1772

Le mot littérature (du latin littera, « lettre », puis litteratura, « écriture », « grammaire », « culture ») désigne principalement[1] :

L'ensemble des œuvres écrites ou orales fondées sur la langue et comportant une dimension esthétique (à la différence par exemple des œuvres scientifiques ou didactiques) : sens attesté en 1764.

Les activités de production et d'étude de telles œuvres : sens apparu dans la première partie du XIX e   siècle .

L'ensemble de textes publiés relatifs à un sujet, qu'ils aient ou non une dimension esthétique (d'après l'allemand Literatur, 1758). C'est en ce sens que l'on peut parler par exemple de littérature scientifique. L'expression littérature grise désigne les textes administratifs ou de recherche non publiés servant aux échanges entre professionnels d'une même discipline. Ces sens larges ne sont pas pertinents dans le cadre de la présente rubrique.

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Définitions et notion de littérature

Des définitions incertaines

La littérature se définit comme un aspect particulier de la communication verbale — orale ou écrite — qui met en jeu une exploitation de toutes les ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu'il soit lecteur ou auditeur. La littérature — dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles — se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique : la mise en forme du message l'emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d'informations même complexes. Aujourd'hui la littérature est associée à la civilisation des livres par lesquels nous parlent à distance les auteurs, mais elle concerne aussi les formes diverses de l'expression orale comme la poésie traditionnelle des peuples sans écriture — dont nos chansons sont les lointaines cousines — ou le théâtre, destiné à être reçu à travers la voix et le corps des comédiens.

La littérature, dans son sens le plus courant, est donc un art à part entière. Mais il est parfois difficile de cerner les limites de cet art quand on aborde des écrits philosophiques, des pièces de théâtre ou des scénarios qui relèvent aussi des arts du spectacle (voire la bande dessinée et certaines formes écrites de l'art contemporain). D'une manière générale, la littérature regroupera ici les œuvres ayant soit un but esthétique soit une forme esthétique particulière. La dimension esthétique est donc la finalité de la littérature, critère qui la différencie des autres types d'écrits comme le journalisme ou la politique répondant à certaines contraintes spécifiques. À première vue, cette définition exclut donc les écrits purement philosophiques, politiques ou historiques. Mais il convient d'être particulièrement précautionneux dans la catégorisation des genres et types d'écrits appartenant ou non à la littérature. Un texte peut ainsi posséder une certaine dimension littéraire sans que l'auteur ne l'ait voulu, ou alors sans que cela ne soit son but en tant que genre. Les critères de littérarité d'une œuvre ont également fait l'objet de nombreux débats entre académiciens, certains établissant une hiérarchie entre les genres, d'autres s'en tenant à la

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conformité d'une œuvre par rapport à son genre ou bien s'attachant au rôle supposé du texte littéraire. Enfin, pour certains, une grande œuvre littéraire est avant tout celle qui résiste à l'épreuve du temps, qualité qui garantirait sa portée universelle.

En effet, riche de sa diversité formelle sans limite autant que de ses sujets sans cesse revivifiés qui disent l'humaine condition, la littérature est d'abord la rencontre entre celui qui, par ses mots, se dit lui-même et son monde, et celui qui reçoit et partage ce dévoilement.

La notion de littérature : évolution historique

La définition de la littérature en tant qu'ensemble d'œuvres à finalité esthétique est une conception assez moderne. En effet, auparavant, on avait plutôt tendance à attribuer le statut de littérature à des œuvres correspondant à des critères formels assez stricts. Dans sa Poétique, Aristote, un des fondateurs de la critique littéraire, se concentre principalement sur la tragédie et l'épopée en instaurant des règles formelles régissant ces discours. De plus, pour les Grecs, l'Histoire est un art à part entière, inspiré par la muse Clio.

L'essai a également appartenu au domaine de la littérature. Son sujet n'était alors pas aussi important que dans les essais contemporains qui ne sont plus considérés comme œuvres littéraires. La philosophie quant à elle n'est pas moins ambiguë: la littérarité des Dialogues de Platon n'est pas remise en question aujourd'hui, ni celle des Pensées de l'empereur romain Marc Aurèle. Par ailleurs, la poésie a souvent été considérée comme la forme littéraire la plus pure, dans laquelle l'esthétique de la littérature est présentée dans sa plus stricte simplicité. Il apparaît donc que la littérarité d'une œuvre est sujette au changement et que les siècles ont vu la littérature s'étoffer et incorporer des formes de plus en plus diversifiées et populaires.

Auteurs et écrivains

Il existe une distinction entre auteurs et écrivains basée sur la définition de la littérature. Les écrivains écrivent des œuvres de littérature tandis que le terme auteur regroupe toute personne ayant

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écrit au moins un livre, qu'il soit politique, historique, scientifique ou bien évidemment littéraire.

Sémiologie

La sémiologie ou séméiologie est la science des signes.

Le terme sémiologie a été créé par Emile Littré et pour lui, il se rapportait à la médecine[1]. Il a ensuite été repris et élargi par Ferdinand de Saussure, pour qui la sémiologie est « la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Cours de linguistique générale, p. 33). Le terme sémiotique, inventé par Charles Sanders Peirce quelques années auparavant, recouvre la même idée et est utilisé le plus fréquemment en dehors de France.

Toute science étudiant des signes est une sémiologie. Le terme est donc utilisé dans plusieurs disciplines.

Sémiologie en linguistique

La sémiologie (du grec « séméion », le signe, et logos, "discours", "raison", "étude") apparaît être une discipline récente. En linguistique, la théorie générale des signes n'est pas nouvelle puisqu'on la rencontre chez des auteurs comme Court de Gébelin ou Joseph-Marie de Gérando.

Tombée presqu'un siècle dans l'oubli, la publication du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure propose d'en renouveler la définition, ou plutôt d'en circonscrire le champ d’étude : « On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale ; nous la nommerons sémiologie. Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. Puisqu’elle n’existe pas encore, on ne

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peut dire ce qu’elle sera ; mais elle a droit à l’existence, sa place est déterminée d’avance. La linguistique n’est qu’une partie de cette science générale… » (de Saussure, 1972 [1916], p. 33).

On assiste alors à un regain d'intérêt pour l'étude des signes, et la sémiologie devient une nouvelle discipline dans les Sciences sociales avec des auteurs comme Greimas, Barthes, Jean Baudrillard, Mounin ou Umberto Eco.

Cette définition sera progressivement étendue à d'autres champs que la philologie pour devenir une science générale de la communication. Ainsi, Buyssens s’est proposé de définir la sémiologie comme « la science qui étudie les procédés auxquels nous recourons en vue de communiquer nos états de conscience et ceux par lesquels nous interprétons la communication qui nous est faite » (Buyssens, 1943, p. 5). Cette définition, très emprunte d'individualisme méthodologique, sera vite dépassée par la conception de Greimas qui envisage la sémiologie dans toute sa dimension culturelle et comme un fait social total.

Aujourd'hui, le second sémiotique prédomine. Il fallait donc que le premier se cantonne dans un sens plus spécialisé ; ce fut celui de la description spécifique de systèmes de signes particuliers. Pour Hjelmslev, la sémiologie est une sémiotique dont le plan du contenu est lui-même une sémiotique. Cette distinction est d'une certaine manière reflétée ici. D'une démarche plus consciente, nous avons voulu, dans l'expression « système sémiologique » par exemple, introduire entre sémiotique et sémiologique la même nuance que celle qui existe entre phonétique et phonologique : une nuance entre la science de la substance et celle de la forme.

"DEUX ÉCOLES EN SÉMIOLOGIE. Sémiologie de la Communication et Sémiologie de la signification.

1) La sémiologie de la Communication étudie uniquement le monde des signes, par exemple l'étude des systèmes de vêtements de deuil ou de la canne blanche de l'aveugle (système à un seul signe ou signe

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isolé). Représentants éminents : Georges MOUNIN, Éric BUYSSENS, Louis PRIETO. La sémiologie de la Communication a étudié : le code de la route, les signaux ferroviaires maritimes et aériens, le morse, les sonneries militaires, les insignes, les langages machine, la notation musicale, le langage de la chimie, des ordinateurs, les langues parlées, sifflées, le tam-tam...

2) La sémiologie de la Signification n'a pas d'a priori, elle étudie signes et indices, sans se préoccuper de la distinction. Représentant : Roland BARTHES créateur du courant. Elle s'intéresse à tout ce qui signifie quelque chose sans se préoccuper si cela est volontaire ou pas. Interprétation de phénomènes de société, elle cherche si les choses n'ont pas un sens caché, des valeurs symboliques par exemple le combat bien/mal chez les catcheurs. Le combat à un rôle de catharsis. Elle s'est occupé d'analyse de pubs, des notions impliquées dans le langage. - Conscient, conventionnel, précis : sémiologie de la communication. Univers du sens caché, sans rigueur, non conventionnel : sémiologie de la Signification. - D'après le cours de C. Maury-Rouan, Langage et Communication."

Sémiologie médicale

C'est pour la médecine que ce terme a été inventé par Emile Littré. La sémiologie médicale est la partie de la médecine qui étudie les symptômes et signes et la façon de les relever et de les présenter afin de poser un diagnostic.

Sémiologie en géographie

On parle également de sémiologie en géographie. Elle y est utilisée comme "technique" d’interprétation ou de traduction. En particulier, la géographie s’intéresse non seulement à la sémiologie générale, mais aussi à la sémiologie graphique : par exemple, l’étude de la pertinence des représentations de l’espace (notamment cartographiques) et des groupes sociaux qui les peuplent (représentations paysagères, processus de construction de l’identité, etc.) utilise le cadre conceptuel de la sémiologie graphique.

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Sémiologie visuelle

La sémiologie visuelle ou sémiotique visuelle a été particulièrement développée dans les travaux du Groupe µ, et spécialement dans l'ouvrage fondamental qu'est Traité du signe visuel (1992). Cet ouvrage part des fondements physiologiques de la vision, pour observer comment le sens investit peu à peu les objets visuels. Il distingue d'une part les signes iconiques (ou icônes), qui renvoient aux objets du monde, et les signes plastiques, qui produisent des significations dans ses trois types de manifestation que sont la couleur, la texture et la forme. Il montre comment le langage visuel organise ses unités en une véritable grammaire. Une telle grammmaire permet de voir comment fonctionne une rhétorique visuelle, au sein d'une rhétorique générale.

Sémiologie de la photographie

Pol Corvez (sémiologue à l'université d'Angers) travaille sur la sémiologie de la photographie. Au lieu de se fonder sur les référents, comme le font les typologies traditionnelles, il se fonde sur le repérage et l'analyse des signifiants propres à la photographie et aux arts graphiques et propose une typologie des œuvres photographiques. Il appelle cette nouvelle discipline la «photologie ». Cette typologie comprend quatre classes : le Clinique, le Mythique, le Déixique et le Morphique. Sa thèse La photologie : pour une sémiologie de la photographie, est consultable dans les bibliothèques universitaires.

Sémiologie du cinéma

La sémiologie du cinéma a notamment été développée par Christian Metz.

Christian Metz, né à Béziers le 12 décembre 1931 et mort à Paris le 7 septembre 1993, est un théoricien français de la sémiologie du cinéma de notoriété internationale.

Ses travaux constituent à la fois une contribution à la théorie française du cinéma et à la sémiotique visuelle.

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Christian Metz a enseigné à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

En 1964, il publie l'article Le cinéma, langue ou langage ? dans la revue Communications et poursuit ses essais durant 25 ans avec : Essais sur la signification au cinéma (1968 et 1973), Langage et Cinéma (1971), les Essais sémiotiques (1977), le Signifiant imaginaire (1977).

Christian Metz a fondé son projet sémiologique du cinéma sur le structuralisme linguistique puis sur la psychanalyse de Lacan. Il est reconnu entre autres pour sa grande syntagmatique.

Ses travaux ont été critiqués par Jean Mitry en 1987 dans son ouvrage La Sémiologie en question[1], et avec virulence par Jean-François Tarnowski dans la revue Positif [ 2 ] .

Références

1. Jean Mitry, La Sémiologie en question : Langage et cinéma, éd. du Cerf, coll. « 7e art », Paris, janvier 1987, 275 p. (ISBN 2-204-02630-1) [présentation en ligne].

2. Jean-François Tarnowski, Positif n° 158 (04/1974) : De quelques problèmes de mise en scène (à propos de Frenzy d'Alfred Hitchcock) / Positif n° 188 (12/1976): De quelques points de théorie du cinéma ]

Références

1. Jean Mitry, La Sémiologie en question : Langage et cinéma, éd. du Cerf, coll. « 7e art », Paris, janvier 1987, 275 p. (ISBN 2-204-02630-1) [présentation en ligne].

2. Jean-François Tarnowski, Positif n° 158 (04/1974) : De quelques problèmes de mise en scène (à propos de Frenzy d'Alfred Hitchcock) / Positif n° 188 (12/1976): De quelques points de théorie du cinéma ]

Sémiologie de la musique

Dans les années 1970 Jean-Jacques Nattiez et Jean Molino publient les textes de base de la sémiologie de la musique « Fondements d´une sémiologie de la musique » et « Fait musical et sémiologie de la musique ».

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La sémiologie de Molino et Nattiez se base sur deux triades :

la notion de tripartition des formes symboliques et la conception triadique du signe développée par Charles

Sanders Peirce.

La tripartition de Molino et Nattiez soutient que toute oeuvre musicale peut être abordée de trois points de vue :

le niveau poïétique (point de vue de la production), le niveau esthésique (point de vue de celui qui reçoit le message

musical) et

le niveau immanent de l´œuvre (niveau neutre, l´ensemble des configurations du texte musical).

L´originalité de la tripartition de Molino et Nattiez est l´affirmation de la non-convergence des ces trois niveaux.

Sémiotique

La sémiotique est l'étude des signes et de leur signification.

En français, le terme sémiologie est souvent utilisé, avec la même signification. (voir l'article sémiologie). A tort puisque le principe sémiotique se différencie de la sémiologie à partir de Charles Sanders Peirce. En effet celui-ci élabore un principe sémiotique fonctionnant sur un système triadique, quand la sémiologie fonctionne, elle, selon un système binaire.

La sémiotique étudie le processus de signification c'est-à-dire la production, la codification et la communication de signes.

Elle concerne tous les types de signes ou de symboles, et non seulement les mots, contrairement à la sémantique. Même un geste ou un son sont considérés comme des signes. Même des images, des concepts, des idées ou des pensées peuvent être des symboles. La sémiotique fournit les outils nécessaires à l'examen critique des symboles et des informations, dans des domaines divers.

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La faculté de manipuler des symboles est une caractéristique de l'être humain et permet à celui-ci d'utiliser bien mieux les relations entre idées, choses, concepts et qualités que les autres espèces vivantes.

Actuellement, depuis Charles W. Morris [ 1 ] , on distingue trois "dimensions" de la sémiotique :

la sémantique : la relation entre les signes et ce qu'ils signifient (relations internes entre signifiant et signifié ou relation externe entre le signe global et le référent). Travaux du logicien Alfred Tarski, de Roland Barthes.

la syntaxe : les relations entre signes. Travaux des philosophes Gottlob Frege, Bertrand Russell, Rudolf Carnap, Richard Montague.

la pragmatique : la relation entre les signes et leurs utilisateurs. Travaux de Charles Peirce, William James, George Herbert Mead, John Dewey, Charles W. Morris.

La sémiotique, qui plonge ses racines dans l'épistémologie, la philosophie des sciences, la logique formelle, et, pour Saussure, dans la psychologie, prend de plus en plus d'importance au regard des sciences et de la technologie.

Histoire

Les origines de la sémiotique — ou sémiologie — remontent à la plus haute antiquité, et se confondent avec la naissance de la philosophie du langage.

En 1690, le philosophe John Locke dans An essay concerning human understanding, fut le premier à utiliser le terme semeiotike à partir du mot grec ancien σῆμα / sẽma qui signifie signe.

Ferdinand de Saussure (1857-1913), le père de la linguistique moderne, donna le nom de sémiologie à "la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale". Selon Saussure, les signes

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établissent la relation entre un signifiant et un signifié. Après lui, toute une ligne de sémioticiens européens se détache, parmi lesquels Louis Hjelmslev et Algirdas Julien Greimas, sémioticiens qui insistent beaucoup sur le principe de l'immanence dans la description des systèmes de signes. Pendant longtemps, la linguistique offrit ses patrons méthodologiques à la jeune discipline (comme en témoignent les travaux de Roland Barthes).

En Amérique, un courant ouvert par Peirce dès 1896 oriente la discipline dans une direction pragmatique. Charles W. Morris (1901-1979) fut reconnu pour sa Foundations of the Theory of Signs. Charles Morris[2] distingue dans la sémiotique trois aspects, dimensions. 1) L'aspect syntaxique porte sur les propriétés formelles des symboles, les relations des symboles entre eux. 2) L'aspect sémantique porte sur les relations entre les symboles et les objets auxquels ils s'appliquent, sur la désignation. 3) L'aspect pragmatique porte sur l'utilisation et la fonction effective des symboles, sur les relations entre les symboles et leurs utilisateurs ou interprètes : règles de l'utilisation par le sujet, motivations de l'interprète, réactions du public, efficacité de la communication, contexte factuel, usages des signes (information, évaluation, stimulation, systématisation)[3], etc.

Comme discipline, la sémiotique s'institutionnalise dans les années 60 du XXe siècle, et une Association internationale de sémiotique (International Association for Semiotic Studies), avec sa revue Semiotica, voit le jour. Cette association tient son premier congrès mondial à Milan en 1974. La discipline sémiotique se diversifie en sous-champs — sémiotique du droit, sémiotique visuelle, sémiotique de la littérature (voir les rubriques poétique et rhétorique), sémiotique de l'espace, etc., certains de ces champs disciplinaires ayant également leur association (comme l'Association internationale de sémiotique visuelle, International Association for Visual Semiotics.).

Umberto Eco fit mieux connaître la sémiotique à l'aide de plusieurs publications, notamment Le Signe (1973 ; 1988 pour la version française, remaniement important de Segno par Jean-Marie Klinkenberg) et Trattato di semiotica generale (Traité de sémiotique

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générale), 1975. Eco reconnaît explicitement l'importance des travaux de Peirce.

Depuis ces auteurs qui ont fait date, la sémiotique, nébuleuse en bouillonnement depuis le début du 20eme siècle, a donné naissance à de nombreux chercheurs dans des traditions diverses.

Robert Marty a prolongé les études de Peirce en produisant au début des années 1990 une modélisation mathématique de la sémiotique triadique dans son essai de sémiotique scientifique intitulé "l'algèbre des signes", texte fondateur du courant sémiotique moderne (R. Marty, 1990, « L'algèbre des signes, Essai de sémiotique scientifique d'après C.S. Peirce », Amsterdam John Benjamins.) qui définit plus particulièrement l'architechtonique du signe de laquelle le treillis des classes de signes est tiré. Dans son sillage les chercheurs du groupe Semiocom de l'Université de Perpignan (France) ont produit plusieurs thèses jusqu'au années 2005. Ce courant moderne de la sémiotique s'est fondé sur la phénoménologie ordonnée allant jusqu'à proposer les modes opératoires de l'analyse sémio-cognitive (Patrick Benazet , Approche sémiotique des processus cognitifs du multimédia éducatif : évaluation et préconisations, Thèse en Sciences de l'Information et Communication, Université de Perpignan, sept. 2004).

Principes

La sémiotique se fonde sur le concept de signe,, qui se distingue selon différents niveaux de perception du plus vague au plus distingué, Priméité, Secondéité, Tercéité respectivement nommés Représentamen, Objet, et Interprétant. Chacun de ses niveaux de perceptions du signe sont eux-mêmes divisés en trois modes, nommés : -Représentamen : qualisigne, sinsigne, legisigne -Objet : icône, indice, symbole -Interprétant : rhème, dicisigne, Argument (ce dernier est l'aboutissement d'un déroulement inférentiel, défini par le treillis des classes de signes, qui peut emprunter 5 chemins d'accès à la signification : hypotético-déductif, hypotético-inductif, empirico-déductif, empirico-inductif ou abductif)).

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La différence entre les concepts de signe et d'indice. Aussi la fumée est-elle l'indice du feu, et non un signe. Elle n'est que la conséquence naturelle du feu, et ne répondant à aucune volonté établie de signifier, elle ne s'inscrit dans aucun code. (sauf chez les indiens d'Amérique!)

Mis à part l'indice (ou "index"), Charles Sanders Peirce définissait deux types de signe :

l' icône renvoie à l'objet signifié au moyen d'une ressemblance avec celui-ci. Ainsi, en photographie ou en peinture, le portrait (icône) renvoie au sujet (objet). Évoquer une couleur au moyen d'un objet (rubis, émeraude, saphir) est également un processus iconique;

le symbole renvoie à l'objet au moyen d'une convention d'ordre culturel qui repose sur une association d'idées ou de valeurs. La balance et le glaive sont ainsi deux symboles différents de la justice, reliés l'un et l'autre à des valeurs culturelles très fortes: l'équité pour la balance, et la rigueur pour le glaive.

Il est très problématique de distinguer dans chaque observation ce qui reviendrait, de la part d'un sujet agissant, à l'index, à l'icone ou au symbole. Ces trois catégories imprègnent dans des proportions assez peu quantifiables, tout phénomène humain. On a pu prétendre que toute forme d'action comporte une tentative de se mettre en scène comme individu, de se présenter de manière inchoative. Il s'agirait d'une forme d'auto-portrait non nécessairement inconscient au sens freudien, plutôt infra-conscient, subconscient, tout simplement non conscient.

La sémiotique a acquis un renom certain avec Roland Barthes, qui fut en quête du langage des signes dans la publicité, la mode, et l'écriture romanesque et poétique. Toutefois, peut-être faut-il considérer que tout ne soit pas nécessairement signe. Si tel élément architectural peut être indubitablement considéré comme un signe, on pourrait cependant être tenté de penser avec le linguiste Frédéric François que « la construction des maisons n'est pas d'abord une pratique signifiante ». Si cela peut paraître à l'homme d'aujourd'hui

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incontestable, néanmoins, chaque pas franchi depuis les cavernes a certainement participé en son temps d'une pratique signifiante essentielle.

La psychanalyse et la sémiotique ont parfois réussi à se rencontrer, voire à se féconder mutuellement : la métasémiotique est un essai de sémiotique psychanalytique...

Branches

La sémiotique est divisée en plusieurs branches, étudiant chacune un aspect ou domaine particulier des signes, parmi lesquels ont peut citer :

la biosémiotique, aussi appelé la sémiotique du vivant, qui étudie tous les aspects des signes biologiques, dont il existe deux branches dédiées à l'étude des animaux :

o la zoosémiotique, qui étudie les signes des animaux (à l'exception de l'Homme) et notamment la communication animale

o l'anthroposémiotique est quant à elle la branche qui étudie la communication humaine

la sémiotique visuelle

Quelques sémioticiens importants

Charles Sanders Peirce (1839–1914), fondateur de l'école philosophique du pragmatisme et logicien notoire.

Ferdinand de Saussure (1857–1913), le "père" de la linguistique moderne.

Louis Trolle Hjelmslev (1899 - 1965).

Charles W. Morris (1901–1979).

Umberto Eco.

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Pierre Sadoulet.

Vladimir Propp

Algirdas Julien Greimas.

Thomas A. Sebeok.

Juri Lotman 1922 - 1993.

Jean-Marie Floch, premier praticien de la sémiotique Greimassienne appliquée au marketing.

Robert Marty, fondateur du treillis des classes de signes.

Claude Lévi-Strauss

Jean Baudrillard

Jakob Johann von Uexküll

Roland Barthes

Groupe µ

Johannes Heinrichs

Mikhaïl Bakhtine

Lotman, Jurij

Boris Uspenskij

Julia Kristeva

Christian Metz

Raphaël Lellouche

Eliseo Verón

Denis Bertrand

Eric Landowski

Jean-Marie Klinkenberg

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Gianfranco Bettetini

Jacques Fontanille

Paolo Fabbri

Pim M.

Anne-Marie Houdebine

Luis Jorge Prieto

Eric Buyssens

Précurseurs :

Diogenes von Babylon John Locke

Giordano Bruno

Wilhelm von Occam

Platon

Bibliographie

Denis Bertrand , Précis de sémiotique littéraire, Paris, Nathan, coll. « Fac. Linguistique », 2000, 272 pages. Trad. italien, G. Marrone et A. Perri, Basi di semiotica letteraria, Roma, Meltemi, 271 p., 2002. Trad. portugais, Sao Paulo, 2003.

Denis Bertrand , Parler pour convaincre. Rhétorique et discours, Paris, Gallimard, 1999, coll. « Le Forum ».

Denis Bertrand, Alexandre Dézé, Jean-Louis Missika, Parler pour gagner. Sémiotique des discours de la campagne présidentielle 2007, Paris, Presses de Sciences-po, 2007.

Umberto Eco , Le signe, adaptation française de Jean-Marie Klinkenberg; Bruxelles, Labor, 1988 (= Médias); repris en collection Livre de poche, n° 4159, Paris, Librairie générale française, 1992.

Umberto Eco , Traité de sémiotique générale, 1975.

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Nicole Everaert-Desmedt, Le processus interprétatif, introduction à la sémiotique de Ch.S. Peirce, Liège, Pierre Mardaga éditeur, 1990.

Algirdas Julien Greimas et Joseph Courtès, 1979 et 1986, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette (= Hachette université, Série Langage, Linguistique, Communication), deux tomes.

Anne Hénault, Les enjeux de la sémiotique. Vol. 1, Introduction à la sémiotique générale, Paris, P.U.F., 1979; vol. 2, Narratologie, sémiotique générale, Paris, P.U.F., 1983.

Jean-Marie Klinkenberg , Précis de sémiotique générale, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 1996 ( = Culture et Communication); repris en collection de poche, Paris, Le Seuil, coll. Points, n° 411, 2000.

C. et R. Marty, 99 réponses sur la sémiotique, Réseau académique de Montpellier, CRDP/CDDP, 1992.

R. Marty, 1990, « L'algèbre des signes, Essai de sémiotique scientifique d'après C.S. Peirce », Amsterdam John Benjamins.

Alain Rey (dir.), Théories du signe et du sens. Lectures, Paris, Klincksieck, (= Initiation à la linguistique), 2 vol., 1973 et 1976.

Thomas A. Sebeok (éd.), 1994, Encyclopedic Dictionary of Semiotics, seconde édition révisée et mise à jour. Tome 1 : A-M; tome 2 : N-Z; tome 3 : bibliographie (première édition : 1986), Mouton, De Gruyter.

Références

1. Charles W. Morris, Foundations of the Theory of Signs, article dans l' International Encyclopedia of Unified Science, 1938. Trad. fr. par J.-P. Paillet, Langages, n° 35, sept. 1974, Larousse.

2. Charles Morris, Foundations of the Theory of Signs, article pour l'International Encyclopedia of United Science, 1938.

3. Charles W. Morris, Signs, Language and Behavior, 1946.

Sociocritique

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La sociocritique est une approche du fait littéraire qui s’attarde à l’univers social présent dans le texte. Pour ce faire, elle s’inspire tant et si bien de disciplines semblables comme la sociologie de la littérature qu’on a tendance à les confondre. Aussi, pour bien comprendre ce qu’elle est il est important de commencer à partir des racines qui s’y plantent. "La sociocritique", mot créé par Claude Duchet en 1971, propose une lecture socio-historique du texte. Elle s’est peu à peu constituée au cours des années pré- et post- 68 pour tenter de construire « une poétique de la socialité, inséparable d’une lecture de l’idéologique dans sa spécificité textuelle »(Claude Duchet).

Historique

On remarque pour une première fois une approche sociale de la littérature dans l’Émile de J.-J. Rousseau puis, de manière plus importante, dans l’ouvrage De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800) de Mme de Staël. Quelques années plus tard viendra Auguste Comte et son approche historique des arts que l’on retrouvera aussi dans un ouvrage majeur de Taine nommé Philosophie de l’art (1865) où il tente d’expliquer une œuvre par rapport au milieu social de son producteur. On verra aussi les écrits de Gustave Lanson approcher le texte en mettant l’accent sur la lecture elle-même. Ces approches fondamentales à la sociocritique montrent cependant une faiblesse méthodologique et une subjectivité inappréciable dans ce genre d’approche.

L’arrivée des théories marxistes sur la société au début du XXe siècle marqua profondément l’approche sociale de la littérature. À partir d’ici se formulèrent plusieurs approches du fait littéraire différentes, que ce soit en lien avec les notions de lutte des classes, d’économie ou de technologie. Pensons notamment à Th. W. Adorno, F. Mehring et P. Macherey qui s’accordent d’une manière ou d’une autre pour dire que le contexte de production d’un artiste amène une certaine idéologie qui sera véhiculée d’une certaine façon par leurs œuvres. Randa

L'influence de Marx et de Durkheim

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Parallèlement aux marxistes, il s’établit vers les années 30 une école fondée sur la sociologie de Durkheim et menée par Jan Mukarovsky qui considère la littérature par le concept de conscience collective. Ce dernier l’applique à l’interprétation des textes par les sociétés, prétendant qu’elle se fera principalement en fonction d’une culture particulière, donnant ainsi une valeur polysémique à la lecture.

Jean Duvignaud appliquera le même concept mais cette fois-ci en tentant d’expliquer le phénomène de la création en réactions aux contextes sociaux tels que présentés dans des ouvrages comme Ombres collectives. Sociologie du théâtre (1965). Une fusion entre ces deux grands genres, le marxisme et le durkheimisme, se produisit plus tard chez des auteurs mettant en relation les idées des grands penseurs dont ils se réclament. Par exemple, Köhler utilisa la sociologie systématique inspirée (entre autres) par Durkheim au genre littéraire en y introduisant la notion de lutte des classes propre à Marx. Il résulte de ces différentes approches une sociocritique beaucoup plus méthodique et conceptuelle qu’auparavant et qui s’applique surtout aux phénomènes de la création et de l’interprétation littéraire.

Lukàcs et Goldmann

Vers la même période on observe l’apparition d’une école s’opposant au marxisme menée par Max Weber et sa Wertfreiheit. On y réclame une approche sociologique plus factuelle de la littérature, avec une objectivité plus grande et sans considération politique proposée. Les théories d’Alphons Sibermann et de Hans Norbert Fügen qui en découleront, beaucoup plus intéressantes pour le travail critique présenté ici, proposeront une analyse dont l’objet est uniquement le texte et ses structures. On y refusera l’exploration du contexte de création ou l’interprétation des lectures marquant ainsi une limite claire entre la sociologie de la littérature et la sociocritique. Elle sera cependant rejetée par les partisans des approches dialectiques tels que Georg Lukács et Lucien Goldmann. Elle laisse malgré tout une approche particulière du texte, s’attardant sur le contenu diégétique des œuvres et appréciable par d’autres méthodes critiques comme le structuralisme.

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Entre les approches axées sur Marx et Weber, une autre se fondera essentiellement sur la pensée hégélienne. Renonçant aux aspirations politiques ou pratiques du marxisme et s’éloignant de l’idéal véhiculé par la Wertfreiheit, Lukacs, Goldmann et Adorno dont nous avons déjà parlés vont formuler diverses approches nouvelles de la littérature. Lukacs va chercher dans le texte une essence propre à représenter la problématique sociale de la société de création alors que Goldmann va explorer les structures textuelles faisant preuves de certaines idéologies relatives au contexte de l’auteur (le Dieu caché, 1956). Adorno va quant à lui affirmer que la littérature est autonome et inutile par son ambiguïté et sa polysémie, marquant ainsi une séparation majeure d’avec les marxistes. On cherchera donc une approche désengagée et dialectique de la littérature, laissant ainsi place à une objectivité plus grande, voir totale, dans la critique sociologique.

La sociocritique: nouvelles perspectives

Durant les années 1970, dans le domaine francophone, la sociocritique a connu une nouvelle impulsion à la suite, notamment, des travaux de l'équipe de Robert Escarpit (production et consommation de la littérature), ceux du sociologue Pierre Bourdieu (« champ littéraire ») et ceux de Claude Duchet sur la «sociocritique». Plusieurs chercheurs ont ouvert de nouvelles perspectives de recherche tels Jacques Dubois (analyse institutionnelle), Pierre V. Zima (sociologie du texte), Marc Angenot (théorie du discours social), Jacques Leenhardt (sociologie de la lecture), Edmond Cros (théorie des idéosèmes, théorie du sujet culturel), travaux de l'institut de sociocritique de Montpellier (Monique Carcaud-Macaire, Jeanne-Marie Clerc, Michèle Soriano) etc.

Structuralisme

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Le structuralisme est un courant des sciences humaines qui s'inspire du modèle linguistique et appréhende la réalité sociale comme un ensemble formel de relations.

Origine

Le terme de structuralisme trouve son origine dans le Cours de linguistique générale (CLG) de Ferdinand de Saussure (1916), qui propose d'appréhender toute langue comme un système dans lequel chacun des éléments n'est définissable que par les relations d'équivalence ou d'opposition qu'il entretient avec les autres, cet ensemble de relations formant la « structure ».

Néanmoins, le CLG ne fait aucunement mention du mot « structure » lui-même. La postface "lire Saussure aujourd'hui" de Louis-Jean Calvet précise: « La notion de système tout d’abord (ce qu’on appellera plus tard structure) » [1].

Définitions premières

Définition de la structure

Une structure est « une entité de dépendances internes » (Hjelmslev[2]). La structure s'oppose ainsi à l'atome (au sens linguistique), qui n'entre dans aucune relation de dépendance avec un autre atome.

Le terme apparaît dans les Travaux du Cercle linguistique de Prague, I, Prague, 1929 : Roman Jakobson, S. Karcevsky et N. Troubetzkoy y préconisent pour la linguistique « une méthode propre à permettre de découvrir les lois de structure des systèmes linguistiques et de l'évolution de ceux-ci ».

Définition du structuralisme

D'après Émile Benveniste s'appuyant sur les travaux de Saussure et du Cercle de Prague auxquels il fait largement référence[3], le structuralisme est l'hypothèse selon laquelle on peut étudier une langue en tant que structure.

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Cette hypothèse est justifiée par le fait que le système de la langue est « relatif » et « oppositif » (Saussure). Chaque élément n'existe que par sa relation et son opposition à d'autres éléments.

Par exemple, [bu] et [vu] (bout et vous) sont deux mots différents en français parce que [v] s'oppose à [b]. Mais en espagnol, cette opposition n'existe pas, [v] et [b] étant un seul et même phonème. On voit dès lors que « le contenu sensoriel de tels éléments phonologiques est moins essentiel que leur relation réciproque au sein du système »[4].

Fondateurs du structuralisme en linguistique

Ferdinand de Saussure (précurseur) Jan Niecisław Baudouin de Courtenay (précurseur)

Le Cercle de Prague (inventeurs du mot) :

o Roman Jakobson en phonologie

o S. Karcevsky

o Nicolaï Troubetzkoy

o Mathesius

o Havranek

Louis Hjelmslev et Algirdas Julien Greimas en sémiotique ;

Extensions ultérieures de la définition du structuralisme

Le structuralisme, à l'origine hypothèse linguistique, a donné son nom à plusieurs courants de pensées dans des disciplines qui n'ont rien à voir avec la linguistique. Aujourd'hui le terme est très répandu et sa définition varie d'une discipline à l'autre.

D'une manière générale, la structure possède une organisation logique mais implicite, un fondement objectif en deçà de la conscience et de la pensée. En effet, tout structuralisme repose sur un double statut des structures, à la fois irréel (comme forme abstraite d'organisation) et

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réel (comme réalisation concrète). Par conséquent, le structuralisme vise à mettre en évidence ces structures inconscientes par la compréhension et l'explication de leurs réalisations sensibles.

Hors de la linguistique, les principaux auteurs et penseurs structuralistes sont :

Claude Lévi-Strauss en anthropologie ; Jean-Pierre Vernant en histoire des religions ;

Brentano dès le début du XX e   siècle dans le structuralisme phénoménologique et gestaltiste (suivi de Stumpf, Meinong, Ehrenfels, Husserl, Wertheimer...) ;

René Thom en théorie des catastrophes ;

Roland Barthes pour la sémiologie française;

Louis Althusser , un philosophe marxiste qui reprend le problème de l'interprétation du marxisme ;

Jacques Lacan dans le domaine psychanalytique.

Jacques Ehrmann dans le domaine de la critique littéraire anglo-saxonne

Les principaux auteurs et penseurs post-structuralistes sont : Michel Foucault, un philosophe qui renouvelle l'épistémologie, le philosophe Jacques Derrida et le sociologue Pierre Bourdieu.

Théorie

Pour les structuralistes, les processus sociaux sont issus de structures fondamentales qui sont le plus souvent inconscientes. Ainsi, l'organisation sociale génère certaines pratiques et certaines croyances propres aux individus qui en dépendent.

Cette théorie s'appuie sur la linguistique, Ferdinand de Saussure ayant montré que toute langue constitue un système au sein duquel les signes se combinent et évoluent d'une façon qui s'impose à ceux qui la manient.

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S'inspirant de cette méthode, le structuralisme cherche à expliquer un phénomène à partir de la place qu'il occupe dans un système, suivant des lois d'association et de dissociation (supposées immuables) :

« Si l'activité inconsciente de l'esprit consiste à imposer des formes à un contenu, et si ces formes sont fondamentalement les mêmes pour tous les esprits, anciens et modernes, primitifs et civilisés, comme l'étude de la fonction symbolique, il faut et il suffit d'atteindre la structure inconsciente, sous jacente à chaque institution et à chaque coutume, pour obtenir un principe d'interprétation valide pour d'autres institutions et d'autres coutumes. »

— (Claude Lévi-Strauss)

Critiques

Après avoir joui d'une position institutionnellement dominante et d'une presque unanimité dans le milieu universitaire français, le prestige de l'anthropologie structurale s'effrite régulièrement depuis la fin des années 80 et, avec elle, l'ethnologie et l'anthropologie françaises, coupées de leur héritage maussien (voir Marcel Mauss) ainsi que des importants développements qu'ont connu ces disciplines ailleurs et notamment en Angleterre et aux États-Unis depuis le milieu des années 80.

Selon ses critiques, le structuralisme se serait depuis le début dérobé aux règles les plus élémentaires de la pratique scientifique en érigeant ses hypothèses de départ (la généralisation du modèle linguistique saussurien à l'ensemble des domaines de l'existence sociale, l'inconscient structural, son universalité) en dogmes que la recherche structuraliste ultérieure ne mettrait plus en question.

Plus gravement encore, la théorie structuraliste de Lévi-Strauss serait, selon Robert Jaulin, entachée d'un ethnocentrisme élémentaire car elle reproduirait le schème prophétique du monothéisme : ce ne serait plus un Dieu unique qui régirait le destin de l'humanité mais bien plutôt un "Inconscient Structural", toujours le même derrière la diversité apparente mais, pour l'essentiel, illusoire des cultures. Celles-ci, ainsi que les personnes et les groupes humains, ne seraient que des pantins, et leurs mythes et leurs systèmes de parenté, des gloses cryptées du

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Verbe Immuable des Structures de l'Inconscient dont seule l'illumination structuraliste détiendrait les clés.

Pour Jean Piaget [ 5 ] , le structuralisme "est bien une méthode et non pas une doctrine" et "le danger permanent qui menace le structuralisme (...) est le réalisme de la structure sur lequel on débouche sitôt que l'on oublie ses attaches avec les opérations dont elle est issue". Car pour lui "il n'existe pas de structure sans une construction, ou abstraite ou génétique", ce qui est d'ailleurs le point de vue constructiviste.

Ouverture

Le structuralisme est l'une des sources de la systémique, une science apparue dans les années 1950 qui considère ces objets d'études selon un approche globale (ou holiste). C'est historiquement la plus ancienne de ces composantes directes, parmi lesquels on peut citer la cybernétique ou encore la Théorie du système général.

Notes et références

1. p. 510 du CLG, Paris, Payot & Rivages (Grande Bibliothèque), 1996 4° édition. Voir aussi Françoise Gadet : "Saussure une science de la langue ?".

2. Cité par Émile Benveniste dans Problèmes de linguistique générale, III, 8.

3. Problèmes de linguistique générale, III, 8.

4. Travaux du Cercle linguistique de Prague, p.10, Prague, 1929. Cité par Benveniste dans Problèmes de linguistique générale, III, 8.

5. Jean Piaget, Le structuralisme, Que Sais-je ?, 1968

Bibliographie

Ouvrages Jean Piaget , Le structuralisme, Que Sais-je ? François Dosse , Histoire du structuralisme, La Découverte, 1991 (2

tomes)

Tzvetan Todorov , Qu'est-ce que le structuralisme ?, « Poétique », tome 2, Le Seuil, 1973

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Jean-Marie Auzias, Clefs pour le structuralisme, Seghers, 1968

Henri Lefebvre , L'Idéologie structuraliste, Le Seuil, 1975

Patrick Sériot, Structure et totalité : les origines intellectuelles du structuralisme en Europe centrale et orientale, P.U.F., 1999

Jean-Claude Milner , Le Périple structural, Figures et paradigmes, Le Seuil, collection « La couleur des idées », 2002

Stylistique

La stylistique est une discipline issue de la rhétorique et de la linguistique. Elle vise à étudier le caractère de littérarité d'un texte, c'est-à-dire la fonction du texte qui va au-delà de la simple transmission d'informations. Par exemple, elle s'interrogera sur la pertinence et l'efficacité des figures de style employées telles les métaphores, métonymies, litotes ainsi que sur l'agencement du texte, le vocabulaire et les temps verbaux employés.

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Définition

Origine du mot

La stylistique renvoie à la notion de « style » (ou « stile » en ancien français) qui dans l'Antiquité (...) désignait ce poinçon de fer ou d'os qui servait à écrire sur de la cire, et dont l'autre extrémité, aplatie, permettait d'effacer ce qu'on avait écrit. Il y a quelque chose d'émouvant, des siècles après, à reconnaître dans cet objet l'ancêtre du stylo. Mais à l'époque déjà, par glissement métonymique de l'instrument à son résultat, le style est aussi la manière d'écrire, la tournure de l'expression. Cicéron l'emploie dans ce sens figuré dès le premier siècle avant notre ère. (...) Cependant l'un n'implique pas forcément l'autre, et même aujourd'hui il ne suffit pas de tenir un stylo pour avoir une plume. Le style en effet ne se confond pas avec l'écriture, et bien des gens écrivent qui n'ont pourtant aucun style, sauf à l'entendre au sens large : il y a certes un style administratif, très

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reconnaissable, un style publicitaire... À l'inverse, parfois, quelques mots suffisent : "Impossible rentrer ce soir stop Mensonge suit", ça a du style, avouez du style télégraphique d'après Camille Laurens [ 1 ] .

Définitions

Selon Cressot toute extériorisation de la pensée qu’elle se fasse par la parole ou au moyen de l’écriture (c’est-à-dire la communication) est un processus subjectif et rhétorique destiné à agir sur le destinataire. L'énonciateur opère donc un choix des procédés divers fourni par la langue et affectant différents niveaux linguistiques comme la morphologie, la syntaxe, l'ordre des mots, la lexicologie ou les temps verbaux)[2].

Pour Marouzeau le style est « l’attitude que prend l’usager, écrivant ou parlant, vis-à-vis du matériel que la langue lui fournit »[3] alors que pour le linguiste allemand Leo Spitzer, le style est « la mise en œuvre méthodique des éléments fournis par la langue »[4].

Enfin, pour Charles Bally dans son Traité de stylistique française la stylistique « étudie la valeur affective des faits du langage organisé, et l’action réciproque des faits expressifs qui concourent à former le système des moyens d’expression d’une langue. La stylistique peut être, en principe, générale, collective ou individuelle, mais l’étude ne peut présentement se fonder que sur le langage d’un groupe social organisé; elle doit commencer par la langue maternelle et le langage parlé. (...) La stylistique peut, en principe, s’attacher à l’étude d’une langue morte ou d’un état de langage qui n’existe plus; mais en aucun cas elle ne peut être une science historique; la cause en est que les faits de langage ne sont faits d’expression, que dans la relation réciproque et simultanée qui existe entre eux. »[5]

Pour Buffon, le style, c'est l'homme même, c'est-à-dire que le style, c'est l'écart par rapport à la norme linguistique. Cet écart peut être de différents ordres mais il vise à produire un effet chez le lecteur (ou chez l'auditeur). Georges Mounin distingue le style comme écart, le style comme élaboration (cependant, précise-t-il, tout écart ou toute

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élaboration ne fait pas nécessairement style) et le style et la connotation.

Michael Riffaterre défend l'idée que la 'stylistique' étudie les messages comme portant l'empreinte de la personne du locuteur.

Notes et références

1. Camille Laurens , Tissé par milleéditions P.O.L., 2005.2. M. Cressot. L. James, Le style et ses techniques, p. 15

3. J. Marouzeau, Introduction au Traité de stylistique latine, p. 14.

4. Leo Spitzer, 1948, cité par Lexikon der romanistischen Linguistik, Band V,1, p. 158.

5. Charles Bally, Traité de stylistique française, vol. 1, 1.

Théories de la réception et de la lecture

Théories de la réception et de la lecture selon l'école de Constance

L'histoire de la lecture est fondée sur une dichotomie. Le texte, ou trace écrite, est fixe, durable et transmissible. La lecture est éphémère, inventive, plurielle, plurivoque. D’ailleurs, elle est toujours fragmentée : d’une part parce qu’elle est farcie d’interruptions — on lit rarement un texte d’un seul coup — d’autre part, parce que tributaire de la mémoire que nous en gardons. Donc, jamais fidèle, toujours à désambiguïser.

L'École de Constance

Depuis le milieu des années 1970, les théories de la réception et de la lecture acceptent cette ambivalence comme caractéristique de la réalisation et de l’actualisation des textes littéraires. Les travaux de Hans Robert Jauss (réunis dans Pour une esthétique de la réception) et de Wolfgang Iser (L’acte de lecture et Théorie de l’effet esthétique), répondent à cette insuffisance. Dans cette optique, l’École de

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Constance (dont Iser et Jauss sont les principaux tenants) tente de renouveler, d’absolutiser l’histoire de la littérature :

« L’erreur ou l’inadéquation communes aux attitudes intellectuelles que Jauss réprouve, c’est la méconnaissance de la pluralité des termes, l’ignorance du rapport qui s’établit entre eux, la volonté de privilégier un seul facteur entre plusieurs; d’où résulte l’étroitesse du champ d’exploration: on n’a pas su reconnaître toutes les personæ dramatis, tous les acteurs dont l’action réciproque est nécessaire pour qu’il y ait création et transformation dans le domaine littéraire, ou invention de nouvelles normes dans la pratique sociale[1]».

Pour colmater ces brèches de l’historicité littéraire, les théories de la réception et de la lecture proposent une approche relationnelle où le tiers état — lecteur/public — serait la pierre angulaire d’une nouvelle perspective communicationnelle de la littérature. Autrement dit, on constate depuis peu que la lecture et la réception de la littérature sont aussi productives de sens : on ne fait plus l’économie de la triade AUTEUR-TEXTE-LECTEUR. On constate l'importance du destinataire pour l'histoire de la littérature. Effectivement, sans lecteur le texte n'existe pas. C'est l'actualisation du texte par la lecture qui lui permet d'entrer dans l'histoire, de jouer un rôle, de se socialiser.

Hans Robert Jauss

Pour Robert Jauss, l'histoire littéraire doit « représenter, à travers l'histoire des produits de sa littérature, l'essence d'une entité nationale en quête d'elle-même[2]».

L'écart esthétique permet de mesurer l'historicité d'un texte. Cet écart est déterminé par l’horizon d’attente (concept qu’il reprend d’après Gadamer et Heidegger) qui constitue un genre de cheminement ou de prédisposition, objectivement formulable, à l’acte de lecture. Ce concept relève de trois facteurs :

«[...] présuppose la connaissance et l’opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne[3]».

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L'auteur déjoue progressivement les attentes du lecteur de romans de chevalerie, comme Hubert Aquin, avec Prochain Épisode et Trou de mémoire, le fait avec le lecteur de romans à énigmes.

D’où la fonction sociale de la littérature : lorsque l’œuvre change notre vision du monde, il s’établit un rapport (une remise en question) entre littérature et société.

Bien que déjà inscrit dans le texte, le sens reste toujours à actualiser, rôle qui revient évidemment au public. Pour mieux comprendre le rôle du lecteur, il faut partir des prémisses de la Poétique d’Aristote qui sont à la base de l’expérience esthétique de Jauss. La poiesis est propre au créateur : c’est la dimension productrice de l’expérience esthétique.

Par celle-ci, l’auteur libère la réalité de ce qui ne lui est pas familier et forme une réalité nouvelle, une fiction qui ne s’oppose pas à la réalité quotidienne mais nous renseigne sur elle. L’aisthesis désigne la dimension réceptrice de l’expérience esthétique où un tiers état, le lecteur, extérieur à la sémiose, prend plaisir au sens et sa valeur. Dernier aspect de la Poétique d’Aristote repris par Jauss: la catharsis. Celle-ci interpelle le lecteur et suscite son adhésion :

« [D]ans le sens d’expérience fondamentale de l’esthétique communicative, [elle] correspond donc d’une part à la pratique des arts au service de la fonction sociale, qui est de transmettre les normes de l’action, de les inaugurer et de les justifier, d’autre part aussi au but idéal de tout art autonome: libérer le contemplateur des intérêts et des complications pratiques de la réalité quotidienne pour le placer, par la jouissance de soi dans la jouissance de l’autre, dans un état de liberté esthétique pour son jugement[4] ».

Autrement dit, la catharsis est cette propension du lecteur à s’identifier aux personnages et aux situations véhiculés par le texte. En ce sens, Jauss parle d’effets communicatifs. Il s’établit un lien, entre le texte et le lecteur, qui est purement dialogique, où ceux-ci collaborent en vue de fonder l’expérience esthétique sur une inter-subjectivité.

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Wolfgang Iser

Chez Wolfgang Iser, contrairement à Jauss où le sens est à révéler, le sens est toujours à construire. Comme chez Jauss, cette sémiosis n’est possible qu’à la condition qu’une intention habite le lecteur, « [...]l’intention de lire, aussi minimale soit-elle, intention qui engage l’acte de lecture lui-même et qui cherche son accomplissement dans la lecture jusqu’à ce que cette dernière prenne fin[5]».

La lecture, c’est la rencontre de deux pôles : l’un, artistique et propre au texte, l’autre esthétique et propre au lecteur. Donc, le texte, portant en lui-même les conditions de sa réalisation, parle au lecteur, le guide afin qu’il réalise ce qui y est implicite. Ce qui est implicite au texte, c’est d’abord la situation qui sert d’arrière-plan à sa réalisation. D’une part, sa situation qui entoure l’auteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l’Histoire, appuyé de sa culture, de ses valeurs, ses expériences, ses connaissances et capable d’articuler un lien artistique logique (le texte) entre tout ceci. Donc, il écrit un texte, lui aussi normalisé par des structures et des conventions qui sont à la fois textuelles et extra-textuelles[6].

D’autre part, ce texte nécessite un lecteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l’Histoire, appuyé de sa société, de son éducation, son enfance, sa sensibilité et habile à établir un lien logique (la lecture) entre tout ça, entre toutes ces conventions.

Pour que la communication s’accomplisse, il doit s’établir un rapport entre texte et lecteur. « [I]l manque à ce rapport d’être défini par une situation commune à l’un et à l’autre[7]».

Donc, pour établir une telle situation, il faut nécessairement que la lecture soit dialogique : « il en peut naître désormais la situation-cadre où le texte et le lecteur atteignent à la convergence. Ce qui, dans l’usage commun du discours, doit toujours être donné préalablement, il s’agit ici de le construire[7]».

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Homologue de l’horizon d’attente de Jauss, le répertoire du texte sert à établir cette situation-cadre. En effet, le texte génère lui-même son propre réseau de signification. Il « n’ancre son identité ni dans le monde empirique, ni dans la complexion de son lecteur[8]». Donc, le répertoire du texte ne distingue pas la fiction de la réalité mais use de la première pour nous informer sur la seconde. Il s’agit donc d’établir un référent commun. Pour ce faire, il puise dans deux types de normes : littéraires et extra-littéraires, ou textuelles et extra-textuelles. Les premières recouvrent tout ce qui fait référence à la tradition littéraire (citations, intertextualités, etc.). Les secondes sont d’ordre social. Elles recouvrent tous les discours grâce auxquels on comprend le monde. Dans une certaine mesure, ne pourrait-on pas relier les normes extra-textuelles de Iser au plurilinguisme de Mikhaïl Bakhtine ou à l'intertextualité de Kristeva ? C’est donc dans la convergence de ces deux normes que se forme l’arrière-plan référentiel du texte. « Les éléments du répertoire ne se laissent donc ramener exclusivement ni à leur origine, ni à leur emploi, et c’est dans la mesure où ceux-ci perdent leur identité que se profilent les contours singuliers de l’œuvre[9]». Ainsi se dégage une équivalence, ou une distance, entre le répertoire et le monde, un peu de la même façon que l’écart esthétique.

Le lecteur au centre de la littérature

Bien que Jauss et Iser fassent du récepteur une instance nécessaire à l’expérience littéraire, le texte demeure au centre de leur étude. Il devient une entité portant en elle-même les conditions (structures et systèmes) de son actualisation. Bien sûr, c’est le lecteur « qui est l’unique responsable de la mise en marche de la sémiosis[10]». Mais il n’agit qu’en tant qu’opérateur, un peu comme un chimiste suit les étapes d’une expérience. Seulement, dans le cas du lecteur, les étapes de signification du texte ne sont pas explicites.

Au lieu de fabriquer quelque solution chimique à partir d’éléments hétérogènes, il a affaire à un texte qui porte en lui-même des éléments homogènes qui l’informent, de façon implicite et progressive, sur la procédure de sa propre réalisation. C’est en ce sens que nous voyons en Iser et Jauss des terroristes de la méthode formelle : terroristes

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puisqu’ils désamorcent, avec une grande méthodologie, l’entité textuelle en y faisant entrer un intrus, le lecteur, indispensable à l’expérience littéraire. Toutefois, le public de Jauss et le lecteur de Iser ne sont pas réels. Ce sont des représentations modélisées de l’instance réceptrice de la communication et elles ne peuvent en aucun cas servir à représenter tout lecteur. En effet, leurs théories, à vouloir englober les différents types de lecteurs, n’ont réussi a y faire entrer aucun d’eux. Pourtant, le mécanisme lectorial qu'il modélise s'applique à chacun d'eux. Et pour des théories qu’ils qualifient de relationnelles, Jauss et Iser réussissent tout de même, par cette systématisation paradoxale du lecteur, à exclure la psychologie et la subjectivité de la lecture, activités pourtant primordiales à l’expérience littéraire.

Notes

1. Jean Starobinsky, "Préface", Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, coll. "TEL", 1978, p. 12.

2. Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, p. 23.

3. H.R. Jauss, ibid., p. 54.

4. H.R. Jauss, La jouissance esthétique, Poétique, vol.10, #39, p. 273.

5. Gilles Thérien, Pour une sémiotique de la lecture, Protée, vol.18, #2 (printemps 1990), p. 72.

6. Nous verrons plus loin ce que sont ces normes textuelles et extra-textuelles.

7. a  et b  Wolfgang Iser, La fiction comme effet, Poétique, vol.10, #39, p. 279.

8. W.Iser, Op. Cit., p. 282.

9. Ibid., p. 283.

10. Gilles Thérien, Op. Cit., p. 72.

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Quelques théoriciens et leurs concepts

Mikhaïl Bakhtine  : Théorie et esthétique du roman, plurilinguisme, carnavalesque.

Mikhaïl Bakhtine (1895 à Orel, Russie - 1975 à Moscou, Russie) est un historien et théoricien russe de la littérature. Bakhtine s'est également intéressé à la psychanalyse, à l'esthétique et à l'éthique, et a été un précurseur de la sociolinguistique.C'est cependant pour ses travaux sur

la littérature et plus spécifiquement sur le roman qu'il est le mieux connu aujourd'hui. Intéressé par les travaux des formalistes russes, il souligne les limites de leurs méthodes. Il a notamment développé les concepts de dialogisme et de polyphonie dans le champ littéraire.

Biographie

Bakhtine est issu d'une famille de la noblesse appauvrie. Il étudie les lettres à l'Université de Saint-Pétersbourg, puis devient professeur à Vitebsk. Dans cette ville à la vie culturelle animée, il se lie avec les critiques Nicolas Volochinov et Pavel Medvedev.

Il retourne ensuite à Saint-Pétersbourg (devenue Leningrad) et devient collaborateur de l'Institut d'Histoire de l'Art, un haut lieu du formalisme russe. Il publie ses premières études littéraires. Ses amis Volochinov et Medvedev publient deux études dans un esprit très

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proche du sien. On a ainsi pu penser que Bakhtine lui-même aurait utilisé les noms de ses amis pour déjouer les pressions et la censure, mais cette hypothèse n'a jamais été totalement confirmée.

La période de relative liberté intellectuelle des années 1920 prend fin brutalement avec l'arrivée de Staline au pouvoir. En 1930, Bakhtine est contraint de quitter Leningrad. Du fait de problèmes de santé, il sera toutefois déporté, non en Sibérie, mais au Kazakhstan.

Il parvient néanmoins à revenir à Moscou et continue à publier, dans un relatif anonymat. Une ostéomyélite chronique l'oblige à subir une amputation de la jambe. En 1961, il devient directeur de la section de littérature russe et étrangère à l'Université de Saransk en Mordovie, non loin de Moscou. Son œuvre est alors redécouverte avec enthousiasme, notamment en France grâce à Tzvetan Todorov et Julia Kristeva. Il meurt en 1975 à Moscou.

Principaux apports

critique du formalisme dialogisme et polyphonie romanesque

notion de chronotope: un incipit de roman a pour but de faire connaitre le chronotope c'est à dire le lieu, le temps de l'action ainsi que l'univers de personnages créé par le romancier selon Mikhail Bakhtine.

philosophie du rire, moyen d'embrasser la totalité de l'existence, notion de carnavalesque

Œuvres

1927 : Le Freudisme1928 : La méthode formelle en histoire littéraire1929 : Problèmes de la poétique de Dostoïevski1965 : L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la RenaissancePublications posthumes :1977 : Le Marxisme et la philosophie du langage : Essai d'application de la méthode sociologique en linguistique, éditions de Minuit1978 : Esthétique et théorie du roman, Gallimard

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1984 : Esthétique de la création verbale, Gallimard2003 : Pour une philosophie de l'acte, L'Âge d'Homme.

Ferdinand de Saussure : théorie du signe linguistique.

Ferdinand de Saussure est un linguiste suisse, né à Genève le 26 novembre 1857 et mort au château de Vufflens-sur-Morges le 22 février 1913. Reconnu comme fondateur du structuralisme en linguistique, il s'est aussi distingué par ses travaux sur les langues indo-européennes.

On estime (surtout en Europe) qu'il a fondé la linguistique moderne et établi les bases de la sémiologie. Dans son Cours de linguistique générale (1916), publié après sa mort par ses élèves, il définit certains concepts fondamentaux (distinction entre langage, langue et parole, entre synchronie et diachronie, caractère arbitraire du signe linguistique, etc.) qui inspireront non seulement la linguistique ultérieure mais aussi d'autres secteurs des sciences humaines comme l'ethnologie, l'analyse littéraire, la philosophie et la psychanalyse lacanienne.

Biographie

Issu d'une famille genevoise d'illustres savants, Ferdinand de Saussure est né en 1857. Il est le fils de Henri de Saussure, entomologiste et de Louise de Pourtalès, le frère de Léopold de Saussure et de René de Saussure, espérantiste et le père de Raymond de Saussure, médecin et

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psychanalyste. On peut également noter dans sa généalogie Horace-Bénédict de Saussure, naturaliste et géologue, son arrière-grand père, considéré comme le fondateur de l'alpinisme, et le fils de ce dernier Nicolas Théodore de Saussure, chimiste et botaniste. De son mariage avec Marie Faesch (1867-1950), Ferdinand de Saussure eut trois fils: Jacques de Saussure, Raymond de Saussure et André de Saussure.

Après avoir achevé ses études secondaires, il se rend en 1875 à Leipzig où se trouvait alors la plus célèbre université de philologie de l'époque, puis à Berlin et à Paris. En 1877, Saussure communique à la Société de linguistique de Paris son Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes. Deux ans plus tard, il présente à Leipzig sa thèse de doctorat : De l'emploi du génitif absolu en sanskrit. Il travailla ensuite quelques années en France, où il enseigna la linguistique indo-européenne avant de retourner en Suisse. Là, il reçut une chaire de linguistique et enseigna, entre autres, le sanskrit, le lituanien et la linguistique générale.

Travaux

Les sources

Le Cours de linguistique générale constitue le document le plus important dont nous disposons pour connaître la pensée de Saussure. Cependant ce texte ne fut pas rédigé par de Saussure lui-même, mais par les deux linguistes Charles Bally et Albert Sechehaye : en se fondant sur les notes de l'étudiant Albert Riedlinger, ils rédigèrent un texte censé rendre la pensée de Saussure.

Ce n'est que dans les années cinquante que se développa une étude plus précise des sources du Cours de linguistique générale qui tenta de cerner les idées appartenant authentiquement à Saussure à partir des fragments qui nous en restent aujourd'hui.

Définition du concept de langage

La fin ultime de Saussure est de proposer une théorie cohérente du langage, qui sera à même de saisir son objet avec la plus grande

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rigueur et netteté possibles, en distinguant le phénomène linguistique de tout phénomène connexe. Cela amène Saussure à distinguer le langage des langues. Par langage, Saussure entend la faculté générale de pouvoir s'exprimer au moyen de signes. Cette faculté n'est pas propre aux langages naturels mais elle caractérise toute forme de communication humaine. Par langue, Saussure entend en revanche un ensemble de signes utilisés par une communauté pour communiquer : le français, l'anglais ou l'allemand, pour ne citer que quelques exemples.

Mais au-delà de cette distinction, Saussure différencie en outre le langage et la parole. La parole est, pour lui, l'utilisation concrète des signes linguistiques dans un contexte précis. Par ce concept de parole, Saussure tente de distinguer l'usage concret du langage du langage lui-même, entendu comme ensemble de signes.

Diachronie et synchronie

Le langage a une dimension diachronique (évolution des signes au cours du temps) et une dimension synchronique (rapports entre les signes à un instant donné). C'est dans l'étude de ce second aspect que de Saussure a particulièrement innové. Selon lui, la perspective diachronique doit être étudiée, certes, mais elle ne permet pas de rendre compte du fait que le langage est un système. Elle prend en effet uniquement en compte les modifications au cours du temps; l' approche synchronique montre, elle, que la signification des signes dépend de la structure de l'ensemble du langage.

La langue comme système

La théorie linguistique de Saussure est nettement sémiotique dans la mesure où elle interprète le langage comme un ensemble de signes : le linguiste distingue dans le signe deux éléments: le signifiant et le signifié. Ainsi que l'écrit Saussure : « Le signifié et le signifiant contractent un lien »[1]. Pierre Legendre, qui analyse la « facture institutionnelle du langage » relève à ce propos que le rapport entre le signifié et le signifiant est un « rapport d'obligation », il s'agit d'un « lien de légalité ». Est posé la nécessité logique d'un garant,

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autrement dit d'une instance tierce, qui vienne accréditer le rapport signifié/signifiant[2].

Le signifié

Le signifié désigne le concept, c'est-à-dire la représentation mentale d'une chose. Contrairement à une idée répandue, la langue n'est pas un répertoire de mots qui refléteraient les choses ou des concepts préexistants en y apposant des étiquettes. Si c'était le cas, les mots d'une langue, mais aussi ses catégories grammaticales auraient toujours leur correspondant exact dans une autre. Cette observation conduit Saussure à distinguer signification et valeur : « mouton » et "sheep" ont le même sens, mais non la même valeur, puisque l'anglais pour sa part distingue sheep, l'animal de sa viande mutton; il en est aussi ainsi de l'opposition passé défini (simple)/passé indéfini(composé) qui expriment une opposition d'aspect en anglais ou en castillan, une valeur d'usage (écrit/oral) en français contemporain. Ainsi le contenu (le signifié) est un concept défini négativement du fait de l'existence ou de l'absence dans une langue d'autres concepts qui lui sont opposables.

Le signifiant

Le signifiant désigne l'image acoustique d'un mot. Ce qui importe dans un mot, ce n'est pas sa sonorité en elle-même, mais les différences phoniques qui le distinguent des autres. Sa valeur découle de ces différenciations. Chaque langue construit son lexique à partir d'un nombre limité de phonèmes, caractérisés comme les signifiés, non par leur qualité propre et positive, mais par ce qui les oppose: rouler un "r" en français est sans conséquence pour la compréhension; ne pas le faire en arabe conduit à des confusions, puisque cette langue comporte à la fois une apicale vibrante [r] ("r" roulé) et une fricative vélaire sonore [ġ] (proche du "r grasseyé français). Les mots rasīl (messager) et ġasīl (lessive) ne se distinguent que par l'opposition r/ġ.

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Le signe pris dans sa totalité

L'idée fondamentale de Saussure est que le langage est un système clos de signes. Tout signe est défini par rapport aux autres, par pure différence (négativement), et non par ses caractéristiques propres ("positives") : c'est pourquoi Saussure parle de "système". Nommé pourtant (après sa mort) « père du structuralisme », il n'a jamais, à aucun moment, et c'est notable, utilisé le terme de "structure" : il n'a jamais parlé d'autre chose que de "système".

L'arbitraire du signe

Le langage découpe simultanément un signifiant dans la masse informe des sons et un concept, une "idée", dans la masse informe des concepts.

Le rapport entre le signifiant et le signifié est arbitraire et immotivé : rien, a priori, ne justifie, en français par exemple, qu'à la suite de phonèmes [a-R-b-R] (le signifiant, en l'occurrence, du signe "arbre"), on associe le concept d’"arbre" (qui est ici le "signifié", en termes saussuriens). Aucun raisonnement ne peut conduire à préférer [boef] à [oks] pour signifier le concept de "bœuf". Saussure se situe, du point de vue épistémologique, dans le nominalisme.

Les deux axes: rapports syntagmatiques et rapports associatifs

Les unités linguistiques

Un discours étant composé d'une succession de signes, Saussure pose la question de la délimitation du signe, indispensable à la compréhension de la chaîne parlée (l'oreille ne peut le distinguer s'il relève d'une langue inconnue). Il est ainsi amené à définir l’unité linguistique comme " une tranche de sonorités qui est, à l'exclusion de ce qui précède et de ce qui suit, le signifiant d'un certain concept. Ainsi le segment sonore : [ʒ(ə)laprã] (en alphabet phonétique international) est analysé par un francophone en trois unités linguistiques : "je/la/prends/", ou "je/l/apprends" (le choix entre ces découpages se faisant en fonction du contexte). Pour parvenir à cette

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analyse, la langue établit entre les unités de sens deux sortes de rapports, indispensables l'un à l'autre.

Les rapports syntagmatiques

Les unités linguistiques s'enchaînent l'une à l'autre dans le déroulement de la chaîne parlée et dépendent l'une de l'autre. Toute combinaison de deux ou plusieurs signes linguistiques constitue un syntagme. Tout signe placé dans un syntagme tire sa valeur de son opposition à ce qui précède, à ce qui suit ou aux deux : "re-lire", "contre tous", "s'il fait beau" sont des syntagmes composés de deux unités ou davantage.

Les rapports associatifs (ou paradigmatiques, dénomination post-saussurienne)

Les éléments ainsi combinés sont par ailleurs associés chez le locuteur à d'autres qui appartiennent à des groupes multiformes : "enseignement" est relié aussi bien à "enseignant"… par parenté qu'à "armement", chargement"… par suffixation identique ou qu'à "apprentissage, éducation" par analogie des signifiés. Alors que les rapports syntagmatiques sont directement observables (in praesentia), les rapports associatifs sont virtuels, sous-jacents (in absentia).

Ces deux types de rapports coopèrent; la coordination dans l'espace (rapports syntagmatiques) contribue à créer des liens associatifs et ceux-ci sont nécessaires au repérage et à l'analyse d'un syntagme. Dans [kevuditil?], [vu] est analysé comme unité de sens parce qu'il s'associe à "te/lui…" qui lui sont opposables : ils pourraient se substituer à [vu] et s'excluent l'un l'autre. Mais sans la présence de ce qui précède et suit (rapport syntagmatique), [vu] ne peut être perçu comme unité de sens : c'est le cas dans le syntagme [jelevu] parce que la combinaison [levu] ne constitue pas un syntagme.

Linguistique et sémiotique

Ferdinand de Saussure a toujours insisté sur les rapports entre linguistique et sémiotique. Par sémiotique ou sémiologie, il entend la

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science sociale qui étudie les signes et symboles de manière générale. Elle s'intéresse, par exemple, aux actes sociaux ou objets sociaux qui ont une signification symbolique (comme les actes de politesse ou les drapeaux nationaux).

La linguistique n'était aux yeux de Saussure qu'une branche de la sémiotique, le langage étant un système de signes. Cependant la linguistique en constitue la branche la plus développée, et la plus importante, en raison de la complexité du langage humain. Ce qui est intéressant de constater c'est que, malgré la nette séparation effectuée entre langage (comme système abstrait de signes) et parole (comme usage concret de ce système), Saussure a nettement défini la linguistique comme une science sociale, et le langage comme le produit d'une pure convention sociale.

Postérité

La postérité de Saussure fut immense et on reconnaît en lui, généralement, le fondateur du structuralisme, bien que ce mot lui soit postérieur (il parle de la langue comme système). Le structuralisme fut un mouvement de pensée représenté dans différentes branches des sciences humaines : Claude Lévi-Strauss, en ethnologie, Louis Hjelmslev, en linguistique, Tzvetan Todorov, en analyse littéraire, Lacan, en psychanalyse et Michel Foucault et Jacques Derrida, pour la philosophie, s'y illustrèrent. Dans le cadre de l'anthropologie dogmatique, Pierre Legendre élabore son analyse du langage à partir des apports de Saussure.

Bibliographie

A part son Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes et sa thèse De l'emploi du génitif absolu en sanskrit, Saussure n'a rien publié par lui-même, son Cours de linguistique générale ayant en fait été rédigé par deux de ses élèves. Toutefois ses archives ont permis de découvrir un ensemble de documents en 1996 qu'ont publié en partie Simon Bouquet et Rudolf Engler en 2002:

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Ferdinand de Saussure, Écrits de linguistique générale, Paris, "Bibliothèque de philosophie", Gallimard, 2002.

La revue Langage (éd. Larousse) a proposé un ensemble de contributions importantes sous la direction de Jean-Louis Chiss et Gérard Dessons (Daniel Delas, Claire Joubert, Henri Meschonnic, Christian Puech et Jürgen Trabant) à propos de cette publication dans numéro 159 ("Linguistique et poétique du discours à partir de Saussure") en septembre 2005.

Auparavant, Jean Starobinski a publié des inédits de Saussure se rapportant à sa passion pour la littérature latine:

Les mots sous les mots. Les anagrammes de Ferdinand de Saussure, éd. de Jean Starobinski, Paris, Gallimard, 1971.

F. de Saussure, Cours de linguistique générale, éd. Payot, (1913)1995

Simon Bouquet, Introduction à la lecture de Saussure, éd. Payot, 1997

Françoise Gadet, Saussure, une science de la langue, éd. PUF, 1987 (une initiation)

Robert Godel, Les sources manuscrites du "Cours de linguistique générale", éd.Droz, 1969

Claudine Normand, Ferdinand de Saussure - Critique et Interprétation, éd. Les Belles Lettres, 2000

Arild Utaker, La Philosophie du langage, Une archéologie saussurienne, Paris, "Pratiques théoriques", PUF, 2002.

Henri Wittmann, "New tools for the study of Saussure's contribution to linguistic thought," Historiographia Linguistica 1.255-64, 1974.[1]

Dimitar Vessélinov, Les étudiants bulgares de Ferdinand de Saussure, Sofia, éd. Ciela, 2008, 400 p.

Arrivé, Michel, À la recherche de Ferdinand de Saussure, éd. PUF, 2007.

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Hans Robert Jauss : théorie de la réception

Hans Robert Jauss, né en 1921 et décédé en 1997 est un philosophe et théoricien de la littérature allemand connu pour sa théorie de la réception. Il enseignait à l'Université de Constance et est un des principaux représentants de l'École de Constance.

Dans Pour une esthétique de la réception (1972), reprenant les enseignements de Hans-Georg Gadamer, Jauss affinera la théorie herméneutique. Il proposera l'usage d'une « triade » herméneutique pour l'étude des œuvres.

La triade herméneutique de Jauss :

1. L'interprétation du texte où il faut réfléchir, rétrospectivement et trouver les significations.

2. La reconstruction historique, où l'on cherche à comprendre l'altérité portée par le texte.

3. La compréhension immédiate du texte, de sa valeur esthétique et de l'effet que sa lecture produit sur soi-même.

L'herméneute qui utilise ce modèle s'implique donc énormément dans l'étude et tente de comprendre la valeur novatrice de l'œuvre.

Publications

Petite Apologie de l'expérience esthétique, Allia, 2007. Théories esthétiques après Adorno, Actes Sud, 1992 (textes édités et

présentés par Rainer Rochlitz).

Pour une herméneutique littéraire, Gallimard, 1988.

Théorie des genres (recueil de textes de Tzvetan Todorov, Karl Viëtor, Hans Robert Jauss, Robert Scholes, Gérard Genette, Wolf Dieter Stempel, Jean-Marie Schaeffer), Seuil, Points Essais, 1986.

Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1978 ou coll. Tel, 1990.

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Wolfgang Iser : théorie de la lecture

Wolfgang Iser (né le 22 juillet 1926 à Marienberg, décédé le 24 janvier 2007) fut professeur d'Anglais et de littérature comparée à l'Université de Constance. Avec Hans Robert Jauss, il fut le principal représentant de l'École de Constance.

Théories de la réception et de la lecture selon l'école de Constance

L'histoire de la lecture est fondée sur une dichotomie. Le texte, ou trace écrite, est fixe, durable et transmissible. La lecture est éphémère, inventive, plurielle, plurivoque. D’ailleurs, elle est toujours fragmentée : d’une part parce qu’elle est farcie d’interruptions — on lit rarement un texte d’un seul coup — d’autre part, parce que tributaire de la mémoire que nous en gardons. Donc, jamais fidèle, toujours à désambiguïser.

L'École de Constance

Depuis le milieu des années 1970, les théories de la réception et de la lecture acceptent cette ambivalence comme caractéristique de la réalisation et de l’actualisation des textes littéraires. Les travaux de Hans Robert Jauss (réunis dans Pour une esthétique de la réception) et de Wolfgang Iser (L’acte de lecture et Théorie de l’effet esthétique), répondent à cette insuffisance. Dans cette optique, l’École de Constance (dont Iser et Jauss sont les principaux tenants) tente de renouveler, d’absolutiser l’histoire de la littérature :

« L’erreur ou l’inadéquation communes aux attitudes intellectuelles que Jauss réprouve, c’est la méconnaissance de la pluralité des termes, l’ignorance du rapport qui s’établit entre eux, la volonté de privilégier un seul facteur entre plusieurs; d’où résulte l’étroitesse du champ d’exploration: on n’a pas su reconnaître toutes les personæ dramatis, tous les acteurs dont l’action réciproque est nécessaire pour

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qu’il y ait création et transformation dans le domaine littéraire, ou invention de nouvelles normes dans la pratique sociale[1]».

Pour colmater ces brèches de l’historicité littéraire, les théories de la réception et de la lecture proposent une approche relationnelle où le tiers état — lecteur/public — serait la pierre angulaire d’une nouvelle perspective communicationnelle de la littérature. Autrement dit, on constate depuis peu que la lecture et la réception de la littérature sont aussi productives de sens : on ne fait plus l’économie de la triade AUTEUR-TEXTE-LECTEUR. On constate l'importance du destinataire pour l'histoire de la littérature. Effectivement, sans lecteur le texte n'existe pas. C'est l'actualisation du texte par la lecture qui lui permet d'entrer dans l'histoire, de jouer un rôle, de se socialiser.

Hans Robert Jauss

Pour Robert Jauss, l'histoire littéraire doit « représenter, à travers l'histoire des produits de sa littérature, l'essence d'une entité nationale en quête d'elle-même[2]».

L'écart esthétique permet de mesurer l'historicité d'un texte. Cet écart est déterminé par l’horizon d’attente (concept qu’il reprend d’après Gadamer et Heidegger) qui constitue un genre de cheminement ou de prédisposition, objectivement formulable, à l’acte de lecture. Ce concept relève de trois facteurs :

«[...] présuppose la connaissance et l’opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne[3]».

L'auteur déjoue progressivement les attentes du lecteur de romans de chevalerie, comme Hubert Aquin, avec Prochain Épisode et Trou de mémoire, le fait avec le lecteur de romans à énigmes.

D’où la fonction sociale de la littérature : lorsque l’œuvre change notre vision du monde, il s’établit un rapport (une remise en question) entre littérature et société.

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Bien que déjà inscrit dans le texte, le sens reste toujours à actualiser, rôle qui revient évidemment au public. Pour mieux comprendre le rôle du lecteur, il faut partir des prémisses de la Poétique d’Aristote qui sont à la base de l’expérience esthétique de Jauss. La poiesis est propre au créateur : c’est la dimension productrice de l’expérience esthétique.

Par celle-ci, l’auteur libère la réalité de ce qui ne lui est pas familier et forme une réalité nouvelle, une fiction qui ne s’oppose pas à la réalité quotidienne mais nous renseigne sur elle. L’aisthesis désigne la dimension réceptrice de l’expérience esthétique où un tiers état, le lecteur, extérieur à la sémiose, prend plaisir au sens et sa valeur. Dernier aspect de la Poétique d’Aristote repris par Jauss: la catharsis. Celle-ci interpelle le lecteur et suscite son adhésion :

« [D]ans le sens d’expérience fondamentale de l’esthétique communicative, [elle] correspond donc d’une part à la pratique des arts

au service de la fonction sociale, qui est de transmettre les normes de l’action, de les inaugurer et de les justifier, d’autre part aussi au but idéal

de tout art autonome: libérer le contemplateur des intérêts et des complications pratiques de la réalité quotidienne pour le placer, par la jouissance de soi dans la jouissance de l’autre, dans un état de liberté

esthétique pour son jugement[4] ».

Autrement dit, la catharsis est cette propension du lecteur à s’identifier aux personnages et aux situations véhiculés par le texte. En ce sens, Jauss parle d’effets communicatifs. Il s’établit un lien, entre le texte et le lecteur, qui est purement dialogique, où ceux-ci collaborent en vue de fonder l’expérience esthétique sur une inter-subjectivité.

Wolfgang Iser

Chez Wolfgang Iser, contrairement à Jauss où le sens est à révéler, le sens est toujours à construire. Comme chez Jauss, cette sémiosis n’est possible qu’à la condition qu’une intention habite le lecteur, « [...]l’intention de lire, aussi minimale soit-elle, intention qui engage l’acte de lecture lui-même et qui cherche son accomplissement dans la lecture jusqu’à ce que cette dernière prenne fin[5]».

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La lecture, c’est la rencontre de deux pôles : l’un, artistique et propre au texte, l’autre esthétique et propre au lecteur. Donc, le texte, portant en lui-même les conditions de sa réalisation, parle au lecteur, le guide afin qu’il réalise ce qui y est implicite. Ce qui est implicite au texte, c’est d’abord la situation qui sert d’arrière-plan à sa réalisation. D’une part, sa situation qui entoure l’auteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l’Histoire, appuyé de sa culture, de ses valeurs, ses expériences, ses connaissances et capable d’articuler un lien artistique logique (le texte) entre tout ceci. Donc, il écrit un texte, lui aussi normalisé par des structures et des conventions qui sont à la fois textuelles et extra-textuelles[6].

D’autre part, ce texte nécessite un lecteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l’Histoire, appuyé de sa société, de son éducation, son enfance, sa sensibilité et habile à établir un lien logique (la lecture) entre tout ça, entre toutes ces conventions.

Pour que la communication s’accomplisse, il doit s’établir un rapport entre texte et lecteur. « [I]l manque à ce rapport d’être défini par une situation commune à l’un et à l’autre[7]».

Donc, pour établir une telle situation, il faut nécessairement que la lecture soit dialogique : « il en peut naître désormais la situation-cadre où le texte et le lecteur atteignent à la convergence. Ce qui, dans l’usage commun du discours, doit toujours être donné préalablement, il s’agit ici de le construire[7]».

Homologue de l’horizon d’attente de Jauss, le répertoire du texte sert à établir cette situation-cadre. En effet, le texte génère lui-même son propre réseau de signification. Il « n’ancre son identité ni dans le monde empirique, ni dans la complexion de son lecteur[8]». Donc, le répertoire du texte ne distingue pas la fiction de la réalité mais use de la première pour nous informer sur la seconde. Il s’agit donc d’établir un référent commun. Pour ce faire, il puise dans deux types de normes : littéraires et extra-littéraires, ou textuelles et extra-textuelles. Les premières recouvrent tout ce qui fait référence à la tradition littéraire (citations, intertextualités, etc.). Les secondes sont d’ordre social. Elles recouvrent tous les discours grâce auxquels on comprend

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le monde. Dans une certaine mesure, ne pourrait-on pas relier les normes extra-textuelles de Iser au plurilinguisme de Mikhaïl Bakhtine ou à l'intertextualité de Kristeva ? C’est donc dans la convergence de ces deux normes que se forme l’arrière-plan référentiel du texte. « Les éléments du répertoire ne se laissent donc ramener exclusivement ni à leur origine, ni à leur emploi, et c’est dans la mesure où ceux-ci perdent leur identité que se profilent les contours singuliers de l’œuvre[9]». Ainsi se dégage une équivalence, ou une distance, entre le répertoire et le monde, un peu de la même façon que l’écart esthétique.

Le lecteur au centre de la littérature

Bien que Jauss et Iser fassent du récepteur une instance nécessaire à l’expérience littéraire, le texte demeure au centre de leur étude. Il devient une entité portant en elle-même les conditions (structures et systèmes) de son actualisation. Bien sûr, c’est le lecteur « qui est l’unique responsable de la mise en marche de la sémiosis[10]». Mais il n’agit qu’en tant qu’opérateur, un peu comme un chimiste suit les étapes d’une expérience. Seulement, dans le cas du lecteur, les étapes de signification du texte ne sont pas explicites.

Au lieu de fabriquer quelque solution chimique à partir d’éléments hétérogènes, il a affaire à un texte qui porte en lui-même des éléments homogènes qui l’informent, de façon implicite et progressive, sur la procédure de sa propre réalisation. C’est en ce sens que nous voyons en Iser et Jauss des terroristes de la méthode formelle : terroristes puisqu’ils désamorcent, avec une grande méthodologie, l’entité textuelle en y faisant entrer un intrus, le lecteur, indispensable à l’expérience littéraire. Toutefois, le public de Jauss et le lecteur de Iser ne sont pas réels. Ce sont des représentations modélisées de l’instance réceptrice de la communication et elles ne peuvent en aucun cas servir à représenter tout lecteur. En effet, leurs théories, à vouloir englober les différents types de lecteurs, n’ont réussi a y faire entrer aucun d’eux. Pourtant, le mécanisme lectorial qu'il modélise s'applique à chacun d'eux. Et pour des théories qu’ils qualifient de relationnelles,

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Jauss et Iser réussissent tout de même, par cette systématisation paradoxale du lecteur, à exclure la psychologie et la subjectivité de la lecture, activités pourtant primordiales à l’expérience littéraire.

Notes

1. Jean Starobinsky, "Préface", Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, coll. "TEL", 1978, p. 12.

2. Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, p. 23.

3. H.R. Jauss, ibid., p. 54.

4. H.R. Jauss, La jouissance esthétique, Poétique, vol.10, #39, p. 273.

5. Gilles Thérien, Pour une sémiotique de la lecture, Protée, vol.18, #2 (printemps 1990), p. 72.

6. Nous verrons plus loin ce que sont ces normes textuelles et extra-textuelles.

7. a  et b  Wolfgang Iser, La fiction comme effet, Poétique, vol.10, #39, p. 279.

8. W.Iser, Op. Cit., p. 282.

9. Ibid., p. 283.

10. Gilles Thérien, Op. Cit., p. 72.

Umberto Eco

Umberto Eco, né le 5 janvier 1932 à Alexandrie dans le Piémont (Italie), est un essayiste et romancier italien. Reconnu pour ses nombreux essais universitaires sur la sémiotique, l’esthétique médiévale, la communication de

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masse, la linguistique et la philosophie, il est surtout connu du grand public pour ses œuvres romanesques.

Titulaire de la chaire de sémiotique et directeur de l’École supérieure des sciences humaines à l’Université de Bologne, il en est professeur émérite depuis 2008.

Biographie

Diplômé en philosophie en 1954 à l'Université de Turin (avec une thèse sur Thomas d'Aquin), il s'intéresse dans un premier temps à la scolastique médiévale (Sviluppo dell'estetica medievale, 1959), puis à l'art d'avant-garde (L'Œuvre ouverte, 1962) et à la culture populaire contemporaine (Apocalittici e integrati,1964). Il rencontre un succès immédiat en Italie.

Devenu ensuite un pionnier des recherches en sémiotique (La Structure absente, 1968, Trattato di semiotica generale, 1975), il développe une théorie de la réception (Lector in fabula, The Limits of Interpretation, The role of the Reader) qui le place parmi les penseurs européens les plus importants de la fin du XX e   siècle .

Son premier roman, Le Nom de la rose (1980) connaît un succès mondial avec 16 millions d'exemplaires vendus à ce jour et des traductions en vingt-six langues, malgré un contenu dense et ardu. Umberto Eco met en application dans ce « policier médiéval » ses concepts sémiologiques et ses théories du langage, ceux-là mêmes qu'il enseigne à Turin. En 2002, le quotidien La Repubblica le vend comme supplément au journal ; près de 2 millions de livres sont vendus le même jour.

Son deuxième roman, Le Pendule de Foucault (1988) connaît également un énorme succès, quoique pour des raisons inverses : le public, guidé par Eco, part à la découverte de symboles énigmatiques ou prophétiques, à rebours de la dénonciation de l'ésotérisme qui est pourtant le propos de l'auteur, mais celui-ci démontre par la même occasion que le lecteur est libre de ses interprétations (théorie qu'Eco continue de développer dans ses œuvres théoriques sur la réception,

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Les Limites de l'interprétation en 1990). Le livre tourne d'ailleurs en ridicule l'interprétation à outrance des faits avérés ou légendaires de l'histoire, en tirant avec un égal succès des dimensions d'un simple kiosque à journaux le même genre d'informations de portée cosmique que certains se croient fondés à lire dans celles de la pyramide de Khéops.

Umberto Eco donne ensuite plusieurs conférences sur ses théories de la narration en littérature, Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs (1996), sur la traduction, Experiences in translation (2000), et sur la littérature, De la littérature (2003).

Tout au long de sa carrière, il écrit régulièrement dans des quotidiens et des hebdomadaires des chroniques sur des sujets de l'heure, avec un souci de « débusquer du sens là où on serait porté à ne voir que des faits ».

Plusieurs recueils, dont seulement certains ont été traduits, regroupent les textes les plus amusants, Pastiches et Postiches (1988) (Diario minimo, 1963) et Comment voyager avec un saumon (1998) (Il secondo diario minimo, 1992). Certains autres recueils regroupent des textes plus polémiques, Croire en quoi (1998), Cinq questions de morale (2000), Islam e occidente (2002).

Parmi ses activités les moins connues, Umberto Eco est membre du Forum international de l'Unesco (1992), de l'Académie universelle des cultures de Paris (1992), de l'American Academy of Arts and Letters (1998) et a été nommé au conseil de la bibliothèque d'Alexandrie (2003). Il a assuré en 1992-1993 un cours à la chaire européenne du Collège de France sur le thème « La quête d'une langue parfaite dans l'histoire de la culture européenne ».

Romans

1980  : Le Nom de la rose (Il nome della rosa) - Grasset, 1982 - (prix Strega, Prix Médicis étranger) dont a été tiré un film de Jean-Jacques Annaud, avec notamment Sean Connery et Christian Slater

1988  : Le Pendule de Foucault (Il pendolo di Foucault) - Grasset, 1990

1994  : L'Île du jour d'avant (L'isola del giorno prima) - Grasset, 1996

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2000  : Baudolino (Baudolino) - Grasset, 2002 - Prix Méditerranée Étranger 2002

2004  : La Mystérieuse Flamme de la reine Loana (La misteriosa fiamma della regina Loana) - Grasset, 2005

Gérard Genette : narratologie

Gérard Genette, né en 1930 à Paris, est un critique littéraire et théoricien de la littérature qui a construit sa propre démarche au sein de la poétique à partir du structuralisme.

Biographie

Après ses classes préparatoires au Lycée Lakanal, il intègre l'École normale supérieure, obtient l'agrégation de lettres et enseigne en hypokhâgne au Mans (en même temps que son condisciple de la rue d'Ulm, Jacques Derrida). De 1963 à 1967, il est assistant de Marie-Jeanne Durry à la Sorbonne où il dirige les travaux pratiques des étudiants qui suivent le cours magistral de Durry. Ensuite, grâce à Roland Barthes, il est nommé à l'École pratique des hautes études. Il restera comme directeur d'études, puis directeur de recherches à l'École des hautes études en sciences sociales jusqu'à sa retraite en 1994. Il a été aussi visiting professor à l'Université Yale, en 1969.

Il a fondé, en 1970, avec Tzvetan Todorov la revue Poétique et dirige la collection du même nom aux éditions du Seuil, collection spécialisée en théorie littéraire. Avec Henri Mitterand, il était un des premiers à soutenir une thèse d'État sur travaux (en l'occurrence Figures I-III), en 1972, à l'Université Paris IV-Sorbonne.

Gérard Genette a joué et continue de jouer un rôle fondamental dans l'avancée des études formelles de la littérature. Il est l'un des représentants les plus importants de la « nouvelle critique » dans les années 1960, et poursuit depuis l'entreprise théorique amorcée alors autour de Roland Barthes.

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Au travers de nombreux essais, il a étudié le sens du discours, les aspects du langage, ses origines et ses mécanismes, grâce aux moyens qu'offre la critique, en regard de ceux que peut proposer le structuralisme. Dans les trois premiers tomes de Figures (1966-1972), puis dans Nouveau Discours du récit (1983), il explore les divers aspects d'une science du narratif qu'il tente de mettre en place, la « narratologie ». Il se penche également sur la classification des genres dans Introduction à l'architexte (1979), et sur la transtextualité — les rapports des textes les uns envers les autres — dans Palimpsestes (1982). Avec Seuils (1987), il s'intéresse à l'entour du texte, à tout ce qui l'accompagne et le fait exister en tant qu'objet accessible, la présentation éditoriale et les divers textes de commentaire, le paratexte. Au cours des années 1990, sa réflexion s'élargit à l'esthétique dans les deux volumes de L'Œuvre de l'art, qui reprend et discute en ce domaine les propositions de l'esthétique analytique de Nelson Goodman et Arthur Danto.

Gérard Genette a été membre du groupe Socialisme ou barbarie. Il est marié à Raymonde Debray Genette, elle aussi enseignante et chercheuse littéraire.

Concepts inventés ou développés par Gérard Genette

Transtextualité

La transtextualité est un concept que Genette a développé, plus particulièrement, dans son livre Palimpsestes. Grossièrement, la transtextualité se définit par tout ce qui met un texte en relation, manifeste ou secrète, avec un autre texte.

Termes définis dans Figures III

Œuvre considérable dans l'évolution de la narratologie, mais plus largement de la poétique (littéraire), Figures III semble poser les bases d'une analyse littéraire aussi précise qu'essentielle. À travers son œuvre, Gérard Genette définit des termes clés de l'analyse narratologique. A cela s'ajoutent évidemment des termes venant des analyses de Franz Karl Stanzel ou encore de Tzvetan Todorov.

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Diégèse (Diegesis pour l'analyse en anglais)

« La diégèse est l'univers spatio-temporel désigné par le récit. »[1]

Cette notion est évidemment centrale, puisque tout l'acte de narration se trouve lié à la diégèse. Cet univers purement littéraire, autant que l'est le narrateur, constitue l'essence même de l'histoire qui sera racontée, ou narrée, par l'instance narrative.

Métalepse (Metalepsis pour l'analyse en anglais)

Deux éléments sont nécessaires pour qu'une métalepse puisse s'établir; pour être plus précis, deux diégèses doivent être requises. Soit une instance narrative en train de raconter sa propre histoire avec ses personnages. Un de ses personnages (appartenant à la diégèse dite numéro 1 ou de niveau supérieur) raconte alors une autre histoire, créant ainsi une seconde diégèse (ou une diégèse de niveau 2 ou de niveau inférieur). Dans ces conditions-ci, le passage d'une diégèse à une autre, d'un niveau narratif à un autre, d'un monde fictif à un autre, constitue alors une métalepse.

Plusieurs moyens sont possibles pour passer d'un univers spatio-temporel à un autre (différent). Par exemple, un narrateur peut nous amener à passer d'une diégèse à une autre par l'intermédiaire, par exemple, d'une lettre. Ainsi un personnage (ou personnage-narrateur) lira une lettre, créant simultanément un autre univers spatio-temporel, totalement différent de celui dans lequel le personnage se situe lorsqu'il lit la lettre.

Pour continuer dans la définition des termes introduits dans Figures III, deux critères permettent de définir précisément le statut du narrateur. Le premier correspond à la relation du narrateur à l'histoire, permettant d'opposer les termes de « hétérodiégétique » et « homodiégétique » (ou « autodiégétique » si tel est le cas); pour le second critère, il s'agit du niveau narratif du narrateur. Cette dernière distinction met en exergue les termes de « extradiégétique » et « intradiégétique ».

Hétérodiégétique

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HomodiégétiqueAutodiégétiqueExtradiégétiqueIntradiégétique

Œuvres

Figures, essais, 1966 sqq. o Figures I, Éditions du Seuil, collection Tel Quel, Paris, 1966, 269

pages.

o Figures II, Éditions du Seuil, collection Tel Quel, Paris, 1969, 293 pages.

o Figures III, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1972, 285 pages. Cf. infra Discours du récit.

o Figures IV, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1999, 364 pages.

o Figures V, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 2002, 352 pages.

Mimologiques : voyage en Cratylie, collection Poétique, Éditions du Seuil, Paris, 1976, 427 pages.

Introduction à l'architexte, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1979, 89 pages. Cf. infra Fiction et diction.

Palimpsestes, La littérature au second degré, Éditions du Seuil, collection Essais, Paris, 1982, 561 pages.

Nouveau discours du récit, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1983, 118 pages.

o Discours du récit, Editions du Seuil, collection Points Essais, Paris, 2007, 435 pages, réunit deux essais publiés auparavant, à savoir « Discours du récit » (Figures III, pp. 71-273 resp. 67-282 ) et Nouveau discours du récit.

Seuils, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1987, 389 pages.

Fiction et diction, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1991, 150 pages.

o Fiction et diction est réédité avec L'introduction à l'architexte, Éditions du Seuil, collection Points Essais, 2004, 236 pages.

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L'Œuvre de l'art, 2 volumes :

o 1 : immanence et transcendance, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1994, 299 pages.

o 2 : la relation esthétique, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 1997, 292 pages.

Métalepse, Éditions du Seuil, collection Poétique, Paris, 2004, 132 pages.

Bardadrac, Editions du Seuil, collection Fiction & Cie., Paris, 2006, 452 pages.

Codicille, Editions du Seuil, collection Fiction & Cie., Paris, 2009, 312 pages.

Thomas Pavel : univers de fiction

Thomas Pavel, né le 4 avril 1941 à Bucarest, est un universitaire des États-Unis spécialiste de la littérature française.

Biographie

Après une maîtrise à l'université de Bucarest, Thomas Pavel soutient une thèse à l'École des hautes études en sciences sociales en 1971 sur les tragédies de Corneille. Il enseigne ensuite au Canada, à l'Université d'Ottawa de 1973 à 1981, puis à l'Université du Québec à Montréal de 1981 à 1986. Entre 1990 à 1998, il enseigne la littérature comparée à l'Université de Princeton. Depuis 1998, il enseigne à l'Université de Chicago. En 2005-2006, il a assuré un cours au Collège de France sur le thème « Comment écouter la littérature ».

Il a critiqué les prétentions de structuralistes comme Roman Jakobson ou Roland Barthes à expliquer la littérature uniquement par le biais de la linguistique (Le Mirage linguistique et De Barthes à Balzac, qui revient sur S/Z). Mais Pavel est surtout connu pour son emploi de la théorie philosophique des mondes possibles pour étudier les univers de fiction. Il a ainsi contribué à lancer des questionnements sur les rapports entre les univers fictionnels et les univers de référence, sur l'ontologie des personnages et sur la valeur de vérité de la fiction.

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Ouvrages

Critique et histoire littéraire

La Syntaxe narrative des tragédies de Corneille: Recherches et propositions, Paris : Klincksieck & Ottawa : Éditions de l'Université d'Ottawa, 1976.

The Poetics of Plot: The Case of English Renaissance Drama, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1985.

Univers de la fiction, Paris : Seuil, coll. « Poétique », 1988.

Le Mirage linguistique, Paris : Minuit, 1988.

L’Art de l’éloignement. Essai sur l’imagination classique, Paris : Gallimard, 1996.

avec Claude Bremond, De Barthes à Balzac. Fictions d’un critique et critiques d’une fiction, Paris : Albin Michel, 1998.

La Pensée du roman, Paris : Gallimard, 2003.

Comment écouter la littérature ?, Paris: Fayard, coll. « Leçons inaugurales du Collège de France », 2006.

Romans et essais Fragmente despre cuvinte, essai, Bucarest : Editura pentru literatura, 1968. Inflexions de voix, essai, Montréal : Presses de l'Université de Montréal,

1976.

Le Miroir persan, Paris: Denoël & Montréal : Quinze, 1978.

La Sixième Branche, Paris : Fayard, 2003.

Récompenses

Chevalier des Arts et des Lettres (France), 2004 Fellow of the American Academy of Arts and Sciences, 1999.

The René Wellek Prize for the Best Book in Literary Theory published in 1989-90, awarded by the American Comparative Literature Association, 1992.

Chevalier de l'Ordre des Palmes Académiques (France), 1990.

The Jubiliary Medal of Her Majesty the Queen Elizabeth the Second (Canada), 1977.

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Vladimir Propp, 1928

Vladimir Iakovlevitch Propp, né à Saint-Petersbourg le 29 avril 1895 et décédé à Léningrad le 22 août 1970 est un folkloriste russe de l'école structuraliste qui analysa la structure des contes merveilleux russes pour en

identifier leurs plus petits éléments narratifs.

Sa Morphologie du Conte fut publiée en Russie en 1928 ; le livre fut à peu près ignoré en Occident jusqu'à sa première traduction en anglais en 1950. Ses premières recherches purement linguistiques s'étant révélées peu fructueuses, Propp eut l'idée d'étendre l'approche russe, formaliste, à l'étude de la structure narrative contale. Dans cette approche, la phrase est disséquée en une série de plus petits éléments analysables, les « morphèmes ».

o

Les fonctions selon Propp

Il étudie une multitude de contes fantastiques russes traditionnels, en en retranchant tout ce qu'il jugea secondaire : le ton, l'ambiance, les détails décoratifs, ou encore les récits parasites, pour n'en garder que leurs plus petites unités narratives qu'il appelle « fonctions », et que ses successeurs[Qui ?] préfèrent appeler « narratèmes ».

Il détermine ainsi une typologie des structures narratives. En analysant les types de caractères et d'actions dans plus d'une centaine de contes, il arrive à la conclusion qu'il n'y a que 31 fonctions (ou « narratèmes ») dans le conte traditionnel russe. Bien qu'elles ne

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soient pas toutes présentes dans tous les récits, tous les contes analysés présentent ces fonctions selon une séquence invariante.

Les fonctions des personnages, sont extrêmement peu nombreuses alors que les personnages sont extrêmement nombreux. Par fonction, écrit-il, nous entendons l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue.

Il isole 31 fonctions (comptant chacune un nombre x de variantes), dont

l’éloignement la transgression

la médiation

la reconnaissance

la punition, etc.

Définition de la Séquence selon Propp

Une séquence en narratologie est une combinaison de plusieurs fonctions ou ce que Propp qualifie, dans La Morphologie du conte, d'« atomes narratifs ». Ces fonctions renvoient respectivement à « une virtualité d'action, à sa réalisation et au résultat de celle-ci » (cf. Claude Bremond, « La logique des possibles narratifs », in Communications, n°8).

Les personnages

Ensuite seulement, Propp détermine les concepts de personnages, afin de répondre à la question: Comment les fonctions se répartissent-elles entre les personnages? Ils sont au nombre de sept:

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1. l'agresseur2. le donateur

3. l’auxiliaire (par exemple la fée du conte français, la sage-femme du conte allemand, le génie du conte oriental, etc)

4. La princesse et son père

5. Le mandateur

6. le héros (ou l’héroïne)

7. le faux héros.

Il délimite ensuite la sphère d’action de chacun d'eux, c’est-à-dire l’ensemble des fonctions qui intéressent individuellement. Il donne ainsi du conte la définition suivante: ... du point de vue morphologique, tout développement partant d’un méfait ou d’un manque, et passant par toutes les fonctions intermédiaires pour aboutir au mariage ou à d’autres fonctions utilisées comme dénouement.[1]

Critique de l'œuvre

Cependant, Greimas et Courtès mettent un bémol à cette belle analyse: « Il ne s'agit ici que de sémantique structurale d'actions respectives :

1. la sphère d’action du lecteur notamment dans "Lili et les bijoux précieux"

2. la sphère d’action du donateur

3. la sphère d’action de l’auxiliaire

4. la sphère d’action de la princesse

5. la sphère d’action du mandateur

6. la sphère d’action du héros

7. la sphère d’action du faux-héros.

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Ainsi, Propp souligne l’existence de sept personnages dans le contes auxquels les fonctions sont distribuées.

Mais foncièrement ces deux auteurs ne remettent pas en cause le travail de Propp.

D'autres critiques (comme Claude Bremond et Thomas Pavel) remettent en cause la méthode d'analyse utilisée, et donc le résultat obtenu, qui ne s'appliquerait guère qu'à un seul type de conte.

En fait, le travail de Propp sur la structure du conte ne représentait qu'une étape de sa réflexion, et pas la plus essentielle à ses yeux : ce qui l'intéressait était de montrer ensuite que les contes merveilleux sont la survivance des rites archaïques (voir Les Racines historiques du conte merveilleux, son second ouvrage).

Bibliographie

Ouvrages générauxDictionnaire encyclopédique des Sciences du Langage, Paris, Seuil, 1972. (nouvelle édition 1995);Dictionnaire de la Littérature, Bordas, Paris, 1987.Aarne A. et Thompson S. auteurs d'un classement indexial (alpha- numérique) des contes: « Types de contes » (The Types of the Folktales), Ed. Academia Scientiarum Fennica. Helsinki, 1987,

Les 31 fonctions narratives formulées par ProppLes 31 fonctions et le système de Propp - Jerry Everard [en anglaisLes fonctions de Propp simplifiées et le système Propp - Idem, en anglais

Le projet « digital Propp » (en anglais)The Fairy Tale Generator : générez votre propre conte automatiquementUn Générateur automatique de contes de fées (A Fairytale Outline Generator) :

basé sur la Morphologie du conte.

Notes et références1. Éd. Hachette, p. 965.

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Charles Sanders Peirce (10 septembre 1839 - 19 avril 1914) est un sémiologue et philosophe américain. Il est considéré comme le fondateur du courant pragmatiste avec William James et, avec Ferdinand de Saussure, un des deux pères de la sémiologie (ou sémiotique) moderne. Ces dernières décennies, sa pensée a été l'objet d'un regain d'intérêt. Il est désormais considéré comme un innovateur dans de nombreux domaines, en particulier dans la méthodologie de la recherche et dans la philosophie des sciences.

o

Biographie

Charles Sanders Peirce est né à Cambridge, Massachusetts en 1839. Il est le fils de Sarah et Benjamin Peirce. Son père est professeur d'astronomie et de mathématiques à l'université d'Harvard. Bien que le jeune Peirce obtînt son diplôme en chimie à Harvard, il ne réussit jamais à obtenir une position académique titularisée. Les ambitions académiques de Peirce furent freinées par sa personnalité difficile (sans doute un maniaco-dépressif) et par le scandale qui a entouré son divorce d'avec Harriet Melusina Fay, immédiatement suivi d'un mariage avec Juliette Froissy. Il fit carrière comme scientifique pour le « United States Coast Survey » (1859-1891), travaillant en particulier sur les thèmes de déterminations pendulaires et la géodésie. De 1879 à 1884, il fut aussi conférencier à temps partiel en logique, à l'Université Johns Hopkins. En 1887, Peirce déménage avec sa seconde épouse à Milford (en Pennsylvanie) où il décèdera en 1914 d'un cancer après 26 années d'écriture prolifique. Il n'eut aucun enfant.

Peirce a publié un livre, Recherches photométriques (1878) et dirigé un recueil d'études, Études en logique (1883), ainsi qu'un grand nombre d'études dans des journaux couvrant différents champs de recherche. Ses manuscrits, dont une grande partie est restée non publiée, constituent un ensemble de plus de 80 000 pages. De 1931 à 1958, une sélection de ses écrits a été ordonnée thématiquement et publiée dans huit volumes sous le titre Collected Papers of Charles Sanders Peirce. Depuis 1982, d'autres volumes sont publiés dans le

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cadre d'une édition chronologique qui atteindra sans doute les trente volumes (6 volumes parus).

William James, qui introduisit le terme en philosophie (Philosophical conceptions and practical results, 1898), attribue à Charles Peirce la fondation du pragmatisme. Contrairement à d'autres pragmatistes plus récents comme James et John Dewey, Peirce conçoit originellement le pragmatisme comme une méthode pour la clarification d'idées s'appuyant sur l'utilisation de méthodes scientifiques pour résoudre des problèmes philosophiques.

Le pragmatisme a été considéré comme une philosophie américaine. Peirce est aussi considéré comme le père de la sémiotique (c'est-à-dire l'étude des signes) moderne. De plus, ses travaux, qui furent souvent particulièrement novateurs, sont aussi valables et pertinents dans de nombreuses autres disciplines comme l'astronomie, la métrologie, la géodésie, les mathématiques (algèbre de la logique), la philosophie, la théorie et l'histoire des sciences, la linguistique, l'économétrie et la psychologie. Ses travaux et ses idées sur ces thèmes sont devenus le sujet d'un intérêt nouveau et de fortes louanges. Ce renouveau est inspiré non seulement par les anticipations intelligentes de Peirce sur les développements scientifiques récents, mais aussi, et surtout, par ses démonstrations sur la façon dont la philosophie peut être appliquée de manière intelligente aux problèmes humains. Bertrand Russell et Karl Popper admirèrent et louèrent Peirce, le considérant comme un des plus grands philosophes ayant jamais existé[réf. nécessaire].

D'une certaine façon, Peirce était un philosophe systématique dans le sens traditionnel du mot. Mais ses travaux s'intéressaient aussi aux problèmes modernes de la science, de la vérité et du savoir, partant de sa propre expérience comme logicien et chercheur expérimental travaillant en collaboration avec une communauté internationale de scientifiques et de penseurs. Peirce a fait des contributions importantes dans le domaine de la logique déductive, mais était à l'origine intéressé par la logique en sciences, et en particulier dans ce qu'il appelait l'abduction (ce qui diffère de la déduction et de l'induction). L'abduction est un processus pendant lequel une hypothèse est générée telle que des faits surprenants puissent être

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expliqués. « There is a more familiar name for it than abduction » a écrit Peirce, « for it is neither more nor less than guessing » ( Il y a un nom plus familier pour cela que l'abduction (...) ce n'est ni plus ni moins que deviner ). En effet, Peirce considérait l'abduction comme le cœur non seulement de toute recherche scientifique, mais aussi de toutes les activités humaines ordinaires. Son pragmatisme peut être compris comme une méthode de tri des confusions conceptuelles en établissant un rapport entre le sens des concepts et leurs conséquences pratiques. Cette théorie n'a donc absolument aucune ressemblance avec la notion vulgaire de pragmatisme qui est associée par exemple avec la recherche sans égards de profits.

Charles S. Peirce est aujourd'hui considéré comme un philosophe important. Ce n'était pourtant pas le cas de son vivant, puisqu'il mena une vie d'exclu et n'obtint jamais de poste d'enseignant dans une université. D'abord logicien, bien sûr philosophe, mais aussi chimiste et géologue, Peirce est le créateur de la philosophie pragmatiste et un innovateur reconnu en logique où il inventa la logique des relations et de la quantification (indépendamment de Frege). Comment peut-on alors expliquer son infortune sociale ?

Il faut d'abord dire que Peirce est un génie précoce : conscient de son talent, il traite de haut ses collègues moins doués et mène une vie farouchement indépendante qui ne convient guère à la morale prude de cette époque. Sa passion pour le vin (il ira en France pour étudier l'œnologie), son comportement sexuel libertin, ses sautes d'humeur légendaires, sa paranoïa (en partie justifiée) et ses croyances religieuses non orthodoxes font de lui un indésirable dans l'univers universitaire du XIXe siècle américain. Malgré l'amitié et le support indéfectible de William James, et malgré ses immenses talents, il survécut difficilement en travaillant comme laborantin et comme technicien au Service géodésique des États-Unis pendant 30 ans ; il fut aussi maître de conférence à Harvard pendant 6 ans (de 1879 à 1884) mais n'y obtint jamais le poste convoité, en raison de sa réputation morale et de la grande difficulté de ses cours. Il vécut les 26 dernières années de sa vie dans la pauvreté, en reclus avec sa seconde femme, une Française excentrique, ne disposant pour survivre sur sa ferme du Nord-Est de la Pennsylvanie, que de maigres redevances pour

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quelques articles et de rares conférences publiques organisées par James.

Son œuvre immense (des centaines de milliers de pages manuscrites) fut peu éditée de son vivant et resta longtemps méconnue. Il ne réussit jamais à compléter la synthèse de sa philosophie qu'il voulait rédiger. Il mourut dans l'indifférence presque générale à Milford, en 1914.

Travaux

Le pragmatisme

La maxime pragmatiste se formule ainsi: « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l'objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l'objet ». ("Comment rendre nos idées claires", #15) Le pragmatisme est d'abord une philosophie de la signification. Une conception quelconque se définit par l'ensemble de ses effets pratiques. Si deux conceptions aux noms différents comportent les mêmes effets pratiques, alors elles ne forment qu'une seule et même conception. Par contre, si deux conceptions partagent un même nom, mais impliquent des effets différents, nous avons deux conceptions différentes.

Une conception découle d'une croyance. Une croyance est une habitude mentale qui guide l'action. Il explicite cette position dans son texte « Comment se fixe la croyance ».

Si je crois qu'une chose est dure, je crois que dans un certain arrangement de faits, cette chose se comportera de telle et telle manière. Une conception est une croyance qui indique à propos d'un certain objet, quel sera son comportement dans toutes les circonstances possibles. C'est la même règle qui s'applique pour définir des termes abstraits ou métaphysiques. Toutes les significations se ramènent à des effets pratiques dans telles ou telles circonstances. Il considère cette maxime comme une part essentielle de sa méthodologie philosophique.

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On voit clairement l'influence de la formation scientifique de Peirce sur sa philosophie. Ce dernier est toujours empreint de l'esprit de laboratoire. Il refuse les distinctions byzantines de la métaphysique traditionnelle et croit pouvoir montrer que de nombreux problèmes philosophiques sont en fait de faux problèmes, en les analysant en termes de conséquences pratiques. On remarque aussi l'influence des philosophes du sens commun. Peirce nomme quelquefois sa position philosophique un « sens commun critique ».

Par ailleurs, la maxime pragmatiste peut servir à définir la vérité d'une proposition. Pour Peirce, la vérité est une affaire de convergence à long terme des recherches scientifiques. L'opinion qui survit aux tests et qui rejoint l'accord de la communauté des chercheurs après avoir été discutée largement et passée au crible de la critique, cette opinion peut être considérée comme vraie et réelle.

Lorsque William James popularisera sa propre philosophie pragmatiste, pour bien s'en distinguer Peirce renommera sa conception le « pragmaticisme ».

La métaphysique

Peirce refuse la métaphysique ontologique du passé, qui prétend décrire le monde indépendamment de toute expérience et de toute intelligence empirique. Il conserve pourtant une place pour une métaphysique scientifique, essentiellement descriptive et généralisatrice. Cette discipline permet de décrire les trois aspects de toute réalité quotidienne: sa pure possibilité (ou priméité, firstness); sa réalisation effective (ou sécondéité, secondness); et la règle qui la gouverne (ou tiercéité, thirdness). Toute existence est duale, car elle implique action et réaction. Mais elle présuppose sa possibilité formelle: la priméité est donc inaccessible en elle-même, elle ne peut être saisie qu'à travers des existants. Pourtant, l'existence n'explique pas totalement un objet, car tout objet n'existe qu'en fonction d'une série à laquelle il appartient: cette montre n'existe qu'en vertu du principe de la mesure de la durée, incarné dans toutes les montres. Une loi, une règle, un principe abstrait, un symbole, une idée générale

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ou, bref, une tiercéité doit toujours être considérée lorsqu'il s'agit de décrire ou d'expliquer ce qu'est un objet quelconque.

Peirce défend aussi une cosmologie évolutionnaire, généralisant la leçon de Darwin, où son réalisme apparaît compatible avec un certain idéalisme. De fait, pour lui, tout processus est le résultat simultané d'une pensée régulatrice et d'une matière. La matière représente l'existence, mais la pensée du « quasi-esprit » du monde représente la finalité et la signification des processus. Ainsi l'univers est-il un immense continuum, où les séparations ne sont que des abstractions temporaires. Cependant les lois qui régissent l'univers ne sont pas déterministes. Le hasard est réel et se reflète dans l'utilisation des probabilités en science. L'univers est un processus indéterminé, bien que régi par des lois. L'univers est évolutionnaire. Il nomme cette conception, le tychisme.

La sémiotique ou théorie du sens

Toute pensée s'effectue à l'aide de signes. Un signe est une triade: un représentamen (signe matériel) dénote un objet (un objet de pensée) grâce à un interprétant (une représentation mentale de la relation entre le représentamen et l'objet). Le représentamen est premier (une pure possibilité de signifier), l'objet est second (ce qui existe et dont on parle), mais ce processus s'effectue en vertu d'un interprétant (un troisième qui dynamise la relation de signification). L'interprétant est aussi un signe susceptible d'être à nouveau interprété, ainsi indéfiniment. Je vous parle d'un chien. Le mot « chien » est le représentamen, l'objet est ce qui est désigné par ce mot, et le premier interprétant est la définition que nous partageons de ce mot: le concept de chien. Ce premier rapport, Peirce le nomme le fondement (ground) du signe. Mais le processus sémiotique continue, car à partir de ce signe il est possible que je me représente mentalement un certain chien, dont je vous parle ensuite, faisant naître en votre esprit d'autres interprétants et ce jusqu’à l'épuisement réel du processus d'échange (ou de la pensée, qui est un dialogue avec soi-même). Penser et signifier sont donc le même processus vu sous deux angles différents. Ce processus se nomme la sémiosis.

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Les signes se distinguent d'abord en qualisigne (la pure possibilité du signe), sinsigne (ce signe-là) et légisigne (la loi qui régit la grammaire du signe). Puis, au plan de la signification on aura l'icône (un signe par ressemblance avec l'objet), l'indice (un signe relié comme un symptôme à son objet) et le symbole (un signe doté d'une signification abstraite). Enfin, au plan pratique, on aura le rhème (un nom, un verbe, un adjectif), le dicisigne (une proposition verbale ou visuelle, par exemple) et l'argument (une règle d'inférence). Toute pensée ou signification aboutit donc à une inférence, à un raisonnement élémentaire.

Revenant à la théorie logique, Peirce distingue les abductions (abduction: inférence qui mène à la découverte d'une hypothèse plausible), les inductions (induction: raisonnement statistique) et les déductions (déduction: raisonnement parfaitement logique où de prémisses vraies on tire une conclusion certaine). Les trois formes de l'inférence jouent un rôle important dans la découverte et la justification scientifique. C'est par l'inférence que le symbole acquiert sa pleine force en menant à un jugement.

Les énoncés du premier type n'établissent que l'existence d'un sujet de relation : « x » existe (priméité). Les énoncés du deuxième type établissent une relation à deux termes: « Claude aime Louis » ("x" entretient la relation « aimer » avec « y »; secondéité). Mais il faut aussi considérer les relations à trois termes, comme dans « Julie donne un verre de vin à Claudine » ("x" entretient la relation « donner... » « z » « à... » « y »; tiercéité). Ainsi, Peirce reproche-t-il à Kant de s'être arrêté aux seules catégories et d'avoir négligé l'élément le plus important de la pensée: l'établissement du jugement à travers les inférences.

Ce formalisme permet de penser une multitude de phénomènes de pensée et de signification, de l'expression artistique à la démonstration d'un théorème, de l'analyse d'un circuit informatique à la communication quotidienne, de l'établissement d'un diagnostic médical à l'expérience esthétique ou éthique. Son formalisme logique est le garant de sa généralité. La position de médiateur de l'interprétant permet de dépasser les conceptions statiques et dualistes de

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l'empirisme, mais la place de l'objet ancre fermement son concept dans l'expérience pratique, dans l'habitude de pensée et surtout dans le processus de changement des croyances, qui ne sont rien d'autre que des habitudes de pensée.

La philosophie de Peirce trouve son plus grand achèvement dans sa sémiotique, car « l'homme est un signe » écrit-il à la fin de sa vie. Dans la mesure où il n'y a pas de pensée sans signe, dans la mesure où « l'intelligence est une action finalisée », la théorie sémiotique permet de répondre à la grande question kantienne, ou du moins d'indiquer une direction pour la réponse à cette question: « qu'est-ce que l'homme ? » Pour Peirce, avant beaucoup d'autres, l'être humain est un animal symbolique. Sa caractéristique propre est l'intelligence, c'est-à-dire l'action réfléchie, où il fait œuvre de lui-même en signifiant. En donnant un sens à sa vie à travers différents univers symboliques, l'être humain accomplit et dépasse sa forme de sujet en devenant créateur et interprète de ses signes et des signes qu'il découvre dans le monde. Il ne peut faire cela que dans la mesure où il est congénitalement un être social et historique. Car la pensée comme la signification sont des processus communautaires et non des processus que le prétendu penseur accomplirait seul « dans sa tête ».

Œuvre logique

Peirce a apporté une importante contribution à l'avancement de la logique. Les philosophes H. Putnam et Quine ont reconnu cette importance à de multiples reprises. On considère Peirce comme l'un des pionniers de la logique des relations, à égalité avec Frege. On lui doit aussi une tentative originale de logique graphique, dont l'idée est liée à sa philosophie sémiotique. Son fondement était de poser des règles graphiques qui, même si elles alourdissaient la construction du graphique, faciliteraient en revanche l'inférence. Ses travaux ont été repris par différents logiciens (Shin actuellement).

Influences et critiques

On a vu en Peirce un précurseur de Karl Popper. Il a directement inspiré les œuvres de William James et de John Dewey. Plus près de

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nous, son influence est marquante sur Quine et surtout sur Hilary Putnam. En sémiotique, son influence est énorme, notamment sur des penseurs comme Umberto Eco et John Deely. Par contre, le pragmatiste relativiste, Richard Rorty, rejette sa métaphysique et son scientisme.

Peirce n'a été reconnu que bien après sa mort. Ses œuvres ne sont aisément accessibles que depuis quelques décennies, et pas en totalité. Son langage quelquefois obscur, ses nombreux néologismes et ses raccourcis sur diverses questions de logique rendent sa pensée difficile d'accès. L'absence d'œuvre intégratrice et le dynamisme de sa démarche (du nominalisme de sa jeunesse au réalisme communautaire de sa maturité) rendent la compréhension de sa pensée très ardue. Seulement un très petite partie de ses écrits a été traduite en français.

Celui qu'on appelle quelquefois le « Aristote américain » en raison de sa démarche analytique et de son encyclopédisme, n'a pas fini de nous surprendre. Certains manuscrits longtemps ignorés nous permettent maintenant de mieux comprendre sa philosophie novatrice, qui restera la première grande contribution, après celles de Ralph Waldo Emerson (1803-1882) et Henry David Thoreau (1817-1862), à l'histoire de la philosophie enracinée, dans sa lettre et dans son esprit, sur le continent américain.

Sources

La version originale de cet article a été rédigée par Raymond Robert Tremblay et publiée dans Encéphi: [1]

Alain Robbe-Grillet: Nouveau Roman

Alain Robbe-Grillet, né le 18 août 1922 à Brest (Finistère) et décédé le 18 février 2008 à Caen (Calvados) est un romancier et cinéaste français. Considéré comme le chef de file du nouveau roman, il a été élu à l'Académie française le 25 mars 2004 sans être reçu. Son épouse est la romancière Catherine Robbe-Grillet,

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dont le nom de plume est Jeanne de Berg.

Biographie

Fils d'ingénieur, Alain Robbe-Grillet suit ses études au lycée Buffon, à celui de Brest, puis au lycée Saint-Louis [ 1 ] . Il entre à l'Institut national agronomique à Paris, dont il sort diplômé ingénieur agronome puis est envoyé au STO à Nuremberg. À son retour en 1945, il est chargé de mission à l'Institut national de la statistique à Paris, puis ingénieur à partir de 1949 à l'Institut des fruits et agrumes coloniaux, au Maroc, en Guinée française, à la Martinique et à la Guadeloupe (1949-51)[1].

Il se consacre ensuite à la littérature. Son premier roman, Les Gommes, parait en 1953 aux Éditions de Minuit et Roland Barthes lui consacre un article dans Critique. Se liant d'amitié avec Jérôme Lindon, directeur des éditions de Minuit, il en devient conseiller littéraire entre 1955 et 1985[1]. On considère parfois Les Gommes comme le premier « nouveau roman », mais l'expression n'apparaît que quelques années plus tard, sous la plume d'un critique. En 1963 paraît Pour un Nouveau Roman, recueil d'articles de Robbe-Grillet publiés notamment dans L'Express. Il se fait ainsi en quelque sorte le théoricien de ce mouvement littéraire. On le qualifia souvent de « pape du nouveau roman ».

Il travaille également pour le cinéma, notamment sur le scénario de L'Année dernière à Marienbad, réalisé par Alain Resnais en 1961. Les films qu'il a réalisés oscillent ensuite entre érotisme et sado-masochisme. Il était connu pour être un adepte du sado-masochisme, comme sa femme Catherine Robbe-Grillet.

Peu à peu, ses romans se sont tournés vers l'érotisme, et vers l'« autobiographie fantasmatique »[2], romans qui ont parfois été plus appréciés à l'étranger (notamment aux États-Unis) qu'en France, au moins du point de vue des universitaires.

Il participe également au Haut comité pour la défense et l´expansion de la langue française entre 1966 et 1968[1].

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De 1972 à 1997, Alain Robbe-Grillet enseigne aux États-Unis, à l'université de New York (NYU) et à la Washington University de Saint-Louis (Missouri), et dirige le Centre de sociologie de la littérature à l´université de Bruxelles entre 1980 et 1988.

Élu à l'Académie française au 32e fauteuil, succédant à Maurice Rheims, le 25 mars 2004, il n'a jamais prononcé son discours de réception, refusant le port de l'habit vert et cette tradition, qu'il considérait comme dépassée, provoquant ainsi l'impatience des autres immortels[3]. Son décès ayant eu lieu avant que le problème ne trouve de solution, il n'a jamais siégé à l'Académie française.

Installé au Mesnil-au-Grain (Calvados) à partir de 1963, il y écrit la plupart de ses livres et consacre sa formation d'agronome au parc du château du XVII e   siècle . Plus tard, il travaille avec l'Institut mémoires de l'édition contemporaine ouvert en 2003 à Caen, où il dépose ses archives et dont il a fait du directeur son légataire universel. Alain Robbe-Grillet meurt à Caen dans la nuit du 17 au 18 février 2008 d'une crise cardiaque [ 4 ] .

Œuvres littéraires

RomansUn régicide (1949)Les Gommes (1953)Le Voyeur (1955) reçoit le Prix des CritiquesLa Jalousie (1957)Dans le labyrinthe (1959)La Maison de rendez-vous (1965)Projet pour une révolution à New York (1970)Topologie d'une cité fantôme (1976)Souvenirs du Triangle d'Or (1978)Djinn (1981)La Reprise (2001)Un roman sentimental [ 5 ] (2007)

La Forteresse, Scénario pour Michelangelo Antonioni, (2009)

Nouvelle Instantanés (1962)

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EssaisPour un Nouveau Roman (1963)Le Voyageur, essais et entretiens (2001)Entretiens avec Alain Robbe-Grillet', par Benoît Peeters, DVD vidéo, Les Impressions Nouvelles, (2001)Préface à une vie d'écrivain[6] (2005)

Fictions à caractère autobiographiqueLe Miroir qui revient (1985)Angélique ou l'enchantement (1988)

Les Derniers Jours de Corinthe (1994)

Filmographie

1961 : L'Année dernière à Marienbad, scénario et dialogues en collaboration1963 : L'Immortelle1966 : Trans-Europ-Express1968 : L'Homme qui ment1971 : L'Eden et après1974 : Glissements progressifs du plaisir1974 : Le Jeu avec le feu1983 : La Belle Captive1995 : Un bruit qui rend fou, co-réalisé avec Dimitri de Clerq2007 : C'est Gradiva qui vous appelle

Notes et références

1. a  , b  , c  et d  « Robbe-Grillet (Alain) », Who's Who in France2. "lemonde.fr"

3. Édouard Launet, « Toujours vert », Libération, 8 mai 2007

4. Communiqué officiel du premier ministre

5. Lors d'une interview donnée dans l'émission Ce soir (ou jamais !) du 24 octobre 2007, Alain Robbe-Grillet a toutefois déclaré ne pas considérer ce roman comme faisant partie de son œuvre littéraire.

6. Enregistrement sur CD et transcription de cet enregistrement dans un livre de vingt-cinq émissions préalablement diffusées sur France-Culture durant l'été 2003

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