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    N 3296______

    ASSEMBLE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    TREIZIME LGISLATURE

    Enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le

    RAPPORT DINFORMATION

    DPOS

    en application de larticle 145 du Rglement

    PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE LCONOMIE GNRALE ET DU CONTRLE BUDGTAIRE

    relatif au contentieux entre le Consortium de ralisation (CDR)et le groupe Bernard Tapie

    ET PRSENT

    PARM. JRME CAHUZAC

    Dput.

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    SOMMAIRE___

    Pages

    AVANT-PROPOS DE M. JRME CAHUZAC, PRSIDENT................................................. 7

    CONTRIBUTION DES GROUPES ........................................................................................ 15

    A. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU GROUPE UMP, MEMBRES DE LA COMMISISON

    DES FINANCES ........................................................................................................... 15B. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET

    DIVERS GAUCHE, MEMBRES DE LA COMMISSION DES FINANCES ................................... 17

    C. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU GROUPE GDR, MEMBRES DE LA

    COMMISSION DES FINANCES....................................................................................... 22

    D. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU NOUVEAU CENTRE, MEMBRES DE LA

    COMMISSION DES FINANCES....................................................................................... 26

    COMPTE RENDU DES TRAVAUX DE LA COMMISSION ..................................................... 27

    Mercredi 3 septembre 2008, sance de 9 heures 30 (compte rendu n 110) : ................................. 27

    Communication, ouverte la presse, de M. Charles de Courson, reprsentantde lAssemble nationale au conseil dadministration de ltablissementpublic de financement et de restructuration (EPFR), sur les procdures liesaux contentieux entre le Consortium de ralisation (CDR) et le groupeBernard Tapie ...................................................................................................... 27

    Mercredi 3 septembre 2008, sance de 12 heures (compte rendu n 111) : ................................... 65

    Audition, ouverte la presse, de M. Bertrand Schneiter, ancien prsident du

    conseil dadministration de ltablissement public de financement et derestructuration (EPFR), sur les procdures lies aux contentieux entre leConsortium de ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie.............................. 65

    Mercredi 3 septembre 2008, sance de 14 heures 45 (compte rendu n 112) : ............................... 72

    Audition, ouverte la presse, de M. Jean-Franois Rocchi, prsident duConsortium de ralisation (CDR), sur les procdures lies aux contentieuxentre le Consortium de ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie............... 72

    Mercredi 3 septembre 2008, sance de 18 heures (compte rendu n 113) : ................................... 115

    Audition, ouverte la presse, de M. Jean-Pierre Aubert, ancien prsident duConsortium de ralisation (CDR), sur les procdures lies aux contentieuxentre le Consortium de ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie............... 115

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    Mercredi 3 septembre 2008, sance de 19 heures (compte rendu n 114) : ................................... 126 Audition, ouverte la presse, de M. Bernard Scemama, prsident du conseil

    dadministration de ltablissement public de financement et derestructuration (EPFR), sur les procdures lies aux contentieux entre leConsortium de ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie ................................ 126

    Mercredi 10 septembre 2008, sance de 9 heures 30 (compte rendu n 115) : ............................... 135

    Audition, ouverte la presse, de M. Thomas Clay, doyen de la Facult dedroit de Versailles, titulaire de la chaire du droit de larbitrage, sur le droit etla pratique de larbitrage ..................................................................................... 135

    Mercredi 10 septembre 2008, sance de 10 heures 30 (compte rendu n 116) : ............................. 149

    Audition, ouverte la presse, de M. Jean Peyrelevade, ancien prsident duCrdit Lyonnais, sur les procdures lies aux contentieux entre leConsortium de ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie............................ 149

    Mercredi 10 septembre 2008, sance de 15 heures (compte rendu n 117) :.................................. 171

    Audition, ouverte la presse, de M. Bernard Tapie, ancien prsident dugroupe Tapie, sur les procdures lies aux contentieux entre le Consortiumde ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie................................................ 171

    Mardi 23 septembre 2008, sance de 15 heures (compte rendu n 120) ........................................ 218

    Audition, ouverte la presse, de Mme Christine Lagarde, ministre delconomie, de lindustrie et de lemploi, sur les dcisions du Consortium deralisation (CDR) et de ltablissement public de financement et deralisation (EPFR) dans le cadre des procdures lies aux contentieux entre leCDR et le groupe Bernard Tapie ............................................................................. 218

    Mardi 14 septembre 2010, sance de 16 heures 15 (compte rendu n 103) .................................... 244

    Communication du Prsident sur les travaux de la Commission relatifs au

    contentieux entre le Consortium de ralisation (CDR) et le groupe BernardTapie.................................................................................................................... 244

    Mardi 8 fvrier 2011, sance de 16 heures 15 (compte rendu n 53) ............................................. 255

    Communication de M. Charles de Courson, reprsentant de lAssemblenationale au conseil dadministration de ltablissement public definancement et de restructuration (EPFR)........................................................... 255

    ANNEXE 1 : RFR DE LA COUR DES COMPTES DU 12 NOVEMBRE 2010CONCERNANT LA DFAISANCE DU CRDIT LYONNAIS (CDR ET EPFR) ET LA

    RPONSE DU PREMIER MINISTRE ................................................................................... 267

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    ANNEXE 2 : COURRIERS ................................................................................................... 299

    1. lettre de M. Didier Migaud M. ric Woerth, 28 juillet 20092. lettre de M. Didier Migaud Mme Christine Lagarde et M. ric Woerth,

    24 novembre 20093. lettre de M. Jrme Cahuzac Mme Christine Lagarde et M. Franois Baroin,

    10 juin 20104. lettre de M. Jrme Cahuzac Mme Christine Lagarde, 9 septembre 20105. lettre de Mme Christine Lagarde M. Jrme Cahuzac, 13 septembre 20106. lettre de M. Jrme Cahuzac M. Bernard Tapie, 15 septembre 20107. lettre de M. Bernard Tapie M. Jrme Cahuzac, 16 septembre 20108. lettre de M. Jrme Cahuzac Mme Christine Lagarde, 21 fvrier 20119. lettre de Mme Christine Lagarde M. Jrme Cahuzac, 28 fvrier 2011

    10. lettre de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de lconomie, des finances et delindustrie M. Jean Peyrelevade, 17 mars 1999

    11. lettre de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de lconomie, des finances et delindustrie M. Jean-Arnaud de Lasa, 17 mars 1999

    12. note de Mme Christine Lagarde aux administrateurs reprsentants de ltat au Conseildadministration de lEPFR, 10 octobre 2007

    13. note de Mme Christine Lagarde aux administrateurs reprsentants de ltat au Conseildadministration de lEPFR, 28 juillet 2008

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    AVANT-PROPOS DE M. JRME CAHUZAC, PRSIDENT

    Le 7 juillet 2008, un tribunal arbitral condamnait le consortium deralisation (CDR), socit charge de la gestion du passif du Crdit Lyonnais, auversement dune somme de 285 millions deuros au bnfice du groupe BernardTapie et des poux Tapie, clturant ainsi un conflit judiciaire qui avait dur prsde quinze ans. La ministre de lconomie dcidait de ne pas introduire de recoursen annulation.

    La commission des Finances ne pouvait se dsintresser des consquences

    de cette dcision de justice. En effet, aux termes de larticle 57 de la loi organiquen 2001-692 du 1eraot 2001 relative aux lois de finances, les commissions delAssemble nationale et du Snat charges des finances suivent et contrlentlexcution des lois de finances et procdent lvaluation de toute questionrelative aux finances publiques . Or cette affaire concerne les finances publiques un double titre : par la charge leve que faisait peser cette dcision arbitrale surle budget de ltat et par les questions de mthode poses par la dfaisance desentreprises financires en difficult.

    Rappelons que le litige tait n propos des conditions de la cession par

    une filiale du Crdit Lyonnais, la socit de banque occidentale (SDBO), de lasocit Adidas, dtenue par la socit Bernard Tapie Finance (SA BTF), en 1993.Cette cession sinscrivait dans le cadre du plan de redressement du CrditLyonnais mis en uvre par ltat la suite des pertes exceptionnelles de labanque. Dans ce contexte, une commission denqute avait t mise en place lAssemble nationale, sous la prsidence de M. Philippe Sguin : son rapport (1),paru le 5 juillet 1994, faisait dj tat de la complexit des relations financiresentre la SDBO et le groupe Bernard Tapie.

    Le jugement rendu dans cette affaire psera in fine sur les financespubliques, puisque lindemnisation accorde aux mandataires liquidateurs et auxpoux Tapie restera la charge de ltablissement public de financement et derestructuration (EPFR), qui assure la surveillance du CDR et assure le soutienfinancier de ltat au Crdit Lyonnais.

    Cette affaire agit par ailleurs comme un rvlateur des deux inconvnientsmajeurs que prsente la mise en place par ltat de structures de cantonnementpour carter les dangers systmiques lis des gestions financires imprudentes dela part de certaines grandes socits. Cette mthode a en effet conduit dune part

    diluer les responsabilits, la structure de dfaisance nagissant en ralit que pourle compte de ltat qui endosse la responsabilit en dernier ressort. Elle aboutitdautre part faire peser sur le contribuable la totalit du risque financier. Or cette

    (1) Rapport n1480 du 5 juillet 1994 de la commission denqute sur le Crdit Lyonnais, prsent parM. Franois dAubert.

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    charge prsente un double inconvnient du point de vue des finances publiques : sison poids sera lvidence lev, sa valeur exacte et mme son ordre de grandeursont affects dincertitudes juridiques qui lentourent dun halo dincertitude,

    parfois de mystre.Cest pourquoi la commission des Finances a engag, au cours du mois de

    septembre 2008, une srie dauditions destines clairer les conditions, lesmotivations et le bien-fond du recours une procdure darbitrage, en lieu etplace de la justice ordinaire, pour le rglement de ce litige, ainsi qu examiner lesraisons qui ont prsid au choix de ltat de ne pas former de recours enannulation de la sentence arbitrale, et les ventuelles suites donner cette affaire.

    Il tait naturel que la Commission commence par entendre son propre

    reprsentant au conseil dadministration de ltablissement public de financementet de restructuration (EPFR), M. Charles de Courson, qui a dailleurs renducompte chaque anne devant la Commission de son activit dans le cadre de sonmandat dadministrateur. Elle a ensuite poursuivi ses travaux avec laudition desprsidents respectifs du CDR et de lEPFR, ainsi que de leurs prdcesseursdirects. Elle a galement entendu un professeur de droit, spcialiste du droit delarbitrage, M. Thomas Clay, ainsi que lancien prsident du Crdit Lyonnais,M. Jean Peyrelevade, qui sest trouv la tte de linstitution du mois denovembre 1993 la fin de lanne 2003. Il a galement sembl indispensabledentendre M. Bernard Tapie lui-mme. Les travaux de la Commission se sontachevs avec laudition de la ministre de lconomie, de lindustrie et de lemploi,Mme Christine Lagarde, qui a donn les raisons du choix du Gouvernement derecourir larbitrage afin de rgler ce litige et de ne pas former un recours enannulation de la dcision du 7 juillet 2008.

    Il importe de souligner que cest en vertu des pouvoirs de contrle classiques quelle tient du Rglement de lAssemble nationale et de laConstitution que la commission des Finances a men ses travaux. Il ne sagit doncni dune mission dinformation, ni dune commission denqute, et il na pas tquestion de remettre en cause lautorit de la chose juge dans cette affaire, leparlement ntant pas une instance judiciaire, mais simplement de tenter decomprendre les raisons des dcisions prises par le gouvernement ainsi que de fairela lumire sur les procdures choisies pour les mettre en uvre.

    Les auditions auxquelles a procd la Commission devaient permettre :

    de dterminer avec prcision le cot pour les finances publiques dunetelle condamnation, par le tribunal arbitral, du CDR et donc in fine, par le biais delEPFR, de ltat ;

    et au-del du cas despce, de tirer des leons de lexprience dun plande redressement, sagissant du rle de ltat, et de lampleur de la responsabilitqui lui incombe dans ce type de circonstances.

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    Sagissant du cot que reprsente pour ltat la condamnation prononcepar le tribunal arbitral, il atteint 198 millions deuros hors intrts, dont45 millions deuros au titre du prjudice moral subi par les poux Tapie, acquitts

    ds le 5 septembre 2008, et financs pour un quart par le recours aux fondspropres du CDR lui-mme et pour les trois quarts restants par lendettement delEPFR, donc de ltat, auprs du Crdit Lyonnais. Les frais de liquidation, lecalcul des intrts ainsi que la fiscalit applicable ces sommes devaient, au total,majorer ce cot, pour un montant qui ntait alors pas disponible.

    Le processus arbitral a eu un cot dun million deuros, chaque arbitretant rmunr hauteur de 300 000 euros et une somme de 100 000 euros ayantt affecte au fonctionnement du tribunal.

    Mon prdcesseur, M. Didier Migaud, a souhait que le compte rendu desauditions soit publi en un rapport dinformation, afin que les pices du dossiersoient mises la disposition des citoyens et que chacun, dment inform, puisse seformer une opinion.

    Les groupes composant lAssemble nationale ont, selon lusage habituel,t invits apporter chacun une contribution ce futur rapport. Celui-ci devraitgalement faire tat de trois propositions qui avaient fait lobjet dun consensus lissue des dbats de septembre 2008.

    Toutefois, le prsident Migaud, suivi par la Commission, avait souhaitque ce rapport fasse tat galement des rponses aux questions restant en suspens,concernant notamment le calcul des intrts sur les sommes incombant ltat, lesfrais de liquidation, le traitement fiscal des indemnits verses au Groupe BernardTapie ainsi que lenrichissement supplmentaire de Bernard Tapie une fois sesdettes de toute nature acquittes.

    Aujourdhui, la somme brute due par ltat est connue : compte tenu dumontant des intrts 99 millions deuros , elle slve 384 millions deuros.

    La rcupration par le CDR de sa crance sur le groupe Tapie a ramen prs de 300 millions deuros le versement net au liquidateur du groupe.

    Quest-il finalement revenu aux poux Tapie ? Sans cet lment conclusif,la charge nette de ltat, donc du contribuable, ne peut tre connue.

    Lors de son audition par la Commission le 23 septembre 2008, la ministrede lconomie, avait indiqu je cite : Jignore le montant exact de la fiscalitpesant sur les sommes en question, hors prjudice moral. Lordre de grandeurdont je dispose est tout fait estimatif car les arbitres nont pas encore statu sur

    la date laquelle doit tre calcul le traitement fiscal. Mes services mont indiquque, aprs dduction des impts et crances dtenus par ltat, 30 millionsdeuros devront tre rgls au bnfice des poux Tapie .

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    Diverses demandes adresses par mon prdcesseur et moi-mme laministre de lconomie et au ministre du Budget, les 28 juillet 2009,24 novembre 2009 et 10 juin 2010, afin dobtenir des informations destines tre

    rendues publiques, sont restes sans rponse. partir des documents dont jai pu avoir connaissance dans lexercice des

    pouvoirs dont je dispose en tant que prsident de la commission des Finances etque jai d me rsoudre faire valoir, jai fait une estimation de lenrichissementsupplmentaire de Bernard Tapie de 200 220 millions deuros. Lestimationfaite, selon une autre mthode de calcul, par M. Charles de Courson est de200 millions deuros.

    Par ailleurs, partir de bribes dinformations livres par les uns et les

    autres, de recoupements et de calculs tenant compte de frais davocats, de dettesbancaires, darrirs fiscaux dun groupe qui a repris son activit, la liquidationnayant pas t prononce lavocat de M. Bernard Tapie faisant rfrence auxactifs dsormais conservs par une holding qui ne donneraient pas lieu fiscalisation , des organes de presse sont parvenus, eux aussi, une estimationdenviron 200 millions deuros.

    Jai adress le 9 septembre 2010 Mme la ministre de lconomie, delindustrie et de lemploi un courrier aux termes duquel je lui demande de prendreposition par rapport cette estimation. Sa rponse reconnat implicitement que

    lestimation qui peut tre faite des sommes revenant in fine aux poux Tapie estdiffrente de celle quelle avait donne en septembre 2008 dans la mesure o,entre-temps, les dcisions de mise en liquidation des socits du groupe Tapie ontt rtractes. Pour le surplus, la ministre, sans apporter dlments de rponsepourtant en sa possession, sest borne renvoyer la reprsentation nationale lautorit judiciaire.

    La rponse que ma faite, pour sa part, M. Franois Baroin, ministre duBudget et des comptes publics, inclut des informations couvertes par le secretfiscal. Ces rponses furent compltes, circonstancies et donnes dans des dlais

    trs brefs.

    De son ct, M. Bernard Tapie, qui jen avais fait la demande, maadress, en mme temps qu la presse, un courrier qui mentionne, titre dereliquat disponible pour lui et son pouse, divers montants difficiles agrger,pouvant reprsenter 120 millions deuros, lindemnit pour prjudice moral de45 millions deuros ntant pas vise en tant que telle. En tout tat de cause, leprincipe dict pour Bernard Tapie par un des Prsidents du CDR, ni enrichi, nifailli , a t manifestement bafou.

    La Commission a entendu, le 8 fvrier 2011, une communication deM. Charles de Courson sur lactivit de lEPFR, partir du rfr de la Courdes comptes du 12 novembre 2010 concernant la dfaisance du CrditLyonnais (annexe 1). Il en ressort notamment que le bilan de lEPFR retrace, fin

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    2009, 4,4 milliards deuros de passif pour 100 millions deuros dactifs.M. Charles de Courson note que : Jusquen 2007, ltablissement a reu unedotation annuelle de ltat permettant de rduire de faon continue les dettes

    depuis 2003. De nouveaux tirages ont toutefois t ncessaires en 2008 - 154 m-et 2009 -117 m- afin de financer, hauteur de 80 % environ, le cot des affairesdites Tapie et il ny a plus eu de dotations de ltat. [] La Cour, quinvoque pas la question de la capacit dendettement des oprateurs, stonne enrevanche de labsence de dotations du budget de ltat lEPFR. Jobserve queces dotations, inscrites chaque anne dans le compte daffectation spcialeParticipations financires de ltat, ne sont pas verses le Gouvernementinvoquant le taux exceptionnellement bas de cette dette, infrieur au cot derefinancement de ltat , ce qui revient reporter le rglement de cette dette 2014, date laquelle devrait intervenir la dissolution de lEPFR.

    Enfin, la Cour des comptes a dlibr, en octobre 2010, un rapportparticulier , transmis aux commissions des Finances en fvrier 2011, sur lescomptes et la gestion du CDR pour les exercices 2007 2008, consacr pour prsde la moiti au dossier Adidas/Tapie.

    Je relverai, parmi les reproches trs svres que la Cour adresse auxgestionnaires de ce dossier, trois critiques essentielles :

    1) la validit juridique du recours larbitrage tait incertaine. Les

    prcdents invoqus ne valent pas garantie de lgalit et aucun dentre euxnentrait dans le cadre dun risque non chiffrable contrairement au conflitavec le groupe Tapie. Les clauses compromissoires vises par le protocoledaccord entre ltat et le Crdit lyonnais, ratifi par la loi, visaient des affairesdont ne faisait pas partie ce litige. Il peut tre considr qua contrario toutautre arbitrage quexpressment mentionn nest pas autoris . La Cour conclutque Compte tenu de ces incertitudes, il tait ncessaire de sassurer par toutesles voies appropries, y compris la consultation du Conseil dtat, que le CDRtait habilit recourir larbitrage pour le compte dun tablissement public .

    On ne peut que sinterroger sur les motivations qui ont conduit leGouvernement sengager dans une voie juridique aussi incertaine dans sesfondements, dessaisissant de fait la justice ordinaire. Largument avanc estdavoir pu ainsi carter les effets de certains lments constitutifs de larrt de laCour de cassation du 9 octobre 2006 qui auraient pu conduire la cour de renvoi condamner ltat plus lourdement encore. Dans ce cas, pourquoi Bernard Tapie a-t-il souhait carter la justice ordinaire en sollicitant lui-mme avec insistance par des demandes de janvier et aot 2007 son dessaisissement par le recours une procdure arbitrale considre a priori comme dfavorable ses intrts ?

    Cette interrogation est renforce par la position constante de lAgence desparticipations de ltat (APE), qui veille aux intrts financiers de ltat et avait,pour sa part, donn, dans plusieurs notes adresses la ministre de lconomie, un

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    avis trs dfavorable la mise en uvre dune procdure arbitrale. Lorsque lasentence sera rendue, elle prconisera, sans tre suivie, un recours en annulation.

    2) Le compromis darbitrage, dont plusieurs conditions, notamment larenonciation la possibilit dun appel, prsentaient de forts risques pour ltat, at sign dans une version diffrente du texte et des modifications qui ont tapprouvs par le conseil dadministration du CDR . La rdaction En leurqualit de liquidateurs des poux Tapie, les parties B limitent le montant delensemble de leurs demandes dindemnisation 50 millions deuros a tremplace par la rdaction suivante : En leur qualit de liquidateurs des pouxTapie, les parties B limitent le montant de lensemble de leurs demandesdindemnisation dun prjudice moral 50 millions deuros . Ce point taitpourtant de premire importance pour les finances publiques ds lors que

    lindemnisation dun prjudice moral tait laisse la libre apprciation du juge,que la procdure darbitrage est confidentielle et chappe ainsi aux comparaisonset que les sommes navaient pas supporter limpt.

    Lajout de lexpression prjudice moral est du seul fait du Prsident duCDR, entre la date dapprobation du compromis darbitrage par le conseildadministration et celle de sa signature avec lautre partie. Il sagit dunemodification substantielle des conditions du compromis, dont le textedfinitif napas t dlibr par le conseil dadministration du CDR, na pas t port laconnaissance de lAPE non plus qu celle de lEPFR, dans un sens qui servlera trs favorable aux poux Tapie et trs coteux pour les financespubliques : jamais lindemnisation dun prjudice moral na t fixe ce niveaul 45 millions deuros , les rfrences devant les juridictions ordinaires tant,au plus, de lordre du million deuros, pour des peines demprisonnement trslongues relevant de lerreur judiciaire.

    3)Les contentieux Adidas et Tapie ntaient pas couverts par la garantiedu CDR envers le Crdit Lyonnais prvue par le protocole lgislatif du5 avril 1995. Une lettre ministrielle du 17 mars 1999 du ministre de lconomie,prise dans le cadre de la privatisation du Crdit Lyonnais, a tendula garantie duCDR aux consquences financires des actions engages par les mandatairesliquidateurs au titre de la cession dAdidas. Mais la Cour relve la fragilitjuridique de cette lettre, dans un domaine qui requiert des validationslgislatives . De plus, aucune garantie navait jamais t prvue, mme parlettre ministrielle, pour les autres contentieux impliquant le Crdit Lyonnais, enparticulier laction visant demander une indemnisation pour le prjudice moralsubi par les poux Tapie au titre dune mise en liquidation judiciaire abusive .Le Crdit Lyonnais ntant pas partie prenante larbitrage, le CDR a acceptdassumer seul des responsabilits qui incombaient au moins pour partie au

    Crdit Lyonnais, en dehors du champ de garantie . Ainsi, il ressort de lalecture de la sentence que le CDR sest expos, en sengageant seul dans laprocdure darbitrage, supporter seul (et sans pouvoir se dfendre efficacement)une lourde condamnation (45 m) au motif dagissements qui mettaient en causele Crdit Lyonnais.

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    On ne peut que sinterroger sur les raisons qui ont conduit la ministre de

    lconomie saffranchir dune habilitation lgislative au moment o allait sedcider le contenu dun compromis darbitrage lourd dintrts financiers pourltat.

    ** *

    Sagissant des principaux enseignements tirer de lexamen de cetteaffaire, et malgr les divergences de points de vue constates tout au long des

    auditions menes par la Commission, il semble que trois propositions puissentfaire lobjet dun commun accord.

    1.Il est apparu indispensable quintervienne une clarification desmodalits de recours larbitrage par les personnes publiques.

    En effet, dans le cas du CDR et de lEPFR, labsence dun texte explicite,dordre lgislatif ou rglementaire, prte en tout tat de cause le flanc la critique.Lincertitude prdomine quant la possibilit et aux modalits du recours larbitrage dune structure place sous la surveillance dun tablissement public.

    Afin dviter que de telles critiques puissent tre formules lencontredentits responsables de deniers publics, il conviendrait lavenir que desdispositions claires viennent encadrer le recours la pratique de larbitrage. Cetencadrement devra intervenir par voie lgislative pour les tablissements publicsadministratifs (EPA), et par voie rglementaire pour les tablissements publicsindustriels et commerciaux (EPIC), que ce soit dailleurs pour exclureradicalement le recours larbitrage ou pour lorganiser.

    2.Il semble par ailleurs essentiel que soient dfinis avec plus de

    rigueur et de clart les montages juridiques qui prsident la mise en placedes structures de dfaisance.

    La Cour des comptes a mis en lumire, dans son rapport public annuel defvrier 2008, les difficults lies au cantonnement, dans des structures dedfaisance, des actifs compromis, des contentieux et des pertes des socitsconcernes, jugeant ces dispositifs complexes et dresponsabilisants (1).

    Dans le cas exemplaire qui nous intresse, il est en effet trs difficile dedterminer les comptences et les responsabilits respectives des deux entits quesont dune part le consortium de ralisation (CDR), structure qui abrite en tant quetel le cantonnement du passif, et dautre part, ltablissement public definancement et de restructuration (EFPR), charg de sa surveillance et de la

    (1) Rapport public annuel de la Cour des comptes, fvrier 2008, Le bilan de la gestion des dfaisances .

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    gestion du soutien financier de ltat. Si cest le CDR qui este en justice, lesconsquences des dcisions de justice prononces dans le cadre des contentieuxhrits du Crdit Lyonnais sont in fine assumes par lEPFR qui apporte sa

    garantie financire, et donc par ltat.3.Lopportunit de la cration de structures de dfaisance doit

    elle-mme tre examine avec la plus grande prudence.

    Dans son rapport dj cit, la Cour des comptes juge que le choix decantonner des actifs compromis dans une structure spcifique sest rvl peujudicieux , dans la mesure o il a conduit ltat assumer la quasi-totalit despertes et dresponsabiliser les socits qui ont ainsi pu se dfaire de leurs actifscompromis. Certes, des montages juridiques similaires seraient aujourdhui

    impossibles mettre en uvre, les normes comptables internationales excluantdsormais les mcanismes de dconsolidation des comptes . Toutefois, celles-cininterdisent pas le recours la dfaisance en tant que telle. Ainsi, les tats-Unisont-ils envisag de recourir la mise en place dune structure de cantonnementdans le cadre de la premire version du plan de sauvetage annonc enoctobre 2008 par le secrtaire dtat au Trsor Henry Paulson, qui consistait racheter aux banques leurs actifs toxiques . Le plan Paulson finalementadopt privilgie a contrario une prise de participation par le Trsor amricaindans le capital des institutions financires les plus fragiles, afin daugmenter ainsileurs liquidits.

    Il est ds lors lgitime de sinterroger sur lopportunit mme ducantonnement des actifs compromis dans une structure spcifique. Le contexte dela crise financire des annes 90 et le risque systmique que la menace dun dptde bilan du Crdit Lyonnais faisait peser sur la place financire parisienneexpliquent la mise en place dune structure de cantonnement des actifs compromisde la banque. la lumire de cette exprience, le manque de lisibilit chroniquede la gestion de la dfaisance du Crdit Lyonnais conduit, pour lavenir, recommander la plus grande prudence quant au recours ce type de montage dansle cadre de plans de redressement ou de sauvetage de socits initis par lespouvoirs publics.

    Alors que la rcente crise financire a conduit de nombreux tats seporter au secours de socits au bord de la faillite, il convient de faire preuve de laplus extrme circonspection vis--vis dun outil qui consiste cantonner les actifscompromis au dtriment de solutions de liquidation ou de recapitalisation dessocits concernes.

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    CONTRIBUTION DES GROUPES

    A. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU GROUPE UMP, MEMBRESDE LA COMMISSION DES FINANCES

    La commission des Finances, linitiative de son prcdent prsident, asouhait en 2008 mener une srie dauditions sur les procdures lies auxcontentieux entre le Consortium de ralisation (CDR) et le groupe Tapie, suitenotamment la dcision de recourir un arbitrage pour mettre un terme lensemble des procdures judiciaires en cours.

    Les comptes rendus de ces auditions, menes lautomne 2008, ontpermis de rappeler tous que laffaire Adidas/Tapie et ses consquencesfinancires viennent malheureusement sinscrire la liste des nombreux dboiresdu Crdit Lyonnais des annes 1990. Lensemble de la charge financire enrsultant sajoute la charge de la collectivit publique et des contribuablesfranais qui atteint plus de 15 milliards deuros, selon les estimations de Charlesde Courson, Vice-prsident de la Commission des Finances, de lconomiegnrale et du Contrle budgtaire et reprsentant de lAssemble nationale ausein du conseil dadministration de lEPFR.

    Lobjet des travaux de notre Commission ntait pas de revenir sur laresponsabilit des fautes commises lpoque par les dirigeants du CrditLyonnais cela a t jug mais dexaminer les modalits de gestion du passifAdidas/Tapie hrit du Crdit Lyonnais par les structures de dfaisance, dontlobjet et les rgles de gestion sont dfinis par la loi du 28 novembre 1995 relative laction de l'tat dans les plans de redressement du Crdit Lyonnais et duComptoir des entrepreneurs.

    Deux questions ont t plus spcifiquement poses, relativement au choixdu recours larbitrage.

    La premire portait sur lopportunit dy recourir au vu de ltat desdiffrentes procdures judiciaires en cours. cet gard, le rapporteur gnral, loccasion de notre sance du 14 septembre 2010, semble avoir parfaitementrsum lapport des auditions menes : lexamen dtaill des diffrents jugementsintervenus, et en particulier de la dcision de la Cour de cassation, met envidence le risque quil y aurait eu rouvrir les procdures judiciaires et lesgrands dangers auxquels le CDR aurait alors t expos. Les travaux de laCommission ont donc permis de partager et dclairer lanalyse ayant conduitltablissement public de financement et de restructuration, garant de lintrtpublic, ne pas sopposer au recours larbitrage lorsquil a t consult par leConsortium de ralisation.

    La seconde question tait relative la possibilit juridique de recours larbitrage par le CDR, et les consquences qui auraient pu en tre tires en

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    matire de recours en annulation contre la sentence arbitrale. De solides argumentsjuridiques ont t exposs lors des auditions lappui de la dmonstration de lalgalit de larbitrage. Surtout, le tribunal administratif de Paris a t amen se

    prononcer sur la question dans un jugement du 8 octobre 2009 et a confirm que lerecours larbitrage par le CDR ne mconnaissait pas larticle 2060 du code civil.Ce jugement a t confirm en appel le 31 dcembre 2010. Le dbat sur la lgalitde larbitrage engag dans le cadre du contentieux entre le CDR et le groupe Tapieparat donc dfinitivement clos.

    Les consquences financires pour lEPFR et le CDR du contentieuxAdidas/Tapie sont dsormais parfaitement connues et retraces dans les rapportsde gestion transmis annuellement la Reprsentation nationale par lEPFR,puisque toutes les procdures relatives ce contentieux ont t dfinitivement

    closes le 18 mars 2009, date laquelle est intervenu le dernier versement du CDRen vertu de sa condamnation par le tribunal arbitral, ainsi que cela a t rappelpar le ministre de lconomie, des Finances et de lindustrie, dans son courrier du13 septembre 2010.

    Quant la question de savoir quelle serait la position financire despersonnes morales et physiques constituant le groupe Tapie, telle que pose parlactuel Prsident de la commission des Finances, il convient de distinguer troislments :

    le montant des condamnations du CDR, en principal et en intrts : cesmontants sont dsormais parfaitement connus et rappels en introduction duprsent rapport ;

    le traitement fiscal des personnes physiques et morales suite cettecondamnation : il apparat que, dans le respect du secret fiscal, le ministre duBudget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Rforme de ltat acommuniqu au Prsident de notre Commission toutes les informations dans lecadre des procdures prvues cet effet ;

    le rsultat des contentieux et rglements de passif entre le groupe Tapieet dautres entits prives : cela ne parat pas relever du champ du contrle delEPFR et du CDR, qui ne sont en rien concerns.

    La mise en place, par la loi du 28 novembre 1995, de la structure dedfaisance du Crdit Lyonnais tait-elle la meilleure solution possible ? Il nefaudrait pas croire que les pertes finalement supportes par les finances publiquesrsulteraient de la politique mise en uvre pour la gestion du passif effarant hritdu Crdit Lyonnais, en occultant la responsabilit, relle, avre et entire, de lagestion de cette banque au cours des annes 90. La priorit absolue doit tre

    dviter davoir tre confront de nouveau la question de la mise en place ounon dune structure de dfaisance, en prvenant par la rgulation des errementstels que ceux qui ont cot si cher aux finances publiques dans le cas du CrditLyonnais.

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    B. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU GROUPE SOCIALISTE,RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE, MEMBRES DE LA

    COMMISSION DES FINANCES

    Le 7 juillet 2008, le Consortium de Ralisation (CDR), structure decantonnement et de dfaisance des actifs et crances compromis du CrditLyonnais, est condamn par un tribunal arbitral verser 285 millions deuros Bernard Tapie dont 45 millions deuros au titre de la rparation d'un prjudicemoral. Une procdure darbitrage inhabituelle sagissant dun organisme charg dela gestion de fonds publics et une valuation de la rparation dun prjudice moralsans rapport avec les montants habituellement dcids par les juridictionscomptentes.

    Le versement de telles sommes dargent public ne peut laisser indiffrent.Au-del de lmotion lgitime exprime par le contribuable, il convient desinterroger sur les raisons qui ont conduit de tels choix de la part des pouvoirspublics et pour lesquels il ne semble pas que lintrt de ltat ait t rellementpris en compte comme lont montr les auditions organises linitiative duprsident de la commission des finances et le rapport de la Cour des comptes.

    Plusieurs questions graves appellent des rponses qui nont pas tapportes par le gouvernement.

    1) Pourquoi le CDR socit anonyme dont lunique actionnaire estl'EPFR tablissement public administratif - a-t-il dcid d'abandonner leterrain judiciaire pour confier trois arbitres le soin de trancher sondiffrend avec le groupe Bernard Tapie Finance ?

    Lors de leurs auditions, les anciens et actuels prsidents du CDR et delEPFR ont soulign les liens troits entre lEPFR et le CDR. Or, la ministre delconomie a indiqu que lEPFR a pris la dcision daccepter de recourir larbitrage lunanimit. Son conseil dadministration tant compos de

    reprsentants de ltat, il parat inconcevable que ces derniers naient pas reud'instructions.

    Pourquoi le gouvernement a-t-il accept de recourir cette procduredans une affaire o la dcision de la Cour de cassation doctobre 2006 montraitque le terrain judiciaire classique pouvait aboutir une situation moinsdfavorable aux finances publiques ? En octobre 2006, la Cour de cassation casseen effet larrt de la Cour dappel au motif quelle na pas mis en vidence unefaute du Crdit Lyonnais et annule lindemnisation prcdemment dcide. Pourquelle raison laction na-t-elle pas t poursuivie sur le terrain judiciaireclassique ?

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    Les auditions ont rvl quil existe un doute sur la capacit du CDR dechoisir la procdure darbitrage, tant donn le droit de veto de l'EPFR

    - tablissement public administratif lui-mme non habilit recourir cetteprocdure sur les dcisions de son conseil d'administration.

    De mme, le recours une procdure d'arbitrage, par nature confidentielle,ne parat gure adapte une situation o des financements publics sont en jeu.

    Le rapport de la Cour des comptes mentionne les rserves du directeurgnral de lAgence des participations de ltat sur laccord transactionnel avecles minoritaires du CEDP qui crait un prcdent ouvrant la porte un arbitragefavorable aux poux Tapie.

    Il faut enfin rappeler quune disposition tendant tendre la possibilit durecours l'arbitrage, notamment aux tablissements publics administratifs, avaitt invalide, en mars 2007, par le Conseil constitutionnel.

    2) Une version de la convention darbitrage peu favorable auxfinances de ltat

    Le choix des arbitres na pas t conforme aux pratiques courantes et le

    montant des plafonds fixs par la convention darbitrage, notamment en ce quiconcerne la demande du groupe Bernard Tapie Finance au titre du prjudicemoral, sont extrmement levs et sans prcdents.

    Par ailleurs la Cour des comptes souligne que la version signe ducompromis darbitrage diffre de la version prsente et approuve par le Conseildadministration du CDR le 2 octobre 2007 sur un point important concernant laqualification de prjudice moral pour lintgralit de la demande dindemnisationde 50 millions deuros au titre des poux-Tapie. La version vote par le ConseildAdministration limitait le montant de lensemble de la demandedindemnisation (des poux-Tapie) 50 millions deuros . Cette limite estaffecte au contraire dans le compromis darbitrage au seul prjudice moral parlajout de ce terme la phrase prcdente : limitent lensemble de leur demandedindemnisation dun prjudice moral 50 millions . Ctait ouvrir la porte uneindemnisation exorbitante.

    3) Pourquoi la ministre de lconomie a-t-elle dcid dabandonner lavoie du recours fin juillet 2008, quelques jours aprs la dcision arbitrale, alorsque le dlai courrait jusqu la mi-aot 2008. Pourquoi ont-ils renoncimmdiatement aprs le rendu de la dcision, former un recours en annulationcontre la dcision, dont on peut considrer quelle sest avre tre dfavorable l'tat ?

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    Les diffrentes auditions ont montr que Bernard Tapie, en 1992, vendpour deux raisons. Dune part, il devient ministre et les deux fonctions sontincompatibles. Dautre part, Adidas perd de largent. Faute dacheteur, il risque de

    faire une mauvaise affaire. Et pourtant, il retire de cette cession 400 millions defrancs de lpoque. Rclamer une partie de la plus-value ralise ultrieurementpar la socit parait pour le moins tonnant, mais cela a paru insuffisant pour queles pouvoirs publics reviennent sur une dcision qui conduit ltat signer unchque de plusieurs centaines de millions deuros.

    Le rapport de la Cour note que le CDR sest prononc le 28 juillet 2008contre un recours en annulation par 3 voix contre 2. Le prsident de lEPFR quiavait indiqu son intention de sabstenir, ce qui est la position traditionnelle delEPFR, a finalement vot pour aprs avoir reu instruction du ministre

    pendant la sance . Ce vote na donc t acquis que par la voix du prsident delEPFR.

    Lavocat du CDR, aprs stre dclar choqu du montant exorbitant descondamnations prononces , observe que les motifs de la sentence ne rsisteraient probablement pas un recours en appel ou en cassation si unetelle voie tait ouverte puisque cest un fait, pas plus quen 1994 quen 1998, laSNC GBT na la moindre qualit demander rparation dun prjudice dont ellena pas personnellement souffert. En effet, lactionnaire dAdidas est la socitBernard Tapie Finance devenue CEDP et proprit du CDR.

    LAgence des participations de ltat, dans sa note au ministre du22 juillet 2008, remarquait pour sa part que lampleur exceptionnelle de lacondamnation, proche du montant maximum des demandes formules par lesparties opposes au CDR dans le cadre des arbitrages, justifie en tout tat decause un recours en annulation .

    4) Le rfr de la Cour des comptes

    En fvrier 2011, la Cour des comptes a communiqu la commission desfinances un rfr relatif la dfaisance du Crdit Lyonnais (CDR et EPFR).

    Il met clairement en vidence les dfaillances des pouvoirs publics sur cedossier.

    En premier lieu, il est dmontr que depuis 2007, ltat nassure plus leversement de dotations budgtaires pour alimenter lEPFR. En consquence, ladette de lEPFR a recommenc crotre alors que cette structure a vocation

    lapurer et c'est en 2014 qu'il conviendrait de doter l'EPFR de prs de5 milliards d'euros.

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    En outre, le champ de la garantie du CDR vis--vis du Crdit Lyonnaisdemeure source de contestations. Selon la Cour des comptes, le CDR sest

    substitu la responsabilit du Crdit Lyonnais dans le dossier Adidas-Tapie au-del de ce quautorisait le protocole du 5 avril 1995. Ainsi, le Crdit Lyonnaisnaurait pas d bnficier de la garantie du CDR dans le contentieux lopposant augroupe Bernard Tapie car lautorisation parlementaire a t outrepasse. Pourviter cela, un avenant ce protocole aurait d tre conclu et ratifi en loi definances conformment larticle 34 de la loi organique relative aux lois definances (LOLF).

    La Cour vient confirmer une position issue des auditions. Le pouvoir dedcision rparti entre ltat, le CDR et lEPFR na jamais t clairement tabli et

    sest fait dans la confusion. Cela na pas permis de respecter lautonomie despersonnes juridiques dcides par le lgislateur. ce titre, la Cour affirme que leprsident de lEPFR a particip des votes du conseil dadministration du CDRalors mme que le conseil dadministration de lEPFR ne stait pas encoreprononc sur ces mmes sujets.

    Plus grave encore pour les finances publiques, lEPFR naurait pas daccepter de prendre en charge la totalit des sommes payer au titre des risquesnon chiffrables . La contribution forfaitaire de 12 millions deuros avant leprononc de la sentence aurait d tre rgle par le Crdit Lyonnais.

    De mme, lEPFR navait pas assumer financirement le prjudice moralsubi par les poux Tapie en tant que risque non chiffrable . En effet, seules lesconsquences financires des actions engages au titre de la cession dAdidastaient considres comme risques non chiffrables et pas les autres contentieuxde laffaire. Cela signifie que le rglement par lEPFR du montant du prjudicemoral des poux Tapie fix par la sentence arbitrale navait pas de fondementjuridique. De plus, cette extension des garanties aurait d tre autorise en loi definances pralablement lexcution de la sentence arbitrale.

    Le rfr de la Cour des comptes rappelle que larticle 2060 du code civilaffirme que : On ne peut compromettre [] sur les contestations intressant[] les collectivits publiques et les tablissements publics . Le Consortium deralisation est une filiale 100 % de ltablissement public de financement et derestructuration. Il faut rappeler que le protocole du 5 avril 1995 conclu entre ltatet le Crdit Lyonnais a t valid par la loi. Il ressort donc que seuls les arbitragesexpressment autoriss par la loi ont une base lgale. Le CDR naurait donc pasd tre autoris recourir la procdure darbitrage.

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    Conclusion:

    Les commissaires SRC aux finances considrent que la dcision derecourir larbitrage dcid par la ministre ds septembre 2007 est une faute. Laministre de lconomie a donn instruction en ce sens aux administrateursnomms par ltat au conseil dadministration de lEPFR. Ce conseildadministration a dcid du principe du recours larbitrage et ses reprsentantsau sein du conseil dadministration du CDR, la structure de droit priv portant lesactifs du Crdit Lyonnais, ont vot en ce sens, emportant la dcision de ce conseildadministration.

    La reprsentation nationale naurait pas d tre tenue lcart de cette

    dcision pour des raisons lgales. Elle aurait aussi d tre saisie car cela concernela bonne gestion des finances publiques et le choix du type de justice auquel ltatpeut recourir.

    Enfin, le fait davoir abandonn la voie du recours est une autre faute tantdonn les montants considrables de lindemnisation.

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    C. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU GROUPE GDR, MEMBRESDE LA COMMISSION DES FINANCES

    Les dbuts de l'affaire Tapie , cest--dire les rvlations concernant laconnivence, voire la consanguinit entre le milieu des affaires et une partie dumonde politique remontent aux annes 1980. On se souvient que Bernard Tapie aexploit, partir de la fin des annes 1970, un systme consistant racheter basprix des entreprises en cessation ou en quasi-cessation de paiement, lesrestructurer, licencier, voire dlocaliser, en obtenant, grce la loi, untalement de leur passif ou leur rachat dcot, puis les revendre, une fois cela

    fait, en faisant une plus-value aussi copieuse que possible. Il a ainsi rachetDraguer, Manufrance, la Vie claire, Terraillon, Testut, Wonder, Mazda, Look,Donnay et Adidas en 1990. En appliquant ses mthodes extrmement brutales,Bernard Tapie est directement responsable de la destruction de plusieurs dizainesde milliers demplois. Ceci est videmment de nature rendre son enrichissementpersonnel moralement illgitime ; et ce dautant plus quil a gnr, au-del desdrames personnels ainsi provoqus, une dpense trs importante pour les financespubliques et, notamment, pour les caisses dassurance-chmage. Tout au long dece parcours, il a t financ par la Socit de banque occidentale SDBO , filialedu Crdit Lyonnais, que le rapporteur de la commission denqute parlementaire

    de 1994 qualifiait de haut lieu, discret et feutr de la spculation parisienne .Tout au long de ce parcours, Bernard Tapie a entretenu des rapports coupablesavec les plus hautes sphres du monde politique. Dfendu par lavocat daffairesJean-Louis Borloo, Bernard Tapie devient, en 1985, l'associ du dput RPRGeorges Tranchant, grand spcialiste et pratiquant des paradis fiscaux, dansl'entreprise NAVS. Membre du consortium dirig par Francis Bouygues pourracheter TF1 ds 1987, Bernard Tapie est lu dput pour la premire fois en1989. Figure incontournable du football marseillais, il est tour tour dput,conseiller rgional, et conseiller gnral en Provence-Alpes-Cte-Dazur.Bnficiant du soutien du prsident Mitterrand, il est nomm deux fois ministre en1992 et conduit la liste des radicaux de gauche aux lections europennes contre laliste dirige par Michel Rocard. Pour prserver ses intrts, monsieur Tapie faitvoluer ses convictions politiques au gr des alternances lectorales. Ainsi,aprs avoir cop dune peine dinligibilit, en 1994, la suite dun de sesnombreux dmls avec la justice, Bernard Tapie soutient la liste UMP de RenaudMuselier aux lections rgionales de 2004 et apporte son soutien au candidatNicolas Sarkozy en 2007. La confusion des genres, dont monsieur Tapie estdevenu le symbole, est inacceptable dans une dmocratie digne de ce nom. LeParlement doit prendre ses responsabilits pour quelle cesse au plus vite.

    Sans revenir en dtail, ici, ni sur le contentieux Adidas , ni sur lesautres et trs nombreuses affaires judiciaires qui ont maill la carrire demonsieur Tapie, ce dernier raliserait donc, dans ses dmls avec le CrditLyonnais, un bonus ultime denviron 220 millions deuros, rejoignant dun

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    coup la caste trs exclusive des premires fortunes de France. Le scandale,videmment, cest quil sagit dune somme totalement illgitime. Pour lui, il a tdcid de suspendre la procdure devant la justice ordinaire de la Rpublique,

    pour recourir la justice prive des arbitres, au moment prcis o la bataillejudiciaire tournait lavantage de ltat et au dsavantage de Bernard Tapie. Qui apris la dcision ? Le chef de ltat lui-mme.

    Cest en effet aprs un long combat judiciaire entre le groupe Tapie et leConsortium de ralisation du Crdit Lyonnais, couronn par un arrt, du9 octobre 2006, de la Cour de cassation sigeant en assemble plnire qui taitglobalement dfavorable aux prtentions du groupe Tapie, quil a t dcid durecours une voie judiciaire dexception. Un tribunal arbitral a t form. Celui-cia rendu, en contradiction avec le contenu de la dcision de la Cour de cassation,

    une sentence darbitrage extraordinairement favorable la famille Tapie. Ladcision du tribunal arbitral a t avalise par le Consortium de ralisation (CDR)et ltablissement public de financement et de ralisation (EPFR), grce laposition des membres dsigns par ltat qui ont demand et reu des instructionscrites du gouvernement. la suite de cette sentence, rendue par une justicedexception totalement contraire aux usages de la Rpublique, les pouvoirs publicsont persvr dans cette voie contraire aux intrts de la Nation en refusantdinterjeter appel dune dcision manifestement inique.

    Cette affaire ne souligne pas seulement limmoralit profonde de laconsanguinit dun certain monde politique et des milieux daffaires, mais ellervle surtout le caractre dltre de ces arrangements minemmentprjudiciables lintrt gnral et au rapport des citoyens ltat. Ainsi, une telleaffaire porte directement prjudice, aux yeux de nombre de nos concitoyens, lalgitimit des institutions de la Rpublique et son dernier rebondissement nauraitpu mieux tomber pour tous ceux qui nont pas voulu croire que le pouvoir actuel,et en premier lieu le prsident de la Rpublique lui-mme, entretient un rapportincestueux avec le milieu des affaires. Le dnouement de laffaire Tapie grce lexistence dun tribunal arbitral et ses dcisions invraisemblablement favorables

    au couple Tapie, rsulte dun enchanement trs construit de dysfonctionnements,dirrgularits, du viol de la loi. Sur le fond, en vertu de larticle 2060 du Codecivil : on ne peut compromettre sur les contestations intressant lescollectivits territoriales . LEPFR ne pouvait donc en aucun cas tre autoris recourir larbitrage. Il est souligner que cela ne relve pas seulement delarticle 2060 du Code civil ci-dessus cit, mais galement de larticle L. 311-6 duCode de la justice administrative.

    Cest donc dlibrment que des rgles lmentaires de droit ont tvioles. Mais avoir recours illgalement un tribunal arbitral ne suffisait pas. Cet

    acharnement ne peut sexpliquer en dehors de ce quil est possible dapprciercomme le but fix a priori : dboucher sur une sentence arbitrale avantageantoutrageusement le couple Tapie. Ce rsultat a t atteint par le viol des rgles deprudence, viol des usages (par exemple quant la constitution du tribunal arbitral),la prise de dcisions extrieures au conseil dadministration du CDR (ainsi que

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    lavait soulign monsieur Patrick Peugeot pour justifier sa dcision dedmissionner), le refus du prsident du CDR de prendre en compte les mises engarde du directeur gnral de lAPE, le viol de la confidentialit et le non-respect

    de ltanchit de linformation des dossiers Tapie et des actionnairesminoritaires, le refus de dbattre de la possibilit de faire appel de la sentencearbitrale, lintroduction de lintgralit (50 millions deuros) de la demandedindemnisation des poux Tapie au titre du prjudice moral par ajout dans lecompromis la seule initiative du prsident du CDR et en dehors de touteconsultation de son conseil dadministration Cette numration des anomaliesnest pas exhaustive, mais largement suffisante pour convaincre que le prsidentdu CDR devait avoir de puissantes raisons de nuire ce point lintrt publicpour toujours aller dans le sens des intrts des poux Tapie.

    On ne peut que sinterroger sur les motivations du prsident du CDR. A-t-il agi de sa propre initiative ? Pourquoi ? A-t-il agi sur ordre ?

    Il est lgitime de sinterroger sur le rle du gouvernement et sur lefonctionnement du ministre et du cabinet du ministre. Se trouve une nouvelle foispose la question de lirresponsabilit du cabinet qui rpond (de prfrenceoralement) ou renvoie des notes sans y rpondre, la place du ministre. Pourtant,cest de trs nombreuses reprises que le ministre a t saisi notamment par ledirecteur gnral de lAPE qui lui a fait part de sa position afin de rester dans lecadre de la lgalit et protger lintrt public. Rien ny a fait.

    lvidence, la dcision tait dj prise de passer outre tous les obstacleslgaux et juridiques (il est dailleurs noter que, sur les questions litigieuses, cestdlibrment que le Conseil dtat na pas t saisi pour rendre un avis !). Si lesnotes adresses au ministre ont t nombreuses et claires, les rponses ont t rareset nont tenu aucun compte des avis arguments et des recommandationsformules.

    Ce nest gure quen fin de parcours quune expression ministrielle criteest formule (semble-t-il la demande des fonctionnaires reprsentant ltat)

    enjoignant aux reprsentants de ltat de se prononcer en dfaveur dun recourscontre la dcision arbitrale, dcision de recours qui a finalement, semble-t-il, trejete grce au changement de vote du directeur gnral de lAPE, la suite desinstructions du cabinet du ministre.

    Bien dautres donnes pourraient tre ajoutes qui renforceraient encorenotre suspicion quant la lgalit, la transparence et lintgrit de lensemble duprocessus, depuis la dcision de recourir un tribunal arbitral jusqu la dcisioncalamiteuse pour lintrt public que celui-ci a prise la suite des trangespostures du prsident du CDR et la position gouvernementale refusantlintroduction dun recours contre la dcision arbitrale.

    Ce scandale nest que la confirmation dune consanguinit entre le palaisde llyse et les reprsentants du grand capital. Nicolas Sarkozy a

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    incontestablement renforc ces connivences et porte, par consquent, uneresponsabilit trs lourde dans laggravation de la dfiance de nos concitoyensenvers ltat. Dans le cas particulier et compte tenu de la propension

    anticonstitutionnelle du prsident de la Rpublique intervenir sur tous lesdossiers, en particulier les plus sensibles, il nest pas imaginable que le ministre delconomie ait pris des dcisions dans ce dossier en dehors des instructionsprsidentielles. Une question au moins demeure : quelle a t la contrepartieaccorde par Bernard Tapie afin de profiter de cette bienveillance coupable dupalais prsidentiel ? Tant que la vrit naura pas t rvle sur ce point, lesspculations sur les secrets dont monsieur Tapie semble tre le porteur necesseront dalimenter une suspicion malsaine pour lavenir de la dmocratie dansnotre pays.

    Si laffaire Tapie ressemble encore lun de ces petits arrangementsentre amis auxquels le prsident de la Rpublique nous a habitus depuis sonlection, elle laissera cependant un got particulirement amer. Comment accepterle versement d'une somme de 45 millions deuros, au titre du seul prjudicemoral , alors que les victimes de lamiante, par exemple, attendent toujours uneindemnisation digne de ce nom ? Rappelons en effet que pour le dcs dun enfantdans un tablissement scolaire, lorsque la responsabilit de ltat ou dunecollectivit locale est engage, le prjudice moral est indemnis hauteur de30 000 euros et le dcs dun ouvrier amiant est indemnis par 45 000 euros,

    en moyenne, pour sa veuve. Les sommes en jeu sont profondment choquantes etcette affaire rvle, hlas, quil existe dans notre pays ce que lon est obligdappeler une justice de classe. En effet, cest bien de cela quil sagit de plus enplus ouvertement : le pouvoir actuel mne une politique hontment au service dela caste des privilgis et de ceux qui ne doivent leur enrichissement aussivertigineux quillgitime quau travail sous-pay de limmense majorit et auxarrangements opaques comme ceux du dossier Tapie.

    Il est impratif que toute la lumire soit faite la fois sur la somme exactequ'empocheront les poux Tapie et sur le rle que les pouvoirs publics ont jou

    dans cette affaire. Noublions pas quil sagit dun enrichissementsupplmentaire de la famille Tapie, selon la formule de Charles de Courson, quia t directement prlev sur largent des contribuables et qui portera prjudice lesprit de la dmocratie. Il est indispensable de rouvrir le dossier Tapie, que toutela transparence soit faite et que les diffrentes juridictions comptentes puissent sesaisir du dossier et mener les investigations ncessaires sans entraves afin quetoutes les trangets du dossier soient claircies. De manire gnrale, il estabsolument indispensable que l'utilisation des deniers publics fasse l'objet d'unetransparence sans faille. Cette mme transparence doit s'appliquer aux entreprisesdont l'impact sur la vie conomique du pays est vident. L'arsenal lgislatif doit

    tre renforc pour qu'une relle tanchit entre les milieux d'affaires et le mondepolitique soit assure. Il faut remettre l'thique au cur des dcisions politiques.C'est la condition pour reconstruire la confiance entre les citoyens et l'tat. Cetteconfiance est aujourd'hui bafoue par l'affaire Tapie et les arrangements auxquelselle a donn lieu entre M. Tapie et les milieux politiques dirigeants.

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    D. CONTRIBUTION DES COMMISSAIRES DU NOUVEAU CENTRE,MEMBRES DE LA COMMISSION DES FINANCES

    Le contentieux qui oppose les intrts de l'tat, hritier du CrditLyonnais, et le Groupe Bernard Tapie depuis de nombreuses annes, poseessentiellement trois problmes.

    Tout d'abord le problme de la gouvernance par l'tat d'une questionjuridique complexe est soulev. L'absence de continuit dans le combat juridiquepour dfendre les intrts de l'tat et des contribuables franais a nui l'efficacit

    de ses actions.

    En second lieu, ce dossier traduit une absence de respect des droits duParlement quant l'octroi de la garantie de l'tat. En effet, l'tat a support lesconsquences financires de ce contentieux sans que le Parlement ait autoris lagarantie de la totalit des sommes en jeu. De plus, l'information du Parlement a tinsuffisante.

    Enfin, ce dossier montre le danger, tant pour les finances publiques quepour la protection politique des Ministres, d'avoir eu recours la procdure

    d'arbitrage, alors mme que l'arbitrage est interdit l'tat et ses tablissementspublics administratifs en application de l'article 2060 du Code civil. Le recours l'arbitrage pour une pseudo socit commerciale, le CDR, dont les pertes cumulesapprochent les 15 milliards d'euros, constitue un moyen de contournement desdroits du Parlement. Une clarification lgislative s'impose sur ce dernier point.

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    COMPTE RENDU DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

    Mercredi 3 septembre 2008, sance de 9 heures 30 (compte rendu n 110) :

    Communication, ouverte la presse, de M. Charles de Courson,reprsentant de lAssemble nationale au conseil dadministrationde ltablissement public de financement et de restructuration(EPFR), sur les procdures lies aux contentieux entre leConsortium de ralisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie

    Le Prsident Didier Migaud : Mes chers collgues, notre runion derentre est consacre de premires auditions relatives un dossier qui engageltat et les finances publiques : il s'agit des procdures qui opposent, depuis treizeans le Crdit Lyonnais pour simplifier , le consortium de ralisation, ou CDR,et le groupe Bernard Tapie.

    Alors qu'une dizaine de procdures taient en cours et que certaines taienttrs avances puisque la Cour de cassation a eu l'occasion de rendre un arrt decassation partielle en assemble plnire le 9 octobre 2006, il a t dcid, en

    octobre 2007, par les deux parties, savoir l'tablissement public de financementet de restructuration, dit EPFR, et le CDR, d'une part, le groupe Bernard Tapie,d'autre part, d'avoir recours une procdure d'arbitrage confie une formation detrois arbitres.

    Une sentence arbitrale a t rendue le 11 juillet dernier aux termes delaquelle le groupe Bernard Tapie doit recevoir un certain montant, qui vamaintenant nous tre prcis, au titre de la plus-value qu'il aurait pu raliser avecla vente d'Adidas, et 45 millions deuros au titre du prjudice moral.

    Deux runions du tribunal arbitral doivent encore se tenir, ce mois-ci et ennovembre, afin de dterminer notamment le montant des intrts dus sur cessommes.

    Plusieurs questions se posent quant la procdure choisie, sesconsquences et la suite donner la dcision arbitrale.

    la demande des reprsentants du groupe Tapie, l'EPFR et le CDR ont eneffet accept le recours la procdure darbitrage. Celle-ci est-elle fonde endroit ? tait-elle opportune ? Quels ont t les termes de la convention

    darbitrage ? Quelle a t exactement la dcision arbitrale ? Sil existait desrecours contre cette dcision, pourquoi un recours na-t-il pas t exerc ? Quellessommes seront dues au groupe Bernard Tapie ? Que devra payer ltat et quelmoment ? Les questions qui se posent sont nombreuses, et il a sembl normal la

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    commission des finances, dans son rle de contrle de laction publique, de sesaisir du dossier.

    Un membre de la commission des finances, Charles de Courson,reprsente l'Assemble nationale au conseil d'administration de l'EPFR. Il a euplusieurs fois loccasion de rendre compte devant notre commission, notammentsous la lgislature prcdente, des positions que lui-mme pouvait exprimer dansle cadre des procdures en cours. Il tait donc lgitime que nous puissionslentendre en premier, en particulier en ce qui concerne la faon dont lui-mme apu prendre connaissance des divers lments dinformation et les positions partir du moment o il engageait lAssemble nationale qu'il a prises auxdiffrentes tapes de cette affaire.

    Je souhaite que nos travaux puissent contribuer linformation de tous. chacun de nous et, au-del, chaque citoyen, de se forger une opinion. Tout ce quia pu tre dit et crit doit tre vrifi, car il convient dtre le plus rigoureuxpossible dans lanalyse des faits.

    Dautres auditions sont prvues, commencer, aujourd'hui, par celles desanciens et actuels prsidents de lEPFR et du CDR. La semaine prochaine, nousentendrons Jean Peyrelevade, ancien prsident du Crdit Lyonnais, et BernardTapie, auditions qui seront vraisemblablement prcdes par celle de M. ThomasClay, doyen de la facult de droit de Versailles et spcialiste du droit d'arbitrage.

    Nous apprcierons alors si dautres auditions sont utiles.

    Nous sommes convenus que tous nos travaux seraient ouverts la presse.Nous travaillons en toute transparence, ainsi que le souhait en a t exprimcollgialement.

    M. Charles de Courson : Monsieur le prsident, mes chers collgues, laprsente communication, qui rpond une demande formule par le bureau de lacommission des finances, l'initiative de son prsident et de son rapporteurgnral, le 18 juillet dernier, s'inscrit dans le cadre des comptes rendus annuels de

    mandat d'administrateur dresss par le reprsentant de l'Assemble nationale auconseil d'administration de l'tablissement public de financement et derestructuration EPFR , qui est responsable de la surveillance du consortium deralisation CDR , structure de cantonnement et de dfaisance charge de lagestion du passif du Crdit Lyonnais. L'EPFR gre ainsi le soutien financierapport par l'tat au Crdit Lyonnais dans le cadre du cantonnement de ses actifset veille au respect des intrts financiers de l'tat en la matire. Cettecommunication constitue une premire contribution, en vue de l'audition par lacommission des finances des diffrents acteurs de cette affaire. Le reprsentant del'Assemble nationale au conseil d'administration de l'EPFR exerce en effet sonmandat depuis 2002, aprs avoir dj assum un premier mandat d'administrateurentre 1995 et 1997.

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    Dans le temps qui ma t imparti, je traiterai de trois questions : fallait-ilrecourir l'arbitrage ? Devait-on engager un recours en annulation ? En labsencede recours, quelles suites peut-on donner l'affaire ?

    Sagissant de la premire question, quelle tait la situation juridique laveille de larbitrage ?

    Les parties en prsence taient l'EPFR et le CDR, dune part, le groupeBernard Tapie, dautre part.

    Le consortium de ralisation tait l'origine une socit par actionssimplifie dont l'actionnaire tait le Crdit Lyonnais jusqu'en novembre 1998, date laquelle le CDR a t transform en socit anonyme directoire et conseil de

    surveillance. Le CDR dsigne en ralit un groupe de socits organises autourd'une holding, CDR SA, et de plusieurs filiales, dont CDR Participations,anciennement Clinvest, filiale d'investissement du Crdit Lyonnais, et CDRCrances, constitu partir de la socit de banque occidentale, la fameuse SDBO,elle-mme filiale du Crdit Lyonnais. C'est le CDR Crances, socit anonyme,qui est en l'occurrence la personne morale qui este en justice dans l'affaire Adidas.

    En novembre 1998, les titres du CDR sont cds l'tablissement publicde financement et de restructuration, tablissement public administratif EPA qui a, aux termes de la loi du 28 novembre 1995 qui le cre, pour mission de

    grer le soutien financier apport par l'tat au Crdit Lyonnais dans le cadre ducantonnement de certains de ses actifs au sein du CDR. Cette loi valide en fait leprotocole d'accord sign entre l'tat et le Crdit Lyonnais le 5 avril 1995, qui a tapprouv sous conditions par la Commission europenne dans sa dcision du26 juillet 1995. L'tablissement est galement charg de veiller ce que soientrespects les intrts financiers de l'tat dans le cadre du plan de redressement duCrdit Lyonnais .

    Le conseil d'administration de l'EPFR est compos de cinq membres, donttrois hauts fonctionnaires lun reprsentant la Direction du Trsor, lautre la

    Direction du budget, le troisime tant le prsident, traditionnellement uninspecteur gnral des finances, nomm en conseil des ministres et deuxparlementaires, votre serviteur, reprsentant l'Assemble nationale et Roland duLuart le Snat.

    Le groupe Bernard Tapie, ainsi appel par facilit de langage, est en faitpossd directement et personnellement par les poux Tapie, et est constitu, poursimplifier, de deux ples principaux :

    Dune part, un ple patrimonial, avec une holding de tte, la SNC

    Financire Immobilire Bernard Tapie SNC FIBT , dont fait par exemplepartie la socit Alain Colas Tahiti ACT , qui gre le Phoca ;

    Dautre part, un ple industriel, avec pour holding de tte la socit ennom collectif Groupe Bernard Tapie SNC GBT , elle-mme proprit

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    avec une plus-value de change de lordre de 150 ou 200 millions deuros. Il y avaitdonc probablement un intrt financier pour la socit britannique renoncer lachat, du fait du profit raliser sur sa couverture de change.

    la suite de l'chec de la vente d'Adidas Pentland, et malgr la cessionde certaines de ses participations, dont celle dans TF1, la socit Bernard TapieFinance demeure dans l'incapacit d'honorer la seconde chance, le solde restantd s'levant 91,5 millions d'euros, soit 600 millions de francs. Un mmorandumest alors sign le 12 dcembre 1992, par le groupe Bernard Tapie et la SDBO, envue de la vente d'Adidas par l'intermdiaire de cette dernire, qui a ainsi repris latotalit des engagements financiers du pool bancaire. Le Crdit Lyonnais sesubstitue donc tous les autres banquiers alors quun principe ancien en matirebancaire veut que lon partage le risque. Le produit de la vente doit pour sa part

    tre affect au remboursement des dettes de BTF et du groupe Tapie.

    Le 18 dcembre 1992, un mandat irrvocable d'intrt commun titreonreux vient confier la SDBO la vente de 78 % du capital d'Adidas dtenu parBTF, au prix de 317,86 millions d'euros, c'est--dire 2,085 milliards de francs, auplus tard le 15 fvrier 1993, soit un montant quasiment similaire celui qui a toffert Pentland, ce qui est assez logique. Le mmorandum prvoyait notammentla fusion des socits BTF SA, GBT et FIBT en une entit unique, afin de pouvoiraffecter la plus-value dgage par la socit Bernard Tapie Finance BTF SA pour la cession d'Adidas au dsendettement des autres socits du groupe. Cettefusion n'a en ralit jamais pu intervenir en raison de l'opposition manifeste parles actionnaires minoritaires des socits concernes, qui ont juste titre soutenuqu'un dlit d'abus de biens sociaux aurait rsult de la couverture des dettes d'unple par l'autre. La SDBO disposait donc de deux mois pour conclure la vente dela socit, dont la situation se dtriorait.

    Le 12 fvrier 1993, la vente intervient, au prix convenu, auprs de huitacqureurs, parmi lesquels la socit Clinvest, filiale du Crdit Lyonnais, qui taitdj titulaire de 10 % du capital d'Adidas et en acquiert, dans cette opration,9,9 % supplmentaires, mais galement la socit Rice SA constitue par RobertLouis-Dreyfus, qui prend une part de 15 %. Certains acqureurs ont bnfici d'unprt spcifique dit recours limit accord par le Crdit Lyonnais et prvoyantnotamment qu'en cas de revente, la plus-value serait partage raison, grossomodo, d'un tiers pour l'emprunteur et de deux tiers pour la banque. En revanche,en cas d'chec de la cession des parts un prix gal ou suprieur au principal duprt l'chance de ce dernier, le Crdit Lyonnais prenait sa charge la totalit durisque.

    Robert Louis-Dreyfus bnficie dans le mme temps d'une option d'achat

    de la totalit du capital d'Adidas au prix de 708,9 millions d'euros, soit4,65 milliards de francs, valable jusqu'au 31 dcembre 1994. Le rachat serafinalis le 22 dcembre 1994.

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    Ainsi, entre l'chec de la vente d'Adidas la socit Pentland enoctobre 1992 et la cession ralise le 12 fvrier 1993 pour 78 % du capital, lasocit Adidas est passe d'une valorisation totale de 423,8 millions d'euros, soit

    2,78 milliards de francs, 407,5 millions d'euros, soit 2,673 milliards de francs : lavalorisation de la socit entre 1992 et 1993 ne varie donc que lgrement.

    En rsum, le Crdit Lyonnais assumait, dans cette opration, la totalit durisque en cas d'chec et bnficiait des deux tiers du profit en cas de succs,situation quen particulier les anciens banquiers prsents au sein de lacommission ne pourront que trouver extraordinaire.

    Le 13 mars 1994, un protocole d'accord a t sign entre la SDBO, leCrdit Lyonnais et Bernard Tapie, mettant fin aux relations bancaires des parties

    et soldant les comptes du groupe Tapie. Le protocole d'accord est assorti d'unecondition suspensive, savoir la production dans un certain dlai d'expertises surle mobilier et les objets d'arts de M. et Mme Tapie. Le 23 novembre 1994, lajustice a prononc la caducit de ce protocole en raison de la non leve decondition suspensive, ce qui a conduit rendre ds lors exigibles les prtsaccords au groupe Tapie. Par consquent, le 30 novembre 1994, l'ensemble dessocits du groupe Bernard Tapie a t plac en redressement judiciaire et a tprogressivement mis en liquidation.

    partir de cette date, commence le combat judiciaire.

    C'est ainsi que plusieurs dcisions de justice sont rendues avant que laCour d'appel de Paris ne rende plusieurs arrts : le 23 janvier 1998, le 19 fvrier1999 dans lequel elle confirme la caducit du protocole d'accord du 13 mars1994 pour non leve de la condition suspensive , le 28 juin 2002, et, enfin, le30 septembre 2005.

    Les arrts successifs de la Cour d'appel ont d'abord confirm le sursis statuer oppos par le tribunal de commerce, mais ont annul la provision de91,5 millions d'euros, soit 600 millions de francs, que ce dernier avait accorde.

    La Cour d'appel a en revanche accord une nouvelle provision de6,1 millions d'euros, soit 40 millions de francs, dans l'affaire Alain Colas Tahiti,avant de lever le sursis uniquement sur l'opration de la vente d'Adidas.

    la demande des mandataires liquidateurs, une mdiation confie Jean-Franois Burgelin, ancien procureur gnral prs la Cour de cassation, est alorsordonne par la Cour d'appel de Paris, par arrt du 12 novembre 2004. Le principedu recours une mdiation avait t autoris par la conclusion d'un protocoled'accord auquel le reprsentant de l'Assemble nationale au conseild'administration de l'tablissement public de financement et de restructuration

    s'tait d'ailleurs montr dfavorable jai toujours demand ce quon laisse lajustice agir.

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    La mdiation se soldera, au bout de cinq mois, par un chec, en raison durefus oppos par Bernard Tapie aux propositions du mdiateur, ces dernires lelaissant en effet en situation de dbiteur net.

    Enfin, par un arrt rendu le 30 septembre 2005, la Cour d'appel de Paris ajug que la SDBO et le Crdit Lyonnais avaient failli leurs obligations demandataires en se portant acqureurs par personnes interposes des participationsqu'ils taient chargs de vendre, ainsi qu'en manquant de loyaut envers lemandant qu'ils n'avaient pas inform par crit des ngociations en cours avecRobert Louis-Dreyfus et auquel ils n'avaient pas propos les prts recours limitoctroys aux cessionnaires.

    La cour a galement jug que cette dernire faute avait fait perdre au

    groupe Tapie une chance de raliser le gain dont il aurait bnfici si, ayant obtenule financement adquat, il avait pu vendre directement les participations d'Adidas Robert Louis-Dreyfus en dcembre 1994. Elle a en consquence condamn leCrdit Lyonnais et le CDR Crances payer aux mandataires liquidateurs uneindemnit de 135 millions d'euros, gale au tiers de la diffrence existant entre leprix qui aurait pu tre obtenu en dcembre 1994 et celui peru en fvrier 1993. Cetarrt a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses critiques,...

    M. Franois Goulard : Surtout compte tenu des circonstances !

    M. Charles de Courson : ...au motif qu'il reconnat implicitement un droit au prt ...

    M. Franois Goulard : Alors que personne ne lui aurait prt !

    M. Charles de Courson : ...que la jurisprudence s'est en ralit toujoursinterdite de reconnatre.

    Pour bnficier de la plus-value, encore aurait-il fallu trouver lefinancement. Or aucune banque en effet ne voulait prter au groupe.

    Aprs de longs dbats, le conseil dadministration de lEPFR a fini pardcider daller en cassation. C'est ainsi que, runie en assemble plnire prcision importante sur le plan juridique le 9 octobre 2006, la Cour de cassationconfirme tout d'abord la recevabilit de l'action engage par les mandatairesliquidateurs.

    Elle juge, en revanche, que la responsabilit contractuelle du CrditLyonnais ne peut tre engage au titre de manquements dans l'excution d'unmandat dont elle n'tait pas partie ce qui revient dnoncer, en quelque sorte,

    une erreur de personne dans le jugement de la cour dappel tout en rservant lesort d'une action mene sur le terrain dlictuel.

    Enfin, sur le terrain du manquement la loyaut qu'avait tabli la courd'appel, estimant que la banque s'tait abstenue de proposer au groupe Tapie des

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    financements qu'elle avait octroys certains cessionnaires des participationslitigieuses, la Cour de cassation juge que le banquier est toujours libre, sansavoir justifier sa dcision qui est discrtionnaire, de proposer ou de consentir un

    crdit quelle quen soit la forme, de s'abstenir ou de refuser de le faire .Laffaire tant renvoye devant la cour dappel de Paris, bien entendu

    devant une autre chambre, pouvait-on lgalement recourir l'arbitrage ? Un telrecours mapparat d'une lgalit trs douteuse.

    L'ensemble des contentieux lis aux affaires opposant Bernard Tapie auCrdit Lyonnais concerne des personnes physiques les poux Tapie et despersonnes morales de droit priv les mandataires liquidateurs des socits dugroupe Bernard Tapie, le Crdit Lyonnais, les socits anonymes Consortium de

    ralisation et CDR Crances. Ds lors, le recours la procdure d'arbitrage nesemble a priori pas poser de difficult. L'arbitrage est d'ailleurs le mode dersolution principal, sinon exclusif, des litiges du commerce international et est deplus en plus utilis en droit interne pour les conflits lis aux relationscontractuelles professionnelles.

    Il est toutefois lgitime de s'interroger plus avant sur les possibilits d'unrecours l'arbitrage pour une structure, le CDR, qui est certes constitue sous laforme d'une socit anonyme, mais dont la surveillance et la gestion financirerelvent directement d'un tablissement public administratif l'EPFR. Or, le

    recours l'arbitrage a toujours t exclu par principe pour les personnes publiques,ainsi que le prcise trs nettement, et en des termes particulirement larges,l'article 2060 du code civil, qui dispose qu' on ne peut compromettre [...] sur lescontestations intressant les collectivits publiques et les tablissements publics etplus gnralement dans toutes les matires qui intressent l'ordre public . LeConseil d'tat a rig cette interdiction en principe gnral du droit dans son avisdu 6 mars 1986.

    Les seules drogations qui ont t apportes cette rgle concernent cejour les diffrends des personnes publiques relatifs la liquidation de leurs

    dpenses de travaux publics et de fournitures, les litiges ns autour des contratsconclus pour la ralisation d'oprations d'intrt national entre plusieurs personnespubliques et une entreprise trangre ou l'obtention par l'tat du retour d'un bienculturel.

    Par ailleurs, la loi a ponctuellement ouvert la possibilit du recours l'arbitrage certains tablissements publics industriels et commerciaux EPIC ainsi qu' certains tablissements publics caractre scientifique et technologique.Enfin, il est admis par la jurisprudence qu'une personne publique peutcompromettre lorsque des intrts du commerce international sont en jeu.

    Le recours l'arbitrage des personnes publiques demeure en tout tat decause l'exception. Ds lors, on peut s'interroger sur la lgitimit du choix durecours la procdure d'arbitrage dans le cadre d'un contentieux dont on ne saurait

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    videmment nier qu'il engage l'tat et les finances publiques. cet gard, onrappellera que la loi du 28 novembre 1995 relative l'action de l'tat dans lesplans de redressement du Crdit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs, qui

    porte cration de l'tablissement public de financement et de restructuration, n'apas prvu de possibilit drogatoire pour l'tablissement de recourir l'arbitrage.Si l'article 5 du dcret du 22 dcembre 1995 portant statuts de l'tablissementpublic de financement et de restructuration indique que les dcisions du conseild'administration de l'EPFR relatives aux transactions sont soumises l'approbation pralable du ministre charg de l'conomie, on ne peut toutefois enconclure que la facult de recourir l'arbitrage serait ainsi couverte par cettedisposition.

    Le Conseil constitutionnel a rappel, dans sa dcision 2004-506 du

    2 dcembre 2004, que le principe de l'interdiction pour une personne publique deconclure un compromis d'arbitrage a valeur lgislative . Le recours l'arbitragedoit donc tre prvu par la loi, et l'article L.311-6 du code de justice administrativenumre d'ailleurs de faon limitative les conditions drogatoires de recours l'arbitrage pour les personnes publiques.

    Cette facult a, par exemple, t expressment reconnue Rseau ferr deFrance RFF , tandis que l'article 7 de la loi du 9 juillet 1975 portantdispositions diverses relatives la rforme de la procdure civile dispose que descatgories d'tablissements publics caractre industriel et commercial peuventtre autorises par dcret compromettre . Un dcret est ainsi venu autoriserCharbonnages de France, mais aussi EDF et GDF recourir l'arbitrage.Toutefois, l'tablissement public de financement et de restructuration est untablissement public administratif EPA qui n'est donc pas concern par lafacult de compromettre offerte certains tablissements publics industriels etcommerciaux : seule une loi spciale aurait pu lui ouvrir la facult de recourir l'arbitrage.

    Mme dans l'hypothse dune lecture de l'article 2060 du code deprocdure civile selon laquelle le recours l'arbitrage n'tait pas en lui-mmeillgal, il n'en demeure pas moins que l'on peut s'interroger sur sa pertinence.

    Le Prsident Didier Migaud : Une explication simpose : dun ct, vousestimez que le recours larbitrage est d'une lgalit trs douteuse car il auraitfallu lautorisation de la loi, mais, de lautre, vous dites que ce recours ne seraitpas en lui-mme illgal si lon sen tient une lecture stricte de l'article 2060 ducode de procdure civile. Il faut distinguer la lgalit de lopportunit.

    M. Nicolas Perruchot : Sans pour autant juger.

    Le Prsident Didier Migaud : Jaurai en effet loccasion de le rappeler :la commission des Finances n'est pas un tribunal.

    M. Charles de Courson : Il faut bien comprendre que l'EPFR,tablissement public administratif organe de surveillance du CDR, n'aurait pas pu

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    compromettre directement : l'arbitrage a donc t autoris par un tablissement quin'aurait pas pu y avoir lui-mme recours.

    En toute hypothse, ce sont bien sr les intrts de l'tat que porte, parpersonne morale interpose, l'arbitrage litigieux. Le CDR est proprit 100 % delEPFR, lequel est un tablissement public administratif. La procdure suiviemapparat dans ces conditions comme un dtournement du principe delinterdiction par la loi du recours larbitrage.

    Enfin, outre les doutes qui peuvent tre mis quant la possibilit mmede recourir un arbitrage dans ce cadre prcis, on ne peut que s'tonner ducaractre confidentiel d'une telle procdure, qui concerne des actes privsengageant les deniers publics. Or, avec l'adoption d'une clause de confidentialit,

    ces actes, qui engagent les finances publiques, sont appels chapper toutcontrle, en particulier celui manant de la reprsentation nationale. Cettesituation est clairement contraire la lettre et l'esprit de la Dclaration des droitsde l'homme et du citoyen du 26 aot 1789, qui dispose, dans son article 15, que la socit a le droit de demander compte tout agent public de sonadministration .

    Les problmes de communication des informations relatives la procdured'arbitrage auxquels le reprsentant de l'Assemble nationale au conseild'administration de l'EPFR s'est heurt pour la prparation du prsent document,

    sont rvlateurs de l'interdiction de tout contrle que toute clause deconfidentialit suppose.

    Le prsident la commission des finances a adress, la fin du mois dejuillet dernier, un courrier aux prsidents du CDR et de l'tablissement public, afind'obtenir communication du compromis d'arbitrage. Ce n'est qu' la veille de laprsentation de la prsente communication c'est--dire hier aprs-midi que lecompromis a t transmis au prsident de la commission ainsi qu' son rapporteurgnral. Le reprsentant de l'Assemble nationale au conseil d'administration del'EPFR s'est vu, au nom de la clause de confidentialit qui encadre la procdure

    d'arbitrage, refuser la communication de ce document. Il a nanmoins pu, en tantque membre du conseil d'administration de l'tablissement public, consulter surplace, la veille de la prsentation de cette communication, une copie de laconvention d'arbitrage, l'original demeurant conserv dans un coffre. Il se doitd'ailleurs de souligner que cette copie, d'assez mauvaise qualit, ne permettaitmalheureusement pas de dcrypter les donnes chiffres figurant dans les tableauxannexs au compromis.

    M. Jean-Pierre Brard : Incroyable !

    M. Franois Goulard : Cela relve du pnal !

    M. Charles de Courson : Le fait que les tenants et les aboutissants de laprocdure d'arbitrage chappent ainsi au contrle de la reprsentation nationale estun lment qui devrait suffire lui seul pour prouver le caractre illgal du recours

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    l'arbitrage. Seule une disposition lgislative expresse, soumise au contrle duConseil constitutionnel, aurait pu permettre d'y recourir. Soulignons en outre quele principe du contrle de la bonne utilisation des deniers publics a un caractre

    constitutionnel. En l'espce, ni la reprsentation nationale, ni le jugeconstitutionnel ne peuvent malheureusement veiller au respect de ce principefondamental.

    On le voit, le recours l'arbitrage dans ce cas prcis est clairementcontraire aux droits constitutionnels du Parlement en matire de contrle de ladpense publique.

    Le Prsident Didier Migaud : Si nous avons pu avoir connaissance de lasentence arbitrale dune manire quelque peu particulire puisquil a suffi de se

    reporter au site Internet dun hebdomadaire celui de LExpress en loccurrence , il tait important pour notre information davoir galement connaissance de laconvention darbitrage. Or celle-ci tant soumise une rgle de confidentialit, unmembre du conseil dadministration de lEPFR pouvait la lire, mais non endisposer.

    Le secret ntant cependant opposable ni au prsident de la commissiondes finances ni au rapporteur gnral, M. Jean-Franois Rocchi, prsident duconsortium de ralisation, nous a remis tous deux hier, ma demande, unexemplaire de cette convention darbitrage, non sans avoir rappel que celle-ci

    tait soumise la rgle de confidentialit. Contact par mes soins, Bernard Tapiema alors indiqu souhaiter que tous les documents soient ports la connaissancede la reprsentation parlementaire. Dans un courrier, son conseil a en effet prcisqu en ma qualit de conseil des mandataires liquidateurs des socits du groupeBernard Tapie et de M. et Mme Tapie, je vous confirme que mes clients lvent laconfidentialit relative la sentence, au compromis darbitrage et, plusgnralement, tout document prparatoire, pices produites et mmoires que leCDR, ses reprsentants ou nous-mmes souhaiteraient porter votreconnaissance.

    Aprs en avoir inform M. Rocchi, ce dernier ma indiqu qu partir dumoment o lautre partie acceptait de lever la clause de confidentialit, lui-mmeen tait daccord, et nous sommes convenus avec Gilles Carrez que la conventionserait la disposition de la Commission ce matin.

    M. Charles de Courson : Pour en revenir au recours larbitrage,examinons dabord les arguments en sa faveur.

    Cr en avril 1995, l