Syndromes paranéoplasiques

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    Introduction

    Cet article se propose de passer en revue lessyndromes paranoplasiques (SPN) les plusfrquents. Par syndromes paranoplasiques,on entend des manifestations htrognes oc-casionnes par des tumeurs qui ne sont dues ni laccroissement local des tumeurs ni aux m-tastases dune tumeur primaire. Les syndromesparanoplasiques peuvent prcder ou appa-ratre simultanment la dcouverte dunetumeur, ou mme persister aprs la gurisonrussie de la tumeur primaire. Les donnes surla frquence des syndromes paranoplasiquesvarient entre 2 et 15% des patients oncolo-giques [1, 2]. Les cancers bronchiques et mam-maires ainsi que les tumeurs digestives comp-tent parmi les tumeurs les plus frquemmentassocies un SPN. Le diagnostic dun syn-drome paranoplasique peut contribuer audiagnostic prcoce dun cancer.Les syndromes paranoplasiques peuvent trecompris comme manifestation distance destumeurs dues la scrtion de diffrents m-diateurs, mais le mcanisme daction demeurecependant obscur dans un grand nombre decas. Le mcanisme daction par la scrtiondhormones ou de substances hormonodes estle mieux tudi, car frquent, comme par ex. lascrtion ectopique dACTH par le cancer bron-chique petites cellules ou la scrtion de pep-tides ntant pas scrts par une personnesaine (par ex. PTH-related protein). Il existe parailleurs des mcanismes daction dus la s-crtion dimmunoglobulines, de cytokines,dauto-anticorps, et au blocage comptitif deshormones normales. Quelques manifestationschoisies vont tre dtailles ci-dessous (voir letableau 1).

    Syndromes paranoplasiques cutans

    Une trentaine de diffrents SPN cutans ont treconnus ce jour [3].Il faut clairement faire la distinction entre dessyndromes paranoplasiques cutans et lesmtastases cutanes ou linfiltration localedune tumeur primaire. Les critres suivantdoivent tre remplis daprs Curth [4] pour quelon puisse parler de SPN cutan: apparition simultane dune tumeur et de la

    manifestation cutane

    volution parallle de la tumeur et du SPNcutan

    un SPN spcifique est associ une tumeurspcifique

    lassociation entre la tumeur et le SPN cu-tan est statistiquement significative.

    Mais il existe cependant des cas dcrits dans lalittrature o la corrlation temporelle diffrede cette simultanit postule.

    Acanthosis nigricansCe syndrome peut survenir comme tableau cli-nique autonome chez des patients souffrantdobsit ou dendocrinopathie (par ex. ovairespolykystiques) ou survenir en tant que syn-drome paranoplasique. Il se manifeste clini-quement par un paississement velout depeau hyperpigmente atteignant en prdilec-tion les rgions du cou, des aisselles et ingui-nales. Les lsions peuvent galement atteindreles lvres et les muqueuses des joues.Contrairement aux formes bnignes dacan-those, les acanthoses paranoplasiques tou-chent frquemment aussi les surfaces de flexiondes doigts et des orteils, ainsi que la plante despieds et les paumes des mains.Lacanthosis nigricans comme syndrome para-noplasique touche surtout les adultes, la tu-meur primaire est abdominale dans 8090%des cas, et dans 60% des cas il sagit dun can-cer gastrique [5]. Lacanthosis nigricans peuttre aussi associe entre autres aux cancers delutrus, du foie, de la prostate, des ovaires.La manifestation cutane est synchrone lap-parition de la tumeur dans 60% des cas, maiselle peut apparatre bien avant ou bien aprs lediagnostic de la tumeur.Une tumeur primaire doit tre particulirementrecherche lors dapparition dacanthosis ni-gricans chez un adulte jeune et mince.Le principe thrapeutique consiste dans le trai-tement de la tumeur primaire. Un traitementsymptomatique topique local ou systmiquepeut soulager le prurit (voir figure 1).

    Ichtyose acquiseUne ichtyose acquise peut tre un syndrome pa-ranoplasique. Elle est souvent associe unlymphome non-hodgkinien ou dautres no-plasies. Il faut la distinguer dune xrodermice.Le traitement symptomatique consiste en pom-made grasse et ventuellement kratolytique.Les savons sont viter.

    Syndromes paranoplasiquesT. Meyer-Heim, M. Stubli

    Correspondance:Dr Tatjana Meyer-HeimSpital ZollikerbergTrichtenhauserstr. 20CH8125 Zollikerberg

    [email protected]

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    DermatomyositeLe tableau clinique est caractris par un exan-thme lilas localis avant tout aux paupires,sur le nez, les joues, le front, le thorax, lescoudes, les genoux et pri-ungual.Une dermatomyosite est, chez prs de 50% despatients adultes de plus de 40 ans, associe une tumeur, principalement le cancer bron-chique ou une tumeur gyncologique. Une tu-meur doit tre exclue lors dapparition dunedermatomyosite nouvelle chez un adulte, maisles investigations sont souvent rendues diffi-ciles par le fait quune tumeur primaire nest

    souvent pas encore dcelable au moment desmanifestations cutanes.

    Le syndrome de SweetCette dermatose accompagne de tempraturesleves et dun syndrome de laboratoire in-flammatoire est caractrise par des papulesdouloureuses bleu-rouge ou des nodules prin-cipalement au niveau des extrmits sup-rieures. Sil est paranoplasique, ce syndromeest le plus souvent associ une leucmie ou dautres tumeurs hmatologiques, mais il peutaussi tre une manifestation paranoplasiquede tumeurs solides uro-gnitales, lors de can-cer du sein ou de tumeurs gastro-intestinales.Elle peut tre traite par des strodes, par ex.60 mg de prdnisone comme dose initiale, puisen dose dcroissante sur quelques semaines. Bien que le syndrome de Sweet puisse aussisurvenir dans le cadre de maladies immunolo-giques et infectieuses ou tre associ la pres-cription de certains mdicaments, il convient dele considrer dabord comme lexpression dunsyndrome paranoplasique. Dans une tudepublie par Bourke et al., 18% des patientssouffrant dun syndrome de Sweet avaient uncancer ou une prcancrose [6].

    Syndromes paranoplasiqueshmatologiques

    Lanmie tumorale est bien connue dans la pra-tique quotidienne. Elle est due des tiologiesmultiples, telle laction toxique des cytosta-tiques, les pertes de sang occultes, les hmo-lyses, les anmies dues un hypersplnisme ou linfiltration tumorale directe de la moelle. Cesdiffrents mcanismes ne correspondent pas la dfinition dun syndrome paranoplasique.Mais la suppression de lrythropose par la

    Figure 1. Acanthosis nigricans.

    Figure 2. Sweet-Syndrom.

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    tumeur correspond un rel syndrome para-noplasique. Lanmie lors de maladie chro-nique correspond une anmie normo-chrome, normocytaire et hyporgnrativeavec un taux srique ferrique diminu et satu-ration de la transferrine avec un taux sriquede ferritine normal ou mme augment. Diff-rents mcanismes ont t postuls pour cetteanmie module par des cytokines. Il sagitdune part de leffet mylosuppresseur des TNF(tumor necrosis factor), interfron et interleu-kine-1. Ceux-ci peuvent diminuer la formationdrythropotine induite par lhypoxie. Dautrepart, la demi-vie des rythrocytes est diminuepar ces cytokines.Une rythrocytose peut survenir en raison dela production ectopique drythropotine lorsdhypernphrome, mais galement aussi lorsdhpatome et dhmangioblastome crbel-leux. En plus de la formation accrue drythro-potine, une diminution du catabolisme decette hormone est galement discute, dont lemcanisme reste obscur [7].Une leucocytose sans dviation gauche appa-rat chez un tiers des patients souffrant de tu-meurs solides. Les patients souffrant de cancerbronchique ou de tumeurs digestives sont par-ticulirement concerns. Les Granulocyte co-lony stimulating factors (G-CSF), les Granulo-cyte-Macrocyte colony stimulating factors etlinterleukine-6 ont t dcrits comme mdia-teurs. Le traitement est celui de la tumeur pri-maire.On parle de raction leucmode chez les pa-tients, avec une formule ressemblant une leu-cmie, mais dont lvolution permet de rfuterce diagnostic. Certains auteurs parlent de rac-tions leucmodes partir de 50 000 Lc/ml,dautres en font dpendre de la proportion deblastes.Ce tableau peut tre dclench par des infec-tions, des intoxications, des hmorragies/h-molyses svres ou aussi par des tumeurs ma-lignes.Des leucocytoses prononces avec une grandeproportion de neutrophiles peuvent tre obser-ves entre autres lors de M. Hodgkin, de carci-nome bronchique ou de tumeurs surrna-liennes. Des leucocytoses avec une dviationgauche et en partie des formes immatures res-semblant une leucmie mylode chroniqueont t dcrites lors de diffrentes tumeurs(souvent avec des mtastases osseuses).Des formules sanguines ressemblant celledune leucmie lymphatique chronique peuventsurvenir entre autres lors de mlanomesmtastatiques, de cancer de lestomac et lors decancer du sein [8].Une thrombocytose peut survenir surtout lorsde cancer bronchique ou lors de tumeurs gas-tro-intestinales. On postule une mdiation parlinterleukine-6 et de thrombopotine [9].

    Une osinophilie paranoplasique survient sur-tout lors de lymphomes malins ou dans le cadrede leucmies. Une dyspne secondaire une in-filtration pulmonaire peut survenir lors dosi-nophilie massive. Les thromboses veineuses et des troubles decoagulation intravasculaires dissmins peu-vent survenir au cours dune maladie tumoraleet mme la prcder. Les patients immobilisspendant une chimiothrapie sont particulire-ment exposs, de mme ceux souffrant dhy-pernphrome ou de cancer pancratique. Desthrombophlbites mouvantes et rcidivantes(Syndrome de Trousseau) sont classiquementdcrites lors de cancer du pancras.Des thromboses peuvent tre vrifies lau-topsie chez 20 50% des patients avec des tu-meurs mtastasiques, une thrombose et/ou unehmorragie sont cliniquement dcelables dans5 15% des cas [10].Les patients prsentant une thrombose idiopa-thique (cest--dire sans facteur de risque) d-velopperont daprs la littrature une tumeurau cours de lvolution jusque dans 7,6% descas, ce taux augmente mme 17% lors dethromboses rcidivantes [11]. Dans dautrestudes prospectives, une tumeur a mme putre dcele dans 19% des cas de patients sansfacteurs de risques pour un pisode throm-boembolique prsentant une thrombose vei-neuse profonde idiopathique [12]. La questionde savoir quels examens doivent tre effectuslors dun premier pisode de thrombose idio-pathique (en dehors dune anamnse exacte, unexamen physique soign, une radio des pou-mons, une formule sanguine, les tests hpa-tiques, un contrle de la fonction rnale et deslectrolytes) na pas encore reu de rponse d-finitive.Indpendamment dune ventuelle tendanceconnue aux thromboses, une maladie tumoraledoit tre exclue lors dune rcidive de throm-bose (et particulirement si elle survient mal-gr une anticoagulation orale correctementprescrite).

    Syndromes paranoplasiques rnaux

    Les reins et les voies urinaires peuvent tre tou-chs de nombreuses manires au cours dunemaladie tumorale, soit par des obstructions,par le dpt dimmunoglobulines, damylode,dacide urique ou par une action directementtoxique des mdicaments et de la radiothra-pie. Les syndromes paranoplasiques dfinisplus restrictivement sont dune part les glom-rulonphrites paranoplasiques et dautre partle syndrome de scrtion inadquate dhor-mone antidiurtique (SIADH).

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    Glomrulonphrites paranoplasiquesLes glomrulonphrites paranoplasiques cor-respondent histologiquement en premier lieu une glomrulonphrite membraneuse et se ma-nifestent cliniquement par une protinurie. Lestumeurs les plus souvent associes une glo-mrulonphrite membraneuse sont le carci-nome bronchique et les tumeurs gastro-intesti-nales. Lexception est prsente par une glo-mrulonphrite minimal change, apparais-sant comme syndrome paranoplasique sur-tout lors de M. Hodgkin et chez un collectif depatients plus jeunes [13].Dautres manifestations paranoplasiques ob-serves sont les protinuries dues aux dptsamylodes lors de syndrome nphrotique et lesnphropathies IgA. Comme la littraturementionne une concidence allant jusqu 22%entre un syndrome nphrotique (paranopla-sique) et une tumeur maligne chez une popula-tion de plus de 60 ans, un bilan pour exclure uncancer est justifi chez tout patient de plus de50 ans prsentant un syndrome nphrotiquedapparition rcente [14]. Une glomrulon-phrite membraneuse paranoplasique prcdela manifestation de la tumeur dans 40% des cas.Le traitement est causal, lvolution de la glo-mrulonphrite dpend du type histologique dela glomrulonphrite, une rmission tant plusfrquente lors de glomrulonphrite lsionsminimes que lors de glomrulonphrite mem-braneuse.

    Syndrome de scrtion inappropriedADH (SIADH)Ce syndrome apparaissant dans diffrentesmaladies du SNC, pulmonaires, endocrinolo-giques, pouvant tre induit par des mdica-ments, peut galement apparatre en tant quesyndrome paranoplasique. Il est caractrispar une hyponatrmie, parfois une hyperglyc-mie, et par une osmolarit srique abaisse etune osmolarit urinaire leve.Les troubles nerveux associs lhyponatrmie

    peuvent aller dune dsorientation lgre untat comateux.Le SIADH est surtout associ au cancer bron-chique petites cellules, mais il peut aussi treobserv dans un grand nombre de tumeurstelles les cancers, les cancers de lintestin grle,du clon ou du pancras. Le traitement consiste en une restriction hy-drique suffisante, mais la prudence demandeune correction graduelle des troubles lectroly-tiques.

    Syndrome de StaufferLe syndrome de Stauffer apparat chez environ15% des patients avec un hypernphrome.Cette dysfonction hpatique paranoplasiquena pour linstant t dcrite quen rapport avecles hypernphromes, et avec un cas unique deLeiomyosarcome [15]. Il est caractris par unelvation des phosphatases alcalines et desalphaglobulines, tandis que le temps de pro-thrombine et lalbumine sont abaisss et enlabsence de mtastases hpatiques.

    Syndromes paranoplasiques neurologiques

    Les SPN neurologiques au sens strict sont pr-sents dans environ 45% des patients oncolo-giques. Ils peuvent atteindre aussi bien le cer-veau/cervelet, la moelle, le systme nerveuxpriphrique que les muscles, respectivementla jonction neuromusculaire. Les mcanismesauto-immuns jouent un rle pathophysiolo-gique important, tels quils ont pu tre mis envidence lors de myasthnie grave et lors desyndrome de Lambert-Eaton. Les SPN doiventtre distingus des symptmes neurologiquesdus aux mtastases et aux suites de traitement.

    Lambert-Eaton-SyndromLe syndrome de Lambert-Eaton fait partie desSNP les plus frquents. On estime quenviron12% des patients souffrant de cancer bron-chique petites cellules en sont touchs, leshommes plus frquemment que les femmes[16]. Le syndrome de Lambert-Eaton apparatcependant dans un grand pourcentage en de-hors de tout contexte noplasique. Son mca-nisme pathophysiologique sexplique par lin-hibition pr-synaptique par des anticorps de lalibration dactylcholine contrle par les ca-naux calciques. Le tableau clinique comporteune fatigue gnrale, des myalgies et unefaiblesse musculaire, particulirement desmembres infrieurs, une ptose et une dysrgu-lation neurovgtative (par ex. scheresse debouche). Contrairement la myasthnie grave,le traitement dpreuve avec Tensilon (edro-phonium chlorure) reste sans effet. Sur le plandes examens de laboratoire, des anticorps anti-

    Tableau 1. Tableau rcapitulatif des organes ou systmes dorganes le plus souvent touchs par des paranoplasies.

    SPN cutan

    SPN hmatologiques

    SPN rnaux

    SPN neurologiques

    SPN endocrinologiques

    SPN vasculaires / SPN rheumatologiques

    SPN divers (p.ex. fivre, ostoarthropathie)

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    VGCC (anti-voltage-gated calcium channel)peuvent tre mis en vidence chez 85% des pa-tients, comme occasionnellement des anticorpsanti-Hu.Sur le plan thrapeutique, les immunosuppres-seurs peuvent tre prescrits, de mme que lhy-drochloride de guanidine et la Diaminopyridine3,4 qui entranent un prolongement des poten-tiels prsynaptiques.

    Myasthnie graveLa myasthnie grave est un autre SPN influen-ant la transmission neuromusculaire. Ellenapparat pas seulement en association avecles thymomes malins, mais aussi lors dhyper-plasie du thymus, lors de thymomes bnins,dans le cadre dune thyrotoxicose, ou dunearthrite rhumatode. Contrairement au syn-drome de Lambert-Eaton, une myasthnie leffort apparat lors de stimulations rptes,avec diplopie, et troubles de la dglutition quisamliorent rapidement au traitementdpreuve dinhibiteurs de lactylcholinest-rase tels le Tensilon (edrophonium chlorure).Les anticorps bloquants fortement les rcep-teurs dactylcholine postsynaptiques peuventtre mis en vidence dans le srum. Les inhibi-teurs de la cholinestrase telles la pyrostigmineet la nostigmine sont un traitement efficace.

    Neuropathies paranoplasiquesLa manifestation paranoplasique neurologi-que la plus frquente est la polyneuropathiesensitivomotrice. Malgr sa frquence, ses m-canismes pathophysiologiques demeurent obs-curs. Des ractions immunologiques et des vas-culites sont postules.

    Neuropathie sensitivomotriceCes SNP se rencontrent lors de diffrentes tu-meurs solides et hmatologiques. Ltiologiepathophysiologique et les symptmes sont dus une dgnrescence tant des axones que dela myline.

    Neuropathie sensitive subaigu (Syndrome de Denny-Brown)Cette paranoplasie typique dun cancer bron-chique petites cellules volue progressive-ment sur plusieurs semaines et mois sous formede paresthsies principalement distales, dedouleurs, de sensibilit profonde diminue etde dysfonctions autonomes prcoces. Elle sex-plique pathophysiologiquement par une in-flammation ganglionaire suivie secondairementpar une dgnration axonale. Des anticorpsanti-Hu peuvent tre mis en vidence [17].

    Dgnration subaigu cortico-crbelleuseLes patients avec atteinte crbelleuse dans lecadre dun syndrome paranoplasique se fontremarquer par une ataxie progressive et occa-

    sionnellement par une dysarthrie, une diplopie,des vertiges, et un nystagmus. Une perte descellules de Purkinje est mise en vidence sur leplan histologique. Ce SPN est plus souvent as-soci aux tumeurs gyncologiques et les can-cers bronchiques petites cellules. Un grandnombre danticorps a pu tre mis en videncejusqu ce jour, entre autres Anti-Yo, Anti-Hu,Anti-Tr und Anti-VGCC (les trois premiresabrviations se rfrent aux initiales des pre-miers patients). Dans la pratique, il faut re-chercher une noplasie lors dune apparitionrcente dune ataxie non familiale et aprsavoir exclu les tiologies toxiques et infec-tieuses. Une dgnerescence crbelleuse avecla mise en vidence danticorps Anti-Yo est sur-tout associe des cancers ovariens et mam-maires, tandis que les anticorps Anti-Tr sontsurtout associs une dgnerescence crbel-leuse paranoplasique dans le cadre dun M.Hodgkin [18].Les options thrapeutiques comprennent lestraitements strodiens hautes doses, les im-munoglobulines et lazathioprine, les rsultatssont cependant dcevants particulirementchez les patients avec une atteinte avance [19].On renoncera ici la description dautres syn-dromes paranoplasiques neurologiques plusrares, tels par ex. le syndrome de lhommeraide ou de lencphalomylite paranopla-sique.

    Syndromes paranoplasiquesendocrinologiques

    Ce groupe de SPN est certainement le plus fr-quemment observ en pratique, comme par ex.les hypercalcmies paranoplasiques, qui for-ment environ 40% des hypercalcmies.Trois groupes dhormones sont scrts: leshormones strodiennes, les monoamines, leshormones peptidiques/protiniques. Les syn-dromes paranoplasiques sont principalementconstitus par des hormones peptidiques etprotiniques. Souvent les polypeptides scrtspar les cellules non endocriniennes diffrentdes hormones normales dans leur structurechimique, ce dont il faut parfois tenir comptepour le diagnostic (par ex. PTHrP, Parathor-mon-related Peptide). Cette activit hormonaleparfois altre des peptides circulants expliqueaussi pourquoi les patients restent souventasymptomatiques ou oligosymptomatiques.

    Hypercalcmie paranoplasiqueUne hypercalcmie est prsente chez environ10% des patients souffrant de cancer bron-chique, le plus souvent lors de cancers pith-liaux. Une hypercalcmie peut aussi tre pr-sente lors de cancer mammaire, pancratiqueou lors dhypernphrome. Une hypercalcmie

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    peut tre prsente en labsence de mtastasesosseuses, car lhypercalcmie peut tre due nonseulement la destruction osseuse directe parles mtastases, mais aussi dautres mca-nismes. Un de ces mcanismes est la formationectopique dune peptide parente de la para-thormone (PTHrP). La PTHrP nest pas scr-te par des personnes en bonne sant, maispeut tre mise en vidence chez 80% des hy-percalcmies paranoplasiques. De plus, cer-taines cellules tumorales sont capables dacc-lrer la rsorption osseuse locale au moyen desubstances activant les ostoclastes. Diff-rentes cytokines semblent jouer un rle impor-tant dans ce contexte (par ex. lors de mylomemultiple et lors de cancer du sein).Il semble, daprs les tudes rcentes, que lesinteractions entre les ostoblastes/cellulesstroma et les ostoclastes jouent un rle essen-tiel dans la gense de lostoporose, de losto-ptrose et des mtastases osseuses. Des fac-teurs majeurs impliqus ont pu tre identifis,entre autres exemples lostoprotgerine, uneprotine inhibant les ostoclastes et le liganddostoprotgerine, une cytokine stimulantlactivit des ostoclastes. Des taux plus oumoins levs dostoprotgerine ont pu tre misen vidence lors de diffrentes tumeurs. Uneconnaissance plus prcise de ces mcanismesdevrait ouvrir de nouvelles modalits thra-peutiques pour le traitement des diffrentesmaladies du mtabolisme osseux [20].Le tableau clinique de lhypercalcmie com-prend les symptmes nauses et vomisse-ments, faiblesse musculaire, fatigue, constipa-tion, polyurie, tat confusionnel et coma. Desinfusions de 34 litres de NaCl et la prescrip-tion simultane de furosmide peuvent conte-nir les cas dhypercalcmie modre. Des bi-phosphonates peuvent tre en plus administrs intervalle rgulier. La calcitonine peut tre,selon les cas, recommande pour une correc-tion rapide de lhypercalcmie. Les strodessemblent surtout freiner la production de cyto-kines activant les ostoclastes.

    Syndrome de Cushing paranoplasiqueLe syndrome de Cushing paranoplasique estd la production ectopique dACTH. Ce ph-nomne se rencontre le plus souvent lors decancer bronchique petites cellules, mais peutaussi survenir avec dautres tumeurs commepar ex. le cancer du pancras, le cancer thyro-dien mdullaire et le cancer du thymus. Un syn-drome de Cushing sur quatre est dorigine pa-ranoplasique [2]. Sur le plan diagnostique, onpeut remarquer que le taux dACTH est souventplus lev (souvent >200 pg/ml) lors de syn-drome de Cushing paranoplasique que lors desyndrome de Cushing dorigine hypophysaire[7].Dautres syndromes paranoplasiques endocri-

    nologiques identifis sont la gyncomastie (sur-tout lors de tumeurs testiculaires, de cancerbronchique, de cancer carcinode des poumonset de tumeurs digestives), lacromgalie et leshypoglycmies indpendantes des cellulesdlots, apparaissant principalement chez lespatients avec des sarcomes volumineux.

    Syndromes paranoplasiquesvasculaires et rhumatologiques

    En plus de lostoarthropathie hypertrophiquedj mentionne, une polyarthrite asymtriqueparanoplasique peut survenir par ex. lors decancer mammaire. Les SPN rhumatologiquessont le plus souvent associs aux tumeurs h-matologiques.Non seulement les tumeurs malignes peuventinduire une ostomalacie (TIO) mais aussi cer-taines tumeurs bnignes (en particulier msen-chymateuses). Sur le plan clinique, les patientsse plaignent de douleurs musculaires et os-seuses. Les examens de laboratoire montrentune hypophosphatmie, un taux abaiss de cal-citriol, une phosphaturie, tandis que le taux s-rique de calcium et de parathormone sont nor-maux. On suppose quil est d la scrtion tu-morale de peptide altre (FGF23), qui ne pour-rait pas tre inactive par les reins et qui en-trane une dpltion en phosphate. La rsectionde la tumeur permet de gurir le tableau cli-nique.Le syndrome de Sjgren est par ex. souvent ob-serv dans la phase de transition dune mala-die auto-immune avance vers une noplasie.Le risque de dvelopper un lymphome non-Hogkinien est, selon la littrature, 44 fois pluslev chez les patients souffrant dun syndromede Sjgren de dure prolonge [21]. Lanticorps17109 est prsent chez tous ces patients.Une prsentation atypique dune polymyalgiarheumatica (par ex. ge infrieur 50 ans, VSinfrieure 40 mm/h, atteinte asymtrique etmauvaise rponse au traitement strodien)peut tre un indice dune maladie tumorale. Unbilan pour exclure cancer lors dune polymy-algia rheumatica nest cependant pas recom-mand dans la littrature. Un petit nombre decas drythme noueux persistant plus de 6mois ont t dcrits comme indice dune tu-meur sous-jacente.Un phnomne de Raynaud, souvent asym-trique, dapparition rcente peut galementtre une manifestation paranoplasique.Daprs Naschitz et al., le risque relatif de d-velopper une maladie tumorale est plus levlors darthrite rhumatode prolonge (mise envidence de gammopathie monoclonale lors detransformation maligne), lors de syndrome deFelty, de syndrome de Sjgren, de sclrose sys-

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    tmique, de dermatomyosite, de lupus ryth-mateux dissmin et darthrite temporale, maisnon lors de polymyosite et de Polymyalgia rheu-matica [21]. La mesure de marqueurs tumo-raux nest pas recommande en raison de leurfaible sensibilit et spcificit.

    Varia

    La fivre est sans doute le syndrome parano-plasique le plus souvent rencontr en pratique.La fivre de Pel-Ebstein est classique, maisrare, lors de M. Hogkin. Un hypernphrome, unmyxome de loreillette, un sarcome et biendautres tumeurs peuvent se manifester initia-lement par une fivre inexplique.Lostoarthropathie pulmonaire hypertro-phique, souvent lexpression dune maladiepulmonaire, de vices cardiaques cyanosants oude maladie digestive chronique peut aussi sur-venir comme syndrome paranoplasique.

    RemerciementsNous remercions le Dr B. Bttig, FMH Oncolo-gie, Zrich, pour sa lecture du manuscrit et leDr. med. F. Nestl, Mdecin associ au dpar-tement de dermatologie de lhpital universi-taire de Zrich, pour les illustrations.

    Quintessence Les syndromes paranoplasiques peuvent prcder, apparatre

    simultanment ou aprs la dcouverte et le traitement dune tumeur.

    Bien quun syndrome paranoplasique napparasse que chez une minorit des patients oncologiques (estimation maximale de 15%), leur reconnaissance a parfois une grande importance pour permettre undiagnostic prcoce.

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