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Préparation à l’épreuve de Note de synthèse Responsable : Sylvain Chatry, maître de conférences A partir des documents suivants, vous rédigerez une note de synthèse sur « La réforme de la justice du XXIe siècle » - Document 1 : Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle - Document 2 : Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-14218, publié - Document 3 : X. Berne, Loi Numérique : la mise en Open Data des décisions de justice prendra « plusieurs années », numerama.fr, 29 déc. 2016 FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES Institut d’études judiciaires 1

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Préparation à l’épreuve de Note de synthèse

Responsable : Sylvain Chatry, maître de conférences

A partir des documents suivants, vous rédigerez une note de synthèse sur « La réforme de la justice du XXIe siècle »

- Document 1 : Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice

du XXIe siècle

- Document 2 : Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-14218, publié

- Document 3 : X. Berne, Loi Numérique : la mise en Open Data des décisions de

justice prendra « plusieurs années », numerama.fr, 29 déc. 2016

- Document 4 : Pr. L. Cadiet, La loi « J21 » et la Cour de cassation : la réforme avant

la réforme ?, Procédures 2017, n° 2, étude 3

- Document 5 : T. Tuot, conseiller d’Etat, Statut des juges administratifs : une étape de

plus dans l'autonomie, AJDA 2017, p. 53

- Document 6 : Pr. F. Chénedé, Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation, D.

2016, p. 796

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Institut d’études judiciaires

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- Document 7 : B. Rolland, maître de conférences, Justice du XXIe siècle : précisions

relatives au statut, à la formation, à la déontologie et aux règles disciplinaires des juges

des tribunaux de commerce, Procédures n° 2, Février 2017, étude 15

- Document 8 : Pr. C. Nourissat, Pour une motivation explicite des arrêts de la Cour de

cassation : ite missa est !, Procédures n° 6, Juin 2016, repère 6

- Document 9 : Circulaire du 30 novembre 2016 – JUSB1631387C, Bulletin Officiel du

Ministère de la Justice n°2016-11

- Document 10 : Pr E. Dreyer, Le filtrage des pourvois ou la tentation pour la Cour de

cassation d’agir en cour suprême, Gaz. Pal. 2015, n°163-164, p. 6

- Document 11 : Communiqué de presse du Garde des sceaux, Justice du 21e siècle :

adoption du PL de modernisation, 12 oct. 2016

- Document 12 : Portalis : un premier cap franchi avec le lancement du site justice.fr

par le Garde des Sceaux, 13 avril 2016, http://secteur-public.sia-partners.com

- Document 13 : Pr A. Bugada, La loi Macron et les prud'hommes : une (r)évolution,

Procédures n° 11, Novembre 2015, alerte 49

- Document 14 : Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

- Document 15 : J. Urvoas, Lettre du garde des Sceaux à un futur ministre de la justice

– Partageons une ambition pour la justice, 18 avril 2017, introduction, Dalloz

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Document 1 : Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

Titre Ier : RAPPROCHER LA JUSTICE DU CITOYEN

Chapitre Ier : Renforcer la politique d'accès au droitArticle 1 En savoir plus sur cet article...

I.-Le livre Ier du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié : 1° L'article L. 111-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-2.-Le service public de la justice concourt à l'accès au droit et assure un égal accès à la justice. « Sa gratuité est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement. » ;

2° A l'article L. 111-4, à la fin du premier alinéa de l'article L. 141-1 et à l'intitulé du titre IV, les mots : « service de la justice » sont remplacés par les mots : « service public de la justice ». II.-La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée : 1° L'article 54 est ainsi modifié : a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Il participe à la mise en œuvre d'une politique locale de résolution amiable des différends. » ; b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Il peut développer des actions communes avec d'autres conseils départementaux de l'accès au droit. » ; 2° L'article 55 est ainsi modifié : a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « de représentants » ; b) Il est rétabli un 8° ainsi rédigé : « 8° A Paris, de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; » c) Le 9° est ainsi rédigé : « 9° D'une ou de plusieurs associations œuvrant dans le domaine de l'accès au droit, de l'aide aux victimes, de la conciliation ou de la médiation, désignée conjointement par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, par le procureur de la République près ce tribunal et par les membres mentionnés aux 2° à 8°, sur la proposition du représentant de l'Etat dans le département. » ; d) Le 10° est abrogé ; e) Les treizième et avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés : « Le conseil départemental de l'accès au droit est présidé par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le procureur de la République près ce tribunal en assure la vice-présidence. « Un magistrat du siège ou du parquet de la cour d'appel chargé de la politique associative, de l'accès au droit et de l'aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège le conseil départemental de l'accès au droit et par le procureur général près cette cour, exerce la fonction de commissaire du Gouvernement. » ; f) A la fin du dernier alinéa, la référence : « 10° » est remplacée par la référence : « 9° » ; 3° L'article 69-7 est ainsi modifié : a) Le premier alinéa est complété par le mot : « représentants » ; b) Au début des 1°, 2°, 4°, 5° et 6°, il est ajouté le mot : « De » ; c) Au début du 3°, le mot : « Le » est remplacé par le mot : « Du » ;

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d) Au début du 7°, les mots : « Un représentant des » sont remplacés par le mot : « Des » ; e) Le 8° est ainsi rédigé : « 8° D'une ou de plusieurs associations œuvrant dans le domaine de l'accès au droit, de l'aide aux victimes, de la conciliation ou de la médiation, désignée conjointement par le président du tribunal de première instance, par le procureur de la République près ce tribunal et par les membres mentionnés aux 3° à 7°, sur la proposition du haut-commissaire. » ; f) Les onzième et avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés : « Le conseil de l'accès au droit est présidé par le président du tribunal de première instance, qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le procureur de la République près ce tribunal en assure la vice-présidence. « Un magistrat du siège ou du parquet de la cour d'appel chargé de la politique associative, de l'accès au droit et de l'aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président de la cour d'appel et par le procureur général près cette cour, exerce la fonction de commissaire du Gouvernement. »Chapitre II : Faciliter l'accès à la justiceArticle 2 En savoir plus sur cet article...

I.-Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'organisation judiciaire est complété par un article L. 123-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-3.-Il est institué un service d'accueil unique du justiciable dont la compétence s'étend au delà de celle de la juridiction où il est implanté. Le service informe les personnes sur les procédures qui les concernent et reçoit de leur part des actes afférents à ces procédures. »

II.-L'article 48-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié : 1° Le dixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont également directement accessibles aux agents de greffe du service d'accueil unique du justiciable prévu à l'article L. 123-3 du code de l'organisation judiciaire, pour les seuls besoins de fonctionnement de ce service, sous réserve que ces agents aient été habilités à cette fin dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. » ; 2° Au onzième alinéa, après la référence : « 706-108 », sont insérés les mots : « du présent code ». III.-Le dernier alinéa de l'article 13 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée est ainsi modifié : 1° Aux première et deuxième phrases, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « déposer ou » ; 2° La première phrase est complétée par les mots : « ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, auprès d'un agent de greffe d'une juridiction de l'ordre judiciaire ».

Document 2 : Cass. com. 22 mars 2016, n° 14-14218, publié

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. X..., Y... et Z... que sur le pourvoi incident relevé par M. A... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 janvier 2014), que MM. X..., Y... et Z..., qui sont les associés fondateurs de la société Tleta devenue la société Atir rail (la société), ont souhaité obtenir la participation de M. A... à leur projet de développement de la société ; que le 14 février 2003, ils ont conclu avec M. A... un "accord-

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cadre", aux termes duquel MM. X..., Z... et Y... s'engageaient chacun à céder à celui-ci 5 % du capital de la société "pour le prix forfaitaire et symbolique de 500 euros", cependant qu'"en contrepartie de la cession au prix d'acquisition symbolique précité", M. A... s'engageait à "mettre au service de la société en qualité de directeur commercial sa connaissance du marché ainsi que son industrie, pendant une durée minimum de cinq années" ; que le 5 mars 2003, trois actes de cession de parts sociales ont été signés conformément à l'accord-cadre ; que le 31 mars 2003, la société a engagé M. A... en qualité de directeur commercial ; que par acte du 17 mars 2010, MM. X..., Y... et Z... ont assigné ce dernier, à titre principal, en nullité des cessions de parts pour indétermination du prix, à défaut, pour vileté du prix et, à titre subsidiaire, en résolution des cessions du fait de sa défaillance dans l'exécution de ses obligations ; que M. A... a soulevé la prescription de l'action en nullité et, reconventionnellement, a réclamé le paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Attendu que MM. X..., Y... et Z... font grief à l'arrêt de dire prescrite l'action en nullité des actes de cession de parts alors, selon le moyen, que la vente consentie sans prix ou sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel du contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription de droit commun qui était, à l'époque de l'acte litigieux, trentenaire ; que pour déclarer l'action en nullité pour indétermination du prix prescrite, la cour d'appel a retenu que l'action pour indétermination du prix constituait une action en nullité relative visant à la protection des intérêts privés du cocontractant et se prescrivant par cinq ans ; que ce faisant, elle a violé l'article 1591 et l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

Attendu que la Cour de cassation jugeait depuis longtemps que la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue (1re Civ., 24 mars 1993, n° 90-21.462) ; que la solution était affirmée en ces termes par la chambre commerciale, financière et économique : "la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun" (Com., 23 octobre 2007, n° 06-13.979, Bull. n° 226) ;

Attendu que cette solution a toutefois été abandonnée par la troisième chambre civile de cette Cour, qui a récemment jugé "qu'un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause et que cette nullité, fondée sur l'intérêt privé du vendeur, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq ans" (3e Civ., 24 octobre 2012, n° 11-21.980) ; que pour sa part, la première chambre civile énonce que la nullité d'un contrat pour défaut de cause, protectrice du seul intérêt particulier de l'un des cocontractants, est une nullité relative (1re Civ., 29 septembre 2004, n° 03-10.766, Bull. n° 216) ;

Attendu qu'il y a lieu d'adopter la même position ; qu'en effet, c'est non pas en fonction de l'existence ou de l'absence d'un élément essentiel du contrat au jour de sa formation, mais au regard de la nature de l'intérêt, privé ou général, protégé par la règle transgressée qu'il convient de déterminer le régime de nullité applicable ;

Attendu qu'en l'espèce, l'action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tendait qu'à la protection des intérêts privés des cédants ;

Attendu que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que cette action, qui relève du régime des actions en nullité relative, se prescrit par cinq ans par application de l'article 1304 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

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Document 3 : X. Berne, Loi Numérique : la mise en Open Data des décisions de justice prendra « plusieurs années », numerama.fr, 29 déc. 2016

La mise en ligne de l’ensemble des décisions de justice rendues quotidiennement en France, prévue par la récente loi Numérique, n’est pas pour demain. Selon la Chancellerie, ce mouvement prendra même « plusieurs années ».

En vertu des articles 20 et 21 de la « loi Lemaire », les jugements rendus par les juridictions – civiles comme administratives – ont vocation à être « mis à la disposition du public à titre gratuit », en Open Data. Et ce qu’ils soient ou non définitifs.

Autant dire que cette réforme est attendue de pied ferme par les juristes, qui ne peuvent actuellement profiter que d’une sélection de décisions (notamment de la Cour de cassation), publiées par l’intermédiaire du site Légifrance.

Des publications soumises à des « analyses de risque de ré-identification »

Deux décrets en Conseil d'État sont toutefois attendus pour fixer les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions – un premier pour les jurisprudences relevant du judiciaire, le second pour l’administratif. Ces textes devraient être particulièrement importants, puisqu’ils préciseront notamment l’une des conditions posées par le législateur pour cet effort d’ouverture : que chaque publication soit « précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes ».

Si l’objectif peut paraître légitime (éviter que le nom d’une personne concernée ou citée dans une affaire ne se retrouve jetée en pâture sur le Net), l’instauration d’une telle contrainte technique fut vivement critiquée par la secrétaire d’État au Numérique, Axelle Lemaire, lors des débats au Sénat. « Imposer une analyse du risque à chaque fois reviendrait en pratique à empêcher l'Open Data », avait-elle prévenu.

En commission mixte paritaire, le rapporteur Frassa avait ainsi tenu à rassurer : « L’analyse de risque ne se fera pas au cas par cas, mais constituera un canevas à prendre en compte pour la mise en ligne des décisions de justice. »

Un groupe de travail lancé, des décrets qui pourraient paraître avant avril

Mais près de trois mois après l’entrée en vigueur de la loi Numérique, où en est l’exécutif ? Le site du gouvernement indique que le processus de mise en œuvre de cette réforme « est lancé dans le cadre d’un groupe de travail réunissant les parties prenantes : services judiciaires, Légifrance, Cour de cassation, Conseil constitutionnel/Conseil d’État, CNIL ».

Interrogé par nos soins, le cabinet d’Axelle Lemaire nous répondait en octobre dernier que les décrets, nourris des travaux de ce groupe de travail, avaient « vocation à sortir au 1er trimestre 2017 ».

Un mouvement qui sera « progressif »

En charge de ce dossier, le ministère de la Justice vient de nous donner de plus amples précisions. Un décret en Conseil d'État est en cours de rédaction pour fixer « le périmètre de l'Open Data ». Il s’agira en ce sens de préciser « les décisions de justice susceptibles de faire l'objet d'une diffusion (...) et, dans les décisions diffusées, la nature des informations devant

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faire l'objet d'une anonymisation ». Enfin, il se penchera bien entendu sur « les modalités de mise en œuvre de la prévention du risque de ré-identification des personnes ».

Ce texte renverra cependant à des arrêtés le soin de « déterminer le calendrier de mise en œuvre de l'Open Data, en tenant compte des contraintes techniques et du calendrier d’évolution des systèmes d’information judiciaires ». Au regard des difficultés identifiées par la Chancellerie, celle-ci prévient que la mise à disposition des décisions de justice ne pourra « qu’être progressi[ve] et sur plusieurs années »...

Vers une intégration automatique des nouvelles décisions

Le premier « enjeu technique », expliquent les services du Garde des sceaux, consiste à « enrichir la base de données tenue par le service de documentation de la Cour de cassation en y intégrant progressivement et de façon automatisée l’ensemble des décisions prononcées ».

Le scénario envisagé ? « Les décisions rendues par les juridictions d'appel seraient les premières à être intégrées au processus d'Open Data. En matière civile, les arrêts des cours seraient intégrés grâce à la base de données « Jurica », actuellement existante à la Cour de cassation. En matière pénale, le déploiement de Cassiopée dans les cours d'appel permettrait d'intégrer les arrêts rendus en matière pénale moyennant le développement d'un applicatif adapté. Les décisions de première instance seraient intégrées à la base de données dans un second temps. »

Le défi de l'anonymisation

La seconde difficulté porte sur le processus d’anonymisation des décisions. Celui-ci est actuellement délégué à la Direction de l’information légale et administrative (DILA). « Un projet d’acquisition d’une solution d’anonymisation a été engagé par la Cour de cassation qui vient de confier une expérimentation d'anonymisation à un organisme de recherche », indique-t-on à la Chancellerie. « La Cour de cassation devrait être en mesure d’internaliser cette tâche d'anonymisation au cours de l'année 2017. »

Bref, les pouvoirs publics semblent avoir encore de longs mois de travail devant eux... Le ministère de la Justice laisse toutefois entendre qu’il a bien avancé puisqu’il est prévu de saisir la CNIL pour avis sur ce projet de décret « très prochainement ».

Document 4 : Pr. L. Cadiet, La loi « J21 » et la Cour de cassation : la réforme avant la réforme ?, Procédures 2017, n° 2, étude 3

Alors qu'une réflexion est en cours, au sein de la Cour de cassation, sur les réformes dont cette juridiction pourrait être l'objet afin d'en moderniser l'organisation et le fonctionnement, la loi du 18 novembre 2016 contient plusieurs dispositions, remarquables, précisant le rôle du parquet général, consacrant la possibilité de recourir à l'amicus curiae, élargissant la faculté offerte à la Cour de cassation de statuer au fond après cassation, attribuant la connaissance des saisines pour avis aux chambres ordinaires de la Cour et, last but not least, introduisant la procédure de réexamen des décisions civiles définitives rendues en matière d'état des personnes afin de remédier à la violation de la Convention européenne des droits de l'homme constatée par la Cour européenne des droits de l'homme.1. - Dès le lendemain de sa nomination à la première présidence de la Cour de cassation, M. Bertrand Louvel, accompagné dans cette voie par le procureur général de la Cour de

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cassation, M. Jean-Claude Marin, a engagé une réflexion sur la réforme de la Cour de cassation Note 1 . Une commission a été installée à cet effet, chapeautant différents groupes de travail coordonnés par le directeur du service de documentation, des études et du rapport, M. Jean-Paul Jean, président de chambre Note 2 . Dans l'attente des résultats définitifs de cette réflexion, MM. Louvel et Marin, saisissant l'occasion des débats parlementaires en cours sur le projet de loi sur la justice du XXIe siècle, qui ne comportait aucune disposition relative à la Cour de cassation, avaient pris l'initiative de quelques propositions d'amendements à l'occasion de leur audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 6 avril 2016. Certains de ces amendements ont été retenus, d'autres ont été repoussés Note 3 . D'autres amendements intéressant la Cour de cassation avaient également été déposés à l'initiative du Gouvernement, avant d'être fort heureusement retirés dans la mesure où ils entraient directement en conflit avec la réflexion en cours au sein de la Cour de cassation Note 4 . En définitive, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle contient cinq articles Note 5 relatifs à la procédure devant la Cour de cassation Note 6 . Ces articles forment un chapitre IV du titre III de la loi, consacré à « l'amélioration de l'organisation et du fonctionnement du service public de la justice ». Ces articles intéressent à la fois la procédure ordinaire (1) et quelques procédures spéciales (2) dont peut connaître la Cour de cassation.1. La procédure ordinaire2. - À la suite d'amendements déposés par le Gouvernement Note 7 , la loi nouvelle introduit quelques modifications intéressant l'examen du pourvoi en cassation (A) et son issue (B).A. - L'examen du pourvoi3. - Le régime de l'examen du pourvoi fait l'objet de deux articles dont l'intérêt diffère. L'article 40 complète l'article L. 432-1 du Code de l'organisation judiciaire, qui définit le rôle du parquet général près la Cour de cassation, d'un nouvel alinéa (alinéa 3) précisant que le procureur général « rend des avis dans l'intérêt de la loi et du bien commun. Il éclaire la cour sur la portée de la décision à intervenir ». Introduit par voie d'amendement du Gouvernement, cette disposition a été conçue pour clarifier le rôle du parquet général près la Cour de cassation, brouillé depuis les arrêts Reinhard et Slimane-Kaïd de la Cour européenne des droits de l'homme Note 8 . Il est vrai que le statut du parquet général près la Cour de cassation n'est pas sans ambiguïté. D'abord, il n'est pas un parquet au sens technique du terme dès lors que les avocats généraux à la Cour de cassation n'exercent pas l'action publique et n'ont pas vocation à porter une quelconque accusation. Pour autant, si la Cour de cassation « se compose » de magistrats du parquet à côté de magistrats du siège et de greffiers (COJ, art. R. 421-1), le procureur général, les premiers avocats généraux, les avocats généraux et les avocats généraux référendaires, à la différence du rapporteur public au Conseil d'État, ne sont pas « un membre de la juridiction » (CJA, art. L. 7). Ils sont, au regard des catégories procédurales, la partie jointe au sens de l'article 424 du Code de procédure civile (CPC), chargée de « faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication ». À proprement parler, le nouvel alinéa 3 de l'article L. 432-1 ne dit rien d'autre. C'est le principal objet de cette modification, qui risque cependant de remplacer une équivoque par une autre en ajoutant que l'avis rendu par le procureur général ne l'est pas seulement dans l'intérêt de la loi, mais aussi dans l'intérêt du « bien commun » (bien « public » était-il prévu dans une autre version). Cet ajout laisse perplexe quand on sait le caractère éminemment polysémique de la notion de bien commun dont on ne voit pas bien, ici, ce qu'elle apporte positivement à l'intérêt de la loi, sauf à y voir, pour éviter une répétition, une autre manière de nommer l'intérêt général, ce qu'est précisément l'intérêt de la loi, expression de la volonté générale. Il serait bien hasardeux, à ce stade, d'aller au-delà et de lire, dans la référence au bien commun, une transformation du rôle même du parquet général de la Cour de cassation lui permettant de se déterminer selon d'autres considérations que l'intérêt de la loi Note

9 . Plus utilement, le nouvel alinéa 3 de l'article L. 432-1 précise que le procureur général 8

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« éclaire la cour sur la portée de la décision à intervenir », ce qui peut être interprété comme pouvant fonder la possibilité, pour la Cour de cassation, de recourir à des études d'incidence, ou d'impact, pour l'éclairer sur les conséquences éventuelles de la solution qu'elle est susceptible de retenir. Ces études sont dans la vocation naturelle du parquet général de la Cour de cassation ; elles peuvent être particulièrement utiles lorsque le pourvoi en cassation soulève une question dont la solution peut avoir des effets au-delà du seul cas d'espèce, des effets que l'on pourrait qualifier de systémiques.4. - La deuxième innovation nous paraît également utile ; elle était nécessaire pour inscrire dans la loi la pratique de l'amicus curiae, inaugurée dès le début des années 1990 devant la Cour de cassation Note 10 . Directement inspiré de l'article R. 625-3 du Code de justice administrative, l'article 39 insère dans le Code de l'organisation judiciaire un nouvel article L. 431-3-1 aux termes duquel : « Lors de l'examen du pourvoi, la Cour de cassation peut inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine ». Ce n'est pas là l'introduction, dans le code, d'une base légale aux études d'incidence, ou d'impact Note 11 , qui relèvent plutôt de la mission du parquet général Note 12 , mais la consécration d'une forme particulière de mesure d'instruction devant la Cour de cassation : il s'agit de l'éclairer « sur la solution » elle-même, et non pas sur ses conséquences éventuelles ; c'est du reste bien ainsi que la mesure homologue est présentée devant le Conseil d'État Note 13 .B. - L'issue du pourvoi5. - À la suite d'un amendement du Gouvernement Note 14 , l'article 38 de la loi modifie la rédaction de l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire Note 15 . Cet article règle le sort donné au pourvoi en cassation. L'alinéa 1 dispose que la Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond. Cette disposition demeure inchangée. L'alinéa 2 disposait, quant à lui, que la Cour de cassation « peut aussi, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appropriée ». La règle était traditionnelle Note 16 , d'abord issue de la pratique de la Cour de cassation, avant d'être consacrée par la loi, en 1967 pour l'assemblée plénière Note 17 , puis en 1979 pour l'ensemble des formations de la Cour Note 18 . La loi nouvelle la maintient en l'état en matière pénale (nouvel alinéa 3), mais elle la modifie en matière civile, la faculté offerte à la Cour de cassation de mettre fin au litige, « de statuer au fond » comme il est désormais écrit dans le code, étant justifiée plus largement par « l'intérêt d'une bonne administration de la justice » (nouvel alinéa 2). Il s'agit « de ne pas prolonger inutilement le litige et d'y mettre fin dans des cas où le renvoi à la juridiction ayant prononcé la décision cassée n'est pas opportun » Note 19 .6. - Cet élargissement de la possibilité de régler définitivement le litige, plutôt que la généralisation de la cassation sans renvoi, avait déjà été envisagé avant que le processus de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation ne soit lancé. Il était né d'une comparaison entre le Conseil d'État et la Cour de cassation dans leur office de juge de cassation Note 20 . Le nouvel article L. 411-3, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire est d'ailleurs directement inspiré de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative. Pourtant, ce changement a été fraichement reçu Note 21 . Sans doute, il peut susciter quelque réserve. L'inquiétude a notamment été exprimée que cette modification marquerait la fin d'un système, celui du tribunal de cassation gardien de la loi Note 22 , ce que, en vérité, il n'est pas seulement, et depuis très longtemps. Il n'y a pas lieu de « céder au catastrophisme » Note 23 . Il faudra cependant que la Cour de cassation fasse preuve de mesure dans l'usage de son pouvoir élargi de régler ainsi directement et définitivement l'affaire au fond. Le risque est que la Cour de cassation se fasse ainsi juge du fond, ce qu'elle n'a jamais été au sens plein du terme, à la différence du Conseil d'État, qui peut l'être comme juge de première instance ou juge d'appel et qui, à cet effet,

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dispose de l'entier dossier de la procédure. Si l'on n'y prend garde, cette faculté pourrait s'avérer déstabilisante pour certains de ses acteurs, singulièrement pour les avocats aux conseils. Il n'aurait pas été inutile d'en circonscrire plus étroitement le domaine en distinguant selon que l'affaire avait fait l'objet ou non d'un double examen devant les juridictions du fond, selon qu'elle relevait d'une procédure avec ou sans représentation obligatoire. Une autre option aurait consisté à renforcer plutôt l'autorité des arrêts de cassation en étendant l'actuelle disposition de l'article L. 431-4, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire Note 24 à tous les arrêts de cassation avec renvoi. Cette solution n'interdit pas le phénomène des divergences de jurisprudence qui sont un facteur positif de développement du droit, dans la mesure où l'autorité alors imposée à la juridiction de renvoi ne l'est qu'en l'espèce soumise à la Cour de cassation, et non pas à l'égard des autres juridictions à la faveur des nouvelles affaires dont elles pourraient être saisies.2. Procédures spéciales7. - En dehors de la procédure ordinaire, la loi du 18 novembre 2016 aménage également la procédure de saisine pour avis (A) et crée une nouvelle procédure de réexamen d'une décision civile définitive (B).A. - Saisine pour avis8. - L'article 41 de la loi procède à un aménagement pragmatique de la procédure de saisine pour avis, sur amendement à l'initiative du Gouvernement Note 25 . Les conditions de cette procédure ne sont pas modifiées (COJ, art. L. 441-1, nouveau) ; la modification porte simplement sur la suppression de la formation particulière qui pouvait jusque-là en connaître, dont la composition, plus ou moins calquée sur celle de l'assemblée plénière, différait selon que l'avis intéressait le contentieux civil ou le contentieux pénal Note 26 . La procédure de saisine pour avis étant entrée dans les mœurs et ne soulevant plus de difficultés majeures, la réunion de cette formation solennelle ne se justifiait plus, outre que sa lourdeur ne lui permettait pas d'atteindre pleinement ses objectifs d'unification rapide de la jurisprudence sur des questions de droit nouvelles. La solution nouvelle prévient aussi, comme cela avait pu se produire, le risque de discordance entre avis et arrêts Note 27 . La loi nouvelle procède donc à sa normalisation en prévoyant que la demande d'avis sera désormais portée devant la chambre compétente de la Cour, comme le sont les pourvois, sauf à la porter devant une formation mixte, si elle relève normalement des attributions de plusieurs chambres, ou une formation plénière, lorsqu'elle pose une question de principe (COJ, art. L. 441-2, nouveau). Le renvoi devant une formation mixte ou plénière pour avis, qui est de droit lorsque le procureur général le requiert, est décidé soit par ordonnance non motivée du premier président, soit par décision non motivée de la chambre saisie (COJ, art. L. 441-2-1, nouveau).B. - Réexamen en matière civile9. - Un mot seulement de cette innovation, qui était inévitable 15 ans après que la procédure de réexamen des décisions pénales définitives ait été introduite en droit français Note 28 , sur le fondement d'une recommandation du Conseil de l'Europe en complément de l'article 41 de la Convention européenne des droits de l'homme Note 29 . Une intervention législative était nécessaire à cet effet Note 30 . C'est l'objet de l'article 42 de la loi « J21 » Note 31 , à la suite d'un amendement déposé à l'initiative des rapporteurs de la loi en commission des lois de l'Assemblée nationale, « après un avis de sagesse du Gouvernement » Note 32 . Je renvoie à la présentation qu'en fait Mélina Douchy-Oudot Note 33 car cette procédure de réexamen ne concerne pas la matière civile dans son ensemble, mais seulement les décisions civiles définitives rendues en matière d'état des personnes (COJ, art. L. 452-1 à L. 452-6). Trois observations suffiront ici. La première est que ce réexamen est confié à une cour de réexamen, composée de treize magistrats de la Cour de cassation, dont le doyen des présidents de chambre, qui la préside (COJ, art. L. 452-3), le parquet général près la Cour de cassation assurant les fonctions du ministère public devant cette formation de jugement (COJ, art. L. 452-4). La deuxième est que le président de la cour de réexamen a le pouvoir de rejeter

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une demande manifestement irrecevable par ordonnance motivée insusceptible de recours, ce qui marque, d'une certaine manière, l'introduction notable, et peut-être reproductible, du juge unique au stade de la juridiction suprême (COJ, art. L. 452-4). La troisième est que si la cour estime la demande fondée, elle annule la décision querellée et renvoie le requérant, soit devant une juridiction de même ordre et de même degré, autre que celle qui a rendu la décision annulée, soit devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation si le réexamen du pourvoi du requérant est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l'homme (COJ, art. L. 452-6). Un certain nombre des dispositions nouvelles issues de la loi du 18 novembre 2016 est appelé à être complété par voie réglementaire.

Document 5 : T. Tuot, conseiller d’Etat, Statut des juges administratifs : une étape de plus dans l'autonomie, AJDA 2017, p. 53

L'essentielLes ordonnances du 13 octobre 2016 constituent une nouvelle étape dans l'autonomisation du statut des magistrats administratifs et des membres du Conseil d'Etat au regard du statut général de la fonction publique. Visant à garantir leur indépendance, la réforme renforce le rôle du conseil supérieur des TA-CAA et de la commission supérieure du Conseil d'Etat. Ces organes de concertation deviennent notamment des organes disciplinaires de plein exercice.

Ordonnances du 13 octobre 2016 n° 2016-1365 portant dispositions statutaires concernant le Conseil d'Etat et n° 2016-1366 portant dispositions statutaires concernant les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (JO 14 octobre 2016, textes nos 25 et 27)

L'analyse des deux importantes ordonnances du 13 octobre 2016 modifiant le code de justice administrative (CJA), et concernant respectivement le statut des membres du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (TA-CAA) et des membres du Conseil d'Etat, donne l'occasion, en exposant leur contenu, de les situer dans l'évolution constante de ces deux corps depuis une trentaine d'années.

Il est intéressant, pour comprendre l'ampleur des progrès accomplis, de se reporter trente ans en arrière. Les textes qui régissaient alors de façon spécifique le statut des conseillers d'Etat et celui des autres magistrats administratifs étaient d'une singulière brièveté. Le rôle institutionnel du Conseil d'Etat, comme son histoire, les exigences implicites d'une éthique en filigrane, paraissaient exclure qu'on put avoir besoin de tout l'appareil administratif de gestion des corps de fonctionnaires, relatif par exemple à la discipline, à la concertation, ou à la formation. Quant au corps des TA d'alors, l'embryon de statut qui le gouvernait était la conséquence de l'évolution de la croissance de l'organisation plus qu'il n'était pensé en tant que tel au regard des spécificités du métier de magistrat administratif. Les deux statuts n'étaient gérés que comme des variétés de statuts de fonctionnaires, comme le rappelaient ce qui demeure l'article L. 231-1 du CJA (qui prévoit que « les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont des magistrats dont le statut est régi par le présent livre et, pour autant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat ») ainsi que des dispositions analogues pour le Conseil d'Etat (art. L. 131-1).

L'histoire de la période récente est donc celle de l'émergence progressive de dispositions statutaires s'enrichissant au fur et à mesure, au gré du déploiement de la vision des

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gestionnaires de ces corps, de l'expression des attentes de leurs membres, et de la prise en compte de la double exigence conventionnelle et constitutionnelle de garanties, qui ont peu à peu transformé un original, quoiqu'un peu daté, système français en un statut de juridiction, toujours en cours d'évolution et désormais conforme aux standards attendus en Europe et en France.

L'ombre portée de choix stratégiques est à nouveau visible dans les dispositions récemment adoptées. Le Conseil d'Etat demeure porteur d'une histoire pluriséculaire et d'un rôle institutionnel qui dépassent de beaucoup ses membres transitoires : faut-il tirer son statut, au risque de la banalisation, vers les exigences partagées de la fonction publique, ou demeurer dans une expression hiératique et particulariste, au risque cette fois-ci d'ignorer des droits ou de s'isoler du mouvement de la société ? Tribunaux, cours, et Conseil partagent le métier de juge, mais le rôle du dernier n'est pas le même, sa composition et ses compétences en témoignent : quels éléments communs partager, quelle particularité maintenir, quelle articulation trouver ? Magistrats administratifs et membres du Conseil d'Etat demeurent des fonctionnaires : leur statut doit-il prendre le pas pour s'adapter d'abord à leur métier de juge, ou n'être que supplétif du statut général ? Le métier de juger étant par ses exigences et les protections qu'il appelle essentiellement le même, faut-il rechercher la convergence avec le statut de la magistrature judiciaire ou maintenir au contraire les particularités inhérentes à la juridiction administrative ?

Ces questions sont largement rhétoriques, et aident à comprendre les choix plus qu'elles ne les inspirent. La réalité de la vie des juridictions impose des évolutions ou des avancées qu'on peut lire au prisme de ses interrogations, sans qu'il paraisse jamais nécessaire de donner des réponses définitives et catégoriques dont l'apparente rationalité mutilerait la richesse d'une organisation : l'histoire en reflète aussi les accidents, parfois les incohérences, mais surtout la fécondité.

I - Les organes de concertation renouvelésLa première évolution d'ampleur porte sur les organes de concertation et illustre une communauté d'inspiration mais aussi de significatives différences fonctionnelles.

La commission consultative du Conseil d'Etat voit sa composition enrichie sur le modèle du conseil supérieur. Composée désormais de l'ensemble des présidents de section et de membres directement élus représentant les différents grades (illustration de la difficulté qu'il y aurait à transposer les modes d'élection d'un comité technique de droit commun, reposant sur le monopole syndical pour la désignation des représentants des agents), elle est complétée par trois personnalités qualifiées, choisies « pour leurs compétences dans le domaine du droit » et désignées par le triptyque Président de la République/président de l'Assemblée nationale/président du Sénat, formule qui devrait permettre de ne pas s'en tenir aux praticiens du droit, et de recourir à des profils plus originaux : journalistes, médecins... pourvu que leur activité professionnelle soit impliquée dans le domaine juridique. Cette ouverture, qui existait déjà dans le corps des TA-CAA, est particulièrement bienvenue, en ce qu'elle met fin au risque d'un entre soi, toujours mortifère.

La compétence de cette commission est étendue, d'abord sur le plan disciplinaire (art. L. 132-2, dernier alinéa), ce qui explique, comme on le verra en analysant cette compétence, le changement de nom en commission supérieure et non plus seulement consultative, mais aussi quant au domaine de consultation qui, entièrement facultative auparavant, s'élargit à des obligations plus significatives (art. L. 132-2). Le choix est ainsi fait de s'éloigner définitivement du droit commun des articles 14 et 15 de la loi du 11 janvier 1984 gouvernant

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le statut général des fonctionnaires de l'Etat. En application de l'article L. 131-1 du CJA, l'affirmation des compétences de cette nouvelle commission supérieure déroge au droit commun et se substitue, la commission exerçant à la fois les fonctions relevant dans le statut général d'une commission administrative paritaire et d'un comité technique.

L'évolution est encore plus significative pour le conseil supérieur des TA-CAA. Sa composition n'évolue que marginalement (le représentant du directeur général de l'administration de la fonction publique est remplacé par un président de TA en fonction, présence nécessaire dès lors que l'élection des représentants depuis de nombreuses années n'aboutit plus à l'élection de présidents), mais sa compétence est singulièrement renforcée, non point tant pour ce qui concerne sa fonction consultative que pour l'avancement et la discipline. Là où le conseil supérieur se bornait à des propositions adressées au garde des sceaux, il devient désormais l'autorité qui prononce les sanctions et acquiert de ce fait, dans cette fonction, un caractère juridictionnel (art. L. 232-2). Les garanties dont bénéficient ainsi les magistrats sont très singulièrement renforcées et le conseil supérieur s'apparente, toutes choses égales par ailleurs, de plus en plus à un Conseil supérieur de la magistrature propre au corps des tribunaux et des cours. Par ailleurs, comme pour la commission supérieure, les mandats ne sont renouvelables qu'une fois.

II - De nouvelles garanties disciplinairesLa deuxième évolution d'ampleur concerne précisément la discipline. Là aussi, les deux statuts s'éloignent du droit commun pour renforcer les garanties propres à l'exercice du métier de juge. Là s'arrête pourtant la convergence, car les auteurs des deux ordonnances ont maintenu des spécificités, propres à chacun des corps et, dans les deux cas, qui les distinguent de la magistrature judiciaire.

Spécificités qui s'observent, en premier lieu, dans l'échelle des peines. On ne pourra manquer de saluer dans les deux cas son extension avec des adaptations aux fonctionnaires en mobilité au sein de juridictions, fonctionnaires détachés qui reçoivent ainsi les protections nécessaires à leur participation même temporaire à la fonction de juger (art. L. 236-2 pour les TA-CAA et art. L. 136-2 au Conseil d'Etat). Ensuite, l'échelle des peines des TA-CAA leur devient spécifique. Elle comporte ainsi au regard du droit commun des sanctions qu'il ignore (comme le retrait de certaines fonctions - par exemple celle de rapporteur public, la capacité à juger seul certaines affaires, ou des fonctions extérieures réservées à des magistrats administratifs), ou bien qui y sont plus douces (l'exclusion temporaire de fonctions du deuxième groupe de sanctions est de quinze jours au plus dans le droit commun, elle est ici de six mois). Elle se distingue aussi de celle, pourtant très proche, en vigueur pour les magistrats judiciaires : le déplacement d'office pour ces derniers est la sanction la plus douce du deuxième groupe, il devient ici - ce qu'on ne peut s'empêcher de trouver plus conforme à la réalité - la sanction la plus élevée du deuxième groupe, ce qu'explique aisément l'impact de la mesure pour des magistrats normalement inamovibles.

L'échelle des peines du Conseil d'Etat est beaucoup plus courte que celle des tribunaux et cours, et monte de ce fait aux extrêmes très rapidement ; on peut sans doute y voir la trace de la conception d'un corps aux effectifs modestes, et dont les responsabilités comme le rôle institutionnel appellent en cas de faute des sanctions sans nuance - on avertit puis on exclut, en quelque sorte, une plus grande progressivité risquant de transformer l'indulgence en complaisance.

Dans les deux cas, les sanctions les plus légères sont prononcées par le président de la commission supérieure ou du conseil supérieur (art. L. 136-4 et L. 236-4). Par nature, ces

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sanctions n'appellent pas le luxe procédural qui est désormais amplement décrit pour le conseil supérieur - conséquence découlant de son statut juridictionnel. L'intégralité des garanties constitutionnelles et conventionnelles est désormais gravée dans le marbre des garanties (caractère contradictoire de la procédure, faculté de se faire entendre et assister, instruction contradictoire par le rapporteur qui ne participe pas au vote, huis clos possible, vote sur les faits puis sur la sanction, le premier aboutissant à la relaxe en cas de partage...). Il ne fait aucun doute que la procédure devant la commission supérieure du Conseil d'Etat serait régie par les mêmes garanties, mais s'agissant d'une commission administrative et non d'une juridiction, elle ne nécessitait pas les mêmes détails législatifs. Curieux détail : on notera qu'en vertu de l'article L. 136-5, la commission supérieure siégeant en matière disciplinaire voit sa composition adaptée : d'une part, le vice-président et le président de la section du contentieux ne siègent pas, ce qui leur permet, le cas échéant, de présider les formations supérieures du Conseil d'Etat statuant au contentieux qui auraient à connaître de la sanction ; d'autre part, les membres du grade inférieur à celui de la personne poursuivie se retirent, - on n'est donc pas « jugé » que par ses pairs, mais par les élus de grade égal et supérieur. Il en résulte mécaniquement que dans l'hypothèse où une sanction serait demandée contre un président de section (on peut sourire de l'hypothèse, jusqu'au moment où on imagine comment le régime bonapartiste issu du coup d'Etat aurait pu poursuivre un président de section refusant de prêter serment à l'empereur), aucun représentant élu du corps ne siège pour connaître de son cas. On veut espérer, comme sans doute les auteurs en ont fait le calcul, qu'il n'y a là que vaine spéculation sur l'usage de ce mécanisme que la vertu des uns comme des autres rendra inutile.

Les décisions que rend le conseil supérieur en matière disciplinaire peuvent être contestées par la voie d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat. On opposait classiquement le caractère formel de ce recours comparé au contrôle plus serré du juge sur des sanctions dont il peut connaître par la voie du recours pour excès de pouvoir, mais cette opposition des deux types de contrôle est en pratique assez théorique - comme fort heureusement, l'usage de ces pouvoirs disciplinaires.

La publicité des sanctions est désormais possible, assortie ou non de la publication des motifs - affinement de l'arme que constitue la publicité qui peut être maniée avec discernement selon qu'il s'agit d'être démonstratif (de ce que la discipline règne) sans que nécessairement le détail de turpitudes soit donné en pâture (ce qui permet de prolonger le huis clos qu'il est possible d'ordonner pour une audience du conseil supérieur).

Une possibilité de suspension (art. L. 236-8 et L. 136-7) est désormais ouverte, tant au Conseil d'Etat que dans les tribunaux et cours, en cas de manquement grave, qui rend impossible le maintien en fonction du juge concerné. La suspension est d'une durée maximale de quatre mois, prononcée par le président de la commission ou du conseil ; elle vaut enclenchement automatique de la procédure disciplinaire. Ainsi, pure mesure conservatoire qui en raison même de sa nature et de l'urgence qui la régit, n'est assortie d'aucun contradictoire, elle ouvre dès son prononcé tous les droits, et d'abord celui d'accès au dossier, qu'affirme désormais de façon complète la procédure disciplinaire, à la personne concernée. Au surplus, la mesure ne peut être rendue publique, ce qui évite qu'elle soit présentée comme une condamnation reposant sur une culpabilité avérée alors que son seul but est de faire cesser un trouble à l'ordre public ou au bon fonctionnement de la juridiction résultant de la présence du juge concerné - sans qu'il y ait à ce stade d'autre certitude que celle du trouble et de son origine. Bien entendu, le juge suspendu peut, indépendamment de ses droits au cours de la procédure disciplinaire, saisir sans attendre le juge des référés, et le juge du fond, de la décision de suspension. Ce mécanisme combine donc la protection, prioritaire, du service

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public de la justice administrative, et celle, incontournable, des intérêts de la personne concernée. (...)

Document 6 : Pr. F. Chénedé, Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation, D. 2016, p. 796

L'essentielRestauration voilée du « jugement en équité », la consécration du « contrôle de proportionnalité » constituerait, non pas un progrès, mais une régression pour le droit français. Illégitime et dangereuse, cette réforme est faussement présentée par ses promoteurs comme une nécessité pour la survie et la suprématie de la Cour de cassation. Remettant en cause les principes fondateurs de notre système juridique (le jugement en droit et non en équité) et de notre démocratie politique (la prévalence de la délibération législative sur l'appréciation judiciaire), cette contre-révolution ne saurait être opérée sans l'aval des élus du Peuple.

1 - La réforme de la Cour de cassation retient actuellement et légitimement l'attention de la communauté des juristes. À la suite d'un auteurNote de bas de page(1), il convient néanmoins d'observer que le mot « réforme » n'est peut-être pas le plus approprié, puisque la Cour de cassation a déjà eu l'occasion d'amorcer cette révolution - non pas « tranquille »Note de bas de page(2), mais « copernicienne »Note de bas de page(3) - de son office, en délaissant son contrôle de légalité pour un contrôle dit « de proportionnalité », en reprochant aux juges du fond d'avoir, non pas violé, mais appliqué la loi au cas d'espèceNote de bas de page(4). Rendu le 4 décembre 2013 par sa première chambre civile, cet arrêt inaugural a déjà été présenté aux lecteurs de cette revue. Il n'est toutefois pas inutile d'y revenir brièvement tant il permet de saisir l'exacte portée de la réforme envisagée.

Les parties au litige avaient été unies par les liens du mariage, union dont était issue une enfant. Trois ans après leur divorce, l'ex-épouse s'était remariée avec le père de son ex-mari. Au décès de ce dernier, plus de vingt ans après la célébration de l'union, l'ex-époux sollicita son annulation. S'en tenant à la volonté claire et précise du législateur, la cour d'appel fit droit à sa demande : interdit par la loi (art. 161 c. civ.), le mariage entre le beau-père et son ex-belle-fille peut être attaqué dans un délai de trente ans à compter de sa célébration (art. 184 et 187 c. civ.). Mais, par un moyen relevé d'office, au visa de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la première chambre civile a censuré cette application de la loi, au motif que « le prononcé de la nullité du mariage » constituait « une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans ». Confirmé par le communiqué officiel, le sens de la décision ne fait aucun doute : les hauts magistrats n'ont pas voulu remettre en cause, de manière générale, la prohibition à mariage de l'article 161 du code civil, mais seulement en écarter l'application au cas d'espèce, en raison de ses effets sur la vie privée et familiale de l'épouse de plus de vingt ans.

Dans cette décision, et pour la première fois, les hauts magistrats se sont donc reconnu le pouvoir d'écarter la loi, au motif que son application au cas d'espèce serait trop dure pour l'une des parties. Le « bon juge Magnaud » était de retour... à ceci près qu'il avait quitté les bords de Marne pour ceux de Seine, le tribunal civil de Château-Thierry pour la Cour de cassation.

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2 - « Arrêt d'équité », ou, plus exactement, nous y reviendrons, « arrêt en équité », on aurait pu espérer que cette décision serait placée au rang des curiosités de la jurisprudence de la Cour de cassation. Une tout autre destinée lui a pourtant été offerte.

Depuis son installation à l'été 2014, le premier président Louvel présente, en effet, cette décision, non pas comme un égarement, une incartade, mais comme un modèle, un « arrêt véritablement refondateur » pour l'office de la haute juridiction judiciaireNote de bas de page(5). À son initiative, différents groupes de travail ont ainsi été mis en place pour « réfléchir à la conceptualisation de ce contrôle dit "de conventionalité" afin d'en fixer l'étendue et le niveau »Note de bas de page(6). Ce passage d'un strict contrôle de légalité à un authentique contrôle de « proportionnalité » est présenté comme l'origine et la raison d'être des autres évolutions envisagées qui n'en seraient que les « conséquences »Note de bas de page(7) : sélection des pourvois en amont ; ouverture pluridisciplinaire et enrichissement de la motivation des décisions ; amélioration de la communication en aval.

Seule cette révolution première nous retiendra dans le cadre de cette chronique, qui répond à l'invitation à participer à la réflexion collective sur « l'adaptation à notre temps de notre Cour de cassation »Note de bas de page(8). C'est donc en évitant les « faux débats incantatoires » et les « postures », mais avec franchise et conviction, que nous exprimerons, « sans langue de bois »Note de bas de page(9), nos craintes et réserves à l'égard d'une réforme qui nous apparaît moins comme un progrès que comme une régression. Il conviendra pour cela de dénoncer les trop nombreux non-dits, raccourcis et contre-vérités, qui font obstacle à la sincérité du débat en escamotant les questions fondamentales posées par la réforme, et notamment celle de sa légitimité.

3 - Cette tendance apparaît dès la présentation de l'objet de la discussion : il s'agirait d'autoriser la Cour de cassation à mettre en oeuvre un « contrôle de proportionnalité ». Ainsi formulée, la perspective n'apparaît ni révolutionnaire, ni inquiétante.

Pour minimiser l'ampleur de la réforme envisagée, ses partisans font ainsi observer que ce type de contrôle judiciaire n'est pas inconnu du droit français. Tel serait le cas, par exemple, du contrôle des clauses pénales, de la sanction des clauses abusives ou encore du contrôle de la conformité du contrat aux libertés fondamentales imposée par le droit spécial (ex. : art. L. 1121-1 c. trav.) ou le droit commun (art. 6 c. civ.). Tel serait surtout le cas des conciliations que le juge est amené à opérer entre des principes d'égale valeur : liberté d'information et droit à la vie privée, ou encore, comme l'a récemment rappelé la première chambre civile, droit à la preuve et droit au respect de la vie privéeNote de bas de page(10).

La comparaison de ces contrôles de proportionnalité lato sensu avec le contrôle de proportionnalité envisagé dans le cadre de la réforme est si grossière qu'il est difficile de croire à la parfaite bonne foi de ceux qui l'invoquent. Avec le contrôle des clauses pénales, abusives ou liberticides, il ne s'agit pas d'écarter la loi, mais d'en faire application en pourchassant les excès des contractants. Quant aux conciliations judiciaires précitées, elles n'interviennent, là encore, non pas contre la volonté du législateur, mais toujours à la demande ou dans le silence de celui-ci. Si leur mise en oeuvre peut être source d'incertitudes, tous ces contrôles ne posent aucune difficulté de principe. La situation est tout autre avec le « contrôle de proportionnalité » en débat, puisqu'il s'agit d'autoriser le juge - et plus exactement : pour le juge de s'autoriser - à écarter une loi claire et précise, dès lors qu'il estime que son application au cas d'espèce porterait excessivement atteinte aux droits et libertés de l'une des parties au litige. Cela n'a rien de commun avec les hypothèses précitées.

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Le premier président Louvel a, quant à lui, toujours décrit avec honnêteté les contours de cet office renouvelé, dont l'arrêt du 4 décembre 2013 serait le modèle : pouvoir « écarter l'application d'un texte de droit interne, normalement appelé à régir la situation d'après la logique légaliste, en raison de la disproportion de ses effets sur un droit fondamental dans les circonstances propres à l'espèce »Note de bas de page(11). Cette description est idéale : ce contrôle de proportionnalité n'est rien d'autre que la faculté offerte au juge d'écarter une loi s'il estime que son application est trop dure pour l'une des parties. En définitive, comme le reconnaît l'un des professeurs associés aux travaux de la Cour de cassation, le contrôle de proportionnalité dont il est ici question n'est qu'« une autre manière, contemporaine, de nommer le jugement d'équité »Note de bas de page(12). Telle est la réalité de la réforme envisagée. C'est elle qu'il convient de discuter.

4 - Commençons par observer qu'un tel « contrôle » est sans équivalent dans l'ordre juridique français. Là encore, il faut se garder des approximations trompeuses. Bien sûr, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont le pouvoir, comme la Cour de cassation, d'évincer une loi en raison de sa contrariété aux droits et libertés garantis par la Constitution ou la Convention européenne. Il n'est pas davantage douteux que cette censure puisse être prononcée en application du « principe de proportionnalité » : la loi est écartée au motif que l'atteinte portée aux droits individuels est « disproportionnée » par rapport aux objectifs légitimes poursuivis. En revanche, ces deux hautes juridictions ne se sont jamais reconnu le pouvoir d'écarter l'application d'une loi au cas d'espèce en raison de son excessive dureté pour l'une des parties. Qu'il intervienne a priori ou a posteriori, l'examen du Conseil constitutionnel porte toujours sur la règle générale exprimée par la loi (contrôle in abstracto), jamais sur son application au cas d'espèce (contrôle in concreto). De même, et bien qu'un auteur se soit lancé à sa rechercheNote de bas de page(13), on ne trouve apparemment aucune décision identique à celle du 4 décembre 2013 dans la jurisprudence du Conseil d'État, qui ne s'est jamais permis d'évincer la volonté claire et précise du législateur, au motif que son application au cas d'espèce serait « disproportionnée » ou « inéquitable » pour l'une des parties au litige.

En revanche, cette approche est très exactement celle de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui est la véritable inspiratrice de la réforme envisagée pour la Cour de cassation. Le premier président ne le cache pas : c'est la « montée en puissance de la jurisprudence européenne, en particulier celle de la Cour de Strasbourg », statuant en fait et en droit, écartant l'application de la loi en raison des circonstances, qui commanderait l'évolution de l'office de la haute juridiction françaiseNote de bas de page(14).

Une telle évolution serait un bouleversement. En faisant sienne la « méthode » de la CEDH, la Cour de cassation irait à l'encontre de sa double mission traditionnelle : veiller au respect de la loi et assurer l'unité de son application sur le territoire national. De ce double renoncement s'évincent les deux questions fondamentales posées par cette réforme. D'une part, la question de sa légitimité : peut-on admettre que des juges se reconnaissent le pouvoir d'évincer l'arbitrage des élus du Peuple au profit de leur appréciation personnelle des intérêts en présence ? D'autre part, la question de son opportunité : peut-on accepter l'insécurité et l'inégalité juridiques qu'entraînerait l'application ou l'éviction de la loi au cas par cas, et ce, jusque devant la Cour de cassation ? Après d'autres, on avouera ne pas en être convaincu. Sa légitimité douteuse (I) et ses dangers évidents (II) invitent à évaluer la pertinence de la seule raison invoquée au soutien de cette réforme (III).

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Document 7 : B. Rolland, maître de conférences, Justice du XXIe siècle : précisions relatives au statut, à la formation, à la déontologie et aux règles disciplinaires des juges des tribunaux de commerce, Procédures n° 2, Février 2017, étude 15

Accès au sommaireLa loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle renforce les obligations pesant sur les juges des tribunaux de commerce afin de conforter leur statut. Notamment, elle rend obligatoires les obligations de formation et pose des règles déontologiques précises Note 1 .1. - Contexte. - La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle vient renforcer les obligations pesant sur les juges consulaires afin de conforter leur statut Note 2 . Ce texte est le résultat indirect et lointain d'un rapport parlementaire Note 3 . Après de nombreux débats, l'idée d'une grande réforme des tribunaux de commerce avec introduction de l'échevinage de cette juridiction avait été abandonnée Note 4 . Mais la Conférence générale des tribunaux de commerce avait porté aussi de son côté des propositions tendant à renforcer les règles relatives au statut des juges consulaires, à leur formation et à leur déontologie Note 5 . La demande de formation des juges consulaires n'est d'ailleurs pas nouvelle puisque le grand historien J. Hilaire la mentionne comme étant déjà formulée sous l'ancien régime Note 6 . Ce sont toutes ces propositions consensuelles qui ont fini par aboutir dans la présente loi. La loi « J21 » crée plusieurs sous-sections dans le Code de commerce relatives au statut, à l'obligation de formation et à la déontologie de ces juges. Elle modifie aussi les règles disciplinaires. Il est à remarquer que ces dispositions n'ont pas été soumises au Conseil constitutionnel étant donné qu'elles reflètent, dans l'ensemble, l'attente de toutes les parties prenantes.1. Modifications du statut de juge consulaire2. - Création d'incompatibilités. - La modification principale en matière de statut du juge consulaire réside dans l'extension des incompatibilités. Jusqu'à présent, ce mandat était incompatible avec celui de conseiller prud'homme ou de juge d'un autre tribunal de commerce (C. com., art. L. 723-8, ancien). Cette incompatibilité a été conservée Note 7 . En outre, les juges ne peuvent exercer les professions d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, ni travailler au service d'un membre de ces professions pendant leur mandat. S'agissant de membres de professions libérales réglementées, il paraît difficile qu'ils puissent envisager de devenir juges de tribunal de commerce n'étant par hypothèse pas immatriculés au RCS ou au répertoire des métiers à titre individuel ; leur éventuelle structure sociétaire n'ayant pas non plus de caractère commercial Note 8 ... Faute de précisions, cette disposition entre immédiatement en vigueur. Le mandat de juge consulaire est par ailleurs incompatible avec des fonctions électives politiques Note 9 . Ainsi un mandat au Parlement européen est exclu, mais non au Parlement français. Le juge ne peut pas non plus avoir, dans le ressort de la juridiction dans laquelle il exerce ses fonctions, un mandat de conseiller régional, départemental, municipal, d'arrondissement, de Paris, de Lyon, de l'Assemblée de Corse, de Guyane, ou de Martinique. Ces incompatibilités entrent en vigueur « à compter de l'échéance du premier des mandats incompatibles mentionnés » Note 10 . La loi donne le régime de ces incompatibilités Note 11 . Toute personne élue aux fonctions de juge consulaire qui se trouve dans un cas d'incompatibilité ne peut entrer en fonction tant qu'elle n'a pas mis fin à la situation. Pour cela, elle doit cesser la profession incompatible ou démissionner du mandat de son choix dans le délai d'un mois. À défaut d'option dans le délai, le mandat de juge prend fin de plein droit. Si la cause d'incompatibilité survient après l'entrée en fonction, le juge est réputé démissionnaire.3. - Obligation de formation. - La loi « J21 » institutionnalise l'obligation de formation des juges consulaires Note 12 qui entrera en vigueur le 1er novembre 2018 Note 13 . Les juges des

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tribunaux de commerce seront alors obligés de suivre une formation initiale et une formation continue dans des conditions qui seront fixées par décret. Une sanction assortit partiellement la règle puisque le juge qui ne satisfait pas à l'obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret, sera réputé démissionnaire.4. - Serment. - Dans le serment du juge consulaire, le mot « religieusement » attaché au secret des délibérations a également été supprimé (C. com., art. L. 722-7, al. 2), comme pour les magistrats professionnels d'ailleurs. Faute de précisions, cette disposition entre immédiatement en vigueur.5. - Dispositions relatives au mandat de juge consulaire. - Les juges consulaires ne peuvent plus siéger au-delà de l'année civile au cours de laquelle ils atteignent 75 ans Note 14 . Pour pouvoir être élu, il ne fallait pas être en procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire. La loi supprime la sauvegarde de la liste des procédures collectives visées, ce qui tend à renforcer l'attractivité de cette procédure Note 15 . La durée du mandat de juge consulaire ou de président du tribunal de commerce n'est plus indéfiniment renouvelable sous réserve d'un an de vacance Note 16 . Désormais, les juges sont élus pour quatre mandats successifs seulement au sein d'un tribunal donné (étant donné que le premier mandat est de 2 ans et les suivants de 4 ans, cela donne une durée de 14 ans maximum). Le président conserve le bénéfice de la possibilité de briguer un mandat supplémentaire de juge, ce qui porte à 18 ans maximum la durée de ses fonctions dans un tribunal donné.2. Édiction de règles déontologiques applicables aux juges consulaires6. - Règles générales. - La loi « J21 », pour la première fois, fixe les règles déontologiques des juges consulaires. Il est envisagé de constituer un recueil d'obligations déontologiques mais l'adoption d'un texte législatif paraît de nature à renforcer davantage la portée de ces normes déontologiques. « Les juges des tribunaux de commerce exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard » Note 17 . Cet article tente une synthèse des garanties procédurales des justiciables telles que consacrées à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, tout en les formulant à la charge des juges consulaires. La loi ajoute ensuite trois interdictions : celle d'une manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République ; celle d'une démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ; celle d'une action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions. Faute de précisions, ces dispositions entrent immédiatement en vigueur.7. - Conflits d'intérêts. - a question de la prévention et de la gestion des conflits d'intérêts est une attitude qui se répand dans tous les milieux professionnels. Les juges consulaires n'y échappent pas Note 18 . Ils doivent veiller à prévenir ou faire cesser immédiatement les situations de conflits d'intérêts. « Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction » (C. com., art. L. 722-20, al. 2). L'attention des juges des tribunaux de commerce à cette question est importante et primordiale. En effet, leur mode de désignation par voie d'élection parmi les justiciables eux-mêmes peut être source de suspicion pour des esprits prévenus. Il importe donc qu'ils puissent avoir et présenter une stature exempte de tout reproche en termes de risque de conflits d'intérêts. Il peut paraître dommage que la loi ne précise pas les contours d'une procédure de gestion des conflits d'intérêts s'il s'en présente. Faute de précisions, ces dispositions entrent immédiatement en vigueur.8. - Déclaration d'intérêts. - Afin de compléter le dispositif relatif aux conflits d'intérêts, la loi impose le dépôt d'une déclaration d'intérêts de la part de tous les juges des tribunaux de commerce Note 19 . Mais l'obligation pour les présidents de tribunaux de commerce d'adresser une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie

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publique a finalement été abandonnée, en raison d'une précédente décision du Conseil constitutionnel rendue à propos de certains magistrats Note 20 . Cette déclaration d'intérêts exhaustive, exacte et sincère, doit mentionner les liens et les intérêts détenus de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions que le déclarant a ou qu'il a eus pendant les 5 ans précédant sa prise de fonctions (C. com., art. L. 722-21, I). Cette déclaration est faite dans les 2 mois de leur prise de fonctions par les juges consulaires. Elle est remise au président du tribunal de commerce pour les juges et au premier président de la cour d'appel pour les présidents des tribunaux de commerce du ressort de la cour d'appel. Cette remise donne lieu à un entretien déontologique du juge avec le président du tribunal (ou avec le premier président de la cour d'appel pour le président du tribunal). Cet entretien a pour objet de prévenir tout éventuel conflit d'intérêts. L'entretien peut être renouvelé à tout moment à la demande du juge ou du président. À l'issue de l'entretien, la déclaration peut être modifiée. Toute modification substantielle des liens et des intérêts fait l'objet d'une déclaration complémentaire dans les 2 mois, et peut donner lieu à un nouvel entretien. Cette déclaration est totalement confidentielle et ne peut être communiquée aux tiers sous peine de sanctions pénales, sauf si une procédure disciplinaire est engagée. Alors la commission nationale de discipline et le ministre de la Justice peuvent en obtenir communication. Des sanctions assortissent cette obligation. Le fait de ne pas adresser sa déclaration ou d'omettre de déclarer une partie substantielle de ses intérêts est puni de 3 ans de prison et de 45 000 euros d'amende (C. com., art. L. 722-21, II), outre l'interdiction des droits civiques et d'exercer une fonction publique. Un décret viendra préciser les conditions d'application, le modèle, le contenu et les conditions de remise, de mise à jour et de conservation de cette déclaration d'intérêts. C'est pourquoi l'entrée en vigueur de cette obligation de remise d'une déclaration et de participation à un entretien déontologique est différée. Elle sera effective dans un délai de 18 mois à compter de la publication du décret en Conseil d'État Note 21 .3. Modifications des règles disciplinaires applicables aux juges consulaires9. - Faute disciplinaire. - La définition de la faute disciplinaire est réécrite. « Tout manquement par un juge de tribunal de commerce aux devoirs de son état, à l'honneur, à la probité ou à la dignité constitue une faute disciplinaire » Note 22 .10. - Avertissement. - Il est introduit une procédure d'avertissement qui peut être donnée par le premier président de la cour d'appel après avis du président du tribunal de commerce où exerce le juge concerné Note 23 . Elle ne constitue pas une action disciplinaire.11. - Sanctions disciplinaires. - Les sanctions disciplinaires sont modifiées ainsi que la procédure suivie. La commission nationale de discipline est désormais saisie par le premier président de la cour d'appel ou par le ministre de la Justice, après audition de l'intéressé par le premier président Note 24 . La suspension temporaire du juge lorsqu'il existe des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire est modifiée, le juge concerné doit être entendu par le premier président de la cour d'appel et non plus le président du tribunal Note 25 . Les sanctions disciplinaires sont les suivantes : le blâme ; l'interdiction d'être désigné dans les fonctions de juge unique pendant 5 ans maximum (nouvelle sanction) ; la déchéance assortie de l'inéligibilité pendant 10 ans maximum ; la déchéance assortie d'une inéligibilité définitive Note

26 (précisions nouvelles relative à la durée). La cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit ne fait pas obstacle aux poursuites et aux sanctions. Dans ce cas, les sanctions sont le retrait de l'honorariat ; l'inéligibilité pendant 10 ans maximum ; l'inéligibilité définitive. Une nouvelle procédure est enfin ouverte aux justiciables mécontents. Tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant, le comportement d'un juge consulaire dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, peut saisir la commission nationale de discipline des juges des tribunaux de commerce Note 27 . Mais cette saisine ne constitue pas une cause de récusation. À peine d'irrecevabilité, la plainte ne peut pas être dirigée contre un juge qui demeure saisi de la procédure ; mais elle ne peut être

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présentée après l'expiration d'un délai d'un an à compter d'une décision irrévocable mettant fin à la procédure. Faute de précisions, l'ensemble de ces dispositions relatives aux règles disciplinaires entrent en vigueur immédiatement.12. - Conclusion : mise au pas ou normalisation ?. - Cette réforme paraît finalement intégrer plus largement les juges consulaires à l'organisation juridictionnelle française. Un véritable statut leur est reconnu avec des obligations déontologiques. Il s'approche de celui des magistrats de carrière. En particulier, l'interdiction d'une action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions s'apparente à une interdiction de la grève dans les tribunaux de commerce, prérogative pourtant utilisée à plusieurs reprises ces dernières années... Faut-il y voir une « mise au pas » de ces juges élus ou plutôt une normalisation des relations entre cette institution et les pouvoirs publics ? Dans le cadre de cette normalisation, l'article L. 722-4 du Code de commerce trouvera moins à s'appliquer. Cet article prévoit qu'en cas d'impossibilité pour un tribunal de commerce de se constituer ou de statuer, son contentieux est porté devant un tribunal de grande instance désigné par la cour d'appel. Il avait été fait application de ce texte dans les périodes de grève des tribunaux de commerce. Mais cet article continuera cependant à être utilisable lorsqu'un tribunal ne peut être constitué en matière de procédures collectives en raison du défaut d'ancienneté de ses juges, ou bien en cas de carence dans les élections de nouveaux juges. Par ailleurs, ce statut nouvellement défini leur reconnaît aussi des droits. En cas d'attaques et de menaces, les juges consulaires seront protégés. L'État doit réparer le préjudice direct qui en découle. Il prendra même à sa charge, dans des conditions qui seront précisées par décret, les frais exposés par le juge dans le cadre d'instances civiles ou pénales menées à cette fin de protection Note 28 . ▪

Document 8 : Pr. C. Nourissat, Pour une motivation explicite des arrêts de la Cour de cassation : ite missa est !, Procédures n° 6, Juin 2016, repère 6

L'arrêt de la chambre commerciale prononcé le 22 mars 2016 (Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-14.218 : JurisData n° 2016-005478) retiendra certainement l'attention à plus d'un titre. Outre la solution adoptée (la nullité de la vente à vil prix est une nullité relative), c'est surtout la motivation enrichie mise en oeuvre qui intéresse. Chacun sait que la Haute juridiction civile est engagée depuis un peu moins d'un an dans différents travaux d'ampleur dont celui de la motivation. Les gazettes s'en sont fait l'écho à de nombreuses reprises. Et la Cour de cassation a donc décidé de se livrer à quelques exercices pratiques dont l'arrêt ici mentionné est un bel exemple.Plutôt que de recourir à la motivation « externe » (c'est-à-dire en assortissant la décision de divers documents comme les rapports et avis de l'avocat général), c'est la voie de la motivation « interne » (c'est-à-dire en enrichissant la motivation de la décision) qui a été privilégiée.Au cas précis, le lecteur, qui retrouvera tout de même ses « fondamentaux » (le fameux style de la Cour de cassation avec ses attendus et sa phrase unique), pourra apprécier sous le premier moyen pris en sa première branche une motivation plus explicite. Ainsi, après avoir rappelé la divergence entre la chambre commerciale et les chambres civiles, après avoir illustré le propos avec force arrêts cités y compris avec leur attendu de principe (ce qui est l'occasion de souligner que ces arrêts sont davantage des « previous cases » que de véritables « biding precedents »), la chambre commerciale peut explicitement indiquer qu'elle entend se ranger derrière la bannière des chambres civiles car, selon elle, la ratio decidendi réside plutôt dans « la nature de l'intérêt, privé ou général, protégé » que, comme elle l'avait jugé jusque-là, dans « l'existence ou l'absence d'un élément essentiel du contrat au jour de sa formation ». Dès lors, le syllogisme peut entrer en action et la Cour de conclure que « l'action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tend qu'à la protection des

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intérêts privés » et relève donc du régime des actions en nullité relative. C'est clair... Très clair !La démarche doit être approuvée. Même si la motivation aurait pu être davantage enrichie de quelques bonnes lignes de doctrine, de quelques comparaisons avec les droits étrangers. Même s'il n'est pas certain que tout le monde sera convaincu par le choix ici opéré en faveur de l'action en nullité relative, la décision se comprend aisément et l'observateur saura – le cas échéant – où porter le fer s'il entend combattre la solution. On a donc hâte de voir cette motivation enrichie intervenir dans d'autres domaines qui nous sont chers. Pour n'en citer qu'un, le contentieux intéressant la vente internationale de marchandises au sujet de laquelle il est indiqué, à l'article 7 de la Convention de Vienne, qu'« il sera tenu compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l'uniformité de son application », ce qui passe par la prise en considération de la jurisprudence des autres États parties (ou non) à l'instar de ce que font déjà le juge allemand et même le juge anglais...Reste posée une question. Cette motivation enrichie qui – on l'aura compris – nous séduit doit-elle être mise en oeuvre pour tous les arrêts et avis prononcés par la Cour de cassation ? La réponse est difficile à apporter. D'aucuns se rappelleront que dans certains cas elle s'impose, notamment sous la pression de la Cour de Strasbourg. On pense aux arrêts de revirement. D'autres souligneront qu'elle est d'autant plus nécessaire qu'un renvoi de l'affaire à une cour d'appel est opéré, tant la pratique montre que dans de nombreux cas les conseillers (et les avocats) s'interrogent longuement sur ce qui reste en définitive à juger. D'autres encore, exprimeront l'opinion selon laquelle une décision de justice est aussi un acte de communication et que la diversité des publics auxquels elle s'adresse commande qu'elle soit comprise par le plus grand nombre. Faut-il donc en définitive la généraliser ? C'est probablement là qu'une autre réforme apportera la réponse. Celle que portait un amendement gouvernemental déposé le 30 avril (puis retiré en commission des lois) dans le cadre de la discussion du projet de loi « J 21 ». Un amendement modifiant le Code de l'organisation judiciaire et qui visait à n'ouvrir les pourvois que dans trois cas précisément définis : si le pourvoi soulève une question de principe ; s'il présente un intérêt pour l'évolution du droit ; s'il présente un intérêt pour l'unification du droit. Ce mécanisme on ne peut plus sélectif, s'il venait à être retenu, devrait alors commander que tous les arrêts bénéficient de la motivation enrichie. Outre qu'une question de principe, une évolution du droit ou son unification (ce qui est d'ailleurs en cause dans l'arrêt du 22 mars 2016) sont des hypothèses qui le justifient, c'est surtout que – telle une Cour suprême choisissant les affaires qu'elle entend traiter – la Cour de cassation retrouvera le temps de juger et donc de motiver. On le mesure, la combinaison de la motivation enrichie (si sa pratique se confirme) et la sélection des pourvois (si le législateur l'avalise) est annonciatrice d'une vraie révolution qui ne sera pas que de palais... Et pour une fois, l'on fera mentir Tancrède, neveu du prince Salina, pour lequel, « si nous voulons que tout reste tel que, il faut que tout change »...

Document 9 : Circulaire du 30 novembre 2016 – JUSB1631387C, Bulletin Officiel du Ministère de la Justice n°2016-11

La présente circulaire a pour objet de présenter les dispositions de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 qui sont d’application immédiate et qui ont donc vocation à s’appliquer à compter du lendemain de la publication de la loi au journal officiel, soit à compter du 12 août 2016.Les autres dispositions feront l’objet de circulaires distinctes. Il s’agit, d’une part, des dispositions légales dont l'entrée en vigueur a été différée à une date expressément précisée par les dispositions transitoires figurant dans la loi organique, et d’autre part, des dispositions qui nécessitent l’édiction d’un décret afin de préciser ou compléter le dispositif issu de la loi

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organique. Une note explicative relative aux dates d’entrée en vigueur des diverses dispositions issues de la loi organique figure en annexe de la présente circulaire.Quant aux dispositions d’application immédiate, les modifications introduites par la loi organique du 8 août 2016 concernent quatre axes principaux : le recrutement et la formation professionnelle (I), les conditions de nomination des magistrats (II), les droits et obligations des magistrats (III), et enfin la discipline (IV).(...)II - Les conditions de nominationLa loi organique a modifié plusieurs dispositions de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 relatives aux procédures de nomination des magistrats et aux conditions de fond requises pour pourvoir certains postes.S’agissant des dispositions relatives à l’inspection générale des services judiciaires, celles-ci portent essentiellement sur la mention expresse dans l’ordonnance statutaire de l’appartenance au corps judiciaire des magistrats exerçant des fonctions au sein de l’inspection générale des services judiciaires et sur la prise en compte de la nouvelle dénomination d’inspection générale de la justice, compte tenu de la future fusion par décret des inspections du ministère de la justice en une inspection unique. Ces modifications nécessitent l’adoption de mesures réglementaires particulières et feront l’objet ultérieurement d’une présentation séparée.S’agissant des dispositions relatives à la création de la fonction statutaire de juge des libertés et de la détention, à la création de nouvelles fonctions hors hiérarchie, et aux conditions d’inscription au tableau d’avancement, ces modifications statutaires doivent également faire l’objet d’un décret d’application et ne seront donc pas plus évoquées à ce stade.En revanche, de nombreuses modifications législatives relatives aux conditions de nomination sont d’application immédiate et sont développées ci-après.A. Sur les dispositions relatives aux procédures de nomination des magistrats• La suppression de la nomination en conseil des ministres des procureurs généraux (article 7 de la loi organique)L'article 7 de la loi organique supprime de la liste des emplois pourvus en Conseil des ministres les procureurs généraux près la Cour de cassation et près les cours d'appel.Il modifie en ce sens l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État, qui prévoyait que les procureurs généraux étaient nommés en Conseil des ministres, au même titre que les emplois de direction dans les établissements et les entreprises publics.Le législateur a souhaité renforcer l’indépendance de ces hauts magistrats du parquet en se conformant à l’une des propositions de la commission pour la modernisation du ministère public ayant rendu son rapport en 2013, sous la présidence de Jean-Louis NADAL.• La modification du serment (article 10 de la loi organique)L'article 10 de la loi organique institue une formule actualisée du serment prêté par les magistrats judiciaires etpar les auditeurs de justice en supprimant l’emploi du terme « religieusement ».Cette modification permet d'harmoniser sa rédaction avec celle retenue pour les magistrats des juridictionsfinancières et de la laïciser.Les articles 6 et 20 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 qui concernent respectivement les magistrats nommés pour leur premier poste et les auditeurs de justice sont modifiés en ce sens et ont vocation à s’appliquer immédiatement.Le serment des magistrats judiciaires est dorénavant le suivant : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».Le serment des auditeurs de justice est à présent ainsi formulé : « Je jure de garder le secret professionnel et de me conduire en tout comme un digne et loyal auditeur de justice ».

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• L’instauration d’un dispositif spécifique pour la prestation de serment des magistrats intégrés nommés dans un poste d’outre-mer (article 11 de la loi organique)L'article 11 de la loi organique simplifie les conditions de la prestation de serment des magistrats intégrés sur le fondement des articles 22 et 23 du statut de la magistrature et nommés dans leur premier poste au sein des juridictions d'Outre-mer.La nouvelle rédaction de l’article 6 de l’ordonnance statutaire dispose ainsi que les magistrats nommés au titre des articles 22 et 23 de l’ordonnance statutaire dans une juridiction d’Outre-mer et devant effectuer un stage préalable sur le territoire métropolitain, peuvent prêter serment, non plus seulement devant leur cour d’appeld’affectation, mais également devant la cour d’appel de leur résidence.Cette disposition permet de résoudre les difficultés pratiques auxquelles étaient confrontés les magistrats intégrés nommés Outre-mer qui souhaitaient effectuer leur stage préalable en métropole et se voyaient dans l’obligation de se déplacer outre-mer préalablement à leur stage pour prêter serment.• La généralisation de la transparence (articles 16 et 22 de la loi organique)La loi organique assure une meilleure transparence de la procédure de nomination.Les articles 16 et 22 de la loi organique du 8 août 2016 ont étendu la procédure dite de transparence à certaines nominations qui en étaient jusqu’alors exclues. Les articles 27-1 et 37-1 modifiés de l’ordonnance statutaire soumettent désormais à la diffusion, les projets de nomination aux fonctions de substitut chargé du secrétariat général d’une juridiction et aux fonctions hors hiérarchie. Sont en particulier supprimées les exclusions expresses de la procédure de diffusion qui figuraient à l’article 37-1 de l’ordonnance statutaire quant à la nomination aux fonctions de procureur général près une cour d’appel, de magistrat du parquet à la Cour de cassation et aux fonctions pour lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature formule une proposition.Cette disposition permet d’inscrire dans l’ordonnance statutaire la pratique actuelle du garde des sceaux et du Conseil supérieur de la magistrature, qui procédaient déjà par voie de transparence pour l’ensemble de ces propositions de nomination.En l’état actuel, seuls demeurent exemptés de diffusion le projet de nomination afférent à la nomination de l’Inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice. Sont également exemptés les projets de nomination faisant suite à une sanction disciplinaire et ceux qui concernent les premières nominations à l’exception de celles relatives aux magistrats intégrés au titre des articles 22 et 23 de l’ordonnance statutaire.Par ailleurs, l’article 16 de la loi organique dispose que le projet de nomination de magistrats n’est plus diffusé aux organisations professionnelles, celui-ci étant déjà transmis aux syndicats de magistrats en cohérence avec la consécration du droit syndical dans la magistrature.(...)B. Sur les dispositions relatives aux conditions de fond exigées pour certaines nominationsLe législateur a modifié plusieurs conditions de fond pour être nommé soit au premier grade, soit en tant que magistrat placé soit encore pour être nommé à l’issue de ses fonctions de magistrat placé. Il a en outre reporté dans le temps l’obligation de mobilité pour accéder à un poste hors hiérarchie, et instauré l’obligation pour les chefs de cour d’élaborer un état des lieux et un bilan d’activité de leur juridiction.• L’assouplissement des conditions d’accès au premier grade (article 8 de la loi organique)L'article 8 de la loi organique du 8 août 2016 prévoit un allongement de la durée au terme de laquelle unmagistrat peut être promu au premier grade dans la juridiction dans laquelle il est affecté.Un magistrat pourra accéder au 1er grade dans la même juridiction alors qu’il y est affecté depuis sept années au lieu de cinq ans auparavant.

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Les parlementaires ont voulu assouplir l’obligation de mobilité géographique pour bénéficier d’un avancement au premier grade, et ce en particulier dans l’objectif de permettre aux magistrats de mieux concilier vie professionnelle et contraintes personnelles et familiales.• Le renforcement de l’attractivité des fonctions de magistrat placé (article 9 de la loi organique)L'article 9 de la loi organique du 8 août 2016 allonge la durée pendant laquelle un magistrat peut être placé etmodifie les conditions dans lesquelles le magistrat placé peut être nommé dans un nouvel emploi.En premier lieu, l’article 3-1 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 dispose désormais qu’un magistrat placé ne peut en aucun cas exercer ces fonctions pendant une durée supérieure à huit années au lieu desix années actuellement. Cette limite de durée qui s’analyse sur la totalité de la carrière était apparue trop restrictive pour certains magistrats qui souhaitaient solliciter à nouveau une nomination en tant que magistrat placé, notamment pour accéder au premier grade ou pour obtenir une cour d’appel particulièrement demandée.A l’issue de la période de huit années, si le magistrat placé n’a pas effectué un choix d’affectation, il est nommé au tribunal de grande instance le plus important du département où est située la cour d'appel à laquelle il est rattaché, le cas échéant, en surnombre.Cette disposition concerne l’ensemble des magistrats et a vocation à permettre aux magistrats ayant déjà exercé des fonctions de magistrats placés pendant six années, de solliciter à nouveau une nomination à ces fonctions. De la même façon, les magistrats placés, actuellement en fonction, peuvent demeurer en poste jusqu’à la huitième année d’exercice en tant que magistrat placé.En second lieu, la priorité statutaire permettant aux magistrats placés d’être nommés sur le premier emploi vacant du siège ou du parquet de niveau hiérarchique égal est étendue aux juridictions concernées. A présent, la priorité de nomination des magistrats placés, après deux ans d’exercice dans leurs fonctions, concerne l’ensemble des tribunaux de grande instance de la cour d’appel à laquelle ils sont affectés.Pour rappel, la priorité statutaire concerne les emplois pour lesquels le magistrat s’est porté candidat, au même grade que celui dans lequel il exerce ses fonctions, exclusion faite, au premier grade, des postes Bbis ou de chefs de juridiction. Le magistrat placé pourra évidemment postuler sur un de ces postes, mais il ne bénéficie pas pour cette nomination d’une priorité statutaire.Il résulte de l’application immédiate de ces dispositions que les magistrats placés actuellement en fonction bénéficient de l’extension du ressort de la priorité statutaire. Ils peuvent ainsi, au terme de deux années de fonction, se prévaloir de la nouvelle priorité statutaire dès le prochain mouvement de nomination.• Le report de l’obligation de mobilité pour accéder à des postes hors hiérarchie (article 50 de la loi organique)L’article 76-4 de l’ordonnance n°58-1270 relative au statut de la magistrature prévoit, depuis la loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, que, pour accéder aux emplois placés hors hiérarchie, les magistrats doivent accomplir une période de mobilité statutaire au cours de laquelle ils exercent des fonctions différentes de celles habituellement dévolues aux membres du corps judiciaire.La loi du 5 mars 2007 prévoyait que cette obligation était applicable aux magistrats nommés dans leur premier poste à compter de son entrée en vigueur.En raison des difficultés actuelles de mise en œuvre de l’obligation précitée, compte tenu des situations de vacances de postes que connaissent les juridictions, l’article 50 XI de la loi organique du 8 août 2016 a reporté la date d’entrée en vigueur de cette obligation en

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prévoyant qu’elle ne serait applicable qu’aux magistrats nommés dans leur premier poste à compter du 1er septembre 2020.Les magistrats ayant exercé leurs premières fonctions judiciaires antérieurement à cette date ne sont donc plus dans l’obligation de justifier d’une mobilité statutaire dans des fonctions différentes que celles habituellement dévolues aux magistrats pour obtenir une nomination à des fonctions hors hiérarchie.Il faut relever que le législateur a souhaité conserver et reporter cette obligation, plutôt que la supprimer, estimant que la mobilité statutaire demeure un atout indéniable pour l’évolution de la justice moderne. Ainsi, l’expérience acquise par les magistrats ayant déjà effectué une mobilité statutaire ou par ceux qui l’effectueront dans l’avenir reste particulièrement intéressante en ce qu’elle constitue un apport certain à l’exercice des fonctions de magistrat.• L’amélioration des conditions de nomination des chefs de cour (articles 21 et 24 de la loi organique)Les articles 21 et 24 de la loi organique du 8 août 2016 ont instauré à la charge des chefs de cour l'élaboration d'un bilan d'activité de leur juridiction.La loi organique a ainsi modifié l’ordonnance du 22 décembre 1958 en introduisant un nouvel alinéa aux articles 37 et 38-1 prévoyant l’élaboration par les premiers présidents et procureurs généraux, d’une part, d’un état des lieux et d’une synthèse des objectifs de leur action dans les 6 mois de leur installation, et d’autre part, d’un bilan de leurs activités, de l’animation et de la gestion de la cour tous les deux ans.(...)

Document 10 : Pr E. Dreyer, Le filtrage des pourvois ou la tentation pour la Cour de cassation d’agir en cour suprême, Gaz. Pal. 2015, n°163-164, p. 6

L’avant-projet de réforme du filtrage des pourvois devant la Cour de cassation pourrait passer inaperçu alors que cette dernière risque d’y perdre son âme… La question nous concerne tous. C’est une des plus belles institutions de la République qui s’interroge sur son avenir. Il est important de discuter ses choix.1. Les esprits s’agitent à la Cour de cassation. Dans une lettre de mission établie le 19 septembre 2014, son premier président a chargé le directeur du service de documentation, des études et du rapport d’engager une réflexion sur les modalités de traitement des pourvois « concernant notamment la nature et le niveau des contrôles à opérer par notre Cour, tels qu’ils sont induits par ceux auxquels se livrent les juridictions européennes, le contenu de la motivation ou l’examen des pourvois voués à l’échec ». Ce courrier avait au préalable relevé que les décisions des juridictions européennes « mêlant le droit et le fait, créent un hiatus dans la chaîne des recours, conduisant le juge final à reprendre un contrôle que le juge de cassation n’a pas exercé et atteignant ainsi en plein cœur l’économie du pourvoi en tant que recours effectif ». On le voit, c’est l’office même du juge de cassation qui doit être rediscuté d’ici au 31 décembre 2015.

Or, un rapport d’étape sur ce qui est d’ores et déjà présenté comme un « avant-projet de réforme du filtrage des pourvois devant la Cour de cassation » vient d’être établi et suscite les plus vives inquiétudes. Deux hypothèses sont dès à présent envisagées : la première consiste à sélectionner les pourvois avant leur examen, ce qui suppose pour le demandeur d’en justifier l’intérêt sur la base de critères prédéfinis ; la seconde consiste à organiser une procédure d’admission à l’occasion de laquelle la Cour statuerait, comme le Conseil d’État, sur la base du seul mémoire ampliatif (développant les moyens invoqués à l’appui du pourvoi). Toutefois, la première hypothèse est clairement privilégiée : « seule la création d’une procédure de filtrage, avant tout examen au fond du pourvoi, est de nature à réduire

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sensiblement le nombre des pourvois traités par la Cour de cassation, dans le but de redonner à ses arrêts une véritable valeur normative » (Rapport, version longue, p. 15).

Devrait suivre une réflexion sur l’extension de la cassation sans renvoi pour trancher le fond du litige en appréciant les faits lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le commande…

2. Il ne s’agit pas d’entrer ici dans le détail de ces propositions mais de contester un certain nombre de leurs présupposés qui conduisent à une véritable dénaturation du rôle joué par notre haute juridiction.

Ces remarques seront formulées essentiellement sous l’angle du droit pénal et de la procédure pénale car c’est tout particulièrement sous cet aspect que le projet de réforme pose problème. Mais un certain nombre de réflexions mériteraient également d’être engagées sous l’angle du droit non répressif dans la mesure où une modification aussi profonde du rôle qu’entend jouer la Cour de cassation ne pourra intervenir sans incidence sur le fond du droit.

C’est un élément essentiel de notre tradition qui est remis en cause. Peu importe les situations de travail plus enviables parmi les hautes juridictions de Grande-Bretagne, d’Allemagne ou d’Espagne : le rapport à la loi n’y est pas le même. À travers ce rapport, c’est notre culture juridique commune qu’il s’agit de préserver.

3. À la base du raisonnement tenu dans l’avant-projet de réforme se trouve l’idée qu’il faut permettre à la Cour de « se positionner dans son rôle normatif au moment où l’environnement national (QPC) et international (CEDH, CJUE) s’est profondément transformé » (p. 7). Pour jouer son « rôle normatif », la haute juridiction veut mettre en place un véritable filtre des pourvois qui lui permettra « d’examiner de manière plus approfondie les affaires importantes » (p. 12).

Or, nous peinons à comprendre d’où viendrait ce « rôle normatif » que s’attribue la Cour de cassation pour prétendre modifier les règles de fonctionnement qui lui sont applicables (I). A fortiori, nous doutons qu’il lui appartienne de distinguer entre les affaires importantes et celles qui ne le sont pas (II).

I. Sur le rôle normatif de la Cour de cassation

4. L’insistance de l’avant-projet sur le « rôle normatif » que s’attribue la Cour de cassation est d’autant plus problématique qu’il ne le définit pas. Ce rôle est d’emblée distingué de la « mission principale de dire le droit » qui incombe traditionnellement à cette haute juridiction (p. 7). En d’autres termes, ce prétendu rôle normatif ne se confond pas mais s’ajoute à la mission qui est la sienne de vérifier la bonne application de la loi dans les décisions rendues en premier et dernier ressort. L’institution se qualifie de « cour normative » (p. 13) en prétendant renouer avec sa mission première qui était d’unifier la jurisprudence des cours d’appels alors qu’elle se reconnaît un pouvoir législatif au mépris du principe de séparation des pouvoirs et des textes qui la régissent.

Ce qu’elle avait toujours voulu cacher apparaît à présent au grand jour : elle reconnaît qu’elle n’est pas le serviteur de la loi ou plutôt qu’elle ne la sert que dans les limites qu’elle juge bonnes dès lors qu’elle dispose du pouvoir de la corriger, de l’orienter, voire de la neutraliser. Il y a quelques années pourtant, elle avait refusé la modulation dans le temps de ses revirements de jurisprudence au motif qu’elle ne disposait pas d’un pouvoir normatif… Ce

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qui n’avait pas abusé grand monde : ce législateur de fait refusait les contraintes qui s’imposent à un législateur de droit.

Aujourd’hui, de ces contraintes, il n’en est toujours pas question, mais notre haute juridiction prétend faire reconnaître son rôle « normatif » afin de limiter sa charge de travail et d’obtenir un prestige dont sa position ambiguë l’avait jusqu’alors privée ! Celle-ci prétend au statut de cour suprême, capable d’énoncer des règles abstraites de portée générale aussi bien que de statuer sur des faits en rectifiant les appréciations des juges du fond.

5. Or, nous n’avons pas besoin de ce juge-là ! Il est étranger à notre culture juridique et aux principes qui gouvernent le droit pénal de fond, comme de forme. La matière pénale dans son ensemble est dominée par un principe de légalité qui exclut de reconnaître tout rôle normatif au juge, fût-il juge de cassation. On attend de la haute juridiction un peu d’humilité. Elle n’est pas l’égal du législateur car elle n’a aucune légitimité pour agir de la sorte. Si on tolère à regret l’interprétation extensive du droit pénal qu’elle opère depuis plus d’un siècle, on ne peut admettre qu’elle se dégage de tout texte et développe sa propre politique criminelle.

L’erreur de perspective est fondamentale : il est normal que le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel d’une part, les juridictions européennes d’autre part, soit de nature différente du contrôle exercé par la Cour de cassation. C’est dans cette différence qu’elle trouve sa raison d’être. C’est en préservant la spécificité de sa mission qui est de veiller à la bonne application de la règle de droit sur l’ensemble du territoire national qu’elle justifie son office, qui est d’être la gardienne non seulement de la légalité criminelle mais aussi de l’égalité de tous devant la loi, indépendamment des pratiques locales et des complaisances qui peuvent apparaître à tel ou tel endroit. Elle ne peut être le juge de la loi ou le juge du fait, voire les deux à la fois. Cet office est déjà assuré par d’autres dont les sanctions sont adaptées au type de contrôle ainsi exercé. Tel n’est pas l’objectif d’un contrôle de cassation.

D’autant que le prestige qui peut s’attacher à cette mission nouvelle s’avérera fort relatif dès lors que les décisions rendues par cette prétendue cour suprême seront aussitôt contredites par le Conseil constitutionnel ou les juridictions de Strasbourg et de Luxembourg. Comment expliquera-t-on demain les contradictions existant entre elles dès lors que des différences dans la nature du contrôle exercé ne pourront plus être avancées ? Est-ce ainsi que l’on restaurera « l’autorité » des décisions rendues par la Cour de cassation comme l’imagine naïvement l’avant-projet (qui semble considérer que le Conseil et les juridictions européennes suivront naturellement les décisions de la Cour ainsi réformée, au mépris de leurs dynamiques propres) ? En l’état, le bénéfice retiré de cette réforme paraît des plus fragiles. Or, ses inconvénients peuvent être aisément démontrés.

II. Sur la sélection des pourvois en cassation

6. On l’a dit, dans son nouveau rôle, la haute juridiction ne semble s’appliquer aucune contrainte. Il s’agit d’officialiser l’arbitraire du juge. Mais il y a plus grave encore. L’avant-projet envisage d’introduire dans le Code de procédure pénale le texte suivant : « Lorsque le pourvoi est irrecevable, lorsqu’il ne soulève aucune violation d’un principe fondamental, aucune question juridique de principe ou ne présente d'intérêt ni pour le développement du droit ni pour l’unification de la jurisprudence, le président de la chambre criminelle peut rendre une décision de non-admission ».

La conséquence immédiate de cette réforme est de libérer les tribunaux statuant en premier et dernier ressorts (essentiellement, en matière pénale, les juridictions de proximité qui

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connaissent d’un contentieux pléthorique avec pour tout recours, jusqu’à présent, le pourvoi en cassation !) ainsi que les cours d’appel, de tout contrôle. Que va-t-il advenir demain du respect de la loi par des juges qui se sauront si peu exposés à un risque de pourvoi ? C’est en réalité tout le contrôle disciplinaire que la Cour de cassation exerce sur leurs décisions qui risque de disparaître avec cette réforme. Ce contrôle ne semble plus digne de l’intelligence des hauts magistrats. Ils prétendent s’en désintéresser. Les juges du fond pourront donc s’abstenir de répondre aux moyens de défense qui leur sont présentés et condamner, ou relaxer, au terme d’une analyse très superficielle de la poursuite qui leur est soumise. Ils pourront dénaturer ou ignorer une pièce en toute impunité.

Certes, la cassation est une sanction dont la vertu préventive ne doit pas être exagérée. Mais, à l’inverse, on imagine bien quel relâchement dans la motivation des juges du fond pourra produire la disparition de tout contrôle des décisions rendues. Est-ce vraiment cela qui évitera à la France de nouveaux constats de violation de la Conv. EDH devant la juridiction de Strasbourg ? Est-ce ainsi que l’on garantira la conformité de l’application du droit national au droit de l’Union européenne ? Dégagé de tout contrôle, nos cours d’appel vont redevenir ces cours souveraines contre lesquelles s’était affirmée l’autorité du Tribunal de cassation. Pour quelques coups d’éclats opérés par la nouvelle cour suprême, est-on prêt à restaurer les parlements d’ancien-régime ?

7. Au-delà de ces premières interrogations, en apparaissent d’autres, car le contrôle disciplinaire n’est pas seul menacé par cette réforme. Parmi les violations de la loi ou défauts de base légale qui pourront être dénoncés à la Cour de cassation, comment fera-t-elle le tri entre les affaires qui méritent son attention et celles qui ne la méritent pas ? Toute violation de la loi n’est-elle pas intolérable au sein d’une institution qui, jusqu’à preuve du contraire, est tenue de la faire respecter ? Pourquoi réserver le contrôle de cassation à la violation des seuls principes ou des seules questions de principes ? La haute juridiction peut-elle tolérer des violations de la loi sous prétexte qu’elles restent isolées et ne menacent pas la cohérence d’ensemble de la jurisprudence ? Peut-elle tolérer des violations de la loi sous prétexte qu’un arrêt de censure ne présenterait pas d’intérêt pour le développement du droit ? Il y a là un jugement de valeur porté sur les règles essentielles de notre droit pénal et procédure pénale qui ne peut être toléré : ce n’est pas à la Cour de cassation de choisir les règles de droit qui méritent d’être respectées ! Fort peu d’enseignements sont ainsi tirés du droit européen : les affaires anodines n’empêchent pas les constats de violation de la Conv. EDH à Strasbourg. Ceux-ci sont d’autant plus consternants qu’ils auraient pu être aisément évités. Or, en négligeant le casuel et le quotidien, cette réforme risque de démultiplier les réactions de ce genre.

Cette réforme permettra-t-elle à notre haute juridiction de mieux examiner les affaires sélectionnées ? Peut-être, mais le prestige de ses décisions n’en sortira pas grandi : un juge qui choisit ses affaires n’est plus un juge. La liberté de choix qu’il s’octroie ruine son autorité. Par essence même, les décisions qu’il rend sont suspectes puisqu’elles expriment sa seule volonté. C’est le rapport du juge à la loi qui se trouve ainsi perverti. Mais il y a pire encore car dans cette logique, les solutions dégagées par la nouvelle cour suprême sur des questions de principe s’imposeront d’emblée aux juridictions inférieures. Ce qui se cache derrière cette réforme, c’est donc la reconnaissance à la Cour du pouvoir de statuer par voie d’arrêts de règlement. C’est l’autorité du précédent qui implique la reconnaissance de son pouvoir normatif. Tous les magistrats sont-ils prêts à accepter cette réforme ? Jusqu’à présent, l’autorité des arrêts de la Cour de cassation était essentiellement persuasive. C’est la répétition des solutions dégagées par elle qui permettait d’assimiler la jurisprudence à la coutume et de convaincre chacun de la respecter spontanément. Cette spécificité française disparaîtra dès

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lors que les arrêts se feront plus rares. Les praticiens seront alors plongés dans la plus grande expectative entre deux déclarations de l’Oracle. Encore une fois, les juges du fond seront abandonnés à eux-mêmes avec tous les risques de dérive que cela comporte.

8. En toute hypothèse, la subjectivité des critères de sélection retenus paraît totale, la décision d’admission ou de non admission imprévisible. Sur cette base-là, le pourvoi en cassation ne constitue plus une voie de recours effective.

Sans doute, dans les faits, en est-il déjà ainsi. En matière pénale, l’actuelle procédure de non-admission ( CPP, art. 567-1 et s. ), si elle ne constitue pas un filtre à proprement parler, décharge déjà la haute juridiction d’un examen formel des pourvois prétendument voués à l’échec. L’auteur du recours déclaré « irrecevable ou non fondé sur un moyen sérieux de cassation », auquel aucune réponse n’est apportée, ne se trouve pas dans une situation très différente de celle qu’il connaîtra à l’avenir si la réforme vient à son terme. Par ailleurs, les trop nombreuses motivations « tampon » par lesquelles la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette les pourvois qu’elle a examinés en se retranchant derrière le pouvoir souverain des juges du fond dissimulent mal l’insuffisance du contrôle exercé. Que dire du nombre de cassation ? Entre 6 et 7 % des dossiers jugés chaque année (contre 30 à 35 % dans les autres chambres). Les juges du fond commettraient-ils moins d’erreurs en matière pénale qu’en matière civile ? Motiveraient-ils mieux leurs décisions ? On hésite à la croire. La vérité est sûrement toute autre. En pratique, sans le dire, la chambre criminelle filtre depuis longtemps les pourvois. Voici la cause des conflits potentiels susceptibles d’exister avec le Conseil constitutionnel et, plus surement encore, avec la juridiction de Strasbourg. Mais l’ère du temps appelle autre chose. La Cour de cassation veut changer de statut. C’est donc l’exemple du contrôle amoindri exercé en matière pénale qu’elle prétend étendre à toutes ses chambres. L’institution y gagnera-t-elle vraiment ? C’est notre conception de la justice qui est en cause. Cet avant-projet de réforme doit interpeller et mobiliser chacun. Ne laissons pas notre haute juridiction s’attribuer un avenir qui n’est pas le sien.

Document 11 : Communiqué de presse du Garde des sceaux, Justice du 21e siècle : adoption du PL de modernisation, 12 oct. 2016

Communiqué de presse de Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Adoption définitive du projet de loi de modernisation de la justice du 21ème siècle à l’Assemblée Nationale, le mercredi 12 octobre 2016Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice, salue l’adoption de ce texte fondateur de réformes structurelles qui s’imposeront pour renforcer le rôle de service public de la justice.De multiples dispositions seront très rapidement applicables pour rendre :

Ø Une justice plus accessibleLes conseils départementaux d’accès au droit seront réformés pour que les juridictions soient davantage associées.Un service d’accueil unique du justiciable sera mis en place dans 342 juridictions. Ces guichets d’accueil au sein des tribunaux permettront aux justiciables d’obtenir une information générale ou sur une procédure en cours partout en France.

Des actions de groupe pourront désormais être menées en matière de discriminations, de questions environnementales ou de protection des données personnelles.

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Ø Une justice plus efficaceLes époux souhaitant divorcer par consentement mutuel se feront représenter chacun par un avocat et ne passeront plus devant le juge. La procédure sera plus rapide et ils auront ainsi l’assurance de voir leurs intérêts préservés.Le plan de surendettement élaboré par la commission départementale sera applicable immédiatement sans que les particuliers n’aient à passer devant un juge, alors que 98% des dossiers aujourd’hui ne font pas l’objet d’un litige.L’enregistrement du Pacte civil de solidarité et le changement de prénom seront directement enregistrés en mairie, non plus en tribunal.Une forfaitisation de certains délits routiers, tels que le défaut de permis de conduire ou de défaut d’assurance, améliorera le fonctionnement des juridictions. La répression sera renforcée.

Ø Une justice plus simple

Les tribunaux correctionnels pour mineurs seront supprimés pour alléger le fonctionnement des juridictions, et garantir la spécialisation de la justice des mineurs ; c’est l’assurance de l’efficacité dans la sanction.Les contentieux de la sécurité sociale seront fusionnés dans un pôle unique du tribunal de grande instance départemental. Le traitement de ces litiges, aujourd’hui répartis entre plusieurs types de juridictions, sera amélioré.

Ø Une justice plus proche

Les modes alternatifs de règlement des conflits seront favorisés. Une conciliation gratuite préalable sera systématiquement tentée pour les litiges de moins de 4 000 euros. Des expérimentations de médiation préalable obligatoire en matière familiale (ex : fixation de pensions alimentaires pour les couples non mariés séparés) et devant le juge administratif (ex : certains contentieux intéressants la fonction publique) seront mises en place.La procédure de changement de sexe à l’état civil sera simplifiée, démédicalisée. Les personnes transgenres pourront bénéficier le plus rapidement possible de papiers en adéquation avec leur identité.Enfin, le délai pour les déclarations de naissance, en mairie, sera allongé : les parents disposeront de 5 jours au lieu de 3 aujourd’hui.

Document 12 : Portalis : un premier cap franchi avec le lancement du site justice.fr par le Garde des Sceaux, 13 avril 2016, http://secteur-public.sia-partners.com

Le site internet justice.fr a été lancé par le Garde des Sceaux  le 12 mai à l’occasion du « Jeudigital », événement co-organisé par le Ministère de la Justice et le Secrétariat d’Etat au Numérique.Vers une justice du 21ème siècle plus accessible pour les citoyens : le portail du justiciable, première étape du volet numériqueProposant une information fiable, gratuite et disponible 24h/24 sur les démarches judiciaires, justice.fr est le site de référence des justiciables en France et un élément clé dans la mise en place d’un service d’accès unique au justiciable prévu par la réforme J21 (projet de loi adopté le 24 mai par l'Assemblée nationale).Ce portail permet dès à présent de :

obtenir en ligne toutes les informations sur les démarches judiciaires 31

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télécharger les notices explicatives et les documents à remplirtrouver la juridiction compétente la plus proche de chez soiaccéder aux coordonnées d’un avocat, d’un notaire, d’un huissier…calculer les droits à l’aide juridictionnelle grâce à un simulateur

Portalis, un projet ambitieux de transformation et de modernisation de la justice civile et pénaleMais la mise à disposition de ce portail d’information à destination du justiciable ne constitue que la première pierre d’un projet global de dématérialisation complète des démarches judiciaires, porté par le Ministère de la Justice sur plusieurs années.Outil d’une justice plus lisible, plus accessible et plus transparente, ce projet, dénommé Portalis, s’inscrit dans la continuité des grands projets de modernisation et de simplification et constitue l’un des 50 projets informatiques les plus importants de l’Etat !Au-delà d’une « simple » refonte du système d’information destiné à remplacer les applications civiles existantes, le projet Portalis est conçu comme le support d’une justice moderne, adaptée aux attentes des citoyens, aux métiers de la justice et à ses évolutions. Il s’agit notamment d’une véritable opportunité de simplification et d’unification des procédures pour la chaîne judiciaire civile.Avec un déploiement progressif jusqu’en 2021, séquencé autour de 6 versions afin d’en sécuriser la mise en œuvre, le projet Portalis sera porteur de gains pour une large gamme de publics : justiciables, auxiliaires de justice et juridictions.Pour les justiciables, l’offre de services va ainsi être progressivement élargie afin de leur permettre en cible de :

saisir en ligne une demande d’aide juridictionnellesaisir une juridiction directement sur internetsuivre en ligne l’avancement de leur procédurerecevoir par mail tous les documents liés à leur procédure

Portalis impactera aussi tous les professionnels du droit dans les années à venir :les greffiers, dont les applicatifs métiers vont être rassemblés en un applicatif

unique permettant une dématérialisation de bout-en-bout des procédures et des transmissions de pièces (convocations par exemple) ;

les magistrats, à qui sera proposé un « bureau virtuel » ;les auxiliaires de justice (avocats, huissiers, experts), partenaires des

juridictions, pour lesquels l’ensemble des échanges avec les juridictions seront dématérialisés (saisie et envoi en ligne des procédures, saisie en ligne de l’aide juridictionnelle, mise en place d’une signature électronique pour récupérer les pièces et documents des parties pour les tribunaux d’instance et les conseils prudhommaux, consultation en ligne des dossiers à leur charge, etc.).

Document 13 : Pr A. Bugada, La loi Macron et les prud'hommes : une (r)évolution, Procédures n° 11, Novembre 2015, alerte 49

La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances a profondément retouché la justice prud'homale. Cette réforme s'appuie, à titre principal, sur le rapport du président Lacabarats (A. Lacabarats, La réforme de la procédure en droit du travail : Procédures 2015, étude 2). L'usage de l'article 49-3 de la Constitution a permis d'user d'un véhicule bélier pour réformer la prud'homie. Il faut d'ailleurs la lire comme une étape du projet global dit « Justice 21 ». Celui-ci vise, notamment, la création d'un pôle social au sein des tribunaux de grande instance coordonnant les litiges afférents au relations de travail, y compris collectives. On retiendra les points marquants suivants.

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1. Le tribunal de grande instance. – Le tribunal d'instance (TI) cesse d'être la juridiction de suppléance en cas de disfonctionnement du conseil de prud'hommes. Ce rôle est dévolu à « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d'appel ». L'idée est de permettre progressivement la passation de ces fonctions aux magistrats du TGI. D'ailleurs, il est désormais prévu que le président du TGI désignera, parmi les membres de sa juridiction, ceux ayant les connaissances requises pour exercer les fonctions juge départiteur. Il en va de même pour celui qui assumera la présidence de la formation de jugement échevinée (dite élargie) qui est conçue comme une formation anticipant le risque de départage. La prévalence du TGI modifie le positionnement des conseils de prud'hommes dans l'ordonnancement judiciaire.

2. Les conseillers prud'hommes. – Leur statut est réécrit en insistant sur leurs devoirs de « juge ». La loi renforce d'abord l'exigence de formation en rendant impérative celle « initiale » (cinq jours), commune aux employeurs et salariés, ce qui n'enlève rien à la formation continue de ces derniers. Sont réaffirmées ensuite des exigences déontologiques déjà connues du droit positif (indépendance, impartialité, dignité, secret des délibérations). Relevons que le mandat impératif est strictement interdit (il l'était déjà), des sanctions disciplinaires lourdes étant prévues (déchéance, interdiction d'exercer un mandat prud'homal pendant dix ans). Les conseillers ne peuvent recourir à des actions concertées (« grève ») entravant le fonctionnement des juridictions, notamment sous forme de renvois aux conséquences excessives. Ceci dessine un nouveau droit disciplinaire (procédure et échelle des sanctions) permettant aux premiers présidents de cour d'appel de procéder à des rappels à l'ordre. Cependant, une commission nationale de discipline sera chargée de l'office disciplinaire. Sa composition est paritaire, y compris quant au genre (homme/femme), mais aussi échevinée puisqu'elle accueille deux magistrats du siège des cours d'appel et sera présidée par un membre du conseil d'État. 14 500 conseillers prud'hommes sont donc potentiellement concernés par ce nouveau régime disciplinaire qui, in fine, instaure un modèle hiérarchique inédit.

3. Le défenseur syndical. – La personne habilitée à assister ou représenter au titre d'une organisation syndicale est désormais dotée d'un statut protecteur (protection contre le licenciement, heures de délégation, autorisations d'absence), y compris sur le plan pénal (délit d'entrave). Les défenseurs syndicaux sont inscrits sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations syndicales représentatives au niveau national (leur nombre reste à déterminer). Les bases d'une déontologie sont posées : pas de cumul avec les fonctions de conseiller prud'homal au sein d'un même conseil, respect du secret professionnel, obligation de discrétion, etc. La question tarifaire n'est pas abordée, ce qui est regrettable. Ici la loi rapproche ces fonctions de celles de l'auxiliaire de justice, le défenseur syndical étant susceptible, au demeurant, d'officier devant la cour d'appel (ce qu'il faisait déjà au titre de l'article 931 du Code de procédure civile). Le projet de décret envisage en effet de rendre obligatoire en appel la représentation des parties par constitution d'avocat ou par l'intermédiaire du défenseur syndical.

4. Le règlement amiable des différends. – Les résolutions amiables sont encouragées. La médiation conventionnelle est enfin permise ainsi que le recours à la convention de procédure participative (C. civ., art. 2064 modifié). Un projet de décret indique que le livre V du Code de procédure civile, relatif à la résolution amiable des différends (RAD), serait applicable aux litiges prud'homaux. Toutes les formations (conciliation, jugement, référé) pourraient ainsi aiguiller les parties vers une résolution douce lorsqu'elles ne l'ont pas anticipée. En revanche, l'homologation de l'accord relèverait du bureau de conciliation, ce que la loi n'indique pas à ce jour. Celle-ci réserve cependant le caractère obligatoire de la conciliation prud'homale, hors les hypothèses réglementées de saisine directe du bureau de jugement, en l'absence d'accord :

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le choix d'un RAD ne dispense pas de la conciliation prud'homale lorsque le différend persiste. Celle-ci est d'ailleurs aménagée (possibilité d'auditions séparées et respect de la confidentialité des échanges). L'idée générale est clairement de favoriser la coopération en vue du règlement amiable tout en misant sur le rôle pacificateur des conseillers prud'homaux.

5. Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO). – Cette appellation traduit une évolution majeure. La mise en état est en voie de rénovation mais, surtout, une mission d'orientation des affaires apparaît. Les mesures prises à cet effet sont d'administration judiciaire, insusceptibles de recours contentieux. Quatre hypothèses sont à retenir. 1° Le BCO peut d'emblée statuer en formation de jugement, au principal, en l'état des pièces communiquées par la partie comparante. Cette innovation ne distingue du cas où le BCO statue en formation juridictionnelle au titre des mesures provisoires. Elle joue dans le cas précis où l'une des parties est absente, en méconnaissance de la comparution en personne. Cette passerelle immédiate paraît critiquable au regard du principe du contradictoire d'autant que les petites affaires (dites simples), risquent de ne pas atteindre le taux de l'appel. Le BCO est potentiellement une formation de jugement, son appellation se révélant trompeuse pour le justiciable. 2° Le BCO peut orienter l'affaire vers une formation de jugement restreinte (deux conseillers), lorsqu'elle porte sur une demande de résiliation ou de licenciement. Le choix de ce « circuit court » est censé déboucher sur un jugement dans les trois mois, sans doute pour les litiges « simples », ce délai n'étant probablement qu'indicatif. 3° Le BCO peut orienter vers la formation paritaire plénière (quatre conseillers). C'est la formation classique qui présente le risque, sur des litiges sensibles, du partage des voix et donc du renvoi en départage. 4° Voilà pourquoi, le BCO peut ab initio orienter vers la formation de jugement échevinée ; ce choix vise à anticiper le risque d'augmentation des délais dus au départage. Il se fait sur demande des parties ou au regard de la « nature du litige ». On perçoit que cette « voie solennelle » est suggérée pour les litiges sociétaux (ex. : libertés religieuses) mais surtout sériels (ex. : licenciements économiques, préjudices spécifiques, discriminations...). L'idée sous-jacente est que la formation échevinée pose une jurisprudence de référence ou régule les jonctions d'instances en cas de demandeurs multiples.

6. L'office du juge. – Deux apports majeurs méritent attention. D'abord, la saisine pour avis de la Cour de cassation est ouverte aux demandes d'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif. L'article L. 441-1 du Code de l'organisation judiciaire est ainsi enrichi. Encore faudra-t-il que la norme collective suscite une question de droit nouvelle et une difficulté sérieuse se posant dans de nombreux litiges. Cette possibilité contribuera à l'effort réformateur du droit du travail contemporain fondé sur le droit de la négociation collective (V. Rapp. Combrexelle). Ensuite, le juge prud'homal bénéficiera (après avis du conseil supérieur de la prud'homie) d'un référentiel pour évaluer le montant de l'indemnité de licenciement injustifié. L'idée d'une grille non contraignante, à l'instar des nomenclatures du droit de la réparation civile, invite à rationaliser une indemnisation qui subit trop de variations sur le territoire et selon les juges. Les parties pourront cependant, sur demande, solliciter l'application de ce référentiel. Cela dit, hors cet office lié, l'inventivité indemnitaire du juge reste entière (sous réserve de l'exigence de motivation). Le dispositif de plafonnement qui tenait compte de la taille des entreprises a été déclaré inconstitutionnel au regard du principe d'égalité (Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC : JO 7 août 2015, p. 13616). La réforme est, sur ce point, au milieu du gué.

Document 14 : Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

Article 20L'article L. 10 du code de justice administrative est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

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« Ces jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées.« Cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de réidentification des personnes. « Les articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le public et l'administration sont également applicables à la réutilisation des informations publiques figurant dans ces jugements.« Un décret en Conseil d'Etat fixe, pour les jugements de premier ressort, d'appel ou de cassation, les conditions d'application du présent article. »

Article 21Le chapitre unique du titre Ier du livre Ier du code de l'organisation judiciaire est complété par un article L. 111-13 ainsi rédigé :« Art. L. 111-13. - Sans préjudice des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées.« Cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes. « Les articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le public et l'administration sont également applicables à la réutilisation des informations publiques figurant dans ces décisions.« Un décret en Conseil d'Etat fixe, pour les décisions de premier ressort, d'appel ou de cassation, les conditions d'application du présent article. »(...)Titre IV : RECENTRER LES JURIDICTIONS SUR LEURS MISSIONS ESSENTIELLES (...)

Article 48

I.-Le code civil est ainsi modifié : (...)3° L'article 515-3 est ainsi modifié : a) Le premier alinéa est ainsi rédigé : « Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d'empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l'officier de l'état civil de la commune où se trouve la résidence de l'une des parties. » ; b) Au deuxième alinéa, les mots : « le greffier du tribunal d'instance » sont remplacés par les mots : « l'officier de l'état civil » ; c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé : « A peine d'irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l'officier de l'état civil, qui la vise avant de la leur restituer. » ; d) Au début du quatrième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L'officier de l'état civil » ; e) A l'avant-dernier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à l'officier de l'état civil » ;

Article 50

I.-Le titre VI du livre Ier du code civil est ainsi modifié : 1° L'article 229 est ainsi modifié :

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a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « Les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire. » ; b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : «, dans le cas prévu au 1° de l'article 229-2 » ; 2° La section 1 du chapitre Ier est ainsi modifiée : a) Au début, il est ajouté un paragraphe 1 ainsi rédigé :

« Paragraphe 1 « Du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire

« Art. 229-1.-Lorsque les époux s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l'article 1374. « Cette convention est déposée au rang des minutes d'un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l'article 229-3. Il s'assure également que le projet de convention n'a pas été signé avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article 229-4. « Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire.

« Art. 229-2.-Les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque : « 1° Le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l'article 388-1, demande son audition par le juge ; « 2° L'un des époux se trouve placé sous l'un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre.

« Art. 229-3.-Le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas. « La convention comporte expressément, à peine de nullité : « 1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ; « 2° Le nom, l'adresse professionnelle et la structure d'exercice professionnel des avocats chargés d'assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;

« 3° La mention de l'accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ;

« 4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s'il y a lieu au versement d'une prestation compensatoire ; « 5° L'état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation ; « 6° La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l'article 388-1 et qu'il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.

« Art. 229-4.-L'avocat adresse à l'époux qu'il assiste, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l'expiration d'un délai de réflexion d'une durée de quinze jours à compter de la réception.

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« La convention a force exécutoire au jour où elle acquiert date certaine. » ;

b) Il est inséré un paragraphe 2 intitulé : « Du divorce par consentement mutuel judiciaire » et comprenant les articles 230 à 232 ; c) Au début de l'article 230, sont ajoutés les mots : « Dans le cas prévu au 1° de l'article 229-2, » ; 3° L'article 247 est ainsi rédigé :

« Art. 247.-Les époux peuvent, à tout moment de la procédure : « 1° Divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire ; « 2° Dans le cas prévu au 1° de l'article 229-2, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci. » ;

4° Le chapitre II est ainsi modifié : a) L'intitulé est complété par le mot : « judiciaire » ; b) L'intitulé de la section 2 est complété par le mot : « judiciaire » ; c) L'intitulé de la section 3 est complété par le mot : « judiciaires » ; 5° L'article 260 est ainsi rédigé :

« Art. 260.-Le mariage est dissous : « 1° Par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire ; « 2° Par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. » ;

Article 56

I.-L'article 60 du code civil est ainsi rédigé :« Art. 60.-Toute personne peut demander à l'officier de l'état civil à changer de prénom. La demande est remise à l'officier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. S'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée. « Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. « La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l'état civil. « S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu'elle est contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »

Document 15 : J. Urvoas, Lettre du garde des Sceaux à un futur ministre de la justice – Partageons une ambition pour la justice, 18 avril 2017, introduction, Dalloz

Madame la ministre,Monsieur le ministre,

Tout l’art de la politique est de savoir se servir des conjectures. Et, dans la responsabilité que vous endossez, celles-ci vous inviteront rapidement à l’action.

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En effet, non seulement la justice est plus souvent source de critiques qu’objet de félicitations dans notre pays mais, de surcroît, la campagne électorale en a fait un regrettable sujet de polémiques.

Pourtant, son essence même est la concorde puisque la paix véritable ne peut se construire au milieu des injustices de tous ordres. Et, de fait, les hommes l’ont inventée dans le but de dépasser la violence, le lynchage ou la tyrannie de l’instant. C’est pour cela qu’elle occupe une place singulière dans notre organisation publique, au point que Diderot écrivait : « La justice est la seule vertu qui existe ».

Cependant, vous aurez probablement peu loisir d’y réfléchir, tant vous serez sollicité par les urgences. Dans l’action ministérielle, il manque toujours du temps. Sans doute d’ailleurs est-ce la marque de notre société. Faut-il alors s’étonner que nos régimes politiques se soient fait une spécialité des demi-mesures, faute de pouvoir bénéficier du recul suffisant pour penser les réformes vigoureuses ?

C’est pour tenter de pallier cette carence que j’ai engagé le travail que je vous remets. À l’occasion de mes vœux aux personnalités du monde judiciaire, le 17 janvier 2017, j’avais indiqué qu’un ministre doit se comporter comme un jardinier et planter des graines dont seuls ses successeurs profiteront des arbres et récolteront les fruits qui en seront issus. Tout au long de ces mois place Vendôme, j’ai donc inlassablement sarclé, obstinément biné, opiniâtrement semé, en cherchant à renforcer le service public de la justice.

Certaines pousses apparaissent déjà, j’y reviendrai ; j’ai, par exemple, été heureux d’entendre de nombreux chefs de cour ou de juridiction reconnaître qu’ils avaient commencé l’actuel exercice budgétaire avec plus de moyens qu’ils n’en avaient jamais eus. Et certains fruits sont même formés : ainsi toutes les écoles du ministère (celle de la protection judiciaire de la jeunesse à Roubaix, celle des greffes à Dijon, celle de la magistrature à Bordeaux, celle de l’administration pénitentiaire à Agen) fonctionnent-elles au maximum de leurs capacités de formation tant les recrutements ont été conséquents.

Mais, des chantiers majeurs restent encore à mener, pour lesquels le temps m’a fait défaut. Je les ai identifiés de longue date et j’ai rassemblé expertise et technicité pour que les diagnostics soient amplement partagés, au-delà des alternances. De même, j’ai fait évoluer bien des textes qui entravaient notre capacité à les conduire et négocié des évolutions statutaires avec les organisations syndicales partenaires pour que les personnels accompagnent sereinement ces évolutions. Toutefois, ces efforts préparatoires n’annoncent malheureusement pas des concrétisations aisées ou des compromis faciles tant la souplesse et le pragmatisme ne figurent pas au panthéon de nos spécialités nationales. Jules César n’avait-il pas déjà identifié, dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules, que la discorde perpétuelle des tribus gauloises constituait leur principale faiblesse ?

Il vous faudra donc agir sans désemparer, avec l’élan nécessaire que permet un début de quinquennat. Pour ce faire, je vous soumets dix chantiers, tous tournés vers une unique ambition : réparer le présent et préparer le futur.

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