Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

236
A A 1 W M I PRA NANPAD 1 1 T L S LYINGS 1 ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ P ~ ~ ~ ~ ~ ÉRIC EDELM NN ~ OLIVIER HUMBERT ~ ~ ~ Dr CHRISTOPHE M SSIN ~ ~ ~ ~ Introduction 1

Transcript of Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    1/235

    A A

    1

    W M I PRA NANPAD

    1

    1

    T

    L S

    LYINGS

    1

    ~ ~

    ~ ~

    ~

    ~

    ~

    P ~

    ~

    ~

    ~

    ~

    RIC

    EDELM NN

    ~

    OLIVIER

    HUMBERT

    ~

    ~

    ~

    Dr

    CHRISTOPHE M SSIN

    ~

    ~

    ~

    ~

    Introduction 1

    ~

    d'Arnaud Desjardins

    1

    ~

    ~

    L TABLE RONDE

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    2/235

    ollection Les hemins de la Sagesse

    dirige par Vronique Loiseleur

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    3/235

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    4/235

    Swmi rajnnpad

    et

    l s

    lyings

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    5/235

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    6/235

    wmi

    Pra nnpad

    et

    l s

    lyings

    par

    RIC EDELMANN

    OLIVIER HUMBERT

    Dr

    HRISTOPHE

    MASSIN

    Introduction

    d Arnaud

    esjardins

    La

    Table Ronde

    7 rue Corneille Paris

    e

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    7/235

    ditions de

    La

    Table Ronde Paris 2000.

    ISBN

    2-7103-0975-0.

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    8/235

    SOMM IRE

    INTRODUCTION

    ArnaudDesjardins

    LE POINT DE VUE DU PHILOSOPHE 3

    ric Ede mann

    LE POINT DE VUE

    DU

    PSYCHOTHR PEUTE 87

    Olivier Humbert

    LE

    POINT

    DE VUE

    DU PSYCHI TRE 35

    r

    hristophe

    Massin

    CONCLUSION

    7

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    9/235

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    10/235

    INTRODU TION

    RN UD DESJ RDINS

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    11/235

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    12/235

    Introduit en France

    l

    y a quelque vingt-cinq ans, le mot

    anglais lying s est peu

    peu

    rpandu sinon dans le

    grand

    public,

    du

    moins dans

    un

    certain public concern soit

    par

    les

    proccupations spirituelles soit par les diffrentes mthodes

    de

    psychothrapie.

    n agit d une pratique particulire, mais en vrit trs simple,

    intgre dans son enseignement par un matre hindou tradi

    tionnel

    et

    non pas d une innovation destine

    se rpandre lar

    gement comme ce fut le cas par exemple de la mditation

    transcendantale

    de

    Maharishi Mahesh

    Yogi. Swmi

    Prajnnpad,

    par

    s naissance Yogeshvar Chattopodhyaya, tait

    un brahmane bengali qui avait reu

    une

    double formation,

    vedantique classique et scientifique moderne. Aprs avoir

    enseign les mathmatiques et la physique au Kashi Vidyapith

    un collge hindou

    de

    Bnars, Yogeshvar Chattopadhyaya,

    devenu Swmi Prajnnpad

    la

    mort de

    son propre gourou

    Nirlamba Swmi, s tait install dans le petit ashram de celui

    ci

    Channa prs de urdwan au Bengale.

    Swmi

    Prajnnpad, Daniel Roumanoff a consacr

    une

    thse univer

    sitaire sous la direction

    de

    l indianiste Michel

    Hulin

    (rvise

    et publie sous le titre Svmi Prajnnpad La Table Ronde),

    lequel a bien voulu prfacer

    un

    tome

    de

    la traduction fran

    aise des lettres du Swmi

    ses lves indiens ou franais La

    Vritdu bonheur

    d. l Originel). Swmi Prajnnpad, Swmiji

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    13/235

    12 SWMI PRAJNNPAD ET LES

    LYINGS

    pour ses familiers, a galement suscit l intrt

    du

    philosophe

    Andr Comte-Sponville qui, aprs avoir prfac

    un

    autre tome

    des lettres

    en

    question

    Les Yeux ouverts, d.

    l Originel), a crit

    lui-mme

    un

    petit ouvrage sur ce sage qu il admire, mme sans

    l avoir personnellement rencontr

    (De l autre ct du

    dsespoir,

    d.

    l Originel).

    Swmi Prajnnpad n a jamais

    eu

    un trs grand nombre de

    disciples mais un Franais,

    Daniel

    Roumanoff, l a rencon

    tr

    en

    1959 et a peu peu

    introduit

    auprs de lui quelques

    amis. J ai moi-mme sjourn

    pour

    la premire fois auprs

    de

    Swmiji l ashram Channa

    au

    printemps

    de

    1965.

    C tait

    la

    fois

    un

    aboutissement

    et

    un

    nouveau dpart.

    L aboutissement de seize annes

    de

    recherche qui avaient

    commenc en 1949 avec les Groupes

    Gurdjieff

    anims,

    juste aprs la mort de

    M. Gudjiefflui-mme,

    par quelques

    uns de ses plus proches disciples. Pendant dix ans, ma pre

    mire pouse Denise Desjardins et moi-mme avons assi

    dment

    suivi

    cet

    enseignement

    pour

    lequel j exprime au

    passage

    une dette de gratitude

    sincre.

    J ai

    appris

    pendant

    ces annes beaucoup

    de

    vrits prcieuses concernant la pr

    sence soi-mme, la connaissance de soi, la possibilit d in

    troduire

    une

    conscience nouvelle dans la mcanicit des jeux

    d actions et de ractions de nos diffrentes fonctions. Et je

    n ai rien vu dans ces Groupes

    de

    choquant

    ou

    de

    scandaleux

    contrairement

    certaines

    rumeurs qui ont abondamment

    circul.

    Si,

    pendant

    onze mois

    de

    sjour au Sanatorium des

    tu

    diants,

    en 1949-1950, je

    m tais beaucoup intress, sous

    l influence

    de

    certains malades mdecins internes des

    hpi

    taux psychiatriques, aux littratures psychologique

    et

    psy

    chanalytique, tous mes intrts s taient par la suite centrs

    sur ce

    qu on

    appelle parfois spiritualit parfois sotrisme et

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    14/235

    INTRODU TION

    IJ

    toutes mes lectures en franais

    ou en

    anglais taient consa

    cres ce type d ouvrage.

    En 1958,

    un

    sjour prolong dans une abbaye de Trappistes

    m avait fait dcouvrir un aspect du christianisme qui tait

    rest pour moi jusque-l peu connu et, en 1959, Denise et

    moi avons rencontr

    pour la

    premire fois

    la

    clbre sainte

    bengalie M Anandamayi.

    ette

    rencontre fut la fois bou

    leversante et dcisive. Notre intrt volua peu peu de l en

    seignement de Gurdjieff vers la sagesse hindoue tradition

    nelle. Nous fimes en Inde, anne aprs anne, de nombreuses

    rencontres jusqu

    un

    nouveau sjour en 1965, l occasion

    du tournage pour la tlvision franaise de films sur

    l s matres

    tibtains, au cours duquel Swmi Prajnnpad est entr dans

    notre existence o il devait jouer le rle dcisif.

    Certes, j ai compris assez vite auprs de Swmi Prajnnpad

    que le pass

    dont

    tous les enseignements spirituels nous

    appellent tre libre ne pouvait pas tre une vague entit

    opposer au futur mais

    mon

    propre pass individuel intime,

    ma propre enfance, ma propre petite enfance, rejoignant par

    l toute une part de la recherche psychologique contempo

    raine. Mais quel ne fut pas

    mon

    tonnement lorsqu en 1966,

    Swmi Prajnnpad ayant bien voulu accepter l invitation de

    s s lves franais

    et

    sjourner six mois dans une maison avec

    jardin Bourg-La-Reine, j entendis un matin de trs bonne

    heure des pleurs et des gmissements maner de la chambre

    o

    celui-ci rsidait

    et o

    il donnait s s entretiens.Je n obtins

    d abord que quelques explications succinctes, Swmiji m ayant

    seulement

    dit

    qu il avait aid Denise exprimer des mo-

    tions infantiles refoules to xpress repressed childish mo-

    tions). Swmiji veilla ensuite ce que ces sances d expres-

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    15/235

    I4 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    sion aient lieu lorsque personne ne pouvait

    en

    avoir un cho.

    C est peu

    peu

    que je compris que Swmi Prajnnpad avait

    propos autrefois ses lves indiens

    et

    aujourd hui cer-

    tains des Franais

    de

    s allonger auprs

    de

    lui comme on s al-

    longe sur le divan

    chez

    le psychanalyste, cette diffrence

    qu il s agissait

    d un

    petit

    matelas pos

    mme

    le sol,

    et

    d es-

    sayer d entrer

    en

    contact avec les mcanismes profonds, plus

    ou moins refouls,

    du

    psychisme.

    Il

    s agissait de ce

    que la

    tradition

    hindoue appelle les empreintes,

    samskra et

    les

    dynamismes latents,

    vsana.

    La

    terminologie habituelle des

    indianistes utilise

    plutt le

    terme

    subconscient qu incons-

    cient,

    bien

    que

    le

    mondialement

    clbre indianiste

    Mircea

    Eliade

    n ait pas hsit crire dans

    son imposant

    ouvrage

    sur

    le yoga :

    Les

    yogis connaissaient

    la

    psychanalyse deux

    mille ans avant

    Freud.

    Si l enseignement de Swmi Prajnnpad pouvait tre consi-

    dr

    comme

    trs complet, trs labor, nourri

    la

    fois

    de

    sa

    formation scientifique moderne

    et

    de sa culture de brahmane

    rudit,

    sans

    parler mme de son

    propre

    accomplissement

    personnel,

    la

    thorie des lyings tait on ne peut plus simple.

    Elle reposait

    sur

    ce

    que

    Freud, dans les premiers temps

    de

    la

    psychanalyse,

    dnommait

    ce que nous traduisons

    en

    fran-

    ais par abraction, raction loigne, ragir aujourd hui

    un vnement ancien.

    Les

    dveloppements ultrieurs

    de la

    psychanalyse

    n ont

    gure

    jou

    de

    rle dans

    mon

    propre che-

    minement

    auprs de Swmiji.

    Nanmoins,

    il interprtait,

    par exemple, la pulsion de mort comme tendance

    de

    retour

    l quilibre. Swmiji employait des termes comme expres-

    sion des motions et passage l acte ( la diffrence du vcu

    conscient des motions dans la mditation classique

    o

    l im-

    mobilit

    de

    la

    posture est primordiale) mais il ramenait tou-

    jours l motion

    la reprsentation,

    la

    vision objective.

    L origine

    de

    l motion (depuis

    la

    tentative

    de

    nier ce qui est

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    16/235

    INTRODUCTION

    s

    jusqu

    la

    fascination) est une reprsentation fausse, errone

    de la ralit ( penser

    , thinking

    au lieu de voir ).

    L motion est

    un

    aspect de chitta le psychisme incluant l in

    conscient. Le lying avait

    pour

    but d exprimer l motion

    latente, de la faire sortir, de lui faire prendre forme. Seule la

    forme permet de voir

    .

    Seule

    la

    connaissance libre

    et

    la

    connaissance vient

    du

    fait

    de

    voir.

    C est pourquoi le lying, expression d motion, est inspa

    rable de la connaissance qu il permet de provoquer

    et,

    en

    aucun cas, ne se rsume une expression simple, une abrac

    tion pure, isole

    de

    la comprhension

    du

    processus. Lying

    et

    connaissance forment une unit insparable et isoler le

    lying de la connaissance n aurait plus rien voir avec le lying.

    Le danger

    est

    de ne considrer le lying que comme

    une

    exploration de l inconscient ,

    un

    voyage exotique travers

    des vies antrieures , une catharsis . L abraction des

    affects soulage pourun temps car la pression interne est rel

    che mais elle ne libre pas et la difficult demeure la mme,

    irrsolue.

    Il

    en

    est ainsi

    pour tout

    lying qui n aboutirait pas

    une connaissance. En d autres termes, le lying est une tech

    nique qui permet, par l expression des motions, de donner

    une forme aux reprsentations errones que nous nous fai

    sons du monde.

    Et

    sur cette forme l est possible de travailler.

    Un lying

    russi

    est une reprsentation qui est dissoute.

    C est l que Swmi Prajnnpad rejoint Freud. Mais celui-ci

    craignait les abractions violentes (notamment les femmes

    qui lui tombaient dans les bras ) et, en consquence, l a assez

    vite ramen la cure la parole, au dtriment de toute forme

    d expression par l action. Swmiji encourageait l expression

    sans restriction dans le cadre de la sance de lying et du lieu

    o

    elle se droulait, insistant par contre sur la tentative de

    contrle lorsque les circonstances le demandent.

    Le

    trans

    fert et les projections

    du

    pass sur Swmiji, parfois mme

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    17/235

    16

    SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    des gestes agressifs son gard, taient admis dans le contexte

    strict

    du lying

    lui-mme.

    Une

    fois pass l tonnement de dcouvrir qu un matre

    traditionnel

    hindou

    pouvait aider des disciples pleurer, si

    ce n est pas crier, en revivant des souvenirs enfouis, j ai fini

    par

    accepter

    une

    proposition

    que

    Swmiji m avait faite

    et

    j ai

    pass prs de

    lui

    trois mois d affile,

    en

    1967, consacrs ce

    travail parfois laborieux et ingrat de plonge dans

    la

    mmoire

    lointaine pour

    retrouver la fois l intensit des motions et

    la

    vivacit

    de

    souvenirs parfois

    compltement

    oublis la

    surface de la conscience. Mais, et

    je

    n insisterai jamais trop,

    pour

    moi-mme,

    comme pour

    les

    Indiens

    et

    Franais

    que

    Swmi Prajnnpad avait bien voulu prendre

    en

    charge, cette

    expression des motions refoules tait totalement associe

    et intgre l ensemble de la dmarche qu il nous proposait

    et insparable de celui-ci.

    Deux ans avant la

    mort

    de Swmi Prajnnpad, envisageant

    avec

    lui

    l volution de mon activit, nous avons prvu que

    j allais

    mettre

    fin

    ma

    profession de

    producteur

    et

    de

    rali

    sateur

    la

    tlvision

    et,

    la demande insistante

    de

    quelques

    lecteurs de

    mes

    premiers livres, fonder

    en

    France un lieu o

    je

    transmettrais ce

    que

    j avais

    moi-mme

    reu travers mes

    propres annes de recherche et de rencontres et, avant tout,

    auprs

    de

    lui.

    Dans

    un endroit

    recul

    de l Auvergne, au

    lieudit

    Le

    Bost

    ,je me

    suis donc install fin 1974, un mois avant que

    Swmi Prajnnpad

    r

    abandonne son corps physique

    ,

    selon

    l expression

    hindoue

    classique.

    Je

    n envisageais pas

    de

    faire

    faire

    rapidement

    des lyings

    aux

    uns et aux autres, jusqu au

    moment o une personne sjournant en ce lieu et sevre de

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    18/235

    INTRODUCTION

    ses points d appuis

    et

    de ses distractions habituelles, com

    mena tre submerge, chaque fois qu elle demeurait seule

    dans sa chambre, par les souvenirs dchirants de son enfance

    pendant la dernire guerre.

    Et

    c est ainsi que commena au

    Bost le premier lying.

    Nous avons en France utilis ce terme anglais qui signifie

    tout simplement tre couch, tre allong. Pendant des

    annes, aucun des Indiens proches de Swmiji n avait utilis

    ce

    mot

    mais, comme les Franais avaient constat

    que

    Swmiji utilisait le mot sitting tre assis, pour dsigner les

    rencontres en tte--tte avec lui, nous avons tout naturel

    lement utilis le mot lying pour ces sances o nous tions

    allongs.

    Au

    Bost, Denise et moi-mme avons donc guid

    dans cette dmarche un certain nombre de personnes, d ge,

    de sexe de formation diffrents. Pour elle comme pour moi,

    le lying tait une part prcieuse de notre chemin auprs de

    Swmi Prajnnpad et indissolublement associ notre rela

    tion avec lui, au souvenir si vivant que nous conservions de

    ces annes de sjours rpts au Bengale. Certaines personnes

    n ont pas eu la discrtion que Swmiji exigeait de nous

    et

    le

    bouche oreille a commenc faire circuler l information

    que, chez Arnaud Desjardins, on pratiquait une sorte de

    psychanalyse sauvage

    et

    bon march. Pire encore, il

    tait non seulement question de retrouver des souvenirs d en

    fance mais aussi d tranges souvenirs, revcus avec

    un

    got

    surprenant de certitude

    et

    que pourtant rien ne pouvait expli-

    quer dans l existence actuelle- autrement dit ce qu un hindou

    aurait interprt comme une rminiscence d existence ant

    rieure. Ces lyings, au Bost, des psychiatres et des psycho

    logues en ont vcu, retrouvant, dans le contexte particuli

    rement intense

    d un petit

    ashram isol dans le centre de

    l Auvergne, des souvenirs que leur propre analyse didactique

    n avait jamais ramens la surface. Nous persistions alors

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    19/235

    18 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    considrer le lying uniquement comme

    un

    aspect particulier

    d une voie traditionnelle transmis par un matre hindou.

    L origine de

    la

    technique est l application de ce que

    Swmiji avait dcouvert des thories freudiennes, alors que,

    dans la pratique orientale habituelle, l accent

    est

    mis avant

    tout

    sur

    la

    mditation

    ,

    sur

    l assise silencieuse. Les

    mo-

    tions latentes se manifestent sous forme

    de

    sensations lors

    de

    sances

    de

    mditations, sans acting out sans expres

    sion extrieure. Qyelle ne fut pas ma surprise lorsque, dans

    un dernier ouvrage sur Les nouvelles thrapies du clbre

    auteur belge Pierre Daco, aprs ses deux best-sellers sur

    la

    psychologie

    et

    la

    psychanalyse,

    j ai

    dcouvert deux pages,

    tout

    fait amicales d ailleurs,

    sur

    le lying. Ainsi, selon cet

    auteur, ce fragment

    d une

    dmarche indissociable pour nous

    de l enseignement gnral de Swmi Prajnnpad apparais

    sait comme pouvant tre extrait de cet engagement dans ce

    que Swmiji lui-mme dnommait l adhyatma yoga rattach

    l

    advata vednta

    et

    pouvait tre interprt comme une psy

    chothrapie

    part

    entire. Personnellement,

    je

    me

    suis

    xpl -

    qu

    en

    partie

    sur

    cette approche particulire dans le tome

    II

    de

    la

    Recherche du soi Le Vedanta et 11nconscient au cha-

    pitre

    Chitta shuddhi la

    purification

    du psychisme

    ,

    et

    Denise Desjardins a publi plusieurs ouvrages tmoignant

    de

    sa propre exprience acquise auprs

    de

    Swmiji puis tra

    vers l aide qu elle apporte

    d autres depuis plus

    de

    vingt ans.

    Peu peu, le terme lying s est rpandu hors du petit groupe

    qui frquentait le Bost. Il est

    mme

    revenu nos oreilles que

    certaines personnes, sans aucune relation directe

    ou

    indirecte

    avec Swmi Prajnnpad, utilisaient ce terme pour satisfaire

    leurs patients.

    Nous

    avons donc cru ncessaire de dposer

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    20/235

    INTRODUCTION

    9

    l'appellation lying afin d'viter des confusions et les risques

    inhrents une pratique srieuse, grave, o l'amateurisme

    comporterait certainement des dangers. Ce terme doit

    demeurer consacr une transmission relevant de Swmi

    Prajnnpad

    et

    faisant partie de l'ensemble de son enseigne

    ment.

    Au

    il

    des annes, des personnes de plus

    en

    plus

    nom

    breuses s'tant intresses nos activits, j'ai t amen, ne

    serait-ce que pour dissiper certains malentendus, crire des

    textes qui pouvaient servir de rfrence, publier d'autres

    ouvrages.

    Une

    demande s'est accrue et, aprs des annes de

    pratique, certains familiers

    du

    Bost

    ont

    t

    en

    mesure de

    prendre la responsabilit de faire faire eux-mmes des lyings.

    Ceux-ci taient rservs des personnes engages sur la voie

    proposs par Denise

    et

    par moi-mme

    et

    dont tmoignaient

    les livres que publiait de son ct Daniel Roumanoff(Svmi

    Prajnnpad tomes

    I, II et

    III,

    d.

    de La Table

    Ronde

    ;

    Psychanalyse et s gesse orientale une lecture indienne de l in-

    conscient d. L'Originel). Depuis 1974, les dbuts de l'ash

    ram

    du

    Bost

    et

    la

    mort

    de

    Swmi Prajnnpad, vingt-six ans

    se sont couls apportant invitablement des changements,

    une volution. O Ielques centres se sont crs en relation

    intime avec le Bost (qui est aujourd'hui l'ashram d'Hauteville

    en Basse-Ardche) o des lyings peuvent tre accomplis en

    situation rsidentielle, c'est--dire au

    il

    de sjours

    d une

    semaine

    un

    mois suivant les cas.

    Chacun apporte

    cette pratique son exprience, sa sensi

    bilit, sa spcificit. Peu peu le lying prend son indpen

    dance

    par

    rapport aux souvenirs intimes et intensment

    vivants que Denise et moi-mme avions conservs de nos

    sjours au in fond du Bengale, dans un cadre de total dpay

    sement et un contexte vedantique. Mais tous ceux qui, lon

    guement forms dans cette ligne, assument cette responsa

    bilit, sont imprgns des paroles de Swmi Prajnnpad

    et

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    21/235

    20

    SWMI PRAJNNPAD

    ET

    LES LYINGS

    de

    l esprit

    de

    son enseignement. Afin que les personnes int

    resses puissent se faire une ide, non pas seulement du lying

    auprs de Swmi

    Prajnnpad

    mais de ce qu est devenue

    aujourd hui cette pratique, j ai

    demand

    trois d entre eux

    de

    porter leur propre tmoignage. Certaines diffrences dans

    l approche s y rvlent

    clairement

    mme

    si l esprit fonda

    mental est le mme. D une manire gnrale, certains rap-

    prochements superficiels peuvent tre faits avec telle ou telle

    cole

    de

    psychothrapie contemporaine, thrapie primale de

    Janov, bionergie, rebirth, Gestalt.

    l origine,

    la

    pratique du

    lying n tait certes pas destine des personnes psychique

    ment

    fragiles mais au contraire

    des candidats pouvant s ap

    puyer

    sur une

    structure intrieure et dsireux

    de

    poursuivre

    plus

    profondment

    la dmarche de connaissance de soi. Le

    fait de revivre avec toute l intensit de leur charge affective

    des situations traumatiques de la petite enfance n a en soi

    rien d original. Ce qui est original c est l insertion d une telle

    pratique dans une voie qui se prsente comme traditionnelle

    et

    qu incarnait

    un

    matre

    du

    nom

    de Swmi Prajnnpad, lui

    mme disciple

    de

    Nirlamba Swmi, lui-mme disciple d un

    certain Soham Swmi. Compte tenu

    de

    la spcificit

    et de

    la puissance

    de

    cette dmarche, il importe que le terme mme

    de

    lying

    ne

    soit pas abusivement utilis

    par

    des personnes

    qui

    n auraient

    pas, pendant des annes, approfondi la

    dmarche propose par Swmi Prajnnpad avec tout ce qu elle

    comporte d exigences radicales

    et

    tout ce qu elle demande

    d engagement, de courage et de persvrance. Le lying

    r

    tant

    pas

    une thrapie moderne parmi

    d autres beaucoup plus

    clbres, il n y a pas d cole

    de

    formation au lying, avec un

    cursus formalis

    et

    un diplme. Ce qui rend

    un

    pratiquant

    qualifi

    pour

    exercer cette activit, c est sa maturit person

    nelle, les preuves existentielles intimes qu il a traverses, sa

    comprhension et son exprience de la voie spirituelle dans

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    22/235

    INTRODUCTION

    2

    son ensemble, quitte

    pour

    lui inventer de nouvelles

    formes ou les modifier

    tout en

    restant dans le cadre gn

    ral, en ne perdant jamais de vue le but poursuivi : la lib

    ration des reprsentations mentales. Nous nous trouvons

    dans le cadre traditionnel de la relation matre-disciple, de

    la filiation, de la transmission, thmes qui

    ont

    travers les

    sicles

    et

    que j ai moi-mme abords dans L Ami spirituel

    Les rgles ne sont pas celles qui rgissent la pratique de la

    psychanalyse et de la psychothrapie individuelle ou en

    groupe. Mais la voie a elle aussi sa rigueur, son thique, ses

    impratifs. Et, surtout, son anciennet, ses deux trois mil

    lnaires d exprience. Elle constitue

    un

    tout organique et

    cohrent dont aucun aspect ne peut tre isol du contexte

    sans que l essentiel soit perdu.

    Il est grave d employer la lgre des termes aussi impor

    tants qu veil

    ou

    libration. Swmi Prajnnpad mon-

    trait le chemin de la non-dualit (advata}, impliquant l ef

    facement progressif de l gocentrisme, de la conscience

    individuelle limite, spare

    et

    sparante.

    Demeurent

    une

    vision mais il n y a plus un ego spar qui voit, une coute

    mais il n y a plus quelqu un qui coute, une compassion

    mais il n y a plus un sujet qui aime un objet. Nous rejoignons

    l l ide bouddhiste de l absence (et pas seulement de la pr

    sence) ou de l observation sans un observateur. C est dans

    ce contexte

    non

    dualiste qu est n,

    en

    Inde, le lying.

    Et

    ce

    contexte

    est

    bien tranger la mentalit moderne, mme

    religieuse, donnant souvent lieu des incomprhensions et

    des jugements critiques faute d une ralisation personnelle

    de cette rosion de l ego au profit de la communion.

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    23/235

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    24/235

    LE PO NT E

    VUE

    U

    PHILOSOPHE

    RI

    EDELM NN

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    25/235

    ric Edelmann

    est

    n

    le

    6 mai

    1952 Paris. Docteur

    en philosophie

    avec

    une thse sur

    le

    sujet :

    l homme

    intrieur en Orient et en Occident diri

    ge par

    le

    professeur Guy

    Bugault. au dpartement

    de sciences

    des

    reli

    gions

    l universit

    Sorbonne

    Paris

    IV.

    Il

    a

    rencontr

    Arnaud

    Desjardins

    en

    1974 et s est engag auprs de lui comme lve sur la voie de l adhyatma

    yoga

    Une

    dmarche

    personnelle de lyings .

    sous forme

    de nombreuses

    retraites

    chelonnes

    sur six annes. l a conduit partir de 1984 accom-

    pagner

    lui-mme

    d'autres

    personnes dans

    ce

    travail

    d introspection. Il

    anime actuellement au

    Qubec

    un

    centre

    dans

    la

    ligne de l enseignement

    qui

    lui a

    t

    transmis. celle

    d une

    voie de croissance intrieure. de connais

    sance de soi et d ouverture

    la vie

    spirituelle. ric Edelmann est l auteur

    de

    plusieurs

    ouvrages:

    L Homme et

    sa

    Ralisation

    (Beauchesne. 1980)

    et

    aux ditions

    de

    a Table

    Ronde :

    Mtaphysique pour un

    passant (1982) ;

    tclairs d ternit ( 1990) ; Plus on est de sages. plus on rit (

    1990)

    .

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    26/235

    Telle est la ruse d'une imagination vive que,

    si elle

    conoit quelque joie, elle

    cre

    aussitt un tre porteur de

    cette joie ; ou si dans la nuit,

    elle

    suscite quelque frayeur

    on aura vite fait de prendre un buisson pour un ours.

    SHAKESPEARE,

    e

    Songe d une nu t d t,

    V 1.

    Accordez une attention entire

    ce qui chez vous

    est l'tat brut, primitif,

    draisonnable

    peu aimable tota

    lement infantile, et vous mrirez. La maturit de l'esprit

    et du cur est essentielle. Elle vient sans effort quand on

    a supprim

    le

    principal obstacle -l'inattention,

    le

    manque

    de

    vigilance

    ; dans

    la conscience vous

    vous dveloppez.

    .

    NIRSARGADATTA

    MAHARAJ.

    Si

    l'on regarde

    de

    prs

    les

    diffrentes voies traditionnelles

    de transformation, on peut constater qu'elles proposent tou

    jours, d'une faon ou d'une autre, un travail de purification du

    psychisme

    ou de l'inconscient.

    En

    effet, en tant

    que

    sciences

    de l'tre,

    ces

    voies

    incluent ncessairement une dmarche de

    connaissance

    de

    soi. Dans l' dhy tm yog propos par Swmi

    Prajnnpad

    et

    Arnaud Desjardins, l est en particulier ques

    tion du lying une approche directe

    de

    l'inconscient. Cette

    approche peut tre l'objetde nombreux malentendus, que l'on

    s'intresse la spiritualit en gnral ou que l'on

    se

    considre

    comme engag dans cette voie spcifique.

    Il existe dj un matriel important consacr au lying dans

    les ouvrages

    publis par des disciples directs de Swmiji mais

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    27/235

    26 SWMI PRAJNNPAD ET LES

    LYINGS

    pour aborder ce thme

    je

    vais surtout m appuyer sur

    mon

    exprience

    du

    lying, d abord

    en

    tant

    que pratiquant, puis

    en

    tant

    qu accompagnateur.

    Sur le plan thorique autant que pratique, les choses sont

    tonnamment simples.

    Lying est un terme anglais choisi par

    les disciples

    de

    Swmi

    Prajnnpad

    et

    qui

    signifie :

    tre

    allong ( la diffrence

    de l entretien

    assis

    ou sitting .

    L instruction donne par Swmiji est la suivante : Exprimez

    ce qui a t rprim. Ces quelques mots laisseront sur leur

    faim ceux qui sont friands de mthodes sophistiques ou de

    grandes constructions intellectuelles.

    Les termes dans lesquels je m exprime pour parler

    du

    lying

    pourront paratre certains gards trop logieux.

    La

    raison

    en

    est qu il s agit tout simplement d une pratique qui m mer

    veille encore aujourd hui. Les lyings

    m ont

    t

    trs utiles

    un moment donn de

    mon

    parcours

    et

    je leur dois beaucoup.

    Ils ont eu

    comme

    premier mrite

    de

    me mettre

    en

    face de

    ma ralit brute, commencer par la peur. Les lyings sont

    en

    effet

    une

    tude dans le vif,

    pour

    ne

    pas dire une tude

    vif.

    Leur

    aspect

    abrupt et

    radical

    interdit de

    se complaire

    bien longtemps dans les illusions

    et

    les mensonges.

    C est un

    avantage apprciable.

    Il ne s agit pas cependant de faire ici la promotion

    du

    lying

    et

    de laisser entendre que celui-ci

    est la

    panace universelle

    (la mthode efficace que

    tout

    le monde attendait

    pour

    enfin

    se dbarrasser de la souffrance)

    ni

    mme qu il

    est un

    passage

    oblig sur la voie. Il

    est

    important de souligner que dans les

    trois

    tomes des

    Chemins

    de

    la

    agesse

    rdigs par

    Arnaud

    Desjardins partir de ses notes d entretiens avec son matre

    entre 1968

    et

    1972

    et

    rcemment rdits

    en

    un volume, il

    n est fait allusion au lying que sur une page dans

    un

    ouvrage

    qui

    en

    comporte cinq cent vingt-cinq

    Le

    premier danger consiste se laisser fasciner par

    e

    que

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    28/235

    LE POINT DE

    VUE

    DU PHILOSOPHE 7

    le lying

    peut

    ventuellement comporter de spectaculaire

    en

    oubliant que c est la pratique seule qui est le vritable garant

    du

    progrs. La parole de Swmiji : Vous ne pouvez bondir

    de l anormal au supranormal est parfois utilise, sous le

    couvert d une fausse humilit, comme

    un

    prtexte

    pour

    accorder la priorit la dimension psychologique l exclu

    sion d une dmarche vers l veil. Le raisonnement est le sui

    vant:

    Je suis anormal, nvros, mal dans ma peau, et,

    tant

    que les lyings ne m ont pas libr de ce qui

    me

    drange, ce

    n est mme pas la peine de tenter d aborder quoi que ce soit

    d autre. Ceux qui mettent le lying en pralable toute pra

    tique ont recours l argument selon lequel leurs blocages

    leur interdisent d appliquer l enseignement spirituel pro-

    prement dit.

    Cette

    attitude revient vouloir mettre la char

    rue avant les bufs: la comprhension de l enseignement

    et

    son application concrte dans le prsent sont relgues

    au second plan. Bien souvent cette attitude est un subter

    fuge pour esquiver un effort rel dans le prsent

    et

    le lying

    est considr tort comme une solution de facilit.

    De

    toute

    faon, il n est pas souhaitable que les lyings interviennent

    trop tt. Il

    faut du temps pour cerner avec prcision les

    points d achoppement et pour constater qu ils rsistent

    notre tentative de pratique.

    Il

    faut aussi un minimum de

    structure intrieure pour supporter l exprience elle-mme

    et

    pour tre capable ensuite de la mettre profit.

    J ai

    dj

    vu des personnes non prpares considrer leur exprience

    de lying comme traumatisante. Loin d tre aides s ouvrir

    et s abandonner, elles envisagent alors la voie avant

    tout

    comme une menace

    et

    restent partir de l sur leurs gardes,

    de peur d tre nouveau confrontes une exprience aussi

    brutale.

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    29/235

    28 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    U

    GESTE INTRIEUR P S UNE TECHNIQUE

    Faisant partie d une voie totale, le lying ne peut pas tre

    considr comme un objet isol que l on pourrait ramener

    une manipulation technique applicable en dehors de son

    contexte d origine.

    Il

    est

    mme

    plutt une non-technique,

    ce qui apparat bien mystrieux du point de vue de la men-

    talit moderne. L entendement ordinaire est l aise avec des

    catgories fixes

    et

    une mthodologie bien dfinie,

    or

    avec le

    lying, l

    est plutt

    question de fluidit, de souplesse

    int-

    rieure, de non-rsistance, de non-mental. C est une approche

    fminine caractrise par la rceptivit plutt qu une approche

    fonde uniquement sur l action

    ou

    une attitude volontariste.

    Qyand l s agit d aborder une attitude intrieure, un geste

    subtil accomplir, l est plus ais de le dsigner par une image

    ou

    une

    mtaphore

    que de

    se lancer dans de longues des

    criptions. Ainsi on peut dire

    par

    exemple que le lying est une

    opration chirurgicale sans anesthsie. Sans anesthsie parce

    qu il rclame

    de

    s exposer ce que

    l on

    considre comme

    douloureux et dplaisant.

    La

    souffrance est sa matire pre

    mire et l convient de l accueillir dans un tat de vulnra

    bilit consciente et dlibre. l oppos, l anesthsie signifie

    l absence

    de

    toute ouverture, de

    tout

    ressenti. Comme

    une opration chirurgicale, le lying est direct

    et

    incisif.

    Il

    va

    droit la source

    d un

    dysfonctionnement.

    Cette

    interven

    tion, si elle est approprie, mne la restauration d un qui

    libre et contribue une nouvelle circulation de l nergie qui

    nous anime.

    La

    mtaphore s arrte l en

    e

    sens qu une inter

    vention chirurgicale est

    hautement

    technique alors que le

    lying r est pas une technique applicable de l extrieur. L tre

    mme

    du

    chirurgien n est pas impliqu dans l acte chirurgi

    cal alors qu il en est

    tout autrement

    dans le cas du lying.

    D autre part, la personne qui fait

    un

    lying

    r

    est pas un patient

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    30/235

    LE

    POINT DE

    VUE

    DU PHILOSOPHE 29

    mais contribue au contraire activement au processus.

    Loin

    d tre endormi, il est

    la

    fine pointe de

    la

    vigilance.

    L LYING

    INTGR

    L S DH N > > ASCSE)

    Le lying n tant pas un objet part

    et

    ne pouvant pas tre

    considr comme une simple technique de rgression

    ou

    une

    catharsis, il est important de le resituer dans une perspective

    plus large. L emprunt deux autres traditions spirituelles

    peut nous aider, par analogie, nous orienter vers cette vision

    largie. Si l on examine

    tout

    d abord

    la

    tradition

    du

    yoga, le

    yoga en

    tant

    que voie complte de transformation tel qu il

    peut encore tre pratiqu en Inde, et

    non pas comme un exer

    i eadapt pour des Occidentaux,

    on

    constate qu avant mme

    la

    pratique des postures

    asanas},

    une srie de conditions

    pralables sont requises. Ces conditions, d'une exigence

    extrme,

    sont

    regroupes sous le

    nom de

    y m

    et

    niyama,

    c est--dire les rfrnements et les disciplines. Les rfrne

    ments correspondent au code thique qui se trouve la base

    de toutes les grandes religions. Ils correspondent une morale

    universelle. Les disciplines comprennent la purification ext

    rieure et intrieure, le contentement et l quanimit, l ascse

    ou

    l austrit, l tude des critures sacres (rptition de for

    mules et approfondissement

    de la

    mtaphysique) et enfin

    l abandon complet Dieu Selon Patanjali, il ne s agit l que

    des deux premires tapes.

    Dans le Vajrayana, le bouddhisme dans sa forme tibtaine,

    on

    peut remarquer que la retraite traditionnelle exige aussi

    de la part du postulant des pratiques prliminaires : cent mille

    prosternations compltes accompagnes de la rptition

    du

    mantra de prise de refuge (une marque de confiance envers

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    31/235

    30 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    les matres de la ligne remontant jusqu au Bouddha), cent

    mille offrandes du mandala de l univers, cent mille rpti

    tions

    du

    mantra de

    ajrasattva

    titre de purification

    et

    cent

    mille rptitions

    du

    texte

    du

    guru-yoga (pour favoriser la

    dvotion

    et

    l abandon au guide spirituel).

    Ceci

    tant

    pos,

    l

    peut

    paratre incongru de vouloir abor

    der

    directement les exercices du yoga

    ou

    les visualisations de

    divinits tantriques en supprimant les tapes prparatoires.

    De

    la

    mme

    faon, vouloir aborder le lying brle-pour

    point sans tenir compte de l ensemble

    de la

    voie

    adhyatma

    yog

    est dnu de sens.

    Il

    faut dj une bonne comprhen

    sion des principes

    de l enseignement

    et

    une

    certaine

    vrification personnelle

    pour

    tre en mesure d aborder sai

    nement la question du lying

    et

    envisager de le pratiquer. En

    mme temps - et cela peut sembler contradictoire

    -le

    recours

    aux deux traditions

    du

    yoga

    et du

    Vajrayana ne veut aucu

    nement illustrer le fait que le lying soit une pratique sot

    rique rserve quelques disciples particulirement dous.

    C est mme le contraire.

    Le

    lying est en quelque sorte rserv

    ceux qui sont incapables de mettre l enseignement en pra

    tique parce qu ils sont freins par des voiles motionnels gros

    siers.

    Avant de

    proposer

    un

    de

    ses disciples

    de

    faire des

    lyings, Swmi Prajnnpad lui avait

    dit

    : Prenant votre fai

    blesse en considration, Swmiji fera quelque chose

    pour

    vous.

    Le

    lying n est pas

    un

    must,

    l

    intervient du fait de

    la prise

    en

    compte des faiblesses propres chacun.

    TRE

    NIM

    P R

    L

    FEU S CR

    Afin de resituer le lying dans son contexte,

    un

    autre point

    essentiel doit tre mentionn.

    premire vue l peut paratre

    trs loign du sujet mais l est pourtant ncessaire de remon-

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    32/235

    LE

    POINT DE VUE

    DU

    PHILOSOPHE JI

    ter nettement en amont

    pour

    traiter

    du

    lying dans sa juste

    perspective.

    Au point de dpart de toute dmarche, il y a une demande.

    A priori, cette

    demande

    est

    de

    nature spirituelle dans la

    mesure o

    l on

    s adresse un guide

    lui-mme

    initi dans

    une

    voie

    traditionnelle

    de

    sagesse.

    La

    nature de cette

    demande est fondamentale car elle donne

    tout

    son sens la

    recherche entreprise. Son sens, cela veut

    dire

    autant la

    signification relle de cette recherche que son orientation

    concrte. Pour avancer, il faut qu il y ait

    non

    seulement un

    moteur mais aussi un carburant, une aspiration, une moti

    vation.

    Cette

    intention

    intime est

    de l ordre

    du

    feu, de

    la

    flamme. Au risque d noncer un truisme, on

    peut

    dire que

    les chemins de la sagesse sont pour ceux qui ont en eux la

    fibre mystique.

    La

    transformation intrieure est une affaire

    de

    passion et

    de combustion. L ascse,

    la

    sadhana a

    d ailleurs souvent t compare l intensit du feu qui

    la

    fois chauffe, claire et dtruit. Le mot sanscrit tapas aust

    rit, renvoie aussi la notion d chauffement. Irina Tweedie

    a racont son cheminement auprs d un matre soufi

    en Inde

    et

    elle a intitul son rcit

    L Abme de Feu.

    Aprs avoir ren

    contr son matre Shams de Tabriz, le grand mystique soufi

    Djalal-ud-dn Rm a dclar :J tais cru, puis je fus cuit

    et

    enfin consum. Shams veut dire soleil. Shunryu Suzuki

    Roshi a affirm que le zen de Dogen consiste vivre chaque

    moment dans une combustion totale

    et

    Ramana Maharshi

    a pu comparer les disciples des bches de bois, du char

    bon ou de la poudre canon. La maturit

    du

    disciple est

    donc proportionnelle sa capacit se laisser consumer.

    Cette maturation implique bien entendu le facteur temps,

    de telle sorte qu il est possible que la vritable demande soit

    enfouie dans la profondeur, cache derrire

    d autres

    demandes, relatives et conditionnelles.

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    33/235

    32

    SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    Sa Baba de Shirdi, un saint rput pour ses miracles, avait

    coutume de dire en parlant de ceux qui venaient le trouver :

    Je

    leur donne ce qu ils me demandent en attendant qu ils

    me demandent ce que j ai leur donner. En ce qui concerne

    le lying, il faut se garder des compromis car cela dsamorce

    la base son efficacit. L ego ne peut pas faire de lying

    et

    le

    lying n est pas au service de l ego. En approchant une voie

    comme

    l

    adhyatma yoga qui tient compte de la dimension

    psychologique

    et

    qui propose ventuellement une possibi

    lit d investigation directe de l inconscient, il est ais de se

    mprendre sur l enjeu de la voie, car celle-ci n a pas pour

    fonction premire

    de

    redresser ce qui

    est

    tordu.

    Tout en

    accompagnant en lying certains lves, Swmi Prajnnpad

    a affirm clairement qu il n tait pas

    un

    psychanalyste pour

    des patients : Swmiji is not a

    psycho n list

    or the patients

    Et, toute proportion garde, la personne qui entreprend des

    lyings ne le fait pas auprs d un psychothrapeute m is auprs

    d un responsable lui-mme engag depuis longtemps sur la

    VOle.

    Pour que les lyings soient fructueux, il faut que le prati

    quant soit rellement engag

    un

    autre niveau, qu il soit

    anim

    par

    une ardeur relle. Sa motivation trouve alors un

    point d appui dans le sentiment

    et

    il est prt

    rpondre aux

    exigences qu impose son cheminement. La question n est

    plus dans ce cas de faire

    ou

    de ne pas faire de lyings mais

    bien plutt de savoir si l on est engag ou pas. L efficacit

    des lyings - si ceux-ci sont entrepris

    -dpend

    beaucoup de

    cette toile de fond car l engagement est plus

    un

    tat int

    rieur qu une dcision ponctuelle. tre engag

    est

    un tat

    comparable l tat amoureux, condition, bien sr, d en

    tendre cette expression comme dnue de

    tout

    sentimenta

    lisme

    ou

    romantisme spirituel.

    Le candidat

    au lying

    est

    avant tout un amoureux de la

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    34/235

    LE

    POINT DE

    VUE

    DU PHILOSOPHE

    vrit, du matre et de l enseignement, les trois formant

    un

    tout indissociable.

    LE

    TEST

    E

    CONFI NCE

    Si la question de la confiance et de l abandon est centrale

    en

    ce

    qui concerne la relation au matre, elle l est tout autant

    en ce qui concerne

    la

    pratique

    du

    lying.

    La

    confiance et

    l abandon sont lis :il ne peut pas y avoir d abandon sans

    confiance

    et

    lorsque la confiance est l, elle appelle automa

    tiquement l abandon. cet gard, le lying a le mrite de nous

    mettre au pied du mur.

    Il

    constitue

    un

    test

    implacable de

    notre capacit faire confiance et nous abandonner. Cette

    double capacit peut tre illustre par

    un

    incident rel sur

    venu au milieu du Pacifique pendant

    l

    Seconde Guerre mon

    diale. Un matelot tait tomb la mer sans que l quipage

    du navire s en aperoive. Neufheures aprs sa disparition, la

    marin est port manquant.

    Le

    commandant dcide alors

    de

    faire demi-tour pour tenter de le retrouver. Et ils ont russi

    le retrouver: au bout

    de

    dix-huit heures, le matelot tait

    toujours au milieu de l Ocan en train

    de

    faire la planche

    Remettre le lying dans son contexte implique aussi de rap

    peler que la sadhana est une stratgie consciente qui vise

    roder les stratgies mcaniques de dfense

    et

    de protection.

    Le

    lying, dans ce cas, participe activement au dmantle

    ment

    du

    mental

    parce qu il oblige une entire soumis

    sion aux normes du vrai. Il nous apprend reconnatre que

    l on ne peut jamais tre plus

    fort que

    la Vrit. ruth

    (vrit) tait

    un

    mot important dans le vocabulaire de Swmi

    Prajnnpad et Platon mentionnait quant lui la beaut du

    vrai

    .

    Dans le cadre du lying, une motion, aussi ngative

    et intense soit-elle, est toujours belle si elle est vcue authen-

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    35/235

    34

    SWMI PRAJNNPAD ET LES

    LYINGS

    tiquement. La pratique

    du

    lying

    se

    situe alors dans l axe de

    la

    voie. ~ n d on pratique, affirme Daniel Morin, on est

    dans l axe

    du

    cur du matre.

    Tout

    est ainsi align :le

    matre, la voie, la pratique.

    En un

    sens, le lying n est qu un

    cas d espce, une parenthse par rapport au cours normal de

    l existence mais certainement pas une parenthse

    par

    rap

    port

    la

    pratique elle-mme.

    UNE LU IDIT S NS

    COMPROMISSION

    Vadhyatma

    yog

    est une voie de connaissance, c est--dire

    qu elle accorde une place prpondrante la

    vision ( com

    mencer par la vision

    de

    nos mcanismes), la vigilance, la

    conscience, la comprhension, la discrimination. Vaccent est

    mis sur ce que Swmiji appelait : Sa Majest

    la

    Lucidit.

    La

    dmarche est d une prcision extrme et c est sans doute

    ce que souligne le Christ quand il parle de la porte troite

    ou

    quand les Upanishads comparent

    l

    voie au

    fil

    du rasoir

    Le troisime patriarche du Tch an, Seng-T san, crit dans le

    Sin sin ming:

    S en loigne-t-on de l paisseur d un cheveu,

    c est comme un gouffre profond qui spare le ciel et l terre.

    Le film Apollo 13 pourrait nous

    en

    donner une version

    moderne:

    les cosmonautes cherchent rintgrer

    l atmo-

    sphre terrestre. Si l angle d approche de

    la

    capsule est trop

    ouvert, ils vont tre satelliss par la Terre sans espoir de retour,

    et

    si l angle est trop ferm, ils vont exploser sous le choc de

    l impact.

    La

    marge de manuvre est

    donc

    extrmement

    rduite. Les proportions, nous est-il expliqu, correspondent

    celles-ci : si la Terre a la taille

    d un

    ballon

    de

    basket-hall,

    et

    cinq mtres de l, la

    Lune

    est reprsente

    par

    une balle

    de tennis, l angle d approche adquat ne correspond qu

    l paisseur

    d une

    feuille de papier. Il faut, on s en doute, une

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    36/235

    LE POINT DE VUE

    DU

    PHILOSOPHE 35

    grande prcision pour entrer dans un tel couloir

    Et

    il

    est

    aussi difficile, appliqu notre cas concret, de comprendre

    quoi

    peut

    bien correspondre une telle prcision.

    L'un des mrites

    du

    lying est de nous pousser dans le pas

    sage oblig car s'il y a mille faons de dire non il n'y en

    a qu'une de

    dire

    oui

    L'ego cherche toujours

    un

    com-

    promis et est sans cesse la recherche d'alternatives or le

    lying nous place dans une situation qui nous

    dit:

    pas d'es

    quive Pas d'autre option

    Notre situation n'est pas sans rappeler Mulla Nasrudin

    qui, perdu dans le dsert, tombe dans un prcipice mais par

    vient s'agripper l'extrmit d'une branche dpassant

    de

    la paroi abrupte. Suspendu au-dessus

    du

    vide, il appelle au

    secours

    et

    implore

    Dieu quand

    soudain une voix venue de

    nulle

    part

    se fait entendre

    et

    lui

    dit:

    Lche prise Et

    Nasrudin se met alors crier : Y

    aurait

    pas quelqu'un

    d'autre?

    L PURIFIC TION P R L

    TOURBILLON

    Le lying correspond

    chitta shuddi la purification de chitta

    le psychisme incluant

    la

    mmoire inconsciente. Ce travail

    est un fragment de la voie qui comprend galement vedanta

    vijnana

    la science du

    vedanta manonasha

    la destruction

    du

    mental et vasanakshaya l'rosion des propensions et des

    dsirs. Ces quatre piliers ne sont cependant pas tanches les

    uns par rapport aux autres de telle sorte que les lyings, tout

    en n'tant qu'un aspect de la voie, ont aussi une incidence

    sur les trois autres domaines.

    Qgoi qu'il en soit, quand on entre dans le concret de l'ex

    primentation, on s'aperoit que la connaissance de soi est

    bien souvent une srie de mauvaises nouvelles

    Mme

    si la

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    37/235

    36 SWMI PRAJNNPAD

    ET

    LES LYINGS

    dmarche

    est

    fondamentalement lumineuse, il n'en reste pas

    moins que la voie est aussi ressentie comme une source d ir

    ritation parce que l'ego prfre souffrir que disparatre

    en

    tant

    qu'entit spare. L'enjeu du lying est, entre autres, celui

    de

    la remise

    en

    cause de l'ego, l'instar de

    la

    remise en cause de

    l'lve

    par

    le

    guru

    Swmiji

    se

    proposait

    d arracher

    les

    masques et Socrate se comparait un poisson-torpille prt

    foncer sur l'lve pour lui enlever ses opinions.

    Dans

    son

    livre

    Socrate et

    le sage

    indien Cheminement

    vers la

    sagesse

    le Dr

    Roger Gode , grand connaisseur de

    la

    civilisation hellnique

    et lui-mme disciple de Sri Krishna

    Menon

    (Atmananda)

    crit :

    On

    attend

    naturellement

    du

    sage qu'il communique

    par la parole,

    par

    son attitude, par sa simple prsence, tous

    ceux qui l'entourent,

    la

    paix et l'amour dsintress qu'il porte

    en

    lui. Mais,

    en

    fait, les effets bnfiques dont il est

    la

    source

    inductrice se manifestent rarement par des changements ext

    rieurs d un caractre spectaculaire.

    Une transformation-

    une

    orientation

    nouvelle- est opre d abord dans les champs

    profonds

    de

    la

    vie intrieure. Seul celui

    qui

    la subit dans l'in

    tensit de son tre ralise la puissance, la durabilit, l'ampleur

    de cette transformation dcisive. Alentour de ce foyer

    et

    en

    consquence de ses

    stimulations

    actives, des tendances en

    germe dans l'inconscient de la psych croissent, s'exaltent

    et

    puisent ainsi leur virulence. [

    ...

    ]

    L'entourage

    d un

    libr-vivant est bien autre chose qu'un

    paradis terrestre.

    Le

    jardin

    o

    il rgne dans le silence et par

    la parole ressemble

    plutt

    une

    fort des tropiques

    o

    pros

    prent, entre l'ombre pleine de prils

    et le

    soleil, de vigou

    reuses et parfois intoxicantes floraisons.

    On

    aurait tort de s'y

    laisser couler dans une lthargique quitude. Il y faut tra

    vailler sans relche, solliciter avec constance

    la

    lumire, arra

    cher les vgtations pernicieuses. Plongs dans le champ

    d'nergie qui mane d'un homme libr, les individus subis-

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    38/235

    LE POINT DE VUE DU PHILOSOPHE

    7

    sent donc un renforcement gnral de leurs complexes psy

    chiques, ils peuvent, dans ce lieu de cure, dgorger leurs tares

    avec leurs erreurs, prparant ainsi l affranchissement final.

    Ces phnomnes s apparentent aux drames qu entrane le

    processus d abraction, mais ils revtent un caractre beau

    coup moins spasmodique ; leur action s tend parfois sur des

    annes.

    Tandis que le sage offre tous, quitablement, la pos

    sibilit de s affranchir par la dcouverte de l intriorit ultime,

    c est chacun de ses auditeurs qu il revient de procder au

    dpouillement ncessaire; il sarclera avec soin le jardin de

    sa psych qu illumine un soleil

    trop

    ardent, les

    herbes

    toxiques seront arraches ds leur apparition

    et

    les pousses

    favorables entretenues, stimules (Les Belles Lettres, 1972,

    pages 31-32).

    Dans ce passage, Roger Godel souligne bien sr l aspect

    invitable d une purification de notre psychisme. Il men

    tionne

    en

    particulier les drames qu entrane le processus

    d abraction, c est--dire les grandes crises motionnelles,

    les remous intrieurs inhrents la dmarche elle-mme. Or

    le lying intervient prcisment pour ractualiser et intensifier

    un tel processus. Il densifie

    et

    acclre la purification.

    la

    diffrence d autres mthodes traditionnelles

    de

    purification

    qui s apparentent une lente dcantation, le lying procde

    l oppos

    en

    ramenant brusquement la surface

    tout

    ce qui

    est latent. Pour obtenir une eau claire dans un aquarium, on

    peut laisser reposer toutes les particules au fond du bocal.

    On

    peut aussi crer dans l eau un tourbillon central

    et

    finale

    ment en

    extirper toutes les impurets.

    Le

    lying nous permet de voir la loupe ce que l on ne veut

    pas voir, il nous ramne aux faits. Par cette exploration on

    peut se rendre compte que

    non

    seulement les faits sont nis,

    mais que le refus lui-mme est refus. C est dj une

    pre-

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    39/235

    8 SWMI PRAJNNPAD

    ET LES

    LYINGS

    mire tape

    importante

    que de parvenir contacter cette

    immense nergie de refus.Tant que le refus reste cach, toute

    autre tentative de pratique correspond vouloir enjamber

    notre ralit du moment, l o l'on

    est

    rellement situ. Je

    vois souvent des personnes pleines de

    bonne

    volont qui

    s'vertuent vouloir badigeonner une couche de oui

    sur

    un

    norme

    paquet

    de non Selon une image emprunte

    au zen, un tas de fumier recouvert de neige reste toujours un

    tas de fumier.

    L LYING

    NE

    RPOND PAS

    UX EXIGENCES DE L EGO

    La distinction que faisait Swmiji entre le disciple

    et

    le

    patient s'applique l'attitude gnrale par rapport la voie

    mais elle est particulirement significative

    en

    ce qui concerne

    le lying. Arnaud complte cette distinction en ajoutant la

    notion de client, avec ses exigences, ce qui souligne

    un

    degr

    supplmentaire de confusion dans la manire dont nous abor

    dons la voie, le matre ou mme le lying. Il est trs ais de se

    considrer comme un lve plutt que comme un patient ou

    un client. Mais lorsqu'on aborde concrtement la pratique du

    lying, on s'aperoit qu'il est au contraire trs facile de tomber,

    un

    moment ou

    un autre, dans le pige d'une mentalit de

    patient, ou mme de client.

    La

    tentation peut tre grande de

    vouloir tre simplement rconfort, de chercher se laisser

    porter

    et

    de compter sur l'exprience de l'accompagnateur en

    lui laissant le soin de faire le travail notre place. O Ii n'a pas

    connu de tels moments de paresse ou de lchet ?

    La

    mentalit

    du

    client

    est

    un

    autre type d'obstacle. Elle

    est fonde sur

    une

    attitude de revendication, voire d'agres

    sivit qui s'exprime non seulement

    par

    : O I'est-ce que le

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    40/235

    LE POINT DE VUE DU

    PHILOSOPHE

    39

    lying

    v m apporter ?

    mais aussi

    par

    :

    0.11

    est-ce que le

    lying

    doit

    m apporter

    ? Il

    est alors plus question d obtenir

    que de perdre - et d obtenir ce que l ego exige - e qui est

    la garantie de grandes dconvenues.

    En

    effet, e n est pas

    l ego de poser ses exigences, d imposer sa loi. Ce genre d at

    tentes entrane des frustrations qui ne favorisent pas l ou

    verture

    et place le pratiquant dans une position de conflit. Il

    en vient s en vouloir, se condamner

    en

    ayant une impres

    sion d chec et d incapacit. Ou alors il s en prend l ac

    compagnateur, l accusant d incomptence, ou la mthode

    qu il met en doute quand

    e

    n est pas la voie elle-mme.

    Tout cela rsulte d une incomprhension de dpart car la

    question n est pas de savoir ce que le lying va m apporter

    mais bien plutt de savoir ce que

    je

    suis

    prt

    apporter,

    livrer dans le lying. C est donc une attitude totalement inverse

    qui est requise. Le lying ne

    peut

    pas rpondre nos exi

    gences ; c est nous de rpondre aux siennes. En d autres

    termes, il ne faut pas chercher gagner mais perdre (

    Il

    faut enlever

    tout

    ce qui n est pas vous

    disait Swmi

    Prajnnpad). Cela suppose d aller consciemment au-devant

    de grands drangements, c est--dire de ne pas se figer dans

    une recherche de buts tablis par le mental ni de fixer

    l avance l itinraire par lequel on doit passer.

    L C DRE PROPICE UX LYINCiS

    La

    mentalit du client peut dborder du processus de

    lying lui-mme en essayant de marchander les conditions

    dans lesquelles les lyings doivent

    se

    drouler, en discutant

    ou en cherchant amnager la rgle

    du centre ou de l ash

    ram.

    Le

    cadre idal

    du

    lying est

    un

    centre,

    un

    ashram, lieux

    de retraite propices au recueillement

    et

    aux prises de

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    41/235

    40 SWMI PRAJNNPAD ET

    LES

    LYINGS

    conscience. En effet, lorsque les lyings se droulent dans le

    cadre trs particulier

    d un

    lieu de retraite,

    un

    ensemble de

    dispositions propres

    au

    recueillement et aux prises de

    conscience peut gnrer des ractions. Il est pour certains

    difficile de raliser quel point tout est reli. Dans le cadre

    d un sjour de lyings, une absence de soumission certaines

    conditions simples {ne serait-ce que les horaires ou des cir

    constances matrielles particulires) est prjudiciable un

    autre abandon pourtant beaucoup plus dlicat oprer. Si

    l on refuse qu un inconfort lger vienne perturber nos habi

    tudes,

    comment

    serait-on en mesure d affronter les grands

    inconforts qu engendre momentanment une remise en

    cause radicale.

    Une

    personne qui considre que

    tout

    lui est d ou qui

    traite les objets avec ngligence va certainement aborder le

    lying vec l mme attitude d esprit, c est--dire, par exemple,

    avec une certaine avidit quant aux rsultats ou au contraire

    avec dsinvolture.

    En

    ce domaine,

    on

    peut constater quel point les prju

    gs prvalants dans notre socit ne nous prdisposent pas

    aborder de manire juste

    un

    travail sur soi tel que le lying

    et

    il faut dployer la fois une grande vigilance

    et

    une grande

    nergie pour ne pas se laisser contaminer subrepticement par

    la mentalit ambiante.

    Il

    est pour cela important de souli

    gner le cadre traditionnel dans lequel s insre le lying

    et

    de

    rappeler qu il appartient une voie vedantique enseigne et

    transmise dans des conditions qui appartiennent plus l Inde

    ternelle qu une mode particulire. Le lying ne s insre en

    aucun cas dans ce qu Yvan Amar a pu appeler la course la

    stagesse .

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    42/235

    LE POINT DE

    VUE

    DU

    PHILOSOPHE

    s LLONGER D NS

    UNE PERSPECTIVE VERTIC LE

    Pour prciser la nature du lying, il est ncessaire d abor

    der un thme qui est la source de nombreuses confusions

    et qui concerne la distinction entre le psychologique et

    le spirituel

    De nos jours, il devient difficile de s y retrou

    ver : des enseignants

    de mditation ou des disciples

    d une

    voie traditionnelle sont

    en mme

    temps psychologues ou

    psychothrapeutes, certains psychothrapeutes font appel

    des pratiques qui relvent de mthodes traditionnelles sans

    tre pour autant eux-mmes engags auprs d un matre ...

    De

    plus, certains livres de haute qualit se situent

    la

    fron

    tire entre les deux approches ; je pense en particulier celui

    de Jack Kornfield, Prils etPromesses

    de

    la vie spirituelle

    (d.

    de La Table Ronde, 1998). Jack Kornfield a reu une for

    mation de moine bouddhiste

    en

    Thalande, en Birmanie

    et

    en Inde. l est

    par

    ailleurs titulaire d un doctorat de psycho

    logie clinique

    et

    coanime des sminaires de mditation avec

    Stanislas Grof, l un des fondateurs de la psychologie trans

    personnelle.

    On

    pourrait citer aussi

    Mark

    Epstein, psychothrapeute

    New York

    et

    bouddhiste. l est l auteur de

    Penses sanspen-

    seur: une

    psychothrapie dans

    une perspective bouddhique

    (d.

    Calmann-Lvy) ; ouvrage comportant

    un

    avant-propos

    du

    Dala Lama et de cet autre ouvrage au titre vocateur Going

    to pieces without alling apart Tomber en morceaux sans

    s effondrer.

    Le

    livre du psychiatre Jacques Vigne, Le Matre

    et

    le thrapeute est aussi trs instructif cet gard {d. Albin

    Michel, 1991).

    Qyant au lying, qui entre progressivement dans le domaine

    public, il a parfois t class dans le registre des nouvelles

    thrapies ce qui est bien videmment l marque d une incom-

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    43/235

    42 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    prhension. Il y a bien des annes de cela, Arnaud Desjardins

    nous avait mis en garde en dclarant : Si vous retirez le cri

    primai

    la

    thrapie primale, que reste-t-il ? Rien. Si vous

    retirez le lying

    la

    voie propose par Swmi Prajnnpad, que

    reste-t-il?

    Tout.

    (Voir Le

    ri

    prima , d Arthur Janov, d.

    Flammarion,

    1975.

    La

    thrapie primale

    est

    fonde sur le

    revcu motionnel d une scne majeure de l enfance.)

    Au e c

    par

    exemple, quatre-vingts diffrentes sortes

    de

    psychothrapies sont officiellement rpertories et il est

    clair que le lying ne

    peut

    pas en constituer la quatre-vingt

    unime.

    Tout en

    tant trs large, l histoire

    de

    la psychologie

    concerne essentiellement

    la

    psukh,

    le psychisme.

    De

    la psy

    chologie analytique, synthtique, humaniste (le Mouvement

    du Potentiel humain) la psychologie holistique, transper

    sonnelle, il n y a, en essence, aucun changement qualitatif,

    ou

    en d autres termes, de passage au

    pneuma,

    l Esprit.

    En

    dpit des apparences, il n y a pas ici de fondu-enchan qui

    partirait du psychologique

    pour

    aboutir au spirituel. D un

    point

    de

    vue radical,

    psukh

    relve toujours

    du

    monde des

    formes (les formes que prend la conscience) alors que pneuma

    relve du sans-forme,

    de la

    conscience inaffecte.

    Il

    y a ici

    rupture qualitative totale. Du point de vue de la dmarche

    concrte, il est vident qu il n est pas question de faire abs

    traction de la dimension psychologique mais la faon dont

    elle

    est

    aborde est diffrente. Pour rsumer,

    on

    peut

    dire

    que

    la

    psychologie consiste rsoudre les problmes alors

    que la dmarche intrieure consiste plutt cesser d en crer.

    Le mental est lui-mme le problme. partir de l, il ne fait

    que vaporiser des problmes.

    La dmarche ne consiste donc pas tenter

    de

    supprimer

    au

    coup

    par

    coup chaque difficult existentielle. L histoire

    suivante illustre cette erreur courante. Au sicle dernier en

    Russie, il y avait

    un

    lieu spirituel rput, l ermitage d Optimo.

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    44/235

    LE POINT DE VUE

    DU

    PHILOSOPHE

    4

    Un starets y rsidait,

    un directeur

    spirituel d une grande

    envergure. Beaucoup

    de monde

    venait le voir pour recevoir

    des conseils

    ou

    des instructions.

    Il

    y avait en particlier parmi

    les visiteurs, une paysanne qui venait rgulirement le consul

    ter au

    sujet

    de ses dindons. Comment

    s en occuper

    ?

    Comment

    les soigner

    ?

    ..

    Il

    rpondait toutes ses questions

    avec

    une

    grande patience mais son entourage tait intrigu

    et on

    finit

    par

    lui demander

    de

    quoi il retournait.

    Il rpon-

    dit : Toute sa vie est dans les dindons.

    Il est trs facile d tre polaris

    par

    ses dindons

    et

    de perdre

    de vue l essentiel.

    Aucune dmarche psychologique, quelle qu elle soit,

    ne

    cherche

    radiquer le mental alors

    que

    le lying fait partie

    d une stratgie visant trs prcisment cet objectif.

    Le

    lying peut grandement contribuer nous faire raliser

    que le problme est

    un

    artefact,

    une

    construction mentale.

    En un

    sens,

    on peut

    dire que le lying -

    au moment o

    il se

    droule - ne pulvrise pas le problme mais l ego

    Le

    lying aborde les choses dans

    une

    perspective verticale

    mais il ne propose pas exclusivement la stricte rsolution

    horizontale

    d une

    problmatique. Denise Desjardins a

    cou-

    tume

    de

    dire que le lying n est pas fait

    pour

    voir votre

    peur

    des souris

    et

    des araignes

    7

    ce que Gurdjieff aurait

    nomm

    nos piqres

    de

    puces . Mme si ces effets thrapeutiques

    sont vidents, le lying nous introduit

    tout

    autre chose.

    Hujwiri,

    un

    soufi afghan du

    XIe

    sicle, a crit : Si

    un

    saint

    ermite,

    un

    habitu des cavernes, se rend dans

    une

    taverne, il

    transforme

    cette taverne

    en

    caverne. Si

    un

    habitu

    des

    tavernes se rend dans une caverne, il transforme cette caverne

    en

    taverne

    De faon identique, si notre approche du lying

    est

    de l ordre

    de

    la psychologie linaire, toute possibilit

    de

    dimension verticale est

    ramene

    une horizontale (et les

    rsultats

    sont

    alors quelconques).

    Mais

    si la perspective

    est

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    45/235

    44

    SWMI

    PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    verticale, alors chaque point

    de

    l horizontale est transcend

    et

    s

    transforme lui-mme en verticale.

    Aligne avec la voie, tout en tant un fragment de celle

    ci, l essence du lying n est donc pas

    de

    rorganiser le dessin

    qui

    figure sur le chandail mais

    de

    contribuer en effilocher

    la

    trame

    en

    tirant

    sur les mailles les unes aprs les autres.

    Il

    y a en dfinitive deux aspects essentiels qui distinguent le

    lying

    de

    toute forme

    de

    psychothrapie.

    Le

    premier est que

    l intention initiale est totalement diffrente. D emble, le propos

    est de gurir

    d une

    maladie appele l ego. Aucune approche

    psychologique ou thrapeutique n a pour

    but une

    telle remise

    en

    cause.

    Mme

    avec des expressions comme psychologie de

    l tre, expriences paroxystiques

    ou

    ralisation de soi,

    Abraham Maslow ne parle pas de la mme ralit.

    Le

    second pont doit tre abord avec beaucoup de prudence

    et

    de pudeur.

    Il

    est fondamental.

    Ce

    travail particulier sur l in

    conscient s inscrit, au sein

    de

    la voie, dans

    un

    courant subtil,

    une

    nergie spirituelle qui, bien qu tant

    une

    influence invi

    sible, produit des effets nanmoins tangibles. Les mystiques

    musulmans la

    nomment

    baraka, d autres emploieraient

    peut-tre le terme de bndiction >> Olroi qu il en soit, cette

    influence est au cur d une filiation qui ne s improvise pas

    et

    qui rpond des critres extrmement prcis. Il est fort pro

    bable qu en l absence de cette aide subtile les rsultats obte

    nus

    par

    les lyings seraient rduits

    et

    les chances d en venir

    un

    jour

    une

    radication du mental quasiment nulles.

    NOS POURQUOI

    SONT

    IEN SOUV NT

    DES REFUS DGUISS

    En

    dfinitive, il n est pas question d aboutir une sorte de

    querelle d cole entre les tenants de la psychologie

    et

    ceux de

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    46/235

    LE

    POINT DE

    VUE

    DU PHILOSOPHE 45

    la mtapsychologie

    ce

    dernier terme est le titre d un ouvrage

    de Freud mais il ne

    se rfre videmment pas la conscience

    absolue,

    l tman

    en tant qu au-del de la psych).

    Il faut se garder de tomber dans deux attitudes extrmes.

    Tout

    d abord celle qui consiste ne prendre le lying que

    comme une mthode visant dmonter des mcanismes psy

    chologiques, exprimer des motions et dcouvrir des trau

    matismes infantiles. On risque alors de s enliser dans une

    pente psychologisante qui conduit trop souvent couper

    les cheveux en

    quatre.

    Le lying ne rpond pas une recherche effrne du pour

    quoi . Si le pourquoi

    est

    lgitime un moment donn -

    lorsqu il mane de la

    buddhi,

    c est--dire de l intelligence

    objective,

    en

    revanche l obsession

    du

    pourquoi n est qu un

    refus dguis. Sous les apparences

    d une

    juste cause (la

    connaissance, la conscience, etc.), cette obsession rpond

    une exigence

    du

    mental

    et

    comporte un sous-entendu per

    nicieux : lorsque

    je

    saurai pourquoi,

    je

    ne souffrirai plus .

    L intention relle n est plus alors la recherche de ce qui

    est

    et

    sa reconnaissance mais bien plutt seulement de faire dis

    paratre ce que l on n aime pas.

    Le

    lying ne peut pas tre au

    service de ce genre de subterfuge ou de manipulation.

    L autre extrme consiste aborder d une manire toute

    thorique le

    vedanta

    qui est l un des grands systmes de l Inde

    classique traitant de la connaissance suprme.

    On

    pourrait

    appeler cela

    un

    vedanta

    pur

    et dur mais il ne faut pas

    confondre le

    vedanta

    hindou traditionnel

    et

    le vedantisme

    de certains puristes occidentaux. Dans ce cas, les lyings ne

    sont vus qu avec beaucoup de condescendance.

    Il

    y a l une

    mode - et aussi une grande prtention - ne vouloir abor

    der les choses que du point de vue ultime et ddaigner ce

    que M Anandamayi a crment appel le rcurage de la

    mare

    .

    Cette attitude correspond la plupart

    du

    temps une

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    47/235

    6 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    coupure,

    une

    protection qui consiste se rfugier dans une

    stratosphre philosophique.

    Il

    convient cet gard de ne pas

    oublier cet avertissement de Karfield GrafDrckheim: Si

    on

    ne travaille pas sur notre ombre, c est notre ombre qui

    nous travaille

    En

    ralit ces deux attitudes antagonistes

    ont

    un

    point

    commun. Elles procdent d une domination de l intellect ou

    de l intellectualisme sur le cur. I.:intellect est entendu ici dans

    un sens pjoratif car e terme n est pas synonyme d intelligence

    -loin de l. Il n est pas intelligent de tourner sans fin dans les

    mandres labyrinthiques de la psych et il n est pas intelligent

    non

    plus

    de

    jongler avec des concepts

    pour

    ne

    pas tre

    en

    contact avec nos affects, ainsi qu avec une ralit plus profonde.

    Lorsqu elle est aborde d une manire juste, l exprience

    du lying remet naturellement les choses en place. Elle nous

    prmunit des ruses de l intellect en cdant la place l intel

    ligence

    du

    cur. Dans le lying, il est question d tre, de

    connatre

    et

    non pas d analyser ni d interprter.

    On

    parvient

    un

    face face avec les faits dans leur vrit. En effet, l vi

    dence n a besoin d aucune laboration. I.:expression popu

    laire ni vu ni connu voque ce qui nous chappe. Avec le

    lying, l inverse, on voit et on connat.

    Cette connaissance ne concerne pas seulement la vision

    de faits passs, ni mme de certains mcanismes psycholo

    giques mais aussi

    d un

    autre ordre de ralit.

    On

    pourra y

    revenir plus loin.

    L

    LYINCi NE

    s UTOPRESCRIT

    P S

    Avant d aborder avec plus

    de

    prcisions le processus lui

    mme, il faut encore souligner deux points importants. D un

    point de vue concret, il n est pas possible de s auto-prescrire

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    48/235

    LE

    POINT DE

    VUE

    DU

    PHILOSOPHE

    7

    le lying.

    Celui-ci

    doit

    tre

    recommand par une personne

    autorise

    car

    il est trs difficile d avoir, par

    soi-mme,

    les

    bons critres d apprciation. Souvent la personne qui prouve

    un

    malaise motionnel

    ou

    une difficult dans sa vie pense

    que c est une indication suffisante

    pour

    entreprendre

    un

    tel

    travail.

    En

    ralit la question

    doit

    tre examine plus fond.

    Il

    est aussi

    commun

    de

    considrer que si notre pratique

    de

    l enseignement rencontre

    un

    obstacle, il faut automatique

    ment se tourner vers le lying pour le dissiper. Mais il se peut

    que cet obstacle dans la pratique soit d une comprhen

    sion insuffisante de l enseignement lui-mme et,

    par voie

    de

    consquence,

    une

    mise

    en

    application

    inadquate de

    ce

    dernier.

    D autre part, certaines motions tenaces

    et

    perturbantes

    ne justifient pas ncessairement une plonge dans les pro

    fondeurs de l inconscient. Elles peuvent relever d une couche

    plus superficielle qui

    peut tre

    examine avec

    une intelli

    gence acre.

    Le lying n est pas

    une mthode

    qui s offre ceux qui ont

    simplement le dsir

    de

    la pratiquer. Il faut pouvoir rpondre

    des conditions prcises.

    S CRIFIER L SOUFFR NCE

    Dans un

    tout autre registre, le second

    point important

    considrer est que le lying relve du domaine du sacr, sans

    qu il faille pour autant l entourer d une aura. Il n est pas non

    plus question

    de

    s enorgueillir

    au

    sujet

    d une

    pratique qui

    concernerait quelques privilgis.

    Le

    lying est avant

    tout

    sacr parce que

    l on

    entre dans le sanctuaire intrieur

    pour

    aller la rencontre de sa vrit. C est dans

    un

    esprit religieux

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    49/235

    48

    SWMI PRAJNNPAD ET LES

    LYINGS

    qu'il faut donc l'aborder et non pas comme s'il s'agissait d'une

    quelconque activit profane.

    On

    sait qu'il y a

    un

    lien entre

    les termes sacr

    et

    sacrifice

    . Il

    va falloir sacrifier beaucoup : l'image que l'on

    se fait de soi-mme, les tabous et les valeurs morales derrire

    lesquels

    on

    se rfugie.

    Et

    finalement, il va falloir sacrifier la

    souffrance elle-mme, ce

    qui

    est d'une grande difficult

    contrairement ce que

    l'on

    pourrait croire.

    L'ide admise est qu'on ne veut pas de la souffrance et que

    l'on est prt

    tout

    pour s'en dbarrasser. Il est surprenant de

    constater quel point il n'en est pas ainsi. Gurdjieff a dj

    insist sur cet aspect que rsume trs prcisment l'anecdote

    suivante. Andr Rochette, form lui aussi

    par Arnaud et

    Denise Desjardins

    et

    qui a accompagn des personnes en

    lying, a eu un

    jour

    l'intuition, pendant une sance, d'annon

    cer la personne qui travaillait

    avec

    lui: Voil j'ai en quelque

    sorte

    un

    pouvoir miraculeux.

    Il

    suffit que vous disiez imm

    diatement oui votre souffrance

    pour

    qu'elle disparaisse

    totalement.

    La

    personne a cri

    un

    immense non

    ,

    comme

    si sa survie en dpendait. Le lendemain,

    Andr

    a renouvel

    l'exprience avec quelqu'un d'autre.

    Il

    lui a t rpondu cette

    fois: Bon, d'accord, mais pas

    tout tout

    de suite

    diffrents degrs, cette attitude est commune tous.

    Andrew Cohen remarque que Pour dcouvrir en quoi cela

    consiste

    de

    cesser de lutter, il faut tre

    prt

    examiner

    en

    premier lieu, de trs prs, les raisons qui font qu'on ne cesse

    de lutter.

    Non

    seulement on lutte pour empcher des senti

    ments de flicit, des souvenirs heureux et des expriences

    agrables de disparatre, mais on lutte aussi

    pour

    maintenir

    la peur, et tel

    ou

    tel tat morbide ou malheureux.

    On

    lutte

    pour

    retenir ce qui

    est

    agrable

    tout

    comme

    on

    lutte

    pour

    retenir ce qui est douloureux. C'est une faon aveugle, mca

    nique et trs conditionne de s'accrocher ce qui nous est

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    50/235

    LE

    POINT

    DE VUE

    DU

    PHILOSOPHE

    9

    familier. La

    libert n a

    pas

    d histoire, d.

    Altess, 1998,

    pages 52-53.)

    Le

    lying est un sacrifice

    en

    ce sens qu il faut donner beau

    coup un niveau pour commencer recevoir un autre. Le

    premier geste consiste donc payer le prix fort, le reste arrive

    par

    surcrot.

    En

    mme temps, cela n a rien voir avec

    une

    attitude mercantile, un marchandage. Ce qui

    est

    sacrifi en

    premier lieu reprsente videmment ce qui compte le plus

    nos propres yeux mais il ne s agit pas d un sacrifice tel qu on

    le conoit d habitude puisque cela nous permet d accder

    un bienfait d un or re suprieur. D un point de vue, le lying

    consiste perdre : perdre nos illusions, nos prjugs, nos

    identifications, nos souffrances. Sous un autre angle, on peut

    dire aussi l exact

    oppos:

    il n y a au contraire rien perdre

    et

    tout gagner.

    Le lying tant sacr il convient de l aborder avec une atti

    tude de respect et d humilit. Jadis, il tait naturel de faire

    une gnuflexion lorsqu on entrait dans une glise. Au risque

    de choquer,

    je

    considre que la situation

    est

    identique.

    Il

    est

    appropri d tre dans une attitude intrieure de soumission

    et de le manifester symboliquement par

    un

    geste concret tel

    qu une prosternation, un pranam. Il est souhaitable que ce

    geste ne rponde pas

    une

    rgle dicte de l extrieur mais

    soit plutt la rponse un sentiment profond devant la gran

    deur

    et

    la gravit de l enjeu. Certains considrent peut-tre

    que

    e

    point particulier est une question de sensibilit per-

    sonnelle.

    J y

    vois plutt une question de maturit.

    J ai t amen un jour voquer cette possibilit de pranam

    avec une personne qui entrait dans la pice de lying avec une

    sorte d inconscience

    et de dsinvolture.

    Je

    sentais que cela

    lui aurait dj donn l occasion de commencer se rassem

    bler et se recueillir:

    autrement

    dit, d aborder les choses

    dans de meilleures dispositions. Elle me rpondit avec le plus

  • 5/20/2018 Swami Prajnanpad et les lyings.pdf

    51/235

    50 SWMI PRAJNNPAD ET LES LYINGS

    grand srieux : Mais si

    je

    fais

    un

    pranam cela va me prendre

    trente secondes sur mon temps de lying J'ai les plus grands

    doutes quant la qualit des lyings que peut effectuer une

    personne accroche ce genre de point de vue. Bien sr, cette

    rponse

    est

    caricaturale mais elle est en mme temps

    significative

    et

    lourde d'incomprhension.

    La pratique

    du

    lying

    peut

    tre trs facilement dsacrali

    se voire banalise. Cette mentalit

    est

    prjudiciable au

    bon

    droulement du processus

    et

    fait partie des obstructions qu'il

    est ncessaire de dpasser pour avancer vers des tats de

    conscience plus profonds.

    PROFONDE DTENTE ET MOBILIS TION

    INTENSE

    DE L TRE

    Le lying concerne le psychisme

    en

    tant que rceptacle des

    impressions passes. Pour une grande part, celui-ci est en

    effet

    un

    magasin souvenirs.

    hitta

    en

    sanscrit

    inclut

    la

    mmoire inconsciente et

    celle-ci peut tre alors sollicite ad

    quatement

    afin de passer

    du plan

    inconscient au plan

    conscient. Les textes bouddhiques parlent

    d

    alayavijnana

    que l on traduit par

    conscience de trfonds

    . Cette

    conscience comporte toutes sortes de dpts qui peuvent tre

    ramens

    la

    surface

    et

    fournir ainsi

    un

    matriel important.

    Les samsk ras (qu'on les appelle tendances innes, pro

    pensions, racines inconscientes, rsidus subconscients etc.)

    sont au cur de ce travail d'anamnse. La force de ces impr

    gnations provient

    tout

    d abord d'une cristallisation

    du

    fait

    de la puissance

    du

    refus. Le refus

    produit

    une sorte de

    conglation

    de

    l'nergie

    et

    fixe ainsi

    la

    situation refuse

    au fin

    fond

    de la conscie