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Direction de rAnimation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques DOCUMENTATION .4 STRATÉGIES CONCURRENTIELLES ET COMPORTEMENTS D’EMPLOI DANS LES PME Un état de la littérature Phffippe TROUVÉ (DARES) 26 Avril 1999 Résumé: quelles sont les caractéristiques des PME qui contribuent le plus à la création et au maintien des emplois ? En France, cette question apparemment simple est rarement posée dans la littérature gestionnaire ou économique. De plus, quand elle est abordée de front, notamment dans les travaux macrostatistiques, elle ne reçoit que des réponses partielles ou décevantes, du fait de l’inadéquation des variables manipulées dans les outils d’enquête. En examinant un corpus de recherches récentes d’extension européenne, ce texte s’efforce d’établir que les facteurs d’orientation stratégique pourraient bien apparaître finalement comme les plus explicatifs des modalités de gestion d’emploi dans les PME. Les documents d’études sont des documents de travail; à ce titre, ils n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position (le la DARES.

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Direction de rAnimation de la Recherche,des Etudes et des Statistiques

DOCUMENTATION

.4

STRATÉGIES

CONCURRENTIELLES

ET

COMPORTEMENTS

D’EMPLOI

DANS LES PME

Un étatde la littérature

Phffippe TROUVÉ(DARES)

N° 26Avril 1999

Résumé: quelles sont les caractéristiques des PME qui contribuent le plus à la création et au maintien des

emplois ? En France, cette question apparemment simple est rarement posée dans la littérature gestionnaire ou

économique. De plus, quand elle est abordée de front, notamment dans les travaux macrostatistiques, elle ne reçoit

‘ que des réponses partielles ou décevantes, du fait de l’inadéquation des variables manipulées dans les outils

d’enquête. En examinant un corpus de recherches récentes d’extension européenne, ce texte s’efforce d’établir

que les facteurs d’orientation stratégique pourraient bien apparaître finalement comme les plus explicatifs des

modalités de gestion d’emploi dans les PME.

Les documents d’études sont des documents de travail; à ce titre, ils n’engagent que leurs auteurs

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Synthèse

On sait que l’intérêt suscité depuis quelques années par les PME tient à leur contributionquantitative à la création et au maintien d’emploi. Pour autant, toutes les PME ne sont pascréatrices d’emplois et seule une minorité d’entre elles est dans ce cas. Quelles sont alors lescaractéristiques qui distinguent celles-ci des autres espèces de PME ? En examinant un corpusde recherches récentes à l’échelle européenne, ce texte s’efforce d’éprouver le pouvoirexplicatif de la variable de comportement stratégique entendue ici comme principale sourcede l’avantage concurrentiel des entreprises sur le marché des produits et services. Or, peu detravaux macrostatistiques prennent en compte cette variable de management stratégique’ et,de leur côté, les disciplines de gestion ne s’intéressent que de façon très épisodique à l’emploi.Les premiers insistent surtout sur les facteurs d’ordre structurel et démographique (taille,secteur...) et les secondes sont plutôt attachées à mesurer leur performance économique. C’estlà que réside la principale difficulté rencontrée dans le « survey» ci-joint qui tente d’établirdes ponts entre des séries de travaux habituellement peu connectés et parfois lacunaires. Enl’état actuel des recherches, l’obstacle n’est cependant pas insurmontable, mais il obligeparfois à en rester, faute de preuves irréfutables, à des faisceaux d’indices, à la formulation denouvelles hypothèses ou de préconisations pour des approfondissement possibles.

Quatre types de PME et donc de formes de relations entre les options stratégiques et l’emploisont tour à tour sollicités dans ce dossier. Les trois premiers regroupent volontairement lesexemples limite que constituent respectivement les «PME à croissance rapide », les «PMEde classe mondiale» et les «PME basées sur les nouvelles technologies» où la stratégie estinterrogée ex post à partir du modèle « positionniste» de M. Porter (modèle dit « SCP»structure, conduite, performance). Le quatrième, quant à lui, s’efforce d’alimenter l’hypothèseen la confrontant aux «PME familiales» que les recherches abordent en général à partir dumaniement implicite d’un autre modèle stratégique : celui des ressources et compétences(modèle dit « MRC ») où « L’avantage concurrentiel ne réside plus seulement [ou moins] dansl’exploitation d’une position dominante et protégée sur un marché (comme dans la stratégiede niche) mais dans une valorisation supérieure de ses ressources» (Tywoniak, 1998).

Quels sont alors les principaux résultats qui émergent d’une confrontation entre les recherchesqui portent sur le comportement stratégique des PME économiquement performantes et cellesqui tentent d’établir leur contribution quantitative à l’emploi? Nous les résumons ici enquelques lignes afin d’épargner au lecteur le parcours laborieux de l’ensemble de l’étude.

De façon générale et même si la relation entre croissance du chiffre d’affaires et croissancedes emplois n’est pas purement mécanique, les PME qui réussissent et qui créent le plusd’emplois sont celles qui, délaissant les lois de la production de masse et de la compétition parles coûts, ont été capables d’établir un avantage concurrentiel en se différenciant ou enopérant par concentration sur des segments de marché étroits, voire en s’appropriant lessegments les plus créateurs de la chaîne de valeur. C’est cette stratégie de compétitivité hors-prix qui passe souvent par l’élaboration d’une offre unique ou de produits-services spécifiquesavec accès direct au client final (comme dans le cas des championnes du monde), parl’innovation (comme dans le cas des PME basées sur les nouvelles technologies) ou parl’ensemble de tous ces facteurs combinés (comme pour les PME à forte croissance) quisemble en fin de compte la plus favorable à l’emploi.

A l’exception toutefois des travaux aussi insistants que peu diffusés. consacrés par Moati et Pouquet aux PMI(1996 et 1997).

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Introduction

Dans les débats concernant les relations entre les PME et l’emploi, il est aujourd’hui admis quel’augmentation du nombre de PME n’aboutit pas forcément à la création de nombreux emploiset qu’il convient en particulier de dissocier rigoureusement création d’entreprises et création denouveaux emplois (Davis, Haltiwanger, Schuh, 1996). De plus, si les plus petites d’entre elles(les moins de 50 salariés) représentent près de 99 % des entreprises et procurent 52 % desemplois en Europe, toutes les PME ne sont pas créatrices d’emploi. Seule une minoritécontribue de façon significative à la création et au maintien de l’emploi (Storey, 1994 ; Hughes,1997). Dès lors il est du plus haut intérêt de rechercher les caractéristiques de ces dernièresdans un souci de compréhension et d’aide à la décision des politiques publiques. Or, parmi lesfacteurs explicatifs de leur comportement d’emploi’, la stratégie de marché qui apparaîtaujourd’hui comme la plus décisive n’a jusqu’ici été que très peu étudiée dans le cas des PME.

Certes, dans les corpus gestionnaires consacrés aux PME, un certain nombre d’auteurs ontrelevé très tôt l’importance des « déterminants stratégiques de la gestion d’emploi o. C’est lecas par exemple de Julien et Marchesnay (1988 : 242) qui vont jusqu’à formuler « l’hypothèseforte [d’] une relation causale entre le management stratégique de la firme et lescomportements qu’elle adopte en matière d’embauche et, d’une façon générale, dans la gestionde l’emploi » et qui précisent : « selon l’avantage concurrentiel recherché par la firme [selon«les buts du dirigeant »], les politiques adoptées en matière de gestion d’emploi peuventvarier)> (p. 251). C’est le cas également de H. Mahé de Boislandelle. Mais en considérant le«mix social» (dont fait partie la gestion de l’emploi) comme «une fonction générale etgénérique» des stratégies technico-économiques, cet auteur hésite entre une variable d’emploiexplicative ou une variable expliquée à partir de la stratégie qu’il définit comme une interactionentre des « facteurs exogènes» (incertitude de l’environnement, degré de dépendance de laPME...) et des facteurs managériaux, notamment «la base de compétitivité adoptée» (1998,1re édit. : 1988). Par ailleurs, en se situant sur le terrain exclusivement monographique ou en selimitant à des échantillons peu extensifs, la plupart de ces travaux n’ont pas été vérifiés par desrecherches empiriques de plus grande ampleur.

Quant aux approches économiques, on connaît leur prévention et même leurs allergies àl’égard des catégories d’analyse issues du management stratégique. En privilégianttraditionnellement les déterminants macrostructurels (taille, secteur d’activité, âge desentreprises et des dirigeants...), elles ont régulièrement sous-estimé l’entreprise comme unitéde décision économique, ignoré l’intentionnalité des conduites entrepreneuriales et finalement,négligé l’influence de la position concurrentielle des petites entreprises sur leurs modalités degestion de la main-d’oeuvre. On a montré ailleurs que l’importance de la variable stratégique abien été soupçonnée à plusieurs reprises dans la littérature quantitativiste (Courault, Trouvé,1997), mais faute d’outils d’enquête adéquats, notamment dans la définition des variablespertinentes2,celle-ci s’est rendue incapable d’identifier les principales caractéristiques des PME

Etant donné la nature des travaux sollicités dans ce papier, le comportement d’emploi qui constitue unedimension particulière des modalités de la gestion de la main-d’oeuvre sera sauf exception Limité à lacontribution quantitative des PME à L’emploi.2 Exemple le plus récent : celui de Favre et al. (1998) qui commettent l’erreur fatale de confondre les stratégiesde diversification (o différenciation des produits existants ») et les stratégies de différenciation ou defocalisation, absentes en tant que telles de leur questionnaire. Pourtant, cette opposition qui est une version du

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qui sont les plus pourvoyeuses d’emplois. C’est du moins l’hypothèse que nous formulons etqui mérite d’être examinée à la lumière de plusieurs séries de travaux récents qui portentnotamment sur le repérage des «best practices» en matière d’emploi — et tout d’abord decréation d’emplois — dans les PME... en attendant l’épreuve de travaux empiriques plussystématiques en cours3. Plus précisément, il s’agit donc moins ici de tester directementl’hypothèse que de s’assurer de sa consistance par l’analyse secondaire d’un corpus parfoishétérogène et clairsemé.

Quelles sont aujourd’hui les PME dont la croissance peut être considérée comme la plus richeen emplois? Quatre cas de figure de PME, et donc de formes de relation entre les optionsstratégiques et l’emploi seront tour à tour évoqués. Les trois premiers présententvolontairement des exemples limites (qu’il s’agisse des «PME à croissance rapide », des«PME de classe mondiale» ou des «PME basées sur les nouvelles technologies ») où lastratégie se décline à partir des couples produit-marché et des formes de coordination externe.La quatrième, quant à elle, s’efforce au contraire d’alimenter notre hypothèse en la confrontantaux «PME familiales» qui constituent encore aujourd’hui l’essentiel du tissu des PME. Aveccelles-ci les considérations stratégiques reposent le plus souvent sur des facteurs d’ordresocioculturel.

Les trois premiers relèvent d’une conception d’inspiration portérienne, de la stratégie comme((positionnement» SUf le marché des biens ou services. On a certes souvent considéré que lestravaux de Porter étaient peu applicables aux PME. Ce sont pourtant ceux-là qui sont sollicitéscomme principale grille de lecture dans les trois premiers cas. Tout nous y incline en effetd’abord la caution et l’antériorité des auteurs anglo-saxons, notamment de Reid, Jacobson etAnderson dans leur remarquable étude de 1993 ; ensuite leur relative maniabilité au plandescriptif en même temps que leur sortie du modèle exclusif de la planification... et de sesdésastres (Mintzberg et Waters, 1985 ; Mintzberg, 1994) et aussi leur insistance récente surl’efficacité stratégique d’un «mix unique de valeurs» et sur la «cohésion interne» desactivités comme < composante fondamentale de l’avantage concurrentiel» en lieu et place de larecherche de l’efficacité opérationnelle ou de segmentations trop sophistiquées (Porter, 1997-b) et, enfin, leur proximité avec l’économie industrielle qui resitue les PME dans les notions debranche, de filière ou de réseaux (Chevalier, 1997): soit autant de caractéristiques qui rendentle modèle portérien selon nous propice à un rapprochement avec les PME.

Le quatrième ensemble est redevable de plusieurs approches simultanées ou alternées mais entout cas complémentaires, soit parmi les dix écoles repérées par Mintzberg (1999)(<l’entrepreneuriale» (notamment pour les PME centenaires), la «culturelle» et même la«configurationnelle» — d’où sa complexité. Avec les PME familiales en effet, on change à lafois d’objet et de grille d’analyse. C’est le « modèle stratégique des ressources etcompétences» qui est ici prioritairement mobilisé, mettant l’accent non plus sur l’extériorité du

dilemme recentrage-diversification (Giget, 1998), est selon nous la plus significative. Les auteurs cités n’enétablissent pas moins, sans commenter ce constat pourtant décisif, que c’est la stratégie de réduction des coûts —

dont on sait qu’elle est traditionnellement peu pourvoyeuse d’emplois! - qui prédomine nettement en Francedans toutes les tranches d’entreprises de l’appareil industriel, et notamment dans les plus petites d’entre elles(plus de 50 %).

C’est notamment le cas de la nouvelle Enquête « Réponse 98» du Ministère de l’Emploi qui se propose detester l’impact de la variable de comportement stratégique sur les relations sociales dans les PME en s’appuyantsur le modèle portérien des « couples produitlmarché » et des « cinq forces concurrentielles ».

C’est l’occasion ici de passer de l’étude - parfois décourageante - des” PM.E paléo-paternalistes” (H. Weber,1988) aux entreprises, sinon toutes avancées ou post-modernes, du moins hyper performantes ou surdouées.

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marché comme dans les trois premiers cas, mais au contraire sur l’intérieur des firmesconsidéré comme principale source de l’avantage concurrentiel (Tywoniak, 1998).

D’un point de vue de sa problématique, l’approche proposée impose toute une série dereconstructions, quand ce ne sont pas des manoeuvres de comblement ou de recoupements,notamment à cause du caractère lacunaire des travaux mobilisés. Car de même que lacompréhension des comportements d’emploi des PME n’est pas donnée d’emblée dans la

plupart des recherches récentes (Courault, Trouvé, 1999), de même — et en dépit d’efforts

récents (Julien et Marchesnay, 1988 ; Marchesnay, 1992, 1993 ; Saporta, 1997) —‘ l’application

des catégories du management stratégique à la spécificité des PME n’a pas cessé de poserquestion, notamment à cause de la domination dans les travaux gestionnaires, des modèles deplanification issus de la grande entreprise.

Peu importent ici les interminables dilemmes qui ont fondé, dans la littérature, l’oppositiongrandes entreprises/PME et ont abouti à déconsidérer les capacités stratégiques des secondespar rapport aux premières. Qu’elles soient processuelles ou émergentes, délibérées ouspontanées, formalisées ou informelles, proactives ou adaptatives, rationnelles ou par

apprentissage5,les stratégies des PME dont il est ici question sont avant tout analysées en

s’appuyant sur des données observées ex post par la recherche et non formulées ex aîzte dans

une orientation prescriptive (Martinet, 1993). Car, comme le disent Mintzberg, Lampel et

Ahlstrand (1998), (<les stratégies réalisées ont-elles toujours été souhaitées? [...J puisqu’il est

clair pour tout le monde que celles qui ont été souhaitées n’ont pas toujours été réalisées »6.

Enfin, si nous nous centrons ici essentiellement sur les travaux qui mettent en évidence les

déterminants stratégiques de la gestion des emplois et de la main-d’oeuvre dans les PME, cela

ne veut pas dire pour autant que les autres facteurs de contingence doivent être négligés. Par

exemple la nature du secteur apparaît encore très structurante dans certains cas comme celui

des petites firmes de technologie avancée. Mais il est vrai qu’à l’intérieur de ces contraintes, la

place que l’entreprise occupe à l’intérieur du secteur est directement déterminée par ses

options stratégiques. On constate alors que les PME les plus performantes et qui créent

beaucoup d’emplois sont celles qui sont, soit capables d’opérer par différenciation ou

concentration en « occupant une position unique et appréciée » (par le client) dans la chaîne de

valeur plutôt que par la domination sur les coûts, soit de parvenir à préserver leurs valeurs par

un engagement qui relève d’une théorie (sociologique) du dirigeant, du leadership, des formes

de gouvernance, des coalitions à l’oeuvre dans les PME. Dans le premier cas, cela veut dire

qu’elles réussissent à condition d’évoluer sur des marchés où ne domine pas la loi de la

production de masse (économie d’échelle, effets de taille...). Dans le second cas, leur avantage

tient à des facteurs culturels — parfois proto-industriels et sans doute diffus — qui assurent

mieux que la production de masse (ifit-elle flexible à la japonaise !) leur capacité d’adaptation à

la demande.

Ces quelques aiternatives n’ont finalement pas grand sens Le réalisme impose en effet aujourd’hui deconcevoir la stratégie (dans le cas des grandes entreprises .omme des PME). comme un « jardinage»(Strategor, 1993 487), c’est-à-dire comme un mélange entre les calculs rationnels et les constructions plus oumoins spontanées : « les stratégies doivent se former avant de se formuler» (Mintzberg, Lampel, Ahlstrand,1998).6 Les auteurs ajoutent non sans humour: «une réalisation à 100 % suppose un remarquable don prévisionnel,pour ne pas dire un refus d’adaptation aux imprévus, et un résultat de O % laisse planer un doute sérieux quantà la perspicacité des intéressés ».

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1. — Les PME à croissance rapide et riches en emplois

On les appelle dans la littérature anglo-saxonne les « fast growers », les «fast growing firms »,les «fast growing small entrepreneurial firms» (Reid Gavin, 1996) ou carrément les «fiyingfirms », c’est-à-dire les « firmes volantes» ou même les «gazelles ». En français, de façon plusprosaïque: « les entreprises de croissance », selon la dénomination chère au Sessi (Ministèrede l’Industrie). Peut-on cerner des formes spécifiques de gestion de l’emploi et de la main-d’oeuvre dans ces entreprises particulières?

Parmi les firmes à croissance rapide figurent les entreprises innovantes (les «PME high tech »)ou à forte intensité intellectuelle (< knowledge intensive »), éventuellement basées sur lesnouvelles technologies de l’information et de la communication. Ces dernières seront surtoutétudiées au § 3., parce qu’elles ont des caractéristiques bien particulières qui concernentnotamment la trajectoire de leurs dirigeants et l’ouverture rapide de leur capital. En outre, leurprincipale vertu dans le domaine de l’emploi n’est pas d’ordre quantitatif mais qualitatif, carelles peuvent générer de nouveaux métiers ou transformer des métiers traditionnels. Mais lesPME innovantes qui seront évoquées dans le présent paragraphe sont essentiellement abordéesà travers leur potentiel de croissance (chiffre d’affaires et emplois). Elles ont fait l’objet d’uneabondante littérature dans les pays anglo-saxons, notamment aux Etats-Unis, mais leurconnaissance commence à peine à progresser en Europe occidentale7.

Les enquêtes de l’ï Association for Dynamic Entrepreneurs »

Dans la foulée d’un programme de recherche engagé en 1994 par 1’EFER (EuropeanFoundation for Entrepreneurship Research) pour étudier les entreprises européennes à plusforte croissance (o the fastest growing companies in Western Europe »), l’Association forDynamic Entrepreneurs créée en mai 1996, s’est donnée d’emblée comme objectifs de((promouvoir l’esprit d’entreprise à tous les niveaux de la société en Europe, en mettant envaleur les forces et les caractéristiques des entrepreneurs européens qui obtiennent le plus desuccès» et d’aider les entreprises excellentes à croître plus vite et à créer encore plusd’emplois. Afin de mieux connaître ces entreprises, l’Association réalise chaque année uneenquête baptisée ((Europe’s 500» parce qu’elle porte sur les cinq cents entreprisesconsidérées comme les plus dynamiques en Europe. Celles-ci sont en majorité des PME etc’est pourquoi les premières publications de l’Association ont privilégié d’entrée de jeu cepoint de vue (Roure, 1997-b).

Dans la seconde étude réalisée en 1997, les 500 entreprises répertoriées présentaient lescaractéristiques suivantes8

- en moyenne, ces entreprises avaient vu leur chiffre d’affaires progresser de 187 % entre 1991et 1996, soit environ 57 millions d’Ecu par entreprise et 30 % par an;

Voir sur ce point la recension réalisée par l’Aston Business School and al. (1996) pour le compte del’Europcan Innovation Monitoring System (EIMS) : Review ofstudies on Innovation Fast Growing SMEs.8 A noter que l’étude retenait les sociétés créées avant le 31 décembre 1994 qui employaient au moins 50salariés à la fin 1996. Leur siège social devait être situé dans la Communauté Européenne ou en Norvège et enIslande. Les fondateurs ou leurs successeurs devaient détenir au moins 15 % du capital et aucun actionnaireextérieur de type holding ou grand groupe ne devait détenir la majorité de ce capital.

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- pendant la même période, elles avaient créé en tout plus de 183 000 emplois, soit uneaugmentation de 112 % durant !es cinq années, ce qui représentait en moyenne une croissancede 365 emplois par société A la fin 1996 elles cumulaient ensemble 347 000 emplois9etespéraient créer près de 300 000 nouveaux emplois à l’horizon 2000;

- En 1997, 13 % seulement d’entre elles étaient cotées en bourse mais 58 % avaient l’intentionde l’être, dont 33 % d’ici l’an 2000, ce qui laissait escompter un mouvement d’ouverture deleur capital, au moins aussi rapide que leur croissance. Cette dynamique nouvelle est d’ailleurslargement confirmée dans l’enquête de 1998 publiée récemment par Usine Nouvelle (1999),puisque le nombre de PME cotées a doublé de 1997 à 1998, passant aujourd’hui à 20 % dupanel, notamment dans les PME High Tech qui «brûlent énormément de cash ». A côté del’entrée en bourse, de l’appel au capital risque et à l’épargne, il n’est pas rare que ces dernièresentrent également en partenariat avec des grands groupes à qui elles cèdent une minorité deleur capital. Quand aux autres, elles sont plus réticentes sur ce point et conserventfarouchement leur indépendance pendant trois à cinq ans de croissance rapide avant d’ouvrirleur capital à contrecoeur.

Depuis le début, outre les performances économiques, les initiateurs de ces divers projetss’intéressent à la capacité des firmes de croissance à créer des (nouveaux) emplois, car les«fast growing companies» sont supposées être également les «most (new) jobs creatingcompanies »‘°. C’est pourquoi ils ont construit un indicateur de sélection des firmes mesurantla progression relative et absolue des effectifs” en rassemblant le groupe initial des « 500entreprises les plus créatrices d’emploi en Europe », panni lesquelles 84 sociétés allemandes,75 britanniques, 72 italiennes, 58 françaises et 49 espagnoles. Près de 50 % d’entre ellesétaient des entreprises industrielles, 23 % de services et 18 % de commerce et distribution’2.Ilest à noter que, dans l’enquête de 1997, la compétitivité de ces entreprises était surtoutremarquable au plan national où 80 % d’entre elles occupaient les trois premières places contre51 % au plan européen tandis qu’elles n’étaient plus que 30 % à se considérer comme denouveaux entrants sur le marché globalisé (mondial). Ajoutons que 55 % d’entre elles étaientencore contrôlées majoritairement par leurs dirigeants, mais les chercheurs constataient que«le contrôle familial ne constituait pas une obsession prioritaire ».

Le programme réalisé en 1997 à partir d’un échantillon représentatif prélevé sur cet ensembleportait sur les entreprises performantes de seize pays (quatorze de l’Union Européenne, plus laNorvège et l’Islande). Celles-ci étaient de taille moyenne puisqu’elles ne devaient pas dépasser500 salariés au début de la période considérée (1991) et employer plus de 40 salariés en fin depériode (1996). L’étude s’efforçait de répondre aux questions suivantes : quelles sont lescaractéristiques essentielles de ces PME à croissance rapide? Qui sont les hommes qui les

Par comparaison, d’après des études publiées par le Financial Times, les 290 plus gros groupes européensavaient supprimé 500 000 emplois, toujours entre 1991 et 1996.10 Un certain nombre d’ambiguïtés subsistent dans la formulation des textes: s’agit-il de création d’emploi oude création de nouveaux emplois? Par ailleurs, les dispositifs d’observation actuels étant ce qu’ils sont, ilsemblerait plus raisonnable de désigner l’échantillon considéré de la façon suivante: il s’agit des 500entreprises “parmi les plus créatrices d’emplois “, plutôt que : “les 500 entreprises les plus créatricesd’emplois “.

11 Il s’agit du « David Birch Employee Growth Index» basé sur la formule suivante: (nombre d’employés en1997 nombre d’employés en 1992) X (N employés en 1997 : par N employés en 1992).12 L’enquête de 1998 où l’on ne retrouve plus que 221 PME déjà présentes une année auparavant, précise uneautre structure : l’industrie au sens strict ne représente plus que 39 %, contre 33,6 % pour les services (dont 104PME pour les seuls services informatiques) et encore 17 % le commerce.

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dirigent? Quel est leur profil? Comment s’y prennent-ils, autrement dit quelles stratégiesappliquent-ils, pour réaliser de hautes performances et créer autant d’emplois?

Quels sont les principaux enseignements qui peuvent être tirés de la publication finale (Roure,1997-a)? Comme on le verra, certains d’entre eux remettent en cause quelques idées reçues(Roure, 1997-b):

- la recherche confirme qu’en Europe, la plupart des emplois nouveaux sont créés par unepetite minorité de PME qui ont des caractéristiques singulières. En effet, si de 1989 à 1994 lenombre d’emplois net en Europe, toutes entreprises confondues, a diminué de près de deuxmillions et si la majorité de ces pertes d’emplois a certes été imputable aux grandes entreprises,les PME ont été également «responsables» de près de 700 000 disparitions d’emplois aucours de la même période. Dans le même temps en revanche, les 500 «fast growers» del’échantillon de l’étude sont parvenus à créer près de 200 000 emplois

- on pense généralement que ce sont les entreprises récentes qui créent le plus d’emplois. Or,les 500 entreprises dynamiques d’Europe opèrent en moyenne depuis dix-sept ans et seulement14 % d’entre elles existaient depuis moins de cinq ans en 1994. En matière de créationd’emplois, c’est donc tout autant la gestion des transitions associées à certaines manoeuvresstratégiques (nouveau produit, pénétration d’un nouveau marché, recentrage de l’activité,modification du capital etc.) que les questions liées à la seule création d’entreprises qui doitretenir l’attention;

- les PME à fort taux de croissance n’opèrent pas seulement dans des secteurs nouveaux enpleine expansion. Car il n’y a pas à proprement parler de secteurs porteurs, mais plutôt deschefs d’entreprise et des stratégies de marché qui font la différence dans la performance. Parexemple, la répartition sectorielle des 500 entreprises dynamiques est identique à celle desautres types de PME. On constate toutefois que le secteur des services connaît aujourd’hui unecroissance plus rapide que l’industrie, mais là encore les « 500» ne font pas exception. Demême, sur le domaine de l’emploi, une exploitation particulière de l’échantillon désormaisaccessible de l’enquête de 1998, permettrait de vérifier la place objective du déterminantsectoriel (Usine Nouvelle, 1999);

- les dirigeants des PME à croissance rapide ne sont pas plus jeunes que ceux des PMEtraditionnelles puisque 77 % d’entre eux ont entre 35 et 55 ans. Cependant 67 % possèdent undiplôme universitaire, dont 31 % d’un niveau post-gradué. Ils disposent en général d’uneexpérience professionnelle significative qui dépasse dix années pour 37 % d’entre eux. Leurmode d’accès à la direction de l’entreprise est majoritairement la création (72 %), tandis que lasuccession familiale, le rachat ou la promotion ne représentent respectivement que 9 %, 6 % et5 %. Mais ce qui semble décisif c’est que, dans leur expérience antérieure, 41 % ont déjà crééune ou plusieurs autres entreprises

- les dirigeants des «fast growing companies» européennes attribuent plus facilement leursuccès à leurs compétences stratégiques et à leur capacité managériale qu’à leurs connaissancestechniques. Ils s’appuient le plus souvent sur des équipes de direction et sur un personnel qu’ilsrecrutent, forment et tentent surtout de retenir’3,car les ressources humaines constituent pour

‘3 La « rétention » du personnel doit en effet être considérée - avec et après le recrutement et la formation -,comme le troisième pilier de la politique des ressources humaines des petites firmes à croissance rapide (Roure,1997-a).

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eux «le facteur critique prédominant pour maintenir un avantage compétitif», avant même leproduit et les services et bien avant « l’innovation» et la «technologie ». Par ailleurs ilsconsacrent sans doute beaucoup plus de temps à leur propre formation que les autresdirigeants de PME puisque 57 % déclarent utiliser plus de 24 journées par an à leurperfectionnement (échanges avec d’autres entrepreneurs, lectures, colloques et conférences et,de plus en plus, les formations formalisées...)

- du point de vue stratégique, les PME à croissance rapide ont des caractéristiques bienparticulières. Certes, tout comme les PME familiales, elles privilégient la croissance interne etconsidèrent les stratégies d’acquisition comme secondaires pour leur développement présent età venir. Sur ce point une évolution très rapide a eu lieu en quelques années. De plus en plusd’entre elles, notamment les petites firmes de croissance basées sur les nouvelles technologies,n’hésitent pas à faire appel au capital externe et à opérer des alliances (Usine Nouvelle, 1999).Mais elles sont surtout capables d’introduire très rapidement de nouveaux produits ou servicessur des marchés existants ou de chercher une clientèle renouvelée pour des produits ouservices qu’elles offrent déjà. C’est pourquoi, dans la foulée des études réalisées par Europe’s500, on aurait intérêt à regarder de plus près le fonctionnement de leur process, y compris leurs< stratégies interentreprises », c’est-à-dire leur capacité de se créer un avantage concurrentielen modifiant leurs relations avec leurs partenaires, en amont et en aval de la chaîne de valeur(Martinet, 1983);

- par ailleurs, on aurait tort de croire que les «flying firms» sont particulièrement présentesdans des secteurs privilégiés. C’est en général l’erreur majeure qui est faite par les analyseshâtives ou journalistiques. En réalité, quelle que soit «l’industrie» dans laquelle elles opèrent,elles se concentrent presque toujours sur des segments de marché étroits (des «niches ») oùelles sont susceptibles d’occuper une position de leader ou de constituer un concurrent trèssérieux. C’est ainsi que plus de 80 % des entrepreneurs interrogés s’estiment leader ouchallenger sur un marché au moins. Au lieu de se diversifier ou de rechercher la compétitivitépar les prix sur des marchés au spectre large et en plein essor, les PME dynamiques opèrentainsi «en profondeur» et luttent contre la concurrence en offrant des produits ou service dehaute qualité. En langage portérien, ce sont donc les stratégies de différenciation et deproduction de «valeur client» (qu’on ne saurait confondre avec la simple « valeur ajoutée »)qui prédominent dans cette configuration;

- enfin, contrairement à ce que l’on pourrait croire et sans doute aussi — comme on le verraplus loin — à la différence des PME « high tech », les PME de croissance n’ont pas été crééesou ne se sont pas développées à l’aide de montages financiers sophistiqués. Elles sont laplupart du temps financées par les capitaux propres de leurs fondateurs, complétés par desprêts bancaires dont le montant n’est pas excessif. Leurs dirigeants font tout leur possible pourconserver leur indépendance financière et, dans 87 % des cas, ceux-ci détiennent plus de lamoitié des actions’4.Les entreprises de ce type se financent donc essentiellement à partir desbénéfices non distribués, les prêts bancaires ne venant qu’en seconde position, tandis que lessociétés de capital-risque et les autres investisseurs privés ne représentent que 10 % dans lastructuration du capital des sociétés cotées en bourse qui ne sont finalement pas légion dansl’échantillon des 500 dynamiques.

‘ Cet aspect de la question est loin d’être négligeable, puisque la plupart des recherches antérieures, et mêmeles plus historiques (cf. Bunel, Saglio, 1976) prétendaient que la recherche d’indépendance constituait aucontraire une caractéristique des PME les plus traditionnelles et en voie de déclin.

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Les PME innovantes à croissance rapide

On connaît les difficultés pour définir l’innovation ou les nouvelles technologies (Zew, 1997).Dans les corpus statistiques européens du type Community Innovation Survey (CIS), onconsidère en général comme innovatrices les entreprises qui ont développé ou introduit denouveaux produits, technologies ou process. En outre, on distingue les innovations radicales etles innovations incrémentales, les secondes mettant l’accent sur la progressivité des processus.

On a vu que les PME à croissance rapide n’opéraient pas forcément sur le créneau destechnologies émergentes, c’est pourquoi nous les distinguons des PME fondées sur lesnouvelles technologies (notamment de l’information et de la communication) qui sont abordéesplutôt dans le paragraphe 3. Mais il est vrai que cette frontière est artificielle puisque de plus enplus d’entreprises à forte croissance sont technologiquement très avancées (Usine Nouvelle,1999).

En passant au crible les principales études européennes qui se sont spécifiquement intéresséesaux petites firmes innovantes à croissance rapide ( Innovative Fast Growing SMEs »), unrapport de l’ElMS (Aston Business School and al., 1996) a montré que la plupart de cestravaux exploitent, en les croisant, deux filons : l’un porte sur l’analyse de la performancerelative des petites entreprises dans la croissance économique et la création d’emploi ; l’autreconcerne le rôle des petites firmes dans le processus d’innovation technologique.

La littérature est abondante sur les deux domaines, mais les résultats ont souvent fait l’objet denombreux débats. Par exemple : «there is no a simple correspondence between turnovergrowth end employment growth» (Aston Business School and al., 1996: 5). Autrement dit, sicertaines entreprises sont capables d’un très rapide et très fort développement de leur chiffied’affaires, celui-ci ne se traduit pas mécaniquement en termes d’emplois (Alderman et al.,1988 : 112; Oakey, 1991). Pas plus d’ailleurs qu’elles ne se trouvent forcément dans lessecteurs d’activité émergents et même « innovants» (cf. les travaux de Storey and al., 1987,sur le Nord de l’Angleterre), car les innovations — notamment de produit — sont aussinombreuses dans les secteurs matures que dans les firmes centrées sur les nouvellestechnologies (North, D., Smallbone D., Leigh R., 1994; Oakey, 1993) et n’opèrent pasforcément par ruptures radicales. Elles suivent souvent les besoins des consommateurs aveclesquels les PME entretiennent des relations anciennes et durables. Elles peuvent d’autre partconcerner l’organisation ou le process dans des secteurs traditionnels.

Il n’est pas non plus certain que les PME soient en moyenne plus innovantes que les entreprisesde taille plus respectable comme l’ont prétendu Acs et Audretsch (1990) un peu hâtivement,pas plus d’ailleurs que l’innovation n’est réservée aux PME de création récente’5... L’existencede relations interentreprises, plus particulièrement entre les PME et les grandes entreprises ouentre les PME (très souvent des spinn off) et les laboratoires universitaires joue ici un rôleconsidérable (Rothwell, Zegveld, 1982 ; Beesley, Rothwell, 1987 et, plus récemment : Tether,1996 a-b). C’est dans la dynamique et dans la densité de ces réseaux qu’émergent aujourd’huila plupart des innovations technologiques. Or celles-ci ne peuvent s’établir véritablement quedans la confiance et dans la durée.

‘ D’ailleurs dans l’échantillon de l’étude originale menée parallèlement à leur survev les auteurs regroupent 22PME industrielles dans 14 pays dont Fâge moyen est de vingt ans.

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C’est pourquoi les auteurs du rapport de l’E1MS (Aston Business School, 1996) sont conduitsà distinguer dans les PME innovantes à croissance rapide, les jeunes entreprises à croissanceprécoce ( young early growers ») et les entreprises matures à croissance tardive (« maturelategrowers »). On pourrait dire en simplifiant un peu que, tandis que les premières créent desemplois, les secondes les conservent. Et ce point semble être de la plus haute importance auregard des politiques publiques en faveur des PME de croissance, notamment innovatrices, cardans l’idéal il ne s’agirait pas seulement d’identifier et de faciliter l’émergence des «fastgrowers» ou de se focaliser sur ceux qui ont démontré une bonne capacité de croissancerapide, mais de s’intéresser aussi à ceux qui présentent un bon potentiel de croissance à longterme.

C’est en tout cas paradoxalement à cause de la relation peu claire entre croissance économiqueet création d’emploi’6 que les deux critères sont en général traités simultanément dans ladéfinition des «Fast-growth Small and Medium Enterprises» à travers la littérature examinée.La mesure même de ces critères varie considérablement. Certaines études prennent en comptedes croissances d’emplois comprises entre 20 et 40 % pour des périodes de 5 à 10 ans, situantl’effectif en nombre absolu entre 50 et 100 salariés au bout d’une période de démarrage de 5 à10 ans. Quant à l’accroissement du chiffre d’affaires, les valeurs relevées dans la plupart despays font état d’une variation moyenne encore plus importante comprise entre 8 et 50 % surdes périodes de trois à dix ans.

Dans sa recension, l’Aston Business School (1996 7) propose la définition suivante : peuventêtre considérées comme des PME à croissance rapide « celles qui sont capables de soutenir des

augmentations de chiffre d’affaires ou d’emploi d’au moins 20 % par an pendant une périoded’environ cinq années ». Les auteurs ajoutent que pour les entreprises récentes, ces critèresdoivent être observés durant environ dix années afin de constituer un indicateur raisonnable decroissance durable (x a reasonable indicator of sustainable growth capability »). Ainsi, le niveaude l’emploi doit-il atteindre, en valeur absolue, une centaine de salariés au cours des dixpremières années.

Mais qu’en est-il des facteurs explicatifs de la capacité de développement de ces «PMEinnovantes à croissance rapide»? Ici encore, la littérature insiste particulièrement sur lecomportement stratégique des firmes qui combinent toujours des paramètres externes etinternes (voir aussi Birley, Westhead, 1990) ou, si l’on préfère, des variables structurelles etdes variables managériales. Certes, les données sectorielles et de taille ne sont pas à négligercar elles pèsent sur la capacité d’innovation et sur le rythme de croissance. Mais ellesn’interviennent jamais de façon déterministe et univoque. Elles représentent seulement desopportunités (< structural opportunities ») qui sont saisies ou non à travers un

processus managérial (« managerial capabilities »). La plupart des recherches examinées parl’Aston Business School établissent en effet «que les petites entreprises ne connaissent unecroissance rapide et soutenable que si elles sont capables de s’assurer une compétencedistinctive qui leur procure un avantage compétitif»’7et qui dépend de deux autres facteurs la

16 Les auteurs rappellent que la vigueur de la création cFemplois, tout autant que la croissance du chiffred’affaires, varie de façon significative selon les secteurs d’activité et que les taux de croissance des entreprisesnouvellement créées sont forcément exagérés du fait des chiffres relativement bas en phase de démarrage.‘ Selon les auteurs du rapport de 1 EIMS, cette dimension relève presque toujours d’une stratégie proactive quiassocie la recherche du leadership technique et celui du marché, celle-ci étant adoptée dès le début (“starterstrategy “) ou parfois remaniée (“ shifter strategy “).

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capacité de mobiliser des ressources (technologiques, financières et surtout humaines) et denégocier les changements (de produit, de marché et d’organisation) (Tuer et al., 1993).

On aura tout de suite compris qu’ici aussi, le profil des dirigeants des PME innovantes àcroissance rapide ainsi que leur trajectoire jouent un rôle central. Chez ces dirigeants, lamajorité des recherches mettent en évidence des compétences techniques initiales généralementplus élevées que dans les autres types de PME et surtout des expériences antérieures dans desentreprises — grandes ou petites — exerçant dans le même secteur ou un secteur proche. Mais,contrairement aux approches psychologiques ou économiques traditionnelles, l’accent est misde plus en plus aujourd’hui sur ((l’encastrement)> (« embeddedness ») du comportementmanagérial dans les réseaux de relations sociales (Aldrich, Zimmer, 1986). On retrouverait là leconcept de «milieu innovateur» qui joue le rôle de tissu de soutien dans les dynamiqueséconomiques et dans la création d’emploi au plan local (Crevoisier, 1994 ; Rajà, 1998).

Le cas particulier des « gazelles » américaines

Il semblerait qu’il y ait des composantes sociétales qui pèsent sur le mode de développementdes firmes à forte croissance et le cas des « gazelles» de l’économie américaine est à ce titretout à fait exemplaire. Tout comme les premières, les secondes sont des entreprises capables derejoindre en une décennie le club des 1 000, voire des 500 plus grosses entreprises d’un pays. Ilen fut ainsi de Gateway 2000 (vente d’ordinateurs par correspondance) ou de Wal-Mart(grande distribution). Si elles représentent aujourd’hui seulement 3 % de l’emploi total existantaux Etats-Unis, elles seraient responsables de 70 % des créations d’emploi, principalementdans les commerces et les services.

Une hypothèse mérite d’être avancée : tandis qu’en Europe la croissance des « fast-growers»serait plus lente et capable de générer des emplois relativement stables dans un contextestructurel de chômage élevé, les gazelles américaines se caractériseraient par une plus fortevolatilité des profits et des emplois. Ici, le dynamisme entrepreneurial des petites entreprisesnaissantes consisterait moins à durer qu’à renouveler le tissu économique de façon ultra-rapide,la croissance économique reposant davantage sur la turbulence des entreprises que sur leurstagnation. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à un expert: «les gazelles sont des créaturesexpérimentales, explorant de nouveaux marchés avec de nouveaux produits, réussissantparfois, échouant fréquemment, se redressant, et ainsi de suite... » (The Economist, 28 mai1994) et de constater qu’aux Etats-Unis «les régions les plus dynamiques, les plus riches engazelles sont aussi celles où l’espérance de vie des entreprises est la plus courte (Californie,Nevada, Colorado, Arizona et la Floride par exemple) », tandis que celles où les entreprisesont la vie la plus longue (Iowa, Dakota, Nebraska, Montana...) n’ont jamais été très prospères.

**

*

En résumé, parmi les PME, notamment de création récente, seules certaines d’entre elles sontcréatrices de nombreux emplois. Bien que la relation entre croissance du chiffre d’affaires etcroissance des emplois ne soit pas mécanique, il est maintenant établi que les PME dites àcroissance rapide font partie de ces dernières. Bien que beaucoup d’entre elles se soient surtoutdéveloppées au cours de ces dernières années dans le secteur des services, la variablesectorielle n’est pas la plus déterminante pour expliquer leur réussite et leur comportement

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d’emploi. Ceux-ci dépendent en priorité de leurs stratégies de marché où les «fast growers»occupent en général un segment spécialisé ou hautement différencié. Le plus souvent, elles ontété créées par des entrepreneurs ou des entreprenants disposant déjà d’une expériencesignificative, notamment de créations d’entreprise antérieures. Au cours de leurs premièresannées, leur développement repose surtout sur la mobilisation des ressources propres dufondateur, mais l’on constate une ouverture de plus en plus précoce de leur capital. Quant àleur mode de gestion de la main-d’oeuvre, il n’a pas jusqu’ici fait l’objet d’études trèsapprofondies. Seuls les travaux d’enquête suscités par l« Association for dynamicentrepreneurs» mettent l’accent sur leur capacité à générer un grand nombre d’emplois, sur leprofil et la trajectoire de leurs dirigeants et sur l’importance de leurs stratégies de stimulationet de « fidélisation» du personnel. La mise à disposition récente de l’échantillon permanent des500 PME à croissance rapide devrait sans doute permettre d’approfondir leur connaissance, enarticulant les variables stratégiques et intersectorielles avec leurs politiques de gestion desressources humaines (structure des emplois et des salaires, compétences mobilisées, formationetc.).

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2. — Les PME de classe mondiale: de nombreux travaux sur leur performanceéconomique mais des lacunes dans la connaissance de leur contribution à l’emploi

Disons tout de suite que les PME de classe mondiale (o world class SMEs ») sont desentreprises qui croissent souvent moins vite que les précédentes. Elles sont par ailleurs plusanciennes et présentes sur des marchés plus stables et moins cycliques que les PME innovantesou « high tech» dont il sera à nouveau question au § 4. Par ailleurs, elles appartiennent laplupart du temps à une famille ou à un cercle restreint d’actionnaires tandis que les petitesfirmes de haute technologie sont presque toujours contraintes d’ouvrir leur capital pourdécoller ou se développer. Les travaux qui leur sont consacrés laissent malheureusement engénéral de côté les questions liées à leur contribution à l’emploi et c’est leur réussiteéconomique qui focalise le plus l’attention.

Cependant, le leadership de marché ne se borne pas à l’aspect quantitatif des parts de marché,exprimé en chiffre d’affaires ou en nombre d’unités vendues. Il comprend également desaspects comme la supériorité dans l’innovation, la technologie, les compétences centrales, lacapacité à faire la mode, l’influence sur le marché et la puissance qui laisse soupçonnerl’importance des ressources humaines dans une telle configuration. Sans doute faudrait-ilévoquer ici les notions de «leadership psychologique» (Simon, 1998) ou de «leadershipintellectuel» (Hamel, Prahalad, 1994 : 47) qui signifient que le champion constitue uneréférence et que c’est lui qui définit en fin de compte les principales normes du marché.

Ce qui est en cause ici, c’est la compétitivité des entreprises, leur capacité à se procurer desavantages distinctifs et une place durablement dominante sur le marché, plus que leurcontribution quantitative et qualitative à l’emploi” (Management, 1998 ; Simon, 1998). Mais àtravers les organisations et les rassemblements en « clubs» de ces leaders mondiaux (quicomportent un grand nombre de PME, mais pas exclusivement), il serait désormais possibled’étudier de façon plus systématique leurs modalités spécifiques de gestion de la main-d’oeuvre.

« Les champions cachés de la performance »: plutôt des grosses PME stratégiquementfocalisées

L’étude de H. Simon (1998) est certes celle d’un consultant, mais elle repose sur une enquêteassez sérieuse auprès de 122 entreprises allemandes retenues comme « les meilleures desmeilleures» à partir des critères suivants’9

- elles sont numéro un ou deux sur le marché mondial ou numéro un sur le marché européen;- elles ont un chiffre d’affaires inférieur à un milliard de dollars;- elles ont une visibilité et une notoriété très faible vis-à-vis du public, des médias, des milieuxprofessionnels et... académiques, d’où la dénomination de « champions cachés ».

18 On rappellera avec H. Simon que l’avantage concurrentiel désigne “une performance supérieure par rapportà la concurrence “. Elle signifie qu’il ne suffit pas d’offrir au client une bonne valeur à un bon prix, mais qu’ilfaut faire mieux que la concurrence sur au moins une des composantes de la valeur et du prix, à savoir: 1. Etieimportant pour le client; 2. Etre perçu par le client ; 3. être durable (1998 : 111).19 A noter que H. Simon prétend que les caractéristiques qu’il a identifiées à l’égard du Mitteistand allemandsont parfaitement transposables à quarante sept autres entreprises européennes qu’il dissèque également.

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En moyenne, les entreprises de l’échantillon bâti par H. Simon sont des grosses PME quiemploient 735 personnes, réalisent 130 millions de dollars de CA et exportent 51 % de leurproduction. Par ailleurs elles ont en moyenne 67 ans d’existence et 23 % d’entre elles étaientnées entre 1845 et 1919 et 40 % entre 1945 et 1969. Dans la grande majorité, ce sont desentreprises familiales puisque seulement 20 % d’entre elles appartiennent à un groupe.

On voit ici que la notion de PME, explicitement retenue par l’auteur à partir des normesallemandes, ne saurait toutefois se réduire à la taille des entreprises. C’est la détention ducapital majoritairement familial qui est ici décisive dans 76,5 % des cas, ainsi que l’anciennetéet la permanence de dirigeants propriétaires (62,3 % des cas) qui privilégientl’autofinancement, des méthodes de gestion et un contrôle social plutôt non formalisé quel’auteur résume par une « forte culture interne ». Et l’on voit tout de suite que l’on a eu tort deconsidérer toutes les PME familiales comme des formes d’entreprises dépassées oucondamnées à terme.

Leur excellence relève tout d’abord des couples produit/marché

- Le marché des «champions cachés» est en général très étroit, mal défini, très fragmenté ounon précisément délimité. C’est d’ailleurs l’estimation subjective de la part de marché occupéequi importe plus que la part absolue mesurée en pourcentage du marché total, la plupart dutemps impossible à définir. La part relative du marché sur laquelle s’appuient les travaux deH. Simon est établie par rapport au plus important concurrent de chaque champion. Cetteabsence de définition stable du marché pourrait surprendre si la caractéristique essentielle deschampions n’était précisément de ne pas accepter la définition du marché donnée par les forcesexternes et de la considérer précisément comme un paramètre sur lequel ils peuvent jouer.

- Les champions opèrent sur des niches, c’est-à-dire des segments de marché très profonds.Ceux qui sont ultra-spécialisés sont désignés comme «supernichistes» (par exemple Hahnpour les présentoirs de musées, Paul Binhoold pour les aides pédagogiques en anatomie,Union Knopf pour la fabrication des boutons) et ceux qui créent leur propre marché et quin’ont pas de véritables concurrents sont appelés les «propriétaires de marché» (exempleHummel et ses figurines uniques pour collectionneurs argentés).

- En moyenne, les champions cachés réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires hors deleur pays d’origine. Ils considèrent en tout cas le monde entier comme un seul et même marché(globalisation). Si leur stratégie est donc étroite, focalisée et profonde en ce qui concerne leurproduit, leur technologie et les besoins de leur clientèle, elle est large, vaste et mondiale en cequi concerne la surface géographique de leur activité. Par ailleurs, dans les opérationsd’installation à l’étranger, ils utilisent peu les intermédiaires car c’est l’accès direct au client quiest selon eux le plus créateur de valeur.

Sur ce dernier point, un grand nombre d’auteurs font remarquer que la proximité au marchéfinal constitue une source non négligeable d’avantages compétitifs pour les PME, parce qu’elledétermine d’une part leur capacité à détecter rapidement et directement les tendances desconsommateurs (Normann, 1977) et parce qu’elle favorise leur apprentissage permanent en lesobligeant à prendre en compte «la multiplicité, la variété et la variabilité» des comportementsindividuels des clients. C’est pourquoi certains chercheurs déterministes (Ardenti et Vram,1998) sont dans l’erreur, lorsqu’ils s’obstinent à généraliser le cas des PME sous-traitantes ouentièrement dominées par les circuits de distribution.

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Selon Minguzzi et Passaro (1997), «il existe [en effet ]un rapport entre la position quel’entreprise occupe dans la filière de production et les stimuli au processusd’apprentissage qu’elle reçoit »20. Plus l’entreprise pénètre directement ses marchés, plus sescapacités d’apprentissage sont sollicitées et augmentent sa compétitivité sur le long terme(Varaldo, 1987). En outre, les deux auteurs montrent bien que, contrairement à ce que l’oncroit trop souvent, c’est moins l’internationalisation que la proximité au marché final qui estdéterminante pour le succès de certaines PME: « les processus d’exportation de l’entreprisen’engendrent pas nécessairement l’apprentissage s’ils se réalisent par le biais de l’exportationindirecte. L’intervention d’autres opérateurs entre l’entreprise et ses clients étrangers réduit[certes 11es difficultés d’entrée sur les marchés étrangers, mais [elle Jaugmente [aussi Jiadistance qui la sépare de ses clients finaux. L’entrepreneur reçoit alors les signaux filtrés par laprésence d’intermédiaires, d’agents et d’entreprises d’import-export» (Minguzzi et Passaro,1997: 73).

- C’est donc la proximité aux clients finaux qui constitue une caractéristique certaine deschampions cachés. Et cette proximité s’exerce de façon égale dans deux dimensions : « laperformance» et «l’interaction» (Hombourg, 1995) c’est-à-dire, d’une part ce que reçoit leclient en termes de produit, de service, de qualité du processus et, d’autre part, ce qui serapporte à ses relations avec le fournisseur (ouvert, réactif etc.). Par ailleurs elle concerne unpourcentage très élevé de leurs salariés qui rencontrent régulièrement les clients (20 à 25 %contre 10 % à peine dans les grandes entreprises traditionnelles).

- En ce qui concerne leur conception de l’innovation et même si l’inventivité technologique asouvent été à l’origine de leur réussite, les champions cachés ne se contentent pas d’améliorerleurs produits, mais les processus internes et externes à partir d’une compréhension profondeet globale de l’activité et des problèmes des clients. Ainsi, le pourcentage des sociétés quiassocient technologie et marché au lieu de privilégier l’un des deux termes est de 57 % chez leschampions secrets contre 19 % dans les grandes entreprises (Simon, 1998 96).

La position stratégique de ces entreprises mérite une attention toute particulière car c’est ellequi fait toute la différence

- les champions cachés préfèrent les stratégies de «différenciation focalisée» à celle de lacompétitivité par les coûts et leurs avantages concurrentiels viennent surtout de la qualité desproduits et des services et, de façon plus générale des avantages immatériels qui sont plusdifficiles à imiter parce qu’ils tiennent davantage à la « culture» de l’entreprise et àl’organisation (innovation, proximité avec les clients, intégration du système, information-communication, personnalisation, distribution, livraison, délais etc. )21.

20 « Ainsi, les PME qui se positionnent aux premiers stades de la filière où elles opèrent (par exemple, lesentreprises qui produisent des biens industriels largement standardisés comme dans le secteur des peauxtannées et du textile) reçoivent des informations indirectes et des stimuli faibles en provenance du marché finalet possèdent donc peu d’occasions d’apprentissage par le marché. En revanche, ces opportunités sont plusnombreuses et plus fécondes pour les entreprises situées en aval de leurs filières respectives (chaussures,confection) » ( Minguzzi et Passaro, 1997).21 “Les avantages les plus difficiles à dupliquer, et donc les plus durables, sont ceux qui tiennent aux hommeset aux processus” dit H. Simon (1998 116).

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- Du coup, c’est souvent le prix qui est le seul paramètre concurrentiel qui fasse apparaître uneposition désavantageuse des champions cachés. Car l’avantage qualitatif — la différenciation— d’un produit peut se trouver rapidement érodé par l’apparition de produits de massestandardisés. C’est pourquoi, les champions cachés ont dû sérieusement remodeler leursproduits et leurs procédés dans le sens d’une réduction des coûts au cours des dernièresannées.

- Leurs concurrents sont généralement peu nombreux mais très vigoureux et exerçant àl’échelle planétaire. Mais dans le cadre des « cinq forces concurrentielles» de Porter (1985),les plus dangereux sont les firmes déjà établies plutôt que les nouveaux entrants, les substituts,les fournisseurs ou les acheteurs.

- Leur réussite stratégique tient moins à un facteur clé unique (les délais, le coût, le serviceaprès vente...) qu’à la combinaison de plusieurs facteurs étroitement imbriqués (Porter, 1994),car « l’art de la stratégie concurrentielle consiste à faire plusieurs choses un peu mieux et nonune chose beaucoup mieux» (Simon, 1998 : p. 128).

- En matière de partenariat, contrairement à ceux qui en font aujourd’hui une panacée, la soustraitance et les alliances stratégiques ne retiennent pas beaucoup l’attention des championscachés car ils préfèrent en général se fier à leurs propres forces pour maîtriser leur production(sauf lorsque leur compétence centrale réside dans l’intégration de systèmes complexes),assurer leur propre R & D ou s’implanter sur les marchés étrangers. Ils ne sont cependant pas« solitaires », car ils sont entourés par leurs fournisseurs et leurs clients et par leurenvironnement local qui joue souvent un rôle d’autant plus important qu’il est invisible (ontrouve souvent plusieurs champions dans une même petite ville, voire village).

- Enfin, plus encore que dans les autres types de PME, le profil des dirigeants et leur type deleadership est un facteur explicatif des choix stratégiques et du mode de fonctionnement deschampions cachés. Mais alors que l’on pourrait s’attendre à voir triompher dans ces cas deréussite hors du commun la figure du manager, plutôt jeune et diplômé, au service d’unactionnariat hyperréaliste et dispersé ou, tout au moins celle de l’entrepreneur à la mentalitéaventurière, l’étude de H. Simon — confirmée d’ailleurs par de nombreuses autres recherches —

révèle un tout autre modèle, plus proche de ce que l’on a souvent désigné comme un patronat«traditionnel», privilégiant l’autofinancement et se méfiant tout autant de la bourse que ducapital-risque.

Tout d’abord, 76,5 % des PME championnes appartiennent à des familles ou à un cerclefamilial très restreint, contre à peine 20 % à de grands groupes cotés ou non cotés. Près desdeux tiers d’entre elles (62,3 %) sont conduites par des dirigeants propriétaires et 21 %seulement par des managers salariés.

La plupart de ces derniers ont commencé à travailler très jeunes et ne disposent pas d’unbagage académique très élevé (voir aussi Collins, Porras, 1994; Landrum, 1993)... de là àconsidérer que les études universitaires pervertissent l’énergie entrepreneuriale, il n’y a qu’unpas que franchit allégrement H. Simon et bien d’autres auteurs. N’oublions pas toutefois que larecherche citée porte sur le contexte allemand où la promotion interne est particulièrementvalorisée.

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Par ailleurs, ce qui différencie les dirigeants des PME championnes des autres firmes à laréussite moins affirmée, c’est que les premiers sont plus anciens dans l’entreprise (enmoyenne: 17,4 années) que les seconds (11,7 années). On pourrait certes considérer cetélément comme une illustration des formes spécifiques d’accès à la direction des entreprisesdans le contexte allemand, si d’autres auteurs n’avaient insisté sur sa présence dans desenvironnements sociétaux radicalement différents (Collins et Porras, 1994). Les dirigeants desPME championnes sont donc plus souvent que dans les autres PME, tout à la fois fondateurset propriétaires et la continuité individuelle tout autant qu’intergénérationnelle ou intrafamilialedoit être considérée comme une condition indispensable de leur réussite (H. Simon, 1998175).

De là cette conclusion imparable suggérée par H. Simon : pour être les meilleures du monde,les PME ne doivent surtout pas prendre modèle sur les grands groupes. Ceux-ci peuvent bienentendu également réussir, car la réussite ne tient pas à la (petite) taille de l’entreprise mais à lafocalisation stratégique sur son marché (Boing relève de ce principe), mais il faut méditer cetteaffirmation de Ronaldo Schmitz, alors administrateur du géant de la chimie BASF: <avec plusde cent mille salariés, il est difficile pour nous de ne pas agir comme le corps social dans sonensemble. Notre main-d’oeuvre est foncièrement un reflet de la société dans son ensemble. Sicela est vrai.., nous aurons du mal à faire mieux que la moyenne ». La célébration actuelle desPME se présente ainsi parfois comme une sorte d’élitisme renversé.

Le Club (français) des leaders mondiaux

Les données issues du dossier de la revue Management (numéro 42, août 1998, pp. 40-55) quitentait récemment de disséquer les caractéristiques des 150 membres du Club des numéros unmondiaux français, sont très proches des observations faites par H. Simon. Elles ne concernentcertes pas exclusivement les PME puisqu’elles retiennent parfois des groupes dont seulel’activité leader est prise en compte22. Mais en général, elles portent sur des entreprisesindépendantes qui sont de plus petite taille que celles qui figurent dans l’échantillon deH. Simon.

Retenons ici en tout cas quelques éléments clés des PME « world class» à la française

- elles n’opèrent pas forcément dans des activités à forte composante technologique ni sur descréneaux avancés. Exemples : Joubert S.A., très prosaïque leader dans la fabrication detendeurs ; Siégel & Stockman fabricant de bustes de couturiers, Haemmerlin authentiquechampion du monde des fabricants de brouettes, La Buvette, très sérieux leader desfournisseurs d’abreuvoirs ou encore : Doublet, entreprise familiale française très cocardierleader mondial de fabrication de drapeaux;

22 H. Simon évoque lui-même “ les champions cachés détenus par des grands groupes “, mais il ne retient queles sociétés juridiquement indépendantes et exclut les divisions de grands groupes. Il remarque d’autre part que“ces sociétés familiales à l’origine.., n’ont été rachetées qu’une fois devenues des champions cachés” (1998:188) et que celles qui réussissent le mieux sont celles où les groupes interfèrent le moins possible dans leurfonctionnement. “Faire fonctionner une filiale de type champion caché, conclut-il, est véritablement un art,mal maîtrisé par la plupart des groupes “. Mais à l’avenir, ceux-ci chercheront davantage à devenir des“groupes de champions cachés “, des” flottilles de petites vedettes rapides, agiles, agissant indépendamment etsouplement coordonnées par une autorité centrale [la plus légère possible] “plutôt que des supertankers. Mais ilest vrai qu’ “elles auront besoin de dirigeants qui puissent agir comme ceux des champions cachés et noncomme les managers traditionnels issus de l’administration d’un grand groupe” (p. 191).

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- elles ne sont pas forcément des firmes récentes. Elles peuvent être très anciennes et êtrerestées familiales. Exemple Dickson Constant fabricant de toiles à stores (55 % du marchémondial) est née en 1913 ou Babolat firme installée à Lyon depuis 1875 et leader mondial dansle cordage des raquettes de tennis

- elles choisissent des niches dans lesquelles elles souhaitent prendre le leadership mondial. fis’agit en effet pour elles de répondre à un besoin et de s’y tenir, de maîtriser un seul métier à lafois mais de savoir le décliner indéfiniment plutôt que de se diversifier. Ainsi l’entrepriseThibaut, de Vire (Calvados), a-t-elle su adapter ses machines de polissage à tous types dematériaux. Tout comme les «champions cachés» de H. Simon (1998 37-41), ces entreprises«visent la profondeur du marché plutôt que la largeur» et ont en horreur la « diversification »,

synonyme selon elles de dispersion. En termes portériens, elles opèrent sur des chaînes devaleur étroites — peu de produits ou de marchés différents — mais dont elles maîtrisentcependant l’un des segments les plus créateurs de valeur-client.Les exemples choisis dans le réservoir européen de Simon éclairent d’ailleurs cecomportement: avec Winterhalter Gastronom qui fabrique des lave-vaisselle à usageprofessionnel qui a renoncé à fournir les hôpitaux, les écoles, les entreprises etc. dont lesbesoins sont très différents, pour se concentrer sur l’hôtellerie-restauration et ajouter dans sagamme de produits des appareils de traitement de l’eau, des détergents... et des services vingt-quatre heures sur vingt-quatre; ou avec le Suédois Tetra Pak leader mondial sur le marché dessystèmes d’emballages cartonnés qui se limitait jusqu’ici aux emballages et qui a étendu sonemprise sur la chaîne de valeur par acquisition du constructeur d’équipements pour lafabrication et le traitement des boissons, en amont ou en aval de la filière;

- elles sont pointues dans leur métier, mais à l’échelle mondiale. Ainsi, la majorité d’entre elles(45 % exactement) a exporté dès leur première année d’existence (Paradas et Torrès, 1996) et,en vitesse de croisière, 70 % et plus de leur chiffre d’affaires sont réalisés à l’export, sans queces entreprises fassent pour autant appel aux méthodologies d’un marketing trop sophistiquépour s’implanter sur des marchés étrangers;

- elles ont la passion du service et de la proximité avec le client. Le PDG est visible, accessibledirectement et cela remplace avantageusement des services marketing très étoffés. Ainsi chezLestra Sport (sacs de couchage d’expéditions), chez Petzl (spécialiste des cordes d’escalade)comme chez Charlet-Moser, les dirigeants pratiquent assidûment l’alpinisme et fraternisentainsi souvent avec les utilisateurs de leurs produits

- elles ont souvent une avance technique et font preuve d’une inventivité certaine. Mais elles nesont pas forcément « high tech»

- une composante psychologique de leur réussite est également soulignée. Elles sont dirigéespar des leaders autoritaires sur les objectifs à atteindre et les valeurs, mais participatifs etdécentralisateurs en ce qui concerne les processus et les détails d’application. Ceux-ci sont engénéral aux commandes de l’entreprise depuis très longtemps. Ils se caractérisent par unegrande longévité et une stabilité. Ils ont une vision à long terme et savent communiquer leurpassion

23 Les formes patrimoniales de la PME ne sont donc pas forcément dépassées ni dépourvues de grandesperformances. C’est ce que tentent de démontrer Cauy, Buif (1996) ) ou, de façon plus militante, O. Gélinier(1996).

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- elles se caractérisent par un décloisonnement fréquent entre la recherche-développement et lecommercial. Le profil des techniciens ou des dirigeants est atypique;

- elles sont également «discrètes », voire secrètes car elles n’ont pas intérêt à voir disséquerleur avantage concurrentiel;

- Enfin, le principal avantage qu’elles tirent de leur position de leader est d’être la référencedans leur secteur, notamment en matière de fixation des prix et de détermination des standardsde qualité et de performance.

Une étude récente portant sur 22 championnes industrielles indépendantes de la Région Alsaceconfirme à peu de choses près l’ensemble de ces points de vue (Usine Nouvelle, 1997-b). Ellesont été sélectionnées sur le montant de leur Chiffre d’Affaires (supérieur à 40 millions defrancs) et sur leur taux de croissance (au moins 40 % sur la période de 1991 à 1997). Siplusieurs de ces entreprises ont introduit des technologies nouvelles dans des produitstraditionnels, aucune ne travaille sur des produits émergents ou innovants. Quant à leurcomportement d’emploi, parallèlement à leurs orientations stratégiques, on peut noter aupassage qu’il dépend aussi de l’état du marché du travail régional : «le passé industriel de larégion et le maintien d’un niveau d’emploi élevé incitent les jeunes à se tourner vers lesformations techniques courtes» (op. cit., p. 72). C’est ainsi qu’en Alsace, le taux de chômageest traditionnellement plus faible qu’au plan national (7,9 % contre environ 12 % en 1997) etque le poids des CAP-BEP est au contraire plus élevé dans cette région (43,3 % des hommesde 25 à 29 ans en Alsace contre 39,5 %). En outre la région Alsace attire plus facilement lescadres et ses PME championnes font un usage très modéré des aides publiques24.

**

*

En résumé, les travaux consacrés aux «PME championnes du monde» font apparaître uncertain nombre de caractéristiques distinctives en matière de stratégie. Par leur structure depropriété, par l’attachement à leur indépendance, par leur «forte culture» et leur installationdans la durée, elles sont sans doute très proches des entreprises familiales les plus classiques.Mais à la différence de ces dernières, elles se créent le plus souvent un avantage concurrentielen opérant par différenciation ou par focalisation sur un segment étroit du marché et surtout enmaintenant un accès direct au client final. De ce dernier point de vue, elles sont aux antipodesdes PME sous-traitantes ou filialisées. Mis à part quelques travaux pionniers (Paradas, Torrès,1996) leurs pratiques de gestion de l’emploi n’ont pas été jusqu’ici beaucoup étudiées et desrecherches approfondies auprès des «clubs» qui les rassemblent seraient sans douteaujourd’hui nécessaires pour mieux comprendre leur rôle spécifique dans ce domaine. Il restecependant que, par définition, leur contribution quantitative à l’emploi est marginale parrapport à la grande majorité des autres types de PME.

24 De la même manière, Paradas et Torrès (1996) démontrent que si « les PME françaises de classe mondiale»sont parmi les plus mobilisatrices de formation, elles le doivent moins à l’innovation technologique dont ellessont porteuses qu’à leurs stratégies de globalisation-spécialisation et aux mutations dans leur positionnementcommercial qui entraînent des ajustements organisationnels et des savoir-faire.

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3. — Les PM.E basées sur les nouvelles technologies: des stratégies d’innovation auxincertitudes sur leur création nette d’emplois

La perception commune est ainsi faite qu’elle attribue presque toujours le développement desPME à leur capacité d’innovation ou que seule leur «modernisation» serait susceptible degénérer de nouvelles dynamiques d’emploi. C’est le credo des institutions européennes qui ontfocalisé pour un temps leur intérêt sur les nouvelles technologies et l’automatisationindustrielle, en négligeant bien souvent les effets de substitution capitalltravail, et qui mettentaujourd’hui l’accent sur l’internationalisation des petites firmes en oubliant qu’une grandepartie d’entre elles sont encore des entreprises de services de proximité et éloignées du modèlede la PME de technologie avancée. C’est dans ce contexte (ou sous son influence) que lacommunauté des chercheurs a produit durant la décennie quatre-vingt un nombre considérablede travaux visant à mieux comprendre l’articulation entre la compétitivité et l’emploi dans lesPME (par exemple: d’Iribarne, 1986 ; Le Bas, 1989; OCDE, 1993). Mais, pas plus que dansla société englobante ou dans les grandes entreprises, «technologie, modernisation et emploine constituent [dans les PME Jun enchaînement simple» (Heraud, Forte, 1995). C’estpourquoi, les orientations de la recherche les plus récentes se sont déployées sur plusieursfronts : le profil socioculturel des entrepreneurs, le développement des réseaux et despartenariats notamment entre PME et grandes entreprises, le rôle d’accompagnement despolitiques publiques ainsi que les contextes locaux ou régionaux.

Le survey de l’Université de Warwick

On sait que le Centre de Recherche sur les Petites et Moyennes Entreprises de l’Université deWarwick a fait ces dernières années des apports considérables à la connaissance scientifiquedes PME. Parmi ses dernières publications (Centre for Small & Medium-Sized Enterprises,1996), figure un survey portant exclusivement sur les PME basées sur les nouvellestechnologies ( New Technology Based Firms »). Celui-ci tente de faire un repérage trèsdétaillé et en tout point remarquable de la littérature internationale sur le sujet (près de 110références portant sur seize pays).

Dans cette recension mounumentale, le couplage croissance du chiffre d’affaires/croissance del’emploi est particulièrement étudié et fonde même une typologie (Centre for SME’s, 199626) qui met en évidence que ces deux facteurs ne varient pas toujours dans le même sens.

Tout comme pour les innovations, une question se pose d’entrée de jeu sur la définition duchamp des « nouvelles technologies» et sur ce qu’il faut entendre par «PME basées sur lesnouvelles technologies» (< NTBFs »). Notamment, sont-ce exclusivement les nouvellesentreprises qui doivent être prises en compte ou bien doit-on intégrer également les firmes déjàétablies? Sur ce point, on oppose habituellement des approches restrictives et des angles devue plus larges qui rendent difficiles les comparaisons entre les diverses études et recherches.

Pour Shearman et Burrell (1988) on ne devrait se référer qu’aux entreprises indépendantesrécemment créées développant des activités émergentes ( new indépendant enterprises whichare developing new industries »... « only emerging technologies »). Ainsi en est-il par exempledes entreprises qui opèrent dans le secteur des applications médicales du laser. On a à la fois unsecteur d’activité ( industry ») nouveau et des firmes récemment créées et indépendantes.C’est pourquoi, par définition, celles-ci sont peu nombreuses et de très petite taille. Ainsi en

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est-il plus généralement des PME orientées vers les nouvelles technologies de l’information etde la communication (Baleydier, 1998) dont la stratégie prioritaire consiste à innover, àanticiper pour être de nouveaux entrants, voire pour prendre position sur un marché encoreinexistant, à l’aflit d’une nouvelle législation (par exemple dans le domaine de la téléchirurgie).

Le Centre For Small and Medium-Sized Enterprises propose au contraire une définition pluslarge et plus pragmatique qui rejoint la notion de «PME high tech ». Il s’agit d’établir une listede secteurs de haute technologie (par exemple les secteurs où le niveau d’investissement en R& D est nettement supérieur à la moyenne et qui emploient une proportion importante de«scientifiques et ingénieurs» — Butchart, 1987), et de considérer toutes les nouvellesentreprises établies dans ces secteurs, comme des entreprises «high tech ». En outre, onrenonce à ne prendre en compte que les firmes récentes ou indépendantes, car les critères d’âgeet de propriété ne figurent pas dans tous les corpus pour établir des comparaisons directes auplan européen. Ce sont toutefois exclusivement les PME ou les travaux qui portent sur lesPME qui sont ici analysés, avec une particulière attention portée aux caractéristiques descréateurs (o founders ») de ces PME, à leur contribution à l’emploi et à l’impact des politiquespubliques sur leur développement. Ce sont surtout les deux premiers points que nousretiendrons ici car ils se réfèrent plus ou moins directement — outre les données sectorielles — àdes facteurs qui influencent ou s’expliquent par les manoeuvres stratégiques.

En ce qui concerne le profil et la trajectoire des créateurs de PME basées sur les nouvellestechnologies, la plupart des recherches européennes mettent l’accent sur leur spécificité parrapport aux créateurs et dirigeants des autres types de PME. En effet, si leur âge moyen n’estpas très différent, voire même légèrement plus élevé (37 ans en moyenne, selon GMW Conseil,1989 ou Carroue et Martin, 1993), leur niveau de formation initial est, lui, nettement supérieurà la moyenne des créateurs d’entreprises en général, avec une tendance récente à l’accentuationde cette supériorité (Westhead et Storey, 1994 pour la Grande Bretagne ; Donckels, 1989 pourla Belgique, Licht et al., 1995 pour l’Allemagne; GSRT, 1995 pour la Grèce; Mustar, 1994,1995 pour la France etc.). Même si elles indiquent une tendance de fond, ces données doiventcependant être considérées avec prudence, car la plupart des recherches citées portent sur desspin-offs et des parcs scientifiques où les interactions entre PME «high tech» et universitéssont plus denses et plus évidentes qu’ailleurs.

Autre caractéristique spécifique des créateurs de PME «high tech» : leur trajectoire fait étatd’une expérience professionnelle antérieure relativement longue (douze années ou plus enmoyenne, selon GMW Conseil, 1989 et Carroue, Martin, 1993) et qui s’est déroulée surtout(ou plutôt plus souvent que la moyenne des créateurs d’entreprises), soit dans des centres derecherche académiques, soit dans des grandes entreprises privées, voire des sociétés deconseil25.

D’un point de vue subjectif; l’examen des principaux facteurs qui facilitent ou inhibent lacréation et le développement de leur affaire, montre chez les dirigeants de PME orientées versles nouvelles technologies, une prédominance des besoins en ressources financières externes(banques, capital risque, actionnaires). Ces PME sont en effet souvent intensives en capital et,contrairement aux champions de « classe mondiale », aux PME de croissance rapide ou mêmeaux entreprises familiales, l’indépendance ne constitue pas — pour leurs créateurs ou

25 En Grande Bretagne Monck et al. (1987) montrent ainsi que 37 % des créateurs de PME basées sui lesnouvelles technologies sont issus des grandes entreprises. Kulicke (1987) pour l’Allemagne avance égalementle chiffre de 32 %.

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dirigeants — une priorité et leurs choix stratégiques semblent davantage dictés par lescontraintes de secteur (Centre for SMEs, 1996). Mais il faut être prudent sur ce dernier pointcar la plupart des recherches qui portent sur les PME «high tech» utilisent comme pointd’entrée le secteur et celui-ci peut donc constituer un biais de sélection et d’interprétation nonnégligeable.

Cette influence structurelle du secteur semble néanmoins plus importante dans les PME «hightech» que partout ailleurs. En effet, s’il n’existe pas à proprement parler de secteur « porteur»ou «condamné» pour les championnes de classe mondiale ou pour les firmes volantes26, àl’inverse, pour les PME orientées vers les nouvelles technologies, la variable secteur définitassez exactement les contours de «l’arène concurrentielle» dans laquelle s’inscrivent lesmanoeuvres stratégiques des entreprises.

En règle générale, ces dernières ont des caractéristiques communes qui les opposent à cellesdes PME de croissance rapide, aux championnes du monde et surtout aux petites entreprisespatrimoniales, comme le montre l’observation des PME basées sur les nouvelles technologiesde l’information et de la communication (NTIC)27: par exemple, elles privilégient presquetoujours le développement externe pour faire face à leur besoin de recherche-développement.Pour cela, elles s’appuient sur des systèmes d’aide technologiques et financiers et sur desréseaux étendus et d’une grande diversité (laboratoires universitaires, agences publiques,programmes technologiques, organismes de capital risque...) dont l’existence ou non expliqueen grande partie leur performance... et l’importance de leur contribution à l’emploi (Mustar,1997)28 Elles fabriquent en permanence des alliances, y compris avec leurs concurrentes, dans

la mesure où leur marché est moins un « gâteau à partager» qu’un espace à créer et à élargir;si elles entrent dans ce cadre en relation avec les grandes entreprises, elles n’en ressortent paspour autant dominées mais apparaissent souvent comme des partenaires complémentaires29.

Mais ces alliances peuvent être de courte durée et évoluer au gré de l’assemblage et dudésassemblage des multiples briques que constituent les process qui sont eux-mêmes, dans cessecteurs, en perpétuel remaniement. C’est d’ailleurs à travers ces mouvements que s’effectue leplus souvent la recherche-développement dans les PME fondées sur les nouvelles technologiesde l’information et de la communication, l’innovation correspondant ici à un «seuil depercolation » toujours incertain et instable, en tout cas assez peu ressemblant à des processuslinéaires ou à des investissements planifiés comme dans le modèle rêvé de la grande entreprise.De plus, contrairement à ce que l’on pourrait penser sur leur caractère géographiquementvolatil ou transportable, ces PME dépendent aussi souvent que les championnes cachées deleur implantation territoriale et de leur environnement local ou régional, d’où leurconcentration en grappes (« clusters ») dans des zones précises de la plupart des payseuropéens, à l’exception toutefois de l’Italie30.

26 ce qui leur offre, au moins théoriquement, une marge de manoeuvre stratégique très important.27 Voir la recherche en cours de N. Balevdier (1998) dans le cadre de sa thèse pour le Mastère Spécialisé enManagement Européen des Ressources Humaines (CER-ESC de Clermont-Fd).28 En se centrant sur les PME nouvellement créées par des chercheurs, l’auteur constate que 50 % de celles quin’appartiennent pas à un réseau ont disparu dans les six années après leur démarrage (soit l’équivalent du tauxde disparition habituel pour toutes les sortes de PME en création) et ont connu la croissance la plus faible. Parailleurs, mis à part celles qui ont été absorbées, elles sont parmi celles qui ont généré le moins d’emplois(Mustar, 1997).29 C’est le cas des petites firmes agiles qui développent les réseaux intranet des grandes entreprises ou quiembauchent en régie un de leurs ingénieurs pour développer un produit nouveau.° Le pôle technologique émergent dans la région de Pise constituant probablement sur ce point une exception.

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- En ce qui concerne la contribution quantitative à l’emploi des PME « high tech », les résultatsde la plupart des travaux européens sont loin d’être fermement et définitivement établis(Warwick, Ikei, Cerem et al., 1995). Ces derniers se sont toutefois attachés à relativiserl’optimisme des recherches fondatrices américaines, trop souvent fondées sur la situationexceptionnelle de la région du Massachusetts dans laquelle les experts entrevoyaient unréservoir d’emplois considérable. En s’appuyant sur les recherches menées dans sept paysd’Europe, le rapport du Centre for SME établit à nouveau que l’évolution des principauxsecteurs industriels de haute technologie est susceptible de rendre compte de la dynamiqueglobale des emplois31.Dans la majorité des pays de la sphère européenne, l’ensemble agrégédes industries de haute technologie représente environ 10 % de l’industrie, mais compte enmême temps pour 10 à 20 % de l’emploi industriel. Ce qui veut dire que les industries de hautetechnologie tendent à être dominées par les grandes entreprises32 qui représentent plus de lamoitié de l’emploi dans le secteur agrégé des industries de haute technologie.

Du point de vue des évolutions, on peut faire le même constat si dans la plus grande partiedes pays d’Europe, la moyenne de l’emploi a accusé un déclin dans les industries de hautetechnologie, le nombre d’entreprises dans ces mêmes secteurs et dans ces mêmes pays aaugmenté et les unités du secteur des hautes technologies emploient encore en moyenne ledouble de salariés que les entreprises industrielles en général.

Mais d’un sous-secteur à un autre, d’une taille d’entreprise ou d’un pays à l’autre ces donnéestrès générales accusent des différences très nettes. Par exemple, dans la pharmacie qui esttypiquement une activité « science based », le nombre d’entreprises et le volume de l’emploin’ont pas cessé de croître simultanément de 1980 à 1990, et ceci est aussi vrai pour les trèspetites unités qui ont profité de l’émergence des biotechnologies que pour les firmes géantes. Ilen est de même pour les services informatiques qui ont connu une croissance très rapide aussibien en terme d’unités de toutes tailles que d’emplois, tout comme les services techniques,mais où cette « double croissance» a surtout touché les petites et les micro entreprises. Aucontraire, dans le secteur de l’électronique en Europe, le nombre d’unités (entreprises ouétablissements) a eu globalement tendance à augmenter alors que l’emploi a décru durant toutela décennie quatre-vingt33.Mais il est vrai que cette chute des effectifs a surtout concerné lesgrandes unités (les plus de 500) et beaucoup moins les petites et moyennes entreprises (entre20 et 500 salariés) ou les micro entreprises (les moins de 20).

Sur tous ces points les composantes nationales sont loin d’être négligeables. Par exemple, si lenombre d’unités actives dans le secteur agrégé des hautes technologies a augmenté dans à peuprès tous les pays d’Europe, le taux de croissance a été plus important dans certains pays(+ 57% en Italie entre 1981 et 1991, + 51 % en Grande Bretragne en 1980 et 1990, + 50%aux Pays-Bas entre 1983 et 1990) que dans d’autres (+ 32 % en France). Mais plus encore queces évolutions générales, c’est la combinaison entre l’évolution du nombre d’entreprises etcelle de l’emploi qui différencie ou oppose les pays. Par exemple, si dans les années quatrevingt l’Allemagne a été caractérisée par une augmentation simultanée du nombre total

A noter que la quasi-totalité des recherches mobilisées par le Centre for SMEs porte sur les activitésindustrielles et moins sur les services à forte intensité cognitive (“Knowledge-intensive Business Services “).32 Généralement de plus de 500 salariés, sauf en Grèce, en Irlande ou en Norvège où seules sont considéréescomme grandes les entreprises qui dépassent 100 salariés.‘ Dans ce secteur le déclin de l’emploi a été le plus fort en Grande Bretagne, avec une moyenne parétablissement qui est passée de 130 salariés en 1980 à 60 salariés en 1990.

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d’entreprises et d’emplois dans tous les secteurs de haute technologie (à peu de choses prèscomme l’Autriche, le Danemark, l’Irlande, les Pays-Bas et la Norvège)34,la Belgique, la Franceet la Grande Bretagne ont connu au contraire une évolution où un grand nombre de sous-secteurs de haute technologie ont vu augmenter le nombre d’entreprises et diminuer le nombred’emplois.

Sur les données d’échantillons d’entreprises et non plus des secteurs, le Centre for SMEsobserve qu’en comparaison avec les autres entreprises nouvellement créées, celles qui sontorientées vers les nouvelles technologies ont un taux de croissance de l’emploi en moyenneplus rapide et qu’elles résistent mieux au phénomène de disparition prématurée35.Mais leurcroissance absolue reste modeste, tout autant que leur capacité à compenser les pertesconstatées dans les autres secteurs. Ces observations sont tout à fait confirmées sur deséchantillons extensifs de PME créées par des chercheurs entre 1984 et 1991 pour le casfrançais (Mustar, 1997). En étudiant leur ((trajectoire de croissance », l’auteur fait d’abordremarquer que, six années après leur démarrage, 84 % de ces PME spécifiques existent encore,dont 72 % ont conservé leur autonomie et 12 % dont l’activité a été maintenue mais qui ontété absorbées. Seulement 16 % ont disparu, contre environ 50 % après cinq ans pour tous lesautres types de PME nouvellement créées. Elles ne sont cependant pas créatrices d’un nombreconsidérable d’emplois puisque les 200 entreprises examinées n’en ont généré «que» 3 500entre 1984 et 1991 et que seulement 10 % d’entre elles comptaient plus de 50 salariés à la finde la période. C’est d’ailleurs ce qu’avait montré en son temps Storey (1988) en s’appuyantsur l’observation des PME high-tech dans la sphère européenne.

Dans la partie descriptive et prescriptive qu’ils consacrent au développement des politiquespubliques, les auteurs plaident pour des systèmes d’accompagnement spécialisés dans ledomaine des NTBFs (p. 82)36 car, à secteur d’activité identique, celles-ci ont descaractéristiques singulières, à la fois par rapport aux autres types de PME et par rapport auxgrandes entreprises. En effet, elles se différencient en général des premières par leurs fortsbesoins en financement de R & D (la plupart du temps plus de 20 % de leur chiffre d’affaires)dont la rentabilité est longue à établir et surtout incertaine, même si le risque encouru n’est pasplus important que pour n’importe quelle création d’entreprise37.Par rapport aux secondes, ona vu plus haut qu’elles mettent en oeuvre des processus de recherche-développement atypiquespresque toujours externalisés et reposant sur des alliances multiples, variables et variées. LeurR & D émerge et se développe plutôt dans les réseaux et la relation au client plutôt que dansune fonction bien identifiée de l’entreprise où elle serait stockée. De ce double point de vue,

Dans l’ensemble des pays européens, cette croissance simultanée se constate davantage dans les services âforte intensité intellectaelle que dans l’industrie “ high tech” (Prest, 1996). De même dans l’industrie, ce typede développement se retrouverait plus facilement dans la pharmacie ou la fabrication des ordinateurs que dansl’électronique ou la mécanique générale où le nombre d’entreprises a augmenté en même temps que l’emploiconnaissait un déclin.

Car si leurs activités sont souvent plus incertaines que celles des autres types de PME, leur développementcomporte paradoxalement plutôt moins de risque puisqu’elles évoluent sur des marchés globalement enexpansion et ont souvent fait l’objet d’une évaluation plus rigoureuse de leur projet en phase de création(Centre for SMEs, 1996).36 «Our judgement is that policy makers have, in most Earopean countries, failed to recognise the specialqualities and requirements of new and small technology-based firms» (Centre for Small & Medium-SizedEnterprises, 1996)

Sur ce point, on aurait tort encore de généraliser trop hâtivement, car il existe des activités avancées detechnologies de l’information et de la communication qui sont peu consommatrices de capital. Exemple: lacréation de sites Web qui donne lieu aujourd’hui à une explosion de la création de TPE individuelles(Baleydier, 1998).

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force est de constater que le secteur d’appui financier en Europe manque de savoir-faire dansl’expertise des projets développés par les NTBFs.

La typologie du Consortium JCL Advisers

L’étude menée par le Consortium JCL Advisers et al. (1997) pour le compte de l’EuropeanInnovation Monitoring System (EIMS) avait précisément pour objectif de catégoriser lespetites et moyennes entreprises afin d’adapter les actions d’accompagnement des organisationsintermédiaires privées et publiques. Elle portait sur un échantillon de 140 PME, aux profils deperformance, d’ancienneté, de tailles et de secteurs divers, choisies dans dix pays de l’Unioneuropéenne. Les entreprises devaient fonctionner depuis trois ans, ce qui excluait a priori lesentreprises en phase de démarrage (les « start ups »), être indépendantes (leur capitaléventuellement détenu par une autre entreprise ne devait pas excéder 25 %), et se situer enfindans des tranches d’effectif excluant à la fois les micro entreprises et les grandes entreprisesc’est-à-dire, soit concerner des entreprises industrielles situées entre 25 et 200 personnes, soitles entreprises de service comprises entre 10 et 100 personnes. Du point de vueméthodologique, il s’agit d’un travail qui a été mené à partir d’entretiens semi-directifs et d’unexamen approfondi de données quantitatives concernant les firmes. Les résultats de l’étudepermettent de combiner à la fois les techniques qualitatives et quantitatives pour faire émergerune typologie des entreprises à partir de leurs principales caractéristiques.

La typologie construite comporte neuf profils d’entreprises qui font ressortir descaractéristiques et des besoins spécifiques. La fiabilité des définitions catégorielles a été testéestatistiquement. Les facteurs de discrimination des entreprises sont relativement classiques. Ils’agit de leur taux de croissance, de leur niveau technologique, de leur degré d’autonomie(produits propres/sous-traitance), de l’intensité de leurs pratiques d’innovation, de leurancienneté, de leur forme d’organisation et de leurs projets de développement pour l’avenir(« stated objectives

Mais les variables déterminantes pour dresser la typologie mettent l’accent sur le marché etl’environnement concurrentiel, ainsi que sur le management et les modes d’organisation desentreprises. Ce sont en effet ces facteurs qui, selon les auteurs, «affectent la capacité decroissance et d’innovation» (« which affect growth and innovation capacity »), En outre, lesprincipaux problèmes et faiblesses rencontrés par chacun des types d’entreprise sont soulignés,en même temps que leurs besoins potentiels.

Dans la typologie présentée, trois catégories de PME méritent selon nous d’être retenues etconfrontées : le type 1 lui-même qui recouvre les PME centrées sur les nouvelles technologies(« New Technology-Based SMEs »), le type 3 qui tente de rassembler les «leaderstechnologiques» qui sont à notre avis très proches des «leaders mondiaux» présentés plushaut, et le type 4, les co-développeurs (« joint developers ») qui ont la caractéristique d’êtredes sous-traitants technologiquement avancés et privilégiés parce que leur rôle est trèsimportant dans la conception et le développement de nouveaux produits. Dans cette catégoriecomme ailleurs, les innovations de produit sont étayées par des technolologies immatériellescomme le process ou l’organisation (par exemple : management par projet).

Cette étude avait pour ambition de fournir des outils de diagnostic permettant à des utilisateurs fournisseursde services aux PME OEidentifier très rapidement le type d’entreprise. En règle générale à partir de cinqquestions parfois moins. Simplicité et fiabilité d’utilisation. Un questionnaire.

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Quelles sont les grandes caractéristiques des PME du type 1 ? Il s’agit la plupart du tempsd’entreprises qui cherchent à obtenir une avance technologique dans un domaine particulier desnouvelles technologies à développement rapide (« new fast developing technologies »). Cettecatégorie comprend surtout des entreprises qui travaillent dans le champ de l’électronique etdes technologies de l’information et de la communication. Elles fabriquent ainsi des biens où latraditionnelle différence entre produits et services, entre le «soft» et le «hard », n’a plusguère de sens et dont la dimension principale repose sur la conception et les développementsimmatériels. C’est pourquoi beaucoup de ces firmes sous-traitent la phase de production pourse concentrer sur la conception intellectuelle et les tests qui requièrent peu de capital, au moinsdans la phase initiale de démarrage, comme les développeurs de logiciels spécialisés et lesfournisseurs de systèmes techonologiques d’information.

En ce qui concerne leur marché, les entreprises du type 1 exercent surtout dans des secteursconcurrentiels à (très) forte croissance. Les clients appartiennent à un petit nombre de secteurspour lesquels ces PME à technologie avancée développent des produits ou servicesspécifiques, voire sur mesure. Leurs concurrents les plus sérieux sont en général très disperséset constitués par des firmes de même taille et de même profil. Les facteurs clés de succès dansces secteurs sont l’innovation et la qualité (ce qui suppose des activités permanentes etintensives en R & D, et des réactions immédiates aux besoins et suggestions des clients, parfoisen construisant des coopérations avec des spécialistes externes), suivies bien sûr par le service,tandis que le prix des produits ou services demeure secondaire.

En dépit de leur petite taille (il s’agit le plus souvent de PE de moins de 50 salariés), cesentreprises sont généralement clairement structurées et organisées. Elles sont dirigées etdétenues majoritairement par plusieurs cofondateurs, ou co-dirigeants (« top managementowned ») qui exercent en équipe et qui sont le plus souvent contraints de faire entrer dans lecapital d’autres sociétés ou institutions financières pour faire face à la croissance spectaculairede leur entreprise. Ceux-ci (managers ou ingénieurs) sont en général plus jeunes que dans lesautres firmes (moins de 40 ans), ont un niveau de formation supérieur et une expérienceantérieure dans le même secteur d’activité ou dans le même environnement technologique.

En quoi ces PME de type 1 se distinguent-elles ou se rapprochent-elles, notamment au planstratégique, d’autres catégories étudiées par le Consortium JCL Advisers? En concevant desproduits ou services propres pour de nombreux clients, elles différent tout d’abord des PME detype 4. qui sont plutôt des co-développeurs (« joint developers ») et sont à ce titreessentiellement des entreprises sous-traitantes (par exemple fabricants d’équipementsindustriels, de moules à injection plastique, de composants électroniques ou de systèmes detélémétrie, de sécurité et de contrôle électronique...). Du point de vue de l’évolution et de lastructure de l’emploi, les secondes ont plus souvent un effectif stagnant, voire en léger déclinainsi qu’un ratio de cadres et d’ingénieurs significativement inférieur aux premières (entre 0.10et 0.20 contre plus de 0.20 en moyenne).

Mais ces deux types ont en commun de valoriser la conception et l’innovation en repoussant lerisque de la compétition par les coûts et de la dépendance, les premières en tentantdifficilement de l’éviter notamment tant qu’elles sont de petite taille, les secondes en essayantde s’en dégager par la co-conception de solutions clefs en main, par le développement deproduits propres ou par une diversification des clients.

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Avec les PME de type 3 (« technological leaders ») qui sont parvenues au leadership dans leursecteur grâce à leurs produits et technologies propres, les petites structures de technologieavancée (type 1) ont également des caractéristiques communes. Par exemple les innovations deproduit ou de process (R & D) tiennent une place aussi importante dans l’une et l’autre de cesdeux catégories. Mais tandis que pour les secondes, la créativité impose des ruptures et sous-tend une croissance très élevée, elle correspond au contraire pour les premières à un processusde développement planifié, continu et modéré, entamé depuis de nombreuses années (elles sonten effet en moyenne plus anciennes que les précédentes). D’autre part, tandis que les PME detype I exploitent la segmentation du marché grâce à (ou à cause de) leur petite taille, les«leaders technologiques» qui dépassent le plus souvent les 50 salariés opèrent typiquementsur des marchés oligopolistiques dans lesquels elles ont à faire à un petit nombre deconcurrents bien identifiés, comprenant aussi bien des firmes multinationales que d’autresPME. Par ailleurs, le capital de ces dernières est plus souvent ouvert et leur ratio de cadres etingénieurs jamais très élevé (la plupart au-dessous de OJO). Quant à leur effectif,contrairement au PME de type J, il connaît soit une croissance très modérée ou une stagnation.

Pour mémoire, il resterait enfin à opposer les petites firmes basées sur les nouvellestechnologies avec celles du type 2 que nous pourrions appeler des «PME de différenciation oude focalisation Celles-ci sont très proches des PME « championnes» décrites plus haut ence qu’elles exploitent avec succès des niches de forte valeur ajoutée. Car, contrairement auxPME «high tech », les PME de différenciation peuvent manoeuvrer, tout comme leschampionnes, sur des marchés traditionnels sans fort contenu technologique. De plus, à ladifférence des PME basées sur les nouvelles technologies, les PME de différenciation ou defocalisation, tout comme les championnes, sont majoritairement familiales et dirigées par despatrons propriétaires ou fondateurs qui considèrent généralement la croissance de leur Chiffred’Affaires comme plus important qu’une envolée (trop) rapide de leur effectif.

Les travaux de Miles, Kastrinos et aL (non datés)

Ces travaux qui portent sur les «Knowledge-intensive business services» (désormais KJBS)prennent en compte la forte poussée des services dans toutes les activités économiques et lefait que les services dans leur ensemble soient actuellement les plus gros investisseurs dans lesnouvelles technologies. En outre, ils insistent sur l’accentuation actuelle de l’interpénétrationentre les activités manufacturières et des services (< the industrialisation of services and theincreasing emphasis on the service component ofmanufacturing »).

Selon les auteurs cités, les KIRS ne sont pas seulement des utilisateurs (« users »), voire destransformateurs ou des agents de transfert (< carriers ») de nouvelles technologies commepeuvent l’être les firmes que l’on baptise habituellement « high tech» ou les activités de conseilet de formation qui sont liées à l’application de nouvelles technologies immatérielles. Au sensstrict, ce sont avant tout des producteurs de nouvelles technologies basées sur la maîtrise et ledéveloppement de connaissances (par exemple fabricants de software, sociétés detélécommunication ou de services télématiques).

Par ailleurs, l’intensité intellectuelle (x knowledge intensity ») ne saurait, selon eux, seconfondre avec « l’intensité informationnelle» (« information intensity »), la première

Nous empruntons cette terminologie à M. Porter (1997) pour traduire, faute de mieux, le concept de « nichemarket differentiators » utilisé pour désigner les PME de type 2 dans la catégorisation du Consortium JCLadvisors (1997).

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représentant un concept plus large que la seconde et la seconde pouvant n’être mobilisée quecomme une simple composante de services traditionnels. Car les services à forte intensitéintellectuelle ne se contentent pas d’utiliser ou de transporter des connaissances, maisparticipent à leur production par un apprentissage permanent (« knowledge is a matter oflearning »). En fin de compte, Miles, Kastrinos et al. sont surtout intéressés par les «newtechnology-based KTBS» et par leur contribution à l’innovation, la thématique de l’emploin’étant abordée ici que de du point de vue des contenus.

Une série d’hypothèses implicites et fortes dérivent cependant de cette recherche : de mêmeque les KIBS nous confronteraient à de nouvelles formes de services basés sur le renforcementdes interactions entre le prestataire et le client, de même ils nous obligeraient à revoir notreconception des organisations productrices de service, de la recherche-développement et desprocessus d’innovation (« leaming-by-networking and learning to learn are the most importantcharacteristics of KIBS organisations»

—p. IV). En même temps, ils constitueraient

aujourd’hui un laboratoire pour observer les nouveaux métiers ou les reconfigurations demétiers déjà existants. Car, outre l’impossibilité actuelle de trancher sur leur véritablecontribution quantitative à l’emploi, la principale vertu des KIRS et des activités de servicespécialisées dans les nouvelles technologies de l’information serait d’ordre qualitatif: emploisnouveaux ou reconfigurés? Emplois évanescents ou durables? Formes spécifiques deprofessionnalisation? Force est ici de reconnaître que les statistiques officielles et lesnomenclatures d’activité sont de moins en moins pertinentes pour apporter des réponses à cesquestions (Miles, Kastrinos et al., p. 84). En amont de ce constat, on note déjà l’absencepresque totale d’études sur la contribution des services à l’innovation ou sur les innovationsdans les services qui seraient analogues aux grandes fresques industrialistes élaborées parexemple par le Sessi. D’où la portée limitée des «recommandations» faites par les auteurs auxdécideurs publics de passer de la focalisation des aides à l’industrie à l’accompagnement destrajectoires d’innovation à moyen et long terme dans de «nouveaux services» difficilementidentifiables et particulièrement retors à l’analyse.

Les apories et les certitudes de la relation entre innovation technologique et emploi

À supposer que les PME soient plus innovantes que les grandes entreprises — ce qui apparaîtde plus en plus controversé, peut-on analyser la relation entre l’innovation technologique etl’emploi, ce qui supposerait en outre de distinguer très rigoureusement l’augmentation duvolume des emplois et la réallocation de l’emploi, c’est-à-dire sa redistribution intra ouintersectorielle? Telle est la double aporie qu’il convient de résoudre. Mais celle-ci coexisteavec un début de certitude : «les dynamiques de l’emploi ne sont que partiellement définies auniveau du secteur» (Bouabdallah, 1998). C’est pourquoi les travaux portant sur les effets desnouvelles technologies sur l’emploi seraient intéressants à interroger, particulièrement dans lecas des PME.

D’un point de vue global, on sait déjà que l’hétérogénéité des types d’innovation (procédé,produit, organisation) se traduit par des effets différenciés du progrès technique sur le volumeet la structure des emplois. Ainsi, selon Greenan et Guellac (1995), si « les firmes innovantessont [globalement] plus créatrices d’emplois ou les protègent mieux que les autres» 40,

l’innovation de produit est, à l’échelle du secteur, plus favorable à l’emploi que l’innovation de

° Les résultats sont pourtant loin d’être assurés: tandis que Van Reenen (1997) confirme le lien positif entreinnovation et emploi dans le cas de la Grande-Bretagne, Bellman et KôLling (1997) l’infirment en ce quiconcerne l’Allemagne.

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procédé. Tandis que « les innovations technologiques favorisent la croissance de l’emploi [...]les innovations organisationnelles poussent à une évolution de la structure des qualifications auprofit des salariés les plus qualifiés mais sans impact significatif sur l’évolution quantitative del’emploi », sauf pour les firmes nouvellement créées qui créent des emplois qui sont d’entréede jeu des emplois qualifiés (Greenan, 1994). D’autre part, plus les entreprises sont petites (entermes d’effectif salarié), plus l’innovation technologique est favorable à l’emploi.(Kleinknecht, Reijnen, 1993), ce que l’on peut imputer à la jeunesse des entreprises, enformulant l’hypothèse d’une relation causale entre l’âge des firmes et leur croissance.

Mais l’on sait également qu’« innovation de produit et innovation de procédé sont de plus enplus difficiles à dissocier» et que « les performances des firmes en termes d’emploi dépendentde l’innovation technologique, mais en même temps d’innovations organisationnellescomplémentaires» (OCDE, 1996). Comme nous l’avons vu plus haut, c’est particulièrement lecas dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui entraînent denouveaux modes de coordination et dont les effets sont probablement plus significatifs sur lanature des emplois (« ces technologies jouent défavorablement vis-à-vis de l’emploi peuqualifié ») que sur leur volume global.

Au-delà de ces données très générales et parfois contradictoires, la plupart des auteurs qui sesont intéressés à l’impact des innovations sur l’emploi — il est vrai sans se centrerexclusivement sur les PME — insistent sur la nécessité de distinguer le niveau du secteur etcelui de l’entreprise. C’est l’occasion de confirmer notre principale hypothèse, selon laquelle lavariable de positionnement stratégique des entreprises serait de loin la plus explicative.

Certaines recherches établissent en effet que le lien entre croissance de l’activité (du secteur) etcroissance de l’emploi n’est pas évident. Ainsi, « des industries à faible croissance créent del’emploi alors que des industries à forte croissance détruisent des emplois» (Bouabdallah,1998 : 28). Il est donc indispensable de raisonner non seulement sur le volume global mais surla réallocation intrasectorielle des emplois. Autrement dit, dans un même secteur, certainesfirmes innovantes seraient susceptibles de créer des emplois, là où d’autres, tout aussiinnovantes, en détruiraient. Ainsi donc, les caractéristiques individuelles des entreprisesexpliqueraient mieux les comportements d’emploi que les dynamiques macrosectorielles. Etl’on pourrait faire l’hypothèse développée par Greenan (1994) que si «les innovations deproduit et de procédé révèlent des résultats non concordants au niveau de l’entreprise et auniveau du secteur », c’est parce que les effets favorables de l’innovation de procédé dansl’entreprise innovante se font au détriment des autres entreprises du secteur. La réallocationdes emplois prédominerait ainsi sur la pure création.

C’est ce que s’efforce d’établir Bouabdallah (1998) en s’appuyant sur la littérature américaine,française et britannique, ainsi que sur les données issues de l’Enquête Annuelle d’Entrepriseportant sur l’industrie manufacturière. Il confirme que les relations entre innovationtechnologique et emploi sont différentes suivant que l’on se place au niveau du secteur ou auniveau de la firme. Il plaide alors pour le développement d’études empiriques au niveau desfirmes et des établissements pour rendre compte de l’hétérogénéité des comportementsindividuels observés.

Mais cet auteur comme beaucoup d’autres (par exemple Davis et Haltiwanger, 1992Lagarde, Maurin et Torelli, 1995) ne semble pas aller jusqu’au bout de son raisonnement. Ils’arrête au constat, à la porte de l’explication. Alors que tous les travaux qu’il a consultés

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(<soulignent l’origine essentiellement microéconomique de la dynamique des flux d’emploi» etque «la plus forte source d’hétérogénéité réside dans les dynamiques individuelles des firmeset non pas dans celle des produits ou des secteurs» (1998 33), il ne va pas jusqu’à formulerl’hypothèse que celles-ci relèvent clairement des options stratégiques des entreprises. Pourtant,cette interprétation micro-industrielle nous paraît raisonnable : les différences intrasectorielleset individuelles des comportements d’entreprise en matière d’emploi dépendraient étroitementde la place que ces entreprises occupent dans le secteur ou la chaîne de valeur.

**

*

En résumé, ce sont sans doute les PME basées sur les nouvelles technologies qui ont faitl’objet des études les plus complètes en matière d’emploi. A la différence des autres types dePME analysés ici, ce n’est pas seulement leur contribution quantitative (au demeurantmodeste) qui est explorée par la majorité des travaux, mais leur apport à la structure desemplois qui semble favoriser les plus qualifiés d’entre eux en même temps qu’il accompagnel’émergence de nouvelles activités de service. Au plan quantitatif après avoir montré qu’il n’ya pas de corrélation entre l’augmentation du nombre de PME dans les secteurs de hautetechnologie et l’accroissement net de leurs emplois, la plupart des recherches récentesétablissent que ce phénomène s’explique par la réallocation intrasectorielle des emplois et parla capacité de certaines PME à faire la différence par rapport à d’autres dans un même secteur«high tech ». En d’autres termes, même s’il ne doit pas être négligé, le rôle explicatif de lavariable sectorielle doit être relativisé par rapport aux comportements stratégiques individuelsdes firmes. C’est dans le cadre de cette analyse combinant les facteurs internes et externes queprennent d’ailleurs sens les observations portant sur la trajectoire typique des dirigeants, sur lesformes de management et d’organisation interne et interentreprises, sur l’utilisation des réseauxet des ressources externes : financières, commerciales ou en recherche et développement ainsiqu’en conseil.

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4. — Les PME familiales et/ou patrimoniales: des stratégies d’indépendance basées surla valorisation des ressources internes et un apport considérable à l’emploi

On a vu que les entreprises familiales pouvaient être des championnes et même que leschampionnes sont très souvent des entreprises familiales qui affectionnent peu la dispersion desactionnaires et la dilution du capital. C’est pourquoi, elles mobilisent surtout le cercle familialrestreint ou élargi et parfois quelques dirigeants propriétaires cofondateurs. On a dit aussi quece constat remettait en cause l’idée maintes fois soutenue que les structures patrimoniales, tropattachées à l’indépendance, étaient vouées au déclin sinon à la disparition (Bunel et Saglio,1976).

Comme on le verra plus loin, l’intérêt qu’elles suscitent en général dans la littérature estprincipalement lié à leur performance économique. L’étude de leur contribution à l’emploin’est cependant pas totalement négligée (notamment dans les travaux statistiques), mais elles’applique surtout aux entreprises moyennes que l’on assimile un peu trop facilement auxentreprises familiales selon le modèle du «Mittelstand» allemand (Revue Française deGestion, 1997). On a dit par exemple que c’est la densité de ces entreprises moyennes qui aassuré la continuité du tissu productif industriel de nos voisins et a contribué fortement àstabiliser à long terme les emplois, en nombre et en qualité : deux avantages dans «lacompétitivité des nations» (Porter, 1990) qui feraient défaut à la France (Sessi, 1995). Et lesemplois dont il s’agit sont d’autant plus précieux qu’ils sont en général conçus commepérennes et stables dans des contextes économiques où la précarité se développe.

Mais pas plus que les PME ou les TPE ne sont forcément familiales (Bentabet, Michun etTrouvé, 1999), les entreprises familiales ne sont condamnées à rester de petites entreprises, carle destin d’une partie d’entre elles consiste, soit à devenir des entreprises moyennes, voire desgrandes sociétés (c’est le scénario rose, puisque selon le précepte gattazien — Y. Gatta.z, « lesentreprises moyennes sont des petites entreprises qui ont réussi »), soit à être absorbées par cesdernières quand ce n’est pas par des < groupes étrangers ». Et c’est la version noire sans cesseagitée par les défenseurs acharnés de la «Moyenne Entreprise Patrimoniale» (MEP)41. Il y vaselon eux de «l’intérêt national» si les pouvoirs publics français ne desserrent pas lescontraintes qui les étranglent lors de la phase de transmission, les moyennes entreprisespatrimoniales n’auront plus qu’à se vendre à l’étranger avec tout le cortège des maux qui peuts’ensuivre « échecs, restructurations, délocalisations, dégraissages sévères, transfert hors deFrance des équipes dirigeantes ou d’une partie des recettes fiscales» (Gélinier, 1996 : 25)

Celles qui grandissent et celles qui durent ou l’idéal-type de la moyenne entreprise...

En ce qui concerne les entreprises familiales qui ont connu une croissance endogène, on saitqu’elles alimentent régulièrement la chronique des « success stories» consacrées aux dynastiesd’entrepreneurs, au point que l’on puisse se demander si les entreprises familiales ne sont pasd’autant plus admirées et étudiées qu’elles ont pu se hisser au rang des très grandesentreprises. Songeons ici aux réussites anciennes ou nouvelles : — industrielles avec les famillesMichelin, Bettencourt (L’Oréal), Lescure (Seb), Burelle (Plastic Omnium) ou Decoster(Legrand) — ou de la grande distribution, avec les Mulliez (Auchan), les Defforey (Carrefour)

‘‘ Ceux-ci ont d’ailleurs fondé un groupe de pression, l’Association Syndicale des Moyennes EntreprisesPatrimoniales (ASMEP).

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ou les Bouriez (Cora). Songeons aussi à d’autres « monstres» mondiaux, tel Cargiil aux EtatsUnis avec ses 63 000 salariés et ses 47 businesses (vente du grain, services financiers,marchandising...) implantés dans 54 pays42.

Après tout, ces très grandes entreprises ne sont-elles pas d’anciennes PME qui ont persisté, quiont résisté? C’est la leçon «évolutionniste» que prétendent administrer, entre autres, Collinset Porras (1994) en s’appuyant sur l’exemple de 18 grandes entreprises d’excellence(Motorola, Hewlett Pakard, 3 m, Wal-Mart...) qu’ils comparent cas par cas à d’autresentreprises qui n’ont seulement obtenu que de «bonnes» performances. Outre leur tailleimposante, leur réussite ne tient-elle pas au fait d’avoir su conserver malgré tout l’agilité etl’âme de leur enfance, lorsqu’elles étaient encore des PME? C’est pour cette double raisonqu’une grande partie des livres de recettes managériales, mais aussi des travaux d’études et derecherche qui portent sur les PME familiales se sont surtout intéressés aux PME devenuesgrandes et ont surtout insisté sur le segment particulier des moyennes entreprises familiales oupatrimoniales (MEF ou MEP)43 dont la «taille critique» procurerait tout à la fois économiesd’échelle et flexibilité, en somme les avantages de la grande entreprise et ceux de la petite.

Mais les choses ne sont pas aussi simples que cela, car les PME familiales qui réussissent nedeviennent pas forcément de très grandes entreprises. Certaines même s’efforcent de conserverune petite taille. Pour y parvenir, il faut et il suffit qu’elles exercent sur un « marché à rente»ou qu’elles spécialisent leur activité dans un champ concurrentiel bien délimité, en pratiquantce que Penrose appelait joliment le « monopole interstitiel» (1972, cité par Marchesnay,1997 : 92). C’est d’ailleurs là, selon Marchesnay (1997), la principale différence entre«l’hypofirme» et «l’hyperfirme» tandis que la première tente de maximiser la valeur souscontrainte d’une taille maximale à ne pas dépasser, la seconde recherche les économiesd’échelle. Si la première a intérêt à la spécialisation, la seconde choisit le plus souvent ladiversification. Et c’est une nouvelle preuve qu’en matière de PME, la stratégie est plusdéterminante que la taille.

Enfin, pour mesurer la réussite des PME familiales et leur contribution à l’emploi, un autrecritère peut entrer en ligne de compte qui est celui de la durée. Car parmi les PME familiales, ily a celles qui grandissent (ou qui grossissent... ce qui n’est jamais bon pour leur santé, en cestemps de «lean production ») et celles qui durent. Certaines peuvent faire les deux en mêmetemps et d’autres connaître exclusivement l’un ou l’autre destin. Pour celles qui durent, etmême très longtemps, on ferait bien d’aller voir de plus près du côté des hénokiennes de stylemondial ou des tricenterians britanniques en examinant leur physiologie autrement que par unegalerie d’exemples édifiants (Usine Nouvelle, 1997). On se souviendra en effet que, dans sonétude historique sur les petites firmes nouvellement créées, D. Birch avait déjà noté que leurrobustesse tenait moins à l’absence de problème dans leur développement qu’au fait d’avoirsurmonté des maladies infantiles souvent sévères (Birch, 1987; Dalle et Bounine, 1987).Comme on le verra plus loin, il en est ainsi des entreprises familiales leur solidité viendraitmoins de leur faculté à persister dans le temps que de se renouveler.

ILes commentateurs soulignent que la philosophie de cette entreprise repose sur «la patience, la prise derisque calculée et le réinvestissement permanent des bénéfices » et que, nulle part aux USA, une entreprise auxdimensions aussi imposantes n’est restée autant de temps entre les mains d’une famille (Fortune, 1992).

Après avoir rappelé que la réussite d’une entreprise tient davantage à sa stratégie qu’à sa taille, Giget (1998)relève non sans humour, que c’est au nom de cet idéal de la petite firme devenue multinationale, que semultiplient les dénominations aussi technocratiques qu’absurdes, telle les «grosses PME ». « Comment peut-on être à la fois « gros », « petit » et « moyen» s’interroge l’auteur?

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- D’un autre côté, si la liste des entreprises familiales « absorbées» ou « vendues à l’étranger»est longue, la plupart des données démographiques semblent démentir le pessimisme ambiantla très grande majorité des entreprises (60 % selon l’INSEE, 1998) est — en termes de stocks —

encore aujourd’hui contrôlée par des familles, qu’elles soient devenues grandes ou restéespetites, cotées ou non cotées (Charreaux, 1997). A contrario, moins de 10 % des entreprisesd’un effectif inférieur à 500 employés peuvent être considérées comme «managériales »,

c’est-à-dire dirigées par des responsables qui ne sont pas propriétaires et il faut que l’entrepriseatteigne une taille moyenne (250 à 330 salariés) pour voir les propriétaires dirigeants del’entreprise perdre la minorité de blocage (Duchéneaut, 1995).

C’est pourquoi, il est nécessaire de faire un tri dans la littérature et, tout d’abord de s’attacherà des définitions. Qu’appelle-t-on les PME ou plutôt les moyennes entreprises familiales (car cesont celles-ci qui sont les plus étudiées)? Peut-on éventuellement identifier leurs formesparticulières de comportement stratégique? Quels sont les effets sur l’emploi de la gestionpatrimoniale de ces petites ou moyennes structures? En interrogeant de la sorte, nous verronsqu’à la différence des recherches portant sur les trois autres types de PME abordées plus haut,celles qui se sont intéressées aux PME familiales ont surtout mis l’accent sur la dimension((idéologique », culturelle ou cognitive des stratégies qu’elles déploient. Avec elles, entre lescouples produits-marché et l’incidence de leurs stratégies sur l’emploi, vient s’intercaler ets’imposer l’idéologie managériale qui demande à être sérieusement interrogée.

De la définition statistique aux typologies qualitatives

Selon la définition statistique de l’INSEE qui retient traditionnellement trois critères (la taille,le chiffre d’affaires et la structure du capital), les moyennes entreprises patrimoniales serévèlent nombreuses et bonnes pourvoyeuses d’emploi. En 1995, elles représentaient en France16 067 unités employant au total 1 581 019 salariés, soit 44 % des effectifs des entreprisesdont le chiffre d’affaires était compris entre 50 millions et I milliard de francs et 98 salariés enmoyenne par entreprise47.Les plus nombreuses d’entre elles (soit 87 %), correspondant aussiau plus gros effectif de salariés employés (1151 214), se situaient dans la tranche de chiffred’affaire comprise entre 50 et 200 millions de francs dont 70 % dans la tranche de 50 à100 millions, avec 71 salariés en moyenne par entreprise. En comparaison, les plus grossesentreprises patrimoniales (les GEP) contrôlées par un noyau familial représentaient 260entreprises et 1 million de salariés, mais seulement 30 % des entreprises dont le chiffre d’affaire

Parmi les 1000 plus grandes entreprises françaises en 1995, 30 % étaient contrôlées par des familles, tandisque la part des sociétés familiales dans le chiffre d’affaires total des 1000 premières sociétés industrielles aaugmenté de 5 % entre 1982 et 1992, passant de 23 à 28 % (Ailouche et Amann, 1995). Par ailleurs K.-E.Gersick et al. (1997) affirment qu’entre 65 et 80 % des entreprises sont détenues ou dirigées au plan mondialpar des familles, incluant 40 % des 500 plus grandes retenues par le magazine Fortune.

11 est vrai que la performance boursière des entreprises familiales cotées a été trois fois supérieure à celle duCAC 40 dans la période de 1991 à 1996, au point que certains investisseurs privilégient les portefeuilles qui necomportent que des actions de sociétés familiales.46 Ce chiffre correspond exactement aux données citées par M. Bauer (1993) selon lequel 90 % des PMEdisposent encore aujourd’hui d’un actionnariat majoritairement familial, directement ou indirectement, soit78 % de PME indépendantes et 12 % de PME filiales de PME.

En étudiant successivement les 1000 plus grandes entreprises industrielles en France entre 1982 et 1992,Allouche et Amann (1997) montrent néanmoins que le nombre d’entreprises sous contrôle familial a tendance àdiminuer au profit de celles qui sont sous contrôle étranger (+ 30) et de l’Etat (+14). Cependant, on observe enmême temps une augmentation moyenne de leur taille.

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dépassait 1 milliard de francs48, ce qui laisserait entendre que les entreprises patrimoniales sontplutôt de taille modeste et que, à quelques exceptions près, la difficulté du contrôle familial ducapital croît en même temps que la taille des entreprises.

On connaît les limites des variables de taille et de chiffie d’affaires : faut-il situer exclusivementles PME entre 50 et 500 salariés ou intégrer les « entreprises médianes» (200-2000 salariés)comme le font Feuvrier et Lehoucq (1998) ? Doit-on s’en tenir à la tranche de chiffre d’affairescomprise entre 50 millions et 1 milliard sans prendre en compte le secteur d’activité qui estdéterminant dans le domaine?

C’est pourquoi nombre de chercheurs insistent plutôt sur le critère de structuration du capital.C’est en effet celui-ci qui apparaît le plus éclairant des dynamiques à l’oeuvre dans lesentreprises familiales de taille intermédiaire (Le Vigoureux, 1997). On constate alors que sileur nombre a baissé de 1977 à 1994, la structure de leur actionnariat s’est profondémentmodifiée, avec deux mouvements contradictoires qui illustrent les reconfigurations actuelles dusystème productif, notamment dans le secteur industriel. D’une part on assiste à « un déclin desstructures indépendantes (par intégration dans les grands groupes ou par défaillance)» et lesdéfaillances touchent de plus en plus les moyennes entreprises familiales anciennes. Ce quiprouverait a contrario que celles qui « résistent» (voir plus haut) disposent de caractéristiquesconcurrentielles distinctives par rapport à toutes les autres ME familiales. D’autre part, «lesmoyennes entreprises apparaissent de moins en moins assimilables aux seules exploitationsindividuelles ou familiales» (Joffre et Wickam, 1997). D’autres catégories émergent et sedéveloppent qui vont des structures « adossées» e... à d’autres organisations industrielles ou àdes fournisseurs de capitaux à risque, c’est-à-dire détenues majoritairement par une ouplusieurs personnes physiques) aux entreprises « contrôlées» par une personne morale quidispose du pourcentage de droits de vote majoritaire (Le Vigoureux, 1997 79). Les formesproductives se multiplient ainsi à partir des relations interentreprises, notamment entre les PMEet les grandes entreprises : externalisations, intégrations verticales, fihialisations et essaimages.A travers elles, les moyennes entreprises renoncent souvent à une partie de leur indépendanceet sont de plus en plus exposées au risque de «dépendance unilatérale» (Adam-Ledunois, LeVigoureux, 1998).

PMEfamiliales et PME patrimoniales

Il faut donc renoncer définitivement à l’idée accréditée par des auteurs comme Mintzberg(1982), que les petites organisations sont des «structures simples ». Et tout d’abord neconviendrait-il pas par exemple de distinguer rigoureusement, comme le suggère O. Gélinier(1996), les entreprisesfamiliales et les entreprises patrimoniales?

- Les premières sont celles «dont les membres d’une même famille contrôlent le capital etparticipent activement à la direction, entretenant un lien durable entre famille et entreprise ».

Derrière l’apparente unité de cette définition, il existe cependant de multiples variantes: selonla taille (< du boutiquier-artisan qui refùse de grandir, à la moyenne entreprise voire au grandgroupe »), selon l’âge et la «durabilité» (« en nombre de générations, depuis l’entreprisepersonnelle propriété du fondateur, jusqu’à celle qui est contrôlée par les héritiers de laseptième génération ») et, enfin, selon ce que O. Gélinier appelle ((l’intégrisme» du lienfamilial : «depuis l’entreprise d’une seule famille ou de deux familles (cas fréquent) ou de trois

48 Evaluation de L’Association Syndicale des Moyennes Entreprises Patrimoniales (ASMEP).

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familles (cas plus rare)49, jusqu’au contrôle maintenu dans une «famille élargie» ou confiésous bonne garde à des non familiaux qui sont intégrés à la philosophie et au capital familial ».

Du coup, les frontières que l’on croyait tenir fermement ont tendance à s’estomper, même si ladétention de la majorité du capital constitue encore un facteur décisif.

- Quant aux entreprises «patrimoniales », elles peuvent «être dépourvues de caractèrefamilial ». Par exemple, il peut s’agir « d’entreprises fondées par cinq ou dix associés sans liende parenté, rassemblés autour d’un projet commun et d’un même investissement en capital »,car il suffit qu’elles soient dirigées (selon des formules variées et croisées) par leurs principauxactionnaires personnes-physiques, qui y engagent la plus large part de leur patrimoine. Ce quifait dire à l’un de ces dirigeants ou actionnaires cités par O. Gélinier (1996 : 16) : «ce qui nousdistingue des managers salariés, c’est que les fonds propres sont nos propres fonds ».

On pourrait ainsi multiplier à l’infini les typologies des PME familiales et/ou patrimoniales etnoter par exemple celles qui distinguent leur caractère entrepreneurial ou non (Bauer, 1993),leur cotation ou leur absence de cotation en Bourse (Mahérault, 1998)50, la premièrecaractéristique recoupant les principaux critères, à caractère économique certes, selon lastructure du capital social (dilué ou concentré) et le mode d’accès au marché des capitaux(x family owned business »), mais également selon une logique managériale etlouorganisationnelle (.< entrepreneurial family »), selon le caractère plus ou moins centralisé dupouvoir de décision, les finalités du dirigeant ne se réduisant jamais à la seule maximisation duprofit de l’entreprise.

Mais toutes ces distinctions, tous ces indicateurs objectifs aussi sophistiqués soient-ils, nesauraient prémunir contre l’extrême diversité des logiques d’action qui sous-tendent lecomportement des patrons de PME dont M. Bauer ne dénombre pas moins de 480 types(1993 224) C’est l’occasion pour lui de montrer les limites des approches tropexclusivement quantitativistes et de leur préférer les auscultations, les radiographies, voire lesscannerisations monographiques, seules capables de donner accès à «la loi fondamentale dupatron à trois têtes », à la fois «homo economicus, homo politicus, et pater familias ». Lesindicateurs objectifs ne sont pas totalement inutiles, notamment parce qu’ils permettentd’établir la remarquable performance économique des entreprises patrimoniales et leur capacitéà résister aux basses conjonctures (Le Vigoureux, 1997). Mais ce sont bien en fin de compteleurs options stratégiques qui expliquent le mieux leur réussite hors de la tutelle des grandsgroupes.

Les travaux sur la performance économique des PME indépendantes

C’est à Allouche et Amann qu’il revient d’avoir clairement et définitivement établi lasupériorité de la performance économique des entreprises patrimoniales sur les entreprises nonpatrimoniales. Dans leur étude (1997) qui fait date sur l’influence des formes de propriété surla gestion des entreprises, en ne retenant pas moins de 14 ratios économiques et financiers lesplus significatifs, ils montrent non seulement que les premières sont plus rentables que les

Dans ces divers cas de figure, on voit que les « alliances familiales» remplacent avantageusement les«alliances stratégiques» évitées le plus souvent par les firmes familiales.50 La distinction entre PME cotées et PME non cotées relève de logiques et de stratégies financières trèsdifférentes. Les secondes sont bien plus nombreuses que les précédentes et la hiérarchie des financements y estprédominante tandis que l’autofinancement a la priorité, les dettes et l’augmentation du capital sont utilisés endernier recours (Mahérault, 1998).

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secondes mais que les écarts entre elles ne cessent de se creuser depuis quelques années. Maisil faut cependant noter que leurs trois échantillons successifs portaient sur les plus grandesentreprises (en termes de chiffre d’affaires) et que leur investigation ne permettait pas d’isoleren tant que telles, moyennes (ME) et petites (PE) entreprises. Une précision de taille que nesignale pas Gélinier (1996), tout occupé qu’il est à militer ((en bloc» pour toutes lesentreprises familiales. Il y aurait sans doute ici du grain à moudre pour l’INSEE: les PMEfamiliales sont-elles réellement plus efficaces que les PME patrimoniales et les PMEpatrimoniales sont-elles plus rentables que les PME non patrimoniales? En d’autres termes, lesPME indépendantes sont-elles économiquement plus performantes que les PME ((adossées»(au) ou ((contrôlées)> par les grands groupes? Rien n’est moins sûr et l’on demande à voir.Dans le domaine de l’emploi en tout cas, ce sont au contraire les PME qui se situent dans lecontour des grands groupes qui semblent créer ou maintenir le plus d’emplois (Boccara)

Sous bénéfice de cet inventaire qui reste à réaliser, à quoi tiennent la réussite avérée desentreprises patrimoniales et celle, plus hypothétique des plus petites d’entre elles? La plupartdes auteurs répondent : à la structure de l’actionnariat et de la « corporate gouvernance » 1•

En s’appuyant sur une recherche menée dans l’industrie agroalimentaire, Le Vigoureux (1997)démontre bien la relation statistiquement significative entre la structure de l’actionnariat desME et leur orientation stratégique, mais celle-ci va dans le sens inverse des mérites que l’onprête aux firmes personnelles ou familiales. Tandis que les ME indépendantes, dont le capitalest encore détenu partiellement ou totalement par les fondateurs, adoptent un comportementstratégique de type conservateur (‘x peu innovantes, plutôt réactives et averses au risque »...)les «ME adossées », au capital plus ouvert et multipolaire, plus souvent dirigées par desmanagers professionnels, développent au contraire un comportement de type«entrepreneurial», c’est-à-dire plus innovateur, plus proactif et porté sur le risque.

Selon Wickham (1995 : 115), c’est aux «modalités d’organisation et de commandement»qu’il convient de s’attacher. C’est à peu près aussi l’avis de Marchesnay (1997) dont le pointde vue s’intègre dans une économie industrielle et une perspective historiciste tout en nenégligeant pas le mouvement de décroissance des grandes entreprises et les processusd’intégration des «hypofirmes» dans les «hypergroupes », il insiste tout à la fois sur lesmodes de gestion et les caractéristiques organisationnelles spécifiques des entreprises « detaille intermédiaire» (1992) et rattache leur développement à une troisième phase récente del’histoire du capitalisme dit « entrepreneurial », coextensive de la crise de la grande entreprisequi « casse ses structures» (intrapreneuriat, extrapreneuriat, et entrepreneuriat) ainsi qu’aufoisonnement des micro entreprises (Marchesnay, 1997 : 92).

Voyons d’un peu plus près. Si l’on considère avec Tabatoni et Jarniou (1975) quel’organisation des firmes repose sur trois systèmes : l’organisation proprement dite (sastructure), un système d’animation (style de management et de mobilisation de la main-d’oeuvre) et un système de finalisation (détermination des objectifs exprimée dans les ME parles valeurs du dirigeant), les ME ont sur ces trois registres des caractéristiques singulières

51 Le militantisme associatif ou patronal se donne parfois des cautions théoriques de taille. Ainsi en est-il de la«théorie de l’agence », appelée à la rescousse pour expliquer que l’entreprise familiale a l’avantage de limiterau maximum les coûts qui sont habituellement liés à l’établissement et à l’exécution des contrats pour limiterles divergences entre propriétaires et dirigeants dans la configuration de l’entreprise managénale.

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- du point de vue des éléments organisationnels, on a en effet affaire à des structures«davantage dominées par des problèmes de coordination et d’intégration que dedifférenciation des tâches », soit un nombre limité de niveaux hiérarchiques, une formalisationrelativement peu poussée des procédures, et l’on retrouve comme dans les petites entreprisesune centralisation et une personnalisation du pouvoir (Grepme, 1997);

- pour ce qui est du système d’animation, la littérature n’est pas moins récurrente. Il secaractériserait, nous dit-on, par un niveau supérieur d’engagement des individus dans lecollectif de travail et par une certaine « transparence)) des objectifs de la firme moyenne. Lesforces vives seraient alors canalisées sur des objectifs précis : c’est le « narrow marketingfocus» signalé par Simon (1996). En s’inspirant du modèle allemand du Mitunternehmen,beaucoup d’auteurs insistent par ailleurs sur la « stabilité de la vision» et du système derégulation des relations professionnelles. C’est par exemple ce qui fait dire à O. Gélinier quel’entreprise moyenne est une «communauté» (1996 : 21)... alors que la PE traditionnelletiendrait plutôt de la famille et que la GE serait une véritable «organisation », une machineriesociale. Mais il faut bien dire que les travaux scientifiques sur ce point ne sont pas nombreux,pour ne pas dire inexistants. Une sociologie des organisations de taille intermédiaire reste àconstruire, qui ne soit pas seulement une sociologie des patrons de PME, analogue à celle qui aété édifiée par M. Bauer;

- quant au système de finalisation, il dépend étroitement des valeurs du (des) dirigeants qui nesauraient se limiter à la maximisation à court terme comme l’affirme la théorie financière mais àproduire, entre autres, une rentabilité satisfaisante, à affronter un risque raisonnable etsupportable pour un développement durable et une rémunération acceptable (Hirigoyen, 1981).

Les fondements idéologiques de la stratégie dans les MEP

Cette description qui paraît parfois idyllique n’exclut pas, bien au contraire, les considérationsd’ordre stratégique, ne serait-ce que parce qu’une structure familiale indépendante autoriseraitune plus grande liberté et rapidité dans les manoeuvres offensives et défensives. Cependant,dans les rares travaux consacrés au management stratégique des PME familiales, c’est laréférence à l’idéologie des dirigeants ou des coalitions au pouvoir qui semble prédominer52.Quelles sont alors les principaux les éléments de cette stratégie, en distinguant d’une part lescaractéristiques que les MEP ont en commun avec les championnes du monde par exemple et,d’autre part les qualités qu’elles semblent posséder en propre?

Dans la première série d’éléments, on pourrait relever: une même méfiance à l’égard de ladiversification et la concentration sur un métier ou un créneau (mais attention:«proportionnée aux moyens dont on dispose », insiste Gélinier !) que l’on laboure à fond dansla durée et avec patience, une identique focalisation sur le client (mais il est vrai à égalité avecune forte centration sur la technique) et sur des segments de marché qui ne réclament pasd’investissements productifs ou commerciaux trop lourds, une résistance commune à ladomination de la finance et aux alliances stratégiques qui posent toujours des problèmesd’intégration culturelle et de taille critique, une prééminence de l’autofinancement et, pour tout

52 Cette dimension n’est en effet par exemple pas la préoccupation essentielle de M. Porter, davantagepréoccupe par la «valeur perçue par le client» (1990-b). Elle est plus évidente chez Strategor (1993) pourlesquels elle représente « l’ensemble des principes moraux, des préférences culturelles et des attitudespsychologiques qui structurent les jugements des dirigeants» et surtout chez des auteurs comme Larçon etReitter (1979).

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dire, une ((croissance mesurée et cumulative» (Gélinier op. cit: 77). Ajoutons-y une pratiquequotidienne de l’innovation en lieu et place de processus de rupture (Catry et Buif 1996), etmême sans doute un ancrage fort dans l’environnement local. Voilà pour la «stratégiebusiness» qui n’est certes pas spécifique aux MEP, mais qui, combinée aux « bienfaits de laconcurrence» prémunit, selon Gélinier, les MEP contre toutes sortes de déviations possibles(« conservatisme, népotisme, laxisme, mégalomanie »...).

Ce qui nous conduit tout droit au second ensemble de considérations où les MEP marquentfranchement leur différence. Dans la théorie de la stratégie, on distingue très classiquement sonmode de construction et sa mise en ouvre. Abordons successivement ces deux points de vuequi s’efforcent en général de répondre successivement à deux questions qu’est-ce qui faitcourir les petites et moyennes entreprises familiales ou leurs entrepreneurs? qu’est-ce qui lesfait durer?

Premièrement, le mode de construction de la stratégie qui, à l’inverse des sociétés nonfamiliales, semble ici le plus souvent non planifié (Mathé et Rivet, 1993) et davantage orientétout à la fois par le court terme et vers une ((vision long terme» (généralement celle dufondateur, personnage mythique) que sur le court et le moyen terme qui prédominent dans lesPME non familiales. Autrement dit, elles sont plutôt «CAP» (pérennité-indépendancecroissance) que «PIC» (croissance-autonomie-pérennité), selon la catégorisation des buts desentrepreneurs proposée par Julien et Marchesnay (1988).

Mais, plus que tout, c’est la « culture de pérennité familiale» qui ferait la différence des MEP«une famille solide et durable... une philosophie gestionnaire et entrepreneuriale qui fait partiedu patrimoine culturel ». Car le patrimoine n’est pas seulement financier ou matériel. Ilconstitue aussi et surtout un véritable actif incorporel. La stratégie se transforme alors endevoir moral, repose sur un socle de convictions éthiques, certes plus intuitives querationnellement argumentées, justifiées ou chiffrées (Catry et Buff 1996) mais pas moinsefficaces «le seul actionnaire dont nous avons à nous préoccuper est notre père» déclareM. Duerr (cité par Roche, 1998). C’est pourquoi les MEP ont toujours conservé des rituelsinitiatiques. Par exemple, ceux auxquels les descendants des fondateurs ou des dirigeants nesauraient se soustraire : ils se doivent de gravir tous les échelons de la hiérarchie et c’est celaplus que les diplômes qui fonde leur légitimité54. Leur trajectoire n’est jamais qu’unereproduction de « la galère» traversée par certains dirigeants familiaux à leurs débuts et quiconfine au mythe fondateur sans cesse rabâché dans les manuels de recettes managériales.

En distinguant les PMEfamiliales (dont les dirigeants sont membre de la — ou des — famille(s) principale(s)détentrices(s) du capital) et les PME contrôlées (dont le dirigeant est indépendant de l’actionnariat principal),les auteurs cités remarquent en effet que « la planification en tant qu’outil du système de gestion » est pluscourante dans les secondes (72 % ) que dans les premières (28 %) (p. 83). Il s’agit là d’un processus derationalisation observable même jusque dans les Très Petites Entreprises, qui détermine par exemple des modesdifférents de gestion de la main-d’oeuvre et de la formation (Bentabet, Michun et Trouvé, 1999). Ce qui fait direà certains auteurs que l’on assisterait aujourd’hui à une véritable « dénaturation» du modèle canonique de laPME (Torrès, 1998).

<(Nous avons grandi dans la boutique, je n’ai pas été propulsé au sommet... Toutes nos vacances ont étépassées à l’usine» affirme Mark Duerr, dirigeant héritier du grand fabricant de confiture établi à Manchesterdepuis 1881 (170 salariés et 250 millions de CA). Il ajoute «L’université de la vie, c’est plus important qu’undiplôme» (cité par M. Roche, 1998). Cette méfiance à l’égard des études académiques trop longues est sansdoute ce qui distingue les entreprises qui sont restées des PME familiales <(endurantes» des grands groupesfamiliaux où les descendants ont suivi des formations universitaires prestigieuses (Murdoch, Investor...) parfoispour les mêmes raisons que les précédents (démontrer qu’ils sont dignes de prendre la relève), mais le rituelinitiatique et les épreuves initiatiques ne sont pas les mêmes.

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Ce qui prédomine ici (et c’est la principale différence avec les championnes du monde) ce sontles facteurs internes : « le génie de la MEP, insiste O. Gélinier, est celui de la croissanceinterne » (op. cit. 159). Mais il ne faut pas oublier la gestion de la marque patronymique quitranche avec la discrétion des champions du monde (voir plus haut) ou avec les préventions desspécialistes actuels du marketing pour lesquels la marque patronymique constitue toujours unfrein aux manoeuvres de diversification.

C’est d’ailleurs le grand mérite de Catry et Buif (1996) de suggérer que c’est en raison mêmedes contraintes familiales, de l’attachement viscéral aux produits conçus par les fondateurs queles PME familiales résistent psychologiquement à la diversification55. La stratégie defocalisation est donc bien fille de la contrainte, de l’enfermement psychologique, duconservatisme culturel, de l’ascèse, davantage constatée ex posi que définie a priori. C’estl’univers des contraintes familiales qui aboutit à un recentrage stratégique et non l’inverse. Enbref: ((les décisions stratégiques sont guidées par l’idéologie» (Collins et Porras, 1996 : 346).

En résumé, le mode de construction et la nature de la stratégie dans les MEP tiennent le plussouvent des dispositions psychologique ou socioculturelle des dirigeants. Et c’est ce quiexplique l’intérêt des nombreuses analyses qui portent sur le profil et la trajectoire de cesderniers (notamment Bauer, 1993 ; Duchéneaut, 1997 ou Ardenti et Vram, 1998), en mêmetemps que celles (moins nombreuses) qui interrogent les processus de décision. En assimilantparfois un peu rapidement les PME aux seules PME familiales, on a souvent réduitl’explication de leur fonctionnement à l’attitude de leurs dirigeants. Mais, comme le suggèreBauer (1993 : 225) : [si ]« le rôle joué par les patrons dans la construction de «leur»entreprise explique la proximité de la typologie de patrons et celle des entreprises [...]proximité ne signifie pas identité, tant il est absurde de comprendre analytiquement uneentreprise et son patron ». ii n’en reste pas moins que dans la plupart des recherches sur lesMEP, c’est encore le modèle cognitif de «l’acteur unique» qui prévaut au détriment desapproches de la stratégie comme résultante organisationnelle ou politique (Strategor, 1993).

Quant aux travaux qui se réfèrent à la mise en oeuvre de la stratégie, ils tentent de répondre àla question: <(qu’est-ce qui fait durer les PME familiales, voire patrimoniales? ». Carl’entreprise familiale est « durable », « soutenable », encore que la connaissance des ressorts desa persistance ou de sa résistance n’ait jusqu’ici pas encore beaucoup progressé.

Dans la littérature disponible, deux ensembles de réponses sont en général tour à tour évoquéssur ce sujet : la durabilité tiendrait tout à la fois à la solidité d’une éthique et, paradoxalement,à la capacité de se renouveler, de rebondir. Examinons rapidement ces deux éléments.

Vertus éthiques et vertus gestionnaires

C’est tout d’abord la puissance et l’endurance d’une éthique, non pas universelle maiscontingente à chaque histoire d’entreprise (les « principes souterrains », la « core ideology» deCollins et Porras, 1994), qui ferait durer les entreprises familiales. Mais les vertus morales(« servir l’entreprise plutôt que de se servir d’elle ») ne sont pas immédiatement accessibles.Dans la plupart des travaux, elles sont révélées à travers des vertus gestionnaires qui ne sont

«Soucieuse de bien faire ce qu’elle sait faire plutôt que d’investir de nouveaux secteurs, l’entreprise familialen’aime pas changer de métier de base » (Catrv et Buif, 1996 : 77).

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autres que des règles de prudence et de sécurité. Catry et Buif (1996) en résument ainsi lasubstance: assurer non seulement un contrôle intrafamilial, mais aussi et surtout intergénérationnel (ce qui est, selon O. Gélinier, «le trait distinctif fondamental de la MoyenneEntreprise Patrimoniale» — 1996 : 149); éviter l’endettement quitte à limiter l’expansion del’affaire, ne pas se lancer inconsidérément sur de nouveaux marchés; conserver un espritd’économie (« ne distribuer jamais plus de 10 % des bénéfices.., le reste est mis en réservepour préserver l’avenir »).

Pour quel grand dessein? Sur ce point tous les commentateurs idéologiques n’aboutissent pasforcément aux mêmes impératifs : si pour Catry et Buif (1996) les MEP jouent la « survie» etla « préservation» de leur culture, pour O. Gélinier (1996), « elles veulent durer et grandir ».Les conclusions à tirer pour les pouvoirs publics ne sont pas plus homogènes: tandis que pourle second la PME familiale est une « entreprise à protéger» ou « à ne pas désespérer », il s’agitpour les seconds d’une entreprise «à moderniser» (p. 125) et donc à informer de façonvolontariste.

En prétendant identifier < l’élixir de longévité» d’une quarantaine d’entreprises familiales de lamétallurgie haut-marnaise vieilles de trois à six générations, Moine (1996) ne dit pas autrechose : outre « les interactions entre la conjoncture économique et la vitalité biologique desdirigeants », il s’agit de maintenir la stabilité de l’actionnariat familial en négociant le virage dessuccessions ; conserver le contrôle du capital et acquérir une taille critique. C’est le fameuxdilemme endettement/ouverture du capital commenté par Charreaux (1985).

Par ailleurs, toutes les études portant sur les PME familiales les plus performantes ledémontrent : il n’est pas rare de voir culminer le ratio capitaux propres/capitaux permanentsautour de 85 % (Les Forums d’Iéna, 1997). De sorte que dans ce cas de figure, les vertusgestionnaires (« gestion prudente, voire pingre ») font bon ménage avec les qualités morales lesplus austères, les disciplines quotidiennes, à la limite du comportement religieux (travail etépargne) (Hau, 1995 : 51). Et si cette éthique vient à manquer ou à s’essouffler, chez lesdirigeants (pour lesquels la solidité de l’éthique est en même temps une éthique de lasolidarité.., familiale), comme chez les employés auquel elle réclame aussi un minimumd’« engagement idéologique », la PME ne franchit pas le cap crucial de la transmission.

On croit lire ou relire Max Weber avec son « éthique de responsabilité » (1919, trad. franç.1994)... ou son contemporain Werner Sombart avec son « bourgeois » (1913, trad. franç.1966). Donc il ne saurait être ici question de «flibustiers de la finance» : «notre sort nedépend pas de la publication immédiate des résultats. Nous sommes là pour la vie» (MarkDuerr cité par Roche, 1998). D’où l’urgence actuelle des travaux, encore peu développés enFrance, qui croiseraient histoire des entreprises familiales ou des familles entrepreneuriales etgenèse des stratégies sur des panels de longue durée. Car si l’entreprise familiale s’inscrit dansla durée et la continuité56 elle est redevable d’une histoire d’entreprise qui pourrait se révéleraussi prolifique que celle de la grande entreprise. En usant d’un vocable déjà fort répandu dansles pays anglo-saxons, il conviendrait d’abord d’opérer la jonction entre «corporate history»et «family-owned-business », pour s’assurer l’avènement d’une véritable «family-smallbusiness» sinon d’une « small business history >. Il s’agirait alors d’exhumer une histoiredoublement enfouie, dans la mémoire des hommes et dans les bibliographies ad hoc57. Et ce

« Leur priorité n’est pas tant de grandir que de durer» (Catry et Buif, 1996 : 73).Voir sur ce point les travaux engagés depuis quelques années par le Centre Lillois d’Analyse et de Recherche

sur l’Evolution des Entreprises (CLAREE) et l’opération « cent entreprises centenaires» menée par le Groupe

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n’est pas un hasard si l’étude des PME familiales se confond quelque part avec les PME«durables» ou «endurantes », telles celles qui sont regroupées dans les clubs de centenaires,de bi, voire de tricentenaires, les «hénokiennes» européennes et mondiales58 ou les« tercenterians clubs» de la sphère anglo-saxonne (Earry, 1975).

Vient donc ensuite la faculté de se renouveler et de rebondir, car la façon de durer desentreprises familiales ne se réduit pas à l’alternative simpliste entre l’extinction et la surviedramatique de l’activité. C’est pourquoi la plupart des recherches insistent tant sur les troismoments clés du cycle de l’entreprise familiale: non seulement sa création, mais aussi etsurtout sa transmission et la formation des descendants ou des successeurs qui pèsent sur sescapacités d’innovation et de renouvellement stratégique. Dans certains cas, il peut y avoirséparation de l’actif entre les activités industrielles et les activités immobilières, foncières oucommerciales, création de microgroupes ou de holding de PME (Sessi, 1995), puisque lapermanence des solidarités familiales que l’on ne saurait idéaliser (la famille est aussi parfoissource de rivalité, de jalousies, de conflits de génération...) n’empêche pas certaines PME deprospérer en changeant de structure.

Quant aux remaniements stratégiques de l’activité, on peut se demander s’ils ne seraient pas letalon d’Achille des petites entreprises familiales les plus traditionnelles traditionnelles où ladurabilité est malgré tout fondée sur l’attachement obstiné aux produits et aux modes demanagement des fondateurs. De ce point de vue, la mobilité professionnelle des dirigeants dePME «high tech» leur donne un avantage certain. Mais même panni les PME familiales, ilconvient de distinguer entreprises dynastiques, souvent vouées à la sénescence voire à ladisparition par sclérose et les dynasties d’entrepreneurs qui peuvent réussir dans lareconversion, préserver leur culture et leur identité tout en recherchant de nouveauxpartenariats, s’internationaliser tout en s’appuyant sur des ancrages locaux, grâce à des«rebonds successifs» (Hau, 1995) et « des élans répétés d’innovation» (Crouzet, 1995).C’est sur cette dernière catégorie que la littérature scientifique est sans doute la plusabondante, mais elle porte il est vrai presque exclusivement sur les grandes ou les moyennesentreprises qui vont presque toujours avec les grandes familles : maîtres de forges, banquiers,industriels de la chaussure etc.

Le risque est grand en effet d’assimiler sur ce point la problématique des PE et PME familialesaux entreprises patrimoniales ou multinationales «globalisées >. Mais cela n’empêche pas lesPME familiales les plus traditionnelles, et même parfois les plus petites d’entre elles, d’êtretravaillées par un <(rêve dynastique intense» (Bauer, 1993), car la logique d’action du paterfamilias n’est pas moins présente chez elles que celles de l’homo economicus ou de l’homopoliticus. D’où l’attention portée à la formation et à la fabrication des héritiers (c’est le « homegrown management» des entreprises durables ou du Mittelstand) ou tout au moins dessuccesseurs (André, 1996).

Mais, à la différence des MEP ou aux GEP (Grandes Entreprises Patrimoniales) dont lacapacité d’innovation découle le plus souvent d’une superposition des «dynastiesindustrielles)) et des ((dynasties scientifiques» historiquement entremêlées (Hau, 1995), queltype de ressources peuvent mobiliser les (très) Petites Entreprises Patrimoniales pour

ESC de Lille (1992) qui tranche par son parti pris PME par rapport à L’immense et exemplaire corpus établi parBeltran et al. (1995), malheureusement presque exclusivement adonné aux grandes entreprises et organisations.

«Hénok, patriarche d’avant le déluge [...], père de Mathusalem, vécut 365 ans» (Catry et Buif, 1996). Cepe d’entreprise a été étudié par Michel et Michel (1987).

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rebondir? La littérature scientifique est en fait peu diserte sur ce point. À côté desenfermements et des limitations propres aux structures familialistes peu propices auxinnovations et aux manoeuvres stratégiques, il y aurait aujourd’hui, nous dit-on, desopportunités et des potentialités de développement qui tiennent aux profils des nouveauxdirigeants des petites entreprises patrimoniales. Mieux formés et disposant d’expériencesprofessionnelles plus riches et plus diversifiées que les héritiers traditionnels (comme dans lecas limite des PME basées sur les nouvelles technologies de l’information et de lacommunication), les successeurs de la nouvelle vague seraient capables d’importer unenouvelle culture du changement dans les petites structures (Ardenti et Vram, 1998 ; Baleydier,1998; Bentabet, Michun et Trouvé, 1999). Toute une série de déplacements pourraits’ensuivre, et notamment dans la thématique du parcours initiatique des héritiers ou dessuccesseurs : tandis que celui-ci s’effectuait au sein même de l’entreprise familialetraditionnelle, il se déroulerait aujourd’hui à l’extérieur, notamment à travers des passages dansla grande entreprise, les activités de conseil ou de recherche. Dans les nouvelles petitesentreprises, on assisterait ainsi à l’émergence d’une «famille globalisée» qui se caractériseraitpar une forte capacité de transformation interne, paradoxalement produite par le parcoursprofessionnel externe des héritiers ou des successeurs59. On aurait tort de prendre cette«nouvelle vague entrepreneuriale» à la légère, sous le prétexte que la presse professionnelles’en fait abondamment l’écho, en France (Usine Nouvelle, 1997-a) comme en Europe(L’expansion, 1996) ou de la considérer illico comme un symptôme de «dénaturation» desPME (Torrès, 1998).

Toute une série de questions reste désormais en suspens sur ces PME entrepreneuriales et/oumanagériales, championnes du marketing mix, de la prise de risque et des acquisitions quiémergeraient à la fois dans le prolongement et en rupture avec les entreprises familialesgénériques et c’est bien l’analyse de ce mouvement de continuité et de distanciation qui sembleaujourd’hui la plus féconde dans les recherches les plus récentes. Elle exige notamment desortir du modèle classique de la stratégie conçue comme déterminée par la structureindustrielle du secteur (voir notamment le fameux schéma « S-C-P » : Structure, Conduite,Performance) pour aller vers des écoles moins orthodoxes de type entrepreneurial, culturel,voire « configurationniste» c’est-à-dire inspiré par les « archétypes» de Miller (1986, 1996,Miller et Friesen, 1980) ou proche des travaux de Eymard-Duvernay et de ses «modèlesd’entreprises» (1987) tels que nous les avons utilisés dans des travaux récents (Bentabet,Michun et Trouvé, 1999). Celles-ci ont en commun de réinterroger la définition des conditionsde l’avantage concurrentiel (Tywoniak, 1998)60 et de mettre l’accent, à la fois sur les étatsmultidimensionnels des entreprises et les processus de transition, en même temps qu’ellesrevalorisent les approches longitudinales et qualitatives (Foss, 1996). Tous ces nouveauxcourants sont évoqués à la fois dans l’ouvrage remarquable dirigé par Laroche et Nioche(1998) et par les travaux de synthèse publiés récemment par Mintzberg (1999).

b

« Désormais les héritiers doivent aller faire leurs preuves ailleurs (hors de l’entreprise), mème ceux qui ontun parcours tout tracé (Usine Nouvelle, 1997-a).° En l’opposant au modèle S-C-P, Tywoniak identifie un modèle alternatif de la firme (M-R-C: Modèle desRessources et Compétences) où « l’avantage concurrentiel ne réside plus seulement dans l’exploitation d’uneposition dominante ou protégée sur un marché (ou une niche), mais dans la valorisation supérieure de sesressources » (1998 : 173).

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L ‘emploi dans les MEP, entre constats empiriques et «fantaisies idéologiques »

On a vu plus haut que dans la plupart des recherches, ce sont les entreprises familialesmoyennes ou grandes qui occupent le devant de la scène, tandis que les spécificités des Petites(moins de 50 salariés) et les Très Petites (moins de 10 salariés) Entreprises Familiales sontrégulièrement négligées. A de rares exceptions près (Bentabet, Michun et Trouvé, 1999), iln’en va pas autrement pour l’analyse des comportements d’emploi et de gestion des ressourceshumaines. Dans ce dernier domaine, deux séries d’approches se font en général face, l’une detendance macrostatistique, l’autre d’orientation plutôt qualitative.

La première est très bien illustrée par une publication récente de l’iNSEE (Feuvrier, Lehoucq,1998). En s’appuyant sur l’Enquête Annuelle d’Entreprise de l’industrie de 1995, les auteurss’intéressent plus spécifiquement aux «groupes médians », c’est-à-dire aux entreprises del’industrie manufacturière appartenant majoritairement (50 % et plus du capital) à une autreentreprise de 200 à 2000 salariés, laissant de côté les «petits groupes>) (de 20 à 200 salariés)et les « grands groupes» (plus de 2000 salariés). Ils rappellent que ces groupes médiansreprésentaient en 1995 dans notre pays 15 % des entreprises industrielles, dont environ 50 %étaient des filiales d’un groupe, notamment étranger. Employant 27 % de l’effectif industriel,soit 770 000 personnes, ceux-ci constituent un véritable réservoir d’emploi.

Faute de mieux (c’est-à-dire faute d’études portant spécifiquement sur les PMEmajoritairement détenues par des familles), tout l’intérêt de cette approche consiste àinventorier les caractéristiques des entreprises qui sont insérées, sous des formes diverses, dansdes configurations de groupe et de concevoir en creux la dynamique des emplois et desmodalités de gestion des ressources humaines quand on passe des PME typiquement familialesindépendantes à des PME intégrées dans groupes « petits », « médians» ou « grands ».

Selon Feuvrier et Lehoucq, on assisterait aujourd’hui à un processus de concentration desentreprises dans des groupes, puisque la proportion de salariés travaillant dans des groupesmédians (200 à 2000 salariés) ou des grands groupes (plus de 2000 salariés) n’a cesséd’augmenter de 1990 à 1995. Quand on se centre sur les entreprises, c’est le phénomèneinverse que l’on observe : les effectifs croissent dans les petites tailles au détriment des grandestailles, ce qui confirme un mouvement général de déconcentration des unités productives. Enclair, on assisterait à un mouvement: d’insertion croissante des PME dans des groupes (etdonc à une diminution du nombre de PME sous statut familial) et d’augmentation coextensivede leur effectif, notamment dans les plus petites.

Au-delà de ces processus concernant le volume et la répartition des emplois, l’insertion dansdes groupes introduit bien des transformations qualitatives dans les formes de gestion de lamain-d’oeuvre et ce serait, selon les auteurs, l’origine des capitaux (indépendance, filialisationdans des grandes ou des moyennes firmes françaises ou étrangères) qui expliquerait le mieuxces modalités de gestion des Ressources humaines. Par exemple, on trouve dans les PMEappartenant à des groupes médians des structures de qualification particulières: elles ont plusd’ouvriers que les PME appartenant à des grands groupes et elles sont plus proches des PMEappartenant à des petits groupes par la part des ouvriers non qualifiés. Par ailleurs, elles sontplus proches des petits groupes pour la rémunération dont le niveau est en moyenne plus élevédans les grands groupes, notamment étrangers. Tout comme les PME de petits groupes, ellesont une main-d’oeuvre plus féminisée que dans les grands groupes (33 %, contre 23 %) et elles

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se caractérisent par un effort de formation considérable (25 % des dépenses totales deformation dans l’industrie manufacturière) qu’elles réalisent surtout en externe comme cellesdes grands groupes (27 % de leur budget de formation contre 26 %) et surtout sous forme decontribution mutualisée (26,7 % des dépenses de formation, contre 2,6 % pour les PME degrands groupes et 12 % des PME appartenant à des petits groupes).

Pour ce qui concerne les études qualitatives, centrées cette fois sur les PME exclusivement

familiales, la plupart des travaux s’efforcent d’expliquer leur contribution à l’emploi par la

«corporate governance », leur « civisme » (Gélinier, 1996) et leur « fibre sociale à l’ancienne»(Roche, 1998). Ces particularités se traduiraient par une «évolution plus graduelle », une«plus grande sensibilité aux coûts différés des chocs brutaux» (Gélinier: 84), une rotation del’ensemble du personnel plus faible, bref une stabilité plus évidente que dans toutes les autres

PME et qui contrasterait avec le comportement des grandes entreprises cotées dont les

décisions de licenciements massifs vont même jusqu’à être saluées par la hausse des cours de la

Bourse.

De fait, dans des travaux statistiques déjà cités, en comparant par couples de métiers et detaille des entreprises familiales et non familiales, Allouche et Amann (1995) ont clairement

établi le bien fondé d’un certain nombre de constats. Par exemple, on observe bien chez les

premières une ancienneté supérieure des ingénieurs et cadres, une moindre dispersion des

salaires accompagnée d’un taux supérieur de dépenses sociales hors salaires et d’un plus gros

effort de formation, mais il est vrai aussi un taux d’utilisation de l’intérim deux fois supérieur et

sans doute des salaires moyens inférieurs de 20 %.

Mais ce « civisme» des entreprises familiales ne va pourtant pas de soi, ou tout au moins ne

devrait-on pas le considérer comme une donnée évidente. Il est attribué parfois à des ancrages

territoriaux plus forts qui «obligent» les dirigeants des PME familiales à articuler leurs

objectifs économiques à des contraintes sociologiques ou sociopolitiques61.C’est dans ce sens

qu’il conviendrait actuellement d’approfondir la compréhension scientifique des

comportements des PME familiales en matière sociale. Il s’agirait alors d’ouvrir de nouveaux

sentiers d’investigation tout en adoptant une attitude critique à l’égard des orientations trop

exclusivement militantes soutenues dans une littérature récente particulièrement abondante. On

s’épargnerait ainsi l’embourbement dans des considérations qui vire parfois à la «fantaisie

idéologique» (Padioleau, 1998)62. Ainsi O. Gélinier ne finit-il pas par attribuer la réussite

sociale de la PME familiale à un «intense déploiement d’énergie du patron », à sa «plus

grande humanité» (sic !) ou « son [plus grand Jgénie constructif» (re-sic !)?

61 En Belgique, l’un des plus anciens regroupements de PME s’intitule « l’Association des classes moyennes »,

marquant ainsi le rôle d’intermédiaire joué par les PME, «entre les grandes entreprises dont la stratégie

internationale se soucie rarement du bien-être des habitants des territoires ciblés par leur implantation, et les

ouvriers ou la classe prolétarienne (sic ), trop souvent divisés et exploités durant [les différentes] révolutions

industrielles» (Revue Internationale PME, 1997). C’est d’ailleurs la même problématique qui est abordée par

les historiens Crossick et Haupt dans un ouvrage passionnant (1995).62 L’auteur qui ne manque pas de ressources littéraires suggère que la figure majeure du capitalisme

(

contemporain, c’est à dire le manager, est déjà présente en fait dès 1848 dans Le dossier de la maison Dombey

& fils de Charles Dickens. Possédant des « qualités félines » et un « oeil de lynx », « Carker the Manager » y est

décrit comme un « agent)) qui « connaît les mystères des livres [de comptes] et des dossiers de la maison

Dombey» et gère par procuration «son illustre nom ». En faisant prévaloir ses propres intérêts et en

consacrant définitivement la distinction entre propriété et pouvoir de décision, il finit par couler l’entreprise et,pour faire bonne mesure, il enlève la seconde femme de Paul Dombey?

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**

*

En résumé: l’importance quantitative des PME familiale ou patrimoniale n’est plus àdémontrer, et particulièrement celle des plus petites d’entre elles. Ce sont pourtant lesmoyennes et les grandes entreprises patrimoniales qui occupent la presque totalité du champ dela recherche. Quant aux petites structures indépendantes traditionnelles (PEF et TPEF), ellessont traversées depuis quelques années par un double mouvement : d’un côté, leur nombredécline, soit par disparition pure et simple, soit par intégration dans des groupes de plus grandeimportance, intégration dont les effets sur la gestion de leur main-d’oeuvre sont considérables(Bentabet, Michun et Trouvé, 1999); de l’autre côté, leur effectif par entreprise ne cessed’augmenter.

En ce qui concerne leur insertion progressive dans les groupes (micro, médians ou grands), ellefait l’objet d’interprétations contradictoires : dépendance, voire asservissement à l’égard deslogiques macroéconomiques comme le voudraient Ardenti et Vram (1998) et les penseursdéterministes ou «répercutionnistes »63 du Centre d’Etudes de l’Emploi (Mathieu, Gorgeu,Pialoux, 1998)? « dénaturation» du modèle générique de la PME familiale, comme leprétendent certains chercheurs de l’école gestionnaire (Torrès, 1997, 1998)? Ou, au contraire,signe d’expansion, de croissance et de grande santé, comme l’affirme Girard (1997)64?

Du point de vue stratégique et sous condition d’en dépasser les conceptions tropexclusivement planificatrices ou structuralistes, les valeurs socioculturelles et les ressourcesinternes sont plus souvent interrogées que les variables de positionnement dans les recherchesactuelles. S’ensuit une multiplicité de typologies qui s’inscrivent dans une longue lignée(Boswell, 1971 ; Pras et Roux, 1990; BIais et Toulouse, 1990; Julien et Marchesnay, 1988)qui a maintes fois confirmé l’influence des valeurs du dirigeant ou des coalitions (familiales) aupouvoir sur les comportements organisationnels et les décisions stratégiques, voire lesperformances de l’entreprise. D’où l’importance des recherches qualitatives. En outre, ons’achemine de plus en plus vers des interprétations constructivistes, nécessitant de prendre encompte à côté du profil du dirigeant, le contexte organisationnel et environnemental dont lesvariables ne sont pas toujours contrôlées simultanément (Ivanaj, Géhin, 1997). De ce point devue même partiel, les PME familiales, patrimoniales voire familialistes, apparaissent sur uncontinuum qui irait des «entreprises de survie» détenues par des entrepreneurs propriétairespour lesquels l’indépendance prime (Lecointre, 1977), à un pôle managérial qui négligel’indépendance et où la rationalisation se met en place, en passant par un segmententrepreneurial, certes minoritaire mais à croissance volontariste et particulièrement vigoureuxen matière d’emploi (Bentabet, Michun, Trouvé, 1999).

63 Par ces termes nous désignons les approches qui consistent à généraliser à l’ensemble des PME le cas desétablissements sous-traitants dont le comportement dépendrait mécaniquement des conditions dictées par lesgrandes entreprises. Sans vouloir sous-estimer les déterminations structurelles qui pèsent sur les petitesentreprises, on peut faire l’hypothèse que celles-ci n’agissent pas de façon entièrement homogène sur toutes lesPME dont la capacité de remaniement stratégique peut leur permettre de se déplacer sur la chaîne de valeur(par exemple, en amont ou en aval d’une filière).

Selon cet auteur en effet, « si la croissance est inscrite dans la séparation de l’actionnaire et du propriétaire,elle est à l’inverse, dans les PME, en concurrence directe avec la création et l’entretien d’un patrimoinepersonnel ». D’autre part : « l’avantage de la séparation entre actionnaires et managers, [c’est] l’expansion desentreprises ».

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Conclusion

En dépit de leur caractère lacunaire et programmatique, les recherches qui portent sur les PMEnous donnent aujourd’hui la possibilité de formuler l’hypothèse raisonnable du rôle décisif jouépar les facteurs stratégiques dans leur comportement d’emploi. Une telle approche imposed’une part de reconnaître les capacités d’action des dirigeants de PME, là où les travauxmacrostatistiques ou économiques privilégient plutôt les variables structurelles du secteur et dela taille et d’autre part, de mettre en évidence dans les PME, les articulations entre lesstratégies de marché et les formes de gestion interne de la main-d’oeuvre (dont la gestiond’emploi est une composante), là où les disciplines de la gestion séparent en général les deuxaspects. En opérant de la sorte, il ne s’agit donc rien moins que de réparer une doubleinsuffisance des travaux existants dont la persistance s’avère non seulement préjudiciable à labonne compréhension des dynamiques d’emploi dans les PME mais aussi à l’ajustement del’action publique en faveur des PME.

En outre, d’un point de vue épistémologique, cette note de recherche plaide implicitement pourun rapprochement entre les disciplines de l’économie (plus particulièrement de l’économieindustrielle), de la sociologie (des entreprises et de leurs dirigeants) ainsi que du managementstratégique dont les principaux modèles ont trop longtemps privilégié la grande entreprise.

Quatre grands ensembles de travaux portant sur les PME sont alors sollicités dans notre étude,non pour tester directement notre hypothèse mais pour en éprouver la validité par analysesecondaire. Les trois premiers sont centrés sur des entreprises dont les particularités ont suscitél’intérêt de nombreux travaux, notamment en ce qui concerne leur comportement d’emploi. Ils’agit respectivement des «PME à croissance rapide », des «PME championnes du monde» etdes « PME basées sur les nouvelles technologies ». Quant au quatrième corpus de recherche, ilmet à profit la «redécouverte» actuelle des «PME familiales et patrimoniales)> pourréinterroger leur véritable rôle sur le marché du travail.

En tentant de mettre chaque fois en évidence les liens entre les principales sources del’avantage concurrentiel et la gestion d’emploi dans les PME, deux séries de grilles de lecturesont tour à tour appliquées. Pour les trois premiers types de PME, c’est le modèle stratégiquedu « positionnement» et des couples produit-marché, inspiré de l’oeuvre de Porter, qui semblese révéler le plus pertinent. On constate alors que la majorité des entreprises étudiées (à fortecroissance, championnes et high tech) se caractérisent presque toutes par un effort dedifférenciation, voire de focalisation, ainsi que par l’occupation d’un segment favorable de lachaîne de valeur, soit en amont dans la conception et l’innovation, soit en aval par une grandeproximité avec le client final. Il ne fait pas de doute que la maniabilité et le caractère analytiquede cette approche la rendent dès aujourd’hui utilisable dans des études macrostatistiques degrande ampleur65. Mais on ne saurait toutefois oublier — en s’appuyant sur les dernièrespublications de Porter — que plus qu’un élément parmi d’autres, c’est la «combinaisonproductive », le «mix de l’activité », c’est-à-dire l’accumulation des facteurs qui favorisent endernière instance la position concurrentielle des entreprises (Porter, 1997-b). D’où la nécessitéactuelle de combiner l’observation statistique et les approches intensives/qualitatives des

L’exploitation de l’Enquête Réponse de la Dares sur les PME de plus de 20 salariés pourrait constituer à cetitre une bonne expérimentation.

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petites structures (Bentabet, Michun, Trouvé, 1999)... une exigence qui se trouve confirméedans le cas des PME familiales ou patrimoniales où, plus que partout ailleurs, ce sont lesvaleurs et les orientations socioculturelles des dirigeants ou des coalitions au pouvoir — via lastructure de la propriété et les modes de gouvernance — qui fondent les orientationsstratégiques, autant d’éléments qui ne peuvent être appréhendés qu’à travers des démarches desociologie monographique et la construction de typologies.

Il est vrai que dans la plupart des travaux consultés, la variable de comportement stratégiquedes PME n’est pas directement ni systématiquement étudiée. Ce sont en effet surtout leurperformance économique et leur contribution globale à l’emploi qui constituent le moded’entrée le plus répandu. D’où la profusion des publications journalistiques dans le domaine etla nécessité permanente de rester vigilant par rapport aux données de référence. On connaît surce point la méfiance traditionnelle des chercheurs à l’égard des « success stories ». Celles-cisous-estiment en effet très souvent les difficultés de généralisation en même temps qu’ellessurestiment de façon hâtive des facteurs de succès isolés, en simplifiant à outrance ou ensacrifiant au goût immodéré des formules mnémotechniques, là où la recherche impose larigueur, les circonvolutions définitionnelles et les acrobaties statistiques sur une multiplicité devariables en interaction complexe. On cite non sans raison les fiascos enregistrés par lalittérature managériale des années quatre-vingt, tel le fameux « Prix de l’excellence» (Peters etWatermann, 1983 ; Peters et Austin, 1985) dont une grande partie des entreprises vedettesn’existait déjà plus quelques mois après la publication

Mais les corpus traités scientifiquement ou les échantillons en attente d’examens approfondisne sont pas moins copieux et récurrents. Que l’on en juge, entre autres, par les 122championnes du Mitteistand allemandes, plus les 47 européennes de H. Simon, les 500entreprises de l’ Association for dynamic entrepreneurs» et les 150 du « Club français desleaders mondiaux»; les 22 championnes alsaciennes de l’Usine Nouvelle et les 26«hénokiennes» internationales, sans oublier les 140 PME du Consortium JCL Advisers (1997)portant sur 10 pays de l’Union Européeenne ainsi que les 22 monographies d’entreprisesindustrielles, issues de quatorze pays de I’EIMS (Aston Business School, 1996) ou les 91entreprises moyennes de l’agroalimentaire de Le Vigoureux (1997) et les 601 PME de 10 à499 salariés de Duchéneaut (1997). Il y a là autant de bases de données dont la richesse et ladimension souvent internationale appellent des analyses mieux ciblées et plus explicatives descomportements d’emploi des PMB.

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N° 3 L’impact du coût sur la substitution capital-travail, par Ferhat Mihouhi (DARES). Novembre 1994

-t Éducation, expérience et salaire. Tendances et évolutions de long terme, par D. Goux (INSEE) et Eric.\laurin (DARES), Novembre 1994.

\ 5 Origine sociale et destinée scolaire. L’inégalité des chances devant l’enseignement à travers lesenquêtes FQP 1970, 1977, 1985 et 1993, par D. Goux (1NSEE) et Eric Maurin (DARES), Décembre 1994.

\O 6 Perception et vécu des professions en relation avec la clientèle par Sabine Guyot et Valérie Pezet (Institutpour l’amélioration des conditions de travail), Décembre 1994.

N° 7 Collectifs, conflits et coopération dans l’entreprise, par Thomas Coutrot (DARES), Février 1995.

\O 8 Comparaison entre les établissements des PME des grandes entreprises à partir de l’enquêteRÉPONSE, par Anna Malan (DARES) et Patrick ZOUARY (ISMA), Septembre 1996.

N° 9 Le passage à une assiette valeur ajoutée pour les cotisations sociales: une approche sur donnéesd’entreprises, par Gilbert Cette et Élisabeth Kremp (Banque de France), Novembre 1996.

\0 10 Les rythmes de travail, par Michel Cézard et Lydie Vink (DARES). Décembre 1996.

N° 11 Le programme d’entretien auprès des 900 000 chômeurs de longue durée - Bilan d’évaluation, par

Marie Ruault et René-Paul Arlandis (DARES), Mars 1997.

N° 12 Créations et suppressions d’emplois etflux de main-d’oeuvre dans les établissements de 50 salariéset plus, par Marianne Chambain et Ferhat Mil’ioubi (DARES), Avril 1997.

N’ 13 Quel est l’impact du commerce extérieur sur la productivité et l’emploi? Une analyse comparée des

cas de la France, de l’Allemagne et des États-Unis, par Olivier Cortes et Séhastien jean (CEPII), Mai 1997.

N° 1-i Bilan statistique de la formation professionnelle en 1995-1996- 1)ARES. Mai 1997

\0 15 Les bas salaires en France 1983-1 99 7. par Pierre Concialdi (IRES) et Sophie Ponthieux (DARES.. Octobre

1997.

N 16 Les jeunes en difficulté à travers le réseau des missions locales et des PAIO entre 1994 et 1996 -

Résultats du panel TERSUD de 1997, I)ARES et Dlij. Janvier 1998.

\3 1 L’impact macro-économique d’une politique de RIT: l’approche par les modèles macro-économiques,

DARES (Mission analyse économique). SEMEF-BDF, OFCE, janvier 1998.

N 18 L ‘opinion des Français face au chômage dans les années 80-90, par Jacques Capclevielle et Ariette

Faugeres (CEVI PaF), janvier 1998.

\D 19 Intéressement et salaires: Complémentarité ou substitution ? par Svlvie Mabile. DARES. mars 1998,

ND 20 L ‘impact économique de l’immigration sur les pays et régions d’accueil: modèles et méthodes

d’analyse. par Hubert jayet. Université des sciences et technologies de Lille I. avril 1998

ND 21 Analyse structurelle des processus de création et de suppression d’emplois, par Frédéric Kararne et

Ferhat Mihouhi, DARES. loin 1998.

\S 22 Quelles place pour les femmes dans les dispositifs de la politique de l’emploi entre 1992 et 1996?,

par Franck Piot, DARES. août [998

N° 23 Deux années d’application du dispositifd’incitation à la réduction collective du temps de travail, par

l.ionel Doisneau, DARES, septembre 1998.

\ 2-i Le programme « Nouveaux services-Emplois jeunes », d’octobre 1997 à octobre 1998, par Fi’ançoise

Bouvgard, Marie-Christine Combes, Didier Gélot, Carole Kissoun, DARES, novembre 1908.

\ 2S Une croissance plus riche en emplois depuis le début de la décennie ? Une analyse en comparaison

internationale, par Sancirine I)uchéne et Alain Jacquot, DARES et INSEE, mars 1999.

N’ 20 Stratégies concurrentielles et comportements d’emploi - Un état de la littérature, par Philippe Trouvé.

avril 1900.