Spain Gourmetour No. 75 (French)

96
Petits déjeuners espagnols Riz et éclat DOCa Priorat. Mosaïque de la Nature DO Rueda. À la recherche des meilleurs verdejos Revue de la gastronomie, des vins et du tourisme Mai-Août 2012. 6E 75 www.foodsfromspain.com

description

Spain Gourmetour No. 75 (French)

Transcript of Spain Gourmetour No. 75 (French)

Page 1: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Petits déjeuners espagnols

Riz et éclat

DOCa Priorat. Mosaïque de la Nature

DO Rueda. À la recherche des meilleurs verdejos

Revue de la gastronomie, des vins et du tourisme

Mai-Août 2012. 6E

75

ww

w.fo

odsf

rom

spai

n.co

m

Page 2: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Olives on the Loose !

No liquid Resealable zipper

Seasoned with olive oil

[email protected] www.acamacho.com

With Fragata Snack' n Olive you will be able to enjoy exciting olive

flavours any time any place, thanks to the innovative, light weight

retail olive packaging that is perfectly in tune with today' s lifestyle.

Page 3: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Rédactrice en chefCathy Boirac

CoordinationAlmudena Martín RuedaAlmudena Muyo

Archives photographiquesMabel Manso

Secrétaire de rédactionÁngela Castilla

Design et Direction artistiqueManuel Estrada Design

Adaptation de la maquetteChema Bermejo

CartesJavier Belloso

PhotogravureRastercolor

Imprimé en EspagneArtes Gráficas Palermo

Publicité[email protected]

D.L. : M-33759-1988

ISSN : 0214-2937

NIPO : 726-12-011-9

CouvertureToya Legido/©ICEX

ÉditeurICEX. Secretaría de Estado deComercio. Ministerio deEconomía y Competitividad.www.icex.es

EDIT

O

Subscription :Spain Gourmetour est une revue éditéepar l’ICEX (Institut Espagnol duCommerce Extérieur), attaché auSecrétariat d’Etat au Tourisme et auCommerce, ministère de l’Industrie, duTourisme et du Commerce. Troisnuméros sont publiés chaque année, enanglais, français, allemand et espagnol,dont la distribution gratuite estexclusivement et seulement destinée auxprofessionnels et institutions de cesecteur. Si vous désirez avoir plusd’informations, adressez-vous auxBureaux Economiques et Commerciauxdes Ambassades d’Espagne (voir liste,page 88).

Les opinions des auteurs de nosarticles ne sont pas nécessairementcelles de l’Institut Espagnol duCommerce Extérieur qui ne peut, enaucun cas, être responsable deserreurs ou omissions dans ces textes.

De nouvelles stratégies pour une nouvelle ère… Chez Spain Gourmetour nous nepouvons pas et nous ne souhaitons pas rester à la traîne. L’édition papier de notrerevue existe depuis 26 ans et nous évoluons vers cette nouvelle ère. Nousconsacrerons toute notre énergie à communiquer avec nos lecteurs d’une manièreplus simple, plus rapide et plus complète par l’intermédiaire d'Internet grâce au sitewww.foodsfromspain.com (page 4).Dans ce dernier numéro imprimé, nous abordons des produits qui se distinguent parun attachement profond aux origines et à la tradition, des produits comme le pain oule riz, qui ont su évoluer pour vous séduire dans tous les coins du monde où vousnous lisez. Il sert de transition entre le présent et l’avenir, au développement descontenus présentés sur le site www.foodsfromspain.com qui nous permet nonseulement de communiquer avec tous nos lecteurs, mais également d’élargir notreportée grâce à la technologie. Des articles approfondis sur des produits et des chefsde cuisine, des actualités, des guide de produits gastronomiques espagnols dans lemonde et des informations sur l’Espagne qui faciliteront une meilleurecompréhension de la culture gastronomique espagnole et rendront votre visite plusagréable... Tout un menu à déguster, accessible depuis n'importe quel endroit et quinous l'espérons saura satisfaire toute votre soif de connaissance. Trinquons à l’avenir, pourquoi pas avec un vin authentique de Verdejo ou un rougeprofond du Priorat. Nous vous accueillerons sur notre site où plus que jamais nousapprécierons vos commentaires et votre collaboration pour enrichirwww.foodsfromspain.com, un outil que nous partagerons.

Spain [email protected]@icex.es

PrixGold Ladle dans la catégorie BestFood Magazine attribué par LeCordon Bleu lors de la World FoodMedia Awards 2010.

Prix des Médias “Meilleur travailjournalistique” Aliments d’Espagne –2006, ministère de l'Environnement,du milieu Rural et Marin.

Prix Marqués de Busianos, del’Académie espagnole deGastronomie, année 2002.

Prix “La Gula y Bachiller en Fogones -1998", de l’hebdomadaire d’économieespagnol Nuevo Lunes.

Prix de Design de l’AEPD(Association espagnole deprofessionnels du design),année 1995.

Prix de la Presse Aliments d’Espagne– 1990, ministère de l'Environnement,du milieu Rural et Marin.

Prix Spécial de Gastronomie,Confrérie de la Bonne Table etAcadémie espagnole de Gastronomie,année 1988.

Imprimé sur papier certifiéPEFC afin de promouvoirla gestion responsable denos forêts.

Page 4: Spain Gourmetour No. 75 (French)

2 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

SOM

MAI

RESPAIN GOURMETOUR Mai-Août 2012 N.º 75

Page 5: Spain Gourmetour No. 75 (French)

MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR 3

EssentielsRiz. Riz et éclat .................42Recettes ............................52

Pain. La belle croûte du pain ............................58Recettes ............................68

PortraitJosé Luis Ungidos. Julio Restaurant ................72

EntreprisesSalinas de Fuencaliente. Le trésor salé des Îles Canaries .....................80

ÉpilogueUne pause espagnole ! Rodolfo Gerschman depuis México DF.............84

RepèresExportateurs .....................86Annonceurs ......................87Infos sur l’Espagne............88Iconographie ....................92

Editorial ............................1

www.foodsfromspain.comLe click le plus savoureux...4

Gros planPetits déjeuners. La carte du réveil ................8

VinDOCa Priorat. Mosaïque de la Nature......................20

DO Rueda. À la recherche des meilleurs verdejos.......32

Page 6: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Sept ans se sont écoulés depuis lanaissance de l’édition numérique deSpain Gourmetour. Cette publication,consacrée à la promotion des produitsagroalimentaires espagnols sur lesmarchés extérieurs, ouvrait une fenêtresur la grande vitrine que représente laToile. Au cours de cette période, lespossibilités offertes par Internet se sontmultipliées au point de produire unevéritable révolution dans la manière decomprendre la communication en lignequi a débouché sur des conceptscomme celui de Web 2.0, basés sur laparticipation de l’usager et l’échangerapide et efficace de l’information.Tenant compte de la force que possèdeInternet comme outil decommunication et de promotion,l’année 2011 signifie également ledémarrage d’une nouvelle étape chezwww.foodsfromspain.com.Couronnant près de trois ans detravail minutieux, une nouvelle plate-forme de communication voitle jour avec les objectifs et exigencessuivants : faire connaître la richesseet la variété des produits alimentairesespagnols à travers des contenussoignés reposant toujours surl’authenticité et la rigueur,

constamment actualisés et d’un designévocateur.La créativité et l’image graphique sontdeux des marques de fabrique dunouveau portail de gastronomieespagnole de l’ICEX. Un design frais,précis, avec une sélection d’images, de vidéos et d’illustrations reflétantl’éventail de goûts et d’arômes desaliments et de la gastronomie espagnole.Des aliments que l’internaute pourradécouvrir à travers des reportages, desfiches détaillées présentant toutes lescaractéristiques des produits cultivés etélaborés en Espagne, des interviews depersonnalités de la cuisine d’avant-gardeespagnole, des recettes traditionnelles et d’auteur, des circuits gastronomiquesdans tout le pays ou encore des idéessur l’endroit où acheter et déguster cesproduits, en Espagne ou à l’étranger.

Un site bien nourriBien que le public prioritaire auquels’adresse le nouveau portail degastronomie espagnole soit un publicspécialisé, allant des importateurs deproduits agroalimentaires jusqu’auxcuisiniers, en passant par lesdistributeurs, les écoles de cuisine et

les médias, la nature même d’Internetnous permet de toucher tout typed’usagers et d’amateurs de gastronomie.Le portail offre des sections auxcontenus différentiés et souvent reliéesentre elles. Sur la page d’accueil (homepage) sont présentées différentesrubriques (subhomes) ainsi qu’un accèsdirect aux dernières nouvelles, blogs, rencontres numériques et uncalendrier (food calendar) avec toutes les manifestations liées à la gastronomieespagnole ayant lieu tout au long de l’année, tant en Espagne que dans le monde. La colonne vertébrale du portail degastronomie est la section Products &Recipes. Des fiches détaillées yprésentent les principaux produits del’offre alimentaire espagnole, y compristous ceux qui possèdent un label dequalité garanti par l’Union européenne :Dénomination d’Origine Protégée(DOP), Indication GéographiqueProtégée (IGP) et SpécialitéTraditionnelle Garantie (STG). À côté de ce panier offrant à profusionqualité et saveurs, apparaît un livre de recettes qui présente les recettestraditionnelles, provenant de toutes les régions d’Espagne, d’autres relatives

Un vaste menu gorgé de plats, d’ingrédients exquis, de desserts fondants et autresdélicatesses : informations, reportages, pistes gastronomiques, calendrierd’événements, blogs, vidéos… L’ICEX (Institut Espagnol du Commerce Extérieur)a lancé en mars dernier le nouveau portail web de la gastronomie espagnole(www.foodsfromspain.com), qui met à la portée des internautes une informationcomplète et actualisée sur les produits alimentaires espagnols. Toute unedégustation de savoirs en ligne.

www.foodsfromspain.com

TexteRodrigo García Fernández/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart/©ICEX

Page 7: Spain Gourmetour No. 75 (French)

aux tapas ainsi que des recettes d’auteurconçues par des cuisiniers espagnols de prestige et illustrant l’évolution de la cuisine d’avant-garde ces dernièresannées.

Pistes, conseils…Où se trouve l’Espagne ? De combiende régions est-elle constituée ? C’est à ce genre de questions et à beaucoupd’autres que répond la section Spain &Regions où l’usager trouvera unemanière simple et plaisante d’aborder le pays, avec des données économiques,sociales, culturelles et tout ce qu’il estintéressant de connaître sur lagastronomie régionale.La section Doing Business est une richesource d’informations pour l’internauteau profil commercial. On y trouveraprincipalement un calendrier desgrands salons agroalimentaires oùentrer en contact avec des entreprisesespagnoles, un répertoire exhaustif de la réglementation concernant laproduction et la commercialisation desproduits alimentaires espagnols, lesannuaires des entreprises du secteur, les contacts de toutes lesreprésentations commercialesespagnoles dans le monde ainsi quel’information statistique sur lecommerce extérieur espagnol deproduits agroalimentaires. Les personnes intéressées à suivre les

pas des cuisiniers espagnols les plusconnus seront certainement captivéespar la section Chefs & Training. Elles ytrouveront les profils biographiques deplus d’une centaine de vedettes desfourneaux espagnols, ainsi que desvidéos explicatives sur les techniquesculinaires utilisées dans leur restaurant,qu’il soit traditionnel ou d’avant-garde.L’usager pourra en outre prendre notesur son agenda personnel de la date etdu lieu des congrès de gastronomie lesplus importants.

… et des surprisesVous envisagez un voyagegastronomique en Espagne ? Voussouhaitez savoir où manger lors devotre visite à Saint-Sébastien ou àSéville ? Vous vivez à New York ou àMelbourne et vous voulez chercher desendroits où savourer des plats espagnolset acheter des ingrédients pour préparerun dîner de tapas chez vous ? Shop,Travel & Dine vous aidera à réussir celaà la perfection. Des circuits culinaires,une information sur les restaurants,les magasins d’alimentation, lesmusées et les fêtes gastronomiquesdans tous les coins d’Espagne… Etbien plus : des circuits fleurant bonl’Espagne dans les principales villesdu monde ou de nombreuses pistessur l’endroit où déguster des plats etdes produits espagnols dans plus

d’une vingtaine de pays.Une grande malle d’informations surl’Espagne et sa gastronomie… c’est ce qui nous est offert dans Foodpedia, une encyclopédie avec des archives dereportages, un Who’s Who despersonnages les plus remarquables dela scène gastronomique espagnole, desvidéos, des infographies, une étagèrepleine de comptes rendus d’ouvrages,un glossaire gastronomique, etc. Etbientôt l’hémérothèque de l’éditionpapier de Spain Gourmetour. En arrière-plan de tous ces contenus, il y a un groupe de personnes dévouées àleur travail et à ce portail de gastronomie.En plus de l’équipe de coordination et de rédaction de Madrid, nous comptonssur un réseau de collaborateurs et decorrespondants dans différentes villesd’Espagne ainsi que dans les principauxmarchés d’exportation des produitsespagnols qui permettra decommuniquer aux usagers ce qui est en train de mijoter dans le monde entierautour des produits et de la gastronomieespagnole. Nous voici devant un projet pionnier etambitieux qui nous réserve encore biendes surprises. De click en click, suivez lapiste de nos saveurs dans cette Espagneculinaire. Et, bon appétit !

Rodrigo García Fernández est journalisteet membre de l’équipe éditoriale dewww.foodsfromspain.com.

CLICKle plus savoureux

Le

Page 8: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 9: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 10: Spain Gourmetour No. 75 (French)

8 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

LA CARTELe soleil en Espagne se réveille à Mahón, Minorque (l’une des Îles Baléares, dans la Méditerranée, au large de la côte orientale del’Espagne), et se couche au CapFinisterre, en Galice (Nord-Ouestde l’Espagne). Du petit matin

Page 11: Spain Gourmetour No. 75 (French)

MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR 9

DURÉVEILà la tombée du jour, le pays se régale d’un trésor de recettesriches en saveurs, textures et arômes qui donnent une identité à la tradition, à la culture, à la modernité de chaque région,en définitive, aux coutumesgastronomiques espagnoles.

Page 12: Spain Gourmetour No. 75 (French)

L’Espagne est un pays de vergers, de meret de montagnes ; son secret réside dansla qualité de ses produits. Cette qualitéque l’on savoure, certes, à tout momentde la journée, mais que l’on apprécieparticulièrement au lever du jour lorsquece délice se fait sentir sur un palaisencore vierge, fraîchement éveillé, avecune infinité de nuances moins facilementperceptibles le reste de la journée car lespapilles auront déjà été très sollicitées.Le petit déjeuner est un acte divin. Leplus important des festins. Le momentcapricieux de la journée : nous venonsde sortir d’un sommeil profond et nousavons envie de rompre le jeûne avec uneboisson et une bouchée gourmande,séduisante, destinée à apaiser un corpset une âme affamés. La cuisine de l’aube n’admet pas detromperies. Pas de sauces dissimulantl’imperfection, ni de crèmes fadesépaississant des plats peu savoureux ;impossible de les disposer sur des platsde design moderniste ; il n’existe pasactuellement de sphérifications ni denouvelles techniques capables deréinventer le réveil ! Et il en est ainsiparce que le rêve perdure encore et queseule la réalité est capable de nous ouvrirles yeux. On mange ce que l’on voit : uncafé ou un thé, quelque chose de sucréou de salé. Plus encore, le petit déjeunerest le plus routinier des moments de la

journée. Qui pourrait accepter demanger toujours la même chose ?Qui accepterait d’offrir à son corpsles mêmes plats jour après jour sansmodifier le menu ? Seul le petitdéjeuner se réfugie dans l’uniformité.C’est quelque chose d’étonnant : nousprenons la même chose tous lesmatins, un café brûlant et quelquechose de solide pour compenser lesheures de jeûne. Il est certain que l’Espagne actuelle,en particulier dans les zones urbaines,se réveille chaque matin dans la hâte,avale trop vite un petit café etl’accompagne éventuellement d’unetartine avec de l’huile d’olive ouquelque chose de sucré, du typegénoise ou madeleine. Les Espagnolsattendent ensuite quelques heures, letemps d’arriver au travail, avantd’ouvrir bien grands leurs yeux et deprendre conscience qu’ils ont faim :c’est l’heure de l’« almuerzo ». C’esten effet vers 11 heures que les gensprennent leur deuxième café de lajournée et, à ce moment-là,l’accompagnent d’une bouchée saléequi peut être un morceau de tortilla depatatas, un sandwich jambon-fromageou des churros ou porras que l’ontrempe dans le café ou le thé. Cependant, la composition du petitdéjeuner est de plus en plus l’objet

d’attention : on soigne actuellementdavantage la nourriture du petit matin ;les aliments basiques sont réinventés,les fruits de saison mieux choisis, et ils’est créé des menus de fin de semainesous forme de brunch, incitant à lagourmandise et adhérant à laphilosophie du mouvement Slow food(Spain Gourmetour, nº 72). Ainsi,pendant les journées de détente, ons’accorde le temps de lire la pressematinale tout en dégustant un menuriche, bien mérité après une semainede travail.

Que prend-onau petit déjeuneen Espagne ? Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, del’intérieur des terres à la côte, enEspagne, le petit déjeuner varie selonl’endroit où nous nous trouvons. Lepetit déjeuner revigorant des gens dela campagne ou des habitants desrégions côtières, habitués à un apportcalorique important, est différent decelui des grandes villes. Le menuchange selon l’endroit, le moment,l’activité. Il existe cependant unetradition qui est en train de sedévelopper sur tout le territoire etqui consiste à consommer de l’huile

PETITS DÉJEUNERS

10

TEXTESARA CUCALA/©ICEX

TRADUCTION FRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

PHOTOSTOYA LEGIDO/©ICEX

Page 13: Spain Gourmetour No. 75 (French)

d’olive vierge et du pain pour le petitdéjeuner. On pourrait faire le tour de l’Espagneet y savourer les huiles, avec lapersonnalité que leur donnent lesvariétés d’olives utilisées : arbequina,blanqueta, cornicabra, lechín,hojiblanca, manzanilla, morisca,picual… et un plaisant etcétéra quimanifeste la richesse identitaireoléicole de ce pays. Et c’est précisément cette richessevariétale qui permet au convive de cepremier repas de la journée, de se voirsouvent présenter une longue carted’huiles. Ce sont les huiles des variétésarbequina, hojiblanca et, dès qu’il estpossible, la variété picual, qui sont leshuiles préférées des palais espagnols,pour humidifier les tartines de paingrillé de ces premières heures de lamatinée. Un bain somptueux aveclequel on arrose la moitié d’un painmollete fraîchement grillé, par exemple,qui est, dans le Centre et l’Est del’Espagne, tartiné avant avec de latomate naturelle et couronné d’unepluie de fleur de sel (Spain Gourmetour,nº 66). Ainsi le fameux pan tumaca esten passe de devenir l’un des petitsdéjeuners les plus populaires ; undélice qui est souvent accompagné dejambon Ibérico ou serrano. Un caféavec du pain, de la tomate, de l’huile

d’olive vierge extra, du sel et dujambon Ibérico, tout simplement. Unesimplicité qui nous fait découvrir l’unedes nouvelles tendances de la cuisineespagnole : le pain (voir La belle croûtedu pain, p. 58).

La carte du réveilSi nous prenons comme exemple cepetit déjeuner habituel, nouspourrions dire qu’il y en a autant quede localités dans le pays. Et si noustracions une carte des bonnesbouchées de la première heure, leportrait du petit matin pourraitparfaitement être le suivant :Au lever du jour, dans les Îles Baléares,une grande tasse de café nous attendaccompagnée de l’une desviennoiseries les plus typiques des îles,l’ensaimada : une pâte sucrée,fermentée et cuite au four, préparéeavec de la farine, de l’eau, du sucre, dela levure mère et de la graisse de porc.On distingue deux types d’ensaimadas :celle qui est populairement connuecomme simple, qui n’est pas fourrée, etl’autre fourrée avec du cabello de ángel(confiture de courge de Siam).Un petit déjeuner qui peut varier etfaire honneur à l’un des goûts siparticuliers de ces îles : la sobrasada(soubressade), une préparation de

charcuterie crue affinée, élaborée àpartir de viandes sélectionnées deporc, assaisonnées avec du sel, dupimentón (sorte de paprika espagnol)et du poivre noir, que l’on tartine surdu pain grillé. Quelques minutes plus tard, le jour selève en Catalogne sur le fameux paamb tomàquet, une merveille qui estparfois accompagnée, par exemple surla Costa Brava, d’anchois, quiremplacent le jambon Ibérico. Il estétonnant qu’en Catalogne, lorsqu’onmange des anchois, on mange mêmeles arêtes : on les fait tremper dans dulait pour les frire ensuite, ce qui lestransforme en un délicieux snack augoût de la Méditerranée. Les réveils de la région de Murcie sontplus sucrés ; en effet, rendant honneurà cette terre de vergers, il ne manquejamais de bonnes confitures artisanalesau petit déjeuner, accompagnées avantou après les avoir dégustées sur dupain ou des produits de boulangerie,d’un jus d’orange de la région dont ilssont aussi coutumiers que leurs voisinsde la province de Valence. Sur cetteterre d’agrumes, le jus de fruit, doitobligatoirement être présent dans toutbon petit déjeuner valencien, et estaccompagné de lait d’orgeat et defartons : un type de petit pain au laitallongé et spongieux, élaboré avec de

GASTRONOMIE

11

Page 14: Spain Gourmetour No. 75 (French)

PETITS DÉJEUNERS

12

Page 15: Spain Gourmetour No. 75 (French)

la farine, du lait, du sucre, de l’huile,de la levure et des œufs. Il faut aller en centre ville pourdécouvrir deux des endroits les plustraditionnels où les Valenciens finissentde se réveiller : les horchaterías El Sigloet Santa Catalina. Si on arrive un peutard, il est possible de prendre un petitdéjeuner tardif vraiment typique : uncafé accompagné de pain au blanco ynegro, c’est-à-dire avec de la butifarraet de la morcilla.Si nous suivons la route du réveil, nousarrivons en territoire andalou, unterritoire qui sent la mer, le désert et leverger. Tous ces arômes s’ajoutent àl’originalité des réveils d’Almería pourdéguster le serigá ou cherigá ou seridáou cherigán. Un terme qui en lui-mêmen’est autre que la transformation dunom de Mr. Sheridan, dont l’histoirecommence au début du XXe siècle, dansle village de Rodalquilar, dans laprovince d’Almeria, situé dans le Parcnaturel de Cabo de Gata, où se trouveune des mines d’or les plus importantesd’Europe. Son importance fut telle quependant des années, cette minusculeenclave de la province avait un taux depopulation nationale et internationaleinimaginable pour l’époque. L’un de ceshabitants, Mr. Sheridan, fut le directeurde la mine pendant un certain temps.Il aimait prendre son petit déjeunerdebout, au comptoir des bars desvillages d’Almería, et commandaittoujours la même chose : une tartinede pain avec quelque chose dessus,généralement de la charcuterie ou dufromage. De cette tradition est née lefameux cherigá ou seridá ou serigá oucherigán, en honneur à cet Anglais qui ainstauré ces morceaux de pain avecquelque chose, très présents sur lescartes des petits déjeuners locaux.

À l’ouest d’Almería, tout s’imprègnedes arômes s’élevant des oliveraies dela province de Jaén. Et si nouspénétrons dans les zones urbaines,nous percevons dans l’air les effluvesdes olives assaisonnées (SpainGourmetour, nº 60) et de l’huiled’olive, ingrédient fondamental de toutpetit déjeuner qui se respecte dans laprovince de Jaén. Les premières lumières du jours’élancent du sud au nord-est del’Espagne, au Pays basque, où lescuajadas faites maison, encoreprésentes dans certains établissements,ont la senteur des pierres, des braisesou de la fonte qui, capturée par le laitfraîchement trait, leur donnent cepetit goût si particulier et si exquisqui satisfait le désir de douceur dupetit matin. Et si l’on va vers le sud-ouest, onremarque que la fragrance desoliveraies s’étend au-delà del’Andalousie, qu’elle envahit aussil’Estrémadure, bien qu’elle se marie àl’essence de la dehesa (SpainGourmetour, nº 73), qui n’est autrequ’une conjugaison de chênes verts,

GASTRONOMIE

13

Page 16: Spain Gourmetour No. 75 (French)

de champs de lavande, de cistes et degenêts… Terre des porcs Ibéricos oùsont élaborées d’excellentes spécialitésde charcuterie de porc et des jambonsqui ne peuvent manquer à ce premierrepas de la journée, de même que dansle Haut-Aragon et en Castille. Ce sontdes régions où les habitants sonthabitués à la nature, aux matins froids,où les bergers ont pour habituded’attaquer la journée avec des migaspréparées avec le pain de la veille

trempé puis frit avec du lard, duchorizo, des poivrons… Les contrastes existent et en grandnombre en Estrémadure : par exemple,si vous vous réveillez dans le nord de laprovince, dans la région de Las Hurdes,non seulement vous vous trouverezdans un endroit absolument fascinantet surprenant, mais en plus, vous aurezl’agréable surprise de pouvoircommencer la journée avecd’excellentes confitures préparées avec

les fruits de la région, comme les cerisesdel Valle del Jerte ; et dans cette zoneplus montagneuse, contrée de chasseurset d’hommes robustes, vous pourrezdéguster ce que l’on appelle la sopa delimones : un jus de citron et d’orange avecdes tranches de ces mêmes fruits flottantdans un bouillon accompagné de chorizoet de jambon. Une boisson originale toutà fait indiquée pour protéger le corpscontre les virus et le froid.Du Pays basque à la Galice, s’étend la

PETITS DÉJEUNERS

14

Page 17: Spain Gourmetour No. 75 (French)

très belle corniche cantabrique, richeen produits de la mer et des vergers.Nous pénétrons à l’intérieur de laCantabrie et des Asturies où par destempératures plus froides, le petitmatin commence avec des fromages duterroir — aussi excellents que lesquesucos de Liébana ou le fameuxCabrales asturien — (SpainGourmetour, nº 63, 64 et 65), des œufsde ferme et des chorizos à la braise. Et,juste à la limite de ces deux provinces,

là où s’élèvent les Picos de Europa(Pics d’Europe), dans les VallesPasiegos, on peut découvrir un goûttrès caractéristique : celui despopulaires sobaos pasiegos (SpainGourmetour, nº 72). Ils sont élaborés àpartir d’une pâte composée de farinede blé, beurre, sucre, œufs, zeste decitron, anis étoilé, sel et miel ; cettepâte est versée dans des moules quisont enfournés et refroidis avant leurconditionnement. Ces sobaos laissent

au palais un petit arrière-goût debeurre fait avec le lait des vaches quipaissent dans la vallée, et une noted’anis étoilé tout à fait revigoranteaprès le repos nocturne.Et c’est en Galice, dans la splendeurdu soleil de la petite ville de Tui,province de Pontevedra, que nouspouvons prendre le petit déjeuner leplus insolite. Les jours de marché— habituellement, le jeudi, sur lePaseo da Corredoira — il faut aller en

GASTRONOMIE

15

Almería. La Ola. Dans le petit village LaIsleta del Moro. Un restaurant de marins-pêcheurs tout simple, avec une terrassed’où l’on peut voir le jour se lever sur lamer. Un must : le plat du pays, le cherigá(des petits pains avec quelque chosededans) ou le pain avec de la tomate et del’huile d’olive.

Barcelone. Le Pinotxo du marché de LaBoquería (La Rambla, 91) est un classiqueincontournable. Un conseil : se promenerd’abord dans le marché, puis s’asseoirdans ce petit restau où l’on peut dégusterdes plats salés faits avec les produits dumarché.

Cadix. Bar Las Nieves (Plaza Mendizábal).Pour bien vivre le lever du jour, il fautcommander le pain mollete avec de l’huiled’olive et du jambon préparé dans ce petitétablissement de Cadix. Un classique de larégion ! Des petits pains excellents et unepetite terrasse pour bien commencer lajournée.

Madrid. La Chocolatería San Ginés(Pasadizo San Ginés), est un must. Rienque pour sentir l’ambiance et rendrehommage à la tradition espagnole duchocolate con churros ; un petit déjeuner àne pas rater.

Le brunch du Café Oliver (rue Almirante,12) continue d’être l’un de mes préférés.Une riche carte de petits déjeuners, dansun endroit magnifique, en plein centre deMadrid. Une ambiance jeune et un local àla décoration parisienne ; une bonneoccasion pour goûter les salades et lesfameux œufs Bénédictine.

Majorque. Dans la belle petite ville de Deia,l’hôtel La Residencia (Calle de los SonCanals) est réputé pour offrir le meilleurpetit déjeuner d’Espagne, et c’est assezjuste. Un authentique festin en pleinenature.

À Cas Catalá, se trouve le restaurantSenzone, dans l’hôtel Hospes Maricel(route de Andratx, 11), dont le petitdéjeuner est considéré comme l’un des

meilleurs d’Espagne. Un grand buffet quivarie selon la saison et le marché, et danslequel il ne manque jamais les jus de fruit,les fruits, les beurres faits maison aux goûtsles plus variés (poireau et bacon,framboise…), les plats salés parmi lesquelsne manque jamais la sobrasada(soubressade) ni des gourmandises tellesque l’ensaimada, en premier lieu.

Valence. Horchatería El Siglo (Plaza SantaCatalina, 11). Fondée en 1836, elleconserve toujours cet air bohème etintellectuel. Miroirs aux cadres dorés, solau carrelage hydraulique, des lustres surtrois niveaux suspendus à d’immensesplafonds ; c’est le lieu idéal pour se perdreet se régaler de l’authenticité d’une région :l’horchata et les fartons (un type de briocheà la forme allongée, sucrée et spongieuse,faite à base de farine, de lait, de sucre,d’huile, de levure et d’œufs).

Mes coins favoris pour commencerla journée

Page 18: Spain Gourmetour No. 75 (French)

centre ville où, à côté de la cathédrale,un hostal modeste du nom de Vello doCabalo Furado prépare un petitdéjeuner consistant et inoubliable, àbase de callos (ragoût de tripes), avecdes pois chiches et des langoustines.

Churros et porrasUn autre classique de la premièrecollation sont les churros (SpainGourmetour, n° 72). Farine, eau et sel,trois simples ingrédients pour unproduit délicieux et tellementespagnol ! Partout en Espagne, il esthabituel de prendre au petit déjeunerune grande tasse de lait avec du cacaoet une demi-douzaine de churros.Il y a dans le pays de maîtreschurreros, d’anonymes artisans qui selèvent tôt, avant l’aube, pour préparerdans de modestes petits commerces— churrerías — ces délices quirégalent une grande partie del’Espagne. Et, s’il y a une provincequi en raffole, c’est bien Madrid ! On pense qu’à Madrid, laconsommation de churros remonte auXIXe siècle, quand la ville accueillaitles spectacles des forains ambulants ;ce serait eux qui auraient créé cetterecette très simple. C’est un produitingénieux et économique qui, de

simple aliment destiné à apaiser lafaim des classes populaires, devint unproduit de luxe pour l’aristocratie,pour redevenir ensuite un produittrès populaire. Il est fréquent de voirdans certains endroits (comme à côtéde la gare ferroviaire d’Atocha, à

Madrid), dans les petites villes oudans les foires populaires, desautocars transformés en standsambulants de churros fraîchementfrits et de chocolat, d’où émane unearôme qui réveille les sens etl’estomac.

PETITS DÉJEUNERS

16

Page 19: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Le churro fait partie des produitsappelés frutas de sartén (fruits de lapoêle). La friture d’une pâte de farineà laquelle on donne des formesdiverses. Il y a toute une série defrutas de sarten : les beignets (pâtebien pétrie qui devient poreuse quand

on la frit dans l’huile), les pestiños(farine et œufs battus), qui après leurfriture sont baignés dans du miel, lesrosquillas (farine, œuf, huile et lait),qui ont la forme de petites couronnes,frites et saupoudrées de sucre… devrais délices pour un petit déjeuner.

La mode du brunchBien que certains cafés traditionnelscontinuent d’exister en Espagne, letemps a fait son travail et l’histoire dupays suit son cours. De nos jours,l’Espagne est un pays ouvert auxcultures du monde ; presque toutesles régions accueillent des étrangersqui s’installent et enrichissent le garde-manger espagnol d’arômes, saveurs ettextures propres à leur pays d’origine.Ainsi, si on en a envie, on peutcommencer la journée dans un payslointain sans quitter Madrid. Chaquequartier de Madrid reçoit des gensvenus d’ailleurs : dans le quartierd’Usera, on peut prendre un petitdéjeuner comme dans le Sud de laChine ; dans le quartier de Lavapiés,on peut y prendre des petits déjeunersmarocains ou indiens ; dans le quartierde Salamanca ou de Chamberí, lamode est au petit déjeuner anglais ;dans le quartier de las Letras, il y acertains endroits où on peutcommencer la journée à la modescandinave. C’est la richesse de lacapitale de l’Espagne. Nulle partailleurs en Espagne, on ne prend unpetit déjeune comme à Madrid, aveccette pluralité, cette variété et cettefusion. C’est peut-être ce plaisir de

17

Page 20: Spain Gourmetour No. 75 (French)

18

connaître d’autres horizons qui nous afait adopter la mode du brunch, devenule petit déjeuner des week-ends. Comment et pourquoi est apparu cepetit déjeuner tardif ? Certainsdisent qu’il est né au Royaume-Uni,d’autres qu’il s’agit d’une inventionnew-yorkaise, plus précisément deshabitants du quartier de Harlem.Pourtant, ce qui est sûr c’est que cettemanière de commencer la journée estune tendance culinaire qui est de misepartout dans le monde. En Espagne,l’un des premiers endroits où l’on

commença à servir des brunchs futl’hôtel Ritz, de Madrid. Dans sessalons, de grandes tables étaientdressées (et le sont toujours) debouchées sucrées et salées. Et, desgrands hôtels la mode est passée auxrestaurants ; l’un des pionniers fut lerestaurant Hispano, qui offre sonbuffet brunch depuis plusieurs annéestous les week-ends. Il serait aujourd’hui impensable deparler des petits déjeuners en Espagnesans parler du brunch. De même qu’ilest impossible de parler du brunchsans parler d’un petit plat bienparticulier : œufs Bénédictine (de lapanceta ou du tocino fumé et des œufspochés sur une tranche de painmoelleux) accompagnés d’une gorgéede Bloody Mary. Et, avec ce plat, il nepeut manquer dans un brunchhispanisé une table pleine de painsvariés, avec au moins trois types debeurre différents, des confitures, del’huile d’olive vierge, du sel et des jusde fruits naturels. C’est ainsi quecommence, vers once heures et demie,un dimanche espagnol.Des hôtels comme le Palace oul’Intercontinental de Madrid sontfantastiques pour écouter un peu demusique classique ou d’opéra, touten s’offrant un régal sucré ou salé.Bon réveil !

Sara Cucala, écrivain et journaliste estcoordinatrice de gastronomie à TVE,fondatrice du centre de culturegastronomique d’Espagne, A Punto, etauteur des livres Desayunos en Madrid(édition RBA Libros, 2009), Del Churroal brunch (édition RBA Libros, 2008) etLos Templos de la Tapa (édition RBALibros, 2009).

Visitez notre sitewww.foodsfromspain.com, vous ytrouverez une information détailléesur la gastronomie espagnole.

PETITS DÉJEUNERS

Page 21: Spain Gourmetour No. 75 (French)

19

Page 22: Spain Gourmetour No. 75 (French)

de la Nature

MOSA

ÏQUE

Dans le Priorat, il faut dela patience. Je parcoursla région par des routesétroites et sinueuses ; je conduis lentementpour profiter de la nature :des forêts de pins, deschênes verts, quelquesoliviers et de cesvignobles incroyables. Et il en va de même pourle vin auquel donnentnaissance ces paysages :on ne peut pasl’appréhender à toute vitesse. L’ouvrir,le laisser respirer et

Page 23: Spain Gourmetour No. 75 (French)

attendre qu’il se mette àraconter ses histoires. Toutd’abord, tout doucement,puis le ton monte et il finitpar raconter une fouled’histoires au travers de sa complexité aromatique.C’est sa vie, son origine,sa production sereine, son élevage nécessaire en bouteille pourassembler toutes sescaractéristiques avant qu’ilprenne sa place dans unverre, et là, de nouveau, ilprend tout son temps pours’exprimer pleinement.

Page 24: Spain Gourmetour No. 75 (French)

22

DOCa PRIORAT

La DOCa Priorat est située entre la meret la montagne, à l’Est de l’Espagne,dans la province de Tarragone(Catalogne). La Méditerranée est là,à 30 km à peine, mais les sierras quil’entourent repoussent l’influencemarine qui parvient seulement à sefaufiler, affaiblie déjà, dans la régionde Porrera et dans quelques endroitsdu Sud. Et c’est précisément par cetteunique ouverture que pénètrent laplupart des influences climatiques,mêlant les brises humides de la meret les vents de la vallée de l’Èbre. Lepaysage se compose de petits montscouverts de pinèdes et de chênes verts,d’oliviers, de noisetiers et d’amandiers,et de vignes, naturellement. Les cistes,le thym, le romarin et bien d’autrespetites plantes aromatiques composentun tableau purement méditerranéen.Toute cette vie pousse sur un solparfois noir, parfois bleuté, et prendmême, dans une direction donnée,des tons mauves : l’ardoise, ou licorella,nom sous lequel elle est connue encatalan, est une caractéristiquefondamentale et différentielle de laDOCa Priorat.

Au-delà de la roche« Le terroir, ce n’est pas seulement lesol et il n’y a pas que la licorella ! »,affirme René Barbier, propriétaire del’un des chais légendaires de la DOCaPriorat. Clos Mogador est situé sur unterrain de 22 hectares qui était déjàune propriété agricole quand Renél’acheta en 1978. Sa philosophie sefonde sur le respect absolu de labiodiversité ; en effet, il est facile detrouver au milieu du vignoble desoliviers, des chênes verts et quelques

amandiers qu’il a plantés à côté devieilles vignes récupérées. De petitsanimaux et d’autres plus grands — àla vue des empreintes de quelquessangliers dans le vignoble d’oùprovient son blanc Nelin —, partagentcette propriété. « Et plus de 900espèces de fleurs », affirme-t-il.Ses vins reflètent avec une grandepureté le caractère de leur lieud’origine : la minéralité prononcéedes sols d’ardoise qui caractérisent laDOCa Priorat. L’arôme du ClosMogador 2009, élaboré avec lescépages locaux garnacha et cariñena,complétés par du cabernet-sauvignonet du syrah, est très floral au nez et metransporte dans cette proche forêtméditerranéenne fleurant le thym etle romarin. À mesure qu’il s’ouvre,apparaissent des notes de fruit noir etpeu à peu surgissent des saveursd’épices. Le blanc Nelin,principalement à base de garnachablanc et de viognier, est lui aussisurprenant. Après une premièreapproche, il me vient à l’esprit l’imagedes fleurs d’amandiers plantés toutprès de son vignoble.Cette passion pour la vigne et sonenvironnement, Sara Pérez la manifested’une façon plus explosive. Fille d’unautre réinventeur du Priorat (JosepLluis Pérez, voir « DOCa Priorat en uncoup d’œil », p. 26) qui dirigeaujourd’hui Mas Martinet. « Le Prioratsort d’ici », affirme-t-il en frappanténergiquement son estomac. Sara faitpartie de cette deuxième générationde producteurs de la région qui estconvaincue de la force du sol et desvariétés autochtones : la garnacha tintaet la cariñena. Dans ses trois vins, Sara

TEXTEALMUDENA MARTÍN RUEDA/©ICEX

TRADUCTION FRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

PHOTOSMATÍAS COSTA/©ICEX

JUAN MANUEL SANZ/©ICEX

Page 25: Spain Gourmetour No. 75 (French)

23

VIN

Page 26: Spain Gourmetour No. 75 (French)

cherche à montrer les façons deproduire des trois époques du Priorat :l’époque préphylloxéra — avantl’arrivée de ce grave fléau en 1893 —à Els Escurçons, l’époque post-phylloxéra du XXe siècle à CamíPesseroles et la modernité à ClosMartinet.Els Escurçons provient d’un vignoblede garnacha en altitude dans un chaiqu’elle récupéra après avoir contactéses anciens propriétaires grâce auxarbres généalogiques des habitants desvillages alentours. Un processus oùSara a observé pendant des années lecomportement de la vigne et où le vinla convainquit de l’importance del’équilibre naturel en campagne. Ellecommença à appliquer les principesbio en 2000. Au bout de la troisièmeannée, elle avoue avoir commencé àsentir que la vie revenait dans savigne, la musique des insectes, lafloraison des plantes sauvages… « Etc’est à ce moment-là que je décidede prendre le risque de perdre unerécolte, et de continuer. Unécosystème se gère, on n’a pas besoinde chimie puisqu’il existe un bonéquilibre entre le sol et le milieu. » ÀEls Escurçons, on remarque des notesde groseille et une fois en bouche, onvisualise bien la propriété : des notesde plantes aromatiques, mentholées,

24

DOCa PRIORAT

Salvador Burgos, Celler Burgos Porta

Page 27: Spain Gourmetour No. 75 (French)

25

des souvenirs de pin et une terriblefraîcheur provenant autant de l’aciditéprononcée que de la présenceminérale.Camí Pesseroles est le vin que Saraqualifie de « post-phylloxéra », aumoment où elle se retourna vers lecariñena. Son expérience lui permetde dire que cette variété n’a presqueplus aucune charge variétale, « s’il a unbon sol, il l’absorbe et le cariñena estle meilleur détecteur des bonssols alors que le garnacha peuttromper par son potentiel variétal ».Il provient principalement de cépagescariñena sur sol d’ardoise, et marquebeaucoup cette minéralité au-dessusd’un fruit très frais, donnant unesensation très longue en bouche. Poursa part, Clos Martinet, reflète dans saproduction la troisième époque duPriorat, lorsque dans les années 80 son

père est arrivé et a planté sur la

propriété des cépages comme le

cabernet-sauvignon et le syrah pour

les combiner avec les cépages locaux.

Même ainsi, à Clos Martinet, Sara va

faire baisser progressivement le

pourcentage des variétés d’ailleurs

pour donner plus de présence aux

variétés locales. Clos Martinet 2008

offre du fruit mûr au nez mais il est

surtout très épicé, avec de clairs

souvenirs de clou de girofle. De

nouveau, il reflète le sol minéral avec

cette agréable froideur typique de

l’ardoise, et des notes mentholées

surgissent.

Sa passion pour le cariñena lui vient

de son frère, Adrià Pérez, responsable

du projet familial à Cims de Porrera.

Adrià, soutenu par son cousin Marc

(ils sont tous les deux de fermes

défenseurs des variétés locales),

conjugue deux lignes différentes dansla bodega. Il continue le projet lancépar son père et sa sœur dans lesannées 90, Sara maintient avecSolanes, le classique Cims de Porrera,basé fondamentalement sur descariñenas provenant de vignobles trèsanciens de viticulteurs locaux. C’est unvin sérieux, élégant, long, très minéral,qui évoque le charbon et la craie car,selon lui, « la variété cariñena est lemeilleur catalyseur de la minéralitéd’un sol ». À côté de ces classiques,Adrià et Marc ont lancé sur le marchéune ligne personnelle, Les Cousins,très amusante, avec une image plusfraîche. Adrià laisse échapper unsourire complice lorsqu’il évoque leurssouvenirs d’enfance à l’origine de cesvins qui, sans oublier l’expressionminérale caractéristique du Priorat,travaillent avec les deux cépagesvedettes de la région, recherchant unpeu plus de fruit et une note majeurede rondeur et de simplicité.

Aventuriers surleur propre terreMalgré les difficiles décennies du XXe

siècle (« La DOCa Priorat en un coupd’œil », p. 26), quelques viticulteurs etpropriétaires de bodegas locales firent

VIN

Page 28: Spain Gourmetour No. 75 (French)

26

1194 : Les moines chartreux arrivent deProvence (France). Ils fondent le prieuréde Scala Dei et apportent la culturevitivinicole, base de l’économie de larégion pendant des siècles.

1865 : Le phylloxéra sévit en France. Lecommerce du vin du Priorat connaît uneexplosion économique.

1893 : Le phylloxéra arrive dans le Prioratet ruine l’économie prospère de la région.La contrée s’appauvrit et se dépeuplependant les décennies ultérieures.

1950 : Création de la DO Priorat.

À la fin des années 80 : Arrivée des“Magnifiques du Priorat” : René Barbier,Carles Pestana (Clos de l’Oba), JosepLuis Pérez, Alvaro Palacio (L’Ermite) etDafne Gloria (Clos Erasmus), quiproduisent, ensemble au début, leurpremier vin en 1992. Une philosophiecommune les unissait : un profond

DOCa Priorat en un coup d’œil

supportèrent la production pour le vinen vrac jusqu’à ce qu’en 1995, ilsdécidèrent de mettre leurs vins enbouteille. Cette expérience initiale, unvin sans bois, donna lieu au premiervin mis en bouteille à Porrera. En1997, ils commencent à introduire des

barriques en chêne pour élever leurvin provenant de vignes âgées de80 ans et situées sur les versantspentus qui entourent cet importantvillage vinicole.Avec la récolte de 2000, ils reçoiventle soutien nécessaire pour aller del’avant avec assurance : dans son livreThe New Spain, le critique anglais JohnRadford qualifie Clos Monlleó de« meilleur vin espagnol ». Deux fermesdéfenseurs des cépages garnacha tintaet cariñena, Pere Sangenís et sa fille,María, qui gèrent la bodega avecConxita Vaqué et la dernière de sesfilles reconnaissent la nécessité d’êtrepatients avec ces vins. « Il est trèsimportant de leur donner leur tempsen bouteille pour qu’ils affinent leurstanins et que tous leurs arômesexplosent. » Actuellement, les cuvées2004 et 2005 sont sur le marché, maisje ressens une grande curiosité pourcette cuvée 2000. J’ai eu de la chance !Ils viennent de le déguster avec unimportateur et il y a une bouteilleouverte qui m’attend. Un arômegourmand de chocolat noir laisse laplace à des fruits très mûrs, mentholés,avec leurs arômes torréfiés qui

le pari de continuer à travailler la terredont ils avaient héritée. La bodegaSangenís i Vaqué en est un exemple :l’union de deux familles ayant plus de300 ans d’histoire vinicole. Ilsvécurent l’époque heureuse de la findu XIXe, la débâcle du début du XXe,

respect du paysage et des habitants,l’espoir de récupérer un territoire enélaborant des vins de qualité ; c’est là unprincipe qu’ils réussirent à établir commeculture générale de la DOCa Priorat. Defait, la dénomination maintient uneréglementation paysagiste qui régule laplantation de vignobles en fonction del’environnement.

Actuellement la DOCa Priorat représente94 bodegas et 1 928 hectares devignoble (81 seulement de variétésblanches), dont furent obtenus en 2011un peu plus de 5 millions de kilogrammesde raisin. Le dernier projet mis en œuvreest Vi de Vila, dont l’objectif est demarquer les différences existant entre lesproductions de chacun des villages quicomposent la dénomination.

www.doqpriorat.org : Conseil régulateurde la DOCa Priorat. (Anglais, catalan,espagnol, français.)

Cristián Francés, Trio Infernal

Page 29: Spain Gourmetour No. 75 (French)

apparaissent subtilement. En bouche,il est très élégant, fin et frais, trèscomplexe, les notes grillées reviennentà nouveau, du poivre noir et un vaguesouvenir de feuilles mortes, uneminéralité délicate qui évoque legraphite. Aucun doute, c’est un grandvin ! Dans la même lignée, SalvadorBurgos, né à Poboleda, est l’un de cesenfants de la terre qui résistèrent etqui, avec la réapparition du Priorat,a pu récupérer une position qui luipermit au début des années 90 dedevenir propriétaire de son domaine,Mas Sinén. Salvador est aussi undéfenseur acharné de l’application desprincipes écologiques en campagne(et dans la vie). La première chose quenous faisons est une dégustation del’eau directement à la source quiapprovisionne la consommation dela bodega. « Goûter cette eau est lameilleure manière de comprendre cequ’est la minéralité. » Le domained’origine était planté d’amandiers,mais il avait parié sur la viticulture, etil a donc essentiellement planté dugarnacha et du cariñena, et quelquesparcelles de cabernet-sauvignon, desyrah et de merlot. Sur ces vignes,

âgées de 15 à 20 ans, il produit MasSinén Negre, un rouge intense encouleur et fortement charpenté enbouche, avec des arômes de maquis etsurtout de thym qu’on trouve un peupartout dans la propriété. À partir desparcelles qui ont déjà 60 ans, héritéesde son père, Salvador Burgos produitMas Sinén Costers, un Priorat profondoù brillent, au-dessus du fruit mûr etdes épices, des notes minérales, unequasi-froideur qui vient de la licorella.

Pendant la dégustation, Salvador achoisi comme musique de fond unesélection des meilleures chansons deLeonard Cohen. Le sérieux, et la doucecomplexité de Cohen entraient enparfaite harmonie avec ce vin.Comment ces viticulteurs appauvrisau cours du XXe siècle, réussirent-ils àretrouver une situation leur permettantd’investir dans leurs propres projets ?La réponse se trouve en grande partiedans les investissements faits à la findes années 80. L’origine et laphilosophie de la bodega Vall Llach,dont le créateur et associé est lechanteur compositeur catalan LluisLlach, explique largement commentfut gérée la récupération de cette zone.Lluis Llach hérite en 1985 despropriétés de sa mère, originaire dePorrera. Pour lui, le village représenteses souvenirs d’enfance, le bonheur,la liberté d’un enfant qui revient à lacampagne pendant les vacances d’été.Les terres, pratiquement abandonnées,se convertissent en vignobles, aprèsles inondations de 1994. Au mêmemoment, il décide de collaborer avecles viticulteurs locaux à laréhabilitation des costers les plus

27

Pedro Rovira et sa fille Marta, œnologue,Viticultors Mas d´en Gil

Page 30: Spain Gourmetour No. 75 (French)

une exposition directe du rendementde cette vigne. Vall Llach, dans sacuvée 2006, est un vin très personnelet complexe. Très minéral au nez,avec des souvenirs de graphite et decharbon, un fruit mûr occulte, desprunes noires, qui fait son chemin àmesure qu’il respire. En bouche, ilconserve une certaine gourmandise,avec une touche épicée et, à mesurequ’il évolue, laisse apparaître desnotes fantastiques de réglisse noir.Une acidité marquée, combinée aveccette sensation froide provenant del’ardoise, et un tanin encore évident,c’est un vin très frais mais puissant,qui laisse une finale légèrement amère.Salustiá m’avait promis au début del’entretien que j’allais comprendredans le Priorat ce qu’est la séduction,et il est certain que ce vin peutcaptiver tous les amoureux des vinsayant une personnalité propre.

plus important pour lui : « L’honnêtetédans la réalisation d’un projet : c’estd’ici et c’est à moi, c’est-à-dire uneidentité claire, et de petitesproductions dans une orographieagressive et ancienne. » Je visite avecSalustiá une vigne en coster quiappartient à 50 % à la bodega et à50 % au viticulteur, puisqu’ils ontsigné un accord qui les rend associésdu même projet. « C’est aussi unepartie essentielle de l’honnêteté duprojet. » Mas de la Rosa est l’un deces vignobles qui vous impressionne,avec des plants très anciens decariñena pour la plupart sur un soldur d’ardoise très pentu, où il semblepratiquement impossible de travailler.Ici, la mécanisation est impensable, ilfaut tout faire à la main pour récolterà peine un demi kilo par plant. « Pourproduire une bouteille de Vall Llach, ilnous faut sept plants », dit-il en faisant

28

DOCa PRIORAT

anciens, une action qui avait aussi étémise en œuvre par Josep Lluis Pérezavec les coopérativistes de Porrera.Conscients que la richesse locale, cesanciens vignobles de cariñena et degarnacha, devaient profiter auxviticulteurs locaux, ils commencèrentà payer le raisin à des prix jusqu’alorsinimaginables pour la région.Ces costers caractéristiques sont desvignes plantées en espalier, à flanc decoteau, sur les pentes qui peuventparfois atteindre 70 % d’inclinaison,et que Salustiá Álvarez qualifie de« viticulture héroïque ». Actuellementgérant de la bodega Vall Llach, danslaquelle il collabore depuis 2002,Álvarez fut, jusqu’à la fin 2011,président du conseil régulateur de laDOCa Priorat ; il est une sourcepresque infinie de connaissances ence qui concerne la région. Originairede Porrera, il se souvient que dans lesannées 60 et 70, la place du village seremplissait de gens qui, à 7 heures dumatin, se réunissaient pour partirtravailler ailleurs. Il situe le récentessor du Priorat vers la fin des années80, quand un groupe de producteursavec une certaine « connaissance dumonde » envisagent de produire desvins de grande qualité. Ce qui est le

Adrià Pérez de Cims, de Porrera, et Sara Pérez, de Mas Martinet

Page 31: Spain Gourmetour No. 75 (French)

29

Des blancsqui émergentUn peu plus au nord de Porrera, sur

les versants de la sierra de Montsant,

se trouve Conreria de Scala Dei, fondée

en 1997. Décidés « à ne pas se limiter

à vendre du vin, et souhaitant valoriser

la région du Priorat en y attirant le

consommateur », comme l’explique

Jordi Huguet, ils projettent de

construire un petit hôtel à côté de la

bodega. Actuellement, ils conservent

25 % de la production de blancs de

la dénomination, principalement

élaborés à partir de garnacha blanca.

Une variété qui, comme je peux

l’observer à travers de l’échantillon qui

m’est offert, possède une large capacité

aromatique avec un nez et une bouche

bien charpentés, ainsi qu’une acidité

très équilibrée. Dans les rouges, Iugiter

Selección Viñas Viejas, la gamme laplus haute produite à partir de vignesde 80 ans, est très intense au nez,avec des bois grillés présents au-dessusdes notes fruitées qui apparaissentparticulièrement en bouche.La partie sud du Priorat estapparemment plus facile à travailler,les collines sont plus douces et lepaysage s’ouvre sur de petites plaines.Cependant, la réalité est toute autre,l’ardoise se trouve à 20 cm et « c’estla licorella la plus dure et la plusancienne de la région », d’après MartaRovira, la responsable de la propriétéMas d’en Gil, à Bellmunt de Priorat.La famille Rovira-Carbonell estoriginaire du Penedès, région viticolesituée dans les environs de Barcelone.« Nous cherchions dans le Priorat undomaine qui ait une histoire et quireprésente toute la biodiversité de lazone. » Ils le trouvèrent, il y a 16 ans,

à Mas d’en Gil, « avec plus de 300 ansd’histoire vinicole et des vignes sur30 % de la surface ». De plus, cettefamille entretient de vastes étenduesde bois comprenant amandiers,noisetiers et oliviers centenairestoujours productifs. Etant proche dela mer et situé sur une plaine, c’estl’un des rares points d’entrée de lagarvinada (vent venant de laméditerranée), qui apporte fraîcheuret ventilation au vignoble. Un des vinsles plus reconnus de cette bodega estun blanc — peu courant dans lePriorat — provenant d’une vigne quiréunit sur ses sols la licorella et unsable contenant des galets ; il estélaboré avec du macabeo de plus de60 ans d’âge et du garnacha blanca.Coma Alta possède une solideexpression de fruit mûr et une boucheépicée ; très savoureux et frais enbouche, il a une très longue finale.Pour les rouges, ils travaillent avec uncoupage de cépages où sont présentsgarnacha negra, garnacha peluda,cariñena et cabernet-sauvignon (et,éventuellement, syrah et merlot).Clos Fontá, le rouge produit sur lesparcelles les plus anciennes, est unvin au tanin mûr et très savoureux,rappelant nettement le fruit noir mûr,

VIN

Page 32: Spain Gourmetour No. 75 (French)

30

la figue et un doux arôme de chocolatsingulièrement complété par unetouche de menthe.

Une identitéindiscutableÀ la fin des années 90 également,Miguel Pérez s’installe dans le Sud duPenedès. Docteur spécialisé dans larecherche vinicole, il décida des’installer ici parce que « le territoiren’était pas facile et c’était ce qui meplaisait. C’est là où les difficultés sontprésentes qu’il est possible de faire degrandes choses. » Ce sont les anciensviticulteurs — pour lui, ce fut Bellmuntdel Priorat —, qui lui ouvrirent lechemin et le soutinrent jusqu’à ce qu’ilréussisse à obtenir une production desvignes de sa propriété. ActuellementPérez élabore, (conseillé par l’œnologueToni Coca), le fantastique Clos Galena,à partir de garnacha et de cariñena,complétés par du syrah et du cabernet.Avec une empreinte minérale trèsprésente, il réussit à transmettre lagourmandise du garnacha et d’agréablesnotes mentholées en bouche. Il arécemment lancé sur le marché un vintrès simple : Formiga, très gourmand etun peu plus chaud en bouche, destiné àun public jeune. Mais dans le Priorat il

DOCa PRIORAT

Famille Sangenís i Vaqué

(collaborateurs nationaux pour ceprojet), nous dégustons différentséchantillons de barrique qui traduisenttrès bien les caractéristiques de cetterégion. Alors que le cariñena est plusfrais et rappelle nettement le thym et lemaquis, le garnacha est beaucoupplus gourmand, avec une charge fruitéeplus forte. Le syrah qui, lui, offrebeaucoup de notes florales et unebonne acidité, sera un grand vin d’unesérie monovariétale exclusive destinéeprincipalement à la restauration.Terroir al Limit est une autre petitebodega de Torroja fondée par unproducteur étranger en 2003.L’Allemand Dominik Huber (associéavec un Sud-Africain et un Catalan),est un grand défenseur de l’équilibreécologique, certainement influencépar son expérience antérieure à MasMartinet et à Cims de Porrera. Iltravaille en biodynamique, faitconfiance à la nature et à la campagne,et la fermentation de ses moûts part

est presque incontournable de revenirdans les costers, très présents dans lesalentours de Torroja. Je découvre icideux petites bodegas créées au débutdu XXIe siècle par des investisseursvenus d’ailleurs. Trio Infernal est lerésultat de la décision, prise par troispropriétaires de chais françaisoriginaires de la région du Rhône, demettre en œuvre ensemble un projet enEspagne. C’est René Barbier qui les aencouragés à choisir le Priorat, et c’estce qu’ils firent en 2002. CristianFrancés, originaire de Torroja, affronteles vignes tous les jours, au volant deson indispensable 4X4 pour arriverdans ses terres, avec un calmesurprenant. Alors que moi je sens monestomac chavirer devant la terriblepente de chaque côté de l’étroit cheminque nous prenons ! A partir de cesparcelles aux différentes orientations,ils obtiennent la base de garnacha,cariñena et syrah qui fait corps avec sesvins. Avec Pep Aguilar et Patri Morillo

Page 33: Spain Gourmetour No. 75 (French)

31

davantage de la minéralité bien intégréeau vin que de l’acidité.Cette ligne plus simple est l’optionégalement choisie à Trossos del Priorat,qui partage avec Ferrer Bobet lastratégie d’achat du raisin en attendantde pouvoir produire à partir des vignesplantées en 2004. L’œnologue-conseilToni Coca (qui collabore aussi avecMas Sinén et Domini de la Cartoixa)recherche essentiellement l’élégance etdes tanins très mûrs, ce que l’on perçoitdéjà chez Lomon 2011 (échantillon debarrique) qui exhale le fruit et lagourmandise.En peu de mots, la DOCa Priorat estune merveille pour les sens. Laconstance avec laquelle les producteurs(bodegas et viticulteurs) se sont battuspour maintenir et conserver leur culturevinicole ancestrale, leurs variétés etleurs paysages, donne son résultat dansdes vins très personnels dont on peutimaginer l’origine sans en avoir visitéla région. Mais attention, comme laplupart de ces propriétaires de chais mel’ont dit et répété — ce que j’ai d’ailleursvérifié personnellement —, « il fautvenir visiter le Priorat ».

Almudena Martín Rueda estcoordinatrice éditoriale de SpainGourmetour.

VIN

Albert Costa et Salustiá Álvarez, de CellerVall Llach

exclusivement des levuresautochtones. Il est clair qu’il ne veutni ne ressent le besoin d’autre choseque ce que lui donne son terroir. Sesvins sont le fidèle reflet du milieu.Nous les dégustons directement desanciennes fudres (cuves) où il les élève.Le garnacha est une vraie folie : unarôme chaud de confiture de fraises,prépare une bouche très fraîche, avecune acidité marquée et des notes trèsflorales. Le cariñena, lui, très minéralet épicé, exprime cette élégantefroideur qui lui est propre, sur fondd’ardoise typique du Priorat.Ces bodegas, de style plus traditionneldans leur structure, contrastent avecd’autres chais plus récents que j’ai eul’occasion de visiter. Aussi bien Trossosdel Priorat, dans la partie sud, queFerrer Bobet, à Porrera, sont desplacements plus faciles, des bodegasplus modernes et également conçuespour le plaisir des yeux. À FerrerBobet, projet de Sergi Ferrer-Salat et

de Raúl Bobet (ce dernier est ledirecteur technique de BodegasTorres), on est impressionné par lasalle de dégustation et son immensebaie vitrée qui permet de visualiserles petits monts environnants. Installésen 2002, ils produisent pour lemoment à partir du cariñena et dugarnacha âgés de 30 à 100 ans (achetésà de petits viticulteurs locaux),puisque son vignoble planté en petitesterrasses, et sur lequel sont pratiquéesdes méthodes bio, ne produit pasencore le raisin nécessaire pour enobtenir une qualité maximale. Lesdeux vins qu’ils ont sur le marché,Ferrer Bobet Vinyes Velles et SelecciónEspecial viennent de ces vieilles vignesde cariñenas, bien que dans le premieril y ait 30 % de garnacha. Avec un netsouvenir de chêne, ces vins secaractérisent pas une acidité marquéequi les rend très frais. Alors que lepremier offre beaucoup de fruit rougeau nez, le Selección reçoit sa fraîcheur

Page 34: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 35: Spain Gourmetour No. 75 (French)

MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR 33

VERDEJOSSi vous connaissez les vins blancs verdejo qui sont élaborés sous la dénominationd’origine Rueda, quelque part sur le plateau nord espagnol et sur les rives dufleuve Duero, vous avez certainement à l’esprit un modèle de fraîcheur, légèretéet arômes parfumés, qui peut s’avérer joyeusement scandaleux. Cependant, dansleurs vignobles et bodegas, les plus ambitieux producteurs de la zone sont entrain d’œuvrer à la production de vins plus concentrés, racés et proches du terroir.Certains d’entre eux figurent déjà au palmarès des meilleurs vins blancs espagnols.

À la recherche des meilleurs

Page 36: Spain Gourmetour No. 75 (French)

34

VERDEJO

Français Didier Belondrade a goûtéson premier vin de verdejo en 1993.« Il était intéressant par son éléganceet par sa finesse. J’ai apprécié cettepointe d’amertume en bouche, pas dutout écœurante, propre au cépage. »Quelques mois plus tard, il s’est rendudans la région de provenance duverdejo où il a découvert les solsrocailleux de la DO Rueda. « J’ai penséau Rhône », avoue-t-il. « En plus, lazone était relativement bon marchécar, à cette époque-là, personne neparlait de vins blancs en Espagne. »Aujourd’hui, Belondrade est l’une desbodegas les plus respectées de ladénomination. Elle produit 80 000bouteilles d’un blanc fermenté et élevéen fût, profond, élégant, long enbouche et capable d’une évolution enbouteille. La bodega exporte d’ailleurs30 % de sa production. À Rueda,personne n’atteint un tel volume deproduction pour un vin de cettequalité.Créée en 1980, la DO Ruedafut la première dénomination d’originede Castille-et-Léon. Ses vignobless’étendent sur les terrasses alluvialesformées par le Duero et ses affluents,là où les provinces de Valladolid,Ségovie et Ávila se rejoignent. Enréalité, elle est prise en sandwich entredeux célèbres régions de vins rouges,les DO Ribera del Duero et Toro (SpainGourmetour, nº 74). Elle partage avec

ces dernières l’austère paysagecastillan, les hivers rigoureux, lesgelées toujours menaçantes, ainsi queles écarts thermiques entre le jour etla nuit bénéfiques pendant la phase dematuration du raisin. Même si depuis2008 elle accueille officiellement desvins rouges et rosés, c’est son caractèreblanc indéniable ce qui la différencieformellement de ses voisines et desautres régions vinicoles alentourcomme les DO Cigales ou Tierra delVino de Zamora, La présence d’unclimat plus qu’avantageux, des solsadéquats et un cépage adapté auterrain procurent à la zone lesconditions nécessaires pour produirede grands blancs. Le verdejo y estcultivé depuis des siècles, encore qu’ilait été relégué au second plan au profitde cépages plus faciles et productifs,tels que le palomino et le viura. Larenaissance du verdejo date des années70, et il connaît son apogée au coursde la première décennie du XXIe

siècle. Pour Eulogio Calleja,l’œnologue de Bodegas Naia, l’un deschais de référence de la DO qui sedistingue par une exportationconséquente, il existe un triangle d’orqui s’étend depuis Tordesillas,traversée par le Duero, vers Rueda etles villes de Serrada et de La Seca,toutes campées dans la province deValladolid. Il s’agit d’une zone d’aspect

caillouteux (les galets et le sable sontles fruits de la sédimentation fluviale),qui se différencie par ses sols peuprofonds et une couche d’argileinférieure compacte qui retientparfaitement l’eau. C’est la zone et leprofil de terrain qui servent de base àquelques-uns des verdejos les plusintéressants de la DO Rueda.Plus de30 % de la surface cultivée de verdejoest concentrée à La Seca. Avec ses plusde 500 hectares encore taillés engobelet, c’est l’une de ses principalesréserves de vieux ceps. L’un des plusfameux vignobles de la municipalité,Martínsancho, est une vignepréphylloxérique qui servit de pointde départ pour la récupération duverdejo. Pour son propriétaire, ÁngelRodriguez Vidal, il est clair que « cequi prédomine dans la vigne est leterrain et la quantité de raisin ». Il autilisé des boutures pour planter unnouveau Martínsancho dans les années70 avant de le mettre en bouteille sousle même nom. Avec une forte présencesur le marché de l’exportation, ce vinblanc jeune est produit actuellementcomme la plupart des autres verdejosde la zone : macération à froid,fermentation à basse température etun léger élevage sur lies en cuve d’acierinoxydable. Il offre un profil quireprésente assez fidèlement le cépage,avec des arômes de fenouil et fruits

TEXTEAMAYA CERVERA/©ICEX

TRADUCTION SYNONYME.NET/©ICEX

PHOTOSJUAN MANUEL SANZ/©ICEX

Page 37: Spain Gourmetour No. 75 (French)

35

VIN

Page 38: Spain Gourmetour No. 75 (French)

36

VERDEJO

permis de composer à eux seuls desblancs à la personnalité remarquable.La grande coopérative de La Seca,Agrícola Castellana, a créé CuatroRayas Viñedos Centenarios, avec lesplus anciens vignobles de sesviticulteurs de Ségovie. Il s’agit d’unblanc sans bois élevé plusieurs moissur lies dans une cuve d’acierinoxydable. Il offre de fines touchesanisées et de fenouil au nez, ainsiqu’une bouche vivace et onctueuse.Beaucoup plus ambitieux et centrépresque exclusivement sur lesvignobles préphylloxériques deverdejo et francs de pied, Ossian Videsy Vinos, également situé à Nieva, esttenu par le viticulteur local IsmaelGozalo, et par Javier Zaccagnini —ancien directeur de la DO Ribera delDuero et associé de Mariano García(Spain Gourmetour, nº 29) dansl’éminente bodega Aalto de la DORibera del Duero. Le caractère deterroir atteint son paroxysme grâce àses excellents blancs qui misent sur unpassage en bouche marqué par unegrande amplitude et une minéralitésoutenue, pour s’achever souvent pardes finales salines. Ses vins les plusspectaculaires, Ossian et le très rareCapitel, qui intègrent un mélange decépages provenant de deux vignoblesà composante d’ardoise, sont élevésen fûts de chêne de grand format ettoujours avec des levures autochtones.Ces deux vins se démarquentcomplètement par leur style des autresvins de la région ; d’autant plus qu’ilssont commercialisés, suivant le désirde leurs auteurs, avec la contre-étiquette : Vino de la Tierra de Castillay Léon. De création plus récente,

blancs. Il est équilibré, frais, avec unvolume suffisant et une pointed’amertume caractéristique.

Des vignespréphylloxériquesen activitéL’autre foyer historique du verdejo àmettre en relief est situé plus loin surle cours du fleuve, à l’extrémité sud-estde la dénomination, dans la provincede Ségovie. Cette zone, qui inclutnotamment la ville de Nieva, bénéficied’une altitude plus marquée (au-dessusde 800 mètres). Comme ses sols ontune composante sablonneuseimportante, elle a pu sortir indemnede l’attaque de phylloxéra survenuedans cette région entre 1909 et 1922.Par ailleurs, l’un des grands trésors dela dénomination réside dans lesquelque 200 hectares de ceps deverdejo francs de pied, entre vignespréphylloxériques et autres vignes enplantation directe, une pratique fortcourante jusqu’aux années 40 dusiècle dernier.Viñedos de Nieva, aujourd’huicontrôlé par le groupe Martúe deToledo (Castille-La Manche, plateausud), a lancé le Blanco Nieva PieFranco, dans les années 90. Il s’agit dupremier verdejo de la dénomination àavoir donné dans une bouteille unevoix propre à ces vignobles enplantation directe.Nombre de cescépages issus de vieux vignoblesfinissaient souvent dilués dans laproduction de vins plutôt haut degamme. Au cours des dernièresannées, ils ont été sauvés et ont

Camino Ventosa, Belondrade

Page 39: Spain Gourmetour No. 75 (French)

37

VIN

Bodegas y Viñedos Shaya emploieégalement de vieilles vignes qui, dansce cas, proviennent de la ville voisined’Aldeanueva del Codonal (le nomvient de « codón », caillou).Appartenant au groupe de bodegasde la famille Gil de la DO Jumilla(Murcie, Sud-Est de l’Espagne), ilproduit deux blancs, Shaya et ShayaHabis, dont le dernier élevé en chêne.Sa philosophie respecte ce mêmeprofil d’arômes contenus et unebouche particulièrement glycérique,ce qui paraît être la marque distinctivede ce lieu retiré de la DO Rueda.Maisils ne sont pas les seuls à percevoir leverdejo à travers cette optique.Eulogio Calleja plaide pour lecaractère structuré du cépage, commes’il s’agissait de « raisin rouge sanscouleur », et il le considère plusdéterminant en bouche qu’en nez.C’est pourquoi, dans ses vignobles,il recherche l’origine du « cloneségovien » qui, selon lui, correspondle plus à ce profil du cépage. Sonformidable Náiades, avec saproduction oscillant entre 10 000 et25 000 bouteilles, selon lescaractéristiques de la cuvée,s’approvisionne dans de très vieillesvignes taillées en gobelet, et situéesdans différents zones de ladénomination : aux alentours deTordesillas et de Matapozuelos(Valladolid), de Ségovie, aussi danscertaines étendues sablonneusespréphylloxériques de Madrigal delas Altas Torres (Ávila), lieu denaissance d’Isabelle la Catholique(reine de Castille, 1451–1504) et plusimportant centre de production deverdejo au début du XVIe siècle.

Au-delàde la technologieEn général, la plupart des vins deRueda actuels s’alignent sur un modèlede vins légers et aromatiques, au prixtrès accessible, encore que trèsdépendants du froid et de latechnologie. Ils partent de moûts trèspropres, fermentent à très bassetempérature et sont soumis à desclarifications efficaces. Pour CésarMuñoz, l’un des plus réputésœnologues de vins rouges de Castille-et-Léon : « Le verdejo est un cépagemalléable qui permet de faire plus dechoses que ce que l’on pense, et quirésiste bien au bois. » ChezMontebaco, l’une des nombreusesbodegas de la DO Ribera del Duero àavoir élargi sa gamme de rouges avecun vin de Rueda, on recherche uneplus grande maturité du raisin, ainsiqu’un meilleur élevage sur lies. Dansle cadre de son projet personnel, CésarMuñoz Selecciones produit le verdejoAlter Enos à partir d’un très vieuxvignoble d’environ 75 ans, situé horsdes limites de la DO Rueda. Dans cecas, l’élevage est réalisé en fût afind’obtenir une bonne structure et uneimportante amplitude en bouche.La marque est commercialisée sousle label Vino de la Tierra de Castillay León.Nul doute que les plus singuliers vinsde Rueda recherchent uneconcentration supérieure. Ainsi, bienque la plupart des bodegas deréférence travaillent avec des vignoblestraditionnels taillés en gobelet maisaussi en espalier (elles soutiennent queces deux tailles permettent d’obtenir

Église, à Rueda

Page 40: Spain Gourmetour No. 75 (French)

38

VERDEJO

des grappes de qualité), les premierscomptent sur des défenseursenthousiastes. Pour Luis Hurtado deAmézaga, le directeur technique deVinos de los Herederos de Marquésde Riscal, « le caractère rampant duverdejo fait que les grappes sont àl’abri du soleil, que la plante conservemieux l’humidité, et que les moûtssont plus aromatiques et perdentmoins leur acidité. S’il ne pourrit pasc’est grâce à sa pellicule très épaisse etau fait que les grappes peuventquasiment se trouver à même le sol ».Eulogio Calleja ajoute que « lamajorité des vieilles vignes taillées engobelet sont plantées dans des terrainstrès adaptés, toujours dans des zonessèches, ce qui implique des besoins eneau inférieurs. Leur tendance àretarder le cycle entraîne une moindreperte d’acidité et permet d’obtenir desvins plus équilibrés et structurés ».Concernant l’espalier, nombre de cesproducteurs optent pour une vendangemanuelle qui permettra d’effectuer unesélection plus grande au sein duvignoble lui-même. Il existe néanmoinspour tous un autre facteur quidéterminera la qualité : le rendementdans le vignoble. La limite autoriséepar le conseil régulateur est, pour leverdejo, de 8 000 kilos par hectaredans les plantations taillées en gobeletet de 10 000 kilos si celles-ci le sont enespalier. D’après Jesús Yuste, chercheurà l’Institut technologique agricole deCastille-et-Léon, ayant dirigé lestravaux de sélection clonale du verdejoet publié un livre sur sa taille : « Dansles vignobles bien organisés, avec lataille en vert adéquate, il est possible

Au cours des dernières années, la DO Rueda asemblé immunisée contre la crise. Le succèsretentissant de ses vins blancs verdejo,parfumés et très accessibles, a entraîné undéveloppement sans précédent de la zone.Alors qu’elle comptait environ 3 000 hectaresde verdejo au début de la décennie, 10 000hectares ont été vendangés lors de la dernièrecuvée 2011. Il n’est pas surprenant que laquasi-totalité des grands groupes de vinespagnol aient décidé d’incorporer un vin deRueda à leur gamme de vins. C’est le vin blancque l’on boit le plus en Espagne. Il estuniquement supplanté par les DO Rioja, DORibera del Duero et DO Valdepeñas. De plus,le verdejo est en train de dépasser ses propresfrontières. Les régions voisines qui le cultivaientminoritairement commencent à manifester del’intérêt à son égard et à lancer des vins à basede verdejo sur le marché, à l’instar des DOTierra de León et Tierra del Vino de Zamora.Le cépage est également autorisé dans lesDO Cigales, Arribes et Toro et, bien sûr, dansl’éventail plus large de Vino de la Tierra deCastilla y León. Avec la cuvée 2011, la DOCigales, région notoirement connue pour sesrosés mais aussi dernièrement pour sesrouges, a intégré les blancs. Elle s’est illustréeen la matière en lançant un vin de verdejo,même si la présence du cépage demeureminime et que seuls 40 hectares ont étéenregistrés à cette date. Sur le plateau sudespagnol, nous trouvons des dénominationsd’origine où l’on cultive également le verdejo.C’est le cas de la DO La Mancha, la plusgrande région viticole de la planète qui aitautorisé ce cépage au cours de la premièredécennie du XXIe siècle, de la DO Valdepeñas,DO Almansa ou DO Manchuela. Dans cettezone étendue, on trouve plus de 3 200hectares de verdejo, dont 1 700 dans l’uniqueDO La Mancha. La DO Rioja, elle-même, ainclus le verdejo dans la liste des nouveauxcépages blancs dont elle a autorisé laplantation dans sa zone de production, en2007. Pas de doute, c’est le cépage blanc dumoment. Mais, trouveront-elles, ces zones,l’association parfaite entre climat, sols etadaptation au terrain qui existe de manièreparfaitement naturelle dans la DO Rueda ?

Le verdejo,un cépage à succèsen pleine expansion

Vignoble, à Belondrade

Page 41: Spain Gourmetour No. 75 (French)

d’obtenir 8 000 kilos de qualitésupérieure. Cependant, pour les vinshaut de gamme, la contrainte liée aurendement doit être supérieure comptetenu qu’il est indispensable d’obtenirune concentration. » L’exemple deProtos occupe une place intermédiaire.C’est l’un des plus intéressants projetsqu’ait mené une bodega de la DORibera del Duero parmi les rares dansla région à avoir parié surl’établissement d’une bodega propredans la DO Rueda. Quant à son jeuneverdejo, qui atteint les 750 000bouteilles, il provient de vignobles quisont âgés de 18 ans en moyenne, avecdes rendements inférieurs à 8 000 kilospar hectare. En revanche, pour leProtos Verdejo Fermentado en Barrica,dont on ne produit que 5 000bouteilles, la vendange est manuelle,avec un rendement de 5 500 à 7 000kilos par hectare, le raisin passant surune table de tri.Belondrade travailleau-dessous de 5 000 kilos par hectare,José Pariente et Bodegas Naia avec unemoyenne de 6 000 kilos pour leursjeunes verdejos ; ceux-là mêmes quisont pris comme référence par Palaciode Bornos pour son Fermentado enBarrica, le pionnier dans la zone pource type de production. Mais il s’avèreplus exigeant pour son Palacio deBornos Vendimia Seleccionada, au styleplus concentré, qui est issu d’unvignoble vieux de quelque 70 ans, etn’est produit que lors des meilleuresmillésimés. Les productions dans lesrares vignobles réellement anciens, quiperdurent dans la zone, sont vraimentfaibles. Et si nous nous déplaçons dansl’univers de vignes préphylloxériques

d’Ossian, parler de rendements s’avèreabsurde dès que l’on examine les solsappauvris des environs de Nieva, avecleurs solennels ceps centenaires. Ils’agit par ailleurs de l’une des raresbodegas qui travaille depuis le débutavec des levures autochtones. SiBelondrade le fait également depuisquelques années, Didier reconnaît qu’ils’agit d’une question complexe vuqu’un suivi de laboratoire importantest obligatoire et que les levures nesont pas les mêmes d’une année surl’autre. Chez Marqués de Riscal, onutilise des levures naturelles pour lesdeux blancs haut de gamme, FincaMontico (élevé en cuve d’acierinoxydable avec un important élevagesur lies) et Limousin (élevé en fût).Luis Hurtado de Amézaga souligne :« Le profil variétal est plus pur etoriginal, mais la fermentation est pluscomplexe car la population de levuresautochtones ne résiste pas toujoursaux basses températures. » Il acommencé à appliquer la sélectiond’une levure autochtone dotée d’unebonne capacité de fermentation à froid,lors de la dernière cuvée 2011.

Levures, fûts,cuves, œufs…La question des levures estparticulièrement délicate dans la DORueda, vu qu’au cours des dernièresannées elle a clairement et nettementinfluencé le style aromatique de vinsqui se sont démarqués en acquérantdes arômes particulièrement puissantset exotiques, plus proches dusauvignon blanc. Pour Didier

39

VIN

Vignobles (région de La Seca)

Page 42: Spain Gourmetour No. 75 (French)

40

VERDEJO

d’élevage du Limousin, ceux-ciavoisinant désormais six mois, tout enoptant pour des tonneaux de 600 et800 litres pour l’élevage. Il est clairque le fût bordelais classique de 225litres est progressivement remplacé pardes formats supérieurs. L’ensemble duparc de fûts de Belondrade s’élève àprésent à 300 litres, et des firmescomme Ossian y José Parienteassocient différents formats quipeuvent atteindre jusqu’à 500 litres.« À l’avenir, la qualité ne passera pasnécessairement par le fût, pourtantj’aime les touches boisés desverdejos », affirme Eulogio Calleja. Ilse rappelle que les anciens blancs dela zone fermentaient dans des foudres,et étaient élevés dans des récipients enbois de grande taille. Son vin blancjeune, Naia, qui avait toujours contenuun petit pourcentage de vin de fût, seprévaut aujourd’hui de 20 % deverdejos issus de cuves en bois. Et cen’est pas tout. José Pariente et Ossians’essaient à des fermentations dans desréservoirs en ciment en forme d’œufsd’une capacité de 1 600 litres.L’échantillon que j’ai eu le loisir degoûter chez Ossian m’a paru d’unepureté notable et très respectueuse duterroir et du cépage. Mariví Pariente,propriétaire de la bodega José Pariente,ira encore plus loin cette année etlancera un nouveau vin élaboré avec ceprocédé. Nommé José Pariente CuvéeEspecial, il offrira une production trèsréduite de 3 000 bouteilles. À cette fin,l’un de ses vignobles favoris a étéchoisi : un vignoble taillé en gobeletd’environ 35 ans situé à La Seca. Il estdonc évident qu’il reste de nombreuses

Belondrade, ce sont les notes de foin etla pointe d’amertume qui définissent àproprement parler le cépage, alors queLuis Hurtado de Amézaga estime que« le verdejo doit respirer le fenouil, lesfleurs blanches et posséder une toucheherbacée ». L’un des œnologuesespagnols les plus reconnus dans lemonde, Telmo Rodríguez, avec desprojets disséminés dans des zonesgéographiques diverses, va encore plusloin et déclare non sans provocation :« Le profil variétal est absurde ; lesgrands vins ne sentent pas le cépage ;nous cherchons à saisir la proximité etle contact avec le sol, ces lieux où leverdejo s’exprime le mieux. » Un peuplus de 10 ans après son arrivée dansla zone pour produire un blanc au bonrapport qualité-prix (actuellement avecune production annuelle de 50 000caisses et 80 % des ventes àl’exportation), Basa a lancé sonpremier verdejo haut de gamme. Etce Transistor, concocté par TelmoRodríguez, reflète une diversité devignobles avec un profil très concret.Leurs raisins se vinifient dans desrécipients multiples : fûts de différentsâges et formats, cuves (grandsréservoirs en bois), acier inoxydable,œufs en ciment… Le résultat dans leverre est harmonieux, complexe etélégant. Et le concept, sans aucundoute, ouvre un champ à la réflexion.Actuellement, les verdejos les pluscotés ont recours à la formule de lafermentation en fût. Mais d’unemanière ou d’une autre, quasimenttous s’efforcent d’adoucir petit à petitla présence du chêne. La bodegaMarqués de Riscal a réduit les temps

Vieille vigne, à la DO Rueda

Page 43: Spain Gourmetour No. 75 (French)

voies pour le travail du cépage verdejo,et au moins une poignée de bodegasenthousiastes et animées par le désir detravailler. La dernière épreuve du feuest la capacité de vieillissement enbouteille de ces vins. Pour TelmoRodríguez, « un vin ne devient bon quelorsqu’il mûrit et perd le caractèrevariétal ; il doit être capable de vieilliren bouteille de cinq à sept ans. » Denombreux verdejos cités dans lereportage passent brillamment le test,trois voire quatre ans après. Mais il estcertain que la trajectoire de la majoritéde ces vins est relativement récente.J’aieu des expériences assez intéressantesavec certaines bouteilles de six et septans d’âge de Palacio de BornosVendimia Seleccionada. Quant à DidierBelondrade, qui peut également seprévaloir d’une histoire un peu pluslongue que celle de ses compagnons de

dénomination, il a une foi absoluedans ses vins blancs : « Je suispersuadé qu’un Belondrade tient huitans, et davantage encore en grandformat. » Et la dégustation verticalecommémorant le quinzièmeanniversaire de la bodega, organisée ily a trois ans à Madrid, lui donneraison. Cet indice est d’ailleurs richeen promesses pour les meilleursverdejos espagnols.

Amaya Cervera est une journaliste

spécialisée dans les vins espagnols. Elle a

été rédactrice en chef de la revue

Sibaritas et membre du comité de

dégustation de la Guía Peñín. Elle a

collaboré avec des publications telles que

Robb Report et travaille actuellement

comme responsable des contenus chez

Todovino. Elle est membre du comité de

dégustation de la Guía Todovino.

41

VIN

Vignoble, à Belondrade

Page 44: Spain Gourmetour No. 75 (French)

42 JANUARY-APRIL 2012 SPAIN GOURMETOUR

Page 45: Spain Gourmetour No. 75 (French)

MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR 43

L’Espagne a cultivé le riz pendant plus d’un millier d’années, depuis lemoment où il fut introduit par les Arabes (711-1492). Il s’ensuit naturellementque le riz, plus versatile que tout autre aliment de base, a été une constantedans la cuisine espagnole traditionnelle. Un peu d’ail, des tomates etn’importe quel légume vert ou légumineuse disponible, et vous obtiendrezun délicieux plat du pauvre ; ajoutez du homard ou des crevettes et ce platsera digne d’une table royale. Un seul mot « paella ! », et vous sereznombreux à en demander. Oui, la paella est sans aucun doute le platespagnol le plus connu, même si le riz et les chefs ont connu un longpassage à vide ces vingt dernières années. Dans les recettes traditionnelleset dans les créations récentes, le riz a été et est encore une grande sourced’inspiration. Le riz fait briller les chefs… et vice-versa !

TexteAnke van Wijck/©ICEX

PhotosAmador Toril/©ICEX

Traduction Françoise Chuffart/©ICEX

RIZ et éclat

Page 46: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Près de 900 000 tonnes de riz par ansont cultivées en Espagne dans huitrégions importantes. Notre objectif icise centrera cependant principalementsur les trois zones possédant uncertificat d’origine, ou plus exactementune dénomination d’origine protégée(DOP) : Calasparra (province deMurcie), Valencia, Delta del Ebro(Tarragone, Catalogne), toutes situéesdans l’Est de l’Espagne, du sud au

nord. Bien qu’il n’y ait pas dedifférence substantielle, chacune deces régions cultive les variétés lesmieux adaptées à son sol et à sonclimat. Pourtant moins de 20 % detout le riz produit bénéficie d’une DOP,car les dénominations ne s’appliquentqu’aux variétés traditionnelles etimpliquent la pleine garantied’homogénéité et de qualité de chaquepaquet numéroté de la DOP. Le riz estprofondément ancré dans la traditionmais il est aussi une nouvelle sourced’inspiration. En effet, lorsqu’il s’agitde préparer un plat de riz traditionnel,chacune de ses versions demandenécessairement des ingrédients locaux,saisonniers et facilement disponiblesd’un point de vue pratique mais aussid’un point de vue gastronomique.Cela exige aussi une approche plusnovatrice car les ingrédients et lesprocédures culinaires ont pris unetournure encore plus créative. EnEspagne, le riz est rarement servicomme garniture, il constitue la partieintégrante d’un plat et il a un rôleimportant dans la qualitéorganoleptique du produit final.

Une variétépionnière Dès 1986, le riz de Calasparra fut lapremière céréale à obtenir une DOPen Espagne. Calasparra est situé àl’intérieur des terres, dans la partienord-ouest de la province de Murcie(Sud-Est de l’Espagne). Le paysage estplutôt rocailleux, avec desaffleurements de roches, couvert depins éparpillés au hasard, et donnant,au crépuscule et à l’aube, l’impressiond’être enveloppés d’un voile bleuâtre sefondant en une image presqueorientale. Qui pourrait s’attendre à ceque cet endroit accueille une vasteétendue de rizières ? Et pourtant lesmarécages de cette vallée arrosée parles rivières Segura et Mundoproduisent déjà depuis plusieurssiècles, grâce à une eau fraîche et purede montagne et à un système decirculation naturelle, un riz d’unequalité largement reconnue. « Seule larécolte s’est mécanisée, mais le systèmed’irrigation et les autres procédésagricoles sont restés pratiquementidentiques depuis les Arabes »,

RIZ

44

DOP Calasparra

www.docalasparra.com (Inglés, español.)

DOP Arroz de Valencia

www.arrozdevalencia.org (Inglés, español.)

DOP Arroz del Delta del Ebro

www.do-deltadelebre.com (Catalán, español.)

Sites web

Bahía Balilla x sollana

Page 47: Spain Gourmetour No. 75 (French)

explique Nati Aznar, historiennereconnue de l’alimentation dont letravail de recherche intitulé : « Le Rizen Espagne : histoire, agricultureet gastronomie », est sur le pointde sortir.Alors que tout le riz produit dans lesrégions des DOP appartient à l’espèceOryza sativa L. sous-espèce Japonica,on y cultive aussi un certain nombrede variétés différentes, bien que lefameux riz Bomba, soit commun auxtrois régions. Il est clair que le rizBomba est la vedette du riz espagnol.Son grain nacré a une teneur élevée enamidon, ce qui confère à ce riz unequalité très absorbante ; grâce à sadureté et à sa structure bienparticulière, le grain ne se rompt pasfacilement, ne devient pas pâteux etconserve sa forme. La variété Bombaest aussi plus délicate, son rendementest plus faible et la structure fragile dela plante exige une manipulationméticuleuse. Cette variété est deuxfois plus chère que les autres riz ronds.Ceci explique aussi l’utilisationfréquente de Balilla x sollana, l’autrevariété de la DOP Calasparra,

spécialement sélectionnée dans le butd’obtenir une plante plus forte et aurendement plus élevé. Ses grainsressemblent au grain Bomba et offrentégalement une excellente absorption,mais ils ont davantage tendance àcoller et exigent donc un regardvigilant et expérimenté au moment desa cuisson. Le Bomba n’étant produitque comme riz blanc, José Ruiz,directeur de l’importante coopérativeVirgen de la Esperanza, explique qu’enréponse aux demandes du marché ilscommercialisent de plus en plus unBalilla x sollana bio complet au grainbrun clair, destiné principalement àl’exportation. « L’export de tous lestypes de riz de Calasparra aconsidérablement augmenté depuis unan et demi », dit Ruiz, et cela sur lescinq continents. Les makis japonaissont préparés avec le BombaCalasparra ! Invités par VanillaVenture, un grossiste néerlandais deproduits gourmands, Ruiz et une petiteéquipe de cuisiniers ont récemmentréalisé trois journées de démonstrationauxquelles étaient présents plus de90 chefs. L’Institut de recherche et de

développement agricole de Murcieainsi que l’université de la villeeffectuent actuellement des recherchespour produire un riz crianza, dequalité, de façon à améliorer certainesde ses propriétés culinaires.À Calasparra, au bout de la belle CalleMayor, vous trouverez l’HospederíaConstitución où la chef Manuela dePaco régale ses clients des quatre coinsdu monde avec les plats de riz les plustraditionnels de Murcie. Ici, le riz n’estjamais appelé paella, mais simplementarroz con pollo, arroz con conejo ycaracoles et arroz viudo (riz au poulet,riz au lapin et aux escargots et rizveuf). Dans cette régionhistoriquement pauvre, le riz avec unmorceau de poulet était le plushabituel, le lapin et les escargots étantréservés au repas du dimanche, et leplus simple « riz veuf » n’était préparéqu’avec de l’ail, des poivrons ñoraséchés, du pimentón (sorte de paprikaespagnol) et des haricots blancs. Ilssont tous absolument délicieux car ilsont un goût léger dû à une couche deriz merveilleusement fine et à unecuisson al dente.

ESSENTIELS

45

Balilla x sollana semi-intégral Balilla x sollana intégral

Page 48: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Pour se faire une idée plus novatricedu riz de la région de Murcie, unevisite au restaurant El Olivar, dans lapetite ville de Moratalla, estincontournable. Firo Vazquez, est lechef propriétaire et l’un des raresgourous de la gastronomie de cetteprovince, expert, entre autres, de laréinterprétation créative des plats deriz traditionnels : un riz brun clairlégèrement noisette, couronné delégumes et de tranches grillées aufromage de Murcie, au gingembrefinement râpé ; ou son savoureux rizau lapin et aux champignons sauvages.

RIZ

46

A partir de maintenant, cherchez le labelPaella Valenciana Tradicional con DOPArroz de Valencia. Même si lesingrédients peuvent varier selon l’endroitet la saison pour cette paellaréglementée, dans toutes devraient êtreprésents ces dix ingrédients : huiled’olive, poulet, lapin, tomates fraîchesmures, ferraura et garrafó (haricots vertsplats et haricots longs blancs), eau, sel,safran et, bien sûr, du riz de la DOP Arrozde Valencia. Il existe un certain nombrede variantes régionales et saisonnièresqui sont acceptées, comme le canarddans la zone de l’Albufera, les artichautsde la DOP Benicarló, la variété de haricotTavella, typique de la région, les vaquetas(des escargots de montagne), dupimentón, de l’ail ou du romarin frais. Ilest très probable que vous n’aurez pasde bois de citronnier ou d’oranger pourallumer le feu mais cela ne vousempêche pas de tenter votre chance.

Et la vraiepaella est…

Bahía

Balilla x sollana

Balilla x sollana semi-intégral

Balilla x sollana intégral

Bomba

Même si vous avez du mal, essayez degarder une petite place pour le dessert.Vázquez sert un riz au lait (arroz conleche), l’un des desserts espagnols lesplus typiques, le sien est un puddingde riz très léger, fourré avec des éclatsde biscuits secs croustillants frits aumiel. Pendant quelques minutes vousserez transporté dans l’univers desMille et une nuits. Devant un tel succès, la firme localeProbicasa a pris le train en marche eta lancé un pack pratique de deuxboîtes, l’une contenant les ingrédientset le bouillon, et l’autre, plus petite,150 g de riz Calasparra. Il ne manqueplus qu’une poêle, un peu d’eau, dusel, 20 minutes de votre temps et vousallez en épater plus d’un !

Paella valencienneet bien plusNous allons maintenant nous rendreà 250 km au nord-est de la région deCalasparra, sur la côteméditerranéenne. Là, vous avez à pertede vue les fameuses orangeraies de laprovince de Valence, un paysage quis’étend sur les marécages de l’Albufera.C’est dans ce parc naturel, situé ausud de la ville de Valence, où estcultivé le fameux riz de l’Albufera,région qui est considéré comme leberceau de la paella. La paella valenciana est sans aucundoute le plat espagnol par excellence.Il est vrai que ce plat a souvent été malinterprété autant ici qu’à l’étranger, et

Page 49: Spain Gourmetour No. 75 (French)

ce n’est un secret pour personne qu’iln’a pas toujours répondu à ce qu’onétait en droit d’en attendre. C’estpourquoi un groupe de chefs et derestaurateurs de la région de Valence,s’en sont inquiétés : dirigés par RafaelVidal, propriétaire du restaurantlégendaire Levante à Benisanó, etsoutenus par des éminences de lagastronomie comme Adrià, Arzak,Ruscalleda ou Subijana, ils ont prisl’initiative de réglementer ce platemblématique et de demander lecertificat de qualité de manière à êtreenregistré sous les auspices de la DOPArroz de Valencia. Cette dénominationdevrait être accordée cette année.Quiconque veut maintenant proposerla paella valenciana sur sa carte, doitse conformer à un certain nombre deconditions (voir encadré p. 46 Et lavraie paella est…).Santos Ruiz, le directeur du conseilrégulateur de la DOP Arroz deValencia, à Sueca (siège du concoursinternational annuel de paella), le ditclairement : « Nous ne cultivons quedes variétés traditionnelles. » Outrela variété Bomba, la DOP Arroz deValencia protège les deux autresvariétés les plus courantes : Bahia (trèsressemblante à Bomba), et Senia, quioffrent un meilleur rendement et sontdonc moins coûteuses, maissupportent également moins bien lesexcès de cuisson. Cependant, grâce àune recherche en cours, une nouvellevariété développée récemment appeléeAlbufera, y fut incorporée. Elle offre

l’onctuosité de Bahia et de Senia, maisavec une résistance proche du rizBomba. Cette nouvelle variété a déjàfait des adeptes parmi les chefs.Pourtant, selon Ruiz, l’emploi de lavariété Bomba connaît une croissanceabsolument impressionnante, tantdans les foyers que dans lesrestaurants. « Il y a de plus en plusde gourmets qui, contrairement àbeaucoup de maîtresses de maison,font moins attention au prix »,explique-t-il, « et les cuisiniers, plusparticulièrement, dans des opérationsà plus large échelle, peuvent êtremoins regardant ; Bomba est alors lemeilleur enjeu pour un bon résultat. »Et ceci est aussi valable pour l’export.

47

Castille-La

Manche

Com

mun

auté

valencienn

e

Catalogne

Gleva

Montsianell

Senia

Tebre

Page 50: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Tebre Senia

La production de riz complet est icianecdotique. Et Ruiz ajoute : « Cela necorrespond tout simplement pas à latradition. »Ce qui est vraiment traditionnel estd’aller manger une paella sur lamagnifique plage de la Malvarrosa,dans la zone portuaire de Valence oùse trouvent une vingtaine derestaurants. On peut éventuellementvisiter avant le musée du riz qui esttout proche. Près de l’hôtel 5 étoiles,Las Arenas, se trouve La Rosa, unrestaurant fondé en 1925 et conservéen l’état. Dans une cuisine ouverte, surun énorme fourneau en fonte alimentéau charbon, Julio Saura sort sessplendides paellas très variées qui, enfin de cuisson, sont passées deuxminutes au four, et plusieurs versionsde son copieux arroz caldoso (riz

juteux) et arroz meloso (riz mielleux).Évidemment, l’élément le plusimportant est le poisson qui arrivedirectement de la halle (lonja) juste àcôté et qui mérite une visite vers les5 heures de l’après-midi, quand lesbateaux entrent dans le port pour ylaisser leur précieux chargement. Valence est aujourd’hui une villepassionnante et éclectique qui devraitfaire partie de la route de tous lesamoureux de l’Espagne. Elle combineavec bonheur la tradition et latechnologie de pointe, l’architecture etla culture moderne, ainsi qu’unegastronomie délicieuse et très variée.S’il y a un endroit à ne pas manquerc’est Riff, un agréable petit restaurant1 étoile au Michelin, géré par le chefBernd Knoeller. Vous l’avez deviné,Knoeller est Allemand. Formé dans la

Forêt Noire et en Italie, il est venuvisiter Valence il y a presque 20 ans etil a décidé d’y rester. « Je n’ai pas degrand-mère valencienne et j’ai dûtravailler dur », explique-t-il, « cettecuisine a grandi en moi et, sansexagérer, 95 % de mes ingrédientsviennent d’ici. » Le riz est de plus enplus présent sur sa carte. Après leschips au riz Bomba croustillant et auxalgues, Knoeller vous séduit avec desplats apparemment simples maisfinalement complexes comme le rizAlbufera aux huîtres du Delta, letraditionnel arroz « brut », préparéavec une incorporation progressived’huile d’olive vierge extra de Gaudielavec une poudre d’intestins de seichedéshydratés, un mélange de riz et delégumes avec du lard Ibérico frais ettransparent ou du riz à la volaille avec

RIZ

48

Page 51: Spain Gourmetour No. 75 (French)

de fines lamelles de truffe noire deSarrión. En un mot, c’est à ne pasmanquer !

Une terrebien à soiA quelque 200 km au nord, dans laprovince de Tarragone où l’Èbre, leplus grand fleuve d’Espagne, déverseses eaux généreuses dans laMéditerranée, nous nous trouvonsdevant le Delta del Ebro et sa réservenaturelle, un autre écosystème quisurvit grâce à la culture du riz. « Lesrizières sont essentielles à laconservation et à la survie de cesmilieux humides », dit Ignasi Ripoll,qui dirige une exploitationexpérimentale de riz écologique, RietVell, pour SEO/Birdlife (Association

espagnole d’ornithologie) financé enpartie par la vente de riz bio.La DOP Arroz Delta del Ebro protègeégalement un certain nombre devariétés (Bahia, Bomba, Fonsa, Gleva,Montsianell, Senia et Tebre). Sadirectrice, Teresa Moya, expliquequ’outre la fameuse variété Bomba onpeut trouver sur le marché l’excellentevariété Gleva extra, moins onéreuse,principalement produite sur la rivegauche de l’Èbre et commercialiséepar Arrossaires del Delta et la variétéMontsianell extra, produite etcommercialisée sur la rive droite parCámara Arrocera del Montsià. En cequi concerne la consommationcroissante de riz et de ses produitsdérivés, Moya souligne unecaractéristique importante du riz :contrairement aux autres céréales, le

riz ne contient pas de gluten. AngelinaSancho, la jeune et très passionnéeresponsable de l’export de Arrossaires,explique que 17 % de leur productionest destinée à l’exportation,principalement vers l’Europe de l’Estet le Moyen-Orient. En effet lacommercialisation du riz espagnol estde plus en plus internationale : Angelinase prépare d’ailleurs à partir en missioncommerciale en Afrique de l’Ouest.À quelques kilomètres de là, se trouveMas Prades, une construction typiqueblanchie à la chaux et récemmentréaménagée depuis peu comme petithôtel-restaurant où le chef Marc Curtos’occupe de la cuisine. Il s’intéresseparticulièrement à la réhabilitation devieilles recettes et de leur redonner vie,grâce à de nouvelles textures et denouvelles présentations. Le résultat est

ESSENTIELS

49

Gleva Montsianell

Page 52: Spain Gourmetour No. 75 (French)

encore un village de pêcheurs quiapprovisionnent quotidiennement lesrestaurants locaux comme le Sol. Ici,au premier étage, surplombant la merargentée, avec pour horizon la rive siparticulière du Delta, Mari Tere secharge du service en salle et sa fille,Teima, s’occupe de la cuisine, commele firent dans le passé sa mère et sagrand-mère. Parmi les platstraditionnels, comme le fabuleux arroz

negro (riz noir préparé à l’encre decalmar), elle prépare à la perfectionl’arrossejat, plat typique de pêcheurautrefois cuisiné à bord des bateaux.On le prépare en faisant bouillir unmorceau de poisson avec des pommesde terre. On le consomme assaisonné

RIZ

50

un délicieux riz mielleux aux galeras

(écrevisses locales) et aux artichautscultivés localement ou sa timbale debaldana (boudin farci au riz).Naturellement, Curto est un ferventpartisan du concept Slowfood et y abien sûr présenté sa candidature. « Icinous avons la mer, la montagne, desrivières, des vergers et des potagers,alors pourquoi chercher ailleurs ? »dit-il. La belle Ana et son frère Luisgèrent la Granja Luisiana, uneexploitation agricole où se fournit Marcen canards et foie de canard ; l’un desassociés de Marc lui fournit le poissonet les fruits de mer, surtout le fameuxostrón del Delta (une délicieuse huîtrelocale à la forme noueuse) ; il

l’approvisionne aussi en anguille localefraîchement fumée provenant de laferme Roset ; et c’est de la boucheriefamiliale Del Paulo que le boudinbaldana vient tous les jeudisfraîchement préparé. Ils représententcette nouvelle génération qui, tout enrestant attachée au terroir, reste ouverteaux possibilités d’affaires et decroissance qui ont considérablementaugmenté grâce à Internet, Facebook,Twitter et autres blogs… ils savent seservir de tous les moyens pour donnerdes ailes à leur négoce.Là où les rizières rencontrent laMéditerranée, se trouve L’Ampolla,baptisée « porte du Delta ». Bien quetrès recherché par les touristes, c’est

Le défi de tout cuisinier amateur ouprofessionnel est de connaître la proportionriz-liquide. Quel que soit le résultat final :sec, style paella, mielleux (meloso), oudans son jus (caldoso), cuit au four (alhorno) ou avec une croûte (con costra), laqualité dépend du rapport entrel’absorption souhaitée des saveurs et laconsistance finale. La tâche n’est pasaisée, particulièrement lorsque SantosRuiz, un cuisinier renommé et consultant,insiste sur le fait que l’eau se comportedifféremment selon l’altitude, le climat, lapression atmosphérique, la sourcespécifique de chaleur (bois, gaz, four

électrique, etc.) et l’intensité choisie, le typede récipient, la distance de la source dechaleur et naturellement le type de riz. Ilest, sinon impossible, difficile de contrôlercertains de ces facteurs, d’autres, dontvous tirerez profit, le sont moins.

Voici cependant quelques indicationsessentielles :

- Bomba : environ 3 volumes de liquidechaud (eau ou bouillon) pour un de riz avecun temps de cuisson d’environ 20 minutes.

- Pour toutes les autres variétésmentionnées : environ 2,5 volumes deliquide chaud pour 1 volume de riz avec un

temps de cuisson de 17 à 18 minutes.

- Il est généralement recommandé deretirer le riz de la source de chaleur et de lelaisser reposer 2 à 5 minutes, en fonctionde la consistance finale souhaitée.

- Il n’est pas nécessaire de rappeler queles grains de riz, en particulier ceux desvariétés Japonica, doublent ou triplent devolume au cours du processus de cuisson,et que la couche supérieure doit être trèsfine. « Chaque grain de riz a besoin de sonespace pour absorber les saveurs »,rappelle Teima, du restaurant Sol.

Les proportions riz-liquide

Page 53: Spain Gourmetour No. 75 (French)

en le saupoudrant d’amandes grilléesfinement moulues, d’ail, d’huile d’olive,de pimentón (sorte de paprika espagnol)et d’une goutte de vinaigre. Le bouillonest utilisé pour cuire le riz. Le termearrossejat évoque le riz légèrement fritdans un simple sofrito d’oignon, d’ail etde safran, jusqu’à ce qu’il prenne unebelle couleur dorée. C’est à ce moment-là que le bouillon est versé sur le riz etvous serez plus qu’impatients dedéguster cette paella dorée.

À vous de jouerDu fait que l’Espagne, au cours desvingt dernières années, a acquis etconsolidé une position de premierordre dans la gastronomie mondiale, les

grossistes et les détaillants spécialisésdans les produits alimentairesespagnols se trouvent maintenant dansla plupart des grandes métropoles,généralement annoncées sur Internet etoffrant un large éventail de spécialités.Vous y trouverez bien sûr les différentesvariétés de riz espagnol, souventprésentées dans de jolis sacs de toile.Même s’il vous est évidemment possiblede briller avec éclat en préparant un rizexcellent, il est toujours préférable dese rendre sur place, pour voir et goûtervous-même. Rien de mieux pour celaque le mois de mai, lorsque les champsinondés reflètent le bleu vif du ciel, oule mois de juin, lorsque les brisesdouces caressent les immenses

étendues vert pâle et que les marchéssont bondés de tendres légumes etd’autres produits frais. Dorénavant,quand vous penserez à la paella,pensez aussi au riz !

Anke van Wijck Adán est sociologue etpossède un master en gastronomie del’Université de Boston. Ses articles sontpubliés dans The Boston Globe.

Visitez notre webwww.foodsfromspain.com, où voustrouverez, dans la sectionProducts & Recipes, une informationdétaillée sur les différents produitsespagnols (en anglais).

51

Bomba

Page 54: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 55: Spain Gourmetour No. 75 (French)

53

ESSENTIELS

* Pour en savoir plus sur cechef, voir Portrait, page 72

RIZ AU FOURDans les fermes d’autrefois, par soucid’économie, on n’allumait le fourqu’une fois par semaine et on enprofitait pour confectionner denombreux produits, tels que le pain,les rôtis, le riz, les pâtisseries etmême les conserves grâce à la chaleurrésiduelle du four une fois éteint. Iln’existe pas une recette unique de rizau four, car les ingrédients varientselon la partie de la province deValence dans laquelle on le déguste.Certains rajoutent même un œufbattu en fin de cuisson pour élaborerce que l’on appelle l’Arroz en costra,ou riz en croûte.

POUR 10 PERSONNES Pour le bouillon : 1,5 kg de travers de porc ;

4 pieds de porc ; 2 oreilles de porc ; 400 g de

navets ; 300 g de pois chiches (mis à tremper

la veille au soir)..

Pour la garniture : 3 butifarras (saucisse

sèche catalane) à l’oignon ; 700 g de travers

de porc ; 10 pieds de porc ; laurier ; poivre ;

sel.

Pour le riz : 2 l d’huile d’olive ; 1 gousse d’ail ;

250 g de pommes de terre en rondelles ; 200

g de tomates en rondelles ; 250 g de navets

en morceaux ; 900 g de riz de la variété

Balilla x sollana, de la DOP Calasparra.

BouillonPlacer tous les ingrédients dans unfaitout, sans oublier d’introduire lespois chiches dans un filet, recouvrird’eau et laisser bouillir à feu douxpendant 90 minutes. Passer lebouillon et le mettre de côté. Lespois chiches également.

GarnitureDécouper la butifarra en rondelleset mettre de côté. Placer les traversde porc dans des sachets de cuissonet les faire cuire à 65 ºC pendant14 heures. Une fois ce temps écoulé,désosser et mettre de côté. Fairecuire les pieds de porc avec lelaurier, le poivre et le sel ; désosser,placer dans un moule rectangulaireet mettre de côté.

Riz Verser l’huile d’olive dans un faitouten terre cuite et y faire revenir l’ail,les pommes de terre, les navets etles tomates. Retirer les ingrédients etfaire revenir le riz. Lorsque celui-ciest bien rissolé, ajouter le mélangede pommes de terre, navets, ail ettomates, ainsi que les pois chichesdu bouillon. Ajouter ensuite le riz etle double de bouillon que de riz,puis mettre au four à 185 ºC

pendant 23 minutes. Au bout de15 minutes au four, ajouter letravers, les pieds et la butifarra aprèsles avoir passés sur la plancha.

PrésentationLe riz au four se présentedirectement dans le faitout. Pourdes portions individuelles ou unfaible nombre de convives, on peututiliser des cassolettes en fonte.

Temps de cuisson 14 heures et 80 minutes

Temps de préparation 20 minutes

Vin recommandéFinca Terrerazo 2009, des bodegasMustiguillo (Vino de la Tierra ElTerrerazo). L’auteur de ce vin, ToniSarrión, met en relief lesremarquables qualités du cépagebobal. La trame de ce vin est unealliance de puissance et d’une bellecharpente. L’élevage de 18 mois enfût de chêne français lui apporte destanins charnus et doux quiproduisent une note finale éléganteet équilibrée.

Les vins ont été choisispar Julio Biosca, chef desalle et sommelier de JulioRestaurant

Photos recettesToya Legido/©ICEXet Tomás Zarza/©ICEX

TraductionSynonyme.net/©ICEX

José LuisUngidos *

(Arroz al horno)

Page 56: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 57: Spain Gourmetour No. 75 (French)

55

ESSENTIELS

Dans les fermes de l’intérieur de laprovince de Valence, pour subsisterdurant les rudes hivers, on cultivait deslégumes et on sacrifiait le cochon.Ainsi, avec les produits des champs etla viande du porc, on préparait un rizonctueux dont l’ingrédient principalétait la tige d’artichaut.

POUR 10 PERSONNES Pour 7 l de bouillon : 150 g d’huile d’olive

vierge extra ; 150 g d’échine ou de travers de

porc ; 125 g de lactaires poivrés (Lactarius

piperatus) ; 15 brins de safran ; 25 g de farine

de tomate ; 75 g de tomates séchées ; 300 g

de navets ; 600 g de tiges d’artichaut ; 225 g

de pieds de porc ; 550 g de haricots blancs

(mis à tremper la veille au soir).

Autres : 700 g de travers de porc ; 700 g de

fanon de porc ; 10 pieds de porc ; sel Maldon ;

700 g de riz de la variété Senia, de la DOP

Arroz de Valencia ; laurier ; poivre ; sel.

Finition : 70 g de lactaires poivrés ; 20 g de

tomates séchées ; 4 brins de safran ; 75 g de

navets en dés ; 125 g de tiges d’artichaut en

dés ; sel.

Farine de tomateBlanchir les tomates, les peler etmettre la peau à déshydrater à 70 ºC.Une fois entièrement déshydratée,mixer jusqu’à obtenir de la farine detomate.

Tomates séchéesCouper en quarts les cœurs destomates blanchies et pelées pourélaborer la farine de tomate, et lesdéshydrater à 70 ºC sur un papierantiadhésif.

BouillonFaire revenir dans l’huile d’olive lestravers ou l’échine de porc. Quandla viande commence à dorer, laretirer du feu et la mettre dans unfaitout. Ajouter les lactaires, le safran,la farine de tomate, la tomate sèche,les navets, les tiges, les pieds de porcet les haricots que l’on aura mis dansun filet. Couvrir le tout d’eau etlaisser cuire 3 heures, en veillant àce que l’ébullition ne soit pas tropforte pour que le bouillon ne soitpas trouble. Passer le bouillon et lemettre de côté.

RizPour l’élaboration du plat, onemploie la méthode de cuissoninterrompue : ajouter 125 g de rizpar litre de bouillon. Après uneprécuisson de 8 minutes dans lebouillon, égoutter et refroidir le rizle plus vite possible. Conserver leriz dans un récipient hermétique48 heures maximum.

Pieds de porcFaire cuire les pieds de porc avecle laurier, le poivre et le sel.Désosser et placer dans un moulerectangulaire. Une fois moulé,couper 10 morceaux et mettrede côté.

Travers et fanon de porcPlacer les travers et le fanon deporc dans des sachets de cuissonet les faire cuire à 65 ºC pendant14 heures. Une fois ce tempsécoulé, désosser les travers etretirer la couenne du fanon.Couper 10 morceaux de traverset 10 de fanon. Mettre de côté.

FinitionFaire revenir les lactaires, la tomateséchée et les brins de safran, puisajouter une partie du bouillon etporter à ébullition, ajouter lesnavets et les tiges d’artichaut,porter à ébullition de nouveau,ajouter le riz et laisser cuire4 minutes. Pendant la cuisson,ajouter peu à peu du bouillonchaud pour que le riz soitonctueux (type risotto). Saler sinécessaire.

Présentation Servir du riz dans une assiettecreuse et disposer sur le riz unmorceau de pied de porc, unmorceau de travers et un morceaude fanon, puis une pincée de selMaldon.

Temps de cuisson 17 heures

Temps de préparation 45 minutes

Vin recommandéUno 2009 (DO Valencia), desbodegas Rafael Cambra. Ce rougeélaboré à partir du cépagemonastrell et vieilli durant 14 moisconjugue à la perfection lescaractéristiques de ce cépage, de laterre où sont cultivés les vignes etdu climat méditerranéen. Sa robe,sa structure et son passage enbouche allient puissance et fruité,ce qui en fait le compagnon idéalde ce riz onctueux.

RIZ ONCTUEUX(Arròs amb penques o arroz caldoso)

Page 58: Spain Gourmetour No. 75 (French)

56

RIZ

Deux plats de riz au poissonclassiques de la communauté deValence, l’arròs del senyoret (riz aupoisson et aux fruits de mer sanscarapaces, arêtes ou cartilages) etl’arroz a banda (riz cuit avecdifférents types de poisson). Nousnous sommes inspirés de ces deuxrecettes traditionnelles pour créer unplat moderne, agrémenté de certainséléments créatifs comme la glace àl’encre de calmar.

POUR 10 PERSONNES Pour le bouillon : huile d’olive vierge extra ;

2 oignons ; 4 carottes ; 2 poireaux ; 3 kg de

poisson pour bouillon ; 4 l d’eau.

Pour la base du riz (sofrito ou salmorreta) :

1,5 l d’huile d’olive ; 3 gousses d’ail râpées ;

75 g de ñoras (poivrons rouges séchés) ;

50 g de pimentón (sorte de paprika espagnol)

rouge ; 10 brins de safran ; 350 g de tomate

râpée.

Pour la glace à l’encre de seiche et de

calmar : 1 oignon ; 1 poivron vert ; 1 gousse

d’ail ; 300 g de morceaux de seiche et de

calmar ; encre de seiche et de calmar à

volonté (la glace doit être complètement

noire) ; 1,5 l de vin rouge ; 1,5 l de bouillon

de calmar et de seiche.

Pour le riz : 250 g d’huile d’olive vierge extra ;

250 g de seiche fraîche coupée en dés ;

250 g de tentacules de calmar frais en dés ;

150 g de queues de crevette décortiquées ;

150 g de chair de moule de roche ; 900 g de

riz de la variété Bomba de la DOP Arroz del

Delta del Ebro.

Autres : 250 g de calmar frais roulé, à

découper sous forme de nouilles ; 10 gambas

rouges ; gros sel.

BouillonFaire revenir les légumes. Lorsqu’ilscommencent à dorer, ajouter lepoisson et recouvrir d’eau. Laissersur le feu environ 20 minutes, enveillant à ce que l’ébullition nesoit pas trop forte. Passer et mettrede côté.

Sofrito ou salmorretaChauffer l’huile et y faire revenir l’ail,ajouter le poivron rouge haché, lepimentón et les brins de safran. Fairecuire 2 minutes à feu très doux etajouter la tomate râpée. Laisser cuirele tout 15 minutes à feu doux.

Glace à l’encre de seicheet de calmarCouper en brunoise l’oignon et lepoivron vert. Faire revenir à feudoux l’oignon, le poivron et l’ail,ajouter les morceaux de seiche et decalmar, déglacer au vin rouge etlaisser réduire pour faire évaporer leplus d’alcool possible. Mouilleravec le bouillon de calmar et deseiche jusqu’à couvrir lesingrédients. Laisser sur le feuenviron 20 minutes, en veillant quel’ébullition ne soit pas trop forte,puis ajouter l’encre en écumant defaçon continue. Saler si nécessaireet verser dans des bols Pacojet. Unefois congelé, mixer jusqu’à obtenirun mélange très crémeux.

RizFaire revenir la seiche et lestentacules de calmar frais. Ajouter leriz et laisser cuire à feu moyen.Ajouter la salmorreta puis le bouillonen ébullition (proportion : 1 part de

riz pour 2 de bouillon), remuerpendant les 5 premières minutes etlaisser cuire 15 minutes de plus sansremuer. Au bout de 18 minutes decuisson, ajouter les queues decrevettes et les moules de roche. On fera griller les crevettes rouges surune plancha recouverte de gros sel(compter environ 4 minutes par côtépour une crevette de taille moyenne).

PrésentationMettre le riz dans un moulerectangulaire sans presser, pour quele riz se détache, puis disposer lesnouilles de calmar, les crevettes et,juste avant de servir le plat, la glace àl’encre. Décorer tout autour avec unpeu de farine de tomate.

Temps de préparation 1 heures 15 minutes

Vin recommandéTrío Infernal nº 0/3 2010 (DOCaPriorat), des bodegas CombierFischer Gerin. Ce vin blanc élaboréavec les cépages garnacha blanca etmacabeo, tirés de vignes de plus de40 ans, offre une remarquableintensité aromatique et un passage enbouche intéressant, avec unesensation d’union parfaite entrel’élevage de 12 mois en fût de chênefrançais et les notes minérales dessols d’ardoise, ainsi que lecaractère chaleureux de l’étéméditerranéen. Un accompagnementparfait pour ce plat.

RIZ SEC au poisson et aux fruits de mer

(Arroz seco de pescado y mariscos)

Page 59: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 60: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 61: Spain Gourmetour No. 75 (French)

PAIN

Le pain est sans aucun doute un aliment de base en Espagne mais il n’acependant pas toujours été considéré comme un bon aliment. Or, le vrai bonpain est devenu très tendance, dit Paul Richardson.

L’heureux retour du paintraditionnel espagnol

La belle croûte du

Page 62: Spain Gourmetour No. 75 (French)

TEXTEPAUL RICHARDSON/©ICEX

PHOTOSAMADOR TORIL/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

PAIN

Page 63: Spain Gourmetour No. 75 (French)

61

Le pain est la pierre angulaire del’alimentation occidentale. Pendantdes siècles, dans la consciencepopulaire, le pain était pratiquementsynonyme de nourriture. Pas étonnantpuisque le pain, avec un petit quelquechose dessus, était essentiellement cequi nourrissait les populations.La place centrale du pain dans laculture espagnole est évidente, mêmedans la langue. Des dizaines dedictons, d’expressions et de poèmesévoquent le pain d’une façon ou d’uneautre, révélant sa place privilégiée dansla culture populaire. Plus de centcinquante proverbes sur le pain ont étédénombrés et mettent en valeur lesparticularités de la nourriture et de lavie espagnole.L’importance du pain dans l’histoirede l’alimentation espagnole se reflèteégalement dans le fait qu’il est utilisédans la préparation de nombreux platset l’utiliser comme ingrédientreprésente presque un sous-genregastronomique en soi. Beaucoup desoupes épaisses et de ragoûts utilisentdu pain rassis : le gaspacho, cettesoupe froide préparée avec destomates, des poivrons doux, duconcombre et du pain, et parfumée àl’ail et au vinaigre ; les sopesmallorquines — ces soupesmajorquines de légumes, versées surde fines tranches de pain sec ; et lasopa de ajo — la soupe à l’ail espagnoleavec du pain — n’est pas en reste !sans oublier les migas (ce pain rassisémietté humidifié et doucement mijotédans de l’huile ou du lard et unevariété d’ingrédients doux ou salés),extrêmement populaires dans unegrande partie de l’Espagne rurale.L’utilisation du pain pour épaissir les

sauces est particulièrement fréquentedans la cuisine catalane. Quant auxdesserts : les torrijas, faites de tranchesde pain imbibées de lait et trempéesdans de l’œuf battu puis frites à l’huiled’olive, auxquelles on ajoute ensuitedu sucre ou du miel et qui sontsouvent aromatisées à la cannelle.Les touristes parlent souvent de laprésence du pain sur les tables et surles comptoirs des bars espagnols, ainsique des dîners avec un morceau depain dans une main et la fourchettedans l’autre. En cela et dans d’autresaspects de la nourriture espagnole,les apparences peuvent cependant êtretrompeuses. En effet, la relation aupain est devenue de plus en plusdifficile. Naguère, l’Espagne était l’undes plus gros consommateurs d’Europe :en 1964, la consommation annuelleétait de 134 kilos par habitant. En2009, ce chiffre était tombé à 40 kilospar personne et par an, faisant del’Espagne le consommateur de painle moins enthousiaste de l’Unioneuropéenne. Pourquoi en est-il ainsi ?C’est là une question complexe liée àl’évolution des modes de vie et à l’idéecommune (bien qu’erronée) que lepain fait grossir. Dans un pays où,pendant des siècles, manger degrandes quantités de pain était unecompensation à l’absence d’autresdenrées alimentaires, le pain estsouvent considéré de nos jours,comme le support d’autres produitsbien plus appétissants et plus luxueux. Le pain a donc perdu sa positiondominante dans la culture alimentairenationale. Dans le même temps, saqualité gastronomique a eu tendanceà diminuer. De plus, une grande partiedu pain consommé aujourd’hui est un

produit industriel et hautementtransformé, ce qui est peu intéressanten termes de saveur ou de texture.(L’avènement du pain précuit, venducongelé, a permis que le paindit « sorti du four » puisse être vendudans des établissements comme lessupérettes ou les stations-service quiignorent tout de sa cuisson. À la mêmepériode, les variétés traditionnelles onttenu le coup et le nombre de « painsspéciaux », offerts sous une infinité deformes et de tailles, a incroyablementaugmenté. En Espagne, le pain achangé de statut : il a pris du galonet semble déterminé à triompher dansle monde privilégié des produitsgourmands.

Le painen valait la peineAprès des décennies où il futgénéralement sous-évalué, le painréapparaît sur scène, mais cette fois,comme un produit gourmand auriche potentiel gastronomique. Pourdonner un exemple de cette tendance,Madrid Fusion, le prestigieux saloninternational de la gastronomie, aconsacré dans ses éditions de 2011 et2012, une partie de son programmeau pain — notamment commeélément de base de la restauration.Au salon de cette année, un consensussemble s’être dégagé sur le fait qu’enEspagne les restaurants sont enfin entrain de s’éveiller aux possibilitésoffertes par le pain artisanal, et leschefs choisissent de plus en plus soitde faire leur propre pain, soit dedépendre des services d’un maîtreboulanger de confiance. Les chefs

ESSENTIELS

À gauche, pain de Neda.À droite, pa moreno de blat xeixa.

Page ci-contre. De haut en bas et de gauche à droite : pain de Alfacar, painde Valladolid (lechuguino), pain de Neda, pain de Alfacar (rosca, barrapequeña et hogaza), pain de Cea, pa de pagès català (pain de pagès) et pa moreno de blat xeixa.

Page 64: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Oriol Rovira d’Els Casals (1 étoile auMichelin), Jordi Roca du Celler de CanRoca (3 étoiles au Michelin) etl’artisane-boulangère de renom, AnnaBellsolà (boulangerie Baluard), sonttous d’accord pour dire que les painsproposés dans les restaurantspourraient et devraient correspondredavantage aux différents plats ; chaqueplat correspond effectivement à unevariété de pain. Lors du saloninternational qui avait eu lieu un anauparavant, un atelier fascinant futtenu par Daniel Jordà, un membre dela troisième génération d’une famillede boulangers installée à Barcelonedepuis 1927. Jordà, un phare pour lajeune révolution du pain en Espagne,dit que sa mission consiste à« développer une nouvelle orientationdans le secteur de la boulangerie, à sedébarrasser de l’image ennuyeuse etinsignifiante qui est devenue la sienneau cours de ces dernières années, et àredonner au pain sa dignité et saqualité ». Dans sa boulangerie,« La Trinidad », Daniel Jordà récupèredes recettes traditionnelles de pain aulevain à fermentation longue, tout enproposant des recettes innovantescomme le pain aux olives et des panesde autor (pains d’auteur) originauxqui présentent des combinaisonsinhabituelles de pain au chocolat blancet à la fraise, au wasabi, au melon etaux produits ibériques.Avant de nous tourner vers l’avenir, ilnous faut redécouvrir ses origines. Ence qui concerne les pains traditionnels,il est clair que l’Espagne en possèdeune grande variété. Et lescaractéristiques régionales perdurentencore dans les différents pains, si

nous nous penchons de plus près.La Castille (Centre de l’Espagne) est,historiquement, le berceau du paincandeal. Le terme fait référence à lavariété de blé appelée aussi candeal,qui a une faible teneur en humiditéet moins de gluten qu’à l’accoutumée.La pâte du pain candeal était souventétirée et non pas pétrie, et on ne lafaisait monter qu’une seule fois,produisant un pain dense, compact,à la croûte épaisse et dorée. Le paincandeal était et est toujours trèsapprécié dans les provinces de Zamoraet de Valladolid d’où il est originaire,mais on le trouve aussi enEstrémadure, en Andalousie et enCastille-La Manche. (Madridtienemiga,le blog fascinant des fabricants depain, recommande le pain candealtraditionnel encore élaboré parLa Mari dans sa boulangerie de lapetite ville de Ruidera — Centre-Sudde l’Espagne —, située près des belleslagunes d’eau douce de Ruidera.)D’autres pains traditionnels de typecandeal sont le bollo sevillano, la telerade Cordoue et les fameux panes deValladolid (pains de Valladolid). Cesderniers ont une histoire remarquable.Elaborés depuis le IXe siècle, ils firentla joie de l’empereur Charles-Quint(1500-1558) qui en emporta avec luila recette lorsqu’il quitta Valladolid(Nord-Ouest de l’Espagne) pour seretirer dans le monastère de Yuste,situé dans la région de La Vera(Cáceres). Le plus connu de ces painscandeal classiques de Valladolid est lelechuguino — ainsi nommé à cause descercles concentriques dessinés sur lacroûte et lui donnant l’apparence d’unefleur ou d’une laitue. Ce pain est rond,

plat, avec quatre ou cinq bordssurélevés formant un carré ou unpentagone autour de sa surface, et sacroûte est lisse, mate et dorée.Le pain lechuguino ne possède encoreaucune protection officielle de produittraditionnel — contrairement à unautre pain candeal espagnol important,le Pan de Cruz de Ciudad Real. Ce painexceptionnel fut le deuxième àbénéficier en 2009 d’une indicationgéographique protégée (IGP) : IGP Pande Cruz de Ciudad Real. Ce pain estconnu depuis le XIIIe siècle, lorsque larégion autour d’Almagro et deManzanares (deux villes du Centre-Sud de l’Espagne) était dominée parl’ordre religieux et militaire deCalatrava (fondé en 1158). À cetteépoque et jusqu’à récemment, laprovince de Ciudad Real fut un grandproducteur de céréales y compris deblé candeal, et le Pan de Cruz est trèslié à la cuisine de La Manche.Les migas, les tostas (tranche de painavec un ou plusieurs aliments dessus)et les picatostes (tranches de pain fritesavec de la graisse de porc ou de l’huiled’olive et généralement saupoudréesd’un peu de sucre sur le dessus) sonten principe toutes préparées avec dela farine candeal. Le Guiso de lasBodas de Camacho, un plat inspiré dufameux chapitre de Don Quichotte(roman écrit par Miguel de Cervantèsau début du XVIIe siècle), se compose,selon la tradition, de tranches rondesde Pan de Cruz frites, et d’un richemélange de poulet, oignon, jauned’œuf et vin blanc.De forme compacte arrondie, le Pande Cruz de Ciudad Real estimmédiatement reconnaissable à

PAIN

62

Pain de Valladolid (lechuguino) Pain de pagès Pain de Cea

Page 65: Spain Gourmetour No. 75 (French)

l’incision d’une croix sur la croûte et àla lettre « C » (pour l’ordre deCalatrava) en pointillé sous cette croix.Si on coupe ce pain à la croûte couleurnoisette, la mie est dense, souple etsans le moindre trou — cette texture sicompacte s’explique en partie par lefaible taux d’humidité de l’air dans cettepartie de La Manche. Selon le conseilrégulateur de l’IGP Pan de Cruz deCiudad Real, une miche entière de Pande Cruz devrait se conserver en bonétat pendant plus d’une semaine.Francisco Tejero, consultant enboulangerie installé à Madrid (proclaméchampion du monde de boulangerieartistique à Paris, en 1992) dit que cettevariété de pain était autrefois trèspopulaire, qu’elle a décliné au coursdu XXe siècle et qu’elle est actuellementde nouveau très appréciée par lesgourmets de Ciudad Real.

Á contre-courantC’est bien souvent un apprentissagepersonnel qui permet d’apprécier deplus en plus les pains traditionnels. Jeme souviens très bien de la première

fois où j’ai réalisé qu’il y avait d’autrespains espagnols que l’éternelle barra(le pain blanc long standard que l’ontrouve dans les magasins et lessupermarchés). Je voyageais en Galice,dans le Nord-Ouest du pays, et je mesuis retrouvé dans un endroit réputépour l’élaboration d’un des painsartisanaux les plus délicieux d’Espagne.Je me suis précipité sur la premièreboulangerie de la petite ville de SanCristóbal de Cea et me suis acheté unemiche de pain dont j’ai grignoté prèsde la moitié avant d’arriver à Orense.Le pain de Cea, élaboré sous la mêmeforme depuis 700 ans dans la régionde Carballiño, était célèbre bien avantde bénéficier, le premier en Espagne,d’une IGP, cinq ans avant le Pan deCruz de Ciudad Real. Sa formebulbeuse et légèrement allongée, avecune croûte épaisse, noire, tendre, portesouvent une entaille profonde qui secraquelle dans le four et donne à cepain son aspect typiquement fendu.Comme beaucoup des meilleurs painsdu monde, le pan de Cea est produitavec de la levure mère, ce qui signifieque la fermentation ne s’effectue pas

grâce à de la levure fraîche, mais avecde la pâte de la fournée précédente,créant ainsi un continuum pendantdes années, voire des générations.On pourrait affirmer qu’il est plusfacile de trouver d’autres bons painsen Galice que n’importe où ailleurs enEspagne, et que les Galiciens sont plusexigeants que d’autres sur la qualitéde leur pain quotidien. On trouve danscette région des pains comme le bola(Saint-Jacques-de-Compostelle et LaCorogne), le bola de Porriño(Pontevedra), le cornecho (Saint-Jacques-de-Compostelle), le pand’Ousá (Lugo) et le pan de Carballo(La Corogne) — sans oublierl’extraordinaire borona ou broa, un painde maïs dense, très ancien, que lesvieux Galiciens affectionnentparticulièrement. Même dans unpanorama aussi prometteur, il y a descimes particulièrement remarquables :bien qu’éloignées à vol d’oiseau, lespetites villes de Cea (provinced’Orense, Galice) et de Neda(province de La Corogne, Galice)entretiennent une relation très proche.Elles sont toutes les deux des porte-

63

Pain de Valladolid (lechuguino)

Page 66: Spain Gourmetour No. 75 (French)

drapeaux inébranlables de la culturedu bon pain.Bien que le pain de Neda ne puisse sevanter de posséder une IGP, il y alongtemps qu’elle fait l’objet d’uneexaltación — fête gastronomiquegalicienne rendant hommage à unproduit local très apprécié. Depuis1989, la Festa do Pan a lieu le premierdimanche de septembre et on ydéguste le célèbre pain local et desempanadas (un type de chausson farcià la viande, au poisson ou auxlégumes, et cuit au four dans lesboulangeries) et des panes de huevo(génoise). La ville a récemmentinauguré la Ruta del Pan de Neda(route du pain de Neda), un circuitorganisé autour des vieux moulins àblé sur la rivière Belelle — centretraditionnel de la production de paindans la ville —, une visite guidée dansl’une des 20 boulangeries de la ville etune dégustation de pains et

d’empanadas locales. Une étapeimportante sur cet itinéraire est leCentro de Actividades Motus qui setrouve dans un moulin à eau restaurésur les berges de la rivière — parmiune vingtaine de moulins dont certainsfonctionnèrent jusqu’en 1950.Ce vieux bâtiment en pierre estmaintenant un musée interactif où lesvisiteurs découvrent les arts de laculture du maïs et du blé, de lamouture de la farine et de l’élaborationtraditionnelle du pain. Ce pain est fait,comme tout vrai pain galicien, avec unmélange de farine forte et de farineprovenant de différentes céréaleslocales (blé, seigle et blé et seigle —l’ajout de seigle est intéressant car ilapporte une saveur profonde etgrillée), avec une humidité importantede la pâte pour assurer une textureouverte et souple, et une croûtedélicieusement croustillante.Les spécialités régionales de la

pâtisserie traditionnelle peuvent offrircertaines surprises des plussympathiques dans un circuitgastronomique en Espagne, surtoutdans le Sud, en Andalousie : on ytrouve du pain mollete, un petit paintendre, doux et plat, originaire de laville d’Antequera (province deMalaga). Dans une grande partie del’Andalousie et même au-delà, il estfréquemment consommé au petitdéjeuner pour préparer le pantumaca(pain de pays grillé, frotté avec de l’ailet des tomates mûres, une pincée desel et de l’huile d’olive vierge extra) etpour le meilleur de tous les sandwichsau jambon, avec un filet d’huile d’olive(sandwich fait avec du pain coupédans sa longueur et non pas du painde mie en tranches).Les Andalous adorent leurs pains etplus qu’aucun autre, le pan de Alfacar,originaire de la petite ville de Alfacar,située à 7 km de Grenade. Pendant des

PAIN

64

Pan de Alfacarwww.pandealfacar.es (Espagnol.)

Pan de Ceawww.pandecea.org (Espagnol, galicien.)

Pan de Cruz de Ciudad Realwww.turismocastillalamancha.com/restaurantes/denominaciones-de-ori-gen/igp-pan-de-cruz/ (Anglais, chinois, espagnol, français.)

Pa de Pagès Català (pan de payés)www20.gencat.cat/docs/DAR/DE_De-partament/DE03_Normativa/DE03_05_Informacio_publica/2010/Documents/Fitxers_estatics/2010_plec_condicions_igp_pa_pages_cas.pdf (Espagnol.)

Pan de Valladolidwww.pandevalladolid.es (Anglais, espagnol.)

Sites web

Pain de Neda

Page 67: Spain Gourmetour No. 75 (French)

ESSENTIELS

siècles, certainement depuis l’époquearabe (711-1492) et peut-être mêmeavant, cette ville de la province deGrenade a été identifiée à la qualitéexceptionnelle de son pain élaboréavec de levure mère, de la farine deblé et de l’eau provenant des sourcesdu village (cette eau ayant été souventconsidérée comme le facteur clé).Avec une soixantaine de fours à painà Alfacar et dans la ville proche deViznar, les pains locaux sontréellement une affaire qui marche, enparticulier depuis que le Pan deAlfacar a été inscrit l’an dernier à l’IGPPan de Alfacar. Le label Pan de Alfacarest aujourd’hui sur les vitrines detoutes les bonnes boulangeries et cepain est offert sur les tables desmeilleurs restaurants et bars à tapas dela ville. Toutefois, le meilleur endroitpour acheter du pain de Alfacar

(beaucoup de Grenadins vous lediront), est le petit kiosque de la placeMariana Pineda. Il faut faire la queuecar les clients qui viennent acheter lespains de Alfacar sont nombreux. Ilsviennent aussi pour les croustillantesregañás (petits biscuits salés durs trèsfins) et des saladillas (galettes faites depâte à pain recouvertes de grains de selet cuites au four). Cette galette estl’une des meilleures inventions deGrenade : un pain plat à l’huilesaupoudré de grains de sel, quirappelle la focaccia italienne et donton devient vite dépendant.

Noir et beauLe rapport des Espagnols au pain estlargement déterminé par l’histoirerécente du pays. Historiquement, lepain blanc, fait de fine farine de blé

dont le son a été éliminé, était lanourriture des classes sociales urbainesaisées. Le pain des gens ruraux étaitgénéralement plus noir, plus dense, etparfois fait avec de la farine de seigle,particulièrement dans les endroits oùle blé ne poussait pas. Il en est résultéque les consommateurs de pain noiren vinrent à le mépriser et à préférerla fine texture et le doux goût du painblanc. À partir du moment où le painblanc devint largement accessible, lespains noirs durs à mâcher et au goûtfort du passé, tombèrent naturellementen disgrâce. Dans mon villaged’adoption, en Estrémadure, tout painqui ne soit pas le pain blanc douxmoderne (souvent fait à partir defarine canadienne traitée avec desagents blanchissants, des agents anti-agglomérants et autres additifs) estdénigré par mes voisins. Ils disent quec’est du « pain qui n’est bon que pourles chiens ». Mais une transformation radicale est àl’ordre du jour. Le mouvement bio enEspagne défend vivement les variétésde céréales locales, les farinescomplètes et le retour à des céréalescomme le seigle, l’épeautre et lesarrasin. Les citadins de retour à laterre et constituant ce qui est connusous le nom de mouvement néo-rural,ont commencé à demander des painsplus denses, plus noirs, rejetant lesbaguettes blanches pâteuses populairesqu’on trouve en campagne. La boucleest donc bouclée. Les artisansboulangers apparaissent un peupartout, tant dans les grandes villesque dans le monde rural, fournissantdes pains à la levure mère, au levainet des pains de seigle à toute unenouvelle génération de consommateurs

65

Page 68: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 69: Spain Gourmetour No. 75 (French)

espagnols. Des initiatives en faveur duvrai pain fleurissent dans les endroitsles plus inattendus : j’ai récemmentdécouvert le fabuleux Pa Moreno deBlat Xeixa (un produit de l’Arche dugoût du mouvement Slow Food —Spain Gourmetour, nº 72), un painmajorquin élaboré avec une anciennevariété de farine locale xeixa parTomeu Morro et Biancamaria Riso,dans leur fournil artisanal près dePollença (Île de Majorque, enMéditerranée).Parmi les grandes villes, Barcelone(Catalogne, Nord-est de l’Espagne) esten tête. La chaîne de boulangeries bioBarcelona-Reykjavik, fondée par unIslandais et un Catalan, s’est faite uneclientèle fidèle dans les quartiersbranchés du centre ville avec sesfabuleux pain au levain de stylescandinave, et l’artisane boulangèreAnna Bellsolà a obtenu un grandsuccès avec son four à bois et lesfarines bio qu’elle utilise dans sanouvelle boulangerie BaluardBarceloneta. Simultanément, de vieillesfleques (boulangeries) de Barcelonecomme Turris — gérée par le célèbreartisan boulanger Xavier Barriga —,Fortino, Forn Boix et La Trinidad ontconsolidé leur gamme de pains decampagne et de pains multicéréales,en y ajoutant des nouveautéscomme le pain aux olives et le pain demaïs, le pain bio et le pain complet,les cocas et les muffins, pour répondre

à une demande croissante. Puisque nous sommes en Catalogne,il serait honteux de conclure ce brefreportage sur les pains traditionnelsespagnols sans parler du Pa de PagèsCatalà. Ce nom qui signifie « painpaysan » n’est pas très précis etpourtant le pain en question est tout àfait particulier : c’est une grosse michemarron, d’une forme généralementconnue en Espagne sous le nom dehogaza (masse de pain moulée rondeet enfournée en une seule pièce). Lafarine utilisée est la farine de blé, lacroûte est dure et croustillante,l’intérieur compact et pourtantrelativement humide, avec un goût degrillé prononcé et une agréable aciditéau palais. Pendant des années, il asemblé invraisemblable qu’un painaussi apprécié et consommé que le Pade Pagès (grillé au feu de bois etbadigeonné d’huile d’olive et detomate, il est absolument délicieux)ne soit pas reconnu comme une variététraditionnelle de pain qui méritaitd’être protégée. Les boulangers detoute la Catalogne ont fait pressionpendant des années pour obtenir cettereconnaissance. Et finalement, l’annéedernière, la bonne nouvelle futannoncée : le Pa de Pagès Català attendla réponse à sa candidature pourobtenir l’IGP. Si tout va bien, ce painclassique bénéficiera bientôt de laprotection qu’il mérite et qui le situeraau même niveau que le Pan de Cea,

le Pan de Cruz de Ciudad Real et lePan de Alfacar.Le message est clair : le vulgaire painespagnol a vécu bien trop longtemps.Les beaux pains traditionnels sontde retour et ils vont occuper la placequi leur revient.

Paul Richardson vit dans une fermedans le Nord de l’Estrémadure. Écrivaingastronomique freelance et voyageur, il estl’auteur de A Late Dinner : discoveringthe food of Spain (Bloomsbury, RoyaumeUni et Scribner, USA).

Pour leur collaboration à la réalisationdu reportage photographique, nousremercions l’association de boulangersd’Alfacar, le conseil régulateur de l’IGPPan de Cea, le conseil régulateur del’IGP Pan de Cruz de Ciudad Real,le Forn de Pa i Pastisseria Vilamalade Barcelone (Pa de Pagès Català),l’association Pan de Valladolid, laboulangerie La Nueva de Neda (Pande Neda) et la boulangerie Arc al Cel(Pa Moreno de Blat Xeixa).

Visitez notre sitewww.foodsfromspain.com ; dans lasection Products & Recipes, voustrouverez une large information surles produits espagnols.

ESSENTIELS

67

Pain de Cruz de Ciudad Real

Page 70: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 71: Spain Gourmetour No. 75 (French)

69

Les vins ont été choisispar Julio Biosca, chef desalle et sommelier de Juliorestaurant

Photos recettesToya Legido/©ICEXet Tomás Zarza/©ICEX

TraductionSynonyme.net/©ICEX

José LuisUngidos *

* Pour en savoir plus sur cechef, voir Portrait, page 72

Le pain de Cea (Galice, Nord-Ouestde l’Espagne) est un pain artisanal quenous consommions quand j’étaisenfant. À quelques kilomètres à l’est,en Cantabrie, mon pays natal, nousachetions du pain de Cea. Commedans de nombreuses autres régionsd’Espagne – mais surtout dans le Nord,traditionnellement producteur de lait,nous faisions du pain perdu avec lepain sec. J’ai choisi de revisiter cedessert classique en le conjuguant avecdu chocolat blanc, pour apporter unetouche sucrée au pain, et avec la glaceau lait meringué et la soupe de cacaopour créer une sensationrafraîchissante.

POUR 10 PERSONNESPour le pain perdu : 1 miche de pain de Cea

(de 0,5 kg) ; 400 g de chocolat blanc ; 500 g

d’eau minérale ; 8 g de feuilles de gélatine ;

100 g de sucre pour caraméliser.

Pour la soupe de cacao : 125 g de sucre ;

75 g de cacao ; 3,5 l d’eau ; 1,5 l de lait.

Pour la glace au lait meringué : 1 l de lait ;

150 g de jaunes d’œuf ; 150 g de blancs

d’œuf ; 150 g de sucre ; 50 g de glucose ;

40 g de stabilisateur de glace ; 2 zestes de

citron ; 2 bâtons de cannelle ; cannelle en

poudre pour décorer.

Pain perduCouper des tranches de pain de 4 cmd’épaisseur et retirer la croûte. Mettrel’eau et le chocolat sur le feu, retirerquand l’eau commence à bouillir etajouter les feuilles de gélatinepréalablement hydratées. Passer etverser sur le pain jusqu’à ce quecelui-ci absorbe le mélange. Il existedeux techniques pour caraméliser lepain perdu. La première consiste àrecouvrir la partie supérieure du painperdu avec du sucre et chauffer auchalumeau jusqu’à ce que le sucrecommence à roussir. On peut aussiconfectionner un caramel roux à lapoêle et y tremper le pain perdu.Dans les deux cas, veiller à ce que lecaramel ne brunisse pas trop.

Soupe de cacaoMélanger le sucre et le cacao. Porterà ébullition l’eau et le lait, puisajouter le mélange de sucre et decacao. Laisser réduire pour obtenirune crème un peu consistante,passer avec une passoire fine etmettre de côté.

Glace au lait meringuéFaire bouillir le lait avec le glucose,la cannelle et les zestes de citron,

puis laisser infuser. Mélanger lesucre avec le stabilisateur et lesjaunes d’œuf, puis ajouter cemélange au lait. Faire cuire le toutjusqu’à 85 ºC, passer et laisserrefroidir. Quand le lait est presquefroid (environ 30 ºC), mélanger avecles blancs battus en neige. Glacer lemélange dans une sorbetière.

PrésentationVerser un peu de soupe de cacao aufond d’une assiette, y placer le painperdu y accompagner de glace aulait meringué décorée de cannelleen poudre.

Temps de préparation 25 minutes

Vin recommandéCasta Diva Reserva Real, desBodegas Gutiérrez de la Vega.Le muscat d’Alexandrie, cépagevedette de ce vin doux, produit unpassage en bouche frais et uneexpression aromatique d’uneintensité remarquable, qui se marieà la perfection avec cette nouvelleversion du pain perdu.

PAIN PERDU DE CEA et chocolat blanc, glace au laitmeringué et soupe de cacao

(Torrija de Pan de Cea y chocolate blanco con helado de lechemerengada y sopa de cacao)

Page 72: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 73: Spain Gourmetour No. 75 (French)

71

Le Pan de Cruz de Ciudad Real, dontla mie compacte permet de couper destranches fines donnant d’excellentstoasts, s’avère idéal pour revisiter unplat créé dans notre restaurant en2006, le « Poulpe deux cuissons auxpommes de terre rôties et huile aupimentón de La Vera ». Nous avonsvoulu lui apporter une toucheavant-gardiste en modulant lestextures, les arômes et les saveurs.De plus, sa présentation sous formede miniportion permet de le dégusteren une seule bouchée, avec les doigts.

POUR 10 PERSONNES 1 poulpe de 2,5 kg ; 1 pain de Cruz de

Ciudad Real de 115-135 g ; 100 g de pâte

kataifi.

Pour l’huile au pimentón de La Vera :

1,5 l d’huile d’olive ; 3 gousses d’ail râpées ;

75 g de pimentón doux de La Vera.

Pour la purée de pommes de terre rôties :

1,5 kg de pommes de terre ; huile au

pimentón de La Vera.

Pour les snacks croustillants : pommes

de terre ; pommes de terre violettes ; yucca ;

betterave ; banane plantain ; racine de fleur

de lotus ; huile d’olive.

Pour les snacks aromatiques :

feuilles de betterave ; pensées ; ficoïde

glaciale ; pétales de souci.

Placer le poulpe sur un plateauperforé et faire cuire au four à vapeurà 100 ºC pendant environ 80 minutes(le temps de cuisson peut varier selonle type de four, vérifier la cuisson àl’aide d’une aiguille). Couper lespointes des tentacules et les mettre decôté. À l’aide d’un coupe-jambon,couper le Pan de Cruz de Ciudad Realen tranches de 0,5 cm d’épaisseur etles faire griller au four à 185 ºC. Justeavant de dresser les assiettes, enroberles pointes des tentacules de pâtekataifi et les faire frire à 185 ºC,jusqu’à ce que la pâte soit dorée.

Huile au pimentón de La Vera Faire revenir l’ail dans l’huile enveillant à ne pas dépasser 150 ºC,baisser la température à 60 ºC etajouter le pimentón doux de La Vera.Mélanger pour délayer le pluspossible, laisser décanter et verserl’huile dans un récipient en laissantle pimentón non dissout.

Purée de pommes de terre rôtiesEnvelopper les pommes de terre depapier d’aluminium et les faire rôtirau four sec à 185 ºC. Le temps decuisson varie selon la taille, vérifierqu’elles sont bien cuites. Peler lespommes de terre et les écraser dansun saladier. Ajouter l’huile aupimentón de La Vera jusqu’à ce que lapurée soit teintée de rouge, saler sinécessaire.

Snacks croustillants etaromatiquesLes différents légumes ont été choisispour créer des contrastes de couleurset de textures. Les snacks croustillantsdoivent être découpés finement àl’aide d’un coupe-jambon et frits dansun bain d’huile à 185 ºC.

PrésentationAprès avoir passé les tranches de Pande Cruz de Ciudad Real au gril,alterner une tranche de pain, unecouche de purée de pommes de terrerôties, une autre tranche de pain,une couche de poulpe et unedernière tranche de pain. Décorer lapartie supérieure avec les snackscroustillants et aromatiques. Placersur le côté les fils croustillants despointes de tentacules et arroser d’unpeu d’huile au pimentón.

Temps de cuisson 80 minutes

Temps de préparation 20 minutes

Vin recommandéSanclodio 2010 (DO Ribeiro), desBodegas Sanclodio. José Luis Cuerda,célèbre réalisateur et producteur decinéma espagnol, nous offre un vintrès plaisant, coupage de treixadura,godello et autres cépages locaux.Ce vin simple mais doté de multiplesnuances aromatiques et gustativesse marie à merveille avec un platpourtant complexe.

MILLE-FEUILLESDE PAN DE CRUZ, poulpe, pommes de terre rôties à l’huile au pimentónde La Vera, et snacks croustillants et aromatiques

(Milhojas de pan de cruz, pulpo, patata asada con aceite depimentón de La Vera y snacks crujientes y aromáticos)

Page 74: Spain Gourmetour No. 75 (French)

C’est un projet personnel, celui de Julio Biosca, qui conduisit José Luis Ungidos à prendrela tête de la cuisine de Julio Restaurant. En moins de cinq ans, peu à peu, sans faire debruit, ils obtinrent à eux deux une étoile au Michelin dont ils se sentent très fiers. Leur succèsrepose sur une cuisine de tradition, de produit frais, de cuissons lentes, à la recherche detextures et de goûts. Avec des combinaisons originales, voire audacieuses, mais sincères,directes et profondes, ils ont situé sur la carte de la haute gastronomie un village d’environmille habitants, Fontanars Dels Alforins (province de Valence, Est de l’Espagne).

Page 75: Spain Gourmetour No. 75 (French)

TexteAlmudena Muyo/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart /©ICEX

PhotosTomás Zarza/©ICEX et Toya Legido/©ICEX

José Luis Ungidos

VRAI

GOÛT

DE

SCHO

SES Pour un

Page 76: Spain Gourmetour No. 75 (French)

74

JOSÉ LUIS UNGIDOS – JULIO RESTAURANT

Silence. Vous arrivez à Fontanars DelsAlforins et vous n’entendez que lebruissement des branches de pin et desfeuilles de peupliers secouées par levent, pourtant le silence vous sembleplus fort que ces sons. Une sensationqui est assez compréhensible quand lesarbres dialoguent doucement avec labrise, mais tout à fait surprenantelorsque le sifflement du vent se mêleau battement des feuilles et desbranches. Je pressens une oasis de paix.Une oasis d’un millier d’habitants qui avu en 2005 se dédoubler et seréinventer le bar dirigé depuis lesannées 1950 par la famille Biosca Llin.L’auteur de cette transformation estJulio Biosca (troisième génération) avecl’appui de ses principaux alliés, sa sœurPilar et le cuisinier José Luis Ungidos.Ainsi, à partir de Casa Julio, est né Julio

Restaurant, un enfant émancipé,novateur et détenteur d’une étoile auMichelin, qui vit en parfaite harmonieavec le caractère typique du bar qui luia donné la vie. Un mur sépare les deuxlocaux, mais ce mur n’est que physique :il sépare deux établissements quipossèdent une philosophie similaire —honorer la cuisine méditerranéenne —bien que pratiquée selon deuxperspectives différentes.Il faut être réellement très sûr de soi,très courageux et surtout avoir les idéesbien claires pour décider de changer etde remodeler une partie de l’affaire derestauration familiale, un bar detoujours — comme disent les gens ducru —, un bar qui fonctionneparfaitement, pour ouvrir un grandrestaurant dans une petite ville plutôtéloignée des noyaux de population plus

importants. On ne peut pas dire quemener à bien ce projet sans rompreavec le précédent ait étéparticulièrement facile. Évoluer sansfracture en restant fidèle à ses racinesest en effet très compliqué, demandebeaucoup de persévérance et surtoutbeaucoup de bon sens.Et Julio semble avoir trouvé la pierrephilosophale : il a créé un restauranttrès spacieux, pratique et accueillant.Son design minimaliste accorde au boisune place importante dans les sols etune partie des murs. De la peintureblanche et crème, de grandes baiesvitrées dont les stores filtrent le soleilmais non la lumière et de grandestables, peu nombreuses, six ou sept,suffisamment espacées pour permettrede déguster les plats dans une certaineintimité.

Page 77: Spain Gourmetour No. 75 (French)

75

Un travail d’équipe Et il dota ce contenant d’un contenu.Convainquit José Luis Ungidos deprendre la direction de la cuisine.« Nous nous sommes connus à Bilbao(Nord de l’Espagne), quand jetravaillais comme chef de cuisine chezZortziko (une étoile au Michelin). Julioy passa trois mois pour se former etnous nous sommes bien entendus. Déjàà l’époque, il m’avait fait part de sonintention d’utiliser une partie del’affaire familiale pour développer unprojet de grande restauration.Et lorsqu’il apprit, quelques mois plustard, que j’avais l’intention de quitterZortziko, il m’appela immédiatement,on en discuta beaucoup et il meconvainquit. »Quand José Luis décida de vivre de

nouvelles expériences, il avait deuxoptions, soit revenir dans sa Cantabrienatale, soit tenter sa chance dans lesgrandes villes. « J’étais conscient que lesliens de famille et d’amitié ne pouvaientprévaloir sur les ambitionsprofessionnelles. J’ai donc pris ladécision d’aller à Fontanars — unvillage que je demandais souvent à Juliode m’indiquer sur la carte — pourcollaborer à un projet très personnel,celui de Julio, et surtout pour travaillerà ses côtés. Dans nos multiplesconversations de l’époque, je me suisrendu compte que nous aimions lesmêmes choses et qu’il comprenaitparfaitement ma cuisine. Je suis arrivé àla conclusion que Julio — sommelier etchef de salle du restaurant — sauraitparfaitement faire apprécier ma cuisine,ce qui m’apportait une grande

tranquillité. Outre ce travail de salle, jesavais qu’il pouvait m’aider à atteindreune plus grande maîtrise. Et je ne mesuis pas trompé. »José Luis arriva six mois après latransformation de l’espace et j’imaginequ’il dut ressentir ce silence persistantqui me frappe tellement, mais avecquelques moments de mélancolie.« Bien que j’aie été parfaitementaccueilli et que mon intégration ait étéimmédiate, je me souviens encore decette période où la solitude des soiréesm’accablait. » Peu à peu, il s’esthabitué car il jouissait d’une liberté decréation absolue : « Dès le premierjour, Julio m’a clairement expliqué quej’étais totalement responsable de lacuisine et que c’était moi qui prenaisles décisions. Et c’est exactement cequi s’est passé. Mais j’aime bien que

Page 78: Spain Gourmetour No. 75 (French)

76

JOSÉ LUIS UNGIDOS – JULIO RESTAURANT

Page 79: Spain Gourmetour No. 75 (French)

77

PORTRAIT

l’on discute d’un nouveau plat avantde l’inscrire sur la carte, aussi on nepeut pas dire que ce soit seulementmon affaire. » Cette familiarité, ce désirque tous ceux qui l’entourent se sententà l’aise, ce travail en équipe furentprobablement la clé qui fit tout semettre parfaitement en place.

Premiers pasQu’un natif de Cantabrie commeJosé Luis Ungidos, formé dans sarégion puis en Navarre, à Saint-Sébastien et à Bilbao, ait pu démontrerses talents culinaires en s’adaptant à desgoûts et à une tradition aussi éloignésdes siens tout en imprimant aux platssa propre personnalité, voilà qui nelaisse pas d’étonner. Ce qui aprobablement joué en sa faveur c’estque l’affaire familiale, bien que située àl’intérieur des terres, a toujours eu pourtradition de proposer du bon poisson.José Luis m’explique qu’en fait « le pèrede Julio se rendait dans la petite villevoisine de Fuente La Higuera, lieu depassage des camions qui montaient àMadrid (Centre de l’Espagne), pourvendre le poisson frais de la hallelocale, auprès desquels il se le procuraitmais, quand cela n’était pas possible, ilallait l’acheter sur le marché de Valenceou de Santa Pola, un trajet relativementcourt mais lent à l’époque à cause duréseau de communication ». Et celaexplique aussi le paradoxe qui surpritUngidos lorsqu’il atterrit à Fontanars :« Les gens de Valence ou d’Alicantevenaient ici manger les crevettes rosesde Santa Pola. »Avec cette coutume pour alliée, JoséLuis cherche à identifier les traits

caractéristiques de la gastronomie dela région, les racines dont elle senourrit, afin d’élaborer une carte oùs’imbriqueraient ses idées personnelleset celles de la zone, toujours enrespectant les valeurs traditionnellesde la maison. « À mon arrivée, je mesuis dit, nous sommes à Valence et,par conséquent, le riz doit occuper uneplace importante ; j’y ai donc inscritun riz préparé à ma manière qui a dûtenir quatre ou cinq jours. Tout lemonde me disait qu’il était très bonmais quand j’ai goûté le riz de Pilar,la mère de Julio, j’ai bien compris quela chose n’était pas viable. Et j’ai ététrès clair, je leur ai dit que soit ildisparaissait de la carte, soit je laissaistomber la cuisine. Je ne pouvais paspermettre que le bar annexe offrît unriz excellent alors que celui du

restaurant présentait des qualitésgustatives inférieures. »Sa persévérance dans la préparation desriz, sous la direction de la mère deJulio, fut telle que l’une de ses créationsles plus personnelles fut introduite dansle menu classique du restaurant, l’Arròsamb penques (voir recette p. 55). Il s’agitd’un arroz caldoso (riz onctueux),typique de la région. Préparé avec latige de l’artichaut et d’autres légumes,il est présenté avec des morceaux depieds de porc croustillants, de papada(fanon) et de travers de porc au centredu plat, ce qui lui donne une saveurplus consistante et fait de ces parties duporc le lien et le catalyseur desingrédients. Si bien que l’on al’impression de déguster un riz caldosodont la texture rappelle celle du rizmeloso (mielleux).

Page 80: Spain Gourmetour No. 75 (French)

78

Et ce modus operandi s’étend à toute sacuisine : une recherche qui part de latradition pour la faire évoluer, tant danssa présentation que dans son goût.

Cuisine actuelle etcuisine de marché Bien qu’il lui soit difficile de définir sacuisine, José Luis affirme que c’est une« cuisine traditionnelle élaborée àpartir des produits frais du marchéavec des notes modernes grâce auxtechniques appliquées ». L’objectif estclair : « Nous voulons que les gensviennent et qu’ils se souviennent dessaveurs des plats qu’ils ont dégustés. »Le produit et la matière première sonttraités et élaborés de manière àcélébrer le goût. Et comment y arrive-t-on ? En se fournissant auprès desagriculteurs de proximité — « noussuivons leur culture et leur récolte »,assure Ungidos —, et en se déplaçantquand cela est nécessaire pour obtenirles meilleurs produits, que ce soit à lahalle de Santa Pola, lieu de pèlerinagehabituel, ou à Grenade (Sud del’Espagne) pour y acheter desesturgeons.Ce concept est mis en pratique dès leshors-d’œuvre : une délicieuse crème depotiron, subtile, douce, très agréable aupalais est le résultat d’une agriculturenon irriguée pratiquée par unagriculteur du village, du talent ducuisinier et des explications de Julioqui, en salle, crée l’attente nécessaireà une bonne dégustation.En plus de la crème, à remarquer lehamburger de seiche avec des chipsde légumes, un grand classique de lamaison qui évolue depuis plus de sept

ans. Croustillant à souhait, avec ungoût léger de seiche, il est enveloppédans de petits pains élaborés avec del’encre de seiche et accompagné dechips de betterave, de pommes deterre rouges, de bananes plantain etde pommes de terre fraîchementélaborées. Un plat qui flatte les yeuxet le palais.Naturellement, le rôle des agriculteursde la région est important dansl’approvisionnement de tous types deproduits du potager. Les légumes cuitsal dente avec leur bouillon émulsionnéà l’huile d’olive vierge extra et à lacitronnelle (Melissa officinalis)composent un plat fabuleux. Unecuisson parfaite des légumes et unbouillon de base doux dont le goûts’enrichit en bouche. Ce plataromatique suit une courbe ascendantepour, au final, s’ouvrir sur le palais etdécrire la communion de tous sesingrédients, laissant un arrière-goûtd’agrume agréable et frais. Poisson et fruits de mer viennentdirectement du marché.La traditionnelle fideuá (plat espagnolclassique, de la famille de la paella,mais préparé avec du vermicelle) decalamars et de fruits de mer aveccrevettes rouges et glace à l’encre decalamar est un plat représentatif.Préparé avec du vermicelle fin, il exaltesurtout la forte saveur maritime de lacrevette rouge de Santa Pola. La glace,à la puissance contrôlée, apporte unjeu amusant de textures — la douceurdu vermicelle, la crémosité de la glaceet la chair ferme de la crevette rose —sans perdre un iota de sa puissance etde sa saveur.

Le produit,vrai roi de la carteChez Julio Restaurant, l’importance dela matière première est telle que celle-ciconditionne même la carte et leschangements qu’elle connaît tout aulong de l’année. Trois menus sontofferts : le menu gastronomique, quiexprime toute la nouvelle créativité deJosé Luis ; le menu classique, composéd’une sélection des plats les plusemblématiques du restaurant ; et unpetit menu dégustation, qui permet defaire un tour plus rapide dans la cuisinedu restaurant. Tout est fonction dumarché car le superficiel, les fiorituresou les produits à la mode n’ont pas leurplace. En outre, ses plats rendenthommage aux produits, à la cuisinelocale et au milieu naturel.L’introduction des changements dansla carte se produit d’une manière trèsréfléchie. J’ai la chance d’arriver aumoment de l’imminente inclusion d’unnouveau plat, et même d’y participerpuisque je le dégusterai avant sonentrée en scène. José Luis Ungidoexplique avec clarté le processus créatifmis en œuvre : « Pour l’arrivée duprintemps, nous pensons qu’il fautintroduire un changement dans lemenu gastronomique, et comme nousavons un poulpe de très bonne qualité— le poulpe est un produitcouramment consommé dans le bar —,nous décidons que le nouveau plat seraun plat à base de poulpe. Froid ouchaud ? Compte tenu de la saison,nous optons pour le froid, ce quisimplifie l’organisation du personnelde cuisine. A priori, un plat de poulpefroid nous semble compliqué, mais

JOSÉ LUIS UNGIDOS – JULIO RESTAURANT

Page 81: Spain Gourmetour No. 75 (French)

79

Granny Smith a été cuite à bassetempérature, sa texture acquérant uneapparence de sirop tout en conservantl’acidité qui la caractérise. C’est un platharmonieux, surprenant, avec lebouillon comme fil conducteur etexhausteur de goût. Chaque bouchéem’apporte des sensations différentes etles caractéristiques qui donnent à ceplat sa personnalité se découvrent peuà peu et de façon presqueindividualisée : une note plus amère,une touche d’acidité, un peu desalinité… Il ne me resterait plusdésormais qu’à le comparer avec le platdéfinitif qui sera inscrit sur la carte.

Un restaurantqui a une âmeLa conclusion qui s’impose c’est quece restaurant possède une âme, unepersonnalité bien définie, s’appuyantsur un projet personnel et familial etde solides bases. José Luis Ungidos arejoint cette équipe — bien qu’ilsemble en avoir toujours fait partie —et lui a donné un nouvel élan, l’a dotéed’une nouvelle énergie, d’une nouvellemanière d’envisager une cuisine vouéeau plaisir des saveurs. Les idées sontclaires, la foi dans ce qu’on fait estinébranlable, l’enthousiasme transparaîtdans les préparations.Ainsi, le plat n’est pas considéré commeun tout, la boisson qui l’accompagne enfait aussi partie. Un exempleindiscutable de l’union entre la cuisineet la salle, avec un service de fondimpeccable.Son objectif est de continuer à grandir,en suivant la voie de la recherche destextures et des goûts, sans oublier la

cuisine de la région et sonenvironnement naturel. Et, en ce sens,les responsables sont parvenus à unaccord avec l’artisan pâtissier FranciscoMora pour l’élaboration d’un gâteauemblème de la philosophie durestaurant. C’est un dessert au chocolatqui reflète l’évolution selon les saisonsdes vignobles — caractéristiques de lazone — et du terroir. Nous découvronsainsi tout un éventail de chocolats,représentant le sarment en hiver et laterre qui l’entoure, accompagné d’unemousse de yaourt — allusion auspectacle splendide de la lune que l’onpeut contempler à Fontanars — quipurifie et rafraîchit chaque bouchée.Et comme rien n’est ici fini une foispour toutes, ils viennent d’ouvrir ungîte rural, Santa Elena, grâce auquelils prétendent, entre autres choses,orienter le flux des touristes vers lerestaurant.

Almudena Muyo a travaillé pendantdouze ans comme journaliste spécialiséedans le commerce international et estactuellement coordinatrice de la revueSpain Gourmetour.

JULIO RESTAURANTAvinguda Comte Salvatierra D’Alava, 946635 Fontanars dels Alforins(Valence)Tél. : (+34) 962 22 22 38(Anglais, catalan, espagnol, français.)[email protected]

Visitez notre sitewww.foodsfromspain.com et voustrouverez dans la section Chefs &Training une information détaillée surles chefs espagnols.

PORTRAIT

nous pensons au salpicón (cocktail defruits de mer) et nous décidons d’allerde l’avant. Dans un premier temps, nousfaisons une cuisson à vide du poulpedont nous récupérons l’eau. Nous nousrendons compte que son goût est trèspuissant ce qui nous fait hésiter sur ceconcept de plat froid et nous nouslançons dans le plat chaud. Comme j’aitoujours préparé le poulpe avec despommes de terre et de la pomme,j’ajoute ces ingrédients à ceux que nousavions déjà, avec des fèves, du poivronrouge, une algue de la région, l’eau decuisson et le poulpe. »Pour parvenir à ce consensus, José Luis etJulio ont réfléchi à la quantité et la variétédes légumes qui composeront le plat, etils ont goûté plusieurs options car, selonJulio, « José Luis introduit de nombreuxéléments verts qui sont ensuite difficiles àharmoniser avec le vin ». C’est là que lasymbiose qui existe entre eux atteint sonsommet, l’un d’eux peut sacrifier unélément en cuisine et l’autre s’adapte auplat final pour le plaisir du client, pourque la nourriture et la boisson trouventleur équilibre parfait.« Après les multiples essais — continueUngidos —, nous optons pour unesoupe de poulpe, avec un sauté de fèves,de pommes de terre et de pommes, unetouche de poivron rouge et d’algues dela contrée ; ce plat sera dégusté depréférence avec un Sanclodio 2010 (DORibeiro) de Bodegas Sanclodio, pour luipermettre d’exprimer tout son potentiel.J’ai devant moi la soupe de poulpe, unplat bien mis en scène et visuellementattractif. Lorsque le bouillon complètele plat, déjà sur la table, son arôme voustransporte inévitablement en mer. Juliom’explique que la pomme de la variété

Page 82: Spain Gourmetour No. 75 (French)

LE TRÉSOR

80 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

salé des Îles CanariesUn paysage volcanique baigné par les eaux limpides de l’océan Atlantique, àl’extrême sud de La Palma, île des Canaries classée dans sa totalité réserve de labiosphère. C’est ici que sont élaborés deux des produits gastronomiques les plusfascinants des Canaries : le sel de mer et la fleur de sel artisanaux des salines deFuencaliente.

Page 83: Spain Gourmetour No. 75 (French)

MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR 81

TEXTERODRIGO GARCÍA FERNÁNDEZ/©ICEX

TRADUCTION SYNONYME.NET/©ICEX

PHOTOSPABLO NEUSTADT/©ICEX

Des images saisissantes s’offrent auvoyageur qui atterrit pour la premièrefois sur l’île de La Palma, lui dévoilantcertains de ses traits essentiels : desbananeraies exubérantes au bord dela mer, des routes étroites et peufréquentées et des petits villagesaccrochés au flanc des collines. Maissurtout, le temps semble étrangements’écouler ici moins vite qu’ailleurs. Cette île, la troisième de l’archipel entermes de superficie, présente deuxvisages nettement différents. Le Nordest extrêmement verdoyant, avec unevégétation luxuriante et d’innombrablessources, tandis que le Sud est marquéde l’empreinte impétueuse des volcanstels que les célèbres San Antonio etTeneguía. Le sommet de ce dernieroffre un spectacle unique : d’un côtéle cratère, qui rappelle ses récenteséruptions, de l’autre la vue sur la côtesud de l’île et l’océan infini, avec les îlesd’El Hierro et La Gomera qui sedétachent sur la douce ligne d’horizon. De l’une des cimes de ces volcans, oùse trouve un centre d’interprétation fortintéressant, part un sentier derandonnée qui me conduit près desSalinas de Fuencaliente, à la pointe sudde l’île. C’est là que je rencontre AndrésHernández, jeune chef d’entreprisepalmero (originaire de La Palma) qui n’apas hésité à regagner son île après sesétudes de gestion à l’Université de LaLaguna (Ténérife) pour y reprendrel’affaire familiale. Son enthousiasme etsa volonté de préserver une qualitéoptimale lui ont permis decommercialiser avec succès son sel demer et sa fleur de sel dans lescommerces d’alimentation des Canaries,avant de se lancer dans l’exportation surdes marchés très concurrentiels tels quel’Allemagne ou la Grande-Bretagne.

La troisièmegénérationL’origine des salines de Fuencalienteremonte à 1967, lorsque le grand-pèred’Andrés découvrit les conditionsidéales de l’endroit pour la productionde sel. Il connaissait le procédé du faitd’avoir visité des installationssimilaires sur d’autres îles et demandaconseil à plusieurs spécialistes pourcréer une petite saline sur ce siteexceptionnel. Son fils Fernando prit lasuite et Andrés représente aujourd’huila troisième génération d’une famillepassionnée par ce minéral comestible. « J’ai toujours su que les salines, oùj’avais tant de souvenirs de famille,auraient une place importante dans mavie », admet le jeune homme. « Tousles étés passés ici, dans une petitemaison au milieu des salines, la magiedes couchers et des levers de soleil ettous les moments uniques que j’y aivécus ne pouvaient s’effacer », évoque-t-il en ne cessant de sourire. Le chemind’initiation qu’il a dû parcourirprésentait plusieurs aspects : prendre

des décisions complexes, faire connaîtreles raisons pour lesquelles sa fleur desel est unique et lutter contre lesobstacles qui se dressent sur le sentiertortueux de l’exportation d’un produitdepuis une île, impliquant des surcoûtset des difficultés logistiques. « Nousconnaissons les problèmes, et nousparvenons à les surmonter grâce auxqualités exceptionnelles de nosproduits, une fleur de sel et un sel demer vierge dont le secret réside dans lesol, l’eau et l’air qui nous entourent. » Andrés connaît au millimètre le terrainsur lequel il évolue. Il consacre toutesses journées à la gestion d’une entreprisequi emploie une vingtaine de personnes,à la recherche de nouveaux marchés etau lancement d’initiatives de promotionde son produit. Mais il est aussi capabled’enfiler des bottes en caoutchouc et unbleu de travail pour entrer dans lesmarais salants et récolter la fleur de sel àl’aide de la lousse, instrument nécessairepour ne pas endommager le produitfinal. « Il est impossible de prévoirquand va se former cette fine pelliculede cristaux de sel dans les bassins, celadépend des conditions d’humidité et delumière lors des derniers jours du cyclede formation des cristaux. Si la couchese forme pendant le week-end et queje n’ai pas d’opérateurs jusqu’au lundi,je me charge moi-même de récolter lafleur de sel. »

Un sel à l’airdes CanariesComment se forme la fleur de sel (SpainGourmetour, nº 66) ? Trois éléments sontessentiels pour que ce condiment dechoix se développe naturellement : lalumière du soleil, le l’humidité relativede l’air et l’action du vent. Toute ladifficulté réside dans une proportion

Page 84: Spain Gourmetour No. 75 (French)

82

adéquate de ces trois facteurs. En effet,un ensoleillement élevé, une faiblehumidité et une douce brise de mer sontnécessaires à la formation des cristauxirréguliers de fleur de sel sur la surfaceaquatique des bassins. Ce processus esttrès différent de celui qui produit le selde mer commun, résultant del’évaporation de l’eau et de laprécipitation du sel au fond du marais. Une fois cette couche formée, la fleurde sel est récoltée et emballée à lamain. On retrouve le caractèreartisanal de ce produit gastronomiquedans le sel de mer Teneguía, égalementélaboré par les Salinas de Fuencaliente.Après avoir été récolté dans les marais,ce sel fin est soumis à un processus debroyage, de séchage et d’emballagesans le moindre procédé chimique,préservant toutes les qualitésorganoleptiques et minérales de ce sel. La composante artisanale et l’originenaturelle de ces deux produits sont lestraits d’identité qui font leurparticularité. Il n’existe qu’une autresaline artisanale dans les Îles Canaries(celle de Janubio, à Lanzarote) maisson volume de production et decommercialisation est nettementinférieur à celui de Fuencaliente.Andrés nous donne un chiffrerévélateur pour expliquer l’énormeeffort que son entreprise doit fournirpour faire perdurer cette activitéartisanale : « Au milieu du siècledernier, il existait dans les Canariesplus de 50 salines similaires.Aujourd’hui, il n’en reste plus quedeux et nous sommes les seuls à avoirun projet d’avenir et d’expansioninternationale. »

La valeurde l’artisanatAndrés m’apprend que ses salines fontpartie de la Fédération européenne desproducteurs de sel marin récoltémanuellement, réseau internationalconsacré à la préservation de ce typed’exploitation traditionnelle. De plus,le ministère espagnol del’Environnement et du Milieu rural etmarin a adopté fin 2011 un règlementpermettant de commercialiser le sel demer cultivé de manière traditionnelleet dont la teneur en chlorure desodium est inférieure à celle stipuléeprécédemment dans la législation.« Tout cela nous encourage et nousdonne de l’énergie pour défendre notresel de mer vierge et notre fleur de selsur le marché national et européen »,affirme-t-il.Pendant que nous visitons les salines,classées Site d’intérêt scientifiquedepuis 1994 par le gouvernement desCanaries du fait de l’énorme richessede la faune et de la flore de cette zonehumide, Andrés énumère ses projets.« Début 2012, nous commenceronsles travaux d’un centre d’interprétationdes salines où nous proposerons unparcours didactique à travers cetécosystème pour faire découvrir sesvaleurs naturelles et la culture durabledu sel de mer et de la fleur de sel.Nous ouvrirons aussi un restaurant despécialités des Canaries, où les vedettesseront les aliments et les vins de LaPalma et du reste de l’archipel. » Unprojet de grande envergure comptetenu de la taille de l’entreprise, qui necompte que sept employés à temps

SALINAS DE FUENCALIENTE

Page 85: Spain Gourmetour No. 75 (French)

83

ENTREPRISES

plein. Parmi ceux-ci, comme le préciseAndrés, « trois paludiers travaillentavec nous depuis plus de 20 ans etfont pratiquement partie de lafamille ».Actuellement, tous les voyageurs et lesrandonneurs qui parcourent le Sud del’île de La Palma peuvent accéder àpied au site des salines deFuencaliente, pénétrer dans les maraissalants et découvrir in situ le processusd’élaboration du sel de mer et de lafleur de sel. Ils peuvent aussi y acheterdirectement ces produits. Cette ventedirecte aux visiteurs allemands,français ou britanniques constitueprécisément « le premier maillon dela chaîne d’exportation créée parl’entreprise », selon son directeur.« Ce sont ces touristes qui fontconnaître nos produits dans leur pays,où ils font office de prescripteurs. »L’image d’une production durable,écologique et de première qualité estla carte de visite de Salinas deFuencaliente sur des marchés trèsexigeants tels que l’Allemagne, où elledispose d’un distributeur, Herbaria,qui commercialise ses produits dansune chaîne de magasins d’alimentationbiologique implantée dans tout lepays. L’une des stratégies employéespar l’entreprise pour consolider saclientèle est étroitement liée à ladécouverte des salines sur le terrain :« Nous sommes parvenus à asseoirnotre clientèle en Allemagne enorganisant des visites personnaliséesdes salines, pour faire connaître nosprocédés entièrement artisanaux etsurtout le paysage culturel, naturel etethnique de ce site. »

Une touchegastronomiqueLa fleur de sel cultivée et récoltée àla main dans ces marais salants est unproduit utilisé dans de nombreuxrestaurants de La Palma et des autresîles, notamment dans certainsétablissements qui mènent unevéritable révolution de la cuisined’auteur des Canaries. L’un d’eux estle restaurant Humboldt, situé dans leValle de la Orotava (Ténérife) et dirigépar un fervent défenseur desmeilleures matières premières des îles,Pedro Rodríguez Dios (SpainGourmetour, nº 71). Parmi ses créations les plusremarquables, citons le Sorbet demangue au yaourt de lait de chèvre,copeaux d’amandes de La Palma etpoivres du monde, dont la listed’ingrédients des Canaries comprendla fleur de sel de Salinas deFuencaliente. Le cuisinier lui-mêmedécrit ainsi son plat : « Il représentepour nous une partie de l’essence desCanaries et se caractérise par ses notespiquantes, balsamiques, douces etlactées. Nous parlons de l’essence desCanaries parce que nous utilisons desamandes extraordinaires récoltées surl’île de La Palma, dont nousrehaussons le goût, autant que fairese peut, en les mariant avec la fleurde sel des salines de Fuencaliente.De plus, il faut savoir que les ÎlesCanaries sont le premier producteurde lait de chèvre, c’est pourquoi leyaourt au lait de chèvre est l’un deséléments clé de ce plat. » Depuis près de 50 ans, les salines de

Salinas de Fuencaliente

Personnel : 7 employés

Production annuelle : 600 tonnesde sel de mer vierge, dont 5 tonnesde fleur de sel.

Surface des marais salants :35.000 mètres carrés.

Part à l’exportation : 15%

Principaux marchés à l’exportation :Allemagne, Autriche et Royaume-Uni.

Produits : sel de mer vierge Teneguíaet fleur de sel Salinas de Fuencaliente.

Adresse :Maldonado, 10, 38700 Santa Cruz de La Palma. Îles CanariesTél. : +34 922 411 523 Fax : +34 922 696 002www.salinasdefuencaliente.com

Fuencaliente ont su maintenir uneactivité à la fois traditionnelle etécologique, tout en introduisant unproduit gourmet sur le circuitcommercial. Ce ne sont pas lesdifficultés qui ont manqué à Andrés età sa famille, y compris la dernièreéruption du volcan de Teneguía en1971, dont la coulée de lave est arrivéepratiquement jusqu’au phare situé enbordure des marais salants. Aujourd’hui,un avenir prometteur se dessine grâce àl’esprit d’entreprise d’Andrés, résolu àoffrir ce produit 100 % palmero à tousles amateurs de bonne table.

Rodrigo García Fernández est journalisteet coordinateur éditorial du portail degastronomie de l’ICEX .

Page 86: Spain Gourmetour No. 75 (French)

84 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

RodolfoGerschmandepuisMexico DF

Une pause espagnole !

MEXICOTexte : Rodolfo Gerschman /©ICEX

Photos : Jaleo

Traduction : Françoise Chuffart/©ICEX

La rue Emilio Castelar, qui longe leparc du même nom dans le quartierde Polanco, est une longue suite deterrasses qui, vers 4 heures del’après-midi, ressemble à une rue deMadrid ou de Barcelone. Les Mexicainsarrivent pour déjeuner vers 14 ou15 heures et finissent par adopter endouceur cette habitude espagnole sitypique de s’attarder à table après lerepas pour la sobremesa. Le plaisirqu’on y prend est encore plus grandà Jaleo, un petit restaurant à tapas etpintxos (petites bouchées) aux tablesrecouvertes de nappes en papier qu’unserveur plein d’énergie décore en ycollant le nom de la maison avec ungrand pochoir. Jaleo est un véritable succès.Aujourd’hui, à l’heure de la sobremesa,les 24 places de la terrasse sont toutesoccupées et il en est de même àl’intérieur. Les clients se comportentcomme s’ils étaient au comptoir (lerestaurant n’en a pas) : ils se lèvent poursaluer des amis et restent bavarder unmoment avant de retourner à leurstables. Maintenant que je suis avec lechef et son associée, Coia Solà, uneCatalane qui vit à Mexico depuis unedizaine d’années, quelques habituéss’approchent et les félicitenteffusivement pour leurs tapas.Le chef, Pedro Martín, est originaire deLa Palma — l’une des îles des Canaries.Il est arrivé à Mexico il y a six ans déjà.

Page 87: Spain Gourmetour No. 75 (French)

MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR 85

À Madrid, il avait travaillé au Cenadorde Salvador et à Lágrimas Negras, lerestaurant de l’hôtel Puerta América. ÀSaint-Sébastien, il était chez MartínBerasategui et, ensuite, chez Arzak. Etsoudain, tout conflua pour le fairedébarquer à Mexico. À ce moment-là,Juan Mari était chef consultant durestaurant Tezka, de Mexico, et seschefs, Bruno Oteiza et Mikel Alonso,étaient en train de se retirer pour ouvrirleur propre établissement. Il a donc envoyé Pedro, qui donna aurestaurant un style personnel fortementinspiré de ses origines canariennes. Et,peu de temps après, il s’associa avecCoia, qui s’était trompée de vocation entravaillant d’abord dans une banque,puis s’était aventurée pendant un certaintemps à travailler dans un restaurantscandinave, jusqu’à ce qu’elle finisse partrouver, chez ce chef, la façon deredresser la barre et de conduire sa viedans la direction qui la séduisaitinconsciemment : ouvrir un bar à tapas.Ils ouvrirent Jaleo sur un sentier pavéd’illusions : l’épouvantable expérienceoù de nombreux bars à tapas avaientconnu la faillite. « Mexico estclairement fan des tacos », faitremarquer Pedro, « entre une tapa à50 pesos et un taco à 15 pesos, laquestion ne se pose même pas ».Le succès de Jaleo est dû à sa variétégastronomique. « Tout est parti d’uncuisinier ; aussi, le fait de redonner de

la valeur à la cuisine fut primordial »,et les clients surent apprécier lesdifférences entre deux styles de cuisine.Mais le lieu y fut aussi pour quelquechose ! En effet, « l’avantage de Jaleo,c’est que c’est un endroit petit, à la foisbruyant et intime, et cela plaît aux gens ;c’est ce qui fait tout son charme ». L’ingrédient est primordial dans sadémarche. « On ne lésine pas sur laqualité du produit et on le fait venirde sa région de production quellequ’elle soit. » Beaucoup de produitssont mexicains comme le thon blancd’Ensenada ; d’autres viennentd’Espagne : la bonite du Nord enconserve, la morue, les petites fèves etles asperges de Navarre, le poivronPiquillo ; d’autres encore des États-Unis,comme les pommes de terre de l’Idaho,pour en faire des patatas bravasabsolument originales. La carte desvins, composée uniquement de vinsd’Espagne, est aussi novatrice que lereste : courte mais expressive, ellecomprend 15 dénominations d’origineavec seulement 40 références. « Au début — dit le chef —, il ne nousfut pas facile de vendre notre cuisine ;on nous demandait du basique,comme les croquetas. Mais le conceptet le goût de la clientèle ont évolué.Nous proposons des plats de toutesles régions d’Espagne. Par exemple,les papas a la importancia, assaisonnéesavec du pimentón (sorte de paprika

espagnol) et servies avec des palourdespuisqu’ici les coques n’existent pas.Ou l’ajo blanco, ce gazpacho d’amandeblanchie à l’eau très froide, émulsionnéavec de l’ail, de l’huile d’olive, un filetde vinaigre de Xérès et servi avec desraisins et des figues. Ou le pintxo defilet de porc blanc, assaisonné avecdeux types de pimentón sous-vide,doux et piquant, de l’huile d’olive etde l’ail cru. » Aujourd’hui, dans unecuisine minuscule, Jaleo prépare plusde 70 petites assiettes et Pedro Martínne peut s’empêcher de les décrire avecun enthousiasme contagieux tandisque défile, sur la table, l’expressionla plus éloquente de son œuvre.

Jaleo Bar de TapasEmilio Castelar 121, local 1 Polanco Chapultepec11560 México DFMexiquewww.jaleo.mx

Rodolfo Gerschman est mexicain etéditeur des revues Gula et Catadores ;il est aussi chroniqueur de vins pour lesupplément hebdomadaire Buena Mesadu journal Reforma.

Visitez notre sitewww.foodsfromspain.com, où voustrouverez, dans la section Shop, Travel& Dine, une liste complète de restaurants,bars à tapas et boutiques espagnoles dansle monde.

Page 88: Spain Gourmetour No. 75 (French)

86 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

La présente sélectiond’exportateurs est faite par lesorganismes cités sous laréférence Source.

ProduitsalimentairesPainAsociación Provincialde Fabricantes yExpendedores de Pan deCiudad Real (IGP Pande Cruz de Ciudad Real)

Tél. : (+34) 926 250 [email protected]

Consejo Regulador IGP Pande Cea

Téls. : (+34) 988 282 586 /618 265 [email protected]@fornodocarlos.eswww.pandecea.org

Riz

AOP Arroz de Valencia

Arroces J. Montoro, S.L.

Tél. : (+34) 961 413 [email protected]

Arroces y Cereales, S.A.

Tél. : (+34) 962 858 [email protected] www.arcesa.com

Arrocerías Antonio Tomás,S.L.

Téls. : (+34) 961 740 900 /[email protected]. com

Source : Consejo ReguladorDOP Arroz del Delta delEbroTéls. : (+34) 977 487 800 /[email protected]

AOP Calasparra

Cooperativa del CampoVirgen de la Esperanza

Téls. : (+34) 968 720 123 /723 [email protected]

Juan Haro e Hijos, C.B.

Tél. : (+34) 968 745 [email protected]

Source : Consejo ReguladorDOP CalasparraTél. : (+34) 968 720 [email protected]

Herba Rice Mills

Tél. : (+34) 961 203 [email protected]

Maicerías Españolas, S.A.

Tél. : (+34) 961 850 [email protected]

Productos La Campana, S.L.

Téls. : (+34) 961 270 211 /[email protected]

Source : Consejo ReguladorDOP Arroz de ValenciaTél. : (+34) 961 706 [email protected]

AOP Arroz del Deltadel Ebro

Arrossaires del Delta del'Ebre, SCCL

Tél. : (+34) 977 487 [email protected]

Cámara Arrocera delMontsià

Tél. : (+34) 977 701 [email protected] www.lacamara.es

EXPO

RTAT

EURS

Page 89: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Ángel CamachoAlimentación, S.A.(Fragata)Tel: (34) 955 854 [email protected] : 2e de couverture

Consorcio del JamónSerrano Español Tel: (34) 917 356 [email protected] : 7, 90

F.J. Sánchez Sucesores, S.A.Tel: (34) 950 364 [email protected] : 4e de couverture

Grupo GourmetsTel: (34) 915 489 [email protected] : 7

Grupo Mahou – San MiguelTel: (34) 915 269 [email protected] : 89

Industrial QueseraCuquerellaTel: (34) 926 266 [email protected] : 87

Loreto Speciality Foods, S.L.Tel: (34) 954 113 [email protected] : 3e de couverture

www.winesfromspain.comPage : 91

ANNO

NCEU

RSFROMAGE ESPAGNOL DE QUALITE SUPERIEURE

-NOBLESSE D’ESPAGNE-

MEDAILLE D’OR AU “CONCOURS GRANDE SELECTION 2010”“CONFRERIE DU FROMAGE MANCHEGO” OCTUBRE 2008

PREMIER PRIX DU FROMAGE MANCHEGOAFFINE 12 MOIS

TARTESANA, S.L“Tarquessia de La Mancha”

Ctra. de Toledo, s/n 13420 Malagón (C.Real) Spain

Tel: +(34) 926 266 410Fax: +(34) 926 266 413

[email protected]

I. QUESERA CUQUERELLA, S.L. - QUESOS ROCINANTEMalagón (C. Real) - Spain - Tel.: +34 926 266 410 - Fax: +34 926 266 413

[email protected] - www.rocinante.es

“LE BIJOU DE LA COURONNE”

Page 90: Spain Gourmetour No. 75 (French)

88 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

INFO

SURL

’ESP

AGNE

Pour de plus amplesinformations veuillez vousadresser aux BureauxÉconomiques et Commerciauxdes Ambassades d'Espagnecorrespondants.

BELGIQUETél. : (2) 551 10 40 [email protected]

CANADATél. : (416) 967 04 88 [email protected]

FRANCETél. : (1) 53 57 95 50 [email protected]

SUISSETél. : (31) 381 21 71 [email protected]

Pour les demandesd'information concernantles sujets touristiques,adressez-vous à I'Officeespagnol du tourisme leplus proche.

BELGIQUETéls. : (2) 280 19 26/29 [email protected]

CANADATéls. : (416) 961 31 31/40 79 [email protected]

FRANCETél. : (1) 45 03 82 50 [email protected]

SUISSETél. : (44) 253 60 51 [email protected]

Centrale de Réservationsdes ParadoresTél. : (+34) 902 54 79 79 [email protected]

Page 91: Spain Gourmetour No. 75 (French)

5%

7,2% Vol.

6,4% Vol.

ol.

5,4% vol.

% V

5,5% Vo5 5% Vo

66,,44%% VVooll..

5555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555,5

444444444444444444444444444444444444%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvoooo

666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666,,,,44444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

5555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555

% VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooolllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll.

VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVoooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooolllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll...................

MMMAAHHHOOUUU5 EESSTRRRRRRELELELELLLLLLAAAASSS

5,,5%%%%%% vvvvvvoooool.

MMAAAHHHHHHHHOOOOOOOUUUUUPREEMMMMMMMMMIIIUUUUUUUMMMMMLLIGGGGGGGGHHHHHHHHHTTTTT

3,,3%%%%%%% vvvvvvvooool.

MMAAHHHOOUUUNNEEGGGGGGGGGRRRRRRRRRAAAAAA

5,,5%%%%%%% vvvvvvvooool.

SAANN MMMMMMIIIGGGGGGUUUUEELLESSSPPECCIIAALL

5,,4%%%%%%% vvvvvvooool.

SAANN MMMMMMIIIGGGGGUUUUUEEELL11555551111166666

4,,2%%%%%%% vvvvvvooooll..

SAAANN MMIGGUUELLSEELEECCCCTTTTTAAAAAA XXXXVVVV

6,,2%%%%%% vvvvvvoooool..

AAALHHAMMMBBRAAREESEERRVVVVVVAAA A 1119992255

6,,4%%%%%%% vvvvvvvooool.

AALHHAAAAMBMBMBMBMBM RRRRAAAESSSPPECCIIAALL

5,,4%%%%%% vvvvoooool.

MMEZZQQQQQQUUUUIIIITTTTAAAA7,,2%%%%% vvvvvvoooooll..

gamma Unadalcaratterespagnolo

gama Unaconcarácterespañol

gamme Uneà l’espagnole

distinctly ASpanishrange

Sin título-1 1 25/04/12 15:44

Page 92: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 93: Spain Gourmetour No. 75 (French)
Page 94: Spain Gourmetour No. 75 (French)

92 MAI-AOÛT 2012 SPAIN GOURMETOUR

ICON

OGRA

PHIE

CouvertureToya Legido/©ICEX

Sommairep. 2 Amador Toril/©ICEXp. 3 Amador Toril/©ICEX ;Toya Legido/©ICEX ; MatíasCosta/©ICEX

Petits déjeunersespagnolspp. 8-9 Toya Legido/©ICEXpp. 10-11 Toya Legido/©ICEX ;Nelson Souto/©ICEXpp. 12 Toya Legido/©ICEXp. 13 Piedad Sancho-Mata/©ICEXp. 14 Toya Legido/©ICEX ;Juan Manuel Sanz/©ICEXp. 15 Amador Toril/©ICEXp. 16 FernandoMadariaga/©ICEX ; ToyaLegido/©ICEXp. 17 FernandoMadariaga/©ICEXp. 18 Tomás Zarza/©ICEX ;Fernando Madariaga/©ICEXp. 19 Toya Legido/©ICEX

DOCa Prioratp. 20 Matías Costa/©ICEXp. 21 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 22 Matías Costa/©ICEXp. 23 Juan ManuelSanz/©ICEXpp. 24-31 Matías Costa/©ICEX

Verdejopp. 32-33 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 34 Piedad Sancho-Mata/©ICEXPag 35-41 En haut : JuanManuel Sanz©BELONDRADES.L ; en bas : Juan ManuelSanz/©ICEX

Rizp. 42 Amador Toril/©ICEXp. 43 Anke van Wijck/©ICEXpp. 44-45 AmadorToril/©ICEXp. 46 Fernando Briones/©ICEX ;Amador Toril/©ICEXp. 47 Anke van Wijck/©ICEX ;Carte : Javier Bellosop. 48 Anke van Wijck/©ICEX ;Amador Toril/©ICEXp. 49 Anke van Wijck/©ICEX ;Amador Toril/©ICEXp. 50 Fernando Briones/©ICEXp. 51 FernandoBriones/©ICEX ; AmadorToril/©ICEXpp. 52-57 Toya Legido etTomás Zarza/©ICEX

Painpp. 58-63 AmadorToril/©ICEXp. 64 Amador Toril/©ICEX ;Carte : Javier Bellosopp. 65-66 AmadorToril/©ICEXp. 67 Toya Legido/©ICEXpp. 68-71 Toya Legido etTomás Zarza/©ICEX

José Luis Ungidospp. 72-79 Toya Legido etTomás Zarza/©ICEX

Salinas de Fuencalientepp. 80-83 PabloNeustadt/©ICEX

Rodolfo Gerschmandepuis México DFpp. 84-85 Jaleo

Page 95: Spain Gourmetour No. 75 (French)

Sin título-3 1 24/04/12 13:25

Page 96: Spain Gourmetour No. 75 (French)