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L e problème des migrants est à la une des médias dont la plupart sollici- tent notre compassion. D’emblée, l’UJRE réaffirme qu’indépendamment de l’émotion suscitée, l'asile est un droit garanti par les textes tant nationaux qu’in- ternationaux. Quant aux causes de ces déplacements de population, rares sont ceux qui nous y intéressent. Pourtant, les exemples de l’Afganistan (2001), de l’Irak (2003), de la Libye (2011) sont parlants. Prétendre imposer la démocratie par la guerre conduit inévitablement au chaos. Loin de tirer les conséquences de ces échecs, on envisage de récidiver en Syrie pour, aujourd'hui, verser des larmes sur le sort des réfugiés et s’indigner de la barba- rie de Daesh. Mais comment apprécier le maintien des transactions, notamment pétrolières, avec Daesh, autrement que comme un encoura- gement à persévérer ? Les migrants ne représentent que 0,2 % de la population de l'Union européenne, et nous ne pourrions les accueillir alors que le Liban, avec 4,5 millions d’habitants, en accueille 1,4 million ? Le FN et d'autres à droite dénoncent pour- tant l’inexorable invasion de la France par des populations étrangères et prétend opposer l'intérêt des Français à celui des réfugiés, entretenant ainsi une idéologie perverse de concurrence entre des catégo- ries de victimes dont aucune ne peut espé- rer se sauver seule au détriment d'une autre. Impossible de détacher la lutte pour la mise en œuvre du droit d'asile, de la lutte contre l'austérité. D'autres opèrent une distinction entre les réfugiés au sens strict et les migrants pure- ment économiques : distinction qui ne tient pas. D'une part, il est difficile d’imaginer qu’un réfugié, si qualifié soit-il, puisse dans l’immédiat subvenir à ses besoins. D'autre part, un grand nombre de situations d'exploitation économique proches de l'es- clavage justifient qu'on attribue à ces per- sonnes la qualité de réfugié. Il est d’ailleurs cocasse de concevoir la France, l’Europe, comme des forteresses où la liberté de circulation ne s’applique- rait qu’aux capitaux financiers et aux mar- chandises. C’est une idée dépassée à l'heu- re d'Internet. En revanche, une mobilité des salariés, organisée sur la base d'accords de coopération avec les pays du Sud, est la seule solution viable que la France doive défendre dans ses relations internationales. Le souvenir de nos familles qui, victimes de pogroms et menacées par le nazisme furent souvent peu ou mal accueillies, ne peut que nous mobiliser davantage encore en faveur de la mise en œuvre du droit d'asile. Mais nous appelons aussi à la luci- dité sur l'origine de cette situation et sur les réels remèdes à y apporter. 23/09/2015 Solidaires et lucides HORS SÉRIE PNM 329 (COMMUNIQUÉS UJRE) MONDE Le résultat des élections en Grèce B. Frederick p.3 Nouvelle « culture de bienvenue » en Allemagne F. Mathieu p.4 TISA = très dangereux J. Lewkowicz p.3 HISTOIRE / MÉMOIRE Le Corbusier A. Ajzenberg p.5 Marie-Claude Vaillant Couturier au Procès de Nuremberg D. Durand p.6 Engagés volontaires juifs des deux guerres B. Courraud p.2 BILLETS DHUMEUR « Panthéon » M. Cling p.6 Vous avez dit « Laïque » ? ou « La crapulerie informatique » J. Franck p.4 CULTURE Joseph Roth G-G. Lemaire p.8 Ben Zimet ‘Un enfant de Corrèze’ & ‘Yiddish Follies’ S. Endewelt p.7 L’œuvre de Boris Taslitzky en danger à Levallois p.8 LE CLIN DŒIL N.Malviale p.4 Jacques Lewkowicz L a guerre en Syrie dure depuis quatre ans déjà. Près de la moitié de sa population a quitté le pays pour le Liban, la Jordanie, la Turquie... L’ONU déclare qu’il s’a- git “du plus grand déplacement de populations dans le monde depuis des décennies.” Certains disent : « pas dans ma ville ! ». Devant cette catastrophe, l’ac- cueil est une priorité vis- à-vis de laquelle aucun calcul électoral ne saurait être pris en compte. E t si l’on essayait un monde sans guerres ? “ Agir aujourd’hui pour prévenir les pogromes de demain ” « ... Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » Louis Aragon (traduction de l’allemand de la banderole ci-dessous) Les migrants P. 4 La nouvelle “culture de bienvenue” de l’Allemagne par F. Mathieu ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. PNM n° 329 - Octobre 2015 - 33 e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 6,00 La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État.

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Le problème des migrants est à la unedes médias dont la plupart sollici-tent notre compassion. D’emblée,

l’UJRE réaffirme qu’indépendamment del’émotion suscitée, l'asile est un droitgaranti par les textes tant nationaux qu’in-ternationaux. Quant aux causes de cesdéplacements de population, rares sontceux qui nous y intéressent. Pourtant, lesexemples de l’Afganistan (2001), de l’Irak(2003), de la Libye (2011) sont parlants.Prétendre imposer la démocratie par laguerre conduit inévitablement au chaos.Loin de tirer les conséquences de ceséchecs, on envisage de récidiver en Syriepour, aujourd'hui, verser des larmes sur lesort des réfugiés et s’indigner de la barba-rie de Daesh. Mais comment apprécier le maintien destransactions, notamment pétrolières, avecDaesh, autrement que comme un encoura-gement à persévérer ?

Les migrants ne représentent que 0,2 % dela population de l'Union européenne, etnous ne pourrions les accueillir alors que leLiban, avec 4,5 millions d’habitants, enaccueille 1,4 million ?

Le FN et d'autres à droite dénoncent pour-tant l’inexorable invasion de la France pardes populations étrangères et prétendopposer l'intérêt des Français à celui desréfugiés, entretenant ainsi une idéologieperverse de concurrence entre des catégo-ries de victimes dont aucune ne peut espé-rer se sauver seule au détriment d'uneautre. Impossible de détacher la lutte pourla mise en œuvre du droit d'asile, de la luttecontre l'austérité.

D'autres opèrent une distinction entre lesréfugiés au sens strict et les migrants pure-ment économiques : distinction qui ne tientpas. D'une part, il est difficile d’imaginerqu’un réfugié, si qualifié soit-il, puissedans l’immédiat subvenir à ses besoins.

D'autre part, un grand nombre de situationsd'exploitation économique proches de l'es-clavage justifient qu'on attribue à ces per-sonnes la qualité de réfugié.

Il est d’ailleurs cocasse de concevoir laFrance, l’Europe, comme des forteressesoù la liberté de circulation ne s’applique-rait qu’aux capitaux financiers et aux mar-chandises. C’est une idée dépassée à l'heu-re d'Internet. En revanche, une mobilité dessalariés, organisée sur la base d'accords decoopération avec les pays du Sud, est laseule solution viable que la France doivedéfendre dans ses relations internationales.

Le souvenir de nos familles qui, victimesde pogroms et menacées par le nazismefurent souvent peu ou mal accueillies, nepeut que nous mobiliser davantage encoreen faveur de la mise en œuvre du droitd'asile. Mais nous appelons aussi à la luci-dité sur l'origine de cette situation et sur lesréels remèdes à y apporter. 23/09/2015

Sol ida ire s e t l uc ides

HORS SÉRIE PNM 329 (COMMUNIQUÉS UJRE)

MONDE

Le résultat des élections en Grèce B. Frederick p.3Nouvelle « culture de bienvenue »en Allemagne F. Mathieu p.4TISA = très dangereux J. Lewkowicz p.3

HISTOIRE / MÉMOIRE

Le Corbusier A. Ajzenberg p.5Marie-Claude Vaillant Couturierau Procès de Nuremberg D. Durand p.6Engagés volontaires juifsdes deux guerres B. Courraud p.2

BILLETS D’HUMEUR

« Panthéon » M. Cling p.6Vous avez dit « Laïque » ?ou « La crapulerie informatique » J. Franck p.4

CULTURE

Joseph Roth G-G. Lemaire p.8Ben Zimet ‘Un enfant de Corrèze’& ‘Yiddish Follies’ S. Endewelt p.7L’œuvre de Boris Taslitzky en danger à Levallois p.8

LE CLIN D’ŒIL N.Malviale p.4

Jacques Lewkowicz

La guerre en Syrie dure depuis quatre ans déjà. Près de la moitié de sa populationa quitté le pays pour le Liban, la Jordanie, la Turquie... L’ONU déclare qu’il s’a-

git “du plus grand déplacement de populations dans le monde depuis des décennies.”Certains disent : « pasdans ma ville ! ». Devantcette catastrophe, l’ac-cueil est une priorité vis-à-vis de laquelle aucuncalcul électoral ne sauraitêtre pris en compte.

Et si l’on essayait unmonde sans guerres ?

“ Agir aujourd’hui pourprévenir les pogromes de demain ”

« ... Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » Louis Aragon

(traduction de l’allemand de la banderole ci-dessous)

Les migrants

P. 4 La nouvelle

“culture de bienvenue”de l’Allemagne

par F. Mathieu

ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.PNM n° 329 - Octobre 2015 - 33e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 6,00 €

La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État.

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D’ici là, nous vous souhaitons à tous a guit your, soit uneannée douce et paisible. Certes, l’année commence sous desombres auspices, et vous lirez dans le Hors Série joint à cenuméro que nos communiqués évoquent Dachau, la guerre,

le drame des réfugiés...

Raison de plus pour souhaiter à tous une belle année de fra-ternité combative, pour l’arrêt des guerres, des massacres,de la détresse humaine ; pour une véritable justice écono-mique et sociale et le rétablissement d’un réel processus depaix au Moyen-Orient. ■ UJRE

Avis de recherche

Vie des associations

Une Autrichiennedans la Résistance

française

Elle s'appelle Mélanie Berger-Volle.Poursuivie par la Gestapo, réfugiée en

France, elle y rejoint les rangs de laRésistance, poursuivant son combat con-tre le nazisme. C'est à Paris, un peu avantl'été, qu'elle a reçu, des mains de l'ambas-sadeur d'Autriche, l'insigne du Mérite enor de la République d'Autriche.

L A P R E S S E N O U V E L L E

Magazine Progressiste Juiffondé en 1934

Editions :1934-1993 : quotidienne en yiddish, Naïe Presse

(clandestine de 1940 à 1944)1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U.J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ

CoordinationN. Mokobodzki, T. Alman

Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,

Nicole Mokobodzki, Roland WlosAdministration - Abonnements

Secrétaire de rédactionTauba-Raymonde Alman

Rédaction – Administration14, rue de Paradis

75010 PARISTel : 01 47 70 62 1 6Fax : 01 45 23 00 96

Courriel : lujre@orange. frSite : http://ujre.monsite-orange.fr

(bulletin d'abonnement téléchargeable)Tarif d'abonnement

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2 PNM n°329 - Octobre 2015

Pour en finir avec l’image des juifspliant sous le joug de leurs

oppresseurs !Cette exposition, créée par l’Union desEngagés Volontaires et AnciensCombattants Juifs, leurs Enfants etAmis (UEVACJEA)*, avec le soutiende la Fondation pour la Mémoire de laShoah, a retracé* les luttes de milliersd’hommes et de femmes qui, sans tar-der, vont combattre aux côtés desFrançais lors de la Première et de laSeconde guerre mondiale.Venus de Pologne, de Russie, deRoumanie, ils vont fuir les mesures dis-criminatoires (le « numerus clausus »des universités, l’interdiction, dans laRussie des tsars, d’habiter certaines villesdont la capitale), les pogroms, la famine,les persécutions politiques. Les plus fortunés gagnent les États-Unis,un petit nombre part pour la Palestine.Beaucoup gagnent la France en passant,parfois, par la Hollande et la Belgique.Au début du XXe siècle, on recense enFrance 40 000 juifs étrangers dont8 500 s’engagent dès la déclaration dela guerre de 14 pour défendre leur terred’élection.

Pendant la guerre d’Espagne, ils sontplus de 7 000, de toutes nationalités, às’engager dans les BrigadesInternationales. Les juifs polonais sontd’abord versés dans la divisionDombrowski, puis pour la plupart,regroupés au sein de la CompagnieBotwin**.En 1939, les juifs étrangers sont au nom-bre de 160 000 dont 25 000 vont se batt-re aux côtés des Français. Ils sont versésdans les fameux Régiments de marchedes volontaires étrangers, les RMVE 21,22 et 23, baptisés Régiments ficelles enraison de leurs uniformes misérables.Ensuite, ceux d’entre eux qui n’ont pasété tués ou faits prisonniers – engagés,faut-il le rappeler, pour la durée de laguerre – sont démobilisés et certainschoisissent d’entrer dans la Résistance.Beaucoup, pour des raisons linguis-tiques, seront versés dans la section juivede la MOI, comme d’autres dans les sec-tions espagnole ou italienne.

Parfois, les résistants de toutes originesfont partie d’un même groupe. Ainsi enest-t-il des résistants de « l’Afficherouge », qui compte un certain nombrede juifs. Vingt-trois membres de ceréseau seront exécutés par les nazis en1944, parmi lesquels MissakManouchian (Arménien), JosephBoczov (Hongrois juif), GeorgesCloarec (Français), Marcel Rayman(Polonais juif), Celestino Alfonso(Espagnol), Spartaco Fontanot (Italien),Olga Bancic (Roumaine juive), ThomasElek (Hongrois juif)…L’exposition, d’une grande richessedocumentaire, conçue de façon harmo-nieuse et aérée est constituée de grandspanneaux se succédant de façon chrono-logique, relatant l’histoire, les faits mar-quants – avec photos à l’appui – des lut-tes menées en France, et pour la France,par les juifs étrangers qui portaient si fortau cœur le rêve de construire un mondede paix et de fraternité.

Carnet - DécèsExposition au Musée national de l’histoire de l’Immigration.

“Les juifs étrangers ont défendu la France » 1914-1918 1939-1945”par Béatrice Courraud

Merci, si vous pouvez les aider, de contacter le journal ([email protected]) qui transmettra au plus tôt aux correspondants du dictionnaire de l’Association nationale des familles de fusillés et massacrés de la résistance française et leurs amis. ■* Les fusillés (1940-1944), Dictionnaire biographique des fusillés et exécutés par condamnation et comme otage ou guillotinés, sous la direction deClaude Pennetier, Jean-Pierre Besse, Thomas Pouty et Delphine Leneveu, Éd. de l’Atelier, 1952 p., 30 €

L’Association d’Histoire du 20e organise, le mercredi 18 novembre 2015 à 18h à la Mairie du 20e, une confé-rence sur le thème des Fusillades du 15 décembre 1941.Sur dix fusillés, neuf étaient juifs et venaient du camp deDrancy. S’ils figurent tous dans le Dictionnaire desFusillés (cf. PNM n° 328), aucun d’eux n’a de plaquecommémorative dans le 20e arrondissement. Afin d’yremédier, les auteurs de ce dictionnaire* cherchent tousrenseignements sur ces personnes (voir ci-contre) :

• Mordka Judka BLAT, • Icek BRATSZAJN, • Jacob Nison FELDMAN, • Nathan FUKS, • Chil Jacob GRINOCH, • Noech KALWARJA, • Hirch Leib MEJEROWICZ, • Simon NADEL,• Aron SZCYPIOR et leurs familles

*www.combattantvolontairejuif.orgInaugurée le 19/09, l’exposition dure jusqu’au01/10/2015, au Musée de l’Histoire de l’Immigration.** La section juive de la MOI, qui jusqu'alorsregroupait principalement les juifs étrangers, sefond en avril 1943 dans l’Union des Juifs pourla Résistance et l'Entraide , tout comme l’UJJ(Union de la Jeunesse Juive) et le mouvementSolidarité, rejoignant ainsi les mouvements dela résistance française.*** Cf. in PNM n° 306 lu par BernardEbenstein, Combattants juifs dans la guerred’Espagne – La compagnie Botwin d’EfraïmWuzek, traduit du yiddish par Jacques Kott, pré-senté et annoté par Larissa Wuzek-Gruszow,paru aux Éd. Syllepse, coll. Yiddishland, 2012,250 p, 22 €.

Rendez-vous réussi au Village du Livre

Succès remarqué du stand de la PNM/UJRE. Ces trois jours où nous étions pourla première fois au Village du livre furent comme un tourbillon, grâce notamment à la mobilisation de nom-

breux amis. Grosse affluence et nombreux échanges avec nos visiteurs. Climat chaleureux, public attentif et inté-ressé, curieux, désireux d’apprendre, de découvrir notre travail, nos productions, de connaître notre histoire, nos

activités. Beaucoup de visiteurs, intrigués par notre affiche de Rayski (éditorial du 4 septembre 1941 en yiddish et français) s’ar-rêtent, regardent, posent des questions, achètent des livres, de Maurice Cling, Isabelle Lassignardie et Serge Wolikow, ElieRozencwajg, Lucien Steinberg, Dominique Vidal..., parfois dédicacés par leurs auteurs. D’anciens numéros de la PNM, de laLettre de MRJ-MOI sont offerts. Nos projets, comme le musée virtuel dédié aux résistants juifs de la MOI, intéressent. Vif suc-cès aussi de la pétition pour la sauvegarde des œuvres de Boris Taslitzky. L’élan de solidarité n’a pas fait défaut… bien au contrai-re. Ceux qui nous connaissaient venaient en amis, « anciens », ravis de nous retrouver, car ce sont chaque fois des retrouvailles,regrettant (avec le sourire) que nous ne proposions pas de “keys kikhn”, de “herring” et d’autres bonnes choses encore … Ceuxqui nous découvraient discutaient longuement et passionnément avec nous, tels ce professeur d’histoire d’un collège de Sarcelles,et ceux venus d’encore plus loin, d’Algérie, d’Angleterre, du Canada ... et qui recevront ce numéro. Oui, le succès était au ren-dez-vous, il confirme que l’UJRE et sa Presse Nouvelle Magazine répondent à une attente. Aussi, nos équipes, plus motivées quejamais, vous donnent-elles rendez-vous l’an prochain ... au Village du Livre ■ PNM

Mémoire

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codes professionnels,considérés commedes obstacles au com-merce international,et de soumettre cesprofessions au simpledroit commercialcomme s’il s’agissaitde commerces defruits et légumes oud’automobiles. Ainsi, un médecin, un avo-cat ou un dentiste ne serait plus considérécomme un professionnel soumis à desrègles de l’art spécifiques, mais commeune entreprise capitaliste dont le but pre-mier est de maximiser le profit financier.A l’évidence, pareil projet va à l’encontrede l’intérêt des peuples concernés. Partant,il est inacceptable. * Les économistes appellent “services” tout cequi est vendable sans être pour autant un objettangible. Par exemple, une coupe de cheveux,une consultation médicale ou juridique un tra-vail d’architecture ou d’ingénierie.** Cf. rapport du PSI (Public services interna-tional / Internationale des services publics) ettexte du projet secret révélé par Wikileaks :http://www.marianne.net/Vous-avez-aime-le-traite-transatlantique-vous-adorerez-TISA-_a239731.html.*** Cf. Memorandum on Leaked TISA FinancialServices Text, Professor Jane Kelsey, Faculty ofLaw, University of Auckland, New Zealand :https://wikileaks.org/tisa-financial/analysis.html

Monde

PNM n°329 - Octobre 2015 3

que de condamner Tsipras. C’est un aver-tissement, pas une opposition. À Syrizad’en tenir compte.La droite, la Nouvelle Démocratie deVangelis Meïmarakis, portait tous lesespoirs de ce que l’UE compte de libé-raux, moitié-libéraux ou socio-libéraux,bref de l’Argent. Elle termine à 28,03 %(75 sièges), avec pratiquement le mêmescore qu’en janvier 2015 (27.8%), tout enperdant un siège à la Vouli. Meïmarakis,sans doute avec l’aval ou peut-être mêmeà l’initiative de Berlin et de Bruxelles,proposait une « grande coalition ».Tsipras n’en veut pas. Apparement, lesGrecs non plus.Alors que reste-t-il à tous ces « braves

Il fallait les voir, le dimanche 20 septem-bre au soir, se dandiner sur leur chaisesur les plateaux des chaînes de télévi-

sion d’information continue. Les résultatsdes élections législatives grecques quitombaient ne laissaient plus aucun doute :Syriza l’emportait. Haut la main ! Tsiprasavait gagné. La Grèce avait gagné.L’Europe progessiste avait gagné.Ce dimanche matin encore on susurraitque droite et gauche étaient « au coude àcoude » et même à 20h, à Paris, alors quele jeu était fait, le Parisien.fr annonçait,goguenard, que Syriza avait une courte têted’avance. Une courte tête : sept points !Alors, il fallu faire, comme on dit, contremauvaise fortune bon cœur : Tsipras avait« gagné son pari », certes, mais avec43,45% d’abstention, il était minoritaire serassurait un « expert » d’Itélé. Benvoyons ! Il y a combien d’abstentionnistesaux États-unis ? Et en France, on verrabien aux régionales de décembre…Seulement les faits sont les faits. LesGrecs qui votaient pour la troisième foisen sept mois, ont une nouvelle fois faitmentir tous les sondages, réduit à néanttous les fantasmes et signifié qu’ils étaientlibres. Libres malgré la tutelle deBruxelles, du FMI et des Marchés. Libresde choisir souverainement qui les gouver-ne. Libres d’espérer, d’espérer toujours,d’espérer encore.Avec 35,53 % et 145 sièges à la Vouli(Parlement), Syriza ne perd que 0,77% et4 sièges, alors que le parti d’Alexis Tsiprasest en proie à une douloureuse scission etau mécontentement d’une partie de sonélectorat qui lui reproche d’avoir signé enjuillet le « mauvais accord » imposé parl’Union européenne, pour ne pas direl’Allemagne. Les 25 députés scissionistesqui, emmenés par Panayiotis Lafazanis,l’ex-ministre de l’Énergie et l'ex-présiden-te du Parlement, Zoé Konstantopoulou, etleur nouvelle formation, l’Unité populai-re, n’ont pas atteint les 3%. Cela certesn’injurie pas l’avenir, mais ils n’ont pas étésuivis, eux qui prônaient une sortie del’Euro. Ceux des Grecs qui avaient votéSyriza et contestaient l’accord avec l’UEont sans doute préféré s’abstenir plutôt

La leçon faite à l’Europe par Bernard Frederick

TISA = Très dangereuxpar Jacques Lewkowicz

En 2013, la Commission européenne(organe exécutif de l’Union euro-péenne) a commencé à participer à

des négociations entre 50 États en vue d’a-boutir à un traité (Accord sur le Commercedes Services / Trade in Services Agreement/ TISA) portant sur le commerce interna-tional des services *. Ces négociations ontété approuvées par le Parlement européenpar un vote qui a bénéficié des suffragesdes députés français UMP, PS et centristes.Ces négociations, secrètes, ont été révéléespar Wikileaks dès avril 2014. L’objectifaffiché est de faciliter et développer lecommerce des services entre les pays quiseront parties au Traité.En fait, ce projet recèle des dangers consi-dérables dont nous retiendrons l’essentiel.Le projet d’accord obligerait les Étatssignataires à renoncer à toute souverainetéconcernant la gestion de leurs servicespublics. Selon PSI**, fédération interna-tionale des travailleurs des servicespublics, il donnerait aux.entreprises pri-vées des “pouvoirs juridiquement contrai-gnants qui institutionnalisent les droits desinvestisseurs et interdisent toute interven-tion des États dans un large éventail desecteurs indirectement liés au commerce et(...) subvertissent le concept même de ser-

vice public au profit des entreprises, alorsmême que les services publics ont pour butde fournir aux populations des servicesessentiels et distribués équitablement,chose que la logique de régulation par lemarché ne permet pas de faire” .De plus, la dérèglementation de l’activitébancaire prévue par le projet favoriserait lareproduction de situations conduisant à descrises financières du type de celle de 2008.A titre d’exemple, le projet interdirait auxÉtats signataires concernés de soumettre àleur approbation préalable la vente par lesbanques de produits financiers éventuelle-ment toxiques, du type des fameuses sub-primes américaines ***.Au delà, le projet permettrait à des entre-prises multinationales, par exemple desoins médicaux ou de conseils juridiques,de prendre le contrôle de ces secteurs. Unexemple : actuellement, en France et dansd’autres pays européens, un certain nomb-re de professions dites “libérales” (méde-cins, avocats, notaires, architectes, etc.) nerelèvent pas du droit commercial ; ellessont réglementées par des ordres profes-sionnels et des codes de déontologie. Leprojet prévoit de supprimer ces ordres et

amis » d’Athènes qui l’ont si fort serréedans leurs bras – leurs griffes devrais-jeécrire ! – qu’elle respire à peine. Desconjectures ! Pour François Hollande, laGrèce a adressé « un message important »à la gauche européenne. Ah oui, lequel ?La Résistance ? Non, le « réalisme ».Accepter la tutelle, accepter l’austérité,crever la bouche ouverte sous le soleil dela mer Egée : voilà le « réalisme ». Le« patron » social-démocrate du Parlementeuropéen, Bruno Schulz est un peu plusfranc : « S'il veut rejoindre le camp de lasocial-démocratie en Europe, il est lebienvenu », déclarait-il le 21 au matin surFrance-Inter. Il trouvait « bizarre » queSyriza s’allie de nouveau avec les souve-

rainistes de l’ANEL (3,67%, 10 sièges). Ilaurait sans doute préféré que ce soit avecle Pasok, les socio-démocrates, auxquelsles électeurs ont concédé 6,26 %, un peumoins qu’à Aube dorée, l’extrême droitelaquelle a profité, à coup sûr, de la crisedes réfugiés. Tsipras ne veut pas du Pasok.Le peuple n’en veut plus !Les Grecs ont administré une fois de plusle 20 septembre une leçon à l’Europe : uneleçon de démocratie et une leçon de sou-veraineté. Et, s’ils ont envoyé un « messa-ge » à la gauche européenne, ce n’est peut-être pas celui qu’attend le président fran-çais : on vote ces prochains mois enEspagne, au Portugal, en Irlande…

21 septembre 2015

Élections législatives en Grèce

L’ACS

les services

L’orientation de Jeremie Corbyn, nou-veau leader travailliste récemment

élu, est en rupture avec l’ère libérale qu’aincarnée Tony Blair. Or, l’accueil par lapresse française de cet évènement laisseperplexe. Ainsi Hugues Serraf dans le siteAtlantico* intitule-t-il son article :« Royaume-Uni : Jeremy Corbyn et leretour de la "loony left" » (en français "lagauche fofolle"). D’autres sont plusmodérés mais la « musique de fond » estla même : ce Corbyn ne peut être pris ausérieux. Il s’oppose au pouvoir du capitalfinancier : il échouera.Ainsi, Alain Frachon dans Un coup derouge à l’Ouest** suppute les motifs dela victoire de Corbyn : « Au pouvoir, lagauche radicale doit se colleter avec uneréalité économique (...) Promesses, lyris-

me de “grand soir” et démonstrationsmusclées de volontarisme politique trou-vent vite leurs limites ». Donc, seul estréaliste le maintien de la domination ducapital financier, tout le reste est illusion.Aucune nuance par rapport au sloganthatchérien : TINA***.Cette quasi unanimité de la presse fran-çaise, aux nuances de vocabulaire près,laisse perplexe. Sans verser dans un quel-conque complotisme, il est permis deposer une question : la presse françaiseest-elle réellement indépendante ? JL* http://www.atlantico.fr/rdv/zone-franche/royau-me-uni-jeremy-corbyn-et-retour-loony-left-2328025.html

** Le Monde du 18 septembre 2015

*** TINA = There is no alternative : il n’y a pasd’alternative

Indépendance du journalisme ?Espagne Nationalité séfarade ? Undossier sur lequel nous aurons l’occa-sion de revenir. L’Espagne s’était déjàdotée à plusieurs reprises au XXe sièclede lois permettant aux descendants dejuifs chassés par l’Inquisition, derevendiquer la nationalité espagnole, ceque certains firent avec succès. Nouvelle loi, nouvelle opportunité : àdater du 2 octobre, il est possible deretirer dans les consulats d’Espagne lesformulaires nécessaires, pour autantque l’on parle le judéo-espagnol et quel’on prouve sa judéité. Les dossiersseront traités par le président de lacommunauté juive d’Espagne. On s’at-tend à un afflux massif de demandes.Quid des descendants de musulmanschassés par la même Inquisition, à lamême date ?

Allemagne La sympathique VVN-BdA*,qui nous avait invités le 8 mai à célébreravec elle à Hambourg la victoire sur lenazisme, pourrait être taxée d'inconstitu-tionnalité si l'on suivait le rapport sur laProtection de la Constitution soumis auLand de Bavière, sans doute par des ému-les de Mac Carthy. Et vive la liberté d’ex-pression ! * VVN-BdA : Association créée en 1947 par dessurvivants de la Résistance et des victimes durégime nazi en Allemagne.

France Gens du voyage. Le livret de cir-culation, honteusement imposé à 400 000Français, a enfin été supprimé.

Urbi et orbi Le pape demande à chaqueprêtre d’accueillir un réfugié dans saparoisse.

LE SAVIEZ-VOUS ?

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chaque personneâgée de plus dedix-huit ans. Lesmembres d’unefamille se parta-geaient une petitepièce avec des châ-lits et une table aumilieu. La phase d’admission achevée,ils étaient répartis dans de grandscamps de réfugiés, souvent d’ancien-nes casernes. Dix à vingt lits superpo-sés par salle, deux lavabos. Du linge delit renouvelé une fois par semaine, troisrepas par jour. Les sexes séparés !Certes, l’administration disposait depeu de moyens, et les réfugiésaffluaient. Il fallait que le camp débiteet empêcher l’éclosion d’épidémies.Des jours, des semaines, des mois pas-saient. On pouvait rêver d’envoyer sesenfants à l’école, de leur trouver unapprentissage, de les envoyer dans uneuniversité. Et, quittant enfin le camp,partir en Allemagne de l’Ouest – ceque Berlin-Ouest statutairement n’étaitpas. Une famille arrivant à Hambourg,par exemple, parce qu’elle y avait de laparenté qui lui avait trouvé un loge-ment, ou plutôt des hébergements pourchaque membre de la famille, il fallaitenvoyer les enfants à l’école. Maiscomme les autorités ouest-allemandesavaient omis d’enregistrer qu’à l’Est lerusse était la première langue ensei-gnée, l’enfant venu de l’Est devait rat-traper des années d’anglais et icksannées de latin, de français. Sur laporte de sa classe était écrit non pas 8a(quatrième a) comme pour ses homo-logues ouest-allemands, mais SBZ 8(classe spéciale, mais aussi acronymede « zone d’occupation soviétique »).Sans compter que le marché de l’im-mobilier, en raison de l’afflux dedemandes consécutif au regroupementnécessaire des familles,profitait de la situation.On n’avait pas encorerecours aux psycholo-gues scolaires et autres

La nouvelle « culture de bienvenue » de l’Allemagne par François Mathieu

beaucoup plus pour l’intégration. »Le même institut insiste : « Les entreprises devraient intensé-ment rechercher des réfugiés et leurrendre possible une formation profes-sionnelle en Allemagne. Dans le mêmetemps, la politique migratoire doitconsidérablement faciliter l’accès aumarché du travail. »Une nouvelle qualité dans l’accueil parrapport aux précédentes vagues d’im-migration ? Indéniablement. Depuis lachute du nazisme, l’Allemagne – et/oula République fédérale d’Allemagne –a vécu trois vagues d’immigration, touten ne pouvant guère s’enorgueillir d’a-voir été un modèle d’hospitalité.En 1945-1946, en raison du remodela-ge des frontières européennes, onzemillions et demi d’Allemands dégue-nillés, désespérés, fuient la Silésie et laPrusse orientale et viennent s’installerdans un pays en ruines. Ces survivantsqui parlaient l’allemand avec un accentétranger et n’avaient rien d’autre qu’unpauvre baluchon, voulaient un toit, dutravail. En guise de geste de bienvenue,on leur claquait la porte au nez, y com-pris au sein même des familles.Avant et après la construction du Murde séparation des deux Allemagnes,des milliers d’Allemands de l’Est fui-rent à l’Ouest avec pour bagage unepetite valise, certains pour échapper àune pression politique refusée, d’autrespour pouvoir faire des études choisies,les troisièmes pour pouvoir pratiqueractivement leur religion. Ils n’étaientpoussés ni par la faim ni par les bom-bes. Le camp de transit de Marienfeldeà Berlin-Ouest avec ses nombreuxbaraquements était à la fois un instru-ment de la propagande anticommunis-te des Alliés et un instrument démons-tratif de leur bonne conscience. Lesformalités d’admission duraient desjours, des semaines**. L’autorité, enfait états-unienne, voyant en chaquemigrant un espion potentiel de la Stasi– police politique de la Républiquedémocratique allemande –, interrogeait

Thank you Mama Merkel ! », « Thank you Germany ! » s’écrient desréfugiés syriens, irakiens, afghans, lors-qu’ils foulent un quai de gare à Munichou Berlin. Depuis des mois maintenant,l’accueil de ces hommes, femmes etenfants qui fuient leurs pays en guerreplus ou moins déclarée, mais réelle,s’est mis en place à l’initiative de sim-ples citoyens, d’organisations d’assis-tance, de municipalités, en dépit del’opposition parfois brutale et bruyantedu mouvement des « Patriotes euro-péens contre l’islamisation del’Occident » (Pegida) et des néonazisdu Parti national-démocrate d’Alle-magne (NPD), fortement présents enSaxe (Dresde)Les dirigeants allemands, de gauchecomme de droite, se sont retrouvés côteà côte pour encourager cette politiqued’accueil, dite « culture de bienvenue ».Le vice-chancelier social-démocrateSigmar Gabriel a pu dire que lesAllemands peuvent « gérer un demimillion [de réfugiés par an] pendantplusieurs années, peut-être plus », tan-dis que la chancelière chrétienne-démocrate Angela Merkel a constatéavec un grand sourire : « Ce que nousvivons, c’est quelque chose qui vachanger notre pays. Nous voulons quece changement soit positif. Et nouscroyons que nous pouvons y arriver. »De son côté, et surtout, le patronat alle-mand, confronté à une crise démogra-phique sans précédent, se frotte lesmains, comme en témoigne le PDG deDaimler dans un entretien paru dans lejournal de droite Bild am Sonntag : « La plupart des réfugiés sont jeunes*,bien formés et très motivés. C’est exac-tement le genre de personnes que nousrecherchons. » L’Institut de l’économieallemande (IW), organisme patronal sisà Cologne, note : « Il y a une nouvellequalité dans l’accueil par rapport auxprécédentes vagues d’immigration, oùnous n’avions pas cherché à retenir lesgens. Aujourd’hui, on veut intégrer lestravailleurs à long terme et on fait

qui travaillent sur le « burn-out » et lestress post-traumatique, professionqu’il allait falloir inventer, mais on peutimaginer le nombre de drames fami-liaux et intimes qui ne purent trouver desolution que par la seule force d’unpère, d’une mère, d’un enfant, d’unami.Puis le Mur chutant, dans les années80-90, des millions de Polonais, deRoumains, et surtout de Russes, dontun grand nombre de juifs, vinrent s’ins-taller en Allemagne, sans qu’on lesaccueille à bras ouverts – y compris lesjuifs de Russie au sein de la commu-nauté juive allemande, laquelle ne lesvit pas toujours arriver d’un bon œil.Bref, on le voit, la nouvelle « culture debienvenue » allemande à l’endroit desémigrants serait bien, dans le paysagepolitique de l’Allemagne, une nouvelledonnée déontologique, un élément debonne conscience nationale, mais forte-ment guidés par des nécessités d’ordreéconomique, celui du capitalisme libé-ral allemand. Un phénomène humainqui donnera du sang nouveau à un paysultra-riche et épuisera encore plus despays désormais de plus en plus pauvres. « Logo ! » (logique !), comme disentles Allemands.

* 80 % ont moins de 35 ans.

** Je viens de traduire un roman à paraître enjanvier prochain aux Presses de la Cité, April,d’Angelika Klüssendorf, dans lequel elle racon-te, entre autres, son arrivée, après avoir quitté laRDA, en camp d’accueil à Berlin-Ouest.

IMMIGRATION

Je reçois tous les jours un torchon électronique, «Lettre de riposte laïque », se réclamant menson-

gèrement de la défense de la laïcité. Il s’agit de tex-tes racistes orduriers visant les réfugiés syriens et,en général, l’ensemble des musulmans, incitant àleur expulsion, voire à leur extermination, et fai-sant l’apologie de fascistes notoires tels que ViktorOrban, ou de super réactionnaires comme le mairede Béziers, Robert Ménard.

J’ai connu, au temps de l’Occupation, des jour-naux du même acabit. Je ne souhaiterais pas, surmes vieux jours, revoir ça. Jacques Franck

11 septembre 2015

Vous avez dit « laïque » ? ou la crapulerie informatique

Billet d’humeur

«

L’espace Schengen, « espacede liberté, de sécurité et de justice » européen,comprend les territoires des 26 États qui ont misen œuvre l’accord et la convention signés àSchengen (Luxembourg) en 1985 et 1990. Il fonc-tionne comme un espace unique, sans frontièresinternes, que ce soit pour la circulation des person-nes ou celle des biens . Le traité d’Amsterdam signé en 1999 a intégréles normes de l’espace Schengen dans le droit del’Union européenne, bien que quatre États –Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse – et troismicro-États européens – Monaco, Saint-Marin, etle Vatican – n’en soient pas membres. La Bulgarie,Chypre, la Croatie et la Roumanie doivent à termemettre en œuvre l’acquis Schengen qui s’applique

déjà à tous les États de l’Union, sauf à l’Irlande etau Royaume-Uni.La Convention de Genève, relative au statut desréfugiés, est signée le 28 juillet 1951. Document-clé pour la définition du réfugié, de ses droits etdes obligations légales des États, “rempart édifiépour protéger les réfugiés”, titre le Haut commis-sariat des Nations Unies pour les réfugiés, à l’oc-casion du 50e anniversaire de son adoption. Ladéfinition du réfugié et le principe de non-refoule-ment, c’est-à-dire de non-renvoi d’une personnedans un pays où sa vie serait menacée, font désor-mais partie intégrante des lois internationales fon-damentales et sont intégrés à la législation natio-nale de tout État signataire de cette convention.

À savoir

4 PNM n°329 - Octobre 2015

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Antisémitisme

De « l’homme « épuré » d’Alexis Carrel ... à l’ « homme normalisé » de Le Corbusier

par Armand Ajzenbergpar le Cabinet du Mal et par le Pt. duConseil Municipal de Paris, à la direc-tion d’un comité que j’ai échafaudé etproposé…Le Comité d’étude de l’habi-tation et de l’urbanisme de Paris. J’ygroupe : Giraudoux, Bergery, Alex(is)Carrel, P. Winter, moi, Pierrefeu, etFreyssinet. On m’y a adjoint, mais sousma direction, Auguste Perret et Prost.Notre mission est de mettre au point leproblème de Paris, la ville et sa région.D’étudier, de proposer, de mettre dansle circuit, les grands travaux sous l’égi-de du Pt du Conseil Municipal (qui estun ami convaincu) et du Dr. du Cabinetdu Mal qui est devenu un grand parti-san. De Paris notre mission rayonnerasur les autres villes et la campagne deFrance et sur l’Empire. […] J’ai faitmes adieux pleins d’une amitiéréconfortante, d’une confiance dansl’avenir. […] Voilà ma petite maman ceque je puis te dire aujourd’hui aprèstant de mois d’attente. Ce qui plus est :mes ennemis s’effondrent. […] Etchose bizarre, sauf les dates, tout celaétait dans mon horoscope de 1937. »Pourtant, en avril 1942, ça se gâte : « Ilse pourrait que je me retrouve Gros-Jean comme devant. Il faut s’attendre àtout » écrit-il alors à sa mère. Il voitjuste : début juillet il rentre à Paris. « Adieu, cher merdeux Vichy !».

L’« homme standard » de Le Corbusier est le pendant de

« L’homme épuré » d’Alexis Carrel

Pour l’architecte, l’homme est standar-disé, réduit au « Modulor ** ». « L’animal humain, écrit-il, est commel’abeille, un constructeur de cellulesgéométriques ». Pour Carrel, il est « normalisé » : « Il faut remplacer la

démocratie par la biocratie, la sciencede l’homme »***.Carrel, fasciste ou démocrate ? Il adhè-re dès 1938 au Parti Populaire Français,fondé en 1936 par Doriot qui mourrasous l’uniforme allemand en février1945. Carrel antisémite ou pas ? En1940, quittant New York pour se mett-re au service de Pétain, il s’exclame: « Arrivera-t-on à se débarrasser desétrangers, de toute cette crapule quis’était infiltrée en France depuis vingtans ? On dirait que tous les juifs fran-çais sont à présent à New York. ».Aujourd’hui, l’affaire Carrel est classée :à l’exception de Meaux, les municipali-tés françaises ont débaptisé toute uni-versité, rue, boulevard, avenue, ouimpasse portant le nom d’AlexisCarrel.Évoquant la Fondation française pourl’étude des problèmes humains, NicolasChevassus-au-Louis, écrit : « Carrelavoue en 1943 que la Fondation necompte pas plus de deux douzaines devrais scientifiques : parmi eux, le socio-logue Jean Stoetzel, qui innove en appli-quant la technique du sondage d’opi-nion à l’étude des causes de la dénatali-té française, l’architecte Le Corbusier, lefutur prix Nobel d’économie MauriceAllais ou encore la jeune pédiatreFrançoise Dolto. Ces célébrités ne tire-ront pas par la suite gloire de ce passa-ge à la Fondation. »****Même idéologie et mêmes combatspour les deux hommes. Même combataujourd’hui pour leurs défenseurs.S’agissant de Carrel, certains, tellel’historienne Isabelle vonBueltzingsloewen, mettent en avant « le contexte » ou « la prégnance » dudiscours eugéniste ! D’autres, tel

Pierre-André Taguieff, arguent de la « prégnance du discours antisémite » !Même son de cloche chez les défen-seurs de Le Corbusier. « Que Corbu fûtéquivoque dans ses amitiés, nul n’endoute, mais son antisémitisme fut large-ment partagé » écrit Paul Chemetov,dans Le Monde du 30 avril 2015 !Pourtant, le 17 janvier 1940, LeCorbusier écrit à Paulhan « Le Dr AlexisCarrel qui est en plein accord avec mesidées, m’a autorisé à lui dédier ce livre(il s’agit de « Sur les quatre routes »).Sur la demande de l’éditeur il consenti-rait certainement à rédiger une préface. »Carrel, fasciste avéré, en pleine commu-nion d’idées avec Le Corbusier, et viceversa. L’un serait fasciste, l’autre pas ?La complaisance fascisante de LeCorbusier ne sera pas payante Dans cepanier de crabes qu’était le milieuvichyssois, il a trouvé plus prédateurque lui. « La “chance” de Le Corbusierest que le régime de Pétain ne lui a pasconfié de projet » note Michel Guerrindans Le Monde du 4 mai 2015. Il n’apas été l’urbaniste de la France qu’ilrêvait d’être. Seulement l’architecte de« l’homme normalisé ».

* Cette citation, et celles qui suivent, sont tirées deLe Corbusier, Choix de lettres, Birkäuser, 2002

** Notion architecturale inventée par LeCorbusier en 1944. Silhouette humaine standardi-sée servant à concevoir la structure et la taille desunités d’habitation.

*** Lettre écrite à son frère en 1938, citée parNicolas Chevassus-au-Louis dans LaRecherche, N° 372 de février 2004.

**** Ibid.

NDLR On (re)lira avec intérêt les ouvragesd'Annie Lacroix-Riz : Le choix de la défaite, deMichel Dobry (sous la dir. de) : Le mythe de l'al-lergie française au fascisme ou de Robert Soucy :Fascismes français ? 1933-1939.

PNM n°329 - Octobre 2015 5

Corbu - Carrel : il paraît logique derapprocher deux hommes queleurs défenseurs tentent de blan-

chir en recourant aux mêmes argu-ments.Le Corbusier arrive le 18 septembre1940 à Vichy. Le 31 octobre, après l’en-trevue de Pétain avec Hitler à Montoireet son discours prônant la collaboration,il écrit à sa mère* : « Voici le grandcoup de barre donné par le gouverne-ment français. Nous sommes entre lesmains d’un vainqueur et son attitudepourrait être écrasante. Si le marché estsincère, Hitler peut couronner sa viepar une œuvre grandiose : l’aménage-ment de l’Europe ». Et d’ajouter : « C’est un enjeu qui peut le tenter depréférence à une vengeance sans fruits.L’inconnue est là. Personnellement jecrois le jeu bien fait. […] C’est la fin desdiscours de tribune ou de meetings, del’éloquence et de la stérilité parlemen-taire. La révolution se fera dans le sensde l’ordre et non pas hors des condi-tions humaines »Pour Le Corbusier, la débâcle desarmées françaises est donc une « mira-culeuse victoire française. Si nousavions vaincu par les armes, la pourri-ture triomphait, plus rien de propren’aurait jamais plus pu prétendre àvivre » écrit-il à sa mère. Propos d’undémocrate ? D’un patriote? Bien pro-ches, en tout cas, du mot d’ordre de lagrande bourgeoisie : « Plutôt Hitler quele Front populaire » !Le 28 mars 1942, toujours de Vichy ettoujours à sa maman : « J’ai d’heureu-ses nouvelles à t’annoncer qui te réjoui-ront. Voici une heure que s’est décidéeen haut lieu, l’affaire pour laquelle jelutte …depuis vingt ans. Je suis placé

Une étrange formede solidarité

C’est officiel depuis la mi-août :Mumia souffre d'une hépatite C,

comme 10 000 autres détenus dePennsylvanie. Le protocole de guéri-son a été agréé par l’administrationfédérale des prisons. Trop coûteux,estime l'administration pénitentiaire !

Membre du Collectif Mumia, l’UJREnous invite à agir : en envoyant descartes pétition, en participant à lasouscription lancée pour payer le trai-tement nécessaire.

Mumia se bat pour la liberté. La sien-ne, la nôtre. Le soutenir* est undevoir.

*mumiabujamal.com/v2/category/actualite

Une famille rom à la suite de sonexpulsion d’un bidonville de

Grenoble a trouvé refuge, avec l’aided’un collectif de soutien, dans unemaison inoccupée. Son propriétaire,ne trouvant pas à son goût la procé-dure légale d’expulsion, a préféré sefaire justice lui-même en faisantappel aux voisins. Ceux-ci n’ont pashésité à faire acte de « solidarité »…mais en faveur du propriétaire auxcris de “dehors !”, “barrez-vous” etautres expressions de haine, obtenantfinalement l’appui des forces de poli-ce pour le départ de cette famille. Il reste beaucoup à faire pour redon-ner son sens propre à la notion desolidarité !

Dans une cantine scolaired'Auxerre (Yonne) on fait porter

à des enfants, sous prétexte de régimealimentaire différencié (sans porc ouvégétarien) des pendentifs en cartondont la couleur indique le régime ali-mentaire. Les autres n'ont rien. Ondira peut être qu'il s'agit d'une admi-nistration "ordonnée" de ces cas par-ticuliers. Bien sur ! Mais enfin, celane vous rappelle-t-il rien cette maniè-re de distinguer des êtres humains parla couleur d'un carton bien visible ?[Source : Communiqué PCF 89]

Au moment où nous mettons sous presse, nousapprenons que face au tollé, les autoritésresponsables de cette cantine ont décidé d’an-nuler cette mesure, qualifiée d’ “initiative isoléeet maladroite”. PNM

“Compatir avec les réfugiés” ?

C’est l’histoire d’un rabbin qui, auplus fort de la persécution anti-

sémite de la seconde guerre mondia-le, s’en va solliciter, entouré de repré-sentants de sa communauté, la solida-rité d’un archevêque en lui expli-quant toutes les difficultés quotidien-nes que rencontrent les juifs. Trèsému, l'écclésiastique lui répond :“Nous pleurons avec vous”. Le rab-bin de lui répondre : “Pleurer, nouspouvons le faire seuls. Si nous som-mes venus vous rencontrer, c'est pourvous demander de l'aide !”Vous avez ri ? Vous avez tort.L’histoire est vraie.

Solidarités La ïc i t é

Mumia Ça ne vousrappelle rien ?

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Repères biographiques

6 PNM n°329 - Octobre 2015

Le lundi 26 Janvier 1946, Marie-Claude Vaillant-Couturier témoi-gne au Procès de Nuremberg. Un

témoignage bouleversant qu’elle articuled’une voix posée, lentement, afin de faci-liter le travail des traducteurs. Peu d’hési-tations. Les images de ce moment sontfixées pour l’avenir. Parfois en plan rap-proché, souvent en plan plus large. Lemicro haut placé, les écouteurs sur lesoreilles, un mouchoir dans la poche de saveste. Elle est assise sur une chaise à dos-sier droit. Sa main droite est posée sur labarre. L’autre l’est sur la tablette quemasque le pupitre. Parfois elle saisit unverre et boit une gorgée d’eau. Devantelle, à sa gauche, les juges et juges sup-pléants : le président britannique, LordJustice Lawrence, en robe mais sans per-ruque ; les juges américains en civil ; lessoviétiques en tenue militaire ; les fran-çais, le Pr. Donnedieu de Vabres et leconseiller Falco, en robe. A sa droite, dessténotypistes qui retranscrivent ses paro-les. En face, à sa hauteur, devant un pupi-tre, à l’autre bout du passage qui sépareles juges des accusés, le procureuradjoint français Charles Dubost qui l’afait inviter à témoigner. Plus loin, sur sadroite, face aux juges, les vingt et unaccusés, assis sur deux rangs : les anciensmaîtres de l’empire millénaire prédit parHitler. Elle ne regarde pas la salle. Ellefixe un point obscur, toute à ses parolesdans le bruit de fond permanent de l’in-terprétariat. Elle consulte rarement sesnotes. Deux mois se sont écoulés depuis l’ou-verture du Procès. Des 29 témoins appe-lés, elle est la première femme à se pré-senter. Elle est arrivée d’un pas décidé ets’est avancée vers les accusés qu’elle aregardés, longuement, lentement. En1975, elle parlera encore du « miracle de(se) trouver vivante et libre devant cesdeux rangées des plus hauts dignitairesnazis assis sur le banc des accusés ».« Pouvoir les regarder droit dans lesyeux, plonger mes yeux dans ceux deGoering. En racontant les souffrances detous ceux qui ne pouvaient plus parler,j’avais le sentiment que par ma boucheceux qu’ils avaient torturés, exterminés,accusaient leurs bourreaux. » Et en1994, à nouveau, elle rappellera que« l'une des hantises de tous les déportés,c'était l'idée que nous puissions tousdisparaître sans laisser de trace, et queces crimes restent ignorés du monde ».Aucun témoin juif n’a été appelé pourtémoigner d’Auschwitz. C’est elle qui vale faire. Marie-Claude a été déportée à Birkenauen janvier 1943, dans un convoi de 230femmes, en majorité résistantes, la moi-tié communistes.

Histoire

Novembre 1945 - Le procès de Nuremberget le témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier sur Auschwitz

par Dominique DURAND*

Née en 1912, Marie-Claude Vaillant

Couturier est la fille deLucien Vogel, créateurnotamment de Vu, magazi-ne engagé dans le combat

contre le fascisme, le nazisme et le fran-quisme, où elle publie en 1934 des photosdes premiers camps : Dachau etOranienburg. Elle épouse Paul Vaillant-Couturier, fondateur en 1917, avec HenriBarbusse, de l’Association républicainedes Anciens Combattants, l’ARAC (dontLe Réveil tient le cap), en 1920 du Particommuniste, en 1932, de l’Associationdes écrivains et artistes révolutionnaires(AEAR) et rédacteur en chef deL’Humanité de 1926 à sa mort en 1937.Elle dirige, aux côtés de DanielleCasanova, le Mouvement des Jeunesfilles de France qui, fondé en 1936, vajouer un rôle de premier plan dans laRésistance mais c’est à L’Humanité, alorsclandestine, qu’elle rencontre RogerSalomon Ginsburger, fils de rabbin qui,fondateur en 1942 du Front national,prend le nom de Pierre Villon, devient en1944 président du Comité d'action militai-re du CNR et prépare la libération deParis : elle l’épousera en 1949. Marie-Claude participe à la Résistancecivile et militaire. Arrêtée par la police deVichy le 9 février 1942, avec JacquesDecour, Georges Politzer, Jacques

Solomon, Arthur Dallidet, elle est internéeà la Santé puis au Fort de Romainville. Le24 janvier 1943, elle fait partie des 230femmes déportées à Auschwitz par lefameux convoi des 31000. Parmi elles,119 communistes, 85% de résistantes,dont Danielle Casanova, Charlotte Delbo,Maÿ Politzer et Hélène Solomon. Ellesentrent dans le camp en chantant unevibrante Marseillaise. Transférée au camp de Ravensbrück, libé-ré le 30 avril 1945, elle reste sur place poursoigner les rescapés. Témoin au Procès deNuremberg, elle multiplie les mandatsélectifs après la Libération : Assembléesconsultative provisoire puis constituantes,Assemblée Nationale. Elle sera vice-pré-sidente de l’Union des FemmesFrançaises, membre du Comité central duPCF, membre, vice-présidente puis prési-dente de la FNDIRP, témoin en 1987 auprocès de Klaus Barbie, présidente de laFMD fondée en 1990 dont elle sera prési-dente d’honneur jusqu’à sa mort en 1996.Ignorant la rancœur, elle déclarera àl’Unesco, lors du 50e anniversaire de lalibération d’Auschwitz : « Commentpourrions-nous critiquer ceux qui refu-sent de nous croire alors que nous-même,qui avons vécu cela, nous n’arrivons pasà le croire ». Le matricule 31 685 fut unegrande dame. * Charlotte Delbo, Le Convoi du 24 janvier, Édi-tions de Minuit, 1965 (réédité en 2002), 304 p.

« En m’asseyant à la barre, je me dis :“Je parle pour toutes celles qui ne sontplus là. Pourvu que je n’oublie rien.” »Elle évoque les expériences sur lescobayes humains. Elle rappelle les exter-minations massives par chambre à gazou piqûres mortelles. Elle décrit lesconvois, la rampe, le tri. C’était il y aquelques mois seulement. Elle y était. LeProcureur Robert H. Jackson l’inter-rompt en anglais pour lui poser une ques-tion sur le nombre de survivantes de sonconvoi rentrées en France. Elle luirépond en anglais : 49. Quand elle parledu tatouage de son matricule àAuschwitz, elle relève la manche gauchede sa veste et le montre rapidement.Elle ne parle pas en victime. Elle veutincarner la Résistance et la victoire sur lefascisme.Elle est revenue de Nuremberg choquéeet inquiète. Elle n’a trouvé le procèssatisfaisant ni sur le fond ni dans saforme. Sur le fond, elle regrette que lespatrons des grandes firmes allemandesexploitant la main d’œuvre concentra-tionnaire ne soient pas jugés. Ils le serontdans une seconde vague de procès.Sur la forme, elle trouve la procéduretatillonne. Elle aurait voulu que soit faitle procès du fascisme et de son idéologie,celle qui « transforme les hommes enbêtes féroces, bourreaux et victimes. »Plus tard elle reconnaîtra : « Ce qui restepour moi le bilan essentiellement positifdu procès, c'est la notion exprimée pourla première fois de crime contre l'huma-nité. C'est un progrès de la consciencehumaine. Au cours de toute l'histoire, desmassacres ont été commis, des extermi-nations de peuples entiers se sont faitesavec bonne conscience. Aujourd'hui, l'onsait que ce sont des crimes contre l'hu-manité et qu'ils sont imprescriptibles. Ladéclaration universelle des droits del'homme en découle ; même si ces droitssont violés un peu partout dans le monde,c'est un point d'appui pour tous ceux quiveulent en faire une réalité. ».Et elle se souviendra qu’Edgar Faure,

l’un des procureurs pour la France, adémontré que « le thème antijuif était unmoyen toujours disponible de dériver lescritiques et les colères publiques. C'était,d'autre part, un procédé de séductionpsychologique très habile à l'égard desesprits simples. (...). Enfin, les nazis sedonnaient ainsi la possibilité de fanatiserleurs adeptes en réveillant chez eux, et enencourageant, les instincts criminels quiexistent toujours, dans une certainemesure, et de façon virtuelle, dans l'âmehumaine. »

* Journaliste, président de l’Association françaiseBuchenwald-Dora et Kommandos, DominiqueDurand a publié fin 2012 chez Balland une bio-

graphie de Marie-Claude Vaillant-Couturier. Il estconnu de nos lecteurs pour avoir co-écrit, sous lepseudonyme de Dominique Decèze,avec Simon Cukier, David Diamant etMichel Grojnowski, Juifs révolution-naires de France,une page d’histoiredu Yiddichland en France, 1987,Messidor.

** Biographie de M-C Vaillant-Couturier : http://www.fndirp.asso.fr/informations-et-docu-mentation/temoignagede-marie-claude-vaillant-couturierau-procesde-nuremberg/*** Déposition à Nuremberg : Texte http://www.fndirp.asso.fr/wp-content/uploads/2013/03/temoignage_mc_vc_nuremberg.pdfVidéo 1https://www.youtube.com/watch?v=NoN4P7_694 Vidéo 2https://www.youtube.com/watch?v=CCCQ64wVSNg

Les mots pour le dire

« Panthéon »

Pourquoi j’ai décliné l'invitation à la cérémonie duPanthéon ? Le choix des résistant-e-s, la mise en

scène de la cérémonie m'ont paru très critiquables. 1. Pierre Brossolette a été présenté dans les médiascomme membre de la SFIO, alors qu’il était minoritairedans son parti en 1936 et 1938, parti dont l’écrasantemajorité des députés votera les pleins pouvoirs à Pétain.2. Outre les quatre résistant-e-s honoré-e-s, il est injus-tifiable que n’ait figuré aucun-e communiste,

alors que le PCF joua un rôle de premier plan dans laRésistance française. Faut-il rappeler qu’en 1945, nulne contestait qu’il se présente aux élections comme« Parti des fusillés » ?

3. La cérémonie était centrée sur le Président seul, éloi-gné de la foule, alors que le corps de Victor Hugo a étéaccompagné depuis son domicile dans le 16e arrondis-sement jusqu'au Panthéon par plus d'un million de per-sonnes ... Enfin, la Journée nationale du 27 mai qui commémorela Résistance à travers le CNR, enfin obtenue il y adeux ans, a été occultée. Quelle tristesse !

Maurice Cling

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Accompagné dans ces deux spectacles de théâ-tre musical de la gracieuse comédienne-chan-teuse Katell Grabowska, l’élégant conteur et

chanteur Ben Zimet à « la jolie voix de ténor » conti-nue de nous faire rêver et voyager dans l’univers duYiddishland et du déracinement.

Dans Un enfant de la Corrèze, l’homme à la maturitéassurée fait parler sur scène cet enfant enfoui en lui. Etc’est si actuel, lorsqu’il nomme la peine immense dela séparation d’êtres chers, ses parents, « le vécu deréfugié », l’exil. C’était pendant la guerre, il y a 70 ans,lorsque les juifs étaient pourchassés et exterminés. Unenfant de 5 ans ne voit pas le danger mais ressent lemanque affectif, l’absence. L’enfant ne voit pas lesévénements comme les verrait un adulte, et c’est ceque Ben Zimet raconte sur scène à la première person-ne, parfois à la troisième, sur le ton de l’humour, avec

l’ironie du désespoir, du sentiment d’injustice, enchansons et en paroles. Sur le plateau, un cadre, uneradio de l’époque. Et Jachko Ramic, l’accordéoniste.Un récit de vie émouvant qui, par la distanciation, rendles événements et les protagonistes plus présents, plusévidents.

Yiddish Follies brosse l’itinéraire du peuple juif,d’Odessa à Buenos Aires, en passant par Varsovie,Cracovie et New York et en suivant les ghettos. Leshuit tableaux-histoires sont illustrés par des chansons,des récits, des projections audios et visuelles. Lesmusiques s’influencent : yiddish, blues, jazz, rap,opéra. Les extraits projetés de films de Segundo deChomóm (1906) et d’Alexander Granovsky (1925),qui viennent dans le spectacle illustrer la force d’uneculture détruite, sont étonnants. Le cabaret et la fantai-sie sont présents. Katell se prête à une jolie danse.

PNM n°327 - Septembre 2015 11

“Un enfant de la Corrèze” et “Yiddish follies”*Ben Zimet et Katell Grabowska nous conduisent avec pudeur et humour au cœur de la douleur d’uneenfance cachée, puis dans un tour du monde ashkénaze.

Culture

PNM n°329 - Octobre 2015 7

Les “Bibliothèques de l’Odéon”songe », en référence à Calderon, mais aussi àDescartes. Au cours de ce cycle sera étudiée la relationentre rêve et réalité : d’abord Descartes puis Utopie -rêve ou réalité. On abordera Descartes, Matrix,Shakespeare, Calderon, Bachelard. Un atelier philopour les 8-12 ans avec « Les Petits Platons » se tiendraau Salon Roger Blin à la même heure, sur des théma-tiques proches. Dans le même lieu, en partenariat avecles Éditions du Seuil (sciences humaines), quatre ren-dez-vous sont proposés le jeudi à 18 h. : RolandBarthes et Pierre Bourdieu, deux grands penseurs duXXe siècle, Didier Fassin et Mickaël Foessel, deux phi-losophes du XXIe siècle. En partenariat avec l’Institut Français, le cycle « Lesdialogues du contemporain » ouvre sur des théma-tiques de sciences sociales : la Grèce, le climat… avecpour invités, Zizek, Badiou, Naomi Klein, BrunoLatour. Le cycle « Scènes imaginaires » donne carteblanche à un metteur en scène programmé au cours dela saison. En coproduction avec Blandine Masson deFrance Culture, Arnaud Laporte conduira les entretiensavec Angélica Liddell, le scénographe RichardPeduzzi, Warlikowski, Ostermeier qui nous parlerontdes auteurs qu’ils aiment, de leurs sources imaginaires,de ce qui nourrit leur travail. Enfin, pour « Un dimanche à… », la version biblio-thèque de l’Odéon hors les murs, en partenariat avecPhilippe Bélaval, président du Centre des monumentsnationaux, le comédien Léon Bonnafé conduira lepublic dans un lieu surprise, depuis le parvis del’Odéon. Avec 60 rendez-vous prévus en 2015-2016,l’Odéon-Théâtre de l’Europe donne accès aux livres,ouvre la porte aux penseurs, intellectuels, écrivains. Il se donne pour mission d’ouvrir sur la pensée, le ques-tionnement, sur ce qui relève de la littérature et desquestions de sociétés, du contemporain.

* Abonnement 50 € (10 entrées non nominatives).Brochure disponible le 2/10. Ouverture de saison le6/10. François Maspero, Une poétique de la résistan-ce, sera donné le 19/10 à 20h. dans la Grande salle,entrée libre (Réservation 01 44 85 40 40).

Théâtre La chronique de Simone Endewelt

C’est dans ce haut lieu de culture, l’Odéon-Théâtre de l’Europe, lui-même implanté dansun arrondissement historiquement tourné vers

les arts, les lettres et les sciences humaines, et la vieestudiantine, que le secrétaire général Olivier Borderie,et Marylène Bouland, responsable de projets, aveclaquelle nous nous sommes entretenue, mettent enplace dans la grande salle du théâtre et le Salon RogerBlin une programmation en principe indépendante desspectacles, sans parler des partenariats avec FranceCulture et France Inter, et des personnalités du mondede la littérature, de la philosophie, des sciences socia-les-sciences humaines, du théâtre, du patrimoine…Pour la modique somme de 5 euros*, enfants et adultespeuvent venir se frotter à des œuvres ou à des créateursle lundi soir, le samedi après-midi dans la salle de théâ-tre et les soirs à 18 heures au Salon Roger Blin.Tout est organisé par cycles qui ont chacun leurthématique propre.La programmation s’articule en grands domaines dontles trois premiers cités plus haut. L’ « Avant scène »concerne plus directement le théâtre. « Les inatten-dus » intègrent d’autres activités, les rencontres musi-cales, « l’hommage à Tadeusz Kantor », « le bestiaired’amour » avec Isabella Rossellini. Cette saison, Jean-Philippe Toussaint, invité avec The Delano Orchestra,présentera « Marie Madeleine Marguerite deMontalte », spectacle musical qui évoque l’ensembledu cycle romanesque consacré à Marie. Le cycle « Exils », en partenariat avec France Inter(rediffusion) et Paula Jacques, propose des rencontresautour d’écrivains disparus dont l’œuvre et la vie ont àvoir avec le déracinement. Lors des saisons précéden-tes, y ont été abordés les auteurs anglo-saxons, ceux duSud, et les grands auteurs juifs de la Mitteleuropa.Cette saison sera consacrée à Kessel, Conrad, IrèneNémirovsky, Soljenitsyne, Thomas Mann. Le « cycle philosophie » avec Raphaël Enthoven, enpartenariat avec France Culture (rediffusion en grilled’été), a lieu une fois par mois de janvier à juin le same-di après-midi avec pour thème « la vie comme un

Enfants à Gages-le-Bas dans l'Aveyron en 1943Au centre Ben Zimet, son frère lui aussi en pantalon de golf,

sa sœur la plus grande.

Dimanche, encore des boulbès ! (des patates)ַ זונטיק ווייטער בולבעס – zuntik vayter bulbes !

* Ces deux spectacles ont été vus respectivement au Mémorial de la Shoah et au Théâtre des déchargeurs, et seront repris très prochainement.NDLR Initiateur et directeur artistique du Festival International du Conte et de la Parole créé en 2007 à Gorée (Sénégal) sur le thème“Esclavages et traite négrière” et ouvert par une commémoration de son abolition, Ben Zimet a pour devise qu’ “aucun ghetto n’ajamais enfermé l’esprit de l’homme”, phrase extraite de son ouvrage :“Conte des sages du Ghetto” (Le Seuil, 2003). On peut se pro-curer son double best of “Aux sources du Klezmer” (2015) et le CD intégral (2014) du spectacle “Un enfant de la Corrèze”.

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ABDESSEMED. ATTIE. BALKA. BARTANA. BECK. BERNARD.BLOCHER. BOLTANSKI. BOROWCZYK. CÉRINO. CONVERT.DEHAIS. DESBOUIGES. DEUX. FAROCKI. FAUCHER.FREUNDLICH. GINZ. GONZALEZ TORRES*. GROSSARTH.HYVRARD. JANICKA. JEZIK. JITRIK. KICHKA. KLIAVING.KOCZŸ. KUITCA. KUSNIR. LE SQUER. LEJZEROWI CZ. LEVIN.MAAREK. MARYAN. MINAVERRY. MONORY. NARKEVICIUS.NUSSBAUM. PIOTROWSKA. SALOMON*. SASNAL. SCHULZ.SEKSZTAJN. STEIB. STERN. STOJKA. STRZEMINSKI*. SWAIM.THÉO. TUYMANS*. VÉROT. VOSTELL. WEISS.

commissaire de l’exposition – avec NicolasSurlapierre, conservateur et directeur desMusée(s) de Belfort et de la Citadelle deBelfort, Jean-Marie Boizeau, directeur de l’École d’artde Belfort Gérard Jacot, Pierre Soignon, coordinateurarts plastiques au Granit, scène nationale, Belfort – nousinvite à participer à cet événement :

Programmation exceptionnelle (films, débats, concerts)distribuée sur Belfort, Audincourt et Montbéliard.Exposition guidée possible pour les lecteurs de la PNM si ennombre suffisant – Calendrier au 19 Crac de Montbéliard : 03 81 94 43 58 – Inscription* UJRE/PNM : 01 47 70 62 16

Débats• Les enjeux mémoriels et politiques du génocide

(Rencontre/débat avec Philippe Cyroulnik)• Retour sur l’abîme (interventions, lectures) Films• Les ombres, un conte familial, Leïla Férault-Lévy• Mémoires tziganes, l’autre génocide, H.Asséo et I.Bloch• Emil Weiss, Hourbn, la destruction (trilogie)• Alain Resnais, Nuit et brouillard• László Nemes, le Fils de Saül • Volker Koepp, M. Zwilling et Mme Zuckerman• Daniel et Pascal Cling, Il faudra raconter• Marceline Loridan-Ivens, La petite prairie aux bouleaux• Charles Najman, La mémoire est-elle soluble dans l’eau• Leïla Férault-Lévy, Bon papa, un homme sous l’Occupation• Claude Lanzmann, Sobibor et Un vivant qui passe

Concerts• À l’ombre du génocide, œuvres de Pavel Haas,

Gideon Klein, Steve Reich.• Du Shtetl au ghetto (LATWAL, Yiddish electro dub.)• En passant par Krasnik, Pologne (TALILA)

* sous réserve

Retour sur l’abîmeL’art à l’épreuve du génocide

Exposition du 10 octobre au 16 janvier

Autour de l’exposition

Philippe Cyroulnik, directeur du 19, Centrerégional d’art contemporain à Montbéliard,

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Dans notre numéro de septembre, nous vous faisions part de la mena-ce pesant sur la crèche Louise Michel de Levallois-Perret*. Depuis,s’est constitué, le 8 septembre, un comité de défense, le COMITÉ

BORIS. Notre magazine y prend toute sa part. Il a tenu à contribuer à cetteaction en proposant une carte-pétition (voir ci-contre) qui dès le 11 septem-bre, a reçu un accueil chaleureux, diffusée qu’elle était sur plusieurs standsde la Fête de l’Humanité, dont le nôtre au Village du Livre (voir page 2).Nombre de nos lecteurs, abonnés et amis ont profité de l'occasion poursigner ces cartes-pétition, dénonçant le projet de destruction des panneauxmonumentaux de Boris Taslitzky qui décorent cette crèche. L’artiste avaitdédié ses panneaux “à Louise Michel et aux enfants de Nouméa”. CarLouise Michel fut de ces communards qui considéraient les Kanaks commedes humains à part entière. Elle s'était liée d’amitié avec le chef kanak qui futenseveli dans l'un des drapeaux de la Commune de Paris. ÈvelyneTaslitzky, fille de l’artiste, a déposé un référé. Des Levalloisiens et d’an-ciens élus, constitués en association de sauvegarde du patrimoine culturel,ont aussi déposé un recours gracieux pour demander que l'on ne détruisepas la crèche, quand plus de 800 enfants sont inscrits sur des listes d'atten-te ! Mais donnons la parole à Evelyne Taslitzky : En qualité d’ayant-droit,où en sont vos démarches ? “J’ai rencontré le 10 septembre, avec mon avocate, des représentants de la mairie. Ils pré-tendent ne pas vouloir détruire les œuvres et envisagent des hypothèses de dépose et de déplacement. Je pense que si lacrèche n’était pas détruite, cela résoudrait le problème. Sinon, il faudra malheureusement obtenir que l’œuvre, compo-sée de cinq panneaux indissociables, soit déposée et déplacée sur un même lieu destiné à des enfants. La démembrer seraittrahir sa signification. Les panneaux sont grands**, les déplacer n'est pas a priori sans risque. Sans rompre les discus-sions, j'ai donc saisi la justice par voie de référé. En attendant les réactions de la mairie de Levallois-Perret, j’appelle voslecteurs à continuer de signer et faire signer la pétition qui dépasse déjà les 6 000 signatures.”

* Crèche Louise Michel, 13 rue Vergniaud, Levallois-Perret – M° Louise Michel (ligne 3)** 9m x 3m avec un retour de 2m x 3m pour l'un, 5m x 3m pour un autre et 3m x 2,25 pour les trois plus petits.

8 PNM n°329 - Octobre 2015

L i t t é r a t u r e

Àmesure que le XXe siècle s’éloi-gne, l’échelle des valeurs littérai-res change : des auteurs oubliés

sont revalorisés, voire sortis des limbesde l’Histoire. Lu et apprécié de sontemps par les lecteurs de langue alleman-de, Joseph Roth est redécouvert d’uneédition nouvelle à une réédition, dansune France qui ne l’avait pas apprécié deson vivant. Volumineux et prodigue, leCahier de L’Herne donne la mesure decette évolution.Les biographies se sont multipliées, toutcomme les essais sur sa prose, à tel pointque l’on peut se demander qui est JosephRoth ?Un petit Juif qui, né en 1893 à Brody, enGalicie, c’est-à-dire aux confins de l’em-pire habsbourgeois, fait ses études enallemand, ne connaît pas le polonais,encore moins le yiddish ? Cela ne faitaucun doute à ceci près qu’il a affabulésur ses origines, sur sa famille (son pèredisparu et sa mère morte en 1922). Il n’est pas certain qu’il ait combattu pen-dant la Grande Guerre ! Roth est donc unJuif converti au catholicisme, quoiquetrop peu religieux pour être un véritableAutrichien. Un monarchiste ? Certes,comme beaucoup de Juifs qui, dans unempire austro-hongrois où l’antisémitis-me est en plein essor, bénéficient de laprotection directe du vieil empereurFrançois-Joseph, qui leur a fourni desgages de sa bienveillance. Ses grandsromans, La Marche de Radetzky, LaCrypte des capucins, même Le Conte dela mille et deuxième nuit en témoignent.

Socialiste ? Homme de gauche, sûre-ment, et très conscient du danger dunational-socialisme dès La Toile d’arai-gnée, publié en 1923, alors qu’il vit àVienne. Quant à ses rapports avecl’Union soviétique, ils varient. Plusieursde ses œuvres sont l’expression de cetteambiguïté : Hôtel Savoy (1924), LaRébellion, La Fuite sans fin (1927),Gauche et droite (1929), Tarabas (1934)montrent des personnages (jamais lehéros principal) qui rejoignent le camprévolutionnaire, avec le plus souvent uncertain scepticisme. Sauf Le Prophètemuet (1929) qui, là, nous offre une figu-re de militant convaincu. Engagé de lon-gue date, il participe à la révolutiond’Octobre et garde ses convictions. Ildialogue avec l’auteur qui tient le rôle ducontradicteur sceptique. Il faut dire quece roman est sorti de presse un an aprèsle long séjour de Roth en UnionSoviétique, entrepris pour le compte dugrand quotidien allemand FrankfurterZeitung, alors qu’il venait de perdre sonposte de correspondant à Paris.Consigne lui était donnée de se montrerplus critique que ses prédécesseurs. Enpleine NEP, Roth a le mérite de peser lepour et le contre, sans a priori. En somme, il est l’homme de toutes lescontradictions et incarne par là lesangoissants questionnements de sonépoque, qui sont d’ailleurs le sujet debon nombre de ses ouvrages.Peut-être devrions-nous prendre un peude hauteur et analyser sa démarche dansson ensemble et dans toute sa complexi-

té comme l’a fait Claudio Magris : ce petit homme inquiet, au regard péné-trant, à l’intelligence affûtée, hanté par lesouvenir de l’empire déchu – la « Cacanie » chère à Robert Musil – quise transmue en un imaginaire nostal-gique, son incapacité à retrouver unHeimat (une terre où vivre de manièredécente et en laquelle s’identifier neserait-ce que dans un rêve illusoire), finitpeu à peu par voir l’univers en marcheconstante vers le chaos, comme allaitaussi le faire un Karl Kraus. Vu sous cetangle, ce puzzle complexe et déconcer-tant s’assemble pour révéler une visionjuste et terrible, annonciatrice d’unenouvelle Apocalypse.Quand, âgé de 45 ans, Roth meurt àl’hôpital Necker, à Paris, le 27 mai 1939,la question se pose : qui appeler ? Le rab-bin ou le prêtre ? Sa conversion paraîtavoir été plutôt fantasmatique.Finalement, on décide de l’enterrer dansle petit cimetière de Thiais selon un ritecatholique « modéré » ! Cette mort enexil résume assez bien tous les para-doxes de sa vie.Joseph Roth n’a jamais cessé de se pas-sionner pour le sort de ses congénèresjuifs, comme le manifeste déjà, dans leroman Job (1930), le destin du petitmonsieur Mendel. Ce Juif très modestene veut pas aller rejoindre son fils qui estparti pour l’Amérique où il a réussi. Unefois sa famille disparue, il reste seul avecun enfant handicapé et subit le mêmesort que le personnage biblique ! Cettehistoire traverse plusieurs écrits.

D’abord les articles du voyage en Russieen 1926, où Roth remarque qu’il n’y aplus de pogroms (mais l’épée deDamoclès est toujours là), qu’on laissese développer la culture juive, mais noteque tout n’est pas parfait. Puis il y lamerveilleuse petite nouvelle, Mendel, leporteur d’eau (écrite vers 1928, restéeinédite), qui croit pouvoir faire sonmétier en toute quiétude à Vienne et n’yconnaît que des déboires, sans oublierJuifs en errance, paru en 1927, qui,comme le roman du célèbre journalistetchèque Egon Erwin Kisch, Les septghettos, est un reportage minutieux,digne d’une recherche ethnographique,sur la vie, les mœurs, les comportementssociaux et la culture des Juifs aussi bienà l’Est qu’à l’Ouest de l’Europe entre lesdeux guerres.Si vous voulez découvrir Joseph Roth,ces Cahiers de L’Herne sont le meilleurmoyen d’ y parvenir !

Joseph Roth, le petit juif autrichien qui écrivaitdans un petit café de la rue de Tournon…

par Gérard-Georges Lemaire Les Éditions de L’Herne nous offrent un somptueux Cahier* sur la vie et l’œuvre de Joseph Roth, avec des inédits, des documents d’époque et des contributions remarqua-bles dont celles de Claudio Magris, Herta Luise Ott, ou Marc Sagnol. C’est là une somme inestimable pour découvrir un auteur aux mille contradictions…

À lire

BALKANY CONTRE LOUISE MICHEL

Appel à la sauvegarde

du patrimoine culturel

P.N.M. (Comité Boris) – 14 RUE DE PARADIS – 75010 PARISou remise au porteur

La municipalité de Levallois-Perret a déci-dé de détruire la crèche Louise Michel,ornée de cinq panneaux monumentauxsur ciment de Boris Taslitzky. En signantcet appel du Comité Boris, je m'opposeà la destruction programmée d'une œuvred'art. Je souhaite être informé-e sur lessuites des actions engagées en ce sens.

NOM – PRÉNOM – ADRESSE – COURRIEL – SIGNATURE

Vient de paraître• Cahier n° 111 Joseph Roth,paru sous la direction deCarole Ksiazenicer-Matheron& Stéphane Pesnel, Éd. del’Herne, 2015, 400 p., 39 €.• Joseph Roth, Viens à Vienne je t’at-tends, présenté par Alexis Tautou,Carnets », L’Herne, 64 p., 7,50 €.

Et aussi ...• Claudio Magris, Loin d’où, JosephRoth et la tradition juive-orientale,traduit par Jean et Marie-NoëllePastureau, Éd. du Seuil, 2009,470 p.• Soma Morgenstern, Fuite et fin deJoseph Roth, traduit de l’allemandpar Denis Authier, Liana Levi, 1997.• Enfin, la plupart des romans deJoseph Roth sont disponibles en col-lections de poche, Folio et Points.

Pierre Radvanyi, Au delà du fleuve,avec Anna Seghers", Éd. Le Temps descerises, 151 p.,14 € : Témoignage d'unfils sur cette grande romancière néeNetty Radvanyi.

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