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Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 311 novembre 2015 – 6 – ISSN 945863 Dossier L’agriculture paysanne à la cantine! L’agrobusiness dérègle le climat, l’agriculture paysanne le protège !

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Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 311 novembre 2015 – 6 € – ISSN 945863

Dossier

L’agriculture paysanne à la cantine !

L’agrobusiness dérègle le climat,l’agriculture paysanne le protège !

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est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

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Vie syndicaleActualitéÉlevage Des abattoirs de proximité pour une mort digne

de nos animaux

Sanitaire La FCO de retour dans les régions

du centre de la France

Bio Trop bio pour être vrai

Climat Le climat face au mensonge de la compétitivité

Les jeunes à l’assaut de la Cop 21 !

Auchan détruit terres et climat à deux pas de la Cop 21

Traités de libre-échange Le Tafta, de Miami à Bruxelles

Point de vue Le progrès au service des paysans ?

InternationalesLe mirage allemand

Agriculture paysanneLimousin 11 jeunes s’installent sur une ferme

de 80 hectares !

InitiativeLa bidouille fermière à l’anglaise

Un partenariat exemplaire entre Normand.e.s

et Francilien.ne.s

CultureMaxime Combes Sortons de l’âge des fossiles !

Collectif La société civile contre le crime climatique

Annonces Culture - documentaire Vincent Lapize Le dernier continent (NDDL)

ActionSommet de l’élevage Aux fossoyeurs de l’agriculture

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SommaireDossier Restauration collective

L’agriculture paysanne à la cantine !

À MichèleMichèle Gros a laissé passer les vendanges pour partir.Mais elle ne nous a pas quitté.e.s pour autant. Combat-tante infatigable, elle a usé ses dernières forces pour lut-ter contre la maladie. Elle était pourtant là pour fêter l’agri-culture paysanne, avec nous, le 19 septembre.Co-porte-parole de la Confédération paysanne du Var pen-dant 12 ans, Michèle était aussi une alter ego attentionnée.Exigeante avec les autres comme avec elle-même dansses responsabilités, dans son quotidien de paysanne.Tour à tour bergère, viticultrice, éleveuse de poulets,comptable, syndicaliste opiniâtre en même temps queprésente sur le territoire à défendre ses conceptions quisont aussi les nôtres, d’une agriculture à dimensionhumaine, qui préserve notre environnement. Michèle,les pieds bien sûr terre, dans la terre qu’elle aimait, qu’ellerespectait au point de vouloir la défendre et la partager.Elle était là pour la création du Collectif de défense desterres fertiles en 2006, emblème de la résistance à ladisparition des terres agricoles et nourricières. Elle étaitlà aussi pour la Cigale, en soutien et solidarité à depetits projets de dynamique territoriale.Élue à la chambre d’agriculture au nom de la Confédé-ration paysanne, son intelligence et son intransigeancelui ont valu aussi mépris et quolibets : elle ne faisait paspartie de ces notables imbu.e.s de leur pouvoir, parcequ’elle était là pour l’agriculture paysanne.Michèle, femme travailleuse paysanne dans un milieuagricole machiste, savait imposer sa condition de femmesans fléchir. Alors, toute l’énergie qu’elle a donnée pour le syndicat,pour les paysan.ne.s, autour d’elle, pour ce païs qu’ellevoulait préserver, pour nous, cette énergie nous l’avonsencore pour continuer cette lutte pour l’humain, laliberté et la solidarité, pour la vie.

Michel Apostolo, paysan dans le Var

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Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 3

Mikel Hiribarren,paysan au Pays Basque,

secrétaire national de la Confédération paysanne

LOn l’ouvreLuttes d’automne

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : 0143628003campsol@confederationpaysanne.frwww.confederationpaysanne.frwww.facebook.com/confederationpaysanneTwitter : @ConfPaysanneAbonnements : [email protected] de la publication :Laurent PinatelDirecteur de la rédaction :Christian BoisgontierRédaction : Benoît Ducasse et Sophie ChapelleSecrétariat de rédaction : Benoît DucasseMaquette : Pierre RauzyDessins : SamsonDiffusion : Anne Burth et Jean-Pierre EdinComité de publication :Jo Bourgeais, Michel Curade, VéroniqueDaniel, Temanuata Girard, Florine Hamelin,Sylvain Malgrange, Jean-Claude Moreau,Josie Riffaud, Geneviève Savigny,Véronique LéonImpression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1116 G 88580N° 311 novembre 2015Dépôt légal : à parutionBouclage : 27 octobre 2015

Le tiers des paysan.ne.s de France déclarent des revenus inférieurs à 640 euros par mois.Mais ils et elles paient une cotisation maladie à hauteur d'un revenu de 640 euros par mois.Insupportable pour qui ne parvient pas à ce minimum de rémunération, et pour celles et ceuxqui s’installent progressivement dans le métier. La bonne nouvelle est enfin arrivée :la cotisation maladie sera proportionnelle au revenu. C’était une vieille revendication de notresyndicat. Victoire !

En espérant qu’on osera aussi regarder du côté de celles et ceux qui gagnent plutôt bien leurvie. Certaines cotisations sont bloquées à 3 000 euros mensuels de revenu. Qui gagne plusne paie pas davantage. Que de chemin à parcourir encore sur ces chapitres de la contributionet des prestations sociales, jusqu’aux retraites de misère des paysan.ne.s. Payer selonses moyens et bénéficier selon ses besoins, voilà ce qui nous paraît juste.

La Confédération paysanne ne se complaît pas longtemps en satisfactions. La revendicationet la colère redeviennent rapidement le quotidien.

Cette Pac qui n’en finit pas de se décider vient d’accoucher d’une très drôle de disposition.Les éleveurs et éleveuses qui auraient déclaré des surfaces de pâturage qui ne sont pas toutà fait de vertes prairies à l’herbe grasse se prendront une « visite » de contrôle, soupçonné.e.sd’avoir fait des surdéclarations à l’heure de consignes bien imprécises. Ce sera des menacesde pénalités et de la tension chez tous ceux et toutes celles qui valorisent avec leurs animauxbien davantage que les belles surfaces enherbées. Pourquoi s’en prendre aux élevages qui fontvivre l’agriculture paysanne et le pastoralisme ? L’essentiel des montants de l’Europe va surdes productions et des surfaces qui n’auront aucun compte à rendre : indécent !

Au pays de la ferme-usine aux mille vaches, c’est aussi la colère. Ramery avait introduit sansautorisation 300 vaches qui se rajoutaient aux 500 à l’entrée desquelles nous avions déjàrésisté. Illégales, ces 300 vaches-là : elles seront retirées, avaient dit les plus hautes autorités.On y compte bien, lorsqu’on sait ce qu’il en coûte à n’importe quel élevage de ce pays quandil se fait repérer avec un défaut de déclaration de veau nouveau-né ! Là-bas, à l’usine, la règleest toute autre. On laisse traire les 300 vaches en trop pendant des mois et on s’apprêtemaintenant à régulariser leur présence derrière l’enquête publique annoncée pour novembre.Complaisance ou impuissance, peu importe, c’est juste inacceptable.

À la fin du mois, le monde entier va regarder la France qui captera toutes les attentionscomme en tout début 2015, après l’attentat à Charlie Hebdo.

À quelques semaines du scrutin des régionales, aussi bien dans le rural profond que dansles métropoles scintillantes, l’espérance des citoyen.ne.s semble bien émoussée et l’enviede se recroqueviller sur soi menace de l’emporter. Ordre, travail, famille, individualisme : voilàdes ritournelles d’un autre temps qui pourraient reprendre du service si l’on n’y prend garde.

Dans le même temps, le grand rendez-vous de la Cop 21 sera sans doute une vaste opérationde communication pour les gouvernant.e.s. Parions que les mobilisations citoyennes serontl’amorce d’un enthousiasme retrouvé par-delà les frontières, pour toutes celles et tousceux qui croient à de vraies valeurs de justice sociale, d’égalité, de solidarité, d’humanismeet de laïcité. Un autre monde est possible, construisons-le enfin : ça urge !

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Vie syndicale

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Cotisation maladieLes plus bas revenus enfin pris en compteLa Confédération paysanne salue la décision du gouvernement de réduire, puis de supprimer,l’assiette minimale maladie des paysan.ne.s. Jusqu’à présent, un tiers des paysan.ne.s (aux reve-nus inférieurs à 640 euros par mois) payaient la même cotisation, alors qu’au-delà elle est pro-gressive. Mettre fin à ces sur-cotisations est une véritable mesure de justice sociale qui meten corrélation un prélèvement social avec le revenu agricole et rétablit l’adage « cotiser selonses moyens ».Pour favoriser l’installation, permettre à des cotisant.e.s de solidarité de franchir le pas pourdevenir chefs ou cheffes d’exploitation, créer de l’emploi en agriculture, il est indispensabled’adapter les cotisations sociales aux revenus !C’est pourquoi la réforme engagée doit se poursuivre sur l’ensemble du système. Après quecette revendication de longue date a été satisfaite, la Confédération paysanne demande queles plafonds de certains prélèvements soient à leur tour supprimés afin que les 56 000 chefsou cheffes d’exploitation (à plus de 3 000 euros par mois de revenus) qui sous-cotisent parti-cipent eux aussi à hauteur de leurs revenus.

(communiqué du 14/10)

Les représentant.e.s de la Confédération pay-sanne, syndicat agricole, et des Adear – Asso-ciation pour le développement de l’emploiagricole et rural – d’Alsace, de Champagne-Ardenne et de Lorraine, se sont réunis le12 octobre en Meurthe-et-Moselle, à Atton(photo), pour étudier le rapprochement deleurs structures, compte tenu de la mise enplace de la réforme des régions.Face aux mutations profondes qui se dessi-nent et aux enjeux forts identifiés en matièrede politique agricole sur l’ensemble du terri-toire, les participant.e.s ont tou.te.s expriméle souhait de commencer à mutualiser lesexpériences et construire des actions en com-mun, pour peser davantage dans le nouveléchiquier régional, et porter haut et fort la voixdes paysan.ne.s.Cette réunion riche et constructive a aboutià la décision d’une restructuration, pour unereprésentation régionale de la Confédérationpaysanne et la création d’une Adear à l’échellede la grande région, les modalités de fonc-tionnement et de pilotage de ces deux struc-tures restant à définir en concertation.Parmi les premières actions à mener collec-tivement, un positionnement affirmé vis-à-vis

des futur.e.s candidat.e.s aux élections régio-nales est apparu comme prioritaire.Dans les prochaines semaines, les Confédé-rations paysannes et Adear solliciterontensemble des rencontres avec les têtes deliste régionales et départementales.À l’heure où la Cop 21 attire tous les regards,les Confédérations paysannes des dix dépar-tements n’attendent pas de discours de cir-constance de nos dirigeant.e.s. Elles entendentinterpeller les candidat.e.s sur leur programmeconcernant les questions agricoles et leur pré-senter des propositions concrètes pour repen-ser la politique agricole et alimentaire dansl’objectif de maintenir et développer une agri-culture paysanne sur l’ensemble des terri-toires, avec des paysan.ne.s nombreuses etnombreux, correctement rémunéré.e.s, etcapables de proposer à toute la population desproduits de qualité en préservant l’environ-nement et les paysages.

(communiqué du 13/10)

NB : La Confédération paysanne a réuni, le 20 octobre àBagnolet, son comité national « élargi » afin de discuter dela réforme territoriale qui sera mise en œuvre au 1er janvierprochain, au lendemain des élections régionales, et des consé-quences sur la représentativité et l’organisation du syndicat.

1 000 vachesParole de ministrecontre bon vouloirde businessmanDepuis le mois de mai, Michel Ramery

possède, en toute illégalité, 250 à 300

vaches de plus qu’autorisé sur sa ferme-

usine de Drucat (Somme). Pourtant,

il n’a toujours pas payé le moindre

centime de l’amende journalière

à laquelle il a été condamné, et n’en a pas

subi les conséquences auxquelles

n’importe quel.le citoyen.ne pourrait

s’attendre. Rassurant, le ministre

de l’Agriculture promettait alors que cela

ne se passerait pas comme ça, et qu’il lui

faudrait se mettre en conformité avant

de pouvoir imaginer demander

l’autorisation d’augmenter son troupeau.

Mais voilà, il y a la parole d’un ministre

et il y a les volontés de la 360e fortune

de France : l’enquête publique pour

l’autorisation de porter le troupeau

à 880 vaches débutera le 2 novembre.

C’est donc en pleine crise agricole

et au moment de la conférence

internationale pour le climat que Michel

Ramery veut se payer le luxe de voir

légaliser son troupeau. Il avait d’ailleurs

fait légaliser son installation de la même

manière pour amener ses premières

vaches. Il est désormais clair

qu’un industriel qui cherche à s’enrichir

au détriment des paysan.ne.s peut

tranquillement mépriser les lois

et les citoyen.ne.s. On est bien loin

de la réalité des éleveurs et éleveuses

qui subissent des contrôles en série

– et leurs conséquences financières –

pour le moindre bout de prairie.

La Confédération paysanne a été

condamnée pour avoir pris ses

responsabilités en stoppant ce qui n’était

alors que le chantier des 1 000 vaches.

Dans son délibéré en appel, le juge

a cependant choisi des peines

symboliques, arguant que les neuf

militant.e.s avaient agi en lanceurs

d’alerte. Il semble que cela n’ait pas été

suffisant. Sans un arrêt immédiat

de la procédure d’autorisation à 880

vaches et une action contraignante pour

ramener le troupeau à 500 vaches,

la Confédération paysanne est prête

à prendre à nouveau ses responsabilités.

(communiqué du 14/10)

Réforme Alsaciens, Champardennais et Lorrainsensemble pour défendre l’agriculture paysanne

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Le 20 octobre, profitant de la réunion à Parisce jour-là du comité national élargi du syndicat,une quarantaine de militant.e.s de la Confédérationpaysanne s’arrêtent le soir dans de discretsfourgons devant la porte du ministèrede l’Agriculture, rue de Varenne. Avant quela maréchaussée – très présente et réactive dansce quartier des ministères – ne vienne rapidementvoir ce qui se passe, ils déploient paille, drapeaux,barbecue et tables pour casser la croûte au milieude la rue avec de bons produits paysans.Ces productions ne viennent pas de n’importe où,mais de fermes qui font actuellement l’objetde sévères contrôles sur leur déclaration Pac.Ces contrôles sont relatifs aux « surfacesproratisées », c’est-à-dire les prairies et pâturagespermanents incluant landes, parcours et estives oùles paysan.ne.s doivent distinguer le pourcentagede surface agricole de bois ou autres buissons.« Nous sommes révoltés à double titre :premièrement ces contrôles bloquent le versementdes aides Pac, car tant que la visite du contrôleur n’apas eu lieu, les aides Pac de décembre ne seront pasversées. Et deuxièmement, ces contrôles rapides,sur une seule parcelle témoin de l’exploitation,seront sujets à la seule appréciation du contrôleuret non discutables, avec un risque de pertes d’aidespour les paysans, s’indigne Laurent Pinatel, porte-parole national, interrogé par La France agricole.Les éleveurs de ces zones n’ont pas besoin de telscontrôles contraignants, c’est de l’énergie malplacée. »Le lendemain, trajet inverse pour SylvainMaestracci, conseiller technique du ministère,

et Luc Maurer, du cabinet de Stéphane Le Foll, venusexpliquer et défendre à Bagnolet, devant le comiténational, la démarche et les contrôles, admettantune marge d’erreur et de fermes injustementpénalisées. La Confédération paysanne interpelleradirectement le ministre lors d’une rencontre prévuesuite à cette action le 29 octobre, au surlendemaindu bouclage de ce journal.

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Le ruraleurLa républiquedes tracteursAider les « entreprises agri-coles » ou défiscaliser serait-illa même action de l’État vis-à-vis de l’agriculture? Revenonsà ce jeudi de début septembreà Paris où des manifestants descampagnes avaient convergé :on ne savait plus ce qu’il enétait, d’une procession moto-risée ou d’un super-défilé demode de tracteurs !

L’ambiguïté n’est pas qu’uneaffaire d’images. La réductiondu nombre de paysan.ne.s a eucomme corollaire la diminutiondu nombre de tracteurs ven-dus… et l’augmentation despuissances de ces mêmesengins. Fort logiquement, on aassisté également à une restruc-turation progressive desmarques. Et la France est deve-nue en Europe une terre d’ac-cueil pour ce secteur d’activi-tés (1). L’entrée de l’américainMassey Ferguson se réalise pardeux usines à Beauvais. Claasréutilise l’ancienne usine de trac-teurs Renault au Mans. À l’ins-tar de l’automobile, ce sont sou-vent les mêmes moteurs qui setrouvent sous des capots diffé-rents (John Deere à Orléans).

Quand en Allemagne les pay-sans investissent pour réduireleurs coûts, ceux de Franceachèteraient des tracteurspour… payer moins d’impôts !Du moins quand ils en ont l’op-portunité. Ainsi les baissesd’achat de tracteurs que lesprofessionnels de ce marchéont lié à la baisse des prix agri-coles sont-elles maintenantcorrigées en partie par l’aideMacron : pour l’année en cours,lorsqu’on a un assujettisse-ment du bénéfice au réel, onpeut passer en charge 140 %d’une année d’amortissement!On voit par là que la « défis-calisation » profite aux reve-nus… de celles et ceux qui enont déjà, et que loin d’être uneaide à l’agriculture, cettemesure est une aide à l’indus-trie de la machine agricole. Cequ’ont fort bien compris lesindustriels, qui, une fois n’estpas coutume, estiment que laFrance est bien un pays d’op-portunités.

(1) Article de Laurence Girard « Lemonde de l’Économie » du17/09/2015.

Vie syndicale

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 5

Pac Les conséquences d’une gestion à la petite semaineLe ministère a annoncé le 1er octobre que, compte tenu du retard pris par la France, le solde

des aides Pac ne pourra pas être versé en décembre comme prévu. Pour faire face, les paysannes

et les paysans vont recevoir une nouvelle avance, s’ils en font ou en ont déjà fait la demande

écrite. Et tout cela pourquoi ? Parce que les négociations très complexes sur l’admissibilité

des surfaces ont été repoussées à la dernière minute. En méprisant les fermes sur des territoires

difficiles, le ministère impacte tout le monde !

La France va donc devoir emprunter, et donc payer des intérêts, en attendant d’avoir satisfait

les demandes de l’Union européenne pour que l’enveloppe communautaire lui soit versée.

Les paysan.ne.s qui n’ont pas demandé le premier apport de trésorerie (soit parce que non

informé.e.s, soit à cause de la complexité de toujours plus de paperasserie), devront aussi

emprunter pour assurer leur trésorerie, sans oublier de faire la seconde demande avant

le 31 octobre. On imagine que les banques ne se plaindront pas…

Alors que l’État n’a pas été capable de satisfaire aux exigences européennes dans les temps,

il se permet d’imposer aux paysan.ne.s des territoires difficiles des contrôles aberrants avec

des pénalités à la clé, là où il aurait suffi de s’y prendre en avance et d’organiser

des accompagnements spécifiques. La crise a bon dos quand il s’agit de dépenser des fortunes

pour promouvoir la vocation exportatrice de la France, mais aujourd’hui cette gestion à la petite

semaine ne fait que mettre encore plus les paysannes et les paysans en difficulté !

(communiqué du 2/10)

Des contrôles contestables et contestés

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ÉcobrèvesAgriculture :

budget rétréciLe projet de budget global duministère de l’Agriculture pour2016 s’élève à 4,5milliards d’eu-ros, soit une baisse de 2,8 %.Pourtant Stéphane Le Foll, enprésentant le projet le 30 sep-tembre, a affirmé « il n’y aura pasde réduction des mesures d’in-tervention en 2016 ». Ses ser-vices ont détaillé les techniquespour faire plus avec moins :transfert de dépenses vers lebudget européen, économies« drastiques » sur les servicesdu ministère, réduction d’im-pôts… qui n’apparaissent pasen charges. Ainsi les mesuresd’intervention (plan de soutiende l’élevage) atteignent un bud-get de 1024 millions d’euros en2016, contre 928 en 2015. Lesemployeurs et les employeusesne sont pas oublié.e.s: 1780 mil-lions d’euros de réduction decharges sont prévus, dont1151 millions d’euros pour lescotisations patronales. Côtéemploi, 245 postes seront créésdans l’enseignement et lescontrôles sanitaires, mais 309supprimés au sein des offices…Un budget pour séduire les res-ponsables d’entreprises (agri-coles), pas les salarié.e.s des ser-vices dépendants du ministère…

De 23 000à 27 000 paysan.ne.s

en difficulté« On estime entre 23 000 et27000 éleveurs en situation éco-nomique très délicate » a indi-qué Pascal Cormery, le nouveauprésident de la Caisse centralede la MSA. Depuis la création ily a un an du numéro vertAgri’écoute, la plate-formereçoit en moyenne 90 appelspar mois. Les cellules de pré-vention ont détecté plus de1500 personnes en détresse. LaMSA tire la sonnette d’alarmeet se mobilise pour mettre enplace les dispositifs d’allége-ment des « charges » issus duplan de soutien à l’élevage.Pas le moment de réduire leseffectifs, comme le craint laCFDT-FGA de la MSA en négo-ciation sur la convention d’ob-jectifs qui, dit-elle, pourrait sesolder par 2500 suppressionsd’emplois… Elle précise dans uncommuniqué du 19octobre que« la baisse drastique des effec-tifs entraînerait dégradation desconditions de travail, du serviceà l’adhérent, et une hausse desincivilités… » La MSA n’a-t-ellepas un rôle de service public?

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Actualité

Élevage Des abattoirs de proximitépour une mort digne de nos animaux

6 \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

Le 15 octobre, la Confédération paysannedu Gard publiait un communiqué de presseen réaction à la diffusion à grande échelled’une vidéo montrant des actes de cruautéet des dysfonctionnement à l’abattoir d’Alès(cf. encadré).

Nous, Confédération paysanne du Gard, exi-geons une mort digne de nos animaux dansdes abattoirs respectant les procédures et la

réouverture rapide de l’abattoir municipal d’Alès.

Les paysan.ne.s ont besoind’un abattoir de proximité

La fermeture de l’abattoir d’Alès est une catastrophepour les éleveurs et les éleveuses du Gard et de laLozère, et pour les dernières boucheries artisanales.

Il ne reste plus que deux abattoirs dans notre dépar-tement. Ce sont des structures de petite taille, très loindes outils des industriels de la grande distribution.

La fermeture récente de l’abattoir laisse les éle-veuses et éleveurs sans outil de travail, les contrôlesde la DSV sont à mener au plus vite pour une réou-verture rapide de l’abattoir municipal d’Alès.

Des élevages de qualitéLes paysan.ne.s ont l’obligation de respecter des

textes réglementaires stricts dans la conduite de leursélevages, l’état sanitaire, l’identification, le transport,et ils sont soumis à des contrôles réalisés par laDirection des services vétérinaires (DSV).

Les paysan.ne.s élèvent les animaux de manière res-pectueuse : respect du bien être animal, des condi-tions d’élevage, de la santé des animaux, de leurnourriture et des locaux d’élevage.

Des abattoirs respectant les normesPour pouvoir commercialiser la viande, les ani-

maux sont obligatoirement tués dans des abattoirs

agréés CEE (normes européennes). La direction d’unabattoir est obligée de respecter le protocole d’abat-tage soumis à la DSV pour conserver son agrément.L’Inspection Sanitaire Vétérinaire est présente dansles abattoirs pour contrôler les animaux après déchar-gement, jusqu’à l’inspection des carcasses.

Si un manquement du respect des normes d’abat-tage de l’abattoir d’Alès, à qui incombe, en outre, laresponsabilité des conditions de travail, des quan-tités d’abattages et de la qualité des pratiques, est avéré,il faut y mettre un terme.

La présence et le maintien desabattoirs de proximité permettent :

• l’existence d’un réseau départemental et régionald’élevage ;

• la valorisation des produits paysans par la ventedirecte ;

• la relocalisation d’un outil productif en milieurural, de l’emploi et de l’activité économique dansnos territoires.

La fermeture des abattoirsde proximité entraînerait :

• la disparition de nos élevages sur nos parcoursméditerranéens dont les surfaces peu productives nesont pas prises en compte par la nouvelle Pac ;

• l’arrêt de la vente directe de nos produits dansles circuits courts ;

• l’industrialisation de l’élevage du type de la fermedes 1000 vaches, des 10000 cochons ou des 100000poulets ;

• la robotisation des abattoirs promue par XavierBeulin pour répondre à la crise de l’élevage.

La Confédération paysanne du Gard continuera àdéfendre le maintien des abattoirs de proximité dansle respect d’une mort digne des animaux, de l’hygiène,des conditions de travail et des normes d’abattage. n

Le parquet d’Alès a ouvert le 15 octobre une enquête pré-liminaire sur des « faits d’acte de cruauté, mauvais traite-ment sur animaux » à l’abattoir de la ville. La veille, l’asso-ciation de défense animale L214 avait diffusé une vidéofilmée en caméra cachée à l’intérieur des bâtiments mon-trant des traitements cruels : animaux encore vivants aumoment de la découpe, bovins ou moutons en train d’êtresaignés encore conscients, porcs entassés dans une cagequi descend dans une fosse où ils seront asphyxiés au CO2,cheval apeuré frappé avec un aiguillon électrique… L’en-quête a été confiée à la brigade nationale d’enquêtes vété-rinaires. Le 15 octobre également, le maire d’Alès a ordonnéla fermeture de cet abattoir municipal où plusieurs « pra-tiques professionnelles non conformes » avaient été consta-

tées et notifiées par les services de contrôle de l’État.Interrogé par le quotidien Le Monde, Olivier Lemarignier,chef du service sécurité sanitaire des aliments à la Direc-tion départementale de la protection des populations(DDPP) du Gard, assurait que la procédure suivait soncours: « Un vétérinaire et trois techniciens font les contrôlesà l’abattoir sur toute la chaîne : déchargement, logement,transport, étourdissement, préparation des carcasses, ins-pection post mortem, refroidissement, stockage. Une ins-pection avait fait remonter des pratiques non conformes.C’est cette inspection qui nous avait décidés à envoyerune mise en demeure à l’établissement. Nous nousappuyons sur nos constats, pas sur un montage vidéod’une association. »

Fermeture et enquête

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Écobrèves

Le Feoga en baisseLes dépenses du Feoga (Fondseuropéen agricole de garan-tie) ont baissé de 45,30 mil-liards d’euros en 2013 à 44,3en 2014. La France est la prin-cipale bénéficiaire de l’enve-loppe avec 8,37 milliardsd’euros (18,9 % du total),dont 7,78 milliards d’eurosd’aides directes, suivie de l’Es-pagne (12,6 %), de l’Alle-magne (11,7 %), de l’Italie(10,2), du Royaume-Uni(7,3 %), etc. Curieusement lemontant des aides directesest presque aussi élevé quel’assiette des cotisations MSA(8,09 milliards d’euros). N’yaurait-il donc d’autres reve-nus que les primes en agri-culture ? Pire que des fonc-tionnaires !

La Sécu : 70 ans d’histoire…

Créée au lendemain de laguerre en octobre 1945, « laSécu » était un modèle deprotection sociale basé sur lasolidarité universelle (« unpour tous, tous pour uns »),selon le Conseil National dela Résistance (CNR) qui l’avaitconçue. Hélas, les corpora-tions – notamment pay-sanne – ont refusé de rentrerdans le moule général de lasolidarité, y préférant pourles paysan.ne.s une gestionpropre par la MSA, avec sescotisations et couvertures aurabais. Depuis, les « droits »et cotisations se sont alignéspetit à petit sur les bases dela Sécu, mais nous payonsencore le prix de ce corpora-tisme, notamment en matièrede retraites. Parallèlement, ledéficit constant de la cou-verture maladie a conduit– c’est un choix politiquecontraire à la philosophie ini-tiale – à réduire la part deremboursement initial et àrenvoyer vers des complé-mentaires dont les cotisationsne sont pas prélevées selon lesrevenus. La loi de la concur-rence, chère à Macron,conduit les assurances com-plémentaires à sélectionnerleurs client.e.s selon le niveaude risque (jeunes et bien por-tant.e.s…), laissant de côtéles risques plus lourds (grandâge). Les initiateurs de la Sécudoivent se retourner dans leurtombe…

Actualité

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 7

Le pays n’avait pas connude résurgence de la maladiedepuis le dernier foyer identifiéen juin 2010. Les conséquencessont surtout commercialespour les élevages concernés,de par les conditions trèsréglementées de circulationdes animaux.

En septembre, la fièvre catar-rhale ovine (FCO) a été ànouveau détectée en France,

sur un bélier, dans l’Allier. Rapi-dement, le souvenir de l’épidé-mie des années 2008-2010 estrevenu en mémoire : plus de30000 élevages concernés, de grosdégâts dans certains secteurs etune rude bataille pour la libertévaccinale, contre l’obli-gation de vacciner, quianimaient les débats syn-dicaux et les campagnes.

La FCO, appelée aussimaladie de la languebleue, est virale, trans-mise par des mouche-rons. 26 variantes, appe-lées sérotypes, sontrépertoriées dans lemonde. Les espèces sen-sibles sont les ruminantsdomestiques (ovins,bovins, caprins) et sau-vages. La FCO peutentraîner fièvre, troublesrespiratoires, salivationsou œdème de la face.Pendant plusieurs jours,l’animal est affecté. Maisla maladie est strictement ani-male : elle n’affecte pas l’hommeet n’a aucune incidence sur la qua-lité des aliments (viande, lait…).Par contre, la généralisation prô-née de la désinsectisation est undanger pour la santé humaine etcelles des abeilles.

Après la détection des premierscas, une surveillance a été mise enplace, avec recherche virale danssoixante élevages bovins parrégion administrative et trentebovins par élevage. Au 9 octobre,

56 élevages, situés dans une zonede 200-250 km de diamètreincluant le Puy de Dôme, l’Allier,la Creuse, le Cantal, le Cher,l’Indre, la Loire, la Nièvre et laSaône-et-Loire avaient été trou-vés infectés par le virus FCO àsérotype 8, aux dégâts cliniquesgénéralement peu importants.

Les services de l’État ont rapi-dement appliqué les mesuresréglementaires afin d’endiguer lapropagation et de rassurer lesacheteurs. Le cœur de la zoneconcernée est le bassin charolais,où le commerce des jeunes bovins,notamment à l’export, est écono-miquement très important.

Périmètre d’interdiction, zonede protection, zone de sur-

veillance, broutards bloqués,annulation des marchés et desconcours bovins du Sommet del’élevage 2015 : nombre d’éleveurset d’éleveuses se sont demandé sitout cela n’était pas dispropor-tionné, quand par ailleurs revenaitle débat sur la vaccination. LaConfédération paysanne avait dèsle début rappelé sa position: « Lorsde la dernière crise FCO, la régle-mentation et la vaccination ont causéautant ou plus de dégâts qu’ellesn’ont apporté de solutions. L’obliga-

tion vaccinale serait donc une faussepiste et les éleveurs sur le terrain necomprendraient pas que cette stra-tégie soit adoptée. »

Le 14 octobre, le ministère del’Agriculture allégeait le disposi-tif, les zones de protection et desurveillance fusionnant en uneseule zone réglementée (cf. carte).

Si les conséquences sanitairessont limitées, la zone concernéemoins grande que lors de l’épidé-mie précédente et les élevages tou-chés peu nombreux, pour ces éle-vages, les conséquences sontsurtout économiques. Les rumi-nants peuvent circuler librementau sein de la zone réglementée.Pour en sortir, ils doivent être vac-cinés, le rappel datant d’au moins

dix jours. Problème : lesvaccins étaient dans lespremières semaines réser-vés en priorité aux ani-maux destinés à l’export.Vendre par exemple unbroutard du Massif Cen-tral en Bretagne est enl’état impossible. À la mi-octobre, près d’un mil-lion de doses avaient étélivrées chez les vétéri-naires, permettant la vac-cination de 500 000broutards. La livraisonde 820 000 doses sup-plémentaires était annon-cée d’ici la fin du mois.

Entre-temps, le16 octobre, les servicesvétérinaires français et

italiens ont signé un protocoled’accord autorisant la remise enroute des exportations de bovinset d’ovins vers l’Italie, depuis lazone réglementée en France. Lanouvelle était attendue par les éle-veurs concernés, l’Italie étant unmarché capital pour les jeunesbovins de la région. Un protocolesemblable avait été signé quelquesjours plus tôt avec l’Espagne, autreclient important du bassin allai-tant. n

Victor Pereira et Benoît Ducasse

Sanitaire La FCO de retourdans les régions du centre de la France

Situation au 15 octobre 2015

• Foyer de FCO

n zone réglementée

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ÉcobrèvesAccords

de libre-échange :résistance désavouée

Un accord de libre-échangetranspacifique a été signé le5 octobre à Atlanta (États-Unis).Appelé TPP, il est l’équivalent duTafta transatlantique. Les pay-san.ne.s canadien.ne.s qui mani-festaient en grand nombre le29 septembre à Ottawa n’ontpas eu gain de cause. Ils et ellesréclamaient le maintien du sys-tème de gestion administrée(quotas) qui encadre leurs pro-ductions de lait, d’œufs etvolailles depuis 1970. Ils obtien-nent certes une compensationfinancière pendant 15 ans (pourl’équivalent de 2,9 milliardsd’euros), mais l’essentiel dis-paraît au nom de la « loi dumarché ». À méditer dans lebras de fer pour le Tafta !

19 États de l’UErefusent les OGM

A l’issue de la période de 6 moislaissée aux pays membres pourchoisir l’autorisation ou nonde la culture d’OGM sur leurterritoire, 19 États les refusent.Ces refus vont être transmisaux entreprises de biotechconcernées. Si elles refusentd’y donner suite, les Étatsréfractaires disposeront alorsd’un arsenal de procédures pourjustifier leur choix… Quant à laCommission, elle dispose désor-mais de la possibilité d’autori-ser toutes les variétés qu’ellevoudra, si elles ont été agrééespar l’Efsa, l’agence européennede sécurité sanitaire des ali-ments. À quoi bon si personnen’en veut, si ce n’est pour jus-tifier son entêtement… et sescomplicités?

Semences de fermeen progression

Le président du syndicat destrieurs à façon (Staff) fait étatd’une augmentation de 5 %de la demande de semencesde ferme professionnelles en2015. Le Staff met en avantles excellents rendementsenregistrés cet été : « Les ren-dements 2015 montrent queles professionnels de la semencede ferme savent aussi bien queles stations industrielles élimi-ner les grains germés dessemences », insiste le prési-dent, Sylvain Ducroquet. Et enplus, elles coûtent beaucoupmoins cher !

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Actualité

8 \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

Trop bio pour être vraiUne page se tourne pour l’agriculture biologique. En abandonnant les « anciens » bios et enne plafonnant pas les aides, le conseil régional et la direction régionale de l’agriculture de Midi-Pyrénéeschoisissent de favoriser une « bio » spéculative au détriment de l’agriculture biologique paysanne.

En commission permanentedu 7 mai dernier, le conseilrégional de Midi-Pyrénées a

voté le fait de ne pas attribuer l’aideau maintien à l’agriculture biolo-gique à tou.te.s les paysan.ne.s.L’aide sera limitée à cinq ans et nesera attribuée que dans la conti-nuité de l’aide à la conversion.Ainsi, toutes les exploitations bio-logiques installées dans la durée seretrouvent exclues des aides aumaintien pour l’agriculture bio.Ces paysan.ne.s pionnier.e.s quiont permis de développer une agri-culture multifonctionnelle (envi-ronnementale, production de qua-lité, entretien harmonieux duterritoire et contribution à l’emploi)sont aujourd’hui les grand.e.soublié.e.s des décideurs et déci-deuses politiques de la région.

Le plus terrible, c’est que les nou-velles aides à la conversion ou aumaintien ne seront plus plafon-nées. Ceci implique que ces aidesrisquent d’être aspirées par deschoix d’opportunité de l’agro-industrie qui n’a pas besoin desubventions publiques.

D’autres régions, comme l’Aqui-taine par exemple, ont fait le choixd’aides bio plafonnées par exploi-tation : 30 000 euros pour laconversion et 10000 euros pourle maintien, avec prise en comptedes actifs des Gaec(1) et priorité auxexploitations 100 % bio.

La Confédération paysanne deMidi-Pyrénées avait pourtantdemandé, avec l’appui d’élu.e.s (2)

que cette aide soit, selon l’exempleaquitain, ouverte à tous les pay-san.ne.s bio, plafonnée à30000 euros par exploitation, etattribuée en priorité aux fermes quisont 100 % en agriculture biolo-gique. Ceci pour éviter un effetd’aubaine qui fragiliserait les mar-chés et introduirait une distorsionde concurrence. Ce qui est en trainde se passer.

Le conseil régional de Midi-Pyré-nées a annoncé cet été de nouvelles

surfaces converties à la bio pour lacampagne 2015 : de 35 000 à40000 hectares dans la région. Dujamais vu! « Midi-Pyrénées, leaderen agriculture bio! » La belle image,avec des papillons et des cocci-nelles sur fond vert fait rêver !

L’effet d’aubaine a donc bienfonctionné, les plus grosses exploi-tations céréalières se convertis-sent à la bio avec une aide de300 euros par hectare non pla-fonnée pendant cinq ans. Le mon-tant du pactole est vite calculé :pour une exploitation de 500 hec-tares avec 300 euros l’hectare, celafait 150 000 euros par an garan-tis pendant cinq ans, soit lamodique somme de750000 euros, le tout sans comp-ter les droits de paiement de base(DPB) de la Pac (3).

Il est certes plutôt positif quel’on massifie des modes de pro-duction respectueux de l’envi-ronnement. Pourtant, la questionde la survie de nombreuses exploi-tations biologiques est posée. Cetavenir à garantir devrait être prio-ritaire.

Parce que soutenir l’agriculturebio, c’est permettre d’accompa-gner de manière équitable tou.te.sles paysan.ne.s dans leurs

démarches vers plus de cohérenceéconomique, écologique et sociale,la Confédération paysanne regretteque les mesures prises par leconseil régional soient inadaptéeset injustes. L’agriculture biologiqueest ainsi mise en péril. Cette stra-tégie inquiétante rend d’autantplus urgentes de nouvelles poli-tiques régionales écologiques etsociales pour œuvrer à l’intérêtgénéral. n

Charleyne Barthomeuf,

animatrice de la Confédération

paysanne du Gers

(1) Groupement agricole d’exploitation encommun.(2) Europe Ecologie-Les Verts et Front degauche.(3) Les fermes de 500 hectares ne sont pasencore représentatives dans le Gers, heureuse-ment… Mais on tend vers ce modèle et cetteannée, ce sont davantage ces grosses exploita-tions (de plus de 300 hectares) qui se sontconverties en bio.

Le Gers est un département très agricole, le deuxième de la vaste région Midi-Pyré-nées. C’est un gros producteur de maïs, de blé, de colza ou encore de tournesol, auxcôtés d’élevages (volailles, notamment) et de la viticulture (Armagnac). En 2011, ony comptait 7 800 exploitations sur 447 000 hectares. (Source : Agreste)

La bio dans le Gers• 704 producteurs et productrices(9 % des producteurs gersois)• 8 % de la surface agricole utile(SAU) (35 211 hectares)• Au 1er juillet 2015, 945 produc-teurs et productrices sont ins-crit.e.s à l’Agence Bio, soit 237de plus qu’un an plus tôt. Uneprogression remarquée de 33 %.

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Danone veut intégrerles coûts

de productionsCoup de pub ou réelle volontéde maîtrise ? Danone proposeaux producteurs et produc-trices qui alimentent ses cinqusines françaises un contrat« pour intégrer progressive-ment, à partir d’octobre, lescoûts de production ». Ledirecteur général du géant lai-tier pour la France indique àla presse : « On discute avecles producteurs d’un ajuste-ment de nos besoins, en fonc-tion de ce qu’on est capablede valoriser, de produire et devendre. (…) On est sur un mar-ché de l’ultra frais qui est bais-sier en volume. » Cela signifiequ’il faudra pour l’heureréduire la production. Si le prixde base est correct, le prin-cipe est intéressant. C’estmême une vieille revendica-tion : ajuster la production àla demande intérieure. Expé-rience à suivre de près.

Baissede consommationdes antibiotiques

vétérinairesLes bonnes nouvelles en cedomaine sont si rares qu’ellesméritent d’être signalées !Selon l’Agence européenne dumédicament, la vente d’anti-biotiques à usage vétérinaire abaissé de 7,9 % entre 2011et 2013. Mieux : la France esten tête du classement, avec -20 %, l’Allemagne étant à -15 %. Calculée en milli-grammes par unité de pro-duction, la France est là encorevertueuse avec une consom-mation moyenne de 95 mg,alors que l’Espagne est à317 mg, l’Italie à 301 mg etl’Allemagne à 179 mg. Enrevanche, les Pays-Bas fontmieux, avec 70 mg et le Dane-mark encore mieux avec45 mg. Mais qui fournit lesdonnées ? La Commissioneuropéenne laisse comme undoute. Elle appelle les Étatsmembres « à recueillir des don-nées pertinentes, comparableset suffisamment détaillées surl’utilisation réelle des médica-ments antibiotiques chez lesanimaux ». Comme si ellen’avait pas confiance auxchiffres publiés !

Jo Bourgeais

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 9

Actualité

Le réchauffement climatiquene vient pas de nulle part, nison accélération ces dernièresannées. La compétitionéconomique mondialiséeimposée depuis plus de trenteans par le néolibéralisme ades conséquences considérablessur ce phénomène.

Le monde dans lequel noussommes entrés dans lesannées 1980, avec la fin du

contrôle des changes et la libertéde circulation des capitaux, aentraîné une violente compétitionentre tous les pays, le dumpingsocial et fiscal de certains dérou-lant aux entreprises et aux plus for-tuné.e.s un véritable tapis rougeles invitant à échapper aux prélè-vements sociaux et fiscaux. Ladélocalisation des productionsdans ces nouveaux paradis capi-talistes a entraîné une augmenta-tion considérable de la circulationdes marchandises, tant alimen-taires que manufacturées. Lesquelques contraintes environne-mentales issues du protocole deKyoto, signé fin 1997 et entré envigueur en 2005, n’ont fait quedélocaliser nos industries pol-luantes dans les pays non-signa-taires de cet accord, sans que celaentraîne la moindre réduction dela pollution planétaire.

Des comportementscrapuleux devenuslégion

Mais ce sont les accords créantl’Organisation mondiale du com-merce (1995) et l’obligation d’ac-cès au marché qui sont au cœurde cette folle compétition aux plusbas prix pour gagner ou garderdes parts de marché. La multipli-cation des transferts de marchan-dises au niveau planétaire a sensi-blement accru l’impact climatiquedes activités humaines. Pourgagner dans ces conditions deconcurrence débridée, les com-portements crapuleux sont deve-

nus légion, le dernier endate est ce logiciel frelatéd’une firme automobileallemande pour pénétrerle marché nord-américainau mépris des consé-quences climatiques etsanitaires.

Dans notre Hexagone,la liste est longue desatteintes à l’environne-ment et à la santé au nomde la compétitivité sanslimite. On se souvientdes lasagnes Spangheroà la viande de chevalqui inondait l’Europe,scandaleusement fabri-quées parce que lesgrandes enseignes dedistribution avaientcontraint les fournis-seurs à un prix maxi-mum en rayon, prix intenable avecde la matière première noble et dequalité. On se souvient aussi deces farines de viandes contaminéesà l’ESB dans les années 1995,importées d’Angleterre presquegratuitement (parce qu’interditeslà-bas) et qui permettaient de fairebaisser le prix de l’aliment du bétailpour être là encore moins cher queles autres. Et ces poulets engrais-sés avec des boues de stationsd’épuration, toujours pour lesmêmes motifs…

Cette compétition « pousse aucrime » et ses conséquences nesemblent pourtant pas inquiéterles puissant.e.s de ce monde, qu’ilssoient issu.e.s du monde politiqueou du monde économique qui biensouvent sponsorise le précédent. Encompagnie des divers lobbies, dansleurs alcôves secrètes, presque toutest déjà écrit pour parader sur l’ac-cord qui sortira de la Cop21 endécembre, alors que la planète n’ajamais autant consommé d’énergiesfossiles (90 millions de barils parjour, rien qu’en pétrole).

Côté agriculture, la formule a dequoi séduire: nous entrerions dansdes modes de production « cli-

mato-intelligents », avec des pul-vérisateurs « connectés » (mais onne parle pas des 12 millions delitres de glyphosate épandus chaqueannée sur les sols français), desdrones qui indiqueront la marcheà suivre pour les épandeurs d’en-grais, des vaches à 15 000 litres qui« pètent » moins que deux vachesà 7500 litres… Et sitôt la grand-messe climatique terminée, lessignataires de l’accord de Paris redi-ront que les négociations de libre-échange doivent être conclues« pour apporter de la croissance ».

Nous aurions envie de sourire s’ilne s’agissait que d’un petit théâtrede boulevard, mais c’est le deve-nir, non pas de la planète maiscelui de l’espèce humaine qui esten jeu. Que les choses soientclaires : il n’y aura pas de solu-tions crédibles tant que sévira lenéolibéralisme dont la plus granderéussite est d’avoir désarmé lesdécideurs et décideuses politiques.Afin de ne pas avoir le même des-tin que les dinosaures, nous seronsà la Cop21 avec tous les résis-tant.e.s à cette folie climaticide dulibre-échange. n

Christian Boisgontier

Climat Le climat face au mensonge de la compétitivité

La Confédération paysanne est partie prenante de laCoalition Climat 21 – http://coalitionclimat21.org

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Actualité

10 \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

À quelques kilomètres de l’aéroportdu Bourget où s’ouvrira fin novembrela Cop 21, la grande conférencemondiale sur le climat, une associationrésiste à la destruction de 700 hectaresde terres fertiles au profitd’un gigantesque centre de loisirsénergivore et climaticide.

Le Triangle de Gonesse, c’est 700 hec-tares de terres agricoles d’un seultenant, en forme de triangle donc, au

nord-est de Paris. Il s’insère comme uncoin entre deux zones urbanisées : à l’est,une zone commerciale ininterrompue (Pari-nor I, Parinor II et Aeroville, qui se touchent)et, à l’ouest, la commune de Gonesse. Lesommet du Triangle, au sud, est lui aussidéjà urbanisé. Sur le côté nord, on trouvel’aéroport de Roissy.

Les terres arables sont parmi les meilleuresdu monde. C’est pourtant là que depuis2010 le groupe Auchan projette la réalisa-tion d’Europa City (1), à la fois centre com-mercial (500 boutiques de luxe) et centred’attraction (dont une… piste de ski !), quiambitionne 30 millions de visiteurs et visi-teuses par an venant soit en voiture, soiten avion par Roissy.

Ce projet délirant est d’autant plus irres-ponsable que le secteur est déjà saturé dezones commerciales qui commencent elles-mêmes à devenir des friches urbaines àcause de la concurrence forcenée qu’ellesse font entre elles.

Or une grande partie des habitant.e.s etdes élu.e.s locaux restent favorables au pro-jet, en raison de la promesse de création

de milliers d’emplois que les promoteursd’Europa City leur font miroiter… sansleur dire que ça en fera disparaître des mil-liers d’autres à proximité.

Face à cette menace très grave pour l’équi-libre économique et environnemental dunord de la région parisienne, le Collectifpour la protection du Triangle de Gonesse(CPTG, 2), créé en 2011, ne cesse d’aler-ter élu.e.s et opinion publique, et de saisirtous les recours juridiques disponibles.

Dans son combat, il fait valoir le fortpotentiel agricole du Triangle qui, outre lacéréaliculture déjà présente, pourrait pro-curer à l’agglomération parisienne des cul-tures maraîchères de proximité, solution debon sens et vraiment créatrices d’emplois(1 hectare de maraîchage = 1 maraîcher).

Le début des travaux d’Europa City n’estpas prévu avant 2020. Pour l’heure, le Col-lectif et les citoyen.ne.s qu’il entraîne à sasuite s’attaquent à la première étape de l’ar-tificialisation du Triangle qui, elle, est immi-

nente : l’ouverture en plein milieu deschamps d’une route pour une ligne de busreliant Gonesse à Villepinte.

Le CPTG, qui ne refuse pas ce tronçon utilede transports en commun, s’efforce de fairevaloir un tracé alternatif longeant une voierapide existante, préservant ainsi au maxi-mum les surfaces cultivées. Mais ce tracé,le conseil départemental du Val-d’Oise n’enveut pas : il est même dit clairement dansun document du dossier que l’itinérairedu bus en plein champ est conçu commel’amorce de l’urbanisation à venir de lazone !

C’est cette volonté de passage en force,alors qu’un appel juridique est en cours,qui mobilise actuellement le collectif dansdiverses actions, soit d’interpellation des col-lectivités locales, soit de sensibilisation del’opinion publique. Le 17 octobre, à l’ap-proche de la Cop 21 sur le climat qui vase tenir tout près de là, au Bourget, aéro-port qui jouxte lui aussi le Triangle deGonesse, le CPTG menait, en partenariatavec France Nature Environnement, desopérations ouvertes au public de mesurescomparées de la qualité de l’air sur l’espacede Gonesse : l’une dans un secteur trèsurbanisé de la commune, le centre com-mercial Leclerc, l’autre sur les terres agri-coles du Triangle de Gonesse… Les résul-tats parleront sans doute d’eux-mêmes. n

Jean-François Wolff,

adhérent des Ami.e.s de la Confédération paysanne

www.lesamisdelaconf.org

(1) La société responsable de ce projet est Alliages et Terri-toires, filiale d’Immochan, elle-même filiale du groupeAuchan…(2) http://cptg.fr

Auchan détruit terres et climat à deux pas de la Cop 21

Les temps forts de la Cop 21La Confédération paysanne est partie prenante de la Coalition Climat 21 qui regroupeplus d’une centaine d’organisations en France. Par ailleurs, nous recevrons, pendantla durée de la Cop 21, des militants de la Via Campesina venus du monde entier.28-29 novembre – Grandes marches dans les grandes villes de France et partout dans lemonde.Week-end des 5-6 décembre – Sommet citoyen pour le climat à Montreuil (93), avec desconférences et des ateliers de la Confédération paysanne et de la Via campesina, ainsi qu’unmarché paysan organisé par les Ami.e.s de la Conf’.9 décembre – Journée de l’agriculture paysanne et de la souveraineté alimentaire, à la Zoneaction climat, au 104 à Paris.12 décembre – Convergence des mouvements sociaux, mobilisation de masse à Paris pourmarquer un temps fort après deux semaines rythmées par la montée en puissance des diversesactions.Toutes les infos à retrouver sur le site www.confederationpaysanne.frEt suivez-nous sur Facebook et Twitter @Confpaysanne

Les projets d’urbanisation (dont celui de centre commercial et de loisirs démesuré Europa City) et de golfsur respectivement 300 et 90 hectares sont une grave menace pour l’avenir des 700 hectares de champstrès fertiles du Triangle de Gonesse (Val d’Oise).

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Elles sont venues de Norvège, de Bel-gique, d’Angleterre… Ils sont venusd’Allemagne, d’Espagne, de Pologne…

Jusqu’à multiplier les correspondances fer-roviaires pour apaiser les budgets ; jusqu’àtraverser l’Europe en bus par souci d’em-preinte écologique. Du 4 au 6 septembre,les jeunes de la Coordination européenneVia campesina (ECVC) ont répondu présentà l’invitation de la Conf’. Un long week-endde travail et de fête en préparation de la Cop21 avec un seul mot d’ordre : action !

Il y avait un air de Far West à la ferme dela Vieille route, à Chamelet, dans le Beau-jolais vert. Des jeunes activistes prêts àdégainer leur non-violence pour faireentendre la voix de l’agriculture paysannependant la 21ème réunion sur « les change-ments climatiques » en décembre, à Paris.L’objectif était annoncé dès le départ : défi-nir les modalités d’une ou plusieurs actionscommunes pour dénoncer les fausses solu-tions promues par les multinationales etles lobbies de l’industrie, et mettre l’agri-culture paysanne sur le devant de la scène,comme seule réponse agricole adaptée audérèglement climatique, et comme seuleagriculture non génératrice de dérèglement.

Suzie Guichard, animatrice chargée de lamobilisation pour la Cop 21 à la Confédé-ration paysanne, et Maxime Combes, res-ponsable du dossier climat et politiques cli-matiques à Attac-France, ont d’abord fait unemise au point sur l’histoire, l’évolution etles résultats des discussions internationalesdepuis le sommet de Rio en 1992 : pas deréelles avancées, et même une augmenta-

tion exponentielle des émissions de gaz àeffet de serre, avec un dérèglement clima-tique accru. Autant dire que les enjeux éco-logiques de la Cop 21 sont énormes, maisles espoirs de succès très maigres.

Un exercice richede découvertes

D’où la nécessité de remettre la nature aucœur des négociations, d’en chasser la pré-dation économico-industrielle. Dans cetteperspective, Isabelle Frémeaux, formatriceen désobéissance civile, a accompagné legroupe pour faire émerger des idées et lesenvisager en pratique. Un exercice riche dedécouvertes. Par exemple, en se mettantdans une situation complexe, les partici-pant.e.s ont pu comprendre comment fonc-tionne spontanément un groupe humain, quiplus est multilingue, lâché dans un espacedéfini avec un objectif commun. L’analysedes différents profils qui se dégagent alors(meneur ou meneuse, suiveur ou suiveuse,ceux et celles qui ont besoin de faire pourcomprendre, ou au contraire de comprendrepour faire…) montre la nécessité de lesprendre tous en compte pour aboutir à unedécision conduisant à la réussite collective.

Un point a été mis en avant : l’importancede se concentrer sur les ouvertures plus quesur les obstacles. C’est en se fixant sur lessolutions qu’on les trouve, pas en se blo-quant sur les barrières ! Beaucoup d’ac-tions de désobéissance réussies par lesjeunes de la Via campesina ont alors été pré-sentées : utilisation d’une grande fête localeafin de se camoufler parmi la foule et dérou-

ter les gendarmes pour le squat d’un bâti-ment public en Allemagne ; interventionsans autorisation lors du journal télévisé endirect, suite à une manifestation empêchéepar les forces de l’ordre en Espagne ; blo-cage d’une mine de charbon géante l’été der-nier en Allemagne par l’entrée massive de1500 personnes… Et en France, après laCop 21, que ce sera-t-il passé ?

La rencontre a aussi été l’occasion de réunirles représentant.e.s de nombreux projetsagricoles (encore) atypiques, et autant demilitant.e.s venu.e.s de contextes différentsmais avec la même soif de faire vivre plei-nement l’agriculture paysanne et la justicesociale. Petit à petit, au bout de ces trois joursde réflexions, discussions, votes et choix,de belles actions ont été pensées et misesen perspective. Une fois de plus, l’impor-tance et la force du travail en réseau ont étésoulevées. Toutes et tous ont repris leurroute, galvanisé.e.s par une énergie sanslimite ni frontière. Il reste cependant encorebeaucoup à faire d’ici la fin novembre. Il ya grand besoin en amont de vos têtes et devos bras, et particulièrement besoin de votremobilisation durant la Cop 21 !

Terminons cet appel par la retentissantemise au point des Climate Games, grand jeuinternational de désobéissance organisé enmarge de la Cop 21 (1) : « Nous ne nous bat-tons pas pour la nature, nous sommes la naturequi se défend ! » n

Sylvain Malgrange,

paysan en Ille-et-Vilaine

(1) www.climategames.net/fr

Les jeunes à l’assaut de la Cop 21 !Début septembre près de Lyon, les jeunes militant.e.s européen.ne.s de la Via campesina ont préparé leurs interventions lorsde la 21ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (Cop 21), à Paris du 30 novembre au 11 décembreprochains.

Actualité

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 11

Des jeunes paysan.ne.s venu.e.s de toute l’Europe, motivé.e.s et enthousiastes

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Où en sontles négociationssur le Tafta ?

Pour l’essentiel, ça n’a pasavancé. Le 11ème round denégociations s’est tenu àMiami du 19 au23 octobre (1). Pour l’heure,ce sur quoi il y a entente,c’est sur le périmètre desnégociations et les aspectsprotocolaires, donc uni-quement sur la forme.L’Union européenne amanifesté plus d’empres-sement à avancer mais arencontré peu de réponsesde la part des États-Unis.On peut analyser ça selondeux hypothèses. LesÉtats-Unis étaient jusque-là plus tournés sur l’accord transpacifique,qui a abouti le 4 octobre et rencontre auCongrès qui doit le ratifier des résistancesinattendues, notamment d’Hillary Clintonet de ses partisans. Mais certains pensentaussi que les USA travaillent à une offre glo-bale, à prendre ou à laisser.

Sur les droits de douane, l’Europe a pro-posé que 96 % des produits américainssoient importables sans droits de douane,ce qui a été refusé avant que l’UE remontece pourcentage à 97 %. Ça n’a l’air de rien,mais les 3 % restants sont très stratégiques :la viande bovine, le porc et la volaille enfont partie.

Sur les « barrières non-tarifaires », neufdomaines de normes sont en discussion enmême temps, dont les normes relatives auxpesticides. Mais le gros morceau, c’est cequi se mettrait en place après l’entrée envigueur de l’accord, ce qu’on appelle la« coopération réglementaire », avec la créa-tion d’un organisme indépendant des pou-voirs politiques qui traiterait les normes desautres domaines. Là se trouvent nombre dedangers pointés dès le départ, tels les pou-lets traités à la javel ou la viande aux hor-mones. L’Europe commence à faire des pro-positions sur la forme de cette instance.

Tout comme elle propose une versionréformée de l’ISDS(2), le fameux « tribunal »censé régler les différends et devant quiune firme pourrait traîner et faire condam-

ner un État pour entrave à ses intérêts.L’UE avance une proposition française quicherche à tenir compte de la contestationqu’a soulevée un tel mécanisme, sans enchanger les principes fondamentaux.

À propos de propositions émanantdu gouvernement français, commentévolue celui-ci au coursdes négociations ?

Fin septembre, dans une interview aujournal Sud-Ouest, Mathias Fekl, le secré-taire d’État au Commerce extérieur encharge du suivi des négociations, affirmaitque la France envisage toutes les options,y compris l’arrêt pur et simple des négo-ciations. Il dénonçait des négociations sedéroulant dans un manque total de trans-parence et dans une grande opacité. C’esthélas comique pour un membre du gou-vernement Valls-Macron qui se félicite duCeta, le prototype du Tafta, accord com-mercial avec le Canada qui vient d’êtresigné et sera présenté en avril au Parle-ment européen, ou qui se félicite de l’ac-cord similaire entre l’Europe et le Vietnamqui permettrait de dégager sur ce marchéde la viande bovine française en pleinecrise ici. On voit bien que cette histoire deTafta s’emmêle avec des questions de poli-tique intérieure, en France et en Europe,et que tout ça est bien peu lisible pour lescitoyen.ne.s à qui on n’avait pas annoncé

l’ouverture des négocia-tions, et à qui on nedemande pas leur avis.

Justement, où en sontles mobilisations contrele Tafta ?

Du 15 au 17 octobre, desrencontres et manifesta-tions se sont tenues àBruxelles, à l’occasion de laréunion du Conseil euro-péen (3). Le singulier de cestrois jours, c’est la conver-gence de contenu entre lesmobilisations anitiaustéri-taires en Europe et lacontestation du Tafta. Le15, les mouvements se sontrejoints devant le siège desinstitutions de l’UE, à l’ar-

rivée de l’Euromarche contre l’austérité,partie d’Espagne et de Grèce début octobre.Le 16, toute une série de débats a été ani-mée autour de la dette, de son origine et deson usage par les institutions portant ledogme ordo-libéral – comme on l’appelleaujourd’hui, sous l’égide du gouvernementallemand – et l’éclipse de la démocratie.On est dans une logique à la Thatcher – « iln’y a pas d’alternative » – qu’on retrouvedans le Tafta et sa construction antidémo-cratique. Le 16 octobre, c’était aussi – hasarddu calendrier – la journée mondiale de l’ali-mentation, ce qui a permis aux représen-tants de la Via campesina de parler de la sou-veraineté alimentaire et d’en partager leconcept avec les autres participants, la sou-veraineté alimentaire étant le contraire duTafta : l’expression de la démocratie dans lechamp de l’agriculture et de l’alimentation,un projet ouvert et d’échanges équitables,tout aussi loin des replis nationalistes quedes dogmes libéraux. n

Propos recueillis par Benoît Ducasse

(1) Les négociations avancent par grandes rencontres,appelées rounds, entre les deux parties projetant l’accordbilatéral. Ces rounds se tiennent tous les deux mois etdemi, environ.(2) L’Investor-to-State Dispute Settlement (ISDS) ou enfrançais le Règlement des différends entre investisseurs etÉtats (RDIE) est le mécanisme qui permet à une entreprised’attaquer en justice un État.(3) Le Conseil européen rassemble les chefs d’États des28 États membres.

Le Tafta, de Miami à BruxellesSecrétaire national en charge du dossier, Emmanuel Aze fait le point sur les négociations du traité de libre-échangetransatlantique (Transatlantic Free Trade Agreement ou Tafta, en anglais) entre les États-Unis et l’Union européenne, et sur les mouvements de résistance à ce projet ultralibéral.

Actualité

12 \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

Le 15 octobre à Bruxelles, les manifestants contre le Tafta ont rejoint par petits groupes l’arri-vée de la Marche européenne contre l’austérité, parties principalement d’Espagne et de Grècedébut octobre. Le point de ralliement était le quartier Schumann où siègent les institutionseuropéennes.

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Combien de personnes mangeant en

restauration collective regagnent leur

travail ou leur domicile en n’ayant pris

aucun plaisir à leur repas ? Quel paradoxe

pour un pays où la gastronomie est au

patrimoine mondial de l’Unesco ! Soyons

clairs : la restauration collective ne doit

pas être le déversoir des surplus indus-

triels insipides des marchands du temple

de l’agro-industrie moderne !

La restauration collective sert

trois milliards de repas par an

en France. 80 % des parts

de ce marché sont déte-

nues par trois grands

groupes : Sodexo,

Elior et Compass

Group. Mais

des expé-

riences se

m u l t i -

p l i e n t ,

dans le cadre de marchés publics à des

échelles locales, démontrant que des pay-

san.n.es et des communes peuvent s’or-

ganiser dans la meilleure réciprocité pos-

sible. Des volontés souvent au départ

individuelles (Lons-le-Saunier dans le

Jura, Barjac dans le Gard…) font mouche

et impulsent chez d’autres collectivités

l’envie de se lancer dans l’aventure.

Cependant des questions restent

ouvertes : quels volumes ?

Quels prix rémunérateurs

garantis aux paysan.n.es ? Sur

quelle durée d’engagement ?

Les traités de libre-échange vont-

ils balayer toutes les initiatives ?

Alors que toute l’agriculture euro-

péenne traverse une crise, les res-

taurants collectifs se voient

considérés comme

l’Eldorado par

l’agriculture

industrielle, notamment pour y écouler ses

surproductions invendues. La Fnsea en

profite pour surfer sur une vague popu-

liste : « Pour votre santé, mangez fran-

çais ! », ou bien encore « Les cantines doi-

vent proposer des produits français ! » Un

chauvinisme patenté qui ne regarde pas

d’où vient l’aliment ou sa semence, et

qui ne se préoccupe pas de proposer une

alimentation « de qualité » à nos conci-

toyen.ne.s.

Alors, quelle place donner à l’agricul-

ture paysanne ? Comment faire pour que

les pouvoirs publics fassent la différence

entre elle et l’industriel ? Nombre d’entre

eux œuvrent déjà pour élargir le code des

marchés afin de favoriser l’approvision-

nement local. Encourageons-les, convain-

quons d’autres collectivités de suivre

cette voie ! Au-delà des pouvoirs publics,

chacun.e peut, à son échelle et selon ses

moyens, s’engager à faire changer les

consciences vers de meilleurs équilibres.

Un chantier s’ouvre pour la Confédéra-

tion paysanne et chaque citoyen.n.e…

À nous de saisir cette chance !Jonathan Chabert,

paysan dans les Côtes-d’Armor,

référent de la commission nationale

« Relocalisation »

Restauration collective L’agriculture paysanne à la cantine !

Dossier

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / I

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II \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

Dossier

Panorama de la restauration collective en France

Chiffres clés• 3 milliards de repas servis chaque année en France, dont900 millions en milieu scolaire.• 73 000 restaurants.• 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de 7 mil-liards d’euros HT d’achats alimentaires (hors petits-déjeu-ners).• 2 modes de gestion : en autogestion ou gestion directe (70 %des repas servis), et en gestion concédée à une entreprise pres-tataire (30 % des repas servis).• 300 000 salariés en France.• De nombreux secteurs concernés : l’enseignement, la santé(hôpitaux publics), le médico-social (maisons de retraite), lescrèches, le travail (entreprises et administrations) et les autrescollectivités (centres de loisirs, armée, centres pénitentiaires).Sources : ministère de l’Agriculture, 2014 ; Réseau Restau’Co ;Themavision, 2012.

Les 3 « majors » de la restauration collectiveTrois grands groupes détiennent plus de 80 % des parts de mar-

ché de la restauration collective en France :

• Sodexo : avec 428 000 salariés dans 80 pays, le groupe est le

premier employeur privé français et le leader de la restauration

collective au niveau mondial, avec 75 millions de repas produits

quotidiennement. En France, il gère 5653 restaurants.

• Elior : ce groupe français emploie 36621 personnes dans le pays

où il gère 4 620 établissements. Il est le restaurateur officiel de la

Cop 21, la conférence internationale sur le climat qui s'ouvre fin

novembre à Paris.

• Compass Group : cette multinationale britannique implantée

dans près de 50 pays emploie 16 500 collaborateurs dans 2 400

restaurants en France.

(Selon les sources, les chiffres datent de 2012 à 2014)

Le passage des cantines en produits locaux coûte-t-il plus cherpour la ville et les parents ? Pas nécessairement, comme lemontre une étude de 2010 réalisée par l’Adar-Civam, associa-tion de développement agricole et rural, dans le Sud de l’Indreet du Cher (1). Elle s’est penchée sur le cas de la cantine de Chas-signolles (Indre) qui s’approvisionne localement en fromagesdepuis 2006, et en poulets et légumes depuis 2008. En janvier 2009, au moment du passage de la cantine d’une ges-tion associative à communale, une réflexion sur la qualité des pro-duits s’amorce. Auparavant, l’approvisionnement du poulet (cuisses)s’effectuait en surgelé, un éventail de quatre fromages différentsétait acheté en supermarché et tous les légumes étaient prischez le primeur. En 2010, la petite cantine – 50 repas par jour enmoyenne – décide de se fournir en poulets fermiers entiers, enfromage de chèvre et de vache dur et frais, et en légumes (pommesde terre, oignons, carottes), auprès de quatre fermes différentes.Soit 12 fromages de vache/mois, 12 de chèvre/mois, 12 kg/moisde poulet et 300 kg/an de pommes de terre.Avec quelles conséquences sur le budget ? L’étude de l’Adar-Civam révèle que l’achat des produits locaux a représentéune augmentation de 7 centimes d’euros par repas. La pro-portion des matières premières provenant des fermes locales– 18 centimes sur un repas revenant à 1,82 euro – reste doncminime. Forte de cette réussite, la commune de Chassi-gnolles a donc décidé de continuer de travailler l’approvi-sionnement local. Le ticket de cantine, 2 euros pour lesenfants et 3,60 euros pour les adultes (2), reste inchangédepuis 2008.D’autres expériences vont dans le même sens, l’introductionde produits bio et locaux étant souvent l’occasion d’uneremise à plat des pratiques. La ville de Clamart (Hauts-de-Seine) a par exemple remplacé à partir de 2008 la majeurepartie des denrées servies en emballages individuels par leur

équivalent en conditionnements collectifs. « Alors que le bud-get denrées était d’1,5 million d’euros, nous en avons dépensé1,4 en 2009 et 1,3 en 2010. Une différence qui est réinvestiedans l’introduction de produits bio » confiait, en 2011, leconseiller municipal François Soulabaille au site d’informa-tions Novethic. Le volume mensuel de denrées bio servies dansles cantines de Clamart est ainsi passé, à budget constant, de0 à 50 % en trois ans !

Sophie Chapelle

(1) www.adar-civam.fr(2) Le prix du repas ne comprend ni le salaire de la cantinière, ni l’eau, ni l’électricité.

Des cantines bio et locales : quelles conséquences financières ?

Dans une cantine de Saint-Etienne. 100 % des aliments composant les 2 800repas servis quotidiennement dans les cantines des écoles maternelles et pri-maires stéphanoises sont bio. Cette démarche, progressive depuis 2009 sousl’impulsion de la municipalité précédente, s’est accompagnée d’un dévelop-pement des circuits courts d’approvisionnement – 41 % de circuits courts, contre5 % dans la restauration collective classique.

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Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015/III

Favoriser l’approvisionnement localdans les cahiers des charges est unechose, encore faut-il savoir ce quel’on entend par « local ». Pour la direc-tion régionale de l’agriculture deRhône-Alpes, « le critère clé reste laproximité avec la zone de consomma-tion »(1). « Réduire le local à une dimen-sion purement géographique pose pro-blème », relève Philippe Marquet,éleveur à Maringes dans les Montsdu Lyonnais (photo). Si la ville de Lyonlance un appel d’offres sur les yaourtspar exemple, l’usine Danone implan-tée à Saint-Just-Chaleyssin – soit à unetrentaine de kilomètres de Lyon –peut répondre. « Quand il y a un yaourtnature Danone à 8 centimes et quenous, les éleveurs ou éleveuses bio,on est à 32 centimes, ça ne passe pas !Il faut donc une véritable volonté poli-tique pour permettre aux petits pro-ducteurs de travailler avec la restau-ration collective. »

Philippe Marquet salue la démarchedu conseil général de la Loire qui pri-

vilégie l’approvisionnement de pro-duits bio et locaux par des paysan.ne.spour les restaurants scolaires des col-lèges publics du département. « Lapratique industrielle de la couléed’œufs, qui consiste à recevoir en cui-sine des blancs d’œufs déjà séparésdes jaunes, a été interdite par le conseilgénéral. Ils incitent à travailler avecdes œufs coquille », illustre PhilippeMarquet. Lui-même produit chaquesemaine entre 15 000 et 19 000 potsde yaourts, dont 80 % à destinationde la restauration collective. Au total,la ferme des P’tits bio fournit 18 col-lèges en yaourts, lait pasteurisé etœufs. « Cette démarche nous permetd’écouler notre production dans unrayon de 80 kilomètres autour de laferme. Grâce à des tarifs abordables,les collégien.ne.s profitent de nos pro-duits bio et locaux. »

Recueillis par S.C.

(1) Direction Régionale de l’Alimentation, del’Agriculture et de la Forêt. Extrait d’une journéetechnique sur cette thématique, février 2015.

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / III

Dossier

Idées reçues

Bio et local, c’est l’idéal !

Mais c’est pas gagné…Depuis 2012, 56 % des établissements de restauration collective

déclarent proposer ponctuellement des produits biologiques, contre

4 % en 2006 selon l’Agence Bio. Mais le volume d’achat en bio ne

représente que 2,4 % pour la restauration collective. Bien loin de

l’objectif de 20 % fixé par le plan « Ambition bio 2017 » du minis-

tère de l’Agriculture. Parmi les idées reçues sur les filières bio revient

souvient l’incapacité de répondre à la demande. « C’était vrai il y a

dix ans,mais ça l’est de moins en moins.C’est même un prétexte der-

rière lequel les collectivités se retranchent », pointe Julie Portier, de

la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab).

En France, la part de surface agricole en bio s’élève à seulement

3,8 %. « Mais si toutes les communes du Grand Lyon approvision-

naient leur cantine avec des fruits locaux, il faudrait l’équivalent de

10 hectares en arboriculture, relativise Bérénice Bois, de l’Association

des producteurs biologiques du Rhône et de la Loire (Ardab). Ce

n’est rien du tout ! » Les producteurs et productrices seraient tout

à fait en mesure de s’organiser pour y répondre. Pour parvenir à

une adéquation entre l’offre et la demande, la Fnab encourage depuis

dix ans la création de coopératives de producteurs. 26 plateformes

couvrent aujourd’hui 70 % des départements. S.C.

Des produits importés majoritaires• Une étude de l’Institut de l’élevage estime qu’en moyenne,seulement 25 % du bœuf servi par les entreprises de restau-ration collective est français, et 70 % issu de l’Union euro-péenne. D’autres chiffres, repris par le ministère de l’Agricul-ture, évoquent jusqu’à 80 % de viande importée. Les principauxintéressés contestent, mais ne donnent pas des chiffres détailléssur la restauration scolaire. Sur l’ensemble de ses restaurants(scolaires et entreprises), Sodexo affirme acheter 90 % deporc, 85 % de volailles et plus de 50 % de bœuf français. Eliorévoque 69 % de viande fraîche et 53 % de surgelés provenantde France.• Dans le secteur de la volaille, l’Institut de l’élevage considèreque 87 % de la viande de volaille utilisée en restauration horsfoyer (qui regroupe la restauration commerciale et collective)est importée.• Selon une enquête du Centre technique interprofessionneldes fruits et légumes, près de 75 % des représentant.e.s de larestauration commerciale et des collectivités n’accordent pasd’importance particulière à l’origine géographique des fruitset légumes.• L’un des blocages à l’approvisionnement français est régle-mentaire. Pour répondre aux règles européennes, le code desmarchés publics interdit toute mention de provenance, qu’ellesoit nationale ou locale, lors des appels d’offres. Toutefois ledécret a été modifié en 2011 pour introduire la notion de « cir-cuit court », avec un seul intermédiaire… mais pas encore denotion géographique. Un flou qui ouvre certaines marges demanœuvre.

Entre Rhône et Loire Danone, fournisseur local ?

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Aurélie Bénazet, nutritionniste, faitpartie du collectif « Les pieds dansle plat », un réseau national de for-

mateurs visant à faciliter l’introduction deproduits bio et locaux en restauration col-lective. En cuisine, le premier blocage relèvesouvent de la méconnaissance des aliments.« On va travailler avec le cuisinier sur la décou-verte de variétés anciennes de légumes, decéréales autres que les pâtes et le riz, commele sarrasin en Bretagne et le petit épeautre dansle Sud-Est », explique-t-elle. « On montreaussi que ne pas avoir besoin d’éplucher leslégumes bio constitue un gain de temps. »

Une meilleure connaissance des tech-niques culinaires est essentielle. Jean-JacquesGuerrier, responsable de la cuisine centrale

de la ville de Bruz (1 200 couverts par jour),fait partie des formateurs du collectif. Ilapprend à d’autres cuisiniers à travailler desaliments de meilleure qualité. « On passesur des cuissons basse température au niveaude la viande, on apprend à cuisiner légeravec des légumineuses et des céréales. Onjoue sur les couleurs, les taillages, les tex-tures… Il s’agit de faire quelque chosed’agréable avec des plats du quotidien, enajoutant du sucré avec des abricots secs oude l’acide avec des citrons confits. Les enfantsn’ont pas un goût comme le nôtre, ils recher-chent la simplicité. C’est une pédagogie ali-mentaire qu’ils doivent incorporer. »

Pour Jean-Jacques Guerrier, l’enjeu estdonc d’abord éducatif. « La priorité, c’est

d’apprendre aux générations futures à deve-nir conscients de ce qu’ils mangent. Or, cequi est gagné en économies d’échelles avecles cuisines centrales est perdu en éduca-tif », regrette-t-il. Car en mangeant sur unautre lieu, les enfants ne voient jamais lacuisine, n’identifient pas les odeurs ni lapersonne qui cuisine. Une dimension imper-sonnelle qui contribuerait au gaspillage ali-mentaire. La sensibilisation au travers d’ate-liers du goût, de conférences débats ou depetits-déjeuners, auprès des animateurs,enfants et parents, est donc prépondérante.

Les aliments bio coûtant généralementplus cher à l’achat qu’en conventionnel,mettre un terme au gaspillage permet de fairebaisser les coûts. Dans la cantine de Marsa-neix (Dordogne) par exemple, chaque élèvea droit à une tranche de pain par repas, etcelles qui ne sont pas mangées sont réuti-lisées pour faire du pain perdu ou d’autresrecettes. Les techniques de cuisson sont

Les Défis Ruraux (1), associationde développement local en Haute-Normandie, accompagne paysan.ne.set collectivités vers la mise en placed’un approvisionnement en produitslocaux des restaurants collectifs.Entretien avec Stéphanie Heuzé,chargée de projets.

De quelle manière accompagnez-vousle producteur ou la productrice ?

On commence par regarder s’il y a des col-lectivités proches afin que le produit fassele moins de kilomètres possibles. On étu-die ensuite la production disponible pourdéterminer s’il ou elle est en mesure defournir la restauration collective. Les fruitspar exemple doivent être assez homogènesen taille et surtout de petit calibre pourque l’enfant puisse les manger.

La question de la quantité de productiona tendance à effrayer. Je viens de rencon-trer un arboriculteur pour une cantine quifait 400 couverts par jour. Il a immédiate-ment réagi en disant que c’était énorme.Mais lorsque je lui ai dit que cela représentait40 à 50 kg de pommes à chaque com-mande, il a réalisé qu’il pouvait le faire. Surle volet administratif, nous aidons à la miseen place des factures, bons de commande,

étiquetages, ainsi qu’au respect des normesimposées par la répression des fraudes etles services vétérinaires. Nous accompa-gnons aussi les paysan.ne.s dans leur pre-mière livraison, pour voir les améliorationsà apporter.

Comment le prix d’achat est-ildéterminé ?

Nous commençons par récupérer les achatsde la collectivité de l’année précédente etregardons le prix moyen à l’année de chaqueproduit que l’on peut trouver localement.Souvent, les collectivités annoncent vouloirrester dans les mêmes coûts. Nous com-mençons par les légumes car c’est souventlà qu’il y a les plus petits écarts, voire mêmedes économies à faire. Nous proposonsensuite des scénarios pour introduire d’autresproduits. Les fruits peuvent coûter 50 cen-times plus cher au kilo, mais on peut travaillersur la réduction du gaspillage.

L’important, c’est de trouver le juste prix :un prix rémunérateur pour la production etun prix acceptable, malgré tout, pour la col-lectivité. Si ce prix ne convient pas au pro-ducteur ou à la productrice, nous n’insistonspas car l’idée n’est vraiment pas de lesmettre en difficultés. En pratique, travailleravec une unité de production centrale se

révèle plus intéressant : 8000 repas par jour,ça représente 1 à 1,2 tonne de pommes deterre, livré en une fois.

Outre les fruits et légumes, qu’en est-ilde l’introduction des produits laitiers etcarnés dans les restaurants collectifs ?

C’est plus difficile. Les produits laitiers enlocal de qualité, notamment fermiers, sont3 à 4 fois plus chers que ce à quoi sont habi-tuées les collectivités avec les produitsindustriels. Les économies d’échelle prati-quées par des grosses sociétés commeDanone sont telles que l’on n’arrivera jamaisà avoir des prix similaires. On joue donc surd’autres variables, comme les économies surles légumes, et les collectivités peuventdécider, si elles le souhaitent et que cela serévèle pertinent, d’augmenter légèrementle budget des achats alimentaires.

Pour la viande, c’est encore plus compli-qué. On rentre sur des circuits longs avecplusieurs intermédiaires : l’abattoir, le labo-ratoire de découpe et de transformation, etc.Tous les produits laitiers et carnés qui ren-trent dans la cuisine doivent avoir un agré-ment sanitaire. S’il arrive de plus en plus sou-vent que les productrices et producteurslaitiers aient un agrément, cela demeureencore rare en carné. n

Recueillis par S. Ch.

(1) www.defis-ruraux.fr

IV \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

Dossier

Formation, cahier des charges, soutiens publics :éléments déterminants pour structurer la filière

Nutrition Faire évoluer les pratiques en cuisineLa formation du personnel de restauration fait partie des éléments déterminantspour structurer une filière locale. Mais comment changer les pratiques ?

Trouver un prix rémunérateur pour le producteur

…/…

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Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / V

Dossier

également revues. « Cuire une viande à bassetempérature équivaut à un gain de matièrequi va jusqu’à 20 %. On commande doncmoins de viande », souligne Aurélie Bénazet.

Dans la cuisine centrale de Bruz, les pra-tiques ont évolué au profit de plats moins richesen protéines animales, mais plus riches enprotéines végétales (légumineuses), mieuxassaisonnés et répondant à la satiété. « Dansle hachis parmentier, on diminue par deux laviande et en contrepartie on fait une purée depois chiches, illustre Jean-Jacques Guerrier.Même logique avec le sauté d’agneaux qu’onaccompagne de haricots blancs ou de poischiches et d’une garniture aromatique. Ongarde les mêmes recettes, mais on change laproportion de viande. » Tout l’approvisionne-ment de la cantine centrale de Bruz reposeaujourd’hui sur des produits bio, à l’exceptionde la viande. « Mais sans le soutien politiquede la municipalité, je n’aurais rien pu faire», tientà préciser Jean-Jacques Guerrier. Qui s’est vuallouer une somme de 2,20 euros de denréespar assiette pour travailler, contre 1,10 eurodans certains cas. n Sophie Chapelle

Faut-il contourner la réglementationeuropéenne pour favoriserl’approvisionnement localde la restauration collective? Le ministèrede l’Agriculture semble partagé…

Suite aux travaux du Conseil nationalde l’Alimentation (CNA) qui a faitremonter le mécontentement d’ac-

teurs de la société civile concernant les dif-ficultés pour introduire des produits locauxdans la restauration collective, le ministèrede l’Agriculture a publié en novembre 2014un guide dédié à l’approvisionnement localde la restauration collective (1).

Ce guide présente plusieurs solutions « tech-niques » pour s’approvisionner localement :écrire dans les appels d’offres que l’on pré-fère les circuits courts (un seul intermédiaire),allotir l’offre souhaitée pour être en dessousdu montant d’obligation de publication d’unappel d’offre, jouer sur des critères de fraîcheurde produits… Des bidouillages qui ressemblentà un aveu de faiblesse face à l’impossibilitéde sortir de la mise en concurrence imposéepartout et pour tout par la très libérale Com-mission européenne. Et qu’en sera-t-il demainavec le Tafta (2) ? Interrogé sur ce sujet, leministère n’a pas souhaité répondre.

La restauration collective a été l’une desréponses à la crise de l’élevage, puisque leplafond en dessous duquel un marché sans

publicité ni mise en concurrence préalableétait possible a été relevé cet été de 15000 à25 000 euros. Une opportunité pour despaysan.ne.s en recherche de débouchéslocaux avec d’importants volumes, ou pourstructurer des filières locales. Mais le critèreessentiel d’un approvisionnement localréussi demeure la bonne interconnaissancedes acteurs, paysan.ne.s, gestionnaires etcuisiniers, pour que les appels d’offres soientbien adaptés à la production locale.

Pour autant, la mode du local et du « man-ger français » ne garantit en rien la qualité.

La structuration de filières d’approvisionne-ment local risque de ne pas se faire unique-ment autour de l’agriculture paysanne, pourlaquelle l’introduction de critères ou d’unedémarche de qualité sociale et environne-mentale est un défi. Pire : avec le désenga-gement de l’État dans le financement des col-lectivités territoriales, des cantines qui avaientfranchi le pas de l’introduction de produitsbios et locaux reviennent en arrière pourlimiter les coûts partout où elles le peuvent.

La nécessité de convaincre l’ensemble dela population concernée de s’engager pourmaintenir une alimentation locale et dequalité est un enjeu important pour le déve-loppement d’une restauration collectivepaysanne. Notons toutefois que le minis-tère de l’Agriculture a publié, le 21 octobre,deux nouveaux outils pour le développementde l’approvisionnement local dans la res-tauration collective. Il s’agit d’une brochuresur les soutiens financiers publics mobili-sables pour développer un projet d’appro-visionnement local et un guide sur la consti-tution de plateformes collectives au servicede l’approvisionnement local. n

Mathieu Dalmais, animateur national en charge

du dossier « Relocalisation »

(1) À télécharger ici : http://agriculture.gouv.fr/minis-tere/guide-favoriser-lapprovisionnement-local-et-de-qualite-en-restauration-collective(2) Projet de traité de libre-échange entre l’Union euro-péenne et les États-Unis. Voir page 12 et CS n° 299.

Approvisionnement local : l’ambiguïté du gouvernement

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / V

Jean-Jacques Guerrier (en chemise verte sur la photo) est responsable de la cuisine centrale de la ville deBruz, 18000 habitants, près de Rennes. Avec son équipe, il s’implique dans l’éducation des enfants par unecuisine alternative qui a du goût. Il est aussi membre du collectif « Les pieds dans le plat », un réseau natio-nal de formateurs visant à faciliter l’introduction de produits bio et locaux en restauration collective.

En novembre 2014, le ministère de l’Agriculture apublié un guide dédié à l’approvisionnement localde la restauration collective (1).

…/…

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GouvernancePaysans, parents et coopératives s’organisent

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

« L’objectif était de fournir des pro-duits bio du département à onzecantines. L’agglomération de Saint-

Brieuc, à l’initiative de la démarche, a étéaidée pour sa coordination par la Maisonde la Bio 22. Cinq maraîchers, deux arbori-culteurs et un éleveur (produits laitiers etviande) ont répondu à l’appel d’offres en2012. La majorité des maraîchers y a sous-crit dans le but, notamment, de sécuriserleurs débouchés avec des volumes et desprix fixés à l’avance. Fournir des produits biodans les cantines n’est par ailleurs pas négli-geable en termes d’impact local.

La difficulté d’un appel d’offres d’une duréed’un an est de s’organiser, tant technique-ment à plusieurs pour les assolements, quejuridiquement pour répondre à un débou-ché qui légalement prévaut sur tous les

autres, étant donné que son émetteur estun acteur public. Afin de ne pas créer dedoubles structures qui auraient entraînéune imposition supplémentaire, le choixs’est porté sur un « groupement solidaire »,que l’on trouve plus fréquemment dans leBTP. La répartition des assolements a étérelativement aisée. Un paysan livrait leslégumes au nom du groupement. Enrevanche, la logistique a posé problème : lesdeux livraisons par semaine avec leurs lotsde factures mensuelles auprès de multiplescantines ont nécessité l’achat d’un outilinformatique (plus de 3 000 euros) pourgénérer les commandes en ligne, les bonsde livraison et la facturation.

Résultat : un déficit non négligeable pourcette première. Car si les volumes minimaont été respectés, nous nous sommes retrou-

vés avec des excédents d’assolements dansl’expectative du maxi. Les frais de transportn’étant pas comptés, ils ont aussi eu unimpact sur le résultat de l’exercice.

Cet appel d’offres a cependant permis demieux ajuster le suivant d’une durée de troisans, toujours en place. Ce genre de débou-chés doit comporter des garde-fous pouréviter que des paysan.ne.s ne se retrouventen difficultés financières. D’une part, l’écartdes volumes mini-maxi, tout comme celuidu chiffre d’affaires correspondant, doit êtrefaible. Il faut également ajuster le nombre deproducteurs et productrices répondant à l’ap-pel d’offres afin de ne pas créer de distor-sions lors de la rétribution du chiffre d’affaires.La durée d’engagement doit aussi donner unevisibilité claire dans le temps: un appel d’offresd’une année ne le permet pas. Enfin, la naturedes produits doit être claire et stipulée afinque les paysan.ne.s sachent quoi produire etsous quelle forme (préparation du colis, varié-tés, calibrage, dates de livraisons possibles,etc). » n

Contact : [email protected]

Saint-Jean-le-Blanc, 362 habitant.e.s,dans le Calvados : 5 fermes en bio,dont 4 en vente directe. L’hiver 2010,

la diffusion du film Nos enfants nous accu-seront (de Jean-Paul Jaud) questionne desparents d’élèves soucieux de ce queconsomment leurs enfants. Ils mangent àla cantine depuis des années les repas– jugés médiocres – préparés par la cui-sine centrale de l’intercommunalité deCondé-sur-Noireau et réchauffés sur place.Début 2011, une quinzaine de parentscréent une association pour remettre enfonctionnement la cantine de l’école etintégrer le maximum de produits biolo-giques et/ou locaux.

Localement, les produits sont variés : viandebovine, de volaille, et de porc, légumes, pâtis-series, fromages de chèvre, pain… Le reste– produits secs, huiles, beurre – est achetéen bio à 20 km, à Vire (1), et auprès de laplate-forme de vente Interbio Normandiepour les légumes et les fruits. L’association

embauche une cantinière à temps partiel,annualisée avec les périodes de vacancesscolaires. Aujourd’hui, elle effectue aussi untemps partiel pour la gestion administrative.

La cantine de Saint-Jean-le-Blanc, ce sont80 à 90 repas par jour et quelques supplé-ments dans l’année, pour des chantiersagricoles ou le repas de Noël ouvert àtou.te.s. Le prix du repas est fixé par l’in-tercommunalité à 3,45 euros pour lesenfants (2). La commune soutient l’initia-tive en mettant gratuitement à disposi-tion la cuisine (aux normes) et la salle desfêtes pour le service. De quoi permettre àl’association de faire une marge et d’investirdans du matériel (frigo, chambre froide,ustensiles de cuisine). La mairie prend éga-lement en charge les travaux et l’électri-cité consommée, et l’intercommunalitémet à disposition le personnel de service.L’association a reçu des subventions del’Europe (FSE : 5 140 euros) et du CréditAgricole (2 000 euros). Elles lui ont permis

de financer, par exemple, l’interventiond’une nutritionniste sur l’équilibre alimen-taire et d’un cuisinier sur l’élaboration derepas ce qui a contribué à diminuer la quan-tité de viande et les coûts.

Au bout de trois ans, le bilan est très posi-tif. La part des aliments issus de l’agricul-ture bio atteint aujourd’hui 80 à 90 % desrepas. Si l’organisation pour les livraisons depetites quantités demeurait compliquée, lasalariée et les bénévoles ramènent désor-mais les commandes lors de leurs déplace-ments. Et ça marche, avec une commandepar semaine en produits frais et deux com-mandes par an en produits secs !

Sur ce succès, l’association a créé pleind’activités annexes, des stages de cuisinepour les écoliers aux cours de danse afri-caine… La dernière idée en date, en réflexionavec la commune, est de créer un lieu cul-turel, comme une bibliothèque. Une nou-velle classe a été ouverte en ce début d’an-née. L’influence de la cantine ? n

Florine Hamelin

Contact : [email protected]

(1) À l’épicerie Vire Nature et à la Biocoop du Bocage.(2) Comme auparavant, l’intercommunalité verse une sub-vention de 1 euro par enfant, le repas est donc facturé3,45 euros aux familles.

Appel d’offres : s’organiser collectivementDans les Côtes-d’Armor, plusieurs producteurs ont répondu collectivement à unappel d’offres public d’un an des cuisines centrales de l’agglomération de Saint-Brieuc. Jonathan Chabert, maraîcher, en tire le bilan.

Comment créer une cantine en milieu ruralMoins de 5 ans auront été nécessaires à une commune du Calvados pour remettreen fonctionnement la cantine de l’école et introduire 90 % d’aliments bioet locaux dans les repas.

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Coopérative et éleveurs en vente directe répondent ensemble à un marché public

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / VII

Dossier

En Loire-Atlantique, des éleveuseset éleveurs de poulets fermierss’associent à la coopérative Terrena,productrice de poulets label rouge, pourrépondre à un appel d’offres de la villede Nantes et satisfaire ainsiaux exigences de volume, de qualitéet de proximité.

En 2009, tout part d’un colloque de laConfédération paysanne de Loire-Atlan-tique sur l’enjeu des circuits courts et

de l’approvisionnement local (1). La directionde la cuisine centrale de Nantes – qui sert14500 repas scolaires et 3500 périscolairespar jour – est présente. « Nous voulions tra-vailler sur le poulet, explique Patrick Moraelde la Conf’ 44. La cuisine centrale recouraitexclusivement à du poulet industriel de 38 jourset ne servait que des cuisses. La nutritionnisteétait partante pour deux ou trois expériencesdans l’année avec du poulet fermier paysan de110 jours, ce qui évitait l’ouverture d’un mar-ché public. » Comme la cuisine centrale netravaille qu’avec des produits de quatrièmegamme (transformés et/ou découpés), les éle-veurs et éleveuses s’organisent à partir dedeux outils créés à leur initiative: un abattoiren Cuma («Le chant du coq», ouvert en 2004)et un atelier de découpe (« De la terre à l’as-siette », lancé en 2009).

« On a dit d’emblée être dans une démarcheéquitable et qu’il fallait connaître tous lescoûts, de l’élevage jusqu’à l’assiette », détaillePatrick Morael. La transparence permet deconnaître les contraintes respectives, entrevisites des élevages et interventions auprèsdu personnel de service de la ville qui compte89 restaurants collectifs. « Ça a permis quedeux mondes se connaissent. Chacun s’estsenti valorisé dans son métier. »

Le résultat est très positif, sauf sur le prix.Le poulet fermier coûte 150 % plus cher quel’industriel. Difficile également de répondrecomplètement à la demande. « Les élevagesétaient incapables de fournir un service com-plet : il fallait 1 600 poulets ! Le maximumque l’on ait fait, c’est 3500 repas. On s’est dit:pourquoi pas la même expérience avec unpoulet de qualité industrielle ? »

En 2012, Cap 44 rencontre Terrena, coopé-rative basée en Loire-Atlantique. Une asso-ciation d’éleveurs et éleveuses produit enson sein un poulet fermier label rouge de76 jours, garanti sans OGM. « On leur aimposé le même cahier des charges, à savoirun poulet produit, abattu et découpé en Loire-Atlantique, et consommé sur Nantes », rap-pelle Patrick Morael. Terrena possède déjà unabattoir à Ancenis, où se trouve son siège, etdécide d’y ouvrir un atelier de découpe. Uneenquête de gestion révèle des coûts « sup-

portables ». La direction de la cuisine cen-trale décide donc en 2014 de continuer àprendre des poulets fermiers paysans pourle périscolaire et des poulets label rouge pourles 14500 repas scolaires.

Afin de pérenniser l’approvisionnement envolailles locales et de qualité (2), la ville deNantes a lancé un appel d’offres débutoctobre. Un appel mûrement réfléchi carle code des marchés publics interdit toutemention de provenance mais tolère lanotion de « circuit court », avec un seulintermédiaire. L’astuce ? Le lot 18 de l’ap-pel d’offres est intitulé « poulet label et fer-mier entier découpé ». Il prévoit des actionspédagogiques communes auprès desconvives sur les deux types de poulets réfé-rencés dans le lot. « C’est ce qu’on appelleun marché de co-traitance non solidaire. LaSARL La terre à l’assiette et Terrena répon-dent ensemble, mais chaque fournisseurcertifie ensuite la qualité apportée », pré-cise Patrick Morael. « C’est complètementnovateur d’imaginer un marché en communavec des circuits courts ! » Une véritablecoopération d’intérêt collectif qui nedemande qu’à essaimer. n

Sophie Chapelle(1) Colloqué organisé par Cap 44, une association de déve-loppement agricole basée à Nantes.(2) Étude réalisée par Cap 44.(3) 4 services de chaque produit sur l’année.

Jérôme Bodineau, paysan en Loire-Atlantique, par-ticipe à la démarche d’approvisionnement de la cui-sine centrale de la ville de Nantes. Il abat sesvolailles à la Cuma « Le champ du coq » et les trans-forme dans l’atelier de découpe « De la Terre àl’Assiette ». Une dynamique territoriale de bouten bout.

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VIII \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

Dossier

Du point de vue des paysan.ne.s etde leurs groupements, la restaura-tion collective, publique ou privée,

peut être un débouché pour leurs produits.Quoi de plus naturel que les fermes nour-rissent la population locale ! Alors pourquoisi peu d’aliments locaux de qualité dans larestauration collective? Sont-ils trop chers?Produits en quantité insuffisante par les pay-san.ne.s pour répondreà une telle demande ?C’est souvent ce que l’onentend.

Mais n’y a-t-il pas unmalaise plus profond,concernant tout simple-ment les choix faits enmatière d’alimentation,et de fait de productionagricole ? Élaborer desrepas avec des produitsissus de l’agriculture pay-sanne devient un actede résistance à l’unifor-misation des goûts, pourdire « non » au mondestandardisé des modes,du smartphone et de labouffe, mondialisées !

La restauration collec-tive n’échappe pas àl’agriculture et à l’agroa-limentaire industrialisés,fournisseurs d’une ali-mentation à bas coût.Elle s’inscrit dans une société qui a choiside ne pas mettre en œuvre la politique qu’ilfaut pour mieux se nourrir, laissant la partbelle à l’industrie pour lui vendre objetsdivers et variés, toujours « mieux », toujoursplus « performants » et si peu essentiels.La nourriture se doit alors d’être la moinschère possible…

Quant à la Pac, elle compense le déficit derevenu des paysan.ne.s avec plus ou moinsde bonheur. Ainsi faut-il encore rappeler lepeu de soutien des politiques publiques à laproduction maraîchère (hors organisationde producteurs). Mais n’oubliez pas de bienfaire consommer 5 fruits et légumes parjour à vos gosses, mauvais parents !

Certain.e.s paysan.ne.s doivent auxcitoyen.ne.s résistant.e.s et plus argenté.e.s

leur survie économique. La qualité gustativeet nutritionnelle, la santé de la population,l’obésité des enfants, la baisse de fertilité desjeunes couples liée aux pesticides, devien-nent malheureusement des sujets mineurs.Les puissantes industries des pesticides met-tent toute leur énergie à Bruxelles et ailleurspour protéger les perturbateurs endocri-niens, pourtant néfastes à notre santé.

Quelles sont les marges de manœuvre afinque tout le monde ait accès à une meilleurealimentation, et particulièrement lesenfants?

La pression citoyenne est bien là : mieuxnourrir les enfants des écoles, les sala-rié.e.s des entreprises, les personnes âgées,semble être une préoccupation. Les parentss’organisent en association, sollicitentleurs collectivités locales. Comment fairepour que le prix ne soit pas un frein, quetous et toutes puissent avoir accès par-tout à de meilleurs repas ? Pour certainsenfants, le repas de la cantine est leurseul vrai repas de la journée. Certainescollectivités inventives prennent encompte le quotient familial dans le prixdu repas payé par les familles.

Des communes, petites ou grandes, s’en-gagent. Des départements mettent enœuvre des menus bios dans les collèges.Qu’en est-il du soutien des régions dansles projets collectifs de paysan.ne.s ? Il ya bien des soutiens aux outils d’abattagede proximité, aux plateformes d’approvi-sionnement, aux pépinières pour faciliterles installations agricoles, aux formations,

à des outils collectifsdivers de transforma-tion dans le cadre desprogrammes de déve-loppement régionauxavec le soutien du Fea-der, un fonds européendont les conseils régio-naux ont la gestion…Mais ces soutiens sontinégaux d’une région àl’autre, notammentdans l’agriculture bio,avec le non-plafonne-ment des aides, voirel’arrêt des aides danscertains territoires.

L’alimentation en quan-tité et qualité devraitpourtant être une prio-rité. Comment serontreprises les propositionsde Brigitte Allain, dépu-tée, ancienne porte-parole nationale de laConfédération paysanne,

auteure d’un rapport et de propositions surles circuits courts et la relocalisation desfilières agricoles et alimentaires? Les échosretentissants du « manger français » vont-ils faire accepter dans les cantines tous lesproduits parce qu’ils sont « locaux », quitteà provenir de fermes-usines et sous pressionde lobbies? Comment s’alimentera la géné-ration « cantine » à l’âge adulte? Quel inté-rêt accordera-t-elle à la gastronomie et aubien manger, si ses papilles ne sont pas aigui-sées par des bonnes saveurs?

Alors, la bonne bouffe pour l’élite, la bouffeindustrielle pour les autres ? Une autre ali-mentation doit être possible, surtout dansles cantines scolaires ! n

Judith Carmona,

paysanne dans les Pyrénées-Orientales

Politiques publiques Une autre alimentationdans les cantines est possible !La restauration collective n’échappe pas à la malbouffe. Mais ce n’est pas une fatalité. Des marges de manœuvre existent,à tous les niveaux, pour que l’agriculture paysanne puisse y fournir une alimentation de qualité.

Même si l’encadrement légal et les cahiers des charges semblent contraignants, il existe des margesde manœuvre pour favoriser l’approvisionnement local et durable. Nombre de collectivités localesles utilisent. L’enjeu de la qualité des repas est éminemment politique : pour certains enfants, le repasde la cantine est leur seul vrai repas de la journée.

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Le progrès au service des paysan.ne.s ?Du 26 au 28 août, Solidarité Paysans organisait dans l’Ain ses 4èmes Rencontres d’été. 120 personnes venues de toute la Frances’y sont retrouvées pour échanger et construire autour du thème du changement et de la transmission au sein du réseau.

Sylvain Brunier, socio-historien, est venutémoigner de son travail sur l’évolutiondu rôle des conseillers agricoles auprès

des paysan.ne.s, et les moyens mobiliséspour mettre en œuvre le projet de moder-nisation de l’agriculture dans les annéesd’après guerre jusqu’aux années 1970.

Au départ, le défi à relever est important :il faut moderniser, d’où la nécessité ded’abord sélectionner les fermes. Il y a lesmodernes, grandes exploitations déjàmodernisées et ancrées dans le systèmecapitaliste, puis les fermes moyennes, quiont peu de revenu mais sont « moderni-sables ». Enfin, il y a les archaïques : troppetites, pas assez modernes, pas rentables,donc à faire disparaître.

Le schéma est repris par la Fnsea, alors syn-dicat unique dans l’agriculture française.C’est le socle de la politique des structures.

Les conseillers agricoles ont une placeprimordiale dans cette stratégie. Leur mis-sion est de promouvoir et vulgariser dansles campagnes les bienfaits de cette nou-velle politique. Ils s’adressent aux « chefsd’exploitations », mais aussi aux femmesdont la mobilisation est reprise et ampli-fiée par les organisations agricoles. Elless’empareront de la démarche pour faireévoluer leur situation et leur statut.

Le conseiller a un idéal humaniste trèsdéveloppé. Il travaille au plus près des pay-san.ne.s, dans un accompagnement per-sonnalisé. Il s’investit pleinement car il croitsincèrement à cette politique de développe-ment. Il convainc du bien fondé de la moder-nisation, donc de l’investissement, de laconsommation et de l’agrandissement. Et dela reconnaissance sociale qu’elle apporte.

Cogestion et explosionL’État s’implique dans le modèle promu

par les chambres d’agriculture. C’estl’époque de la cogestion avec le pouvoirpolitique en place. Mais les grandes exploi-tations critiquent : il faut en finir avec lemodèle de l’exploitation familiale. Il fautaller plus loin. Le consensus explose parl’arrivée des « paysans travailleurs » et desnéoruraux, après 1968. Ils apportent denouvelles formes et de nouvelles façonsd’être paysans.

Arrivent aussi les premiers cas d’exploi-tants modernisés surendettés. La crisemorale est amplifiée par le nombre de plus

en plus important de jeunes agriculteursrestés célibataires.

Les firmes s’emparent du développement.Une autre approche est proposée avec lestechnico-commerciaux : il faut consom-mer, de tout, des machines, des bâtiments,des semences, des pesticides…

S’ouvrent alors deux options de déve-loppement qui amènent une cassure entreles techniciens: l’option productivité (filière,marchés, exportation, investissement) etl’option territoriale (valorisation des pro-ductions, AOC, bio, modification des par-cours techniques).

Parmi les participant.e.s aux rencontresd’été de Solidarité Paysans, plusieurs ontvécu cette période et partagent leur expérienceau cours des échanges. Comment pouvons-nous nous approprier ce « savoir faire » desconseillers : conviction, persua sion et subti-lité? Comment les réseaux alternatifs peu-vent ainsi proposer d’autres voies? Com-ment vulgariser notre approche et le travailfait auprès des paysan.ne.s en difficulté ?

À Solidarité Paysans, l’écoute est pri-mordiale, l’avenir des personnes est la prin-cipale préoccupation. On accompagne,parfois des conseils sont utiles, et là il fautfaire preuve de beaucoup de doigté, de

subtilité, pour ne pas déposséder les per-sonnes de leur projet.

En face, le processus de vulgarisation achangé, mais nous sommes toujours dansla même configuration : convaincre que« le progrès » est au service des paysans.Ainsi peut-on lire dans l’édito de La Franceagricole du 4 septembre : « Alors que le jour-nal fête ses 70 ans, nous continuons de pen-ser que le progrès technique doit d’abord béné-ficier aux paysans, et ce progrès ne vaut quesi les idées sont largement diffusées avec unevaleur d’usage qui permet d’améliorer l’effi-cacité quotidienne. C’est dans cette voie quenous voulons continuer à travailler. Les évo-lutions des dernières décennies, que nous avonspartagées avec vous, ont d’ailleurs permis d’ac-croître fortement les volumes et la qualité desproduits, dépassant largement les objectifs del’après-guerre. »

Le rédacteur en chef de l’hebdomadairene dit pas combien de paysans ont disparudurant ces 70 ans, ni combien sont aujour-d’hui dans des situations financières,humaines et sociales déplorables. Qui a ditque le progrès était au service des pay-san.ne.s ? n

Christiane Aymonier, paysanne retraitée,

bénévole à Solidarité Paysans Jura

Point de vue

Discussion durant les Rencontres d’été de Solidarité paysans, fin août à Misérieux (Ain). Mouvement delutte contre l’exclusion en milieu rural, Solidarité Paysans aide les paysan.ne.s en difficulté à faire valoirleurs droits en justice, accompagne et défend les familles, se bat pour sauvegarder l’emploi. www.solidaritepaysans.org

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 13

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Internationales

14 \ Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015

L’herbe serait plus verte ailleurs ?En France, il se dit qu’elle l’est

en Allemagne, dans les champs,les porcheries et les étables

notamment. Mais en Allemagne,c’est souvent en regardant vers l’Ouest

qu’on y voit des campagnes plus vertes.

La France est de loin, en valeur, le pre-mier producteur agricole européen: laproduction agricole française repré-

sente 66,7 milliards d’euros (2010) contre46,1 milliards d’euros en Allemagne. Etchaque année, les flux commerciaux agroa-limentaires bilatéraux franco-allemandssont favorables à la France. Parfois l’écartse creuse, parfois il se réduit, mais il restefavorable, comme en 2012 quand s’estdégagé un excédent sur l’Allemagne dequelque 800 millions d’euros.

Même dans un secteur aussi bien maîtriséque celui du lait et des produits laitiers, lesAllemands affichent un déficit vis-à-vis dela France, laquelle obtient un excédent dequelque 250 à 300 millions d’euros selonles années.

Mais alors d’où vient cette sensation quec’est mieux sur l’autre rive du Rhin? De déci-sions politiques propres à l’Allemagne, ensoutien direct ou indirect de son agricul-ture ou certains de ses secteurs.

Ainsi le poids des aides accordées en sou-tien de la production d’énergie issue de labiomasse. La politique énergétique alle-mande porte un fort et rapide développe-ment des énergies renouvelables, et l’agri-culture y tient une place importante : surun chiffre d’affaires total de 39,2 milliardsd’euros généré par les énergies renouve-lables, 8,2 milliards reviennent aux pro-ducteurs agricoles. Les pouvoirs publicssoutiennent fortement les investissements

tout en garantissant les revenus tirés del’énergie, ce qui permet aux agriculteurs etagricultrices de disposer de soutiens publicscomplémentaires : 4 milliards d’euros, soitl’équivalent de 70 % des aides du premierpilier de la Pac allouées à l’Allemagne.

Chères terresLes élevages en profitent largement. Pro-

priétaires de 72 % des 8000 méthaniseursdu pays (330 en France), en 2013/2014,ce ne sont pas moins de 4,3 milliards d’eu-ros de revenus supplémentaires qu’ils ontgénérés grâce au gaz d’origine agricole.

Cette tendance est appelée à perdurer.Outre le fort développement des agrocar-burants prévu d’ici le milieu du siècle, les

tarifs de rachat de l’électricité étant fixés parla loi pour une durée de vingt ans, les exploi-tations disposent d’une importante visibi-lité en la matière. Cela leur permet de pla-nifier leurs investissements à moyen/longterme et de surmonter les crises de marché.

C’est dans cette logique que le syndicalismeagricole majoritaire, peu mobilisé pourdemander des mesures de gestion de crise,fait porter davantage son action sur la luttecontre le « verdissement », susceptible delimiter la capacité de production d’agro-énergies. Ainsi a-t-il obtenu une déroga-tion nationale sur la directive Nitrates euro-péenne, portant le plafond à 230 kg d’azotepar hectare, contre 170 normalement.

Tout cet argent à capter pousse à la concen-tration des exploitations et à la course auxhectares. Avec des conséquences fortes surle prix du foncier, a fortiori dans un pays25 % plus petit et 20 % plus peuplé quela France : selon les régions (länder), le prixmoyen d’un hectare agricole à l’achat varieaujourd’hui entre 13 760 euros dans l’Estet 21000 euros dans l’Ouest (5 700 eurosl’hectare en moyenne en France – donnéesSafer 2013). La ruée vers le méthane for-tement subventionné pousse aussi à dessituations extrêmes : la production d’éner-gie par méthanisation a englouti en 2013les récoltes de 1 157 000 hectares, dont

Le mirage allemand

L’agriculture allemande, en quelques mots et chiffres• L’agriculture allemande est dominée par l’élevage, qui réalise près de 60 % du chiffre d’af-faires (lait : 25 %, porcins : 18 %, bovins : 8,5 %…), tandis que les céréales ne pèsent que pour13 % dans les recettes agricoles. Le modèle français est, lui, surtout tourné vers les produc-tions végétales (60 % contre 35 % en Allemagne) et les signes de qualité. Fait marquant,17 % des terres arables allemandes ont des utilisations non alimentaires, avec notammentles agrocarburants et des cultures dédiées à des unités de méthanisation.• Les fermes allemandes ont une taille moyenne de 46 hectares, contre 55 hectares en France.La situation entre l’Est, le Nord et l’Ouest est très contrastée. La taille moyenne des exploi-tations de l’Ouest étant de 33 hectares, chiffre en augmentation régulière, tandis qu’à l’Estles exploitations, souvent issues des anciens kolkhozes du régime communiste, ont une super-ficie moyenne de 183 hectares. La réunification a complètement changé la vision de l’Alle-magne sur sa propre agriculture et son influence dans la Pac.

22 000 personnes manifestaient contre l’industrialisation de l’agriculture à Berlin, le 22 janvier 2011. Cettemanifestation se reproduit chaque année en marge du Salon de l’Agriculture allemand. Son slogan : « Wirhaben es satt ! Agraindustrie abwählen ! » (On en a marre ! Finissons-en avec l’agro-industrie !)

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832000 hectares de maïs, soit près de 8 %de la surface agricole du pays ! (1). Résultatde toute une démarche globalement contra-dictoire : l’agriculture allemande intensivea des émissions de CO2 supérieures à l’agri-culture française.

Ce n’est pas le moindre paradoxe du pays.L’expansion de l’agriculture, des industriesde l’abattage et de la transformation a jus-qu’ici pu être « tolérée » par une popula-tion connue pour ses exigences environ-nementales. Mais aux côtés des Verts, pluspuissants en Allemagne qu’en France maistoujours très minoritaires, d’autres mou-vements ont pris la défense des petitesexploitations, contre le développement del’agro-industrie, pour une agriculture pluspaysanne, défense incarnée par le syndi-cat AbL, membre de la Via campesina. Desabattoirs dont les capacités augmententd’année en année provoquent de plus enplus de réactions hostiles dans la popula-tion, comme un projet situé en Basse-Saxe,

dans la commune de Wietze (8 000 habi-tants), visant à abattre environ 430000 pou-lets par jour, ce qui en ferait le premier abat-toir d’Europe. Et à Berlin, depuis plusieursannées, de grandes manifestations (plusde 30000 participants en 2014) sont orga-nisées en janvier en marge du Salon del’Agriculture allemand.

Dumping socialLe dumping environnemental s’accom-

pagne comme souvent – pour ne pas diretoujours – du dumping social. Là aussi,l’image de l’Allemagne en prend un coup.Outre les aides au développement de laméthanisation, les filières bovines et por-cines, industrialisées de l’élevage à l’abat-tage, profitent d’une forte précarisation etpaupérisation de la main d’œuvre. Les abat-teurs proposent des tarifs imbattables enusant de la « flexibilité » du travail intéri-maire et de la multiplication des contratsde travail à façon, permettant ainsi aux chefs

d’entreprises spécialisées dans l’abattagedes porcs de recourir à une main-d’œuvrebon marché en provenance de l’Est de l’Eu-rope, rémunérée sur la base de 4 à 7 eurosl’heure. C’est sans doute sur ce point quele clivage entre les éleveurs et éleveusesfrançais et leurs homologues allemands estle plus aigu. Les Français.e.s y voient unesource de concurrence déloyale… rêvant etparfois revendiquant de pouvoir profiterdes mêmes « avantages ».

Les résultats profitables du dumping socialsont sensibles : en 2013, plus d’un quartdes porcs abattus en Allemagne avaientune provenance étrangère, la proportionétant à peu près similaire en viande devolaille (20 % des volailles abattues avaientfait l’objet d’une importation préalable).Si, pour l’instant, des pays comme le Dane-mark ont intérêt à exporter des porceletspour les faire engraisser, abattre et décou-per en Allemagne, c’est pour bénéficier dela faiblesse du coût de la main-d’œuvre.Selon les syndicats danois, entre 2004et 2012, ce sont près de 6000 emplois quele pays aurait perdus suite aux exporta-tions de porcelets vers l’Allemagne.

Dumping social et environnemental : à yvoir de plus près, le miracle allemand n’estqu’un mirage, dévastateur pour les cam-pagnes et très coûteux pour la société. n

Victor Pereira et Benoît Ducasse

(1) Les surfaces de cultures destinées à la méthanisationsont à peu près équivalentes à celles dédiées à la produc-tion d’agrocarburants. En tout, 17 % des surfaces agricolescultivées en Allemagne sont destinées à ces deux filières deproduction non-alimentaires.

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 15

Internationales

Porc : ce n’est pas à la production que se font les différencesde coûtsLa taille moyenne des élevages de porcs est un peu plus grande en France qu’en Allemagne,contrairement aux idées reçues (elle était en 2010 de 125 truies en moyenne, contre 114) .À l’inverse, le prix payé au producteur est légèrement supérieur en Allemagne (1,34 euro lekilo carcasse contre 1,29, en moyenne depuis le début de l’année). Quant au coût du travailsalarié dans les élevages, au regard de la productivité par travailleur, le rapport est légère-ment favorable à la France : le salarié français – 36 % des travailleurs des porcheries du pays– « coûte » un peu plus cher mais produit plus que le salarié allemand – 39 % des travailleursdes porcheries du pays (données Apca). Ce n’est pas donc au niveau de la production que sejoue la différence. La « compétitivité » de la filière porcine allemande repose surtout sur lastandardisation des chaînes de production – moins de type de produits (beaucoup de sau-cisses), donc moins de chaînes d’abattage et de fabrication – et surtout la précarisation et lapaupérisation des travailleurs des abattoirs et de l’industrie. C’est l’harmonisation par le hautdes droits sociaux et des salaires qu’il faut revendiquer dans toute l’Europe !

Une balance commercialeagricole favorable à la FranceLes exportations françaises vers l’Allemagneportent principalement sur :• les boissons (0,98 milliard d’euros), les pro-duits laitiers (0,94 milliard d’euros), lescéréales (0,55 milliard d’euros), les viandeset abats (0,44 milliard d’euros), lesfruits/légumes (0,35 milliard d’euros), lesucre/sucreries (0,34 milliard d’euros)Les importations françaises en provenanced’Allemagne sont constituées principale-ment par :• les viandes et abats (0,85 milliard d’euros),les produits laitiers (0,66 milliard d’euros), lespréparations à base de céréales, dont farine(0,54 milliard d’euros), le cacao et les pré-parations chocolatées (0,47 milliard d’eu-ros), le tabac (0,398 milliard d’euros), lespréparations de fruits et légumes (0,32 mil-liard d’euros),

En Thuringe, dans l’ancienne Allemagne de l’Est, une usine de 1 600 vaches, 3 900 hectares et 65 salariés.La traite débute à 7 heures et se termine dans la nuit vers 4 heures du matin. Trois équipes de cinq per-sonnes se relaient jour et nuit pour traire et déplacer les lots de vaches. Source : www.web-agri.fr

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Dans le Sud de la Haute-Vienne,la ferme de la Tournerie vit depuiscette année une révolution :d’une exploitation spécialiséeen bovins-viande sur laquelle travaillaitun seul actif, elle devient une fermediversifiée sur laquelle s’installent onzejeunes paysan.ne.s.

C’est fait. Un an et demi après leurpremière visite, ils s’installent.« Ils » et « elles » en réalité : six

garçons et cinq filles, soit onze futur.e.spaysan.ne.s, décidé.e.s à faire d’une exploi-tation agricole spécialisée en bovins-viandeune ferme aux productions diversifiées.

Avec près de 80 hectares de terres agri-coles, deux maisons d’habitation et desbâtiments d’ores et déjà fonctionnels, laferme de La Tournerie semble taillée pourcorrespondre au projet du collectif. Pour-tant, elle ne fait pas l’unanimité d’emblée.C’est au fil des visites que la réalité s’im-pose : le lieu idéal n’existe pas, et ce qui estvrai dans un parcours d’installation « clas-sique » est encore plus vrai à onze.

Si les attentes personnelles sont multiples,le projet collectif, lui, est abouti, mûri depuisplusieurs années. En janvier 2012 déjà, untableau d’école de l’Institut Supérieur d’Agri-culture de Lille (ISA) se remplit des enviesde chacun.e. La volonté de faire ensembleest commune mais des sensibilités diffé-rentes s’affirment. Certain.e.s se voient d’oreset déjà dans le maraîchage ou l’élevage,d’autres s’intéressent aux produits trans-formés, comme le pain, le fromage ou labière. Neuf des onze sont dans la salle, dixsortent diplômé.e.s de l’établissement à l’au-tomne de la même année, avec la volontéde prendre le temps. Car vue de l’écoled’ingénieur, l’alternative au modèle agro-industriel, c’est tout un monde à inventer.

De là, chacun.e mène sa barque de soncôté, au gré des premiers emplois.Ouvrier.e.s agricoles, animateurs et ani-matrices pour différents organismes commela Confédération paysanne, l’associationTerre de Liens, les réseaux Solidarité Pay-sans ou des Groupements d’agriculteursbiologiques (Gab)… Les choix ne sont pasanodins.

2013 est l’année de l’immersion complètedans la réalité du monde agricole. Unevision plus claire des différents acteurs etactrices se dessine, mais aussi des enjeuxassociés à l’agriculture. Émergent alorsselon les parcours les questions d’autono-mie, de vente locale, de productivité, dequalité de vie… La diversité des alterna-tives découvertes cette année-là gomme lesimple clivage agriculture convention-nelle/agriculture biologique. Il ne suffit pasde faire du bio.

En avril 2013, la visite en Mayenne d’uneferme tenue par le collectif Radis & Co finitde convaincre le groupe(1). Le modèle en poly-culture-élevage, avec une production diver-sifiée tournée vers des débouchés locaux, estviable. Mais surtout, l’organisation collectivequ’ils y observent, composée de week-endsd’astreinte, de compétences partagées pourque chacun.e soit remplaçable au pied levé,génère des rapports au temps et au travaildifférents. Un équilibre de vie central dansle projet du groupe.

La Ribouille : l’incubateurFin 2013, deux membres du collectif s’ins-

tallent à La Ribouille, un hameau de Saint-Germain-les-Belles, dans le Sud de la Haute-Vienne. La maison, en réalité une fermetteconvertie à l’habitation, est à mi-chemin deleurs lieux de travail respectifs et l’idée d’un« camp de base » pour l’ensemble du groupefait peu à peu son chemin. Très vite, le ter-rain attenant est transformé en potager, unemare à canards voit le jour ainsi qu’un pou-lailler et un atelier. L’effet d’entraînement joueà plein, et c’est tout le collectif qui s’y ins-talle, des caravanes disposées à la périphé-rie du terrain venant s’ajouter aux troischambres de la maison. Le four à pain exis-tant est remis en état de marche, une dépen-dance est transformée en microbrasserie etla cave se remplit de fromages… La Ribouillepasse vite du camp de base à la zone d’ex-périmentation. Si les volumes de produc-tion sont encore modestes et l’autonomietoute relative, le cœur du projet, lui, est gran-deur nature: le collectif. Ils sont tous les onzelà, à vivre sur le lieu.

Répartition des tâches, des espaces, miseen commun des revenus, La Ribouille per-met d’expérimenter des outils d’organisa-tion et de communication vus ailleurs, deles adapter, voire d’en créer de nouveaux

Limousin11 jeunes s’installent sur une ferme de 80 hectares !

Agriculture paysanne

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Des choix et des projetsL’autonomie, pas l’isolementDès la première réunion, le principe a fait l’unanimité. Vivre et travailler ensemble sur un mêmelieu ? Oui, à condition qu’il s’agisse d’un lieu ouvert sur le monde, un lieu d’échanges.L’isolement, à tort ou à raison, est alors perçu comme un risque lié à la profession, ou la rura-lité, ou les deux. Un risque peut-être accru par le choix d’une installation en collectif : aussi,bon nombre des décisions prises tendent à l’ouverture.Le Limousin plutôt que l’ArdècheLe choix de la région d’installation s’est vite orienté vers des zones moins pourvues en modèlesalternatifs.Implication dans les réseaux agricolesUne fois les activités bien lancées, La Tournerie souhaite prendre part à différents réseauxd’échanges et de coopération, comme Agrobio 87, l’Ardear du Limousin ou le réseau SemencesPaysannes. Il est également prévu d’adhérer à la cuma la plus proche.Produire pour soi… et pour d’autresPlutôt que l’autosuffisance, évoquée les premières années, c’est la production d’aliments issusde l’agriculture bio à des fins de commercialisation qui s’est imposée.La vente localeLes productions seront écoulées sur les marchés de Limoges et Saint-Yrieix-la-Perche, ainsique sur des lieux de dépôt dans les mêmes villes après commande sur Internet. Des maga-sins de producteurs des alentours seront également concernés, les collectivités territorialesseront sollicitées par l’intermédiaire de MangerBioLimousin. Un magasin à la ferme sera éga-lement tenu.Bar associatifSur la ferme, une ancienne porcherie a vocation à se transformer en un bar associatif qui accueilleradiverses manifestations culturelles.Maison collectiveDès que l’activité agricole sera amorcée, une des maisons d’habitation sera dédiée exclusi-vement à la vie collective.

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Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 17

pour répondre aux besoins. Un « tour d’hu-meurs » entame chaque réunion hebdo-madaire, histoire de prendre le pouls ducollectif avant d’attaquer la semaine, et des« réunions philo » abordent les questionsde fond sans obligation de prise de déci-sion. Sans viser le consensus, ces tempsd’échanges formels font émerger de nou-velles questions et nourrissent les réflexionsindividuelles. La mise en commun des reve-nus, par exemple, a soulevé de nombreuxdébats. Pour le moment adaptée à la situa-tion, elle reste en place sans être irrévocable.

À la Tournerie, une révolution douce

Le parcours d’installation, entamé audébut de 2014, met à l’épreuve l’organisa-tion du collectif : aux stages prescrits parla chambre d’agriculture s’ajoutent les visitesde fermes et la définition précise du pro-jet. Dimensionnement des différentes acti-vités, constitution de dossiers à soumettreaux différents organismes sollicités (Terrede Liens, chambre d’agriculture,banques…), la complémentarité desmembres du collectif s’avère efficace et fin2014, tout est bouclé.

4 hectares dédiés au maraîchage bio dont4500 m² de serres, 15 vaches laitières Bre-tonnes Pie Noir, 70 chèvres Poitevines, unefromagerie, une vingtaine d’hectares decéréales bio, du pain, de la bière et des porcsfermiers. Associé au profil de la ferme de LaTournerie, le projet a su convaincre la fon-cière Terre de Liens, qui se porte acquéreusedu terrain en mai 2015, à hauteur de269500 euros. Le collectif, à travers uneSCI, achète quant à lui le bâti. En juin, l’ac-cord de vente est signé. Trois mois plus tard,c’est au tour de la Commission départe-mentale d’orientation agricole de placer le pro-jet sous les meilleurs hospices : la fourchettehaute de la Dotation jeune agriculteur (DJA)est attribuée aux dix futur.e.s paysan.ne.sdu collectif, soit 24 500 euros par tête.Quelques jours plus tard, leur regroupementen un Gaec de dix personnes est validé. Undes membres du collectif, architecte-char-pentier de formation, sera employé à mi-temps par la structure, libre de consacrer lereste du temps à son activité première.

Le projet collectif a donc su convaincreles acteurs « traditionnels » de l’agriculture(chambre, Safer, banque…) et ceux mili-tant pour une autre agriculture. À mi-che-

min : la famille propriétaire depuis deuxgénérations de la ferme. Malgré d’autres pro-positions d’achat, inscrites dans des logiquesd’agrandissement d’exploitations préexis-tantes, les propriétaires ont soutenu parleur patience et leur bienveillance le pro-jet des onze.

La ferme de La Tournerie reste donc uneentité et amorce sa transformation. Si laconversion de l’ensemble des terres au bioprendra deux ans, l’aménagement des bâti-ments se fera pendant l’hiver à venir. Destravaux de maçonnerie et de menuiseriedans l’existant sont nécessaires pour la créa-tion des ateliers bovin, caprin et porcin,d’une brasserie et d’une fromagerie. Cettedernière doit être prête pour le printempset les premières productions laitières.

À terme, La Tournerie produira deslégumes de saison, du fromage, du porc fer-mier, du pain et de la bière. Quinze à vingtpersonnes y vivront et onze y travailleront.Pas mal, pour une petite ferme ! n

J-A Bougeois

(1) http://radis.et.compagnie.free.fr

Le site de la ferme de la Tournerie :www.fermecollectivedelatournerie.com

Agriculture paysanne

C’est parti pour les onze nouveauxoccupants de la ferme de la Tourne-rie ! Du pain au levain, des légumeset fruits de saison, de la bière artisa-nale, de la viande de porc, du fro-mage de vache et de chèvre, de lacrème fraîche et des yaourts : toutsera produit en bio puis vendu loca-lement.

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Les petites fermes sont peu nombreusesoutre-Manche. LWA (Landworkers’Alliance), tout jeune syndicat, compte

moins de 200 membres sur l’ensemble duRoyaume-Uni. Le contexte est ultra-défa-vorable et le mouvement syndical très mino-ritaire. Le foncier est aux mains de puis-santes familles, l’agriculture de proximité,écologique, résiliente et sur petite surface,quasi inexistante. Et lorsqu’ils existent, cespaysannes et paysans « alternatifs » sontisolé.e.s. La campagne semble se réduire àses paysages. Pas de tradition agricole asso-ciative ni coopérative, une quasi-absencede préoccupation aux questions liées à l’au-tonomie alimentaire. L’agriculture bio estcependant prisée par les classes moyennes

et permet la renaissance de quelques mar-chés qui avaient quasiment disparu. Quandon discute avec les collègues là-bas, çaremet les idées en place : il y a une vraierichesse des alternatives paysannes dansl’Hexagone, aucun doute !

Mais depuis quelques années, ça bougede l’autre côté de la Manche. LWA est néd’une nouvelle génération de paysan.ne.squi veulent renverser la tendance et fairerevivre les mortes campagnes. L’autonomieet la reprise en main du système alimen-taire sont au cœur des actions du nouveausyndicat pour des campagnes vivantes.

Explorer, fouiller, sonder, bricoler,bidouiller pour améliorer le fonctionne-ment d’un système : tel est le sens que l’on

pourrait donner au mot « hack » si on dési-rait le traduire en français. Farm hack, toutcomme l’Atelier paysan chez nous(1), est unesorte de boîte à outil au service des fermes.

Les 18 et 19 avril derniers, LWA a orga-nisé sur la ferme de Ruskin Mill, près deBristol, le premier événement Farm Hacken Europe. 150 personnes – paysan.ne.s,ingénieur.e.s et programmeur.e.s informa-tiques, consommateurs et consommatrices,etc. – travaillaient ensemble autour de lathématique du matériel adapté.

Le programme des deux journées étaittrès riche : ateliers multiples (imprimantes3D, les technologies opensource…), démons-tration de matériel (un moulin cyclopro-pulsé, divers porte-outils en traction ani-male…)… Nous étions cinq membres del’Atelier paysan à avoir fait le voyage pourtémoigner de notre expérience.

En fin de séjour, nous avons réfléchi enpetits groupes pour transformer l’essai duweek-end. L’idée d’un atelier mobile sembleémerger sérieusement. Une suite des aven-tures très excitante !

Une fois de plus, ce temps d’échange aprouvé que l’autoconstruction de matérieladapté est une des portes d’entrée pour sedonner les moyens d’aller vers plus d’au-tonomie et plus de réussite. Elle s’accom-pagne d’un esprit de tâtonnement et departage. Il s’agit non pas d’investir mais des’investir dans les outils. Et les machinesdeviennent vivantes, comme les paysan.e.squi les utilisent ! n

Mathieu Dunand et Sylvie Planel,

de l’Atelier paysan

(1) www.latelierpaysan.org, cf. CS n° 306.

La bidouille fermière à l’anglaiseLa Landworkers’ Alliance est un syndicat britannique membre de la Coordination paysanne Via campesina. En avril,elle organisait une rencontre sur les savoir-faire paysans et l’autoconstruction d’outils au service de l’agriculture paysanne.

Initiative

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Farm HackFarm Hack est une communauté de pay-san.ne.s qui développe des outils appropriéspour l’agriculture bio à petite échelle. Ellea été fondée par l’organisation Greenhornsaux États-Unis, en 2010. Depuis, elle orga-nise des événements réguliers dans desfermes. Farm Hack est fondée sur les prin-cipes de l’échange de savoirs sans brevet.Tous les outils ou techniques sont partagéset développés sur Internet. Bien avancé dansla constitution d’un réseau de producteursbricoleurs, le groupe Farm Hack partage dessolutions techniques pour toutes les pro-ductions. Un site à visiter absolument !www.farmhack.org

Landworkers’ AllianceLandworkers’ Alliance (LWA) –l’Alliance des travailleurs de laterre, en français – défend lesdroits des petits paysans britan-niques et un meilleur système ali-mentaire. Elle organise des cam-pagnes de communicationciblées auprès des responsablespolitiques. L’organisation syndi-cale est également un réseaud’échanges de compétences, deconnaissances, d’entraide. Desformations, visites et réunionsde groupes de travail théma-

tiques sont régulièrement organisées.LWA est membre de la Via campesina. Jyoti Fernandes et Adam Payne la représentent au niveaudes instances de la Coordination européenne Via campesina (ECVC). Adam est membre d’Or-ganiclea, une coopérative maraîchère qui produit sur environ 5 hectares de terres dans la val-lée de la rivière Léa, au Nord-Est de Londres. D’origine indienne, Jyoti est paysanne dans leDorset, près de la côte sud de l’Angleterre.www.landworkersalliance.org.uk

Démonstration de matériel en traction animale, lors du week-end Farm Hack, les 18 et 19 avril 2015 prèsde Bristol, en Angleterre.

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Initiative

Campagnes solidaires • N° 311 novembre 2015 / 19

Tout commence avec une glacière.Nous sommes en 2003 et FrançoisDufour, paysan dans la Manche (1), y

transporte ses premiers poulets à destina-tion des premiers clients-partenaires de larégion parisienne, rencontrés à l’occasiondu Forum social européen de Saint-Denis,en 2002. De plus en plus de personnesintéressées qui demandent si Françoisconnaît des producteurs d’autres produitsparmi ses ami.e.s et voisin.e.s : la glacièrene suffit plus. Un réseau se structure quiaboutit en juillet 2007 à la création d’ungroupement d’intérêt économique – le GIEdes paysans et fermiers bio de Normandie– et d’associations de consommateurs etconsommatrices – 15 en tout, dans toutel’Ile-de-France. La démarche se veut autantcommerciale que politique, alternative à lagrande distribution et à ses firmes (2). Prèsde 1200 foyers sont aujourd’hui acteursplus ou moins constants de cette dyna-mique.

Vendredi 11 septembre 2015 : FrédéricGuillemain, éleveur de porcs, et PhilippeDulong, éleveurs de canards gras, garentleur camion de livraison devant la maisond’Isabelle Suzanne-M’Bengue, à L’Haÿ-les-Roses, dans la banlieue sud de Paris. Cematin-là, une dizaine d’adhérent.e.s desAlterconsos du Val-de-Bièvre (3) aident audéchargement et à la répartition des pro-duits que les autres adhérent.e.s comman-ditaires viendront chercher ici le soir. Illeur faudra être attentifs dans ce travail : sitous les produits ne sont pas à chaque foisdisponibles, 140 références en moyennesont proposées, à près de 90 % bio :légumes, fruits, jus, alcools et confitures,produits laitiers, viandes de toutes sortes,pains…

Les deux paysans ne sont pas seuls en tour-née : comme chaque mois, trois binômesse répartissent l’approvisionnement desquinze groupes de consommateurs franci-liens. Les tours de rôle se font en fonctiondes disponibilités, mais aussi de l’impor-tance du GIE dans le chiffre d’affaires dechacun (4). Un camion est loué, les deuxautres appartiennent à des membres dugroupement : 23 à ce jour, 21 de la Mancheet 2 du Calvados. Ce mois-ci, ils livrent pourprès de 40000 euros de produits. « C’estun gros mois, précise Fred Guillemain, car

il n’y a pas eu de livraison durant l’été, maisnous dépassons les 30000 euros pour chacunede nos dix livraisons annuelles. »

Fred fait office de coordinateur. Chaquemois, il envoie par courriel la liste des pro-duits disponibles aux 15 référent.e.s desgroupes de consommateurs. Il récupèreensuite les commandes rassemblées par lesgroupes pour préparer les livraisons (5). LeGIE lui verse pour cela 300 euros à chaquefois. Les paysan.ne.s se retrouvent chez untransporteur, à Torigni-sur-Vire, qui leurprête des frigos. Ils et elles regroupent leursproduits, chargent les camions et envoientle reste sur palettes à Rungis, là où ils lesrécupéreront pour la distribution.

20 à 80 % du chiffre d’affairesde chaque ferme

« Pour chacun et chacune d’entre nous, le GIEreprésente entre 20 et 80 % du chiffre d’affaires.Pour certain.ne.s, il leur a permis de rester pay-san.ne, à une époque où, entre 2000 et 2010,20 % des fermes françaises ont disparu. C’estdevenu un outil important au niveau local, avecdiverses répercussions directes et indirectes. Parexemple, la forte demande de viande a permisde sauver un abattoir près du Mont-Saint-Michel. Il était à l’agonie avant que nos com-mandes l’aident à se relancer. Aujourd’hui, ilemploie 60 personnes. Personnellement, j’élève– sur de la sciure de bois fournie par une scie-rie voisine – 500 cochons par an, en vend en

direct 300 et en place plus de 60 via le GIE. »Philippe Dulong complète : « J’élève 900canards gras chaque année et livre 30 % de maproduction sur Paris. Le GIE est un outil for-midable. Ça demande du temps et du travail,bien sûr, mais on a une belle variété de clientsqui garantissent notre revenu. Je participe auxlivraisons trois fois par an. Et même aprèsquatre heures et demie de route au petit matin,quand on arrive, qu’on nous attend avec le café,le sourire et qu’on nous aime, on ne regrette sur-tout pas de s’être lancé dans cette aventure ! »

La démarche est toujours en développe-ment. Plutôt que de grossir indéfiniment, leGIE essaime. Arrivé au maximum de sespossibilités de livraisons, il ne prend plus denouveaux groupes partenaires et adresse lesdemandes suivantes à d’autres groupes depaysan.ne.s bas-normands qui ont mis enplace une démarche de même type. La gla-cière de François Dufour a bien prospéré. n

Benoît Ducasse

(1) François Dufour a été porte-parole national de laConfédération paysanne, de 1995 à 2000.(2) http://lesbionormands.blogspot.fr/2011/03/rapport-moral-et-idees-pour-lavenir.html(3) www.alterconsos.fr(4) Chaque paysan.ne reçoit du GIE 50 euros d’indemnitépar jour de livraison et 100 euros pour « frais de bouche ».(5) Daniel Sportès, adhérent des Alterconsos du Val-de-Marne, a mis au point bénévolement une application pourfaciliter la gestion des commandes par Internet, applica-tion reprise par certains des 14 autres groupes. ChristineGamaury, une autre productrice, s’occupe de toute la par-tie économique et comptable (vérifier les factures des pro-ducteurs, vérifier les bons de livraisons et les paiements).

Un partenariat exemplaireDepuis bientôt dix ans, un groupement de 23 paysan.ne.s normand.e.s livre chaque mois 15 groupes de consom’acteurs etconsom’actrices d’Ile-de-France. Ils et elles ont essaimé leur modèle : deux autres groupes de paysan.ne.s de leur région mènentdes démarches similaires.

Accueil chaleureux pour Frédéric Guillemain et Philippe Dulong (1er et 5ème en partant de la gauche), pay-sans dans la Manche, pour leur livraison aux Alterconsos du Val-de-Briévre, à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne). « Il y a réellement une super ambiance avec les Alterconsos, mais aussi et surtout entre producteurseux-mêmes, ce qui explique pourquoi le GIE fonctionne si bien : pas de jalousie, de crise d’égo… », témoigneFred Guillemain.

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Dans Sortons de l’âge des fossiles, parule 8 octobre, Maxime Combes (1)

nous invite à visiter l’enfer en deve-nir. Il ne nous entraîne pas au bord dugouffre par des chemins détournés pouradmirer des paysages qui nous feraientcroire au jardin d’Eden. Non, direct dansla fournaise qui fond les pôles, les glaciers,par cette « dévastation planétaire » !

L’auteur nous décrit un incendie quicouve… ce qui donne froid dans le dos !Et nous n’aurions rien vu, malgré les feuxgigantesques en Amérique, en Europe, enAsie, ou les inondations partout dans lemonde, la mer qui grignote les terres, mieuxque les souris le fromage…

Mais Hollande, notre supérieur, « invitele secteur privé à ne pas s’inquiéter sur lechangement climatique ». Combes démontreavec minutie le rôle des énergies fossiles,pétrole, charbon, gaz, et la difficulté « d’unetransformation des systèmes productifs ». « Lesimpératifs de court terme des marchés inter-nationaux et la recherche de la compétitivitéétant prédominants », ils sont appuyés parcertains faiseurs d’opinion, tel l’intellec-tuel délirant Jacques Attali pour qui « le gazde schiste est une promesse immense » et quiveut envoyer « des miroirs dans l’espace pourmodifier le pouvoir réfléchissant de la terre ».

Pour Maxime Combes, il faut maîtriserl’extraction des énergies fossiles, et mieuxencore : sortir l’énergie des griffes du sec-teur financier. « C’est collectivement que nousdevons prendre soin de notre avenir énergé-tique. » Il nous propose des remises encause radicales : « Chambouler nos modes devie, notre organisation sociale, nos façons depenser, de décider et de mettre en œuvre. » Onimagine bien les résistances face à ces bou-leversements envisagés. Aux États-Unis,« 70 % des sénateurs sont climato-septiques ».Nos élites politiques gardent au bord dugouffre leur attitude ambiguë. Notre grandchef national peut vouloir face aux jeunes« réenchanter le monde », et quelques jours

après « féliciter Total pour ses investissementsdans le pétrole des explorations dans l’océanArctique ». Le FMI estime que les soutiensdont bénéficient les entreprises d’extractionsont de « 5300 milliards de dollars soit…10 millions de dollars par minute ! » Obaman’est pas en reste qui « autorise le pétrolierShell à reprendre ses explorations sur les sablesbitumeux » au nord du continent américain,quand les banques françaises injectent30 milliards d’euros dans la filière charbon,avec la BNP en leader de la générosité.Pour l’auteur, il faut bloquer cette folieextractiviste, pour « stabiliser les régimesclimatiques et assurer la pérennité humaine ».Rien de moins !

Maxime Combes ose une citation défini-tive d’Hugo Chavez : « Si le climat était unebanque, les pays riches l’auraient déjà sauvé. »Il évoque « le piège de l’innovation technolo-gique », mirage de la modernité mais véri-table acteur du « marché tout puissant », dont

il faut se libérer. Il nous explique que la théo-rie du découplage entre la croissance éco-nomique et le prélèvement sur les res-sources naturelles est de la mauvaise foimortifère. Car il faudrait réduire l’intensitécarbone de 5 % par an (nous plafonnonsà 1,5 %) pour limiter l’augmentation de latempérature de +2° maximum. L’auteurnous propose « d’arrêter tout et de réflé-chir ».

Pour notre agitateur de conscience, « ledétonateur de la bombe climatique est enclen-ché ». Il nous fait comprendre que tou.te.sensemble nous pouvons la désamorcer enbousculant l’ordre établi des multinationaleset de la finance. Il nous faudra beaucoupde luttes pour enrayer la soif inextinguibledes ogres du libéralisme pétrolier et autresaffidés. Rude perspective : nous n’avonspas fini de nous remonter les manches.Mais pour Maxime Combes, il est encoretemps. Pour vous encourager, dévorez sonouvrage ! n

Michel Curade, paysan retraité dans l’Aude

(1) Maxime Combes est économiste. Il milite à AttacFrance, où il suit les grands enjeux environnementaux eténergétiques nationaux et mondiaux.

Sortons de l’âge des fossiles ! – Manifeste pourla transition – Maxime Combes – 288 pagesAnthropocène – Seuil (éditeur) – 18 euros

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Culture

Sortons de l’âge des fossiles !À quelques semaines de la Cop 21, la grande conférence mondiale sur le climat qui se tiendra au Bourget, près de Paris,du 30 novembre au 11 décembre, plusieurs livres paraissent qui méritent l’attention pour mieux saisir les enjeux.

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A

Au Salon international des machines agricoles (Sima), près de Paris fin février 2015. En France, les exploi-tations agricoles consommaient près de 4,4 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole) d’énergie en 2012,principalement pour cultiver leurs terres et chauffer des bâtiments. Elles consomment également de l’éner-gie de façon indirecte en utilisant des intrants (engrais, produits phytosanitaires, etc.) ayant eux-mêmesnécessité de l’énergie pour être produits et transportés jusqu’aux exploitations. Globalement, 80 % desbesoins énergétiques de l’agriculture française sont satisfaits par les énergies fossiles.

« Les entrailles de la Terre contiennent suffisamment de pétrole, de gaz et de charbon pour déclen-cher un réchauffement climatique supérieur à + 10 °C, voire + 15 °C, selon le célèbre climato-logue américain James Hansen. À moins d’être climato-sceptique ou complètement insensé, cha-cun doit convenir qu’il y a trop de pétrole, trop de charbon et trop de gaz sous terre. En cumuléet chacun pris à part. C’est un trop-plein, pas une pénurie. Certains pensaient que l’épuisementprogressif des énergies fossiles pourrait nous tirer d’affaire ou, tout du moins, nous faciliter latâche. Ce n’est pas le cas. »Maxime Combes, Sortons de l’âge des fossiles !, prologue.

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Recueil porte-voix de la société civile mondiale, c’est par la voix de personnalités dumonde entier, de chercheurs conscients de l’impasse, mais aussi de toutes ces vic-times que cet appel est lancé. C’est d’ailleurs impressionnant, en ouvrant ce livre,

de trouver tous les noms des contributeurs et contributrices (1), ce panel qui dépasse fron-tières et milieux avec le même constat : « Le dérèglement climatique tue. »

Ce même dérèglement climatique est associé directement à tous les crimes sociaux quela société a pu traverser au fil des siècles passés et contre quoi l’humanité a combattu.

Ce livre nous fait prendre conscience que nous sommes toutes et tous concerné.e.s, commele dit si bien Desmond Tutu dans la préface : « Qui peut arrêter le changement climatiqueavant qu’il ne soit trop tard ? Nous. Nous, c’est-à-dire vous, vous et vous. Nous c’est-à-dire vouset moi. »

Mais voulons-nous regarder cette réalité ? Certains contributeurs du livre nous lancentla question en pleine figure, car même si la conscience du danger existe, quelles sont nosréactions, nos actions ?

En bref, de s’il nous arrive parfois de détourner le regard, une fois ce livre en main, uneenvie soudaine de hurler arrive en se disant « Stop, il faut que cela change ! » n

Temanuata Girard, paysanne en Indre-et-Loire

Crime climatique stop ! L’appel de la société civile, ouvrage collectif, Seuil (Éditions), col-lection Anthropocène – 320 pages – 15 euros.

(1) Contributions de Alberto Acosta, Guy Aurenche, Stefan C. Aykut, Geneviève Azam, Nnimmo Bassey, Philippe Bihouix,Christophe Bonneuil, Valérie Cabanes, Joanna Cabello, Sophie Chapelle, Maxime Combes, François Gemenne, Susan George,Tamra Gilbertson, Nicolas Haeringer, Clive Hamilton, John Jordan, Jean Jouzel, Naomi Klein, Valérie Masson-Delmotte, BillMcKibben, Godwin Uyi Ojo, Jon Palais, Jeanne Planche, Alex Randall, Yeb M. Saño, Vandana Shiva, Pablo Solón.

La société civile contre le crime climatique

Culture

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En signant ce formulaire de mandat, vous autorisez Média Pays à envoyer des instructions à votre banquepour débiter votre compte, et votre banque à débiter votre compte conformément aux instructions de MédiaPays. Vous bénéficiez du droit d’être remboursé par votre banque selon les conditions décrites dans la conven-tion que vous avez passée avec elle. Une demande de remboursement doit être présentée dans les8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé. N° ICS : FR96ZZZ492109

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Ou avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

S’abonner à Campagnes solidaires,c’est participer à l’émergence d’« autres mondes possibles »

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N° 311•

Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr

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Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109

« Le fossé entre les plus riches et les plus pauvresde la planète ne cesse de se creuser. Il se superposeà celui qui sépare les responsables du dérèglementclimatique de ses victimes : c’est un véritable apar-theid climatique qui est à l’œuvre. » (Introduc-tion, extrait).

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Emploi - stages - formation

Offres• Pays-de-la-Loire - L’Associationrégionale pour l développement del’emploi agricole et rural (Ardear)des Pays de la Loire recrute un.echargé.e de mission - Actualisationet diffusion du référentiel des exploi-tations relevant de l’agriculture pay-sanne (réalisation du diagnostic« Agriculture Paysanne » dans lesfermes concernées et appui à l’or-ganisation d’événements de pro-motion), appui à l’émergence deprojets de développement local por-tés par des groupes de paysans surles thématiques de la transmissionet de l’installation, accompagne-ment l’émergence de projets de GIEE- Formation universitaire ou ingé-nieur, connaissance du milieu agri-cole et ouverture au monde rural -CDI à temps plein basé à Nantes. -Permis de conduire et véhicule indis-pensables (déplacements sur lesPays de la Loire). - Date d’embauche:janvier 2016. Lettre de motivationet CV avant le 10 novembre, uni-quement par mel ayant pour objet« Candidature poste animateur »à: [email protected]• Meurthe-et-Moselle - Ferme enpolyculture élevage (70 VL) diver-sifiée (fromages et pain bio),cherche salarié.e en vue d’une asso-ciation pour poste à responsabilitéen fromagerie (300 000 litres) -Vente directe à 75 %: amaps, mar-chés, vente à la ferme, magasin deproducteurs - Poste à pourvoir auprintemps 2016 - Expérience enfromagerie fermière souhaitée -0601722822• Isère - Le gaec d’Allicoud, pro-ducteur de blé, farines, pains et pâtesbio à Villeneuve d’Uriage rechercheun nouveau collaborateur (H/F) pourdébut janvier, avec possibilité d’as-sociation à terme - L’emploi du tempsserait pour les deux tiers consacré

à la boulangerie, pour le reste auxautres activités de la ferme: mou-ture de la farine, tri du blé, travauxdes champs, désherbage, vente, soinsaux animaux, etc - Des compétencespréalables en boulangerie sont unplus, la polyvalence dans les autresdomaines également - Lettre demotivation à [email protected] -04 76 62 04 20 - www.fermeallicoud.com• Portugal (Beira litoral, Serra daLousa) - Petite ferme autonomecherche volontaire pour récolted’olives en novembre-décembre -Nourri, logé - Rétribution en oliveset huile - David ou Anne :00351.969778316 (laisser un mes-sage, on vous rappelle)• Lozère - Nous recherchons un.esalarié.e pour novembre etdécembre. Temps plein, horaires ànégocier - Le travail consistera às’occuper des brebis et poser desclôtures - Il faut que la personne soitautonome - Gaec la Clé des champs(Montbrun) - 04 66 42 97 19 -0632072797Demandes• Aveyron ou limitrophes - Bergercherche emploi en ovin viande pouragnelage, pas de traite - Peut meloger sur place, j’ai une caravane -0687303640• Gironde ou Dordogne - JF 31 ans,diplômée en agriculture avec uneexp. de plus de 6 ans dans la ges-tion de projets de dév. rural ch emploidans une exploitation agricole -Domaine de compétences : travauxde la vigne et maraîchage, agritou-risme, promotion et commerciali-sation des produits locaux, agroé-cologie, analyse statistique, éditionde documents de communication,gestion administrative et financière- Bilingue anglais et maitrise de l’ou-til informatique - 0782888878 [email protected]

• Toutes régions - Couple de ber-gers avec expérience élevage ovin,caprin et bovin, en France et enEspagne (Asturies et Galice) recher-chons emploi saisonnier à partir defin novembre - Nous sommes véhi-culés - 0034.684.39.25.02 [email protected]• Rhône-Alpes - Ayant une formationagri, plusieurs expériences dans lemilieu et souhaitant découvrir encorel’agriculture, je cherche un emploi,que ce soit dans une ferme ou dansune structure en lien avec l’agricul-ture, entre le Sud Loire et le NordArdèche. Je connais principalementles grandes cultures et les semences.J’ai un peu d’expérience en élevageet maraîchage - 06 25 34 56 36 [email protected]

Association - installationtransmission

Offre• Charente - Location d’un corps deferme (grange auvergnate, tunnelsovins et four à pain) avec 80 ha delandes idéales pour du pâturageextensif ovin (zone Natura 2000).Au vu d’une forte demande de lacommune de Pérols-sur-Vézère (Cor-rèze, plateau des Millevaches) l’idéeserait de mettre en place un relaispour des randonnées équestres (hautde la grange à rénover en chambres)pour l’été, avec une activité d’éle-vage extensif en complément. Pos-sibilité de mettre en place des acti-vités agroécotouristiques (four àpain, moulin, transhumance…) -Anciennement éleveur ovin sur cesterres, je peux vous aiguiller pourtrouver les débouchés envisageableset vous proposez un accompagne-ment sur l’autonomie et l’écologie- 0545891991• Deux-Sèvres (Gâtine) - Couplesouhaite transmettre pour départ àla retraite au 31/12/2017 - Ferme de43 ha SAU, en AB - Prod. lait dechèvre, non transformé, 220 chèvres,600 poules pondeuses (ventedirecte), production de fourrage etcéréales à destination des trou-peaux, irrigation à partir d’une rete-nue sur la ferme - Tout en propriété- Conviendrait à un couple - Possi-bilité de prévoir un poste salariéd’ici la reprise, ou parrainage si ins-tallation envisagée - 0549958853- [email protected]

• Haute-Loire - Petite exploitationovin lait maraîchage cherche jeunemotivé en vue de travail en commun,pour lever le pied progressivementavant retraite - 0477352917• Creuse (région Bas-Berry). À vendrepetite ferme d’élevage : 43 ha,presque tout en herbe, dont 40 % deprairies naturelles avec bon parcel-laire. Vastes bâtiments d’exploita-tion: 2 hangars à fourrage et 3 sta-bulations libres plus bâtimentstraditionnels en bon état, le toutéquipé d’eau et électricité - Maisonhabitable de suite, 100m2 avec chauf-fage central bois, grenier et jardinpotager. Libre à la vente. Pas de maté-riel ni troupeau à reprendre, donctoute liberté pour bâtir des projets -Le propriétaire est un GFA familial(vente de la ferme ou bien vente desparts sociales) - Les sept sociétairessouhaitent vendre 285 K€ (àdébattre) - Projet agriculture pay-sanne autonome souhaité, si besoinavec plusieurs porteurs, montage àdiscuter - Environnement encore pré-servé, développement local à bâtir ;il y a des partenaires potentiels -06 69 03 61 90 [email protected]• Lot - Située à Gramat dans le Lot,notre ferme recherche d’autres par-tenaires (personne seule ou encouple) pour créer une nouvelleactivité. La ferme abrite actuelle-ment différents ateliers : ovinsviande, caprins lait, bovins lait entransformation fromagère. Noussommes autonomes en céréales etfourrages. Également un campingà la ferme et gîte en paille. Une acti-vité autour du lait, vache ou ovins,nous semble la plus appropriée,mais d’autres propositions peuventêtre envisageables. Possibilité d’hé-bergement - 0684486799• Charente (limousine) - AV fermeen biodynamie, 32 heures d’un seultenant (28 heures SAU, 4 ha debois) dans un environnement calme- Habitation 200 m², stabulationlibre 600 m², hangar, atelier, labode transfo, boutique, poulailler, ver-ger et maraîchage… CertifiéeAB/prime bio et DPU. Clientèlevente directe - 05 45859612• Vienne - Ferme d’une centained’hectares cherche futurs agricul-teurs, candidats à l’installation enAB, sur des productions diversifiées(céréales, élevage ovin, maraîchage,plantes aromatiques) - [email protected]• Saône-et-Loire - Ferme à céder -54 ha, en bio d’un seul tenant avechabitation et bâtiment d’exploita-tion - Possibilité de vente ou loca-tion pour le non bâti. Habitation etbâtiment d’exploitation à vendre -Possibilité louer 35 ha supplémen-taires attenants à la ferme - Calme,très beau point de vue, à 15 km dela gare TGV du Creusot -0674514791• Deux-Sèvres - A reprendre : fermed’élevage, race parthenaise. 40vêlages, 88 ha SAU, en pays boca-ger. Bâtiments, terres et maisond’habitation en location. Àreprendre en octobre 2016 [email protected] -0687209806• Nièvre (Sud Morvan) - Causeretraite (départ 2016), GFA vendexpl 50 ha - Différentes possibilitésenvisageables : cession de parts ouvente bâtiments et/ou prés - Ovinsviande, petit atelier vaches laitières,transfo, vente directe, potentiel boissur l’exploitation - Pour que nemeure pas un petit lieu de vie aumilieu de la folie des agrandisse-ments et dans l’inertie des instancesprofessionnelles depuis 2 ans ! -0386304515 (après 20 heures)• - Isère - Je cherche un.e associé.epour partager mon activité et l'en-richir du projet d’une nouvelle per-sonne, avec expérience souhaitée(aimer le travail collectif) - Installéedepuis 2 ans sur une petite fermefamiliale près de Vienne, élevagebrebis lacaune, 45 gestantes à cejour, transformation fromagère,sousmention Nature et Progrès, vente

directe à la ferme, au marché, res-taurant local, cantine scolaire - [email protected] 0953512409Demandes• Rhône-Alpes - Recherche de fon-cier pour devenir paysan en bio (73,74ou 38) - Nous sommes un jeunecouple (26 ans) avec une formationd’ingénieur agricole. Nous recher-chons pour 2016, 7 ha de foncieravec habitation (dont 4ha attenants).Nous souhaitons mettre en place unverger diversifié (3 ha), des poulespondeuses, des petits fruits et uneactivité d’accueil sous forme d’uncamping à la ferme, le tout en AB.Nous envisageons soit une reprise soitune création et en achat ou location- [email protected]• Moselle - Recherche ferme pourmaraîchage, élevage petits animauxet accueil, en AB ou en reconver-sion, en premier temps en locationet après en vente - Ouvert à touteproposition - Pour mi-2016 -0661256485• Aquitaine, Limousin ou Midi-Pyré-nées - Nous sommes 2 porteusesde projet à la recherche de 2 à 3associé.e.s pour nous lancer dansla recherche d’un lieu afin de mon-ter une ferme collective et artis-tique. Bergères, nous aimerionsnous installer en brebis viande etlaine. Ferventes défenseuses del’agriculture paysanne, notre fermesera donc conduite en bio, avec dessoins vétérinaires prioritairementen homéo et phytothérapie. Noussouhaitons vendre nos produitsexclusivement en vente directe. Ilest important que notre ferme soitdiversifiée, avec plusieurs ateliersde production. Nous croyons pro-fondément en la richesse du travailcollectif et aimerions partager notreactivité avec d’autres personnesqui porteraient d’autres ateliersque l’élevage. Parallèlement auxactivités agricoles, il est essentielpour nous d’ouvrir notre lieu à despratiques artistiques et culturelles(danse, clown, musique, etc.) -06 51 12 77 29 [email protected]

• Sud - Couple en formation agri(Bprea) jusqu’en décembre 2015,nous recherchons une exploitationcaprine à reprendre. Nous souhai-tons avoir un cheptel d’environ 60chèvres + renouvellement. Idéale-ment, il faudrait que l’exploitationcomprenne une maison d’habita-tion (ou non). Il faut que l’on puisseavoir la possibilité de sortir noschèvres sur parcours ou les fairepâturer sur des prairies surfacemini : 15 ha - Pas d’obligationd’avoir le foncier en propriété, maisau moins qu’il soit sécurisé par unfermage. Nous ne sommes pas dutout fermés à effectuer une annéeen tant qu’employés ou bénéficierd’un parrainage. Nous disposonsd’un apport suite à la vente denotre habitation. Nous ne souhai-tons pas d’association. Départe-ments : 04,06,11,30,34,48,83,84(zones montagne) - 06 70 00 39 99

Animaux - Matériel• Vosges - Cherche troupeau ovinviande pour installation dans lesVosges à 600 m d’altitude, en agri-culture biologique - Races recher-chées : Limousine, Rava, Suffolk,Charolais, en croisées ou en pure.Préférence pour des brebis élevéesà l’herbe - [email protected] -0355194252• Haute-Loire - Vends agnellesmanech tête rousse - élevage en bio- 0477352917• Corrèze - Vds Round Baller Wel-ger RP 12 Effect, 2 600 balles :3200 euros - Faucheuse Kuhn GMD600 : 2 500 euros - Epandeur àfumier 3,5 tonnes: 800 euros - Loueterrain 4,5 ha, avec eau (à Los-tanges) - 05 55 25 3127• Ariège -AV chèvres laitières tariesà dominance Alpine. 7 primipares,3 multipares et 13 chevrettes néesentre mars et avril dont 6 Alpinespures. Les chèvres ont été sailliesfin sept. Prix : 100 € par bête -0561891642

Divers• Paysanne d’Ille-et-Vilainerecherche partenaires pour voyage-découverte agricole à Cuba en 2016- 0682515727

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

Le pastoralisme est le mode d'élevage le plus naturel, pourtant c'est aussi le plus menacé, par la prédation,

car le loup ne s’attaque pas à l’élevage industriel.

La prédation par le loup provoque une évolution du pastoralisme. Certaines mesures de protectionfonctionnent, mais dans certains lieux trop éloignés ou pour les petits troupeaux très extensifs, aucunesolution proposée n'a fait ses preuves. Certaines pratiques vont se perdre.

Quelle stratégie pour les éleveurs ? Comment répondre à la situation ?

Valoriser les ressources abondantes, économiser les ressources rares : c’est la proposition de l’agriculturepaysanne et c’est pourquoi la Confédération paysanne de la Drôme vous propose de visiter la ferme de Sébastien Pelurson à Mornans. Cette ferme comporte un élevage de 230 brebis mourerous, 25 chèvres du Rove et 2 vaches tarines.

Accueil, café/thé offert, démarrage de la visite de la fermeRepas partagé dans la bergerie (le barbecue sera allumé : amenez vos saucisses,grillades... et pain !)Point d'info sur les surfaces proratisées (les contrôles, les sanctions...)Echanges débat sur « Pastoralisme et prédation », intervention de Laurent GARDE(CERPAM) et de l'ADEMConclusion et pot de clôture

9h30 :12h00 :

13h30 :14h00 :

16h30 :

http://drome.confederationpaysanne.fr

Confédération Paysanne de la Drôme : 60 avenue Jean Rabot - 26400 CREST - tél. 04 75 25 21 72 - [email protected]

Vincent Delmas, porte-parole : 06 07 69 36 25 - Sébastien Pelurson, éleveur : 06 16 87 93 26

Action réalisée avec le soutien de :

Ferme de Sébastien Pelurson. Suivre le fléchage "Confédération Paysanne".

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« Cette terre est à nous tous », aurions nousenvie de déclarer lorsqu’on entre dans ce docu-mentaire qui nous raconte Notre-Dame-des-Landes au jour le jour.Depuis que le projet de nouvel aéroport est res-sorti des cartons, les paysan.ne.s qui avaient leurferme et leur terre là ont fait des choix diffé-rents. Certain.e.s ont accepté de partir, per-suadé.e.s sans doute qu’il était vain de s’opposer,séduit.e.s peut-être par ce qu’on leur offraitailleurs. D’autres ont choisi de rester là avec leursélevages et leurs cultures, déterminé.e.s à résis-ter. Depuis plusieurs années, des femmes etdes hommes de tous âges sont venu.e.s lesrejoindre pour dire non à l’aéroport, en s’ins-tallant sur ces 1 700 hectares de terres.Le dernier continent nous les fait découvrir, dansces paysages de bocages de l’Ouest de la France.Jeunes ou moins jeunes, pour des raisonsdiverses, ils et elles ont choisi de quitter lasociété consommatrice et mercantile, de luitourner le dos pour s’engager dans la recherchede nouvelles relations humaines, de nouvellessolidarités authentiques.Ils et elles nous livrent leurs motivations et leursenthousiasmes. On vient là pour un temps longcomme on peut être de passage, mais il fautcontribuer à assurer le quotidien comme il fautcoopérer aux chantiers de construction à par-

tir de matériaux derécupération. Onconstruit, on devientpaysan.ne. L’objectifd’autonomie des res-sources alimentaires eténergétiques imposeque chacun.e y mettedu sien, avec sestalents et ses moyens.La violence est cepen-dant bien présentedans ce documen-taire, mais elle estvêtue de bleue etporte casques àvisière et boucliers.Les CRS sont là, aumilieu de nulle part,chargés de protégerles opérations de« nettoyage » à lapelleteuse géante.Les occupants de la Zone à défendre leuropposent toute leur non-violence déterminée.Le combat n’est pas fini, et les paysan.ne.s quiont choisi de résister sur place font souventune belle alliance avec les nouvelles et nou-veaux venu.e.s. L’espérance de voir enfin arriver

une décision d’aban-don définitif du pro-jet d’aéroport l’em-porte souvent sur lamenace régulièred’un nouvel assautdes forces de l’ordre.Menaces encore répé-tées ces derniers jourspar les plus hautesautorités de l’État.

Mikel Hiribarren,

paysan au Pays Basque

Tourné de 2012 à 2014,Le dernier continent faitle portrait subjectif dela Zad de Notre-Dame-des-Landes et de seshabitant.e.s… Réalisa-tion : Vincent Lapize –Documentaire, 1 h 17,2015 – Sortie nationale :11 novembre 2015.

Pour organiser une projection :Jean-Jacques [email protected] 06 16 55 28 57Le site Internet : lederniercontinent.tumblr.com

Culture

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Le dernier continent

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Sommet de l’élevageAux fossoyeursde l’agricultureLe 7 octobre, le sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne, près de Clermont-Fer-rand, s’est ouvert sous les couleurs des drapeaux de la Confédération paysanne. Encortège, des paysan.ne.s du Puy-de-Dôme, de la Haute-Loire, du Cantal, de Corrèze,

de l’Isère, de l’Aveyron, de Saône-et-Loire, des Deux-Sèvres ou de Rhône-Alpes sont venu.e.s remettre les prix des fossoyeurs de l’agriculture.Étaient nominés: les coopératives (pour avoir oublié leurs adhérent.e.s à force de s’agrandir), la Commission européenne (pour sa politique de

destruction de l’emploi paysan), le ministère (pour sa gestion à la petite semaine) et bien sûr Xavier Beulin, président de la Fnsea (pour conflitd’intérêts dans sa représentation des paysan.ne.s). C’est ce dernier qui a remporté la petite guillotine qui faisait office de trophée. Elle lui a étéremise (en son absence), sur le stand de Sanders, le fabricant d’aliments pour bétail qui appartient à Avril (ex-Sofiproteol), la firme agro-indus-trielle présidée elle aussi par Xavier Beulin. Le cortège est ensuite allé rendre visite à Sodiaal, le lauréat dans la catégorie « coopératives ».

Sur le stand du ministère, les militant.e.s ont effectué un contrôle rapide pour juger de la surface admissible à la Pac, acte symboliques’il en est au moment où les paysan.ne.s de montagne sont contrôlé.e.s à cet effet, des « contrôles aberrants » à l’encontre de paysan.ne.sdes territoires difficiles.

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