Signalisation cellulaire et cancer ||

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  • Signalisation cellulaire et cancer

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  • Jacques Robert

    Signalisation cellulaire et cancer

    Un manuel pour les tudiants et les oncologues

  • Ltude molculaire du cancer, qui sest dveloppe de manire active au dbut desannes 1970, quelque temps aprs les connaissances majeures acquises sur les mca-nismes de la rgulation des gnes chez les bactries, a connu une ascension vertigi-neuse. Quarante ans de recherche qui sest nourrie de la biodiversit desorganismes vivants pour mettre jour lunicit du fonctionnement de la cellule, sonextrme complexit, ses facults uniques dadaptation, mais aussi sa fragilit. La quteobsessionnelle des chercheurs pour percer les mcanismes de cancrisation de lacellule a eu le grand bnfice de dvoiler la biologie cellulaire dans toute sa complexit,mais galement son clatante beaut. Si pour ltudiant de biologie ou pour le jeuneoncologue cest la complexit qui clate, je peux garantir quune connaissance plusapprofondie des mcanismes intimes de la cellule rvlera une extrme beaut dansles multiples mcanismes de communications, de rtro-contrles, de rparation ainsique dans la sophistication fonctionnelle des machines cellulaires .

    Voici un bel ouvrage Signalisation cellulaire et cancer, crit par le professeur onco-logue et pharmacologue Jacques Robert dans une langue franaise bien matrise. Celivre dcline la signalisation cellulaire de la cellule et ses altrations dans lmergencedes cancers en dix-huit chapitres avec une criture directe, lague et hautement illus-tre par des schmas clairants et didactiques. Le lecteur pourra naviguer dans chaquechapitre entre les connaissances actualises de la cascade de signalisation particulire,son implication en oncogense, et ses cibles pharmacologiques exploites en cliniqueou potentielles. Louvrage est astucieusement complt par trois annexes dun grandintrt oncologique couvrant respectivement : i) la rplication et la rparation delADN ; ii) le contrle transcriptionnel ; et iii) les processus de synthse, de confor-mation, de modification covalente et dactivit des protines.

    Ce livre trouvera son utilit auprs de tous les tudiants de sciences, de mdecine, depharmacie ainsi quauprs des nombreux enseignants de disciplines diverses recouvranten partie ou en totalit un fort intrt pour la biologie du cancer et/ou son traitement.

    Bravo notre collgue Jacques Robert pour ce remarquable opus de cancrologie !

    Jacques PouyssgurDirecteur de recherche au CNRS

    Membre de lAcadmie des sciences

    Prface

  • Je souhaite ddier cet ouvrage aux enseignants de cancrologie qui mont accueilliparmi eux avec confiance et gnrosit il y a vingt ans. Jai eu le plaisir de travailleravec nombre dentre eux dans bien des circonstances : enseignement, formationsdiverses, recherche, soins, congrs, socits savantes, comits ditoriaux, sminaires,collge professionnel, commissions de recrutement et dvaluation. Jespre que celivre pourra leur tre utile dans lexercice de leur mtier. Je tiens remercier toutparticulirement Franois Eschwge, Michel Marty et Maurice Schneider, qui montchaleureusement ouvert les portes de la cancrologie et dont lamiti mest prcieuse.Je leur offre ce petit ouvrage en tmoignage de ma reconnaissance.

    Un certain nombre de collgues et damis ont eu la gentillesse de relire certainesparties de louvrage, et je tiens les remercier de leurs encouragements dune part, deleurs corrections et suggestions dautre part : Jacques Bonnet, Abdelkader Bounaama,Patricia de Cremoux, Pierre Hubert, Franois Ichas, Florence Larminat, Valrie LeMorvan. Sil reste des erreurs et des imprcisions, jen suis le seul responsable ! Je suisreconnaissant aux membres de mon quipe de recherche davoir tolr gnreuse-ment que je consacre quelques mois cette rdaction qui ma loign de leurs travaux.Mais je nose pas dire : Je ne le ferai plus

    Le point de dpart de ce livre, ce sont les cours que je dispense depuis quelquesannes dans le cadre denseignement de mastres luniversit de Bordeaux-II, et lestudiants reconnatront nombre de schmas dessins dabord leur intention. Jevoudrais que les tudiants, quils soient dorigine mdicale, pharmaceutique ou scien-tifique, sachent que je prends toujours beaucoup de plaisir enseigner et que monambition est quils trouvent le plus vif intrt ltude des cancers, qui reprsente lundes plus grands dfis soumis la biologie comme la mdecine en ce dbut de sicle.

    Certaines des figures que jai dessines ont dj t utilises pour illustrer des revuesparues dans le Bulletin du Cancer ou dans des ouvrages sur la thrapie cible descancers. Je tiens remercier les ditions John Libbey Eurotext, et plus particulirementValrie Parocco, davoir accept que jen utilise le dessin gnral pour cet ouvrage.

    Ce dernier naurait pas vu le jour sans linsistance du directeur de la collection, lePr Jean-Franois Morre, la diligence de lditrice, Nathalie LHorset-Poulain, la vigi-lance de la responsable de fabrication, Sophie Guillemot, et la patience de lillustra-teur, Marc Donon : quils en soient tous vivement remercis !

    Remerciements

  • SOMMAIRE

    Prface ............................................................................................................................... 5J. Pouyssgur

    Remerciements.............................................................................................................. 7

    Avant-propos.................................................................................................................. 11

    IntroductionPrincipes gnraux de la signalisation cellulaire......................................... 15

    Chapitre 1Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase ......................................................................................... 21

    Chapitre 2La voie des MAP kinases ........................................................................................... 45

    Chapitre 3La voie de la phosphatidylinositol-3-kinase................................................... 59

    Chapitre 4La voie des cytokines ................................................................................................. 71

    Chapitre 5La voie du TGF ............................................................................................................. 83Chapitre 6Les voies des rcepteurs coupls aux protines G ...................................... 91

    Chapitre 7La voie Wnt ...................................................................................................................... 103

    Chapitre 8La voie Notch .................................................................................................................. 111

    Chapitre 9La voie Hedgehog ........................................................................................................ 119

    Chapitre 10La voie des smaphorines........................................................................................ 127

    Chapitre 11La voie des intgrines ................................................................................................ 133

  • Chapitre 12Les rcepteurs toll-like, linterleukine 1 et le NFB ..................................... 145

    Chapitre 13Les voies des rcepteurs lymphocytaires ........................................................ 155

    Chapitre 14Les voies des rcepteurs nuclaires .................................................................... 163

    Chapitre 15Rcepteurs coupls des canaux ioniques ..................................................... 177

    Chapitre 16Signalisation par loxygne et loxyde nitrique............................................ 189

    Chapitre 17Les voies de contrle du cycle cellulaire........................................................... 199

    Chapitre 18Les voies de contrle de lapoptose.................................................................... 215

    Annexe ALe contrle de la rplication et de la rparation de lADN ...................... 235

    Annexe BLe contrle de lexpression des gnes ............................................................... 263

    Annexe CLe contrle de lactivit des protines .............................................................. 283

    Liste alphabtique des sigles, abrviations et acronymes ...................... 315

    10 Signalisation cellulaire et cancer

  • Il semble quil y ait a priori antinomie entre le titre de louvrage et celui de la collec-tion. Publier un ouvrage Signalisation cellulaire et cancer dans une collection ddie la cancrologie pratique tient de la gageure : pour leur pratique, les cancrologues ontcertes besoin de connatre les cancers, leurs formes cliniques, les outils de diagnosticet de traitement ; en quoi ont-ils besoin de connatre la biologie cellulaire ou mol-culaire et les mcanismes la base de loncogense ?

    Et pourtant la rponse est positive : oui, ils ont besoin, pour leur pratique duXXIe sicle, de connatre les systmes de messagerie intercellulaire, de comprendreleurs interactions, leur rle dans la prolifration cellulaire, leur implication dans lescancers. Loncologie clinique est devenue dpendante de la connaissance de la biologiedes cancers. Ne pas savoir que KRAS est en aval de lEGFR dans une des voiesmajeures de signalisation condamnerait le praticien prescrire des traitementsinutiles, coteux et parfois toxiques prs de la moiti des patients souffrant decancers colorectaux mtastatiques.

    Nous avons voulu dans cet ouvrage garder lesprit de la cancrologie pratique touten fournissant les bases scientifiques de la comprhension des voies de signalisation.Nous navons certes pas voulu esquiver la complexit de ces voies, de leurs interac-tions, de leurs interconnexions : mais il nest pas ncessaire dtre confus pour treexact, et la simplification est la base de tout enseignement. Ne pas noyer le lecteurdans des dtails et des cheminements tortueux a t un souci constant lors de lardaction de cet ouvrage ; conserver les faits exacts et prouvs, montrer leur intrtdans la pratique de loncologie clinique, fournir des schmas didactiques ont t notreproccupation permanente.

    En une vingtaine de chapitres apparemment indpendants, les principales voiesde signalisation sont prsentes, en donnant au mot signalisation une acceptionassez large. Nous navons pas limit notre propos aux messages arrivant une celluleet la transduction de linformation reue ; nous avons tendu louvrage bien desvoies de transmission dinformation lintrieur dune cellule, donnant au terme de signalisation le sens du mot anglais pathway qui dcrit mieux ces systmes detransmission dinformation. Nous avons limit le support biochimique sans les-quiver, et le lecteur trouvera en annexe la description de quelques mcanismes gn-

    Avant-propos

  • raux de rgulation biologique, au niveau du contrle de lintgrit du gnome, delexpression des gnes et de lactivit des protines.

    Chaque chapitre essaie donc de se suffire lui-mme ; mais les interconnexions(crosstalks) sont telles que les renvois dun chapitre lautre sont nombreux. Aprs laprsentation des acteurs vient la description du cheminement de linformation dansla voie de signalisation, puis celle des rgulations annexes. Nous avons dessin chaqueschma en essayant de nous tenir des conventions communes de couleur et de formetout au long de louvrage. Nous avons privilgi la lisibilit de ces schmas au dtri-ment de leur exhaustivit ; les grands posters que chacun connat, qui ressemblent auplan du mtro de Paris, nont dautre but que celui de montrer la complexit, maiscertes pas celui dapporter une information utilisable.

    Chaque chapitre est complt par une brve liste des altrations oncogniques dela voie dcrite et par un bref inventaire des cibles pharmacologiques qui permettentou permettront un jour un dveloppement pharmacologique. Nous ne sommes pasentrs, pour ce dernier aspect, dans le dtail des molcules actives, de leur utilisationventuelle en clinique, de leur statut dans les diverses phases du dveloppement :dabord parce que les choses vont trs vite et que ces donnes seraient primes dsla publication de louvrage, ensuite parce quelles sont accessibles dans bien dautressources dinformation.

    Nous avons limit les rfrences bibliographiques des revues gnrales accessiblessur la voie de signalisation dcrite. Le lecteur dsireux dapprofondir un point se tour-nera dabord vers ces revues avant daller rechercher les articles originaux qui ontpermis le dveloppement des connaissances. Encore faut-il quil puisse les trouver dansle corpus des journaux disponibles online dans toutes les bibliothques hospitalires etuniversitaires. Nous avons limin sans piti dexcellentes revues de diffusion confi-dentielle : une rfrence est faite pour servir, non pour taler ses lectures Surtout,nous navons pas cherch rfrencer chaque assertion ou chaque description en larenvoyant une rfrence prcise : cest impossible raliser dans un ouvrage qui seveut pratique, qui nest pas et ne peut pas tre, en 300 pages, une revue sur le sujet,mais un ouvrage didactique. Lappel Cell signaling AND cancer sur PubMed faitapparatre plus de 67 000 articles dont 15 000 revues. De toute faon, la banalisationde PubMed a rendu le travail bibliographique compltement diffrent de ce quil taitil y a vingt ans. Nous en donnerons un seul exemple : il est mentionn page 33 : Unetranslocation t(8;9)(p11;q33) du gne FGFR1 est responsable dune dimrisationspontane du rcepteur dans les syndromes myloprolifratifs. Il aurait t ncessaireautrefois de mentionner la source de cette assertion pour que le lecteur intress laretrouve ; il lui suffira de taper sur son ordinateur connect translocationt(8;9)(p11;q33) pour voir apparatre six articles auxquels il peut immdiatement serfrer ; il nest pas ncessaire den mentionner un seul dans cet ouvrage.

    Il existe plusieurs modalits de prsentation de la signalisation cellulaire en canc-rologie. On peut partir de la prsentation successive des diffrents acteurs que lonretrouve dans de multiples voies : signaux, rcepteurs, protines kinases, petitesprotines G, facteurs de transcription, calcium, pour dcrire leurs fonctions multiples.On peut encore choisir un niveau dintgration horizontal , topologique : la

    12 Signalisation cellulaire et cancer

  • membrane, le cytoplasme, la mitochondrie, le noyau. Nous avons choisi un niveaudintgration vertical , intgrant les donnes disponibles sur chaque voie de signa-lisation, dfinies par le type de rcepteur impliqu.

    En effet, malgr la complexit et la connectivit multiple des voies de signalisation,voques ci-dessus, il existe effectivement des familles de rcepteurs homognes,capables dinterprter les signaux provenant de familles de ligands bien dfinies ; cestautour de cet axe ligand-rcepteur que louvrage est articul. Ce choix, sil est cohrentet permet une prsentation didactique des modules de signalisation, entrane toutefoisdes difficults au niveau de ces voies finales communes de la signalisation que sontles facteurs de transcription, qui sont activs dans de multiples voies et jouent demultiples rles. Il nous fallait soit faire un chapitre spcial sur ce sujet, soit les disperserau niveau des voies de signalisation auxquelles ils sont lis de faon prpondrante.Cest ce dernier choix que nous avons fait. De mme, il aurait peut-tre fallu unchapitre sur les petites protines G, ces mdiateurs ubiquitaires et pliotropes ; lencore, nous les avons intgrs dans les voies les plus pertinentes o ils apparaissent.

    Nous avons identifi un certain nombre daxes de signalisation ligand-rcepteur ;il en existe dautres. Nous navons pas individualis celui de la famille TNF-TNFR(Tumor necrosis factors Tumor necrosis factor receptors), que nous avons en fait traitdans le chapitre sur lapoptose. Nous navons pas retenu ltude des rcepteurs acti-vit phosphatase (sils existent) ni des guanylyl cyclases membranaires (ont-elles unefonction de rcepteur ?) Nous navons prsent que trs brivement les slectines etles autres molcules dadhsion, en appendice au chapitre sur les intgrines, et avonsfait limpasse sur la communication au niveau des jonctions intercellulaires. Nousnavons pas abord la signalisation sensorielle dans le chapitre dvolu aux rcepteurscoupls aux protines G, et navons queffleur limmense domaine de la signalisationnerveuse et neuromusculaire.

    Nous souhaitons que cet ouvrage remplisse son rle, qui est dtre un vade mecumde loncologue tout au long des quelques annes qui sparent sa publication de lobso-lescence ; car il est certain que, trs vite, bien des chapitres seront prims (certains lesont ds maintenant). Accompagnant le lecteur dans le ddale des nouvelles thrapiescibles sur les mcanismes de loncogense, il devrait lui permettre de situer chaquenouvelle proposition de lindustrie pharmaceutique sa juste place dans lapparentfouillis de la signalisation cellulaire, que nous avons essay de ne pas rendre inextricable.

    Codes couleur pour les schmas

    Nous avons essay dadopter, dans les figures de cet ouvrage, un code couleur homogne, mais cela a t parfois impossible. De faon gnrale, les kinases sont enbleu, les phosphatases en rouge, les facteurs extracellulaires en orang, les facteurs detranscription en jaune, les protines G en vert, les protines adaptatrices dans tous lestons de pourpre, etc. Mais larc-en-ciel ne suffit pas couvrir la totalit des nuancesque nous aurions voulu introduire Et puis, il y a des exceptions : dans le chapitresur le cycle cellulaire, nous avons voulu signaler chaque phase du cycle par un codecouleur qui lui soit propre, et les kinases ny sont pas toutes bleues.

    Avant-propos 13

  • Liste alphabtique des sigles (en fin de volume)

    La biologie cellulaire et molculaire fait un usage immodr de sigles, dabrviationset dacronymes et il est parfois difficile de se reconnatre dans ce maquis. Certainssont de vritables acronymes simples dcrypter, surtout pour un anglophone(EGFR, Epidermal growth factor receptor). Dautres sont des abrviations commeAREG pour Amphireguline. Beaucoup de ces acronymes et abrviations sont devenusdes noms qui dsignent une protine ou un gne par un sigle dont le sens original estoubli (il est heureux parfois que ce sens original ait t oubli, car souvent ces siglesrappellent une proprit ou une origine tissulaire qui sest rvle inexacte oupartielle). Qui se souvient et juge important que RAS a t forg partir de Ratsarcoma ? Dautres sigles enfin nont jamais eu de justification, et nous offrons unexemplaire de ce livre au premier qui nous donnera lorigine tymologique du nomde la protine AKT.

    Pour les noms des protines et des facteurs divers, nous avons essay de nousconformer lusage le plus courant, tout en le rationalisant quand cela est ncessaire,en utilisant le plus souvent les lettres capitales. Nous avons fait, dans ces sigles et cescodes, un usage aussi limit que possible des traits dunion, des lettres minuscules, deslettres grecques, nous conformant souvent la nomenclature des gnes, auxquelsnous avons conserv les italiques de rigueur.

    Un autre problme rside dans le fait que de nombreux facteurs existent sousdiffrentes formes protiques codes par des gnes distincts : doit-on parler de laprotine AKT ou des protines AKT1, AKT2 et AKT3 ? De la protine RAS ou desprotines K-RAS, H-RAS et N-RAS ? Nous avons prfr le plus souvent utiliser lesnoms gnriques (AKT, RAS), nentrant dans le dtail des homologues que lorsquecela tait ncessaire. De mme, le produit de chaque gne existe souvent sous desformes multiples, rsultant dpissages alternatifs. Les fonctions individuelles dechaque isoforme ne sont gnralement pas connues, sauf pour de rares exceptions :nous navons mme pas indiqu lexistence de ces variants dans la plupart des cas.

    Sagissant de la description de voies de signalisation, nous avons presque toujoursparl des protines, et non des gnes ; la nomenclature des gnes est officielle , celledes protines est plutt usuelle et nous avons essay de les faire correspondre ; il seraitncessaire de les harmoniser. Parler de la protine CHK1 et de son gne CHEK1 nefacilite pas la comprhension du lecteur Cest encore plus vrai pour les protinesp21CIP1 ou p16INK4a et leurs gnes, CDKN1A et CDKN2A. Heureusement, le nomofficiel du gne codant pour la protine MTOR vient de changer : ce nest plus FRAP1,cest maintenant MTOR. Mais cela ne rsout quun problme sur mille ! Nous esp-rons que ce lexique des symboles aidera le lecteur identifier les acteurs des voiesde signalisation au fur et mesure quil fera leur connaissance. Il est la fois un glos-saire permettant de dchiffrer les acronymes, un lexique prsentant les acteurs desvoies de signalisation tudies dans cet ouvrage, et un index indiquant le chapitreprincipal o lon traite de la protine ou du sujet.

    14 Signalisation cellulaire et cancer

  • Des rcepteurs aux effecteurs

    La communication cellulaire est indispensable la vie des organismes pluricellu-laires : les cellules doivent imprativement changer les informations ncessaires lacoordination de leurs actions. Pourtant, elle existe dj dans les organismes unicellu-laires comme les levures qui doivent, elles aussi, changer des informations, ne serait-ce que pour trouver des partenaires sexuels. Les principes de la communicationcellulaire sont universels : des molcules de signalisation sont mises par une cellule,reconnues par une autre, qui met alors en uvre une voie de transduction du signalreu, qui aboutit un systme effecteur qui prend en compte le signal. La varit dessystmes de transmission de linformation est immense, tant au niveau de la rcep-tion des signaux qu celui de la mise en jeu des effecteurs. Pourtant, il est certaine-ment possible de trouver des patterns gnraux, des structures communes ducheminement de linformation, pour peu que lon se donne la peine de les rechercher.

    Pour ce qui concerne la premire tape, celle de la rception, les mcanismes sontdpendants de la nature chimique des messagers : les messagers de nature hydrophile (acides amins et leurs drivs, peptides,

    protines) ne peuvent entrer dans les cellules, faute de pouvoir traverser lesmembranes ; il existe donc ncessairement un rcepteur membranaire apte rece-voir le message, le comprendre, et transduire linformation au-del ;

    les messagers de nature lipidique (drivs strodiens, acides gras et leurs drivs,etc.) et les composs de structure trs simple (oxygne, oxyde nitrique) sontcapables de diffuser travers les membranes et datteindre directement leurs cibles,dans le cytoplasme ou dans le noyau (rcepteurs nuclaires) ;

    les messagers de nature ionique (Na+, K+, Cl et Ca2+) sont capables dinduire lou-verture ou la fermeture transitoire de canaux ioniques permettant la gnration decourants transmembranaires ; ces courants correspondent au passage de linfluxnerveux dans les neurones, mais ils sont aussi lorigine de nombreux vnementsintracellulaires.

    Introduction Principes gnraux de la signalisation cellulaire

  • La transduction des signaux perus par les rcepteurs fait intervenir de multiplesprocessus, mais les mcanismes gnraux mis en jeu sont en petit nombre, les prin-cipaux tant : le recrutement de protines capables de contracter des interactions avec

    dautres : il existe ainsi de trs nombreuses protines adaptatrices ; les ractions de phosphorylation et de dphosphorylation par des kinases et des

    phosphatases, qui modifient la conformation tridimensionnelle des protines, doncleur ractivit ;

    la mise en jeu de petites protines G selon un mcanisme quasi constant dchangeet dhydrolyse de nuclotides guanyliques ;

    la production de seconds messagers intracellulaires relayant linformationapporte au niveau de la membrane.

    Enfin, les effecteurs sont galement trs divers, mais, l encore, il est possible deles regrouper en quelques entits : les rgulateurs transcriptionnels, couramment appels facteurs de transcription ,

    qui commandent la transcription de gnes cibles ; ce sont les effecteurs les plusgnraux et les plus souvent rencontrs en aval des voies de transduction dessignaux ;

    les rgulateurs traductionnels, qui sont directement mis en jeu dans quelques voiesde signalisation et qui interviennent sur le niveau de synthse protique ;

    les protines du cytosquelette ou de la matrice extracellulaire, qui commandent lesphnomnes dadhsion, de motilit et de dispersion cellulaires ;

    les canaux ioniques enfin, que lon retrouve ici en tant queffecteurs, mis en jeu enparticulier, mais pas seulement, dans la transmission synaptique.

    La cellule dispose ainsi dune bote outils standard dans laquelle elle peutpuiser pour comprendre linformation quelle reoit et excuter les consignes qui luisont ainsi apportes. Cest peut-tre cet aspect de bricolage qui est droutant pourcelui qui aborde ltude de la signalisation cellulaire : il retrouve des molculescommunes, des domaines protiques identiques, des facteurs de transcription simi-laires dans des voies de transmission des signaux en apparence indpendantes. Parexemple, des motifs EGF se rencontrent dans les facteurs de croissance de lafamille de lEGF , mais aussi dans des rcepteurs de la voie Notch et de la voie desintgrines. On peut finir par avoir limpression (dsastreuse) que tout est dans tout,et rciproquement .

    La signalisation cellulaire peut sexercer des distances trs variables ; le premiervrai systme de signalisation identifi, ds la fin du XIXe sicle, est le systme endo-crine, dans lequel un organe spcifique (glande endocrine) scrte dans le courantsanguin des molcules (hormones) destines des cellules fort loignes. Il a falluensuite forger le mot paracrine lorsquont t identifies des molcules agissantsur des cellules voisines de celle qui les produit ; puis le terme juxtacrine lorsquela transmission du signal seffectue travers des jonctions communicantes ; puis enfinle terme autocrine quand les signaux mis par une cellule sont capables, aprsavoir transit dans le milieu extracellulaire, de revenir exercer un effet sur la mmecellule. Gardons en mmoire la spcificit de la transmission synaptique de linfor-mation, entre cellules nerveuses ou neuromusculaires.

    16 Signalisation cellulaire et cancer

  • ct de la signalisation entre cellules existe bien sr une signalisation intracel-lulaire. Les deux types de communication sont enchevtrs et difficilement spa-rables. Cette signalisation intracellulaire est en particulier vhicule par les secondsmessagers voqus ci-dessus, mais aussi par nombre de protines synthtises enrponse toutes sortes de sollicitations. Par ailleurs, cest lintrieur de la cellule queconvergent les multiples informations reues de lextrieur et que doit se faire lint-gration de toutes ces informations, qui peuvent tre synergiques ou au contrairedivergentes.

    Pour rester schmatique, on peut dire que les informations transmises dunecellule une autre correspondent six grands types de consignes excuter, antith-tiques deux deux : se reproduire ou se diffrencier ; demeurer attach ou migrer ;survivre ou mourir. Nous pourrons distinguer, en premire approximation, des voies de prolifration , des voies de motilit et des voies de survie cellulaire .Mais ce sont souvent les mmes signaux qui donnent ces diffrents ordres : lesmessages de prolifration sont aussi des messages de diffrenciation ; les rcepteursde messages de mort peuvent promouvoir aussi la survie cellulaire.

    Dans ltude des voies de signalisation, il faut abandonner demble le modlelinaire tabli par les endocrinologistes la fin du XIXe sicle : un ligand, un rcepteur,un message, une action physiologique ; le modle de la cl unique pour une serrureunique. En fait, le mme ligand peut reconnatre plusieurs rcepteurs apparents, lemme rcepteur peut recevoir des messages provenant de diffrents ligands, lesmessages intracellulaires transmis aprs activation du rcepteur sont multiples et lesactions physiologiques variables dun tissu lautre. Cest lquipement individuel dechaque cellule ou tissu en rcepteurs et en systmes de transduction qui fera que lemme message entrane parfois une division de la cellule et parfois une diffrencia-tion. Laction des messages envoys par une cellule une autre est pliotrope etdpend du contexte cellulaire .

    Signalisation cellulaire et cancer

    Nous ne souhaitons pas ici dvelopper ltude des mcanismes de loncogense, maisprsenter simplement quelques caractristiques des cellules malignes montrantcombien les altrations de la signalisation cellulaire sont au cur de ces mcanismes.La cellule cancreuse est avant tout une cellule gntiquement instable, capable dex-plorer les fonctions de lensemble du gnome et de mettre profit tout avantage proli-fratif ou migratoire pour le slectionner et le transmettre sa descendance.Prolifratif, en ce sens quune tumeur est, par dfinition, une noformation ncessi-tant une multiplication cellulaire toujours active ; et migratoire, pour ne pas direinvasif, parce que le support de la malignit des cancers est li leur aptitude diss-miner dans lorganisme. Toutes les voies de signalisation impliques dans la prolif-ration et dans la diffrenciation, dans ladhsion et dans la migration, dans la survieet dans la mort, pourront servir de support des altrations oncogniques. On a pudire ainsi que le cancer tait une maladie de la signalisation cellulaire.

    Introduction - Principes gnraux de la signalisation cellulaire 17

  • Dans une revue gnrale labore vingt-cinq ans aprs la dcouverte du premieroncogne, Hanahan et Weinberg ont class les mcanismes de loncogense en sixgrandes familles ; leur contribution reste toujours valable dix ans aprs : autosuffisance en facteurs de croissance ; insensibilit aux facteurs inhibiteurs de la croissance ; vasion de lapoptose ; no-angiogense ; invasion et mtastase ; potentiel rplicatif illimit.

    On peut ajouter un dernier type de mcanisme, qui sous-tend lacquisition detous les autres, linstabilit gntique. Pour les cinq premiers de ces mcanismes, ontrouvera presque toujours une anomalie dans la transmission de linformation, unemutation dans une protine de transduction des signaux, une maladie de la signa-lisation ; et cest sans doute parce que nous ne savons pas encore comment sedclenche la ractivation de la tlomrase dans les cancers que nous len avons exclueprovisoirement.

    La cellule cancreuse fait feu de tout bois ; la situation serait simple si elle dtour-nait simplement les mcanismes qui contrlent la prolifration et la migration descellules pithliales, do sont issus la grande majorit des cancers ; mais elle estcapable daller chercher des voies insouponnes, impliques dans linflammation,dans limmunit, dans la polarit cellulaire, dans la migration axonale, dans les jonc-tions intercellulaires et dans bien dautres phnomnes spcialiss dont le droule-ment semblait limit un tissu particulier, une tape prcise du dveloppement.Pour comprendre ce dtournement des voies de signalisation quexercent les cellulescancreuses, il ne faut pas se limiter ltude de ce qui parat vident, mais aller cher-cher linhabituel, le mconnu, voire lexceptionnel.

    La connaissance des mcanismes de loncogense et celle des perturbations desvoies de signalisation dans les cancers a permis lmergence du concept de thrapiecible. Alors que les mdicaments de la chimiothrapie classique ont pour cible lesmcanismes impliqus dans la multiplication cellulaire, quelle soit normale ounoplasique, les thrapeutiques cibles sadressent aux mcanismes mmes de lonco-gense et devraient donc avoir une spcificit importante pour les cellules canc-reuses. Ce que lon cible, dans les thrapeutiques cibles, ce sont les protinesimpliques dans le contrle de la prolifration et de la mort cellulaires et non cellesimpliques dans lexcution de ces programmes, cest la cause de lanomalie loriginedun cancer et non plus leffet qui en rsulte. Ces thrapies ont merg lorsque lacomprhension de la biologie des cancers a atteint un niveau suffisant et que les outilspermettant dinterfrer avec la transformation maligne ont t disponibles.

    18 Signalisation cellulaire et cancer

  • Lune des premires connexions bibliographiques que lon peut rechercher entresignalisation cellulaire et traitement des cancers conduit aux Actes dun symposiumtenu Cambridge (UK) en septembre 1989, publis dans la revue CancerChemotherapy and Pharmacology. Et dj on y disait que the idea that cell membranesand intracellular signal cascades could become the target of antitumor drugs has come ofage . Lide tait pourtant encore toute neuve, puisquil a fallu dix ans de plus pourquapparaissent les premires thrapeutiques cibles.

    Introduction - Principes gnraux de la signalisation cellulaire 19

  • Introduction

    La signalisation apporte par les facteurs de croissance est certainement la mieuxconnue en raison, en particulier, de son rle dans loncogense. Elle ouvre en fait surde multiples voies de transduction que nous avons distribues en plusieurs chapitres ;celui-ci concerne exclusivement les facteurs de croissance et leurs rcepteurs ; leschapitres 2 et 3 prsenteront les principales voies de signalisation qui sont actives enaval de linteraction dun facteur de croissance et dun rcepteur. Les facteurs de crois-sance et leurs rcepteurs sont classs en fonction du mcanisme de lactivation de cesderniers : la classe principale est celle des rcepteurs activit tyrosine kinase (RTK)que nous tudierons ici, une autre classe est celle des rcepteurs activant une tyrosinekinase cytoplasmique qui seront tudis au chapitre 4, une troisime celle des rcep-teurs activit srine/thronine kinase (chapitre 5).

    Lactivation des RTK se fait selon un schma gnral de fonctionnement unique,impliquant la dimrisation puis lautophosphorylation croise des rcepteurs,permise grce leur activit tyrosine kinase, qui constitue le point de dpart de la voiede signalisation. La rponse cellulaire aux facteurs de croissance est conditionne parla nature des associations des dimres de rcepteurs ; il existe une combinatoire souvent complexe de ces associations, qui dtermine le type daction exerce sur lacellule recevant le signal. Les combinaisons possibles sont nombreuses et expliquentpourquoi le mme signal peut entraner des consquences diffrentes au niveau cellu-laire : prolifration et diffrenciation pourront tre induites par le mme message surdes cellules distinctes. Enfin, les voies de signalisation en aval de linteraction facteurde croissance-RTK sont multiples et dpendent du contexte cellulaire.

    Chapitre 1Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase

  • Gnralits sur les facteurs de croissance et les RTK

    Prsentation

    Il existe plusieurs centaines de facteurs de croissance capables dactiver un RTK etplusieurs dizaines de rcepteurs capables de les reconnatre. Les uns et les autres sontregroups en familles protiques homologues correspondantes : les facteurs de crois-sance de la famille de lEGF (Epidermal growth factor) interagissent avec les rcepteursde la famille des rcepteurs de lEGF, et ainsi de suite. Les dnominations de facteursde croissance pidermique ou fibroblastique sont lies aux circonstances deleur dcouverte plus qu une spcificit de tissu cible ; des tissus pithliaux peuventexprimer des rcepteurs de facteurs de croissance fibroblastiques, des tissus nonpithliaux des rcepteurs de facteurs de croissance pidermiques.

    Les facteurs de croissance sont des polypeptides transmettant des messages mito-gnes, cest--dire susceptibles de provoquer le dclenchement dune mitose. Ils sontscrts par de nombreux types cellulaires non organiss en glandes et agissent le plussouvent faible distance de leur origine. Par analogie et par opposition aux hormonesqui sont vhicules dans le sang (systme endocrine), on dira que les facteurs de crois-sance sont des facteurs paracrines (agissant au voisinage de la cellule qui leur a donnnaissance), parfois juxtacrines (agissant sur la cellule lie par jonction serre lacellule dorigine), et mme autocrines (agissant sur la cellule mme qui les aproduits).

    Le tableau 1-1 prsente quelques-unes des principales familles de facteurs decroissance et de leurs rcepteurs. Ce sont prs de soixante RTK rpartis entre unevingtaine de familles que lon peut dnombrer, et le nombre de facteurs de croissancecorrespondants est bien suprieur. Tous les RTK possdent un seul domaine trans-membranaire, une partie intracellulaire homologue qui porte lactivit catalytique, etune partie extracellulaire trs variable dune famille lautre. Cette partie extra -cellulaire est subdivise en domaines protiques divers, possdant des squencescaractristiques (domaines riches en cystine, domaines acides, domaines immuno-globulin-like, etc.) prsentes sur la fig. 1-1. Le mode dactivation de tous les RTK estanalogue : il comporte une dimrisation du rcepteur, qui permet lautophosphory-lation de rsidus tyrosine du domaine intracellulaire. La prsence de phosphotyro-sines constitue le vritable signal permettant la mise en uvre dune voie detransduction conduisant lactivation des effecteurs.

    Ces phosphotyrosines seront reconnues par des protines dotes de domaines deliaison que lon appelle domaines SH2 (SRC homology domain 2) et PTB(Phosphotyrosine binding). Ces protines sont susceptibles de reconnatre de faontrs spcifique les diffrentes tyrosines phosphates du rcepteur activ. On a identifiune centaine de protines porteuses dun domaine SH2 et 35 dun domaine PTB.Deux types de signalisation peuvent alors tre mis en uvre : des protines cytoplasmiques domaine SH2 ou PTB peuvent tre phosphoryles

    et actives par le rcepteur au niveau de rsidus tyrosine, mettant en uvre ensuite

    22 Signalisation cellulaire et cancer

  • Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 23

    Tableau 1-1 Les principales familles de rcepteurs de facteurs de croissance.

    Familles Rcepteurs Ligands

    Rcepteurs de lEGF

    EGFRERBB2ERBB3ERBB4

    EGFTGF

    HBEGFEpigne (EPGN)

    Epirguline (EREG)Btacelluline (BTC)

    Amphirguline (AREG) Neurgulines 1 4 (NRG1-4)

    Rcepteurs des FGF

    FGFR1FGFR2FGFR3FGFR4

    FGF1 FGF10FGF15 FGF23

    Rcepteurs du VEGFFLT1 (VEGFR1) KDR (VEGFR2)FLT4 (VEGFR3)

    VEGFA VEGFD

    Rcepteurs du PDGFet rcepteurs apparents

    PDGFRPDGFR

    KITFLT3

    CSF1R

    PDGFA PDGFD

    SCF/KITLGFLT3LG

    CSF1

    Rcepteurs de linsuline

    INSRIGF1R

    [IGF2R] INSRR

    InsulineIGF1IGF2

    Rcepteurs des angiopotinesTIE1

    TEK (TIE2)-

    ANGPT1-4

    Rcepteur de lHGFMET

    MST1R (RON)HGF/SFMST1

    Rcepteur RET RET GDNF

    Rcepteurs des phrinesEPHA1-A8EPHB1-B6

    EFNA1-A5EFNB1-B3

    Rcepteurs NTRKNTRK1NTRK2NTRK3

    NGFBDNF

    NT3, NT4

    Rcepteurs TAMAXL

    MERTKTYRO3

    GAS6PROS1

    Rcepteurs DDRDDR1DDR2

    Collagnes

    Rcepteurs LTKLTKALK

    PTNMDK

    Rcepteurs RORROR1ROR2

    Protines WNT

  • les actions rsultant de leur phosphorylation. Certaines sont des tyrosine kinasescytoplasmiques comme SRC (pour Sarcoma) ou JAK (Janus kinase, chapitre 4), destyrosine phosphatases comme SHP1 (SH2 domain containing phosphatase 1), laphospholipase C gamma (PLC) ; dautres sont des protines adaptatrices (dockingproteins) dont la phosphorylation permet ensuite la transmission du message.

    des protines cytoplasmiques adaptatrices, possdant galement un domaine dereconnaissance SH2 ou PTB, peuvent tre recrutes par lactivation du rcepteur,sans phosphorylation subsquente. Elles aussi sont susceptibles de reconnatre defaon trs spcifique les tyrosines phosphates du rcepteur activ. Citons commeexemples la protine GRB2 (Growth factor receptor binding protein 2) qui est une des

    24 Signalisation cellulaire et cancer

    Fig. 1-1 Les rcepteurs activit tyrosine kinase.Les noms abrgs des rcepteurs sont indiqus en dessous, les noms des ligands au-dessus. LesRTK diffrent surtout par leur partie extracellulaire, qui contient des domaines protiquescaractristiques susceptibles de porter des fonctions originales : domaines riches en leucine,domaines riches en cystine, domaines immunoglobulin like, domaines cadhrine, domainesfibronectine III, domaines EGF, etc. La partie intracellulaire contient essentiellement le domaine catalytique, fonction tyrosine kinase, et dans les cas des rcepteurs des phrines, undomaine PDZ leur confrant des proprits originales.

  • principales entres vers la voie des MAP kinases (chapitre 2), et la protine p85 ouPIK3R1 qui ouvre la voie de la phosphatidylinositol 3-kinase (chapitre 3) dont elleconstitue une sous-unit rgulatrice.

    Altrations oncogniques

    Des mutations ou une surexpression de facteurs de croissance peuvent probablementjouer un rle important dans loncogense, mais le rle primaire des altrations mol-culaires de facteurs de croissance dans loncogense a t rarement dmontr ; enrevanche, des mutations germinales inactivatrices de facteurs de croissance sontresponsables de nombreuses pathologies hrditaires comme le nanisme. Au niveaudes rcepteurs des facteurs de croissance, de nombreuses altrations sont rencontresdans les cancers, et cest ce niveau que lon a identifi le plus grand nombre deproto-oncognes. Nous citerons les altrations principales au fur et mesure de laprsentation des familles de rcepteurs, sans pouvoir tre exhaustif.

    Les facteurs de croissance et leurs rcepteurs constituent lun des plus richesensembles de cibles pharmacologiques en cancrologie et le dveloppement des thra-pies cibles sest en grande partie appuy sur la recherche de molcules susceptiblesdinhiber les voies de signalisation de la prolifration ds les premires tapes. Lamajeure partie des succs obtenus ce jour concerne prcisment les facteurs decroissance et leurs rcepteurs.

    Cibles pharmacologiques

    Le ciblage des facteurs de croissance peut tre ralis laide de molcules qui lespigent et bloquent leur action dans le milieu extracellulaire. On peut envisager luti-lisation de rcepteurs solubles, daptamres, danticorps. La russite majeure ce jourconcerne un anticorps monoclonal humanis dirig contre un facteur de croissance,le bevacizumab, dont laction anti-angiogne est mise profit dans le traitement descancers colorectaux. Des anticorps dirigs contre dautres facteurs de croissance sonten cours de dveloppement prclinique et clinique.

    Le ciblage des rcepteurs de facteurs de croissance peut tre ralis au niveauextracellulaire par un anticorps monoclonal ou au niveau intracellulaire par unepetite molcule inhibitrice de lactivit tyrosine kinase du rcepteur (ITK). Plusieursrcepteurs ont fait lobjet dun dveloppement pharmacologique couronn de succs,et le ciblage de nombreux autres fait lobjet de recherches intenses. Il faut soulignerque, si les anticorps sont par dfinition spcifiques dune molcule donne, il nen estpas de mme des inhibiteurs de tyrosine kinase qui peuvent prsenter une affinitprfrentielle pour des rcepteurs prcis tout en agissant sur dautres rcepteurs avecune activit moindre, mais souvent significative. Certains ITK sont ainsi descomposs multicible , et il est parfois difficile de savoir quel est le rcepteur rel-lement impliqu dans leur activit. Le tableau 1-2 prsente les principaux ITK dve-lopps ce jour et les cibles, souvent multiples, quils inhibent.

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 25

  • 26 Signalisation cellulaire et cancer

    Tableau 1-2 Quelques inhibiteurs de tyrosine kinase.

    ITK Nom de code Laboratoire Cible Phase de dveloppement

    Gefitinib ZD1839 Astra-Zeneca EGFR (rversible) AMM (Iressa)

    Erlotinib OS-774 Roche EGFR (rversible) AMM (Tarceva)

    Lapatinib GW572016 GSK EGFR, ERBB2 AMM (Tyverb)

    Canertinib CI-1033 PfizerPan-ERBB

    (irrversible)Phase II

    BIBX1382BSBoehringer-Ingelheim

    EGFR (rversible) Phase II

    PKI-166 Novartis EGFR, ERBB2 Phase II

    GW-2016 GSK EGFR, ERBB2 Phase I

    Neratinib HKI-272 WyethEGFR, ERBB2, (irrversible)

    Phase II

    EKB-569 WyethEGFR, ERBB2, (irrversible)

    Phase II

    Vandetanib ZD6474 Astra-ZenecaEGFR, FGFR1,VEGFR2, RET

    Phase III

    AEE788 NovartisEGFR, ERBB2,

    VEGFR2Phase I

    Sunitinib SU-11248 PfizerVEGFR, PDGFR, KIT, FLT3, FGFR1

    AMM (Sutent)

    Sorafenib BAY-439006 BayerB-RAF, RET, VEGFR,

    FGFR1, FLT3AMM (Nexavar)

    Vatalanib PTK787/ZK222584 Novartis VEGFR, KIT Phase III

    Axitinib AG-013736 PfizerVEGFR, PDGFR,

    KITPhase III

    Semaxinib SU-5416 Pharmacia KIT, FLT3, VEGFR2 Arrt

    Cediranib AZD-2171 Astra-Zeneca VEGFR, PDFGR Phase III

    Motesanib AMG-706 AngenVEGFR, PDGFR,RET, KIT, FLT3

    Phase II

    Pazopanib GW-786034 GSK VEGFR, PDGFR Phase III

    Imatinib STI-571 NovartisBCR-ABL, KIT,

    PDGFRAMM (Glivec)

    Nilotinib AMN-107 NovartisBCR-ABL, KIT,PDGFR, RET

    AMM (Tasigna)

    Dasatinib BMS-354825 BMSBCR-ABL, KIT,

    PDGFRAMM (Sprycel)

    Masitinib ABScienceFGFR3, PDGFR

    KIT Phase III

    Lestaurtinib CEP-701 Cephalon FLT3, NTRK, JAK2 Phase III

  • Lexemple paradigmatique de la famille de lEGF (famille ERB-B)

    Les facteurs de croissance et leurs rcepteurs

    Les facteurs de croissance de la famille de lEGF sont au nombre de onze, dont lEGFlui-mme, le TGF (Transforming growth factor ), lamphirguline (AREG), lpi-gne (EPGN), lpirguline (EREG), lHB-EGF (Heparin-binding EGF), la -celluline(BTC) et quatre neurgulines (NRG). Ces facteurs jouent un rle majeur dans laprolifration de nombreux tissus. LEGF lui-mme est une petite protine soluble decinquante-trois acides amins, avec trois ponts disulfure intrachane (fig. 1-2A), quidrive dune protine transmembranaire plus volumineuse de 1 207 acides amins,contenant une srie de motifs EGF identiques, dont le clivage dans lespace intercel-lulaire libre le facteur soluble. Linsertion membranaire de lEGF natif lui permetdagir sur des cellules jointives celle qui le porte, ce qui explique les phnomnes dejuxtacrinie. Les autres facteurs de la famille de lEGF sont galement synthtiss sousforme dun prcurseur transmembranaire, mais ne comprenant quun seul motif EGFextracellulaire. Le clivage des prcurseurs transmembranaires en facteurs de crois-sance solubles et diffusibles est ralis par une mtalloprotinase TACE (TNF-alphaconverting enzyme) ou ADAM17 (A disintegrin and metalloproteinase) (fig. 1-2B).

    Les onze facteurs de croissance sont reconnus par quatre rcepteurs distincts(EGFR ou ERBB1, ERBB2, ERBB3, ERBB4). Il existe une combinatoire complexedinteraction de ces onze facteurs de croissance avec les quatre rcepteurs susceptiblesde les reconnatre et dactiver par leur liaison une voie de signalisation, dont lapremire phase est une dimrisation, homogne ou htrogne, de deux molcules dercepteur (fig. 1-3). Cest ainsi que lEGF, le TGF, lamphirguline et lpigne nepeuvent activer que lEGFR lui-mme ; lHB-EGF, lpirguline et la -celluline recon-naissent les rcepteurs EGFR et ERBB4 ; les neurgulines 1 et 2 reconnaissent le rcep-teur ERBB3 et les neurgulines 3 et 4 le rcepteur ERBB4. Le rcepteur ERBB2 na pasde ligand (rcepteur sourd ) et ne peut tre homodimris dans les conditionsnormales. Le rcepteur ERBB3 na pas dactivit tyrosine kinase (rcepteur muet ) :ses homodimres sont inactifs et seuls les htrodimres transmettent un signal.

    Lactivation des rcepteurs ERB-B

    La dimrisation de lEGFR est permise par le dmasquage dun site de liaison entredeux molcules de rcepteur, dmasquage provoqu par la liaison de chaque mol-cule de ligand avec une molcule de rcepteur. ltat inactif, le rcepteur est enconfiguration replie (tethered), ce qui ne permet pas dinteraction entre deux mol-cules de rcepteur (fig. 1-4). La liaison avec lEGF, au niveau des domaines extracel-lulaires 1 et 3, permet le passage une conformation dplie (extended) dvoilant, auniveau du domaine 2, un site de liaison avec une autre molcule de rcepteur ayantgalement fix une molcule de ligand. Le rcepteur ERBB2 na pas de ligand car il se

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 27

  • 28 Signalisation cellulaire et cancer

    Fig. 1-2 Les facteurs de croissance de la famille de lEGF.A. Structure primaire de lEGF, constitu de 53 acides amins avec trois ponts disulfure intra-molculaires.B. Structure gnrale des ligands de la famille de lEGF. LEGF lui-mme est synthtis sous laforme dun prcurseur transmembranaire comportant neuf motifs EGF qui peuvent tre clivspar une mtalloprotinase ; les autres facteurs sont galement synthtiss sous la forme de pr-curseurs transmembranaires clivables, mais ne comportent quun seul motif EGF.

    EREGAREGBTCTGFEGF

  • Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 29

    Fig. 1-3 Facteurs de croissance et rcepteurs de la famille ERBB.Les onze ligands et les quatre rcepteurs sassocient selon une combinatoire prcise en fonctionde laffinit respective de chaque ligand pour chaque rcepteur. Le signal qui en rsulte est din-tensit variable selon laffinit des diverses phosphotyrosines du rcepteur pour les protinesdotes de domaines SH2 ou PTB. Le rcepteur ERBB2 ne reconnat aucun ligand et son homo-dimrisation ne se produit que lorsquil est prsent en grande quantit dans la membrane. Lercepteur ERBB3 ne possde pas dactivit kinase et son homodimrisation nest suivie daucunsignal intracellulaire. Les principales protines reconnaissant les diverses phosphotyrosines, vialeur domaine SH2, sont indiques en dessous de chaque rcepteur, et limportance quantitativede linteraction reprsente par des +.

  • 30 Signalisation cellulaire et cancer

    Fig. 1-4 La dimrisation de lEGFR.En absence de ligand, lEGFR est en conformation replie et ne peut tre dimris ; en prsen-ce de ligand, il se produit une modification de la conformation du rcepteur qui dvoile un sitedaffinit au niveau du domaine extracellulaire II. Cette dimrisation permet la mise en contactdes domaines intracellulaires et leur phosphorylation rciproque.

    prsente en permanence dans une conformation dplie et peut ainsi se dimriseravec les autres rcepteurs sans activation pralable.

    La dimrisation permet la mise en contact des deux domaines catalytiques intra-cellulaires. Leur interaction permet louverture du site actif de lenzyme et laccessi-bilit de lATP au cur de ce site, que lon appelle souvent la poche ATP : uneactivit tyrosine kinase est alors possible. La disposition dans lespace des deuxdomaines catalytiques permet la phosphorylation de rsidus tyrosine de chacun deux(fig. 1-5). Ces phosphotyrosines sont alors reconnues par des protines porteuses dedomaines SH2 et PTB et les deux types de signalisation prsents prcdemmentpeuvent alors tre mis en uvre, dune part par lintermdiaire de kinases et de phos-phatases qui sont phosphoryles et actives, comme SRC et SHP1, dautre part parlintermdiaire de protines adaptatrices comme GRB2 ou PIK3R1. Les phosphoty-rosines reconnues par chacune de ces protines ont t identifies ; par exemple, laprotine SRC reconnat avec une affinit leve la phosphotyrosine 974 de lEGFR, laphosphatase SHP1 la phosphotyrosine 1173, la protine GRB2 les phosphotyrosines1148 et 1173, etc. De plus, les diffrents ligands qui activent lEGFR ninduisent pasla phosphorylation des mmes tyrosines : il en rsulte des effets spcifiques du TGFou de lAREG par rapport ceux de lEGF.

    Les diffrents rcepteurs ERBB sont activs par leurs ligands et activent leur tourles protines daval selon les mmes mcanismes gnraux, mettant en jeu homo- ouhtrodimrisation et autophosphorylation. Outre les diverses combinaisonspossibles dj voques (homodimres et htrodimres) et les facteurs de croissancequi prsident leur formation, la figure 1-3 prsente les principales protines qui sontactives par chacun des rcepteurs et lintensit du signal qui rsulte de leur activa-tion. Comme les protines domaine SH2 ou PTB ont des affinits variables pour les

  • diffrentes phosphotyrosines des rcepteurs, la nature et lintensit du signal varienten fonction du dimre form, des tyrosines phosphoryles et des protines domaineSH2 ou PTB disponibles dans la cellule.

    Les rcepteurs ERBB sont internaliss par endocytose et sont ensuite soit recycls,soit dsactivs par transfert vers les lysosomes. La fixation du ligand acclre linter-nalisation et diminue ainsi lexpression du rcepteur la surface de la membrane.Linternalisation se fait dans des vsicules clathrine et peut tre suivie, aprs trans-fert dans des endosomes, dune ubiquitinylation par une E3 ubiquitine ligase (voirAnnexe C), la protine CBL (Casitas B-lineage lymphoma), qui possde un motif dereconnaissance des phosphotyrosines.

    Altrations oncogniques

    Lamplification du gne EGFR et celle du gne ERBB2 sont des vnements oncog-niques ; pour EGFR, cette amplification est rencontre dans plusieurs cancers pith-liaux, mais son importance dans loncogense reste discute ; pour ERBB2, uneamplification est rencontre dans 15 25 % des cancers du sein, dautant plusfrquemment que la tumeur est de stade avanc. On la rencontre galement dans lescancers gastriques. Le mcanisme par lequel cette amplification survient nest pasentirement compris lheure actuelle.

    Deux grands types de mutations oncogniques sont rencontrs au niveau delEGFR. Le premier type concerne des mutations des domaines extracellulaires dontune partie est ampute, ce qui conduit une activation permanente du rcepteur enabsence de ligand. Ces mutations, dont la mutation vIII est la plus frquente, serencontrent dans les glioblastomes. Le second type concerne le site catalytique intra-cellulaire du rcepteur (activit tyrosine kinase). Elles ont t identifies dans un petitcontingent de cancers du poumon et rendent accessible en permanence ce site cata-lytique lATP : elles permettent lautophosphorylation croise des rsidus tyrosineen absence dun signal mitogne et dune dimrisation du rcepteur. Ces mutationsse rencontrent au niveau de lexon 18 (G719X), de lexon 19 (dltions diverses descodons 746-750), de lexon 20 (rares insertions) et de lexon 21 (L858R). Comme ellesentranent louverture du site de fixation de lATP, elles sont responsables de la sensi-bilit des cellules tumorales aux inhibiteurs de lactivit tyrosine kinase du rcepteur.

    Cibles pharmacologiques

    LEGFR peut tre reconnu et bloqu par des anticorps ; deux dentre eux ont t missur le march : le cetuximab (chimrique) et le panitumumab (humain). Dautressont en dveloppement. Le rcepteur ERBB2 peut tre reconnu et bloqu par diversanticorps comme le trastuzumab, qui a fait la preuve de son efficacit dans les cancersdu sein prsentant une amplification du gne ERBB2, en situation mtastatique

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 31

  • 32 Signalisation cellulaire et cancer

    Fig. 1-5 Lautophosphorylation de lEGFR.A. Avant activation du rcepteur, le site catalytique est inaccessible pour lATP en raison de laprsence des deux leucines 834 et 837 ;B. Lors de lactivation du rcepteur, le site catalytique souvre et lATP peut ragir avec les acidesamins chargs (lysine 721 et acide glutamique 738). C. La phosphorylation des tyrosines Y de la deuxime molcule de rcepteur est possible grce lactivation du rcepteur.

    comme en situation adjuvante. Les anticorps commercialiss ou en dveloppement neciblent pas toujours les mmes pitopes sur le rcepteur cible et peuvent par cons-quent avoir un intrt thrapeutique spcifique.

    Deux inhibiteurs de lactivit tyrosine kinase de lEGFR ont t dvelopps : legefitinib et lerlotinib. Ces deux ITK sont assez spcifiques de lEGFR et ne semblentactifs que lorsque existe une mutation activatrice au niveau du domaine tyrosinekinase du rcepteur. Dautres ITK prsentent une spcificit moindre et une activitcroise sur plusieurs rcepteurs ERBB et mme sur des rcepteurs dautres famillescomme celle des VEGFR. Le lapatinib (actuellement sur le march), le PKI-166 et leGW-2016 prsentent une activit inhibitrice croise de lEGFR et de ERBB2. Le caner-tinib et le nratinib, encore au stade du dveloppement, sont capables dinhiber defaon irrversible lensemble des rcepteurs ERBB pour le premier, les rcepteurs

  • EGFR et ERBB2 pour le second. Enfin, le vandetanib et lAEE788 ont une activitcroise sur lEGFR et le VEGFR2, et il est difficile de savoir quelle est la cible mol-culaire la plus pertinente de ces molcules.

    Les autres familles de facteurs de croissance

    Les facteurs de croissance de la famille du FGF (Fibroblastic growth factor)

    Il existe plus de vingt facteurs de croissance de la famille du FGF, numrots la suitedu FGF1 (autrefois appel FGFA, acide ou alpha) et du FGF2 (FGFB, basique oubta). Les FGF ont de multiples rles dans le dveloppement spcifique de nombreuxtissus ; en particulier, le FGF2 joue un rle important dans langiogense. Les FGFsont reconnus par quatre rcepteurs distincts, de FGFR1 FGFR4, lexception dungroupe de facteurs, appels FHF (FGF homologous factors) qui nont pas de site deliaison avec les rcepteurs. Laction des FGF est dpendante de la prsence dun glyco-saminoglycane, lhparane sulfate, qui joue le rle de corcepteur pour les FGF. Lesrcepteurs FGFR1, 2 et 3 se prsentent sous deux isoformes, b et c, rsultant dun pis-sage alternatif et exprimes les unes dans les tissus conjonctifs, les autres dans lestissus pithliaux, et ne se liant pas avec la mme affinit leurs substrats FGF.

    Comme pour lEGFR, la dimrisation du rcepteur est lorigine de son activa-tion. Toutefois, il semblerait quun mode de dimrisation distinct soit luvre ; ilimpliquerait dune part lexistence de deux sites de liaison sur le rcepteur pour lefacteur de croissance, lun haute et lautre basse affinit ; et dautre part lexistencedun site de liaison du rcepteur et du facteur de croissance avec lhparane sulfate.La combinatoire de linteraction des FGF avec leurs rcepteurs est trs complexe et lafigure 1-6A essaie simplement dillustrer cette complexit pour les sept premiersfacteurs de croissance de la famille FGF seulement. Enfin, lactivation des substratsdes tyrosine kinases des FGF implique la phosphorylation intermdiaire de dockingproteins appeles FRS (FGF receptor substrate).

    Sur le plan oncognique, signalons que le FGF3 est lhomologue de loncognemurin Int2 et que ce gne est amplifi dans de nombreuses tumeurs humaines. Parailleurs, des altrations des FGFR ont t dcrites dans de nombreuses tumeurs, prin-cipalement des mutations activatrices du domaine kinase ; cest le cas pour le FGFR1dans les glioblastomes, du FGFR2 dans les cancers de lendomtre ou du FGFR3 dansle mylome multiple et les cancers de la vessie. Une translocation t(8;9)(p11;q33) dugne FGFR1 est responsable de la dimrisation spontane du rcepteur dans lessyndromes myloprolifratifs. Enfin, la surexpression du rcepteur FGFR1 est unphnomne important retrouv dans la majorit des cancers de la prostate.

    Dans la panoplie des ITK, il nen existe pas qui ciblent exclusivement, ou mmeprfrentiellement, les rcepteurs des FGF. Toutefois, des molcules comme le suni-tinib ont une activit importante sur un grand nombre de RTK (voir le paragraphesuivant), y compris les FGFR. Par ailleurs, des anticorps dirigs contre le FGFR3 sonten dveloppement pour le traitement des cancers de la vessie et du mylome multiple.

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 33

  • 34 Signalisation cellulaire et cancer

    Fig. 1-6 Facteurs de croissance et rcepteurs dautres familles de RTKLa combinatoire de linteraction des facteurs de croissance et de leurs rcepteurs est prsentepour les sept premiers membres de la famille du FGF (A) et pour les membres de la famille duVEGF (B), du PDGF (C) et des IGF (D).

  • Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 35

    Facteurs de croissance de la famille du VEGF (Vascular endothelial

    growth factor)

    Quatre facteurs de croissance vasculo-endothliaux, VEGFA VEGFD, ont t iden-tifis, auxquels il faut ajouter le PlGF ou PGF (Placental growth factor) qui en est trsproche. Ils sont scrts sous forme homodimrique, les monomres tant lis pardeux ponts disulfure. Il existe trois rcepteurs activit tyrosine kinase correspon-dants, VEGFR1 (FLT1, FMS-like tyrosine kinase 1), VEGFR2 (KDR, Kinase insertdomain protein receptor ou FLK1, Fetal liver kinase 2) et VEGFR3 (FLT4, FMS-liketyrosine kinase 4). Ces facteurs de croissance stimulent plus particulirement la proli-fration des cellules endothliales, cest--dire de cellules normales, non cancreuses,mais qui concourent loncogense en formant les vaisseaux ncessaires la nutri-tion de la tumeur. Le VEGFR2 est le principal mdiateur de lactivit pro-angiog-nique du VEGF au niveau des tumeurs et le VEGFR3 le mdiateur de lalymphangiogense. Le VEGFA reconnat et active les rcepteurs VEGFR1 et VEGFR2,le VEGFB et le PlGF reconnaissent et activent le VEGFR1, alors que les VEGFC et Dont pour rcepteur le VEGFR3 (fig. 1-6B). Les neuropilines (NRP) 1 et 2 jouent unrle de corcepteurs du VEGFA, capables de lier le facteur de croissance sans pouvoirtransmettre de signal. Elles sont associes aux rcepteurs VEGFR1 et R2 et semblentindispensables leur action. Leur rle sera dcrit dans le chapitre 10.

    Il existe plusieurs formes molculaires du VEGFA, dues un pissage alternatif(voir Annexe B). La forme principale, le VEGF165, est dpourvue du produit delexon 6. Lisoforme VEGFA121, laquelle manque le produit des exons 6 et 7, a unetrs faible affinit pour les glycosaminoglycanes et a par consquent une diffusibilittrs suprieure dans le milieu extracellulaire, alors que les isoformes VEGFA186 etVEGFA201 ont une forte affinit pour ces composs et restent la surface des cellulesproductrices. Laffinit pour les neuropilines diffre galement pour ces diversesisoformes, le VEGFA121 nayant pas de site de reconnaissance.

    La production du VEGF par les cellules tumorales, stimule par divers signauxcomme linflammation et lhypoxie, est responsable de la no-angiogense dont lestumeurs en formation ont besoin pour crotre au-del de quelques millimtres. Lacellule endothliale ne participe pas elle-mme au phnotype cancreux et, du fait dela stabilit gntique qui caractrise la nature non cancreuse des cellules endoth-liales dans les tumeurs, les rcepteurs du VEGF ne peuvent prsenter de mutationoncognique. Comme nous lavons mentionn plus haut, un anticorps anti-VEGFA,le bevacizumab, a t commercialis et son action anti-angiogne est mise profitdans le traitement des cancers colorectaux et le sera bientt dans dautres indications.Une autre approche pour cibler ce mme facteur de croissance utilise un pseudo-anti-corps, VEGF-trap ou aflibercept, dont le segment Fab est remplac par la squence durcepteur implique dans la reconnaissance du VEGF : il en rsulte une plus grandeaffinit de ce compos pour le VEGF.

    Des anticorps anti-VEGFR sont en cours dvaluation, mais cette approche na pasencore apport la preuve de son intrt. De nombreux inhibiteurs de tyrosine kinaseont t dvelopps contre les rcepteurs des VEGF, avec une spcificit variable et une

  • inhibition concomitante dautres RTK. On ne sait pas encore si cette faible spcificitest un atout ou un inconvnient pour le dveloppement de ces inhibiteurs.

    Les ITK dirigs contre les VEGFR actuellement sur le march sont le sunitinib etle sorafnib, qui avait t slectionn initialement comme inhibiteur de lasrine/thronine kinase B-RAF. Dautres molcules sont en dveloppement commelaxitinib ou le vatalanib (tableau 1-2). La plupart sont galement inhibitrices desrcepteurs KIT et FLT3 et de ceux du PDGF et des FGF.

    Facteurs de croissance de la famille du PDGF

    (Platelet-derived growth factor)

    Quatre facteurs de croissance, PDGFA PDGFD, ont t identifis. Ils fonctionnentaprs dimrisation soit en homodimres AA, BB, CC et DD, soit en htrodimres AB.Lassociation des monomres se fait par formation de ponts disulfure. Ils sontreconnus par deux rcepteurs, PDGFRA ou et PDGFRB ou , qui formeront leurtour des homodimres ou et des htrodimres , grce au fait que le facteurde croissance se prsente dj sous la forme dun dimre, ce qui permet lassociationde deux molcules de rcepteur. La combinatoire de lactivation des rcepteurs par lesfacteurs de croissance correspondants nest pas entirement connue ; les dimres deligands PDGFAA et CC activent la formation de dimres de rcepteurs PDGFR etles dimres de ligands PDGFBB et DD activent la formation de dimres de rcepteursPDGFR (fig. 1-6C). Les actions exerces dpendent videmment en outre de lqui-pement des diffrents types cellulaires en chaque varit de rcepteur.

    En raison de la parent structurale de leurs rcepteurs, on a pu rattacher cettefamille dautres facteurs de croissance : le SCF (Stem cell factor) qui reconnat le rcep-teur KIT (ou SCFR pour Stem cell factor receptor) et dont le nom officiel est KITLG(KIT ligand) ; le FLT3 ligand (FLT3LG) qui reconnat le rcepteur FLT3 (FMS-liketyrosine kinase 3) ou FLK2 (Fetal liver kinase 2) ; et le CSF1 (Colony-stimulatingfactor 1) qui reconnat le rcepteur CSF1R. Ces facteurs de croissance sont souventappels des cytokines ; il est noter que toutes les autres cytokines agissent via desrcepteurs sans activit tyrosine kinase, mais activant une tyrosine kinase cytoplas-mique (voir chapitre 4).

    Le PDGFB est lhomologue de loncogne murin Sis ; des mutations de ce gneont t rencontres dans des mningiomes, et une translocation rciproque t(22;7)dans une forme rare de sarcome cutan. Les rcepteurs PDGFRA et PDGFRB subis-sent des altrations dans plusieurs types de cancers : syndromes myloprolifratifs,mastocytose, sarcomes gastro-intestinaux (GIST, gastro-intestinal stromal tumor). Cesaltrations peuvent tre des translocations qui conduisent des gnes de fusion, oudes mutations activatrices au niveau des exons, 12 (rgion juxta-membranaire), 14(domaine kinase) et 18 (bouche activatrice) des rcepteurs.

    Le rcepteur KIT peut tre mut au niveau de plusieurs exons (exons 11, 13, 17)et ces mutations activatrices sont rencontres dans les GIST dont ils constituent

    36 Signalisation cellulaire et cancer

  • laltration oncognique la plus caractristique. Lamplification du gne KIT estrencontre galement dans ces tumeurs. Le rcepteur FLT3 est mut dans environ untiers des leucmies mylodes aigus, en particulier au niveau du domaine juxta-membranaire qui joue un rle de rgulation ngative, et au niveau du domaine kinase(acides amins D835 et I836).

    Comme nous lavons mentionn ci-dessus, les parents structurales entre RTK desfamilles des rcepteurs du VEGF et des rcepteurs du PDGF conduisent des activitscroises des inhibiteurs sur plusieurs rcepteurs simultanment : lactivit anti-angio-gne et lactivit antitumorale sont difficiles discerner. Limatinib, dvelopp initia-lement dans le traitement de la leucmie mylode chronique en raison de son activitinhibitrice de la tyrosine kinase cytoplasmique ABL, a une activit marque sur lercepteur KIT qui en fait le premier mdicament prescrit dans les GIST. Dans cetteindication, le nilotinib et le dasatinib ont galement une activit prfrentielle pource rcepteur, mais diffrent de limatinib en ce sens quils conservent leur activit lorsde lmergence de mutations entranant une rsistance limatinib. La dfinition destratgies thrapeutiques destines optimiser lutilisation des diverses molculesdisponibles est un important sujet de recherche dans cette pathologie.

    Facteurs de croissance de la famille de linsuline

    Linsuline, hormone pancratique bien connue, a certaines des proprits des facteursde croissance, tout particulirement en ce qui concerne son mcanisme daction, quipasse par lactivation dun RTK. Les analogues de linsuline (Insulin-like growthfactors, IGF ou somatomdines) rpondent mieux la dfinition des facteurs de crois-sance, bien quils soient essentiellement produits par un seul organe, le foie. Seuls lestissus concerns par le mtabolisme glucidique expriment le rcepteur de linsuline(INSR) alors que de nombreux tissus pithliaux expriment le rcepteur des IGF,appel IGF1R ou IGFR1. Ces rcepteurs ont une structure originale, car ils sontconstitus de deux chanes polypeptidiques, lune seulement extracellulaire et lautresurtout intracellulaire, runies par un pont disulfure. Les homodimres INSR/INSRpeuvent tre forms par linsuline et lIGF2, alors que les homodimres IGF1R/IGF1Ret les htrodimres INSR/IGF1R peuvent tre forms par lIGF1 et lIGF2 (fig. 1-6D).Il existe un faux rcepteur des IGF, appel IGF2R ou IGFR2, qui entrane la dgra-dation de lIGF2, ne peut transduire de signal et se comporte comme un inhibiteurde cette voie de signalisation. Lactivation des protines cibles des rcepteurs se faitpar lintermdiaire de docking proteins, les IRS (Insulin receptor substrate), qui sontphosphoryles par le rcepteur et sont ensuite reconnues principalement par la sous-unit rgulatrice de la PI3 kinase ; la voie de la PI3 kinase est en effet lune des prin-cipales voies actives par linsuline et les IGF (chapitre 3).

    Sur le plan de loncogense, il a t suggr que les taux circulants dIGF1 pour-raient tre associs au risque de survenue dun cancer. Le rcepteur de linsuline et lercepteur IGF1R sont frquemment surexprims dans les cellules cancreuses sansque lamplification des gnes correspondants ait t note. En revanche, lIGF2R joue-

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 37

  • rait un rle suppresseur de tumeurs plutt quoncognique : il est en effet capable dese lier lIGF2 sans pouvoir transmettre un message, limage du rcepteur ERBB3dans la famille des rcepteurs de lEGF. On na pas identifi ce jour de mutationsoncogniques au niveau des rcepteurs de cette famille.

    Selon le principe du ciblage extracellulaire du facteur de croissance, des anticorpsdirigs contre lIGF1 et lIGF2 sont en dveloppement prclinique. Le ciblage desrcepteurs des IGF est en plein essor ; les approches sont du mme type que celles quisont appliques aux autres familles : ciblage du rcepteur IGF1R par des anticorpscomme le figitumumab ou par des inhibiteurs de son activit tyrosine kinase commele BMS-554417. Dans ce dernier cas, la possibilit dune inhibition croise du rcep-teur de linsuline fait redouter des effets secondaires mtaboliques incompatibles avecle traitement des cancers.

    Facteurs de croissance de la famille de langiopotine

    Langiopotine est un facteur de croissance endothlial, comme le VEGF, et joue doncun rle au niveau de langiogense, ce qui explique son intrt potentiel en cancro-logie. Comme les gnes des VEGF, la transcription des gnes des angiopotines est,entre autres choses, active par lhypoxie par lintermdiaire des protines HIF(chapitre 16). Il existe deux rcepteurs, TIE1 (Tyrosine kinase with immunoglobulin-like and EGF-like domains 1) et TEK (Tyrosine kinase, endothelial), encore appelTIE2, et trois ligands (angiopotines 1, 2 et 4, ANGPT 1-4), auxquels sajoutent septfacteurs apparents, les protines angiopoietin-like (ANGPTL 1 7), dont le rcepteurreste inconnu ce jour, mais qui ont un effet positif ou ngatif, selon les cas, sur lan-giogense. Les ANGPT1 et ANGPT4 activent le rcepteur TEK, prsent exclusivementsur les cellules endothliales, et stimulent la croissance cellulaire, alors que lANGPT2nactive pas le rcepteur et se comporte comme un inhibiteur de cette voie. Les ligandsdu rcepteur TIE1 ne sont pas connus.

    Une approche pharmacologique originale de cette voie consiste en un blocage delinteraction entre angiopotine et rcepteur TIE2 ; ce blocage peut tre ralis parun peptibody, lAMG386, constitu dun peptide mimant le ligand coupl un frag-ment Fc dimmunoglobuline pour en assurer la stabilit.

    Facteurs de croissance de la famille de lHGF (Hepatocyte growth factor)

    Le rcepteur MET (Mesenchymal-epithelial transition factor receptor tyrosine kinase)est un RTK activ par un facteur de croissance nomm HGF (Hepatocyte growthfactor), connu antrieurement sous le nom de SF (Scatter factor). De nombreuxcancers mettent en jeu la voie ouverte par activation de MET qui jouerait un rlemajeur dans le processus dinitiation de la mtastase lors de la transition pithlio-msenchymateuse : surexpression dHGF ou de MET, rarrangement du gne MET,

    38 Signalisation cellulaire et cancer

  • cration de boucles autocrines. Des mutations du domaine kinase de MET se rencon-trent dans les cancers du rein. Le rcepteur MET et le rcepteur apparent RON(Rcepteur dorigine nantaise) ou MST1R (Macrophage stimulating 1 receptor), dont leligand est lHGFL (Hepatocyte growth factor like) ou MST1 (Macrophage stimula-ting 1), ont des domaines extracellulaires dinteraction avec les neuropilines quiservent ainsi de corcepteurs lHGF (chapitre 10).

    Des approches pharmacologiques classiques ciblant le facteur HGF ou le rcep-teur MET sont en dveloppement : anticorps anti-HGF, anticorps anti-MET, inhibi-teurs plus ou moins spcifiques de lactivit tyrosine kinase de MET.

    Facteurs de croissance de la famille GDNF (Glial cell line-derived

    neurotrophic factor)

    Le rcepteur RET (Rearranged during transfection) est un RTK impliqu dans le dve-loppement normal de la crte neurale. Il possde une parent structurale avec lescadhrines (chapitre 11). RET est activ par un complexe appel GDNF qui estconstitu dun ligand GFL (GDNF family ligand) et dun corcepteur GFR (GDNFfamily receptors alpha). Ses mutations germinales sont associes aux noplasies endo-crines multiples de type II et ses mutations somatiques aux cancers mdullaires de lathyrode.

    Plusieurs ITK large spectre ont montr, au moins in vitro, une capacit inhiberlactivit tyrosine kinase du rcepteur RET ; cest le cas du vandetanib, du sunitinibet du motesanib. Des composs plus spcifiques de RET sont activement recherchs.

    Facteurs de croissance de la famille des phrines

    Les rcepteurs des phrines (EPH) constituent le groupe le plus important des RTK(treize membres, rpartis en deux groupes A et B). Leurs ligands sont les phrines(EFN), au nombre de huit, rparties elles aussi en deux groupes A et B, les EFNApouvant lier tous les EPHA et les EFNB tous les rcepteurs EPHB. Les phrines A sontlies la membrane de la cellule source par une ancre de glycosyl-phosphatidylino-sitol (Annexe C), les phrines de la famille B ayant un domaine transmembranaire.Dans les deux cas, ce sont donc des phnomnes de juxtacrinie qui sont mis en uvre.Les phrines sont impliques dans les phnomnes de migration cellulaire, de guidageaxonal et de dveloppement vasculaire. Leurs actions intracellulaires mettent en jeuen particulier la tyrosine kinase cytoplasmique ABL et des facteurs dchange depetites protines G comme RHO. Elles ouvrent des voies originales de rgulationpositive ou ngative de la prolifration, en fonction des vnements postrieurs lac-tivation des rcepteurs, qui sont lis la nature de la protine domaine SH2 quivient se fixer sur le rcepteur activ.

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 39

  • Des altrations de lexpression des rcepteurs EPH sont rencontres dans denombreux types de cancers et elles semblent concourir loncogense soit en tant quepromoteurs (surexpression), soit en tant que suppresseurs (perte dexpression) detumeurs. Des mutations des gnes de certains rcepteurs EPH ont galement tdcrites. Les phrines et leurs rcepteurs sont galement impliqus dans langioge-nse, ce qui peut en faire des cibles pharmacologiques doublement pertinentes enoncologie. La rgulation ngative dEPHA2 par EFNA1 offre un terrain intressant la recherche, en particulier grce des anticorps dirigs contre EPHA2.

    Autres couples facteurs de croissance RTK

    Nous ne ferons que mentionner brivement les autres RTK ; ils sont moins tudis etleur implication dans loncogense est gnralement moins claire que pour la plupartdes autres rcepteurs que nous avons passs en revue.

    Rcepteurs NTRK (Neurotrophic tyrosine kinase receptor) ou TRK

    (Tropomyosin receptor kinase)

    Trois rcepteurs (NTRK1 3) et quatre ligands (NGF [Nerve growth factor], BDNF[Brain-derived neurotrophic factor], NT [Neurotrophin] 3 et 4) sont exprims essen-tiellement dans le tissu crbral et interviennent dans le dveloppement du systmenerveux. Le NTRK1 et le NTKR3 sont surexprims dans les neuroblastomes de bonpronostic et disparaissent aux stades avancs. linverse, le NRTK2 et son ligandBDNF sont surexprims dans les neuroblastomes de haut grade, en corrlation aveclamplification de loncogne MYCN. Des rarrangements de gnes NTRK ont tdcrits dans les carcinomes papillaires de la thyrode et certains sarcomes de lenfant.Une surexpression de gnes NTRK a t observe dans des tumeurs du sein et de laprostate. Le lestaurtinib (CEP-701) est un inhibiteur des NTRK (et de FLT3) et bloqueleur activation ; il est actuellement en phase dessais cliniques dans les neuroblas-tomes.

    Rcepteurs TAM (Tyro 3, Axl and Mertk)

    Cette famille contient trois rcepteurs, AXL (de Anexelekto, qui signifie noncontrl en grec), MERTK (Monocytes, epithelial and reproductive tissues tyrosinekinase) et TYRO3 (Tyrosine kinase 3), et deux ligands, GAS6 (Growth arrest-specificgene 6) et PROS1 (Protein S). Les rcepteurs ont t initialement clons de cellulesleucmiques et considrs comme proto-oncognes. Ils sont activs par amplification,mais des mutations ou des rarrangements nont jamais t rencontrs dans lescancers. En revanche, le niveau dexpression semble reli la malignit de tumeurssolides, glioblastomes en particulier. Anticorps, petites molcules inhibitrices de lac-tivit tyrosine kinase ont t proposs en thrapeutique.

    40 Signalisation cellulaire et cancer

  • Rcepteurs DDR (Discoidin domain receptor)

    Ces deux rcepteurs, DDR1 et DDR2, possdent un domaine extracellulaire unique,homologue de la discodine de Dictyostelium discoideum. Ce sont en fait des rcep-teurs du collagne, au mme titre que les intgrines (chapitre 11) et ils jouent un rledans ladhsion des cellules pithliales la matrice extracellulaire, do leur nom deCell adhesion kinases (CAK). Ils sont surexprims dans de nombreux types de carci-nomes et sont impliqus dans linvasivit des cancers.

    Rcepteurs LTK (Leukocyte receptor tyrosine kinase) et ALK (Anaplastic

    lymphoma kinase)

    Ces deux rcepteurs sont impliqus dans les hmopathies malignes, en particulierALK ( ne pas confondre avec les protines ALK1 ALK7 qui sont des srine/thro-nine kinases de la voie du TGF, chapitre 5) qui est rarrang dans les lymphomesanaplasiques B et dans quelques tumeurs solides. ALK est un bon candidat pour ledveloppement de thrapies cibles utilisant des inhibiteurs de son activit tyrosinekinase ou des approches de vaccination. Les ligands de ces rcepteurs sont de petitsprotoglycanes lis lhparane sulfate, la pliotrophine (PTN) et la midkine (MDK).

    Rcepteurs ROR (Receptor tyrosine kinase-like orphan receptor)

    Ces rcepteurs ont longtemps t considrs comme orphelins , cest--dire sansligand connu ; ils reconnaissent en fait les protines WNT (chapitre 7) dont ils consti-tuent des rcepteurs annexes pour les voies non canoniques. Ils jouent un rle dansla motilit et la polarit cellulaires, dans le dveloppement neuronal et squelettique.ROR1 est surexprim dans les leucmies aigus lymphoblastiques et ROR2 est mutdans des maladies dysmorphiques hrditaires.

    Rcepteur ROS

    Ce rcepteur est le produit dun proto-oncogne, et son ligand demeure inconnu. Desrarrangements gntiques de ROS ont t observs dans les glioblastomes et lescancers bronchiques, et une surexpression dans plusieurs types de tumeurs solides.

    Rcepteur PTK7

    Ce rcepteur est dpourvu dactivit tyrosine kinase et assurerait des fonctions dadhsion. Il a t trouv surexprim dans les cancers colorectaux.

    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 41

  • Rcepteur MUSK (Muscle, skeletal, receptor tyrosine kinase)

    Cest un rcepteur localis au niveau des synapses neuromusculaires. Ses mutationsinvalidantes sont lorigine de la myasthnie.

    Rcepteurs AATK (Apoptosis-associated tyrosine kinase)

    ou LMR (de Lemur)

    Ces trois rcepteurs activit tyrosine kinase sont impliqus dans la diffrenciationneuronale et sont encore mal connus.

    Rcepteur RYK

    Comme les rcepteurs ROR, ce rcepteur est impliqu dans la rception des protinesWNT (chapitre 7).

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    Les facteurs de croissance et les rcepteurs activit tyrosine kinase 43

  • Introduction

    La voie des MAP kinases (on devrait dire les voies des MAP kinases) est une des prin-cipales voies de prolifration cellulaire, lune des mieux connues, celle dont les altra-tions oncogniques ont suscit le plus de travaux, celle que lon cherche le plus ciblersur le plan pharmacologique. Elle est situe en aval de nombreux rcepteurs, en parti-culier les rcepteurs de la famille de lEGFR, et aboutit lactivation de facteurs detranscription, les MAP (Mitogen-activated proteins), qui gouvernent la transcription denombreux gnes ncessaires la rplication de lADN et la mitose. ct de la voieclassique, la mieux connue, que nous prsenterons de faon dtaille, existent des voiesen tous points parallles qui sont actives par dautres stimulus, aboutissent lactiva-tion dautres facteurs de transcription et sont plus impliques dans la rponse au stress,linflammation et le dveloppement que dans la prolifration cellulaire.

    Dans le chapitre prcdent, nous avons montr que les tyrosines phosphates durcepteur activ pouvaient tre reconnues par de nombreuses protines adaptatricesdotes dun domaine de reconnaissance SH2 ou PTB. Nous partirons ici de certainesde ces protines qui vont associer lactivation du rcepteur une protine dchangeGTP-GDP, qui son tour active une petite protine G dont le rle est capital, laprotine RAS (Rat sarcoma). Cette activation de RAS permettra la mise en uvredune cascade de phosphorylations aboutissant lactivation de facteurs de trans-cription.

    De lactivation du rcepteur lactivation de RAS

    La protine GRB2 (Growth factor receptor-bound protein 2) est une protine adapta-trice dote de domaines SH2 et SH3. Son domaine SH2 reconnat des tyrosines phos-phates du RTK activ (voir chapitre 1). Cela permet le recrutement la membranedun facteur dchange GTP-GDP, nomm SOS1 (Son of sevenless homolog 1), dont lerle est de fixer sur la protine RAS un GTP la place du GDP ; cest le rle dunefamille de protines que lon appelle des GEF (Guanine nucleotide exchange factor). Si

    Chapitre 2La voie des MAP kinases

  • la voie EGFR-GRB2-SOS1-RAS est la mieux connue, il en existe de multiplesvariantes : dautres protines adaptatrices sont capables de coupler le RTK activ laprotine RAS, en particulier, dans le cas des FGF (Fibroblastic growth factor), uneprotine FRS (FGF receptor substrate) qui est phosphoryle par le rcepteur, et dontles phosphotyrosines sont ensuite reconnues par la protine GRB2. Par ailleurs,dautres protines dchange GTP-GDP existent, susceptibles elles aussi dactiver laprotine RAS ; elles sont recrutes par divers types de RTK ainsi que par dautres typesde rcepteurs.

    Il existe trois protines RAS homologues, K-RAS (Kirsten RAS), H-RAS (HarveyRAS) et N-RAS (Neuroblastoma RAS), qui se distinguent par leur spcificit tissulaire.Elles appartiennent la famille des petites protines G, qui fonctionnent selon lemme mcanisme : un facteur dchange GEF remplace le GDP, pour lequel elles ontune affinit importante, par du GTP. Ce remplacement induit un changement deconformation de la protine G qui lui permet dexercer une action en aval, parexemple, pour la protine RAS, de se lier une srine/thronine kinase RAF et de lac-tiver. Les petites protines G possdent une activit GTPasique qui leur permetensuite dliminer le phosphate en gamma du nuclotide et de revenir leur formepremire, lie au GDP. Cette activit GTPasique est stimule par un facteur activateurGAP (GTPase-activating protein).

    Il existe une grande varit de petites protines G et des modulateurs de leur acti-vit, GEF et GAP. Dans le cas des protines RAS et en rponse lactivation dun RTK,le GEF est donc la protine SOS1 et le GAP une protine nomme RASGAP. Un autreGEF de RAS, nomm RASGRP (RAS guanyl nucleotide releasing protein), peut treactiv par les seconds messagers, lIP3 (Inositol triphosphate), via le Ca2+ quil mobi-lise, et le DAG (Diacylglycrol), librs du phosphatidylinositol par la phospholipaseC gamma