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Kim Fournelle

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Copyright ©2013 Kim FournelleCopyright ©2013 SGNT Média Inc.Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

Révision linguistique : Maryse FaucherCorrection d’épreuves : Katherine Lacombe, Éliane BoucherConception de la couverture : Mathieu C. DandurandPhoto de la couverture : © ThinkstockMise en pages : Mathieu C. DandurandISBN papier 978-2-89736-027-6ISBN PDF numérique 978-2-89736-028-3ISBN ePub 978-2-89736-029-0Première impression : 2013Dépôt légal : 2013Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque Nationale du Canada

SGNT Média Inc.1385, boul. Lionel-BouletVarennes, Québec, Canada, J3X 1P7Téléphone : 450-929-0296Télécopieur : [email protected]

DiffusionCanada : Éditions AdA Inc.France : D.G. Diffusion Z.I. des Bogues 31750 Escalquens — France Téléphone : 05.61.00.09.99Suisse : Transat — 23.42.77.40Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

Imprimé au Canada

Participation de la SODEC.Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Fournelle, Kim

Anavélia Sommaire : t. 1. Les neuf médaillons -- t. 2. La quête des dieux. ISBN 978-2-89736-027-6 (vol. 1) ISBN 978-2-89736-030-6 (vol. 2)

I. Fournelle, Kim. Neuf médaillons. II. Fournelle, Kim. Quête des dieux. III. Titre. IV. Titre : Les neuf médaillons. V. Titre : La quête des dieux.

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Une pensée toute spéciale pour toi, grand-père, Toi, qui savais ce qu’était pour moi des « toasts pas cuites », Toi, qui nous regardes de là-haut, mais qui serais si fier de moi maintenant.

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Q ua n d l a mor t e s t d o uc e

Ses longs cheveux bruns ondulés virevoltaient dans tous les sens au gré du vent. Assise en tailleur au

milieu d’un cercle dessiné à la craie, une femme murmurait des incantations incompréhensibles. Des chandelles éclairaient la clairière et ses prières, et la lune étendait sa lueur argentée sur toute la plaine.

Sur ses mots, deux filaments de fumée verte montè-rent vers le ciel étoilé en s’entrecroisant toujours avec plus de rapidité. Ils quittèrent soudainement leur trajec-toire et bifurquèrent vers Tyffanie pour pénétrer dans sa bouche brusquement. Le ciel s’assombrit, ne laissant qu’une lueur pour apaiser ses craintes, une lueur qui bientôt disparaîtrait. La jeune femme essaya de crier, mais une main se posa brutalement sur sa bouche, l’en empêchant.

Tyffanie bascula brusquement dans une pièce sombre où elle se retrouva plaquée violemment contre un mur. Elle ouvrit vivement les yeux, et il se trouvait face à elle avec la même lueur démente dans le regard qui la

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hantait depuis ce jour. Une des fenêtres ouvertes laissait pénétrer, par l’entrebâillement des rideaux, un mince reflet de la fête qui battait son plein dans la cour arrière. Une douce brise soufflait sur eux, mais tout ce qu’elle sentait, c’était son souffle chaud sur son visage pendant qu’il détachait sa robe en lui murmurant des obscénités à l’oreille. Elle essayait vainement de se libérer, mais plus elle se défendait, plus il serrait ses poignets qu’il tenait fermement collés au mur. Il la regarda durant quelques secondes avec un sourire victorieux, un sourire qu’elle se rappellerait chaque jour de son existence, un sourire qui, même des années plus tard, lui donnerait un goût amer quand elle ouvrirait les yeux.

D’un coup sec, il déchira sa robe sauvagement en continuant de respirer avec force, comme l’aurait fait une bête devant son repas. La jeune femme sentit les larmes inonder ses joues, ses forces l’abandonner et la honte se répandre dans son cœur brisé.

Tyffanie ouvrit les yeux durement pour constater à nouveau sa triste réalité. Elle avait toujours eu de la dif-ficulté à se faire à l’idée. Même après tant de jours passés, tant de mois, voire d’années, chaque réveil lui était une douleur habituelle, un réveil dans la dure réalité qui ne lui donnait jamais la chance de l’oublier complètement. En soupirant, elle observa le sombre rideau mauve et déchiré qui séparait l’entrée de sa chambre du couloir. Le bruit incessant du va-et-vient et de sa vie maintenant miséreuse y faisait rage et laissait déambuler les ombres des passants.

S’asseyant sur son matelas déchiré à quelques endroits, posé à même le sol, elle ramena ses cheveux sur son

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épaule gauche, habitude qu’elle avait prise quand un malaise l’envahissait.

L’unique pièce qui composait sa résidence était jouxtée à plusieurs autres dans cette maison de mau-vais quartier, ce bordel qu’elle habitait depuis presque deux ans. Elle ne possédait que ce matelas trouvé dans la rue, un long miroir rectangulaire taché et posé, lui aussi, à même le sol, appuyé de biais, et un seau pour se nettoyer, rempli d’une eau presque aussi sale qu’elle ne l’était déjà. L’hygiène n’avait jamais été leur fort dans cet endroit, et l’eau était dispendieuse, alors les filles devaient vivre avec ce que leur propriétaire leur offrait. Tyffanie gardait également sous son oreiller une dague pour se défendre contre certaines personnes, qu’elle ran-geait avec son boîtier de ramiel et sa pipe. Elle ne s’était jamais abandonnée à l’idée de laisser quiconque faire quoi que ce soit qu’elle n’eût pas permis. Quoique, dans ce coin perdu de l’enfer, le bonheur fût rare. Les limites, elles, étaient presque inexistantes. C’était le maître qui les tenait en laisse par cette drogue, qui les gardait accro-chés au bord du précipice et seul le diable qui la possé-dait les dominait.

La jeune femme se leva et se rendit à son miroir d’un pas traînant, son cerveau semblant sur le point d’ex-ploser dans son propre crâne. Étourdie, elle sentait des nausées et des crampes causées par la faim la tenailler. Elle ne s’était jamais habituée à vivre dans un bordel, ni à travailler pour le propriétaire qui les logeait dans ce taudis, gardant une partie de leur argent. Elle avait eu encore plus de difficulté à se faire à l’idée de vendre son propre corps pour survivre et pour avoir sa dose de

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drogue, mais la dépendance l’avait prise dans ses filets, son corps en demandait toujours plus, la faisant retom-ber dans la prostitution. Tout cela, simplement pour retrouver ses couleurs et ce monde si beau qui se créait quand la fumée pénétrait son corps meurtri, quand elle venait cajoler ses bronches et lui faisait oublier ce qui meublait maintenant sa vie misérable.

Alors, dans un effort ultime pour enterrer ce qui l’en-tourait, elle fumait fréquemment des feuilles de ramiel. Cette plante la mettait dans un état de totale confusion, et sa vie se déroulait à son propre rythme, en l’oubliant quelque part à l’intérieur d’elle-même. Elle avait l’im-pression que sa vie était embrouillée. Il n’y avait que les réveils qui la ramenaient dans sa propre tête doulou-reuse et dans sa réalité déchirante.

Sans grande volonté, elle posa ses mains de chaque côté du miroir et jeta un regard à son propre reflet, cette coquille vide de vie. Ses longs cheveux auburn défilaient sur son épaule, encerclant son visage pâle aux traits fati-gués, et ses seins étaient remontés par son corset ancien-nement blanc, maintenant souillé par la saleté présente et la fumée qui persistait toujours dans la maison de prostitution, mais qui s’agençait avec son état de misère. Ses petites culottes brunes, où s’attachaient ses jarre-telles, terminaient son habit de tous les jours, se reliant au corset par de fins cordages en cuir bruns.

Soupirant de dégoût et de désespoir devant sa propre image, elle en détacha son regard et prit sa robe qui traî-nait dans un coin. Elle l’enfila d’un mouvement non-chalant, mit sa cape sur ses épaules et poussa le rideau. Elle s’engouffra dans le couloir étroit et sale aux allures

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défraîchies, où les portes des autres chambres s’ali-gnaient les unes après les autres, faisant retentir des sons divers et des bruits de plainte ou de jouissance que seul dans l’univers des ténèbres il était possible d’entendre.

Tyffanie passa l’entrée sans porte et mit les pieds dans la rue sale, pavée de pierres polies et mal agencées. D’un pas assuré et coutumier, elle continua un moment, puis tourna dans une petite ruelle. Elle finit par s’arrêter devant un kiosque de rue, où un homme restait assis, l’air un peu hagard.

— Salut, Charam. L’homme aux cheveux noirs et au teint bronzé se leva

d’un bond, reprenant ses esprits maladroitement. — Hé, Tyff, trésor !Elle lui fit un mince sourire en guise de réponse

en l’entendant l’appeler ainsi avec son accent venu d’ailleurs.

— La même chose que d’habitude, lui demanda-t-elle dans la fumée qui émanait de sa cuisine mobile.

Autour d’eux, il y avait des bruits de partout. C’était le train infernal et habituel de tous les travailleurs et du ghetto qui s’entremêlaient, sans jamais s’arrêter. Le quartier de Losvandal était réputé pour le mauvais état de ses bâtiments, sa pauvreté et ses voyous qui cir-culaient à toute heure du jour et de la nuit. C’était un endroit peu recommandé pour quiconque était un tant soit peu sain d’esprit, mais c’était aussi l’endroit idéal choisi par les réfugiés, les bandits, les pirates et tous ceux qui n’avaient rien à perdre et tout à gagner. Même les forces de l’ordre ne se risquaient pas à entrer dans ses rues qui délimitaient la débauche à l’état pur, y laissant

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régner en toute illégalité les mécréants de la pire espèce. Seulement, Tyffanie ne s’en souciait guère. Elle n’avait plus peur que quelqu’un l’arrache à sa vie si vide.

— Tiens, mon trésor. Il lui tendit un sandwich de sa spécialité dans ses

mains crasseuses. Tyffanie le remercia en lui dépo-sant une pièce et s’en alla. Elle dévora son repas en pre nant l’air et en observant le soleil se coucher. Ce qui signifiait que ses clients réguliers arriveraient bientôt. Quel merdier était devenue sa vie ! Comment en était-elle arrivée là ? Elle l’ignorait tout simplement. Il y a longtemps, elle avait cessé de compter les jours, quelque chose d’étrange l’avait tirée de sa vie d’aristocrate. Avait-elle déjà été fille d’amiral ? Tout cela lui semblait si loin à présent.

S’en retournant vers son cauchemar, elle se perdit dans le bruit de ses talons hauts qui frappaient le sol de sa démarche amorphe et nonchalante. Elle se mit à divaguer sur sa vie, ce qui lui arrivait toujours dans ses instants peu fréquents de lucidité.

Elle le savait. Elle avait un jour vécu une autre vie, mais cette vie était révolue maintenant. Et pour quoi ? Pour rester dans un bordel et vendre son corps ? Quand elle pensait que c’était ce qui l’avait poussée à s’opposer à son père et à partir, elle s’en voulait énormément. Elle en voulait à la vie et elle lui en voulait à lui de l’avoir gâchée ainsi, en voulant lui imposer quelque chose qu’elle n’avait jamais souhaité.

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Londres, 1864

Cette journée-là, elle avait fait ce rêve qu’elle faisait depuis quelques années, depuis le jour fatidique où cette personne avait brisé en elle ce qu’elle avait de plus précieux : son innocence. Ce jour crucial où quelqu’un d’autre avait écrit dans le livre de sa vie, répandant de l’encre sur ses pages à elle, pour y inscrire un événement qu’elle aurait voulu effacer à jamais.

Tyffanie se réveilla en sursaut. Le soleil pénétrait par la fenêtre de sa chambre décorée de rideaux bleus. La jeune femme vit son reflet dans le miroir de sa coif-feuse en bois placée en face de son lit de satin blanc. Ses cheveux auburn cascadaient sur son épaule gauche, et son teint blême faisait ressortir le vert émeraude et pétillant de ses yeux. Elle laissa glisser ses mains fines et gra cieuses le long de sa silhouette pour s’assurer que c’était bel et bien un rêve. Ces mauvais souvenirs la han-teraient pour toujours, cette cruauté qui avait meurtri sa chair et son âme.

Elle détacha son regard de son reflet qu’elle obser-vait, anéantie. Elle le posa ensuite sur les rideaux de soie bleue qui descendaient le long des poteaux de son lit à baldaquin et entreprit de les rouler pour faire son lit.

Soudain, elle entendit des bruits dans l’escalier. Sa porte de chambre s’ouvrit en un coup de vent, laissant place à son demi-frère Jacob âgé de huit ans. De courts cheveux bruns pointaient sur sa tête et des yeux noisette reflétaient la malice du jeune garçon. Il était surprenant qu’à cet âge, il soit doté d’une aussi bonne carrure.

Il sauta sur le lit de Tyffanie.

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— Jacob, descends de mon lit, lui ordonna sa sœur avec autorité et frustration.

La nourrice, Lisette, entra quelques secondes après, le souffle court. Ses cheveux étaient soigneusement peignés en un chignon serré, et sa robe verte était recouverte de poussière. Sa peau lisse et douce montrait son âge peu avancé, mais sa maturité était sans égale. Les Maÿlis avaient décidé de l’engager pour son talent avec les enfants. Elle s’était occupée de Magalie, la jeune sœur de Tyffanie, et de Jacob avec soin. Tyffanie, à ce moment-là, était trop âgée pour avoir besoin d’une nourrice. C’était son père qui l’avait élevée tout seul, étant donné que sa nouvelle épouse, Priscilla, était arrivée dans leur vie quelques années plus tard. Malgré tout, il s’en était très bien sorti.

— Pardonnez-moi, miss. Je n’ai pu le retenir plus longtemps, s’excusa la nourrice d’une voix haletante en laissant passer la femme de chambre qui se dirigea vers le lit. Il m’a fait courir un peu, lui avoua-t-elle. Allez, jeune homme ! Votre mère serait indignée de savoir que vous courez dans la chambre de votre sœur aînée. Ce n’est pas très convenable de votre part de déranger les dames.

Jacob se résigna enfin à suivre sa nourrice qui lui ten-dait la main. Il se retourna vers Tyffanie et lui fit une grimace. Celle-ci prit un oreiller sur son lit et lui lança, mais au même moment, son père entra dans la pièce et le reçut en plein visage.

— Tu m’as raté, l’agaça Jacob de sa petite voix en riant à pleins poumons.

— Ça suffit, les enfants ! les réprimanda leur père. D’ailleurs, mon fils, tu ne devrais en aucun cas pénétrer

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dans la chambre d’une femme. Tu attendras un peu pour passer à cette étape.

Charles Maÿlis était un homme juste et pour qui les convenances étaient de la plus grande importance. Sa carrure imposante lui donnait une allure d’homme auto-ritaire, mais en réalité, il était plutôt un homme enjoué qui aimait les plaisirs de la table. Sa femme s’occupait de prendre les décisions concernant la maison et l’éduca-tion des enfants, puisque son travail le retenait souvent à l’extérieur.

Il était vice-amiral et, bientôt, il serait promu amiral de la flotte, un poste très important dans son domaine. La mère de Tyffanie étant décédée quand celle-ci était très jeune, son père l’emmenait avec lui dans ses voyages sur la mer. Là, elle y avait appris énormément sur le fonctionnement d’un navire et sur la pratique du combat.

— Je sais, père, mais je voulais qu’elle vienne jouer avec Magalie et moi à l’extérieur.

— Voyons, tu sais très bien que ce n’est pas conve-nable pour une jeune femme de son âge. Maintenant descends, ta mère t’attend dans la salle à manger. Nous allons bientôt prendre le déjeuner.

— Merci, père, le remercia Tyffanie en regardant son demi-frère descendre les escaliers, accompagné de la nourrice.

— Ce n’est rien. Toi et moi devons discuter. Habille-toi et viens me rejoindre au salon lorsque tu seras prête.

Tyffanie acquiesça d’un signe de tête pendant que son père fermait la porte derrière lui.

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Quelques secondes s’écoulèrent avant que quelqu’un y cogne à nouveau, sortant la jeune femme de sa transe passagère.

— Oui. La porte s’ouvrit doucement, laissant passer une autre

femme de chambre. — Bonjour, miss. Celle-ci lui adressa un sourire avant de lui dire bon-

jour à son tour. — Alors, qu’allez-vous porter aujourd’hui ? Cette robe

vous convient-elle ? lui demanda-t-elle en sortant une robe rouge vin.

— C’est parfait, approuva Tyffanie d’une voix morne. La femme enleva la mèche grise de son visage. Sa

robe couleur sable enrobait son corps potelé. Elle sortit un corset, qu’elle attacha très serré à la taille de la jeune femme.

Tyffanie enfila sa robe que sa femme de chambre atta-cha par la suite.

— Merci, vous pouvez disposer maintenant. La jeune aristocrate se dirigea vers son miroir, pen-

dant que sa femme de chambre disparaissait dans la pièce adjacente. La jeune femme plaça ses cheveux avant de s’observer un instant.

Ceux-ci cascadaient sur son épaule, jusqu’à ses seins remontés par le corset sous sa ravissante robe rouge. Tyffanie soupira, puis descendit l’escalier qui menait directement à la salle à manger, où son père avait laissé traîner le journal sur la table.

— The Alexandra Gazette, Londres, samedi 5 sep-tembre 1864. Une explosion cause plusieurs morts,

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chuchota-t-elle pour elle-même en lisant la première page.

Priscilla, la belle-mère de Tyffanie, entra à son tour dans la salle à manger. Ses cheveux bruns descendaient directement sur ses épaules, et ses grands yeux marron ne faisaient que renforcer l’image d’une femme autori-taire. Par contre, bien qu’elle ne le laissât pas toujours paraître, elle était d’une incroyable gentillesse.

— Bonjour, ma chérie, la salua-t-elle. — Bonjour, mère. Tyffanie appréciait énormément Priscilla, mais ne

l’appelait « mère » simplement que par respect pour son père. À l’arrivée de la nouvelle épouse de son père dans leur vie, Tyffanie avait beaucoup appris avec elle. En par-ticulier en ce qui avait trait à l’éducation d’une jeune fille, dont son père ignorait les usages. Priscilla avait essayé de combler les lacunes dans l’éducation de Tyffanie, et la première étape avait été l’interdiction d’accompagner son père en mer. Elle n’appréciait guère que son mari traîne sa fille durant ses voyages, mais par respect pour l’homme qu’elle avait épousé et devant les crises déchaî-nées de l’enfant, elle avait fini par céder. Elle la laissait donc partir avec lui, et ce, malgré le fait que ce n’était pas bien vu pour une jeune femme de son âge. Elle l’avait souvent répété et le répétait encore : elle était persuadée que c’était la raison pour laquelle elle n’était toujours pas mariée.

Pour Tyffanie, ces voyages avaient été une source inestimable de leçons de vie et d’aventures. Elle abordait la vie humblement et appréciait les bonheurs simples de la nature. Son intérêt pour le luxe entourant son rang

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social était des plus détachés. Elle adorait plus que tout au monde partir avec son père. Ces voyages étaient pour elle une des plus grandes libérations sur la terre.

— Ton père t’attend au salon. Tu devrais aller le voir, l’incita-t-elle sans la regarder.

La jeune fille acquiesça avant de franchir les portes qui menaient au salon.

Son père était assis sur un des divans bruns en cuir et fumait sa pipe. Un feu flambait dans le foyer de brique installé dans le coin de la pièce, crépitant doucement. Les flammes dansaient dans l’âtre et répandaient une délicieuse chaleur dans la salle refroidie par le temps d’automne. Charles regardait par la grande fenêtre Magalie et Jacob s’amuser dans les feuilles tombées des arbres.

— Priscilla va être furieuse, ce sont leurs nouveaux vêtements, fit remarquer Tyffanie en prenant place sur un divan voisin.

— Ils ont le droit de s’amuser un peu, ricana son père. Ils sont encore jeunes.

Tyffanie fit un sourire et prit place sur le sofa adja-cent, impatiente de savoir de quoi il voulait l’entretenir.

— Alors, père, de quoi souhaitiez-vous me parler ? le questionna-t-elle, sentant qu’il étirait le temps.

— Par quoi commencer…, hésita-t-il d’un air mal à l’aise.

Il prit dans ses poumons une grande bouffée de sa pipe et se tortilla un instant.

— Priscilla et moi avons beaucoup discuté dernière-ment et, après mûre réflexion, nous croyons qu’il serait temps de te marier. Avec mon nouveau grade d’amiral

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[email protected] 19

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$ C

AD

ISBN 978-2-89736-027-6

Tyffanie semblait avoir la vie rêvée jusqu’à ce qu’elle trébuche dans un monde hostile qui la plonge directement en enfer. Lentement, afin de se

procurer sa drogue pour revoir ses couleurs, elle renonce à sa survie jusqu’à être acculée au pied du mur et ne voir aucune autre option que la mort.

Elle pense que celle-ci est venue la délivrer quand un homme vient la surprendre de toutes les façons. Qui est ce capitaine Inès qui lui parle d’une légende dont elle semble faire partie ? Essaye-t-il de la berner ? Elle ne le sait pas, mais elle va s’embarquer dans une aventure plus grande qu’elle ne l’aurait jamais imaginé. La légende des neuf médaillons sera-t-elle sa délivrance ou un autre piège de cet univers sordide ? C’est l’aventure qui l’attend et qui est venue la chercher, la plongeant dans un autre monde qu’elle n’a jamais pensé découvrir…

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