Services publics locaux : plongée dans la nouvelle gestion ...démarche de révision générale des...

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Juillet-Août 2011 • n° 158 mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 DOSSIER Services publics locaux : plongée dans la nouvelle gestion intercommunale Droit p.22 Communes, communauté et SPL : jusqu’où peut-on aller ? Territoires p.20 Implantations commerciales : et si on arrêtait de faire la course ? Interview de Martine Lignières-Cassou, présidente de la communauté d'agglomération de Pau Pyrénées Vie de l’AdCF p.23 L’actualité de l’association La Cour des comptes encourage la mutualisation C’est normal, toutes ces normes ? La biodiversité a vocation à s’intégrer dans tout À trop vouloir schématiser… Tour d’horizon de la presse régionale Actualité p.2 Finances locales p.8 Les questions financières au cœur de la recomposition de la carte intercommunale Dossier p.9 Services publics locaux : les nouvelles frontières L’interco au centre de nombreux métiers Interview de Robert Picard, directeur général de CALIA Conseil Tribune d'Olivier Ortega, avocat Magique SPL ? Contrat de partenariat : comment garantir un jeu gagnant-gagnant ? D’un mode à l’autre : quels effets sur les ressources humaines ? Politique de la ville p.7 Le Val Fourré, quartier intercommunal Interview de Pierre Sallenave, directeur de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine © ANTON BALAZH - FOTOLIA.COM

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Juillet-Août 2011 • n° 158 mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 €

DOSSIER

Services publics locaux : plongée dans la nouvelle gestion intercommunale

Droit p.22

Communes, communauté et SPL : jusqu’où peut-on aller ?

Territoires p.20

Implantations commerciales : et si on arrêtait de faire la course ?

Interview de Martine Lignières-Cassou, présidente de la communauté d'agglomération de Pau Pyrénées

Vie de l’AdCF p.23

L’actualité de l’association

La Cour des comptes encourage la mutualisation

C’est normal, toutes ces normes ?

La biodiversité a vocation à s’intégrer dans tout

À trop vouloir schématiser…

Tour d’horizon de la presse régionale

Actualité p.2 Finances locales p.8

Les questions financières au cœur de la recomposition de la carte intercommunale

Dossier p.9

Services publics locaux : les nouvelles frontières

L’interco au centre de nombreux métiers

Interview de Robert Picard, directeur général de CALIA Conseil

Tribune d'Olivier Ortega, avocat

Magique SPL ?

Contrat de partenariat : comment garantir un jeu gagnant-gagnant ?

D’un mode à l’autre : quels effets sur les ressources humaines ?

Politique de la ville p.7

Le Val Fourré, quartier intercommunal

Interview de Pierre Sallenave, directeur de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine

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Dans l’actu

22 N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

« U n habitant de pôle urbain émet deux fois moins de CO2

que la moyenne pour se rendre à son lieu de travail ou d’études. » Le titre de la note de David Levy de l’Insee et de Thomas Le Jeannic du service de l'observa-tion et des statistiques (SOeS, ministère de l’Écologie), publiée dans Insee Premières de juin 2011, est pour le moins explicite.« La densité de l’habitat et des emplois peut jouer favorablement dans des aires urbaines modestes : soit en favorisant l’usage des transports collectifs (Saint-Étienne, Dijon, Grenoble ou Clermont-Ferrand), soit par une taille réduite favorisant un plus grand usage des modes actifs (Saint-Tropez, où le tiers des résidents circulent à pied ou à

vélo, Millau, Menton-Monaco, Mende...) », expliquent les auteurs. L’étude se penche également sur les dépla-cements interurbains entre agglomérations de grandes régions urbaines. « Bien que s’effectuant entre zones denses, le recours à la voiture est massif, au détriment des transports collectifs », est-il observé, pré-cisant que « les émissions correspondantes de CO2 par personne sont cinq fois plus élevées que pour les flux internes aux pôles urbains ». Des chiffres qui plaident pour le développement d’une offre de TER caden-cée et pour la mise en œuvre de politiques intermodales urbain/ferroviaire à l’échelle de ces grandes régions urbaines.

Olivier Crépin

Émissions de CO2

en tonne par an et par résident

Contour des PTU* 2007

* périmètre de transports urbains (PTU)

0,70 - 0,900,63 - 0,690,56 - 0,620,42 - 0,55

Émissions de CO2

en tonne par an et par résident

Contour des PTU* 2007

* périmètre de transports urbains (PTU)

0,70 - 0,900,63 - 0,690,56 - 0,620,42 - 0,55

RGPP, effets collatéraux

S ouhaitant associer les collectivités territoriales à la démarche de révision générale des politiques publiques (RGPP), la mission sénatoriale présidée par François

Patriat a présenté, le 28 juin, le rapport de Dominique de Legge assorti de 49 propositions. Au menu : l’association des collecti-vités au pilotage de la RGPP, son réglage fin et adapté à la diver-sité des territoires, le renforcement de la charte des services publics et l’accompagnement du relais pris par les collectivités en matière d’ingénierie publique. Constatant notamment que, dans les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), « un certain nombre de dispositifs a été mis en œuvre par les collectivités territoriales pour suppléer l’État en matière d’ingé-nierie publique », la mission propose des mesures de formation en direction des agents communaux et intercommunaux. Elle souhaiterait également voir émerger des réseaux « d’inter-inter-communalités » capables de proposer une ingénierie publique locale de qualité au service des communes. Quant aux révisions à répétition des cartes d’implantation des services publics (justice, armée, école, etc.), la mission sénato-riale estime que « cette politique répond à une logique secto-rielle des ministères concernés ». D’où son souhait de renforcer la charte d’organisation des services publics et au public afin de fixer un niveau de service public minimal sur les territoires.

Christophe Bernard

Émissions de CO2 d’un résident d’aire urbaine pour aller travailler ou étudier

Dans l’actu

À travers les milliers de délibérations adressées aux préfectures sur les projets de schémas dépar-tementaux de coopération intercommunale (SDCI), la carte de l’intercommunalité, d’aujourd’hui et de demain, constitue la « grande affaire » de cet été 2011 en matière de gestion locale. Craintes et inquiétudes ici, satisfactions ailleurs, déceptions en d’autres lieux… Les réactions des assemblées locales ont témoigné de la diversité des proposi-tions préfectorales et des attentes des collectivités.Mais le premier mérite de cet exercice « participatif » aura été de susciter un vaste débat sur l’organisa-tion de nos territoires, certes restreint aux seuls

élus locaux mais qui, d’une part, représentent quand même plus de 500 000 personnes en France (soit l’équivalent de 500 fois un échantillon

standard de sondage) et qui ont vu, d’autre part, leurs échanges souvent se prolonger dans la presse locale, sur des blogs, dans des lieux publics, voire dans les urnes à travers les quelques référendums locaux organisés à cette occasion. Il était donc utile que cette consultation ait pu avoir lieu avant que les CDCI ne se prononcent sur les projets de schémas et en ajustent les contours ou les calendriers de réalisation. Comme le met en exergue notre dossier estival consacré à la gestion des services publics locaux et aux responsabilités d’autorités organisatrices assumées désormais par les communautés, l’inter-communalité est devenue trop importante dans la vie quotidienne de nos concitoyens pour demeurer une affaire d’initiés.

Le feuilleton de l’été

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éditorialDaniel Delaveau, président de l’AdCF

La Cour des comptes encourage la mutualisation

D ans son rapport annuel sur la situa-tion et les perspectives des finances publiques, présenté le 22 juin, la

Cour des comptes fait état d’une amélio-ration imprévue des comptes des admi-nistrations publiques locales, en raison, essentiellement, de la contraction forte de l’investissement (- 6,9 % en 2010). Le rapport insiste sur la décélération des dépenses de fonctionnement (+ 2,2 % en 2010 contre + 5,6 % en 2008) avec la fin des transferts de personnels. Le bloc commu-nal connaît la croissance la plus vive avec + 3 %, l’intercommunalité prenant le relais des communes (+ 7,6 % contre + 1,8 %). « L’ef-fort engagé de mutualisation des ressources humaines et des moyens entre les communes et leurs groupements doit encore être accen-tué », concluent les magistrats financiers. Consulté par la Cour sur son avant-projet de rapport, Daniel Delaveau avait rappelé que la forte progression des dépenses de personnel des communautés au cours des prochaines années était inéluctable et allait même se renforcer avec la poursuite de la mutuali-sation et de l’intégration. De fait, l’AdCF

demande une présentation systématique des évolutions des effectifs et des dépenses de personnels en analyse consolidée com-munes-communautés-syndicats. Le « bloc local » est également sensible aux recompositions de périmètres qui peuvent intervenir dans les modes de gestion (fron-tières entre régies et DSP) et les choix d’externalisation. En tout état de cause, une présentation non-circonstanciée des pro-gressions des dépenses intercommunales, sans lien avec l’évolution de la dépense au sein des autres composantes du bloc local, pourrait être source de nombreux malen-tendus et de polémiques mal éclairées.

Nicolas Portier

Le citadin émet moins ©

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Sources : Insee, KitCO2 d’après le recensement de la population 2007 ; SOeS, fichier central des automobiles 2007.

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Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

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C’est normal, toutes ces normes ?

« La biodiversité a vocation à s’intégrer dans tout »La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 affiche pour mots d’ordre d' « assurer la cohérence des politiques publiques et l’efficacité de l’action », mais aussi d’ « investir dans un bien commun, le capital écologique ». Des principes de gouvernance présentés, le 19 mai, par Nathalie Kosciusko-Morizet.

A lain Lambert a présenté, lors de la réunion du Comité des finances locales du 28 juin, le bilan d’activité de la commission

consultative d’évaluation des normes (CCEN). En trois ans (2008-2010), 405 textes ont été exami-nés, dont 176 durant la seule année 2010 à travers 13 réunions. Le coût global des textes soumis à la CCEN en 2010 est estimé à 576 millions d’euros, pour l’essentiel lié à la revalorisation du RSA et du point d’indice dans la fonction publique, mais aussi à la réglementation thermique 2012. Quelques jours auparavant, le 16 juin, le sénateur Éric Doligé remettait au président de la République son rapport sur la simplification des normes appli-cables aux collectivités locales (photo). Il préconise notamment la poursuite de la politique visant à favo-riser l’intercommunalité et la création d’un « média-teur de territoires » dans chaque département. Parmi ses 268 propositions « sectorielles », 27 sont consacrées aux effets de la loi de 2005 sur l’acces-sibilité, dont les incidences budgétaires futures sont évaluées, par une étude commune Fédération APAJH-Dexia-FFB, à 16,8 milliards d’euros pour les collectivités (dont plus de 10 milliards d’euros

pour les seules communes et communautés). Le rapport propose de raisonner en termes de ser-vices équivalents rendus et en objectifs de résultat plutôt que de moyens. Il souhaite encourager l’im-plication de l’intercommunalité dans l’assistance aux communes et créer un fonds d’aide pour les petites communes.

Limiter les documents de planificationEn matière d’urbanisme, la mission parlementaire souhaite limiter les documents de planification et approfondir la fusion des documents (PLU, PLH, PDU) ouverte par la loi Grenelle 2. Il recommande également la fusion des SAGE ou SDAGE et des plans de gestion des risques d’inondation (PGRI). Plusieurs orientations validées au sein des groupes de travail sur l’urbanisme de projet se retrouvent également dans les propositions d’Éric Doligé pour tendre vers un urbanisme moins « réglemen-taire » et plus qualitatif. NP

> Un dossier spécial du mensuel Intercommunalités sera consacré aux normes en septembre prochain. Une étude conduite par l’AdCF sur ce sujet, appuyée sur l’enquête lancée auprès d’un panel de communautés au début de l’année 2011, sera également publiée.

« L’échelle intercommunale est la bonne échelle pour positionner la biodiversité », a témoigné le député

de Haute-Savoie Martial Saddier, président de la communauté de communes Faucigny Glières, le 19 mai, lors de la table ronde de présentation de la stratégie nationale pour la biodiversité 2011-

2020. Nathalie Kosciusko-Morizet avait invité ce jour-là les contributeurs à cette démarche de co-construction à laquelle avait pris part l’AdCF*.Déclinaison française des engagements interna-tionaux actés à Nagoya, le fil rouge de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) se résume à l’idée que « la biodiversité a vocation à s’intégrer

dans tout », selon l’expression de la ministre de l’Écologie. « Chaque acteur peut contribuer à la mise en œuvre de la SNB. Chacun, selon son niveau de responsabilité et son champ de com-pétences, élabore des objectifs opérationnels », stipule la charte : l’État, les acteurs économiques, les associations, syndicats, gestionnaires d’es-paces… et collectivités territoriales, dont beau-coup se sont déjà engagées dans des Agendas 21 locaux, stratégies régionales pour la biodiver-sité (SRB), plans d’action biodiversité à l’échelle communale et intercommunale et bientôt dans les démarches de Trame verte et bleue (TVB). « Elles jouent, comme l’État, un rôle d’exem-plarité et d’animation », lit-on dans le docu-ment SNB 2011-2020. Il y est aussi défendu que cette stratégie « s'intègre à toutes les politiques publiques : eau, sols, climat, énergie, agriculture, forêt, urbanisme, infrastructures ». La création d’une « Agence de la Nature », qui doit assurer la mise en œuvre de la SNB et sa déclinai-son territoriale, est repoussée à plus tard. « Il faut un texte législatif », a justifié la ministre, recon-naissant également qu’il n’y a pas, pour l’heure, de consensus sur le périmètre des missions qui lui seraient confiées. La traduction de la SNB se fera par redéploiement des agents de ministères et par une enveloppe de 50 millions d’euros engagée pour la période 2011-2013. Elle financera une dou-zaine d’appels à projet, dont un « appel à volonta-riat pour les communes ». VL

* avec Corinne Casanova, vice-présidente de la communauté d’agglomération du Lac du Bourget, et Philippe Barry, vice-président de la communauté de communes du Val de Vienne. Corinne Casanova avait assuré la présidence du groupe de travail « Instru-ment d’intégration de la biodiversité dans les politiques publiques et les stratégies privées ».

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A pprouvé le 16 mai dernier par le conseil communautaire, le Scot Faucigny Glières est ordonné autour de deux axes : affir-

mer la communauté de communes (7 communes, 18 000 habitants) comme « pôle relais » à l’échelle de l’agglomération transfrontalière franco Valdo genevoise et de la vallée de l’Arve ; construire un développement qui respecte et valorise son envi-ronnement. Deux axes qui se complètent et se répondent.

Le premier exige de « concilier d'une part le déve-loppement de l'urbanisation, d'autre part la pré-servation des espaces agricoles » et, de manière générale, d’« optimiser globalement l'usage de l'espace ». C’est après avoir identifié les secteurs « destinés à la mise en place de protections ou de gestions à long terme » (zones agricoles protégées, périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains…) que tout projet de création ou d’extension de zones d’activités peut voir le jour.L’axe 2 du PADD prévoit quant à lui d’ « affirmer une trame verte et bleue » ; de préserver les grands ensembles d'intérêt écologique majeur (ZNIEFF de type 1, zones Natura 2000, zones humides…) en tant que « réservoirs de biodiversité » ; de pré-server et parfois restaurer les grandes liaisons éco-logiques identifiées à l’échelle de la communauté, mais aussi de la vallée de l'Arve et de l’ensemble du département.Enfin, le PADD entend « prendre en compte la nature ordinaire et conforter sa présence aux abords et au sein de la ville et des villages ». Il s’agit, par exemple, de considérer les vergers, haies et bois isolés « pour leur rôle dans le maintien de la biodiversité ». VL

Le Scot Faucigny Glières correspond au périmètre de la communauté de communes éponyme, située dans la vallée de l’Arve.

Le Scot Faucigny Glières : la biodiversité avant tout

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44 N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

À trop vouloir schématiser…La recomposition de la carte intercommunale suscite moins de crispation que ce que certains annonçaient. Si de nombreuses délibérations négatives sur les projets des préfets sont recensées, toutes ne se résument pas à des réactions défensives. À l'automne, les CDCI proposeront-elles des schémas plus ambitieux que ceux proposés par l’État ?

C’est dans un contexte particulièrement évolutif et dans des délais serrés que com-munes et communautés ont été invitées à

rendre leur avis sur les projets de schémas dépar-tementaux de coopération intercommunale (SDCI) des préfets. Les collectivités concernées par les modifications envisagées ont à se prononcer « en priorité sur les dispositions et prescriptions les concernant », selon la DGCL. Une priorité qui n’in-terdit pas de rendre un avis de portée plus générale sur le projet de schéma… Ces délibérations ayant pour but d’éclairer les travaux des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) et, le cas échéant, d’inspirer des modifica-tions du schéma validées à la majorité qualifiée des membres de la CDCI, ces avis doivent être les plus précis et les plus argumentés possibles.

Principe de réalitéLes délibérations transmises à l’AdCF illustrent l’attention portée par les communautés à expli-quer, en détail, les raisons de leur choix. La ligne de mire est de tendre vers des communautés cohérentes avec les bassins de vie et capables de porter un véritable projet de développement. Une ambition à conjuguer avec le principe de réalité qui milite pour que les fusions de communautés reposent sur une adhésion locale forte et un effort de conviction. Compte tenu de la nécessité d’assurer le bon

fonctionnement ultérieur de la communauté (redéfinition des statuts, réorganisations admi-nistratives, élaboration d’un projet de territoire, harmonisation fiscale…), les élus savent bien qu’il est peu envisageable de programmer des fusions qui ne reposeraient sur aucune volonté locale. Par ailleurs, certains projets de fusion, notamment les plus complexes, prendront du temps, compte tenu de la forte hétérogénéité des compétences exercées par les communautés concernées et de leurs modalités d’organisation administrative. Un effort de convergence préa-lable sera parfois nécessaire. Certains projets de SDCI ont, à cet égard, le mérite de vérifier la faisabilité de leurs propositions (analyse compa-rée des compétences et des potentiels financiers) pour en définir un calendrier de mise en œuvre réaliste. De fait, la plupart des délibérations ne se conten-tent pas de donner un avis favorable ou défavo-rable mais proposent des alternatives destinées à inspirer les orientations de la CDCI. En raison de l’impossibilité pour le préfet de modifier unilaté-ralement ses propositions une fois ces dernières transmises aux collectivités concernées, certains représentants de l’État, comme celui d’Indre-et-Loire, ont d’ores et déjà fait savoir que si des positions claires et consensuelles se dégageaient de la lecture de ces délibérations, ils feraient eux-mêmes des propositions d’amendements à la CDCI, que celle-ci pourrait approuver à la majo-rité des deux tiers. Par ailleurs, le rôle des rapporteurs de la CDCI est aujourd’hui clairement mis en avant afin d’assurer l’interface entre le préfet et les élus locaux. Plu-sieurs d’entre eux, comme celui du Vaucluse, ont souligné qu’ils entendaient anticiper les réunions formelles de la CDCI afin de trouver un accord entre élus pour déposer un amendement unique, susceptible d’être validé à la majorité des deux tiers des membres. Rappelons également que dans le cas où des CDCI se prononceront défavorablement sur le projet de schéma sans proposer d’alternatives à la majorité des deux tiers, il y a aura un risque réel de voir les préfets exercer, comme la loi le prévoit, leurs pou-voirs renforcés en 2012 sans que ceux-ci ne soient encadrés par un document de référence.

Parfois un sentiment d’iniquité... Si nombre d’élus estiment que le schéma résulte d’une coproduction réelle avec le préfet, tous ne le ressentent pas ainsi. De fortes disparités entre les projets de SDCI – et parfois au sein d’un même document – sont constatées dans les 90 documents analysés par l’AdCF, observant une montée en puissance d’un sentiment d’iniquité parmi les élus commu-nautaires. Certains schémas, comme ceux de la Nièvre, de Seine-Maritime et d’Ille-et-Vilaine, proposent ainsi la constitution de grandes communautés sur une partie du département, tout en maintenant des communautés de taille

réduite sur d’autres parties du territoire. Le seuil de 5 000 habitants, trop fréquemment pensé à titre exclusif, semble, dans certains cas, facteur d’immobilisme en considérant qu’une fois ce critère démographique rempli, les périmètres n’auront pas nécessairement vocation à évoluer. A contrario, et à l’instar du schéma du Nord ou de la Vienne, notons que certains préfets ont fixé le seuil démographique beaucoup plus haut que celui énoncé par la loi.

Une mise en œuvre différenciée dans le temps Autre question récurrente : celle de la mise en œuvre, différenciée dans le temps, des préconisa-tions du schéma. Plusieurs documents ont, dès le départ, opté pour des scénarios à court et moyen termes, comme dans le Loiret, la Haute-Savoie, le Morbihan ou encore la Haute-Garonne. Les instances nationales de l’AdCF ont souhaité que soient clairement distingués les objectifs à poursuivre et à mettre en œuvre dans les temps courts (d’ici à 2013) des objectifs de moyen terme qui peuvent faire consensus sur le fond mais néces-siteront davantage de temps pour être atteints. Les incertitudes générées par la réforme de la fiscalité locale contribuent à susciter cette demande d’une mise en œuvre en deux temps.Reste que, pour celles qui veulent aller très vite, Philippe Richert, ministre en charge des Collec-tivités territoriales, encourage les préfets à ne pas geler, durant l’année 2011, l’évolution des péri-mètres. Si des communautés souhaitent anticiper le schéma définitif, rien ne s’oppose à ce que le préfet soumette dès 2011 les arrêtés de périmètre projetés, selon les procédures de droit commun.

Emmanuel Duru et Nicolas Portier

Les pays dans les SDCIPortés dans 61 % des cas par un syndicat mixte, les pays voient leur organisation et leur avenir interrogés lors des débats sur les SDCI, même si peu de projets préfectoraux y font explicitement référence. Une enquête de l’Association pour la promotion et la fon-dation des pays (APFP) mentionne quelques cas où le projet de SDCI propose la fusion des communautés à leur échelle (trois cas dans la Vienne par exemple), emportant la dissolution des syndicats mixtes. Notons que cette évolution n’est pas nouvelle, plu-sieurs fusions de communautés intervenues ces dernières années se sont déjà opérées à l’échelle de pays (Grésivaudan, Caux-Vallée de Seine, Bassin de Lacq…). Lors de l’assemblée générale de l’APFP, le 16 juin, rapprocher pays et Scot est égale-ment apparu comme un enjeu de rationa-lisation territoriale (c’est déjà le cas pour 61 % des pays), mais aussi comme l’un des moyens de donner aux pays un support pérenne, même si leur action ne saurait se limiter à la seule planification spatiale. Selon l’APFP, un pays fédère en moyenne 6,3 communauté s , 84 communes et 88 400 ha bitants. Les 355 pays reconnus par arrêté préfectoral couvrent 80 % du territoire national, délaissant les très grandes aires urbaines. NP

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Des choses ensemble - Claudine Ledoux, présidente de la communauté d’agglomération Cœur d’Ardenne et maire de Charleville-Mézières, n’est pas satisfaite du projet de schéma. « Pour une fois que Charleville et Sedan veulent faire des choses ensemble, il est dommage que la première proposition du préfet n'en tienne pas compte », déplore-t-elle. (L’Union, 21 mai)

Faubourg - La commune isolée de Sanary-sur-Mer a acté le projet d'adhésion à la communauté Sud Sainte Baume. En revanche, les élus ont désapprouvé le SDCI proposé par le préfet du Var, qui organise six territoires et la création d’une communauté d’agglomération de près de 600 000 habitants. « Nous ne voulons pas devenir le faubourg de Marseille ou de Toulon », ont-ils déclaré. (Six-Fours.net, 1er juillet)

Conditions de travail - Convaincu qu’il vaut mieux choisir que subir (la décision du préfet), Michel Cour-tois appelle à un rapprochement de la communauté de la Région de Charny, qu’il préside, avec celle des Coteaux de la Chanteraine (trois communes) et la commune isolée de Bleneau. « Certains élus m’ont dit : "Une telle intégration est inévitable, mais pourquoi l’an-ticiper." J’ai répondu : "Ce n’est pas comme cela que l’on travaille." » (L'Yonne, 27 juin)

Y'a plus qu’à - La fusion devrait être aisée, en Haute-Marne, entre les communautés de communes de Val de Blaise et de Saint-Dizier - Der & Perthois, tant les points communs sont nombreux : savoir-faire industriel dans le domaine de la fonderie, volonté de promouvoir le patrimoine métallurgique, équipements culturels et touristiques structurants… et une « détermination partagée de faire du développement économique un axe majeur ». (Le journal de la Haute-Marne, 1er juillet)

Plus cohérent - La ville de Saint-Lô (Manche) a voté à l’unanimité pour une agglomération élargie fusionnant huit communautés de communes, soit 80 000 habi-tants, contre 32 000 aujourd'hui. Un projet plus vaste, mais « plus cohérent » que celui proposé par le préfet. (Ouest-France, 2 juillet)

Pas de précipitation ! - Le préfet des Côtes d’Armor a invité Lannion-Trégor Agglomération à se marier avec

les communautés de communes de Beg-Ar-Ch'ra et du Centre-Trégor, et d’y ajouter les communes de Perros et Mantallot. Si, sur le fond, les élus sont plutôt d’accord, pas question d'occulter le débat sur les compétences et encore moins celui de la gouvernance, par un vote pré-cipité fin 2011. Du coup, ils ont été unanimes à rejeter le projet. (Ouest-France, 27 juin)

Choc fiscal - Dans le Lot-et-Garonne, les conseils municipaux de Mézin, Réaup, Saint-Léon, Saint-Pé-Saint-Simon et Sainte-Maure-de-Peyriac ont décidé d'intégrer la communauté de communes du Val d'Al-bret, qui est prête à fusionner en 2014 avec deux autres communautés, les Coteaux de l’Albret et la commu-nauté du Mézinais. Une étude financière s’impose, du fait des politiques fiscales différentes des trois commu-nautés, notamment sur les taux du foncier non bâti  : les Coteaux (30,51 %), le Mézinais (19,37 %) et le Val d'Albret (9,55 %). (Sud-Ouest, 1er juillet)

Rétropédalage - En avril, Jean-Jacques Candelier, pré-sident de la communauté de Cœur d'Ostrevent, dans le Pas-de-Calais, vantait les mérites d’une fusion avec la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut et lançait une étude pour en mesurer les impacts. Résultat  : comme la communauté d’agglomération ne souhaite pas reprendre certaines compétences de sa voisine (l’assainissement collectif, le centre de forma-tion, etc.), 132 emplois seraient menacés. Difficile de rester motivés. (La voix du Nord, 23 juin)

Question de moyens - Le projet de SDCI de l'Aude prévoit la fusion des communautés de communes Haut-Minervois et Piémont d'Alaric… après les avoir amputées de onze communes, qui seront transférées sur deux autres territoires. « Ce nouveau périmètre ne tient pas compte des moyens financiers et fiscaux dont disposerait la nouvelle structure et des incidences liées à la réforme de la fiscalité locale sur les territoires », pro-testent les élus. (L'indépendant, 28 juin)

Pas révolutionnaire - Le projet de SDCI du Pas-de-Calais prévoit une fusion de Cap Calaisis et de la communauté de communes du Sud-Ouest du Calaisis. Un projet qui n’est « pas révolutionnaire » mais donnerait un peu de cohérence au Calaisis qui est « très émietté », pour le président de la communauté d’agglomération du Calai-sis, Philippe Blet. Les deux bureaux communautaires se rencontreront en septembre pour en débattre. Mais d’ores et déjà, le délai leur semble court… Quant au péri-mètre proposé, il est insuffisant, « mais c’est déjà une première étape », pour lui. Reste également à débattre des nouvelles compétences. (Nord-Littoral, 24 juin)

Quid de l’eau à Lacq ? - La communauté de communes du canton d'Orthez fusionnera avec celle de Lacq à échéance de 2013. Les élus l'ont décidé avant même le SDCI définitif des Pyrénées-Atlantiques et alors que l’impact financier de la fusion n’a pas été chiffré. « Seul le regroupement permettra de constituer un grand pôle économique fort autour de Lacq », estiment-ils. Orthez est également favorable au regroupement des syndicats, mais à condition qu’ « un groupe de travail soit désigné pour que l’harmonisation des dispositifs existants ne conduise pas à l’arrivée des opérateurs privés de dis-tribution d’eau ou d’électricité et à l’augmentation des tarifs ». En un mot, elle souhaite garder ce service en régie. (La République des Pyrénées, 30 juin)

Sans concertation ni explication - Alors que les élus avaient élaboré un projet de nouvelle intercommuna-lité pour le secteur Sud-Est rémois et l’avaient présenté au préfet de la Marne, ce dernier, « sans concertation ni explication », a proposé une version toute différente.

Le conseil municipal de Ville-en-Selve a donc refusé, à l'unanimité, la proposition préfectorale en arguant qu’elle n’était pas accompagnée des études d'impact budgétaire et fiscal. (L'Union Presse, 29 juin)

Encore plus grand - En Gironde, la communauté de communes du Pays de Langon ne veut pas de fusion avec celle des Coteaux Macariens proposée par le préfet. Ses élus souhaitent un périmètre de fusion plus vaste. (Sud-Ouest, 30 juin)

Quand les esprits se rencontrent - La communauté d’ag-glomération d’Agen se félicite que le projet de SDCI du préfet du Lot-et-Garonne recoupe l'esprit de son projet « Agglo 2014 ». Très favorables à la fusion avec la commu-nauté de communes de Laplume et à l'adhésion de quatre communes isolées, les conseillers qualifient en revanche de « contresens » la création éventuelle d'une commu-nauté de communes « Porte d'Aquitaine », regroupant la communauté des Coteaux de Beauville et une partie de celle des Deux-Séounes. (Sud-Ouest, 4 juillet)

Au « non » de la proximité - « Une motivation com-mune ressort en faveur du maintien des structures et services de proximité, notamment pour ce qui concerne les services aux personnes et le système scolaire », a déclaré le maire de Mesnil-Vigot (258 habitants), Pierre Vaultier. Le conseil s’est prononcé, à six voix sur dix, contre le projet du préfet de la Manche, qui pré-voyait de fusionner la communauté de communes du canton de Marigny (12 communes, 7 900 habitants), dont Mesnil-Vigot est membre, avec celle du canton de Canisy (6 900 habitants). (Ouest-France, 23 juin)

Indisciplinés - En dépit de l’ambiance houleuse le jour de la délibération, le projet de SDCI de la Marne a été adopté par le conseil de la communauté de communes de Sainte-Ménehould. Les maires des villages avaient convenu entre eux que leurs conseils prendraient leur décision avant le vote de la communauté. Finalement, seules quatre (sur 22) avaient suivi la consigne. (L'Union Presse, 28 juin)

Référendum - Consultés en avril par leurs édiles sur le projet de fusion de leurs deux communes, les habi-tants de Bois-Guillaume (13 500 habitants) et de Bihorel (8 500  habitants), en Seine-Maritime, ont été clairs : le non l’a emporté par 66 % pour les Bilhorellais et 59 % pour les Bois-Guillaumais. Invoquant le faible taux de participation (45 % et 27 %), les maires ont soumis, le 4 juillet, le projet de fusion à leur conseil. Entre huées et débats houleux, la fusion a finalement été actée. (Paris-Normandie, 26 juin)

Tour d’horizon de la presse régionalePérimètre contesté, suggestion de regroupement de syndicats, nouvelles compétences souhaitées, impact financier jugé mal évalué ou délai de fusion estimé trop court… Rien ne sera épargné aux préfets, les élus ont bien l’intention de tout peser. Revue de terrain.

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Plus de 200 élus et cadres de l’intercommunalité se sont réunis, le 22 juin à Paris, à l’invitation de l’AdCF et

de Mairie Conseils, pour dresser un premier bilan des projets de SDCI et préparer les délibérations à trans-

mettre, pour avis, dans les prochaines semaines.

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Dans l’actu

66 N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

Une amitié de 20 ans - Le conseil municipal de Mont-mirat a donné un avis favorable à l'entrée de Cannes-et-Clairan dans la communauté de communes du Pays de Sommières, commune avec laquelle des liens existent (notamment en matière scolaire) depuis vingt ans. (Midi-Libre, 11 juillet)

Ils ont dit « oui » - On parlait de mariage forcé. La fusion entre la communauté de communes du Grand Ried et celle de Marckolsheim et Environs, dans le Haut-Rhin, aura finalement lieu, actée par les élus. (L'Alsace, 8 juin)

Grandir à tout prix - Grossir, c'est inévitable, mais à 54 (fusion de 5 communautés) ou dans le cadre du Scot avec la communauté urbaine de Dunkerque ? Les débats ont été nourris et le projet du préfet rejeté, entre ceux qui veulent une grande communauté « parce qu’on ne fait pas des riches avec 54 pauvres » et ceux qui prônent une fusion à cinq au nom de la proxi-mité. (Le Journal des Flandres, 7 juillet)

Harmonies - Le conseil municipal de Moitron a rejeté, à l’unanimité, le projet de SDCI du préfet de la Sarthe. Les élus souhaitent le maintien de la communauté de communes des Alpes Mancelles actuelle, élargie à la seule commune de Montreuil-le-Chétif. « La proposi-tion de fusion de trois communautés de communes pose immédiatement la question de la mise en harmonie des compétences et celle du financement, le Pays Belmontais n’ayant pas fait le choix de la TPU », expliquent-ils. Par ailleurs, « le nouveau projet éolien, bien que porté par la communauté, reste avec un ancrage communal privilé-gié ». (Ouest-France, 12 juillet)

17 ans mis à l’air - Le conseil communautaire du Sud Sainte-Baume a majoritairement refusé le projet de SDCI du Var, qui l’intégrerait à une vaste intercommunalité qui s’étendrait « de Saint-Cyr au Lavandou ». Un projet établi « dans la précipitation », « sans tenir compte des réalités locales » et niant « l’identité communautaire » existante. « En deux mois, nous devons nous prononcer sur un schéma qui met à l’air 17 ans de pratique inter-communale », résume un élu. (Var Matin, 6 juillet)

Prime au périmètre ou au projet ? - Le conseil commu-nautaire de Piémont d’Alaric a rejeté le projet de SDCI de l’Aude, estimant que « le gouvernement privilégie le périmètre aux projets ». Autres motifs d’inquiétude : « la concomitance de la réforme territoriale et de la réforme fiscale, la mutualisation du personnel, l’hétérogénéité des propositions des préfets ». (La Dépêche, 6 juillet)

Pas de vagues - Le conseil communautaire du Valles-pir a acté « sans résistance » la proposition du SDCI des Pyrénées-Orientales, qui prévoit l’entrée dans la communauté de communes des villages de L’Albère, des Cluses, du Perthus et de Vivès. Il a toutefois rendu un avis défavorable concernant la suppression du SIVU d’alimentation en eau potable. (L’indépendant, 6 juillet)

Un seul bloc - Le conseil municipal de Beignon a voté pour un regroupement de la commune avec les communautés de communes de Ploërmel, Josselin, La Trinité Porhoët, Mauron, Guer, Pays de la Gacillly, la communauté de communes du Val d’Oust et de Lanvaux souhaitant rester isolée. « Le pays de Ploër-mel est le bassin de vie principal de notre territoire, a déclaré le maire, Yves Josse. Il nous semble qu’il doit perdurer en tant que pôle central. »La deuxième proposition du préfet du Morbihan était de créer deux groupements, séparés par la RN  24. Cette solution constituerait, selon Yves Josse, « le risque que la deuxième étape, le retour à un seul bloc, ne se fasse jamais ». (Ouest France, 15 juillet)

Pas opposé, mais pas tout de suite - Le conseil muni-cipal de Saint-Jean-du-Pin a rejeté le projet de SDCI du préfet du Gard, qui prévoit la fusion de la communauté d’agglomération du Grand Alès en Cévennes avec les communautés de communes de Vézénobres, du Mont Bouquet et Autour d’Anduze, créant une communauté de 46 communes et 98 000 habitants. Si « la commune de Saint-Jean-du-Pin n’est pas opposée à l’extension du périmètre de l’agglo aux communes volontaires à leur rattachement », les élus municipaux ont demandé que le schéma « soit révisé sur la base d’une large consultation citoyenne ». (Midi Libre, 8 juillet)

Ni Dieu, ni périmètre - Comment dire non à un projet que les élus préparent depuis des années ? « Le maire de Bergerac voulait que son conseil s’oppose à la réforme des collectivités territoriales et à la suppres-sion des syndicats intercommunaux proposés par le préfet, mais qu’il valide le périmètre de la future agglo-mération, bien qu’elle soit contenue dans la réforme honnie », explique le journaliste de Sud-ouest dans un article intitulé « Ni Dieu, ni périmètre ». Le texte officiel pèse davantage ses mots : les élus municipaux sont « contre le schéma dans son ensemble et contre la fusion des syndicats », mais « pour une agglomération à l’échelle du bassin de vie bergeracois », sans préciser son périmètre… (Sud Ouest, 9 juillet)

C’était mieux avant ! - Le conseil municipal de Saint-Menges a refusé à l’unanimité le projet de SDCI des Ardennes et demande que la carte soit revue sur la base du SDOI de 2006, « qui correspond mieux aux territoires vécus par les habitants ». (L’Union - L’Ardennais, 6 juillet)

Simulations - Les 199 élus des communes constituant la communauté de communes de Torigni ont assisté, le 11 juillet, à la présentation, par le secrétaire général de la communauté, des conséquences organisation-nelles et fiscales des deux scénarios de fusion envisa-gés par le projet de SDCI de la Manche. La communauté résultante de la fusion des com-munautés de Torigni et de Tessy (29  communes, 18 950  habitants) continuerait de fonctionner en fis-calité additionnelle. Les taux des taxes dites « ména-gères » étant plus élevés à Tessy, une augmentation de la fiscalité serait prévisible. La DGF passerait de 210 000 à 385 000 euros. Il y aurait 49 délégués et des compétences nouvelles (entretien du chemin de halage, circuits de randonnée, gestion de la ressource en eau, actions d’habitat et électrification du territoire).L’option d’une fusion à l’échelle du Pays Saint-Lois don-

nerait naissance à une communauté d’agglomération de 99 communes et 79 572 habitants. La communauté percevrait la fiscalité professionnelle des entreprises. La DGF passerait de 2 400 000 à 3 800 000 euros. Il y aurait 126 délégués. (Ouest France, 15 juillet)

Rééquilibrage - Le projet de SDCI du Gers prévoit six fusions de communautés de communes entre elles, huit extensions de périmètres de communautés et la dissolution de 36 syndicats. « Nous souhaitons que les déséquilibres ne soient pas accrus par des mécanismes qui rendraient égoïstes les uns et les autres dans leurs territoires respectifs », a déclaré Philippe Martin, pré-sident du conseil général, qui souhaite que ce schéma soit « l’occasion d’opérer une sorte de rééquilibrage entre les territoires les plus riches et les plus pauvres ». (La Dépêche, 14 juillet)

Compétence scolaire à la carte - Après l’acceptation du SDCI de Charente-Maritime par les élus du Pays des Vals de Saintonge, le 5 juillet, puis par ceux de la communauté de communes du canton de Saint-Jean-d’Angély, le 11 juillet, la ville centre a voté, le 12 juillet, pour la fusion des sept communautés de communes qui constituent le pays. Paul-Henri Denieuil, maire de Saint-Jean-d’Angély, a rappelé que « les deux communautés qui ont la compétence scolaire pourront la déléguer au nouvel EPCI si elles le souhaitent, et les communes qui n’avaient pas délégué cette compétence pourront la conserver ». Et de se féliciter de cet « assouplissement aux règles de l’intérêt communautaire, élargi mainte-nant à une notion de zone géographique, avec l’approba-tion préfectorale ». (Sud Ouest, 14 juillet)

Transition - Le conseil de Pôle Azur Provence, la communauté d’agglomération du Pays de Grasse, accepte d’étendre son périmètre à celui de l’actuel Scot’ouest « sous réserve que soit inscrit dans le futur SDCI » qu’il ne s’agit que d’une « étape transitoire » vers une fusion avec la communauté d’aggloméra-tion de Sophia-Antipolis (Casa). Un grand ensemble Cannes-Grasse-Antibes que Jean-Pierre Leleux, séna-teur-maire de Grasse et président de l’agglomération, et Bernard Brochand, maire de Cannes, appellent de leurs vœux. (Nice Matin, 13 juillet)

Suspens - « Des rires tendus résonnent dans la salle festive d’Élincourt vendredi soir, tandis que les délégués communautaires se relaient pour glisser leur bulletin dans une urne improvisée. Pour le coup, l’ambiance, elle, ne semble guère à la fête. Si les trois questions proposées au conseil communautaire d’Espace Sud Cambrésis à propos du SDCI sont votées à bulletins secrets, ce n’est pas pour rien », relate la journaliste de La Voix du Nord. À la fin de la soirée, la majorité du conseil de la com-munauté de communes Espace Sud Cambrésis votera pour le schéma proposé par le préfet et l’article conclut : « La voie est ouverte à sa fusion avec les communautés de communes du Caudrésis-Catésis et Haute-Sambre Bois-L’Évêque. » (La Voix du Nord, 11 juillet)

Les 4B - Le conseil municipal de Brossac s'est pro-noncé en faveur du rattachement de la commune de Blanzacais à la communauté des « 3B » (Barbe-zieux-Brossac-Baignes), qui deviendrait alors la com-munauté de communes des « 4B ». Il émet toutefois des réserves quant à la dissolution du syndicat d’eau. (Charente Libre, 13 juillet)

Perplexité - Les élus de Minihy-Tréguier ont unani-mement donné un avis favorable à la fusion de la com-munauté de communes des Trois Rivières avec celle du Pays Rochois, estimant qu’elles « constituent le bassin de vie de Tréguier ». À l’unanimité également, ils ont refusé la proposition du projet de SDCI du préfet des Côtes d’Armor visant à fusionner ces deux communautés avec celle de la Presqu'île de Lézar-drieux (CCPL). René Feunteun, maire de Minihy-Tré-guier, a rappelé sa « très grande perplexité quant à la situation financière que créerait l'ensemble constitué par les trois communautés de communes, compte tenu du passif important de la CCPL, lourd d'incertitude ». (Ouest France, 9 juillet)

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Politique de la ville

Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

S i le quartier du Val Fourré demeure emblé-matique des émeutes urbaines du début des années 1990, il l’est aussi par l’inscription de

sa politique de renouvellement, dès 1995, dans une stratégie résolument intercommunale. Le projet de rénovation urbaine du Mantois est d’ailleurs le prolongement du grand projet de ville débuté en 1996 et qui réunissait déjà trois communes, Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville et Buchelay.

Recomposer l’habitat à l’échelle de l’agglomération Le projet Anru, signé en 2005 et qui s’achèvera à la fin de cette année1, porte sur quatre quartiers et deux communes : le Val Fourré à Mantes-la-Jolie et trois autres quartiers sur la commune de Mantes-la-Ville. La convention fixe clairement, en objectif numéro 1, de « recomposer l’habitat à l’échelle de l’agglomération ». Concrètement, sur les 8 000 logements que compte le Val Fourré, l’essen-tiel des 1 000 logements destinés à la démolition sont aujourd’hui reconstruits en dehors du Val Fourré : 70 % sur le reste de l’agglomération man-toise, 26 % dans le département des Yvelines (hors agglomération mantoise) et seulement 4 % in situ. Sur un engagement financier de 431  mil-lions  d’euros, la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY) contribue pour 26,6  millions d’euros et les communes assurent 10,7 millions d’euros chacune2.

Emploi, déplacements, loisirs« C’est ensemble, ville et agglomération, que l’on fait progresser le territoire », est convaincu le maire de Mantes-la-Jolie, Michel Vialay. En matière de

politique de l’emploi, « il est évident que les actions en faveur de la qualification des habitants et du développement économique en général doivent être engagées à la fois à l’échelle du quartier et à celle du Mantois », estime-t-il. « La CAMY lance pro-chainement deux nouvelles lignes de transports en commun en site propre : l’une d’elles partira du centre-ville et traversera le quartier du Val Fourré pour desservir le futur écoquartier », se félicite Dominique Braye, président de la CAMY.En tant que secretaire national de l’AdCF, Domi-nique Braye a suggéré à Maurice Leroy de ren-forcer l’implication des agglomérations dans le futur PNRU 2, pour lequel le ministre de la Ville remettra ses propositions au Premier ministre « à l’automne ».

L’AdCF propose de changer l’échelle de la contrac-tualisation en optant pour des contrats uniques d’agglomération cosignés par les communes ; des contrats qui sont adossés à un projet intégré de cohésion urbaine à l’échelle de l’agglomération et articulés avec les dispositifs de la politique de l’habitat (PLH, conventions de délégation des aides à la pierre et actions conduites par l’Anah en faveur du parc privé), du développement économique et des déplacements. VL

1- La convention Anru a été signée le 10 juin 2005 pour une période de cinq ans, puis prolongée jusqu’au 31 décembre 2011 par avenant.2- Sommes auxquelles s’ajoutent 216,1 millions d’euros des bailleurs sociaux, 107 millions d’euros de l’Anru, 14 millions d’euros du département des Yvelines et 27,6 millions d’euros de la région Île-de-France.

Pensez-vous que les projets Anru de deuxième génération de-vraient tous s’inscrire à l’échelle intercommunale ?Je suis favorable à l’échelle intercom-munale, avec une limite : la politique de la ville et la rénovation urbaine ont besoin de proximité et de l’enga-gement des élus de terrain.Elles nécessitent aussi, c’est vrai, de s’inscrire dans une politique straté-gique de développement de l’agglo-mération à une échelle territoriale

et de temps plus large. Par exemple, il faut de la cohérence entre la poli-tique de transports en commun, la politique de développement écono-mique et de l’emploi, et le dévelop-pement des quartiers.

Comment assurer que l’échelle intercommunale sera prise en compte dans les futurs contrats ?Si l’Anru est suivie, nous nous engage-rons uniquement dans des projets de rénovation urbaine qui démontreront

qu’ils s’inscrivent dans des stratégies d’agglomération.Dès lors, plusieurs options sont possibles. Soit un contrat unique à l’échelle de l’agglomération, avec plu-sieurs élus signataires : le président (garant de la cohérence stratégique) et le ou les maires concernés (garants de la proximité). Soit plusieurs contrats (un par quartier), élaborés simultanément et en cohérence avec la stratégie d’agglomération qui devra être clairement exprimée.Concernant l’identification du por-teur de projet, il existe un débat politique sur le fait de savoir si c’est au président d’agglomération ou au maire de tenir le rôle de chef de file. Je n’ai pas à me prononcer sur ce sujet.

En quoi cette nouvelle orienta-tion constituerait-elle une rup-ture avec l’esprit du PNRU 1 ?Jusqu’à présent, l’approche de notre contractualisation était purement

locale. Selon les territoires, les élus se sont engagés ou non, de leur propre initiative, à s’inscrire à l’échelle de l’agglomération. C’est le cas dans le Mantois ainsi qu’à Lyon. À Nantes, par exemple, le projet de rénova-tion urbaine du quartier Bellevue a donné lieu à deux contrats, un pour Nantes, un pour Saint-Herblain.Cela semble aberrant aujourd’hui, mais souvenons-nous que le PNRU avait été construit sur l’idée qu’il fallait intervenir en urgence à l’échelle des quartiers qui le nécessitaient.S’il y a un PNRU 2, nous serons toujours mobilisés par l’urgence, mais nous veillerons davantage à la cohérence stratégique et à l’inscrip-tion du projet de rénovation urbaine dans l’agglomération, en cohérence avec la politique des transports, du développement économique, de la dynamique de peuplement…

Propos recueillis par VL

Pierre Sallenave, directeur de l’AnruINTERVIEW

Si l’Anru est suivie, nous nous engagerons uniquement dans des projets de rénovation urbaine inscrits dans des stratégies d’agglomération.

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Symbole du renouveau du quartier du Val Fourré, le futur pôle aquatique de quatre bassins (5 000 m2) ouvrira ses portes fin 2011. Inscrit dans le projet Anru, la CAMY en assure la maîtrise d’ouvrage et participe à hauteur de 58 % à son financement (soit 16,8 millions d’euros sur 28,5 millions d’euros).

Le Val Fourré, quartier intercommunalAlors que Maurice Leroy, ministre de la Ville, mène une consultation pour préparer la deuxième phase du programme national de rénovation urbaine (PNRU 2), l’Anru organisait, le 9 juin, un voyage de presse au Val Fourré autour du « projet intercommunal de rénovation urbaine du Mantois ».

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Finances locales

88 N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

À l’heure de l'examen des projets de schémas de coopération intercommunale, les questions de gouvernance et de cohérence territoriale occupent le devant de la scène. Mais les interrogations sur les ressources des futures communautés et leurs perspectives de progression en cas de fusion ou d’élargissement de leur périmètre sont tout aussi prégnantes.

Les questions financières au cœur de la recomposition de la carte intercommunale

Solidarité et intégration financière : le fil rouge des schémas

C’est au cours du second semestre 2011 que les commissions départementales de coopération intercommunale seront

appelées à se prononcer sur les projets de schémas soumis, pendant l’été, à l’examen des élus locaux. Comment financer les nouvelles compétences ? Quelles nouvelles solidarités financières mettre en œuvre ? Bien que sous-jacents, ces enjeux financiers sont aujourd’hui difficiles à cerner. De nombreuses inconnues demeurent, qu’il s’agisse des effets de la réforme de la taxe profes-sionnelle sur le contenu du panier de ressources des collectivités, de sa dynamique future ou encore de sa répartition territoriale. Les implica-tions financières à venir constitueront-elles un frein ou produiront-elles un effet levier pour de nouveaux périmètres ? La question est ouverte pour chaque territoire.

Fusion et changement de catégorie fiscaleLorsque l’achèvement de la carte prévoira l’inté-gration d’une ou plusieurs communes isolées, ce ne devrait pas provoquer d’impact financier majeur. En revanche, de nombreux projets de fusion (300 environ) sont envisagés et concernent plus particulièrement les petites communautés en milieu rural ou les agglomérations de taille

moyenne. Tous ces projets ne se réaliseront pas. Les implications financières varieront selon les nouvelles compétences exercées et l’offre de ser-vices publics. L’intérêt communautaire pourra, dans bien des situations, servir de « modérateur » pour limiter des écarts trop importants entre communautés appelées à fusionner. Du point de vue des charges, d’autres questions se posent : l’intégration des communes isolées don-nera-t-elle lieu à une extension de l’offre de services (réseaux, transports…) ? Quelle est la situation financière des collectivités « entrantes » ? Existe-t-il des équipements (sportifs, culturels…) au financement fragile ? Faudra-t-il remettre à plat les politiques de solidarité (nivellement des dota-tions de solidarité, relecture des attributions de compensation) ?...Par ailleurs, les projets de fusion qui associent des communautés à fiscalité additionnelle et des communautés à fiscalité professionnelle unique donneront lieu, conformément au prin-cipe souhaité par le législateur, à une évolution des régimes fiscaux vers le régime le plus intégré, qui pourrait dès lors rapidement se généraliser, en particulier dans les zones urbanisées. Par exemple, si le projet de schéma du Bas-Rhin s’ap-pliquait tel qu’il est aujourd’hui prévu, le nombre de groupements à fiscalité additionnelle serait réduit de moitié. La forte réduction du nombre de syndicats par dissolution et/ou fusion pourrait également donner lieu à l’intégration (ou la réintégration) de compétences au sein des communautés, avec des implications en matière de charges notamment.Enfin, l’arrivée de la part départementale de la taxe d’habitation dans le panier fiscal des communau-tés change la donne. Des communautés qui dis-

posaient d’une taxe professionnelle importante, porteuse de leur développement, pourraient être intéressées pour se tourner vers des collectivités plus résidentielles, susceptibles de leur garantir un dynamisme fiscal. Une occasion également, pour les communautés repliées sur des « rentes » qu’elles ne souhaitaient pas partager, de réviser leur stratégie de développement et de s'ouvrir.

La DGF ne tiendra pas toutes ses promessesLes yeux se tournent déjà vers le rendement futur de la dotation globale de fonctionnement (DGF), puisqu’elle représente un tiers, en moyenne, des recettes des communautés. Jusqu’à présent, l’esprit du législateur a toujours été de favoriser l’intégration maximum, en utilisant la « carotte » du coefficient d’intégration fiscale (CIF). Les communautés issues d’une fusion ont ainsi béné-ficié d‘un régime très protecteur, avec la prise en compte du CIF le plus élevé pour le calcul de la dotation d’intercommunalité et la garantie, pendant cinq ans, du même niveau de dotation par habitant (avec une légère dégressivité).Or le nombre important de fusions envisagées et de changements de régime fiscal vont « tirer la DGF vers le haut » alors qu’elle évolue dans une enveloppe fermée… et gelée depuis les der-nières lois de finances. Il convient donc d’être très prudent sur les prévisions qui, si elles s’ap-pliquent à législation constante, peineront à assurer un rendement équivalent. Les commu-nautés les plus fragilisées seront celles qui arri-veront au terme de leur régime de garantie (cinq régimes différents existent) et qui ne connaîtront aucun mouvement (prise de compétences, chan-gement de catégorie, fusion...).

Claire Delpech

Comment les schémas abordent-ils aujourd’hui les questions financières qui, in fine, seront des éléments clés dans la détermination des futurs périmètres ? Renforcer la solidarité financière et l’intégration des futures communautés constitue le fil de nombreux projets de schémas.

P armi les différentes orientations à prendre en compte pour recomposer la carte inter-communale, la loi du 16 décembre 2011

de réforme des collectivités territoriales évoque « l’accroissement et le rééquilibrage de la soli-darité financière en veillant à une intégration fiscale plus poussée des groupements à fiscalité propre ». Elle impose également que tout projet de fusion soit accompagné d'un rapport explica-tif et d'une étude d'impact budgétaire et fiscal. Dans cette perspective, l’administration a prévu de fournir, pour la fin de l’année, des simulations financières aux communautés intéressées. Sera-t-elle en mesure de le faire ? Là est véritablement

la question car, comme le rappellent certains experts : « Additionner les communes ou les com-munautés ne voudra pas dire additionner leurs dotations. »

Des enjeux à plusieurs inconnuesDe nombreux schémas proposent des analyses détaillées sur les disparités des régimes fiscaux des communautés actuelles (SDCI de l’Ariège et du Cher), sur les disparités de richesse fiscale à partir des écarts de potentiels fiscaux (SDCI des Côtes d’Armor et de l’Ain), sur les niveaux d’in-tégration à partir des coefficients d’intégration fiscale (SDCI du Bas-Rhin et de l'Ariège). Certains

proposent même une analyse de la situation finan-cière des communautés avant modification (SDCI du Nord et du Var).Dans la grande majorité des cas, la faiblesse du budget d’un syndicat et l’intensité des mouve-ments budgétaires sont les principaux arguments avancés pour le dissoudre ou le regrouper avec d’autres, au même titre que la nature des compé-tences exercées et leur possible recoupement de périmètre avec des communautés. Les analyses des schémas de l’Ain, du Bas-Rhin, du Loiret, des Ardennes, du Cantal, du Jura… en témoignent.

CD> Lire aussi les articles p.4 et p.5 sur la préparation des SDCI.

« Le nombre important de fusions envisagées et de changements  de régime fiscal vont " tirer la DGF  vers le haut " alors qu’elle évolue dans une enveloppe fermée… et gelée. »

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Dossier

Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

Services publics locaux : les nouvelles frontières

En l’espace de quelques années, les communautés se sont hissées au premier rang de la gestion des services publics locaux. En matière de réseaux (eau, assainissement, déchets, transports, énergie…), de grands équipements (culture, sports…), de nouveaux services (social…), leur statut d’autorités organisatrices et leur rôle d’adjudicateur les placent au cœur des nombreux débats ouverts à l’occasion des renouvellements de contrats, tant sur le financement des projets que sur les modes de gestion les plus appropriés.

D ans des secteurs en forte mutation, de nombreux observateurs constatent que les communautés apportent, à un moment

clef, un supplément d’expertise aux décideurs publics et contribuent à rééquilibrer la relation contractuelle avec les opérateurs privés ou publics de services publics locaux. Un moment clef car la décennie 2010-2020 sera marquée par d’importantes mutations. De nou-veaux outils de gestion créés par le législateur commencent à prendre leur envol, à l’instar des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) et des sociétés publiques locales (SPL), ainsi que les nouvelles formes de montage public-privé (PPP, projet urbain partenarial…). Accélérés par la récente jurisprudence Olivet (cf. p. 17), les renégo-ciations de concessions ou de contrats de délégation de service public se multiplieront, dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, des déchets ména-gers… D’autres renouvellements majeurs sont en vue dans les domaines du transport et de l'énergie.

D'ores et déjà, certains ont défrayé la chronique, à Paris, Bordeaux, Toulouse, Lyon…, esquissant l’entrée dans une nouvelle ère.

Des cahiers des charges plus rigoureuxLa réduction du nombre des opérateurs constatée dans certains secteurs comme l’eau, les transports ou l’évènementiel n’empêche pas la réalité d’une concurrence acérée sur les appels d’offre et la fin des positions acquises. Contraintes budgétaires des collectivités, surveillance étroite de l’Autorité de la concurrence, nouvelles dispositions législa-tives… ont, de toute évidence, contribué à imposer de nouvelles règles du jeu. Plus claires, plus trans-parentes, ces nouvelles règles se traduisent en outre par des cahiers des charges beaucoup plus rigoureux et précis mais également par un souci de réversibilité accru, à travers la réduction de la durée moyenne des contrats. En l’espace de quinze ans, les gestionnaires locaux ont surtout développé leur pouvoir d’expertise et

élevé leurs exigences par rapport à leurs déléga-taires. En permettant de mutualiser des compé-tences techniques et juridiques de haut niveau, le déploiement de l’intercommunalité a joué un rôle essentiel dans cette mutation. Un rôle qui devrait s’accroître sensiblement dans les prochaines années. Et ce pour deux raisons. En premier lieu, ce sont les recompositions de la carte intercommunale programmées par les projets de SDCI qui ne manqueront pas d’avoir des effets puissants sur la gestion des services publics locaux. Parmi les 35 % de syndicats techniques dont les préfets préconisent la suppression (soit environ 5 000), un grand nombre d’entre eux verraient leurs compétences reprises par les communautés, dans des domaines comme l’assainissement, les trans-ports scolaires ou la gestion d’équipements. Dans les domaines de l’eau, du traitement des déchets ou de l’énergie, au sein desquels les pro-positions préfectorales privilégient en général d’autres échelles (bassins versants, département…),

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Dossier Services publics locaux

N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

Les syndicats d’eau, d’électricité et scolaires sont les plus nombreux et les plus concernés par les mouvements de recomposition proposés dans les projets de schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).La plupart des préfets souhaitent la fusion ou la réorganisation des syndicats d’eau à l’échelle des bassins versants, voire du dépar-tement (comme celui du Finistère). Lorsqu’ils demeurent encore, les syndicats primaires d’électricité sont présentés comme superflus et remplaçables, soit par les com-munautés, soit par des comités locaux plus informels. L’entrée des communautés dans les structures de gouvernance des grands syndi-cats mixtes est souvent évoquée, compte tenu de l’évolution des projets de territoire et de la compétence énergie. Les préfets préconisent très souvent l’absorp-tion des syndicats scolaires (Sivos) au sein des communautés, afin de créer un lien avec d’autres compétences. L’avenir des syndicats locaux de transport, autorités organisatrices déléguées du conseil général, est parfois traité avec, là aussi, l’idée souvent émise de réincorporer leurs compé-tences au sein des communautés. En termes d’impact budgétaire et financier, les projets de SDCI (cf. aussi pages 4 et 5) sont

rarement précis sur les conséquences patrimo-niales des suppressions, le mode de gestion des compétences exercées et le sort des agents concernés. NP

les communautés sont néanmoins invitées à jouer un rôle de pilotage plus actif au sein de syndicats mixtes. Sous réserve d’être confirmées par les travaux des CDCI à l’automne puis effectivement mises en œuvre, ces options conforteraient le statut d’« ensemblier » des services publics locaux reve-nant à l’intercommunalité, en offrant des oppor-tunités nouvelles en matière de transversalité, de cohérence et d’efficience.En deuxième lieu, de nombreuses communau-tés pourront tirer parti, au cours des prochaines années, de l’arrivée à échéance des périodes d’uni-fication des contrats et des modes de gestion qu’il leur a fallu respecter au moment des prises de compétences. Créées dans les années 1990 ou au début des années 2000, la plupart des communau-tés n’ont fait que se substituer, dans un premier temps, aux anciennes autorités délégantes ou anciennes régies, continuant parfois de combi-ner plusieurs modes de gestion et de nombreux contrats au sein de leur territoire. Déjà entamée, la sortie de cette phase de transition s’accélérera au cours des prochaines années et permettra des choix de gestion optimisés.

Des frontières public/privé en mutationCes réorganisations institutionnelles inter-viennent de surcroît dans un moment qui voit surgir de nouvelles interrogations. Les premières tiennent aux nouvelles frontières qui se des-sinent entre public et privé. Alors que le recours à des opérateurs privés et le choix de la délégation tendent à se généraliser dans certains domaines, comme les transports urbains, ou se renforcent dans d’autres (comme le social ou l’exploitation d’équipements), le domaine de l’eau – à très forte charge symbolique – fait l’objet d’importants débats dans les conseils communautaires ou municipaux. À la suite de la ville de Paris, de la communauté urbaine de Brest, plusieurs collec-tivités s’interrogent sur le retour à un mode de gestion public, à travers une régie ou un opérateur directement contrôlé sur un mode « in house » de type société publique locale. Régie ou délégation ? 100 % public ou 100 % privé ? Les choix auxquels sont confrontés les décideurs publics, sont dans la réalité, beaucoup moins binaires compte tenu de l’émergence de nou-veaux modèles. Le succès rencontré par la nou-

velle formule des sociétés publiques locales (SPL) montre que les collectivités souhaitent préserver la souplesse de gestion des sociétés de droit privé – les SPL sont des sociétés anonymes – tout en renforçant leur contrôle direct sur l’exploitant (capitaux 100 % publics). Mais un tel choix se combine parfois avec le maintien d’une externali-sation importante de l’activité vers des opérateurs privés concurrentiels, à travers des passations de marchés. De fait, moins qu’un choix idéologique en faveur du privé ou du public, les collectivités sont avant tout en recherche des moyens les plus adéquats pour exercer leurs missions et responsabilités d’autorités organisatrices, notamment vis-à-vis du contribuable et de l’usager. Ces derniers sont en effet au cœur d’une seconde série d’interrogations du moment et qui ne vont cesser de monter en puissance : celles relatives au mode de financement des services publics locaux. Tarifs ? Redevances ? Impôt ? La plupart des grands services publics locaux font l’objet aujourd’hui de questionnements à ce sujet. Outre la couverture des coûts, parfois problé-

matique comme en matière de transports, se pose la question du bon mode de tarification et de répartition de la charge entre l’usager et le contribuable, mais aussi entre le contribuable « universel » (fiscalité directe) et le contribuable spécifique (versement transport par exemple).

Mode de gestion et mode de financementSurtout, plusieurs grands services publics locaux sont confrontés à un inéluctable changement de modèle avec la baisse des consommations, soit déjà constatée (eau), soit recherchée activement (déchets). Comment assurer le financement des coûts fixes et des mises aux normes alors que les volumes baissent ? Quelle part de tarification incitative ou de tarification sociale instituer sans mettre en péril l’équilibre économique du service  ? Quelles solutions innovantes mettre en place pour modérer les coûts, voire les réduire, à qualité de service équivalente ? Telles sont les grandes questions qui s’ouvrent dans tous les territoires.

Nicolas Portier

« En créant une société publique locale pour la gestion de son eau potable, Brest Métropole Océane signifie qu’elle veut assurer la maîtrise publique de cette ressource particulière qui porte une dimension sociétale, environnementale et sociale. La réflexion est différente pour les autres compétences de la communauté, où le cadre concurrentiel demeure adapté. »

Maxime Paul, vice-président de Brest Métropole Océane et de la SPL Eau du Ponant

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Eau, électricité, scolaire au cœur des recompositions des SDCI

Dans les projets de SDCI, les préfets préconisent très souvent l’absorption des syndicats scolaires au sein des communautés.

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Collecte/traitement des O.M.

Tourisme

Équipements sportifs et culturels

Assainissement

Action sociale

Activités scolaires et parascolaires

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Compétences statutaires des communautés

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Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

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L’interco au centre de nombreux métiersEau et assainissement : attention, sujet sensible

E n matière de gestion du service public de l’eau et d’assainissement, les collectivités ont, au cours des trente dernières années,

opéré un regroupement territorial des services et des domaines d’intervention (production, distribution). Il s’est accompagné, en particulier dans les grandes villes, d’une forte progression de la part du secteur privé dans la gestion de ces services, passant de 30 % des contrats dans

les années cinquante à environ plus de 60 % aujourd'hui.Dans ce domaine politiquement sensible, l’évo-lution des modes de consommation, la néces-sité d’anticiper le renouvellement des contrats de délégation de service public, la sensibi-lité accrue des ménages sur le prix de l’eau, la montée en puissance du débat public sur les modes de gestion, la recherche de meilleures performances à moindre coût... ont ouvert la voix à la remise en cause d’un modèle qui semblait principalement pris en main par la gestion privée.C’est ainsi que certaines grandes collectivi-tés (Paris…), suivant l’inspiration de leurs voi-sines européennes, se sont prononcées pour un

« retour à la régie ». Dans de nombreux cas, c’est le mode de pilotage qui est revu, une grande partie des prestations restant confiées aux opé-rateurs privés par des marchés publics que la collectivité gestionnaire, souvent l’intercommu-nalité, entend renégocier à son avantage.

Claire Delpech

Services publics devant être mis en concurrence, selon les usagersPour chacun des services publics locaux suivants, pensez-vous qu'il devrait y avoir une concurrence complète, une concurrence limitée ou pas de concurrence du tout entre gestion directe et gestion déléguée ?

La concurrence doit être complète

La concurrence doit être limitée

Les réseaux de télécommunication 9064 26

794039La gestion des réseauxde chau�age urbain

793544La distribution de l’électricité

793643La distribution du gaz

783939Les transports en commun de proximité

773839La restauration collectivitéet les cantines scolaires

773443La collecte des déchets

763739L’assainissiment des eaux

763838La distribution de l’eau

763442Les transports ferrés interurbains ou TER

723042Le stationnement et les parkings payants

713734La voirie locale

653530Les services culturelset sportifs municipaux

813348Les services funéraires (crématorium, columbarium)

823745Service type « Vélib », « Autolib »

Total Il doit y avoir concurrence

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Population desservie : 63,9 millions Population raccordée : 51,6 millions

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Lyonnaise des Eaux�liale de Suez Environnement19 %

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Lyonnaise des Eaux�liale de Suez Environnement18 %

La gestion des déchets ménagers, collecte et traite-ment, est très liée au développement de l'intercom-munalité. La modernisation du service s’est largement appuyée sur les communautés issues des réformes de 1999, confiant assez massivement la gestion du ser-vice aux opérateurs privés. La technicité des process en matière de traitement, l’arrivée de grands syndi-cats intercommunaux, les contraintes de gestion du personnel, liées à la pénibilité des tâches en matière de collecte par exemple, ont facilité le passage à une gestion privée. Les évolutions en cours, carte de l’in-tercommunalité, mise en place de la tarification incita-tive… ne semblent pas de nature à remettre en cause ce modèle. CD

Répartition des services d’eau potable par opérateur

Répartition des services d’assainissement collectif par opérateur

Source : baromètre BVA-IGD, avril 2010, réalisé auprès de 1056 personnes âgées de 15 ans et plus.

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Services à la personne : la proximité avant tout ?

L’accueil de la petite enfance et de l’enfance, l’animation de structures pour les jeunes, l’aide aux personnes âgées et handicapées ne

répondent pas aux mêmes rationalité et logique d'action que des compétences plus techniques comme la gestion des déchets, des transports

urbains ou des grands équipements. Une mino-rité seulement de communautés s’y sont engagées, étant généralement convenu que l’aspect humain de ces questions requiert une proximité très forte entre l’institution et la personne.Dans un contexte budgétaire contraint et dans

un objectif d’harmonisation du service à l’échelle d’un bassin de vie, la tendance sera de plus en plus au transfert de compétences aux communautés, qui auront alors à choisir entre une exploitation en régie et une externalisation. Dès lors, la question des moyens humains et financiers se posera avec acuité, lorsqu’on sait qu’en 2008, plus de 7 mil-liards d’euros ont été dépensés par les collectivités locales pour l’accueil des 0 à 6 ans (selon la Cnaf) ou que la compensation de la perte d’autonomie représente aujourd’hui plus de 1 % du PIB. Si, pour des raisons de souplesse, le subvention-nement d’associations a longtemps primé sur une reprise en régie ou une externalisation type délé-gation de service public, le droit communautaire invite les collectivités à réguler ces aides. En outre, nombre d’entre elles s’interrogent sur l’efficacité de l’utilisation de telles subventions. En matière de petite enfance, au vu des besoins à satisfaire grandissants, les objectifs de ratio-nalisation et d’adaptation des modes de garde à chaque territoire sont prégnants. Certaines com-munautés, comme la communauté de communes Save et Garonne, souhaitent reprendre en régie directe des crèches parentales afin de permettre aux parents-bénévoles de recentrer leurs actions sur l’aide à la parentalité. Certaines caisses d’al-locations familiales vont même dans certains territoires jusqu’à exiger l'externalisation de ce type de services publics, considérant d’office qu’ils seront moins coûteux. FB

Transports publics : 90 % en délégation

E n vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales et depuis la loi d’orientation sur les transports intérieurs

(Loti) de 1982, les autorités organisatrices de trans-port urbain (AOTU) disposent d’une autonomie quant au choix du mode de gestion et d’organi-sation de leur réseau de transport public urbain. Depuis l’instauration de la loi Sapin, en 1993, la

délégation de service public est devenue le mode de gestion privilégié des 273 AOTU. Selon les données du Gart de 2008*, plus des trois quarts d’entre elles transfèrent le risque industriel à leurs exploitants. 90 % des AOTU choisissent de déléguer la gestion de leur service de transport col-lectif, tandis que 10 % d’entre elles optent pour une gestion directe de leur réseau. Parmi celles qui ont

opté pour la délégation, 13 % l’ont fait par le biais d’une procédure de marché public et 77 % dans le cadre d’une délégation de service public. Toujours selon le GART, 77 % des AOTU ayant opté pour la gestion déléguée transfèrent à la fois le risque industriel et le risque commercial à leur déléga-taire, et en majorité par le biais d’un contrat de type contribution financière forfaitaire. Parmi les contrats signés en 2008, plus de 60 % sont en effet de type contribution financière forfaitaire.Rappelons que, dans le cadre d’un contrat de conces-sion, d’affermage ou de contribution financière for-faitaire, l’exploitant est propriétaire des recettes et supporte le risque commercial. En gestion à prix forfaitaire, régie intéressée et contrat de gérance, l’AOTU conserve la propriété des recettes. OC* L’année 2008 des transports urbains, Certu-DGITM-Gart-UTP.

Les modes de gestion dans les réseaux de transport urbain, selon leur taille

Délégation deservice public

78 %Marché

public12 %

Régie directeavec EPIC

4 %

Régie directeavec autonomie

�nancière6 %

Source : Gart - enquête annuelle sur les transports urbains (Certu-DGITM-Gart-UTP) sur 187 réseaux.

Inauguré les 16 et 17 avril derniers, le tramway de Reims fait l’objet d’une délégation de service public avec le consortium Mars, qui réunit notamment Veolia-Transdev, Alstom, Bouygues, Colas, BPCE, la CDC, SNC-Lavalin…

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Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

Avez-vous le sentiment que l’intercommunalité s’affirme dans la maîtrise d’ouvrage des services publics locaux ? L’intercommunalité de projet remo-dèle les services publics locaux. D’une part, pour les compétences transférées au niveau intercom-munal, les standards de niveau de service ont tendance à s’aligner par le haut. D’autre part, la constitution de maîtres d’ouvrage intervenant sur un périmètre élargi favorise la redéfinition des stratégies, accroît les moyens consacrés au développe-ment des services publics et permet des effets d’échelle.Cette tendance existe depuis la loi Chevènement de 1999, mais elle est aujourd’hui relancée sous le double

effet de la réforme territoriale et de l’impératif d’une performance accrue, notamment sur le plan financier.

Est-ce une bonne nouvelle pour l’usager ?L’usager a vocation à être le grand gagnant de cette évolution, tant sur le plan du niveau de service que du tarif. Avec des limites. L’ambition d’un niveau de service élevé et homo-gène sur un territoire élargi a un coût. Et les marges de manœuvre dégagées sont souvent affectées à une politique d’investissement dont les besoins sont croissants et qui n’a pas toujours été suffisamment anticipée.

Les grands opérateurs pri-vés ont-ils intérêt à une prise

en main des services publics locaux par les communautés d’agglomération et de communes ?La relation des grands opérateurs privés à l’intercommunalité est complexe : leur organisation locale a d’ailleurs souvent précédé les regrou-pements intercommunaux. Dans un certain nombre de cas, le morcelle-ment de la maîtrise d’ouvrage servait les opérateurs : de petits périmètres sont moins concurrentiels et dis-posent d’un pouvoir amoindri de contrôle et de renégociation. D’une manière générale, l’intercom-munalité de projet rebat les cartes. Elle a créé de nouveaux périmètres contractuels sur lesquels préexistaient souvent plusieurs opérateurs histo-riques. La concurrence s’en est parfois trouvée exacerbée. Mais l’intercom-munalité induit aussi des acteurs publics capables de faire émerger des projets ambitieux ! En réalité, l’inter-communalité pousse les opérateurs à une saine modernisation.

Qu’attendre du phénomène de concentration des grands opé-rateurs ?La concentration des opérateurs impliqués dans la gestion des ser-vices publics urbains n’est pas une nouveauté. Elle n’est pas non plus

absurde : le modèle économique de la contractualisation public - privé repose notamment sur la mutuali-sation des moyens et des savoirs à grande échelle. Ce mouvement se poursuit aujourd’hui et tout parti-culièrement dans certains secteurs comme les transports. Cette straté-gie ne se conçoit d’ailleurs pas véri-tablement dans le contexte national, il s’agit d’enjeux mondiaux ! Il faut cependant noter qu’une intense concurrence peut émerger d’un système oligopolistique. Et notam-ment lorsque l’intercommunalité rebat les cartes. Sur de nombreux secteurs, on a constaté ces dernières années un renforcement de cette concurrence et même parfois des positions agres-sives qui paraissent en limite de rentabilité et donc peu pérennes, voire dangereuses, pour la qualité du service public.

Comment expliquez-vous la ten-tation actuelle, dans la gestion de l’eau notamment, à un retour en régie directe ? Le terme de « tentation » est appro-prié. Car les acteurs locaux ayant franchi le pas demeurent à ce jour peu nombreux. Et la notion de « retour en régie » a beaucoup du

Robert Picard, directeur général de CALIA ConseilINTERVIEW

L’intercommunalité induit des acteurs publics capables de faire émerger des projets ambitieux et pousse les opérateurs à une saine modernisation.

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Loisirs : la transversalité, facteur de gestion optimisée ?

A vec près de 75 % des communautés* qui déclarent détenir une compétence option-nelle « équipements culturels et sportifs »,

l’intercommunalité est devenue un acteur incon-tournable des politiques publiques locales du « loisir ». Ce faisant, elle est désormais la première autorité organisatrice des grands équipements. La gestion déléguée intervient dans des secteurs relativement nouveaux : l’organisation et la pro-motion de manifestations sportives (évaluation, enregistrement et contrôle des prestations spor-tives) ; la gestion de parcs de récréation, plages, parcs d’attraction, centres de vacances et centres de loisirs sans hébergement, classes de décou-verte, séjours jeunes et linguistiques ; l’animation culturelle et socioculturelle ; les spectacles pyro-techniques (dès lors qu’ils relèvent de la création d’un spectacle) ; les services concernant les actions éducatives péri- et post-scolaires…

Concentration horizontale…Du point de vue des opérateurs, le marché se struc-ture selon deux axes. Le premier suit le principe de la concentration horizontale, avec des sociétés spécialisées dans la gestion déléguée de plusieurs

établissements (multisites) autour d'un même type d'équipement (piscines, patinoires, etc.). Ces groupes (par exemple GL Events, Vert Marine, Récréa, Véga…) se spécialisent dans la gestion déléguée d’équipements de spectacles, sports, loisirs et manifestations économiques. Les activi-tés visées ne se cantonnent pas aux activités spor-tives (patinage, basket, bowling, tennis, cyclisme sur piste, kart, athlétisme indoor, escrime, trial, golf, équitation…), elles englobent les « activités culturelles et festives » (concerts, spectacles de danse, festivals de musique et d’humour, trem-plins jeunes, scènes ouvertes, expositions…) et les activités professionnelles et évènementielles d’entreprise (congrès, salons, foires-expositions, lancements de produits, dîners de gala…).

… et verticaleLe second axe concerne principalement des asso-ciations locales chargées d'un seul établissement (monosite), mais dont les activités peuvent être progressivement étendues à un ensemble de pres-tations et de services complémentaires suivant un principe de concentration verticale. Ces asso-ciations se présentent plus souvent comme des

dispositifs cherchant à exploiter les ressources connexes à l'usage d'un équipement localisé.

Emmanuel Duru* Source : Intercommunalités : le temps de la culture. Étude réalisée en 2008 par l’Observatoire des politiques culturelles, en partenariat avec l’AdCF.

La gestion déléguée dans le secteur des loisirs n’est plus synonyme de gestion « abandonnée », de l’avis même des gestionnaires qui reconnaissent que la donne a changé avec l’intercommunalité et l’exigence d’expertise qu’elle a suscitée. La concentration des opérateurs peut toutefois interroger sur la liberté de choix laissée aux autorités publiques en charge de ces services.

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N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

Les opérateurs plébiscitent le changement d'interlocuteurPar la transversalité de ses compétences et la globalité de son projet de territoire, l’intercommunalité est devenue le véritable interlocuteur des gestionnaires privés de services publics locaux. Tous s’en félicitent.

« Le bilan de l’intercommunalité est très positif pour les opérateurs dans le secteur de la gestion des déchets »,

constate Vincent Le Blan, délégué général de la Fnade (Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement)1, qui ne regrette pas le temps « des petits appels d’offre, avec des petites communes isolées dont l’échelle ne justifiait pas la mise en place de marchés ». Il note également que « le niveau d’expertise a globale-ment augmenté, du fait de personnes plus com-pétentes et de moyens plus importants ».Pour l’Union des transports publics2, la prise en main de la compétence transports jusque-là dévolue aux syndicats de transports à vocation unique a apporté « une vision plus technique, plus globale et planificatrice, non plus stricte-ment centrée sur le transport public », témoigne Anne Meyer, directrice du département Clien-tèles, exploitation et recherche de l’UTP. Désor-mais, les transports urbains sont considérés

davantage sous le prisme plus large de « la mobi-lité », favorisée par le fait que les communautés d’agglomération détiennent également la compé-tence aménagement. Une observation qui vaut aussi pour les contrats communaux qui changent d’échelle et, de ce fait, gagnent un périmètre plus important. À travers les appels d’offre renégociés dans ce cadre, Anne Meyer se félicite de la pro-motion de « l’idée de réseau ».

Rééquilibrer les rapports entre collectivités et délégatairesLe secteur de l’eau n’en est pas là, comme l’a sou-ligné le rapport 2011 de la Cour des comptes en février dernier, en pointant du doigt le nombre élevé des services d’eau et d’assainissement : 35 000 selon l’Office national de l’eau et des milieux aqua-tiques. La Cour déplorait alors que « du fait de l’asymétrie dans la connaissance des réseaux, les collectivités ne maîtrisent pas réellement les rené-gociations de contrats ». Et de conclure : « Seules

mythe originel, le service ayant parfois été créé par un délégataire. On observe surtout une uniformi-sation des modes de gestion sur les nouveaux territoires intercommu-naux, qui se traduit parfois par le développement de la régie, notam-ment quand la ville centre en était dotée, et plus fréquemment par le développement de la délégation de service public. Certaines créa-tions de régies ex nihilo, et non des moindres sur le plan symbolique, ont toutefois été engagées. Mais souvent, les opérateurs privés restent forte-ment impliqués par le truchement

de marchés publics de prestations de service. La parole militante est très forte sur le sujet : pour certains, puisque « l’eau, c’est la vie », sa gestion ne peut être déléguée par principe. Les véritables enjeux de gestion (amélio-ration du niveau de service, dimi-nution du prix) viennent souvent en seconde ligne et sont plus difficiles à établir. Compare-t-on le coût de la régie à créer et le service rendu par cette régie au contrat (obsolète) qui s’achève ou à celui (performant) qui aurait été négocié dans le cadre d’une nouvelle mise en concurrence  ? Le

paradoxe est que ce débat intervient sur le secteur de l’eau alors que les offres des opérateurs privés n’ont jamais été aussi compétitives. On peut en tout cas s’étonner que le débat sur la régie ne concerne souvent que l’eau potable. Et se demander parfois s’il est opportun d’engager une telle énergie dans ce qui n’est finalement que le choix d’un outil parmi d’autres pour la conduite d’une politique publique.

Est-ce à dire que la mise en régie est une stratégie risquée ?La mise en régie comporte des

risques, c’est indéniable. L’étude de faisabilité réalisée en amont esti-mant le coût de la régie n’engage pas aussi sûrement ses auteurs que la signature d’un délégataire sur une offre de prix.Mais ce risque est parfois payant et peut favoriser, selon les cas, l’atteinte des objectifs généraux fixés par les élus. En tout cas, il est essentiel de mesurer le caractère industriel d’un projet de régie. Il s’agit avant tout de gérer des hommes et des outils mis au service d’une politique définie par les élus. Il s’agit en réalité de créer un opéra-teur public industriel, et la stratégie et les moyens à mettre en œuvre ne sont pas nécessairement ceux que l’on utilise pour monter un service administratif  : mise en place d’une politique commerciale, gestion des impayés, encadrement de personnels de droit privé, recherche et dévelop-pement…

Va-t-on vers la remise en cause de la délégation de service public ?Dans de nombreux secteurs, la DSP a encore de beaux jours devant elle. Ses arguments principaux demeurent d’actualité : gestion efficace de la problématique sociale, responsa-bilité commerciale et industrielle, innovation, continuité du service en cas de crise… Mais dans certains domaines, comme celui de l’eau, elle aura besoin d’une sérieuse moderni-sation. Dans ce secteur, il lui faudra résoudre la problématique de la décroissance des volumes, qui remet en cause son équilibre économique.

Propos recueillis par Claire Delpech

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La concentration des opérateurs se poursuit tout particulièrement dans certains secteurs comme les transports. Un mouvement « pas absurde », selon Robert Picard, car « le modèle économique de la contractualisation public - privé repose notamment sur la mutualisation des moyens et des savoirs à grande échelle ».

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Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

L'internationalisation des grands délégatairesLes grands opérateurs de services publics locaux réalisent une part croissante de leur chiffre d’affaires à l’international. Analyse des rapports d’activités 2010 de trois grands : Veolia Environnement, Suez Environnement et Keolis.

Évolution des structures juridiques des AOTU

Commune

District

Syndicatintercommunal

à vocation unique

Syndicat mixte

Communautéde communes

Communautéd’agglomération

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Communautéurbaine

19952007

Source : enquête annuelle TCU Certu – DGITM – GART – UTP

L a progression est minime, mais symbolique, pour le champion national Veolia Environne-

ment, qui a réalisé 20,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires hors de France en 2010, soit 59,6 % de son total, contre 59,5 % en 2009. L’évolution est plus marquée pour Suez Environnement qui passe, en un an, de 59,8 % de son chiffre d’affaires réalisé à l’étranger en 2009 (7,3 mil-liards d’euros) à 63,4 % en 2010 (8,7  milliards d’euros). À noter que dans la zone Asie-Pacifique, le chiffre d’affaires est en hausse de 13,8 % en un an (+ 95 millions d’euros). Ses investissements nets se sont élevés en 2010 à 1,6 milliard d’euros, dont 429 millions d’euros pour le contrôle amical d’Agbar (Aguas de Barcelona), leader du marché de l’eau espagnol (1 100 contrats de long terme) et bien positionné sur les marchés régulés chiliens et anglais. Plus modeste, le chiffre d’affaires de Keolis, depuis 2001, a toutefois aug-menté de 12 % par an en moyenne, pour atteindre 4,1 milliards d’euros en 2010 (+ 20,1 % par rapport à 2009). « Cette progression est tirée par l’in-ternational, en hausse de 24,2 % par an depuis 2001, la France affichant une croissance annuelle moyenne de 7,3 % », précise le rapport d’acti-vité 2010 du groupe. L’international

représente désormais 1,87 milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit 45 % du total. Pour 2011, le groupe vise les 48 %. « L’international continue à contribuer davantage à la rentabilité du groupe qu’au chiffre d’affaires. Il

représente 51 % de l’Ebitba (profitabi-lité du groupe) ».À noter également que sur les 15,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires de Sodexo, 17 % seule-ment sont réalisés en France (45 %

en Europe, 38 % en Amérique du Nord). Également dans le métier de la restauration sous contrat, le « petit » Elior, avec ses 3,8 milliards de chiffre d’affaires, en réalise 41 % à l’international. VL

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la réduction drastique du nombre de structures et la mutualisation des moyens et compétences per-mettront d’améliorer la gestion, de rééquilibrer les rapports entre les collectivités et les délégataires de service public. » Une position partagée par Béa-

trice Arbelot, déléguée générale de FP2E (Fédé-ration professionnelle des entreprises de l’eau)3, qui assure : « Les opérateurs souhaitent avoir pour interlocuteur une collectivité qui soit forte pour faire progresser la qualité des services, avec des gens volontaires et qui se donnent les moyens. » Et de conclure : « Les communautés répondent bien à cette prérogative. »Quant aux contrats municipaux qui perdurent, Béatrice Arbelot n’est pas pour les bousculer. « Même s’il y a eu transfert de compétence, les communautés doivent bien sûr attendre l’échéance de ces contrats avant d’en signer un global à leur échelle. En attendant, une communauté peut, pro-gressivement, rapprocher les services et harmoni-ser les tarifs », conseille-t-elle.

Des cahiers des charges plus exigeantsAu cœur de la relation délégant-délégataire, les termes des cahiers des charges actuels sont le résultat de « plus de discussions, plus matures, dans une logique d’évolution du contrat en fonc-tion des attentes des usagers », observe Anne Meyer. Plus d’exigences aussi, comme le souligne Vincent Le Blan, « sur la durée des contrats (plus courts) et sur la qualité (avec l’introduction bana-lisée du principe des pénalités) ».Concernant les tentations de certaines commu-nautés de passer du mode délégation au mode

régie, Béatrice Arbelot y voit « le signe que les élus locaux attachent de plus en plus d’importance à l’eau et à l’assainissement, qu’ils s’intéressent davantage à ces services et réfléchissent plus avant de prendre une décision ». Et de conclure : « Tout ce dont le délégataire a besoin ! »Les propos sont plus tranchés du côté de l’Insti-tut pour la gestion déléguée4. « Le retour en régie est animé par le souci de plaire électoralement, avec l’idée que la régie directe, c’est familial ! On ne pourrait y faire que le bien, car ce serait de la gestion ‘pure’ », ironise son délégué général, Pierre Van de Vyver. Il considère quant à lui qu’il est « très difficile d’atteindre le même niveau d’effica-cité que celui des opérateurs ». De bonne guerre. VL

1- Neuf syndicats professionnels (syndicat national des activités du déchet, groupement national des PME du déchet et de l'environ-nement…) représentant au total 350 entreprises privées et 2 512 établissements adhérents.2- 161 entreprises de transport public urbain de voyageurs en France adhérentes (Keolis, Veolia-Transdev mais aussi Sem, syndicats et régies de transport) et 6 entreprises de transport ferroviaire (SNCF, RATP…).3- Huit adhérents dont Lyonnaise des Eaux, Saur et Veolia Eau.4- Fondation d’entreprise fondée en 1996 par 47 entreprises : Keolis, Lyonnaise des Eaux, RATP, SAUR France, SITA France, Sodexo SFRS, Suez Environnement, Veolia Eau, Veolia Environne-ment, Veolia Propreté, Veolia Transport, Vinci, Vinci Park...

Les implantations de Suez Environnement dans le monde

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Dossier Services publics locaux

N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

« Il serait sans doute temps  de réexaminer l’adéquation  de ces outils, forgés en temps  de croissance, avec la constitution des infrastructures de base, pour les passer au tamis des nouvelles contraintes de la commande publique. »

Les outils de gestion des services publics locaux composent un univers paradoxal, où l’histoire côtoie un présent en continuelle évolution : de la concession de service public, pour laquelle n’existe toujours aucun régime juridique légal de fond – la loi Sapin ne constituant qu’un régime de procédure, hors règles relatives à la durée –, aux baux emphytéotiques administratifs tout récemment modifiés, l’utilisateur, même averti, a du mal à se repérer.

L a profusion des outils de gestion des services publics locaux, dont certains répondent à un besoin apparaissant comme criant à un

moment donné, souffre cruellement d’un manque de vision d’ensemble. L’idée de « commande publique », séduisante en ce qu’elle paraît englo-ber un champ de l’action publique locale, est de ce point de vue trompeuse car elle donne à penser qu’il existe de l’unité là où se déploie en réalité le désordre. La pratique tend néanmoins à simpli-fier ce qui peut l’être, en limitant le nombre d’ac-teurs et en mettant en œuvre des coopérations, lorsqu’elles sont possibles.

Désordre de la commande publiqueLes outils juridiques de gestion des services publics apparaissent aujourd’hui assez largement inadaptés car ils ont été forgés au fil du temps, et parfois depuis fort longtemps, pour répondre à une demande sociale d’infrastructures dont le financement était porté soit par des usagers, soit par les personnes publiques.Le cas le plus exemplaire est celui de la conces-sion de service public, dont la réussite éclatante en a permis une large exportation à l’étranger, où il n’est plus rare de lire l’expression « concession à

la française » pour désigner une approche perçue comme économiquement efficiente, technique-ment efficace et juridiquement sécurisée. Les bail-leurs de fonds multilatéraux eux-mêmes – FMI et Banque mondiale notamment – agissent désor-mais en promoteurs de ce modèle.Le développement de ce véhicule contractuel dans des États peu dotés en infrastructures ne peut que conforter l’analyse de la bonne adéquation du modèle et du contexte dans lequel il se développe, qui correspondent, l’un comme l’autre, au cadre initial français.

Réexaminer le modèleLa crise des finances publiques et le risque de recettes doivent conduire à réexaminer ce modèle, non pas qu’il soit devenu un mauvais modèle, dès lors qu’il a largement fait ses preuves et a permis la réalisation d’infrastructures en tous points remarquables. Simplement, le contexte français a radicalement changé et les bonnes solutions d’hier ne sont plus nécessairement l’unique réponse d'aujourd’hui. « Autres temps, autres mœurs », dit le moraliste ; « autres contrats » pourrait ajouter le juriste.La floraison, même parfaitement désordon-née, des nouveaux contrats de la commande publique démontre à l’envi ce diagnostic d’ina-daptation. Que l’on en juge sur un seul exemple : la loi de 1988 a institué un bail emphytéotique administratif, tiré du droit rural et non du bail à construction, pour donner aux seules collectivi-tés territoriales un outil de gestion immobilière plus performant. Un BEA pouvait également être conclu par l’État ou ses établissements publics « en vue de la réalisation de logements sociaux », depuis la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. On sait désor-mais qu’il peut constituer, au profit de l’État et des établissements publics consulaires, un outil de valorisation de leurs biens (loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010). Bref, la profusion est source de confusion.

Une adaptation au fil de l’eauSans pouvoir déterminer ce qui est la cause et ce qui est la conséquence, les outils de la commande publique s’adaptent, parfois au fil de l’eau, dans deux directions au moins.La première voie est celle du regroupement des acheteurs publics, en partant de l’idée que la diminution du nombre d’acheteurs permet par nature de réaliser des économies d’échelle et de professionnaliser la commande. De ce point de vue, les outils ne témoignent d’aucune origina-lité par rapport à la recomposition du paysage territorial : mutualisations de services et regrou-pements intercommunaux débouchent ainsi sur une redéfinition des périmètres d’achat des col-lectivités concernées.La logique des centrales d’achat, conçues soit pour

acheter des fournitures ou des services pour les revendre ensuite à des acheteurs publics, soit pour assurer la passation de marchés ou d’accords-cadres pour le compte de pouvoirs adjudicateurs, (code des marchés publics, art. 9, 2°), est le point d’aboutissement, encore imparfaitement traduit dans la réalité, de cette démarche.

Passation commune de contrats distinctsLa seconde voie est de rendre possible la passa-tion commune de contrats distincts au travers de diverses techniques de la commande publique : le groupement de commandes du code des marchés

publics fait, à ce titre, fonction de précurseur et annonçait les possibilités ouvertes depuis la loi n°  2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, qui autorise désormais la conduite d’une procédure unique entre plu-sieurs personnes publiques (cf. art. L.1414-1.-III. du CGCT). Le groupement d’acheteurs connaît, semble-t-il, un certain essor et vient le plus souvent complé-ter le dispositif de mutualisation précédemment évoqué (groupement entre une communauté et les communes membres par exemple). Dans le même esprit, les formules de coopération entre maîtres d’ouvrage sont désormais possibles, soit au travers du mandat de la loi MOP, soit au travers du méca-nisme de conduite d'opération.Toutes ces innovations, petites ou grandes, ne remettent toutefois pas en question l’essence même de l’outil mais visent à en simplifier la pra-tique. Il serait sans doute temps de réexaminer l’adéquation même de ces outils, forgés en temps de croissance et de constitution des infrastruc-tures de base, pour les passer au tamis des nou-velles contraintes de la commande publique.

Olivier Ortega, avocat associé du cabinet Lefèvre, Pelletier & Associés

TRIBUNE

La profusion des nouveaux outils de gestion est source de confusion

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« À l’étranger, l’expression "concession à la française" désigne une approche perçue comme économiquement efficiente, techniquement efficace et juridiquement sécurisée. »

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Dossier

Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

À l’occasion de son arrêt « Commune d’Olivet » du 8 avril 2009, le Conseil d’État a estimé que les contrats conclus dans les domaines de l’eau et de l’assainissement avant la loi Barnier du 2 février 1995, pour une durée supérieure à 20 ans, ne pourront plus être régulièrement exécutés, sans justifications précises, à compter du 3 février 2015. Sont donc ici concernés uniquement les contrats de plus de 20 ans, antérieurs à la loi Barnier et dont le terme contractuel est postérieur à février 2015. Selon les délégataires, ils seraient au nombre d’environ 500.Se fondant sur le principe du libre accès à la commande publique de tous les opérateurs économiques et sur la transparence des procédures de passation, le Conseil d’État estime que la durée maximale de 20 ans imposée par la loi Barnier est applicable aux conventions conclues avant le 2 février 1995 (date de promulgation de la loi). Le terme normal de ces contrats devrait donc être le 3 février 2015, sauf à démontrer qu’une

durée supplémentaire est requise pour assurer l’équilibre économique de la concession, sur la base des obligations confiées au concession-naire, notamment en termes d’investissements à réaliser. Ces justifica-tions particulières devront être, le cas échéant, soumises à l’examen préalable du directeur départemental des Finances publiques afin qu’il donne un avis. Sans entraîner la caducité de tous les contrats en 2015, cet arrêt impose donc aux collectivités et à leurs délégataires de service public d’exami-ner leurs contrats en cours d’exécution, conclus avant l’entrée en vigueur des lois du 29 janvier 1993 et du 2 février 1995, afin de s’assurer que la limitation de leur durée, décomptée à partir de l’entrée en vigueur de ces lois, n’est pas et ne sera pas dépassée. Le cas échéant, il leur appartiendra de mettre en place une procédure de confirmation de la durée de ceux-ci. ED

Jurisprudence « Commune d’Olivet » : un risque… ou une chance ?

Magique SPL ?La jeune société publique locale est parée de multiples vertus aux yeux des décideurs locaux : simple, souple, réactive, elle échappe aux mises en concurrence. Perçue comme une structure de mutualisation de moyens entre communauté et communes membres, elle peut permettre de renforcer le processus d'intégration communautaire... mais aussi servir à éviter les transferts de compétences.

G érard Hamel a de la suite dans les idées. Après avoir créé la première société publique locale (SPL) sitôt la loi du 28 mai

2010 votée, le président de Dreux Agglomération projette aujourd’hui de lui attribuer d‘autres sec-teurs d’activités. Après des premières missions dans le domaine de l’habitat (accueil de l’équipe projet Anru et des financements, guichet unique pour les habitants en matière de logement social, d’accession à la propriété, de lutte contre le loge-ment indigne…), il envisage d’intégrer, dans cette société détenue à 80 % par la ville centre et à 20 % par la communauté d’agglomération, l’office du tourisme communautaire, le parc des expositions communal et, à terme, l’aménagement. « Des communes rurales membres de la commu-nauté d’agglomération souhaitent que la com-munauté porte l’aménagement de lotissements, mais ne désirent pas se dessaisir de la compétence urbanisme. En entrant dans la SPL, elles n’auront pas besoin de le faire et la SPL jouera un rôle de mutualisation des moyens », explique Gérard Hamel. Et si on observe que ce dispositif peut être un frein à une meilleure intégration intercommu-nale, il rétorque que « si le PLUI est un objectif à atteindre à terme, il faut se rendre à l’évidence : aujourd’hui les communes n’en veulent pas ». Pour gérer cette diversité, le président de Dreux Agglomération prévoit d’intégrer, au sein de la SPL, une équipe de gestion administrative et financière avec une comptabilité correspondant à chacun des métiers.

Mettre en synergie de grands équipementsPour Martine Lignières-Cassou, présidente de la communauté d’agglomération de Pau Pyrénées, la SPL créée le 1er juillet de cette année, entre la communauté d’agglomération (1/3) et la ville centre (2/3), pour gérer le palais des congrès dont le contrat d’affermage s’achève en 2012, serait éga-lement « un premier pas ». Objectif : « Mettre en synergie de grands équipements qui participent au rayonnement du territoire : zénith, palais des sports, parc des expositions… » « Cela permet de dire que la ville centre ne transfère pas tout à fait

la compétence tourisme d’affaire à l’aggloméra-tion », commente Martine Lignières-Cassou, qui est aussi la maire de Pau (le transfert de la com-pétence tourisme sera effectif au 1er janvier 2012).Détenue à 90 % par Brest Métropole Océane et à 10 % par trois syndicats de distribution d’eau voisins, la SPL Eau du Ponant prendra le relais, en 2012, du contrat de délégation de service public passé avec Veolia 25 ans plus tôt et dont la communauté urbaine a critiqué « le manque de transparence ». La formule SPL s’est révélée « l’outil le plus adapté à une mutualisation des moyens, tout en laissant à chaque territoire l’au-tonomie et l’initiative indispensables sur le plan, par exemple, de la politique tarifaire ou encore du montant des investissements », explique Maxime Paul, vice-président de Brest Métropole Océane et de la SPL Eau du Ponant.

« La régie communautaire avait été écartée », se souvient-il, parce qu’elle ne permettait pas de coopérer avec des structures situées en dehors du territoire de la communauté. Le syndicat mixte nécessitait quant à lui un transfert de la compé-tence et une harmonisation des tarifs au sein du territoire communautaire, ce que les élus ne sou-haitaient pas. Enfin, l’outil Sem aurait été soumis à la concurrence « face aux grands acteurs de l’eau » et, sans expérience, aurait eu du mal à l’emporter. En tout, sur les 22 SPL créées depuis la loi du 28 mai 2010, 15 comptent une communauté parmi leurs actionnaires et 10 comptent à la fois la com-munauté et sa ville centre. VL > Lire aussi p.20 le point juridique « Communes, communauté et SPL : jusqu’où peut-on aller ? »

La profusion des nouveaux outils de gestion est source de confusion

Après des premières missions dans le domaine de l’habitat (projet Anru), Dreux Agglomération envisage d’intégrer, dans cette SPL, l’office du tourisme communautaire, le parc des expositions communal et, à terme, l’aménagement.

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Dossier Services publics locaux

N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

« À la fin, c'est toujours le privé qui gagne. C'est dans la nature des contrats de partenariat », a provoqué Henri Nayrou, député de l’Ariège, en ouverture de la table ronde « Financement des stades et des salles : la mutation d'un modèle », organisée le 7 juin à l’Assemblée nationale dans le cadre des 3es Rencontres parlementaires sur le sport.

Contrat de partenariat : comment garantir un jeu gagnant-gagnant ?

L’avènement du sport spectacle professionnel a modifié la nature des grands stades : d'un équipement « forcément municipal, dont le

rendement est maigrelet », on est passé, selon Henri Nayrou, à un « outil de développement multi- fonction, gisement économique, privatisé bien entendu ». « Bien entendu » parce que le finan-cement de tels équipements n’est pas à la portée des collectivités seules, surtout lorsque l’on tient compte de sa construction, de sa maintenance, de son entretien... tout ce qu’un contrat de partenariat promet. « L'ensemble des besoins est supérieur à ce que peut financer le secteur public. D'une manière ou d'une autre, la participation du privé sera donc nécessaire. Mais il n'y a pas de recette miracle. L'acteur privé ne viendra pas sans intérêt », estime Vincent Chaudel, expert sport du cabinet conseil Kurt Salmon.

Gérer la complexitéQuoi qu’il en soit, l'ensemble culture et sport repré-sente entre 15 et 20 % des contrats de partenariat soumis à la mission d’appui aux contrats de parte-nariat public-privé (MAPPP, ministère de l’Écono-mie), soit environ 400 projets. Quarante-cinq ont effectivement vu le jour, dont 20 concernent des salles multisports et « nombre d’ensembles aqua-centres », a noté Christophe Baulinet, président de la MAPPP. Selon lui, un tel succès est dû au fait que

le contrat de partenariat est « capable de gérer la complexité, y compris dans l'urgence », d’assurer la répartition des risques et, surtout, « la durabilité de l’investissement » car il « fige les moyens budgé-taires dans le temps ce qui permet de s'assurer que les investissements ne vont pas dépérir ». Le fonctionnaire de la MAPPP assure également

que les contrats de partenariat sont « capables de contractualiser la performance ». Traduction : « Ce n’est pas parce qu’il y a un par-tenaire privé que la définition du besoin pourra être plus souple et moins détaillée. Comme dans l’ensemble de la commande publique, un projet ne sera réussi que si le besoin a été précisé, évalué et pris en compte lors du choix du partenaire privé. » Et d’ajouter : « La collectivité doit s'orga-niser pour le faire. Je ne vous dirai jamais que le PPP consiste à reporter toutes les responsabilités sur le partenaire privé. »

Performance sportive, performance économiqueMême les aléas des résultats sportifs doivent être pris en compte car « il existe une corrélation entre performance sportive et performance économique », explique Vincent Chaudel. « Quand un club est capable de rassembler de nombreux spectateurs, il attire des acteurs économiques et enclenche un cercle vertueux. » « Chaque millier de spectateurs génère un million d'euros dans le budget d'un club », a-t-il calculé. Conséquence pour le contrat : « L'ac-teur privé doit pouvoir partager la prise de risques avec l'acteur public. » C’est ce qu’a accepté la ville du Mans, dans le cadre du contrat de partenariat pour le stade MMArena. « Le Mans reste en Ligue 2 la saison prochaine, ce qui a des conséquences importantes pour la société concessionnaire car il existe une recette variable liée à la billetterie. Si nous n’avions pas la collecti-vité à nos côtés dans ces périodes difficiles, le par-tenariat ne serait pas équilibré », estime Xavier Lapeyraque, directeur général du MMArena du Mans. « De même, nous reverserons à la col-lectivité une partie de la survaleur recueillie lors de périodes meilleures que celles que nous avons prévues », ajoute-t-il. Reste à savoir où placer le curseur de la « survaleur ». VL

Le Stade du Mans, livré en janvier 2011, est le premier en France à être baptisé du nom d’une entreprise (MMA), en contrepartie d’une participation financière.

Quel est, à votre avis, le principal avantage des partenariats public-privé ?

Quel est le principal inconvénient des partenariats public-privé ?

29 %L’échange et le partage entre les cultureset les bonnes pratiques du public et du privé

25 %La maîtrise des coûts

18 %La maîtrise et le juste partage des risques

17 %Une meilleure performance de l’exploitation

9 %L’assurance du respect des délais

2 %Aucun

1 %Aucun

Des risques liés aux objectifs de rentabilité duconcessionaire au détriment du service public 31 %

Une perte de contrôle sur l’exécutiondu service public 26 %

Un coût plus élevé pour la collectivitéet le contribuable 24 %

L’autonomie de gestion du projetlaissée au privé 13 %

Un brouillage des communications entrele concessionnaire et la collectivité teritoriale 5 %

29 %L’échange et le partage entre les cultureset les bonnes pratiques du public et du privé

25 %La maîtrise des coûts

18 %La maîtrise et le juste partage des risques

17 %Une meilleure performance de l’exploitation

9 %L’assurance du respect des délais

2 %Aucun

1 %Aucun

Des risques liés aux objectifs de rentabilité duconcessionaire au détriment du service public 31 %

Une perte de contrôle sur l’exécutiondu service public 26 %

Un coût plus élevé pour la collectivitéet le contribuable 24 %

L’autonomie de gestion du projetlaissée au privé 13 %

Un brouillage des communications entrele concessionnaire et la collectivité teritoriale 5 %

Source : enquête sur « L’image et les pratiques en matière de partenariat public privé » réalisée en mars 2011 auprès de 200 élus représenta-tifs de collectivités de plus de 10 000 habitants, par l’Ifop, pour Mars (Mobilité Agglomération Rémoise), consortium qui assure la délégation de service public du tramway de Reims.

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Dossier

Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

D’un mode à l’autre : quels effets sur les ressources humaines ?Externalisation, reprise en régie, transfert de l’activité dans une entreprise publique locale (Sem, SPL)… Les communautés ayant procédé à de tels changements témoignent de la nécessité d’anticiper les impacts managériaux, en amont et en aval du processus.

R éussir un changement organisationnel nécessite, en amont, de définir les objec-tifs du changement, d’organiser un pilotage

participatif et un accompagnement constant des agents. Au vu d’une enquête réalisée auprès de six communautés, il apparaît en effet que les difficul-tés rencontrées lors d’un changement de mode de gestion de services publics locaux proviennent moins d’une différence de culture entre des agents qui n’étaient pas habitués à travailler ensemble que d’un manque de communication. Rares sont les communautés où les effets sur les ressources humaines ont été anticipés. Consé-quence : au début du processus, 21 % des agents étaient inquiets de l’évolution de leurs missions, alors même qu’ils ne remettaient pas en cause le principe de passage à un autre mode de gestion dont ils attendaient, pour 70 % d’entre eux, une plus grande efficacité.

Pas de communicationSi toutes les communautés étudiées avaient réalisé un bilan de l’ancien outil de gestion, deux sur six seulement avaient lancé une étude comparative des différents outils possibles. Un manque de pré-paration qui s’est souvent avéré anxiogène pour les agents mettant en œuvre le changement. De nombreux cadres ont ainsi confié s’être « sentis démunis face à ce choix » et 46 % des agents témoignent : « On ne savait pas à quelle sauce on allait être mangé. » La plupart se souviennent que « tout le monde était dans le flou ». Pourtant, dans la plupart des communautés étu-diées, la décision politique avait été suivie par le recrutement d’une personne référente ou par la

constitution d’un comité de pilotage. Deux outils qui ne suffisent manifestement pas (le comité de pilotage renforçant la conviction que « les déci-sions se prennent au sommet ») et ne peuvent en aucun cas remplacer les groupes de travail ou groupes de discussion dans lesquels s’expriment les agents directement concernés par le chan-gement de mode de gestion. Une démarche de transparence d’autant plus nécessaire quand on sait que 17 % des agents rencontrés affirment avoir pris connaissance du changement par des sources officieuses. Dans la majorité des cas, heu-reusement, l’annonce a été faite dans le cadre de réunions d’information (31%), par leur supérieur hiérarchique (24 %) ou bien encore lors d’entre-tiens individuels (7 %).

Évolution de carrièreA posteriori, 72 % des agents directement concer-nés se déclarent satisfaits de leur nouvelle organi-sation, dont près d’un quart est « plus satisfait de son travail qu’auparavant » et une moitié constate

la neutralité du passage d’un mode à l’autre. À noter également, un plus fort attachement à leur évolution de carrière (14 % des agents interrogés), un souci d’adaptabilité à leurs nouvelles fonctions (8 %) et à la qualité du service rendu à l’usager (6 %). Certains déplorent toutefois un recul des

valeurs attachées à la responsabilisation (16 %) et la transparence (10 %). Quant au processus de changement lui-même, il leur aurait permis de resserrer les liens affectifs entre les membres d’un même service (22 %) mais aussi d’accroître leur rémunération (24 % des cas).

Marianne Millet et Priscille Hébert, étudiantes en psychologie

L’AdCF a missionné les auteures de cet article, Marianne Millet et Priscille Hébert, deux étu-diantes en master professionnel « Ingénie-rie psychosociale et cognitive » (Université Rennes 2), pour analyser les effets des chan-gements de mode de gestion des services publics en matière de ressources humaines. L’enquête s’appuie sur des entretiens réalisés auprès des personnes directement concernées

par le changement de mode, d’élus, d’agents de la direction générale et des ressources humaines, issus de quatre communautés de communes et de deux communautés d’agglomération.

À paraître en septembre 2011 dans la collection« Les notes territoriales de l’AdCF ».Contact : [email protected]

Enquête auprès de six communautés

17 % des agents directement concernés par un changement de mode de gestion en ont pris connaissance par des sources officieuses.

Les sondés avouent : « On ne savait pas à quelle sauce on allait être mangé. »

La plupart des agents directement concernés par la réorganisation se déclarent aujourd'hui satisfaits.

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Territoires

N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

Implantations commerciales : et si on arrêtait de faire la course ?La journée sur l’urbanisme commercial, organisée par l’AdCF avec le syndicat mixte du Grand Pau et la communauté d’agglomération de Pau Pyrénées, a réuni une centaine de participants, le 16 juin. Alors que la poursuite du débat parlementaire sur la réforme de l’urbanisme commercial est incertaine, les intervenants ont montré qu’ils étaient en attente d’outils de maîtrise et de régulation.

« Les élus sont inquiets, attentifs et regardent l’eau qui monte. » Ce constat, amer mais lucide, d’Odile Denis, vice-

présidente de la communauté d’agglomération de Pau Pyrénées, était largement partagé par les élus intervenant à la journée consacrée à l’ « Urbanisme commercial : vers un changement de modèle », organisée par l’AdCF dans le cadre de ses manifes-tations en région.« Lorsque j’ai été élu, il y a trois ans, des opéra-teurs commerciaux, réagissant à l’arrivée annon-cée d’Ikea et de sa galerie marchande, sont venus me voir pour s’agrandir. Je me suis alors rendu compte qu’il n’y avait pas de diagnostic commer-cial de l’agglomération : les élus ne connaissaient pas la réalité commerciale de leur territoire ! »,

se souvient Jean-Pierre Voisin, conseiller de l’ag-glomération Côte Basque Adour et président de l'Agence d'urbanisme Atlantique et Pyrénées (Audap). Aujourd’hui, l’élu a une vision claire : « Il y a 300 000 m2 de projets commerciaux dans les cartons des promoteurs, ce qui revient à doubler la surface actuelle. » « Les coups sont plus ou moins partis et nous nous demandons comment amortir les choses », s’interroge-t-il. Il n’est pas le seul et, dans l’attente du vote de la proposition de loi sur l’urbanisme commercial*, les outils disponibles se révèlent peu efficaces pour maîtriser le flot de

projets commerciaux en périphérie des villes.« Des projets commerciaux considérables sont partis et pérennisent les errements du passé », observe ainsi François-Régis Valette, président de la communauté d’agglomération du Sicoval, qui avait pourtant participé à l’élaboration d’une charte inscrite dans le Scot de l’aire urbaine de Toulouse et d’un document d’aménagement commercial (DAC). Aucun de ces outils n'a été mené à terme, le Scot de l’aire urbaine ayant été divisé en quatre Scot dont aucun n’est arrêté à ce jour et le DAC a été rejeté – « sous la pression des lobbies », précise François-Régis Valette – au nom de « la liberté d’entreprendre ». Malgré tout, l’élu toulousain demeure convaincu que « le Scot peut porter un véritable projet d’aménagement et d’urbanisme ».

« Fermer les vannes »Attendue sur les « atouts et limites d’un DAC », Isabelle Maquin, directrice adjointe de l’agence d’urbanisme de l’agglomération de Besançon, conseille d’ « aller très loin dès la rédaction du document de planification parce qu’il y a tou-jours de la déperdition ». Malgré l’élaboration d’un DAC en application de la loi LME, sur le ter-ritoire du Scot (la communauté d’agglomération et cinq communautés de communes), les surfaces autorisées en commission départementale d'amé-nagement commercial (CDAC) ont doublé en deux ans. Si le DAC a évité le pire scénario, « il faut aujourd’hui fermer les vannes », alerte-t-elle. « Sinon l’agglomération de Besançon comptera des friches commerciales… Et j’ai déjà une petite idée de leur localisation. »Le DAC d’Orléans prévoit quant à lui de créer

deux nouveaux grands pôles commerciaux pour présenter une « image de modernité » du ter-ritoire, explique Patrice Laurent, directeur des études à l’agence d’urbanisme de l’agglomération orléanaise, avant de souligner que l’agglomération compte 600 000 m2 de commerces existants et 200 000 m2 « en attente ». « Quand on sait qu’on a ouvert 60 000 m2 en cinq ans, on se demande comment avaler les projets à venir », commente-t-il, ajoutant que les élus sont divisés sur le sujet.« Nous ne sommes pas affranchis des stratégies communales », reconnaît Jean-Pierre Voisin pour l’agglomération Côte Basque Adour. « Il est dif-ficile de se discipliner entre élus : chacun veut sa supérette ! », compatit Jean-Pierre Mimiague, pré-sident de la communauté de communes de Luy de Béarn et président du Grand Pau, avant de souli-gner que « le problème est que le PLU est encore majoritairement communal ». Acquiescements de part et d'autre. « Il est évident que la compé-tence urbanisme doit revenir à la communauté », estime par exemple Éric Kerrouche, président de la communauté Maremne Adour Côte-Sud, tout en soulignant que cela ne suffira plus car « la concurrence a été déplacée ».

Une concurrence entre très grands territoires« D’une concurrence entre communes d’une même communauté, nous sommes passés à un affrontement sur un périmètre beaucoup plus vaste, entre grands territoires voisins », observe-t-il à Maremne Adour. Après s’être imposé une discipline pour réguler les implantations com-merciales dans le cadre d’un Scot et d’un DAC à l’échelle de la communauté, l’élu landais se sent démuni face à l’évasion commerciale anti-cipée de ses habitants et de ses touristes vers les centres commerciaux programmés par le Grand Dax ou (encore) l’agglomération de Bayonne. Une réflexion interscot avec le Grand Dax est en cours, « mais cela ne suffira pas », sait déjà Éric Kerrouche.Le vote de la loi sur la réforme de l’urbanisme commercial apparaît plus que jamais comme une urgence. Les élus ont besoin d’outils pour prendre pleinement leurs responsabilités politiques dans le champ du commerce. Responsabilités qui passent aussi par l’abandon de la course poursuite aux centres commerciaux plus beaux, plus grands, plus rayonnants, qui participent finalement à la pro-duction de friches périurbaines et à l’alimentation d’une bulle immobilière qui a déjà explosé, selon Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la ville et le commerce, dans plusieurs agglomérations : Poitiers, Saint-Brieuc, Arras, Angers…

Valérie Liquet

* Plus de 250 présidents de communauté d’agglomération et de communauté de communes ont signé une lettre ouverte au président de l’Assemblée nationale pour demander la poursuite de l'examen en 2e lecture de la proposition de loi sur l'urbanisme commercial.

En 2014, Bayonne et son agglomération entreront dans le club prestigieux des « villes Ikea ». Le prix à payer : une explosion des surfaces commerciales et des friches en perspective, pour l’agglomération elle-même et les autres territoires du grand Sud-Ouest.

« Les élus ont besoin d’outils  pour prendre pleinement  leur responsabilité politique  sur le champ du commerce. »

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« Soit nous nous lançons dans la course, soit nous tenons tête aux distributeurs locaux  et nous investissons sur  la requalification des friches commerciales. »

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Territoires

Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

Petit bain ou grand bain ?Propriétaire d’une abbaye

Fusion de conseils de développement

Opposition

L a communauté de communes de Cognac a invité ses habitants à expri-mer leurs attentes sur un projet de

centre aquatique. Téléchargeable sur le net, le questionnaire a été distribué dans les structures sportives du territoire, les écoles primaires et les mairies. Sept cents  per-sonnes ont répondu. Résultats : les habitants souhaiteraient disposer, dans un bâtiment moderne, d’espaces pour nager, se divertir et se détendre, ainsi que d'ouvertures noc-turnes les vendredis et samedis.

D ans le cadre d’une réflexion sur la revalori-sation culturelle et économique de l’abbaye médiévale d’Aniane dont elle est proprié-

taire, la communauté de communes de la Vallée de l’Hérault a engagé une étude archéologique en par-tenariat avec le CNRS. Au troisième trimestre 2011 débutera une étude ethnologique visant à appro-fondir l’histoire de cette abbaye fondée en 777, son intégration à la ville et les liens qu’entretiennent les habitants avec cet édifice.La communauté avait décidé, en mars 2009, d’acheter à l’État l’abbaye Saint-Benoît d’Aniane au prix fixé par le juge de l’expropriation, soit 1,1 million d’euros.

C inq conseils de développement se sont unis le 30 juin, au Théâtre de Narbonne, en « un conseil de déve-loppement unique et commun à toutes les instances

du territoire », avec l’objectif d’ « associer dans une vision commune, sans frontières institutionnelles, les cinq instances qui forment aujourd’hui le territoire de vie ». Il s’agit des conseils de développement de la communauté d’aggloméra-tion du Grand Narbonne, de la communauté de communes de Corbières en Méditerranée, du Pays de la Narbonnaise, du parc naturel régional de la Narbonnaise et du Sycot de la Narbonnaise, le syndicat intercommunal qui porte le Scot.

L a loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit que, dans les communes de plus de 3 500 habitants et dans les com-

munautés comprenant au moins une commune de 3 500 habitants, lorsqu'un bulletin d'information générale est diffusé, une place doit être réservée à l'expression des « conseillers n'appartenant pas à la majorité ». Force est de constater que peu de jour-naux communautaires se sont pliés à l’exercice (ou que peu d’élus de l’oppo-sition prennent la peine d’envoyer leur « expression »). Soulignons donc les bons élèves : Chambéry Métropole, Clermont Communauté, la communauté d’agglomération du Mont Valérien, Rennes Métropole…

Avez-vous une politique d’urba-nisme commercial clairement définie à l’échelle de l’agglomé-ration de Pau ?Il n’y a pas de réflexion collective sur l’urbanisme commercial au sein de nos instances communautaires, où le réflexe communal prédomine. Nous avons eu des débats oniriques au sein du bureau des maires. Or je suis convaincue que la question de la régulation des implantations com-merciales se pose d’abord à l’intérieur de l’agglomération. C’est pour cela

que nous lançons une étude sur l’offre commerciale et les habitudes des consommateurs, qui servira à établir un document d’autorisation commer-ciale à l’échelle de l’agglomération, puis à celle du pays. Ce chantier exige du temps et de l’investissement mais nous parviendrons à le mener à bien.

Je suis plus interrogative sur les grandes échelles, qui posent d’autres questions : comment devons-nous nous situer par rapport aux projets de nos territoires voisins de la Côte basque, de Tarbes, de Lourdes… ?

Comment réagissez-vous à l’arri- vée d’Ikea à Bayonne (dans un centre commercial comprenant également Carrefour et 92 bou-tiques) et au projet de centre commercial « Parc de l’Adour » à Tarbes (Auchan, dix moyennes surfaces, 60 boutiques), tous deux prévus en 2014 ?Je suis très inquiète. Il y a deux options que nous n’avons pas encore tranchées. Soit nous nous lançons dans la course – tout nous y pousse ! Soit nous tenons tête aux distribu-teurs locaux et nous investissons sur la requalification des friches com-merciales en faisant le pari que les autres territoires échoueront parce que leur offre commerciale sera tota-lement déconnectée de la demande.En périphérie de l’agglomération de Pau, le centre commercial Lescar Soleil est l’un des plus grands de France, comparable à Plan de Campagne (Ndlr : centre commer-cial situé dans l’aire urbaine de Marseille, de 200 000 m2 et com-prenant 400 enseignes). Faut-il en

reconvertir certains secteurs en leur donnant une autre fonction, comme l’habitat ? De la même façon que nous lançons, en centre-ville de Pau, une démarche de réhabilita-tion de l’habitat avec intervention sur l’espace public et le commerce, nous pouvons envisager, sur ces zones commerciales, une reconver-sion avec des programmes de loge-ments et un projet urbain global en rupture avec ce qui s’est fait depuis de nombreuses années.C’est un énorme chantier que l’on a devant nous, qui ne se règlera pas d’un point de vue législatif.

Vous semblez sceptique quant à l’utilité de la proposition de loi sur l’urbanisme commercial… La prise de conscience d’une action politique sur le commerce est récente ; le débat autour de la proposition

de loi Piron-Braye y a contribué et propose des outils intéressants. Je note tout d’abord qu’il n’y a pas de volonté gouvernementale pour l’ins-crire à l’agenda parlementaire. Je m’interroge surtout sur les contours d’une politique natio-nale qui pourrait enrayer la bulle immobilière et foncière en matière d’urbanisme commercial que décrit l’Institut pour la ville et le com-merce*, et qui sera (et est déjà) pro-ductrice de friches. Les seuils se contournent : ne faut-il pas réfléchir à des dispositifs fiscaux, au niveau national, ayant pour objectif la régu-lation du marché financier ?

Propos recueillis par VL

* Voir la tribune de son directeur, Pascal Madry, dans le dossier d’Intercommunalités de février dernier sur la réforme de l’urbanisme commercial, intitulée « Le commerce est entré dans sa bulle ».

Martine Lignières-Cassou, députée, présidente de la communauté d’agglomération de Pau Pyrénées

INTERVIEW

La question de la régulation des implantations commerciales se pose d’abord à l’intérieur de l’agglomération.

« Soit nous nous lançons dans la course, soit nous tenons tête aux distributeurs locaux  et nous investissons sur  la requalification des friches commerciales. »

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Droit

N° 158 - Juillet - Août 2011 • AdCF • Intercommunalités

Communes, communauté et SPL : jusqu’où peut-on aller ? Près de la moitié des vingt sociétés publiques locales (SPL) créées à ce jour ont pour actionnaires une communauté et sa ville centre. Au vu des principes de spécialité et d’exclusivité, il est parfois difficile de dessiner la frontière entre les exigences du terrain et la réalité des textes juridiques, mais aussi de la jurisprudence. Créée pour encourager et optimiser les relations entre collectivités, la SPL ne saurait servir à contourner l’intercommunalité de projet.

D epuis la décision du Conseil constitution-nel du 20 janvier 1993, où les Sages avaient déclaré contraire à la Constitution le fait

d’exclure les sociétés d’économie mixte (Sem) des règles relatives aux délégations de service public « à la seule condition que l'activité délé-guée figure expressément dans leurs statuts1 », un débat s’était engagé sur la possibilité de créer des structures permettant une externalisation de la gestion d’un service public ou d’une prestation de services, tout en échappant aux règles de la commande publique. La loi du 28 mai 20102 a permis la création de sociétés publiques locales afin de « réaliser des opérations d’aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général ». Comme les Sem, ces SPL sont des sociétés anonymes régies par le code du commerce (art. L. 210-1 et s.) et sont, à ce titre, composées au minimum de deux actionnaires qui ne peuvent être que des collecti-vités territoriales ou leurs groupements. Si un doute subsistait lors de l’adoption de la loi du 28 mai 2010 sur la notion de « groupe-ment », la loi de réforme des collectivités ter-ritoriales a précisé que « forment la catégorie des groupements de collectivités territoriales les établissements publics de coopération intercom-munale et les syndicats mixtes, mentionnés aux articles  L.5711-1 et L.  5721-8, les pôles métro-politains, les agences départementales, les insti-tutions ou organismes interdépartementaux et

les ententes interrégionales ». Peuvent ainsi être actionnaires d’une SPL une communauté et ses communes membres.

Compétences partagées, compétences transféréesSelon le nouvel article L. 1531-1 du CGCT, ces institutions peuvent constituer une telle SPL uniquement « dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi ». Communes et communauté ne peuvent ainsi agir que dans le cadre d’une compétence qui leur est donnée par la loi ou, pour les communes, au titre de leur clause générale de compétence, limitée par le principe de liberté du commerce et de l’indus-trie. « Autrement dit, une collectivité territoriale ne pourra pas faire faire par une SPL ce qu’elle ne pourrait faire elle-même », précise la circulaire du 29 avril 20113.Au-delà, en vertu des principes traditionnels de spécialité et d’exclusivité, la question de la parti-cipation d’une communauté à une SPL avec une ou plusieurs de ses communes membres se pose. Selon la même circulaire, la création d’une SPL « entre un EPCI et ses communes membres est pos-sible dès lors que l’objet social se rapporte à une compétence partagée (cf. intérêt communautaire) ; à l’inverse, en cas de transfert intégral d’une com-pétence à un EPCI, il ne peut être constitué une SPL entre l’EPCI et ses communes membres sur ce champ de compétence ». Conforme à la jurispru-dence4, cette interprétation remet quelque peu en cause la « grande souplesse » que certains élus attribuent à une telle structure. Parmi les SPL

créées ou en cours de création (cf. encadré), un certain nombre interrogent quant au respect de l’esprit dans lequel s’est constituée l’intercommu-nalité, voire de la lettre de la loi.

Pas d’intervention pour une collectivité non actionnaireLes dispositions en matière de mutualisation des services entre communes et communauté ne peuvent s’appliquer entre communes, com-munauté et SPL. Seule la mise à disposition individuelle d’agents sera possible, nécessitant notamment l’accord de ces derniers5. De même, si une commune peut déléguer à une communauté sa compétence en matière d’ins-truction des autorisations d’urbanisme, en vertu de l’article R. 423-15 du code de l’urbanisme, aucune disposition ne semble organiser le même dispositif entre plusieurs communes et une SPL. Par ailleurs, comme le rappelle la circulaire précitée du 29 avril 2011, une SPL n’a pas vocation à exercer des fonctions supports telles que la gestion des res-sources humaines. La facturation de la paie pourra néanmoins être confiée à cette société, comme cela est possible avec d’autres entreprises privées. Enfin, une SPL constituée par une commune et sa communauté ne pourra intervenir pour le compte d’une collectivité tiers, même si l’un des actionnaires a conclu une convention avec celle-ci, conformément à l’article L. 1531-1 du CGCT.

Floriane Boulay, juriste à l’AdCF

1 - CC 20 janvier 1993, n° 92-316 DC, csdt 47.2 - Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales.3 - Circulaire du ministre délégué chargé des Collectivités territo-riales, du 29 avril 2011, « Le régime juridique des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) », n° COT/B/11/08052/C.4 - CE 16 octobre 1970, commune de Saint-Vallier req. n° 71536 sur le principe d’exclusivité et CE 19 novembre 1975, req. n° 94791, commune de Thaon-les-Vosges, sur le principe de spécialité.5 - Cf. article 61 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Un an après la loi du 28 mai 2010 pour le déve-loppement des sociétés publiques locales (SPL), la Fédération des entreprises publiques locales comptabilise 22 SPL créées et 106 en projet.Parmi les SPL qui ont effectivement vu le jour, quinze comptent une communauté parmi leurs actionnaires et dix comptent une communauté et sa ville centre. Quatorze résultent de la transformation d’une structure ou d'un contrat préexistant (6 associations, 4 Sem, 2 régies publiques et 2 contrats arrivés à échéance avec des délégataires privés). Quatre SPL ont été créées en adossement à une Sem existante et 4 sont des créations ex nihilo. Dix métiers sont représentés avec une nette préférence pour les opérations d’aménagement (9 SPL créées), viennent ensuite le développement territorial et

le tourisme d’affaires (2 SPL créées), la gestion d’équipements de loisirs (2), la gestion de réseaux d’eau et d’assainissement (2), la gestion de réseaux de transport de voyageurs (2), puis la construction (1), l’habitat (1), les pépinières d’entreprises, technopoles, parcs d’activités (1) et la promotion territoriale (1).Dans les cartons des collectivités, les secteurs d’activité des projets de SPL diffèrent sen-siblement. Le secteur de l’aménagement n’en concernerait que 18 et celui d u développement économique 12, alors que le tourisme, culture et loisirs en compterait 29 et la gestion de réseaux et des services de l’énergie 25. La gestion des services à la personne pourrait donner naissance à 10 SPL, quand la gestion des déplacements et le logement-immobilier en recouvrent 6 chacun. VL

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106 SPL dans les cartons

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Vie de l’AdCF

Intercommunalités • AdCF • N° 158 - Juillet - Août 2011

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Directeur de la publication : Daniel DelaveauRédaction, tél. : 01 55 04 89 09Rédactrice en chef : Valérie Liquet ([email protected])

Déléguée agence : Bettina Gillet ([email protected])Réalisation, mise en page et secrétariat de rédaction : Correctrices : Angéline Blard, Marilyn Deret

Ont collaboré à ce numéro : Christophe Bernard, Floriane Boulay, Olivier Crépin, Claire Delpech, Emmanuel Duru, Bettina Gillet, Priscille Hébert, Valérie Liquet, Marianne Millet, Olivier Ortega, Nicolas Portier.

Abonnements : Intercommunalités Service abonnements - Abopress - 19, rue de l’Industrie - 67400 - Illkirch - Tél. : 03 88 66 26 19 - Mail : [email protected]

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Commission paritaire n° 0514 G 85995 - Dépôt légal : Juillet-août 2011 Impression : SICOP, 67800 Bischheim - ISSN 1253-5230

Coup d’envoi du réseau des Pôles métropolitainsLa première journée des Pôles mé-tropolitains s’est tenue le 5 juillet au siège de l’AMF, à l’initiative des associations de maires et de com-munautés. Rassemblant 170 partici-pants, elle a lancé le réseau national d’échanges et de soutien méthodo-logique aux projets de pôles. « Les Pôles métropolitains autorisent une vision prospective : celle de la France métropolitaine du milieu du XXIe siècle », a encouragé Philippe Richert, qui a suggéré aux porteurs de projets de pôles et métropoles de les faire valoir d’ores et déjà dans les

schémas départementaux de coopé- ration intercommunale. Emmanuel Berthier, délégué de la Datar, a quant à lui signalé des perspectives de financement dans le cadre de la politique européenne de cohésion et celui des contrats de projets État-Régions.L’AdCF est en première ligne de l’animation du réseau national des Pôles métropolitains, en partenariat avec les associations du bloc local (AMF, AMGVF, ACUF) et avec la contribution de partenaires comme l’ACFCI, le GART, ETD, la FNAU…

Contact : Damien Denizot, [email protected]

Réticulaire ou aréolaire ? Deux grandes catégories de projets de pôles métropolitains se dessinent, selon l’enquête réalisée à l’initiative

du bloc local en direction des communautés susceptibles d’être « cœur » de pôle : ceux s’inscrivant dans une logique territoriale conti-guë d’un seul tenant, de type « aire urbaine » (modèle « réticulaire ») ; ceux s’inscrivant dans une logique de réseau (modèle « aréolaire »). Sans surprise, les pôles en projet pré-voient de se saisir des compétences université, culture, infrastructures de transport, recherche, dévelop-pement économique et promotion. L’aménagement de l’espace est moins évoqué, tout comme la santé et le tourisme.Les résultats de l’enquête et leur ana-lyse sont en ligne sur www.adcf.org.

Contact : Damien Denizot, [email protected]

10e annuaire financier et fiscal des agglomérations L’AdCF et Dexia ont publié, en juillet, l’édition 2011 de l’annuaire financier et fiscal réalisé à partir des comptes administratifs 2009 des commu-nautés d’agglomération et urbaines. Cette nouvelle édition fait état d’un volume financier total comparable à celui des régions, soit 27,7 mil-liards d’euros (17,8 milliards d’euros pour les communautés d’agglomé-ration et 9,9 milliards d’euros pour les communautés urbaines), dont

21,5  milliards d’euros consacrés à des activités propres (fonctionne-ment, investissement). Le document est téléchargeable sur www.adcf.org. Les fiches financières individuelles seront mises en ligne à l’automne (réservé aux adhérents). L’annuaire a été présenté le 6 juillet, au siège de Dexia, en partenariat avec le cabinet Sémaphores.

Contact : Claire Delpech, [email protected]

L’ADGCF en université d’étéOrganisée les 4 et 5 juillet au Grand Bornand (Haute-Savoie), l’univer-sité d’été de l’ADGCF a tenu ses promesses en termes de convivia-

lité et de qualité de travail. Plus de 200 directeurs généraux de services de communautés ont échangé sur les mutations de l’intercommunalité et les nouvelles frontières de l’action publique locale. En plein débat sur les projets de SDCI – que nombre de participants ont considéré marqués par un manque d’ambition dans leur département –, ils ont témoigné des transformations en cours du mana-gement local.

Contact ADGCF : Laurence Angleys, [email protected]

Une journée consacrée à la mutualisationNi une solution magique, ni un long fleuve tranquille, la mutualisation constitue toutefois un levier impor-

tant au service de l’intégration inter-communale et du rapprochement des cultures administratives muni-cipale et communautaire. La journée organisée le 28 juin par l’AdCF, qui a réuni 110 participants, a illustré par l’exemple la conclusion de l’enquête réalisée avec l’INET en mai dernier (voir également le dossier consacré à ce sujet dans notre édition de mai), en confrontant les porteurs des expériences de la région de Charny, de Blois, d’Angers, de Reims, de Lamballe, d’Alès, d’Angers…

De l’ancrage territorial des entreprisesL’AdCF et l’Institut CDC pour la recherche ont engagé un nou-veau programme de travail, avec l’OCDE, consacré aux liens entre entreprises et territoires, dans le prolongement des travaux de 2009 et 2010 sur les impacts territoriaux de la crise économique. Il s’agit de revisiter la question des modali-tés d’ancrage territorial des entre-prises des secteurs productifs. Le séminaire cherchera également à analyser les impacts des politiques d’accompagnement par les collec-tivités publiques des stratégies de croissance des PME et entreprises de taille intermédiaire.

Contact : Olivier Crépin, [email protected]

Les TIC et vousEn vue de la prochaine édition des Interconnectés les 13 et 14 décembre 2011, dont l’AdCF est partenaire, les communautés sont invitées à participer au baromètre annuel de l’AdCF/Ocalia sur l’évolution des usages TIC. Elles peuvent égale-ment déposer leur candidature au label Territoires innovants 2011, qui récompense chaque année une trentaine de projets.

Contact : Sandrine Guirado, [email protected]

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Fiscalité directeVT - TEOM - REOMDGFAutres recettes de gestion

Fiscalité directe

Source : Annuaire des agglomérations

Recettes de gestion en 2009 601 euros par habitant

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L’intercommunaLité rebat ses cartes

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