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1 Santé conjuguée - octobre 2003 - n° 26 E D I T O Les accords du non-marchand et la tenue récente d’Assises de l’ambula- toire à Bruxelles peuvent-ils être lus comme les signes avant-coureurs d’une réelle volonté politique de restructurer le secteur ambulatoire de la santé, de lui donner une cohérence interne plus lisible et de l’articuler avec un secteur hospitalier qui a trop souvent monopolisé l’attention du monde politique ? Réflexions de Thierry Wathelet en page 3. Les accroissements récents des bud- gets des soins de santé ne doivent pas nous leurrer : les pressions vers un désinvestissement de l’État dans une série de domaines, dont les soins de santé, sont bien réelles. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB), par la voix de son patron Luc Van Steen- kiste, prenait nettement position fin septembre : « L’élargissement de l’Union européenne aura pour consé- quence que notre croissance ne dépas- sera pas 1 % durant les cinq à dix prochaines années. On doit réduire les coûts. Les soins de santé coûtent seize milliards d’euros par an. En fin de législature vingt et un milliards. Sur un budget de soixante milliards, c’est intenable. ». Quel que soit le crédit que l’on accorde aux prévisions politiques et économiques de M. Van Steenkiste, il n’en reste pas moins vrai que le discours de nombreux acteurs, sous divers prétextes, pousse vers la diminution et la privatisation de la couverture sociale de nos concitoyens (citons encore les attaques contre le chômage, que l’ancien ministre Daems qualifiait de « profitariat »). Il existe beaucoup de façons de privatiser les soins de santé. Mais, que ce soit en termes de qualités des soins, de couverture de la population ou d’économies budgétaires, aucune forme de privatisation ne soutient la comparaison avec le système socialisé que nous connaissons. Une étude de Daniel Simonet sur le système de santé américain et le managed care nous le montre clairement : argumentaire en page 5. C’est un tabou qui tombe : l’image du soignant « blindé » contre la souf- france d’autrui ou la mort d’un patient appartient désormais au passé. Mais cette souffrance du soignant, aujour- d’hui reconnue, comment peut-il la porter ? Où peut-il la déposer ? Que faire avec les sentiments de culpabilité et d’impuissance, comment gérer sa propre souffrance en respectant celle de la famille du disparu, comment vivre avec la mort de ses patients... André Meert nous propose des réflexions et pistes issues d’une soirée- débat organisée par Orphéo (Asso- ciation de soins continus en phase palliative en région liègoise) (page 15). Bien qu’ils côtoient régulièrement des patients musulmans, les soignants qui ne professent pas cette foi sont souvent perturbés lors des périodes de Rama- dan : quelles répercussions le jeûne rituel entraîne-t-il pour la santé ? Comment gérer les soins au mieux tout en respectant la foi des patients ? Comment les accompagner en cette période particulière... Le D r Naima Bouali nous apporte des pistes de réponse en page 17. La relation de soins évolue. Le col- loque singulier qui en constituait naguère l’espace quasi exclusif s’insère aujourd’hui dans une prise en charge pluridisciplinaire. Ce nouveau dispositif pose la question de la confidentialité et des limites du secret Non, les taches qui s’étalent au centre de la couverture de Santé conjuguée ne sont pas un accident d’imprimerie, ni une nouvelle version du test de Rorschach. C’est une carte du monde vue par des étudiants australiens, avec leur île-continent au centre en haut. Pourquoi pas ? Y a-t-il une loi physi- que qui nous oblige à situer le Nord au-dessus du Sud, à regarder le monde comme un ensemble de terres émer- gées organisées autour de l’Europe, ainsi que le montrent les mappe- mondes auxquelles nous sommes habitués et qui ne nous flattent qu’en souvenir d’une domination dont nous n’avons pas qu’à nous glorifier ? Le changement de point de vue que nous impose cette carte symbolise celui que nous vous proposons dans notre cahier « Nord-Sud ». médical. A partir d’une question concrète : les accueillants peuvent-ils participer aux réunions de coordina- tion au cours desquelles sont discutées les problématiques de certains patients, le comité d’éthique de la fédération des maisons médicales balise le chemin étroit entre respect de l’intimité du patient et prise en charge collective de ses problème de santé (page 24).

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1Santé conjuguée - octobre 2003 - n ° 26

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Les accords du non-marchand et latenue récente d’Assises de l’ambula-toire à Bruxelles peuvent-ils être luscomme les signes avant-coureursd’une réelle volonté politique derestructurer le secteur ambulatoire dela santé, de lui donner une cohérenceinterne plus lisible et de l’articuleravec un secteur hospitalier qui a tropsouvent monopolisé l’attention dumonde politique ? Réflexions deThierry Wathelet en page 3.

Les accroissements récents des bud-gets des soins de santé ne doivent pasnous leurrer : les pressions vers undésinvestissement de l’État dans unesérie de domaines, dont les soins desanté, sont bien réelles. La Fédérationdes entreprises de Belgique (FEB), parla voix de son patron Luc Van Steen-kiste, prenait nettement position finseptembre : « L’élargissement del’Union européenne aura pour consé-quence que notre croissance ne dépas-sera pas 1 % durant les cinq à dixprochaines années. On doit réduire lescoûts. Les soins de santé coûtent seizemilliards d’euros par an. En fin delégislature vingt et un milliards. Surun budget de soixante milliards, c’estintenable. ». Quel que soit le crédit quel’on accorde aux prévisions politiqueset économiques de M. Van Steenkiste,il n’en reste pas moins vrai que lediscours de nombreux acteurs, sousdivers prétextes, pousse vers ladiminution et la privatisation de lacouverture sociale de nos concitoyens(citons encore les attaques contre lechômage, que l’ancien ministreDaems qualifiait de « profitariat »).Il existe beaucoup de façons deprivatiser les soins de santé. Mais, quece soit en termes de qualités des soins,de couverture de la population oud’économies budgétaires, aucune

forme de privatisation ne soutient lacomparaison avec le système socialiséque nous connaissons. Une étude deDaniel Simonet sur le système de santéaméricain et le managed care nous lemontre clairement : argumentaire enpage 5.

C’est un tabou qui tombe : l’image dusoignant « blindé » contre la souf-france d’autrui ou la mort d’un patientappartient désormais au passé. Maiscette souffrance du soignant, aujour-d’hui reconnue, comment peut-il laporter ? Où peut-il la déposer ? Quefaire avec les sentiments de culpabilitéet d’impuissance, comment gérer sapropre souffrance en respectant cellede la famille du disparu, commentvivre avec la mort de ses patients...André Meert nous propose desréflexions et pistes issues d’une soirée-débat organisée par Orphéo (Asso-ciation de soins continus en phasepalliative en région liègoise) (page15).

Bien qu’ils côtoient régulièrement despatients musulmans, les soignants quine professent pas cette foi sont souventperturbés lors des périodes de Rama-dan : quelles répercussions le jeûnerituel entraîne-t-il pour la santé ?Comment gérer les soins au mieux touten respectant la foi des patients ?Comment les accompagner en cettepériode particulière... Le Dr NaimaBouali nous apporte des pistes deréponse en page 17.

La relation de soins évolue. Le col-loque singulier qui en constituaitnaguère l’espace quasi exclusifs’insère aujourd’hui dans une prise encharge pluridisciplinaire. Ce nouveaudispositif pose la question de laconfidentialité et des limites du secret

Non, les taches qui s’étalent au centrede la couverture de Santé conjuguéene sont pas un accident d’imprimerie,ni une nouvelle version du test deRorschach. C’est une carte du mondevue par des étudiants australiens, avecleur île-continent au centre en haut.Pourquoi pas ? Y a-t-il une loi physi-que qui nous oblige à situer le Nordau-dessus du Sud, à regarder le mondecomme un ensemble de terres émer-gées organisées autour de l’Europe,ainsi que le montrent les mappe-mondes auxquelles nous sommeshabitués et qui ne nous flattent qu’ensouvenir d’une domination dont nousn’avons pas qu’à nous glorifier ? Lechangement de point de vue que nousimpose cette carte symbolise celui quenous vous proposons dans notre cahier« Nord-Sud ».

médical. A partir d’une questionconcrète : les accueillants peuvent-ilsparticiper aux réunions de coordina-tion au cours desquelles sont discutéesles problématiques de certainspatients, le comité d’éthique de lafédération des maisons médicalesbalise le chemin étroit entre respect del’intimité du patient et prise en chargecollective de ses problème de santé(page 24).

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(Pour la petite histoire, nous n’avonspas trouvé de carte organisée autourde l’Afrique ...)

Les difficultés du Sud aux planspolitique, économique, sanitaire sontconnues, elles nous interpellent etsouvent nous scandalisent. Mais il fautrécuser les visions simplistes selonlesquelles, pour y remédier, il « suf-firait » de changer les comportementsdu Nord dominateur et de portermassivement aide à un Sud incapablede prendre son destin en charge. Car,nonobstant la circonstance historiqueactuelle, il faut entendre que le Sudest un partenaire à part entière et qui abeaucoup à apporter. Dans cet esprit,nous vous proposons un cahier consa-cré à un aspect de l’échange égalitaireentre le Nord et le Sud et qui peut seramener à une question centrale :comment, grâce à l’observationrespective et l’échange de partenaires,le Nord et le Sud peuvent-ils améliorerleur pratique des soins de santé ?

Nous commencerons par rapporterl’expérience de travailleurs desmaisons médicales qui ont travaillédans le Sud et comment leur réflexionet leur pratique des soins de santé en aété transformée. Ensuite, nous nousintéresserons aux initiatives de l’Insti-tut de médecine tropicale qui proposeaux maisons médicales d’accueillirdes participants du cours pour laPromotion de la santé pour qu’ilsobservent le fonctionnement et lesactivités des maisons médicales etappuie des échanges de personnels desanté entre le Nord et le Sud afin dedévelopper une observation respectivedes pratiques. C’est dans ce cadre quedes maisons médicales ont « échan-gé » pendant quelques semaines destravailleurs de santé avec des centres

Bonjour(suite)

de santé du Sud. Nous développeronsensuite deux initiatives, celle de lamaison médicale d’Esseghem, àl’origine de la création de la Maisonde santé Saint-Paul à Yaoundé, et celledu centre de santé de Seraing, quisoutient le centre de promotioncampesinos El Molino en Bolivie. Lesréflexions de responsables de laFédération des maisons médicalesparticipant à différentes missions enTunisie, en Bulgarie et en Palestinenous conduiront à celles de Paul DeMuynck qui, devant le dénuement dusecteur de la santé au Niger, nous posedeux questions : jusqu’à quandmentirons-nous à l’Afrique et auxAfricains ? Quelle contribution pourles Maisons Médicales belgespeuvent-elles apporter au changementurgent et nécessaire ? La « mondiali-sation » n’est ni un bien ni un mal :elle sera ce que nous contribuerons àen faire.

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3Santé conjuguée - octobre 2003 - n ° 26

ACTU

ALIT

E PO

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QUE Pour une re-mobilisation qualitative du non-marchand

de la santé

Le travail préparatoire et la réuniondes assises de l’ambulatoire à Bruxel-les sont l’occasion d’une re-mobilisa-tion du secteur ambulatoire bruxelloispour ce qui concerne les servicessociaux et de santé.

La perspective d’un décret réorga-nisant ces secteurs est soulevée depuisprès de dix ans et relève du mythe pourles uns et du spectre pour les autres.

Le secteur ambulatoire dans le champde la santé a une histoire assez récen-te : ce n’est que dans les suites descrises pétrolières de la fin des années70 que l’augmentation des coûts de lasanté a été perçue comme probléma-tique et ce n’est qu’au décours des an-nées de crise économique et l’émer-gence d’un chômage récurrent que lamaîtrise des dépenses est devenue leleitmotiv des gestionnaires publics.

L’intérêt pour l’extra-hospitalier datede cette période qui a vu apparaître lespremières législations sur les centresde santé mentale, soins à domiciles,maisons médicales, centres d’aide auxtoxicomanes, plannings familiaux ; larécurrence de la crise a consolidé dela même façon les besoins d’une offresociale importante.

Le secteur ambulatoire est diversifié,difficile à bien cerner, certains dirontà bien définir ; c’est sans doute l’his-toire de certaines revendications quil’a façonné ; heureusement certainesont été rencontrées, intégrées et leursopérateurs reconnus et subventionnés.Trente ans après, l’intégration a rem-placé la justification militante ; pourun certain nombre, le combat estdevenu celui de la justification.Mais l’histoire n’a pas structuré pourautant un secteur ambulatoire, ni en

son sein (articulation social, santé,soins à domicile, planning, télé-vigilance par exemple) ni vis-à-vis destiers (coordination avec les hôpitaux,les lieux d’hébergement).

Toute ces matières généralement dansle champ de l’aide aux personnes ontété régionalisées en 1993 dans desconditions inégales de structurationlégislative et de transferts budgé-taires : au contraire des centres desoins à domicile, par exemple, lesmaisons médicales sont transféréesaux Régions sans arrêtés d’applicationni budgets spécifiques !

Dix ans plus tard, des chemins ont étéparcourus à des vitesses variables sui-vant les secteurs. Le propos n’est pasici de rentrer dans des comptes de

boutiquier mais éventuellement detraduire en hypothèse de structurationde l’ambulatoire les priorités qui ontété accordées à certains secteurs plutôtque d’autres par les pouvoirs publics.Mais peut-être la formulation mêmede cette hypothèse ne trouve-t-elle pasde fondement auprès des responsablesrégionaux de la santé ?

A relire l’histoire, ce sont sans douteles négociations de l’accord du non-marchand et sa mise en œuvre quiauront été les faits significatifs de cesdernières années. Après des annéesd’errance au bénéfice de la restructura-tion du secteur hospitalier, le statut destravailleurs de l’ambulatoire non-marchand et par-là leurs conditions detravail, a su éveiller un certain intérêtsyndical.

Thierry Wathelet, médecin généraliste à la maison médicale Espace santé, secrétaire-adjoint à laFédération des maisons médicales

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Pour une re-mobilisation qualitative du non-marchand de la santé(suite)

A vrai dire le poids relatif de ces deuxsecteurs tant en terme de massebudgétaire qu’en terme de travailleursconcernés porte à se préoccuperdavantage du secteur hospitalier quireste au centre des modélisations dusystème de santé et les leviers d’unemobilisation sociale.

L’ambulatoire n’existe que par lui-même et par défaut ; par lui-même dufait d’une série d’initiatives privées et/ou associatives pour répondre à cer-tains besoins de santé et par défaut desstructures hospitalières de prendre cessituations en charge de façon perti-nente ou efficiente.

Les politiques régionales successivesn’ont pu qu’annoncer des politiquesde structuration de ce secteur, de miseen cohérence des acteurs et des mis-sions, sans jamais déposer sur la tableun projet régional de santé. Elles ontdéveloppé une plus ou moins grandereconnaissance sectorielle, sansdéfinir le cadre d’action des différentssecteurs ni l’articulation entre eux, nil’articulation avec les secteurs hospi-taliers ou de l’hébergement.

Même la structuration de la premièreligne, proposée il y a peu par lesmesures fédérales, modifiera peu lacoordination des acteurs ni l’émer-gence d’une politique de l’extra-hospitalier.

Le cloisonnement entre compétencesministérielles, entre secteurs duConseil consultatif, entre secteursubventionné et non subventionnécontinue à entretenir l’absence dedialogue, de concertation, de construc-tion commune au sein d’un projetglobal.

C’est bien le constat de paradigmes etde référentiels différents qui est faitdans les travaux de ces Assises !

Aujourd’hui, c’est la pression destravailleurs et par-là des syndicats quia contraint le politique à une avancéede la politique de santé, via les accordsdu non-marchand. La percée syndicaleest porteuse de progrès statutaires etsalariaux pour le secteur, de mobilitéentre les différents secteurs d’activité.Elle porte aussi les limites qu’on voitapparaître dans les travaux desAssises : une définition du champ del’ambulatoire et des missions de cesacteurs, et surtout un fil « rouge » quil’inscrive dans un projet politique.Les syndicats peuvent avoir un rôlemobilisateur pour une réforme struc-turelle qualitative du secteur ; laprochaine réouverture des négocia-tions sur le non-marchand pourrait enêtre l’occasion.

Outre syndicale, la négociation doitdevenir politique. Elle implique tousles acteurs professionnels et usagers,travailleurs et employeurs certes, maisl’exécutif et les mandataires aussi ! Et,à ce jour, sœur Anne n’imagine pasvoir venir le décret annoncé...Mais l’état d’Assises permanentesétant décrété, le dialogue pourra peut-être se risquer au débat politique…

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SYST

EME

DE S

OIN

S

aux plans de santé fut de 10 % par an.En 1997, les HMO offraient leursservices à 72,1 millions d’individuspar rapport à 63,3 millions en 1996,47,1 millions en 1994, 38,8 millionsen 1992.

Les praticiens sous le régimedu Managed Care

○ ○ ○ ○

Affiliation

L’essor des organismes de ManagedCare reposa sur l’affiliation d’unnombre croissant de praticiensauxquels ils ont offert des conditionsde travail avantageuses : clientèle déjàconstituée, salaire élevé, possibilité decontinuer à exercer dans un cabinetindépendant tout en étant partenaired’une HMO, collecte des honorairesauprès des employeurs, régularité dela pratique (stabilité des horaires)...Enfin, les praticiens qui, au début desannées 90, connaissaient une situationde sous-emploi ne pouvaient ignorerles débouchés que représentaient lesorganismes de Managed Care. Autotal, près de neuf médecins sur dixsont aujourd’hui intégrés dans uneforme ou une autre d’organisme deManaged Care (Health MaintenanceOrganization-HMO, Preferred Pro-vider Organization-PPO, Indepen-dent Practice Association-IPA) parrapport à un sur dix en 1990, unphénomène qui concerna davantageles praticiens des zones urbaines queceux des zones rurales, plus faible-ment investies par le Managed Care.Si, au début des années 90, les PPOdominèrent le marché, elles furentrapidement rattrapées par les HMO

Stratégies des Health Maintenance Organizations(HMO) et orientations du système de santéaméricainDaniel Simonet, professeur assistant à l’Université Technologique de Nanyang

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Avec le vote de l’HMO Act, les HealthMaintenance Organizations (HMO)ont bénéficié d’avantages particuliers.Elles ont connu une croissancesoutenue au milieu des années 90 enprenant en charge la gestion de lasanté d’un nombre croissant d’assurésaux États-Unis. Après un rappel del’expérience américaine du ManagedCare, le régime des HMO sera évaluéselon quatre critères (équité, qualité,efficience, pertinence)1.

Le Managed Care :les faits stylisés

Rétrospective historique

Face à la hausse des dépenses de santé,liée aux progrès des technologiesmédicales et au vieillissement de lapopulation mais aussi à l’extension dela couverture santé, que celle-ci soitproposée par un employeur privé oupar l’État (Social Security Act de 1965qui institua les programmes Medicareet Medicaid), le Gouvernementaméricain encouragea l’essor desentreprises de Managed Care : dès1973, l’HMO-Act, voté au Congrès,accorda des avantages fiscaux auxHealth Maintenance Organizations(HMO) qui offraient des soins à unepopulation définie en échange d’unesomme fixe payée par avance àl’assureur. Parmi les autres disposi-tions, citons l’obligation faite à toutemployeur dirigeant une entreprise de

Tableau 1Adhésions aux HMO (1992 à 2001)

Nombre Taux ded’assurés croissance

Année (en millions) (en %)

1992 38,8 6,31993 42,1 8,51994 47,1 11,91995 53,4 13,41996 63,3 18,51997 72,1 13,91998 78,6 8,91999 80,5 2,62000 78,9 -22001 78 -1,1

Source : HMO Industry Report 12.1. Part II.InterStudy Competitive Edge Series. Donnéesdu 1er juillet 2001.

plus de vingt-cinq employés deproposer à son personnel uneHMO en plus d’une assuranceconventionnelle. La couvertureporte généralement sur laconsultation (généralistes etspécialistes), les diagnostics,l’hospitalisation et certains soinset services facultatifs au choixde la HMO2. Dès lors, lesstratégies de réduction des coûtsde ces entreprises ont retenul’attention d’employeurs trèsdivers comme les universités,les entreprises : Ford, GeneralMills, Caterpillar et, plustardivement, le Gouvernementqui leur confia la gestion de lasanté des retraités de l’armée3.Dans les années 85-95, le tauxde croissance des affiliations

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qui, bien que plus restrictives dans lechoix d’un praticien, sont moinsonéreuses pour l’assuré.

prestataires (praticien « solo » oucabinet de médecine de groupe). À lafin de ce contrat avec retenue, des

soins dans le dessein de se garantir unrevenu : les tarifs et la consommationde soins seraient plus élevés dans leszones qui accueillent de nombreuxpraticiens. Fait aggravant, le patient,plus averti (de la disponibilité del’offre, des progrès de la médecine…)et donc plus sollicité, exige davantagede soins, ce que le médecin peutdifficilement refuser au risque d’uneperte de revenus. Plus souvent assimi-lée à un bien de luxe, la demande desoins acquiert un caractère artificiel,en particulier en ville en raison de laforte densité de population médicale.Le développement des contrats auforfait et des autorisations de soinsviserait à renverser ce processus, toutcomme l’acquisition d’un statut à butlucratif qui incite les praticiens à semontrer plus économes.

La responsabilité financière del’assuré d’une HMO est égalementengagée : celui-ci doit parfois verserun ticket modérateur, chaque fois qu’ilse présente aux urgences ou consulteun spécialiste : en psychiatrie parexemple, l’institution d’un ticketmodérateur de 20 USD par visitemédicale entraîna une diminution de16 % de la consommation de soinspsychiatriques en ambulatoire. Deuxnotions fréquemment associées enéconomie de la santé ont justifié cesrestrictions : le « risque moral », définicomme l’attitude de ceux quidissimulent une information ou sesachant couverts par une assurance,adoptent des comportements à risques,donc consomment davantage et la« sélection adverse » qui traduit l’idéeque les individus qui présentent demauvais risques sont appelés à subirde très fortes primes, en raison dudésistement de l’assurance des

Stratégies des Health Maintenance Organizations (HMO) et orientations du système desanté américain(suite)

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Pratique médicale sousrégime HMO

À la différence du paiement à l’acte(Fee For Service ou FFS), le presta-taire (hôpital, médecin…) de la HMOest rémunéré au forfait («capita-tion ») : il perçoit une somme fixe parpatient, quelles que soient la durée etl’intensité des soins reçus4. Le méde-cin, qui joue le rôle de trésorier del’organisme de Managed Care,connaît également des incitatifs(primes, mais aussi sanctions finan-cières…) pour adapter son offre desoins aux besoins réels des patients :par exemple, lorsqu’une HMO recourtau principe du withholding, elleretient, au début du contrat, une part(généralement 15 à 25 %) des hono-raires habituellement versés aux

comparaisons ont lieu par rapport à unplafond initial de dépenses ou deconsommation (de services hospita-liers, de tests, de prescriptions médica-menteuses…). Si celles-ci sontinférieures au plafond, la sommeretenue est alors versée au prestatairede soins. Dans le cas contraire, laHMO la conserve pour elle. Au total,ce mécanisme constitue un incitatiftrès fort à se conformer à un objectifde prescription. À cela s’ajoutel’obligation faite au praticien dedemander l’autorisation de la HMOavant d’ordonner des procéduressophistiquées ou onéreuses.

La théorie de la demande induitelégitima en partie ces mesures. Selonses auteurs, Robert G. Evans et VictorR. Fuchs, le corps médical serait enmesure de favoriser la demande de

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1990 1992 1994 1996

Figure 1 :Pourcentage des médecins associés aux organismes de Managed Care

Source : American Medical Association (1996). Socioeconomics of Medical Practice, andPhysician Marketplace Statistics.

= IPA = HMO = PPO

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personnes dont la probabilité detomber malade est plus faible, ce quiaugmente les tarifs de base, et par uneffet cumulatif, accélère le départ desautres assurés à risque faible. Si la« sélection adverse » légitime l’exis-tence d’une couverture publique maisaussi l’adoption de contrats de groupeet au forfait plus faciles à gérer pourl’assureur que les contrats individuels,le « risque moral » explique les effortsde responsabilisation du patient (àtravers les tickets modérateurs, lesfranchises,…) et donc le caractèrepartiel de l’assurance.

Il est possible de comprendrel’existence des organismes HMO à lalumière de la théorie des contrats etde l’approche de Williamson. En effet,la mise au point d’un contrat optimal,avec paiement à l’acte, entre lesassureurs traditionnels, les patients etles praticiens, doit envisager à prioritoutes les stratégies possibles, leursrésultats et les compensations en casd’opportunisme des médecins (ceux-ci, profitant de ce que le contrôle deleur comportement est onéreux, peu-vent ne pas respecter leurs engage-ments contractuels) et des patients (quiselon le risque moral peuvent provo-quer des incidents). Comme la miseau point d’un tel contrat est impossible(elle suppose l’absence d’asymétrieinformationnelle entre les praticiens,les assurés et les assureurs), des orga-nismes de supervision des agents sontnécessaires. C’est ce rôle « d’arbitre »que les sociétés de Managed Care onttenté de jouer puisqu’à la différencedes assureurs traditionnels, ellesinterviennent directement dans laprestation et le suivi des soins, tantauprès des assurés (ticket modérateur,prévention) que des praticiens

(encadrement de la pratique médicale,enveloppe globale, primes auxpraticiens économes).

○ ○ ○ ○

Hostilité des patients et despraticiens

Mais depuis le début des années 90,les HMO connaissent une crise deconfiance. En effet, les étudesd’opinion auprès des patients et despraticiens soulignèrent leur impo-pularité croissante alors mêmequ’elles ne représentaient encorequ’une faible part du marché del’assurance. Selon une étude plusrécente d’Harvard et de la fondationKaiser Family, 76 % des individus demoins de soixante-cinq ans et couvertspar le système traditionnel des dépen-ses de santé (régime du paiement àl’acte) notaient favorablement leurplan de santé, tandis que 66 %seulement des patients sous le régimedu Managed Care en faisaient autant.Les points de mécontentement les plusfréquemment mentionnés étaient letemps passé avec le praticien, lapossibilité de consulter un spécialisteet la qualité des soins. Les inquiétudesdes patients, relayées et accentuées parles médias, les organisations consu-méristes et les associations demédecins se sont confirmées dans laseconde moitié des années ‘90. En1999, une enquête5 du WashingtonPost-ABC révéla que 52 % despersonnes interrogées avaient unemauvaise opinion des HMO. Lesmédias ont également contribué à cettestigmatisation : si les deux-tiers deséléments d’information diffusés dansles journaux ou à la télévision donnentune image neutre du Managed Care,en revanche, un quart le critique. A

leur décharge, les HMO n’ont jamaissu communiquer au grand public lesquelques expériences positivesauxquelles elles ont participé.

Les praticiens ont également pris leurdistance vis-à-vis des HMO. Alors quenombre d’entre eux ont rejoint lesrangs des syndicats ou créé des asso-ciations par spécialité pour améliorerleur pouvoir de négociation vis-à-visdes HMO, d’autres fondèrent leurspropres réseaux de soins ou propo-sèrent directement leurs services auxgrands employeurs sur la base decontrat au forfait. Cette initiative reçutle soutien des entreprises (Moto-rola…) qui souhaitent réduire leurscoûts en contractant auprès desprestataires sans recourir auxorganismes de Managed Care. Enfin,les cabinets de médecins généralistess’associent ou se rapprochent deshôpitaux. Les généralistes leurenvoient alors un flot régulier depatients, ce qui permet aux hôpitauxde se constituer une clientèle captive,indépendante de celle des HMO.Le mécontentement croissant despraticiens est également lié auxdifficultés de la recherche sous cerégime : en effet, face à la diminutiondes paiements des HMO, les centreshospitaliers universitaires s’inquiètentde leur capacité à mener leurs activitésde recherche et d’enseignement (alorsque le coût de la formation desmédecins est toujours aussi élevé). Lafaible exposition (stages, formation àl’économie de la santé…) des étu-diants en médecine au Managed Care(de plus, elle repose essentiellementsur le volontariat) n’a pas suffi àrenverser la suspicion vis-à-vis desHMO. À cela s’ajoutent d’autresfacteurs de mécontentement : insolva-

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bilité de l’assureur, exclusion despraticiens des HMO, difficultés dansles relations avec les patients,insatisfaction professionnelle…

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Des HMO plus vulnérables

Malgré une augmentation du nombrede leurs assurés, la situation financièredes HMO s’est fortement dégradée aucours de la seconde moitié des années90. En effet, avec la croissance del’économie américaine, les principauxemployeurs sont devenus plus exi-geants dans le choix d’une assurancepour leurs salariés. Fait aggravant, ilsse sont regroupés lors des appelsd’offre pour couvrir la santé de leursemployés, ce qui leur permitd’accroître leur pouvoir de marché vis-à-vis des assureurs et donc de négocierdes tarifs très favorables en échanged’un volume garanti de patients. Deplus, signe de la maturité du secteur,les possibilités d’expansion des HMOse sont ralenties, tant aux États-Unis(la clientèle des employés des grandes

entreprises américaines est dans sagrande majorité déjà affiliée à unorganisme de Managed Care) qu’àl’étranger (le Canada le critiquelargement). À cela s’ajoute l’augmen-tation des dépenses administratives etdes plaintes des patients… Des HMOse sont retirées de certains segmentsde marché (zones rurales6, personnesâgées [Medicare Managed Care]),jugés trop peu rentables), un mouve-ment de retrait constaté à New York,dans le New Jersey, le Colorado, leConnecticut, le Delaware… Enconséquence, la consolidation dusecteur s’est accélérée, le nombre desHMO passant de 659 en 1988, à 643en 1999, 560 en 2000 et 531 en 2001 :afin de réaliser des économiesd’échelle ou de champ, les HMO serapprochent.

○ ○ ○ ○

Cadre d’analyse du régimeManaged Care

Dans sa définition du système desanté, l’Organisation mondiale de la

santé inclut quatre valeurs fonda-trices :

1. L’ efficience qui prend en compteles coûts des prestations et leurefficacité, donc mesure la capacité dusystème à faire un usage optimal desressources disponibles.

2. La qualité qui définit l’aptitude dusystème à donner des soins satis-faisants à un individu, non à un groupede personnes. Du point de vue desprofessionnels, elle correspond à laprestation de soins conformes à desréférentiels que le progrès médical necesse de redéfinir.

3. Quant à la pertinence, qui obéitaussi à des choix de société, elle définitla capacité à détecter et à répondre àdes besoins de santé prioritaires(pathologies ou groupes de personnesqui ont le plus besoin de soins).

4. Enfin, l’équité définit l’aptitudedu système de santé à garantir à toutindividu l’accès aux soins sans discri-mination d’âge, de sexe, de moyens,de race… Elle repose sur l’assurance,financée selon les pays par l’em-ployeur, responsable de la santé destravailleurs (Allemagne, France…),par les individus qui versent une primeproportionnelle au risque médical àlaquelle s’ajoute une contribution del’employeur (Etats-Unis) ou encorepar l’État, responsable de la solidariténationale moyennant un financementpar l’impôt (Grande-Bretagne). Orl’équité, assimilée à un optimumcollectif, agit en partie dans un senscontraire à la qualité (qui correspondà un optimum individuel). De ce fait,les deux premières valeurs, l’effi-cience et la pertinence, jouant le rôlede médiateurs, doivent aboutir à uncompromis entre ces visées partiel-lement antagonistes.

Stratégies des Health Maintenance Organizations (HMO) et orientations du système desanté américain(suite)

Axe de la réalité

Pertinence

Efficience

Qualité EquitéAxe de l’idéal

Figure 2 :Cadre d’analyse du Managed Care

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○ ○ ○ ○

Improbable recherche del’efficience

Les HMO ont tenté d’améliorer lerapport coût/efficacité des traitementsproposés. Dans ce dessein, elles ont,avec le concours des hôpitaux, élaborédes outils qui visent à aider lespraticiens dans les arbitrages entre lesthérapies qui s’offrent à eux :recommandations cliniques assimiléesà des référentiels de qualité, formu-laires de prescription, études derésultats, programme de gestion desmaladies selon un rapport coût/efficacité (disease management), suivides profils de prescription, etcomparaisons entre offreurs. Lesautres dispositifs incluent laconsultation d’un réseau limité deprestataires7, censé éviter le noma-disme médical associé à une dérive descoûts, l’adoption d’outils du typeutilization review qui autorisent leréexamen des soins reçus par le patientafin de s’assurer qu’ils sont biennécessaires et appropriés, la coor-dination et l’intégration des soins et,enfin, l’accent sur les soins primaires :recours à un médecin référent (gate-keeper) qui, jouant le rôle de « conseil-ler » médical, décide si le patient doitou non consulter un médecinspécialiste ou s’il nécessite des soinsadditionnels et non routiniers8. Eneffet, certaines procédures sophisti-quées (25 à 35 % des angiographiescoronaires et des endartériectomiespar exemple) apporteraient peu àl’assuré ou seraient inappropriées.Enfin, ces mesures devraient égale-ment homogénéiser les pratiquesmédicales et peut-être gommer lesécarts de coûts par pathologie, nota-bles d’un état à l’autre.Cependant, après presque trente ans

d’expérimentation, il est difficile dedire si les prestataires de soins sontdevenus plus efficients : sur le planmicroéconomique en effet, si lespraticiens qui gèrent la santé denombreux patients HMO se montrentplus efficients dans l’utilisation desressources hospitalières, ils compen-sent le bas niveau des remboursementsde ces patients par une augmentationde la consommation des soins et desservices hospitaliers (nombre plusélevé d’examens et de consulta-tions…) chez les autres patients noncouverts par une HMO. En chirurgiecardiaque, les organismes de ManagedCare, lorsqu’ils choisissent unprestataire de soins, se révèlent moinssensibles que les autres organismes-payeurs (Medicare...) aux critères dequalité ajustés des coûts. Sur le planmacroéconomique, les premièresétudes, en particulier sur la côte Estdes États-Unis où le Managed Carefut expérimenté en premier lieu, ontcrédité ce régime d’un ralentissementde la croissance des dépenses de santé,ce qui légitima son adoption par lesautres États : entre 1983 et 1993, lesHMO ont freiné la consommation deservices hospitaliers. En particulier,les dépenses de santé ont augmentémoins rapidement dans les marchéscaractérisés par une forte pénétrationdu Managed Care par rapport auxmarchés plus faiblement investis parles HMO. De même, si les dépenseshospitalières ont augmenté de 54 %aux États-Unis entre 1980 et 1991,cette croissance ne fut que de 27 %dans le seul État de Californie où leManaged Care connut un dévelop-pement soutenu. En ce qui concerneles dépenses consacrées au paiementdes consultations et des médicaments,elles ont respectivement augmenté de82 % et de 65 % à l’échelle nationale

par rapport à 58 % et 41 % enCalifornie. Enfin, la concurrence entreHMO aurait ralenti la hausse desprimes versées par les assurés.Cependant, les travaux plus récents sesont montrés beaucoup plus prudentssur cette question : outre lesphénomènes d’antisélection, larécession de 1990-1991 et les fusions,notamment hospitalières, explique-raient aussi le ralentissement de lahausse des coûts au milieu des années90. Enfin, la part des dépensesadministratives des HMO et desprestataires de soins a souvent étéminorée alors que ces dépenses ontfortement augmenté.

○ ○ ○ ○

Incertitudes sur la qualité

Quant à la qualité des soins, lesrésultats sont également mitigés, lesHMO ayant renforcé les efforts deprévention9 auprès des enfants et despersonnes âgées : dépistage du cancer,vaccination, dispositifs coordonnés(case management) aspirant à traiterdes cas complexes10. Par ailleurs, unesynthèse, sur un échantillon, tropfaible cependant (quinze études) pourpermettre une généralisation, comparela qualité des soins sous les régimesHMO et FFS et révèle un nombreéquivalent d’améliorations et dedégradations de la santé des patients,ces dégradations se rencontrant,comme le montrent d’autres études,dans des pathologies très variées : enpsychiatrie par exemple, le ManagedCare s’est accompagné d’une dégra-dation de la qualité des soins : parrapport aux patients restés dans lesystème traditionnel de paiement àl’acte (FFS), les malades les plusgravement atteints se portaientbeaucoup moins bien après leur

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transfert sous le régime du ManagedCare. De même en cancérologie, lespatientes souffrant d’un cancer du seinont survécu moins longtemps aprèsavoir été opérées dans un hôpitalappartenant à une HMO. En derma-tologie et en cardiologie le médecinréférent (gatekeeper) crée un risquepour le patient. Enfin, la gestion desurgences par les HMO connaît deslacunes.Ces incertitudes sur la qualité des soinssous le régime HMO ont conduit leGouvernement fédéral et les États àintervenir fermement par voie légis-lative. Ainsi la loi Consumer Bill ofRights11 redonna aux patients le droitde consulter un spécialiste extérieur auplan de santé s’il n’en possède pasdans la spécialité considérée et de faireappel dans le cas où un traitement luiserait refusé. En outre, certainsprincipes restrictifs ont été écartés envertu par exemple de la loi DriveThrough Deliveries. En effet, aumilieu des années 90, les séjours devingt-quatre heures à la maternitéconsécutifs à un accouchement étaientplus fréquents, notamment sur la côteOuest des États-Unis. Afin de réduireles coûts, les organismes de ManagedCare soutenaient cette pratique quiinquiétait pourtant praticiens etparents. Cette loi obligea les HMO àfinancer un séjour minimal de 48heures à la maternité (mais son impactsur la qualité des soins reste trèsincertain). Également abandonnéedans pratiquement tous les États, lagag clause, littéralement loi dubâillon, qui interdisait au praticien dediscuter avec le malade des traitementspossibles ou de l’informer desrestrictions énoncées par son plan desanté. D’autres lois, enfin, bienqu’elles ne soient pas toujoursrespectées et appliquées, ont assoupli

les restrictions que les HMO avaientadoptées pour dissuader les assurés dese présenter aux urgences.Élément plus inquiétant, les HMO sonttrès réticentes à financer des traite-ments médicamenteux onéreux et desopérations sophistiquées. En ce quiconcerne les premiers, les HMO nesont pas incitées à recommander laprescription de médicaments bénéfi-ques sur le long terme mais coûteux,le patient pouvant facilement délaissersa HMO pour un autre assureur. Parexemple, si les statines, largementutilisées pour diminuer le taux decholestérol, préviennent efficacementles syndromes coronariens aigus,plusieurs années sont nécessaires pourenregistrer une baisse significative deshospitalisations et donc des coûtsassociés. En chirurgie, les HMO sontégalement tentées de rationner lesopérations à des fins d’économie.Ainsi, chez des patients souffrant d’uninfarctus du myocarde et soignés, pourles uns par une HMO, et, pour lesautres, dans le système traditionnelavec paiement à l’acte, la probabilitépour les seconds de bénéficier d’uneangiographie coronaire était une foiset demi fois plus élevée. De même, laprobabilité des patients FFS debénéficier d’une revascularisationcoronaire était deux fois plus grande.Une autre étude compare les soins12

aux patients de trois assurances : leprogramme Medicaid, une assuranceprivée (régime FFS) et une HMO. Side 1983 à 1988, les opérations derevascularisation ont augmenté quelque soit l’assureur, la hausse futcependant plus rapide chez les patientsFFS par rapport aux patients HMO etMedicaid, des résultats égalementobservés en chirurgie oculaire, chezdes patients Medicare sous les régimesFFS ou Managed Care (HMO, IPA) :

la probabilité de bénéficier d’uneextraction de la cataracte était deuxfois plus élevée chez les patients FFS,de même en cancérologie, dans les casde transplantation de la moelleépinière. Conséquence des réticencesdes HMO à financer des opérationscomplexes mais onéreuses, l’intro-duction de procédures et de techno-logies sophistiquées risque de ralentiret, à terme, d’entraîner une stagnationdu progrès médical.

○ ○ ○ ○

Pertinence : de nouvellespriorités ?

Avec l’accent sur la qualité et l’effi-cience (chemins cliniques, protocolesde soins, mesures de la satisfaction…),les priorités en santé se seraientorientées vers les patients fortunés etles classes moyennes : le système tenddésormais à répondre non aux besoinsdes populations vulnérables (maladeschroniques ou sévèrement atteints,patients démunis…) mais davantageà ceux des deux premières catégories,considérées comme seules pertinentes.En effet, les patients jeunes et enbonne santé semblent ne pas souffrird’une détérioration de leur état desanté sous le régime HMO. Enrevanche, la qualité des soins auxmalades chroniques âgés (Medicare)et à revenus faibles, aux patientsdémunis et aux malades sévères seraitplus faible sous le régime du ManagedCare. Ces inquiétudes s’étendent auxpatients Medicaid: une étude sur deuxcatégories de patients Managed Care(la première était constituée depatients Medicaid et l’autre depersonnes démunies, mais nonaffiliées au régime du Medicaid)rapporte que les patients MedicaidManaged Care souffrent d’un plus

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grand nombre de problèmes de santé,accèdent plus difficilement aux soinset se déclarent moins satisfaits que lespatients FFS. Selon d’autres travauxen revanche, la qualité des soins auxpatients Medicaid serait comparable,les programmes du Medicaid Mana-ged Care offrant même des bénéficesrapportés aux coûts comparables auprogramme du Medicaid traditionnel.

○ ○ ○ ○

Un système plusinéquitable ?

Enfin, le système demeure incapablede garantir à la totalité de la populationl’accès à un ensemble minimal deservices appropriés. En effet, lesphénomènes d’exclusion des patientsà risques13 ou vulnérables se sontaggravés, les organismes de ManagedCare recrutant en priorité les patientsqui présentent un risque faible etexcluant les personnes fragiles.D’autres études soulignent égalementles difficultés des patients démunis ouâgés sous le régime du Managed Caredans l’accès aux soins. De plus, lesmédecins des zones où un climat de

compétition intense opposait les HMOconsacraient une part plus faible deleur temps à donner des soins gratuitsaux personnes démunies. Pouratténuer ces phénomènes, les taux derémunération des contrats au forfaitdevraient prendre en compte lasévérité de la pathologie, comme celaest proposé pour les malades chroni-ques. Enfin, l’assurance a conservéson caractère partiel, une défaillancedéjà ancienne du système de santéaméricain : en 2001, 41,2 millionsd’individus (par rapport à 39,7 en199314) ne bénéficiaient toujours pasd’une couverture santé, le plus souventdes personnes trop démunies pourfinancer leur couverture médicale (lesdeux tiers d’entre elles possèdent unemploi) mais dont les revenus sonttrop élevés pour pouvoir bénéficier duprogramme Medicaid.

○ ○ ○ ○

Managed Care, éthique etmécanismes de marché

Ces défaillances rappellent, outre lesdifficultés du marché à réguler lesecteur de la santé, le caractère

indissociable de l’économique et del’éthique. En effet, la santé est et resteun bien non-marchand. Parce que lademande est formulée par le personnelsoignant plus que par les patients, lesmécanismes de marché s’appliquentdifficilement. De plus, si le consom-mateur paye un prix faible par rapportau coût réel des soins prodigués, il peutdifficilement les comparer et doncs’assurer de leur qualité. Ainsi,l’hétérogénéité des produits mais aussiles situations d’asymétrie information-nelles, les oligopoles (industriepharmaceutique, hôpitaux…) ouquasi-monopoles et l’importance des« tickets » d’entrée (coût d’établis-sement d’un centre de soins…)rendent difficile toute régulation parle marché. Enfin, l’allocation deressources rares à des groupes demalades différents, et donc à des finsconcurrentes, soulève des questionsdéontologiques dont le marché renddifficilement compte. Mais ces notionsse complètent plus qu’elles ne s’op-posent : en effet, l’efficience, critèreéconomique, doit permettre d’écono-miser des ressources, qui seront alorsréinvesties à d’autres fins au sein dumême secteur (par exemple, groupesde malades différents) ou mêmeextérieures au secteur (retraites,formation, insertion…), tout aussilégitimes puisqu’elles répondentégalement à une exigence de justice.Par ailleurs, avec les progrès del’évaluation médicale sous ce régime(mesure de la qualité, calcul dunombre de dollars par vie sauvée –parfois ajustés de critères de qualitéde vie…), le système de santé améri-cain devrait gagner en transparence,principe éthique fondamental : eneffet, parce que les dépenses de santéne sont pas illimitées, l’affectationclaire des ressources est indispensable

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à l’utilisation optimale des facteurs deproduction.

ConclusionMalgré des résultats nettementinférieurs aux attentes formulées à sacréation, le Managed Care, un modèled’assurance qui repose sur unfinancement (primes d’assuranceversées par les employeurs ou lesparticuliers) et des prestataires privés,inspira bien des politiques de santé,notamment en Europe : en effet, il estnon seulement parvenu à inspirer lemodèle de Beveridge (cas du systèmede santé britannique National HealthService -NHS) où la protection socialeest universelle et financée par lafiscalité nationale et où le contrôle desfacteurs de production est public, maisaussi le modèle de Bismarck (France,Allemagne...) caractérisé par uneprotection sociale obligatoire et laprésence simultanée d’acteurs publicset privés. Dans le premier cas, ils’agissait d’accentuer la responsabilitédes généralistes (à travers les cabinetsFundholders15 par exemple) et dans lesecond de faire évoluer le système versdavantage de concurrence entreassureurs : en France, par exemple, lesassurés pourraient librement choisirleur caisse, les caisses fixant leurspropres tarifs, ce qui devrait créer unclimat concurrentiel sur les prix et lesservices.De plus, face aux asymétriesd’informations soulignées par Arrow,les systèmes de santé européens sesont à leur tour orientés vers davantagede transparence et un effort dequantification, le codage des actes etdes pathologies (Groupes homogènesde malades) devant, in fine, accentuerle droit de regard des caisses sur le

suivi de pratiques médicales écono-mes. Enfin, les innovations apparuesdans le sillage du Managed Care (casemanagement, registres informatisés devaccination et de suivi des patho-logies, grilles d’évaluation desHMO…) devraient accentuer lacoordination des hôpitaux et desorganismes de Managed Care. Mais,vis-à-vis des prestataires, l’assuré aperdu son caractère «souverain», quirevient désormais à la HMO supposéemieux informée de la qualité et descoûts des prestations. En effet, avecle progrès médical et en conséquenceune sophistication accrue de l’offre(matériel, formation des praticiens…),l’assuré, en tant qu’individu, ne peutdécider d’une allocation optimale desressources proposées. La relationd’agence n’a pas pour autant disparu.En effet, à celle existant entre lepraticien et son patient et qui nousrenvoie à la théorie de la demandeinduite, s’ajoute une seconde relationd’agence, entre le corps médical etl’assureur : en effet, l’organismepayeur (le principal) nécessite l’inter-vention du praticien (l’agent secon-daire) pour atteindre son objectif decontrôle des coûts. En énonçant desrègles à respecter (prescription degénériques, secondes opinions etarbitrage entre procédures…), lepremier tente d’imposer son autoritéen matière thérapeutique. Pourtant, lapart des organismes de Managed Caredans les économies réalisées, doncleur efficience, reste difficile à évaluer.Enfin, la compétition sur le marché a-t-elle changé de nature ? En raison del’assurance, la concurrence entre leshôpitaux repose davantage sur laqualité des équipements et de leurspersonnels que sur les prix, une« course aux armements médicaux »qui a pour cible les assurés et les

généralistes (qui renvoient le patientvers le spécialiste hospitalier). Or,avec le Managed Care, les hôpitaux,sous la pression des HMO enparticulier, se sont engagés à abaisserles tarifs de leurs prestations. Par voiede conséquence, la concurrence par lesprix s’est intensifiée, ce qui pourcertains annonce la fin de la « courseaux armements médicaux ». Pourd’autres, en revanche, celle-ci nedisparaîtra pas ; en effet, d’une part,le progrès technologique se poursuit ;d’autre part, les prestataires, leshôpitaux notamment, ont su, au moyendes acquisitions et des alliances,consolider leur position face aux HMOet affiner leurs stratégies, devenuesplus onéreuses : stratégies de niche surcertaines pathologies, sophisticationde l’offre (chirurgie cardiaque,cancérologie…) reposant sur l’usagede moyens toujours plus sophistiqués.

Des conséquences néfastes sont àredouter : conformément à la théoriede la demande induite, les coûts de lasanté devraient poursuivre leurcroissance, tandis que les hôpitaux defaible capacité risquent d’êtreconfrontés à un sous-équipementpréjudiciable à la qualité des soins.Pour limiter ces dérives, une plani-fication des technologies médicales àl’échelle des États semble requise. Ence qui concerne les hôpitaux, lesstratégies susceptibles d’aboutir à despratiques anticoncurrentielles devrontfaire l’objet d’un suivi attentif desautorités16. Enfin, dans le dessein delimiter le rôle inflationniste del’assurance, l’augmentation de la partdes coûts médicaux directement priseen charge par l’assuré (au moyen desfranchises et des tickets modérateurs)devrait se poursuivre, d’où la nécessitéd’améliorer l’information au patient.

Stratégies des Health Maintenance Organizations (HMO) et orientations du système desanté américain(suite)

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Glossaire17

Capitation: Contrat de soins au forfaitcouvrant l’ensemble des soins auxpatients, quelles que soient la durée etl’intensité des soins.

Case management: Suivi d’un patientdont les besoins sont particuliers afinde lui donner des soins offrant unrapport coût/efficacité optimal. Cesprogrammes concernent également lespatients vulnérables (malades chroni-ques ou sévèrement atteints…). Leterme de Case manager (médecin,infirmière…) désigne alors leresponsable des soins au patient.

Disease management: Gestion d’unemaladie dans une optique de rapportcoût/efficacité. Ces programmespeuvent également inclure lesquestions de satisfaction du patient. Àce jour, ils ont surtout porté sur lesmaladies chroniques. Les patients àrisques sont intégrés dans cesprogrammes où ils bénéficientd’aménagements particuliers (meil-leur suivi, recours à des personnesspécialisées dans la pathologieconsidérée…). Ces programmes sontélaborés par les hôpitaux, mais plusfréquemment par les organismes deManaged care. Cependant, il leur a étéreproché d’entraîner un rationnementdes soins.

Fee For Service (FFS) : Régime dupaiement à l’acte.

Formulaire : Liste restrictive demédicaments dont la consommation etla prescription sont prioritaires.

Gatekeeper: Le terme de gatekeeperdésigne le médecin de premièreinstance, également appelé médecin

référent. Il décide s’il est nécessairede renvoyer le patient vers unspécialiste ou un hôpital dans ledessein de lui donner des soinsadditionnels ou de réaliser des testssupplémentaires. Là encore, il s’agitde délivrer des soins optimaux sansque ceux-ci n’engendrent un coût tropélevé pour l’assureur. Le dispositif n’apourtant pas donné les résultatsescomptés dans certaines spécialitésoù il a été mis en œuvre (dermatologienotamment…). Actuellement le rôlede gatekeeper s’oriente davantage verscelui de coordinateur des soins.

Health Maintenance Organization(HMO) : Le terme HMO désigne lesorganismes de Managed Care quiemploient des praticiens pour offrirdes soins sous le régime du forfait. Enéchange, et c’est en partie ce qui amotivé l’intégration des profession-nels de santé dans les organismes deManaged Care, ceux-ci peuventbénéficier d’un volume garanti depatients. Le marché américainaccueille des HMO du type Staff (lesmédecins sont salariés de la HMO) etGroup (les médecins sont sous contratavec la HMO mais ne sont pas sesemployés). Des HMO de typeIndependent Practice Association(IPA) ou Network existent également :dans ce cas, les médecins sontindépendants de la HMO, libres decontracter simultanément avecplusieurs d’entre elles, ils bénéficientd’un remboursement à l’acte (mais àun tarif préférentiel) et ils continuentà recevoir des patients couverts parune assurance traditionnelle. Les IPAont également la préférence desassurés : elles sont moins onéreusesque les assureurs FFS. De plus, laliberté de choix d’un médecin-traitantest plus grande que dans les HMO

Group model. Leur statut les distingueaussi : il existe des HMO à but nonlucratif et d’autres à but lucratif, dontle capital est constitué d’actions.

Managed Care: Ce terme recouvrel’ensemble des organismes et desoutils de gestion des soins censés offriraux assurés le meilleur rapport coût/efficacité en matière de soins.

Medicaid : Programme fédéral, gérépar les États eux-mêmes, qui concerneessentiellement les personnesdéfavorisées, les aveugles et certainescatégories d’handicapés, de femmes,d’enfants et de personnes âgées. Lescoûts sont partagés entre le Gouver-nement fédéral (55 %) et les États(45 %). Si le programme Medicaid estgénéralement Fee For Service, lepaiement du prestataire de soins sefaisant à la prestation ou à l’actemédical, sont apparus les programmesMedicaid Managed Care où les soinssont gérés par un organisme deManaged Care dans le cadre decontrat au forfait.

Medicare: Programme de santé gérépar le Gouvernement fédéralaméricain et qui s’adresse auxretraités, aux personnes âgées et àcertains handicapés (39 millions depersonnes en 1999, dont cinq millionsd’handicapés). Il se divise en deuxsous-programmes : Medicare Part Acouvre les soins à l’hôpital etMedicare Part B les soins enambulatoire. En 1997, les dépenses duprogramme Medicare ont représenté214 milliards US $ (2,7 % du produitintérieur brut).

Preferred Provider Organization(PPO) : La PPO emploie despraticiens et des hôpitaux rémunérés

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Stratégies des Health Maintenance Organizations (HMO) et orientations du système desanté américain(suite)

(1) Remerciements : Université deWharton et centre hospitalier universitairede Philadelphie ; école de santé publiquede l’université de Columbia, New York.

(2) Les primes sont payées de façonpériodique, généralement mensuellement,et indépendamment de l’utilisationeffective des services par les adhérents.

(3) TRICARE senior demonstration ofmilitary managed care-DOD, Notice ofdemonstration project, Federal Register,7 July 1998, 63(137) : 38558-9.

(4) Michigan Health & HospitalAssociation. Glossary of Health CareTerms, Edition de 1999.

(5) « A right to sue », The Economist, 16October 1999, p. 62-63.

(6) « Despite Medicare+Choice changes,rural providers cautious about risk »,Public Sector Contracting Report,4 October 1998, 4(10), p. 149-152.

(7) L’assuré doit consulter l’un despraticiens du réseau de la HMO. En retour,ce dernier s’engage à demander deshonoraires plus faibles que ceux demandésaux patients qui ne sont pas affiliés à laHMO. Le patient peut aussi consulter lepraticien de son choix moyennant un ticketmodérateur.

(8) Source : Alpha Center’s (Washington,DC)—Health Care Delivery andFinancing Terms ; United HealthCareCorporation’s (Minnetonka, MN)–Glossary of Terms.

(9) Public Sector Contracting Report.Focus on proactive care management toimprove quality, produce savings inMedicaid risk, 4 April 1998, 4(4), p. 57-61.

(10) Source : Alpha Center (Washington,DC), Health Care Delivery and FinancingTerms, United HealthCare Corporation(Minnetonka, MN), Glossary of Terms.

(11) Votée au Sénat en juillet 1999.

(12) En 1983, 1985 et 1988.

(13) « Report finds Medicare HMOmembers are younger, healthier and lowercost than FFS seniors ». Public SectorContracting Report, 3 November 1997,3(11), p. 174-5.

(14) Source : US Census Bureau.

(15) Le NHS rétribue le généraliste auforfait : il reçoit une rémunération quidépend du nombre de patients (elle est plusélevée s’il soigne des personnes âgées, desfemmes enceintes…) et qui sert à financerles achats de soins hospitaliers, lesprescriptions, les frais de fonctionnement.À celle-ci s’ajoutent diverses indemnités(formation continue, technicité des actes,visites de nuit, participation à desprogrammes de santé publique dont lesvaccinations…) ainsi que des incitatifsvisant à encourager la pratique en cabinetde groupe ou l’installation dans des zonestraditionnellement sous-médicalisées… Cedispositif a réduit le nomadisme médical :à la différence de la France, un patient nepeut être vu dans plusieurs cabinets ; seulela visite auprès d’un généraliste désignéest gratuite.

(16). Center for Studying Health SystemChange, 2002.

(17). Source : American Association ofHealth Plans; National Center for QualityAssessment ; Tufts Managed CareInstitute.

à la prestation mais à un tarifpréférentiel. En outre, les patientspeuvent être vus par un praticienextérieur au réseau, moyennant uncoût plus élevé.

Utilization Review: Dispositif quivise à évaluer l’efficacité mais aussile caractère approprié des soins. Ils’agit d’un processus d’évaluationformelle qui porte aussi bien sur laqualité que sur les coûts. Il peut se fairea posteriori, a priori ou de manièresimultanée.

Bibliographie sur demande.

Texte déjà paru dans la revueManagement International n° 2, 2003.

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L’asbl Orphéo, avec l’aide de RégineHardy (psychologue à la clinique dela douleur et membre de l’équipemobile de soins palliatifs du centrehospitalier universitaire du SartTilman, également formatrice àCancer et Psychologie) et de BorisKettmus (psychologue à l’hôpital duBois de l’Abbaye et à la clinique de ladouleur du centre hospitalier univer-sitaire, également formateur à Canceret Psychologie), a animé une soirée deréflexion sur le thème du deuil chezles soignants. Cette rencontre a ras-semblé de nombreux intervenants dudomicile, de première ligne (travail-lant en maisons médicales ou enindépendants) mais aussi de deuxièmeligne (appartenant à l’équipe desoutien en soins palliatifs dans laprovince de Liège - DELTA), exerçantles professions de médecin(s) géné-raliste(s), de kinésithérapeute(s), depsychologue(s) ou d’infirmière(s).

Au cours de cette soirée, les partici-pants ont réfléchi aux questions quese posent les soignants en situation dedeuil. Ensuite, ils ont imaginé un« dispositif » d’aides multiples pources mêmes soignants.

Les questions qui ont été abordéestiennent compte des différentes pro-

fessions des participants. En général,la relation du médecin généraliste avecle patient et sa famille est une relationbien antérieure aux soins palliatifs. Parcontre, le kinésithérapeute et l’infir-mière arrivent plus tardivement dansl’évolution de la maladie mais côtoientle patient en fin de vie et sa familletrès intensivement. Le psychologuequant à lui intervient généralement endeuxième ligne. Les contextes profes-sionnels sont aussi déterminants ainsique l’expérience et la personnalité dechaque intervenant.Le deuil chez les soignants est à la foisun processus individuel mais aussicollectif et social. Il nécessite un lapsde temps plus ou moins long suivantles individus et les contextes. Géné-ralement, il aboutit à un retour vers unecertaine sérénité : loin de vouloir asep-tiser la douleur, celle-ci doit s’estom-per en douceur, pas à pas.

○ ○ ○ ○

La culpabilité,l’impuissance, le déni

Les soignants endeuillés éprouventsouvent des sentiments de culpabilité.Au cours de la maladie du patient, ilsse demandent s’ils ont fait tout cequ’ils pouvaient et devaient faire. Ledoute d’une erreur médicale, d’unacharnement thérapeutique ou aucontraire d’un abandon trop hâtif à lafatalité émerge de leurs consciences.Dans l’accompagnement palliatif, ilsse demandent s’ils ont eu le compor-tement adéquat lorsqu’ils n’ont pas punouer une relation satisfaisante avecle patient et sa famille. De même aprèsle décès, le sentiment de soulagementressenti quand la prise en charge etl’agonie du patient ont été très lourdes,contribue aussi à une certaine culpa-bilité.

L’impossibilité de tout maîtriser sur lesplans médical et humain peut créer parailleurs un sentiment d’impuissanceimplacable chez les soignants. Lareprésentation « idéale » qu’ils ont dela relation thérapeutique contrasteavec la réalité vécue. Ils sont potentiel-lement en proie à des blessures narcis-siques, tant au niveau de leur projetprofessionnel que personnel.

Contraints à un agenda surchargé, oùun nouveau nom remplace immédia-tement celui de la personne décédéedans le carnet des consultations ouvisites à domicile, les soignants négli-gent leur propre processus de deuil.Leur comportement est en fait quelquepeu paradoxal : ils adoptent uneattitude de déni du deuil et se montrenttrès pudiques tout en étant traverséspar le désir d’être reconnus commeune personne en souffrance.

L’étape du certificat de décès est aussisignificative car elle n’est pas vécuecomme une simple formalité. Là aussi,survient la question de la certitude dudécès et de la certitude d’une mortnaturelle. Et que dire du malaise quedoit ressentir le médecin vis-à-vis dela personne décédée et de sa famillequand il émet la possibilité d’une mortsuspecte ou violente ?

Les circonstances du décès condi-tionnent l’intensité de la souffrance etdu malaise des soignants en deuil. Demanière générale, le deuil des patientsâgés est plus « facile » à gérer quecelui des jeunes adultes et des enfants(ce qui n’est pas spécialement le caspour les familles). Le deuil suite à unemort violente, « injuste », inopinée oupar suicide est plus complexe. On peutdire également que le deuil des« patients miroirs » (même âge, même

Faire le deuil d’un patient : un cheminementpersonnel et douloureux dans la vie affective etprofessionnelle des soignantsAndré Meert, médecin généraliste au centre de santé intégré Bautista Van Schowen et PatriciaSerpe, coordinatrice, Plate forme des soins palliatifs de la province de Liège (PSPPL)

C’est véritablement un tabou quitombe : l’image du soignant « blindé »contre la souffrance d’autrui ou lamort d’un patient appartient désor-mais au passé. Mais cette souffrancedu soignant, jadis signe de faiblesseindigne et aujourd’hui reconnue,comment peut-il la porter ? Ou peut-il la déposer ?

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Faire le deuil d’un patient : un cheminement personnelet douloureux dans la vie affective et professionnelledes soignants(suite)

situation familiale…) est aussi plusdifficile à vivre.

Le deuil des patients décédés (voireenterrés) pendant un congé ou uneabsence est plus lourd pour le soignanten raison de la coupure chronologique.L’erreur médicale, la négligence oul’incompétence sont aussi très pertur-bantes et de toute façon difficilementacceptables.

L’accompagnement d’une familleendeuillée, d’origine étrangère et dontla culture impose des rituels fonda-mentalement différents soulèvemaintes réflexions chez les soignants.La complexité familiale peut égale-ment être source de conflit intérieurpour le médecin qui ne connaît qu’unepartie de la famille, ou qui au contrairesoignant toute la famille, a préconiséun maintien à domicile du malade, auprix d’un épuisement familial général.

La famille ne souhaite et n’appréciepas toujours la relation de proximitéet de complicité que le soignant tendà installer après le décès. Parfois, cedernier décide de prendre ses distancesavec la famille et cet éloignement pro-voque en lui un soulagement ou aucontraire, une profonde souffrance.Entre ces deux extrêmes, implication(excessive) et indifférence, il doit trou-ver la juste mesure et sa juste place.Dans chaque situation, le soignant doitadopter le comportement le plusadéquat à l’égard de la famille et deses collègues.

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Vivre avec la mort de sespatients

Tout au long de sa carrière, le soignantaccumule des deuils successifs, qui

tard, quand il n’y aura plus personnepour soutenir la famille ;

• Aller ou ne pas aller à l’enterrementou la crémation ;

• Accepter une intervision/super-vision avec un collègue, un psycho-logue interne ou externe à l’équipe ;

• Porter le deuil dans l’exercice de saprofession en signe de reconnais-sance de son état d’âme et inviter àla parole ;

• Anticiper la mort du patient non paspour éviter de souffrir mais pours’interroger sur la relation soignant-soigné et mesurer avant le décès laperte et l’enrichissement que cettedisparition provoquera sur le planpersonnel et professionnel, afin d’ypuiser des ressources ;

• Mettre en place un échéancier avecles dates d’anniversaire des décèspour écrire ou rendre visite à lafamille ;

• Légitimer un temps d’arrêt, decongé pour se donner le temps d’undialogue intérieur ;

• Donner le temps nécessaire ausoignant pour accompagner lafamille en deuil ;

• Donner au soignant le tempsnécessaire pour prendre consciencedu vécu du deuil ;

• Nommer au sein des équipes un« gardien des deuils », sorte degarant du processus de deuil ;

• Accorder de l’importance au regardde tiers qui ne sont pas directementimpliqués dans la prise en chargedes soins palliatifs et du deuil ;

• Établir un livre d’or personnel, et ytranscrire sa propre histoire desoignant ;

• Consulter un psychothérapeute dansle cas d’une incapacité à métaboliserses deuils.

Article paru dans Connexions N°18, octobre-novembre-décembre 2002.

laissent des traces. Il éprouve souventdes difficultés à mettre des mots surces deuils, et à en évaluer les répercus-sions dans sa vie professionnelle, per-sonnelle et spirituelle. Il doit trouverles moyens d’évacuer cette accumu-lation de souffrance, d’accepter derester avec des questions sans répon-ses, de vivre avec des deuils nonrésolus, d’éviter l’écueil de trop seprotéger ou au contraire de trops’impliquer et de se noyer.

Une dernière réflexion surgit et amènechaque participant à se poser desquestions fondamentales : suis-je bienfait pour ce métier ? Vais-je continuerdans cette voie ? En quoi suis-jeparticulièrement vulnérable ? Dans saquête pour trouver la voie de lasérénité, le soignant peut avoir recoursà des rituels individuels ou en équipe,avec ou sans la famille, qui sont le fruitd’une réflexion collective, dans le butde lui donner quelques pistes :

• Respecter le rythme de chacun carle cheminement du deuil estéminemment personnel ;

• Garder des traces des patientsdécédés, de manière personnelle oucommune à l’équipe soignante(photos, avis nécrologique, remer-ciements des familles...) ;

• Avoir un débriefing systématique ouà la demande, avec le personnelconcerné ou l’ensemble de l’équipe,avec la première et/ou la deuxième,à chaud ou à froid, avec ou sans lafamille proche, en laissant à chacunle temps d’exprimer son vécu et cequ’il ressent, en tirant les enseigne-ments positifs et négatifs du suivi ;

• Rendre visite à la famille aufunérarium ;

• Rendre visite au domicile de lafamille, immédiatement ou plus

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Aborder l’impact d’une pratiquereligieuse sur l’état de santé oblige àse pencher sur les textes sacrésrecommandant cette pratique etl’interprétation qui en est faite,notamment par les représentants

Ramadan, impact en médecine générale

Naïma Bouali, médecin généraliste à la maison médicale Norman Bethune

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Le Ramadan est une période annuellede jeûne strict, du lever au coucherdu soleil, durant un mois lunaire,observé par les personnes d’obé-dience musulmane.Cette pratique religieuse est haute-ment sacralisée et, bien que nonrecommandée pour certaines person-nes notamment les malades, ceux-ciressentent un besoin impératif de seconformer à ce rituel qu’ils onttoujours pratiqué.Les soignants sont ainsi confrontésaux changements du rythme de viehabituel de leurs patients qui tend versl’inversion du cycle circadien, avec unimpact non négligeable sur lesperformances cognitives et physiquesdu sujet bien portant et, chez lesmalades chroniques, la fréquentemodification de leur compliancethérapeutique ainsi que le reportd’examens médicaux. Pour quel’accompagnement du patient quijeûne soit optimal, le rôle del’anticipation est prépondérant.Certaines connaissances sont ainsirequises pour contrôler au mieux lesinnombrables implications sanitairesdu Ramadan, malgré le manqued’études scientifiques rigoureuses à cesujet.

au croyant et son accomplissementabsout tous les péchés et purifie l’âmeen l’éloignant du feu de l’enfer.

Le jeûne du Ramadan consiste às’abstenir de toute ingestion liquide ousolide et de tout rapport sexuel entrele lever et le coucher du soleil. Pourles croyants, ce jeûne rituel est sacrécar dédié à Allah et doit être considéréavant tout comme un acte d’obéis-sance et de reconnaissance de la loidivine qui a été révélée par l’arrivéedu Coran la vingt-septième nuit dumois « Ramadan », neuvième moislunaire.

Pour que le jeûne soit valable, l’absti-nence doit être totale. Si la personneprend volontairement ne fût-ce qu’unegorgée de boisson, une bouchée denourriture ou une bouffée de cigarette,ce jour de jeûne n’est pas valable etdevra être re-jeûné. Pour rompre lejeûne, le musulman dit «O dieu c’estpour Toi que j’ai jeûné, c’est en Toique je crois, c’est à Toi que je meconfie et c’est de la nourriture que Tum’accordes que je me nourris». Lareligion recommande vivement unrepas avant l’aube, mais ne l’imposepas.

D’autres périodes de jeûne sontégalement recommandées, notammenttrois jours chaque mois, de préférenceles lundis et jeudis ; de même six joursde jeûne le mois suivant le Ramadan.Il est ainsi fréquent de rencontrerparmi notre patientèle âgée despersonnes jeûnant en dehors du moisde Ramadan.

Dans l’esprit du musulman ce mois estbéni entre tous : les textes sacrésdictent aux croyants : «Jeûnez ! etvous serez bien portants et en bonne

officiels du culte musulman, et à seconfronter avec la pratique rituelle quien découle au sein de la patientèleconcernée.

Les généralistes sont confrontés à cetteimpressionnante et déroutante imbri-cation du spirituel dans leur pratique.Force est de constater leur manque desavoir-faire et de savoir-être face auxconvictions religieuses des patients, etle manque de sensibilisation « auxchoses de l’esprit » durant leurformation. Ces connaissances sontpourtant nécessaires pour une prise encharge globale de la personne soignée.D’autre part, le contexte socio-économique et le rythme de vie n’étantpas similaire d’un pays à l’autre, lesconditions de la pratique du Ramadandiffèrent selon la localisation géo-graphique, le type de climat et lasaison, impliquant que les recomman-dations faites sous d’autres cieux nesont pas forcément applicables ici.

Selon la majorité des auteurs, ce sujet,quoique de plus en plus étudié au seinde la communauté scientifique, resteinsuffisamment traité. Il s’agit d’unevéritable question de santé publique,dès lors que dans les pays européensle Ramadan met l’accent sur lanécessaire intégration de la multi-culturalité, au moins une fois chaqueannée.

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Le jeûne rituel

Le jeûne rituel est une des cinqobligations religieuses du musulman,avec la profession de foi (La Fatiha),les cinq prières quotidiennes,l’aumône et le pèlerinage à la Mecque.A la différence de ces quatre dernièresobligations, le jeûne n’appartient pas

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Ramadan, impact en médecine générale(suite)

santé», les portes du paradiss’ouvrent, les portes de l’enfer seferment et les mauvais démons sontenchaînés (en tenir compte dans lescas de pathologies mentales). Il y ad’autres croyances populaires telleque, par exemple, l’augmentation dela fertilité masculine !

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L’abstention du jeûne

Sont totalement et toujours dispensésdu jeûne : les enfants impubères et leshandicapés mentaux profonds quin’ont pas conscience de ce qu’ils font.Toutefois, en ce qui concerne lesenfants, ils s’exercent malgré toutprogressivement à la pratique fami-liale du Ramadan.

Sont dispensées du jeûne mais tenuesde le remplacer par une aumôneexpiatoire à condition qu’elles en aientles moyens : les personnes âgées et lesmalades chroniques dont l’état desanté permanent est de nature à êtreaggravé par la pratique du jeûne.

Plusieurs catégories de personnesdoivent rompre le jeûne et reporter sonaccomplissement à une date ultérieurependant la même année : les femmesen période de menstruation ou en post-partum, tant que dure le saignement(on observe une pratique répandue deprise continue des contraceptifs orauxpour éviter ce report) ; les femmesenceintes (mais plus d’un tierspréfèrent jeûner durant le moisRamadan plutôt que de le post-poseret d’être ainsi amenées à jeûner seulespendant quatre semaines) ; celles quiallaitent et craignent pour leur santéou celle de leur enfant ; les personnesen voyage ou tenues de fournir unlabeur particulier ; les personnes

malades (atteinte aiguë) dans lamesure où la pratique du jeûne nuiraità leur rétablissement. Enfin, le jeûneest formellement interdit lorsqu’ilreprésente un danger pour la santé.

Malgré ces assouplissements prévuspar l’Islam et la place laissée à laconscience individuelle, une majoritéde gens tente d’observer scrupuleuse-ment le Ramadan coûte que coûte.Outre ses valeurs spirituelles indivi-duelles et collectives, le Ramadanprésente en effet un aspect socio-communautaire majeur pour unepopulation à l’origine exilée et enrecherche identitaire constante, ce quiexplique la grande difficulté d’unreport personnel de ces quatresemaines de jeûne, s’écartant par-là ducérémonial collectif. Bien que lapratique religieuse prévoie les casd’absentions de jeûne, la pressionsociale de la communauté musulmanerend tout manquement difficile àassumer, même pour raison médicale.Ceci peut être vécu, par les patientsconcernés, comme une secondeexclusion de leur appartenance à lacommunauté par rapport aux biensportants. Ce sont-là les raisons de lafarouche obstination à vouloir jeûnerà tout prix notamment chez les person-nes plus âgées et inactives. D’autantque les jours reportés et non jeûnéspeuvent générer de la culpabilité.Vouloir priver ces patients pieux de cepuissant soutien identitaire, c’estalourdir leurs pathologies de tellemanière qu’ils se sentent totalementmarginalisés.

Lorsqu’ils hésitent en ce qui concernela gravité de leur état, les gensdemandent l’avis des médecins. Ceux-ci sont ainsi appelés à aider les patientsà faire un choix de conscience. Pour

ces patients, c’est le double librearbitrage qui prévaut dans la relationsoignant-soigné. Le vécu de la foivarie sensiblement d’un individu àl’autre ; de même la maîtrise par lesoignant de ce contexte ethno-épidé-miologique particulier et récurentn’est acquise que progressivement.C’est donc une période propice deresponsabilisation du patient carchacun a à estimer pour soi la gravitéde son état et à déterminer en âme etconscience si le Ramadan lui est ounon nocif et donc interdit. Il estcependant difficile d’espérer aboutiren matière de pratique religieuse à unconsensus général et clairement établi,hormis le cas du diabète de type 1 pourlequel le jeûne semble normalementêtre exclu.

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Jeûne et santé

Le Ramadan consiste en une succes-sion de périodes de jeûne (pouvantatteindre 18 heures en été) et de ré-alimentation abondante. Parmi leseffets du jeûne, on retient des modifi-cations purement physiques qui onttrait au poids, des modificationsmétaboliques, hormonales, et uncertain impact psycho-cognitif.

Malgré la modification de la répar-tition des prises alimentaires dans lenycthémère, l’apport énergétique totalde la journée semble rester sensible-ment le même, même si les quantitésde certains groupes d’aliments tels queles céréales, la viande, les laitages etles sucreries ont tendance à augmenter.La déshydratation est l’anomalie laplus à craindre, surtout si l’activitéphysique est intense et/ou lorsque leRamadan survient en été. Pour éviterce risque, il faut veiller à la bonne

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réhydratation dès la rupture du jeûne.Les perturbations décrites ci et là(augmentation du sodium, du potas-sium, du calcium, des protéines maisaussi de l’urée et de l’acide urique) nereflètent que l’hémo-concentrationplutôt qu’un état de catabolisme. Laperte d’eau se répercute aussi dans lacomposition osmotique du lait mater-nel qui devient plus concentré enlactose, sodium, potassium (suppléeren eau le nourrisson).

Concernant le poids, il semble quel’évolution se fasse globalement versune diminution quel que soit le poidsde départ, mais la perte de poids estplus importante chez les personnes ensurcharge pondérale au départ, surtoutsi elles sont porteuses d’une patholo-gie chronique. La variation du poidsreste sujette à controverse car 50 %des personnes gardent un poids stable ;la prise de poids, nettement moinsfréquente (14 %), semble résulterentre autres d’une diminution impor-tante des activités physiques. Unelarge étude asiatique menée à proposdu poids de naissance de nouveaux-nés de mères ayant jeûné ne rapportepas d’effets délétères.

Mentionnons aussi le manque desommeil, qui à la longue et associé àune relative hyper-activité, notammentdomestique, engendre un état defatigue indéniable.

Bien que les enfants soient en principedispensés de faire le Ramadan, ils nesont pas à l’abri de l’impact du jeûnede leurs aînés. C’est ainsi que l’on arapporté un cas de ralentissementrécurrent de la croissance chez unnourrisson en rapport avec les périodesde Ramadan. Ceci souligne l’influencedu comportement alimentaire des

adultes sur les enfants et montre lanécessité d’anticiper par la mise enplace d’une stratégie préventive pourpréserver le comportement alimentaireadéquat du nourrisson et du jeuneenfant musulman, avec une surveil-lance accrue si d’autres facteurs derisques de malnutrition existent.

La littérature scientifique soulignel’importance d’anticiper et de planifierdifféremment les soins, notamment laprise des médicaments chez tous lespatients durant ce mois de jeûne,surtout chez les patients chroniquescomme les diabétiques, les épilepti-ques, les asthmatiques. Faute de quoi

on constate que les deux-tiers despatients adaptent eux-mêmes leurstraitements ce qui n’est pas sans risquecomme le rapporte une étudekoweïtienne portant sur trois centsvingt-cinq patients ambulatoiresmusulmans pratiquants : 80 % nereconnaissent pas leurs maladieschroniques comme raison valable dene pas jeûner, contre 8 % qui se sententmoins bien durant le Ramadan et 12 %qui se disent prêts à renoncer à cejeûne sur conseil médical ; 64 % ontmodifié spontanément leurs traite-ments (avec risque d’interactionmajorée) ce qui aboutit à un moins boncontrôle des maladies chroniques

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telles que le diabète, l’asthme, l’hyper-tension.

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Permis, interdit ?

Selon l’avis unanime de nombreuxresponsables religieux, seuls lesmédicaments oraux sont à écarter,quasi toutes les autres thérapeutiqueset actes techniques sont permis à partceux à valeurs nutritives ; mais lescroyances populaires sont toutesautres et même l’avis de l’ensembledes auteurs n’est pas convergent.

Pour la plupart des gens, il est difficilede savoir avec certitude si certainsactes médicaux (prises de sang,injections, gouttes nasales, examensgynécologiques, lavements, etc.) sontde nature à rompre le jeûne ou non.Dans le doute, ces actes médicaux sontrefusés par crainte du péché ou pourne pas devoir restituer ultérieurementdes jours qui seraient ainsi perdus.

Au sujet des actes médicaux ousituations qui font objet de doutes,voici la synthèse des avis recueillisauprès de nombreux responsablesreligieux :

• rompent le jeûne de l’avis unanime :la prise d’un médicament, l’injec-tion d’un produit ayant valeur nutri-tive, le vomissement provoqué ;

• ne rompent pas le jeûne, bien quecet avis ne soit souvent pas suivi parles croyances populaires (qui vontsurtout dans le sens de l’interdit) :la prise de sang, le vomissementinvolontaire, les lavements, l’injec-tion d’un médicament, l’examengynécologique, les gouttes nasales.

Pour y voir clair, certains se rattachentà l’idée que « tout ce qui entre dans le

corps rompt le jeûne, tout ce qui ensort ne le rompt pas ». D’autres nuan-cent entre ce qui va vers l’estomac etce qui n’y va pas. D’autres encore, sedemandent si ce qui entre dans lecorps, par l’estomac ou autrement, estd’ordre nutritif ou strictementmédicamenteux.

La manière plus ou moins stricte, plusou moins rigoureuse, dont le Ramadanest observé est déterminée par le choixpersonnel des pratiquants, par des avispris auprès de personnes jugéescompétentes et ou par des directivesprovenant des mosquées locales. Dansles différents quartiers, le Ramadan enparticulier et la religion en généralseront pratiqués avec plus ou moinsde rigueur selon les directives émanantdes mosquées.

En ce qui concerne les conseils àdonner au personnel médical quicommence à travailler avec despersonnes d’obédience musulmane,nous retiendrons essentiellement cequi suit :

• importance de s’informer, de con-naître les aspects spirituels etsociaux du Ramadan, ainsi que lescas d’exemption et les actes médi-caux qui, de l’avis le plus général,ne rompent pas le jeûne. En cas dedoute ou de difficulté, tenter des’informer auprès de personnescompétentes et, si possible, s’assu-rer leur collaboration ;

• montrer que l’on respecte le désiret les convictions des gens tout enleur expliquant, dans les cas sérieux,les raisons médicales pour les-quelles le jeûne est à déconseiller ouà interdire. Ne pas perdre de vuequ’en définitive c’est à la personneseule que revient la décision, ceci

afin de mieux pouvoir gérer lasituation avec elle ;

• tenter de ne pas médicaliser lapériode du Ramadan : postposer lesexamens autant que possible ; adap-ter les traitements aux circonstances(adaptations de la médication ;examens et/ou injections pratiquésaprès la tombée du jour ...). Lagrande majorité du personnel desanté semble adopter ce type desolutions.

Par ailleurs, il est important que lepersonnel médical soit conscient del’importance de l’hygiène corporelledans la vie quotidienne du musulman,surtout pendant la période du Rama-dan. Pour qu’un jour de Ramadan soitvalable, le croyant doit être dans unétat de pureté spirituelle et physique.D’où certaines ablutions obligatoiresavant toute prière et pour valider lejeûne.

Signalons enfin que, si comme onpouvait s’y attendre, l’expérience, lesavis et les conseils exprimés par lespersonnes rencontrées se confirmentet se complètent, quelques divergencesse font jour. Il s’agit notamment de laperception du degré d’information dela population musulmane (très bieninformée selon les uns, mal informéeselon les autres), de la rigueur com-parée avec laquelle les communautésturque et marocaine respectent leRamadan, de l’effet du Ramadan surla prise ou perte de poids...

Ramadan, impact en médecine générale(suite)

Les paragraphes suivants comportentquelques précisions dont la teneur pourraitéchapper aux lecteurs qui ne sont niprofessionnels de santé ni concernéspersonnellement ou dans leur entouragepar les maladies envisagées : nousespérons qu’ils nous en excuseront.

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De quelques problèmes desanté

Certaines fonctions de l’organisme,telles que la respiration, la fonctionrénale, la fonction thyroïdienne nesemblent pas être modifiées durantcette période de jeûne. Il n’en va pasde même dans d’autres domaines.

Le diabète

Parallèlement aux modifications desapports en période de jeûne, on obser-ve une diminution de la concentrationsérique d’insuline, de la dépense éner-gétique au repos et du quotient respira-toire, ce qui limite l’extraction duglucose circulant. Cette homéostasieénergétique fait intervenir des mécani-smes complexes de régulation hormo-nale. On ne relève pas d’états d’hypo-glycémie symptomatique même si laglycémie semble diminuée à la fin duRamadan, tout en restant dans leslimites de la normale. Les étudesmanquent pour cerner cette probléma-tique d’une manière approfondie.

Beaucoup d’auteurs rapportent ladifficulté du suivi des diabétiquesdurant le Ramadan car ces patientspeuvent ne pas se considérer commemalades et donc ne se dispensent pasde jeûner. Quelques conseils d’anti-cipation de la bonne poursuite de laprise en charge des patients diabé-tiques de type 2 :

• La posologie du traitement médica-menteux doit être ajustée, dans ledosage et le nombre de prise ; lerepaglinide présente l’avantage dene se prendre que lors d’une alimen-tation et n’impose donc pas dechangement de schéma thérapeuti-que lors du Ramadan ;

• Beaucoup d’auteurs insistent, toutcomme les textes religieux, surl’importance du repas précédent lajournée de jeûne (en sachant sepréserver un sommeil suffisant) etsoulignent l’absence d’intérêtd’augmenter le nombre des repasmais de bien prendre en quantitésuffisante des hydrates de carbonelents avant de jeûner ;

• Il faut savoir que certaines person-nes peuvent recourir à des substan-ces naturellement hypoglycé-miantes, comme le fenugrec, sansen parler spontanément à leur méde-cin, notamment pour compenser lesécarts de régimes plus fréquents,surtout en sucres rapides et fécu-lents.

Pour les patients dont le diabète estbien équilibré, qui ne se permettent pasdes écarts de l’apport glucidique etjeûnent en concertation avec leursmédecins, les éventuelles pertes depoids qui peuvent en résulter sont toutà fait bénéfiques.

Du point de vue cardio-vasculaire

Des études expérimentales animalesmontrent que la répétition de cyclesde jeûne entraîne l’augmentation de lapression artérielle. Malgré le manquede sommeil et les risques de change-ments de la médication habituelle, uneobservation auprès de septante hyper-tendus traités par mono-prise nemontre aucune différence significativedes tensions artérielles systoliques etdiastoliques avant et après le Ramadanen cas de poursuite du traitementinitial... sans que l’on puisse évaluerle rôle apaisant des activités spiri-tuelles.En ce qui concerne les lipides, les

quelques études s’y rapportant sontnon-concluantes et discordantes.

Du point de vue digestif

Pendant le Ramadan, on note uneaugmentation significative de lasécrétion acide et de la pepsine, sansmodification de la gastrinémie diurne.En rapport avec cette hyperaciditéréactionnelle, une étude a montréqu’environ 10 % des personnes inter-rogées présentent des troubles dyspep-tiques au cours des quatre semainesdu Ramadan. Mais par ailleurs, ondécrit une amélioration des colonsirritables et des troubles du transit telsque la constipation. Le retour à uneacidité gastrique normale ne se fait quetrès progressivement. Il y a un risquede rechutes ulcéreuses et peut-êtreaugmentation de l’incidence descomplications chez des ulcéreux,pratiquants le jeûne, bien qu’une étudemarocaine démontre que le jeûne nemodifie pas le taux de cicatrisationulcéreuse, à condition d’inhiber lasécrétion acide (gel de phosphated’aluminium, antiacide).D’autres part l’abaissement du pHgastrique (= hausse de l’acidité) ralen-tit la vidange de l’estomac et participe-rait au syndrome dyspeptique. Le rôledu jeûne sur les symptômes gastriquesdoit s’analyser différemment selonque l’infection par Hélicobacter pyloria été ou non éradiquée chez lesulcéreux.

En 1977, en Afghanistan, Dukes,constate que près de trois-quarts desvolvulus idiopathiques du grêle (uneforme de torsion spontanée de l’intes-tin grêle) ont lieu durant le Ramadan.Or, il s’agit d’une pathologie relative-ment rare : une prédisposition géné-tique n’étant pas exclue, bien que

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l’influence du régime alimentaire(riches en fibres) soit plus probable,ce qui orienta la tendance vers untraitement conservateur.

Du point de vue mental

Les performances intellectuelles sontamoindries suite notamment au

« Vous qui croyez ! Le jeûne vous est prescrit comme il a été prescritaux générations qui vous ont précédés.Peut-être craindrez-vous Dieu.Jeûnez durant des jours comptés.Celui d’entre vous qui est malade ou qui voyage jeûnera ensuite unnombre égal de jours.Ceux qui pourraient jeûner et qui s’en dispensent, devront, encompensation, nourrir un pauvre. Celui qui, volontairement, feradavantage y trouvera son propre bien.Jeûner est un bien pour vous. Peut-être le comprendrez-vous.Le Coran a été révélé durant le mois de Ramadan. C’est une directionpour les hommes ; une manifestation claire de la Direction et de laLoi.Quiconque d’entre vous verra la nouvelle lune jeûnera le mois entier.Celui qui est malade ou celui qui voyage jeûnera ensuite le mêmenombre de jours.Dieu veut la facilité pour vous, il ne veut pas, pour vous, la contrainte.Achevez cette période de jeûne. Exaltez la grandeur de Dieu quivous a dirigés.Peut-être serez-vous reconnaissants.Quand mes serviteurs t’interrogent à mon sujet, je suis proche, envérité ;Je réponds à l’appel de celui qui m’invoque, quand il m’invoque.Qu’ils répondent donc à mon appel ; qu’ils croient en moi !Peut-être seront-ils bien dirigés.La cohabitation avec vos femmes vous est permise durant la nuit quisuit le jeûne. Elles sont un vêtement pour vous, vous êtes, pour elles,un vêtement.Dieu savait que vous vous lésiez vous-mêmes ; il est revenu vers vous ;Il vous a pardonné. Cohabitez maintenant avec vos femmes.Recherchez ce que Dieu vous a prescrit. Mangez et buvez jusqu’àce que l’on puisse distinguer à l’aube un fil blanc d’un fil noir.Jeûnez, ensuite, jusqu’à la nuit.N’ayez aucun rapport avec vos femmes lorsque vous êtes en retraitedans la mosquée.Telles sont les Lois de Dieu ; ne les transgressez pas.Voilà comment Dieu explique aux hommes ses Signes.Peut-être Le craindront-ils ? »

Le Coran, sourate II ; « La Vache » versets 183-187.

manque de sommeil ; l’hypoglycémieaccentue cet état de chose, les change-ments abrupts des habitudes de vierendent beaucoup de personnes irri-tables, surtout les grands consom-mateurs de caféine ou nicotine qui seretrouvent en situation de quasi-sevrage.

Manque de sommeil, hypoglycémies,déshydratation, sevrages de nicotineou de caféine peuvent provoquer descéphalées, surtout le premier jour. Encontrepartie, cette période de plusgrande spiritualité s’accompagne d’unsentiment de sérénité avec un meilleurcontrôle du stress quotidien suite à ladiminution des activités physiques età la moindre consommation d’exci-tants. Dans ce même ordre d’idée, onrapporte une diminution des casd’autolyse avec un effet bénéfique duresserrement des liens familiaux et unplus grand auto-contrôle de certainscomportements destructeurs.

Il semble que cette période soitpropice à une augmentation desconsultations au niveau des servicesd’urgences (adultes et enfants) qui nes’expliquerait pas seulement par uneaugmentation sensible des accidentsde la circulation. Cet état de fait seraitd’origine multi-factorielle : fatigue,hypoglycémie, modifications destraitements habituels, ralentissementdes facultés cognitives (de concen-tration).

Dans les cas relevant de l’oncologie(cancer), domaine où les croyancesreligieuses du patient s’exacerbentnotamment durant ce mois de ferveurreligieuse collective, l’accent doit êtremis sur la qualité de la communicationrelationnelle soigné-soignant, spécia-lement en cas d’atteinte curable pour

Ramadan, impact en médecine générale(suite)

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maintenir la compliance à son niveauoptimal avec recommandation de nepas jeûner, démarche délicate surtoutauprès des patients niant leur cancerou récusant les traitements médico-chirurgicaux requis, préférant les« médecines traditionnelles ». La priseen charge pluridisciplinaire avec aubesoin l’aide d’un conseiller religieuxsemble être une approche plus effi-ciente.

Pour terminer, rappelons que leRamadan dure un mois lunairecomplet, soit de vingt-neuf à trentejours. En raison du décalage entre lecalendrier solaire et le calendrierlunaire, la date du premier jour duRamadan avance d’environ onze jourschaque année.Une autre solution, adaptée passeulement au soignant musulman, àcette période professionnellementcreuse, est de soi-même prendre unpeu de repos greffé de spiritualité !

A toutes fins utiles, nous proposons troisadresses aux lecteurs qui souhaiteraient deplus amples informations :

Centre islamique et culturel de Bruxelles(Mosquée centrale), parc duCinquantenaire, 14, 1040 Bruxelles. Tél. :02/735 21 73 ;

Centre socioculturel des immigrés deBruxelles, avenue de Stalingrad, 24, 1000Bruxelles. Tél : 02/513 96 02 ;

Cultures et santé, rue Gallait, 60, 1000Bruxelles. Tél. : 02/558 88 10.

Bibliographie sur demande.

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Dans ce courrier, il nous était posé laquestion de la participation, au seindes maisons médicales, du personneld’accueil et de secrétariat aux réunionsde coordination où sont abordées lesproblématiques des patients. Lepartage du secret médical qu’impliqueleur présence à ces discussions est-ilautorisé sur le plan juridique etdéontologique ?Nous avons longuement débattu decette question qui renvoie d’ailleurs àun questionnement éthique global surle projet des maisons médicales.

la prise en charge sanitaire, commesoignant à part entière. Elles leurdemandent dès lors, en toute logique,de participer aux discussions concer-nant les patients.Pour d’autres, l’accueil doit occuperune place tierce, tant par rapport auxpatients que par rapport aux soignants.Dans cette logique, la présence desaccueillants aux discussions médicalesconcernant les patients n’est évidem-ment pas souhaitable.

Dans toutes les équipes, seules sonttransmises les informations dontchaque travailleur a besoin pouraccomplir sa tâche. Cette transmissionse fait avec le consentement despatients et dans le respect de leurintimité. Le caractère confidentiel decertains contacts et des informationsau sujet desquelles le patient demandela confidentialité à celui qu’il consulteest strictement respecté. Cependant, lateneur et les personnes avec lesquellesdes informations sont partagéespeuvent varier suivant la représenta-tion que chaque équipe se fait d’elle-même et d’un fonctionnement opti-mal.

Nous avons été frappés par lacohérence interne des divers modes defonctionnement. Les adeptes dechacun sont capables d’expliquer leurchoix et de le justifier tant sur desbases idéologiques et éthiques qu’enfonction des possibilités de prise encharge thérapeutique qu’il offre.Chaque système a en effet sur le planpratique des avantages mais aussi bienentendu des inconvénients et deslimites. Les équipes, tout en utilisantau mieux l’outil mis en place, ont lesouci de l’évaluer et d’adapter con-stamment les moyens mis en œuvreaux objectifs poursuivis.

Participation du personnel d’accueil et desecrétariat aux réunions de coordination

Pour le comité : Jean Philippe Cobbaut, philosophe et Monique Boulad, médecin généraliste etmembres du comité d’éthique de la Fédération des maisons médicales

Demande d’avis

Dans le cadre de l’agrément qu’il accorde aux associations de santéintégrées, dont la plupart sont des équipes membres de la Fédération desmaisons médicales, le Gouvernement wallon impose aux équipesconcernées que tous les membres de celles-ci, à savoir les médecinsgénéralistes, le personnel infirmier, les kinésithérapeutes ainsi que le serviced’accueil et de secrétariat participent aux réunions de coordination au coursdesquelles sont discutées les problématiques de certains patients.

Ceci rencontre la pratique de la majorité des maisons médicales quiassocient également à ces discussions des travailleurs sociaux et despsychologues quand ces disciplines sont présentes dans l’équipe.

Néanmoins, certaines équipes, dont la nôtre ont choisi de ne pas faireparticiper le personnel d’accueil et de secrétariat à ces réunions pour desraisons déontologiques et éthiques.

Il ne nous paraît en effet pas du tout évident que pour pouvoir mieuxeffectuer leurs tâches d’accueil et de secrétariat (souvent imbriquées) lespersonnes concernées aient besoin d’informations d’ordre médical au sujetde la patientèle. Quand bien même cela pourrait peut-êtreoccasionnellement leur permettre un meilleur accueil de l’une ou l’autrepersonne, il n’est pas sûr que cela nous autorise à partagersystématiquement le secret professionnel, que ce soit sur le plan juridiqueou sur le plan déontologique.

C’est avec le plus vif intérêt que nous prendrions connaissance de votreavis sur cette question.

Pour l’équipe de la maison médicale La GlaisePatrick Jadoulle

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Des attitudes contradictoires,mais cohérentes

Pour mener cette discussion, nousnous sommes tout d’abord informéssur le fonctionnement de plusieursmaisons médicales et nous avonsconstaté à cet égard une grandediversité. La place et le rôle attribuésà l’accueil sont différents d’unemaison médicale à l’autre.Certaines équipes considèrent lesaccueillants comme partie prenante de

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Cette cohérence nous a semblé essen-tielle. Mais est-elle suffisante pourgarantir l’éthique d’une pratique ? Surquoi s’appuyer pour en juger ?

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Colloque singulier et priseen charge collective

L’approche classique, voire juridique,de la relation de soin, peut fournir unpoint de départ intéressant pouraborder cette question.En effet, au cœur de cette approche setrouve la fameuse figure du colloquesingulier dans laquelle est privilégiéele face à face soignant/soigné. Dansce face à face, le soignant doit obtenirle consentement du patient pour toutacte médical. Cette règle a pourcorollaire qu’à tout moment, le patientpeut remettre en question ce qui a étédécidé ou programmé. Cette caracté-ristique de la relation de soin faitd’ailleurs dire à certains auteurs quecelle-ci ne se laisse pas facilementappréhender comme contrat.Cette règle vaut également pour lesecret professionnel et la transmission

des informations relatives au patientprotégées par ce secret. La règle dusecret s’articule en effet à la figure ducolloque singulier dans la mesure oùles informations confiées ou apprisespar le soignant dans le colloquesingulier ne peuvent, sauf exceptionsprévues par la loi, être divulguées horsde ce colloque.Le caractère d’ordre public du secretprofessionnel (et l’obligation pour lessoignants de ne pas divulguer l’infor-mation concernant le patient) estessentiellement envisagé aujourd’huicomme une protection du patient àl’encontre des pressions qu’il pourraitsubir de la part d’un tiers pour obtenirdes informations.

Par ailleurs, on admet le partaged’informations entre ceux qui pren-nent en charge le patient. On parlealors de secret partagé. Ce partaged’informations n’est cependant admisque s’il est nécessaire à la qualité dela prise en charge, que le patient en aété informé et qu’il ait donnéexpressément son accord pour que lesinformations le concernant soient

partagées. De ces règles, on déduiraen principe que l’on ne peut mener unediscussion concernant un patient sansqu’il ait été informé du déroulementde celle-ci, des personnes partici-pantes, et qu’il ait accepté que cettediscussion ait lieu.

Ce cadre étant tracé, il est clairaujourd’hui que la prise en chargesanitaire est de plus en plus collective.L’article 4 de la récente loi du 22 août2002 relative aux droits des patientsstipule d’ailleurs : «dans la mesure oùle patient y apporte son concours, lepraticien professionnel respecte lesdispositions de la présente loi dans leslimites des compétences qui lui sontconférées par ou en vertu de la loi.Dans l’intérêt du patient, il agit le caséchéant en concertation pluridiscipli-naire ». Comment interpréter cettedisposition ?

Il s’agit d’une reconnaissance expli-cite du travail en pluridisciplinarité.Cette reconnaissance permet dedépasser les suspicions qui pouvaientencore subsister quant à la légitimitéde ce mode de prise en charge, surtoutau niveau de la première ligne. Lesprincipes rappelés ci-dessus ne sontpas pour autant caduques. La concer-tation pluridisciplinaire n’est d’ail-leurs pas incompatible avec ceux-ci.

En milieu hospitalier, leur applicationest souvent assez formelle, étant donnél’évidence du caractère collectif de laprise en charge. Par contre, les soinsextrahospitaliers restent généralementstructurés sur le modèle du colloquesingulier et privilégient la constructionprogressive de la relation en inter-action constante avec le patient.

L’histoire et la réflexion des maisons

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médicales les ont amenées à une prati-que de première ligne plus collective.Le colloque singulier et le traitementde l’information ont du être intégrésdans une pratique pluridisciplinaire.

En s’adressant à une maison médicale,le patient confie sa prise en charge àune équipe. Le caractère pluridiscipli-naire de l’équipe implique unetransmission d’informations entre lesdifférents prestataires de soins.Il nous semble essentiel que cela soitrappelé explicitement au patient. Lacomposition de l’équipe, les modalitésde prise en charge et le type detransmission d’informations que celasuppose entre soignants doivent luiêtre expliqués et doivent acceptés parlui. En cela, on peut dire qu’il y a uncontrat de soins ou de prise en charge.Tout changement de fonctionnementlui sera signalé et son accord serasollicité.

Faire mieux comprendre les structureset les modes de fonctionnement desmaisons médicales aux patients noussemble un enjeu éthique fondamental.

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Ouvrir l’espace démocratique

Sur quel mode, par quel moyeninformer et solliciter l’accord despatients ? Il reste certainement duchemin à faire concernant ces ques-tions en vue d’améliorer la visibilitédes structures et du fonctionnementdes maisons médicales.

Par ailleurs, il nous semble que toutedémarche visant à clarifier et à mieuxjustifier les structures et les modes defonctionnement ne pourront questimuler les interactions avec lesusagers et renforcer l’adéquation entre

Participation du personnel d’accueil et de secrétariat aux réunions de coordination(suite)

le modèle proposé et leurs attentes.Ces interactions doivent permettre auxmaisons médicales d’évoluer et des’adapter. En effet, l’intensificationdes interactions avec les patients à cepropos permettra à la fois de mieuxprendre en compte la spécificité dechaque patient pris dans sa situationindividuelle mais aussi, à un niveauplus politique, de progresser dans leprojet de santé communautaire desmaisons médicales par la constitution,entre les prestataires et les usagers,d’un véritable espace démocratique deprise en charge individuelle etcollective de la santé.

En conclusion, il n’y a donc pas deraison éthique intrinsèque pour refuserla présence aux discussions de cas desaccueillantes ou même celle dupersonnel administratif à conditionque l’équipe soit capable de répondrede l’utilité de ce partage d’informa-tions dans le cadre de sa mission desoin, que le patient soit informé del’usage qui est fait des données leconcernant et qu’il ait marqué sonaccord.Le débat éthique est en quelque sortedéplacé : au lieu de se porter sur lastructure, il se porte sur la visibilitéde la structure, sur les moyens qu’ellese donne pour assurer cette visibilitéet pour créer des espaces de débatentre prestataires et avec les usagers.Est « bonne », la structure qui seprésente clairement, offrant ainsi àl’usager un outil d’évaluation et unepossibilité de choix individuel maisaussi d’intervention dans un projetcollectif