Ronald Ros - biusante.parisdescartes.fr · à la composition musicale et surtout à la...

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Ronald Ross (1) par le Dr E. LACRANCE Vous ne vous attendez certainement pas à ce que je vous détaille par le menu le cycle du Plasmodium, tant chez l'homme comme l'ont décrit Laveran et Golgi, que chez le moustique ce qui fut l'oeuvre de Ross. Ce cycle, vous le connaissez mieux que moi. Je me contenterai d'y faire allusion au cours de la carrière de notre héros. Ce que je voudrais, c'est vous montrer d'une part comment son apport féconda la découverte de Laveran et permit d'entreprendre la pro- phylaxie du paludisme, d'autre part, sa personnalité vraiment exceptionnelle. Car Ronald Ross s'intéressa d'une façon approfondie aux mathématiques, à la composition musicale et surtout à la littérature, bien avant de se révéler un chercheur. C'est presque par hasard qu'il fit de la recherche médicale. Aîné de 10 enfants, il naquit en mai 1857, dans une petite station d'alti- tude, en plein coeur de l'Himalaya ; à Almora. La fameuse révolte des Cipayes venait de commencer. Pendant deux ans, elle mit une partie de l'Inde à feu et à sang. La répression fut aussi implacable et sanglante que la révolte, avec des atrocités de part et d'autre, dignes d'une imagination orientale. Grâce à ses troupes indigènes restées fidèles, l'empire fut sauvé. Mais l'enfant n'a entendu que plus tard l'écho de ce cauchemar. De son père, il ne nous parle guère. Celui-ci, cadet d'une vieille famille écossaise, avait suivi la tradition familiale qui poussait les cadets dans les cadres de l'armée des Indes, et Ross aurait probablement suivi la même voie, si son père, qui en connaissait les inconvénients, ne l'en avait détourné. Voici comment il évoque le souvenir de sa mère : « Comme toutes les mères, la mienne était la meilleure de toutes. Elle éleva 10 enfants. Seuls ceux qui ont connu l'Inde de cette époque peuvent réaliser ce que cela représente. La chaleur, les mouches, les moustiques, les difficultés (*) Communication présentée à la Société Française d'Histoire de la Médecine le 19 m a r s 1966 23

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Ronald Ross ( 1 )

par le Dr E. LACRANCE

Vous ne vous a t tendez ce r ta inement pas à ce que je vous détail le p a r le menu le cycle du P lasmodium, t an t chez l ' homme c o m m e l 'ont décr i t Laveran et Golgi, que chez le mous t ique ce qui fut l 'œuvre de Ross. Ce cycle, vous le connaissez mieux que moi .

Je me contentera i d'y faire al lusion au cours de la car r iè re de no t re héros . Ce que je voudrais , c'est vous m o n t r e r d 'une p a r t commen t son appor t féconda la découver te de Laveran et pe rmi t d ' en t reprendre la pro­phylaxie du pa ludisme, d 'au t re par t , sa personnal i té v ra iment exceptionnelle.

Car Ronald Ross s ' intéressa d 'une façon approfondie aux ma thémat iques , à la composi t ion musicale et su r tou t à la l i t t é ra ture , bien avant de se révéler un chercheur . C'est p resque p a r hasa rd qu'il fit de la recherche médicale .

Aîné de 10 enfants, il naqui t en mai 1857, dans une pet i te s ta t ion d'alti­tude, en plein cœur de l 'Himalaya ; à Almora. La fameuse révolte des Cipayes venait de commencer . Pendant deux ans , elle mi t une par t ie de l ' Inde à feu et à sang. La répress ion fut aussi implacable et sanglante que la révolte, avec des a t roci tés de pa r t et d 'aut re , dignes d 'une imaginat ion orientale. Grâce à ses t roupes indigènes res tées fidèles, l 'empire fut sauvé.

Mais l 'enfant n 'a en tendu que plus t a rd l 'écho de ce cauchemar .

De son père , il ne nous par le guère. Celui-ci, cadet d 'une vieille famille écossaise, avait suivi la t rad i t ion familiale qui poussai t les cadets dans les cadres de l ' a rmée des Indes , et Ross aura i t p robab lemen t suivi la m ê m e voie, si son père , qui en connaissai t les inconvénients , ne l'en avait dé tourné .

Voici comment il évoque le souvenir de sa m è r e : « Comme toutes les mères , la mienne était la meil leure de toutes . Elle éleva 10 enfants . Seuls ceux qui ont connu l ' Inde de cet te époque peuvent réal iser ce que cela représen te . La chaleur, les mouches , les mous t iques , les difficultés

(*) Communication présentée à la Société Française d'Histoire de la Médecine le 19 mars 1966

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de ravi ta i l lement des enfants , les r i sques de maladies , les in te rminables déplacements en chaise à po r t eu r ou en char à bœufs vers les collines, les sépara t ions prolongées de la famille, les soucis de la guer re faisaient et font encore de nos mères des mar ty re s ». C'était là i 'envers de la médail le , de cet te vie coloniale désormais abolie.

E t voilà c o m m e n t d 'un t ra i t de p lume, Ross excelle à dessiner un por­t ra i t et à évoquer une époque.

Mais le souvenir de ces p remières années s 'es tompera b ientôt . A 8 ans, suivant la t rad i t ion des coloniaux anglais il est. envoyé en Europe . Il a un oncle médecin dans l'île de Wight. C'est là qu'i l fera ses é tudes p r imai res et moyennes avant d ' en t rep rendre à l'âge de 17 ans , ses é tudes médicales à Londres à St. Bar tho lomew.

Son oncle est un h o m m e cultivé et le neveu à son tour s ' intéresse volon­t iers à tout ce qui l 'entoure : il lit beaucoup , il app rend le p iano, fait de l 'histoire na ture l le . Quant à ses é tudes médicales , elles sont quelconques . Ross songe su r tou t à se faire une vie indépendan te qui lui laisse des loi­sirs . L ' Inde l 'at t ire comme ses aînés. Mais il échoue au p remie r examen de r ec ru t emen t et s'engage pour un an co mme médecin de b o r d sur un ba teau d 'émigrants qui fait la ligne Londres-New York. Il a les loisirs qu'i l souhaitai t , tou t en ayant à se pencher sur la dét resse des épaves — pouilleux, malades — qui s'en vont à la recherche d 'un Eldorado .

L 'année suivante, il se p résen te de nouveau à l 'examen de médecin mili­ta i re et est envoyé à Bombay et de là à Madras , en 1880. Là, l ' adminis t ra t ion de l ' Indian Medical Service s 'aperçoit qu'elle a engagé beaucoup t rop d'aspi­r a n t s et à Madras , il app rend que pour un an, sauf imprévu, il n ' au ra r ien à faire. Qu'à cela ne t ienne : Ross loue u n a p p a r t e m e n t bien si tué, se pro­cure tou te u n e collection de classiques français, i taliens et a l lemands , avec g r a m m a i r e et dic t ionnaire — et après sa p r o m e n a d e mat ina le , il lit ses classiques, fait des ma théma t iques et en t ame son p remie r roman . Je suis peut-ê t re mauvais public, car je ne lis j amais de romans , ma i s le « Child of Océan », b o u r r é d 'al lusions mythologiques et avec ses aventures extrava­gantes , est v ra iment d 'une lecture pénible. Un piano, un poney p o u r le polo, complè ten t b ientô t son ménage de cél ibataire. C'est la vie inimitable : au poin t qu'i l négligera de p r e nd re les deux mois de congé annuel auxquels il a droit . Affecté b ientôt à un batai l lon d ' infanterie, il le suivra au cours de son t e rme de sept ans de la côte or ientale aux provinces du Nord-Ouest , aux îles Andaman et en Bi rmanie . Il a vu du pays, ce vaste cont inent aux aspects divers, tou t en pouvant se l ivrer à ses d is t ract ions favorites.

Après 7 ans, il est t emps qu'il aille se refaire en Eu rope et revoir les siens et il obt ient un congé d 'un an. Il t raverse l 'Europe en tour is te , épouse une j eune anglaise et en 1889, r ep rend le chemin de l ' Inde où il refera sensi­b lement la m ê m e vie, facile mais creuse — sauf qu 'à p a r t quelques sépara t ions momen tanées , il au ra avec lui sa j eune femme, dont il ne nous dit pas grand-chose mais don t il semble fort épr is .

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Car toute sa carr ière , jusqu 'en 1922, Ross l'a racontée lui-même aevc ses en thous iasmes et ses envolées poét iques , ses déconvenues et sur tout , ses démêlés avec l 'adminis t ra t ion, sa bête noire, dans un gros volume de 550 pages, int t i tulé « Mémoires » d 'une lecture pass ionnante et p robab lement véridique.

Aux Indes , en 1889, on commence à par ler de Laveran. Il est vrai que sa découver te et sa descript ion du Plasmodium, qui cadre assez mal avec celle des microbes qui viennent de faire leur ent rée dans la pathologie médicale, a été plutôt mal accueillie dans les milieux scientifiques, mais dans l ' Inde où on compte par an quelque 1 300 000 m o r t s de malar ia , la quest ion intéresse sinon les milieux officiels au moins les curieux.

Les médecins qui disposent d 'un microscope, cherchent le paras i te . Ross, qui a profité de son congé précédent à Londres pour s'initier à la bacté­riologie, s'y intéresse également . Il réussi t à m o n t r e r que ses collègues se t r ompen t mais lui-même ne réussi t pas mieux. Lorsqu 'à la fin des 5 ans de son 2 , : t e rme, il r en t r e en Europe , il est convaincu que la « Laveranity » est une pla isanter ie . Il n 'a réussi à voir ni les paras i tes , ni leurs flagelles, et il n 'hési te pas à demande r une ent revue à Patr ick Manson, qui a publié dans les j ou rnaux médicaux anglais quelques art icles de vulgarisat ion à l 'usage de ses confrères coloniaux.

Rent ré de Chine après une carr ière de 23 ans aux Douanes Chinoises, puis à l'école de médecine de Hong-Kong, dont il a été un des fondateurs , Manson, pour des ra isons f inancières — la dévaluat ion du dollar chinois — à dû faire de la clientèle, tout en ayant un service au Seamen's Hospi tal et é tant conseil­ler du Colonial Office. Il joui t d 'une grande au tor i té .

Quand Ross lui expose ses doutes et ses cr i t iques, Manson avec un discret sourire , lui soumet dans son cabinet quelques frottis fixés et colorés, puis quelques jou r s plus t a rd des p répara t ions fraîches d 'un malade de son service et, év idemment , il lui rappel le sa théorie — je dirais volontiers son hypothèse, non encore démont rée — du rôle du mous t ique dans la filariose. Sûrement , il doit jouer un rôle dans l 'épidémiologie des fièvres. Il lui com­mun ique le feu sacré. Ross est convaincu et sous le cha rme de ce c h a r m e u r qu 'es t Manson, il r epar t , bien décidé cette fois à s 'at teler à une besogne uti le, et à vérifier le rôle éventuel du mous t ique .

Il est difficile d ' imaginer deux h o m m e s plus différents que Manson et Ross.

Le p r emie r est un h o m m e pondéré , op t imis te et bienveillant, qui a der r iè re lui u n bagage scientifique considérable , une œuvre qu'i l a réalisée, isolé loin des centres scientifiques, de front avec une clientèle écrasante , à la fois médecin, chirurgien et m ê m e accoucheur dans ce milieu chinois si fe rmé dont il a réussi à capter la confiance.

Ross est, au cont ra i re , u n nerveux, hypersensible, volont iers revendica­teur et dédaigneux, qui en dépi t des loisirs que lui la issèrent 7 années de vie facile, n 'a der r iè re lui que les ébauches de quelques r o m a n s et poèmes .

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Une santé de fer lui pe rme t de se consacrer pass ionnément à la recherche, sous un cl imat épuisant , a lors que Manson était gout teux et r en t r é à Londres , payai t la rançon de son surmenage en Chine.

Certes, Ross aura i t dû passer au Bri t ish Muséum pour se documente r sur la sys témat ique des mous t iques , s 'entra îner aux techniques de coloration du sang. Il n 'en a r ien fait. Mais il a désormais un b u t et, pass ionné comme il est, il va dépenser pour l 'a t teindre, toutes ses forces et m ê m e ses économies, si maigre soit-elles.

Arrivé à Secunderabad , fin mai 1895, pour son t rois ième te rme qui sera le dernier , en 3 mois , il a réussi à collecter des mous t iques aux ailes tachetées , à leur faire p iquer des volontaires, et à observer dans l 'estomac du mous­t ique la sort ie des flagelles dans jusqu ' à 60 % des croissants . J 'emploie à dessein des t e rmes vagues car Ross ignore les Anophèles, et personne ne connaî t les gamètes .

Il commence auss i tô t un échange de le t t res avec Manson qui lui r épondra régul ièrement , lui p rodiguant encouragements . . . et parfois de mauvais conseils. Car Manson est convaincu que le mous t ique ne p ique qu 'une seule fois, et que s'il s'infecte, de fiiariose ou de pa ludisme, il est incapable d'infec­ter u n sujet. Pour lui comme pour Laveran, ces flagelles ar r ivent — Dieu sait c o m m e n t — dans l 'eau et c'est en buvant cet te eau que l'on s'infecte...

Ross est cer tes dans la bonne voie et se croit déjà près du but . Mais fin août , survient u n o rd re de service.

Un foyer de choléra s'est déclaré à Bangalore, ville de 100 000 hab i t an t s ; le médecin de ce poste doit b ientôt pa r t i r en congé, a demandé du renfor t et Ross est désigné pour le remplacer . Certes, il a dû agonir l ' adminis t ra t ion qui 4 mois après son début , se me t en t ravers de son travail , désormais un ique objet de son ambi t ion et de sa curiosi té .

Mais en a r r ivant à dest inat ion, il reçoit pleins pouvoirs , t rouve des assis­tants , une voi ture. Il peut cet te fois faire acte d 'autor i té .

Cela le calme. Ce sont 18 mois de travail sani taire assidu. 18 mois pe rdus pour sa recherche . Il a à se b a t t r e cont re des comités locaux, compo­sés d ' ignares, de pol t rons et de mou tons de Panurge — c'est Ross qui par le ainsi — il doit dé t ru i re des taudis immondes , organiser l 'enlèvement des o rdures ménagères . Mais plus tard , il reconnaî t ra qu'il a fait là un appren­tissage fort ut i le de la prophylaxie — qui lui servira dans la prophylaxie ant i-paludique. Là, il s 'écrie : Dieu, faites de nous des rois, des poètes ou des p rophè tes . Mais la réponse sonne dédaigneuse : Soyez d 'abord mon égou-tier. E t encore : Après la découverte , l 'œuvre sani ta i re est la plus belle que puisse accomplir l 'homme. A quoi bon par le r de hau te morale , de phi losophie et d 'ar t , à ces malheureux végétant dans des taudis , parfois tou te une famille entassée dans une pièce, avec le bétail , la vermine et dans l 'ordure . Ton travail , agent sani taire , est s imple. Il te faut aba t t r e ces taudis , él iminer crasse et maladie , t ravail ler la nui t pendan t que do rmen t les au t res . Per­sonne ne connaî t ra ton labeur et tu m o u r r a s inconnu et dédaigné. Mais un jour , sur ces taudis , s'élèvera une cité-jardin et ce sera ton œuvre .

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Le choléra tue aux Indes un demi-million d 'hommes pa r an. Il y a 12 ans que Koch en a découvert l 'agent, que Fer ran a p r épa ré u n vaccin anticholé­r ique et Haffkine est à peine arr ivé aux Indes p répa re r du vaccin depuis 2 à 3 ans p o u r quelques mill iers de sujets, a lors qu'il en faudrai t des mill ions de doses !

Malgré le satisfecit de ses chefs, sa s i tuat ion n'a pas été améliorée c om me il le voudrai t . Déjà commence le cafard. Ross n 'est pas persona gra ta — peut-être pa rce qu'il est u n ê t r e supér ieur et ne l ' ignore pas — peut-être aussi parce que sas « rosseries » et ses cr i t iques ont été colportées en hau t lieu, chez ses chefs qu'i l mépr i se .

Il peut revenir ma in tenan t avec les nouveaux loisirs que lui laisse sa vie de médecin de régiment , à ses recherches personnel les .

Il re t rouve des fiévreux, des mous t iques appropr iés et en les élevant et les conservant plus longtemps après la p iqûre qui les infecte, il dist ingue après la flagellation des kystes sur la paroi externe de leur es tomac. Pas de doute , ce sont des s tades u l té r ieurs . Par une chaleur a t roce du mois d 'août, Ross s 'énerve. Est-il sur la voie ? Car il y a aussi des Grégarines — qui infestent cer ta ins mous t iques et qui le lancent sur une fausse pis te .

Puis, le 20 août 1897 — date h is tor ique qu'i l appelle Le « Mosqui to Day », n 'ayant r ien à se m e t t r e sous la dent, ni malades , ni courr ie r officiel, ni mous t iques frais, il dissèque un mous t ique infesté de 5 j ou r s et t rouve su r la paro i extér ieure de l 'estomac, une vingtaine de kystes p igmentés , comptan t jusqu ' à 25 J. de d iamèt re . Sûrement , c'est une nouvelle é tape — c'est la t e r re promise .

Mais au m o m e n t où il compte y a t te r r i r , nouvel o rd re de service : il doit re jo indre immédia t emen t Bombay. De fin sep tembre à la mi-février, il va végéter à ne r ien faire, à se ronger les poings dans un coin pe rdu où il n 'y a pas de fièvres, à Kerwara — et n 'en sor t i ra que grâce à l ' intervention de Manson près du Ministère à Londres . Un té légramme le l ibère. Il peut rega­gner Calcutta où l 'a t tend un labora to i re sans t i tulaire , ni aides convenables, et où il va pouvoir travail ler en l iberté . Il est en mission pour six mois pen-dans lesquels il doit é tudier Malaria et Kala 'azar. Rien de moins .

Il engage de ses deniers 2 aides jeunes et actifs. Mais il ne re t rouve plus ses mous t iques aux ailes tachetées et songe à se r aba t t r e sur des oiseaux. Eux aussi sont p iqués p a r des mous t iques — en dépit des idées généra lement admises — et on vient de découvri r chez cer ta ins des hématozoai res . C'est en 1888, qu ' aux Etats-Unis, Mac Callum a décri t ces hématozoai res et m o n t r é que les flagelles issus des croissants sont des gamètes mâles qui fécondent les croissants femelles. Ross p ré t end avoir vu le fait mais ne l 'avait pas compris , et c 'est sur des passereaux désormais , avec mous t iques t rouvés en abondance su r place, à Calcutta, qu' i l r e p r e n d r a son travail .

A p a r t les hémat ies nucléées, le tab leau est le m ê m e : flagelles, kystes su r la paro i de l 'es tomac des mous t iques , qui a t te ignent en 5 j ou r s ju squ ' à 40

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à 60 >x, Vers le 6 e et le 7 e jour , on aperçoi t dans ces gros kystes des taches bordées de s t r ia t ions ; quand on écrase les kystes m û r s , on fait se d isperser d ' innombrables corps fusiformes de quelque 12 u., effilés aux 2 extrémités

Ceux que nous appelons au jourd 'hu i des sporozoïtes, se d ispersent dans le thorax des mous t iques , et m ê m e on en re t rouve entassés dans quelques cellules d 'une format ion glandulaire , les glandes salivaires. C'est pa r elles que ces sporozoïtes passeront dans la salive et dans le sang et que le mous t ique infesté p a r un malade p o u r r a à son tour infester un nouveau sujet — u n sujet sain n o t a m m e n t — donnée capitale et révolut ionnaire !

Mais le t emps passe et Ross est as t re in t à une nouvelle in te r rupt ion . Il doit aller dans la vallée de l'Assam, p rospec te r le Kala 'azar, don t on ne connaî t r ien et auquel il n ' appor te ra aucune notion nouvelle. C'est de nouveau du t emps pe rdu .

Mais désormais le cycle est fermé. Ross a m o n t r é p a r le détai l comment le mous t ique s'infecte, c o m m e n t s 'opère le cycle sexué du paras i te et commen t à son tour le mous t ique peu t infecter un nouveau sujet. Tout a u t r e que Ross serait ravi de son succès. Certes, il aura i t pu regre t te r les r e t a rds appor tés à son travail , les ennuis dus à ses déplacements successifs. Mais lui, ne songe qu 'à ses griefs. Ses r appo r t s à l ' adminis t ra t ion ne peuvent ê t re publiés sans autor isa t ion et t ra înent dans un t iroir . Manson a tourné la difficulté en pu­bl iant des entrefilets dans les j ou rnaux médicaux anglais, a s suran t ainsi les droi ts de priori té. . . auxquels nous sommes tous a t tachés . Alertés p a r ces publ icat ions , Rober t Koch en Afrique Orientale et Grassi à Rome, ont refait ce travail sur l 'homme et ils l 'ont confirmé. Mais Koch ne le cite m ê m e pas et pis encore, Grassi a le toupet de souligner que sa recherche sur l ' homme au lieu de l 'oiseau se fait « independen temente da Ross ». Brigandage scien­tifique cer tes ! qui me t Ross dans tous ses é ta t s — car il n 'y a pas de doute — c'est Ross, inspiré p a r Manson, qui les a guidés l 'un et l 'autre .

Tout cela à cause de tous les r e t a rds injustifiés que lui a causés l 'admi­nis t rat ion.

« Ces polit iciens qui se fichent de l 'hygiène et de la médecine — avait dit Ross à p ropos du choléra — je voudrais les p rend re pa r la peau du dos et les flanquer au milieu d 'un foyer indien de choléra, et dans la crasse et la misè re que leurs mauvaises lois et leur mauvaise admin is t ra t ion laissent s 'accumuler . Anglais ou Indiens , tous se valent ».

Maintenant , sans oublier les polit iciens, c'est à ses r ivaux qu'il s'en prena i t .

Non, il en avait assez de l ' Inde. Il avait droi t ap rès sa mission, à un congé de 6 mois . Il allait se refaire en Eu rope et de là, leur lancer sa démission à la tête et, en février 1899, il qui t ta i t , j u r a n t de n'y p lus re tourner , l ' Inde, t émoin de sa grande découverte .

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Manson n'avait pas chômé. A côté des écoles de médecine mil i ta i re et navale, réservées aux médecins coloniaux et navals, il avait réussi à lancer l'idée d 'une école de médecine t ropicale à l 'usage des médecins civils. Après Londres , à Liverpool, où about issa ient de nombreuses lignes de navigation, quelques a r m a t e u r s avaient r épondu avec in térê t à ces suggestions et à son re tour , Ross se mit en relat ion avec la nouvelle école et y fut engagé.

Je ne vous p romènera i pas à t ravers les marchandages , les allées et venues de Ross. Ce qui nous impor t e main tenan t , c'est de voir si les prévi­sions d 'applicat ions p ra t iques sont réal isables, la prophylaxie de la mala r ia par la suppress ion des Anophèles. Bien sûr, Ross ne douta i t pas un ins tant de l'efficacité, du succès p ra t ique à bref délai de ses mesures. . . bien avant le D.D.T. Pour dé t ru i re les mous t iques et p a r conséquent , supp r imer la malar ia , il faut dé t ru i re les larves de mous t iques en a r rosan t de pét role les m a r e s où elles se développent , en é tudiant les m œ u r s des diverses espèces.

11 eut b ientôt l 'occasion d 'une mission sur la côte occidentale d'Afrique — et localement et t empora i rement , au tou r d 'agglomérat ions suff isamment impor tan tes mais l imitées. Le succès pa ru t r épondre à son a t ten te .

En t r e t emps , l 'enseignement s 'organisait à Liverpool, où Ross pouvai t p rêcher la bonne parole . Et en t re les sessions semestr iel les d 'enseignement , en 1902, il allait assainir le canal de Suez où les fièvres avait fait leur appar i t ion dès 1877, soit 8 ans après l 'ouver ture du canal au trafic. Ross p ropec ta les gîtes à Anophèles. Ayant reconnu le ter ra in , il donna ses instruc-tinos au Dr Pressât , l 'hygiéniste de la compagnie , qui était allé se documente r en Ital ie et compta i t imposer la quin ine préventive. 4 ans après sa mission, le pa ludisme avait o ta lement et définit ivement d isparu . Ce fut un de ses g rands succès. En 1902 encore, ce fut le Prix Nobel qui couronna ses t ravaux.

Mais ce qui fut un succès à Ismaïlia, grâce à la persévérance de la Compagnie du Canal et aux condit ions par t icul ières de cet te zone déser­t ique, fut un échec dans des régions telles que la côte occidentale d'Afrique où le mous t ique a un h in ter land indéfini et propice et où les au tor i tés locales s ' imaginent qu'il suffit de pét ro ler quelques m a r e s une fois p o u r toutes et se dés intéressent de la quest ion.

Ross n 'avait pas de for tune personnel le . Habi tué à la vie large des coloniaux, il n 'avait qu 'une pension médiocre . Ses appo in tements à la j eune école de Liverpool étaient maigres quand il les compara i t à ceux des magna ts de l ' industr ie . Pour t an t son Prix Nobel lui aura i t pe rmis de s 'est imer satisfait. Il a 45 ans et est encore en pleine forme. Au lieu de s 'a t tacher à de nouveaux problèmes , il passera désormais son temps à reven­diquer des louanges qui n 'ont pas manqué , à souligner le peu de cas que le m o n d e fait de sa découver te et à pié t iner le cadavre de Grassi .

De tous côtés, on l 'appelle et sa vie se passe désormais à voyager en mission ou à des congrès t an tô t seul t an tô t avec sa femme en Russie, à Panama, en Grèce, à Chypre, en Espagne, à Ceylan, à l'île Maurice, à un congrès de Bombay. Il mépr i se d 'ai l leurs l 'enseignement dont il est chargé

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et qu'il considère comme une tâche indigne de lui. « Loin de soigner la poule aux œufs d'or, on l'oblige à pondre des œufs de poule — voilà l 'esprit p ra t ique des Br i tanniques . »

Si ses relat ions avec Koch, Laveran et Gorgas sont cordiales, celles avec Manson se gâtent b ientôt . Ce dernier a accepté la dédicace d 'un ouvrage de Grassi — et quand après sa mor t , la presse souligne que Ross n 'a fait que développer et exploiter l 'idée maî t resse de son aîné, il publ ie un pamphle t v ra iment regre t table et mesquin , accusant Manson de paresse , puisqu ' i l aura i t pu faire à Londres ou ail leurs, dans des condi t ions beau­coup plus favorables, ce que lui Ross a fait aux Indes dans des condi t ions matér iel les si difficiles.

En 1911, le major Ross est devenu Sir Ronald.

Pendant la guer re de 1914-1918, il pe rd son fils aîné dans la batail le de Mons et lui-même est torpil lé en m e r Egée, en décembre 1917, au moment, où il suit la campagne des Dardanelles , où le pa ludisme a fait au tan t de ravages que l 'artil lerie.

Jusqu ' à son dernier jour , Ross publ iera désormais des ar t icles ou des t ra i tés sur la prophylaxie an t ipa ludique qui n 'a joutent pas grand chose de nouveau à ses démons t ra t ions du début du siècle.

E n 1926, à l ' initiative de Castellani, est inauguré au nord de Londres , le Ross Ins t i tu te , ins t i tu t de recherches de médecine tropicale, dont il est n o m m é directeur avec deux adjoints .

Toujours inquiet pour son avenir et celui de sa femme — c'est u n e des formes de sa psychose d 'anxiété — en 1928, pa r une annonce pa rue dans la revue qu'il a lancée, Science Progress, Ross me t en vente ses archi­ves, comprenan t sa cor respondance avec Manson, Laveran, Koch, Lord Lis­ter et au t res , ses notes de travail : manusc r i t s in téressants , qu 'un mécène, Lady Houston, lui achète 2 000 livres.

Tous les ans . Ross organise la célébrat ion de l 'anniversaire du Mos-qui to Day « 20 aoû t 1897 » où il a découver t en pleine canicule indienne les zygotes sur la paroi de l 'es tomac de l 'Anophèle. A l ' Inst i tut Ross, cet anniversai re p r e n d r a plus de solennité et en 1930, il est devenu u n événe­men t mondain , précédé d 'une visite de la Reine Mary.

Mais la m o r t plane. Lady Ross m e u r t un mois plus t a rd et Ross, a t te in t de paralysie, est désormais invalide. Comme Pas teur dans son Ins­t i tut , Ross se survit dans la maison qui po r t e son nom et après quelques semaines d 'a l i tement , il m e u r t le 16 sep tembre 1932.

Il n'y a plus eu de Mosqui to Day, cet te année là, et Ross va re jo indre sa femme dans le c imet ière voisin de son Ins t i tu t .

Je tons ma in tenan t un coup d'œil d 'ensemble sur l 'œuvre des t rois g rands et sur la pa r t qu'i ls ont pr i se dans l 'œuvre commune .

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Alphonse Laveran (1845-1922) en novembre 1880, isolé à Cons tan tme, grâce à ses observat ions pa t ientes et prolongées, a vu le p remie r les fla­gelles des corps p igmentés — formes mobiles qui lui on t donné la p reuve qu'il avait affaire chez les pa ludéens à un paras i te , si différent des micro­bes qui sont a lors en vedet te .

Pendant p lus ieurs années , il a dû se ba t t r e pour imposer un fait pour­tan t incontes table , la not ion du pa lud isme paras i ta i re pa r le P lasmodium. Mais d 'où vient-il. ce pa ras i t e ? Comment entre-t-il dans le sang ? On cite volontiers la ph rase suivante t i rée de son t ra i té des fièvres pa lus t res avec la descr ipt ion des microbes du pa lud isme (570 pages, Doin édi teur 1884) : « Les mous t iques jouent-ils un rôle dans la pathogénie du pa ludisme, co mme dans celle de la filariose ? » Mais on néglige d 'a jouter la ph rase suivante : « La chose n 'est pas impossible , il est à noter que les mous t iques abonden t dans les localités pa lus t res . » Il cite des au t eu r s français qui de 1878 à 1881, ont songé au mous t ique , et ignore Manson. Cette ph rase remise dans son cadre et pe rdue au mil ieu des hypothèses les plus farfelues qu'il a relevées p a r t o u t avec une impar t ia l i té olympienne, loin d 'être une pro­phétie , est p re sque une fin de non-recevoir.

Pendant 15 ans, cet te hypothèse est res tée sans écho.

En 1892, dans un nouvel aide-mémoire sur le pa ludisme, en 1895, au cours d 'une séance de l 'Académie de Médecine, il res te toujours aussi réservé. La prophylaxie du pa lud i sme c'est f i l trer l 'eau de boisson et la quinine préventive.

Après dix ans de professorat au Val-de-Grâce, en 1896, envoyé en pro­vince où il n 'aura i t eu ni hôpi tal , ni laboratoire , il qui t ta l 'armée fran­çaise, p o u r fonder avec Mesnil, un service de protozoologie à l ' Ins t i tu t Pas teur .

Le prix Nobel de 1907 ne changea rien à sa vie de travail, qu' i l pour­suivit j u squ ' à son dernier jour .

Pat r ick Manson (1844-1922) est frais émoulu de l 'Université d'Abefdeen, lorsqu 'à l'âge de 22 ans , il qu i t t e l 'Ecosse nata le pour s 'engager co mme médecin au service des Douanes Chinoises, organisées p a r Rober t H a r t en 1863 et qui assuren t à la Grande-Bretagne le p ro tec to ra t officieux et la main-mise économique sur la Chine.

Envoyé d 'abord à Formose , dans des condi t ions techniques certaine­men t précai res , Manson se t rouvai t là dans un véri table parad is pathologique.

Béri-béri, syphilis, variole et filariose sous toutes ses formes, éléphan-tiasis comme on n 'en voit plus et chylurie dont la cause fut découver te pendan t son p remie r séjour.

Pour son second t e r m e à Amoy, il se mun i t d 'un microscope et dès 1876, s 'attelle à l 'é tude des filaires.

On rencon t re f réquemment en Chine la filarose du chien dont les paras i tes se logent dans le cœur et peuvent p rovoquer sa m o r t subite , et la filariose h u m a i n e a t te int à Amoy, 10 % de la popula t ion .

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Dès 1877, dans le supplément médical de la Customs Gazette, Manson publie le p remie r travail où il énonce sa grande intui t ion : les larves de filaires, qui vivent dans le sang et par t icu l iè rement dans le sang périphé-t ique, peuvent ê t re absorbées par un insecte p iqueur , par t icu l iè rement u n mous t ique : il observe en effet, des larves dans l 'es tomac du mous t ique , les mé tamorphoses qu'elles y subissent ; elles y acquièrent un tube digestif e t deviennent désormais capables d 'une vie indépendante. Consta tant que les larves sont beaucoup plus nombreuses dans le mous t ique que dans le sang, il imagine que le mous t ique choisit et concent re les embryons et en conclut que le mous t ique est la nour r ice naturel le du paras i te . Devenue plus grande et indépendante , la larve s 'échappe du mous t ique et est avalée par l 'homme (comme Fedschenko l'avait démon t ré en 1870 pour la filaire de Médine).

Il y a dans ce p remie r travail qu 'on cite peu, une not ion capitale : le rôle du mous t ique , et une donnée er ronée , le t ra je t du paras i te , auquel Manson res te ra longtemps fidèle t an t pour la filariose que pour le palu­disme.

En 1878, il observe un fait in téressant : à un m o m e n t donné de cet te évolution, la larve pe rd sa gaine et plus tard , en 1879, il cons ta te la pério­dicité de la larve — qui explique leur abondance dans les mous t iques qui p iquen t de nui t . Mais comm e tous les livres affirment que le mous t ique est éphémère et m e u r t dans l 'eau où il dépose ses œufs, il accepte le fait admis . On conçoit que l 'auteur d 'une observat ion aussi r emarquab le songea à la général iser et no t ammen t , à l 'é tendre à la Malaria. Il s 'accrocha à cet te idée, jusqu ' au moment , à la fin du siècle, où ses élèves, Low et Bancroft jun ior démont rè ren t , en m ê m e t emps que Grasi et Noé, que la filaire pénè t re chez son hôte définitif pa r la p iqûre du mous t ique . Manson, an ima teu r et enthou­siaste, jouissai t d 'une influence considérable .

Il fonda l'école de médecine t ropicale de Londres .

On a vu comment il encouragea Ross dans ses recherches et l 'orienta vers le mous t ique . On peut donc affirmer que si Ross a, grâce à sa ténaci té , je té u n e lumière définitive sur le mode d ' intervent ion du mous t ique , il est le disciple de Manson.

En 1900, ce dernier pr i t l ' initiative d 'une double expérience : il infecta son fils, res té en Angleterre, avec des Anophèles venus d'Italie, donnan t ainsi la p reuve définitive du rôle du Plasmodium, et il envoya plus ieurs de ses ass is tants vivre en pleine zone malar ienne des Marais Pont ins , dans des pavillons garnis de mous t iqua i res , où ils se calfeutraient avant l 'arrivée de la nui t . Tous r en t r è ren t indemnes .

Il fut bien, suivant l 'heureuse expression de Raphaël Blanchard, le pè re de la médecine t ropicale .

A Ross revient le mér i te considérable d'avoir précisé le cycle sexué du P lasmodium, qui pe rmi t d 'or ienter la prophylaxie, comme nous l 'avons vu plus hau t .

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Quand on rapproche côte à côte l 'étiologie de la filariose, du pa ludisme, de la t rypanosomiase , de la fièvre j aune et de la p i roplasmose , on est f rappé d 'une p a r t que dans ces cinq infections, la not ion d 'un a r t h ropode vecteur s ' insinue peu à peu mais len tement pour chacune d'elles, et d 'aut re par t , que pour toutes les cinq, les solut ions définitives éclosent p re sque simul­tanément .

De 1877 à 1898, Manson, Finlay, Bruce, Theobald Smi th et Ross arri­vèrent, chacun dans leur domaine, et p resque indépendammen t l 'un de l 'autre, à une démons t ra t ion suffisante de leur thèse. Tous ont d 'ail leurs eu de vagues prédécesseurs . Manson aura i t été p récédé pa r Mercurial i , q u a n t à l ' intervention du mous t ique , Finlay pa r Beauper thuy , Sydenham, Lewis, King et quelques médecins coloniaux français, Smi th pa r la t radi t ion popu­laire du Far-West. Ross, nous l 'avons vu, a été d i rec tement endoct r iné p a r Manson.

Il semble donc qu 'à un m o m e n t donné, un p rob lème est « dans l 'air », et si un espr i t avisé s 'attelle à sa solution, il est en mesure de le r é soudre .

L'exemple le plus r emarquab le et le moins rappelé, est celui de Carlos Finlay qui a tenté seul, isolé à la Havane, non seulement des inoculat ions par p iqûres de mous t iques , mais des essais de vaccination et de séro thérapie .

Il me res te à vous par le r de la p roduct ion l i t téraire de Sir Ronald.

Sa bibl iographie d 'o rdre professionnel — au t r emen t dit, ses notes scientifiques sur le cycle du P lasmodium — a été suivie d 'une volumineuse série de livres sur la prophylaxie .

Je vous ai dit aussi combien sont a t t achan t ses « Memoirs », p i t to resque autobiographie , qu'il t e rmine le 20 août 1922, au 25 e anniversai re de son Mosqui to Day. Ross s'y m o n t r e dans tou te sa candeur , hau t e intelligence dépourvue de sens p ra t ique , désa rmée devant les mesquiner ies humaines .

Les dernières années de sa vie, il les passa en par t ie dans les mil ieux l i t téraires . Ross s'était lui-même assuré l 'histoire de sa vie p a r ses « Mé­moires » qui insis tent su r tou t sur le côté scientifique de son œuvre . Quant à son œuvre l i t téraire , elle a été commentée p a r Megroz d 'une façon t rès in té ressante et elle fait suite aux Mémoires qui, nous l 'avons vu, s 'a r rê tent en 1922.

En prose , il faut a jouter quelques romans , quelques t ravaux mathéma­t iques, n o t a m m e n t sur la s ta t i s t ique médicale et sa col laborat ion à sa revue Science Progress .

La par t ie la plus r emarquab le de sa cont r ibut ion l i t téra i re est en vers .

Il a publ ié un recueil de fables et de sat i res , de poèmes en or tho­graphe phonét ique , des « phi losophies », pa rmi lesquelles figure un poème épique de quelque 1 700 vers int i tulé « In Exile ». C'est peut-être sa meil­leure veine. C'est du g rand lyrisme.

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S'inspirant de ses soucis et des obstacles qui en t ravent sa recherche, de son enthous iasme, de son pess imisme et de ses souffrances morales , c'est son œuvre la plus carac tér i s t ique .

La mor t de son fils lui inspira également un magnif ique poème. La poésie lyrique est l 'ant idote de ses soucis.

Voici deux morceaux lyriques.

DOGME

Lin pauvre m a r t y r m o r t dans les f lammes Arriva soudain dans la ca lme fraîcheur du ciel Où Dieu l'accueillit avec bonté . Seigneur, dit-il. pour toi, j ' a i donné m a vie. Alors, celui-ci, plein de pi t ié : Oh, h o m m e souffrant, Je t 'ai appr i s , non pas à mour i r , mais bien c o m m e n t vivre. Tu as mal lu m a doct r ine de paix et tu as fait De m a leçon céleste une doctr ine de combat . J 'ai enseigné la foi dans les œuvres , la pr ière pa r l 'action, Le Sacrement de l 'amour . J 'ai prêché, non la crainte , Mais l 'affection, une seule Eglise, celle de Dieu, sans r i tes , ni dogmes, Pas d 'aut res prê t res que la conscience, ni d 'au t re ma î t r e s que la loi. Reste , mon frère, au ciel, près de moi, A côté de J u d a s et de Néron, honnis des h o m m e s . Si j ' a i pu leur pa rdonne r à eux, comment pourrais- je Te damner pour avoir mal in te rpré té un texte ?

(1881-82).

Le passage suivant, t e rmine « In Exile », et da te du Mosqui to Day. Permettez-moi de vous le dire d 'abord en anglais.

This day relent ing God H a t h placed wi thin my hand A w o n d r o u s thing, and God Be praised. At his command .

Seeking His secret deeds With tears and boiling brea th I find thy cunning seeds 0 mil l ion-murdering Death.

1 know this little thing A myr iad men will save O Death, whe re is thy sting ? Thy victory, o Grave ?

Before thy feet, I fall, Lord, who m a d e high my fate ; For in the mighty small Thou showest the Mighty great.

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En ce jour , Dieu dans sa misér icorde A mis à por tée de m a main une chose merveil leuse Que Dieu soit loué. Sur son o rd re .

J 'ai cherché à péné t re r ses desseins secrets E n p leuran t et au pr ix d 'un travail pénible Et i'ai t rouvé tes germes subti ls 0 Mort qui tue les foules.

J e sais ma in tenan t que ce pet i t fait Sauvera des milliers de vies. 0 Mort, où est ton aiguillon ? Où est ta victoire, o tombeau ?

A tes pieds, je me pros te rne , Seigneur, qui m 'a donné ce hau t dest in. Car dans ces infiniment pet i ts Tu m 'as dévoilé les infiniment pu issants .

Ai-je réussi si b r ièvement à vous m o n t r e r que le poète était le digne pendan t du savant ?

C'est Ross qui a écri t :

Le poète doit commencer pa r ê t re un savant,

E t l 'homme de science, p a r ê t re un poète .

Si Laveran n'a guère été poète , il a découvert un fait considérable . Manson qui n 'a pas été poète au sens s tr ict du te rme, a eu l ' intuit ion de génie et Ross, en tan t des Muses, a réussi p a r sa ténacité à parachever l 'œuvre c o m m u n e .

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DYNABOLON dynabolisant retard

P r e m i e r d 'une n o u v e l l e c l a s s e b i o l o g i q u e , le D Y N A B O L O N e s t un s t e r o i d e s p é c i f i q u e m e n t dynamogène, euphorisant, neuro et psycho-équilibrant

Indications Asthénie physique et intellectuelle de toutes origines. Etats psycho-dépressifs,avec ou sans neurotonie et troubles neuro-végétatifs. Troubles psycho-névrotiques chez l'enfant à développement retardé.

Contre-indications

Enfants de moins de 10 ans. Grossesse. Cancer de la prostate.

• Posologie moyenne (voie intramusculaire) Adultes: 1 amp. tous les 7 jours, par cures de 4 à 6 (attaque)

1 amp. tous les 15-20 jours (entretien) 3 amp. par cycle chez la femme réglée.

Enfanls après 10 ans : 1'amp. tous les 10-20 jours, par cure de 2 à 4.

Boite de 1 ampoule de 1 ml contenant 80,5 mg d'undécylate de 19-norandrosténolono dans l'huile d'olive. Tabl. C. SS. Coll.

Prix : 19,05 - NL.1747

theramex Service médical :

11, Bd Larmes, Paris-16' • 870-93-09 -f

S.P.R.E.T. Departement THÉRAMEX - 22. Bd Caméllnat, GENNEVILUÉñS (Seine).

Comme les autres dérivés d'androgènes, le D Y N A B O L O N risque d'entraîner chez la femme des signes de virilisation (voix, libido, troubles menstruels : décalage ou suspension des règles). Ces risques peuvent précisément résulter du dépassement des posologies indiquées par le fabricant.

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