Robinet - L'alchimie interne dans le taoïsme

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    Isabelle Robinet

    L'alchimie interne dans le taosme [Procds Secrets du Joyau

    MagiqueTrait d'Alchimie Taoste du Xle sicle, traduit du

    chinois par Farzeen Baldrian-Hussein, Paris 1984]In: Cahiers d'Extrme-Asie, Vol. 2, 1986. pp. 241-252.

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    Robinet Isabelle. L'alchimie interne dans le taosme [Procds Secrets du Joyau MagiqueTrait d'Alchimie Taoste du Xle

    sicle, traduit du chinois par Farzeen Baldrian-Hussein, Paris 1984]. In: Cahiers d'Extrme-Asie, Vol. 2, 1986. pp. 241-252.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asie_0766-1177_1986_num_2_1_881

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_asie_83http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asie_0766-1177_1986_num_2_1_881http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asie_0766-1177_1986_num_2_1_881http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_asie_83
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    BibliographieL'ALCHIMIE INTERNE DANS LE TAOSME

    ISABELLE ROBINETCompte- rendu de:Procds Secrets du Joyau Magique - Trait d'Alchimie Taoste du XIe sicle, prsentationt traduction du chinois par Farzeen Baldrian-Hussein, 322 pp., (Paris:Les Deux Ocans, 148 FF), 1984.

    Remercions tout d'abord F. Baldrian-Hussein pour son tude srieuse etapprofondie l'alchimie "interne" reprsente une face majeure du taosme,puisqu'elle reprsente peu prs la seule voie mystique dans le taosme partirdes Song, face escarpe, qu i n'avait jamais t attaque jusqu' maintenant.Le travail de F. Baldrian-Hussein porte autant sur l'aspect spculatif que surl'aspect pratique de cette alchimie. Elle a choisi un texte de base, le Ling-paopi-fa fllllS? (LPPF), qu'elle explique en l'clairant d'autres textes de la mmecole, mais dont l'orientation est essentiellement pratique. Son ouvrage se diviseen deux parties principales, l'une tant l'expos gnral et pratique des procdsde l'uvre et de leur succession, et l'autre la traduction du Ling-pao pi-fa.La premire partie repose sur les donnes de ce dernier texte et d'autres del'cole Tchong-Lu MB? dont, principalement, le Tchouan-tao tsi MjM, leHouei-tchen p'ien #MM, le Houa-yang p'ien ipHIJi et le Tcheou-heou san-tch'eng p'ienfrtlHSScfi. L'expos gnral est malheureusement difficile suivre parce queles principes thoriques gnraux - tels que les correspondances entre le macro-cosme et le microcosme, les mouvements du Yin et du Yang, la succession desCinq lments, etc. - ne sont pas dvelopps de faon systmatique comme celaaurait pu se faire, mais de faon diffuse dans l'ensemble de l'expos, si bien quec'est l'occasion d'une pratique alchimique que les correspondances entre lesviscres, les souffles et les heures de la journe sont dtailles; le fil se perd unpeu. De plus, la mthode suivie pour l'ordre de l'expos n'est pas toujours heureuse; ainsi, deux procds complmentaires, le "vol de l'Essence d'or derrire lescoudes" et le "retour au champ de cinabre de la Liqueur d'or" sont traits l'unau 4e cycle, l'autre au 5e (p. 136 et p. 152). Il apparat en outre quelques divergences entre la division des cycles dans l'expos et celle qu i existe dans la traduction: insi, la monte de l'Essence d'or et "l'ouverture des barrires" rangesdans le cycle 3 dans l'expos et dans l'accomplissement mineur, fait partie, dansle texte traduit, de l'accomplissement moyen. Il faut cependant prciser qu'ilest certainement trs difficile d'exposer l'ordre de ces pratiques de faon clairepour les raisons que nous allons dcouvrir.Tentons donc, pour le moment de donner un bref aperu du contenu del'ouvrage.Cahiers d'Extrme-Asie 2 (1986) 241-252

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    242 Isabelle RobinetToute l'alchimie se rsume en une mditation complexe sur les jeux du Yinet du Yang (bien illustrs dans le tableau figurant p. 58), qui, selon la formuledu Ti king J|$, "un Yin, un Yang, c'est le Tao", rsument et illustrent le d

    ploiement du Tao dans l'univers, sur "leurs montes et leurs descentes", leurscombinaisons, et ceci la fois dans l'ordre cosmologique (le mouvement dessaisons, du soleil et de la lune) sur le plan du corps humain (les viscres, le souffleet la salive, la semence spermatique identifie au Yang transmis par le pre, etle sang menstruel, Yin transmis par la mre), dans l'ordre minralogique (leplomb et le mercure, le cinabre et l'argent, le jade et l'or) et , enfin selon leurscombinaisons illustres par les trigrammes et certains hexagrammes du Ti king.C'est dire que le couple Yin-Yang est l'axe des correspondances entre diversplans du monde. Souffle et Fluide, ou Feu et Eau sont troitement interdpej**dants et naissent l'un de l'autre, ne peuvent exister l'un sans l'autre et doiventtre conjoints de faon indfiniment ritre. Cultiver le Yang sans le Yin, ditle Tchouan-tao tsi (I6.6a-b) revient se purifier soi-mme l'exclusion de l'ensemble des tres, ce qui est la ngation de l'esprit mme de l'alchimie internequi, d'emble, place l'homme dans l'ensemble du cosmos.Les principaux tats du Yin et du Yang qui sont considrs dans ces spculationsont le Yang du Yang, le Yang du Yin (ou Yang dans le Yin), le Yin duYin et le Yin du Yang (ou dans le Yang) Il existe dans le corps trois Yang celuidu Cur (Yang du Yang), celui des Reins (Yang dans le Yin) et celui de laVessie (Yang dans le Yin, car la vessie est un organe Yang dans la partie Yindu corps). A ces distinctions, s'ajoutent celles du Yang et du Yin extrieurs etdu Yang et du Yin intrieurs, ainsi que les notions de Souffle Originel (Yang)et d'Eau vritable (Yin) qui sont en l'homme les principes Yang et Yin transcendants,ternels. Ce sont eux, essentiellement, qu i seront l'Objet de l'uvre.Sur le plan pratique, on retrouve toutes les anciennes mthodes taostes:exercices respiratoires, visualisations, mouvements gymnastiques, mais dlibrmentubordonnes au but ultime, c'est dire, par del la Longue vie, la sortiehors du cosmos, l'union au Tao, au "rejet de l'corce".L'alchimie interne est donc l'hritire directe du taosme ancien: elle adoptela thorie du Yin et du Yang et des Cinq lments, ainsi que la disposition deshexagrammes du Ti king qu i lui fournissent son cadre et son langage thorique.A partir de ces donnes, tout le travail alchimique peut se rsumer en quelquespoints qu i sont constamment repris. Le Yang monte et le Yin descend, puisremonte, tandis que redescend le Yin; ou encore: le Yang monte pour formerle Ciel et le Yin descend pour former la Terre; puis le Ciel descend et la Terremonte pour former l'univers avec l'Eau et le Feu.Les Reins reprsentent en l'homme l'lment Eau-yin, le Cur, l'lmentFeu-yang. Dans les Reins, il est un Souffle, comme dans le trigramme k'an #vqui leur correspond il est un trait yang. Ce Souffle est le "Feu vritable" ou encore le Souffle du Yang originel que doit extraire l'alchimiste. Il monte. Il est leprincipe ascendant qui uvre au plus bas, le "char du fleuve", le germe yangqui, su fort de l'hiver, fait crotre les jours.

    Le Cur, de mme, contient un Fluide, l'"Eau vritable", quivalent du

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    L'alchimie interne dans le taosme 243trait yin contenu dans le trigramme du Cur, le trigramme li ]H. Cette Eauest le principe descendant qu i fait descendre le Yang sur terre et apporte leseffluves clestes, et que doit galement extraire l'alchimiste.Ce Feu vritable et cette Eau vritable naissent, le premier sous l'action dusouffle yang de la Vessie mentionn plus haut, et le second sous celle des Poumons (organe yin dans le domaine yang, c'est dire suprieur, du corps).A partir de quoi, le Souffle vritable monte des Reins et l'Eau vritable descend du Cur. L'alchimiste doit les unir, et de cette union extraire de nouveau,en chacun, le principe oppos. Du Souffle des Reins, nat alors l'"Eau du Unvritable" et du Fluide du Cur, le "Souffle du Yang correct". Ayant ainsipris l'amande qu i est dans le noyau qu i est dans le fruit, l'intrieur dans l'intrieur, ayant ainsi fait s'accoupler les contraires, de sorte que chacun enveloppel'autre, l'alchimiste obtient le Tigre (animal yin) qui est encore l'Eau du Unvritable, mais un autre niveau, et le Dragon (animal yang) qui est le Souffledu Yang correct, mais cette fois-ci, c'est le "monde renvers" : l'Eau monte etle Feu descend. De nouveau, ces deux lments contraires s'unissent: c'est le"croisement du Tigre et du Dragon" dans la Chambre jaune (couleur du Centre), qu i engendre le Germe jaune, ou le Plomb vritable.Ce Plomb vritable qu i est aussi l'Essence d'or, et qu i est compar l'argentextrait du plomb ordinaire, fait pendant au Mercure vritable, Fluide yang engendr par le Souffle des Reins uni celui du Cur (Souffle sur Souffle, excsde Souffle ou de Yang engendre du Fluide ou du Yin), qui est la "Perle obscure"(ou "mystrieuse", une image tire du Tchouang tseu, la Perle obscure qu i setrouve au fond de l'Eau rouge ou igne) est descendue dans le champ de cinabreinfrieur. En fait, vrai dire, il ne s'agit l que de l'une des explications concernant ce Mercure vritable, les textes n'tant pas tout fait cohrents sur cettequestion.1

    En effet, si on pluche les textes de trop prs et leur demande des prcisionsstrictes, il semble difficile, partir d'un certain niveau, d'obtenir des claircissements tout fait satisfaisants pour un esprit cartsien. Et c'est l, nous semble-t-il, et les tudes d'alchimie occidentale conduisent la mme conclusion, l'unedes pierres d'achoppement qu'offre l'alchimie, pierre d'achoppement qui estaussi l'un des secrets de sagesse qu'elle dispense. Il faut y mettre un grain de sel.Vouloir codifier parfaitement est absolument contraire l'esprit de la chose. Cequ i entrane qu'il faut admettre qu'on ne peut donner un expos clair de l'u-1) Le texte de F. Baldrian-Hussein sur la question (pp. 117-118) n'est pas trs clair. En con-joignant les diffrents passages du Houei-tchen p'ien auquel elle se rfre ( Tao-chou 38.8a, 24a-b et28a-b), on peut rsumer ainsi: l'Eau descend et le Feu monte; ils s'unissent dans la gorge selonle schma ki-tsi iSpf (eau en tiaut, feu en bas), puis redescendent dans le champ de cinabre infrieur. A la lecture de ces textes, il faut rectifier le propos de F. Baldrian-Hussein, p. 1 18: ce n'estpas dans le Niwan $L~M- (o monte le Feu, certes), que s'accomplit l'union de Souffle et de l'Eauvritables, mais dans la gorge; ceci s'accorde alors mieux avec ce qu'elle explique en bas de p.117. Ce qui reste peu clair, c'est que, selon le texte en p. 8a, l'lment Eau est l'Essence d'or quimonte puis redescend au Niwan, tandis que selon les passages p. 24a- et 28a-b, il s'agit de l'Eauvritable. D'aprs l'ensemble de la thorie, l'Essence d'or est ne de l'union du Souffle des Reinset de celui du Cur dans les poumons, tandis que l'Eau vritable est le Fluide du Cur. . .

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    244 Isabelle Robinetvre en chacune de ses tapes, qu'aucune systmatisation n'est possible. Et cecia pour bonne et excellente raison qu'il s'agit d'une uvre dynamique, de concepts dynamiques (comme presque toujours dans la pense chinoise) saisircum grano salis. L'un des aspects du Travail consiste prcisment briser lescadres, les schmas, les petites cases du cerveau pour les faire se compntrer,communiquer, se lire en transparence les uns par rapport aux autres, aucun nesignifiant rien par lui-mme. Malgr les apparences parfois, il ne s'agit pas d'unescience exacte, mais d'une tentative d'analyse, et mme de codification, d'uneexprience mystique; et l'on sait combien les mystiques ont cherch dcomposer es diverses phases de leur exprience chaque fois diffrente et semblable.Ces textes se situent dans la droite ligne de l'effort des alchimistes dcrire parl'expression verbale et image le processus de transmutation, "ressaisir. . .ce qu i a t en fait travers", comme dit J. Baruzi dans son tude sur le langagemystique (Introduction Y Encyclopdie des Mystiques, dir. M. M. Davy, Seghers,Paris, 1977, tome I, p. xlv). Ainsi, les difficults rencontres, divergences etcontradictions, proviennent de ce que chaque auteur fait part, au moins enpartie, de son exprience personelle, et que l'exprience personnelle, la mystiqueplus que toute autre, est toujours impossible cerner, dcrire et analyser defaon commune, selon une thorie et un cadre gnraux. A l'intrieur de cettethorie ou de ce cadre, elle est toujours un renouveau, toujours une divergence.Mais nous pouvons, partir des textes qui nous sont proposs, tenter de dgagercertaines lignes.L"' Invention" ou "identification" des "ingrdients" ou des matires del'uvre se fait par extraction, union et engendrement, enveloppement, toutesoprations qui sont similaires et prsentes comme telles. "Dans le Mystre, ilest un autre Mystre", dit Lao tseu, que les alchimistes citent l l'envie, ajoutant: "Dans le Souffle il est un autre Souffle", "dans le corps il est un autrecorps". Plus on extrait l'intrieur de l'intrieur, plus on obtient un lment"pur" et "rel". Chacun des lments de l'uvre a pour caractristiquesd'tre la fois issue de l'autre, engendrant l'autre ou le "parachevant", l'uncontenant l'autre, l'enveloppant, c'est dire soit qu'il le "garde", soit qu'il le"voile". Ainsi, par exemple, dans le Tchouan tao tsi failli {Sieou-tchen che-chou^jH-f-* 15 et 16) on voit en quelques lignes le Souffle du Cur "engendrer"le Fluide dans lequel se trouve le Souffle du Yang correct, qu i est le cinabre (ousable de cinabre) et qui est le Fluide du Cur. L'eau du Un vritable qu i estdans le Souffle s'unit au Souffle du Yang correct (15, 12a); puis: l'Eau du Unvritable est dite la "matrice" qui "enveloppe" le Souffle du Yang correct(15.13a 2-3); puis le Souffle "contient" {tsang ^) l'Eau du Un vritable et"porte" le Souffle du Yang correct; dans le Fluide, il y a le Souffle du Yangcorrect qui s'unit l'Eau du Un vritable (15.146 1) ; et dans le Souffle n desReins, il y a l'Eau du Un vritable. . . dans le Fluide (n du Cur), il y a leSouffle du Yang correct (16.1-2a). Les processus d' engendrement, de gestation,de conception et de naissance sont perptuellement tlescops et confondus dansle langage. Un procd double est constamment employ, qu i consiste la fois distinguer deux aspects, l'Un et l'Autre, l'Eau et le Feu, et les associer en

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    L'alchimie interne dans le taosme 245un mme temps: l'enfantement et l'accouplement ne font qu'un, si bien que,dans le langage, union, parachvement, nourrissement, engendrement, sontsynonymes, et l'on dira aussi bien que l'Eau du Un vritable "porte" ou contientle Souffle du Yang correct, ou qu'elle s'unit lui. Des glissements sont ainsiconstamment produits.Aprs la conception, la gestation, la "purification" et la "cuisson" de l'Elixir.Ce qu i a t expos jusqu'ici concerne ce que je pourrais appeler "l'extraction"es ingrdients ou leur "identification". Cet aspect de l'uvre se doubleintimement d'un autre qui est leur "maniement". Ceci consiste savoir les"augmenter et diminuer", les faire "descendre et monter", les "rassembler etdisperser" selon les heures de la journe, selon les priodes de croissance (parinfluence du soleil, monte du Yang) et de dcroissance de la lune dans les mois,et selon les saisons. Jouer tantt avec le Feu - qui monte et qui descend -, tanttavec l'Eau qui, elle aussi, peut monter et descendre. Il faut aussi "fortifier ou"affaiblir" un organe corporel selon l'heure et la saison en cours et , pour cela,utiliser soit le Souffle ou Feu selon l'ordre dit "de gnration" de la thorie desCinq Elments, ou le Fluide selon l'ordre dit de "domination" (ce dernier,afin de freiner un excs), de faon tablir un quilibre en rapport avec lemoment de l'uvre. Il fait accrotre le Mercure et diminuer le Plomb, fairemrir l'Elixir et le purifier l'aide de l'Eau, mais sans trop de prcipitation,pour ne pas le desscher: le Feu doit donc par moments tre augment, parmoments diminu, par moments activ, par moments ralenti. C'est l tout unart que certains textes confient l'habilet et l'intuition de l'adepte, mais qued'autres rglementent assez strictement et de faon trs dtaille, un art de lamesure, une connaissance des temps propres, de "retrait" et d'"avance", qu in'est pas sans faire penser au savoir-vivre et au savoir faire du confucianismerituel. C'est l'art du Temps qu'il faut respecter sans trop de lenteur ni d'impatience: l'alchimie n'est certes pas subitiste et reproche prcisment leur impatience aux adeptes du Tch'an f|, leur excs et leur dsir de russite, prsencesubtile du dsir qui s'oppose au renoncement, contre laquelle tous les mystiquesmettent constamment l'adepte en garde. La voie alchimique est "voie du milieu"et n'accepte aucun excs ni dans la jouissance ni dans l'asctisme. Elle est affairede dosages subtils. Il faut donc savoir faire mrir le germe, l'embryon d'immortalit, la "Perle mystique": c'est aprs avoir purifi le corps par le Souffleet l'avoir affin en Souffle, en un second temps, purifier le Souffle par l'Espriten quoi il doit se transformer.Le plus souvent, l'Eau, ou les Fluides, purifient lorsqu'ils descendent, et leurintervention suit la rgle dite de "domination" des Cinq lments. Le Feu purifielorsqu'il monte, et respecte l'ordre de "gnration". C'est ainsi que, les ritrationstant la rgle, chaque phase interviennent peu prs les mmes exercices ;l'un, par exemple, qu i consiste "contracter la barrire" (il faut alors respirerlentement) pour faire descendre le Souffle qui purifiera le Champ de cinabre;l'autre, complmentaire, est celui du "vol de l'Essence d'or", un fluide n del'union du Souffle des Reins et de celui du Cur dans les Poumons (organ yinde la partie yang du corps) au Champ de cinabre suprieur (dans le cerveau),

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    246 Isabelle Robineten "ouvrant les barrires". Celui-ci son tour, est complmentaire et co-d-pendant du "retour au Champ de cinabre infrieur" de la Liqueur d'or (quin'est autre que l'Essence d'or, ce qui ne ressort pas clairement des explicationsde F. Baldrian-Hussein, mais assez nettement des textes). En d'autres termes,ce Fluide d'or (fluide-yin, or-yang) monte, puis redescend sous forme de salive.Monter-descendre soit le Fluide, soit le Feu (ou le Souffle), par devant (partieyin du corps) ou par derrire (partie yang du corps). Tantt monte le Feu etdescend l'Eau, et c'est le cours normal des choses, tantt monte l'Eau et descendle Feu, et c'est le cours invers. Parfois, il faut empcher le Souffle de sortirlorsqu'il monte, et pour ce faire, l'arrter avec l'Eau qui est en haut (la salive,l'Essence d'or ou la Liqueur d'or) pour les faire s'unir dans le Cur ou dans labouche, et c'est le procd ki-tsi UPf, du nom de l'hexagramme 63 du Ti-kingreprsentant le trigramme de l'Eau sur le dessus et celui du Feu sur le dessous.

    En fait, toute cette uvre se rpartit en trois "accomplissements", mineur,moyen et majeur. Le premier consiste surtout extraire les ingrdients jusqu'parvenir obtenir l'Eau du Un vritable et le Souffle du Yang correct, et ainsi obtenir PElixir ou la Medicine qu i est la base du travail et qu'il faudra purifierde faon ritre.Le deuxime temps, ou accomplissement moyen, consiste faire monter l'Essence d'or (qui est la mdecine obtenue dans le premier accomplissement) jusquedans le cerveau (et non plus seulement dans le Cur), sous forme de salivesucre, et la faire redescendre ensuite dans le Champ de cinabre infrieur. Acette Essence d'or, fait pendant la Liqueur de jade (or-yang, jade-yin), saliveaussi, issue de l'union du Souffle des Reins celui du Cur dans l'sophage(ou dans la gorge, selon les textes) , qu'on fait redescendre galement au Champde cinabre infrieur. A ce stade donc, la circulation se fait entre or et jade, de latte aux reins (ou au Champ de cinabre infrieur), et inversement, et non plusdu Cur aux Reins. Les liqueurs d'or et de jade sont destines purifier lecorps, l'une par le yang (or), l'autre par le yin (jade). En fait, dans le dtail,cette partie est extrmement confuse, comme le signale l'auteur par deux fois(p. 142 et p. 265), et si l'on cherche prciser, la confusion s'paissit.Le troisime accomplissment, ou "accomplissement majeur", est principalementonsacr raffinement du Souffle et des viscres. Les exercices qui doiventy prendre place ressemblent de trs prs aux visualisations prnes par l'cole duChang-ts'ing Jhfpf et aux mthodes de contemplation du Tch'an. Il s'agit devisualiser aux heures correspondant aux viscres un souffle de la couleur quilui appartient entrant dans le Champ de cinabre suprieur, et , chaque saison,de purifier le viscre qui lui correspond et d'en faire apparatre le Souffle color.On recourt galement des exercices d'auto-crmation visuelle pour "loignerles dmons" et lutter contre les distractions. Enfin, selon certains textes (citspar l'auteur, mais qui n'appartiennent pas l'cole de Tchong-Lu MB),l'adepte procde aussi des visualisations des Palais du cerveau et de leurs esprits, qu i sont tout fait dans la droite ligne de celles de l'cole du Chang-ts'ing.C'est aussi lors de cette phase que l'on recourt la trs ancienne "respirationembryonnaire", mais conue de faon un peu diffrente, l'influence du boud-

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    L'alchimie interne dans le taosme 247dhisme se faisant sentir ici on fait cesser la distinction entre soi et les autres, oncoagule le Souffle et l'Esprit, on "sonde le Principe et va au trfonds de sa nature(sing t) pour parvenir au Dcret cleste (ming -nj)" (une phrase extraite duTi-king constamment reprise par les no-confucianistes, puis par les alchimistes),on tablit l'identit entre la "forme" et le "vide" (leitmotiv du Mdhyamika).La russite finale, la transmutation (ce terme est une traduction beaucoup plusproche du mot chinois que celle qu i est adopt par F. Baldrian-Hussein, "transfiguration du corps", d'autant que la transmutation ne porte certainement passeulement sur le corps) est oppose au destin normal de l'homme qu i se rincarne, la "transformation assise" des sramana bouddhistes, et la "dlivrance ducadavre" des anciens taostes, qu i n'est que ravissement, "perte des esprits etdes mes". D'aprs le LPPF, il faut distinguer deux degrs: les esprits rentrentaprs tre sortis et ne sortent plus (c'est donc un tat stable, au contraire de latranse), et corps et esprit ont alors atteint un tat merveilleux, ou bien les espritssortent et n'entrent plus, et c'est la saintet ultime, le dpart dfinitif vers lesles des bienheureux. (Le Houei-tchen p'ien, Tao-chou jfiflS 38.256, prcise l'uniondu corps et de l'esprit procure une vision cosmique; la sparation nouveaufait natre "d'un corps un autre corps", et celui-ci retourne alors vers les lesdes bienheureux.) On retrouve ici peu prs la distinction entre l'tat desbodhisattva qui restent dans le monde mais un monde transfigur, et qu i cor

    respond bien l'idal du Saint cosmique taoste, et celui du Buddha qu i aquitt le monde (mais les motivations bouddhistes sur cette diffrence n'entrentpas en ligne de compte ici)

    Cette alchimie est l'hritire directe du taosme ancien, nous l'avons djrelev. Ajoutons qu'on y retrouve aussi la description de certains phnomnesphysiques dans les termes mmes qu'utilisent les textes anciens, celle de la salivesucre, par exemple, et de la "chose" qui apparat dans la bouche et qu i estdcrite tantt comme un uf, tantt comme une orange. Les procds physiquesconcernant le souffle et la salive sont les mmes et le rsultat semblable. Certainesmthodes visuelles sont les mmes aussi, l'auteur le signale en p. 167. Il en estd'autres, comme les mthodes tch'ao-yuan t^jt dcrites en p. 174, qu i concernentla visualisation des Palais du cerveau, qui sont galement trs anciennes. Ladescription des viscres (Tao-chou 19.11b) suit celle que donnent les ancienstextes. Le procd qui consiste voir son corps brillant clairer la pice, puisla ville, puis le pays, puis faire le tour des dix points cardinaux est dcrit dansle Ts'eu-tou yen-kouang chen-yuan pien king ^M^^tt^lcMM. (Tao-tsang [T] fasc.1030) et dans le Chen-kao iHt (T 627-40), deux textes de la tradition Chang-ts'ing qui l'avait dj repris aux anciens (voir I. Robinet, Mditation taoste, Paris:Dervy Livres, 1979, p. 270). La descente du Souffle au Cur et la monte decelui des Reins et leur fusion sont galement dcrites sous une forme simple dansle Lao-tseu tchong-king ^^"^IS (cf. ibid., p. 298). La "perle" ne de l'union duDragon et du Tigre est dj annonce par la "perle brillante" qu'avale l'adepte,

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    248 Isabelle Robinetne de la fusion du soleil et de la lune {ibid., p. 298). La mthode fen-chen $#d'auto-crmation mentionne dans les pp. 160, 284 et 342, la sortie des espritsdu corps et leur rentre, le Souffle pourpre, la lumire et la vision intrieure,sont autant de thmes repris aux coles antrieures en des termes tout faitsemblables. Cependant, nos textes tiennent se distinguer nettement des anciennesraditions, et il serait intressant ce sujet d'tudier de prs en quoi exactement l prtendent se distinguer quant la conception du but ultime auquelils tendent (gnralement, les mthodes bouddhistes sont considres commeincompltes parce qu'elles livrent l'adepte aux esprits yin et ne font pas de luiun saint "purement yang").La spcificit de cette alchimie porte sur le rle donn aux trigrammes duTi king, d'une part, et , d'autre part, sur une complexit, un degr d'laborationbeaucoup plus pouss que dans les mthodes prcdentes et sur un aspect plusintellectuel, plus rationalisant et plus systmatisant, moins imaginatif que dansla tradition du Chang- ts'ing, par exemple. Les visions jouent un rle, mais moinsgrand. Le panthon, par ailleurs si riche dans le taosme, est tout fait absent.L'accent est principalement mis sur la dialectique du Yin et du Yang, de l'Eauet du Feu, des deux "choses" {wu $}) auxquelles les textes disent se rsumer toutel'uvre. Une dialectique trs pousse qui, en tant que travail mental voquecelui que, sur un tout autre plan, fait accomplir l'adepte l'cole bouddhistedu Mdhyamika sur les concepts de l'tre et du non-tre. Une dialectique qui,en fait, finit par mener l'esprit au fin bout de lui-mme, force de subtilit etde complexit, d'quivoques et d'ambigut, de reprises et d'affinements ; aufin bout de lui-mme, c'est le but recherch, pour qu' la fin "il saute dans levide", ainsi qu'il est recommand. Les procds respiratoires et gymnastiquessont l pour le corps, les exercices de l'esprit sur les correspondances multiplesentre les multiples tats du Yin et du Yang sont l pour le mental. Et c'est l'coledu Ts'iuan-tchen -&f/i qui mettra le plus nettement l'accent sur ce double plandu travail, en particulier avec les notions de ming -pp ("destin", qu i correspond la vie corporelle, naturelle et la Terre) et de sing ft ("nature inne", esprit,Ciel).Le trs bref expos qui a t fait ci-dessus pour tenter de donner une vue d'ensemble du travail alchimique te l que le dcrit l'cole Tchong-Lu est rsum etsimplifi, et ne rend compte ni des subtilits et des complexits de la pratique etdes exposs qui en sont faits, ni des difficults et des contradictions auxquellesse heurte le lecteur et que F. Baldrian-Hussein a d affronter et a courageusementent d'lucider. Affaire de dosages subtils, affaire de ritrations aussi,et de l vient que l'expos du dveloppement de l'uvre peut difficilementsuivre une ligne continue sans reprises perptuelles, ce dont rend bien comptele travail de F. Baldrian-Hussein, mais qui n'en facilite pas la lecture. Ainsi,l'exercice l-yang kouan ffrUflfi "contracter la barrire yang" destin purifierle Champ de cinabre par le Feu en y faisant descendre le Souffle est employlors du cycle 2 (p. 105) pour faire "mrir les pierres dans les entrailles de laterre" et les transformer en or et jade, lors du cycle 4 (p. 118) pour "augmenterle Mercure", et , dans la traduction du LPPF (p. 242) comme complment du

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    L'alchimie interne dans le taosme 249"vol de l'Essence d'or" pour faire progresser le Feu. De mme, l'exercice ki-tsiSf se retrouve dans les cycles 2 (p. 87), 4 (p. 117) et 5 (pp. 156 et 158). Enoutre, les textes jouent des ritrations en utilisant un mme vocable dont lasignification prend un sens diffrent selon le niveau o il est employ. La "Perlenoire" est tantt le produit de l'union du Plomb et du Mercure ou du Dragonet du Tigre (p. 87), tantt celui de la descente du Feu du Cur dans le Champde cinabre infrieur (pp. 107 et 118). Dans le premier cas, c'est le Plomb vritable, dans le deuxime, c'est le Mercure vritable; mais non pas le deuximecycle, si l'on croit l'expos de F. Baldrian-Hussein (p. 107), encore qu'on puissedouter que le passage du Houei-tchen p'ien qu'elle mentionne ce sujet se rapportevraiment au deuxime cycle.Il faut noter que F. Baldrian-Hussein n'a que plus de mrite d'avoir abordl'tude de l'alchimie interne. Elle l'a fait de la seule faon dont il fallait le faire,tant donn que d'une cole l'autre (parfois d'un texte l'autre, ou dans unmme texte, hlas!) le vocabulaire et la succession des divers procds suivrediffrent, et parfois mme les rfrences de base comme nous le constaterons plusbas. Elle a donc tout premirement cherch regrouper les textes d'une mmecole, ce qui donnait plus de chances d'obtenir un rsultat cohrent. Son premiermrite est d'avoir identifi ces textes, et ainsi d'avoir dblay le terrain pour lasuite des tudes portant sur l'alchimie interne. Ce travail sera srement profitableet va certainement encourager poursuivre des recherches dans ce domaine. Unevoie est ouverte grce elle.Cependant, il semble qu'elle s'est laiss influencer dans son expos par destextes d'autres coles, ce qu i pourrait crer une confusion. En effet, elle mentionne des concepts qu i paraissent appartenir d'autres courants et ne jouergure de rle dans les textes qu'elle tudie: ainsi des notions de ming et de sing(p. 54), de mme que celles de "ciel antrieur" et "ciel postrieur". Il paratimportant de prciser que ce sont l des concepts qu i font partie des caractresspcifiques des coles postrieures qu'elle mentionne, "du sud" et "du nord",et dont l'absence dans l'cole Tchong-Lu qu'elle prsente est justement particulirement significative.A ce propos, il serait utile de revenir sur les points de repre qu'elle proposepour classer les textes de nei-tan p$f}- (p. 36-41), et qu'elle numre ainsi: laterminologie, la base philosophique et thorique, les procds et leur squencedans la pratique, et le but final. On ne voit pas bien dans le dveloppementauquel elle procde ensuite s'il s'agit de classer un texte comme relevant denei-tan par opposition d'autres^ concernant d'autres disciplines, ou s'il s'agit declasser les diffrentes coles de nei-tan par rapport les unes aux autres. Il sembleque les deux ordres de classement soient mlangs, car la terminologie, parexemple, permet de classer les coles de nei-tan par rapport les unes aux autres,tandis que le but final est le mme pour toutes les coles de nei-tan. Quoiqu'il ensoit, pour ce qu i est de distinguer les coles de nei-tan entre elles, le repre termino log iqu e est effectivement trs utile, bien que l'exemple donn ici ("le volde l'Essence d'or derrire les coudes") ne soit pas tout fait probant puisque,contrairement ce qu i est affirm, on le trouve aussi dans au moins un texte

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    250 Isabelle Robinetd'une autre cole, comme le Tchong-yang tchen-jen kin-kouan yu-souo kiue JUiajKA^f3E!fflfc (T 796, la et 8a) qui relve de l'cole Ts'iuan-tchen. En revanche,de nombreux termes apparaissent dans les coles postrieures qui ne sont pasutiliss dans celle de Tchong-Lu, ainsi de "cur-singe" (sin-yan iW0> "m~tention- cheval" (yi-ma MM), "Cavit-Une de la Passe mystrieuse" (hiuan-kouan yi-k'iao lM-^), etc..Quant aux repres philosophiques ou thoriques, ou critres de fond, ils sonteffectivement trs importants, et on aurait aim quelques explications sur cepoint. Il est possible d'ores et dj d'avancer quelques points. Les textes Tchong-Lu paraissent tre de tous les textes de nei-tan ceux qu i accordent le plus d'importance et les plus longs dveloppements aux pratiques corporelles. Les points derepre fondamentaux sont en consquence, comme nous l'avons vu, le cur, lesreins, le cerveau, le souffle, la salive et les humeurs fluides du corps. En revanche,les textes postrieures, et ici il conviendrait en un second temps de chercher cequ i diffrencie cet gard ceux du nord de ceux du sud, insistent beaucoup plussur la matrise de la pense et des passions et sur la mditation et la concentration'esprit auxquels ils rsument parfois toute l'uvre. En consquence, lesrepres de base sont le plus souvent le corps, l'esprit (sin ', "cur-mental",non plus en tant qu'organe, mais en tant que sige des activits mentales etsentimentales) et 1' "intention" ou 1' "ide", le "projet" (yi M.)2 qui joue le rlecentral, intermdiaire et catalyseur de la Terre, les deux premiers tant assimils au Tigre et au Dragon, au Plomb et au Mercure. La divergence quantau plan o se situent les textes apparat clairement, par exemple, dans la dfinition des "trois feux"; pour l'cole Tchong-Lu, ce sont ceux qu i se trouventdans le Cur, les Reins et la Vessie; pour l'cole Ts'iuan-tchen (op. cit., 9b),ce sont le Cur (cur-mental), la nature, inne (sing) et l'intention (yi), troisinstances de la nature humaine qu i donnent leur impulsion la qute de l'alchimiste. On voit que les mmes termes ne renvoient plus aux mme ralits.Il faut ajouter que ceci se retrouve parfois chez un mme auteur. Ainsi le Tchong-yang tchen-jen JSfUM, dans l'ouvrage ci-dessus mentionn, explique que lesing (nature inne) est le Souffle du cur, le ming (destin) est celui des Reins (p.2a), tandis que l'entremetteuse jaune est le Souffle et le "garon d'or" l'esprit(chen pf). En revanche, dans le Tchong-yang tchen-jen cheou tan-yang eur-che-seuk'iue iiJiffg-iilH+ESk (T 796), il entend par sing & l'Esprit originel,ming Ifc le Souffle originel, l'entremetteuse jaune est la rate, et le garon d'or lecur, et ainsi de suite (p. la).Dans le mme ordre d'ides, celui des critres et du contenu de base, lesnotions de sing et de ming sont absentes dans les textes Tchong-Lu, ou peu prs,alors qu'elles sont extrmement importantes dans les autres textes, ainsi que celles

    2) L'introduction du yi M, l'ide, a t faite sous l'influence du bouddhisme, pour qui le trio"corps/cur-mental/intention" {chen %, sin

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    U lchimie interne dans le taoisme 251de "ciel antrieur" et "ciel postrieur", o, dans les autres textes, elles sontmises en rapport avec soit le Souffle et l'Esprit, soit le sing et le ming: il s'agitalors essentiellement de dvelopper chez l'adepte un lment ternel ("antrieurau Ciel et la Terre") qu i prexiste sa naissance et auquel il doit s'identifier.Cette ide est prsente dans les textes Tchong-Lu, mais sous une autre forme(le Yang originel, qu'on trouve dj dans le Lao-tseu tchong-king mentionn plushaut), mais n'y est pas aussi centrale ni aussi rptitivement souligne.Bien que la traduction soit trs srieusement faite, nous regrettons que l'auteurait cru ncessaire de "remanier certains paragraphes" pour rendre le texte plusclair comme elle le dclare (p. 249) car le procd est contestable et les raisonsinvoques ne sont pas trs claires, l'ordre adopt dans la squence de l'exposn'tant pas toujours meilleur. Il aurait surtout, dans ce cas, fallu donner lesrfrences au texte minutieusement car il s'avre trs difficile de suivre la traductionur le texte original, le texte B ( T 874) se substituant parfois carrmentau texte A qui est la base de la traduction (comme, par ex., en p. 227) sans quecela soit expressment not.En revanche, en p. 201, le texte A qu i est traduit semble altr, ce qu i aboutit un contre-sens. Il faut se reporter au texte B, meilleur, pour rtablir le sens.A "A partir du solstice d't le Yang monte. . .", il faut substituer "au solsticed't, le Yin nat et descend jusqu' entrer dans la terre; au solstice d't, leYang est mont et a atteint le Ciel, un Yin alors survient. . ." (texte B: Pi-tchouan tcheng-yang tchen-jen ling-pao pi-fa IftfilEifljltililli, T 874, 1.3a).La dernire ligne de la p. 210 et la premire de la page suivante ne rendent pasbien compte du texte qui dit "Au Ciel et la Terre appartiennent le haut et lebas; au Yin et au Yang, le commencement et la fin", formulation encore plusexplicite dans le texte B, \.bb: le Ciel et la Terre, conformment au systme duTi-king {Hi-ts'eu HfS), ne relvent pas du mme niveau cosmique et conceptuelque le Yin et le Yang, et cette distinction est trs souvent maintenue (voir, parex., la note 110 de la p. 225).Encore dans le mme ordre d'ides, p. 281, dans le rsum qu'elle fait de lasection Kin-kao ^feUr, F. Baldrian-Hussein traduit par "forme" le terme t'i ffqu i signifie en fait "substance", "corps" au sens de substrat, et qui s'oppose yong fQ, "fonction"; ce sont deux catgories fondamentales de la pense chinoisequ i connotent l'essence d'un principe et sa dynamique, son exercice. Ici, donc,le texte a une valeur plus mtaphysique, que ne transmet pas cette note: "LeTao, dit-il textuellement, a son 'fondement' {pen if.) dans la non-substance. . .a son fondement dans la non- fonction". Ceci revient dire qu'en son fond {pen),il ne relve pas des catgories de "substance" et "fonction", ce qu i s'opposede faon frappante la formulation qu i a souvent cours selon laquelle le Tao estla substance et le monde sa fonction, qu'il est le principe ou le substrat dont lemonde est la dynamique et la manifestation. Ici le Tao dpasse les notions desubstance et fonction, et ce point de vue est repris aussitt aprs, ce qui soulignel'intention de l'auteur; il dit en effet: "Si on parle de Tao en termes de substance. . .si on parle de Tao en termes de fonction. . .", spcifiant par l que lesdeux concepts de substance et de fonction sont, au regard du Tao, dans le mme

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