Risques infectieux associés aux dispositifs médicaux invasifs

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IATROGÉNIE REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2010 - N°426 // 51 article reçu le 31 mai, accepté le 30 août 2010. © 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. a Equipe opérationnelle en hygiène hospitalière b Service de réanimation médicale Centre hospitalier universitaire Ambroise-Paré (AP-HP) 9, av. Charles-de-Gaulle 92104 Boulogne cedex * Correspondance [email protected] 1. Introduction En 2006, parmi les 180 000 patients hospitalisés en court séjour dans les établissements de santé français et inclus dans l’enquête nationale de prévalence des infections noso- comiales, 43,5 % étaient porteurs d’au moins un dispositif invasif (cathéter vasculaire, sonde vésicale, sonde endo- trachéale ou trachéotomie). Ce pourcentage de patients exposés atteignait 75 % dans les centres de lutte contre le cancer et 90 % dans les services de réanimation [1]. Ces dispositifs invasifs sont donc incontournables, au moins à titre provisoire, dans la prise en charge d’un patient mais leur présence s’accompagne d’événements indésirables parmi lesquels les complications infectieuses occupent une place prépondérante chez les patients les plus fragiles. Les arguments microbiologiques, souvent quantitatifs, sont fondamentaux dans les définitions retenues pour la sur- veillance épidémiologique des infections associées à ces dispositifs invasifs [2]. À partir de prélèvements recueillis dans des conditions précises et à la lumière de renseigne- ments cliniques, le rôle du microbiologiste est de fournir les éléments nécessaires pour établir la colonisation du dispositif, aider à déterminer son imputabilité éventuelle dans le processus infectieux ou participer au système de surveillance épidémiologique de l’établissement. SUMMARY Device-associated infection risk Intravascular catheterization, urinary catheteriza- tion, and assisted breathing, are critical to modern medicine. Most patients admitted to a hospital are exposed to one or more of these medical invasive procedures at some point during the course of their treatment. However, the introduction of vascular, urinary or endotracheal catheter is linked to a signi- ficant increase in infection risk. An estimated 60% of Healthcare Associated Infections (HAI) is thought to be related to the use of such invasive devices. The pathogenesis of these infections is strongly corre- lated with a biofilm formation on the surfaces of the foreign materials. The most commonly occurring device-associated infections are intravascular catheter-associated bac- teremia, catheter-associated urinary tract infections and ventilator-associated pneumonia which are all considered to be in part preventable. Epidemiological definitions of these infections include both clinical symptoms and microbiological criteria. Microbiology lab assistance is needed to monitor the ratio of infection incidence to the number of days the device was used. Monitoring is critical to managing the risk of infection associated to these invasive de- vices and to evaluating preventive efforts based on standard precautions, specific measures and sensible use of these medical devices. Catheter – indwelling urinary catheter – endotracheal tube – Healthcare Associated Infection intravascular catheter-associated bacteremia – catheter-associated urinary tract infection ventilator-associated pneumonia. RÉSUMÉ L’abord vasculaire, le drainage urinaire ou la ventilation assistée sont indispensables à la médecine actuelle et, durant leur prise en charge, la plupart des malades hospitalisés sont exposés à l’un ou l’autre de ces actes. Cependant, l’implantation temporaire d’un cathéter vasculaire, d’une sonde vésicale ou d’une sonde endotrachéale est associée à un risque infectieux non négligeable puisqu’on estime que 60 % des infec- tions associées aux soins auraient pour origine un dispositif invasif. La physiopathologie de ces infections est étroitement liée à la constitution d’un biofilm sur ces corps étrangers. Parmi celles-ci, les bactériémies associées aux cathéters vasculaires, les infections urinaires associées au sondage vésical et les pneumopathies acquises sous ventilation mécanique sont les plus fréquentes et sont considérées comme en partie évitables. Ces infections répondent à des définitions épidémiologiques associant arguments cliniques et critères microbiologiques. La collaboration du laboratoire de microbiologie est essentielle pour suivre l’évolution de l’in- cidence de ces infections rapportée au nombre de jours d’exposition au dispositif. Cette surveillance est indispensable à la gestion du risque infec- tieux associé à ces dispositifs invasifs et à l’évaluation des programmes de prévention qui reposent sur les précautions standard, des mesures spécifiques et un usage raisonné de ces procédures. Cathéter – sondage vésical – ventilation mécanique – infection associée aux dispositifs invasifs – pneumopathie – bactériémie liée au cathéter – infection urinaire sur sonde. Florence Espinasse a, *, Bernard Page b , Brigitte Cottard-Boulle a Risques infectieux associés aux dispositifs médicaux invasifs

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IATROGÉNIE

Revue FRancophone des LaboRatoiRes - novembRe 2010 - n°426 // 51

article reçu le 31 mai, accepté le 30 août 2010.© 2010 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

a Equipe opérationnelle en hygiène hospitalière b Service de réanimation médicaleCentre hospitalier universitaire Ambroise-Paré (AP-HP)9, av. Charles-de-Gaulle92104 Boulogne cedex

* [email protected]

1. Introduction

En 2006, parmi les 180 000 patients hospitalisés en court séjour dans les établissements de santé français et inclus dans l’enquête nationale de prévalence des infections noso-comiales, 43,5 % étaient porteurs d’au moins un dispositif invasif (cathéter vasculaire, sonde vésicale, sonde endo-trachéale ou trachéotomie). Ce pourcentage de patients exposés atteignait 75 % dans les centres de lutte contre le cancer et 90 % dans les services de réanimation [1].

Ces dispositifs invasifs sont donc incontournables, au moins à titre provisoire, dans la prise en charge d’un patient mais leur présence s’accompagne d’événements indésirables parmi lesquels les complications infectieuses occupent une place prépondérante chez les patients les plus fragiles. Les arguments microbiologiques, souvent quantitatifs, sont fondamentaux dans les définitions retenues pour la sur-veillance épidémiologique des infections associées à ces dispositifs invasifs [2]. À partir de prélèvements recueillis dans des conditions précises et à la lumière de renseigne-ments cliniques, le rôle du microbiologiste est de fournir les éléments nécessaires pour établir la colonisation du dispositif, aider à déterminer son imputabilité éventuelle dans le processus infectieux ou participer au système de surveillance épidémiologique de l’établissement.

Summary

Device-associated infection riskIntravascular catheterization, urinary catheteriza-tion, and assisted breathing, are critical to modern medicine. Most patients admitted to a hospital are exposed to one or more of these medical invasive procedures at some point during the course of their treatment. However, the introduction of vascular, urinary or endotracheal catheter is linked to a signi-ficant increase in infection risk. An estimated 60% of Healthcare Associated Infections (HAI) is thought to be related to the use of such invasive devices. The pathogenesis of these infections is strongly corre-lated with a biofilm formation on the surfaces of the foreign materials.The most commonly occurring device-associated infections are intravascular catheter-associated bac-teremia, catheter-associated urinary tract infections and ventilator-associated pneumonia which are all considered to be in part preventable.Epidemiological definitions of these infections include both clinical symptoms and microbiological criteria. Microbiology lab assistance is needed to monitor the ratio of infection incidence to the number of days the device was used. Monitoring is critical to managing the risk of infection associated to these invasive de-vices and to evaluating preventive efforts based on standard precautions, specific measures and sensible use of these medical devices.

Catheter – indwelling urinary catheter – endotracheal tube – Healthcare Associated Infection intravascular

catheter-associated bacteremia – catheter-associated urinary tract infection ventilator-associated pneumonia.

réSumé

L’abord vasculaire, le drainage urinaire ou la ventilation assistée sont indispensables à la médecine actuelle et, durant leur prise en charge, la plupart des malades hospitalisés sont exposés à l’un ou l’autre de ces actes. Cependant, l’implantation temporaire d’un cathéter vasculaire, d’une sonde vésicale ou d’une sonde endotrachéale est associée à un risque infectieux non négligeable puisqu’on estime que 60 % des infec-tions associées aux soins auraient pour origine un dispositif invasif. La physiopathologie de ces infections est étroitement liée à la constitution d’un biofilm sur ces corps étrangers.Parmi celles-ci, les bactériémies associées aux cathéters vasculaires, les infections urinaires associées au sondage vésical et les pneumopathies acquises sous ventilation mécanique sont les plus fréquentes et sont considérées comme en partie évitables.Ces infections répondent à des définitions épidémiologiques associant arguments cliniques et critères microbiologiques. La collaboration du laboratoire de microbiologie est essentielle pour suivre l’évolution de l’in-cidence de ces infections rapportée au nombre de jours d’exposition au dispositif. Cette surveillance est indispensable à la gestion du risque infec-tieux associé à ces dispositifs invasifs et à l’évaluation des programmes de prévention qui reposent sur les précautions standard, des mesures spécifiques et un usage raisonné de ces procédures.

Cathéter – sondage vésical – ventilation mécanique – infection associée aux dispositifs invasifs – pneumopathie – bactériémie liée au cathéter –

infection urinaire sur sonde.

Florence Espinassea,*, Bernard Pageb, Brigitte Cottard-Boullea

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(bactéries, levures, autres ?), qui vont y vivre en symbiose ou en coopération. Puis, à la phase de consolidation et de maturation du biofilm, ces microorganismes secrètent la matrice d’exopolysaccharides qui formera la structure tridimensionnelle protectrice, à l’intérieur de laquelle, par le quorum-sensing, les bactéries vont coordonner leur comportement. Enfin, c’est la phase d’érosion : des bac-téries sessiles sont libérées sous forme de micro-emboles septiques et vont coloniser d’autres sites [3].Les conséquences médicales sont majeures. 1/ Le biofilm limite la réaction immunitaire locale par défaut de pénétra-tion des anticorps et des cellules phagocytaires. Mais ces dernières libèrent leurs facteurs microbicides, induisant une réponse inflammatoire chronique dans les tissus entourant le dispositif. 2/ Les bactéries dans les couches profondes du biofilm sont en dormance, donc incapables de se diviser, avec pour effets une mauvaise sensibilité des diagnostics microbiologiques par culture et une résistance élevée aux antibiotiques actifs sur la bactérie en division avec augmentation des concentrations minimales inhibitrices d’un facteur 100 ou 1 000. Ceci explique que la réussite de traitement d’une infection associée à un dispositif invasif est très souvent conditionnée par l’ablation du dispositif.

3. Risque infectieux associé aux cathéters vasculaires

Disposer d’un abord vasculaire est essentiel pour la prise en charge des patients relevant de la réanimation, la cancé-rologie, ou de l’hémodialyse… L’implantation d’un cathéter vasculaire permet la réalisation rapide d’une expansion volémique, l’administration de médicaments, de nutrition parentérale ou de produits sanguins, ainsi que la surveillance

Après un bref aperçu sur le lien entre dispositif invasif et biofilm, nous aborderons successivement les risques infectieux associés au cathétérisme vasculaire, au sondage vésical, puis à l’intubation trachéale.

2. Dispositifs invasifs et risque infectieux : le biofilm

L’OMS estime qu’entre 5 et 12 % des patients hospitali-sés dans le monde développent une infection associée aux soins (IAS) dont plus de 60 % sont associées à l’im-plantation d’un dispositif médical ou chirurgical [3]. Tout dispositif, implanté à titre provisoire ou permanent, peut devenir le site d’une éventuelle infection (sonde urinaire, canule d’intubation, valve cardiaque, prothèse vasculaire ou orthopédique, dispositif intra-utérin, etc.). La physiopa-thologie de ces infections est liée initialement à la consti-tution d’un biofilm sur ces corps étrangers.Le biofilm est une communauté plurimicrobienne se fixant à une surface inerte ou vivante et maintenue enchâssée sur cette surface par la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice. C’est une structure vivante, dynamique, en perpétuel remaniement qui constitue le mode de vie majoritaire des microorganismes, ainsi sédentarisés, par opposition à la phase planctonique. Même si les techniques aseptiques sont scrupuleusement respectées lors de l’im-plantation du dispositif, le développement du biofilm est rapide et inéluctable sur la plupart des matériaux utilisés à l’heure actuelle en médecine humaine. Schématique-ment, la première étape est le dépôt, sur ce dispositif, de substances organiques fonction du milieu (fibronectine, fibrinogène, collagène, protéines urinaires) qui font le lit de l’adhésion d’une ou plusieurs espèces microbiennes

Tableau I – Les cathéters vasculaires usuels.

Type de dispositif vasculaire

Site anatomique d’insertion et spécificités éventuelles

Durée moyenne de maintien habituellement

observée1

Taux de bactériémie associée au cathéter/1 000 jours

d’exposition2

Cathéter veineux périphérique

Veines de l’avant-bras, de la main ou du pied chez le nouveau-né

Très courte2 à 4 jours

0,5 [0,2 - 0,7]

Cathéter artériel périphérique

Artère radiale ou fémorale.Monitorage des paramètres hémodynamiques et accès vasculaire pour prélèvements répétés de gaz du sang

Courte 1,7 [1,1 - 2,3]

Cathéter veineux centralInséré dans des conditions d’asepsie chirurgicale dans la veine sous-clavière, jugulaire interne, ou fémorale

Courte 2,7 [2,6 - 2,9]

Cathéter veineux central de dialyse, non tunnellisé

Insertion fémorale ou jugulaire interne d’un cathéter à double lumière

Courte 4,8 [4,2 - 5,3]

Cathéter veineux central inséré par voie périphérique (PICCline)

Inséré dans la veine basilique ou céphalique, au dessus du pli du coude, sous contrôle radiologique, jusqu’à la veine cave supérieure pour un traitement parentéral de longue durée

Longue(jusqu’à 6 mois)

1,1 [0,9 - 1,3]

Cathéter veineux central tunnellisé (type Canaud,…)

Insertion chirurgicale en vue d’une hémodialyse d’une durée prévisible > 3 semaines dans l’attente éventuelle d’une fistule artérioveineuse fonctionnelle

Longue(jusqu’à 18 mois)

1,6 [1,5 - 1,7]

Chambre à cathéter implantable ou chambre de perfusion veineuse ou « PAC »

Accès veineux profond inséré chirurgicalement pour traitement répété de longue durée > 3 mois, ou veinotoxique ou en absence de capital veineux

Longue(jusqu’à plusieurs

années)0,1 [0,0 - 0,1]

1. Fonction des recommandations, de la nécessité du cathéter et de sa fonctionnalité.2. Selon Maki et.al [11].

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• La colonisation intraluminale du cathéter a pour origine l’introduction de microorganismes dans la lumière du cathéter à partir du connecteur lors de la manipulation des raccords sur la ligne veineuse (injection, déconnexion) ou par une préparation injectable contaminée. Elle devient prépondérante pour les cathéters maintenus au-delà de 4 jours (CVP) ou de 7-10 jours (CVC). C’est le mécanisme le plus fréquent pour les chambres à cathéter implantables en raison des injections itératives dans le réservoir après passage à travers la barrière cutanée.• La colonisation de la portion intravasculaire du cathéter peut également se faire par voie hématogène secondaire-ment à un ou des épisodes bactériémiques occasionnés par la présence d’un foyer infectieux à distance (urinaire, pulmonaire, chirurgicale, digestive ou autre). Elle est consi-dérée comme rare (< 10 %).

cardio-vasculaire et le maintien d’une voie d’accès veineux en situation d’urgence.Seront traités ici les cathéters veineux ou artériels, intro-duits par voie périphérique ou centrale. Ainsi, en France, seraient mis en place chaque année 110 000 chambres à cathéter implantables, 1 million de cathéters centraux vei-neux (CVC) et artériels [4] et 25 à 30 millions de cathéters veineux périphériques (CVP) [5].Les complications liées aux cathéters vasculaires ont des conséquences parfois majeures, d’une part pour l’abord vasculaire considéré, et d’autre part, pour le patient lui-même (allongement de la durée de séjour, retard du pro-gramme thérapeutique, nouvelle ponction, localisation secondaire de l’infection…). Outre les infections, locales ou systémiques, potentiellement sévères, ces gestes invasifs peuvent s’accompagner de complications mécaniques (pneumothorax, trajet aberrant, migration surtout pour les voies centrales), qui, elles-mêmes, aggraveront les risques de complications thrombotiques ultérieures (phlé-bite, sténose, thrombose…). Ainsi, toutes causes et tout degré de gravité confondus, la fréquence des complica-tions du cathétérisme central concernerait plus de 15 % des patients [6].Les complications liées à ces gestes invasifs sont en partie évitables et justifient les programmes de prévention liés à ce type d’actes s’appuyant sur des recommandations consensuelles pondérées.Les caractéristiques de quelques cathéters vasculaires sont résumées dans le tableau I.

3.1. Définitions des infections associées aux cathéters vasculaires (figure 1)Les définitions des infections associées aux cathéters vasculaires (ILC) présentées dans la figure 1 sont celles applicables à la surveillance épidémiologique en France depuis 2007 [2]. Elles diffèrent des définitions cliniques usuelles et ne correspondent pas exactement à celles du CDC rendant délicate toute comparaison entre les études épidémiologiques publiées dans la littérature internationale.

3.2. Physiopathologie des infections associées aux cathéters vasculairesComme pour tout dispositif implanté, dans les 24 heures suivant l’insertion du cathéter dans l’organisme, débute la constitution du biofilm à l’origine d’infections locales et/ou systémiques.Schématiquement, trois voies d’acquisition des microorga-nismes sont décrites dont les deux premières se succèdent pour un cathéter de longue durée (figure 2).• La colonisation par voie extraluminale du cathéter est le mécanisme le plus fréquemment évoqué pour les cathéters à émergence cutanée, dans les premiers jours suivant la pose. Les bactéries des flores du patient, cutanée surtout ou oropharyngée, du professionnel, ou provenant d’un anti-septique contaminé migrent via le site d’insertion, suivant la surface externe du cathéter, le long du trajet sous-cutané. Cette contamination peut aussi survenir secondairement lors de la réalisation des pansements du site d’insertion.En ce qui concerne les CCI, ce mécanisme est secondaire à cause de leur implantation chirurgicale dans une loge hermétique sous-cutanée.

Figure 1 – Critères de définition des infections associées aux cathéters [2].

Signes infectieux LOCAUX

Bactériémie liée au cathéter

Infection générale liée au cathéter

Infection locale liée au cathéter

ET

Hémocultures positives dans les 48 heures encadrant le retrait du cathéter (ou la suspicion diagnostique si le cathéter n’est pas retiré d’emblée)

CVC ou assimilé ≥ 103 UFC/mL ou site d’insertion positif

Bactériémie liée au CVC ou assimilé

CVP ≥ 103 UFC/mL

Bactériémie liée au CVP

Soit hémocultures appariées positives :

délai > 2 hou ratio > 5

Soit pus au site d’insertion du CVP en absence d’autre porte

d’entrée identifiée

Soit culture du cathéter positive

avec le même microorganisme

Infection générale liée au CVC ou assimilé

Et signes infectieux GENERAUX régressant dans les 48 heures suivant l’ablation du cathéter

Infection générale liée au CVP

Culture du cathéter ≥ 103 UFC/mL

Purulence orifice CVC et/ou tunnellite

CVC

Et CVC ≥ 103 UFC/mL (ou assimilé)

Infection locale liée au CVC ou assimilé

CVP

Soit CVP ≥ 103

UFC/mL

Soit pus au site d’insertion

du CVP et culture positive

Infection locale liée au CVP

Soit absence

de culture

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Des patients hospitalisés hors réanimation sont également porteurs de CVC. Une étude réalisée dans 29 services de soins allemands montre un ratio d’exposition de 4,6 jours-CVC/100 journées d’hospitalisation avec une incidence des bactériémies associées de 4,3/1 000 jours-CVC [10].Ces infections sont potentiellement graves. L’allongement de la durée de séjour en réanimation liée aux bactériémies associées aux CVC varie de 4 à 19 jours. Malgré les difficul-tés liées aux facteurs confondants, la mortalité attribuable à ces bactériémies associées aux CVC est estimée à 10 à 20 % des patients [4]. Pour le système de santé, le surcoût lié au traitement et à l’allongement de la durée de séjour attribuable à une bactériémie nosocomiale associée au CVC est estimé en France entre 7 730 et 11 390 euros par cas, soit par an 100 à 130 millions d’euros.• Cathéters veineux périphériquesLe cathéter veineux périphérique est le dispositif invasif le plus utilisé dans les établissements de santé. En France en 2006, 28 % des patients hospitalisés depuis au moins 24 heures en médecine, et 40 % en chirurgie ou en réani-mation étaient porteurs d’un CVP [7]. Sa pose est devenue un geste fréquent et banal, à tel point que la pertinence du geste et la justification du maintien du dispositif peuvent constituer un axe de prévention des ILC.Le risque infectieux associé aux CVP est perçu comme faible mais probablement sous-estimé par manque de documentation microbiologique (cultures du cathéter et/ou du site d’insertion non réalisées), manque de spécificité des signes locaux (rougeur et/ou douleur et/ou induration et/ou cordon veineux) à la fois témoignant possiblement d’un phénomène irritatif/inflammatoire (phlébite) ou d’un phénomène infectieux, et enfin une courte durée d’expo-sition, avec résolution spontanée de l’infection à l’ablation du CVP. Dans les études comparatives, le risque d’infection systémique associé au CVP est inférieur à celui associé au CVC. L’incidence des bactériémies associées aux CVP varie de 0,5 à 0,7 pour 1 000 jours CVP (tableau I) [11, 12] et 5 % des bactériémies nosocomiales avaient un CVP comme porte d’entrée, documentée dans 47 % des cas [7].

3.3. Épidémiologie des infections associées aux cathéters vasculaires

3.3.1. DescriptionLes cathéters vasculaires sont, à égalité avec le site urinaire, les premières causes des bactériémies nosocomiales dans la dernière enquête française (2004) incluant plus 10 mil-lions de journées d’hospitalisation dans 286 établissements de santé. Ils sont à l’origine d’1 bactériémie sur 5, dont la moitié liée aux cathéters veineux centraux (tableau II) [7].• Cathéters veineux centrauxCes dispositifs sont fréquents. En court séjour, 8,4 % des patients hospitalisés depuis au moins 24 h étaient por-teurs d’un cathéter veineux central le jour de l’enquête de prévalence [1]. L’étude d’incidence réalisée dans 165 réanimations françaises volontaires incluant 22 927 patients hospitalisés en réanimation plus de 48 heures montrent qu’un cathéter veineux central est mis en place chez 60 % des patients adultes, pour une durée moyenne de maintien de 10 jours. L’incidence moyenne des infections locales, générales ou systémiques associées aux CVC (ILC/BLC) dans cet échantillon était de 2,31/1 000 jours CVC dont 0,97 bactériémies associées aux CVC/1 000 jours CVC [8].Aux États-Unis, les données 2006-2008 du National Healthcare Safety Network (NHSN) (2 461 réanimations, > 6 millions jours-CVC surveillés) font état d’incidences moyennes de bactériémies associées aux cathéters cen-traux, comparables, variant de 1,3 (réanimation pédiatrique) à 5,5 bactériémies/1 000 jours-CVC (réanimation brûlés) [9].

Tableau II – Fréquence relative des portes d’entrée de 4 548 bactériémies nosocomiales1,

RAISIN 2004 [7].Porte d’entrée suspectée n %

Urinaire 946 20,8

Foyer digestif 574 12,6

Cathéter central 507 11,1

Pleuro pulmonaire 434 9,5

Cutanée 306 6,7

ISO 249 5,5

Cathéter veineux périphérique 233 5,1

Chambre à cathéter implantable 209 4,6

Autre 208 4,6

Neutropénie sans porte d’entrée 146 3,2

Inconnue chez un patient non neutropénique 706 15,5

Non renseignée 30 0,7

1. Nosocomiales : patient hospitalisé depuis plus de 48 heures au moment de l’épisode bactériémique.

Figure 2 – Cathéter vasculaire : principales voies d’acquisition des microorganismes.

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3.4.1 Conditions optimales de prélèvementCette phase pré-analytique est souvent déléguée dans les établissements de santé à divers professionnels habi-lités (médecin, infirmier) différents du biologiste ou de ses collaborateurs. La multiplicité des acteurs potentiels accroît les risques de contamination des prélèvements, et complique la distinction entre infection, colonisation ou contamination. Mermel et coll. recommande de dédier une équipe transversale aux prélèvements et aux soins des cathéters vasculaires [13], ou plus simplement, il est nécessaire de former les professionnels aux conditions optimales de prélèvements.• Avant le prélèvement des hémocultures par ponction veineuse périphérique et pour éviter la contamination par la flore cutanée, la préparation de la peau du malade doit être réalisée en 4 temps : détersion au savon, rinçage au sérum physiologique stérile, séchage, application d’un antiseptique de préférence alcoolique en respectant le temps de contact de l’antiseptique avant la ponction, sans omettre la désinfection du bouchon des flacons.• Avant prélèvement des hémocultures sur un cathéter vasculaire, si le volume « mort » jusqu’au premier raccord est important, il est souhaitable de l’éliminer par une purge préalable pour ne recueillir que le contenu du cathéter. Après un prélèvement, il est recommandé de rincer les chambres à cathéter implantables en injectant 10 ml sérum physiologique stérile par saccades [15].• L’ablation du pansement est suivie de l’écouvillonnage du site d’insertion. Certains pansements de cathéters (ou « patchs »), imbibés de chlorhexidine et/ou d’ions argent, pourraient perturber la fiabilité des résultats de ces écou-villonnages cutanés mais aucune étude comparative n’est publiée à ce sujet.• L’ablation du cathéter doit se faire stérilement, et son extrémité distale (la totalité de la partie insérée pour les cathéters courts, 5 cm pour les cathéters longs) coupée et adressée au laboratoire. Avant ablation du cathéter, les techniques de préparation de la peau sont discutées. Le cathéter peut être contaminé au passage au travers du site d’insertion, mais l’usage d’un antiseptique majeur peut inhiber la culture microbienne. Dans le protocole Réa-RAI-SIN, la technique d’ablation suivante est recommandée : appliquer avant l’ablation soit de l’alcool simple soit du savon antiseptique/rinçage/séchage [7].

Une estimation des risques de bactériémies associées aux autres cathéters vasculaires figure dans le tableau I.

3.3.2. Microbiologie des infections associées aux cathéters vasculairesPour les cathéters à émergence cutanée, les microorga-nismes les plus fréquemment impliqués dans les bacté-riémies associées sont principalement ceux de la flore cutanée, essentiellement les staphylocoques à coagulase négative (38 %) puis les Staphylococcus aureus (27 %), les Candida sp. et les entérobactéries (tableau III) [7, 13]. En réanimation, après les cocci à Gram positif (49 %), entérobactéries (28 %) et Pseudomonas aeruginosa (13 %) occupent une place non négligeable parmi les microor-ganismes responsables des colonisations des CVC [8].Pour les cathéters implantés chirurgicalement et les cathé-ters centraux à insertion périphérique (PICCline), sont isolés par ordre de prévalence, les staphylocoques à coagulase négative, les entérobactéries puis Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa [13].

3.3.3. Facteurs de risque des infections associées aux cathéters vasculairesÀ côté des facteurs de risque liés au malade, difficilement contrôlables, tels que les âges extrêmes, le sexe masculin, l’immunodépression, la dénutrition (…), ont été identifiés des facteurs liés à la pose du cathéter tels que les conditions de pose et l’expérience de l’opérateur, le site d’insertion choisi, le matériau du cathéter et ceux liés à son utilisa-tion : durée du cathétérisme, fréquence et conditions de manipulations de la ligne veineuse, type de soluté perfusé (composition, pH, osmolarité, débit de perfusion) [11, 14].

3.4. Diagnostic microbiologique des infections associées aux cathéters vasculairesL’apport de la microbiologie est indispensable pour docu-menter l’implication du cathéter vasculaire dans le proces-sus infectieux, exclure la responsabilité d’un autre foyer infectieux et contribuer à la prise en charge optimale de l’épisode, en fonction de l’espèce bactérienne ou fongique isolée. Elle est fondamentale pour affirmer la colonisation des cathéters vasculaires centraux dans le cadre des surveillances épidémiologiques mises en œuvre dans les réanimations.

Tableau III – Fréquence relative des microorganismes isolés dans les bactériémies nosocomiales à porte d’entrée potentiellement associée à un dispositif invasif, RAISIN 2004 [7].

Porte d’entrée (nombre)Staphylococcus

aureus

Staphylocoque à coagulase

négativeEscherichia coli

Klebsiella, Enterobacter,

Serratia

Pseudomonas aeruginosa

Autres

Urinaire (n = 1 009)

7 3 52 15 6 17

Cathéter central (n = 549)

27 40 3 9 5 17

Cathéter veineux périphérique (n = 249)

37 33 4 12 4 10

Chambre à cathéter implantable (n = 229)

17 38 5 11 7 22

Pleuro-pulmonaire (n = 477)

22 9 9 18 14 28

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cathéters de longue durée [16]. Le seuil de significativité a été fixé à 15 UFC par cathéter. La VPP de cette méthode est modeste (Ss : 0,85 – Sp : 0,82 – VPP : 0,60 – VPN : 0,95 pour une prévalence de 0,2)Les méthodes quantitatives sont à privilégier [13, 16, 17].• Méthode de Brun-Buisson (ou culture quantitative de Cléri simplifiée).Le cathéter est « vortexé » 1 minute dans 1 mL de sérum physiologique puis la charge bactérienne est dénombrée après culture de 10 µL. Elle explore la colonisation extra-luminale et une partie de la colonisation endoluminale. Le seuil de colonisation est à 10 3 UFC/mL. La VPP reste modeste bien que supérieure à la technique de Maki. (Ss : 0,83 – Sp : 0,87 – VPP : 0,65 – VPN : 0,95 pour une préva-lence de 0,2). C’est la plus répandue en France.• La méthode originale de Cléri par l’introduction d’1 mL de bouillon stérile dans la lumière du cathéter et celle avec sonication pour décrocher les bactéries proposée par Sherertz, avec un seuil de significativité à 102 UFC/mL, sont les seules explorant à la fois la colonisation extra et intraluminale du cathéter.Si l’implantation de cathéter imprégné d’antibiotique ou d’antiseptique se répand en France, il sera probablement licite d’utiliser des milieux de culture contenant les inhibi-teurs adéquats (recommandation non publiée).

3.4.4. Interprétation des résultats microbiologiquesLe diagnostic d’une infection associée à un cathéter vas-culaire repose sur un faisceau d’arguments clinico-micro-biologiques. La communication des résultats microbio-logiques doit se faire avec toute la réserve qui s’impose quant à l’utilisation des seuils de significativité (utilisation du cathéter dans les 48 h précédentes pour administration d’une antibiothérapie avant l’ablation, désinfection de la peau avec un antiseptique majeur) et des conditions de prélèvements mal contrôlées dans un établissement hos-pitalier (volumes de sang non identiques, ou délai entre les 2 prélèvements > 10 minutes, délai d’acheminement).

3.5. Prévention des infections associées aux cathéters [5, 16]Les infections sur cathéters sont majoritairement d’origine exogène. C’est donc pour ce type d’infections associées aux soins, considérée comme « évitables », que l’efficacité des programmes de prévention est attendue. Les mesures sont nombreuses, répondant à différents niveaux de preuve selon les études scientifiques qui ont permis de les valider. Les mesures essentielles sont les suivantes :- restreindre la pose d’un cathéter vasculaire aux indica-tions pertinentes et en limiter la durée par une réévaluation fréquente (quotidienne pour les cathéters de courte durée) ;- former les professionnels qui insèrent et entretiennent ces cathéters vasculaires ;- respecter les conditions d’asepsie recommandées pour la pose et pour la manipulation, et particulièrement la désinfection des mains par friction hydroalcoolique et la préparation cutanée du site d’insertion. Privilégier les sites d’insertion à risque moindre de complications ;- changer les lignes de perfusion selon les recommanda-tions en vigueur en fonction du type de soluté perfusé.

Enfin, il est recommandé de ne pas administrer, ou ne pas modifier l’antibiothérapie en cours avant la réalisation des prélèvements.

3.4.2. Techniques diagnostiques « cathéter en place »En l’absence de syndrome infectieux sévère, ou en absence de signes locaux francs, ces techniques peuvent éviter le retrait prématuré et/ou inapproprié du cathéter (> 75 % des cas) [16].

3.4.2.1. Hémocultures appariéesCette approche diagnostique a un double objectif : mettre en évidence une bactériémie par ponction veineuse péri-phérique et documenter l’origine de la bactériémie comme étant le cathéter vasculaire par une hémoculture prélevée à partir du cathéter. Ces prélèvements doivent être réalisés simultanément (délai < 10 minutes).• Les hémocultures quantitatives appariéesCette méthode présente les meilleures performances dia-gnostiques mais a l’inconvénient de nécessiter une orga-nisation permettant l’ensemencement sans délai et des tubes spéciaux (type Isolator®). L’implication du cathéter est établie sur le ratio cathéter vasculaire/périphérie ≥ 3 à 7 après dénombrement bactérien de l’espèce commune dans les échantillons de sang correspondants. Elle explore la contamination intraluminale du cathéter (Sensibilité (Ss) : 0,87 – Spécificité (Sp) : 0,98 – Valeur prédictive positive (VPP) : 0,95 – Valeur prédictive négative (VPN) : 0,95).• Les hémocultures qualitatives appariées avec diffé-rentiel de délai de positivitéEn seconde intention, cette méthode apparemment simple implique de disposer d’un système automatisé à détec-tion continue, d’introduire le même volume de sang dans chacun des flacons (périphérique/cathéter vasculaire) et à les insérer rapidement et simultanément dans l’automate. C’est un point critique, difficile à maîtriser, qui constitue la principale limite de la méthode. L’hémoculture prélevée sur le cathéter doit se révéler positive au moins 2 heures avant celle prélevée en périphérie. Cette méthode a été validée sur différents types de patients mais sa valeur prédictive positive est modeste (Ss : 0,85 – Sp : 0,81 – VPP : 0,56 – VPN : 0,96 pour une prévalence de 0,2) [17, 18].

3.4.2.2. Ecouvillonnage du point d’insertion du cathéterUn écouvillonnage humide de 2 cm2 autour du site d’in-sertion est préconisé uniquement en cas de suspicion d’infection et en présence d’un exsudat [13]. Le seuil de significativité a été fixé à 15 UFC d’une même espèce. Elle explore uniquement la colonisation par voie extraluminale, donc est inutile pour les cathéters de longue durée. La valeur prédictive négative de cette méthode est bonne et permet d’exclure colonisation et/ou infection du cathéter. En cas de résultat positif, il peut s’avérer nécessaire d’étayer le diagnostic avec d’autres éléments.

3.4.3. Techniques diagnostiques après ablation du cathéter• Culture semi-quantitative de Maki [17]Le fragment de cathéter est roulé à la surface de la gélose. Cette technique n’explore donc que la colonisation extra-luminale et de fait, a été incomplètement validée pour les

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préférentiellement endogènes, à partir du méat urinaire vers l’urètre et la vessie, ou introduits dès la manœuvre invasive.• Par migration intraluminale quand des microorganismes pénètrent à l’intérieur du système de drainage fermé ou « système clos » : en cas de reflux des urines collectées vers la vessie au moment de la mobilisation du patient par exemple, ou lors de la violation du système de drainage au niveau de la connexion sonde-collecteur à urine, ou lors de la vidange sans précautions du collecteur : il s’agit alors d’une transmission croisée de microorganismes d’origine exogène, véhiculés par les professionnels de santé (manu-portage) et pouvant diffuser selon un mode épidémique.Ainsi, ce biofilm microbien s’installe en 24 à 72 heures après la pose de la sonde. Si certaines espèces bactériennes dotées d’une uréase (Proteus sp., Providencia, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa) sont présentes dans le biofilm, elles hydrolysent l’urée en ammoniac libre indui-sant une augmentation du pH urinaire et la précipitation de minéraux sous forme de cristaux de struvite ou d’hydroxya-patite qui s’incrustent sur la sonde. L’incrustation qui siège autour du ballonnet et dans la lumière de la sonde entraîne une réduction du canal de drainage et une stagnation des urines, favorisant ainsi la survenue de bactériurie. C’est une particularité du biofilm des sondes vésicales.La sonde favorise non seulement l’acquisition de l’infection mais aussi sa promotion, rendant l’arbre urinaire plus vul-

4. Risque infectieux associé aux dispositifs de drainage vésicaux (sonde urinaire…)

Trente pour cent des infections associées aux soins contrac-tées dans un établissement de santé sont des infections urinaires (IU) (soit 1,63 % des patients hospitalisés) [1]. Leur fréquence relative varie de 12 % (en réanimation) à 40 % (en SSR) selon le type de séjour et on estime qu’environ 80 % à 85 % des infections urinaires sont associées à la réalisation d’un acte de soins thérapeutique ou diagnostique sur la sphère urogénitale. En effet, on considère qu’entre 1 et 5 patients admis dans un court séjour seront expo-sés à un sondage vésical pendant leur séjour hospitalier.

4.1. Définition des infections urinaires associées aux soinsLa définition de l’infection urinaire (IU) a été révisée lors de la conférence de consensus SPILF-AFU [19] et adoptée par le CTINILS en 2007 [2]. Elle exclut désormais la bac-tériurie asymptomatique (ou colonisation) du champ de l’infection nosocomiale. L’IU associe la présence de signes cliniques et/ou fonctionnels (fièvre > 38°C, impériosité mictionnelle, pollakiurie, brûlure mictionnelle, ou douleur sus-pubienne) en l’absence d’autre cause, infectieuse ou non, à des critères biologiques définissant une uroculture positive (cf. § 4.4.2).Pour valider le diagnostic d’une IU associée aux soins sont vérifiés en pratique quotidienne, l’absence de signes d’in-fection urinaire à l’admission, la réalisation éventuelle d’un geste invasif sur l’arbre urinaire ou enfin, le changement de microorganisme en cause chez un malade admis avec une infection urinaire préexistante.

4.2. Physiopathologie des infections associées au sondage urinaireSauf dans les derniers centimètres de l’urètre distal où il est colonisé par les flores périnéale, digestive et génitale, le tractus urinaire humain est stérile. Plusieurs mécanismes de défense coexistent pour lutter contre l’envahissement de la vessie par des microorganismes : la longueur de l’urètre, les caractéristiques physico-chimiques de l’urine normale (pH, osmolarité et teneur en acides organiques) inhibant la croissance de la plupart des microorganismes, l’effet hydrodynamique des mictions et enfin les sécrétions urinaires inhibitrices de l’adhésion bactérienne (mucopoly-saccharides produits par les cellules vésicales et protéine de Tamm Horsfall).Le sondage vésical ou toute autre manœuvre invasive altère ces mécanismes physiologiques de défense et facilite la colonisation microbienne, première étape du développe-ment d’une infection urinaire sur sonde (IUSV).En dehors des rares acquisitions par voie hématogène ou lymphatique à partir d’une source endogène (ex : Staphy-lococcus aureus), deux modes d’acquisition des microor-ganismes par voie ascendante ont été décrits, pouvant s’associer chez un même patient sondé (figure 3) [20].• Par migration extraluminale dans le biofilm se développant sur la surface externe de la sonde, de microorganismes

Figure 3 – Sondage vésical : principales voies d’acquisition des microorganismes.

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au NHSN montrent des taux moyens comparables d’IUSV dans les réanimations variant de 3,1 à 7,4 IUSV/1000 jours de sondage [9]. Ces taux sont plus élevés dans les services en aval de la réanimation de 6,8 IUSV/1 000 en post-réa-nimation à 17 IUSV/1 000 jours en SSR [22]Bien que la mortalité et la morbidité des IUSV soit faible, la prévalence élevée du sondage vésical induit un nombre absolu élevé d’IUSV qui peuvent avoir des conséquences importantes au niveau collectif (réservoir massif de bac-téries « hospitalières » fréquemment multirésistantes aux antibiotiques et source d’infections croisées) mais aussi pour le patient atteint (facteur de comorbidité, facteur de risque pour l’infection sur prothèse orthopédique, évolu-tion vers l’infection chronique obstructive ou l’insuffisance rénale chronique…).

4.3.2. Microbiologie des infections urinaires associées au sondage urinaireLes microorganismes les plus fréquemment à l’origine des IUSV restent dans 60 % des cas les entérobactéries de la flore digestive du patient, native ou modifiée par l’exposition à une antibiothérapie, ou par transmission croisée, avec prédominance de E. coli [1]. Dans les réani-mations, après les entérobactéries, Pseudomonas aeru-ginosa (16 %), Candida (15 %) et les entérocoques (12 %) occupent une place non négligeable [7]. La fréquence des souches résistantes aux antibiotiques est plus élevée que dans les infections urinaires communautaires, constituant un véritable réservoir intra-hospitalier. L’IUSV survenant après un sondage de courte durée est davantage mono-microbienne. Lors des sondages de longue durée (> 30 jours), il existe de façon constante une bactériurie élevée (≥ 105 UFC/mL), et polymicrobienne (2 à 5 espèces) dans 80 % des cas.

4.3.3. Facteurs de risque des infections associées au sondage urinaireLa plupart des études se sont intéressées aux facteurs de risque d’une bactériurie associée à un acte invasif sur le tractus urinaire (tableau IV) [23]. Cette bactériurie est précurseur d’une infection urinaire symptomatique chez moins de 10 % des patients sondés, probablement en

nérable à l’infection dès lors que la vessie est colonisée : persistance de résidu à cause d’un drainage imparfait, action mécanique érosive sur la muqueuse urothéliale. Ceci a pour conséquence la persistance d’un risque infectieux après l’ablation du dispositif pendant au moins 48 heures, voire 7 jours selon les définitions françaises [2].

4.3. Épidémiologie des infections associées au sondage urinaireBien qu’en théorie la non-invasivité des prélèvements urinaires puisse faciliter la surveillance des IU associées aux soins, les séries épidémiologiques françaises publiées sont limitées. Cette surveillance est difficilement réalisable à partir du laboratoire de biologie car les renseignements cliniques indispensables à la distinction entre colonisation et IU sont rarement accessibles au biologiste. Une étude réalisée dans un hôpital gériatrique montrait que seuls 40 % de 204 ECBU analysés correspondaient à une véritable IU [21]. Pour déterminer l’incidence des IUSV pour 1 000 jours de sondage, considérée comme l’indicateur de référence pour en suivre l’évolution, le recueil de la date de pose mais aussi celle de l’ablation de la sonde est indispensable mais très contraignant à obtenir en continu sans l’infor-matisation du dossier du patient. Enfin, ces définitions sont d’application peu aisée dans les réanimations par exemple du fait de symptômes cliniques peu spécifiques ou difficiles à rechercher.

4.3.1. DescriptionLa dernière enquête de prévalence française révèle que 30,3 % des infections nosocomiales sont des IU, ce qui leur confère la première place chez les patients adultes hospi-talisés en soins de suite et de réadaptation (SSR), soins de longue durée (SLD), médecine, obstétrique, et la deuxième place en réanimation et en chirurgie respectivement der-rière les pneumopathies et les infections du site opératoire.En terme d’incidence rapportée au nombre de jours de sondage vésical, les données de surveillance du réseau REA-RAISIN 2007 font état de 6,5 USV pour 1 000 jours de sondage, avec 84 % de malades adultes sondés en réanimation pour une durée moyenne d’exposition de 11 jours. Les données américaines des hôpitaux participant

Tableau IV – Facteurs modifiables et non modifiables favorisant la survenue d’une bactériurie (d’après [22, 23]).

Modifiables Non modifiables

Facteur RR Facteur RR

Durée de sondage > 6 jours 5,1 - 6,8 Sexe féminin 2,5 - 3, 7

Mise en place sonde en dehors du bloc opératoire 2,0 - 5,3 Autres sites infectés 2,3 - 2,4

Hospitalisation dans un service d’urologie ou d’orthopédie 2,0 - 4,0 Dénutrition 2,4

Collecteur au-dessus du niveau de la vessie 1,9 Diabète 2,2 - 2,3

Sondage uniquement pour mesure de la diurèse 2,0 Insuffisance rénale 2,1 - 2,6

Désolidarisation sac de recueil-sonde 1,2 - 3,0 Stent urétéral 2,5

Administration d’antibiotique au moment du geste 0,1- 0,4 Pathologie urologique (rétention, lithiase, incontinence)

Non-observance des mesures d’asepsie adaptées à l’acte Bactériurie asymptomatique au moment du geste invasif

Age supérieur à 50 ans

Vessie neurologique

RR : risque relatif.

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• Appliquer les protocoles d’insertion et de mainte-nance des sondes.- Poser la sonde dans des conditions d’asepsie rigoureuse.- Utiliser un système de drainage clos pendant toute la durée du sondage (pas de déconnexion).Le changement systématique de la sonde vésicale n’est pas une mesure de prévention et n’est pas recommandé.

5. Pneumopathies acquises sous ventilation mécanique

Les pneumopathies associées aux soins représentent environ 15 % des infections nosocomiales et occupent, avec les infections du site opératoire, le deuxième rang des sites infectés [1]. Leur incidence varie entre 0,5 à 1 cas pour 100 admissions, et augmente de 6 à 20 fois chez les patients, adultes ou enfants, sous ventilation mécanique. Ce qui place les pneumopathies acquises sous ventilation au 1er rang des infections nosocomiales en réanimation avec une incidence variant entre 1 et 4 épisodes pour 1 000 jours de ventilation. Les patients atteints de ces pneumopathies nécessitent une ventilation mécanique et un séjour prolongés ainsi que des antibio-thérapies souvent lourdes, responsables d’un surcoût non négligeable. La mortalité attribuable aux PAVM pourrait excéder 10 % [26, 27, 28].

5.1. DéfinitionsUne pneumopathie acquise sous ventilation mécanique (PAVM) correspond à « toute pneumonie associée aux soins, survenant chez un malade dont la respiration est assistée par une machine, soit de manière invasive par l’intermé-diaire d’un tube endotrachéal ou d’une trachéotomie, soit de manière non invasive par l’intermédiaire d’un masque facial ou d’un autre procédé, dans les 48 heures précédant la survenue de l’infection » [2]. Une PAVM est considérée comme liée à l’intubation si elle survient 48 heures après le début de l’intubation et moins de 2 jours après l’extubation. À l’opposé, la pneumonie d’inhalation, favorisée par des troubles de la conscience ou de la déglutition, contractée avant l’admission dans un établissement de santé et non liée aux soins initiaux, est stricto sensu exclue du champ des infections associées aux soins car considérée comme en incubation lors de la prise en charge. En France, la défi-nition épidémiologique de la PAVM certaine ou probable repose sur des éléments clinico-radiologiques, associés à une documentation microbiologique, soit quantitative réalisée à partir de prélèvements protégés (cas 1), ou non protégés (cas 2), ou sur des méthodes microbiologiques alternatives (cas 3). L’association de ces différents critères est impérative pour distinguer la PAVM de la colonisation trachéale, de la trachéo-bronchite ou de modifications de l’état clinique résultant d’autres mécanismes patho-logiques (figure 4).La stratégie diagnostique des PAVM n’a toujours pas fait l’objet d’un consensus puisque certaines équipes utilisent un score de suspicion clinique associée à des cultures semi-quantitatives des sécrétions trachéales [28, 29].

raison de la décompression et du drainage permanent obtenu par le sondage [24]. Certains de ces facteurs de risque sont accessibles à des stratégies de prévention telle la durée de sondage vésical.Avant le développement du système clos, la bactériurie, qu’elle soit ou non symptomatique, était systématique après 3 jours de drainage ouvert. Avec un système clos, le risque de survenue d’une IUSV est stable dans les 2 ou 3 premiers jours de sondage puis s’accroît de 5 % par jour de sondage supplémentaire [19].Les facteurs de risque des bactériémies associées à une IUSV sont encore moins clairement définis car elles sont rares (moins de 4 % des IUSV) [22].

4.4. Diagnostic biologique d’une infection urinaire sur sonde

4.4.1. Conditions optimales de prélèvementLe prélèvement d’urine ne doit jamais être réalisé dans le sac collecteur, ni par déconnexion de la sonde. L’urine doit être recueillie par ponction « sans aiguille », après désin-fection, au niveau du site de prélèvement spécifique situé sur la tubulure du collecteur, et si possible au moment du changement de sonde pour une meilleure représentativité des espèces effectivement présentes dans la vessie.L’usage d’un système de recueil sous vide contenant un stabilisateur (tel l’acide borique) permet la conservation sans modification notable de la bactériurie et de la leuco-cyturie pendant l’acheminement au laboratoire.

4.4.2. Les critères de définition d’une uroculture positiveLe seuil de détection d’une bactériurie asymptomatique est de 102 UFC/mL d’urine collectée par voie basse (ense-mencement 10 µL sur gélose). Sur des urines obtenues par ponction vésicale sus-pubienne (geste invasif), le seuil de détection de la bactériurie doit être réduit à 10 UFC/mL (ensemencement 100 µL sur gélose) [24, 25].Les seuils diagnostiques significatifs sont controversés. Certains auteurs considèrent qu’il faut prendre en compte toute numération au-delà de 103 UFC microorganismes/mL, ceux-ci évoluant rapidement vers des numérations plus élevées en absence d’intervention. En France, un dénom-brement de germes urinaires ≥ 105 UFC/mL avec au plus 2 microorganismes différents définit une IUSV sur des urines recueillies par voie basse, en présence d’un sondage vésical ou d’un autre abord de l’arbre urinaire, en cours ou effectif dans les 7 jours précédents. Dans ce contexte, la leucocyturie résulte de l’action mécanique de la sonde ou de l’acte et perd toute valeur diagnostique.

4.5. Prévention des infections urinaires associées au sondage urinaire• Éviter le sondage vésical abusif.- Restreindre aux indications pertinentes en hospitalisation ou en péri-opératoire.- Préférer les alternatives au sondage (mesures du résidu vésical par échographie, sondage évacuateur intermittent, étui pénien, cathéter sus-pubien).- Veiller à l’ablation précoce de la sonde en utilisant des actions mnémotechniques.

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5.2. Physiopathologie des pneumopathies acquises sous ventilation mécaniqueChez le sujet sain, les voies aériennes inférieures et les alvéoles pulmonaires sont régulièrement soumises à une contamination microbienne à laquelle s’opposent différents mécanismes de défense : mouvements mucociliaires, sécré-tions locales d’immunoglobulines, activité macrophagique alvéolaire. En cas d’altération ou de débordement de ces multiples mécanismes de défenses, situation fréquente chez les hospitalisés et aggravée par la pathologie sous-jacente, l’invasion – bactérienne, virale ou fongique – des voies respiratoires inférieures et du parenchyme pulmo-naire normalement stériles, provoque une pneumopathie (figure 5).• Le mécanisme d’acquisition principal est la micro-inhala-tion de sécrétions contenant des microorganismes patho-gènes, endogènes ou exogènes (transmission croisée à partir d’un autre patient ou de l’environnement), coloni-sant les voies aériennes supérieures et digestives. Cette colonisation est favorisée par la présence de la sonde d’intubation endotrachéale qui court-circuite la barrière naturelle entre oropharynx et trachée, altère la clairance mucociliaire et inhibe le réflexe de toux. Le ballonnet de la sonde d’intubation n’assure pas une étanchéité parfaite entre le carrefour oropharyngé et les voies aériennes proxi-males. Il autorise ainsi la micro-inhalation des sécrétions potentiellement infectieuses accumulées dans la partie postérieure de l’oropharynx (100 à 150 ml par jour) en raison des troubles de la conscience et/ou de la réduction des réflexes du carrefour oropharyngé. L’intubation peut aussi léser l’épithélium de la muqueuse trachéale et en faciliter la colonisation.Si la source principale de ces microorganismes poten-tiellement pathogènes est l’oropharynx, la colonisation gastrique, favorisée par une augmentation du pH et la présence éventuelle d’une sonde naso-gastrique, consti-tue également un réservoir microbien. Ce phénomène est

Figure 5 – Intubation endotrachéale : principales voies d’acquisition des microorganismes.

Figure 4 – Critères de définition des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique [2].

Signes radiologiques- Deux clichés radiologiques ou plus avec une image évocatrice de pneumopathie. - En l’absence d’antécédents de cardiopathie ou de maladie pulmonaire sous-jacentes,

une seule radiographie ou un seul examen scannographique suffit.

Et au moins 1 des signes suivants- Hyperthermie > 38°C sans autre cause- Leucopénie (< 4 000 GB/mm3) ou hyperleucocytose (> 12 000 GB/mm3)

Et au moins 1 des signes suivants

- Apparition de sécrétions purulentes ou modifications des caractéristiques (couleur, odeur, quantité, consistance)

- Toux ou dyspnée ou tachypnée- Auscultation évocatrice- Aggravation des gaz du sang (désaturation) ou besoins accrus en oxygène ou en

assistance respiratoire

Et selon le moyen diagnostique utilisé

Cas 1. Cas 2. Cas 3. Méthodes microbiologiques alternatives

Diagnostic bactériologique effectué par examen bactériologique protégé avec numération de micro-organismes :- lavage broncho-alvéolaire (LBA) avec seuil

> 104 UFC/mL, ou- ≥ 2 % des cellules obtenues par LBA avec des

inclusions bactériennes au Gram à l’examen direct (classé dans la catégorie diagnostique LBA), ou

- brosse de Wimberley avec seuil > 103 UFC/mL- prélèvement distal protégé (PDP) avec seuil

> 103 UFC/mL.

Diagnostic bactériologique effectué par examen bactériologique non protégé (aspiration trachéale non protégée chez le malade intubé) avec numération de micro-organismes : - bactériologie quantitative des

sécrétions bronchiques avec seuil > 106 UFC/mL

Ces seuils ont été validés en l’absence d’antibiothérapie antérieure.

- Hémocultures positives (en l’absence d’autre source infectieuse)

- Culture positive du liquide pleural- Abcès pleural ou pulmonaire avec culture positive- Examen histologique du poumon évocateur de

pneumonie- Méthodes microbiologiques alternatives

modernes de diagnostic (antigénémies, antigénuries, sérologies, techniques de biologie moléculaire) validées par des études de niveau de preuve élevé.

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à la méticilline…) sont souvent présentes dans la flore oropharyngée commensale. Ces pneumopathies sont la conséquence d’une macro-inhalation lors de l’intubation. Elles sont habituellement moins sévères et de meilleur pronostic que les PAVM tardives. Ces dernières sont causées par une flore modifiée, composée de bacilles à Gram négatif type entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa ou Acinetobacter dont la sensibilité peut être modifiée par l’existence d’une antibiothérapie préalable à large spectre [33]. L’épidémiologie des PAVM présente souvent des spécificités locales dont les cliniciens doi-vent disposer.

5.3.3. Facteurs de risque des pneumopathies acquises sous ventilation mécaniqueLa PAVM cumule les facteurs de risque contribuant à l’al-tération des mécanismes de défense, ceux à l’origine de l’acquisition de bactéries multirésistantes et ceux aggravant la colonisation respiratoire ou gastrique [32].• Facteurs non modifiables, liés au patient : les âges extrêmes, les comorbidités associées (pathologie pul-monaire chronique, tabagisme, obésité,…), les troubles de la conscience, une dénutrition préalable à l’admission, un reflux gastro-œsophagien, l’altération des réflexes du carrefour oropharyngé, l’immunodépression, les hospita-lisations fréquentes ou prolongées sont les facteurs les plus souvent retrouvés [34].• Les facteurs modifiables, liés à la prise en charge médi-cale sont essentiellement :- la sonde endotrachéale, la sonde nasogastrique, la séda-tion et la position déclive du patient ;- l’usage d’équipements de ventilation mal désinfectés ;- l’alcalinisation gastrique, l’administration préalable d’une antibiothérapie prolongée, l’aggravation de la dénutrition ;- et la non-observance de la prévention de la transmis-sion croisée.

5.4. Diagnostic microbiologique des pneumopathies acquises sous ventilation mécaniqueLe diagnostic des PAVM est souvent difficile et subjectif. La suspicion repose sur un faisceau d’arguments cliniques et radiologiques non spécifiques (fièvre, hyperleucocy-tose, sécrétions purulentes, apparition d’un infiltrat). Les recommandations préconisent, à chaque fois que cela est possible, de s’assurer de la présence d’arguments microbiologiques [27, 31].

5.4.1. Conditions optimales de prélèvementLes prélèvements effectués en vue de contribuer au dia-gnostic d’une PAVM doivent être protégés de la contamina-tion salivaire contenant la flore oropharyngée commensale. Seuls les dispositifs de prélèvements conçus à cet effet, double cathéter ou brosse de Wimberley obturés par un bouchon de polyéthylène glycol résorbable, permettent de réaliser des prélèvements distaux protégés, pour un risque de contamination résiduel d’environ 10 % des pré-lèvements [35].Deux stratégies diagnostiques peuvent être appliquées, prélever « à l’aveugle » [36], ou de manière invasive sous contrôle fibroscopique, supérieure en terme d’usage rai-

aggravé par le reflux gastro-œsophagien et par la séda-tion. Enfin, la responsabilité du biofilm se constituant sur la sonde d’intubation dans la physiopathologie des PAVM est encore mal élucidée [28, 30].• Plus accessoirement, l’invasion des voies respiratoires inférieures non protégées peut aussi avoir pour origine la contamination du matériel de ventilation, de nébulisation ou de fibroscopie, l’air ambiant ou l’eau du réseau. L’aé-rosolisation de germes dans les voies respiratoires est le mécanisme impliqué dans les pneumopathies associées à une contamination du circuit du respirateur et/ou du nébulisateur. L’observance des recommandations pour la prédésinfection et la stérilisation des matériels de ventilation et l’utilisation de matériel à usage unique, ont permis la diminution importante de la part de ce mécanisme d’in-fection dans les conditions normales d’utilisation et de maintenance. La contamination des circuits de ventilation suit, plutôt qu’elle ne précède, la colonisation des voies aériennes supérieures. Cette voie d’acquisition est rare, excepté au cours d’infections virales (virus respiratoire syncitial, virus grippal), ou de légionellose, aspergillose ou tuberculose.• Une troisième voie probablement marginale est l’infec-tion par continuité (pleurésie purulente, médiastinite) ou à partir d’un foyer à distance avec constitutions d’embolies pulmonaires septiques lors de septicémies à Staphylococ-cus aureus ou à Pseudomonas.

5.3. Épidémiologie et facteurs de risque des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique

5.3.1. DescriptionLes PAVM atteignent 10 à 20 % des patients, adultes ou enfants, sous ventilation mécanique. Chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale abdominale ou thoracique, le risque de PAVM est multiplié par 2, du fait des altérations des mécanismes de défense naturels du tractus respiratoire induits par l’intervention chirurgicale elle-même. Les taux les plus élevés (> 50 %) sont obser-vés chez les patients intubés et soumis à une ventilation mécanique prolongée, par exemple au cours du syndrome de détresse respiratoire aigu de l’adulte. Elles sont alors polymicrobiennes dans la plupart des cas.Le risque de développer une PAVM est estimé à 3 % par jour de ventilation durant les 5 premiers jours de ventila-tion, puis 2 % par jour entre J5 et J10, et enfin de 1 pour 100 jours-patients de ventilation au cours de la ventilation prolongée [31]. Chez les patients opérés, le risque de pneumopathie postopératoire est multiplié par 4 lorsque la durée de la chirurgie (et de l’intubation) est supérieure à 2 heures.

5.3.2. Microbiologie des pneumopathies acquises sous ventilation mécaniqueLes microorganismes en cause varient en fonction du délai de survenue de la PAVM par rapport à l’intubation [32].Dans les PAVM survenant précocement (< 5 jours de ventilation), les espèces bactériennes habituellement responsables (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Escherichia coli, staphylocoque doré sensible

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Dossier scientifique

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semblables pour les différents prélèvements dès lors que leur « qualité » a été vérifiée (tableau V) [35].

5.5. Prévention des pneumopathies acquises sous ventilation mécaniqueÀ côté des précautions standard visant à prévenir la trans-mission croisée des microorganismes et l’usage raisonné de l’antibiothérapie pour limiter l’émergence des bactéries multirésistantes, les efforts de prévention peuvent être dirigés selon 3 axes majeurs [27, 28, 31, 37] :- limiter l’exposition au risque en privilégiant la ventilation non invasive, en réduisant la durée de ventilation mécanique par des protocoles de sevrage et en évitant extubations non programmées et/ou réintubations ;- limiter la colonisation bactérienne des voies aériennes supérieures et digestives en préférant l’intubation orotra-chéale, en effectuant régulièrement des soins oropharyngés antiseptiques, en réservant la prophylaxie antiulcéreuse aux patients à haut risque d’ulcère de stress ;- prévenir l’inhalation en installant le patient en position demi-assise (30°), en vérifiant régulièrement la pression du ballonnet de la sonde endotrachéale, en aspirant les sécrétions sous-glottiques.

6. Conclusion

Compte tenu de l’importance épidémiologique, de la mor-talité et de la morbidité attribuées aux infections associées aux dispositifs invasifs, des programmes de surveillance rigoureux devraient être proposés à tous les établissements de soins, avec des instructions précises et standardisées pour les recueils des cas d’infections et du nombre de jours d’exposition. Disposer de l’incidence de ces infections « évitables » est indispensable à l’évaluation du respect et de l’impact des mesures préventives.Le facteur de risque majeur de ces infections étant la durée d’exposition au dispositif, obtenir un consensus sur les indications pertinentes et veiller à la justification du maintien du dispositif constituent un axe de prévention de ces infections associées aux dispositifs invasifs.

Conflit d’intérêt : aucun.

sonné d’antibiotiques mais dont les conséquences pour le patient restent controversées ainsi que le coût et la difficulté d’application en routine [31].Le prélèvement doit être acheminé dans les 2 heures au laboratoire [35]. Plusieurs études ayant établi un lien entre la rapidité de l’administration d’un traitement anti-infectieux adapté et le pronostic de la PAVM, le prélèvement effectué avant administration de l’antibiothérapie probabiliste peut être conservé quelques heures à + 4°C.

5.4.2. InterprétationLa qualité du prélèvement, c’est-à-dire l’absence de conta-mination par les sécrétions oropharyngées s’évalue lors de l’examen microscopique par la quantification des cel-lules épithéliales buccopharyngées et celle des cellules bronchiques.[35]Le laboratoire devra effectuer des cultures quantitatives des sécrétions broncho-pulmonaires ou des prélèvements distaux, et interpréter les résultats en fonction des seuils de positivité retenus pour le prélèvement traité. La sensibilité et la spécificité, déterminées par rapport à l’histologie, sont

Tableau V – Sensibilité et spécificité des prélèvements réalisables pour le diagnostic d’une pneumopathie acquise

sous ventilation mécanique [35].

Type de prélèvement

Contrôle fibro-

scopique« Protégé »

Seuil de signifi- cativité

Sensibilité (%)

moyenne ± ET

(extrêmes)

Spécificité (%)

(extrêmes)

Brossage bronchique protégé ou prélèvement distal protégé

+ oui10 3

UFC/mL66 ± 19(33-100)

90 ± 15(50-100)

Lavage broncho-alvéolaire

+ non10 4

UFC/mL73 ± 18(42-93)

82 ± 19(45-100)

Mini-lavage ou prélèvement distal protégé (PDP)

- oui10 3

UFC/mL80

(63-100)85

(66-96)

Aspiration endo-trachéale

- non10 6

UFC/mL76 ± 9(38-82)

75 ± 28(72-85)

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