Référer un cheval en coliques : quelles sont les questions ...affections en pratique vétérinaire...

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1 Bull. Soc. Vét. Prat. de France, novembre/décembre 2008, T. 92, n o 4 C ommunication Référer un cheval en coliques : quelles sont les questions à se poser ? par Xavier Gluntz Docteur vétérinaire Lauréat de l’Académie vétérinaire de France, Clinique vétérinaire du Lys, Dammarie-les-Lys L es coliques représentent l’une des principales affections en pratique vétérinaire équine et l’une des toutes premières causes de mortalité chez les chevaux. D’après différentes études rétrospectives réalisées au cours de ces dernières années, le taux de mortalité due à cette affection varie dans le monde entre 3 et 15 %. Elles sont ainsi redoutées à juste titre, que ce soit par les professionnels de la santé animale que nous sommes, ou par tous les gens s’occupant de chevaux, du simple propriétaire amateur au professionnel le plus avisé. Face à un cheval en coliques, le vétérinaire traitant procède à un examen clinique le plus complet possible, lui permettant parfois d’établir un diagnostic causal précis. Cependant, selon diverses études rétrospectives, un diagnostic spécifique ne peut pas être établi dans 72 à 92 % des cas de coliques. La plupart de ces cas sont fort heureu- sement bénins et rétrocèdent soit spontanément, soit après la mise en place d’un traitement symptomatique. Les autres cas nécessitent une gestion plus approfondie, et parfois leur hospita- lisation pour des examens complémentaires, des soins médicaux intensifs ou encore une inter- vention chirurgicale après réévaluation du cheval à son arrivée en clinique. Pourquoi référer un cheval en coliques ? Le vétérinaire traitant doit se poser les bonnes questions, et il est important qu’il comprenne que la décision de référer un cheval en coliques est différente de celle de l’opérer. En effet, sur le terrain, différentes circonstances peuvent conduire le praticien à envoyer le cheval malade vers une clinique spécialisée, sans pour autant qu’il subisse systématiquement une intervention chirurgicale. Ainsi, les animaux nécessitant d’être référés peuvent être regroupés en trois catégories diffé- rentes : – Le premier groupe inclut les chevaux pour lesquels les conditions de terrain ne sont pas favorables à l’établissement d’un diagnostic, d’un pronostic ou d’un traitement médical cor- rects. Ainsi, certains actes ne sont pas toujours

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C o m m u n i c a t i o n

Référer un cheval en coliques :quelles sont les questions à se poser ?

par Xavier GluntzDocteur vétérinaire Lauréat de l’Académie vétérinaire de France, Clinique vétérinaire du Lys, Dammarie-les-Lys

L es coliques représentent l’une des principalesaffections en pratique vétérinaire équine etl’une des toutes premières causes de mortalité

chez les chevaux. D’après différentes étudesrétrospectives réalisées au cours de ces dernièresannées, le taux de mortalité due à cette affectionvarie dans le monde entre 3 et 15 %. Elles sontainsi redoutées à juste titre, que ce soit par lesprofessionnels de la santé animale que noussommes, ou par tous les gens s’occupant dechevaux, du simple propriétaire amateur auprofessionnel le plus avisé.

Face à un cheval en coliques, le vétérinaire traitantprocède à un examen clinique le plus completpossible, lui permettant parfois d’établir undiagnostic causal précis. Cependant, selon diversesétudes rétrospectives, un diagnostic spécifique nepeut pas être établi dans 72 à 92 % des cas decoliques. La plupart de ces cas sont fort heureu-sement bénins et rétrocèdent soit spontanément,soit après la mise en place d’un traitementsymptomatique. Les autres cas nécessitent unegestion plus approfondie, et parfois leur hospita-lisation pour des examens complémentaires, des

soins médicaux intensifs ou encore une inter-vention chirurgicale après réévaluation du cheval àson arrivée en clinique.

Pourquoi référer un cheval en coliques ?

Le vétérinaire traitant doit se poser les bonnesquestions, et il est important qu’il comprenne quela décision de référer un cheval en coliques estdifférente de celle de l’opérer. En effet, sur leterrain, différentes circonstances peuvent conduirele praticien à envoyer le cheval malade vers uneclinique spécialisée, sans pour autant qu’il subissesystématiquement une intervention chirurgicale.Ainsi, les animaux nécessitant d’être référéspeuvent être regroupés en trois catégories diffé-rentes :– Le premier groupe inclut les chevaux pour

lesquels les conditions de terrain ne sont pasfavorables à l’établissement d’un diagnostic,d’un pronostic ou d’un traitement médical cor-rects. Ainsi, certains actes ne sont pas toujours

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réalisables en toute sécurité sur le terrain,comme la palpation transrectale et le sondagenasogastrique, et peuvent devenir à haut risquesi la personne qui tient le cheval est incompé-tente, ou si les locaux sont inadaptés. D’autresexamens complémentaires peuvent ne pas êtreréalisés sur place en raison de difficultés liées aumatériel utilisé. Par exemple, la plupart dutemps, une échographie abdominale transpa-riétale ne peut être réalisée sur place que s’il y aune source de courant : pour cette raison, cetexamen sera rarement effectué sur des chevauxau pré. Même s’il est possible de réaliser sur leterrain des radiographies abdominales et desgastroscopies chez les poulains, il est plus faciled’effectuer ces examens complémentaires enclinique, et donc de référer ces animaux dans cebut. En fonction des affections rencontrées,certains chevaux peuvent avoir besoin detraitements médicaux réguliers et/ou plus oumoins lourds à mettre en œuvre, sans qu’il soittoujours possible de les exécuter à domicile.C’est par exemple le cas des chevaux nécessitantd’être perfusés, en raison d’une surcharge ducôlon ascendant rebelle aux traitementsclassiques, d’une déshydratation avancée… Deschevaux de grande valeur, que celle-ci soitaffective ou financière, pour lesquels lespropriétaires ne veulent courir aucun risque,peuvent également être hospitalisés, simplementpour une surveillance accrue de l’évolution descoliques. Tous ces chevaux peuvent être référésen clinique pour y recevoir des soins médicauxappropriés, sans être opérés.

– Le deuxième groupe comprend les chevauxpour lesquels une intervention chirurgicale estimpérative. Cette décision peut être dictée parl’établissement d’un diagnostic causal précis,comme c’est le cas pour les animaux présentantune hernie inguinale étranglée. Le vétérinairetraitant peut également arriver à cette conclusionen raison de la présence d’éléments cliniques enfaveur d’un traitement chirurgical indiscutables,comme par exemple l’augmentation d’épaisseurde la paroi de l’intestin grêle ou du côlonascendant visualisée grâce à l’échographie, etsignant un œdème pariétal accompagnant lesobstructions intestinales étranglées. Enfin, uneétude récente (2005) a montré que, lorsqu’undiagnostic spécifique ne peut pas être établi,une douleur persistante ou une reprise rapidede celle-ci suite à l’administration d’analgésiquesdoit être considérée comme un indicateur de lanécessité d’une chirurgie (cf. figure 1).

– Le troisième et dernier groupe comprend leschevaux pour lesquels l’examen clinique réaliséfait ressortir un ou plusieurs éléments anormaux(cf. tableau I), sans qu’un diagnostic causalprécis puisse être émis. Ces paramètresanormaux ne permettent pas non plus d’établirclairement si le traitement doit être médical ouchirurgical. Lorsque le vétérinaire traitant décidede réexaminer le cheval quelques heures plustard, il doit s’attacher à réaliser un secondexamen clinique aussi complet que le premier

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Figure 1 – Cheval présentant une douleur sévère, transpirantabondamment et se roulant violemment.

Tableau I Paramètres cliniques indiquant la nécessité de référer un cheval

en coliques (d’après T. Mair).

Absence de réponse de la douleur à l’administration d’antalgiques

Reprise d’une douleur forte et continue après l’administration d’antalgiques

Persistance d’une fréquence cardiaque élevée, supérieure à 60 battementspar minute

Augmentation progressive et régulière de celle-ci

Détérioration progressive du statut cardio-vasculaire, avec des muqueusessales, rouges plus ou moins foncées, et un temps de remplissage capillaireaugmenté (> 2 secondes)

Palpation transrectale anormale, douloureuse ou révélant la présence d’ansesd’intestin grêle dilatées, de bandes charnues (cæcum ou côlon) tendues, untympanisme du cæcum ou du côlon, un déplacement du côlon, …

Absence de borborygmes à l’auscultation abdominale (silence abdominal)

Persistance d’un reflux gastrique

Augmentation progressive de la circonférence abdominale

Liquide de paracentèse abondant, de coloration jaune trouble à séro-sanguinolent

Coliques persistant plus de 24 heures sans qu’un diagnostic n’ait été établi

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afin de pouvoir comparer l’évolution de chacunde ces paramètres. En cas de détérioration del’un d’entre eux, il est préférable d’hospitaliser lecheval dans les plus brefs délais afin de lui évitertoute perte de chance. Cette décision ne doitjamais être considérée comme inutile, même sile cheval ne nécessite que des soins médicaux.De plus, le transport précoce d’un chevalprésentant une douleur abdominale vers unestructure possédant un bloc opératoire nesignifie pas nécessairement que le cheval subiraune intervention chirurgicale. A son arrivée danscette structure, l’animal est réévalué, desexamens complémentaires non réalisables sur leterrain sont mis en œuvre afin d’essayer d’affinerle diagnostic et le pronostic. En raison du grandnombre de cas de coliques traités, les cliniciensde la structure spécialisée en pathologieabdominale ont davantage d’expérience et derecul pour évaluer au plus juste chaque casréféré, et ainsi différer une intervention chirur-gicale, ou au contraire estimer qu’il faut opérerau plus vite. Le vétérinaire qui réfère ne doitjamais se sentir embarrassé d’avoir envoyé uncheval en coliques par excès. Aucune équipechirurgicale ne lui reprochera d’avoir référé uncheval en coliques sévères, dont l’état s’estamélioré durant le transport, et qui, dès lors, nenécessite pas d’être opéré. A l’inverse, attendrel’accumulation de symptômes alarmants pourréférer peut être dommageable pour l’animal etainsi compromettre ses chances de survie. De lamême manière, pas un seul propriétaire n’envoudra à son vétérinaire d’avoir référé par excèsson cheval vers une clinique spécialisée enchirurgie abdominale lorsque celui-ci n’estfinalement pas opéré. Après que le cheval auraété réexaminé par l’équipe chirurgicale, laplupart des propriétaires seront au contrairesoulagés d’apprendre que leur animal nenécessite pas de chirurgie lourde – et coûteuse –et pourra récupérer après la mise en place d’untraitement uniquement médical. Comme lesouligne Trent (1988), «il est plus bénéfique pourle patient, le client et la réputation du vétérinairetraitant de référer un cas de coliques par excèsque de référer trop tard un cas chirurgical» dontla seule issue sera l’euthanasie. C’est pourquoi,dans le doute, il est préférable de référer.

Nous allons reprendre un par un les différentsparamètres cliniques cités dans le tableau I, enessayant d’expliquer en quoi leurs variations sontdes indications pour diriger un cheval en coliquesvers une structure spécialisée en pathologieabdominale.

Quels sont les éléments liés à la douleur permettant de référer ?

L’expression de la douleur chez les chevaux encoliques représente l’un des paramètres les plusimportants, mais également l’un des plus subtils àconsidérer.

L’intensité de la douleur, et plus encore la réponsede celle-ci aux analgésiques utilisés, constituevraisemblablement le paramètre le plus révélateurde la gravité des coliques. En première approche,il convient donc de retenir que plus l’affection estsévère, plus la douleur est importante et continue.Ainsi, lors du premier examen clinique, un chevalen coliques présentant une douleur sévère,continue et ne répondant à aucun traitement peutêtre référé sur ce seul paramètre.

Cependant, il faut essayer de trouver la cause detoute douleur sévère : cela peut être une distensionextrême d’une partie du tractus digestif (parexemple, lors de dilatation gastrique ou detympanisme du cæcum, que l’on peut soulager enréalisant un sondage nasogastrique dans lepremier cas ou en effectuant un trocardage dans lesecond), ou encore une traction sur les mésentères(cas des déplacements du côlon) pouvant néces-siter une chirurgie. Lorsque le vétérinaire traitantne trouve aucune raison à une douleur sévère etcontinue, il convient d’envoyer le cheval vers uncentre de référence. En effet, l’affection à l’originedes coliques peut être un début d’obstructionétranglée (par exemple, une hernie interne, telleque l’incarcération d’une anse d’intestin grêle dansle foramen épiploïque), dont les symptômes decompromission vasculaire n’apparaissent pasencore à l’examen clinique, hormis cette douleurintense. Cela est d’autant plus vrai lors du secondexamen d’un cheval en coliques, qui manifesteune reprise d’une douleur forte et continue, et ce,malgré l’administration d’antalgiques.

Pourtant, si dans la majorité des cas, l’intensité dela douleur va de pair avec la sévérité de l’affection,il existe de nombreuses exceptions. La douleurpeut en effet s’exprimer de différentes manières,en fonction de l’affection rencontrée, de l’étatd’avancement de celle-ci mais également enfonction du tempérament de chaque animal,certains chevaux étant plus stoïques vis-à-vis de ladouleur et/ou la tolérant mieux que d’autres, ainsiqu’en fonction de variations spécifiques et raciales.C’est pourquoi l’expérience nous a appris à relierles caractères de la douleur avec d’autres para-mètres cliniques, comme le descriptif de l’animal

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(en particulier son âge et sa race) et son statutcardio-vasculaire. Par exemple, il convient de sesouvenir que certaines catégories de chevaux(poneys, vieux chevaux, chevaux de trait, …)(cf. figure 2) n’extériorisent que très peu la dou-leur. Face à de tels animaux, le praticien attacheraune attention toute particulière aux différentsparamètres cliniques, notamment à ceux dusystème cardio-vasculaire, et n’hésitera pas à lesréférer lors de dégradation de celui-ci.

Enfin, sur le terrain, nous confrontons lescaractères de la douleur initiale décrite avec ceuxque nous observons. Nous recherchons égalementtrès attentivement des éléments pouvant traduiredes épisodes de douleur intense lors de crisesantérieures : l’environnement du cheval (parexemple, l’état du box), la surface de son corpsséchée, ou la présence d’escarres, même infimes,au niveau des reliefs osseux de la tête, du corps etdes membres (cf. figures 3 et 4). Ces observationspeuvent en effet être les seuls signaux d’alarmelors des premiers stades d’une obstruction étran-glée de l’intestin grêle chez certains chevaux, enparticulier chez ceux cités ci-dessus. Là encore, detelles indications peuvent être en faveur d’unehospitalisation pour la réalisation d’examenscomplémentaires et/ou la surveillance de l’évo-lution des paramètres cliniques.

Si des analgésiques ont été administrés, nous éva-luons si ce traitement a permis une améliorationou une rémission de la douleur ou si il a ététotalement inefficace. Dans ce dernier cas, ilconvient de référer le cheval.

Quelles sont les variations péjoratives de la fréquence cardiaque ?

Une fréquence cardiaque élevée et/ou sonaugmentation progressive et régulière est uneindication objective de la gravité des coliques,contrairement à l’expression de la douleur, commenous venons de le voir. Ainsi, en cas de doute surla véracité de la douleur, il convient de s’enremettre à la mesure de la fréquence cardiaque,ainsi qu’à la force du pouls. Confronté au reste del’examen clinique (par exemple, la présence oul’absence d’escarres, l’existence ou non d’un refluxgastrique, les indications fournies par la palpationtransrectale, …), l’existence de telles modificationsde ce paramètre est un élément suffisant à lui seulpour référer un cheval en coliques.

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Figure 2 – Vieux poney en coliques ne manifestant aucunedouleur.

Figure 4 – Escarres sur les reliefs osseux du corps.

Figure 3 – Escarres sur les reliefs osseux de la tête, signant unépisode antérieur de douleur intense.

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En pratique, il convient cependant de relativisercette mesure en fonction du caractère du cheval :en effet, certains chevaux craintifs ou «émotifs»présentent une augmentation de la fréquencecardiaque lorsqu’on les approche. On peut consta-ter une diminution de celle-ci en laissant lestéthoscope en place pendant 30 à 40 secondes, cequi évite de conclure par excès à une tachycardie.De la même façon, la fréquence cardiaque deschevaux sains au repos peut varier grandement enfonction de leur race, de leur niveau d’entraîne-ment et des individus.

A l’inverse, nombre de chevaux atteints d’uneobstruction étranglée de l’intestin grêle ne pré-sentent que peu de modifications de leur statutcardio-vasculaire dans les premiers temps de cesaffections, une fois passé l’épisode douloureuxinitial. Ainsi, selon plusieurs études rétrospectives,et d’après notre expérience clinique, il n’est pasrare de rencontrer des chevaux avec une fré-quence cardiaque normale, malgré une incarcé-ration de l’intestin grêle dans le foramenépiploïque ou une hernie inguinale étranglée.

Enfin, alors qu’une augmentation rapide etrégulière de la fréquence cardiaque indiquegénéralement la nécessité d’une chirurgie, et doncla nécessité de référer, on ne peut pas dire àl’inverse qu’un cheval dont la fréquence cardiaquen’augmente pas, répondra à une thérapeutiquemédicale, comme par exemple lors de certainsdéplacements à droite du côlon.

Quel est l’apport de l’évaluation du statut cardio-vasculaire pour référer ?

L’évaluation du statut cardio-vasculaire s’effectueau travers de différents paramètres : la mesure dela fréquence cardiaque, dont nous venons dedonner les caractères péjoratifs, la mesure dupouls (force et fréquence pulsative), le temps deremplissage capillaire (cf. figure 5) et la couleurdes muqueuses. De manière générale, il est préfé-rable d’évaluer cette dernière au niveau gingival,car l’estimation de la couleur des conjonctives peutêtre faussée par une inflammation de celles-ci,conséquence des traumatismes subis par le chevallorsqu’il se laisse tomber sur le sol, se rouleviolemment ou reste en décubitus prolongé.

L’ensemble de ces paramètres est assez repré-sentatif de l’état de gravité des coliques, et plus

encore leur dégradation au fur et à mesure del’avancement des coliques. Cependant, certainesconditions peuvent fausser leur appréciation.Ainsi, si le statut cardio-vasculaire est étroitementlié à la douleur (la fréquence du pouls pendant unspasme douloureux est accrue par une déchargenerveuse sympathique, puis retourne rapidement àla normale une fois le spasme dissipé), il l’estégalement à l’hypovolémie et à l’endotoxémie,complications accompagnant certains types decoliques (coliques obstructives étranglées en parti-culier). C’est la raison pour laquelle la flunixineméglumine peut être le pire ennemi du vétérinaire.En effet, les animaux atteints de coliques et quil’ont reçue, peuvent présenter les signes d’uneamélioration nette, mais illusoire. Ce médicamentest particulièrement efficace contre les effets desprostaglandines libérées sous l’action des endo-toxines dans les cas de lésions intestinalesétranglées. Il en résulte que la fréquence du poulset la couleur des muqueuses peuvent semblerpresque normales, alors que le liquide abdominalest séro-sanguinolent.

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Figure 5 – Détermination du TRC : calcul du temps nécessaire àla recoloration de la muqueuse gingivale.

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Pour notre part, nous estimons qu’une dégradationdu statut cardio-vasculaire d’un cheval en coliquesest un signal d’alerte fort, à corréler avecl’ensemble de l’examen clinique. Cette dégradationdoit au minimum entraîner une seconde visite 3 à4 heures après la première. Si cela n’est matériel-lement pas possible (planning surchargé, éloigne-ment de l’écurie dans laquelle se trouve le cheval,…), il est préférable de référer l’animal dans unestructure hospitalière, afin qu’il y soit surveillé.

Quelles sont les modifications de la palpation transrectalepermettant de référer ?

La palpation transrectale peut à elle seule donnerdes indications sur la sévérité des coliques par ladétermination de la distension et/ou de la positionde certains viscères par rapport à la normale. Ils’agit également de l’examen pouvant permettred’apporter le plus de renseignements possiblesafin d’établir un diagnostic causal précis. Ainsi, uncheval en coliques peut être référé uniquement enraison de modifications rencontrées à la palpationtransrectale. À l’inverse, il faut garder présent àl’esprit que cet examen n’autorise l’exploration quedes 30 à 40 % caudaux de la cavité abdominale :des anomalies peuvent se produire en régioncrâniale de l’abdomen sans être identifiées à lapalpation transrectale (cf. figure 6). En cas dedilatation gastrique, il est intéressant de pratiquer

une palpation transrectale avant, puis après lavidange de l’estomac ; de la même manière, lors detympanisme du cæcum, une nouvelle palpationaprès avoir trocardé ce dernier peut apporter desinformations complémentaires.

Pour interpréter correctement les modificationsrencontrées lors de la palpation transrectale ducheval en coliques, on doit prêter une attentionparticulière à la distension et à la consistance desdifférents segments intestinaux, à leur identifi-cation en fonction de leur forme, à l’évaluation del’épaisseur de leur paroi, à leur position et à leurrelation avec les autres viscères, ainsi qu’à latension exercée sur la paroi des intestins ou surleur mésentère. Il faut également essayer de recon-naître une douleur mésentérique ou d’identifierune masse ou un corps étranger.

Avant d’aborder les anomalies significatives per-mettant de référer un cheval en coliques, rappe-lons quelques idées générales sur la distension,l’identification des différents segments intestinaux,et l’interprétation à donner à la découverte de«brides» (cf. tableau II).

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Figure 6 – Dessin d’obstruction étranglée de l’intestin grêle danssa partie proximale, ne permettant pas de palper ladistension de celui-ci.

Tableau II Récapitulatif schématique des principales anomalies rencontrées

à la palpation transrectale.

Intestins distendus

Faible diamètre (12 cm maximum) Diamètre important

Lisses (boudins) 1 large bande charnue 1 bande charnue oblique + haustrations dorsal droit à ventral gauche

1 à 2 bandes charnues ± horizontales

1 à 2 bandes charnues obliques dorsal gauche

à ventral droit

INTESTIN GRÊLE CÔLON DESCENDANT CÆCUM CÔLON ASCENDANT

(PETIT CÔLON) (GROS CÔLON)

déplacement à droite déplacement gaucheou torsion du = accrochement

néphrosplénique du

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En cas de coliques obstructives, différentes partiesintestinales peuvent être distendues, que ce soitpar du gaz ou par du contenu alimentaire. Dans unpremier temps, il convient d’identifier la nature dela distension. À ce sujet, on retiendra qu’une dis-tension gazeuse a tendance à déplacer le segmentintestinal dorsalement, alors qu’inversement, lepoids d’une distension liquidienne ou solideentraîne la portion intestinale considérée en régionventrale de l’abdomen. En fonction de l’affectionrencontrée, l’hydratation du contenu alimentairepeut varier considérablement, et se présenter sousforme liquide, ou être au contraire complètementdéshydraté, donnant l’impression d’être littérale-ment «lyophilisé». La paroi d’un intestin distendupar un contenu pâteux garde l’empreinte de doigtsappuyés sur sa surface, à l’inverse de celle d’unintestin distendu par du gaz ou du liquide.

L’identification des différents segments intestinauxpasse par la connaissance de leurs particularitésanatomiques. En cas de distension, le diamètre dusegment considéré permet de diviser les intestinsen deux groupes distincts :– celui comprenant les intestins ayant un faible

diamètre (de l’ordre de quelques centimètresjusqu’à 12 cm en cas de distension extrême)inclut l’ensemble de l’intestin grêle (duodénum,jéjunum et iléon) et le côlon descendant. Ainsi,la palpation de «boudins» est à assimiler à laprésence d’anses d’intestin grêle ou de côlondescendant distendues. En région dorsale, lesanses d’intestin grêle distendues sont rempliesde gaz, et sont déformables pour cette raison. Ladistinction entre des anses d’intestin grêledistendues et du côlon descendant s’effectuegrâce aux particularités anatomiques de cedernier, qui possède une large bande charnueantimésentérique et présente des haustrations,alors que l’intestin grêle est lisse et dépourvuede bande charnue.

– la palpation de volumes plus importants corres-pond généralement à des affections du cæcumou du côlon ascendant (rappel des différentesparties du côlon ascendant : côlon ventral droit,courbure sternale, côlon ventral gauche, cour-bure pelvienne, côlon dorsal gauche, courburediaphragmatique, côlon dorsal droit). Lesbandes charnues et les haustrations permettentde différencier relativement facilement lesparties ventrales du côlon ascendant, qui enpossèdent, des parties dorsales, lisses. Cepen-dant, en pratique, plus la distension estimportante, et plus il est délicat de différencierces différentes portions intestinales entre elles,ou même d’avec le cæcum.

L’identification de «brides» à la palpation trans-rectale correspond schématiquement à une tensionexercée sur un mésentère ou à l’existence d’unebande charnue tendue. Dans le premier cas, lapalpation d’une telle bride est révélateur d’uneaffection de l’intestin grêle ou du côlon descen-dant, puisque le cæcum et le côlon ascendant sontfixés directement à la voûte sous-lombaire, sansl’intervention de mésentère. Dans le second cas, labride est une bande charnue qui est tendue suiteà un déplacement du côlon ascendant et/ou à ladistension du viscère considéré. Il convient alorsd’essayer de déterminer l’origine et la direction decette bande charnue tendue : ajoutées aux autreséléments de la palpation transrectale, et confron-tées aux différents paramètres de l’examenclinique, ces informations peuvent s’avérer utilespour établir un diagnostic. Même si cela n’est paspossible, elles doivent être notées, afin de lescomparer avec les éléments recueillis lors depalpations transrectales ultérieures : le praticienpourra ainsi juger de l’amélioration, de la persis-tance, ou de l’aggravation de l’affection en cause.

Chez un cheval sain, la palpation transrectale doitprocurer une sensation de souplesse : on ne doitrencontrer aucune distension intestinale, aucunetension ni aucune bride, et la palpation ne doit pasêtre douloureuse. Si une ou plusieurs de cesanomalies sont présentes lors de l’examen sur leterrain d’un cheval en coliques, il est fortementconseillé d’au moins réévaluer celui-ci au bout dequelques heures. Lorsque certaines de ces anoma-lies sont identifiées avec certitude, un traitementspécifique peut être mis en œuvre (par exemple,administration d’huile de paraffine à la sondenasogastrique en cas de surcharge de la courburepelvienne). La décision de référer un cheval versune clinique spécialisée en pathologie abdominaledoit parfois être considérée uniquement enfonction de l’importance des anomalies décou-vertes à la palpation transrectale.

Ainsi, la palpation d’anses d’intestin grêle disten-dues est toujours un élément inquiétant, même sion ignore si cette distension est la conséquenced’une obstruction étranglée ou non étranglée. Eneffet, des études rétrospectives sur la surcharge del’iléon (obstruction non étranglée de l’intestingrêle) ont montré que le taux de survie est bon siune chirurgie est entreprise dans les 13 à 17 heuresqui suivent le début des signes cliniques decoliques, alors que le pronostic vital diminuerapidement si cette chirurgie est pratiquée plustard, en moyenne entre 18 et 25 heures après ledébut des signes cliniques. En pratique, sur leterrain, il est donc préférable de référer sans

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attendre tout cheval présentant des anses d’intestingrêle distendues.

Le gros intestin joue un rôle vital dans l’équilibrehydrique des chevaux : dans les conditions physio-logiques, il sécrète et réabsorbe en 24 heures unvolume de fluide égal au volume de fluideextracellulaire. Dans des conditions pathologiques,telles que par exemple les obstructions étrangléesde l’intestin grêle, il est capable de réabsorberrapidement de larges volumes de fluide, compen-sant ainsi en partie une déshydratation : cela setraduit à la palpation transrectale par la sensationque le contenu du côlon ascendant a été «lyophi-lisé», et que ce contenu sec épouse parfaitementles parois du côlon, comme si il avait été mis sousvide. Ce peut être la seule anomalie rencontréedans les premiers stades d’une obstructionétranglée de l’intestin grêle, car celui-ci, faiblementdistendu, peut ne pas être palpé lors de cet

examen : il convient alors de ne surtout pasconclure à une surcharge du côlon ascendant.

La palpation de bandes charnues tendues ou detympanisme ne permet pas toujours d’établir undiagnostic. Cependant, lorsqu’un tympanisme ducæcum est identifié avec certitude, et que lesconditions de terrain s’y prêtent, il est possible detrocarder le cheval (trocardage uniquement àdroite), puis de pratiquer un second examen 3 à4 heures plus tard. En cas de récidive de cetympanisme, il convient de référer de tels chevaux.Lorsqu’un déplacement du côlon est diagnostiqué,il est également préférable de référer les chevauxprésentant ce type d’affection, afin qu’une gestionmédicale soit entreprise en milieu hospitalier : encas de dégradation de l’état général de l’animal(par exemple au bout de 12 à 24 heures aprèshospitalisation), une intervention chirurgicale peutêtre réalisée immédiatement.

Quel est l’apport de l’auscultationabdominale pour référer ?

Ce paramètre clinique présente une importancemoindre par rapport aux précédents. En effet, lesbruits intestinaux varient considérablement enfonction des individus, mais également chez unmême individu en fonction du niveau de l’activitéphysique du cheval, du temps écoulé depuis ledernier repas et des différents stades de lapathologie considérée. De plus, il n’y a pastoujours de concordance entre les bruits entendusà l’auscultation et l’existence d’un transit intestinal,en particulier au niveau de l’intestin grêle, dont lamotilité peut être silencieuse.

Cependant, dans la plupart des cas de douleurabdominale, les bruits propulsifs sont réduits àabsents, tandis que les bruits mixtes persistent plusou moins. Dans les cas de coliques sévères,notamment lors de coliques obstructives étran-glées, ces différents bruits sont pratiquement tousabsents, ce qui va de pair avec un pronosticréservé. Des bruits métalliques, inertes, corres-pondant à l’éclatement de bulles à la surface deliquides dans un réservoir intestinal distendu (parexemple, lors de tympanisme du cæcum).

D’une manière générale, plus l’affection intestinaleest sévère, plus l’activité péristaltique est diminuée,le pire étant le silence abdominal total. L’auscul-tation abdominale vient donc compléter un tableauclinique anormal, et confirmer ainsi une décisionde référer.

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Figure 7 – Utilisation d’une pompe aspirante-refoulante pour laréalisation d’un sondage nasogastrique.

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Quel est l’apport du sondagenasogastrique pour référer ?

Le sondage nasogastrique est essentiel pourdéterminer si une dilatation de l’estomac estprésente (celle-ci peut être primaire ou secondaire,consécutive d’une autre affection intestinale), ainsique pour diagnostiquer les cas de surchargegastrique. Généralement, le sondage est effectuéaprès qu’une palpation transrectale a été réalisée.Cependant, lorsqu’on suspecte une distensiongastrique extrême, dont les principaux signescliniques sont une douleur sévère, une fréquencecardiaque très élevée et/ou une détresse respira-toire aiguë, le sondage nasogastrique est à réaliseren urgence, avant même de commencer l’examenclinique du cheval en coliques.

Lors de dilatation gastrique gazeuse, le gaz retenudans l’estomac s’évacue la plupart du tempsimmédiatement après que la sonde a franchi lecardia. En cas de dilatation gastrique liquidienne,une vidange spontanée peut se produire aussitôtque la sonde est dans l’estomac. Mais, dans lamajorité des cas, il est nécessaire d’établir unsiphonage du contenu gastrique par l’envoi d’eaudans la sonde grâce à une pompe aspirante-refou-lante (cf. figure 7). Cette technique de siphonageest également appliquée dans les cas de surchargegastrique.

On s’attache à mesurer la quantité de liquiderecueilli, tout en sachant que, dans les conditionsphysiologiques, 2 à 4 litres sont récupérés lors d’unsondage nasogastrique. Il convient également dequalifier le reflux : odeur, couleur, consistance etcomposition (cf. tableau III). Normalement, lereflux obtenu est de couleur verdâtre, présenteune odeur gastrique légèrement fermentée, nonnauséabonde, et contient des particules alimen-

taires en suspension. Son pH est acide, comprisentre 3 et 6. Dans des conditions pathologiques,en particulier en cas d’obstruction de l’intestingrêle, la quantité de liquide recueilli lors dusondage nasogastrique peut avoisiner les 20 litres.Sa couleur peut être jaunâtre à brunâtre lorsd’affections de l’intestin grêle, accompagnée d’uneodeur nauséabonde, fétide, et d’un pH de l’ordrede 6 à 8, du fait de la présence de bicarbonatesdans les sécrétions intestinales et pancréatiques.L’odeur est encore plus forte en cas d’obstructionétranglée de l’intestin grêle, ou d’entérite proxi-male, avec un reflux de couleur brun rougeâtre.Dans le cas de surcharge gastrique, le contenu, trèssec, nécessite d’être fortement délité pour êtreévacué, et le reflux obtenu est très alimentaire.

Lorsqu’un cheval présente du reflux, il estnécessaire qu’il soit réexaminé 3 à 4 heures plustard. En présence d’une dilatation primaire del’estomac ou d’une surcharge de celui-ci, lesondage nasogastrique réalisé lors de la premièrevisite permet généralement de résoudre l’affection,et de guérir le cheval. En cas de persistance d’unreflux gastrique, il convient de relier celui-ci à unedilatation secondaire de l’estomac. Plusieursaffections intestinales peuvent entraîner cettepersistance d’un reflux, à commencer par cellessiégeant au niveau de l’intestin grêle (obstructionsimple ou étranglée de l’intestin grêle, entériteproximale). Le tympanisme du côlon ventral droitet/ou du cæcum, parfois présent lors d’accro-chement néphrosplénique, peut entraîner unecompression du duodénum, à l’origine de refluxgastrique en quantité importante. Plus rarement,un déplacement à droite du côlon ascendant peutégalement être accompagné de reflux gastrique.

Il convient de retenir que, lors de l’existence d’unreflux gastrique chez un cheval en coliques, levétérinaire traitant se doit de réexaminer cedernier. Si cela ne lui est pas possible, ou lors dela persistance de ce reflux, il est préférable qu’ilréfère l’animal vers une structure spécialisée.

Quel est l’apport de l’évaluation de la circonférence abdominale pour référer ?

La circonférence abdominale peut être variable enfonction des races (pur-sang anglais ou cheval detrait) et des individus. On peut interroger lespersonnes présentes sur une éventuelle augmen-tation de la circonférence abdominale par rapport

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Tableau IIICaractéristiques du reflux gastrique obtenu en fonction

de l’affection en cause

Couleur Odeur Consistance

Cheval sain verdâtre Légèrement fermentée, particules non nauséabonde alimentaires en

suspension

Obstruction de Jaunâtre à Nauséabonde, fétide bileux l’Intestin grêle brunâtre

Entérite Brun Nauséabonde, fétide, très forte bileux proximale rougeâtre

Surcharge verdâtre Fermentée plus ou moins forte Très alimentaire gastrique

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à la normale, tout en restant très critique vis-à-visdes réponses apportées : l’expérience nous asouvent démontré que les gens estimaient mal lesdimensions de leur cheval, en particulier unedistension abdominale. Cette dernière est géné-ralement caractéristique des affections du grosintestin : la circonférence abdominale peut être trèsfortement augmentée, de manière symétrique,indiquant une météorisation de l’ensemble decelui-ci, ou au contraire intéresser plutôt le flancgauche (par exemple, lors d’accrochement né-phrosplénique) ou plutôt le flanc droit (tympa-nisme du cæcum). La distension abdominale peutégalement exister lors de pathologie avancée del’intestin grêle (par exemple, en cas de volvulus decelui-ci), le creux des flancs restant alors généra-

lement marqués et la distension apparaissantplutôt en région ventrale de l’abdomen.

Une augmentation de circonférence abdominaleest à corréler avec l’ensemble des paramètrescliniques, en particulier avec les éléments décou-verts à la palpation transrectale, et peut conforterune décision de référer un cheval en coliques.

Quels sont les éléments découvertsà l’échographie abdominaletranspariétale permettant de référer ?

L’échographie abdominale transpariétale est unexamen complémentaire rarement réalisé sur leterrain dans le cadre des coliques du cheval.Cependant, en pratique ambulatoire, on peutrecueillir de nombreuses informations avec unéchographe portable muni d’une sonde linéaire de5 MHz, comme celle utilisée en gynécologie. Dansces conditions, l’échographie est réalisé sur lecheval adulte debout, éventuellement chez lespoulains tenus en décubitus dorsal. Chez leschevaux adultes, il convient d’échographier larégion abdominale ventrale depuis l’appendicexyphoïde jusqu’à la région inguinale (cf. figure 8).En fonction de la longueur des poils, les sites àexaminer sont tondus avant d’être humidifiés avecde l’eau, ou bien abondamment humidifiés avecde l’alcool.

La reconnaissance par l’échographie d’affectionstouchant les intestins nécessite la connaissance desimages normales rencontrées lors de l’examen del’abdomen par cette technique. Celle-ci permetd’identifier les structures examinées, et d’évaluerleur contenu, l’épaisseur de leur paroi, ainsi queleur motricité. Ceci est particulièrement utile chezles foals, les yearlings et les petits poneys, dont lataille rend la palpation transrectale impossible,ainsi que chez les chevaux adultes qui, bienqu’offrant des signes cliniques compatibles avecune lésion chirurgicale, ne présentent pas d’ano-malies à la palpation transrectale. Les principalesimages échographiques anormales sont représen-tées par une augmentation du diamètre del’intestin grêle, une augmentation de l’épaisseur desa paroi (cf. figure 9) et une absence de motricitéde ses anses lorsqu’elles sont distendues. Uneaugmentation de l’épaisseur de la paroi du côlonascendant est également anormale. Lorsque detelles images échographiques sont trouvées, lecheval doit être référé dans les plus brefs délais.Enfin, la présence de liquide abdominal en grande

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Figure 8 – Echographie de la partie ventrale de l’abdomen, del’appendice xiphoïde à la région inguinale.

Figure 9 – Image échographique d’une anse d’intestin grêleprésentant un œdème intra-mural (coupe transversale).

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quantité est facilement mis en évidence par cettetechnique, permettant la réalisation d’une para-centèse abdominale sous contrôle échographique.

La paracentèse abdominaleprésente-t-elle un réel intérêt pour référer ?

La paracentèse abdominale est un examencomplémentaire qui permet de recueillir du liquideabdominal dont les caractéristiques peuvent êtreanalysées macroscopiquement et microscopi-quement. Sur le terrain, on évalue directement levolume de liquide obtenu, sa couleur, sa turbidité,éventuellement sa densité et sa teneur en protéinesà l’aide d’un réfractomètre.

Chez les chevaux en bonne santé, le liquideabdominal présente une grande variabilité decouleur et d’aspect. Les études cytologiquesmettent en évidence différents types de cellulesprésentes dans le liquide dans des proportionsassez variables d’un auteur à l’autre. Tous cesparamètres sont susceptibles d’évoluer lorsd’affections abdominales, les modifications obser-vées variant plus ou moins rapidement en fonctionde leur stade évolutif (aigu ou chronique).

L’interprétation des modifications observées dansle liquide abdominal est donc délicate, et doit sefaire en fonction de l’examen clinique de l’animal :la paracentèse abdominale reste un examencomplémentaire, et l’analyse du liquide abdominalest systématiquement à confronter avec lesrésultats de l’examen clinique.

D’un point de vue réalisation, la technique de laparacentèse en elle-même peut induire des fauxnégatifs. Ce défaut peut être compensé parl’examen échographique de la partie ventrale del’abdomen. L’échographie de cette région autorisela visualisation des viscères en contact avec laparoi abdominale (en particulier la rate, permettantd’éviter de la ponctionner accidentellement), cellede «poches» de liquide, ou au contraire l’absencede liquide abdominal. Elle offre ainsi la possibilitéde sélectionner son site de ponction. De plus, cetexamen échographique, en indiquant l’épaisseurdes différents constituants de la paroi, en parti-culier la présence ou l’absence de graisserétropéritonéale, définit la longueur minimale desaiguilles ou de la sonde à utiliser.

L’analyse du liquide abdominal a été décrite parplusieurs auteurs comme étant le test le plus

important pour déterminer la nécessité d’uneintervention chirurgicale chez les chevaux encoliques. Mais l’utilité de l’analyse de ce liquidepour référer de tels chevaux n’a jusqu’à ce jourjamais été étudiée. De plus, une étude rétros-pective récente (2002) indique que les résultats decette analyse peuvent ne pas refléter exactement lanécessité d’un traitement chirurgical versus untraitement médical ; pour certains auteurs, c’estdonc une erreur que de trop se fier à l’analyse duliquide abdominal. Dans une revue de 50 chevaux,Adams et Mac Illwraith décrivent 2 chevaux avecune nécrose jéjunale et un liquide abdominalnormal avant chirurgie. Dans une série de 19 casde foramen épiploïque, le liquide obtenu parparacentèse fut trouvé anormal chez seulement9 chevaux sur les 18 qui subirent cet examen.

La paracentèse abdominale est un examencomplémentaire dont la valeur diagnostique etpronostique a ses limites et qu’il convientd’interpréter dans son contexte. En particulier,chez les chevaux en crise abdominale aiguë, cettetechnique, lorsqu’elle est confrontée aux résultatsde l’examen clinique, présente parfois une utilitédans la prise de décision chirurgicale. En revanche,sur le terrain, la paracentèse n’est généralementpas indispensable dans la décision d’envoyer uncheval en coliques vers un centre spécialisé enpathologie abdominale, d’autres symptômesd’alerte étant apparus auparavant lors de l’examenclinique.

Le paramètre «coliques qui durent»est-il un élément à prendre en considération pour référer ?

Si un diagnostic spécifique ne peut pas être établidans 72 à 92 % des cas de coliques, il n’empêcheque la plupart des chevaux en souffrant sont traitésavec succès sur le terrain. En effet, différentesétudes montrent que 75 à 92 % des cas de coliquescorrespondent à des coliques légères (spasmo-diques, d’origine inconnue, surcharges de lacourbure pelvienne, …), se résolvant spontané-ment ou rétrocédant après l’administration d’unseul traitement. Cependant, le vétérinaire traitantpeut parfois être amené à réexaminer (une ouplusieurs fois) un cheval pour des coliques quidurent. Ce syndrome étant dynamique, certainsparamètres cliniques peuvent s’être modifiés, enparticulier la palpation transrectale. L’apparitiond’anomalies peut aider le praticien dans l’établis-

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sement d’un diagnostic, et/ou dans sa décision deréférer le cheval. Si un nouvel examen pratiqué24 heures après le début des coliques ne permettoujours pas d’établir un diagnostic causal précis, ilest préférable de référer un tel cheval, afin que desexamens complémentaires, voire même unelaparotomie exploratrice, soient réalisés en cli-nique.

Par ailleurs, lorsqu’un diagnostic précis est établi,il convient parfois de référer des chevaux souffrantde coliques chroniques, c’est-à-dire présentant unedouleur abdominale depuis plus de 48 heures. Cesanimaux nécessitent souvent une gestion médicaleplus intensive (par exemple, mise sous perfusiondans les cas de surcharges du côlon ascendantrebelles aux traitements médicaux classiques) ouune intervention chirurgicale (différents types dedéplacements du côlon ascendant traités médi-calement sans résultats). Cependant, dans cedernier cas, et dans la mesure où les paramètres del’examen cliniques sont stables, l’interventionchirurgicale peut être différée : certaines coliqueschroniques peuvent perdurer de nombreux jours(parfois au-delà de 10) avant qu’une opération soitréalisée. Les coliques chroniques sont à diffé-rencier des coliques récurrentes (cf. tableau IV),pour lesquelles il existe des périodes de rémissions’étalant au moins sur plusieurs jours entre chaqueépisode douloureux. Les chevaux atteints decoliques récurrentes sont qualifiés de «coliquards».

Conclusion

Sur le terrain, le vétérinaire qui aborde un chevalen coliques doit réaliser un examen clinique leplus complet possible et peut se poser la questionde référer l’animal vers une structure spécialisée enpathologie abdominale. Plusieurs raisons peuventl’inciter à prendre une telle décision : certainschevaux sont référés pour subir des examenscomplémentaires, pour recevoir des soins médi-caux plus ou moins lourds difficilement réalisablessur le terrain ou, tout simplement, pour unesurveillance accrue de l’évolution des coliques.D’autres chevaux, qui nécessitent une interventionchirurgicale, doivent impérativement être référésdans les plus brefs délais. Enfin, devant un chevalen coliques, le praticien n’est pas toujours enmesure d’établir un diagnostic définitif et il doitalors se poser les bonnes questions. Un exemplede question inappropriée est : «De quelle affectionsouffre exactement ce cheval ?» car trop de temps

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Tableau IVColiques aiguës, chroniques et récurrentes

COLIQUES

durant moins de 48 heures durant plus de 48 heures

AIGUËS chroniques

permanentes avec rémission

CHRONIQUES RÉCURRENTES

(au sens strict)

Figure 10 – Les chances de survie d’un cheval en coliquespeuvent être compromises si, sur le terrain, levétérinaire traitant attend l’accumulation desymptômes alarmants pour référer l’animal.

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peut être perdu avant d’apporter une réponse àcette question. De la même manière, face à untableau clinique incertain, «Ce cheval nécessite-t-ilune chirurgie ?» n’est pas une bonne question carelle est trop précise et de précieuses heurespeuvent être perdues dans l’attente d’une réponse.Aussi, sur le terrain, le vétérinaire traitant ne doitpas attendre l’accumulation des symptômesalarmants pour référer le cheval, au risque demenacer ses chances de survie (cf. figure 10).D’ailleurs, tous les auteurs s’accordent pour direque le fait de référer rapidement un cas decoliques chirurgicales peut faire la différence entrela survie et la mort de l’animal. Les bonnesquestions à se poser sont donc : «Est-ce qu’attendre

pour référer ce cheval risque d’assombrir son pro-nostic vital ?», «Des lésions tissulaires irréversiblessont-elles en train de se mettre en place ?», etsurtout, «Est-il prudent de transférer cet animal versune structure spécialisée en pathologie abdo-minale où une intervention chirurgicale pourraêtre réalisée rapidement en cas de besoin ?». Sur leterrain, le praticien doit prendre conscience que ledélai mis pour prendre la décision de référer uncheval en coliques peut représenter le point cri-tique le plus important dans la chaîne comprenantles phases successives d’évaluation du cas, depuisl’appel du propriétaire au vétérinaire traitantjusqu’à un éventuel traitement chirurgical del’animal. �

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