Revue Toxicologie Maroc n5 2010

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N° 5 - 2 ème trimestre 2010 Publication officielle du Centre Anti Poison du Maroc Ministère de la santé Maroc INTOXICATION AUX PLANTES Définition Classification CENTRE ANTI POISON DU MAROC Rapport Annuel 2009

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Toxicologie Maroc - N° 5 - 2ème trimestre 2010 - 1

N° 5 - 2ème trimestre 2010 Publication officielle du Centre Anti Poison du MarocMinistère de la santéMaroc

INTOXICATION AUX PLANTESDéfinition Classification

CENTrE ANTI POISON dU MArOC

Rapport Annuel 2009

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Edito

Directrice de PublicationPr Rachida Soulaymani Bencheikh

Comité De RéDaCtion

Rédactrice en ChefDr Naima Rhalem

Rubrique institutionnelleDr Mouncef Idrissi Rubrique Rapports

Dr Maria WindyRubrique médicale

Dr Fouad Chafiqarticles originauxDr Sanae Achour

infos et revues de presse Dr Ghyslaine JalalRubrique RésultatsDr Asmae Khattabi

iconographieMr Lahcen Ouammi

EDITION

Directrice de l’édition Dr Siham Benchekroun

Directeur artistiqueChafik Aaziz

Société d’EditionSociété Empreintes EditionRés. Alia, 8, rue Essanaani.

Appt 4. Bourgogne. CasablancaTel : 0522 260 184Fax : 0522 367 035

[email protected]

IMPRESSIONImprimerie Maarif El Jadida

Rabat

Dossier de presse : 14 /2009Dépôt légal : 2009 PE 0052

Tous les numéros sont disponibles sur le site : www.capm.ma

Les plantes et la santé publique

Dénoncer les menaces sanitaires et les pratiques irrationnelles qui guettent le citoyen marocain tout en respectant les traditions, les habitudes sociales et les enjeux économiques est le grand challenge du Centre Anti-Poison du Maroc. Ces menaces sont parfois rapidement résolues par le retrait de com-mercialisation d’un produit avéré toxique ; dans d’autres cas, la situation est beaucoup plus difficile à résoudre du fait de l’imbrication de plusieurs déterminants : les intoxications par les plantes en sont un exemple. Les déclarations d’intoxications faites au CAPM montrent que l’usage des plantes est loin d’être négligeable, et qu’il se pratique de manière irra-tionnelle, anarchique et non contrôlée. Les plantes, parce qu’elles sont naturelles, sont considérées à tort comme non dangereuses, et la popula-tion y a recours dans des contextes très variés et nombreux. Les produits utilisés sont souvent “un panaché” de plantes, dont la connaissance et les impératifs de préparation et de consommation ne sont pas maitrisés.Ainsi les plantes peuvent contenir des composés chimiques puissants, res-ponsables d’effets indésirables et de toxicité. Leur utilisation nécessite une vigilance continue.Or des croyances ancestrales, le faible niveau socio-économique et les dif-ficultés inhérentes à l’accès aux soins font que la population marocaine a recours à ces plantes pour des usages thérapeutiques. C’est ainsi que la mé-decine moderne, parfois inaccessible par son coût ou incapable de traiter une maladie grave ou chronique, cède la place à l’exercice des herboristes et des tradipraticiens malheureusement mal ou pas formés au diagnostic des maladies et au maniement de la phytothérapie. D’où le risque d’intoxi-cations graves, voire mortelles.

D’autres causes profondes sont à l’origine des intoxications par les plantes au Maroc. Citons d’abord l’absence d’une Pharmacopée traditionnelle of-ficielle et bien codifiée, mais surtout l’absence de législation et de contrôle, lesquelles défaillances ouvrent la voie à tous les dérapages aussi bien dans la collecte, la vente que l’utilisation des plantes, et freinent également la valori-sation et l’optimisation de notre patrimoine végétal.

Il est pourtant regrettable que la phytothérapie et la toxicologie végétale, qui étaient à l’honneur chez les anciens professionnels de santé, soient de nos jours négligées et occupent une place aussi limitée dans les programmes universitaires.

Le numéro actuel de la revue Toxicologie Maroc se consacre aux intoxi-cations aux plantes dont il présente une classification en se basant sur les bases de données du CAPM, ainsi qu’une importante étude rétrospective, menée par notre équipe, et étudiant les caractéristiques des cas collectés par le centre sur une période de 29 ans. Nous espérons que ces données rapportées interpelleront nos lecteurs sur la nécessité de légiférer et de promouvoir rationnellement l’usage des plantes afin que puisse se faire, pour l’intérêt de tous, une heureuse conciliation entre tradition et modernité.

Pr Rachida Soulaymani BencheikhDirectrice de Publication

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Clinique

Définition

“Une plante est considérée toxique lorsqu’elle contient une ou plusieurs substances nuisibles pour l’homme ou pour les animaux et dont l’utilisation provoque des troubles variés plus ou moins graves voire mortels” [1 ,2]. Cette définition doit tenir compte des remarques suivantes : - Le lieu de culture de la plante et le moment de sa cueillette ont une influence sur la concentration des principes actifs et donc sur sa toxicité. - Le principe actif d’une plante toxique peut être réparti dans toute la plante ou préférentiellement dans une ou plusieurs de ses parties : la racine, les baies, ou les feuilles. - La notion de dose est déterminante; certaines plantes utilisées à visée thérapeutique peuvent, à fortes doses, présenter une menace pour la santé de l’homme. C’est le cas par exemple de la sauge “salmya” (Salvia officinalis), l’armoise blanche “Chih” (Artemisia herba alba) et l’Absinthe “Chiba” (Artemisia arborescens L.), toutes les trois, riches en thuyone, sont des plantes médicinales à faible doses mais très toxiques à forte doses.

Classification

1- Classification des plantes

Depuis les temps les plus reculés, l’homme a cherché à nommer et à classer les plantes. Ce classement se faisait sur la base exclusive de l’utilisation : plantes alimentaires, plantes médicinales, plantes toxiques, plantes magiques, etc. Les classifications modernes, se basent sur la recherche des relations de parenté entre les plantes, afin d’établir leur ordre généalogique. Ainsi, les plantes sont classées selon le schéma suivant : Embranchement→ classe→ordre→famille→tribu→genre→ section→espèce.

La nomenclature internationale des plantes utilise l’espèce comme unité de classification. Cette classification est codifiée par des règles internationales révisées et enrichies lors de congrès tenus périodiquement [3].

2- Classification des plantes toxiques

Lors d’une demande d’information concernant une intoxication par une plante, se pose un double problème: d’abord celui des appellations verna-culaires et de la dénomination scien-tifique qui leur correspond [4].

Ensuite, lorsque la dénomination de la plante est précisée, il faut rapidement, connaître sa toxicité afin d’évaluer le risque toxique et dicter la conduite à tenir. Ceci est d’autant plus problématique que les plantes toxiques ne sont pas toujours listées et connues et qu’elles ont des noms très variables d’un pays à un autre et dans un même pays d’une région à une autre. Afin de répondre à ce besoin, le CAPM a élaboré deux bases de données et a développé une approche syndromique. La méthodologie préconisée est une méthodologie pragmatique continuellement mise à jour. En effet, les plantes toxiques sont incluses dans ces bases de données en fonction de leur présence dans l’environnement marocain et en fonction de leur fréquence d’usage par la population marocaine : 1-Botanicus : cette base de données regroupe et identifie, à ce jour, 279 plantes toxiques avec 2294 équivalents de noms communs français, arabe et amazigh. 2- Phytotox : cette base de données répertorie des fiches de toxicité de 120 plantes du Maroc. Chaque fiche comporte la photographie et les dénominations, la nature du composé toxique, la symptomatologie de l’intoxication aiguë et le traitement à instaurer [5].

PLantes toxiques :définition et cLassification

Khattabi Asmae1,3, Rhalem Naïma1,3, Chabat Abderrahim1, Skali Souad1, Soulaymani-Bencheich Rachida1,2

1- Centre Anti Poison et de pharmacovigilance du Maroc2-Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat

3- Faculté des Sciences de Kénitra

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CliniqueClassification des plantes dangereuses par atteinte organique selon le principe actif [7,8].

Quelques exemples de la base de données du CaPm

Références1- Fournier P. Les quatres flores de France. Lachevalier. Paris. 2001. Vol II.2.2- Fournier P. Les Plantes médicinales. Collection Agronomie, Médecine. Paris (Réédition). 1999.3- Fennane M. La grande encyclopédie du Maroc. Volume (flore), Edition GEP, Cremona. 1987. P: 16, 216.4- Bellakhdar J. La pharmacopée marocaine traditionnelle, Médecine arabe ancienne et savoirs populaires, Paris, Ibis Press, 1997. P : 183-186.5- Skalli S, David JM, Palmer G and Soulaymani R. Botanicus et Phytotox : base de données de toxicologie végétale. Intérêt en toxicologie d’urgence et en phytovigilance. Thérapie 2006; 61: 1-56- Bonnes pratiques de pharmacovigilance. Centre de Pharmacovigilance du Maroc. Edité avec le soutien de l’OMS. Rabat. 2004.7- Bruneton J. Plantes toxiques : végétaux dangereux pour l’homme et les animaux. Technique et documentation. Paris. 19968- Lampe, K. F., McCann, M. A. Handbook of poisonous and injurious plants. American Medical Assoc. Chicago. 1985.

L’approche syndromique

Quand il n’existe aucune indication sur le nom ou la description de la plante en cause, l’approche syndromique permet de remonter vers le groupe des plantes

toxiques responsables des symptômes que présente le patient. Il s’agit d’une classification indicative et non exhaustive dans laquelle les plantes toxiques sont reconnues à travers l’appareil atteint de manière prédominante.

A signaler que les plantes toxiques peuvent entraîner plusieurs syndromes souvent associés. Cette classification n’inclue pas les plantes médicinales qui sont gérés par le système marocain de Phytovigilance [6].

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Article original

introduction

Les plantes sont à l’origine de nombreuses intoxications à travers le monde. Il s’agit d’accidents fréquents chez les enfants qui sont attirés par les plantes en général et leurs fruits en particulier. La gravité des intoxications par les plantes dépend de nombreux facteurs : nature de la plante, partie consommée, quantité, prise à jeun ou non, âge et circonstances.Des études antérieures du Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM) ont montré que les plantes étaient impliquées dans 3 à 5% de l’ensemble des intoxications, mais entraînaient une mortalité assez élevée (17 %) [1,2]. Ces études étaient menées sur des périodes courtes. C’est la première fois que le CAPM publie une étude d’une durée aussi longue sur les intoxications par les plantes.L’objectif de cette étude rétrospective d’une série de cas qui constituent la base de données des cas d’intoxications par les plantes collectés par le CAPM de 1980 à 2008 était de décrire les caractéristiques relatives à la provenance des déclarations, les patients, les plantes incriminées et les intoxications.

matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective sur une durée de 29 ans, du 1er janvier 1980 au 31 décembre 2008, qui concerne tous les cas d’intoxications par les plantes déclarés au CAPM par :- Courrier : chaque cas d’intoxication reçu par les structures sanitaires du Ministère de la Santé à travers le Royaume fait l’objet du remplissage d’une fiche de déclaration des cas d’intoxications. Cette fiche est envoyée par courrier au CAPM.- téléphone : chaque cas d’intoxication reçu par téléphone au niveau de l’Information Toxicologique du CAPM fait l’objet de la création d’un dossier médical et d’un suivi jusqu’à l’évolution finale.Tous les cas reçus par les deux systèmes sont enregistrés dans une base de données nationale des intoxications.Les plantes incriminées sont déclarées au CAPM par leur nom commun français, arabe ou amazigh. Nous avons ajouté systématiquement le nom scientifique de la plante selon la nomenclature internationale binomiale, désignée par deux mots latins dont le premier représente le genre et le second l’espèce.

Nous avons donné le nom de “mixture” aux préparations à base de p l a n t e s moulues et d’autres produits mixés au miel.

L’analyse statistique a été faite par l’application Excel et en utilisant le logiciel Epi Info 3.3.2. Elle a concerné la fréquence, la répartition dans le temps (année, saison, mois), la distribution dans l’espace (région, milieu), les caractéristiques du patient intoxiqué (sexe, âge), l’intoxication (circonstance, lieu, symptomatologie selon la classifi-cation WHO Art [3], gradation selon le Poisoning Severity Score (PSS) [4] et évolution).Pour la distribution selon la région, nous avons calculé l’incidence des intoxications par les plantes pour la période 2004 à 2008.Les tranches d’âge qui ont été adoptées sont celles de l’International Programme on Chemical Safety (IPCS) de l’OMS [5].

etude rétrospective des intoxications par les plantes au Maroc : expérience du centre anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc

(1980-2008)Rhalem Naima1,2, Khattabi Asmae1,2, Soulaymani Abdelmjid2, Ouammi Lahcen 1,2, Soulaymani-Bencheich Rachida1,3

1- Centre Anti Poison et de pharmacovigilance du Maroc2- Faculté des sciences de Kénitra. Université Ibn Tofail

3- Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat

harmel graines de ricin datura

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Résultats De 1980 à 2008, le CAPM a collecté 4 287 cas d’intoxications par les plantes, ce qui représente 5,1% de tous les cas d’intoxications durant la même période, en dehors des piqûres et envenimations scorpioniques (PES). Parmi ces cas, 36,1% ont été déclarés par téléphone et 63,9 % par courrier.La région la plus représentée était le Grand Casablanca avec 25,1 % des cas, suivie par la région Rabat-Salé-Zemmour-Zaer : 12,0 % des cas (Tableau I). L’incidence calculée sur la période de 2004 à 2008 était entre 2,1 cas pour 100 000 habitants dans la Région Rabat-Salé-Zemmour-Zaer et 0,03 cas pour 100 000 habitants dans la Région Taza-Al Hoceima-Taounate, avec une incidence moyenne de 0.85 cas pour 100 000 habitants. Par ailleurs, notre étude a montré que ce type d’intoxications s’est produit en milieu urbain dans 83,0 % des cas.La progression des cas selon les années suivait l’évolution des intoxications toutes causes confondues en général (Figure1). Les intoxications par les plantes sont survenues surtout au printemps (27,8 %).L’âge moyen des intoxiqués était de 20,3 ± 13,9 ans allant de 1 jour à 98 ans. La tranche d’âge la plus touchée était celle de l’adulte avec 50,5 %. Le sex-ratio (H/F) était de 1,58. La mixture appelée Mâajoune était la plus incriminée avec 26,5% des cas, suivie par le chardon à glu (Atractylis gummifera) dans 10,6 % des cas, le cannabis dans 10,1% des cas, le Harmel dans 4,5 % des cas, le Datura dans 3,5 % des cas et le Ricin dans 2,2 % des cas. D’autres plantes étaient incriminées dans le reste des cas avec des proportions moindres (Tableau II).La circonstance accidentelle était la plus fréquente (66,6 % des cas). L’usage de plantes dans les tentatives de suicide était relevé dans 12,8 % des cas (Tableau III). Il est impliqué dans les cas d’intoxication accidentelle chez l’enfant dans 27,8 % des cas (Tableau IV). Ces intoxications se sont produites essentiellement à domicile (72,7%) (Tableau V), lors d’une ingestion orale (95 % des cas). Les signes le plus souvent rencontrés étaient les signes gastro-intestinaux suivis des signes neurologiques (Tableau VI). Dans 60,4 % des cas, les intoxications par les plantes étaient de grade 2 (Tableau VII). L’évolution était favorable dans 92,7% des cas et le décès est survenu dans 7,3 % des cas.

Article original etude rétrospective des intoxications par les plantes au Maroc : expérience du centre anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (1980-2008)

Tableau I : Répartition des cas d’intoxication par les plantes selon les régions, CAPM, 1980 à 2008

Région Effectif %Grand Casablanca 1 036 25,1Rabat-Salé-Zemmour-Zaer 496 12,0Tadla-Azilal 387 9,4Marrakech-Tensift-Al Haouz 357 8,7Fès-Boulemane 280 6,8Meknès-Tafilalt 276 6,7Souss-Massa-Daraa 272 6,6Doukala-Abda 214 5,2Chaouia-Ouardigha 197 4,8Tanger-Tétouan 173 4,2L’Oriental 129 3,1Taza-Al Hoceima-Taounate 112 2,7Gharb-Chrarda-Béni Hssen 103 2,5Guelmim-Es Semara 66 1,6Laayoune-Boujdour-Sakia El Hamra 25 0,6Oued ed Dahab-Laguira 4 0,1Total 4 127 100,0

Tableau II : Répartition des cas d’intoxications par les plantes en fonction de l’espèce incriminée, CAPM, 1980 à 2008

Nom latin Nom usuel Total %- Mâajoune (Mixture) 1 156 26,5Atractylis gummifera Chardon à glu ou Addad 461 10,6Cannabis sativa Cannabis, Hachich ou Herbe 441 10,1Peganum harmala Harmel 201 4,6Datura stramonium Datura 156 3,6Ricinus communis Ricin, Wriwra ou Kharwae 101 2,3- Cheguiga (Mixture) 55 1,3Huile essentielle de Juniperus oxycedrus Huile de cade 56 1,3Lawsonia inermis Henné 31 0,7Papaver somniferum Khachkhacha 31 0,7Nerium oleander Laurier rose ou Dafla 27 0,6Myristica fragrans Gouza ou Noix de muscade 43 1,0Nigella sativa Nigelle ou Sanouj 44 1,0Mandragora automnalis Mandragora 23 0,5Rosmarinus officinalis Romarin ou Azir 22 0,5Citrullus colocynthis Coloquinte ou Hadja 35 0,8Eugenia caryophyllus Clou de girofle ou Koronfle 15 0,3Autres plantes 1 457 33,6Total 4 355 100,0

0

100

200

300

400

500

600

700

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008Années

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Intoxication par les plantesIntoxications toutes causes confondues

Figure 1 : Répartition des intoxications par les plantes en fonction des années,CAPM, 1980 à 2008

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Discussion Malgré la sous notification des cas d’intoxications par les plantes au CAPM, celui-ci reste à l’instar des CAP internationaux, la principale source de données épidémiologiques pour étudier ce type d’intoxications chez l’homme [6]. La fréquence des intoxications par les plantes représentait 5,1% des intoxications, toutes causes confondues, en dehors des piqûres et envenimations scorpioniques. En France et en Belgique, elle représente environ 5% des intoxications, en Italie 6,5%, en Suisse 7,2 % et en Turquie 6% [7]. Les plantes sont à l’origine de 5% des intoxications signalées au CAP de Strasbourg et 3,2% des intoxications selon l’Association Américaine des Centres Anti Poison (AAPCC) [8,9].Contrairement aux données de certains centres anti poisons, notamment français [8], l’intoxication aux plantes se produit au Maroc essentiellement chez l’adulte. La principale cause d’intoxication est la prise par voie orale d’une mixture appelée mâajoune, utilisée dans un but toxicomanogène. Il s’agit d’une pâte préparée localement à base de cannabis de façon constante, auquel sont ajoutés d’autres plantes comme le datura [10].Les intoxications par les plantes chez l’enfant restent moins fréquentes par rapport aux données internationales et sont essentiellement accidentelles, moins fréquemment dans des circonstances thérapeutiques, comme c’est le cas de l’huile de cade et du Peganum harmala (harmel), ou à la recherche d’un effet d’endormissement de l’enfant de la part de sa maman par du Papaver somniferum (Kharchacha).Les plantes toxiques peuvent entraîner plusieurs syndromes associés, mais un appareil peut prédominer [11].Ainsi les médecins du CAPM ont acquis une importante expérience leur permettant de reconnaître, à partir de la symptomatologie prédominante présentée par la victime, la plante incriminée.Le traitement reste le plus souvent symptomatique en absence d’antidotes spécifiques. Le lavage gastrique est parfois conseillé selon la toxicité de la plante ingérée, la symptomatologie engendrée et son délai d’action. Il peut être associé dans certains cas à l’administration du charbon activé et surtout à une surveillance basée sur les organes cibles de la plante.

Article originaletude rétrospective des intoxications par les plantes au Maroc : expérience du centre anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (1980-2008)

tableau iii : Répartition des cas d’intoxications par les plantes en fonction de la circonstance de l’intoxication, CAPM, 1980 à 2008

Circonstance Totaux %

Accidentelle Accident classique 2 478 66,4Professionnelle 10 0,3

Volontaire

Toxicomanie 645 17,3Suicidaire 479 12,8Criminelle 74 2,0Avortement 47 1,3

Total 3 733 100,0

tableau iV : Répartition des cas d’intoxications par les plantes en fonction de l’âge et de la cir-constance, CAPM, 1980 à 2008

Groupe age Accidentelle Volontaire TotalEffectif % Effectif % Effectif %

Nouveau né 45 1,9 0 0,0 45 1,2Nourrisson 58 2,1 0 0,0 58 1,6Bébé marcheur 429 18,2 0 0,0 429 11,9Enfant 668 27,8 69 5,7 737 20,4Adolescent 245 10,2 310 25,7 555 15,4Adulte 959 39,9 817 67,7 1 776 49,2Personne âgée 9 0,4 0 0,0 9 0,2Total 2 405 100,0 1204 100,0 3 609 100,0

tableau V : Répartition des cas d’intoxications par les plantes en fonction du lieu de l’intoxica-tion, CAPM, 1980 à 2008

Lieu Effectif %Domicile 2 167 73,5Public 723 24,5Travail 52 1,8Ecole 7 0,2Total 2 949 100,0

Tableau VI : Les appareils atteints lors des intoxications par les plantes (classification WHO Art), CAPM, 1980-2008

Code WHO art Catégorie d’effets selon le système ou l’organe Effectif %100 Affections de la peau et de ses annexes 61 0,8200 Affections du système ostéo-musculaire 29 0,4410 Troubles du système nerveux central et périphérique 1 924 23,8431 Troubles de l’appareil visuel 174 2,2432 Troubles de l’appareil cochléaire et vestibulaire 6 0,1500 Troubles psychiatriques 288 3,6600 Affections du système gastro-intestinal 3 951 48,8700 Affections du foie et des voies 12 0,1800 Troubles du métabolisme et de la nutrition 15 0,2900 Troubles des systèmes endocriniens 3 0,0

1010 Affections de l’appareil cardio-vasculaire général 129 1,61030 Troubles de la fréquence et du rythme cardiaques 612 7,61040 Troubles du système vasculaire extracardiaque 1 0,01100 Affections de l’appareil respiratoire 539 6,71230 Affections des plaquettes, saignement et coagulation 22 0,31300 Affections de l’appareil urinaire 74 0,91420 Affections de l’appareil génital féminin 1 0,01810 Troubles de l’état général 222 2,71820 Réactions locales au traitement 26 0,3

Total 8 089 100,0

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Dernièrement, étant donné que l’atteinte hépatique prédomine dans l’intoxication par le chardon à glu, nous avons proposé un traitement à base de la N-Acétyl cystéine dans 10 cas d’intoxication et une nette amélioration a été observée. Ces résultats devront être démontrés par des études randomisées contre placebo.Au Maroc, 66,7 % des cas de décès ont été observés chez l’enfant, contrairement à ce qui a été rapporté par certains auteurs [11], dont 77,6 % étaient dus au chardon à glu. Il s’agit de l’atractylis gummifera, espèce de la région méditerranéenne qui se rencontre au Maroc dans toutes les régions, à l’exclusion de la région de Marrakech, l’Anti Atlas et les zones désertiques ou arides. Sa réputation est importante à la fois comme toxique et comme plante médicinale. Il se trouve d’ailleurs en vente libre chez tous les herboristes et dans les souks [12]. Sa consommation est caractéristique de fratrie d’enfants vivant en milieu rural, essentiellement des bergers qui la prennent pour son goût sucré par ignorance de son danger.

Conclusion

Au Maroc, les intoxications aiguës par les plantes ne sont pas négligeables. Elles sont souvent à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité importante. C’est l’apanage de l’adulte, surtout dans des circonstances accidentelles. L’intoxication chez l’enfant sévit surtout suite à l’ingestion du chardon à glu et de façon collective. Une sensibilisation des enfants et de leurs parents s’impose pour éviter ce type d’intoxication.Afin d’améliorer la prise en charge thérapeutique de ce type d’intoxication, le CAPM a mis en place des conduites à tenir standardisées pour les intoxications par les plantes les plus incriminées.

RemerciementsLes auteurs tiennent à remercier Mme Aghandous R, Dr. Achour S. et Dr. Skalli S. pour leurs remarques et suggestions qui ont permis l’amélioration de cet article.

Article original etude rétrospective des intoxications par les plantes au Maroc : expérience du centre anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (1980-2008)

Références

1. Ouammi L, Rhalem N, Aghandous R, Semllali I, Badri M, Jalal G et al. Profil épidémiologique des intoxications au Maroc de 1980 à 2007. Toxicologie Maroc. 2009 Mai;1 : 8-13.2. Khattabi A, Soulaymani R. 36 Intoxications with traditional pharmacopoeia products in Morocco. Human and Experimental Toxicology. 2000 Aug;19 : 473 - 483.3. The Uppsala Monitoring Centre. Adverse Reaction Terminology. Uppsala : OMS; 2000.4. Person HE, Sjöberg GK, Hains JA et al. Poisoning Severity Score. Grading of Acute Poisoning. Clin Toxicol. 1998; 36, 3 : 205-213.5. Lefèbvre L, Mathieu M, Nantel A, Rambourg Schepens M. Définitions INTOX. 2000 Mars. (Site Internet : http://www.who.int/ipcs/poisons/en/definitions_fr.pdf).6. Anonyme. Centre antipoison de Lille. Rapport d’activité 2007. (Site Internet http://www.chru-lille.fr/cap/lille.Htm).7. Oztekin-Mat A. Les intoxications d’origine végétale en Turquie. Ann Pharm Fr. 1994; 52: 260-265.8. Flesch F. Intoxications d’origine végétale. Elsevier SAS. 2005:7-10579. Patrick N. Intoxications par les végétaux : plantes et baies. Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. 2003.10. Jalal Gh, Achour S, Rhalem N, Soulaymani R. Intoxication au “maâjoun”. Espérance Médicale. 2003; 10,91:68-71.11. Bedry R, Pillet O, Favarel-Garrigues JC. Intoxications par les plantes et les poissons vénéneux. Intoxications aiguës. Collection réanimation. 1999:448-466.12. Bellakhdar J. La pharmacopée marocaine traditionnelle, Médecine arabe ancienne et savoirs populaires. Paris: Ibis Press; 1997. p. 183-186.

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Rue Lamfedel Cherkaoui , Madinate Al Irfane, BP: 6671, Rabat 10100, Maroc.Standard : 05 37 77 71 69/ 05 37 77 71 67 - Fax : +212 37 77 71 79

www.capm.ma

Tableau VII : Répartition des cas d’intoxications par les plantes en fonction du grade, CAPM, 1980 - 2008

Grade Effectif %Grade 0 271 10,2Grade 1 274 10,3Grade 2 1 600 60,4Grade 3 297 11,2Grade 4 207 7,8Total (n) 2 649 100,0

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Toxicologie Maroc - N° 5 - 2ème trimestre 2010 - 9

Références1. Jamal Bellakhdar. La pharmacopée marocaine traditionnelle. Médecine arabe ancienne et savoirs populaires. Ibis Press, 1997, 183-1862. Jamal Bellakhdar, Gisho Honda, Wataru Miki. Herb Drugs and herbalists in the Maghreb. Institute for the Study of languages ans cultures of Asia and Africa, 1982)3. Souad Skalli. Plantes médicinales… Et si on en parle au moins ! Bulletin d’Informations de Pharmacovigilance, Vol 3 ; N°5, mai 2006

Journée de sensibilisation des herboristes par le CAPM, Juin 2008, Casablanca

Institutionnel

L’herboristerie désigne la préparation et la commercialisation des plantes médicinales ou des préparations déri-vées. Elle désigne, par substitution, la boutique dans laquelle sont vendues les plantes médicinales. L’herboristerie est tenue par un herboriste. Les herboristes s’occupent de la préparation, du mélange et de la transformation (extraits, huiles, etc.) des plantes médicinales et de leur culture. Les phytothérapeutes sont des médecins ou professionnels de la santé, qui vont poser le diagnostic et indiquer un traitement phytothérapeutique. Au Maroc, on distingue deux groupes de praticiens : les foukaha (encore appelés les tolba ou les guérisseurs) et les apothicaires qui se divisent eux-mêmes en deux groupes : les ‘attarin, marchands d’épices, d’aromates et de drogues médi-cinales et les ‘achabin [1] qui sont les herboristes ou marchands de simples supposés être des drogues médicinales voire magiques [2]. Le ‘achab, ou herboriste, ne se contente pas de la vente simple mais pose un diagnostic et délivre une prescription; de ce fait, il se substitue au médecin et au pharmacien.D’un point de vue législatif, la profession d’herboriste au Maroc est réglementée par trois textes de loi distincts datant tous d’avant 1960 :

• Le Dahir du 27 février 1923 assu-jettissant l’exercice de la profession d’herboriste aux dispositions du Dahir du 12 avril 1916 dont le 2ème article est : “il est spécialement interdit aux herboristes de mettre en vente toute plante vénéneuse ou toxique”.• Le Dahir du 20 août 1926 où “toute personne pourvue du certificat d’herboriste et autorisée dans les conditions prévues à l’article, pourra détenir et vendre toutes les plantes ou parties de plantes médicinales, fraîches ou sèches, mélangées ou non, à l’exception de plantes vénéneuses dont la liste figure au Codex”.• Le Dahir du 19 février 1960 avec comme article 17: “toute personne pourvue du certificat d’herboriste et autorisée dans les conditions prévues par l’article 2 pourra détenir et vendre toutes les plantes ou parties de plantes médicinales, fraîches ou sèches, à l’exception des plantes classées aux différents tableaux des substances vénéneuses prévus par le Dahir du 2 décembre 1922”.

Au Maroc, les herboristes sont en grand nombre et sont répartis sur tout le territoire. Ceux qui respectent les règles de la profession, détiennent le secret des plantes et maitrisent la composition, les indications et les effets indésirables, sont peu nombreux.

Vu l’ancienneté des textes de loi, non adaptés au contexte actuel et en l’absence d’un contrôle du secteur, des vendeurs de produits panachés populaires se proclament herboristes et conseillent parfois des produits très dangereux voire mortels. En effet, chez de nombreux ‘achabin’, des plantes et des produits d’origine animale et minérale toxiques continuent à être vendus [3], comme par exemple : l’addad (chardon à glu), takawt roumia (le paraphénylène diamine), bereztem (aristolochia longa L.), moukh dbaa (cervelle de hyène), etc.Si le vide juridique est patent quant à la fonction d’herboriste et à l’herboristerie au Maroc, il en est tout autant de la formation spécialisée dans le domaine. La problématique qui en résulte et qui menace la sécurité des patients, ne peut être résolue que par la formation et par le contrôle réglementaire du secteur. Nous saluons l’Union des herboristes au Maroc qui travaillent pour l’amélioration du secteur.

L’HeRBoRisteRie au MaRocSkalli Souad

Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc

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Rapports

introduction

Le Centre Anti Poison du Maroc (CAPM) est un service d’utilité publique mandaté par le Ministère de la Santé pour la gestion des problèmes toxicologiques à l’échelle individuelle et collective. C’est un centre national qui dessert toute la population marocaine, estimée en 2009 à 31 514 000 habitants.

La collecte des cas d’intoxications aiguës au CAPM se fait par : − Les fiches de déclaration des cas d’intoxications reçus par courrier à partir des provinces et préfectures médicales du royaume ;− Les dossiers médicaux des cas pris en charge par le service de l’Information Toxicologique ;− Les fiches d’analyse de toxicologie pour les demandes parvenues au laboratoire de toxicologie du CAPM.− Les relevés mensuels qui récapitulent les informations du registre des piqures et envenimations scorpioniques (PES)

Les cas d’intoxications pris en charge par le service de l’Information Toxicologique, font parfois si indiqué, l’objet d’une analyse toxicologique du laboratoire.Les doublons entre les 2 unités ont été repérés et retirés. Les données ont été compilées sous forme d’une base de données globale sur l’application Excel et analysées avec Epi Info 3.3.2.

Les piqûres et envenimations scor-pioniques (PES), faisant l’objet d’un système d’information à part, ont été analysées séparément. La gradation des cas d’intoxications aigues a été faite selon le Poisoning Severity Score (PSS) : − Grade 0 : Aucun signe ou signes non en rapport avec l’intoxication− Grade 1 : Signes spontanément régressifs

− Grade 2 : Signes prononcés− Grade 3 : Intoxication sévère avec risque vital− Grade 4 : Décès

Les tranches d’âge qui ont été adoptées sont celles de l’International Programme on Chemical Safety (IPCS) de l’OMS :

- Nouveau-né : [0- 1mois[ - Nourrisson : [1 mois- 1an[ - Bébé marcheur : [1an- 5 ans[ - Enfant : [5 ans -14 ans[ - Adolescent : [14 ans - 19 ans[ - Adulte : [19 ans - 65 ans[ - Personne âgée : ≥ 75 ans

RaPPoRt du centRe anti Poison du MaRoc : année 2009

Chaoui Hanane1, Khattabi Asmae1,2, Rhalem Naïma 1,2, Semlali Ilham1, Idrissi Mouncef 1,2, , Soulaymani-Bencheikh Rachida1,3

1- Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc2-Université Ibn Tofail, Faculté des sciences de Kénitra

3-Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat

Tableau I : Répartition régionale des intoxications aigues déclarées au CAPM durant l’année 2009

Région Effectif % % cumuléRabat Salé Zemmour Zaïr 1774 21,95 21,95Grand Casablanca 1119 13,85 35,80Tanger-Tétouan 881 10,90 46,70Oriental 805 9,96 56,66Marrakech Tensift Al haouz 788 9,75 66,42Meknès Tafilalt 778 9,63 76,04Tadla Azilal 600 7,42 83,47Gharb Chrarda Benihssen 328 4,06 87,53Fès Boulemane 247 3,06 90,58Souss Massa Draa 206 2,55 93,13Taza Al Hoceima Taounat 196 2,43 95,56Guelmim Essmara 124 1,53 97,09Chaouia Ouardigha 113 1,40 98,49Doukkala Abda 88 1,09 99,58Boujdour Lâayoune 34 0,42 100,00

n 8081 100 100,00

Figure 1 : Evolution des déclarations des intoxications aigües, des piqûres de scorpion et des demandes d’analyses toxicologiques (1991 – 2009)

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Toxicologie Maroc - N° 5 - 2ème trimestre 2010 - 11

Résultats

1) Evolution des déclarations (fig. 1)

2) Intoxications aiguës en dehors des PES

1. Effectif des intoxications aiguës selon le système d’informationAu cours de l’année 2009, le CAPM a recensé 8 224 cas d’intoxications aigües soit une incidence de 26,1 pour 100 000 habitants. Parmi ces cas, 3 145 ont été pris en charge par le service d’Information Toxicologique, 4 516 cas ont été notifiés par courrier et 563 cas sont parvenus au laboratoire pour analyse toxicologique.

2. Répartition géographique des intoxi-cationsLa région la plus représentée était celle de Rabat Salé Zemmour Zaïr (21,9 %) suivie de la région du Grand Casablanca (13,8%). Ces intoxications se sont produites en milieu urbain dans 80,7 % des cas [Tableau I].

3. Caractéristiques de l’intoxiqué L’âge moyen des intoxiqués était de 21,6 ± 15,7 allant de quelques jours à 96 ans. La tranche d’âge la plus touchée était celle de l’adulte avec 51,2 %, (Figure3) et un sex ratio de 0,83.

4. Caractéristiques du produit incriminéLes intoxications aux médicaments étaient en tête avec 28,3 % des cas, suivies des produits gazeux (23,3 %) et des aliments (15,2 %) [Tableau II]. Dans 12,6 % des cas le type de produit incriminé était inconnu. Pour les produits chimiques (pesticides, produits industriels, produits ménagers et produits cosmétiques), la composition n’a pas été précisée dans 86 % des cas.

L’analyse des cas de décès a montré que les pesticides étaient les plus mortels (Phosphure d’aluminium “Phostoxin” et organophosphorés), suivi du monoxyde de carbone et des produits industriels (méthanol et paraphénylène diamine).Parmi les cas d’intoxications reçus, 74 cas ont bénéficié d’une analyse de laboratoire pour confirmation du toxique suspecté.

Les autres demandes d’analyses sont parvenues directement au laboratoire de toxicologie (Tableau III). Le service de réanimation a été le principal demandeur (56,3%), suivi des services des urgences (21,7%) et de pédiatrie (20,2%).

5. Caractéristiques des intoxicationsLes intoxications étaient symptoma-tiques dans 83,3 %. La circonstance accidentelle est la circonstance la plus fréquente (82,6 %). La circonstance sui-cidaire représente 15,6 %. Dans 68,6% des cas, les intoxications étaient de grade 2 selon le PSS. (Fig1). Ces intoxications se sont produites à do-micile dans 88,5 % des cas, dans un lieu public dans 8,5 % des cas et dans un lieu professionnel dans 3 % des cas. La voie orale était prédominante dans 67,1%. L’évolution des cas a été favo-rable dans 3 180 cas (97,4 %) (Tableau IV, V, et VI). Le CAPM a enregistré 76 cas de décès [Tableau VII].

Rapports

tableau ii : Les agents étiologiques selon le CaPm

Produit incriminé Effectif % % cumuléMédicaments 2036 28,33 28,33Produits gazeux 1674 23,30 51,63Aliments 1093 15,21 66,84Pesticides 811 11,29 78,12Animaux venimeux (Autres que le scorpion) 463 6,44 84,57Produits ménagers 422 5,87 90,44Produits industriels 422 5,87 96,31Plantes 114 1,59 97,90Drogues 112 1,56 99,46Cosmétiques 24 0,33 99,79Minéral 15 0,21 100,00

n 7186 100,00 100,00

Rapport du centre anti Poison du Maroc : année 2009

Figure 2 : Distribution des intoxications aigües selon le système d’information

Figure 3 : Distribution des intoxications par tranches d’âge durant l’année 2009

Figure 3 : Distribution des intoxications par tranches d’âge durant l’année 2009

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3) Piqures et envenimations scorpioniques

Durant l’année 2009, 29 816 cas de PES ont été enregistrés (Tableau VIII).

Dicussion

En 2009, nos données ont montré une augmentation de 8,5 % des cas d’intoxications aigues, 18,6 % de demandes d’analyses toxicologiques et 15,6 % de piqûres de scorpions par rapport à 2008. Cependant, en comparant nos résultats avec la revue de la littérature, on remarque que l’incidence reste très faible ; elle est de 1,2‰ habitants, alors qu’elle est de 8,2‰ habitants aux USA et de 4,3 ‰ habitants en Belgique [1,2]. Ceci est dû à la sous-déclaration des cas d’intoxications d’où la nécessité d’activer le système d’information et de sensibiliser les professionnels de santé à mieux déclarer.Seul 32 % des appels sont parvenus du public. Cette tendance doit s’inverser pour s’aligner avec les CAP étrangers (USA ,84 % [1]) car de nombreuses intoxications (principalement à domicile) sont asymptomatiques ou légères et peuvent être gérées à la maison avec un suivi par le CAPM, selon les besoins. Ainsi, le triage rationnel par le CAPM peut éviter des déplacements inutiles vers les établissements de soins de santé, prévenir les traitements inutiles, rassurer la victime et sa famille et réduire les dépenses de santé [3,4].Les trois groupes de substances impliqués dans presque 70 % des cas d’intoxications aigues déclarés au CAPM ont été les médicaments, les produits gazeux (CO) et les aliments. Par contre, les trois groupes de substances les plus impliqués dans les décès étaient les pesticides, le monoxyde de carbone et les produits industriels. Ceci confirme que les intoxications alimentaires et médicamenteuses sont généralement bénignes. Dans la majorité des cas d’intoxications par les produits chimiques non médicamenteux, la composition n’a pas été précisée, d’où la nécessité de compléter la banque de données sur la composition exacte des produits mis sur le marché marocain par les industriels. Ceci facilitera l’identification rapide du produit et par conséquent une PEC rationnelle de l’intoxication.

Points fortsLe rapport annuel du CAPM de l’année 2009 a été élaboré d’une manière différente des années précédentes. En effet, il y a eu compilation des cas d’intoxications pris en charge par le

Rapports Rapport du centre anti Poison du Maroc : année 2009

tableau iii : Description du type et de l’effectif des analyses de toxicologie d’urgence réalisées au niveau du laboratoire de toxicologie du CAPM durant l’année 2009

Toxiques Nombre d’analyse %Médicament

Phénothiazines, Salicylés, ImipraminesBenzodiazépineParacétamolPhénobarbitalCarbamazépineAcide ValproiqueThéophyllineRifampicineIsoniazide

n

858251

26273411

1153

30.959.050.940.070.250.110.140.040.04

41.59

PesticidesOrganophosphorésParathionMalathionFenitrothionCarbamatesCarbarylChloralosePhostoxinActivité cholinestérasique érythrocytaireActivité cholinestérasique plasmatique

n

217606060

214129330

152180

1078

7.832.162.162.167.720.433.351.085.486.49

38.88

Autres toxiquescarboxyhémoglobine amines aromatiques hémoglobinecannabiscocaïnemorphinebarbituriquesscreening toxicologiqueopiacésamphétamine

n

182

180117594646381817

541

0.650.076.494.222.131.661.661.370.650.61

19.52Total 2772 100

Tableau IV: Caractéristiques des intoxications aigues notifiées au CAPM durant l’année 2009

Caractéristiques Effectif % % cumuléVoie

Orale 4894 67,07 67,07Inhalation 1849 25,34 92,41Cutanée 499 6,84 99,25Rectale 22 0,3 99,55Oculaire 17 0,23 99,78Injectable 16 0,22 100

n 7297 100 100Circonstance

AccidentelleAccident classique 5216 75,9 75,9Alimentaire 183 2,7 78,6Professionnelle 64 0,9 79,5Effet indésirable 104 1,5 81Erreur Thérapeutique 113 1,6 82,6

VolontaireSuicidaire 1074 15,6 15,6Toxicomanie 85 1,2 16,8Criminelle 26 0,4 17,2Abortive 10 0,1 17,3

n 6875 100 100

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Toxicologie Maroc - N° 5 - 2ème trimestre 2010 - 13

service d’Information Toxicologique et des fiches de déclaration des provinces avec la base de données du laboratoire de toxicologie du CAPM. Ceci rend difficile la comparaison des données

avec les années précédentes mais donne une meilleure visibilité sur le profil des intoxications aigues parvenues au CAPM durant l’année 2009.

LimitesPour le CAPM, le classement de la gravité reflète l’état du patient au moment de l’effet maximal, ce qui peut estimer dans une certaine mesure la gravité réelle. Mais empêche l’évaluation des cas de décès. On ne peut plus savoir quel a été le grade à l’admission des décédés parce qu’ils sont tous gradés grade 4. Ainsi on ne peut plus évaluer l’impact du CAPM dans la prise en charge des patients intoxiqués. On peut remédier facilement à ces limites par une gradation à l’appel avec une évaluation du risque.Les cas qui parviennent directement au laboratoire sont très mal documentés. On ne dispose ni de renseignements cliniques permettant d’orienter l’analyse ni de l’évolution permettant d’étudier les corrélations dose-effet.

Conclusion

Le CAPM est l’un des modèles de système de surveillance en santé publique. Sa principale activité est d’assurer une permanence de l’Infor-mation Toxicologique en urgence en plus de la fonction de la Toxicovigilance qui consiste à détecter les situations présentant un risque pour la santé et de proposer des mesures pour les contrôler. La publication du Rapport annuel du CAPM permet de mettre à jour le profil des intoxications au Maroc et agir par conséquence en menant des actions ciblées pour diminuer la morbimortalité due aux intoxications.

tableau Vii : analyse des cas de décès

Sexe ratio 1,05

CirconstanceAccidentelle 47,80%Volontaire 47,20%Inconnue 5%

Produits en cause

Gaz 16 casPlantes 5 casPesticides 26 casProduits ménagers 3 casAliments 1 casProduits industriels 9 casMédicaments 7 casDrogues 2 casAnimaux venimeux 1 casInconnus 6 cas

Rapports

Références

1- Alvin C., Daniel A., Louis R., Jody l., Barry H., and Sandra l.2008 Annual Report of the American Association of Poison Control Centers’ National Poison Data System (NPDS): 26th Annual Report. Clinical Toxicology (2009) 47, 911–1084.2- Mostin M., Dierckx l. Rapport d’activité 2008 du Centre Antipoisons de Bruxelles. http://www.poisoncentre.be/IMG/pdf/Rapport_harmonise_2008.pdf3- Bindl L, Ruchardt J, Pfeiffer A, Kowalewski S, Lentze MJ. Effect of a German poison control center on health care cost reductions in harmless exposure cases. Vet Hum Toxicol 1997;39(1):48–50.4- Miller TR, Lestina DC. Costs of poisoning in the United States and savings from poison control centers: a benefit-cost analysis. Ann Emerg Med 1997;29(2):239–45.©

Tableau VIII : Caractéristiques des PES notifiées au CAPM durant l’année 2009

Régions Déclarantes (Effectif) 16Provinces déclarantes (Effectif) 57Nombre de cas déclarés 29 816Incidence 100,06 /100 000 habitantsSexe Ratio 0,93% des enfants de moins de 15 ans 24,90%Taux d’envenimation 8,40%Adéquation de référence* 67,3%Décès (Effectif) 56Taux de létalité général 0,19%Taux de létalité par envenimation 2,20%Taux de létalité par enfant 0,70%

Rapport du centre anti Poison du Maroc : année 2009

Tableau V : Gradation clinique selon les tranches d’âge (p<10-6).

GRADEEnfant < 5 ans Enfant > 5 ans Adolescent Adulte Personne âgée TOTAL

n % n % n % n % n % n %Grade 0 506 42,6 108 10,7 79 8,2 241 7,6 6 8,8 940 14,7Grade 1 210 17,7 139 13,7 105 10,9 356 11,2 7 10,3 817 12,8Grade 2 450 37,9 734 72,6 740 76,8 2406 76 49 72,1 4379 68,5Grade 3 18 1,5 22 2,2 31 3,2 109 3,4 5 7,4 185 2,9Grade 4 3 0,3 8 0,8 9 0,9 55 1,7 1 1,5 76 1,2

Total 1187 100 1011 100 964 100 3167 100 68 100 6397 100

Tableau VI : Gradation clinique selon la circonstance (p<10-6).

GRADE Accidentelle Volontaire TOTALn % n % n %

Grade 0 729 13,9 171 16,1 900 14,2Grade 1 586 11,1 205 19,3 791 12,5Grade 2 3798 72,2 582 54,9 4380 69,3Grade 3 112 2,1 66 6,2 178 2,8Grade 4 32 0,6 37 3,5 69 1,1n 5257 100 1061 100 6318 100

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14 - Toxicologie Maroc - N° 5 - 2ème trimestre 2010

Auteur -Titre - Problématique Recommandations

Dr H. HASSANI : Agitation chez un enfant de 12 ans secondaire à une intoxication méconnue aux benzodiazépines.

Devant tout trouble de comportement chez un enfant, une analyse toxicologique doit être effectuée au même titre que les autres examens.

Pr S. ABOURAZAK : Une envenimation rare par un ver (sangsue) provocant un état de choc hémorragique.

Diagnostic à soulever devant tout tableau d’hémorragie avec notion de consommation d’eau de puits ou d’eau provenant d’un étang ou d’un marais.

Dr K. KHABBACHE : Ingestion de caustique chez l’enfant, accidentelle dans 99% des cas, cause importante de sténose œsophagienne.

Le suivi est long, astreignant pour le gastro-entérologue pédiatre. La prévention reste le meilleur remède.

Pr S. LABIB : Intoxication au phosphure d’aluminium chez une femme enceinte. Le décès du fœtus a précédé celui de la maman.

Passage transplacentaire du toxique ou retentissement des mani-festations maternelles systémiques.

Dr. W. EL OTMANI : Encéphalopathie hypoglycémique post intoxication aux cannabis, à propos de 2 cas.

Le lien de causalité n’est pas confirmé mais devant toute hypoglycémie inexpliquée, la cause toxique doit être éliminée (éthanolémie par ex).

Dr B. YAFAT : Intoxications aigues en réanimation pédiatrique du CHU Ibn Sina Rabat : 15 décès sur 85 intoxications dont 70% sont dus aux pesticides. Les antidotes n’ont été utilisés dans aucun cas.

Les antidotes essentiels (notamment le Contrathion) sont disponibles au niveau du CAPM.

Dr A. DARKAOUI : Envenimation vipérine grave ayant nécessité un long séjour en réanimation avec risque d’amputation et de décès.

Nécessite d’avoir le sérum antivipérin pour améliorer le pronostic du patient et diminuer la durée de l’hospitalisation.

Dr B.YAFAT : Intoxication par les euphorbiacées (ricin) à propos d’un cas. A partir de 3 à 5 graines, le pronostic vital de l’enfant est engagé.

Une prise en charge thérapeutique symptomatique et rapide en milieu de réanimation peut faire éviter l’évolution fatale de ce type d’intoxication.

Dr. F. BATTA: Néphrite tubulo-interstitielle secondaire à la consommation de plantes: ces lésions sont compatibles avec celles retrouvées suite à la consommation de l’aristoloche.

Il faut penser à la consommation des plantes néphrotoxiques devant toute insuffisance rénale d’origine inexpliquée, et déclarer ces cas à la phytovigilance pour combattre la commercialisation illégale de ces plantes toxiques.

Pr S. ACHOUR : Intoxication mortelle à l’huile de cade, à propos de deux cas. Le phénol contenu dans cette huile peut être responsable d’une atteinte multiviscérale avec risque de décès.

La sensibilisation du public quand aux dangers de cette huile est nécessaire.

Dr H. CHAOUI : Ingestion de 6 piles bâton, intoxication suicidaire rare chez l’adulte, à propos d’un cas.

L’élimination se fait généralement spontanément, la surveillance radiologique suffit, la chirurgie doit être réservée aux cas compliqués.

Dr H. CHAOUI : Intoxication aigue au Khôl suite à l’administration par voie rectale dans un but thérapeutique, à propos d’un cas. La symptomatologie était similaire à celle de l’intoxication au plomb.

Devant ce type d’intoxication, faire un dosage de la plombémie pour confirmer la liaison de cause à effet.

D. Dr. B. NARGIS : Néphrocalcinose secondaire à un surdosage à la vitamine D, suite à une erreur thérapeutique par la maman.

Le dosage de la vitamine D doit faire partie du bilan étiologique de la néphrocalcinose chez le nourrisson.

Dr A. DERKAOUI : Intoxication par inhalation de fumée d’incendie. Le choc sévère bipolaire systémique est en faveur d’une intoxication cyanidrique associée.

La présence de suies sur le visage et le dosage de lactates (lactates> 4 mmol/l) confirme l’intoxication cyanidrique associée.

Dr M. AMRANI : Hépatite aigue toxique par les céphalosporines et les quinolones, à propos d’un cas.

La rhabdomyolyse et les myalgies associées sont des arguments en faveur de l’incrimination des quinolones.

Rapport du 1er staff national de toxicologie

Rapports

Le staff national trimestriel de toxicologie a été créé en 2009 en partenariat avec la Faculté de Médecine de Fès. Ce staff réunit des spécialistes cliniques ou biologiques pour discuter des cas marquants et pour harmoniser leurs pratiques.Le premier staff a eu lieu le 29 janvier 2010 au CAPM et le 2ème staff a été organisé à la Faculté de Médecine de Fès. Ce dernier a connu la participation de réanimateurs et de toxicologues des Centres Hospitaliers universitaires. Les cas d’intoxications discutés sont synthétisés sous forme de problématiques et de recommandations dans le tableau suivant :

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Toxicologie Maroc - N° 5 - 2ème trimestre 2010 - 15

Dystonie aigue au métoclopramide : un mal évitable

N. Bardane

Le métoclopramide est un médicament utilisé pour traiter les vomissements chez l’enfant. Il est commercialisé sous différentes formes (sirop, suspension buvable, suppositoires, comprimés) et noms commerciaux (Clopram®, Digestine®, Metagliz®, Primperan®)La dose quotidienne ne doit pas dépasser 0.4mg/kg/jour répartie dans la journée avec un intervalle de 6 heures entre les prises. En cas de surdosage, des mouvements anormaux appa-raissent sous forme de spasmes musculaires intermittents, touchant surtout la face et le cou : torticolis, trismus, protrusion de la langue et mouvements anormaux des yeux. Ces signes posent des problèmes de diagnostic. Ils inquiè-tent les parents, et conduisent à de nombreuses investigations médicales et dépenses de santé. Ils sont en général spontanément résolutifs mais nécessitent parfois une prise en charge hospitalière [1]. Le CAPM reçoit beaucoup d’appels concernant des cas de surdosage par le métoclopramide. Les parents en sont souvent la cause directe, mais derrière ce surdosage se cachent des causes profondes. En effet, ce médicament est fréquemment délivré sans ordonnance, parfois pour des indications abusives ; la présentation goutte est difficile à manier et souvent cause de surdosage; le médecin et le pharmacien n’in-sistent pas assez sur les précautions d’usage et le risque encouru si la posologie est légèrement dépassée. Les parents, qui paniquent devant les vomissements, peuvent en effet raccourcir l’in-tervalle entre les prises. Afin de minimiser ce type de surdosage, une circulaire conjointe entre la Direction du Médicament et de la Pharmacie et le Centre Marocain de Pharmacovigilance (réf. 23 DMP/21/CPV), datée du 25 mai 2009, a insisté sur le respect de la dose journalière usuelle et

sur le respect de l’intervalle temps d’au moins 6 heures entre les prises, même en cas de vomissement et de rejet partiel ou total du médicament par l’enfant. Malgré ces recommandations, le CAPM a constaté une croissance importante des cas de surdosage. Une vingtaine de cas ont encore été enregistrés durant les mois de janvier et février 2010.Le CAPM insiste sur la nécessité de ne plus pres-crire, ni délivrer, ni utiliser le métoclopramide qu’en cas de vomissements sévères, et d’expli-quer aux parents l’obligation de respecter la dose prescrite et l’intervalle de 6 heures entre deux prises.Le CAPM conseille aux parents de ne pas uti-liser le métoclopramide sans l’avis du médecin, de respecter les doses prescrites et de contacter le CAPM en cas d’apparition de mouvements anormaux suite à la prise du métoclopramide

1. Windy M, Benkirane R, Rhalem N, Soulaymani R. Metoclopramide Induced Acute Dystonia: Clinicians Should be Aware:Centre Anti Poison et de Pharma-covigilance du Maroc, Rabat, Morocco.The Interna-tional Society of Pharmacovigilance, 7 ISoP Annual Meeting, Dorset, UK. 2007. www.isoponline.org .

Bereztem Grande menace pour la sante

d’un produit dit ‘naturel’S. Skalli

Bereztem est une plante herbacée, sa racine sé-chée est vendue au Maroc chez les herboristes (achaba) pour des usages variés : traitement de “boumezwi” (palpitations de l’aorte), de la constipation, des affections intestinales, des maladies cutanées, des blessures et comme antidote contre certaines intoxications voir lors des morsures de serpents [1]. L’usage le plus ré-pandu est son utilisation comme traitement du cancer. Ces usages ne sont fondés sur aucune preuve scientifique ; au contraire, Berztem est aujourd’hui reconnu comme très dangereux. Le CAPM a reçu plusieurs déclarations d’in-suffisance rénale secondaires à l’usage de Be-reztem par des patients atteints de cancer.

Une étude est en cours pour évaluer la pré-valence et la durée de son utilisation chez ce type de patients, et les éventuelles consé-quences sur la fonction rénale. Les résultats préliminaires sont assez inquié-tants. Bereztem est largement utilisé et le nombre de patients présentant, en plus de leur cancer, une insuffisance rénale est de 16% se-lon les premières analyses.De son nom scientifique Aristolochia longa L., Bereztem est une plante qui doit sa toxicité à l’acide aristolochique (AA) très concentré au niveau de la racine [2]. L’OMS considère cet acide carcinogène. Sa présence dans des pré-parations thérapeutiques à base de plantes et ses nombreux effets indésirables ont fait que l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé en 2001 et Santé Canada en 2004, ont interdit la commercialisation et l’usage de ces produits dans leurs pays [3, 4]. Au Maroc, le Dahir du 27 février 1923, celui du 20 août 1926 et celui 19 février 1960, in-terdisent aux herboristes la vente des plantes toxiques. Or Bereztem fait partie des plantes toxiques mais il est toujours vendu chez les herboristes.Le CAPM tient à tirer la sonnette d’alarme vis-à-vis de cette pratique combien menaçante pour la santé de la population et recommande : • au public : d’arrêter toute utilisa-tion de Berztem • aux professionnels de santé : de rechercher la notion d’utilisation de Bereztem devant toute insuffisance rénale inexpliquée. Les données de la biopsie rénale sont très évo-catrices d’une néphrite interstitielle chronique d’origine toxique. • aux herboristes : de respecter la loi et de participer efficacement à la préservation de la santé du citoyen marocain.Nous souhaitons également que les autorités puissent effectuer les contrôles nécessaires pour interdire définitivement la vente de ce produit et pour réglementer le métier d’herboriste en conformité avec la situation actuelle.

1. Bellakhdar J. Médecine arabe ancienne et savoirs popu-laires. La Pharmacopée marocaine traditionnelle. Edition Le Fennec, Ibis Press, 1997.2. Alunni-Perret V, Cassuto E, Michiel S J-F, Saint Paul M-C, Quatrehomme G. L’affaire des herbes chinoises ou la néph-ropathie à l’acide aristolochique. Présentation du premier cas français documenté : Chinese herbs nephropathy : The first documented french case. Journal de médecine légale droit médical. ESKA. Paris. 2006 ; vol. 49, N°4, pp. 121-126.3. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) : JORF n°30 du 4 février 2001. NOR: MESM0120341S.4. Produits contenant de l’acide aristolochique. Santé cana-da. http://www.hc sc.gc.ca/ahc-asc/media/advisories-avis/ 2005/2005_ 08-fra.php

Alertes du CAPM

Le Sénat français a adopté une proposition de loi qui vise à suspendre la commercialisation des biberons à base de Bisphénol A. Nous rappelons que le CAPM a publié un article dans le 3ème numéro de sa publication «Toxicologie Maroc», mettant le point sur le danger de l’utilisation des récipients à base de Bisphénol A, dont le danger sur la santé publique humaine n’est plus à démontrer. En attendant une règlementation interdisant la commercialisation des produits à base du Bisphénol A, les familles doivent être sensibilisées pour ne plus utiliser les biberons contenant du Bisphénol A.

a propos de l’alerte du CaPm sur le Bisphénol a

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