Revue DMA – RESPECT ET MISERICORDE (Mars – Avril 2014)

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Revue des Filles de Marie Auxilitrice (Filles de Marie Auxiliatrice)

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REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE 2

dma Revue des Filles

De Marie Auxiliatrice

Via Ateneo Salésiano 81

000139 Roma

Tél. 06/87.274.1fax 06/87.13.23.06

e.mail : [email protected]

Directrice Responsable Mariagrazia Curti

Rédacteurs Giuseppina Teruggi Anna Rita Cristiano

Collaboratrices

Tonny Aldana Julia Arciniegas

Patrizia BertagniniMara Borsi

Carla CatellinoPiera Cavaglià .

Maria Antonia Chinello

Emilia Di Massimo Dora Eylenstei

Maria Pia Giudici

Gabriella ImperatorPalma Lionetti

Anna Mariani Adriana Nepi

Maria PerentalerLoli Ruiz Perez

Debbie PonsaraMaria Rossi

Bernadette Sangma

Martha Séide

4 Editorial Là, il y a tout l’Evangile

5 Dossier Paroles et gestes de respect et de miséricorde

13 Premier Plan

14 Spiritualité missionnaire «Là où deux ou trois sont réunis en mon nom…»

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L’Esprit et le Droit Mais quelle famille as-tu ?

18 Culture et écologie Une planète aux ressources limitées

20 Fil d’Ariane Face à l’autre

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Traductrices

France : Anne-Marie Baud

Japon : Province japonaise

Grande Bretagne : Louise Passero

Pologne : Janina Stankiewicz

Portugal : Maria Aparecida Nunes

Espagne : Amparo Contreras Alvarez

Allemagne: Prov.Autrichienne et Allemande

EDITION EXTRACOMMERCIALE

Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice

Via Ateneo Salesiano 81, 00139 Roma

C.C.P.47272000

Reg. Trib. Di Roma n.13125 del 16-1-1970

Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c,

Legge 662/96 – Filiale di Roma

N° ¾ Mars-Avril 2014

Tipographia Istituto Salésiano Pio XI

Via Umbertide 11,00181 Roma

27 En recherche

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Culture Aimer et partager

30 Pastoralement Les jeunes font-ils peur ?

32

Regard sur le monde Au marché de Cotonou

34 On “Fait” pour “Dire”

Explorer

35 Communiquer

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Femmes sur le terrain Le visage féminin de la compassion

40 Vidéo Je vais à l‘école

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Livre Le silence de la Parole

44 Musique La musique a un rôle social

46 Camille

Pains quotidiens

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Tout l’Evangile est là

Giuseppina Teruggi

Benoît XVI et le pape François illuminent aujourd'hui la vie de l'Eglise et du monde par leur manière d’être. Ils sont différents, et cependant ils ont beaucoup de points communs. Ce sont des témoins d'humilité : celle qui a poussé Benoît XVI à renoncer au pontificat et le pape François l'a voulu proche comme soutien sûr dans la prière. Ils ont en commun la passion de l’évangélisation et se sont engagés pour l'unité de l'Eglise. Cette humilité apparaît de manière limpide dans l'Encyclique «Lumen fidei», écrite à «quatre mains», comme l'a affirmé le Pape, et dans laquelle il a même puisé l'inspiration pour l'extraordinaire exhorta-tion «Evangelii gaudium». Ils ont tous les deux une prédilection particu-lière pour les faibles et les pauvres, sous la forme d’une grande bonté du cœur, de respect, de miséricorde. Pour Benoît «celui qui se reconnaît faible et pécheur et qui fait confiance à Dieu et obtient de lui grâce et pardon, au cœur de la célébra-tion sacramentelle il n’y a pas le péché, mais la miséricorde de Dieu, infiniment plus grande que notre faute». Pour le Pape François c'est un leit motiv répété que «la joie de Dieu est de par-donner. C'est la joie d'un pasteur qui retrouve sa petite brebis, d'un père qui accueille le fils à la maison... Ici c'est tout l'Evangile, c'est tout le christianisme... ce n'est pas du sentimental, ni de la bonhomie. Ce numéro du DMA propose ce thème qui est profondément évangélique. La miséricorde est

vue sous l'angle d'un Dieu qui continue à aimer, à avoir confiance en nous, malgré notre péché, pour nous renvoyer à notre vocation première d'être collaborateurs avec Lui dans la construction d'un monde plus humain. Parler de miséricorde, ce n'est pas seulement des sentiments du cœur, des émotions. Il s’agit d’agir. La miséricorde nous provoque à vivre un style relationnel qui rapproche de l'autre, avec respect et engagement. Nous présentons le témoignage incisif de quelques femmes, imprégnées de respect et de miséricorde. Comme Dorothy Day, activiste libérale convertie, pour laquelle ce n'est pas seulement l'hospitalité de la maison, mais aussi celle du visage et du cœur. Pour elle «le véritable amour est délicat et bon, il est fait de compréhension, de beauté, de grâce, et de joie indicible». Comme Angela Vallese, qui savait animer la communauté où germaient visiblement les fruits de l'Esprit : amour, joie, paix, bienveillance, bonté. «Quand nous comprenons que Dieu aime même le plus abandonné des êtres humains, le cœur s'ouvre aux autres, nous devenons plus attentifs à la dignité de chaque personne et nous nous interrogeons sur le comment participer à la préparation de leur avenir» : ceci est la conviction qui a soutenu le frère Roger tout au long de sa vie. Et c'est certaine-ment aussi la nôtre. [email protected]

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Paroles et gestes de respect et de miséricorde Giuseppina Teruggi

Les paroles et les gestes expriment le désir de chacun d’entre-nous de communiquer avec le monde et permettent d’approcher toute personne pour entrer en relation avec elle. Les paroles et les gestes de respect et de miséricorde expriment la volonté de regarder toute personne humaine en reconnaissant sa profonde dignité par le seul fait qu’elle est une personne. Les paroles et les gestes proposent un style de rapport fondé sur la volonté de porter notre attention sur chaque personne, en tenant compte de sa person-nalité propre.

Passion pour le monde Le mot respect exprime des sentiments, des attitudes ou des comportements faits d’attention, d’estime pour toute personne dont nous reconnaissons les droits, la dignité et la personnalité, en cherchant à ne pas l’offenser de quelque manière que ce soit. On respecte quelqu’un quand notre compor-tement montre que nous avons face à nous une personne digne d’intérêt, et quand nous nous montrons tolérants et accueillant dans ce monde toujours plus diversifié et pas seulement pour une question de culture, de lieux d’origine, de religion, mais aussi face à des idées, l’âge, l’orientation politique, la vision de la vie.

Ceci nous amène à nous souvenir que l’autre existe et que par notre manière d’être face à lui, notre regard attentif, le fait de le prendre en considération, de l’écouter nous l’aidons à vivre et d’une certaine manière nous l’engendrons à une vie nouvelle.

Si nous pensons à toutes les personnes qui vivent dans des situations de parfait anony-mat, qui sont seulement des numéros sur des

listes devenant de plus en plus longues, nous constatons que tout cela est d’une grande froideur.

Mais derrière chaque numéro il y a une personne ! Nous parlons souvent des millions de réfugiés accueillis dans des camps pré-parés pour eux, nous parlons du pourcentage de nouveaux pauvres ou de gens appauvris, ou vivant dans la précarité, de victimes de la crise. Nous regardons les nouvelles qui parlent de guerres provoquant de nombreuses victimes, ou nous assistons à l’exode de milliers de migrants qui passent les frontières, traversent des déserts et des mers dans des conditions pleines de dangers et d’adversités, au péril de leur vie et jusqu’à trouver la mort.

Mais de toutes ces personnes-numéros, nous ne connaissons pas le nom, nous ne voyons pas le visage, nous ne touchons pas les mains, nous ne connaissons que les chiffres des statistiques sans aucune référence à quelque chose de réel. Il est donc opportun, même si nous ne réussissons pas à les voir toutes face à face, de rappeler à notre cons-cience, les millions de personnes qui ont un nom, un visage, des bras, une histoire, pour que chacune d’entre elle puisse exister pour nous.

Par le respect, je me situe face à l’autre en suspendant tout jugement, en écoutant ce qu’il a à dire, en accueillant chaque particu-larité de sa personne. Il existe des comporte-ments qui ne sont pas digne d’un homme, qui ne cherchent pas la qualité de la convivialité, mais l’outragent et ceux-ci portent atteinte à la civilisation et la blessent profondément. La violence, l’agression verbale, sont des habi-tudes qui ont tendance à se développer de plus en plus aujourd’hui, elles nous décon-certent et nous laissent avec un sentiment d’impuissance et une grande tristesse.

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Nous lisons souvent dans les faits divers que des groupes de jeunes qui rencontrent un SDF, se moquent de lui, et vont jusqu’à le malmener, on bien quand ils voient une personne de couleur, ils l’insultent et lui crachent dessus; les émigrés sont aussi sujets à des menaces et à des intimidations qui les invitent fortement à rentrer dans leur pays. Tout cela semble être dit sous une forme d’égo-latrie, où tout est décidé pour amplifier et gratifier un ego toujours plus encombrant. Et alors tous les besoins collectifs deviennent des droits à défendre, où l’on oublie qu’à côté de ces droits il y a toujours des devoirs. Tout est pensé et planifié dans une sorte d’égoïsme social, où tout et tous pensent à cultiver et protéger le propre moi toujours plus exigeant, et où personne ne ressent la néces-sité d’avoir à cœur l’ensemble de l’humanité. Nous ne pouvons vraiment pas croire pouvoir bien vivre tout seul. Si nous vivions dans un monde qui ne fonctionne pas bien, nous ne pourrions certainement pas nous sentir bien, nous isolant de tous les problèmes, et nous construisant de petites oasis. Dans beaucoup de Pays celai arrive déjà, où riches et puissants s’isolent du centre de la polis, comme pour ne pas vouloir être contaminés par les difficultés et les souffrances des autres.

Le moi et le nous sans les autres dépersonna-lisent et appauvrissent : le nous assume la forme insoutenable de l’exclusion et, par consé-quent, l’autre assume les caractéristiques de la menace à conjurer ou à détruire de manière préventive. Les paroles aussi, quand elles sont chargées de ressentiment et de haine peuvent devenir des armes, les accusations réciproques sans limites ni respect poussent à la négation et à la destruction de l’adversaire. Voir toujours le mal dans l’adversaire génère peu à peu une violence qui prendre la forme d’un terrorisme plus ou moins élaboré idéologiquement. Nous voyons bien qu’un peu partout dans le monde, ont lieu des manifestations pour plus de liberté, de justice, et souvent, malheureu-sement elles sont réprimées dans le sang, parce qu’il n’y a pas de place pour le dialogue et l’écoute réciproque, dans le respect des différentes opinions, et celui qui ne pense pas comme moi devient “l’ennemi” à éliminer. Cela semble des discours lointains qui concernent seulement les puissants. Mais si on y pense bien même dans nos commu-nautés de tels comportements peuvent s’insinuer et faire que certaines personnes ne sont pas estimées. Nous pouvons utiliser des paroles qui étiquettent les personnes qui ne pensent pas comme nous.

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Nous pouvons nous aussi ne pas respecter toutes les diversités et nous laisser emporter par le tourbillon du jugement rapide et par la partialité.

Respect et miséricorde ! Respect, compassion, miséricorde, font partie de cet unique mouvement du coeur et d’actions qui invite à considérer l’autre comme une terre sacrée. La passion pour le monde, pour l’humanité, pour l’histoire pousse à agir et à travers l’action, l’individu acquiert une plus grande conscience de soi ! Ce qui a tout de suite touché les nombreux pèlerins qui arrivent sur la place Saint Pierre pour participer aux célébrations présidées par le pape, est de voir comment le pape François, au cours de son tour de la place en papamobile, ne salue pas une foule informe de gens, mais salue un ensemble de personnes. Il cherche à regarder chacun, de croiser leur regard, de sourire, d’encourager avec différentes expressions du visage. C’est une manière de dire à chacun : “merci d’être avec moi, je me suis aperçu que tu étais là”. Et que lui regarde vraiment le visage de chaque personne est une réalité mise en évidence par le fait que souvent il reconnaît des amis, des prêtres ou des membres de sa famille.

Nous ne sommes pas des numéros mais des personnes, avec une identité propre, une histoire, une valeur intrinsèque. Un autre geste important du pape François est celui de choisir d’administrer le sacrement de la réconciliation durant ses visites aux paroisses de Rome, son diocèse. C’est vouloir dire, Dieu a tellement envie et désire tellement nous offrir sa miséricorde que celui qui a la mission de l’administrer doit être disponible pour laisser passer le fleuve de grâce que le Seigneur veut donner à ses enfants.

Déjà dès le premier Angélus le pape François a souligné l’importance du sacre-

ment de la réconciliation, mais surtout l’impor-tance de croire dans l’infinie miséricorde de Dieu. Pour le Pape la miséricorde est la clé qui redonne sens à l’humain; s’oublier soi-même pour aller vers l’autre qui me redonne “sens”. La miséricorde est le nom de la justice de Dieu, et le chemin de l’être miséricordieux est toujours un chemin d’accompagnement. A l’Angélus du dimanche 14 septembre, où la liturgie de la Parole proposait les trois para-boles de la miséricorde, le Pape dit : «La joie de Dieu c’est de pardonner ! C’est la joie du berger qui retrouve sa brebis, la joie de la femme qui retrouve sa pièce de monnaie, c’est la joie du père qui accueille son fils perdu, il était mort et il est revenu à la vie, il est revenu dans sa maison. Là il y a tout l’Evangile, tout le christianisme ! Mais croyez-moi, ce n’est pas du sentimentalisme ni de la bonhomie ! Au contraire la miséricorde est la vraie force qui peut sauver l’homme et le monde du “cancer” qu’est le péché, le mal moral, le mal spirituel. Seul l’amour remplit les vides, les gouffres négatifs que le mal ouvre dans le cœur et dans l’histoire. Seul l’amour peut faire ceci, et ceci est la joie de Dieu». Le pape continue, disant : «Dieu ne nous oublie pas, notre Père ne nous abandonne jamais ! Mais c’est un père patient : il nous attend toujours ! Il respecte notre liberté, mais il reste toujours fidèle. Et quand nous retournons vers lui, il nous accueille comme ses enfants, dans sa maison, parce qu’il ne s’arrête jamais, pas même un moment, de nous attendre, avec amour. Et son cœur est en fête pour chaque enfant qui revient vers lui. Le danger est de penser que nous sommes dans la vérité quand nous jugeons les autres. Mais de cette manière nous jugeons aussi Dieu, parce que nous pensons que nous devons punir les pécheurs, les condamner à mort, au lieu de leur pardonner».

Le pape dit encore : «Si dans notre cœur il n’y a pas la miséricorde, la joie du pardon, nous ne sommes pas en communion avec Dieu, même si nous observons tous les préceptes,

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parce que c’est l’amour qui sauve, pas seulement la pratique des préceptes. C’est l’amour pour Dieu et pour le prochain qui donne son accomplissement à tous les commandements. Et ceci est l’amour de Dieu, sa joie : pardonner. Jésus nous appelle tous à suivre cette route “Soyez miséri-cordieux, comme votre père est miséricor-dieux”». Le miséricordieux, la miséricorde, avoir miséricorde apparaissent dans beaucoup de paroles, gestes, exhortations, comme un des leitmotivs du message de Jésus et de toute la théologie du Nouveau Testament. En fait ce n’est pas par nos mérites que nous sommes sauvés, mais en vertu de la miséri-corde de Dieu et cette miséricorde est aussi la base et le modèle de la miséricorde des hommes (Lc 6,36) et elle doit se traduire envers les autres par le pardon et l’amour, la charité, l’aumône et le partage fraternel. Les paraboles de Jésus veulent justement donner comme orientation fondamentale de la vie chrétienne, la pratique de la miséricorde. Ainsi celui à qui on a fait miséricorde doit à son tour être un témoin joyeux de miséricorde (Rm 12,8).

Le difficile pardon «La haine contre la haine ne produit rien de bien : elle crée encore de la haine». C’est Latifa Ibn Ziaten qui nous dit cette phrase, cette femme de 53 ans est la maman de Imad, soldat parachutiste de trente ans, qui en 2012, a été tué par Mohamed Merah, jeune terroriste, qui en plus d’Imad a tué plusieurs autres militaires d’origine magrébine, pour le seul motif qu’ils faisaient partie des soldats français en mission en Afghanistan. Latifa Ibn Ziaten raconte qu’après cette tragédie, elle a voulu se rendre à Toulouse, dans la banlieue où a vécu l’assassin de son fils. «Je voulais savoir où a grandi Merah, comment il a été élevé, pour quoi il était devenu ce qu’il était devenu», raconte-t-elle.

Là dans la banlieue des Izards, Madame Latifa a fait une rencontre déconcertante : un groupe de garçons qui parlaient du tueur comme un martyr, un héros de l’islam. «Pour moi ce fut un choc. A ce moment j’ai compris l’urgence d’agir, à partir de la base, c’et à dire l’éducation». Depuis lors, Latifa, ne s’est plus jamais arrêtée. Et avec les membres de l’association qu’elle a fondée en

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mémoire de son fils, l’Association Imad Ibn ZIaten pour la jeunesse et la paix, elle passe dans les écoles française pour raconter son histoire, pour expliquer sa vision sur la manière de vivre ensemble, pour témoigner que sa religion est compatible avec la laïcité. C’est la manière qu’elle a choisie, malgré les menaces de mort reçues de la part des extrémistes, pour respecter la promesse faite à son fils. «Imad m’avait dit: “Maman, s’il m’arrivait quelque chose, ne te laisse pas aller, ne baisse pas les bras”. Je l’ai écouté en pensant qu’aucune mère ne peut accepter de devoir enterrer son fils». Mais un jour, c’était il y a deux ans, le 11 mars, le téléphone sonne. Madame Latifa apprend que Mohamed Merah, 23 ans avec la double nationalité française

et algérienne, avait donné rendez-vous à son fils avec, comme prétexte, de lui acheter sa moto, et au lieu de cela il l’a tué. «Au début, je ne m’en cache pas, quand vous arrive une chose de ce genre, vous avez en vous beaucoup de ressentiment, de colère, vous avez plein de choses qui passent dans votre tête –raconte la mère d’Imad– cependant, maintenant je ne ressens plus de haine». Le témoignage de Madame Latifa, nous aide à comprendre qu’il est possible de vaincre la haine, le ressentiment, le désir de vengeance, à partir d’un engagement solidaire. Elle a cherché de comprendre qui était l’assassin de son fils, elle a découvert qu’il était lui-même un garçon victime d’un système dans lequel il a grandi sans être respecté, dans lequel sa dignité a été bafouée. Alors elle a décidé de s’engager dans le domaine de l’éducation pour former les jeunes au sens de l’autre.

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La miséricorde en œuvre Le pape Benoît XVI, dans son livre La joie de la foi écrit : «Dans le récit de la pécheresse qui oint les pieds de Jésus, Jésus dit à Simon qui l’accueille : “Vois? Cette femme sait qu’elle est pécheresse mais mue par l’amour, elle vient demander compréhension et pardon. Toi, au contraire, tu penses être juste et tu es peut-être convaincu de n’avoir rien de grave à te faire pardonner”. Il est éloquent le message qui transparaît dans ce passage de l’Evangile : qui aime beaucoup, Dieu pardonne tout. Qui a confiance seulement en lui et en ses propres mérites est comme asséché par son moi et son cœur est endurci par le péché. Qui au contraire se reconnaît faible et pécheur met sa confiance en Dieu et obtient de lui grâce et pardon. (…) Dans le cœur de la célébration pénitentielle il n’y a pas le péché mais la miséricorde de Dieu, qui est infiniment plus grande que toutes nos fautes».

Parler de miséricorde, de compassion ce n’est pas seulement parler de sentiments, d’atti-tudes intérieures, d’émotion. Il s’agit d’une action. Dans le passé on apprenait par cœur les sept œuvres de miséricorde corporelle et spirituelle, tirées de l’Evangile et du récit de Jésus sur le jugement dernier dans lequel il reconnaîtra en celui qui a mis en pratique la miséricorde ceux qui l’ont aimé. Parce que chaque action faite avec amour en vers les plus petits de la terre c’est à Lui qu’elle a été faite. Un amour mis en pratique, au quotidien.

Les sept œuvres de miséricordes corporelles sont ainsi répertoriées par la tradition : donner à manger aux affamés, donner à boire aux assoiffés; vêtir les personnes nues ; accueillir les pèlerins; visiter les malades; visiter les prisonniers; enterrer les morts. A celles-ci s’ajoutent les sept œuvres de miséricorde spirituelle : conseiller ceux qui , enseigner les ignorants, réprimander les pécheurs, consoler les affligés ; pardonner les offenses,supporter patiemment les personnes importunes, prier

Dieu pour les vivants et pour les morts. Combien d’occasions avons-nous chaque jour de pratiquer la miséricorde !

Au cours d’une rencontre avec le Pape François, don Luigi Ciotti, prêtre italien engagé dans la lutte contre les injustices de la criminalité organisée, a souligné comme le dialogue avec le Pape a été pour lui un encouragement à poursuivre cette lutte. Le Pape n’a pas peur de la dénonciation et il invite cependant à ne pas rester sans défense.

Pour don Ciotti le péché le plus grand de la société actuelle est celui de l’omission, de celui qui se rend compte des injustices, du mal, mais qui dirige son regard ailleurs. On s’indigne en paroles, mais jamais on n’agit pour faire changer les choses. L’omission qui ne fait pas bouger et qui n’amène jamais à prendre une décision.

Les paroles de Frère Roger, le fondateur de la communauté de Taizé, vont aussi dans ce sens. Il disait : «Quand nous comprenons que Dieu aime jusqu’au plus abandonné des êtres humains, notre cœur s’ouvre aux autres, nous sommes plus attentifs à la dignité de toute personne et nous nous interrogeons sur la manière de travailler à la construction d’un monde meilleur». Et alors que veut nous dire la miséricorde ? Elle veut nous dire que Dieu continue à nous aimer, à avoir confiance en nous, malgré notre péché, et elle nous met en face de notre vocation première qui est d’être colla-borateurs avec Lui pour construire un monde plus humain. L’homme grandit, se réalise et trouve le bonheur dans l’amour, le but de son exis-tence consiste à aimer et à recevoir l’amour, la bonté et la miséricorde. Etre pères et mères c’est avoir le même cœur que celui de Dieu. Il se présente à nous dans la parabole de la miséricorde de Luc 15.11-32 comme un père miséricordieux

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qui prend personnellement soin de son fils retrouvé : avec des attentions personnelles, concrètes et pleines de délicatesse comme le vêtement blanc et l’anneau passé au doigt. Signe de l’amour en actes.

Si nous allons puiser à la source de la tradition spirituelle et patristique chrétienne, nous pouvons identifier trois chemins de miséricorde qui ne sont pas autre chose qu’une redécouverte des 14 œuvres déjà présentées plus haut : la douleur, le pardon et la générosité.

Dans la paternité et maternité spirituelles nous sommes appelés à accueillir quiconque porte sur lui les signes de la fatigue et de la souffrance, à partager les larmes et à se sentir proche de cette souffrance. Etre mère et père veut dire engendrer la vie, en sachant bien qu’engendrer veut dire souffrir. Le second chemin est le pardon qui vient du coeur. Même si nous avons dit : “Je te pardonne” notre coeur peut rester fermé dans la rage, le ressentiment, la méfiance.

Pour cela le pardon doit venir d’un coeur réconcilié. Seul celui qui a fait l’expérience de la miséricorde du Dieu Père, qui s’est rendu compte combien l’amour du Père le pardonne, réussit à regarder quelqu’un qui a agit sans miséricorde. C’est comme se dire à soi-même, si Dieu Père aime tou le monde avec le même amour dont je me sens aimé, si Dieu Père aime celui qui est en face de moi d’un amour éternel, infini, comment puis-je le juger moi, indigne d’être aimé, comment puis-je ne pas apprendre à l’aimer ! Le troisième chemin est celui de la générosité. La générosité qui consiste à un partage de vie, qui est magnanimité, qui consiste à se réjouir de la joie des autres, qui veut dire accueillir, habiller, conseiller, enseigner, consoler. Nous avons un Père qui nous éduque par l’action de son amour et de sa grâce miséricordieuse, il ne nous reste plus qu’à nous laisser éduquer, pour apprendre l’art de mettre en pratique des gestes et des paroles de respect et de miséricorde.

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«Où deux ou trois sont réunis en mon nom…» Make Loes

Sœur Angela Vallese ne part pas seule. Envoyée comme missionnaire en 1877, elle part «avec une communauté». Avec elle, 5 autres FMA quittent l'Italie vers le but rêvé : la Patagonie.

La famille est le berceau du cœur humain duquel la vocation personnelle le VIVRE-AVEC. Une cohabitation qui va au-delà du simple être ensemble. «C'est dans une famille que les jeunes font les premières expériences des valeurs évangéliques, dans l'amour qui se donne à Dieu et aux autres » (VC 107). Dans le document Vita Consecrata, l'expé-rience de la famille est le fondement de la vie communautaire, pour ce vivre ensemble «réunies au nom du Seigneur».

Nos Constitutions (cf C 49), en fait, disent que «vivre et travailler ensemble au nom du Seigneur est un élément essentiel de notre vocation» laquelle est vécue «comme réponse au Père qui en Christ, nous consacre, nous réunit et nous envoie» C8). « Chaque com-munauté est réunie au nom du Seigneur pour un plan d'amour et de salut» (C 163).

Jésus, quand il appelle ses disciples,il les rassemble dans une communauté parce qu'elle est toujours porteuse de la force de l'annonce, une annonce qui part du vécu, du témoignage et puis devient Parole. Jésus, après avoir réuni les siens en communauté et leur avoir fait faire leur «expérience de famille» les envoie «deux par deux» au-devant lui dans chaque ville et localité... » (Lc 10,1) Et il ajoute : « Allez : voici que je vous envoie... » (Lc 10,3).

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Les documents de l'Eglise -après le Concile Vatican II– rappellent qu'une annonce devient plus convaincante quand elle est faite en communauté. «Le missionnaire est présent et travaille en vertu d'un mandat reçu et, même s'il se trouve seul, il est toujours relié par des liens invisibles mais profonds à l'activité évangélisa-trice de toute l'Eglise. Les auditeurs écoutent d'abord et puis entrevoient derrière lui la communauté qui l'a envoyé et le soutient » (cf RM 45). «En tant que membre d'une communauté spécifique, la Fille de Marie Auxiliatrice est une envoyée » (C 64), peu importe la saison de sa vie, le service et la mission qui lui sont confiés. La nouvelle vision de la mission ad gentes exprime essentiellement une façon de vivre la mission du Dieu Trinité. C’est pourquoi, la mission ad/inter gentes est toujours commu-nautaire. Dans la logique de la spiritualité missionnaire la communauté est le foyer de l'annonce, c'est «la maison qui, avec les jeunes, évangélise . La première communauté de Mornèse a été de tout temps, l'exemple vivant d'une communauté «Maison de l'Amour de Dieu !». Une communauté non exempte de pauvreté, de tensions, de morts prématurés, de diverses difficultés, mais où on respirait l'air de la maison. En fait, don Giacomo Costamagna la dénommait «maison de la sainte allégresse !». Les premières FMA se souviennent que «les murs mêmes paraissaient respirer le bonheur !»

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Une communauté

«pour» Dieu

et «de» Dieu ! C’est la communauté de Mornèse qui, en 1875 accueille Angela Vallese, âgée de 21ans. Celle-ci, après avoir entendu parler de Don Bosco, comprend où Dieu la veut. Cette com-munauté découvre et développe la richesse personnelle d'Angela et la stimule à parcourir un chemin de sainteté. C'est cette communauté qui fut la communauté formatrice des premières missionnaires où étaient visibles les fruits de l'Esprit, le premier et vrai formateur : amour, joie, paix, bienveil-lance, bonté, fidélité, patience, douceur et maîtrise de soi. M. Henriette Sorbone écrit : « Grande obéis-sance, simplicité, exactitude à la Sainte Règle ; admirable recueillement et silence, esprit d'oraison et de mortification, candeur et inno-cence, amour fraternel dans la conversation, joie et allégresse tellement sereine que dans cette communauté on avait l’impression d’être au Paradis. On ne pensait et ne parlait que de Dieu et du saint amour, d'aimer Marie, st Joseph et l'Ange Gardien, et on travaillait toujours sous leurs doux regards, comme s'ils étaient présents et n'avaient rien d'autre à contempler. Comme la vie était belle !». Après à peine 2 ans vécus à Mornèse avec d'autres sœurs de la communauté, avec don Costamagna et d'autres salésiens, sœur Angela Vallese embarque à bord du Savoie au port de Genève le 14 novembre 1877. Ce partir ensemble l'encourage à être protagoniste d'une vie missionnaire généreuse, disponible au don

de soi, prompte au sacrifice, humble, auda-cieuse, imbattable –comme le vent de la Patagonie– pour affronter chaque difficulté qui se présentera dans ses 36 années de vie missionnaire. Soeur Angela Vallese, avec sœur Giovanna Borgna, sœur Angela Cassulo, sœur Angela Denegri, sœur Teresa Gedda et sœur Teresa Mazzarello, portent en Amérique l'esprit de Mornèse qui avait comme levain l'esprit de famille. Jamais seule, toujours et donc avec la force et le témoignage de la communauté qui fait du «vivre-avec» l'annonce prophétique et efficace de l'amour de Dieu pour tous. Dans une de ses lettres aux missionnaires de la maison de Buenos Aires-Almagro, Mère Mazzarello exhorte les sœurs à vivre unies : «Quand vous vous séparerez, soyez attentives à ne pas séparer l'esprit, soyez toujours unies par le cœur » (L29). Selon un auteur moderne, «la communion est la première forme de mission». Soeur Angela Vallese a fait de la communion son premier commandement. Comme directrice et puis comme visitatrice, elle eut toujours un regard maternel de tendresse et de présence active envers ses sœurs. Elle a compris que si elle est d'abord missionnaire c'est en premier lieu pour vivre l'unité dans l'amour, avant de dire et de faire. (cf. RM23) «Quand les jours étaient clairs, de Punta Arenas on voyait au loin l'île Dawson. Soeur Angela Vallese alors s'arrêtait et pensait : «Que font mes filles ? Vont-elles bien ?» De la fenêtre, un cœur missionnaire franchit le détroit de Magellan et veille et pense et prie... maintient vive la communion et ainsi évangélise ! [email protected]

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Mais quelle famille as-tu?

Rosaria Elefante

La culture et le droit occidentaux cherchent à dévaloriser la conception fondamentale et fondatrice de la famille. Rendre la figure du père superflue ou facultative, d’un coté, et considérer la figure maternelle comme grandement stérile et interchangeable, portent et soutiennent des concepts de la «famille» qui en réalité n’ont plus rien à voir avec la Famille. La prétention est claire. Par une étrange catharsis, avec des notions linguistiques fort habiles, la liberté personnelle absolue qui, en réalité, dissimule mal les infamies et les homicides, est transformée en un droit authentique «couvert» par la légalité, dans le but de rendre noble ce qui ne l’est pas. Regarder comme une conquête ce qui, au contraire est un abus des plus faibles, de qui ne parle pas, de qui ne peut encore dire qu’il voudrait bien avoir, par exemple, un père et une mère.

Les nouvelles hypothèses familiales sont nombreuses et ici la fantaisie ne trouve pas de limites. La «famille élargie» ouvre la danse : papa et maman, avec leurs fiancé(e)s respectifs ou conjoints, et les autres enfants, -aussi frères par charité– se retrouvent autour de la même table où règne l’ostentation «de la question du respect des différents rôles», où l’hypocrisie de l’émancipation est proposée et imposée comme un remède infaillible.

Vient ensuite la «famille réduite», dans laquelle on préfère éliminer son propre conjoint pour décider en autonomie absolue du comment conditionner la vie de l’enfant, jusqu’à lui faire faire ce que, en réalité on n’a pas réussi à faire dans sa propre vie.

On pourrait continuer et il n’est pas dit que certains cas inédits il y a quelques années, n’aillent en augmentant, nous réservant des surprises qui pourraient être de plus en plus intolérables. La «famille transcender», où à coté d’un choix tout à fait personnel et indiscutable de vivre sa propre homosexualité en pleine liberté, s’ajoute la crainte et, déjà reconnu dans plusieurs Nations, le droit à fonder une famille. Il faut en effet parler de la tolérance. Tout en tenant compte des exceptions et des réserves envers celui qui doit vivre une séparation, il faut tirer des conclusions de cette conception erronée de la famille. L’agressivité ou la violence apparemment inexplicable, qui anime beaucoup de nos jeunes et moins jeunes, le sens de la méfiance et l’estime de soi pessimiste, la perte du concept de l’autorité, l’incapacité de devenir papa ou maman, de créer une famille, l’absence du sens des balises et du sacrifice, l’inévitable absence d’adaptation face aux échecs et aux désillusions, sont toute une série d’attitudes névrotiques ou psychopathiques en réponse à une société qui a perdu son noyau familial. La voie est alors libre vers la prise d’alcool, de drogues, sans défense face à l’érotisme, non seulement comme simple transgression qui pourrait être interprétée comme un appel à l’aide, mais comme une attitude d’ennui de qui est privé de règles à suivre et de points de référence. Les conséquences en sont claires : engourdissement du propre ego,

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LVII MENSUEL / MAI-JUIN 2011

là où la solitude a réussi à prendre comme nouveau nom, l’amitié, celle-ci est bien éloignée du sentiment pur qui caractérise un lien sincère et authentique entre deux personnes et on la confond avec l’amitié des social-network. Quand par la suite le jeune (ou l’adulte) cherche à étouffer cette agressivité collective ou individuelle, non contrôlée ni réglementée, réfractaire à l’autorité et sans repères, commence alors pour lui une régression vers une situation d’infantilisme, il se sent faible, vide de force et de créativité, privé d’énergie même spirituelle, vivant désormais seulement pour avoir et posséder.

Le défi, aujourd’hui, est celui de réussir à voir les jeunes de ce monde partir à la conquête de leur propre personnalité avec ses propres exubérances et ses propres limites, pour finalement reconquérir le respect des règles et des valeurs. Seuls des témoignages authentiques, non négociables ni soldés, peuvent être un soutien sur une route où la liberté ne peut que céder le pas au bien et à l’accom-pagnement de l’autre, spécialement s’il s’agit d’un fils.

[email protected]

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REVUE DES FILLES DEMARIE AUXILIATRICE 18

Une planète

avec des ressources limitées

Julia Arciniegas

«La grande amnésie écologique»

C’est le titre que le français P.J. Dubois, ornithologue et ingénieur écologue a voulu donner à l’un de ses récents livres. «Pris dans un engrenage industriel systématique, nous avons, à un certain moment, oublié que nous vivons sur une planète dotée de ressources limitées et que nous ne pouvons pas en disposer à notre gré» affirme-t-il. Mais ce qui nous semble le plus intéressant, c’est la thèse qu’il défend : «On peut se libérer de ce problè-me par l’éducation, spécialement des plus petits, en leur enseignant ce qu’est la Nature, ses lois et pourquoi elle doit être respectée» (cf. http://www.neo-planete.com/2012/02/29/ philippe-j-dubois/). Il n’est pas difficile, en effet, de démontrer que les ressources de la planète sont sous notre responsabilité ; dans ce sens on affirme que beaucoup de nos problèmes de milieu, comme le réchauffement climatique, la pollution, l’appauvrissement des ressources naturelles, la disparition de la biodiversité, dépendent aujourd’hui de notre façon de produire et de consommer. Par conséquent, la compétition pour avoir accès aux ressources alimentaires, hydriques et énergétiques pourrait encore augmenter dans l’avenir, si l’on ne prend pas rapidement des mesures alternatives.

Vers une société plus équitable et plus humaine. Le document de la Doctrine sociale de l’Eglise, au numéro 470 affirme : «La programmation du

développement économique, doit considérer avec attention la nécessité de respecter l’intégrité et les rythmes de la nature puisque les ressources de la nature sont limitées et que quelques-unes ne peuvent se renouveler». Le Pape François dans le message qu’il a envoyé à l’ Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, (FAO), à l’occasion de la « Journée mondiale de l’alimentation 2013, sous le slogan : «Les personnes en bonne santé sont dépen-dantes de systèmes alimentaires sains», répète que : «la faim et la dénutrition ne peuvent être considérées comme des réalités normales auxquelles on s’habitue, comme s’il s’agissait d’une partie du sys-tème (…). La lutte contre la faim dans le monde est un des défis les plus sérieux pour l’humanité». Il dénonce ensuite ce qu’il définit comme «l’esclavage du profit à tout prix», que nous retrouvons, non seulement dans les relations humaines, «mais aussi dans les dynamiques économico-financières globales». En substance, explique le pape, il est urgent de «mettre toujours au centre, la personne et sa dignité et de ne jamais la soumettre à la logique du profit».

Relance de l’Agriculture familiale L’Assemblée générale des Nations Unies, sous la pression de 360 Organisations non gouvernementales de 60 Pays industrialisés ou non, coordonnées par le Forum Rural Mondial, a déclaré l’année 2014, «Année internationale de l’Agriculture familiale» (AIAF).

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Ce vaste mouvement d’opinion lutte contre l’accaparement des terres de la part des multinationales de l’agro-industrie et contre la difficulté d’accès aux ressources productives à des prix équitables (terre, eau, semences de qualité, outillage), pour les petits éleveurs et agriculteurs.

L’agriculture familiale est un modèle qui organise et confie la production agricole, forestière, la pêche, l’élevage et les ressour-ces aquatiques à la gestion d’une famille qui emploie de manière prédominante la force de travail de ses membres –hommes et femmes– plutôt que des ouvriers salariés. La famille et la ferme sont étroitement liés, croissent en-semble et s’impliquent dans des processus économiques, ambiants, productifs, sociaux et culturels. L’Agriculture familiale constitue la clef de voûte dans la lutte contre la famine et la pauvreté. Les raisons en sont variées : Les 70% des aliments du monde proviennent des agricultures familiales ; 40% des milieux domestiques du monde dépendent de l’agriculture familiale comme style de vie ; elle est doublement efficace par rapport aux autres secteurs de productivité, dans la

prévention de la pauvreté et elle favorise un énorme potentiel de conservation pour beau-coup de plantes. L’AIAF a quatre objectifs : soutenir le développement des politiques agricoles, ambiantes et sociales qui rendent l’Agriculture familiale possible, en demandant aux gouver-nants d’établir une législation adéquate ; renforcer la connaissance, la communication et la prise de conscience du public sur ce thème ; acquérir une meilleure compréhension de la nécessité de l’Agriculture familiale, de ses ressources et de ses faiblesses et lui garantir un appui technique ; créer des synergies pour les maintenir, en particulier grâce aux coopératives.

Les Congrégations religieuses dans la FAO Il y a eu en 2009 une réforme au sein de la FAO et du «Comité de la sécurité alimentaire» (CFS). Il a été, entre autres, décidé d’élargir la base des «partis intéressés» dans la CFS, et donc de jouir d’une participation beaucoup plus large de voix dans la formulation des propres politiques et des propres programmes. Et c’est ainsi qu’un groupe international de 20 religieux(ses) de Congrégations différentes (ICR), en qualité de membres observateurs, a com-mencé à participer activement aux réunions et aux événements de la FAO.

Fr. Kenneth Thesing, MM est actuellement le représentant du ICR auprès de la FAO. A la question sur ce que les religieux peuvent apporter à cette Organisation, il répond qu’ils y apportent principalement deux «valeurs ajoutées» : la connaissance de la réalité du problème de la faim, de la malnutrition ainsi que d’autres problèmes de la vaste gamme de questions traitées par la FAO, dans les villages et les communautés locales où ils sont présents ; la collaboration dans le développement des politiques et des programmes élaborés par la FAO pour une réalisation efficace de la part des gouvernements locaux et le retour de ces informations au ICR.

j.arciniegas @ cgfma.org

S’éduquer et éduquer Comment affrontons-nous le défi de la

faim dans le monde ?

Quels sont les gestes et les

comportements qui expriment notre

solidarité ?

Qu’y-a-t-il à changer en nous, dans

notre communauté pour que la culture

de la mise à l’écart ne nous habite pas ?

Comment affrontons-nous le défi de la faim dans le monde ? Quels sont les gestes et les comportements qui expriment notre solidarité ? Qu’y-a-t-il à changer en nous, dans notre communauté pour que la culture de la mise à l’écart ne nous habite pas ? Quelles pratiques efficaces pouvons-nous envisager pour conserver les ressources naturelles et apporter notre soutien à des actions écologiques ?

Quelles pratiques efficaces pouvons-

nous envisager pour conserver les

ressources naturelles et apporter notre

soutien à des actions écologiques ?.

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Face à l’autre

Giusy Fortuna

Quand je regarde une personne dans les yeux, alors je découvre, pour ainsi dire, sa personne (E. Stein)

Jamais comme de nos jours, l’humanité n’a vécu d’une façon aussi flexible, dynamique, les relations interpersonnelles où s’exprime librement le bouillonnement intérieur, souvent changeant, qui dirige ses pensées et ses actes. Même après avoir tellement recherché et obtenu l’autonomie de la communication et de la pensée qu’on trouve à la base des échanges avec les autres, les hommes et les femmes sentent aujourd’hui, plus que jamais, un état d’insatisfaction quant à la qualité de leurs rapports toujours moins rassurants et toujours plus conflictuels à tous niveaux et dans les différents contextes de société. Derrière chaque conflit peuvent se cacher des besoins insatisfaits : besoin d’estime, de respect, d’autonomie, de compréhension et/ou la manifestation de schémas rigides de comportement où l’on cherche à se mettre en valeur : la personne prend le rôle du juge, ignore le doute, montre l’autre du doigt impitoyable. Aussi on ne tient pas compte des nombreux facteurs qui peuvent avoir déterminé la réaction de l’autre comme la fatigue, la fragilité, la grande nervosité, etc… Il n’y a pas non plus d’accueil pour l’altérité d’autrui ni de ses pensées ni de ses actes. Ainsi se crée un climat de conflit, d’absence d’empathie.

L’empathie, ou la découverte de ce que vit réellement une autre personne, est le premier fondement de toute relation. L’incapacité de se rendre compte de l’existence distincte et particulière de l’autre est une limite

La relation à l’autre La véritable et profonde réalité de tout être humain se forme quand il a conscience que son identité se forme par la relation. Déjà dans le rapport mère-enfant la présence d’un Tu en face d’un Je en dessine les contours. Nous ne pouvons donc pas esquiver une telle réalité. Le Je est tellement relié au Tu qu’ils se déterminent et s’actualisent réciproquement. La relation alimente donc la vie quotidienne. Elle prouve notre existence et influence notable- ment ce que la personne ressent comme satis-faisante ou non à son égard et plus générale-ment pour sa propre dimension sociale et existentielle. Une rupture, ou la présence de difficultés à l’intérieur d’un rapport, provoque d’habitude dans la personne une succession, un peu confuse, de sentiments, eux-mêmes divers : de la rage initiale pour une divergence d’opinions ou pour un tort subi, on passe à l’amertume, à la frustration et jusqu’à un possible sentiment de culpabilité. Donc la qualité de nos relations interpersonnelles influence divers aspects de la vie et même la définition de notre identité. Chacun de nous a une identité complexe et «composite, fruit de la rencontre de nos positions identitaires avec celles des autres qui nous reconnaissent dans un rapport de définition réciproque, en perpétuel devenir» (la

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rencontre avec l’autre différent de soi, dans le cours du processus de définition identitaire. Talamo, Rome 2007). David Sparti, sociologue et philosophe italien, parle à ce propos du Je en face des autres, pour indiquer le rôle que joue la rencontre de l’autre différent de soi, dans le cours du processus de définition identitaire La thèse proposée et défendue par Sparti met en évidence la grande corrélation qui existe entre l’.image que chacun de nous a de lui-même et le signalement provenant de ce qui caractérise, par ce qui nous caractérise par ailleurs. Sparti lui-même écrit : le «je» se construit par rapport au «tu» c'est-à-dire à partir de la reconnaissance de l’autre et non par sa négation.

L’identité est donc vécue comme une sorte de miroir qui renvoie la perception personnelle du sujet (qui s’auto-évalue, s’auto-définit, se perçoit lui-même) et l’image que projette le regard significatif de l’autre, sert de miroir et amène à redéfinir l’opinion que l’on a de soi. Donc, le Je, face à lui-même est en même temps face à l’autre pour se définir. Celui qui, le premier, a introduit dans son travail sur “la Nature Humaine et l’ordre social” le concept du Soi Réfléchi (Lookiong Glass Self) a été Charles Horton Gooley. Pour l’auteur, les autres personnes significatives constituent un miroir social vers lequel l’individu regarde avec insistance pour découvrir les opinions des autres dans des circonstances semblables. Ainsi «les appréciations renvoyées deviennent les siennes» (Talamo, Rome 2007). . En d’autres termes, le concept du “Je” se forme dans l’individu comme une projection de la façon dont les autres le perçoivent en réagissant comme s’il se regardait dans un miroir, ainsi “la personnalité est presque entièrement formée par l’éternel jeu qu’entretient l’individu avec beaucoup d’autres personnes» (Argiolas, Spinedi, 2001). L’homme, être social, se forme lui-même au

cœur du monde par la relation et perpétuelle confrontation avec ce qui l’entoure. Donc l’identité, bien qu’individuelle, ne peut se comprendre comme une dimension purement personnelle, mais plutôt comme «dimension qui porte toujours les traces de l’environnement du sujet concerné ; elle exprime toujours l’articula-tion entre les aspects psychologiques et l’expé-rience subjective avec le contexte de l’exis-tence» (Floriani, 2004)

Des éléments auxquels on ne peut renoncer Que faire pour vivre des relations gratifiantes ? Quels éléments s’imposent ? Dialogue positif Chaque personne, au cours de son dévelop-pement a élaboré des modalités particulières de perception et de compréhension du monde qui l’entoure. Donc l’interaction entre les personnes qui observent la vie à travers des lentilles différentes ne peut pas être toujours linéaire, sans erreur d’interprétation ni de difficultés. Il arrive souvent que nous oublions la différence en voulant que notre interlocuteur comprenne immédiatement le message dans les termes où nous avons voulu lui commu-niquer. Et quand, malgré tout, surgissent des difficultés de communication nous déchar-geons toute la responsabilité sur l’autre, sur son incompréhension, son manque d’écoute, sa distraction dans le hic et nunc de la conversation. Au contraire, il serait sage de s’arrêter, de comprendre que la responsabilité personnelle dans une communication ne se borne pas à seulement verbaliser le contenu du message, mais qu’elle va plus loin, jusqu’à l’assurance qu’il a été réellement compris de part et d’autre. Une personne qui aime le contact avec les autres, en fait, ne peut se borner à penser seulement au contenu de la communication, mais doit faire très attention également à la façon dont passe le message.

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Il est important, à cet égard de développer un style de relation qui puisse nous rapprocher de l’autre, qui montre notre respect, notre absence de mauvaise foi. L’assurance et l’empathie sont deux éléments importants qui permettent d’inter-agir de manière satisfaisante pour les deux protagonistes de la communication. La personne assurée et empathique est, en fait, sûre et décidée mais reconnaît ses erreurs, admet la critique et, à son tour, sait critiquer de façon constructive. Elle a un regard ouvert, écoute attentivement et siat mettre à l’aise l’interlocuteur. Elle acdcueille l’autre avec un respect totel dans les droits de tous les deux.

Acceptation de soi et de l’autre Il peut arriver que des sentiments négatifs éprouvés vis-à-vis de notre interlocuteur aient leur origine précisémpent dans un manque d’estime envers nous-mêmes. La crainte que nos besoins primaire d’affiliation, d’affection, d’estime soient repoussés, niés par l’autre, pourrait amener la personne à se fermet à l’extérieur, manifestant des attitudes de rejet, de refus, de jalousie de l’autre. Il est donc important de réussir à connaître, à accueillir même les parties de soi que l’on n’aime pas ou que l’on préférerait cacher. S’accepter soi-même, avec ses propres limites nous rend capable d’ouvrir la porte à l’autre en voyant sa différence comme une richesse et comme moyen de se porter à sa rencontre.

Réciprocité indirecte Le concept de réciprocité indirecte se réfère au sentiment de reconnaissance que nous éprouvons quand nous recevons un bien matériel ou non de quelqu’un. La reconnais-sance, d’elle-même, détermine en celui qui l’éprouve des sentiments de bonheur, tranquilité, sérénité intérieure et fait naître le désir d’agir pour le bien des autres. Le concept de réciprocité indirecte fait réfé-rence, chez celui qui a reçu quelque cchose de positif d’un bienfaiteur, à un besoin d’échanger directement avec lui (rapport triadique toi-moi-les autres. Ce cercle puissant où le bien reçu se transforme en bien offert aux autres entraîne un état de bien-être psychologique qui se répand de personne à personne, transformant le bénéficiaire en bienfaiteur. La présence de quelqu’un qui, au moment de difficultés, nous tend la main, atténue les sentiments de désespoir et de solitude. De même, se sentir utile aux autres nous ouvre le cœur et l’esprit à leur égard. La gratitude et la réciprocité indireecte sont donc des éléments importants de satisfaction au plan personnel et social, ils consolident des rapports positifs au sein de la Communauté. [email protected]

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Aimer et partager

Mara Borsi

La spiritualité salésienne entraîne les jeunes dans un projet de vie qui suscite communion et collaboration. Adultes et jeunes s’élèvent ensembe, se forment, puisant aux sources de la spiritualité, s’identifiant aux valeurs fondamentales du charisme salésien pour les traduire concrètement en choix de vie. Dans les maisons salésiennes jeunes et adultes, en partant des perspectives diffé-rentes, tendent ensemble vers le même but au travers de relations personnelles mar-quées du signe de la réciprocité : découverte d’eux-mêmes, de leur vie intérieure habitée par Dieu, de leur croissance au plan humain. La façon de vivre selon l’Esprit de Jésus inaugurée par Don Bosco et Marie Domini-que Mazzarello peut être définie comme l’expérience d’un véritalbe compagnonage. Jeunes et adultes engagés dans la mission éducative n’ont pas les mêmes devoirs car ils répondent à des vocations spécifiques, différentes, tous, cependant, se retrouvent autour d’un projet commun qui s’enracine dans un réseau de relations fraternelles et de collaboration effective. Un réseau tissé de façon que la communauté, comme la personne elle-même, murisse dans la foi et vive une citoyenneté active et responsable.

Dans cette spiritualité, le rôle de l’adulte est bien orienté vers la réciprocité, cependant il est déterminant dans la relation. Tout s’éva-nouit si l’adulte ne sait pas attendre, patienté, accueillir et relativiser les contraditions, les fragilités de celui qui est en train de grandir. Tout s’estompe et rien n’aboutit si l’on n’est

pas capable d’attendre sur le seuil, l’amour sait attendre, attendre longuement, jusqu’au bout. Ne t’impatiente jamais, je presse jamais personne, n’impose tien. Compte sur la durée(Dietrich Bonhoeffer).

Le seuil La relation éducative, tout comme la relation entre générations n’est pas simple ; elle demande effort, lucidité, amour, capacité de rester sur le seuil en évitant paroles et gestes qui feraient penser, même de loin qu’on envahit leur intimité, le territoire de l’autre côté. Le buisson de l’Horeb brûle mais ne se consume pas. Moïse avance de quelques pas pour tenter de comprendre ce mystère. Du buisson jaillit un cri : «N’avance pas d’avanta-ge. Enlève tes sandales parce que ce lieu est un lieu saint» (Exode 3,5). Le cri demande que l’on reconnaisse le mystère du prochain. Reconnaissance qui retient sur le seuil. Comme Don Bosco dans sa relation avec ses garçons, relation respectueuse, jamais enva-hissante. Comme Marie Mazzarello face à la jeune Corinne qu’elle entoure de patience confiante. Enlève les chaussures, reconnais ta fragilité, renonce à tes préjugés. Ni Dieu ni autrui ne sont des lieux à occuper, une terre à envahir ou une terre que tu mérites. Tout en aimant, en tant qu’éducateur, garde la distance. [email protected]

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approfondissant l’histoire de la littérature, la philosophie, la musique, l’art. Les échanges en cours, devenaient, de jour en jour, de plus en plus animés et participatifs : discussions, échanges ne finissaient plus avec l’heure et, de là, est née l’idée de nous retrouver ailleurs, hors de l’école et de créer un groupe pour nous réunir avec le but de grandir en tant que personnes, de réfléchir sur soi, de savoir aller à “contre courant“, de renforcer notre caractère et notre personnalité, grâce au théâtre. Ensemble nous avons préparé deux spectacles. Le deuxième sur Don Bosco intitulé Les enveloppes sans adresse (Niezaadresowane koperty), a été réalisé à partir d’un texte écrit par un salésien polo-nais. La mise en scène a été très intéressante parce qu’elle rejoignait les problèmes des jeunes comme la solitude, le manque d’affection et d’attention dans les familles, l’individualisme, le manque de sens de la vie. Quand ils ont su que je les laisserais pour venir étudier à Rome, chacun d’eux m’a écrit une lettre où ils m’ont partagé leur chemi-nement intérieur, la reconnaissance d’avoir été écoutés, mis en valeur et accueillis tels qu’ils étaient.

Kosinska Jolanta, Pologne

La surprise de l’amour En 2011, j’ai été envoyée pour enseigner le polonais dans une école à Ostrów Wielkopolski (Pologne). J’y suis restée un an mais j’y ai beaucoup appris. Au début le groupe des jeunes ne m’a pas acceptée. Ils étaient encore très liés au professeur précédent. Lors de nos premières rencontres, ils m’ont dit : «Pourquoi a-t-on chan gé notre professeur ?» Cette situation m’a surprise. J’ai compris que j’avais devant moi une année importante. Je devais montrer à ces jeunes mon désir de proximité. Je me suis dit : «Yolande courage ! Sois bonne et patiente». Au cours suivant je leur ai présenté le program-me de l’année et je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient et s’ils étaient prêts à programmer ensemble le contenu de cette matière. A ce moment là c’est eux qui ont été surpris. Nous avons commencé à plaisanter à partager des idées sur des livre, des films, de la musique et autres expressions culturelles, etc… Nous avons beaucoup dialogué et à la fin, j’ai dit que j’allais revoir mon programme. Qui suis-je ? Quelle est mon origine ? Quel est mon but ? Voici les questions que j’ai posées au début de ma nouvelle programmation. Cette année scolaire a été pour moi très riche et m’a fait grandir parce que –sans cesse- je devais chercher comment retenir leur attention pour ne pas les ennuyer, pour provoquer leurs questions pour qu’ils réfléchissent. Mon but était d’utiliser les textes, les paroles, les événements historiques et contemporains pour les relire à la lumière d’une vision chrétienne de la vie. Nous avons répondu aux questions posées au début par des travaux interdisciplinaires, en

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Les jeunes font-ils peur ?

Gabriella Imperatore, Anna Mariani

Quelle musique est plus mélodieuse que celle de la voix des jeunes quand tu n’entends pas ce qu'ils disent? (Logan Pearsall Smith). Une société qui ne se renouvelle pas est une société ancienne et sans avenir, sans inno-vation dans les idées et projets, enfermée sur son passé et incapable d'aller de l'avant. Il faut du courage pour faire la distinction, dans l'action éducative et pastorale, entre ce qui est vivant et ce qui est mort et admettre un certain immobilisme dans les milieux où peut grandir et mûrir une vraie conscience de croyant. Seulement sur la base de ce courage peut naître quelque chose, comme le risque d'un nouveau défi et parier sur et par une annonce de l'Evangile aux jeunes de notre temps. Ce travail de changement a néanmoins fonc-tionné pendant de longues années. Des "Prophètes" comme Don Bosco et Marie-Dominique Mazzarello ont su regarder au-delà de leurs propres frontières pour percevoir dans le cœur des jeunes, même chez les plus hostiles et impénétrables un point accessible au bien."

Dans le cadre du changement Les temps ont changé ... Eduquer n'a jamais été facile, et aujourd'hui, le défi semble encore plus difficile. Ils le savent bien les parents, enseignants, prêtres, FMA qui font des jeunes, leur raison d'être. On parle d’"urgence éducative", également confirmée par les échecs auxquels sont confrontés les efforts des éducateurs à former des personnes soli-es, capables de collaborer avec les autres et à donner un sens à leur vie. Les jeunes ont changé ... Ils avancent à une vitesse surprenante, ce sont des fils d’une génération non pressée de grandir, sans un travail stable ni perspectives d'emploi et,

certains, sans une intention proche de créer une famille, sans les prérogatives sociales détenues par les pairs du passé, sans espaces et rôles importants pour donner une sécurité et faire sentir leur marque généra-tionnelle. Les jeunes ont créé leur propre environnement, un habitat virtuel qui leur appartient, et ils veulent de nouveaux langa-ges, de nouvelles méthodes d'éducation et d'évangélisation. Ils veulent être auteurs et acteurs de leur cadre de vie, de leur langage et de leurs contenus, ils inventent et recréent leur propre personne et exigent la liberté de circulation et de dialogue. Les adultes ont-ils changés? Où sont les enseignants ? Comment se situent-ils face à ces jeunes? De quel côté sont-ils et quel regard ont-ils ?

Audace salésienne ou peur des jeunes ? Il faut du courage pour se laisser interpeller par les défis de la culture d'aujourd'hui et surtout pour regarder en face la génération des jeunes. De nombreuses critiques sont formulées à leur égard, ils sont aussi objet d'études, de recherches et d'enquêtes. Sou-vent les différences sont mises en avant et les éducateurs semblent déclarer leur propre inadéquation et aussi leur peur d’affronter ces jeunes, d'être dépassés. Ils ne se sentent pas bien préparés et analphabètes. Jeunes et adultes avancent sur des voies parallèles. Dans ce contexte, la lettre de 1884 est tout à fait actuelle ; dans cette lettre Don Bosco écrit qu’il voit peu de prêtres et de religieux se mêler parmi les jeunes, et plus encore de prendre part à leurs amusements, et il rappelle son secret: «qui sait être aimé, aime ; et qui aime obtient tout, spécialement des jeunes. Cette confiance met un courant entre les jeunes et les adultes. Les cœurs s’ouvrent

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et font connaître leurs besoins et permettent de révéler leurs défauts. Cet amour fait supporter aux supérieurs les fatigues, les difficultés, l'ingratitude, les troubles, les manquements, la négligence des jeunes. Jésus-Christ n'a pas brisé le roseau froissé ni éteint la mèche qui fume encore».

Du côté des jeunes Une conversion pastorale est donc nécessaire. Là où sont les jeunes, nous devons y être nous aussi : en éduquant, en annonçant, en témoignant. En dehors des nouveaux espaces et langages d'aujourd'hui nous ne sommes plus ni vus, ni entendus, ni compris des jeunes. Revenir aux jeunes, signifie donc, «être dans la cour», dans une attitude d'écoute, d’accueil, de connaissance et de compréhension pour décou-vrir en eux la présence de Dieu et les inviter à s'ouvrir au mystère de son amour. L’écoute des demandes des jeunes est le résultat de notre désir de s'incarner dans leur histoire où la langue est différente, où la solitude et le vide forment le scénario d’un territoire exempt d'adultes authentiques et de modèles à suivre.

Après l’écoute suivra la connaissance authentique. Connaître le monde des jeunes est de plus en plus, pour nous, éducateurs, le défi le plus grand, et justement pour cela, le plus nécessaire et urgent. La connaissance suppose une attitude d'humilité, de service et la capacité d'être patient et compatissant. Accueillant leur histoire et partageant le poids de leurs incer-titudes, illusions et échecs, alors seulement, comme le Christ sur le chemin d'Emmaüs, nous pourrons leur offrir un témoignage capable de réchauffer leurs cœurs, lancer des actions, enthousiasmer les âmes, les rendant prota-gonistes de leur vie . Les jeunes ont besoin de sacré, de l’urgence d'être éduqués à la transcendance. Nous, édu-cateurs et éducatrices, nous devons accueillir au centre de notre cœur de consacrées à Dieu, l’aspiration du cœur des jeunes en leur révélant le sens de Dieu, qui apporte avec lui le sens de la vie

Une communauté qui témoigne Don Bosco et Mère Mazzarello enseignent que nous sommes présents aux jeunes d'aujour-d'hui, à travers le témoignage et l'action d'une communauté éducative qui vit un charisme, qui est animée par le même zèle apostolique. A chaque FMA, à chaque éducateur, ils recom-mandent de rencontrer les jeunes avec joie dans leur vécu quotidien, s'engageant à écouter leurs appels, connaître davantage leur monde, à encourager le sain leadership, à révéler le sens de Dieu et à proposer des itinéraires selon la spiritualité salésienne des jeunes. Ils appellent à affronter avec audace les défis des jeunes et à donner des réponses courageuses pour faire face à la crise de l'éducation que nous vivons aujourd'hui, en impliquant le plus de personnes possibles dans un grand mouvement de forces vives au service de la jeunesse.

[email protected] [email protected]

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Sur le marché de Cotonou

Anna Rita Cristiano

Pour comprendre le cœur de la Ville de

Cotonou au Bénin, il suffit d’aller au marché.

C’est un carrefour de voix, de rumeurs, de

gestes, de regards. Une confusion de couleurs,

d’arômes et de saveurs. Ici, comme dans de

nombreuses villes africaines le marché est un

lieu de rencontre où l’on vend et achète et où

se tissent des relations. Il est fait de mar-

chandises, mais surtout de personnes. Comme

la plupart des marchés, celui de Dantokpà est

un environnement essentiellement féminin : Ce

sont les femmes qui transportent les marchandi-

ses, tiennent les stands, gèrent les négociations.

Le marché est le point de contact entre

tradition et modernité. On peut y trouver des

produits de tous les coins du monde. Mais on

croit que ce sont les anciens qui définissent ce

qu’est le marché : un lieu de paix, où il est

interdit d’entrer armé. Aujourd’hui cependant,

le marché est aussi le théâtre d’une réalité

dramatique, comme l’exploitation et la traite

des enfants : mille enfants travaillent sur le

marché de Dantokpà, comme vendeurs

ambulants ou, plus souvent, transportant des

marchandises ou des ordures.

L'histoire de Ruphine

Beaucoup de filles, justement au marché, sont

vendues comme domestiques. C'est ce que

nous dit Ruphine en nous racontant son

histoire: «J'avais 6 ans quand mon père est

venu me chercher au village. J'étais très

heureuse là-bas, je cultivais les champs avec

ma grand-mère. Je n'ai jamais désiré j'aimais

bien être à la campagne et travailler

les champs comme les autres jeunes du village.

J'étais très heureuse là-bas, je cultivais les

champs comme les autres jeunes du village.

Mais un jour, tôt le matin, mon père est venu

chez ma grand-mère, en disant qu'il venait

chercher sa fille pour l'emmener à sa tante à

Cotonou, où elle pourrait étudier. Je n'ai pas

de tantes seulement des oncles ! J'ai dit que

je voulais voir ma mère avant de partir. Mon

cœur battait la chamade, j'ai eu le pressen-

timent que je ne verrais jamais plus ma

famille. Mon père m'a dit que je n'avais pas

de mère, et je lui ai dit que je me souvenais

bien d’elle et qu’elle m’allaitait chaque matin».

En fait, Ruphine était attendue dans la ville

par une femme qui cherchait une femme de

ménage..

Dans la vidéo, Jamais plus Vidomegon, produit et réalisé par Missions Don Bosco, en collaboration avec le Dicastère de la Communication Sociale, outre l'histoire de Ruphine, d'autres histoires sont racontées, celles de fillettes et de filles qui, grâce à leur rencontre avec les FMA, ont pu terminer leurs études, apprendre un métier, trouver un emploi. A Cotonou, il y a deux monuments importants, la porte du non-retour qui fait mémoire du grand nombre d'Africains déportés au-delà de l’océan et vendus comme esclaves, et la porte du retour symbolisant la terre d'Afrique accueillant les rapatriés et ceux qui espèrent pouvoir un jour retrouver leurs racines. La vidéo raconte ce que repré-sentent aujourd'hui ces deux symboles et combien ils sont importants pour rappeler à tous la brutalité et l'absurdité de l'esclavage.

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Quand nous sommes arrivés, elle nous a accueillis chaleureusement, mais quelques minutes plus tard, j'ai vu qu’elle donnait de l'argent à mon père. Il m'a dit qu'il allait payer ses dettes et qu'il serait de retour pour me récupérer.

Dix minutes plus tard, la femme m'a dit d'aller me changer et de commencer le ménage et je lui ai dit : «Je ne suis pas venu pour cela, je dois aller à l'école». Elle m’a répondu que l'argent que lui avait donné mon père était pour m’acheter, que j'étais mainte-nant sa domestique et qu'elle ferait de moi tout ce qu'elle voulait». Ruphine n'est mal-heureusement pas la seule à rencontrer ce type de situation. L'appel Vidomegon qui, dans la langue locale, signifie «enfant donné à quelqu'un". En fait, selon la pratique traditionnelle de nombreuses familles ont choisi de confier leurs enfants à un tuteur afin de s'assurer qu'ils aient de meilleures conditions de vie et l'accès à l'éducation. Mais depuis les années 80, avec l'appau-vrissement progressif des familles, cette tradition a perdu son essence de la solidarité et a dégénéré en trafic de filles, vendues comme main d'œuvre gratuite. Les Filles de Marie Auxiliatrice de Cotonou, ont pensé qu’être présentes sur le marché pourrait être la clé pour démarrer et offrir à ces enfants une nouvelle opportunité. Sœur

Marie-Antoinette Marchese nous dit : «Nous avons commencé en 2001, dans un parking du marché, où passent chaque jour beaucoup de filles qui sont des vendeuses de rue. Nous avons construit une baraque où est écrit " Vidomegon. " Ici, les filles passent, puis nous les invitons à s'arrêter un instant, nous les écoutons, nous voyons quelle est leur situation.

Parfois elles s'arrêtent, se reposent, cer-taines viennent suivre le cours d'alpha-bétisation dans l'après-midi ou diverses activités, bricolage, couture, hygiène. “Ruphine raconte sa rencontre avec Sœur Marie-Antoinette, qui lui donnait du chocolat et des vêtements en cadeau, mais la dame les a jetés et ne lui en a laissés que très peu à sa disposition. Un peu à la fois, Sœur Marie-Antoinette était arrivée à se faire une amie de cette petite fille qui exprimait le désir d'aller à l'école. On lui offre la possi-bilité de rester au foyer, une maison pour les filles qui ont la possibilité d'étudier, mais la dame ne veut pas la laisser partir.

Commença alors une véritable négociation. A la fin Ruphine a pu quand même y aller. La première étape fut le Foyer Laura Vicuña. Dans cette grande maison de famille que les Filles de Marie Auxiliatrice ont créée à Zogbo, un quartier de Cotonou, chacune de celles qui arrivent est hébergée.

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Elles sont environ 400 filles entre 6 et 17 ans, soustraites au trafic des mineurs, par la police ou, plus près du marché, par les sœurs elles-mêmes ou par des éducateurs qui travaillent avec elles.

Une maison et une famille

L'arrivée à la maison de famille marque pour les filles le début d'un parcours. Elles peuvent trouver la chaleur qu'elles n'ont jamais eue. Après l'accueil initial, en attente d'être réintégrées dans leur famille d'origine, elles peuvent rester dans le foyer et suivre des cours d'alphabétisation, aller à l'école ou apprendre un métier, comme couturière ou coiffeuse, ou participer à des activités de jardinage, de cuisine ou de fabrication de savon, ainsi elles acquièrent des compé-tences qui leur serviront à leur retour dans leur village. Les filles plus motivées peuvent participer au projet du Foyer de l’Excellence, qui a pour objet de les accompagner dans d'autres études. Parmi elles se trouve Ruphine qui rêve de devenir sage-femme. Il y a aussi Elizabeth, une autre fille qui, a été vendue comme domestique dans des familles différentes, elle a réussi à s’enfuir et elle est venue au Foyer. Après une formation en couture, elle travaille dans un atelier professionnel. «Aujourd'hui, je suis fière de

moi -dit Elizabeth- parce que j'ai appris quelque chose, je peux travailler, et j'aime ce travail.»Toujours pour aider les jeunes filles qui sont dans des situations difficiles, est né le projet "Maison de l'Espérance”. Ici, les filles qui dorment habituellement dans les rues peuvent compter sur un logement et de meilleures conditions d’hygiène avant de commencer une journée de travail sur le marché. Celles qui veulent, peuvent également participer aux activités de pâtisserie, de boulangerie ou de cosmétique. Pour les femmes plus âgées qui travaillent sur le marché, des projets ont été lancés comme la formation en droits des mineurs, santé, hygiène et un fond de micro-crédit leur permet d'envoyer leurs enfants à l'école et les sauver de la spirale du trafic. Les plus petits au contraire passent la journée avec les animateurs des écoles maternelles mises en place derrière le marché. Le rêve et l'engagement des FMA vont dans ce sens : rendre au marché sa valeur tradi-tionnelle, pour qu’une fois encore il soit un lieu de rencontre et non de relations inégales, de travail et d’exploitation indigne. Un environnement qui permet aux fillettes, aux filles et aux femmes de développer et de devenir pleinement conscientes de leur valeur.

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Explorer

Patrizia Bertagnini

Lorsque, au XIXe siècle, la littérature impérialiste occidentale a développé la figure littéraire de l'explorateur, consacré à la découverte de nouvelles terres et de nouvelles cultures, personne n'aurait imaginé qu’après un peu plus d'un siècle, chaque personne aurait pu partager, avec les protagonistes des histoires, le même destin d’aventurier, tout en demeurant tranquillement dans leur propre maison. A bien y réfléchir, il semblerait que les habitants du troisième millénaire aient conservé la même soif de connaissance, la même impulsion à ne pas se contenter de ce qu'ils sont et qu’ils ont, le penchant habituel pour l'exotisme et l'inédit qui a remué leurs ancêtres. Toutefois, si l'on ose aller plus loin dans la réflexion il serait assez facile de constater combien la distance est grande entre les enquêtes sur les pionniers et nous.

Explorer ou communiquer Dans la culture numérique qui caractérise notre monde et qui prétend nous rendre plus curieux, aventureux et ouverts à la connaissance, la recherche est sacrifiée à deux logiques qui en prennent le nom tout en lui ôtant son sens. D'une part cette idée d’exploration est associé de manière immédiate au programme "explorer les ressources" qui permet d'accéder à tous les périphériques d'un système, d'autre part, elle est facilement ramenée à la notion de "moteur de recherche", un système automatisé qui recueille et analyse les données fournissant un indice de contenus disponibles. Ces enquêtes simples suffisent pour comprendre comment le monde numérique qui véhicule une grande partie de nos communications, altère de fait le

sens original d'explorer, le réduisant, dans le premier cas, à une simple recherche à travers ce qui est déjà en possession de l’utilisateur, sans la possibilité qu’il puisse de se projeter au-delà de son propre univers ; et en le transformant, dans le second cas, en un simple décodage de réponses qui atteignent le «chercheur» sans que celui-ci se préoccupe d'aller les chercher. Ce qui est caché dans les significations qui sous-tendent à cette logique, est l'exact opposé de l'exploration qui est, au contraire, la capacité de se projeter vers ce qui oriente la curiosité pour des environnements inconnus. Exactement à mi-chemin entre le repli sur soi et l'exposition inconditionnelle à tout ce qui nous arrive de l'extérieur, se trouve la signification authentique de l’exploration, qui est une dispo-sition à aller dans de nouvelles régions en apportant avec soi tout ce que nous sommes devenus. Dans cette optique, ce qui acquiert de la valeur c’est ce qui caractérise l'explorateur en tant que tel : avoir un regard attentif, étonné et bien-veillant sur la réalité qu’il va découvrir - les personnes, les situations et les événements qui

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ANNEE LVII MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2011

demandent à être reconnus dans leur spécificité - et s'accrocher à ce qui est essentiel, ce qui caractérise son originalité et son expérience de vie irremplaçable.

"Allons-nous en ailleurs... " Il n’existe aucune parole évangélique qui exprime avec autant d’efficacité l'idée qu'un missionnaire, un homme qui, comme le Maître, fait sienne le devoir de proclamer la Parole est, par nature, un explorateur ; allez ailleurs indique le besoin pressant de se mettre en chemin vers des pays non encore rejoints par le message de Jésus, vers des peuples et des personnes qui n’ont pas encore rencontré Dieu. La dimension «exploratrice» de la commu-nauté chrétienne est rappelée dans Evangeli Gaudium, qui présente une Eglise ‘ouverte’ l’idéal à incarner : " Fidèle au modèle du Maître, il est vitale aujourd’hui que l'Église sorte proclamer

l'Evangile à tous, en tous lieux, à tout moment, sans délai, sans répulsion et sans peur" (EG23). Bien sûr, pour ce faire, nous devons alléger nos bagages, nous ancrer dans ce qui est essentiel pour acquérir la souplesse, le dynamisme et la capacité d'adaptation typique de celui qui se déplace, respectueux et attentif sur des terrains inhabituels, "Quand on met en place un objectif pastoral de style missionnaire qui atteint vraiment tout le monde sans excep-tion ni exclusion, l'annonce se concentre sur ce qui est essentiel, ce qui est le plus beau, le plus grand, le plus attractif et en même temps le plus nécessaire " (EG35). Explorer est donc la réponse du chrétien aujourd'hui à l’appel du Pape : «Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ » (EG49). [email protected]

Cloud, l’île qui n’est pas sur le

C’est le rêve de beaucoup : un réseau libre –pour la sauvegarde des contenus personnels aussi- qui n’est plus reliés aux ordinateurs (et dispositifs) que nous utilisons. Derrière cela, des informations accessibles partout et donc qui se communiquent sans frontières et l'échange de données (texte, vidéo, audio) protégées par le droit d’auteur. C’est déjà une réalité : des plates-formes comme Coogle Drive, Dropbox, OnLive, Kindle Fire, Aruba Cloud, Bitcloud… nous permettent d’élaborer, d’archiver, de récu-pérer des programmes et des données via le web et un simple Internet Browser (Mozilla Firefox, Chrome, Opera, Safari, Internet Explorer)

nuage du web

Un réseau sans nœuds, sans censure et sans contrôle. Sécurisé ? Les travaux sont en cours pour assurer la sécurité des données et du contenu, de sauvegarder la vie privée, la lutte contre la propagation de la pornographie et la pratique du sexisme impliquant des enfants… Une chose est certaine :nous n’en sommes qu’au début. Se nouveaux services enligne sont déjà à l’horizon : Wetube pour le partage de vidéos et audio, en alternative à You Tube, Spotify, Soundcloud et autres… pour donner forme à un Réseau à explorer “grand comme le monde”. [email protected]

web…

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Le visage féminin de la compassion

Debbie Ponsaran

Dorothy Day, fondatrice du mouvement Catholic Worker (Travailleuses catholiques), journaliste et travailleuse libérale, est née à New York, le 8 novembre 1897 et elle est morte en 1980. A trente ans, elle a été baptisée dans l’Eglise catholique. Toute sa vie, elle l’a dédiée à la cause de la justice sociale, pour la défense des pauvres et des sans domicile fixe. Elle était aimée de tous et se donnait beaucoup de peine pour les autres. Le 8 décembre 1932, fête de l’Immaculée, après avoir participé à une mani-festation, elle est entrée dans une église et a prié face à la statue de Marie, «pour que je trouve la manière de mettre mes talents au service de mes compagnes de travail et des pauvres».

Une politique féminine alternative

La société globale d’aujourd’hui n’est pas une société 'de compassion'. On parle de société globale, et nous la voyons ainsi mais en réalité il semble qu’il existe deux mondes : un honteusement riche et l'autre désespérément pauvre, et la distance entre ces deux mondes est en train d’augmenter. On ne peut vraiment pas appeler compatissante une société où la moitié de la population –plus de 3 milliards de personnes– vivent avec 2,50 dollars par jour. On ne peut vraiment pas appeler compatis-sante une société quand chaque jour 22.000 enfants meurent à cause de la pauvreté. Notre monde a vraiment besoin de compassion, c’est ce que croit le Dalaï Lama: «Laissons les valeurs féminines s’épanouirent dans notre société afin que les mentalités changent. L’altruisme des femmes qui recherchent l’harmonie avec le prochain et considèrent que le bonheur des autres est lié à leur propre

bonheur, est le chemin pour la transfor-mation pacifique de l’humanité».

“Comme Jésus descendait de la barque, il vit une grande foule et il fut pris de compassion pour elle, parce qu’elle ressemblait à un troupeau de brebis sans berger” (Mt 6:34). La compassion, c’est regarder avec les yeux du cœur. «La compassion que Dieu éprouve pour l’humanité est comparable à la réaction d’une mère face à la douleur de ses enfants –a proclamé le Pape François– qui n’est pas seulement un sentiment, mais aussi une force qui donne la vie, qui ressuscite l’homme''.

L’expérience de la conscience féminine doit nous aider à accueillir soit sa vulnérabilité soit sa générativité (capacité indépendante de création). Il s’agit d’une forme d’énergie plus douce parce qu’elle est faite de compassion, mais elle est aussi à sa manière très puissante. La vraie féminité peut être une énergie intense et protectrice. Se fiant à son intuition et à son imagination elle fera tout pour que grandisse la justice afin que l’amour vrai triomphe. Comme l’écrit Diarmuid O’Murchu dans Consecrated Religious Life : «La question en jeu n’est pas la rébellion, mais l’habilité à convaincre pour le bien de la justice… qui peut évoquer parfois une colère juste. Et ceci est un des dons féminins dont notre époque a grand besoin.

Une leadership féminine basée sur la compassion Dorothy a passé une grande partie de sa vie au milieu des gens. Elle a fondé une maison d’accueil pour les pauvres, pour ceux qui ont

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perdu leur travail et leurs biens suite à la Crise financière. Elle-même a vécu pauvre parmi les pauvres, elle s’habillait de vêtements qu’on lui donnait et mangeait avec les pauvres à la cantine sociale.

Le mouvement de Dorothy s’est diffusé rapide-ment : les maisons du Catholic Worker, aujour-d’hui plus de deux cents, répandues dans le monde, offrent de la nourriture, des vêtements et de l’amour à tous les plus petits de la terre.

Dorothy était une femme très courageuse, une pacifiste active, elle a consacré toute sa vie à la non-violence et a été solidaire de tous les déshérités. Elle a lutté contre la guerre au Vietnam, elle menait de front un engagement politique fort et une lutte pour la défense des marginaux. Elle était une représentante active du pacifisme catholique américain, c’est pour quoi elle a été toute sa vie sous le contrôle du FBI et elle est allée plusieurs fois en prison. Dorothy montrait un intérêt réel pour les person-nes et elle arrivait à les rejoindre facilement et à communiquer avec elles, même au niveau personnel; elle disait qu’il n’y a pas seulement l’hospitalité de la porte, mais aussi celle du regard et du cœur et que «le vrai amour est délicat et gentil, plein d’intuition et de compréhension, plein de beauté et de grâce, plein de joie indicible».

Un jour, une assistante sociale lui a demandé combien de temps encore les sans-abri demeureront ses hôtes. «Ils le seront pour toujours –a-t-elle répondu– ils vivent avec nous, ils meurent avec nous et nous leur donnons une sépulture chrétienne. Et nous prions aussi pour eux après leur mort. Du moment qu’ils sont accueillis ici, ils deviennent membre à part entière de notre famille. Ils ont même toujours été membres de notre famille». Le témoignage que Dorothy nous a laissé, exerce un pouvoir de transformation qui est lié à l’éthique du prendre soin, de la compassion et de la présence. Il s’agit de savoir comment elle écouter les personnes marginales et de voir comme ses personnes et de les compren-dre, elle qui n’ont pas droit à la parole, qui sont sans espérance et qui n’ont pas de pouvoir. Cette manière féminine d’agir demande que nous marchions à côté des personnes, que nous les accompagnions et les aidions à progresser, sans qu’elles se sentent contrôlées, dirigées mais plutôt entourées d’amour.

“Ne m’appelez pas sainte, je ne veux pas être cataloguée aussi facilement” «Ne m’appelez pas sainte…»: c’est avec ces paroles que Dorothy Day reprenait les personnes qui parlaient d’elle de manière un peu trop hagiographique. Elle est sans doute un modèle de sainteté qui n’hésitait pas de parler de Dieu et de sa volonté et a vécu auprès des plus petits, pour cela en 2000, Jean Paul II lui a donné le titre de Servante de Dieu, quand l’archevêque de New York a ouvert le procès de sa cause de béatification.

Dorothy Day a ajouté au féminisme révolution-naire un féminisme chrétien. Elle a accompli pour l’Eglise de son époque ce que d’autres grands témoins ont fait aussi à leur époque : elle a rappelé à l’Eglise qu’elle devait être fidèle à ses origines (Romano Guardini).

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SUR LE CHEMIN DE L’ECOLE De Pascal Plisson - France – 2013

Mariolina Perentaler

Réalisé en partenariat avec l’Unesco et Aide et Action, le film a partout remporté un immense succès dès sa projection en clôture du 66è festival de Locarno (2013). Deux éléments expliquent et illuminent la fascination pour “Sur le chemin de l’école”, du metteur en scène français Pascal Plisson : d’une part la relation entre le documentaire et la fiction, principe de base de sa mise en scène, d’autre part, le sujet. Le droit à l’instruction que les quatre jeunes protagonistes du film, quatre adolescents, poursuivent avec tant de détermlination. Quatre destinées s’entrecroisent, quatre histoires pleines d’espoir, reliées entre elles par une confiance inébranlable dans l’avenir et une joie de vivre communicative.

Deux enfants kenyans, Jackson et Salomé, marchent chaque matin deux heures dans la savane, attentifs aux éléphants très dangereux. Zahira et deux autres de onze ans grimpent trois heures chaque lundi à travers les rochers de l’Atlas marocain. Carlito par contre, le plus “chanceux” du groupe, porte sa petite soeur Micaela à l’école à cheval, sur 25 km, dans les plaines de Patagonie. Tandis que le pauvre Samuel, atteint de polyomiélite, arrive à l’école - dans le Golfe du Bengale-, poussé dans une voiture à roulette par ses petits frères. Un documentaire-fiction inoubliable, touchant, désormais une leçon de vie.

Un aperçu de vie de notre société Risquer sa propre vie pour apprendre C’est le même Pascal qui le raconte dans l’interview publiée par Agis Scuola. “L’idée de “Sur le chemin de l’école”, dit-t-il, est née d’une rencontre extraordinaire qui m’a profondément marqué. J’étais dans le nord du Kenya près du lac Magadi, à la recherche d’un lieu pour faire un film sur la nature. J’ai aperçu au loin des formes bizarres. Il était impossible de savoir si c’étaient des zèbres ou toute autre espèce d’êtres vivants. Ils marchaient droit sur nous et quand ils se sont rapprochés, j’ai découvert

qu’il s’agissait de trois jeunes guerriers masaï.

Je connais bien la tribu des Masaï et j’ai immédiatement remarqué les drôles de cartables de toile qu’ils portaient sur les épaules. Ils m’ont expliqué que c’étaient leurs sacs pour l’école, qu’ils avaient quitté la maison avant l’aube et qu’ils avaient couru pendant deux heures pour arriver à l’école derrière la colline, de l’autre côté du lac.

Le plus jeune m’a montré avec fierté sa petite ardoise et un stylo. Jusqu’à ce jour, je n’avais eu aucune idée des efforts que fournissaient ces enfants pour accéder au savoir. Ces masaî avaient renoncé à être des guerriers, juste pour aller à l’école. La rencontre m’a bouleversé profondément. C’est ainsi que j’ai décidé de faire un film sur eux. Sur celui qui risque sa propre vie pour apprendre. Je me suis rendu compte que, non seulement ils luttent pour aller à l’école mais qu’ils sont très conscients de leur situation et conscients du fait que l’école joue un rôle fondamental pour leur avenir.

tionnels de la culture italien Avec le soutien de l’UNESCO et de AIDE et ACTION, une organisation internationale qui travaille pour l’instruction, nous avons cherché qui étaient ces élèves confrontés aux par-cours les plus difficiles pour rejoindre l’école et nous avons recueilli près de 60 histoires provenant du monde entier. Le choix n’était pas facile. Nous voulions éviter l’effet “catalo-gue”: chaque histoire devait avoir une signifi-cation spécifique à l’intérieur du récit. Et non seulement cela : les enfants acteurs des 4 épisodes racontés ne pouvaient qu’être les “vrais” dans leur propre rôle. Ces enfants ne sont pas des acteurs et je voulais qu’ils continuent de vivre leur vie. C’était important qu’iils restent eux-mêmes malgré notre présence. C’est comme cela que j’ai choisi de vivre un bon bout de temps avec eux. J’ai aussi fait le trajet jusqu’à l’école avec chacun d’eux à plusieurs reprises, pour pouvoir comprendre vraiment comment c’était,.

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ce qui se passait pendant la marche et... “j’ai capté leurs vies”. Les enfants n’avaient jamais vu de caméra ni d’équipe de cinéma Ces enfants ne sont pas des acteurs et je voulais qu’ils continuent de vivre leur vie. C’était important qu’ils restent eux-mêmes malgré notre présence. C’est comme cela que j’ai choisi de vivre un bon bout de temps avec eux. J’ai aussi fait le trajet jusqu’à l’école avec chacun d’eux à plusieurs reprises, pour pouvoir comprendre vraiment comment c’était, ce qui se passait pendant la marche et... “j’ai capté leurs vies”. Les enfants n’avaient jamais vu de caméra ni d’équipe de cinéma.

Le résultat ? Un film convaincant et qui peut

réellement bouleverser. Ce sont vraiment eux,

les petits acteurs, qui ont fait la puissance et la

force du récit. Eux qui chaque fois savent

traverser l’écran par leur sourire ou un regard

que personne à la régie n’aurait su “reconstituer”

et qui apportent au spectateur le cadeau d’un

monde pour lequel il vaut tant la peine de lutter. Il

s’agit d’une réalité que nous avons perdue de

vue mais qui revient dans notre mémoire avec

délicatesse et beaucoup d’émotions; grâce aux

visages intenses et obstinés de ces adolescents

qui n’ont pas du tout l’intention de laisser le sort

décider de leurs vies, apparemment déjà écrites.

[email protected]

LE REVE DU FILM

Nous mettre tous face à nos responsabilités, à la nécessité “morale” de ne pas décevoir les attentes de tant d’enfants dans le monde. Des enfants qui seront notre lendemain et qu’on ne peut décevoir.

Ce qui frappe dans le documentaire, ce n’est pas seulement le fait que ces enfants risquent quoti-diennement leur vie pour pouvoir jouir de leurs droits, mais c’est qu’ils comprennent très bien quel place fondamentale tient l’école dans leur avenir. Ils veulent devenir médecin et pilote, ils veulent faire quelque chose non seulement pour leur propre famille mais pour le pays où ils vivent et où ils luttent âprement pour réaliser leurs objectifs. Un spectacle de Dario Fo, représenté en 1969, était intitulé : “L’ouvrier connait 300 mots, le patron 1000 : c’est pourquoi il est le patron”. Les acteurs de ce film savent presque d’instinct que leur bien-être comme leur survie dépendra de leur savoir et de leur formation scolaire. Ils ont une détermination juste, dictée par une pauvreté que nous pouvons présenter aussi en termes de misère, mais dans laquelle ils n’ont pas l’intention de rester, ni /ou de se résigner passivement. Pour résumer, l’expert Plisson compose avec ce docu-film un inoubliable “voyage d’initiation qui va changer leur vie pour toujours” mais pourrait ou voudrait aussi améliorer les nôtres.

L’IDEE DU FILM Faire le reportage documentaire d’un bel exemple – pour nous, les enfants du bien-être (qui falsifions la signature de nos parents sur le livret de justification des absences) : “la dure réalité quotidienne de 4 enfants qui ne renoncent pas à apprendre” Pour bien des enfants de notre monde occidental, l’accès à l’instruction est une règle et aller à l’école, une promenade encore facilitée par la voiture ou le car confortable et climatisé. Mais ce n’est pas ainsi pour tout le monde. Certains doivent lutter pour accéder au savoir, conscients qu’étudier et appren-dre sont les seuls armes qui font espérer un avenir meilleur. C’est pourquoi la critique cinématogra-phique déclare : “On en avait besoin. C’est un documentaire à faire voir aux mamans qui chargent sur leur SUV leurs petits pourris gâtés avant d’aller les déposer dans le hall de l’école”. Le film nous fait découvrir que Jackson vit dans une petite case de paille à même le sol, avec 6 autres personnes, mais qu’il se rend compte que l’école devient la seule possibilité de conquérir une vie meilleure. Zahira, qui habite un village sur les montagnes de l’Atlas, mais qui veut devenir policière et convaincre ses parents qui gardent les enfants à la maison, de les envoyer à l’école. Enfin Samuel, sur son fauteuil roulant, et ses deux jeunes frères qui l’accompagnent. Leur solidarité est un hymne à la vie. Ils crèvent l’écran.

POUR FAIRE PENSER

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Le silence de la parole Damiano Modena

Il est remarquable que, devenu archevêque émérite de Milan, le cardinal Carlo Maria Martini ait décidé de passer le reste de ses jours dans un lieu qui restera définitivement une patrie pour lui, celle du cœur : Jérusalem. Don Damiano Modena, l’auteur de ces souve-nirs, était jeune prêtre quand il l’entendit lui poser la question qui le bouleversa : “Te sens tu capable de m’accompagner jusqu’à ma mort ?” Il s’était rendu à plusieurs reprises à Jérusalem, où le cardinal avait déjà manifesté les symptômes de la maladie qui l’emportera finalement à Pâques 2008, par suite d’un arrêt cardiaque. Le Père -c’est ainsi qu’il voudra qu’on l’appelle désormais, et non pas éminence– se laisse convaincre de repartir en Italie pour se faire soigner de manière plus adéquate. Don Daminiano le suit jusqu’à Gallarate, à l’Aloisianum, maison où se retirent les Jésuites, âgés ou malades ; puis, invité par le cardinal temporairement rétabli, il l’accompagne pour de courtes vacances à Val Formazza. Un soir, le cardinal lui pose la question inattendue. La réponse est prompte et sans conditions : “si vous pensez que je suis la personne qu’il vous faut, oui, Père, et même au-delà”. L’accompagnement difficile va durer trois années. A tous ceux qui le remercieront pour l’assistance intelligente et bienveillante qu’il déploiera auprès du cardinal Martini et jusqu’à sa mort, don Damiano dira simplement : “je n’ai rien fait de plus qu’un fils pour son propre père”. Le cardinal disait être atteint des premiers symptômes de la maladie de Parkinson quand, après avoir déposé la crosse pastorale longtemps empoignée de la main droite, celle-ci, au lieu de s’immobiliser, se balançait.

ci, au lieu de s’immobiliser, se balançait.

Peu à peu la maladie devient une compagne toujours plus exigeante et plus impitoyable. Il faut apprendre à vivre avec “l’amie” tout en la combattant. Jusqu’à un dépouillement total; jusqu’à se retrouver dans l’impossibilité de se mouvoir, de marcher, avec la vue qui baisse (adieu aux lectures tant aimées), avec les papilles gustatives émoussées, (“j’ai l’impres-sion de manger de la matière plastique”), surtout (et ce sera la plus déchirante des frustrations) la perte de la parole. La lutte contre l’aphasie inexorable sera acharnée :

Combien d’exercices, combien de séances de Logopédie ! La voix se transformera d’abord en un murmure à peine perceptible (Don Damiano devra apprendre ce que les mamans savent d’instinct, quand elles réussissent à compren-dre les tous premiers balbutiements de leur bébé) et il devra traduire aux inévitables visiteurs les mots si précieux du cardinal Carlo Maria Martini.

Le cardinal ne repousse personne, il ne pourra jamais renoncer à communiquer avec les autres. Il se sent encore responsable, débiteur envers tous ceux qui le cherchent pour avoir un mot de réconfort, une illumination, un encou-ragement. Il écoute, il observe, il sait deviner en un instant une peine secrète, une imploration inexprimée. Et un mot de lui suffit à rendre la paix, à redonner confiance. Il donne rendez-vous à qui le lui demande. Mais avant tout à ceux qui souffrent, peu lui importe qu’ils soient vêtus de pourpre ou bien à peine décemment. Il ne prend jamais un air supérieur dans sa manière d’accueillir. Celui qui le rencontre ne se rend pas compte qu’il a en face de lui un homme qui connaît dix langues, qui ne peut

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compter les diplômes honoris causa qu’il a reçus ou refusés: il sait écouter sans jamais interrompre et, si il est interrompu, il se taît rapidement et tout de suite, cède la place à son interlocuteur.

Les journées sombres qu’il peut vivre, il se les impute à lui-même plutôt qu’à leur cause réelle, et il en est attristé. Pour un homme accoutumé à une discipline intérieure rigoureuse et à la pudeur la plus délicate, chaque moment de découragement est pressenti comme un affai-blissement. Le reste du temps, il est habituel-lement plein de sérénité, prompt à la réplique humoristique. Dans les moments de pause de la maladie, il est heureux de marcher deux ou trois jours en montagne. Ils partent avec un bagage invraisemblable (transporter un malade n’est pas chose facile) et lui plaisante avec nous : “la famille Brambilla est en vacances”.

La maladie entraîne des chutes fréquentes. Si on lui demande ce qu’il ressent quand il se rend compte qu’il va tomber, il répond en riant : “Je suis curieux de voir comment cela va se terminer !” Quand il ne peut plus se faire entendre de la voix, il lui arrive de taper sur le bord de son lit, mais personne ne l’entends.

Alors il chante un refrain : “Don Damiano, don Damiano, s’il vous plaît, donnez moi la main ! “ “Me voici, père, que se passe-t-il ?” “rien, répond-t-il amusé, vous ne m’entendiez pas alors j’ai inventé cette chanson”

Pour l’aider à attendre l’aube au bout de nuits interminables, on lui a disposé un ipod en fond sonore, délassant, épisodique : les psaumes; le rosaire, l’imitation de Jésus Christ et Mozart, une joie musicale pure. Chaque année, à la fin du mois de juillet, huit jours avant la fête de St Ignace, il fait ses exercices spirituels. Deux fois par jour il se fait lire quelques pages soigneusement choisies, après quoi il nous demande d’observer un silence absolu.

Chaque année, le “fruit” est toujours le même : “je prends l’engagement de faire l’adoration chaque jour”. Il sait que la promesse, toujours la même faite en des temps différents, renouvelle chaque moment vécu. L’Eucha-ristie est au cœur de la journée. Ce sont peu de mots que les siens, dits avec effort : “Le Seigneur soit avec vous...” tout le reste est laissé à d’autres. Lui se tient devant l’autel comme un enfant de chœur plein de zèle . Il remue à peine les lèvres au moment de la Consécration.

Une fois, dans la petite chapelle du deuxième étage, qui était pleine et où l’on remarque quelques barbes incultes, une prière explose dans le silence intense : “Ce ne sont pas les idées, ce ne sont pas les mains, ce n’est pas le pistolet, c’est moi qui ai tiré. Je demande pardon”. Le Père est ému et répond presque dans un râle : “...c’est une très belle soirée pour moi”.

Le 31 août est un vendredi. Les thérapies ne sont plus nécessaires. On attend désormais le moment suprême. Tous sont réunis autour de son lit. Ils lui donnent la main, comme pour l’accompagner, pour qu’il ne se sente pas seul. Il leur semble que du haut d’un sommet, le mourant étreint, comme en un beau pano-rama, son passé tout entier. Il est 15 h 43.

L’apôtre, l’amoureux de la parole, entre dans la joie de son Seigneur.

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La musique est sociale

Mariano Diotto

Depuis le début du vingtième siècle et depuis la première commercialisation du fameux disque phono à 78 tours, - avant l’arrivée du vinyl des années cinquante- , c’est dans les boutiques que l’on se procurait de la musique. Ce fut le cas jusqu’au début des années 80 avec l’introduction sur le marché du disque compact,. Dans la bouti-que, on trouvait “votre spécialiste en musique” qui vous permettait d’écouter les disques d’antan, qui vous conseillait sur les dernières sorties de disques et qui savait toujours trouver et vous proposer la musique qui répondait à tous vos gouts. Avec la numérisation de la musique, tout cela a disparu, aussi parce que la musique est devenue “sociale”.

La musique numérique

2003 fut l’année du tournant quand le groupe Apple introduisit sur le marché une plate-forme appelée iTunes, qui permettait à tous d’acheter de la musique sans support physique, plutôt comme un dossier audio à reproduire sur son propre ordinateur et grâce à de nouveaux dispositifs appelés dès l’origine lecteurs Mp3. Le passage de la musique traditionnelle à la musique numé-rique a été très rapide. Ainsi, en 2008, la FIMI (Federation industrielle de la musique italienne) qui représente la majorité des producteurs distributeurs dans le domaine musical et discographique, a déclaré : “Du 45 tours en vinyl, on est passé au CD seul et maintenant au support “liquide”, c’est le signe que l’époque s’est déplacée vers le numérique”. Cela a entraîné un changement d’habitudes, surtout chez les jeunes, dans leur conception de l’achat et de l’utilisation de la musique.

La musique dans les réseaux sociaux Comme pour toute réalité liée aux jeunes, le réseau social a commencé à présenter et à introduire de nouveaux modes de connaissance et d’utilisation de la musique. En 2003 naît Myspace, un espace sur internet où les chanteurs, célèbres ou pas, pouvaient publier et diffuser leur propre musique : c’est ainsi que prend naissance le premier réseau social musical. Beaucoup de chanteurs, maintenant célèbres, ont commencé en publiant leurs créa-tions, lesquelles ensuite ont pu être décou-vertes par les maisons de disques et les réseaux célèbres : Adele, Arctic Monkeys, Lily Allen, Mika. L’avènement de Facebook a mis fin à cette plate-forme et cela fut rendu possible par la naissance en 2006, d’une autre plate-forme internet de partage de la musique et de la video, Youtube. Les jeunes aujourd’hui n’ont donc plus besoin d’une personne physique, le marchand de disques d’un moment, pour les conseiller au sujet de la nouvelle musique en circulation et au sujet des dernières sorties de disques. Le conseiller, c’est désormais le réseau. Il suffit de naviguer quelques secondes pour voir comment les écrans des réseaux sociaux de jeunes (et d’adultes) sont occupés par une musique qui n’a pas de support, qui s’exprime seulement dans certaines situations. En somme, la musique est devenue l’expression sociale d’émotions et d’états d’âme, un nouveau mode de narration de la vie des gens. Elle l’a toujours été mais maintenant, tout se communique en outre au monde entier.

Cet aspect social tend, cependant, à uniformiser les goûts dans la mesure où il semble évident qu’un chanteur renommé, repéré par beaucoup de gens, qu’on le veuille ou non, sera écouté par un grand nombre.

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La musique de niche par conséquent deviendra encore davantage une musique de niche parce que les petites maisons de disque et les chanteurs n’ont pas assez d’argent pour publier une chanson ou faire connaître un chanteur face aux plus grands de la musique. Une solution pourrait bien être la naissance d’un autre réseau social, entièrement musical, appelé Sportify. Il naît vers 2008, mais dès 2010, il compte 15 millions d’utilisateurs membres. Sportify est un service musical qui offre streaming on demand (une écoute à la demande sur internet) de morceaux sélec-tionnés par de grandes maisons de disques (EMI, Sony, Warner Music Group e Universal), mais aussi par des marques indépendantes. Celui qui s’inscrit peut écou-ter en payant (et gratuitement au cours des périodes d’essai) la musique avec son propre ordinateur ou encore sur des dispositifs mobiles, comme les smartphone, par le biais d’une application spécifique. L’utilisation de cette nouvelle plate-forme a sensiblement modifié la nature du plaisir que

donne la musique à travers le monde entier par une prolifération des choix. Or, trop de choix entraine une saturation des possibilités offertes. S’il y a trop de musique à choisir, on choisit, par facilité, celle que la plupart des gens écoutent. C’est le cas par exemple pour la chanson de MileyCyrus intitulée Wrecking bal, qui, en 4 mois seulement, a été vue et écoutée sur youtube 520 millions de fois. Est ce que c’est parce que la chanson est belle et passera à la postérité ? Probablement non, mais parce qu’il s’agit d’une vidéo qui a déjà suscité pas mal de polémiques tout en continuant à être partagée sur l’écran des réseaux sociaux. C’est aussi de cette manière que les pires produits acquièrent une visibilité et deviennent célèbres. Assurément un retour au conseil face à face pourrait rendre les choix musicaux des jeunes plus originaux et moins sociaux ! [email protected]

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Pains quotidiens

Chères amies, il n’y a plus de religion et je l'ai découvert aux exercices spirituels ! Soyez tranquilles, je ne vous répète pas entièrement la méditation sur le Notre Père qui m'a touchée, mais je veux seulement vous communiquer les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Chaque jour nous demandons à Dieu le don du pain quotidien et Lui, dans son immense bonté, nous exauce largement. Et cependant –au moins dans ma maison– si on jette un œil sur tout ce qui arrive sur la table… autre que le pain quotidien ! Du pain, certes, et puis des pâtes, de riz, du poisson, de la viande, des légumes, du fromage, de la salade, des fruits... et plus on en a et plus on en met ! Il est bien fini désormais le temps où il y avait de la polenta au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner. Que voulez-vous, les époques ont changé et nous avons aussi évolué avec elles ; en plus avec tout le travail que nous avons à faire, il est nécessaire de disposer du juste apport calorifique pour avoir la force de bien l’assurer. Et c’est ainsi, comme chacune a ses besoins personnels, notre pain n'est pas le même pour toutes ! Et alors... pain moelleux et pain croquant, pain complet et pain de riz, pain azyme et aux céréales, pain de pommes de terre et bien d’autres sortes de pains. Croyez-vous que j’exagère ? Mais... Je pense que si de la même façon on passait en revue la viande,

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le poisson, les légumes, le fromage, la salade ou les fruits on peut se rendre compte que sur notre table ce n'est plus le pain quotidien, il a été remplacé par des dizaines et des dizaines de PAINS QUOTIDIENS qui satisfont nos besoins. Viande rouge ou viande blanche ? Fromage fermenté ou fromage frais ? Salade à feuille large ou plus craquante et colorée ?...Nous avons mille motifs pour choisir, mille droits de demander, mille justifications à exiger... J'ai commencé à penser –après cette belle méditation du prédicateur– que peut-être nous avons exagéré un peu et nous avons aug-menté nos besoins les confondant avec nos simples désirs ; nous n’avons peut-être pas toujours besoin d'un certain type de pain, ou de poisson, ou de fruit... peut-être pouvons-nous réduire un peu nos exigences pour nous sentir plus solidaires de tant de pauvres, de tant de familles qui ne réussissent pas à joindre les deux bouts et arriver à la fin du mois... Et moi je me suis dit : Camille, il est temps de changer radicalement ton style de vie !!! Vraiment de beaux exercices spirituels ! La maison était aussi très accueillante... dommage quand même qu'il n'y ait pas eu un jour – je dis, au moins un jour sur sept – des yogourts au petit déjeuner ! Non, il n'y a plus de religion ! Parola di C

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