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RENÉ GIRARD La violence mimétique René Noël Théophile Girard, né en Avignon le 25 décembre 1923, est un philosophe français, membre de l'Académie française depuis 2005. Ancien élève de l'École des chartes et professeur émérite de littérature comparée à l'université Stanford et à l'Université Duke aux États-Unis, il est l’inventeur de la théorie mimétique qui, à partir de la découverte du caractère mimétique du désir, a jeté les bases d’une nouvelle anthropologie. Il se définit lui-même comme un anthropologue de la violence et du religieux. Quelques repères de la théorie girardienne que Mark ANSPACH a travaillé dans un cahier de L’Herne intitulé GIRARD (2008) 1. La mimésis est à la base de toute vie collective harmonieuse ... mais , lorsqu’elle s’exerce dans le champ du désir, elle engendre des rivalités violentes qui mettent en péril la survie du groupe. 2. Le lynchage unanime sauve le groupe de cette terrible crise en apaisant les violences qui le menacent ... mais il le fait au prix d’une violence terrible qui prend pour cible une victime innocente. 3. La victime est faussement accusée d’être la cause de la crise ... mais l’élimination de cette fausse cause apporte une vraie solution ; la victime est donc perçue comme l’incarnation diabolique du mal, mais , puisque c’est grâce à elle que le groupe est sauvé, elle sera également vue comme l’incarnation divine du bien. 4. Pour éviter de nouvelles crises, la communauté interdira les comportements rivalitaires qui avaient provoqué la première crise ... mais elle mettra en scène ces mêmes comportements au cours de rites sacrificiels afin de reproduire aussi fidèlement que possible le processus qui avait abouti à la résolution de la première crise. 5. Enfin, la révélation judéo-chrétienne du mécanisme victimaire met fin au sacrifice ritualisé des boucs émissaires ... mais, en privant l’humanité de ce moyen pour apaiser les rivalités violentes, elle risque de déchaîner des violences encore plus terribles et de multiplier les lynchages spontanés de boucs émissaires. Gil Bailie (juriste, professeur, anthropologue biblique) poursuit dans un autre ouvrage : Les passions mimétiques sont provoquées par des modèles et avivées par des obstacles ou des rivaux. Chacun cache son désir à l’autre parce qu’il sait que s’il l’exprimait, il ne ferait qu’attiser celui de son rival, le rendant ainsi encore plus redoutable. La culture conventionnelle commence par un meurtre collectif ; pour établir la seule culture non sacrificielle, il faut s’arracher à l’emprise de la foule et du consensus social et s’éloigner, l’un après l’autre. (CF récit de la femme adultère dans Jean 8, 3 à 11 = Jésus lève l’anonymat en invitant ceux qui voudraient lancer la première pierre à sortir de la foule pour le faire. Alors, l’un après l’autre, ils s’éloignèrent tous, les plus vieux en premier).

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RENÉ GIRARD La violence mimétique

René Noël Théophile Girard, né en Avignon le 25 décembre 1923, est un philosophe français, membre de l'Académie française depuis 2005. Ancien élève de l'École des chartes et professeur émérite de littérature comparée à l'université Stanford et à l'Université Duke aux États-Unis, il est l’inventeur de la théorie mimétique qui, à partir de la découverte du caractère mimétique du désir, a jeté les bases d’une nouvelle anthropologie. Il se définit lui-même comme un anthropologue de la violence et du religieux. Quelques repères de la théorie girardienne que Mark ANSPACH a travaillé dans un cahier de L’Herne intitulé GIRARD (2008) 1. La mimésis est à la base de toute vie collective harmonieuse ... mais, lorsqu’elle s’exerce dans le champ du désir, elle engendre des rivalités violentes qui mettent en péril la survie du groupe. 2. Le lynchage unanime sauve le groupe de cette terrible crise en apaisant les violences qui le menacent ... mais il le fait au prix d’une violence terrible qui prend pour cible une victime innocente. 3. La victime est faussement accusée d’être la cause de la crise ... mais l’élimination de cette fausse cause apporte une vraie solution ; la victime est donc perçue comme l’incarnation diabolique du mal, mais, puisque c’est grâce à elle que le groupe est sauvé, elle sera également vue comme l’incarnation divine du bien. 4. Pour éviter de nouvelles crises, la communauté interdira les comportements rivalitaires qui avaient provoqué la première crise ... mais elle mettra en scène ces mêmes comportements au cours de rites sacrificiels afin de reproduire aussi fidèlement que possible le processus qui avait abouti à la résolution de la première crise. 5. Enfin, la révélation judéo-chrétienne du mécanisme victimaire met fin au sacrifice ritualisé des boucs émissaires ... mais, en privant l’humanité de ce moyen pour apaiser les rivalités violentes, elle risque de déchaîner des violences encore plus terribles et de multiplier les lynchages spontanés de boucs émissaires. Gil Bailie (juriste, professeur, anthropologue biblique) poursuit dans un autre ouvrage : Les passions mimétiques sont provoquées par des modèles et avivées par des obstacles ou des rivaux. Chacun cache son désir à l’autre parce qu’il sait que s’il l’exprimait, il ne ferait qu’attiser celui de son rival, le rendant ainsi encore plus redoutable. La culture conventionnelle commence par un meurtre collectif ; pour établir la seule culture non sacrificielle, il faut s’arracher à l’emprise de la foule et du consensus social et s’éloigner, l’un après l’autre. (CF récit de la femme adultère dans Jean 8, 3 à 11 = Jésus lève l’anonymat en invitant ceux qui voudraient lancer la première pierre à sortir de la foule pour le faire. Alors, l’un après l’autre, ils s’éloignèrent tous, les plus vieux en premier).

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Nous reprenons ici les grands thèmes de "La spirale mimétique" - 18 leçons sur René Girard, paru fin 2001 sous la direction de Maria-Stella Barberi (éd. Desclée de Brouwer). René Girard, le théoricien du "désir mimétique", écrit des livres aux titres énigmatiques : "Des choses cachées depuis la Fondation du monde", "La route antique des hommes pervers", "Je vois Satan tomber du ciel". Comment échapper au cannibalisme originel ? Deux bambins dans un bac à sable se disputent férocement un saut en plastique rouge. Vous tentez de les raisonner, leur montrant d’autres jouets, bien plus beaux. Mais rien à faire. Ils veulent « le même » ! Il faut les séparer, écumant, hurlant. S’ils en avaient le pouvoir, sûr que chacun anéantirait l’autre dans un éclair de violence. Désir mimétique. Prenez un couple. Depuis quelque temps, cet homme ne regarde plus sa femme qu’avec ennui, il ne la désire plus. Survient un étranger, dont les yeux brillent quand il aperçoit cette femme, qui elle-même le remarque et en devient ravissante. En peu le temps, la flamme du mari renaît. Hier indifférent, il serait soudain prêt à se battre pour réaffirmer son « amour éternel » à son épouse. Nous ne désirons rien tant que ce que désire l’autre. Partant de ce fait de base, que chacun peut vérifier en soi, le penseur René Girard a bâti toute une théorie, aujourd’hui universellement reconnue. Selon lui, le désir mimétique est à l’origine d’un alliage aussi ancien que l’humanité, un vortex terrible qui lie la violence et le sacré dans une escalade secrète (le sacré camouflant la violence), terrible et même suicidaire, dont nous ne pouvons nous arracher que d’une seule façon : en réduisant la violence, à intervalles réguliers, par une focalisation sur un bouc émissaire, qui prend sur lui toute la violence avant de disparaître. D’où, sans doute, le fait que « sacré » et « sacrifice » aient la même racine et constituent l’origine de toute culture... En une trentaine d’années, la théorie girardienne s’est avérée un outil très efficace dans de nombreuses sciences humaines.. - en analyse littéraire (le métier initial de Girard) : Cesareo Bandera l’utilise par exemple pour sonder la folie de Don Quichotte, Christiane Frémont pour décrypter le rôle très spécial de Jean Valjean dans les Misérables, et Michel Serres pour révéler toute la trame souterraine des aventures de Tintin ( !). - en pédagogie : Giuseppe Fornari s’en sert pour comprendre les rituels d’initiation chez les Grecs, et la « crise sacrificielle » du système éducatif actuel et Andrew McKenna pour poser la question de l’imitation du modèle occidental dans le monde entier. - en ethnologie : Éric de Rosny en use pour analyser les mécanismes de la guérison dans l’Afrique traditionnelle. - en anthropologie religieuse : Pierre Ganne montre comment elle éclaire la violence de tous les mythes d’origine, à commencer par celui de la Bible, et Sandor Goodhart y voit une façon d’éclairer l’avènement du sens de la responsabilité mosaïque. - en philosophie : Anthony W.Bartlett y trouve de quoi alimenter une étude sur « l’eros de la compassion » et Domenica Mazzù en fait le moteur d’une compréhension du couple amitié-inimitié. ...... Etc.

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Cela dit, cette impressionnante vague d’adhésion à la pensée girardienne comprend deux groupes, semble-t-il, assez distincts : 1) ceux qui, telle Maria-Stella Barberi, la politologue italienne qui interviewe Girard dans son dernier ouvrage, "Celui par qui le scandale arrive", suivent les théories de René Girard jusqu’au bout et croient comme lui que la « spirale mimétique » de la violence et du sacré a trouvé un point de clôture dans l’avènement du Christ : en faisant s’incarner l’infini de la transcendance divine dans les limites d’un humain habité par la conscience limpide de son propre sacrifice, l’homme des Évangiles aurait mis en route un incroyable programme de désamorçage ; 2) et ceux qui, tel Guy Lefort, le psychiatre qui interviewa Girard dans "Des choses cachées depuis la fondation du monde" (le livre qui rendit cette pensée célèbre, en 1977, éd. Grasset), ne peuvent suivre le penseur dans sa foi christique et se contentent de la théorie mimétique et du questionnement qu’elle pose, dans une mise en abîme abrupte : la violence est-elle à jamais le sort de l’humanité ? Nouvelles Clés : À votre connaissance, d’où est partie la théorie mimétique ? Maria Stella Barberi : De l’analyse des grands textes de la littérature. Girard dit qu’il en a eu la première intuition tandis qu’il donnait un cours à de jeunes étudiants américains. Avec humour, il raconte qu’à l’époque, tout jeune professeur débutant aux États-Unis, il avait à peine quelques heures d’avance sur ses élèves ! Cherchant à dire ce qu’était pour lui la critique littéraire, il leur recommandait de lire les textes et de voir ce qu’ils contenaient plutôt que de faire la « critique de la critique ». Or, chez Dante, comme chez Proust, Stendhal ou Dostoïevski, il décelait un point commun majeur : tous traitaient de la relation mimétique du désir déclenché par l’imitation du désir de l’autre. J’aime mon homme (ou ma femme) parce qu’il est désiré par d’autres. N.C. : Abruptement, est-ce au bout du compte un moyen de mettre fin à la violence ? M.-S.B. : Hélas non, je ne pense pas qu’il y ait de remède à l’intérieur de l’anthropologie de l’homme dans sa dimension non transcendante. Dans son analyse, René Girard voit bien, d’un côté, comment l’humanité a peu à peu canalisé et réduit le sacrifice - il observe donc un parcours progressiste de réduction de la violence. Mais d’un autre côté, étant donné que le « sacrifice régulateur » a disparu de la société moderne, la violence reste ingérée et ingérable. Girard aime d’ailleurs préciser : « J’ai toujours été un peu apocalyptique » ! Il dit aussi : « Je suis janséniste. » Pour lui, la seule sortie d’une anthropologie sinon pessimiste du moins réaliste de la relation entre les hommes : c’est la foi. C’est le Christ imitant le Père et cassant la circularité et la réciprocité violentes. J’avoue que j’aime cette idée du renversement de l’escalade de la violence. Il me semble que Girard se la figure comme le retournement d’une spirale qui, au lieu de descendre et de vous faire chuter, s’élève - et nous élève - en évoluant vers une violence qui s’use.. L’incarnation du Christ est un phénomène historique ; cette imitation n’est donc pas seulement une foi ouvrant une voie au-delà du monde terrestre, c’est aussi un parcours qui marque un tournant historique. Sans doute tous les « girardiens » ne partagent-ils pas cette vision ! Mais la vision chrétienne et l’anthropologie mimétique sont clairement deux aspects distincts de la pensée de René Girard N.C. : Serait-il le dernier des Mohicans défenseurs du christianisme ? M.-S.B. : Ce que je sais, c’est que dans son dernier livre, "L’homme par qui le scandale

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arrive", il a accentué son apologie et fait davantage entrer la foi dans son système, proposant une relecture du sacrifice chrétien. Dans "Des choses cachées depuis la fondation du monde", publié en 1977, il l’interprétait surtout comme une dénonciation des sacrifices humains, Dieu s’incarnant Lui-Même dans une victime innocente. Aujourd’hui, cette vision va beaucoup plus loin, le sacrifice du Christ constituant en fait le dernier sacrifice humain et résumant à lui seul tous les sacrifices précédents. N.C. : Pourtant, dans Des choses cachées..., il parlait déjà du « christianisme sacrificiel » comme mettant fin à un âge de l’humanité en achevant une dénonciation déjà commencée dans l’Ancien Testament, surtout à l’époque des Prophètes. M.-S.B. : Oui, mais à l’époque, Girard n’avait pas encore refait le chemin de la spirale, à savoir qu’il n’avait pas récupéré ce fondement ancien de l’histoire de l’humanité qu’est le sacrifice comme une chose que l’on peut interrompre parce qu’on l’a en même temps assumé. N.C. : Finalement, pour Girard, le maître du mimétisme, c’est Satan ! M.-S.B. : Comme souvent, il n’a pas vraiment répondu à cette question quand je la lui ai posée dans cette forme brute. Je crois qu’il ne veut pas donner un aspect sacré à Satan, ni en faire un personnage à expulser. N.C. : Car « il s’expulse lui même » ! M.-S.B. : Cette formule a été considérée comme assez mystérieuse. Il veut dire que le sacré archaïque résout la violence à travers une « violence limitée ». Par la médiation d’une victime sur laquelle on concentre toutes les violences, une violence limitée libère la communauté. En ce sens, « Satan expulse Satan ». Selon le mécanisme archaïque, ce dernier est cette divinité à laquelle on sacrifie la violence collective sous la forme d’une victime. Mais puisque ces rites-là ne sont plus à l’ordre du jour, parler de Satan comme d’une personne, c’est une façon de l’expulser sans l’expulser donc de créer de faux ennemis sacrés. C’est comme si l’on disait chaque fois devant son ennemi : lui c’est le méchant, donc moi je suis le bon. Pour éviter cette démonisation de l’ennemi, Girard essaye toujours de reconduire Satan à la violence comme étant une dynamique de conflits entre les hommes. D’une certaine façon, il n’existe pas, mais d’une autre, il existe si nous lui accordons une place sacrée. N.C. : La grille girardienne permet-elle de lire les événements du 11 septembre ? M.-S.B. : Dans son dernier livre, Girard dit en effet que le terrorisme se configure aujourd’hui de plus en plus comme prenant son modèle et son rival dans un même lieu. L’Amérique est le modèle de tous les désirs, de toutes les envies et de toutes les haines. Ça devient presque caricatural. Le terrorisme utilise les techniques américaines : l’entraînement guerrier, l’argent, les moyens technologiques, etc. N.C. : C’est Hollywood dans un miroir, comme dirait Michel Cazenave ? M.-S.B. : Non, restons plutôt dans la réalité des individus qui gardent un corps. Les remarques de Girard à ce sujet dans Celui par qui le scandale arrive concernent l’attitude du terroriste. Sa figure s’est construite à l’image de son ennemi : il étudie dans les universités européennes, il joue à la bourse... - Ben Laden se veut le double de Bush ! D’ailleurs ce

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dernier l’appelle l’anti-christ, et lui-même, selon une certaine tradition islamique se prendrait pour le Christ revenant combattre les impies. Les images symétriques se font face. On peut dire que fondamentalisme et nationalisme au Moyen-Orient ont eu une fonction d’émancipation ; le modèle américain est devenu l’ennemi total à détruire... mais c’est pour prendre sa place. C’est en tant que phénomène global que ce terrorisme s’oppose à la globalisation. L’anti-globalisation se nourrit des mêmes bases, de la même matière que la globalisation. C’est une symétrie totale et un désir de concurrence qui, soudain, a dépassé les bornes. C’est le phénomène d’une psychologie que la théorie mimétique qualifie d’« interdividuelle ». N.C. : Comment êtes-vous entrée en contact avec René Girard ? M.-S.B. : Je travaillais sur le concept de totalitarisme en philosophie et en sociologie politique, et je cherchais des modèles à opposer à cette idée très soviétique d’ennemi considéré comme « exclu des humains » (Lénine disait que l’adversaire faisait partie des puces, des déchets, de l’organique). Et voilà que je tombe sur un livre intriguant : La Route Antique des Hommes Pervers, traduit en italien. C’était censé parler des procès staliniens et du Goulag, mais j’ai vite constaté qu’il s’agissait surtout d’une analyse du Livre de Job, expliquant pourquoi Job est poursuivi par le malheur. Selon la théorie mimétique girardienne, c’est un cas type de lynchage où l’individu victime se proclame innocent à grands cris, tandis que ses « amis » cherchent à le convaincre de façon perverse : s’il acceptait d’être exclu et de prendre sur lui tous les malheurs, la communauté serait purgée et pourrait poursuivre sa route - c’est l’ « aveu » des procès staliniens, bien décrit par London ou Kœstler. À partir de là, je me suis vivement intéressée à Girard, dont les concepts éclairaient mes recherches d’une lumière toute nouvelle. Ensuite, j’ai profité d’une année sabbatique pour aller travailler avec lui, à Stanford, en Californie - je lui avais écrit, et comme il est d’une gentillesse parfaite, il m’avait aussitôt invitée à lui rendre visite. À Stanford, en plus de ses séminaires, j’ai participé, notamment avec le groupe de francophones qui gravitent autour de lui, aux travaux du COVER (Colloquium on Violence and Religion), qui compte des adeptes partout dans le monde et dont l’association est basée à Innsbruck. Peu à peu, ma relation avec son œuvre est devenue plus émotionnelle, si l’on peut dire. Elle m’a questionnée davantage à cause de l’échange direct et de toute une dynamique « mimétique » de résistance ou d’attirance, beaucoup plus intense en sa présence, je dois dire, qu’à travers une simple lecture. C’est de là qu’est né mon projet d’écrire "La spirale mimétique : 18 leçons sur René Girard". Ce livre est sorti en même temps que Celui par qui le scandale arrive. Il réunit des auteurs de différents pays, tous spécialistes. Une sorte de polyphonie. À partir de la théorie mimétique, chacun conduit une réflexion dont la violence est l’enjeu, la plupart du temps caché. C’est parce que le désir mimétique bâtit le monde que nous pouvons dire que le questionnement sur la violence touche au plus près le fondement anthropologique de l’homme. N.C. : Qu’ont tous ces spécialistes en commun ? M.-S.B. : Dans un contexte philosophique de déconstruction et de relativisme, où tout se vaut, René Girard se dresse en contestataire. Il cherche à reposer les bases de la recherche. Bien que la sienne reste isolée, elle a un pouvoir d’attraction certain. Elle est

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devenue le centre d’un travail sur la violence et le religieux. La plupart des auteurs de "La spirale mimétique" participent à ce travail d’équipe dans le contexte du COVER. Ils explorent les possibilités de cette démarche et dans ce livre collectif, ils nous offrent une partie de leurs résultats. Beaucoup d’entre eux sont connus au niveau international. Michel Serres bien sûr ; mais aussi le spécialiste de Calderon et de Cervantes, le professeur Cesareo Bandera ; ou bien le père Raymond Schwager, théologien à qui Hans Urs Von Balthazar a dédié, ainsi qu’à René Girard, un chapitre dans son ouvrage "La dramatique divine" ... Bref, on comprend le rayonnement de René Girard à l’étranger - en découvrant au passage de très bons chercheurs, souvent pas encore traduits en français. N.C. : À vous, personnellement, qu’est-ce que la théorie mimétique a apporté ? M.-S.B. : Elle m’a poussée à être moins philosophe (rire), moins abstraite, à poser ou plutôt à reposer mes pieds sur terre. À mon avis, le trait le plus marquant du travail de René Girard est cet esprit de recherche qui vise toujours au plus concret. N.C. : La théorie girardienne a-t-elle fertilisé la réflexion sur l’éducation ? M.-S.B. : Elle a permis de mieux situer ce qui affole tout le monde, aujourd’hui : l’indifférenciation de la violence, qui remet en question toute hiérarchie, tout ordre dans les relations entre élèves et enseignants. Du coup, les formes de violence qui s’installent sont regardées comme des OVNIS, des monstruosités que l’on ne peut plus gérer. Certes, chaque génération trouve incompréhensible ce qui arrive à la suivante ; mais actuellement, ce ne sont plus tant les problèmes de génération qui inquiètent, que l’évanouissement pur et simple de tout système hiérarchique de transmission du savoir. Manifestement, ça ne fonctionne plus. Par rapport aux sociétés archaïques et traditionnelles, notre société est évidemment beaucoup plus capable d’intégrer et d’endurer le désordre, probablement parce qu’elle a moins besoin de trouver le « responsable du salut de la cité » et de perpétuellement nourrir le mensonge lié à cette attribution de responsabilité. En effet, si l’on suit Girard, c’est ce respect de la responsabilité qui est à l’origine du phénomène victimaire, par regroupement des causes de crise - Girard dirait des doubles mimétiques - autour d’une victime à laquelle on donne le pouvoir pour ensuite la tenir responsable de tout ce qui arrive à la communauté. Mais cette structuration se dilue. La théorie de Girard analyse ce qui se passe dans l’école comme une double crise d’indifférenciation. Hier, on allait apprendre, on avait une place attribuée. Aujourd’hui, on vit dans le débat : on lit les journaux en classe, on fume, la critique vestimentaire est impensable... bref, ce sont aussi les limites qui marquaient les frontières entre école et société qui s’effacent. Il n’y a plus de règles précises. Tout devient vague et donne donc matière à un enchaînement mimétique, car il ne reste plus que du « même », mais de façon aveugle. N.C. : On se retrouve face à ce qu’en physique on appelle de l’entropie : déstructuration, homogénéisation, refroidissement, mort ! M.-S.B. : Oui, c’est ça : une implosion. Mais si la théorie mimétique permet d’analyser cette situation, elle ne propose pas de solutions. Toutefois, des anthropologues tels qu’Éric de Rosny ou Lucien Scubla montrent comment certains rituels d’initiation sont indispensables pour une transmission du savoir qui, toutes proportions gardées, ne peut

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passer autrement qu’à travers une certaine violence. Marie Louise Martinez spécialiste en recherche sur l’éducation et la formation des professeurs, essaye, elle, d’examiner la théorie mimétique dans ses aspects de possible dévoilement d’une autre dimension : celle de la « personne » qui se reconnaît dans le visage de l’autre en lui donnant existence et lui permet de devenir celle qui transmet sa valeur par une sorte de transcendance de la relation à deux, qui serait dépassée dans sa réciprocité violente par la médiation d’une troisième voie, que l’on peut appeler la vie, ou la prise en charge d’une valeur humanitaire, ou le Christ. Quant à Giuseppe Fornari, il aborde l’éducation sous un autre angle encore : celui de la figure médiatrice - l’enseignant, comme figure médiatrice par excellence, prenant en quelque sorte la place de la victime. C’est le point de vue que j’ai moi-même développé dans mon essai sur l’initiation à la royauté de Sigismund, le prince enfermé dans une tour... En réalité, ou bien l’ordre est là et peut être représenté (par des rites, des interdits, etc.), et cela dure tant que ça dure ; ou bien l’ordre se dissout, et en ce cas, la résolution de la crise passe rarement par une figure d’éducateur, c’est-à-dire par un transmetteur de règles, mais plutôt par un fondateur de règles nouvelles, donc à une figure sacrificielle - idéalement représentée par celle du Christ.

Travail remarquable trouvé sur le net http://www.cottet.org/girard et que je livre tel quel En 1961, René Girard publie aux Éditions Grasset Mensonge romantique, vérité romanesque (MRVR). Professeur de littérature comparée, né à Avignon mais vivant et travaillant aux Etats-Unis, il y mène l'analyse de grandes œuvres littéraires dans lesquelles il perçoit une problématique du désir tout à fait différente de celle ayant cours jusqu'alors. Le vent sombre Que savons-nous du désir humain ? L'opinion dominante, tant en sciences humaines que dans le sens commun, est que l'homme fixe de façon tout à fait autonome son désir sur un objet. Cette approche consacrerait le fait que chaque objet possède en lui une valeur susceptible de polariser ce désir. Si nous ne sommes pas trop regardants, c'est bien le sentiment que nous donne notre expérience quotidienne : le désir que j'ai pour cette femme, cette ambition de réussir dans mon métier ou cette nouvelle voiture que j'envisage d'acheter semblent bien procéder de mon libre choix. Cette vision linéaire du désir a pour elle toute sa simplicité, mais elle oblige alors à un certain nombre de contorsions lorsque nous tentons de rendre compte tout aussi simplement de phénomènes totalement liés au désir, comme

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l'envie ou la jalousie. A la réflexion (mais nous le reconnaissons assez rarement), nous envions l'être qui possède l'objet, ce dernier n'ayant alors qu'une importance très relative. Et, dans certains cas, nous tirerions plus satisfaction au fait que l'Autre ne possède pas l'objet plutôt que dans sa possession elle-même. D'ailleurs la publicité, cet hymne à la possession d'objets, nous donne d'abord à désirer, non pas un produit dans ce qu'il a d'objectif, mais des gens, des Autres qui désirent ce produit ou qui semblent comblés par sa possession (1).

(1) Comme le note avec humour J.-P. Dupuy dans l'Enfer des Choses (Seuil) : "c'est parce qu'elle montre que les Jones possèdent X que la publicité donne aux Smith l'envie de l'acquérir et, d'ailleurs, il n'y a pas besoin de publicité pour cela, les Smith sont assez torturés par l'envie qu'ils éprouvent pour les Jones pour découvrir tout seuls ce que ces derniers possèdent."

En analysant les grandes œuvres romanesques (Cervantès, Stendhal, Proust et Dostoïevski), René Girard repère un mécanisme du désir humain tout à fait différent. Celui-ci ne se fixerait pas de façon autonome selon une trajectoire linéaire : sujet - objet, mais par imitation du désir d'un autre selon un schéma triangulaire : sujet - modèle - objet. Don Quichotte indique clairement consacrer sa vie à l'imitation d'Amadis de Gaule, tel que le chevalier à la Triste Figure imagine qu'il serait. L'Éternel Mari ne peut désirer sa future femme qu'à travers le désir, suscité par lui, de l'amant de sa première épouse, qu'il pourra alors imiter. Et M. de Rênal ne souhaite prendre Julien Sorel comme précepteur que parce qu'il est convaincu que c'est ce que s'apprête à faire Valenod, qui est l'autre personnage important de Verrières. L'hypothèse girardienne repose donc sur l'existence d'un troisième élément, médiateur du désir, qui est l'Autre. C'est parce que l'être que j'ai pris comme modèle désire un objet (conçu de façon étendue comme toute chose dont l'autre semble pourvu et qui me fait défaut...) que je me mets à désirer celui-ci et l'objet ne possède de valeur que parce qu'il est désiré par un autre. On pourrait penser que l'introduction de ce troisième "sommet" dans l'équation du désir est une complexité supplémentaire purement théorique et arbitraire de la part de René Girard. D'autant que la présence de cet Autre entraîne une remise en cause totale de cet individualisme placé au cœur de la modernité, qui montre l'homme comme une entité libre et autonome et qui trouve son épanouissement littéraire dans le type du héros romantique. Dans MRVR, Girard ne fait que révéler la présence de l'Autre au cœur du génie romanesque (c'est l'omniprésence de l'Autre dans le désir qui fait la grandeur de Stendhal ou de Dostoïevski contre le mensonge romantique du héros divin ou surhumain, en tous les cas autosuffisant, qui lui illustrerait la trajectoire linéaire du désir) et la présence de l'Autre se révèle toujours être une simplification - ou plutôt une clarification - des situations. Le mensonge romantique que dénonce René Girard n'est que la tentative d'effacement, de dissimulation du modèle dans le schéma du désir...

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Le triangle du désir Le sujet désire, mais il ne sait pas quoi. Dans son errance, il va croiser un être pourvu de quelque chose qui lui fait défaut et qui semble donner à celui-ci une plénitude que lui ne possède pas. Cette apparente plénitude, si proche et si lointaine, va proprement le fasciner. Le désir affamé du sujet semble toujours poser la même question au modèle : "Qu'as-tu de plus que moi ?" (pour paraître si heureux, pour avoir une si jolie femme, pour être le préféré de la direction, etc.). Fixer son attention admirative sur un modèle, c'est déjà lui reconnaître ou lui accorder un prestige que l'on ne possède pas, ce qui revient à constater sa propre insuffisance d'être. Ce n'est bien évidemment pas une position des plus confortables mais l'homme qui admire, et qui par delà envie l'Autre, est d'abord quelqu'un qui se méprise profondément. Mais si le modèle est si parfait, c'est qu'il doit détenir quelque chose dont le sujet est pour l'instant démuni : objet matériel, attitude, statut, etc. Les variations sont infinies pour un résultat toujours identique : ce qui le différencie de l'Autre justifie, aux yeux du désir du sujet, la réussite et le prestige qu'il lui accorde. Le désir qu'a le sujet pour l'objet n'est rien d'autre que le désir qu'il a du prestige qu'il prête à celui qui possède l'objet (ou qui s'apprête à désirer en même temps que lui l'objet). C'est ainsi que s'institue la médiation du modèle et une première transfiguration de l'objet. Par exemple, une voiture est plus que cette carcasse d'acier permettant de se déplacer d'un endroit à un autre, sinon n'importe quel modèle ferait l'affaire ; elle est l'instrument qui permettrait au sujet d'être, à l'instar de son modèle, un "tombeur", un cadre supérieur, un chef de bande, etc. Ce que vise le désir n'est bien sûr pas la possession de l'objet-voiture mais ce qu'il croit que cette possession lui donnera, comme à l'Autre, en termes de conquêtes féminines ou d'identification sociale. Comme le note René Girard, le sujet méconnaîtra toujours cette antériorité du modèle, car ce serait du même coup dévoiler son insuffisance, son infériorité, le fait que son désir est, non pas spontané mais imité. Il aura beau jeu ensuite de dénoncer la présence de l'Autre, médiateur de son désir, comme relevant de la seule envie de ce dernier. Le modèle n'est pas plus épargné que le sujet. Lui aussi cherche à fixer son désir et il attend qu'on lui désigne quelque chose de désirable. C'est bien ce que fait le sujet de notre triangle qui, de ce point de vue, est bien lui aussi un Autre. Nous savons déjà que ce n'est pas l'objet que va voir à présent le modèle, mais un objet transfiguré par le désir du sujet, qui lui donne une "valeur" tout à fait inattendue. Le modèle n'a pas un rôle passif dans ce triangle. Il ne se contente pas d'attendre une manifestation du sujet, il fait au contraire tout pour faire naître celle-ci. Comme un objet que personne ne lui disputerait n'aurait aucun intérêt, aucune valeur capable de fixer son propre désir, tout le pousse à exposer au regard des autres sa bonne fortune - qui ne devient avantage en terme d'être que s'il est reconnu comme tel par ces mêmes autres. Le désir du modèle a besoin de sentir d'autres désirs pour pouvoir être conforté. Il tend donc toujours à susciter lui-même la concurrence, c'est-à-dire à provoquer

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l'émergence d'un rival qu'il lui appartiendra ensuite de supplanter. L'amoureuse vantant les qualités de son partenaire auprès de ses amies cherche autant à affirmer, vanité ou orgueil, la supériorité de son bonheur qu'à confirmer son propre désir. La meilleure réponse serait que ses amies, envieuses de ce bonheur, se mettent toutes à désirer le-dit partenaire, à l'exclusion de tout autre prétendant. Ceci ne ferait que confirmer l'amoureuse dans sa certitude chancelante qu'elle tient le bon. L'objet n'est déjà plus le petit copain - sans doute très quelconque - de Mlle X., mais il devient peu à peu le garçon quasiment unique que toutes se disputent, c'est-à-dire une illusion née des désirs concurrents. A l'extérieur de cette rivalité, c'est-à-dire à un endroit d'observation non gagné par cette illusion, tous se poseront la question : "Mais qu'est-ce qu'elles lui trouvent ?". La circularité infernale du désir mimétique est maintenant en place. Aucune recrudescence du désir du modèle pour l'objet n'échappera au sujet, qui y verra la confirmation de son importance et qui redoublera d'efforts pour le posséder. Chacun donc, sujet ou modèle, a contribué à l'émergence de l'autre en tant que rival. Médiations internes, externes Le désir ne s'arrête jamais au seul constat des différences : il veut devenir l'Autre fascinant, et donc réduire tout ce qui le distingue de son modèle, parce que tout en ce dernier lui dit : fais comme moi. " Le désir selon l'Autre est toujours le désir d'être un Autre. Il n'y a qu'un seul désir métaphysique mais les désirs particuliers qui concrétisent ce désir primordial varient à l'infini." (MRVR p.101) C'est bien sûr ce que fait Don Quichotte avec Amadis de Gaule : pour devenir un parfait chevalier, il suffit d'imiter les actes d'un chevalier parfait. C'est aussi ce que vont faire, par exemple, tous les petits enfants dans leur apprentissage des conduites sociales, de la propreté ou du langage. En imitant les adultes, parents ou enseignants, et ce avec une précision redoutable, ils font comme les grands, mieux, ils deviennent grands. Dans ces deux cas, il n'y a pas de réelle interférence entre les sphères d'intentions et d'actions du sujet et du modèle ; René Girard parlera alors de médiation externe. Quichotte peut bien imiter en tout point ce qu'il pense être le comportement de son héros, ce qui sépare l'un de l'autre reste invariant malgré les exploits du chevalier. Le modèle Amadis ne désigne rien de particulier et les échecs du Quichotte n'emportent aucune conséquence puisqu'il peut aisément passer à autre chose. De même les jeunes enfants imitent au plus près leurs éducateurs, on les y encourage même, mais à l'intérieur d'un cadre pédagogique qui maintient une certaine distance entre sujet et modèle, interdisant la confusion. Si beaucoup de petites filles veulent devenir maîtresses d'école, c'est plus tard, et tout est dans ce "plus tard". L'éloignement sujet - modèle qui caractérise la médiation externe n'est pas une simple question de distance physique ou temporelle, mais tient également à la nature des différences séparant, à l'origine, l'un et l'autre.

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"Bien que l'éloignement géographique puisse en constituer un facteur, la distance entre le médiateur et le sujet est d'abord spirituelle. D.Q. et Sancho sont toujours physiquement proches mais la distance sociale et intellectuelle qui les sépare demeure infranchissable." (MRVR, page 22). Cependant, sauf à évoluer dans le vide - qui est une des illusions romantiques -, le désir va forcément entrer en contact avec d'autres désirs. Il le fera d'autant plus facilement et rapidement que ceux-ci sont proches, c'est-à-dire s'intéressent aux mêmes objets. Ainsi, rien ne sépare M. de Rênal de Valenod, qui s'affrontent tous les deux pour dominer la vie sociale de Verrières et qui sont donc très attentifs à ce que qu'est et ce que fait l'Autre : Julien Sorel n'est pas le précepteur possible chez l'un où l'autre, il est celui qui permettra à son employeur d'obtenir un avantage dans cette lutte de prestige. Cette proximité des désirs et la rivalité qu'elle entraîne va caractériser ce que Girard nommera dans un premier temps la médiation interne et qui deviendra par la suite le désir mimétique. La perte des différences Le maître qui encourage son élève à acquérir son savoir, le capitalisme occidental qui regardait avec bienveillance (même avec condescendance) les efforts de l'économie nipponne pour copier ses produits sont dans la même situation que notre amoureuse vue précédemment. La vénération que leur porte le sujet sert d'abord à confirmer cette différence, cette supériorité. L'adoration du sujet se nourrit de cet orgueil qui rend son modèle si désirable : l'élève entend au moins égaler le maître, l'économie nipponne faire aussi bien que l'économie occidentale. Plus le sujet imite le modèle et moins ce qui les sépare devient perceptible, la (les) différence(s) étant proprement absorbée(s) par le premier.

Regardons comment Jean-Marc Reiser avait illustré les rapports entre riches et pauvres (On vit une époque formidable - Editions Albin Michel) :

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etc. Je ne peux pas reproduire ici la totalité de la page, mais il est assez intéressant de s'attarder sur le représentation que donne Reiser du modèle, en l'espèce le "riche". Comme on peut le constater, à un moment donné, celui-ci est tellement irrité par la conduite imitative du sujet (le "pauvre") que le partir en vacances va devenir totalement secondaire à ses yeux. S'il est conduit à faire le tour du monde d'abord une fois, puis deux, puis quatre, ce n'est plus pour le visiter mais uniquement pour avoir le dernier mot sur le "pauvre", qui s'acharne à faire comme lui.

Le regard du dernier personnage, qui est celui qui "boucle" le cercle de cette rivalité, est d'ailleurs à présent tourné vers son imitateur. Dans l'image suivante, celui-ci sera présenté de façon quasi identique au modèle et regardant, lui aussi, dans la direction où est censé se trouver son rival. Les deux éléments fondamentaux de l'hypothèse mimétique sont bien là : les différences modèle-sujet ont été abolies, l'objet de la circularité des comportements s'est totalement effacé pour ne laisser place qu'à la rivalité à nue du modèle et du sujet. Il ne suffit donc pas de réintroduire de la différence dans la relation modèle-sujet. Toute "fuite en avant" ne pourrait durer qu'un temps seulement, car ce que ferait le modèle serait aussitôt imité par le sujet. Quand l'élève dispose des mêmes connaissances que le maître, il n'y a bien sûr plus ni élève ni maître mais deux personnes possédant le même savoir : la hiérarchie initiale qui permettait de situer l'un et l'autre dans le monde, l'un par rapport à l'autre dans leur

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relation, est abolie. Le modèle sent le danger que peut présenter pour lui cette confusion, cette indifférenciation qui deviendrait la pire des situations. D'autant qu'existe toujours le risque que l'élève dépasse le maître et que l'original soit bientôt considéré comme la copie. Mais plus les rivaux mimétiques sont proches et tentent de se différencier et plus ils finissent par se ressembler. La question de la perte des différences est centrale dans l'hypothèse girardienne. Tous les aspects des cultures humaines sont fondés sur la création permanente de différences qui permettent de situer chacun et toutes choses. La phrase archétypale "L'homme est le seul animal qui sait qu'il va mourir" en est une très bonne illustration, qui singularise d'un seul trait l'espèce humaine. Notre besoin de compréhension et d'organisation du monde se réalise grâce à cette création permanente de différences, dans lesquelles nous voyons l'incomparable richesse/diversité de l'humanité. De fait, nous vivons et pensons dans un système essentiellement différentialiste. Une certaine pensée positive a d'ailleurs consacré le fait que le sens ne pouvait naître que d'une situation de déséquilibre entre deux termes et ceci nous pousse à toujours rechercher ce qui sépare pour comprendre. Devant l'identique, nous éprouvons immédiatement le besoin de distinguer. Pour preuve notre attitude face à des jumeaux : la plupart du temps, nous cherchons à trouver au moins une caractéristique à l'un ou l'autre, qui nous permettraient de savoir qui est qui. Le désir mimétique conduit à abolir ces différences, donc à rendre confus tous les repères préexistants. Si rien de ce qui me distinguait de mon voisin n'existe plus, qui suis-je en réalité ? La rivalité mimétique Le modèle dispose d'un moyen radical pour maintenir la distance avec le sujet : celui d'interdire au sujet désirant la possession de l'objet. Au message fais comme moi qui irradiait du modèle s'en ajoute un totalement opposé : ne fais pas comme moi. D'un seul coup, le modèle se transforme en obstacle et réunit en lui-même deux termes contradictoires : il est à la fois celui qui est adoré (puisqu'il montre au sujet ce qui est désirable) et celui qui est haï (puisque, rival, il lui en interdit la possession). " Le sujet éprouve donc pour son modèle un sentiment déchirant formé par l'union de deux contraires qui sont la vénération la plus soumise et la rancune la plus intense. C'est là le sentiment que nous appelons haine. Seul l'être qui nous empêche de satisfaire un désir qu'il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d'abord lui-même en raison de l'admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu'un obstacle dans son médiateur. Le rôle

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secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité" (MRVR p.24) C'est chez Dostoïevski que René Girard trouve l'expression la plus aboutie de cet état, car il n'y a même plus d'objet et le modèle est n'importe qui. Lorsqu'il écrit la lettre à son tourmenteur, l'homme du souterrain passe instantanément de la haine la plus violente à l'amour le plus servile, oscillant en permanence entre les deux pôles nés de son désir d'être celui qui l'a humilié. L'avancée théorique capitale de René Girard est d'avoir extrait du romanesque la vérité de cette circularité : c'est parce qu'il est un modèle que l'Autre est un rival, mais c'est aussi parce qu'il est un rival qu'il est un modèle. René Girard refuse d'exclure l'un et l'autre termes en deux champs du réel bien distincts et qui réserverait ce double impératif contradictoire (que G. Bateson nommait le double bind) aux seuls schizophrènes dûment estampillés (1).

(1) Par exemple, lu dans la presse : "La haine que tous portent à Bill Gates dissimule mal leur admiration pour son insolente réussite". Qui irait traiter ces grands patrons de schizophrènes ?

Ces deux états engendrés par le désir mimétique coexistent et le sujet oscille en permanence entre eux. Pour le sujet, si le modèle lui refuse l'objet c'est tout simplement qu'il ne le mérite pas (le renvoyant ainsi à son infériorité initiale, à cette indignité). Jamais le sujet ne veut voir un rival dans son modèle (et jamais celui-ci n'admettra qu'il est en rivalité avec le sujet) mais l'obstacle qu'il lui propose à présent fixe les efforts de son désir à le conquérir. Plus l'objet est défendu, plus sa valeur et celle du médiateur augmente et donc plus sa conquête devient indispensable. "Obstacles et mépris ne font donc jamais que redoubler le désir parce qu'ils confirment la supériorité du médiateur". (MRVR p.204) Dans le célèbre chapitre Sadisme et Masochisme de Mensonge romantique..., René Girard montre que cette recherche permanente de l'objet inaccessible - et donc de l'échec ou de la victoire toujours renouvelée du rival - caractérise ces deux types de comportements. Car il ne faut pas oublier une chose : quand l'un ou l'autre met la main sur l'objet de la rivalité, il ne peut qu'être déçu. "Ce n'était que ça ?..", l'illusion est passée et le désir doit se reporter sur un nouvel objet, plus réticent encore à sa possession. Plus ils sont proches, plus les rivaux se ressemblent. Comme le rappelle Girard, "le triangle mimétique est isocèle", modèle et sujet occupant chacun leur tour le rôle du médiateur. Ce que nous venons de décrire à propos du sujet affecte pareillement le modèle. La haine qui sourd de ce conflit est porteuse d'une violence qui n'attend qu'à son tour d'être réciproque.

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On vit une époque formidable Jean-Marc Reiser - Editions Albin Michel

Les livres de René Girard bénéficient d'une réédition permanente en format poche et sont donc largement disponibles. MENSONGE ROMANTIQUE ET VERITE ROMANESQUE, Grasset, 1961 Il faut impérativement commencer la lecture de Girard par ce premier livre, même s'il n'est pas obligatoirement le plus accessible. C'est là que le mécanisme du désir mimétique est entièrement révélé et démonté. Beaucoup de choses qui seront abordées par la suite, notamment dans l'anthropologie de La violence et le sacré, ne pourront être correctement appréhendées que si l'on a bien saisi les rapports composant le triangle sujet-modèle-objet, la façon dont Girard envisage la médiation interne, la transfiguration de l'objet, la contagion des rivalités et l'effondrement des différences. Mensonge romantique, vérité romanesque est le fondement théorique incontournable de l'oeuvre de René Girard, mais c'est aussi un époustouflant et novateur exercice de critique littéraire. DOSTOÏEVSKI : DU DOUBLE A L'UNITE, Plon, 1963 Il y a un cas Dostoïevski qui passionne René Girard. Le triangle mimétique et l'omnipotence du rival peuplent la totalité de l'oeuvre de l'auteur de Crime et Châtiment. En suivant pas à pas la vie et l'oeuvre, René Girard montre comment Dostoïevski - à compter des Mémoires écrits dans un souterrain - dégage progressivement la parfaite identité des doubles. C'est ce lent travail de la connaissance de la méconnaissance qui est mis à jour par Girard jusqu'à la rédemption des Frères Karamazov. L'essai fait partie à présent du collectif Critique dans un souterrain.

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LA VIOLENCE ET LE SACRE, Grasset, 1972 Les hypothèses mises en lumière à partir du romanesque dans MRVR peuvent-elles être retrouvées dans les textes les plus anciens de l'humanité ? Prenant appui sur la tragédie grecque, René Girard va dégager l'identité entre violence et mimésis. Dès lors, comment les hommes ont-ils pu échapper à la circularité exponentielle et destructrice de la vengeance ? La réponse de René Girard est sans équivoque : en retournant la violence collective née d'une crise paroxystique des différences sur un seul, la victime émissaire et en investissant cette dernière, à la fois de la responsabilité de la crise et de sa résolution, créant ainsi l'ambivalence du sacré. Ouvrage bien entendu incontournable puisque Girard nous y propose une explication simple de la création de l'humanité par elle-même, tout en dégageant deux nouvelles hypothèses riches de développements futurs : la crise sacrificielle et le principe de méconnaissance, qui conditionne l'efficacité du mécanisme victimaire. CRITIQUE DANS UN SOUTERRAIN, L'Age d'Homme, 1976 Ce livre réunit l'ensemble des critiques littéraires de René Girard depuis la publication de MRVR, y compris le long essai sur Dostoïevski édité précédemment chez Plon. Une nouvelle lecture de L'Étranger et sa mise en relation dynamique avec La Chute lui permet de proposer une autre approche d'Albert Camus, très éloignée des schémas classiques d'explication. On y trouve également une recension très critique de l'ouvrage de Deleuze et Guattari L'anti Oedipe. DES CHOSES CACHEES DEPUIS LA FONDATION DU MONDE, Grasset, 1978 Ce livre d'entretiens est d'abord un complément de l'anthropologie développée dans VS. René Girard revient sur les aspects les plus contestés de sa théorie générale de la culture, éclairant ainsi certains passages de La violence et le Sacré, ouvrant également de nouvelles voies aux hypothèses mimétiques. Il est aussi le livre dans lequel René Girard entend démontrer la spécificité du message évangélique, longuement préparé par l'Ancien Testament. La prédication du Christ serait la seule à avoir dévoilé l'origine violente de l'humanité et sa perpétuation culturelle. L'échec de la prédication et la Passion, qui sacrifie le plus innocent de tous, ouvrirait la voie à la lente connaissance de la méconnaissance du mécanisme victimaire. A mon avis, c'est un livre extrêmement difficile, susceptible de perturber gravement des lecteurs qui n'auraient pas pris le soin de lire et comprendre au préalable MRVR et VS. LE BOUC EMISSAIRE, Grasset, 1982 En étudiant les textes dits "de persécution", René Girard montre le lent travail de décomposition de la méconnaissance imputable selon lui à la révélation évangélique. Dans ses premiers chapitres, c'est un ouvrage extrêmement polémique, où Girard répond à un certain nombre de critiques apparues à la lecture de VS mais surtout de DCC. En cela, Le Bouc émissaire qui, pour beaucoup, a été le point d'entrée dans l'œuvre de René Girard, me paraît être un livre susceptible de faire passer le lecteur à côté de l'essentiel si l'on commence par lui. Ceci explique peut-être, en grande partie,

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l'orientation des intérêts et débats actuels vers la seule problématique évangélique, au détriment du travail théorique accompli dans MRVR et VS. LA ROUTE ANTIQUE DES HOMMES PERVERS, Grasset, 1985 René Girard déconstruit l'histoire de Job telle qu'elle nous a été rapportée par la Bible. Sa nouvelle lecture permet de mettre en lumière les composantes désormais classiques de la crise sacrificielle et de la victime émissaire. L'histoire de Job est exemplaire car celui-ci, victime émissaire dans une situation assez semblable à celle d'Œdipe, refuse d'épouser le discours de ses persécuteurs, brisant ainsi l'unanimité violente indispensable à l'efficacité du mécanisme victimaire. Par la "réévaluation" de cette figura Christi, incomprise dès l'origine par des chercheurs qui sont une nouvelle fois malmenés par notre auteur, René Girard réaffirme la spécificité du message judéo-chrétien dans ce nouvel affleurement d'un Logos non violent, celui du Dieu des victimes. SHAKESPEARE : LES FEUX DE L'ENVIE, Grasset, 1990 Dans le cas de Shakespeare, comme le note René Girard dès les premières pages de cet ouvrage, contentons-nous de suivre le poète. Ce dernier a placé le désir explicitement mimétique au cœur des Deux gentilhommes de Vérone et Le viol de Lucrèce, qui ouvrent cette incroyable lecture. Dans la suite de son œuvre, Shakespeare aurait préféré dissimuler sa connaissance du désir médiatisé, la plaçant à un autre degré de lecture de ses pièces. C'est à cette lecture que nous convie René Girard, renouant ainsi avec ses grandes analyses littéraires. C'est un livre... d'une élégance rare. QUAND CES CHOSES COMMENCERONT, Arléa, 1994 Ce court livre d'entretiens n'apportera pas grand chose aux lecteurs assidus de l'oeuvre et il est à déconseiller comme point de départ pour l'oeuvre de René Girard, même s'il se présente comme un excellent résumé. AUTOUR DE RENE GIRARD L'ENFER DES CHOSES Jean-Pierre Dupuy et Paul Dumouchel, Seuil, 1979 Je crois qu'il s'agit d'un livre aussi important que MRVR ou VS dans le sens où, pour la première fois, deux auteurs, dont les approches et les champs d'intervention sont différents de ceux de Girard, font fonctionner l'hypothèse mimétique. En investissant le champ de l'Économie, Dupuy et Dumouchel montrent l'efficacité et la pertinence de la seule hypothèse du désir médiatisé. En analysant la rareté comme médiation externe et violence se substituant au sacré, ils donnent une lecture de la modernité tout en apportant une réponse concluante à une des difficultés majeures de VS : comment notre monde moderne n'implose-t-il pas sous le coup des désirs concurrents généralisés ? RENE GIRARD ET LE PROBLEME DU MAL, Grasset, 1982 Un ensemble de textes réunis par Jean-Pierre Dupuy et Michel Deguy qui apportent un éclairage souvent critique sur le travail de Girard. L'introduction à la lecture de René

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Girard de Christine Orsini est un petit chef d'œuvre dont l'émerveillement est contrebalancé par les Onglets de lecture de Deguy qui le suivent immédiatement. Passionnante également la contribution de Dupuy Mimésis et morphogénèse qui tente de comprendre comment une hypothèse aussi simple est capable d'engendrer la complexité. VIOLENCE ET VERITE - ACTES DU COLLOQUE DE CERISY, Grasset, 1985 C'est un ouvrage passionnant, vivant, où ne manquent pas les contributions critiques qui permettent à René Girard de préciser, à chaud et parfois sans y réussir, tel ou tel point de son cheminement intellectuel. La contribution finale de Girard sur le Dieu est mort... de Nietzsche nous rappelle à quel point notre auteur est un lecteur extraordinaire. Toutefois, Cerisy montre, à qui acceptera de le voir, les pièges, les limites et les impossibilités des hypothèses girardiennes hors de la foi et dans une conception finalement très "catholique-romaine" du sacrifice. Ce que notre auteur n'admettra malheureusement que vingt ans plus tard, du bout des lèvres et en faisant comme si cela ne remettait pas en cause ses thèses. Dommage... Vous pourrez compléter cette bibliographie avec les derniers ouvrages édités (que je n'ai pas lu) sur le site de Jean-Paul Kornobis : Site Violence & Sacré.