Recherches Afrique de Francophone

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Cette publication reprend et réactualise des communications présentées lors des deuxdernières Rencontres du Collectif eAtlas F.A.O. :

2èmes Rencontres eAtlas F.A.O. à Bamako (Mali), décembre 2009,LOCALISER LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : Le rôle des ONG dans l’appropriation socialedes TIC dans les territoires de l’Afrique de l’Ouest.

3èmes Rencontres eAtlas F.A.O. à Cotonou (Bénin), octobre 2011,LOCALISER LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : Les collectivités locales et l’appropriationdes TIC pour la gouvernance et le développement local.

Conception graphique de la couverture : Benoit Colas (UTM / CNRS – UMS 838)Crédits photographiques de couverture : Jean Jacques Guibbert (LISST CIEU, UTM)

Pour citer ce documentCollectif eAtlas F.A.O., 2012, SOCIÉTÉS AFRICAINES DE L’INFORMATION, Vol.2

Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone.Octobre 2012

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Cet ouvrage témoigne d’une action de longuehaleine, conduite par le réseau eAtlasFrancophone de l’Afrique de l’Ouest (eAtlasF.A.O.) depuis l’année 2006. Comme lesignalent ses auteurs, c’est un Volume 2, ils’inscrit dans la continuité d’un précédentouvrage et ouvre le chantier pour ceux quisuivront.

L’originalité de cet ouvrage reflète celle ducollectif international eAtlas F.A.O., s’efforçantde mettre en dialogue des travaux scientifiques, des données de l’expérience de terrainaccumulées par les représentants descollectivités locales (élus et agents) et leurspartenaires (ONG, Associations…). L’articleintroductif restitue l’histoire de ce collectif etde ses principales réalisations et signale lepartenariat avec la Délégation pour l’actionextérieure des collectivités territoriales auministère des Affaires étrangères (MAE/DAECT) à partir des Deuxièmes RencontreseAtlas F.A.O. de Bamako en 2009.

Dans ces Rencontres, sont débattues lesexpériences qui ont bénéficié du soutien de laDAECT croisées avec les travaux scientifiquesportant sur les relations entre Technologies del’Information et de la Communication TIC/Développement/Territoire. Notons par ailleursque plusieurs chercheurs et experts du collectifont également contribué à la rédaction duGuide « Coopération décentra lisée, ledéveloppement à l’heure du numérique » éditépar la DAECT et qui devrait être prêt pour letout début de l’année 2013.

Ce partenariat a été élaboré sur le constat d’uncertain nombre d’engagements partagés :

La nécessité d’organiser un transfert de

moyens ou de compétences entre des

territoires éloignés. Il s’agit aussi de

veiller à des échanges bilatéraux, pour

que l’ensemble des partenaires

français et étrangers en tirent

avantage.

Il est essentiel que les actions

entreprises s’inscrivent dans un temps

qui soit le temps social et non pas celui

des opportunités de programme. C’est

pourquoi dans la démarche de la

DAECT nous avons veillé à faire

coexister des appels à projets annuels

et triennaux.

Les compétences sur ces dossiers étant

en cours d’émergence, il est important

de veiller à leur consoli dation. Le fait

de proposer une sorte de

« communauté de partage » est donc

un avantage évident.

Enfin, le fait que les prochaines

Rencontres d’eAtlas, organisées à

Ougadougou en novembre 2013,

soient placées sous l’angle de la

formation des compétences.

En effet, la thématique du « numérique » s’estimposée comme l’une des actions du ministèredes Affaires étrangères en matière de soutien àla coopération, particulièrement dans le champde la coopération décentralisée. La DAECT s’est

Préface

Jean-Michel DESPAX Délégué pour l’action extérieure des collectivités territoriales

Secrétaire Général de la Commission nationale de la coopération décentralisée

Ministère des Affaires Etrangères

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engagée dans des actions de sensibilisation desacteurs, d’échanges de compétences et desavoir faire entre collectivités françaises etautorités locales du Sud. (label Villes InternetCoopération décentralisée) et dans des actionsde capitalisation avec eAtlas F.A.O. au coursd’un séminaire (février 2012), et lors d’unesession spéciale dans le cadre du forumAfricités (décembre 2012).

Le réseau eAtlas F.A.O. a contribué à organiserun milieu rassemblant un certain nombred’acteurs pertinents pour :

Identifier les enjeux fondamentaux,

établir des hiérarchies en fonction de

la connaissance fine à la fois des

théories de l’aide au développement

mais aussi des attentes,

Repérer des lieux d’expérimentation

pertinents, à la fois en terme d’échelle

(il ne faut pas que les actions soient

« diluées »), mais aussi en fonction des

attentes vis à vis du numérique des

collectivités françaises et étrangères,

Mobiliser des acteurs dans les

collectivités, à la fois en France,

notamment grâce à la participation de

l’Association française « Villes

Internet » au réseau, mais aussi dans

plusieurs pays d’Afrique francophone

de l’Ouest,

Participer, aux côtés de la DAECT, à

l’élaboration d’une expertise sur le

soutien au développement sur le

numérique dans le contexte spécifique

des besoins exprimés par les

collectivités locales.

Le réseau eAtlas F.A.O. a sa propre dynamiquefondée sur la pratique assumée de larecherche action, sur des liens tissés au fil desRencontres, colloques, séminaires. Il recoupeun territoire qui progresse patiemment et quiaujourd’hui se développe pour l’essentiel danscinq pays de l’Afrique francophone de l’Ouest :

le Sénégal, le Mali, le Bénin, le Burkina Faso, laCôte d’Ivoire.

Le territoire d’exercice de la coopérationdécentralisée au MAE est évidemmentbeaucoup plus large, mais nous disposons là,avec eAtlas F.A.O. d’un modèle d’organisationqui participe à l’élaboration d’un projet multiacteurs. On peut espérer en tirer denombreuses leçons, on peut même espérerque ces leçons soient exportables en dehors decette première zone géographique.

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SOCIÉTÉS AFRICAINESDE L’INFORMATION Vol.2

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Publication du Collectif eAtlas F.A.O.préparée pour AFRICITÉS 2012, Dakar

Co auteurs :

Adbel Affissou ADEGBITE, Boubakar BERTE, Bruno BLAISE,Augustin CHABOSSOU, Françoise DESBORDES, Mamadou DIENG,

Emmanuel EVENO, Jean Jacques GUIBBERT, Alain François LOUKOU,Biram Owens NDIAYE, Papa Samba NDIAYE,

Olivier SAGNA, Ibrahima SYLLA, Destiny TCHÉHOUALI,Labaly TOURE, Sylvestre OUEDRAOGO, Mathieu VIDAL.

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Sommaire

eAtlas F.A.O, fragments d’une décade prodigue en recherchesactionsCollectif eAtlas F.A.O

PARTIE I : Problématiques et expériences de recherche

Les collectivités territoriales et l’appropriation des TIC pour lagouvernance et le développement local. Rapport général desTroisièmes rencontres du réseau eAtlas Francophone de l’Afrique del’Ouest,Ibrahima SYLLA

La géographie de la société de l’information. D’une spécialité françaiseà l’amorce d’une coopération scientifique franco africaineE. EVENO, A F. LOUKOU, I. SYLLA, D. TCHEHOUALI, M. VIDAL

Villes Internet Afrique. Problématique contexte et justification duprojetIbrahima SYLLA, Biram Owens NDIAYE

PARTIE II : Les Acteurs du développement des TIC dans les

territoires

Le rôle des ONG dans la conception et la mise en œuvre des politiquespubliques liées au développement de la société de l’information enAfrique de l’Ouest : Regards croisés sur le Bénin, le Mali et le SénégalJean Jacques GUIBBERT, Olivier SAGNA

L’aménagement numérique des territoires : une exigence nouvelle dudéveloppement encore ignorée en AfriqueAlain LOUKOU

Politiques nationales des TIC au Bénin : le rôle des collectivités locales.Augustin CHABOSSOU

Aménagement du territoire et nouvelles technologies : Expériences etprospectives au Burkina FasoSylvestre OUEDRAOGO

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Les collectivités locales et les TIC en France : De l’apprentissage de laDécentralisation à la découverte de la Coopération décentraliséeEmmanuel EVENO

Politiques nationales en matière de TIC et collectivités territoriales enAfrique : le chaînon manquant ?Olivier SAGNA

Partie III : Actions et expériences locales

La coopération décentralisée en matière de solidarité numérique NordSud. Quels enseignements tirer de cinq années d’expérimentations ?Destiny TCHEHOUALI

Apport des SIG dans la gouvernance foncière des collectivités locales duSénégal : exemples dans la région du fleuveLabaly TOURE, Papa Samba NDIAYE

Mise en place d’un Système d’Information Géographique (SIG)collaboratif : Le Cas de la coopération décentralisée entre CastresMazamet et Guédiawaye (Sénégal)Bruno BLAISE, Françoise DESBORDES, Mamadou DIENG

Mise en place d’un logiciel d’Informatisation de l’Etat civil : Le Cas de lacoopération décentralisée entre le Grand Chalon et la Communauté desCommunes du Plateau BéninAdbel Affissou ADEGBITE

La Maison des Savoirs de Ouaga (MDSO)Boubakar BERTE

Postface :Par Simon Compaoré, maire de Ouagadougou

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Le projet eAtlas vient d’avoir dix ans ! Il estdonc l’heure de réfléchir au chemin parcouruet aux perspectives qui s’ouvrent dans lesannées qui viennent. eAtlas se veut être uncollectif ouvert et dynamique, rassemblant deschercheurs en sciences sociales de différentesuniversités, ainsi que des représentants desmondes des ONG et des collectivités locales. Lepoint commun entre ces membres consiste àse consacrer à l’étude et à la promotion despolitiques locales portant sur le développement de la « société de l’information », àl’échange voire à la co production d’analyse,au soutien à la mise en œuvre de projets dedéveloppement, à l’accueil et l’encadrementd’étudiants en thèse de doctorat…

I. Les fondations

La première fois qu’il est évoqué, c’est en effeten septembre 2002, à l’occasion du Carrefourmondial de l’Internet Citoyen qui se tenait àMontréal. Ce Carrefour a été un temps fort desrencontres organisées par des représentantsde la « société civile » qui, à cette époque,avait été invitée par l’ONU à réfléchir à saparticipation au Sommet Mondial qui devait setenir l’année suivante, donc en 2003, sur lethème de la « Société de l’Information ».

eAtlas se présente alors comme uneproposition de contribution d’une partie de lapetite communauté scientifique présente àMontréal lors du Carrefour pour mettre envisibilité, dans un atlas en ligne, l’ensemble desinitiatives développées par les différentesorganisations de la société civile dans le sensdu développement de la « Société del’Information ».

La proposition a été bien accueillie par lesparticipants. Il s’agissait d’un projet assezmodeste a priori… et qui, pourtant, s’est viterévélé infaisable.

Un Atlas mondial, quel que soit l’objet qu’ils’efforce de mettre en perspective, ne vaut quepar son effort d’exhaustivité. Or, en matièred’initiatives portant sur le développement de la« Société de l’Information », il y avait foison.Les initiatives en question étaient parfois peuréalistes, peu représentatives, souvent difficilesà identifier parce que leurs acteurs promoteursétaient eux mêmes peu visibles…En outre, cesacteurs constituaient des ensembles très hétérogènes. Entre les militants de la cause desfemmes, les représentants des premièresnations amérindiennes ou aborigènes d’Australie, les militants des logiciels libres, les éluslocaux, les lobbies industriels…. il était difficilede faire le tri.

Or, s’il ne pouvait être exhaustif, un tel Atlaspouvait être légitimement critiqué sur seschoix. S’il ne pouvait être mondial, sa contribution à la préparation du Sommet mondial dela Société de l’Information s’en trouvait parailleurs fortement fragilisée.

Pour produire cet « eAtlas mondial de la Société de l’Information », il était question de fonctionner un peu comme une revue scientifiqueen ligne. Nous avions conçu de lancer périodiquement des appels à articles auprès de lacommunauté scientifique, en choisissant prioritairement de nous adresser aux sciencessociales, voire, de façon encore plus précises,aux quelques géographes dont on connaissaitl’intérêt sur ce type de problématiques. Encela, l’eAtlas était un outil conçu dans leprolongement des travaux de la Commission« Géographie de la Société de l’Information »

eAtlas F.A.O., fragments d’une décade prodigue en recherchesactions

Collectif eAtlas F.A.O.http://193.55.175.48/eatlas francophonie/portail afrique francophone

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de l’Union Géographique Internationale.

Ce modèle n’a pas fonctionné comme nousl’avions espéré. L’eAtlas mondial de la sociétéde l’information est resté à l’état de projetpieux. Les représentants onusiens en charge del’organisation de la première phase du Sommetmondial ont certes résolument appuyé ladémarche et nous avons été particulièrementprésents lors du Sommet que la ville de Lyonavait organisé pour la société civile. Le standd’eAtlas a alors été un haut lieu de l’événement, il a reçu la visite de plusieurs personnalités, dont le président du Sénégal, AbdoulayeWade, qui, quelques mois auparavant, avaitlancé l’idée d’un Fonds de Solidarité Numérique. Une bonne partie de ceux qui seront peude temps après les fondateurs d’eAtlas F.A.O.se sont retrouvés à cette occasion et c’est à cemoment là qu’il est apparu évident que lepartenariat le plus dynamique était celui quicommençait à se tisser entre l’équipe française, située à l’Université de Toulouse, et leschercheurs de l’université Cheikh Anta Diop etreprésentants des ONG sénégalaises.

Le Président Abdoulaye Wade, accompagné de GérardCollomb, maire de Lyon et hôte du Sommet des Villes et

des Collectivités locales

Pascal Bugis, maire de Castres, Michel Briand, maire

adjoint de Brest, Pauline Quinlan, maire de Bromont

(Canada), Xavier Argenton, maire de Parthenay, Françoise Nicolas (maire de Vandoeuvre lès Nancy, EmmanuelEveno, Président de l’Association Villes Internet et respon

sable du projet eAtlas, Florence Durand Tornare, fonda

trice et déléguée de l’Association Villes Internet

A droite, Cheikh Gueye de l’ONG Enda TM

Dès le lendemain des Sommets de Lyon puis deGenève et dans l’attente de la deuxième phasedu SMSI prévue en novembre 2005 à Tunis, àl’heure des premiers comptes en quelquessortes, il est apparu que le modèle de fonctionnement d’eAtlas n’était pas viable. Les coûts defonctionnement de ce modèle, même s’ilsétaient réduits compte tenu de son origine universitaire, n’étaient toutefois pas négligeableset ne trouvaient aucun bailleur susceptible deles prendre durablement en charge.

Dans les mois qui ont suivi, il a donc fallu faireœuvre de pragmatisme. eAtlas a, en quelquesorte, été segmenté et proposé en lots àdifférents prescripteurs ou institutions. Dès cemoment, ce sont deux modèles différentsd’eAtlas qui commencent à se concrétiser :

- Le premier correspond à une démarche

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contractuelle, le projet s’intègre dans uncontrat de recherche action et se plie àdes règlements et des contraintesspécifiques qui découlent des conditionsd’attributions des subventions del’Union européenne

- Le deuxième est extrêmement souple, ils’agit d’eAtlas F.A.O., qui fonctionne surun modèle économique extrêmementfrustre, précaire, mais qui se révèlestable et productif.

Le premier modèle, qui s’est appelé eAtlasSudoe, a été mise en œuvre en 2004 dans lecadre d’un partenariat spécifique entre lesUniversités de Toulouse, Saragosse et Lisbonneet des Agences régionales spécialisées dans lesproblématiques de développement de lasociété de l’information dans les espaces régionaux respectifs de Midi Pyrénées (France),d’Aragon (Espagne), de Lisbonne et des Pays duTage (Portugal). Ce segment a bénéficié del’appui financier de l’Union européenne àtravers le FEDER pour la zone du Sud Ouesteuropéen.

En même temps, une rencontre avec unresponsable de l’Agence Universitaire de laFrancophonie, Didier Oillo, a permis d’envisager la mise en chantier du deuxième modèle,consacré aux pays d’Afrique francophone.Grâce au soutien financier et organisationnelde l’AUF, nous avons en effet pu élaborer cequi est devenu eAtlas F.A.O.

Le retour sur expérience que nous permettentdix années d’histoire autorise l’établissementd’un constat assez simple. Le modèle global(mondial) était utopique, le modèle contractuel(eAtlasudoe) a été à la fois très riche enenseignements mais s’est révélé incapable dese pérenniser … tandis que le modèle eAtlasF.A.O., non seulement a résisté à l’usure dutemps, mais en plus, annonce tous les signesd’une réelle consolidation.

Nous avons en effet un nombre significatif demembres du réseau eAtlas F.A.O. répartis dansdifférents pays : le Bénin, le Burkina Faso, laCôte d’Ivoire, la France, le Mali, la Mauritanie,le Sénégal…. et ce n’est qu’un début.

Types de participants aux Rencontres

A l’occasion des trois rencontres et des deuxateliers intermédiaires organisés jusqu’à cejour, 228 participants ont été associés à nosdébats. Ils se répartissent de manière équilibrée entre représentants des collectivitéslocales et des institutions publiques (32%),représentants de la société civile et du mondedes ONG (32%) et représentants de la recherche et des universités (23%) auxquels il convient de rajouter les responsables d’organismes d’appui spécialisés sur la question desTIC et de la solidarité numérique (8%).

Origines géographiques des participants (envaleurs absolues).

Tout au long de ces rencontres, on a pu observer une croissance régulière du volume de laparticipation. Cette participation qui s’est constituée autour d’un premier noyau de participants sénégalais (105) s’est progressivement

Sociétécivile33%

Institutions

publiquescollectivi

téslocales

32%

Chercheurs,

Universitaires23%

Organismes de

coopération8%

Autres4%

Sénégal;105

Bénin;71

France;65

Mali ; 34

BurkinaFaso; 6

AutresAfrique;

6

Autres"Nord";

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élargie aux autres pays d’Afrique de l’Ouest :Bénin (71) Mali (34), Burkina Faso, etc. Cettediversification devrait se poursuivre à l’occasion des prochaines rencontres prévues auBurkina Faso. Ces moments d’échange d’expériences et de réflexion ont compté égalementavec de nombreux représentants du Nord,principalement français (65).

Dakar, avril 2006, au Campus numérique del’Agence Universitaire de la Francophonie

Bamako, décembre 2009, au Palais des Congrès

Ces Rencontres marquent les étapes deprogression du projet. Celui ci se construit deplus en plus dans le cadre d’une relationtriangulaire, mêlant des universitaires, desreprésentants des ONG et des représentantsdes collectivités locales. Le modèle eAtlasF.A.O. s’est rapproché de la coopérationfrançaise pour le développement, essentiellement parce que nous partageons, que ce soitau plan théorique ou au plan pratique, uncertain nombre de convictions fondamentales.eAtlas F.A.O. s’appuie sur les mêmes acteursque ceux qui sont censés être mobilisés par lesprojets de coopération décentralisée subventionnés par le Ministère français des AffairesEtrangères et Européennes via la DAECT.

Cotonou, octobre 2011, la tribune des membres fondateurs d’eAtlas F.A.O.De gauche à droite : Biram Owens Ndiaye, Sylvestre Ouedraogo, Destiny Tchéhouali, Françoise Desbordes,

Olivier Sagna, Mathieu Vidal, Jean Jacques Guibbert, Ibrahima Sylla, Emmanuel Eveno.

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II. Corpus théorique

Notre projet consiste à explorer les différentsmodèles de « sociétés de l’information » et parlà même les différents chemins, les différentespolitiques publiques et les différentes expérimentations qui peuvent y conduire. Il s’agit deconfronter différents points de vue, différentesexpériences ou expertises afin de mettre enperspective la pluralité des modèles quipeuvent émerger.

Notre position s’appuie sur un corpus théorique d’une part et sur les leçons que l’on peuttirer des expériences déjà réalisées ou en coursdans les différents territoires où se déploientles TIC, s’inventent les usages…

Le projet s’inscrit en faux vis à vis des positionspolitiques mais aussi scientifiques, et médiatiques qui dominent au début de la décennie2000. Il s’efforce de développer ce que nouspourrions appeler une controverse scientifique. Il ne s’agissait d’apporter une contradiction argumentée à l’idée dominante que, avecle déploiement des TIC, la mise en œuvre de la« Société de l’Information », nous assistionsinéluctablement à la réalisation de la prophétieMcLuhanienne du « Village global ».

Une des idées dominantes de l’époque était eneffet que la diffusion de plus en plus rapide,voire, dans certains cas, spectaculaire, des TIC(Internet, le téléphone mobile…) était un phénomène enclenché par la mondialisation etque, à terme, ce phénomène aboutirait à l’effacement des distances, à l’anéantissement desdifférences entre les territoires.

Ainsi, Nicholas Negroponte pouvait il prétendre, dans « L’homme numérique » :

« Si je pouvais vraiment voir les Alpes de

ma fenêtre électronique dans mon salon à

Boston, entendre le son des cloches des

vaches, et sentir le purin (numérique) en

été, j’aurais vraiment l’impression d’être

en Suisse. Si, au lieu d’aller travailler en

conduisant mes atomes en ville, je me

branche sur mon bureau et que je fasse

mon travail électroniquement, où se

trouve exactement mon lieu de travail ? »1

Cette théorie de l’avènement d’une indifférenciation spatiale venait de toute une série detravaux portant sur les effets de la mondialisation. Que celle ci soit perçue comme unechance ou un danger ne changeait rien àl’affaire, nous étions alors dans une époque oùles experts et une partie des représentants dumonde de la recherche prédisaient l’avènement d’un monde sans distance, autrement ditd’un « village global ».

Le processus de la mondialisation appréhendédans l’épaisseur du temps a trouvé avec l’historien Fernand Braudel des arguments quis’imposent comme des évidences : « Mesurée

à la vitesse des transports du temps, la

Bourgogne de Louis XI, c’est plusieurs centaines

de fois la France d’aujourd’hui »2. C’est l’idée

que la mesure de l’espace, ou, plus particulièrement, celle de la distance, n’a pas de valeurabsolue, de métrique simple, mais des valeursrelatives, des métriques qui intègrent la question du temps, autrement dit qui renvoient àdes vitesses de déplacement.

C’est d’ailleurs là l’idée essentielle développéepar le philosophe urbaniste Paul Virilio à travers sa proposition d’un nouveau champ d’études : le dromologie ou science de la vitesse.

« La mise en œuvre du temps réel par les

nouvelles technologies est, qu’on le veuille

ou non, la mise en œuvre d’un temps sans

rapport avec le temps historique, c’est à

dire un temps mondial. Le temps réel est

un temps mondial. Or toute l’histoire s’est

faite dans un temps local (…), et les

capacités d’interaction et d’interactivité

instantanées débouchent sur la possibilité

de mise en œuvre d’un temps unique, d’un

temps qui par là même ne réfère qu’au

temps universel de l’astronomie. C’est un

événement sans pareil »3. 1 N. Negroponte, L’homme numérique. Comment lemultimédia et les autoroutes de l’information vontchanger votre vie, Ed. française, R. Laffont, Coll.Pocket, 1995, p. 206.2Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économieet capitalisme, t. 3, p. 340, Ed. A. Colin, Paris, 1979.3 P. Virilio, Cybermonde la politique du pire ; Ed.

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C’est donc l’amélioration des techniques detransports, puis, dans une phase plus récente,des techniques d’information et de communication qui permettraient la constitution d’unsystème monde de plus en plus intégré, de ceque le sociologue Manuel Castells appelle « lasociété en réseaux » :

« En cette fin du deuxième millénaire de

l’ère chrétienne, plusieurs événements

d’importance historique bouleversent le

paysage social de la vie humaine. Une

révolution technique, centrée sur des

procédés informationnels, remodèle à un

rythme accéléré les fondements matériels

de la société »4.

Cet ensemble de travaux qui postulait unerévolution historique a eu un impact assez considérable de sorte que les TIC ont été considérées comme une sorte de panacée, commeun aboutissement, comme les outils d’unemaîtrise définitive de l’espace et du temps :

« L’extension et la densification des

réseaux de transport et de communication

se manifestent par un processus d’inter

connexion générale qui entraîne un rétré

cissement de l’espace pratique et, du

même coup un rapprochement des

humains et un élargissement de leurs pers

pectives : telle est, en somme, l’essence du

processus de planétarisation. Il y a donc

bien un sens de l’histoire ».5

L’avènement d’une mondialité couplée à destechniques réputées annihiler les distances estapparue pour certains auteurs (les technophobes d’un côté, les technophiles del’autre) avoir valeur d’une révolution, comparable à celle du néolithique, de l’invention del’écriture, de celle de l’imprimerie…. C’est ainsique s’est élaboré, par des bricolages parfoisassez étonnants, empruntant à l'histoire, àl'économie, la science politique, à la sociologie.... un ensemble de discours survalorisantles effets de ruptures. On a ainsi pu parler, du

Textuelles, 1996, p. 13 14.4 M. Castells ; La société en réseau. L’ère del’information ; Ed. Fayard ; 1996 ; p. 215 Pierre Lévy ; World Philosophie ; Ed. O. Jacob.

début jusqu'à la fin de la décennie 1990, de« nouvelle vague », de « nouvelle économie »,de « nouvelles citoyennetés ». L’ensemble deces thèmes a occupé une place considérabledans les médias. De nouvelles revues spécialisées se sont multipliées, dans la foulée et surle modèle de « Wired », la revue californiennequi reste le symbole de la revue du cybermonde.

Ce type de discours, caractérisé par l’injonctionà prendre acte de la modernité communicationnelle a rencontré un écho particulier dansle cadre du Sommet Mondial de la Société del’Information puisqu’il était question de mettreen œuvre des politiques de lutte contre la« fracture numérique », ce qui correspondimplicitement à l’imposition d’une norme.

La dimension scientifique de notre projets’inscrit à rebours de cette théorie de l’indifférenciation spatiale du « village global ». Sanscontester qu’il existe des dynamiques quiproduisent des effets de mondialisation, nousconsidérons que l’affirmation progressive d’unsystème monde, si elle s’appuie effectivementsur les réseaux de communication électronique, n’induit pas de facto que les TIC soientdes leviers exclusifs de la mondialité.

Nous avons fait le choix de nous intéresser auxdynamiques qui s’inscrivent dans des dimensions territoriales, dans des effets de proximité. Ce choix n’est pas pour autant celui del’idiographisme contre le nomothétisme, il esten fait plus ambitieux. Il consiste à considérerque les TIC constituent un ensemble d’outilsqui permettent aux usagers à la fois de mieuxmaîtriser leurs territoires et de les articuler ousynchroniser entre eux.

Nous nous intéressons donc à des nouvellescatégories d’espaces, qui apparaissent commeautant d’innovations. Des « espaces mobiles »,des « espaces augmentés », des « espaceséphémères »… dans lesquels se déploient denouvelles territorialités, de nouveaux processus identitaires, de nouvelles socialités….

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III. Eléments de méthode : un processusévolutif de recherche action

Une autre originalité profonde d’eAtlas F.A.O.tient à son modus operandi. eAtlas F.A.O. seplace résolument dans le champ de la « recherche action ». Cela signifie que le travail accompli se réfère à plusieurs « mondes », celui de larecherche scientifique, celui de l’action publique sur le terrain et celui de l’ensemble desmédiateurs qui sont dans l’inter champ del’action et de l’analyse de l’action.

Du point de vue de la recherche, le projetexpose un bilan éloquent : les trois rencontresrégionales (Dakar 2006, Bamako 2009 etCotonou 2011) ont permis de réunir deschercheurs français et africains en grandnombre, dans des sessions qui correspondaienten tous points à des colloques scientifiques. Sile noyau de départ était essentiellementconstitué d’universitaires français et sénégalais, en changeant de site, les Rencontresultérieures ont facilité l’adhésion de nouveauxcollègues dans les universités de Bamako auMali, de Ouaga2 au Burkina Faso.

A l’occasion de ces Rencontres, des travauxscientifiques ont été présentés et mis en débat.Il s’agissait pour certains d’entre eux detravaux théoriques, pour d’autres de travauxqui s’appuyaient des données empiriquesoriginales. Un nombre représentatif d’entre cestravaux constituent une part de la matièrecette présente publication. Ils ont, pour uncertain nombre d’entre eux, été présentés lorsdes Rencontres de Bamako, pour d’autres àl’occasion des Rencontres de Cotonou. Danstous les cas, les travaux présentés ici ont étéactualisés et mêmes parfois sensiblementremaniés par leurs auteurs.

Au delà de ces « Rencontres » qui structurentnos agendas de travail en commun sur le courtterme, eAtlas F.A.O. a aussi été le creuset danslequel se sont réalisés des travaux scientifiquesde moyen long terme : les thèses de doctorat.C’est ainsi que la thèse du Sénégalais IbrahimaSylla, portant sur le rôle des collectivitéslocales de la Région de Dakar dans la diffusiondes TIC, a évolué dans ce contexte, au sein de

ce collectif, a été soutenue à l’UniversitéCheikh Anta Diop en juin 2009 devant un jurycomposé de chercheurs sénégalais, canadienset français. Destiny Tchéhouali, de nationalitébéninoise, est en ce moment même, en traind’achever la rédaction de son mémoire dethèse sur les politiques de coopérationdécentralisée et la lutte contre la « fracturenumérique », tandis que Mohamed Dedah,étudiant mauritanien, entame sa deuxièmeannée d’études doctorales, avec un sujetportant sur les politiques mauritaniennes enmatière de TIC.

Enfin, il convient de signaler une premièrepublication de synthèse de nos travaux, coéditée par les Revues Netcom et NetSuds :« Sociétés africaines de l’information :illustrations sénégalaises » (Vol 22, n° 1 2 ;2008).

En conservant le même titre et en rajoutant« Volume 2 », le présent ouvrage poursuit doncle travail entrepris depuis quelques dix ans.

Parallèlement à ces travaux, le projet se nourritfondamentalement de sa relation avec lesacteurs de terrain, les élus locaux, les agents de

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développement local, mais aussi l’ensembledes acteurs qui interviennent dans ce champ,en particulier les ONG dans le contexteafricain. Il collabore activement avec la DAECTpour promouvoir des projets de coopérationdécentralisée en matière de TIC. Par ailleurs,en relation avec l’association française « VillesInternet », il est partie prenante dans la miseen œuvre d’un prototype de « Villes InternetAfrique »6.

IV. La feuille de route…

La dynamique d’eAtlas F.A.O. repose sur l’affichage d’un certain nombre de valeurs autourdes problématiques de la préservation de ladiversité culturelle, de la démocratisation, del’implication/ participation des citoyens. Cesvaleurs constituent une feuille de route quis’élabore et se précise au fur et à mesure desRencontres. Elles se traduisent en plan d’actionet en recommandation, dont la liste à ce jour,tient dans les 21 points suivants :

1. Face au primat des logiques et desgrands programmes d’action reposant sur lesinfrastructures, réaffirmer l’importance desproblématiques relatives aux usages, à laformation des compétences et à la productionde contenus locaux,2. Promouvoir et accompagner la réalisation de diagnostics locaux du développementnumérique, qui prennent en compte lesréalités locales, l’état des besoins…3. Décliner les diagnostics en agenda numériques locaux4. Expérimenter de nouvelles voies de coproduction des savoirs et des modèles d’actionpolitique,5. Prêter une attention particulière à l’utilisation des TIC dans la vie démocratique etdans la prise en compte des inégalités.6. Promouvoir l’accès universel aux TICdans leurs diversités, surtout en milieu rural etles zones urbaines défavorisées ;7. Étendre le partenariat eAtlas au delàde la région ouest africaine, notamment auxpays de l’Afrique centrale ;

6 cf infra, p. 49.

8. Promouvoir le partenariat interuniversitaire à travers des échanges plus soutenusentre les universités impliquées dans le réseaueAtlas ;9. Promouvoir la formation des ressources humaines capables de traiter les enjeux liésaux TIC et à la société de l’information en vuede diversifier les compétences orientées majoritairement vers le métier d’informaticien ;10. Accompagner les structures de jeunesafin de faciliter l’ouverture de ces groupes auxformations sur les TIC ;11. Mettre en place des structures pouraider à la duplication des logiciels développésdans le cadre de projets déjà exécutés ;12. Capitaliser et partager les résultats desprojets antérieurs en vue d’éviter la dispersiondes moyens qui découle d’initiatives itératives ;13. Informer et sensibiliser davantage lespublics sur les dispositifs de e gouvernance, dee administration et de e participation déjàdisponibles ;14. Sensibiliser les décideurs au niveaunational et local sur les potentiels d’outilscomme le SIG en vue de faciliter l’institutionnalisation de leur utilisation ;15. Renforcer le partenariat entre les collectivités locales et les ONG en vue de faciliterla construction d’une société locale de l’information efficace, démocratique et inclusive ;16. Développer la collaboration entre lessociétés civiles TIC et celles non TIC ;17. Promouvoir l’usage de la téléphoniemobile pour une plus large participation citoyenne aux processus décisionnels ;18. Promouvoir et soutenir la recherchesur les thématiques portant sur les TIC engénéral et sur la e gouvernance, la e administration et la e participation en particulier ;19. Renforcer la visibilité numérique descollectivités et des administrations africaines àtravers des pétitions pour des adresses en.gouv.ccTLD et des sites gouvernementaux;20. Promouvoir l’accès aux services publicsdans les points d’accès communautaires auxTIC;21. Renforcer les cadres juridiques liés à lasociété de l’information pour favoriser lavalidité des signatures et documents électroniques, combattre la cybercriminalité etgarantir la protection des données personnelles.

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PARTIE I :

Problématiqueset expériences derecherche

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Organisées du 25 au 27 octobre, les TroisièmesRencontres d’eAtlas F.A.O. se sont tenues àCotonou sur le thème des « collectivitésterritoriales et [de] l’appropriation des TICpour la gouvernance et le développementlocal ».

Pendant trois jours, plus d’une centaine departicipants ont échangés des résultats d’enquêtes et d’expériences ainsi que de nombreuses réflexions sur le rôle des collectivitésdans le développement de la société del’information. Prenant le pari de la confrontation entre résultats de recherche et leçonstirées des expériences des acteurs, les débatsont abouti à des conclusions fortes sur ladynamique des projets de développement localen relation avec l’utilisation des TIC.

Ce rapport revient sur les grands axes deréflexion et les principaux enseignements decette Rencontre, troisième du genre. Il avocation à fixer la mémoire d’un événementriche en échanges mais ne se présente pascomme des Actes. Nous considérons en effetque ledit événement doit être remis enperspective au sein de l’ensemble de ladynamique eAtlas F.A.O. Ainsi, plutôt que derendre compte fidèlement des TroisièmesRencontres, nous avons opté pour uneprésentation qui met en perspective lesavancées de la réflexion au regard des objectifdu projet d’ensemble d’eAtlas F.A.O.

Tout en gardant une perspective générale, cerapport rompt à la méthode de rapportagelinéaire7 de l’évènement consistant à suivre ledéroulement de l’agenda et se focalise surl’analyse transversale des leçons à retenir. Il eststructuré en quatre axes : (1) partenariat ; (2)collectivités locales et TIC ; (3) rôle de larecherche ; et (4) défis majeurs. La conclusiondresse le bilan provisoire des Rencontres.

I. Un partenariat dynamique etmutuellement enrichissant

La cérémonie d’ouverture des troisièmesrencontres d’eAtlas F.A.O. a été un momentdéterminant pour apprécier l’intensité et laqualité du partenariat qui sous tend lefonctionnement de ce réseau. Elle a vu laparticipation de plusieurs personnalités représentant à la fois des institutions publiquesnationales, des organismes de coopération, descentres de recherche et d’expertise exerçanttant au niveau national qu’à l’échelle régionale.

Prenant la parole, l’adjoint au maire deCotonou, Monsieur Christian Sossouhounto,est longuement revenu sur la pertinence duprojet eAtlas qu’il considère comme un creusetde réflexion sur la dynamique de changementdu monde actuel sous tendue par l’utilisationmassive des technologies de l’information etde la communication (TIC).

7 Les rapports de session aborderont en détails lesdiscussions.

Les collectivités territoriales et l’appropriation des TIC pour lagouvernance et le développement local

Rapport général des Troisièmes Rencontres d’eAtlas F.A.O., Cotonou, Bénin(oct. 2011).

Ibrahima SyllaEnseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop

Chargé de programme auprès d’ENDA LeadCoordinateur du programme ICT4D

[email protected]

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Cet élu estime que les TIC sont des outilspuissants et utiles pour améliorer la qualité desservices publics, notamment ceux centrés surl’éducation, la santé, la culture et mêmes lesactivités agricoles qui restent cruciales pourl’économie des pays africains. Consciente desopportunités liées aux TIC, et considérant queces outils peuvent servir de levier pour ledéveloppement local, la mairie de Cotonou aengagé des opérations d’éducation numériqueconsistant, pour l’essentiel, à : (1) équiper des

A la cérémonie d’ouverture des Rencontres (degauche à droite) : O. Sagna, Isabelle Edet, EugèneAzatassou, Biram Owens Ndiaye, Abdoulaye Salifou.

classes de tableau numérique interactif ; (2)former des enseignants à l’utilisation des outilsnumériques ; et (3) prendre en charge lesinégalités constatées afin d’éviter lamarginalisation de certains groupes sociaux.Bien qu’il croie à la pertinence de la démarchede sa collectivité, le représentant du maire deCotonou a averti l’assistance qu’aucun résultatconcluant ne pourra être atteint en l’absenced’un encadrement adéquat et d’uneorientation visant à pérenniser les acquis. Encela, il émet le souhait de continuer àbénéficier des expériences et des expertisesdes membres du collectif eAtlas qui, d’aprèslui, pourraient leur permettre de se lancer dansdes expériences de coopération décentraliséeaxée sur les TIC.

Le Directeur exécutif du Partenariat pour leDéveloppement Municipal (PDM), Biram

Owens Ndiaye, a abondé dans le même sens àsavoir l’urgence de mettre les TIC au service dudéveloppement et la nécessité d’appuyer lesacteurs des collectivités territoriales dans leursactions en la matière. Il a souligné que lespréoccupations de cette association régionaleà but non lucratif, le PDM, ne s’éloignent pasde celles du réseau eAtlas F.A.O. Représentantl’ensemble des collectivités locales d’Afriquede l’ouest et du centre, le PDM œuvre en vuede relever les défis multiformes découlant de

la forte urbanisationqui favorise l’émergence de quartiers périphériques déficitairesen équipements et services de base, ainsi quede la décentralisationqui confère aux instances locales des responsabilités sans pour autant les doter desmoyens financiers ethumains nécessaires àleur gestion. Comptetenu de ce contextedifficile qui combine lapolitique, l’économie

populaire et l’entreprenariat social, M. Ndiayeestime que les élus ont tout à gagner ens’appropriant les TIC comme outils de gestionde l’information et d’aide à la prise de décision.

Repoussant le piège du déterminisme technologique, le Directeur du PDM a souligné plusieurs secteurs dans lesquels il pense quel’utilisation des TIC peut s’avérer d’une grandeutilité : l’éducation, la santé, l’accès à l’eau,l’emploi des jeunes, la gestion des migrations,la protection de l’environnement, la sécurité,les loisirs, etc. Il s’agit, en recourant aux TIC, depromouvoir un service public de qualité et dele rendre accessible à l’ensemble des citoyens.Relativement à ces objectifs, beaucoup d’attentes sont exprimées par le Directeur duPDM, en l’occurrence : (1) la possibilité dedisposer d’informations à jour sur les politiquesnationales relatives aux TIC ; (2) le partaged’expériences et des meilleures pratiquesmenées au Nord pour améliorer les conditionsde vie des populations à travers l’outilInternet ; et (3) l’intégration des TIC dans la

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gestion des structures administratives et descompétences qui leur sont attribuées consécutivement à la politique de décentralisation.

Il est évident que les défis que posent de tellesattentes n’ont rien de simple. Mais dans lamesure où les communautés africaines ont, depar le passé, réussi à s’approprier le fax etd’autres technologies usuelles, M. Ndiaye estoptimiste quant à leur capacité à assimiler lesnouveaux outils et à relever le défi de la société de l’information.

Au cas où ces collectivités auraient besoin denouer des partenariats pour réussir leursprojets sur le numérique, les collectivitésterritoriales françaises pourraient probablement les appuyer. C’est ce qu’a affirmé lareprésentante de l’ambassade de France auBénin, Isabelle Edet, en sa qualité de premierconseiller de l’ambassadeur. Elle a en effetinsisté sur le fait que la France croit beaucoupà la coopération décentralisée et s’est dotéed’un certain nombre d’instruments politiquespouvant permettre de réaliser des actionssignificatives dans ce domaine. En matièred’investissement, d’importants efforts sontdéployés annuellement par la France pourimpulser ou soutenir des projets innovantsfaisant interagir des collectivités françaises etafricaines. Tout en soulignant la pertinence del’action du réseau eAtlas, Mme Edet a rappeléla nécessité de travailler ensemble pour le renforcement des capacités, la formation des ressources humaines et la diffusion à grandeéchelle des bonnes pratiques touchant à la egouvernance, la e administration, le e learning,etc.

Dans chacun de ces domaines, le collectifeAtlas F.A.O. est vraisemblablement dotéd’une expertise à même d’être valorisée pourprendre en charge les besoins exprimés.

Il suffit pour s’en convaincre de se référer à laqualité du partenariat qui structure ce réseauet que le Secrétaire Général d’eAtlas F.A.O.,Olivier Sagna, a utilement rappelé. Tout enremerciant les autorités béninoises pour leurhospitalité et leur implication à cette troisièmeédition des rencontres du réseau, M. Sagna asouligné le caractère multi acteurs du partenariat. Qu’il s’agisse du PDM, de l’ASN, de l’AUF,du MAE, des universités et centres d’excel

lence, des collectivités locales, des ONG, desOCB ou des OSB, chaque partenaire du réseaua contribué de façon spécifique et déterminante à faire d’eAtlas ce qu’il est devenu aujourd’hui : un creuset de l’excellence enmatière de « localisation de la société del’information ». Ce mode de partenariat est parprincipe prolifique et génère de la réflexion etde l’action visant la conception de stratégies dedéploiement du numérique, l’élaboration d’outils diversifiés, la formation des ressourceshumaines utiles à la gestion des territoires, etle retour d’expériences dans plusieurssecteurs.

S’il est facile de mobiliser différents acteursautour de ces axes de réflexion et d’intervention, c’est surtout parce que les réalisationsqui en découlent sont d’un intérêt capital. Leréseau eAtlas F.A.O. en est convaincu, toutautant que l’agence universitaire de la francophonie (AUF) dont le Directeur du CampusNumérique Francophone de Cotonou, Abdoulaye Salifou, a réaffirmé la détermination desautorités à accompagner le processus de développement d’une société de l’informationinclusive à travers le monde. M. Salifou ad’ailleurs partagé avec le public quelques unesdes actions remarquables menées par l’AUF, enl’occurrence le déploiement depuis 1990 d’undispositif de 45 campus numériques à traversl’espace francophone, le renforcement descapacités en TIC, l’appui à la création de revuesélectroniques et le développement d’environ80 formations en ligne portant sur des disciplines aussi variées que la médecine, le droit,l’informatique, les sciences de l’ingénieur et ledéveloppement durable. En plus de ces initiatives, l’AUF octroie annuellement des boursesde mobilité aux étudiants et chercheurs etfinance leur participation à des manifestationsscientifiques dont certaines accordent unelarge place aux TIC.

L’ambition de cette agence, selon M. Salifou,est de faire des chercheurs francophones desréférences à travers le monde grâce àl’émergence d’une génération d’enseignants,d’experts et d’acteurs du développement. Celase décline par la création d’un réseau deschercheurs en TIC pour l’éducation (TICE) quise veut un cadre pour valoriser les savoirs des

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chercheurs africains et conforter les recherchesportant sur les technologies les plus innovantes. Cela passe aussi par la réalisation decampus respectueux de l’environnement, telsque les « Maisons francophones des savoirs »qui sont équipées en matériels informatiques,de livres et d’autres supports destinés à favoriser l’entrée des communautés démunies dansla société de l’information. Ces maisons sontactuellement au nombre de 9, et 12 autressont prévues dans les pays d’Afrique et d’Asie.

C’est donc sous cette note de réjouissance quele Directeur de cabinet du ministre de ladécentralisation, de la gouvernance locale, del’administration et de l’aménagement du territoire, M. Eugène Azatassou, a déclaré ouvertes les troisièmes Rencontres d’eAtlas F.A.O.Dans son allocution, M. Azatassou a surtoutfait remarquer que le gouvernement béninoisplace les TIC et la gouvernance locale au centrede ses préoccupations et que de ce point devue les objectifs du gouvernement rejoignentfortement ceux du collectif eAtlas. Il s’agitd’une invitation adressée aux chercheurs etacteurs de terrain réunis lors de cetterencontre à trouver des réponses idoines à uncertain nombre de questionnements quiinterpellent les acteurs territoriaux dans leurlogique d’intervention : quelle doit être l’attitude des acteurs locaux face aux défis du numérique qui suscite des intérêts liés auxopportunités de modernisation des servicespublics et d’aménagement numérique desterritoires ? Quel doit être le rôle des chercheurs et des acteurs du secteur privé ? Quelssont les défis majeurs à relever ? Telles sont lesquestions essentielles sur lesquelles les participants ont été invités à réfléchir.

II. Collectivités locales et TIC

Les Technologies de l’information et de lacommunication (TIC) constituent le socle de lasociété de l’information et sont de plus en plusconsidérées, à tort ou à raison, comme desfacteurs du développement économique etsocial des pays. Elles sont projetées au centredes débats où se discutent le devenir dumonde et le bien être des individus et descommunautés et font l’objectif parfois de

politiques publiques conséquentes.

Quelle est en général la position descollectivités territoriales africaine face à cedébat ? Telle était la problématique majeureintroduite par Olivier Sagna8 dans sa communication intitulée « politiques nationales enmatière de TIC et collectivités territoriales enAfrique : le chainon manquant ? »9. En décrivant la manière dont les politiques publiquessur les TIC ont évolué à l’échelle internationale,en particulier en rapport avec les sommetsmondiaux sur la société de l’information (SMSI)où l’Afrique n’a joué qu’un rôle minime, O.Sagna a su mettre en évidence la place qui afinalement été celle des collectivités territoriales. Non seulement ces collectivités ont étéexclues, mais elles n’ont bénéficié pratiquement d’aucune assistance visant à leur faireprendre conscience de la nécessité d’intégrerles TIC dans leurs politiques. Ni les initiativesde l’UNESCO, de la CEA et du CRDI, ni celles desministres africains chargés du développementéconomique et social et de la planification,encore moins celle du sixième sommet de lafrancophonie qui avait donné lieu en 1995 à la« Déclaration de Cotonou sur les inforoutes »,n’ont véritablement impliqué les collectivitéslocales.

Olivier Sagna

Dans les années 2000, les initiatives impulséespar les différents acteurs internationaux etrégionaux n’ont pas réussi à redresser lasituation. Dès le départ, l’accent a été mis surle rôle de l’Etat, des ministères sectoriels dont

8 Maître de conférences (Université Cheikh AntaDiop de Dakar, UCAD), Secrétaire Général d’eAtlasF.A.O.9 Cf. Infra, pp. 119-130.

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ceux de l’éducation, de la santé, de l’agriculture et quelque peu sur la nécessité de connecter les zones rurales. La dimension « collectivité locale et développement local » a étéignorée dans presque tous les documents destratégie. En raison de ce « pêché originel », laproblématique du développement endogèneet des collectivités territoriales ne seront pasprises en compte pendant très longtemps paraucune initiative traitant de la société del’information. Ni le programme ACACIA lancépar le CRDI, qui avait une entrée axée surl’utilisation des TIC par les communautés, ni lesplans NICI initiés par la CEA n’ont pu véritablement donner aux collectivités locales laplace qui devait leur revenir. Par conséquent,le « chainon manquant » reste les collectivitésterritoriales qui n’ont jamais été considéréescomme des acteurs importants dans lesstratégies nationales de développement de lasociété de l’information.

Les choses ont certes commencé à changeraprès Bamako 2000, à la suite du Sommetmondial sur la société de l’information en 2005et récemment grâce au développement de lacoopération décentralisée axée sur les TIC.Néanmoins, la plupart des exemples de coopération décentralisée portent sur des activitéscentrées sur la mise en place d’applicationsvisant à améliorer l’efficacité interne des administrations, à optimiser la communication et lacirculation de l’information au sein des servicesadministratifs, ainsi que sur la diffusion del’information gouvernementale au niveau descollectivités locales. Un gap énorme existedans la communication avec les citoyens, ladiffusion à une autre échelle de l’informationémanant des collectivités locales et l’exploitation par les acteurs locaux des opportunitésoffertes par les outils numériques.

De toute évidence, les collectivités localesafricaines doivent revisiter leurs ambitions enrapport avec la société de l’information enprenant conscience des potentialités existanteset surtout du fait que les TIC ne sont plus unluxe mais une nécessité pour la bonne gestiondes collectivités locales. C’est à cela qu’inviteBiram Owens Ndiaye10 qui a clairement envi

10 Directeur Exécutif du Partenariat pour le

sagé la question : « quelles ambitions numériques pour les collectivités locales africaines ?Des exemples au niveau régional ouestafricain ».

Biram Owens Ndiaye

De ces exemples, M. Ndiaye retient essentiellement un contexte marqué par des défismultiformes adressés tant aux Etats qu’auxcollectivités locales. Le constat est que 30 des31 pays que compte la région ouest africaineet centrale font partie du lot des 40 pays lesplus pauvres au monde. Les populations sontconfrontées à des problèmes énormes sur leplan économique, social et environnemental etque les collectivités locales doivent prendre encharge. Compte tenu de la précarité danslaquelle évoluent ces collectivités, la questionqui revient sans cesse porte sur l’opportunitéde s’engager sur la « course effrénée » versl’appropriation des TIC et la participation à laconstruction de la société de l’information.

De manière générale, la prise de consciencedes acteurs locaux du potentiel des TIC et del’effectivité de ces outils dans la planification etla mise en œuvre des politiques de développement reste limitée. Le diagnostic effectuélors des rencontres eAtlas de Bamako (2009)avait révélé cet état de fait : sur 35 collectivitéslocales de 100 000 habitants, à peine 1/3d’entre elles utilisait les TIC dans leur gestion.Cela est signe d’une très faible appropriationde ces outils, même si des efforts ont été faitspour définir une vision claire engageant lescollectivités locales à l’horizon 2030. Cette

Développement Municipal (PDM).

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vision envisage la construction de villes africaines fortes et démocratiques résolumentorientées vers la fourniture aux citoyens deservices publics de qualité reposant sur uneutilisation efficace des TIC. Il s’agit égalementd’œuvrer pour le développement, au niveau dechaque collectivité territoriale, d’une stratégied’intégration des TIC dans les politiques degouvernance locale.

Bien qu’elle soit réaliste, la vision du PDMsoulève un certain nombre d’interrogations surles capacités de mise en œuvre dans lecontexte africain. Il importe avant tout que lesacteurs locaux démontrent une ferme volontépolitique : cela consiste a priori à prendreconscience du fait que la vulgarisation des TICet des usages ne se fera pas par des acteursétrangers, fussent ils des partenaires privilégiés, mais plutôt par les pouvoirs publicslocaux eux mêmes.

Pour concrétiser cette ambition, il est nécessaire d’articuler les ressources du budget à lavision définie et de travailler en bonne intelligence avec l’Etat et les autres partenaires quiont aussi un important rôle à jouer en termesde dialogue avec les acteurs et en termes desoutien par rapport à leurs besoins. Ces besoins concernent le matériel informatique, laconnexion au réseau Internet, le renforcementdes capacités des agents et des élus locaux, ledéveloppement de contenus et d’usages innovants liés à la e administration et à la e gouvernance. M. Ndiaye estime que la ville deDakar (Sénégal) et la commune de Parakou(Bénin) sont relativement avancées par rapportà ce chantier, mais la majorité des collectivitéslocales africaines sont à la traine.

Quelles sont les implications socio économiques des TIC dans les collectivités locales enAfrique ? C’est à cette question qu’a tenté derépondre Stanislas G. Avalla11. Selon lui, les TICconstituent des outils indispensables pour lagestion des secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture et de l’accès aux servicespublics. Les apports remarquables de ces outilsfont qu’ils sont largement diffusés et utilisés 11 Chercheur au Centre d'Études, de Formation etde Recherches en Développement (CEFRED) /Université d’Abomey Calavi (UAC), Bénin.

dans les pays du Nord. En revanche, dans lecontexte africain, les cas d’utilisation remarquables sont encore rares et isolés. Lesexemples cités par M. Avalla concernent notamment : (1) l’éducation : développement du téléenseignement, de l’universitévirtuelle africaine, de logiciels comme Afri

alpha.vier ; (2) la santé : conception de solutions informatiques telles que Open YaLIM

(Mali) qui permet l’enregistrement et l’envoiaux spécialistes via Internet du dossier et desimageries des patients, l’interprétation desexamens par le spécialiste et le retour ducompte rendu à l’hôpital expéditeur, et SIMpill

(Afrique du Sud) qui sert, entre autres utilités,à gérer la mauvaise observance des prescriptions médicamenteuses chez les patientstuberculeux en traitement de longue durée ; et(3) l’agriculture : réalisation d’applications permettant de s’informer des cours du marché enville sans obligation de déplacement (FoodNeten Ouganda, système d’information sur lesmarchés au Sénégal).

Quel que soit l’intérêt des initiatives mises enœuvre par les différents acteurs, le fait constant est que l’appropriation des TIC est globalement faible et les usages limités. Par exemple,malgré tout le potentiel d’Internet, l’utilisationde cet outil va rarement au delà de l’échangede courriels. Il est donc évident que beaucoupde choses restent à faire en vue de l’intégration des TIC dans les pratiques quotidiennesdes populations africaines.

Le collectif eAtlas F.A.O. semble résolumentengagé en faveur de cet objectif. C’est en toutcas ce qu’a affirmé Jean Jacques Guibbert12

dont la communication consistait en un rappelconcernant les objectifs de ce projet. Selon lui,la configuration du collectif en réseau ainsi quel’originalité de sa vision et de son action enfont un cadre propice à la réflexion et à laconstruction de solutions adaptées aux obstacles identifiés. Le réseau eAtlas F.A.O. intègreen effet différentes logiques et divers principespropres à la recherche fondamentale et larecherche appliquée, aux organisations étatiques et à la société civile. Cette diversité desparties prenantes est porteur d’intérêt étant

12 Chercheur associé au LISST CIEU, Université deToulouse.

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donné qu’il amène à relativiser la dimensiontechnique au profit des considérations socialeset culturelles pour ce qui touche aux usagesdes TIC dans les sociétés du Nord et du Sud.L’expérience du collectif eAtlas en matièred’impulsion de nouvelles dynamiques favorables au déploiement de sociétés de l’information diversifiées et inclusives a déjà bénéficié àplusieurs collectivités locales africaines. JeanJacques Guibbert en veut pour exemplesl’initiative des « Villes Internet Afrique » et lescas de coopération décentralisée parmilesquels le partenariat entre la ville deGuédiawaye et la communauté d’agglomération de Castres Mazamet. A ces initiativess’ajoutent les efforts déployés par le réseaueAtlas en matière de production scientifique,de valorisation de projets TIC développés parles collectivités locales africaines et destimulation de l’esprit d’innovation chez lesacteurs locaux dans leur diversité.

Les différentes communications présentéessuccessivement ont suscité de vives réactionschez les participants qui ont formulé desréflexions intéressantes. A priori, le consensusa été établi sur le fait que l’opposition entre lesbesoins primaires des populations et la nécessité pour ces populations de s’approprier lesTIC relève d’un faux débat : il est largementdémontré que les TIC constituent des moyensefficaces pour régler nombre de problèmes quise posent dans les autres secteurs. Mais audelà de l’appel adressé aux chercheurs afinqu’ils soient particulièrement vigilants dans lacommunication des chiffres qu’ils manipulent,les participants ont formulé des critiques sur lecaractère limité de l’aire d’intervention duprogramme eAtlas F.A.O. qui n’englobe pasl’Afrique centrale alors que les enjeux des TICdans cette région ne sont pas moinsimportants que dans le reste du continent.

Les autres remarques des intervenants concernent : (1) le besoin de renforcer les capacitéstechniques des ressources humaines en vued’une appropriation plus poussée des TIC ; (2)la nécessité de s’intéresser au défi que pose ledéveloppement de plus en plus massif de latéléphonie mobile en Afrique ; (3) l’urgence deprocéder à une mesure de l’apport effectif desTIC dans la gouvernance locale.

III. L’éclairage de la recherche

Comme lors des éditions précédentes, lestroisièmes rencontres d’eAtlas F.A.O. ontconstitué un espace d’exposition et d’échangeà propos des questions vives de la rechercheportant sur la problématique des TIC dans leursrapports aux sociétés et aux territoires. Aussibien la présentation d’Emmanuel Eveno13 quecelles de Sylvestre Ouédraogo et d’OlivierSagna ont porté sur le cheminement duquestionnement scientifique ayant pour objetles TIC, que ce soit dans le contexte français oudans le contexte burkinabé et sénégalais. Lepoint commun à tous ces contextes est lamarginalisation dans un premier temps de cetobjet dans les recherches et puis, progressivement, une prise de conscience de l’intérêtde réfléchir sur les modalités d’appropriationet les usages de ces outils par divers acteursterritoriaux. Désormais, l’intérêt est tel que larecherche scientifique apporte des éclairagesoriginaux et déterminants sur les TIC dansl’éducation, l’économie, la politique et la culture, sans négliger les connaissances produitessur la question de l’accès, des usages, des politiques publiques, des oppositions entre lesecteur formel et le secteur informel qui atendance à impulser l’innovation dans les paysafricains.

L’exposition du cas béninois a été riche enenseignements. En effet, à travers un focus surdes recherches produites par le Centred’études, de formation et de recherches endéveloppement (CEFRED), Augustin Chabossou14 et Yves Soglo Yao15 ont apporté des éclairages sur deux thèmes essentiels : (1) la performance des entreprises béninoises à l’heure dela numérisation ; et (2) des éléments d’analysethéorique de la rationalité du cybercriminel.

Concernant le premier point, l’observation aporté sur un certain nombre d’entreprisesutilisatrices d’Internet et d’entreprises nonutilisatrices de cette technologie. L’étude arévélé que deux facteurs déterminent l’appro

13 Cf. Infra pp. 35 47.14 Enseignant Chercheur au CEFRED / Universitéd’Abomey Calavi (UAC).15 Chercheur au CEFRED / Université d’AbomeyCalavi (UAC).

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priation de l’outil au sein des entreprisesbéninoises, à savoir la disponibilité de l’électricité et le niveau d’instruction du patron del’entreprise. Alors que l’on s’attendait à unécart remarquable entre les deux groupesd’entreprises observées, les différences deperformance sont apparues finalement minimes. C’est la raison pour laquelle M. Soglo Yaosoutient que le problème n’est pas d’avoirInternet, mais de savoir ce que l’on fait avecl’outil. Des usages limités à l’envoi de courrielset au chat entre amis ne garantissent pas unemeilleure performance à l’entreprise. Les chercheurs béninois insistent alors sur la nécessitéde renforcer le niveau d’équipement des entreprises nationales et la sensibilisation desacteurs sur les économies d’échelle et laréduction des budgets de communication queles TIC permettent de réaliser.

Augustin Chabossou

Le second point de la communication deschercheurs du CEFRED repose sur le constatqu’Internet n’a pas que des avantages. Sicertains en font des usages positifs, d’autres sel’approprient à des fins illicites liées à l’espionnage, au piratage, au proxénétisme, à l’activisme, etc. qui entrainent de sérieux problèmesde sécurisation du réseau et font perdrechaque année plusieurs millions de francs aucontinent africain. De ce point de vue, lessolutions envisagées par l’étude consistent,pour l’essentiel, au développement depratiques actives de lutte capables de fairepercevoir aux criminels un signal fort etdissuasif. Cela passe par la mise en placed’instruments juridiques prévoyant, entreautres mesures, des peines sévères etdirectement applicables.

Les présentations ont permis d’identifier uncertain nombre de problèmes cruciaux, notamment le manque de financement endogènepour la recherche et la confusion récurrenteentre « chercheur » et « consultant ». En raisonde ces problèmes, la recherche sur les TIC auBénin reste limitée et dominée essentiellement par la production de mémoires. LeCEFRED en appelle alors au développement deprogrammes de recherche multidisciplinaireset multinationaux.

Les participants aux Rencontres ont insisté surla nécessité de communiquer les résultats deces travaux aux décideurs politiques. L’aspectrelatif à l’intégration de la géomatique dans lechamp de réflexion et d’action des chercheursa été également souligné. Par rapport à cetaspect, les actions envisagées doivent êtrestructurées autour de la formation des ressources humaines dans le secteur des TIC afin deprendre en charge les besoins et de résoudre la« confrontation » entre chercheurs et consultants ou encore de juguler la propension desuns à verser dans le champ des autres.

Toutefois, l’assistance a souligné le fait quecette opposition est factice et que la séparation entre les domaines n’est pas toujours évidente. Il s’avère tout juste important d’encadrer les pratiques d’expertise afin d’éviter lesdérives. Enfin, l’identification des priorités etdes questions vives de la recherche sur les TICne doivent pas être laissées uniquement auxuniversitaires. L’Etat, les collectivités locales,les acteurs de la société civile ainsi que lescommunautés méritent d’être impliqués afinque les questions soient formulées de façonouverte et exhaustive.

IV. Défis majeurs

Bien que le continent africain dispose dupotentiel nécessaire à la réalisation desambitions définies par les participants, ilsemble que les moyens manquent dansbeaucoup de domaines. Face à cette situation,la coopération décentralisée apparaît commeun créneau intéressant pouvant permettre derégler un certain nombre de problèmes. Il asuffi, pour s’en convaincre, de prêter une

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oreille attentive à Martine Zejgman16 etDestiny Tchéhouali17 qui sont revenus sur lesmodalités de ce type de coopération et sur desexpériences concluantes.

Martine Zejgman et Destiny Tchéhouali

Dans son intervention, Martine Zejgman a faitremarquer que la coopération décentraliséerepose sur des conventions liant deux ouplusieurs parties dans le cadre des engagements internationaux de la France. Ces dernières années, 4 800 collectivités françaises ontété concernées et 12 000 projets développés.Une des principales institutions qui soutiennent cette pratique est la DAECT qui a, entreautres missions, la coordination des actionsentre l’État et les collectivités territoriales, ainsi que la coordination interministérielle. Cettedirection a aussi un rôle d’accompagnement ence sens qu’elle tient à jour l’atlas français de lacoopération décentralisée et anime le dialoguesur l’international. A ce titre, elle lance desappels à projets annuels et des appelstriennaux qui comptent à chaque édition plusde 250 collectivités françaises soutenues. Lesprojets éligibles doivent émaner des universités et des centres hospitaliers, et intégrer dansleur élaboration et leur fonctionnement lesélus locaux qui pourront veiller efficacementau retour d’investissement sur leur territoire.

16 Adjoint au Délégué à l’Action Extérieure desCollectivités Territoriales (DAECT) / MAEE France.17 Chargé d’Études à l’Agence Mondiale deSolidarité Numérique et Doctorant au LISST CIEU,Université de Toulouse.

Quant aux thématiques privilégiées, ellesconcernent le développement économique(sous toutes ses formes), la gouvernancelocale, l’agriculture et la sécurité alimentaire,l’eau et l’assainissement, le tourisme durable,le tourisme solidaire avec un volet développement économique et renforcement descapacités professionnelles, la valorisation despatrimoines (parcs régionaux, forêts, etpatrimoines culturels, histoire de centre ville,numérisation d’archives), et surtout la fracturenumérique et la solidarité numérique.

Quelle que soit la thématique considérée, lesprojets doivent accorder un grand intérêt àl’approche territoriale du développement enveillant à mettre en place un partenariat fort etdynamique. A cet effet, une attention particulière est accordée par la DAECT à l’aspect« communication » qui se traduit dans lesprojets par l’obligation pour les collectivités deprévoir des actions de communication àl’endroit des populations et aussi à l’égard desgouvernements.

Quels sont les enseignements à tirer de cinqannées de coopération décentralisée dans ledomaine de la solidarité numérique ? C’est àcette question que Destiny Tchéhouali a tentéde répondre en s’intéressant à la qualité et àl’efficacité des partenariats et des actionsinitiées entre 2006 et 2011 avec l’appui de laDAECT française.

Après avoir défini la solidarité numériquecomme « une approche positive de la

coopération visant à déployer toutes les

potentialités de l’Internet et du multimédia

auprès de tous les publics concernés », D.Tchéhouali a précisé que cette coopérationpeut s’exercer à travers le transfert de ressources financières, matérielles et humaines. Étantdonné qu’à la fin de 2010, 70% de lapopulation mondiale (et presque 80% de lapopulation des pays en développement)n'utilisaient toujours pas l'Internet et que lepourcentage d'utilisateurs d'une connexionlarge bande était encore faible (UIT, Rapport2011), des actions de solidarité se justifienttrès largement. À ce titre, l’agence mondiale desolidarité numérique (ASN) a lancé plusieursinitiatives de coopération allant dans le sens dela promotion du développement de l’équipe

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ment informatique et l’informatisation des services publics, de mettre en place des systèmesd’information géographique (SIG) dans lescollectivités locales, de développer les pratiques comme la « e santé » publique et la « eéducation », et d’impliquer les diasporas dansles stratégies de réduction des coûts decommunication et d’accroissement de l’impactde leurs actions sur le développement de leursrégions d’origine.

Globalement, les actions de solidarité numérique ont donné plusieurs résultats, allant del’installation d’intranet communal et de sitesweb municipaux au déploiement de réseauxhaut débit avec l’expérimentation de téléservices, en passant par l’informatisation de l’étatcivil et des cadastres, la conception de SIG, lamise en place de centres multimédia communautaires, de centres de reconditionnement etde traitement de déchets électroniques, etc. Lacoopération entre la communauté d’agglomération du Grand Chalon (39 communesfrançaises) et la Communauté des Communesdu Plateau (5 communes béninoises) constitueune illustration intéressante parmi tantd’autres ayant été présentées. En effet, àtravers leur présentation intitulée « Quellepolitique de solidarité numérique pour ledéveloppement intercommunal au Sud ? »,Djman Fachola18 et Rachid Bensaci19 ont portéà la connaissance des participants aux troisièmes rencontres d’eAtlas F.A.O. un certainnombre de réalisations : (1) installation d’équipements informatiques et mise en place d’unaccès Internet dans chaque mairie ; (2) conception de cartes thématiques servant d’outils deplanification ; et (3) développement du logicielGAD pour la traçabilité et la sécurisation desactes fonciers, et du logiciel GEC destinés à lasimplification, la sécurisation et la sauvegardedes actes d’état civil. Grâce à ces réalisations,la situation antérieure marquée par des pertesou la détérioration des actes d’état civil, lafraude, la longue durée d’attente de délivranceet les risques d’erreur dans la confection desactes administratifs, est désormais révolue. Untel succès justifie la signature d'une nouvelle

18 Maire d’Adja Ouèrè (Bénin).19 Vice président chargé des échanges internationaux et de la coopération décentralisée / GrandChalon Agglomération (France).

convention cadre 2011 2013 dans cettecoopération.

Toutefois, il existe des difficultés liées à la nonreconnaissance des outils au niveau del’administration, au manque de matériel, à lafaible qualité du réseau électrique et à la peurdu changement qui pousse l’administration àpersister dans ses procédures habituelles.Aussi, au regard de la présentation réalisée parD. Tchéhouali, il semble que la qualité etl’efficacité des actions menées souffrent debeaucoup d’insuffisances relevées aussi biensur le plan des infrastructures de base quedans le domaine de la capacitation et laformation des acteurs locaux. Les facteurs deréussite tiennent vraisemblablement à l’identification de cibles pertinentes et à l’implication des personnes ressources. Il importeégalement d’encourager le développementd’outils et de services, ainsi que l’innovation enmatière d’usage et de promotion des « epratiques ».

1. Formation des ressources humaines

Une difficulté majeure réside dans la confusionlargement entretenue entre le métier d’informaticien et celui de chargé de programme surles TIC. Alors que le premier est un technicienformé pour concevoir et exécuter des solutionsinformatiques, le second est un agent del’administration préparé à la planification et lamise en œuvre de projets axés sur l’utilisationdes TIC pour le développement territorial. Si lerôle du premier est de faciliter l’équipement etd’assurer un fonctionnement continu du matériel informatique mis en place, la présence dusecond dans une organisation permet uneprise de conscience des dirigeants de l’intérêtde se doter d’équipements informatiques,d’automatiser les tâches administratives et, parconséquent, d’investir dans le domaine desTIC. Quelles sont les modalités de la formationde ces derniers ? Comment se décline leurtrajectoire ? Quel sort leur est réservé après laformation ? Ces questions ont retenu l’attention des membres du réseau eAtlas F.A.O. quise sont alors proposé d’y réfléchir, en particulier à travers le prisme de la discipline géographie.

C’est Emmanuel Eveno lui même qui lança ledébat en présentant dans ses grandes lignes

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l’arbre généalogique qui reconstitue les effortsde l’institutionnalisation des techniques d’information et de communication dans la recherche géographique français. Se fondant sur lathéorie des champs scientifiques développéepar Pierre Bourdieu, il s’est interrogé sur lamanière dont cette méta branche de la géographie s’est constituée dans un contexte aussiconcurrentiel que peut l’être l’établissementdu périmètre d’une discipline scientifique.L’outil qui lui a permis de comprendre cecheminement est le fichier central des thèsesen France dont la consultation a fait apparaîtreune nette augmentation du nombre de productions scientifiques concernant la géographiedes TIC entre 1981 et 2011. Bien quesignificative, cette augmentation occulte beaucoup de réalités, notamment celles relatives audevenir des membres de cette discipline.

À ce titre, Mathieu Vidal20 s’est intéresséaux trajectoires socioprofessionnelles des« travailleurs du numérique ».

Ibrahima Sylla et Mathieu Vidal

La présentation de M. Vidal rapporte en fait lesrésultats d’une enquête prenant en considération les parcours de formation et lestrajectoires socio professionnelles de ces travailleurs. Cette enquête renseigne sur le profil

20 Enseignant Chercheur, LISST CIEU et Centreuniversitaire Jean François Champollion (France).

de personnes formées, leur métier actuel, leurformation initiale, leur intérêt pour les TIC,leurs emplois précédents.

Elle fait état, entre autres observations, à lafois d’une diversité remarquable sur lesmétiers cités (chargé de mission / chef deprojet TIC, animateur multimédia / webmestre, technicien territorial chargé du SI auxadministrés, chef d'entreprise, auto entrepreneur, consultant TIC…) et d’une hétérogénéitérenvoyant à la complexité du positionnementdes acteurs (métiers et fonctions différents,casquettes multiples, intitulés peu précis). Detelles remarques suscitent d’autres questionnements sur les modalités – hasard ouopportunité – de construction des trajectoires,sur l’adéquation des formations et des métiers,les caractéristiques des profils (généralistes ouspécialistes).

Le cas des étudiants africains issus des formations françaises spécialisées « TIC / Territoire »est révélateur de la pertinence de cequestionnement. Cet intérêt a motivé DestinyTchéhouali qui s’est attelé à déterminer lesprincipales variables qui influencent l’insertionsocioprofessionnelle de ces étudiants.

Destiny Tchéhouali

Il s’est également attaché à identifier lesdifférents niveaux d’expertise relatifs auxprocessus d’acquisition de qualifications ou decompétences des acteurs africains intervenantdans le domaine des TIC et dresser desportraits types d’acteurs africains impliqués

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dans la conception ou la gestion de projets dedéveloppement numérique des territoires.

À la suite d’une analyse basée sur les résultatsd’une enquête en ligne et d’entretiens avecdes étudiants originaires du Sénégal, duCameroun, du Congo, de la RDC, du Mali, duBénin, du Burkina Faso, de l’Algérie et desComores, D. Tchéhouali a pu établir quatreprofils caractéristiques d’étudiants africainsformés sur la problématique des TIC. Le premier profil correspond aux « débrouillards » :ayant un niveau compris entre le bac et le bac+3 et un âge allant de 25 à 30 ans, cesétudiants ont généralement une formation detechnicien en maintenance informatique etréseaux et/ou ont des prédispositions deformateurs. Le deuxième profil d’étudiantsrenvoie aux « butineurs » : ils ont un niveaud’instruction relativement élevé (bac+3 à bac+5) et se retrouvent en fin de formation outravaillent déjà pour le compte d’associationsou d’ONG à dimension nationale ou internationale. Le troisième type de profil caractériseles « jeunes experts » : de niveau bac+4jusqu’au bac+8, cette catégorie est particulièrement recherchée par les ONG, lescentres/instituts de recherche, les cabinets deconseils, les entreprises du secteur destélécommunications et de l’informatique basésen Afrique, en Europe ou en Amérique duNord. Enfin, le quatrième profil correspond aux« experts confirmés » : dotés d’un doublestatut d’expert chercheur reconnu aussi bienpar leurs pairs qu’en dehors de leurs communautés de pratiques professionnelles, ils interviennent dans la réalisation d’études, derecherches, d’évaluation d’impact et dans lamise en œuvre de programmes TIC pour ledéveloppement.

Les avantages liés aux différents profils décritsdevraient inciter les universités du Sud àrevisiter leurs curricula pour éventuellement yintégrer de nouvelles formations relatives auxTIC. Mais il semble que cette prise de conscience de l’intérêt de ces éléments dans lequestionnement scientifique, notamment dansdes disciplines comme la géographie, soitencore très limitée. C’est du moins l’avisd’Ibrahima Sylla21 qui a scruté les défis de

21 Enseignant Chercheur à l’UCAD.

l’intégration des TIC dans les programmesd’enseignement du département de géographie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Son constat est sans appel : (1) les contenusd’enseignement sont toujours dominés par lesorientations de la géographie physique ; (2) lagéographie rurale reste influente ; (3) les SIG etla télédétection sont en général les seulsdomaines des TIC faisant l’objet d’enseignement ; et (4) les TIC comme « instrument »de recherche sont bien perçues mais ladimension « objet de recherche » est ignorée.La conséquence de cette situation est que lesTIC demeurent un "OSNEI"22 et aucun contenude formation n’a été dispensé au départementde géographie jusqu’à une période récente23.

Quant au sort des étudiants ayant produit destravaux d’étude et de recherche (mémoire demaîtrise, de DEA ou thèse) portant sur cesobjets, il s’avère peu convainquant : presqueaucun des « diplômés » en géographie des TICet de la société de l’information ne travailledans le domaine des TIC. Pour rester dans leurdomaine, ils se « refugient » dans les SIGmême si les vocations sont différentes. L’unedes difficultés majeures constatées est laconfusion entre le métier d’informaticien etcelui de géographe intéressé par les usages desTIC.

En raison des difficultés d’insertion desressources humaines formées sur les TIC et lesquestions afférentes à la société de l’information, la plupart des membres de l’assistanceont exprimé un doute sur l’utilité et la consistance des contenus d’enseignement centréssur ces outils. Cependant, les débats ont aboutià la nécessité de s’ouvrir à la modernité et àl’innovation, en faisant la part des choses. End’autres termes, il faudra poursuivre la formation de techniciens aptes à concevoir oumanipuler les outils, et en même tempsintégrer la formation de ressources humainescapables de comprendre et de faire comprendre aux autres les enjeux des TIC et

22 Objet scientifique non encore identifié.23 La réflexion a été lancée durant l’année universitaire 2009 2010 afin de prendre en compte dansle programme d’enseignement la problématique del’accès aux TIC et des pratiques spatiales découlantde l’appropriation de ces outils.

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d’impulser des politiques de développementterritorial dépassant la dimension technique.

2. Développement d’outils et de services

Un autre grand défi identifié par les troisièmesrencontres d’eAtlas F.A.O. est la maîtrise desoutils et des services basés sur les TIC.Beaucoup d’efforts ont été faits dans ce sensmais le chemin à parcourir est encore long.

Le développement des outils se justifie par lesmultiples opportunités qu’ils offrent auxacteurs territoriaux. Dans le contexte de ladécentralisation qui a favorisé le transfert d’uncertain nombre de compétences aux collectivités locales, ces outils peuvent jouer un rôleimportant notamment dans la perspective del’autonomisation et de la responsabilisationdes populations autochtones dans le processusde développement local. Dans le domainespécifique de la gestion foncière, leurs apportss’avèrent particulièrement déterminants.

En effet, il est apparu à travers la présentationfaite par Labaly Touré24 sur le cas de la communauté rurale de Keur Momar Sarr (Sénégal)que le foncier constitue un ensemble deressources naturelles renouvelables (terre,eaux, faune, flore) dont la gestion posed’énormes problèmes entrainés par de multiples facteurs : (1) cohabitation de modes detenure moderne et traditionnelle ; (2) manquede maîtrise de l’assiette foncière ; (3) faibleniveau d’alphabétisation de la plupart desconseillers ruraux ; (4) absence de documentscartographiques ou topographiques ; et (5)absence d’outils de gestion et de planificationefficaces. Dans un contexte pareil, la mise enplace d’un SIG à Keur Momar Sarr a permis delimiter les doubles affectations et les affectations théoriques, d’améliorer la délimitationdes parcelles, de réduire la fréquence des fraudes et de la corruption, d’optimiser la gestiondes dossiers, de favoriser la transparence de lagouvernance des ressources naturelles et deminimiser les risques de conflits.

La communication de Pape Samba Ndiaye25

24 Géographe Géomaticien, Doctorant au laboratoire LEIDI « Dynamiques des territoires etDéveloppement » / Université Gaston Berger deSaint Louis (Sénégal).25 Expert en Système d’information foncière /

conclue dans le même sens. Axée sur le thèmede la sécurisation foncière à l’aide d’unsystème d’information foncière (SIF), cetteprésentation a mis en évidence les avantagesque l’outil a introduit dans la prise en chargedes problèmes fonciers au niveau de lacommunauté rurale de Mbane (Nord duSénégal). De façon pratique, ce système d’information a servi de support au traitement desdifficultés découlant du manque de maitrisedes textes de loi encadrant la gestion foncière,de la méconnaissance du potentiel foncier, desaffectations doubles ou virtuelles de parcellesagricoles. Pour parvenir à ces résultats, le Programme d’appui aux communautés rurales dela vallée du fleuve Sénégal (PACR VFS) adéroulé plusieurs activités, notamment lacartographie du parcellaire agricole, la formation à l’utilisation du GPS, à la lecture de carteset à l’archivage, le renforcement de capacitésdes acteurs (chef de village, Ascom et CDE) surleurs rôles et responsabilités dans la gestionfoncière.

Utilisés dans une perspective d’aménagementdu territoire, les systèmes d’informationgéographique classiques ou participatifs procurent de nombreux avantages. Selon OusmaneAg Dalla26 qui s’intéresse à l’utilisation des SIGparticipatifs au Nord Mali, ces outils contribuent à mieux faire connaître les potentiels etles contraintes du territoire, tout en favorisantune réelle participation des populations localesaux processus décisionnels. Cela garantit, selonlui, l’émergence d’une citoyenneté susceptibled’impulser un développement local harmonieux et équitable.

Si des avancées significatives sont constatéesen matière de développement d’outils d’appuià la gouvernance, l’institutionnalisation desapproches de gestion basées sur ces outilsreste un problème crucial. A en croire Luc

Programme d’Appui aux Communautés Rurales dela Vallée du Fleuve Sénégal (PACR VFS).26 Chef du Département des études, de laplanification, de la coordination et du suiviévaluation des projets de l’Agence de développement du Nord Mali. Doctorant en SIG etgestion durable des territoires à l’Université JeanMonnet de St Etienne (France) et à l’Université deBamako (Mali).

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Olivier Sintondji27 et Ibrahima Sylla28 qui ontanalysé cette question en rapport avec l’utilisation du système d’information géographique participatif (SIG P) pour la gestion descollectivités territoriales au Bénin, l’institutionnalisation est d’un intérêt stratégique en cesens qu’elle influe sur le niveau d’utilisation etd’appropriation des TIC tant au niveau nationalqu’à l’échelle locale. Alors que dans les pays duNord les SIG sont utilisés pour gérer diversproblèmes dans des domaines aussi variés quela protection de la nature, la gestion desdéchets, la santé publique, le géomarketing, lesprocessus électoraux, la défense nationale etmême les jeux vidéo, il existe un très grandretard quant à l’intégration de ces outils dansles pays du Sud. Face à cette situation, lesmembres du programme ICT4D29 envisagentl’institutionnalisation à travers une démarchemultidimensionnelle et multi acteurs dont lesdéterminants relèvent de la communication etde la sensibilisation, du renforcement descapacités des différents acteurs, du plaidoyeret de la participation de tous les membres de lacommunauté.

C’est dans cette perspective que s’intègre laformation sur les outils SIG (logiciels ArcView3.3 et SWAT) délivrée par l’équipe ICT4D auBénin à l’intention d’une part, des cadrestechniques des mairies de Savè, Ouèssè, N’Dali,Nikki, Parakou et Tchaourou, et d’autre part,des agents techniques des centres communauxde promotion agricole (CeCPA) de Savè et deTchaourou.

De toute évidence, les initiatives visant lavulgarisation des outils et la maîtrise desusages se développent de plus en plus. D’ailleurs, aux projets et programmes rapportés parles chercheurs dans leurs communications s’enajoutent d’autres qui ont été impulsés dans le

27 Enseignant chercheur, membre du LHME/facultédes sciences agronomiques de l’université d’Abomey Calavi (Bénin).28 Chargé de programme auprès d’Enda Lead Africaet coordinateur du programme ICT4D.29 Développé par Enda Lead Africa sur l’utilisationdes SIG P pour la gestion des ressources naturelleset la sécurité alimentaire, ce programme intervientdans six pays africains : Bénin, Kenya, Malawi,Rwanda, Sénégal et Tunisie.Cf. www.leadinafrica.org/sigp

cadre de la coopération décentralisée.

Un cas significatif est celui présenté par CélineEgger30, Abdel Affissou Adegbité31 et GaelAcke32 concernant la « mise en place d’unlogiciel d’informatisation de l’Etat civil : cas dela coopération décentralisée entre le GrandChalon et la Communauté des Communes duPlateau au Bénin »33. Un autre cas illustratif estcelui rapporté par Bruno Blaise34 et MamadouDieng35 à propos de la « mise en place d’unsystème d’information géographique collaboratif dans le cadre d’une coopération décentralisée entre Castres Mazamet et Guédiawaye ».

Loïc Damiani36 et Souleymane Mboup37 ontaussi abondé dans le même sens en parlant d’ :« équipement, formation à la maintenance desappareils informatiques et à l’utilisation des TICdans la gestion communale : cas de la coopération décentralisée entre Fontenay sous Boiset Koungheul ». Quant à Romain da Costa38 etDaniel Hounkpevi39, ils ont abordé la questionde « l’installation et la mise en œuvre dejumelages "Sankoré" : cas de la coopérationdécentralisée entre Rosny sous Bois et Cotonou, Lyon et Porto Novo ».

Dans tous les cas exposés, des problèmescruciaux de gouvernance publique, de manqued’infrastructures, de renforcement de capacités et des moyens d’intervention ont été

30 Chargée de mission Echanges internationaux etcoopération décentralisée, Grand Chalon Agglomération (France).31 Technicien informatique de la communauté descommunes du Plateau (Bénin).32 Gérant de la société « La Puce @ l’Oreille »/Consultant en Système d’Information pour l’Agglomération du Grand Chalon.33 Cf . Infra, pp. 34 Chargé de mission observatoire économique etsocial/Chef de projet SIG, agglomération de CastresMazamet (France).35 Coordinateur du projet SIG et assistant techniquede l’Agenda 21 de la ville de Guédiawaye (Sénégal).36 Conseiller municipal délégué à la ville numérique,ville de Fontenay sous Bois (France).37 Premier adjoint au maire de Koungheul (Sénégal).38 Directeur de communication, ville de Rosny sousBois (France).39 Directeur des services techniques, mairie dePorto Novo (Bénin).

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identifiés et traités à l’aide d’outils numériquespuissants et accessibles tant du point de vuetechnique que du point de vue financier.

3. Innovation en matière d’usage et depromotion des e pratiques

Les participants aux troisièmes rencontresd’eAtlas F.A.O. estiment qu’en plus des outilset services numériques, la promotion d’usagesinnovants et de nouvelles pratiques constituent un défi important. Ce défi constitue enmême temps un chantier gigantesque qui exigel’implication de plusieurs acteurs qui doiventnécessairement agir en synergie pour unemeilleure efficacité de leurs actions.

La société de l’information étant avant tout unprojet politique, les pouvoirs publics ont unrôle majeur à jouer en matière de vulgarisationdes équipements et des usages numériques.Cet enjeu semble aujourd’hui compris parbeaucoup de décideurs africains qui mettenten œuvre des stratégies pour tirer le meilleurprofit de la société de l’information.

C’est le cas du ministère béninois de la prospective, du développement et de l’évaluationdes politiques publiques qui a initié unimportant projet concernant « l’usage des TICpour le renforcement de la chaine de valeurexport de l’ananas par les communautésrurales en Afrique de l’Ouest ». SelonAmessinou Kossi40, l’originalité de ce projettient à une bonne compréhension du secteurde l’ananas au Bénin rendue possible par undiagnostic minutieux de la chaîne de valeur,des enjeux et des défis à relever. Suite à cediagnostic, plusieurs services ont été conçuspour favoriser une plus grande performance dusecteur : (1) page web de présentationdétaillée et d’informations commerciales pourchaque contributeur (www.ananas.bj) ; (2)compte mail professionnel ([email protected]) ; (3) cartographie de repérage spatial sur ananas.bj ; (4) service de dépôt et deconsultation d’informations commerciales surle web et le web mobile ; et (5) service dedépôt d’informations de vente auprès d’unopérateur téléphonique. Il est clair que ce pro

40 Chef du service informatique du ministère de laprospective, du développement et de l’évaluationdes politiques publiques (Bénin).

jet est innovant mais son succès dans le mondeagricole béninois dépendra de la volonté dechacun des acteurs de la chaîne de production/transformation/exportation. Un autre facteur de succès est l’adhésion et l’engagementde chaque acteur à participer à la lutte contrela pauvreté en milieu rural.

Le secteur privé semble déjà engagé dansl’appropriation des TIC. C’est du moins ce quel’on retient de la communication de RobertAoued41 qui a présenté la « contribution dusecteur privé des TIC à l’aménagement numérique des territoires au Bénin : cas des centresmultimédia communautaires d’ISOCEL Télécom ». Ce projet s’avère particulièrement utilelorsque l’on considère le retard du Bénin enmatière de connectivité : le marché del’Internet est peu développé, le taux depénétration d’Internet est inférieur à 5% (450000 utilisateurs en 2011) or 90% des connexions sont concentrées à Cotonou et sesbanlieues. Il devrait permettre de régler beaucoup de problèmes liés au déficit d'infrastructures physiques des TIC, au manque deconnaissances et de compétences en TIC et auxcoûts prohibitifs des équipements et desconnexions à Internet. La phase pilote de ceprojet a déjà débuté dans sept agglomérationsbéninoises, en l’occurrence Bohicon, Djougou,Ouidah, Parakou, Porto Novo, Savalou et Savé,et ISOCEL Télécom espère pouvoir ainsi contribuer au développement national par : (1) lacréation d’emplois directs et indirects ; (2) letransfert de compétences techniques auxpopulations rurales ; (3) l’élaboration de contenus locaux ; (4) la promotion des diversproduits agricoles de chaque localité ; (5) ledéveloppement du tourisme et de l’artisanatlocal ; (6) la consolidation des relations avec ladiaspora ; (7) l’accès à l’information et à l’éducation à distance ; et (8) l’accès aux services de« e gouvernement ».

Les collectivités locales ne sont pas en restedans ce chantier de développement des usagesdes TIC car elles sont instigatrices d’une dynamique visant aussi bien l’installation d’équipements que la promotion de l’utilisation des

41 PDG d’ISOCEL Télécom, représentant desfournisseurs d’accès Internet au Bénin.

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TIC. A ce titre, Hubert Precher42, JacquesRaynaud43 et Saïdou Zabre44 ont partagél’expérience du « développement de l’utilisation des TIC à travers l’installation des centresmunicipaux multimédia : cas de la coopérationdécentralisée entre Châtellerault et Kaya ».Quant à Jean François Legrand45, ThierryMotte46 et Somé Ayereku47, ils ont exposé surla « mise en place d’un espace public numérique : cas de la coopération décentraliséeentre le conseil général de la Manche et lacommune de Dissin ».

Jean François Legrand

Il s’agit, à travers toutes ces initiatives, derenforcer l’éducation au développement, derenforcer les ressources financières descommunes, de faciliter l'orientation et laformation des jeunes, de former le personnelcommunal, de faciliter l'accès de toutes lescouches de populations aux TIC et aussi dedonner une lisibilité à la coopération. D’importants efforts sont alors nécessaires pourvenir à bout des obstacles liés au manque demoyens humains (personnel technique insuffisant ou insuffisamment formé) et matériels

42 Conseiller municipal délégué à l’administrationélectronique et aux TIC, ville de Châtellerault(France).43 Directeur des relations internationales et de lacoopération décentralisée, ville de Châtellerault.44 Responsable du centre municipal multimédia deKaya (Burkina Faso).45 Sénateur et Président du conseil général de laManche (France).46 Directeur des relations internationales et de lacoopération décentralisée.47 Coordinatrice de l’espace public numériquecommunautaire de Dissin (Burkina Faso).

(augmentation des équipements, maintenanceet protection contre les coupures d’électricité).

Le rôle des chercheurs paraît tout aussi déterminant dans la construction des usages et lapromotion de nouvelles pratiques rattachées àla gouvernance, à la citoyenneté et à la démocratie. S’il s’agit de théoriser le déploiementdes infrastructures et services numériques etleur appropriation par les communautés, leschercheurs sont particulièrement bien préparés. Françoise Desbordes48 s’est essayée à cerôle au travers d’un questionnement fort instructif : « Participatif/ collaboratif ? Retourd’expérience sur la co construction d’un siteweb collaboratif à l’échelle d’une banlieuedakaroise ».

S’il est évident que la compréhension destermes varie suivant l’angle d’approche, selonque l’on soit dans le monde de l’entreprise, lesecteur de l’éducation ou dans la vie associative, il reste que le contenu conféré auxconcepts mobilisés dans le cadre d’un projetinflue sur la démarche des acteurs engagésdans celui ci. La pertinence du choix destermes apparaît à travers le projet exposé parF. Desbordes et qui a été conçu sur un fond deconstats problématiques liés, entre autres, auxdifficultés d’accès aux informations disponiblessur la ville de Guédiawaye (Dakar) et à lamultiplicité des projets d’aménagement et desintervenants (municipalités, organisations communautaires de base, administrations, universitaires) qui agissent souvent de façon dysharmonique. En procédant à des recoupementsdes acceptions qui ressortent de l’usage de l’unet de l’autre terme, et en faisant des réajustements de contenus, les acteurs du projet ontréussi à mettre en œuvre une solution technique pour initier l’expérimentation des TIC dansla gouvernance locale. En effet, un « portailcollaboratif pour la e gouvernance et le développement local » a été mis en place et il esttrès vite devenu un portail pour toute la villede Guédiawaye.

48 Ingénieure de recherche au LISST CIEU, Universitéde Toulouse.

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Françoise Desbordes

L’un des facteurs essentiels pour la réussite duprocessus analysé par F. Desbordes est lavolonté partagée par les différents acteursd’innover dans les usages des outils collaboratifs à l’échelle d’une ville. Sans cette volontéde collaborer, les usages ne peuvent pas sedévelopper. Or, quel que soit l’outil retenudans ce contexte, les contenus resterontfaibles et le partage de points de vue etd’opinions demeurera insignifiant. Il est doncclair que les relations qu’entretiennent lesparties prenantes d’un projet sur les TICinfluent inéluctablement sur les résultats decelui ci.

Fort de ce constat, Jean Jacques Guibbert49

s’est interrogé sur les « modalités d’articulation collectivités locales – ONG pour unmeilleur usage des TIC au service du développement et de la gouvernance locale ». Cesmodalités sont avant tout caractérisées parune grande diversité allant de la « substitution » au « contrôle citoyen et la coélaboration des politiques » en passant par la« concurrence », « l’appui technique », la« maîtrise d’ouvrage social » et le « partenariat ». Malgré cette diversité, les collectivitéslocales et les ONG sont manifestement interdépendantes et gagnent à agir ensemble afin dechanger d’échelle et d’influer sur les politiquespubliques visant à construire une société del’information plus ouverte et plus inclusive.

En fait, les facteurs pouvant sous tendrel’interdépendance de ces acteurs sont multiples. Jean Jacques Guibbert estime que sansl’appui des ONG et des organisations de la

49 Chercheur associé au LISST CIEU, Université deToulouse.

société civile locale, les collectivités n’accèdentpas, sinon difficilement, aux relais et auxméthodes nécessaires pour favoriser unegrande appropriation des dispositifs numériques par les acteurs locaux. Inversement, sansl’appui des collectivités locales, les ONG nedisposent pas des moyens d’institutionnalisation et de financement pouvant servir àcouvrir l’ensemble du territoire tout enpérennisant leurs actions.

Le partenariat s’avère donc essentiel pour ledéveloppement des équipements et desusages des TIC dans toutes les villes africaines.Cela est d’autant plus affirmé que le pouvoirpublic central agit sans tenir compte descompétences transférées aux collectivitéslocales et sans même associer ces acteurs àl’élaboration et à la mise en œuvre despolitiques nationales. L’exemple rapporté parKarine Laure Koudjou Talla50 à propos de« l’implication des pouvoirs locaux camerounais dans la réduction de la fracture numérique » démontre que le partenariat estaujourd’hui une exigence. Le contraste estflagrant : d’une part, l’Etat développe unevision pour « transformer le Cameroun en unesociété dont l’économie est basée sur le savoirgrâce à l’appropriation des TIC », et œuvre envue de sa matérialisation ; d’autre part, l’Etatlaisse de côté la plupart des piliers dudéveloppement à la base, en l’occurrence lesacteurs locaux. Cette marginalisation se traduitalors par une faiblesse endémique des moyenshumains et financiers des communes, uneabsence notoire d’infrastructures de télécommunication en milieu rural (accès à Internet parVsat très couteux), de grandes difficultés d’accès à l’électricité dans les communes majoritairement rurales, l’ignorance ou la nonmaîtrise des enjeux liés aux TIC. Les ONG ontcertainement un rôle crucial à remplir.

En attendant que les conditions d’un déploiement plus harmonieux et d’une appropriationplus poussée des TIC soient réunies, les usagesdemeurent rudimentaires (courriels, chat…) etles innovations peu développées. Ainsi, il est

50 Urbaniste spécialiste des TIC, chargée d’étude aucabinet AUGEA Afrique (Yaoundé, Cameroun) /Doctorante en géographie à l’Université deDschang/Rouen.

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apparu à travers la présentation de KenLohento51 sur « la e gouvernance et laparticipation citoyenne en Afrique de l’Ouest »que ces pratiques sont assez limitées. Du CapVert au Nigeria, en passant par le Sénégal, laCôte d’Ivoire, le Ghana et le Burkina Faso, la egouvernance, ou en d’autres termes « l’utili

sation des technologies de l’information et de

communication dans le but d’améliorer la four

niture de l’information et des services, d’encou

rager la participation du citoyen dans le proces

sus de décision »52, n’a fait l’objet que de

quelques initiatives significatives. Il s’agit notamment: (1) de la Maison du Citoyen et dusystème d’information multimédia du gouvernement (SIMGOUV) : site gouv + centre d’appel« Allo Gouvernement, Allo 101 » au Cap vert ;(2) du site web des démarches administrativesau Sénégal ; (3) du portail de la Directiongénérale des marchés publics au Burkina Faso ;(4) de la plate forme web de pétitions, débatset sondages abidjan.net en Côte d’Ivoire ; (5)de l’utilisation des TIC pour la promotion de latransparence pendant les élections au Ghana ;et (6) de Police Diary au Nigeria.

Bien que ces réalisations soient remarquables,il existe beaucoup d’obstacles qui risquent deralentir la progression des pays africains versles plus hauts niveaux d’innovation en matièrede « localisation de la société de l’information ». Il s’agit notamment de la faiblesse de laparticipation des citoyens, des coûts élevés desinfrastructures, de la faiblesse du capital humain, du manque de réactivité des dispositifsd’e gouvernance (interactivité théorique), ducaractère léthargique des sites web communaux et gouvernementaux, de l’absence decontenus numériques en langues locales, etc.De vastes chantiers de réflexion et d’actionrestent ainsi ouverts et les membres du réseaueAtlas F.A.O. sont plus que jamais interpellés.

51 Coordonnateur de programme TIC pour ledéveloppement au CTA.52 Misurac (2007) cité par Ken Lohento.

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Le travail présenté ici est construit sur uneanalyse de la place occupée par les géographestravaillant sur les Tic dans un certain nombred’institutions structurantes et d’événementsmarquants. Il débute par une analyse de ce quireprésente le viatique nécessaire à toutecarrière de recherche la thèse de doctorat et,en deçà, les Masters pour se prolonger parune analyse exploratoire de la place del’Afrique et des Africains dans les publicationsscientifiques francophones consacrées aux TICet, enfin, par une réflexion sur la diffusion deces problématiques dans l’enseignement supérieur africain en géographie.

I Les thèses françaises de géographie.L’évolution des thèses de géographie sur30 ans

L’enquête à laquelle nous nous sommes livréscouvre une période de 30 ans (de 1981 à 2011)et est consacrée aux mémoires universitairesde géographie (sections 23 et 24 du ConseilNational des Universités) enregistrés au fichiercentral des thèses.

1. La génération des pionniers : 1980 à 2000

L’échantillon reconstitué pour la période 19802000 porte sur 3437 mémoires, sans qu’il soittoujours très facile de distinguer les thèses desautres mémoires (D.E.A et Maîtrise).

L’échantillon pour la période 2001 2011 comporte quant à lui 2191 thèses ou projets dethèses, mais la base ne permet pas de savoir siles projets ont abouti ou non.

A l’époque où Henry Bakis réalisait sa thèse (findes années 1970), le sujet auquel elle s’attaque, les télécommunications, est totalementhors champ, non seulement en France maisaussi dans tous les pays. De ce point de vue,elle est profondément originale. Pourtant, lestélécommunications avaient assez fréquemment été évoquées par des géographesantérieurs comme des sujets potentiellementintéressants. Le premier à l’avoir affirmé estFriedrich Ratzel, géographe allemand de la findu XIXème siècle. D’autres ont suivi sonexemple, voire ont inauguré quelques travauxde recherche intégrant l’objet télécommunication. Ce fut le cas de Jean Labasse parexemple dans les années 1950… Toutefois,jusqu’à Henry Bakis, il n’y avait jamais eu dethèse doctorale réalisée sur cette question.

La géographie de la société de l’information. D’une spécialitéfrançaise à l’amorce d’une coopération scientifique franco africaine

Emmanuel EvenoProfesseur, Directeur de recherche au LISST CIEU

Université de Toulouse

Alain François LoukouEnseignant chercheur à l’Université de Bouaké

Ibrahima SyllaEnseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop

Destiny TchéhoualiDoctorant au LISST CIEU

Université de Toulouse

Mathieu VidalMaître de conférences au CUFR J F. Champollion (Albi)

Chercheur au LISST CIEU

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La raison essentielle était que l’objet derecherche « télécommunication » n’était pastenu pour pertinent par les géographessusceptibles de diriger des thèses jusqu’à cetteépoque. D’ailleurs, H. Bakis rapporte que, dèsle début de son parcours de doctorant, il s’esttrouvé isolé, abandonné par son Directeur deThèse. Bien que Michel Rochefort ait acceptéde diriger ce travail, il a donné par la suite tousles signes du plus profond désintérêt.

Le manque de thèses sur le sujet a ainsilongtemps constitué l’une des plus grandesfragilités de ce champ en cours de construction.

Il est assez délicat de comparer les effectifs àl’intérieur de chacune des « branches »identifiées de la géographie telles qu’ellesfigurent dans la nomenclature du fichiercentral des thèses. D’autant plus que la basede référence n’indique pas la « branche » danslaquelle les nouveaux docteurs ont choisi des’inscrire. Il faut donc la déduire à partir del’intitulé et, quand l’interprétation reste floue,en consultant les notices de thèses, danslesquelles figure une série hiérarchisée de« mots clés ». Dans ces cas précis, nous avonsconservé le premier mot clé de la liste. Dansbien des cas, les nouveaux docteurs énoncentplusieurs mots clés, signalant par là leur désird’être identifiés à l’intersection de plusieursbranches. Ainsi, pour les thèses d’urbaine etdans une proportion moindre pour la rurale, ontrouve de nombreux mémoires articulant parexemple l’urbaine à l’économie, à l’industrielle,au commerce, voire plus rarement à l’environnement et à la climatologie. Pour la rurale, lesassociations les plus fréquentes sont cellesavec le développement, le tourisme.

Il s’agit donc d’un outil assez lourd à manipuleret d’un usage rendu malaisé par les nombreuses carences qu’il comporte. Il ne peutêtre ici utilisé que pour repérer des grandesmasses, les chiffres mentionnés ici sont doncsurtout à caractère indicatif.

Branches Nbre dethèses

en % dutotal dela base

Urbaine 721 21,0

Rurale 461 13,4

Géomorphologie 197 5,7

Hydrologie 145 4,2

Population (démo,santé…)

145 4,2

Régionale 145 4,2

Cartographie 129 3,8

Climatologie 124 3,6

Environnement 113 3,3

Industrielle 109 3,2

Transports 97 2,8

Tourisme 93 2,7

Aménagement 88 2,6

Economie 81 2,4

Géo sociale 71 2,1

Commerce 67 1,9

Politique 66 1,9

Paysage 63 1,8

Autre géophysique 60 1,7

Culturelle 57 1,7

Représentations 43 1,3

Développement 31 0,9

Biogéographie 26 0,8

Ecologie 24 0,7

Epistémologie 23 0,7

Géo Histoire ougéographie historique

21 0,6

Halieutique 16 0,5

Tic 8 0,2

Non identifiées 328 9,5Tableau recomposé à partir des données disponibles

dans la base SU.DOC

Le total excède 100 % dans la mesure où certaines

thèses ont été comptées dans plusieurs rubriques.

Le nombre de thèses ou mémoires de recherche mentionnant dans leur titre une référenceà l’étude d’un objet inclus dans l’ensembleconstitué par les Tic dans son rapport à l’espace est de 8, ce qui représente 0,23 % del’ensemble des mémoires référencés (3437).

Les thèses portant sur les relations entreespace géographique et Tic sont donc trèsminoritaires, elles apparaissent en dernier ranget loin derrière celles de la catégorie qui les

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précède directement. Elles sont en effet deuxfois moins nombreuses que l’autre branche lamoins pourvue, celle traitant d’halieutique.Même si les comparaisons restent compliquéespour les raisons évoquées plus haut, onobservera que les Tic ont jusqu’à présent bienmoins attiré de doctorants que d’autresproblématiques qui sont apparues dans lesannées 1960 et 1970. C’est ainsi que sur lamême période, les thèses sur la question des« représentations » sont cinq fois plus nombreuses, quand la question « paysagiste »attire huit fois plus.

Un autre gros problème de la base des thèsesprovient du fait qu’elle est très incomplète. Iln’était guère envisageable de la compléterpour l’ensemble des branches identifiées etnous nous sommes donc limités à ce qui est aucœur de notre sujet : les thèses portant sur lesTic.

Au premier échantillon, celui référencé dans labase, nous avons pu rajouter six thèses« oubliées » ou en tout cas non référencées ettouchant spécifiquement aux Tic, celles de :Henry Bakis, Sophie Clairet, Emmanuel Eveno,Pascal Gillon, Marc Lestrade, Daniel Weissberg.Compte tenu de notre position à l’intérieur dece micro champ de la géographie des Tic, nouspensons avoir repéré la grande majorité desthèses s’y référant. La base ainsi recomposéepermet d’identifier les thèses suivantes :

1. BAKIS Henry, Télécommunications etorganisation de l’espace, s/d. MichelRochefort, Univ. Paris Sorbonne, 1983

2. MSELLATI, Jean Charles, Un pays àreconnaître, s/d Yves Prats, Univ. AixMarseille, 1989

3. BENAKOUCHE DE MOURA, Tamara, Dutéléphone aux nouvelles technologies :implications sociales et spatiales desréseaux de télécommunications auBrésil, s/d. Gabriel Dupuy, 1989

4. PASQUER Olivier, Contraintes dedéveloppement et nouvelles stratégiesd’aménagement montagnard : utilisation des nouveaux moyens de communication : exemple du Beaufortain, 1990

5. DUARTE DIAS Leila Christina, Les réseauxde télécommunication et l'organisation

territoriale et urbaine au Brésil, s/d. PaulClaval, 1991

6. EVENO Emmanuel, La territorialisationdes systèmes d'information et communication et les acteurs de la sphèrepublique locale: le cas de Toulouse et desa région, s/d Alain Lefebvre, 1991

7. WEISSBERG Daniel, Le système mondialde l'informatique : acteurs et enjeux, s/dRobert Marconis, 1991

8. BARRAT, Jacques, Géographie des médias, s/d. Claude Collin Delavaud, 1992

9. MONTALIEU, Jean Pierre, Les lieux représentés : géographies médiatique etsociale, s/d. Marcel Roncayolo, 1994

10. GILLON Pascal, Contribution à l’analysedes échanges interurbains : modélisation des flux téléphoniques entre lesvilles françaises, s/d Maryvonne Le Berreet Henry Bakis, 1997

11. LESTRADE Marc, Système d’informationet implantation spatiale des grandesentreprises. Etude de géographie destélécommunications, co dir. H. Bakis &Bernard Dézert, Université Paris IVSorbonne, 1999.

12. CHEVALIER, Dominique, Projets de villeset politiques municipales de communication : le cas de Marseille, Montpellier,Nice et Toulouse, s/d Philippe Cadène,1998.

13. ROCHE Stéphane, Enjeux de l'appropriation sociale des technologies del'information géographique pour l'aménagement territorial, s/d Yves Gaudin,1999.

14. CLAIRET Sophie, Représentations depaysages et renforcement identitairedans les Régions de l'arc méditerranéen,s/d Rolland Courtot, Univ. Provence2000.

Le total des thèses soutenues en géographie ettraitant des Tic, tel qu’il a pu être recomposé,est donc désormais de 14.

Il pourrait paraître discutable d’avoir inclusdans cette catégorie des pionniers des thèsesqui s’étagent sur près de vingt année. La limitede l’an 2000 pourrait également êtreconsidérée comme arbitraire. A bien deségards, la thèse réellement pionnière est la

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première du genre. Elle ouvre un champ depossibilités. Si on a considéré que les suivantesle sont, y compris sur une durée de vingtannées, c’est parce que le corpus a mis à peuprès ce temps pour émerger et se rendrevisible. Les doctorants sont contraints, le plussouvent, de solliciter un directeur de recherchequi est soit « par défaut », soit extérieur à ladiscipline. Seule exception, la thèse de PascalGillon, co encadrée par Maryvonne Le Berre etHenry Bakis. Ce dernier, employé au CNET,n’était pas en mesure d’encadrer des thèses dedoctorat et avait donc dû s’en remettre à uneco direction.

Un certain nombre des thèses « pionnières »traitent en fait d’un média ou d’une entreprisede communication à distance (Barrat, Clairet),d’autres encore de l’activité de communicationd’une organisation ou d’une institution(Chevallier, Mselatti) voire de l’activité decommunication de la discipline géographiqueelle même (Montalieu, Roche).

Le dernier sous groupe est celui qui estcomposé par les travaux portant sur l’analysedes Tic dans l’organisation de l’espace, lesusages socio spatiaux des Tic et le rôle desCollectivités locales dans les processus dediffusion et d’appropriation des Tic dans lesterritoires (Bakis, Benakouche de Moura,Duarte Dias, Eveno, Pasquer).

2. Deuxième génération : 2000 à 2011

Pour la décennie suivante, l’usage du fichiercentral des thèses devient encore plus malaisécar il n’y a aucune possibilité de savoir si lessujets déposés ont été soutenus. Même si labase permet théoriquement de sélectionnerles thèses soutenues, il existe tellementd’erreurs ou d’oublis que l’on est bien obligéde prendre l’information contenue dans labase pour ce qu’elle est vraiment : ellecorrespond à des dépôts de sujets de thèse,mais, comme elle est peu actualisée et n’inclutaucune procédure de vérification, denombreux doctorants ayant abandonné leurthèse sont toujours inscrits dans la base.Comme il n’est pas possible de faire un tri etune vérification systématique, on laconsidérera donc comme un outil permettant

de suivre l’évolution des dépôts de sujets. Onmentionnera simplement les dates desoutenance lorsqu’elles sont connues.

Thèses soutenues :1. BAUTZMAN Alexis, Exogéographie politi

que des autoroutes de l’information.Globalisation de la communication etmutation du « système monde », 2001

2. FREMONT VANACORE Anne, Le rôle desréseaux et des territoires dans ladiffusion des NTIC dans les PME PMI.Comparaison Haute et Basse Normandie, 2001

3. VIDAL Philippe ; La Région face à lasociété de l’information. Le cas de MidiPyrénées et de Poitou Charentes ; s/dEmmanuel Eveno et Alain Lefebvre ;Université de Toulouse 2, 2002.

4. BERNARD Eric ; Le déploiement desréseaux électroniques en Afriquefrancophone. Enjeux et stratégies, s/d.Henry Bakis et Annie Chéneaux Loquay,Montpellier, 2003.

5. GARCIA Denis ; Désenclavement ettechnologies d'information et de communication en moyenne montagne française: l'exemple du Massif Central et deses bordures, s/d Henry Bakis ; Montpellier, 2003.

6. COTE Guillaume ; L'action publiqueterritorialisée en matière de technologiede l'information et de la communication(tic) : une comparaison entre Montréalet Toulouse ; s/d Emmanuel Eveno etDaniel Latouche Toulouse 2 et INRSMontréal.

7. LOUKOU Alain François ; Télécommunications et développement en Afrique:le cas de la Côte d'Ivoire, s/d HenryBakis, Montpellier, 2005.

8. VIDAL Mathieu ; Les territoires politicoéconomiques face aux technologies del'information et de la communication ;s/d. Emmanuel Eveno ; Université deToulouse 2, 2006.

9. DIDELON Clarisse ; Influence des technologies d'information et de communication dans l'organisation de la production et du commerce de la soie auKarnataka (inde du sud) ; s/d ClaudeGrasland, Univ. Paris 7

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10. ULLMANN Charlotte ; Les politiquesrégionales à l’épreuve du développement numérique : enjeux, stratégies,impacts ; s/d. G. Dupuy ; Université deParis 1 ; 2006.

11. MBADINGA Michel ; Etat, entreprises etdéveloppement au Gabon. Contributionà une étude géographie ; s/d. HenryBakis, Univ. Montpellier 3, 2006.

12. HACHE Alexandra ; Les mouvementsaltermondialiste versus la société del'information: usage, pratiques et valeursde l'activisme en réseau (une tentativede cartographie dynamique autour desprocessus de confluence des mouvements sociaux) ; s/d Jacques Prades,Univ. Toulouse 2

13. BEN HASSINE Abdel ; Télécommunications et l'espace économique et socioculturel: l'enjeu ? Cas de l'espace tunisien, s/d Henry Bakis ; Univ. Montpellier3, 2008.

14. BEAUDE Boris ; Eléments pour unegéographie du lieu réticulaire. Avoir lieuaujourd’hui ; s/d R. Knafou ; Univ. Paris 1Panthéon Sorbonne; 2008.

15. DIENG Mbaye Dieng. Réseaux etsystèmes de télécommunications dansune région périphérique du Sénégal :Ziguinchor en Casamance ; Univ. Bordeaux 3 ; s/d A. Chéneau Loquay, 2008.

16. SYLLA Ibrahima ; Technologies del'information et de la communication etdéveloppement au Sénégal ; s/d Emmanuel Eveno, Univ. Toulouse 2, 2009.

17. VALENTIN Jérémie ; Usages géographiques du Cyberespace : nouvelle appropriation de l’espace et l’essor d’une« néogéographie » ; s/d Henry Bakis ;Univ. Montpellier 3, 2010.

18. LEROUX Sébastien ; Le nouvel « âged’or » de l’aménagement du territoire.Les technologies de l’information et de lacommunication au regard de l’autonomie et de la justice spatiales (Vésubie,Diois et Maurienne) ; s/d Olivier Soubeyran, Université de Grenoble, 2010.

19. ALAWAD Hiba ; De l'aménagementnumérique des territoires à l'intégrationdu Web dans l'analyse géographique :nouvelles méthodes et perspectivespour les Systèmes d'Information

Géographiques (SIG), la cartographie etla télédétection ; s/d. Loïc Grasland ;Université d’Avignon, 2010.

20. MAKANGA BALA Martial Pépin ; LeGabon et la société de l’information.Approche spatiale des réseaux et desenjeux géopolitiques des technologiesde la communication ; s/d Annie Chéneaux Loquay ; Univ. Bordeaux 3, 2010.

21. GUEYE Moda ; Réseaux et systèmes decommunication dans la diaspora sénégalaise en France ; s/d A. Chéneau Loquay ;Univ. Bordeaux 3 ; 2010.

22. SARY Ousmane ; Dynamique des accèset des usages d'Internet et du téléphoneà Dakar : quels liens avec l'aménagementurbain?; s/d Annie Chéneau Loquay,Univ. Bordeaux 3.

Diversification des lieux de production de cesthèses et du personnel encadrant.

Le premier constat que l’on peut tirer de cetteliste est qu’elle correspond à une croissancesensible, dans le champ de la discipline, dessujets de thèse autrefois marginaux et quisemblent entamer un processus d’institutionnalisation.

Un premier verrou semble être franchi avec ladiversification des lieux de production et desdirecteurs de recherche.

Comme on pouvait s’y attendre, c’est parmi lesdocteurs de la première génération qui ont étérecrutés par une université française que l’onva trouver une partie des encadrants desthèses de la deuxième génération.

Les « pionniers » avaient dû trouver desdirecteurs de recherche qui, soit n’étaient pasdes spécialistes de ces questions, soit n’étaientpas des géographes… puisqu’à cette époque,cette spécialité n’existait tout simplement pas.C’est ainsi que des géographes comme MichelRochefort, Yves Prats, Paul Claval, Robert Marconis, Claude Collin Delavaud, Marcel Roncayolo, Maryvonne Le Berre, Bernard Dézert, YvesGaudin ou Rolland Courtot se trouvent amenésà diriger des travaux qui sont parfois fortéloignés de ceux qu’ils produisent eux mêmes.A côté de ces directeurs « par défaut », on en

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trouve qui viennent d’autres disciplines,comme Gabriel Dupuy (qui vient desmathématiques avant de choisir de poursuivredans le champ de l’Aménagement) ou AlainLefebvre (socio économiste).

Avec cette deuxième génération de thèses, lesdirections de thèse sont de plus en plusassurées par des spécialistes de la question. Oncontinue à voir des travaux dirigés par desdirecteurs « par défaut » : Madeleine Brocard,Jean Paul Ferrier, Olivier Soubeyran, mais laproportion est nettement moindre et les jurysconstitués pour les soutenances réunissentinvariablement les spécialistes de la question.

3. Troisième génération : les thèses en cours

La troisième génération que l’on s’efforce decerner ici est la plus méconnue, et pour cause,elle mélange des doctorants qui se sontinscrits, ont abandonné mais ne se sont jamaisdésinscrits, avec des étudiants en cours deréalisation de leur thèse et qui soutiendrontnormalement dans les années qui viennent.

Il ne faudrait donc pas prendre cette listecomme la marque d’une réelle expansion de lagéographie des TIC au sein de la géographie. 40« nouvelles recrues » en seraient sans doute lesigne, mais il est bien difficile de savoircombien d’entre eux parviendront au bout :

1. KRAEHN Fabien; Les nouveaux territoiresde l'information et de la communication ; s/d Franck Scherrer ; en préparation depuis 2002.

2. BAGUENA Jose Antonio ; Les rapportspublic/privé dans l'élaboration et la miseen œuvre de politiques urbaines enmatière de ntic et leur impact spatialdans deux métropoles européennes,Lyon et Barcelone ; s/d Sylvain Petitet ;Univ. Lyon 2 ; en préparation depuis2002.

3. VELER Benoît ; Le développement duréseau internet et région Rhône Alpes ;s/d Henry Bakis, Univ. Montpellier 3

4. DE RODAT BAREETO Emilia ; Le rôle de lacommunication dans les stratégies dedéveloppement local ; s/d. Jean PaulCarrière ; Univ. de Tours

5. MOREL Jean Luc ; Les nouvelles technologies de la communication et de l'information dans l'analyse des systèmesproductifs locaux le cas des petitesentreprises de télécommunication dansles villes moyennes de l'Inde du nord etdu Népal ; s/d Philippe Cadène, Univ.Paris 7.

6. PAY Albert ; Réseaux de communicationet développement territorial : l'exempledes provinces Ngounie Nyanga, SudGabon ; s/d Philippe Cadène, UniversitéParis 7.

7. SERRENTINO Paul Olivier ; Nouvellestechnologies de l'information et de lacommunication et dynamique desactivités de services innovation etproductivité ; s/d Pascal Petit, UniversitéParis 7.

8. PUDLOWSKI Julie ; L'impact social desnouvelles technologies de l'informationet de la communication (ntic) sur ledéveloppement humain durable : étudecomparée entre l'Inde et l'Afrique dusud ; s/d Michel Prum, Univ. Paris 7.

9. CHIABAUT Katia ; Territoire en recomposition et réseau de télécommunication. ; s/d H. Bakis, Univ. Montpellier 3.

10. AZIZ MILADI Mohamed ; Les nouvellestechnologies de l'information et de lacommunication : vers une nouvelle forme de composition urbaine ; s/d YvonneMignot Lefevre, Univ. Paris 7.

11. HAYAN SAFFOUR Mouhamad ; Présentation de documents d'urbanisme àl'aide des t.i.c.: application a la régionurbaine grenobloise ; s/d MichelleMasson, Univ. Grenoble.

12. DIAKITE TIDIANI ; Les perspectives etenjeux des technologies de l'informationet de la communication dans le développement des pays africains : le cas du maliet de la cote d'ivoire ; s/d. RaymondeSéchet Poisson, Univ. Rennes 2.

13. BELVEZE Pernette ; Paysages virtuels :outils de communication pour la gestiondu territoire ; s/d Bernard Etlicher, Univ.Saint Etienne.

14. CHARLES DOMINE Julie ; Les enjeux etles dynamiques de l'information géographique dans la gouvernance desterritoires urbains : Porto Novo, Coto

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nou, Brazzaville, Pointe Noire ; s/dElisabeth Dorier apprill – Univ. AixMarseille 1.

15. SAINTVILLE Elsa ; Internet etaménagement du territoire dans lesespaces français d'Outre Mer ; s/d.Gabriel Dupuy, Univ. Paris 1.

16. CLELIA SCHIAVO Ester ; Des réseauxtechniques urbains aux technologies dela société de l'information. la nouvelledimension spatio temporelle de la villeen argentine : le cas de Quilmes, partidodu sud de l'agglomération de BuenosAires, s/d Jean Revel Mouroz, UniversitéParis 3.

17. FROMENT Baptiste ; Les ultramarinsdans la société de l'information. Territoire et lien social communautaire ; s/dHenry Bakis, Univ. Montpellier 3.

18. BONIFAY Alain ; Interaction territoiresréseaux : approche systémique de l'ouverture de nouveaux réseaux de télécommunication en France ; s/d HenryBakis, Univ. Montpellier 3.

19. PICARD Dominique ; Les traces géographiques de l'internet en ile de France ;s/d Gabriel Dupuy, Université Paris 1.

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

44

leur spécialisation : l'intégration régionale des métropoles indiennes ; s/dPhilippe Cadène, Univ. Paris 7.

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37. SINE Assane ; Technologies de l’Information et de la Communication etdéveloppement durable : commerce,usages et recyclages des outils enAfrique de l’Ouest ; s/d Annie ChéneauLoquay et Olivier Sagna, UniversitéBordeaux 3.

On assiste, avec cette troisième génération, àune consolidation des pôles existants deproduction de thèse : Montpellier 3, Paris 1,Paris 7, Toulouse 2, Bordeaux 3… et à unrecentrage des sujets de thèse sur les TIC (audétriment des médias en particulier).

Certains projets de thèse figurant au fichiercentral mais ayant été abandonnés en cours decursus ont été soustraits de cette liste.

1. En deçà des thèses.

Si le champ des TIC a progressivement trouvéune certaine place dans la recherche enGéographie (la réalisation des thèses puisl'obtention de postes par des enseignantschercheurs ou chercheurs ayant travaillé surces problématiques le démontrentpartiellement), l'une des conséquencesimmédiates a été que les TIC ont égalementpénétré les maquettes de certaines filières deGéographie.

Ainsi, par exemple, E. Eveno et A. Lefebvreavaient ils mis en place à l'Université Toulouse2 – le Mirail, en 1996 une Unité d'enseignement en troisième année de Licence s'intitulant« Réseaux, Communication, Territoires » dontl'objectif était l'étude des modes d'interventiondes Etats et autres acteurs publics pourfavoriser le déploiement des TIC afin de« moderniser » et de faire entrer le pays dansune « société de l'information », de même queles usages des TIC dans différents contextesterritoriaux.

Mais l'aboutissement de l'intégration des TICdans l'enseignement consiste bien sûr enl'ouverture d'un Master.

Afin d'illustrer le lien TIC & Géographie puis devoir la place de l'Afrique dans ces problématiques, on peut prendre l'exemple de l'un despremiers DESS (à l'époque...) relatifs aux TICen Géographie, que fut le DESS: « Techniquesd'Information et de Communication dans leDéveloppement Territorial.

Localisé à Castres, ville pionnière des TIC dansles années 1990, et fonctionnant sur deux ans,ce DESS de l'Université Toulouse 2 le Mirail,ouvert en 2000 et co dirigé au départ par E.Eveno et A. Lefèbvre avait notamment pourvocation de former les premiers cadres encharge des dossiers TIC dans les Collectivitéslocales. Ce qui se vérifia pleinement.

Avec le passage au LMD et l'apparition desMasters (M1 + M2), cette formation en deuxans fut remodelée et finalement rapatriée àToulouse. Mais le point intéressant est que ceMaster fut remplacé, à Castres, lors del'habilitation suivante des maquettes desformations universitaires, par un Master 2 « eAdministration et Solidarité numérique »,formation dépendant désormais du CentreUniversitaire de Formation et de RechercheJean François Champollion d'Albi. Il ouvrit en2007, co dirigé par E. Eveno et M. Vidal. Du faitde son nom, choisi notamment parce quel'équipe pédagogique avait ressenti la montéeen puissance des problématiques TIC sur lecontinent africain, ce Master eASN attiralogiquement de plus en plus les candidaturesafricaines, que ce soit d'étudiants en provenance du Sénégal, d'Algérie, du Bénin, de laRépublique démocratique du Congo, du Mali,etc. Un partenariat avec le Ministère desAffaires Etrangères avait même permis à deuxétudiants maliens de profiter d'une bourse afinde venir suivre cette formation. L'objectif étaitd'avoir des promotions constituées pour moitiéd'étudiants français et étrangers. Evidemment,la maquette de la formation intégrait pleinement les aspects « TIC au Sud » ainsi que lesliens nord sud, notamment en matière deCoopération décentralisée et de Solidariténumérique.

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Parmi les étudiants qui ont effectué cetteformation, citons par exemple D. Tchéhouali,qui poursuivit ensuite en thèse sur lesproblématiques de la Solidarité numérique (cf.supra).

Pour différentes raisons – notamment du faitque le Master eASN ne pouvait s'appuyer surles flux d'étudiants d'un M1 mais aussi parceque les formations sont logiquement amenéesà évoluer – le M2 eASN ferma en tant que tel, àCastres, suite à l'année universitaire 20112012. Mais son expérience démontra bien, à lafois l'intérêt de telles formations liant TIC etGéographie pour former les premiers cadresgérant les dossiers TIC dans les Collectivitéslocales puis, par la suite, que la part africainede ces problématiques devenait de plus en plusimportante. Néanmoins, pour cette part, lasolution passe peut être plus logiquement pardes formations directement localisées enAfrique...

II. La part africaine

1. Thèses françaises sur l’Afrique et thèsesréalisées par des géographes africains

La géographie des TIC ou, quel que soit sonnom (géographie des télécommunications, dela société de l’information…) qui se concrétisedans des thèses de doctorat françaises portenttrès majoritairement sur des cas français, mais,lorsqu’il s’agit de cas étranger, ce sont les casafricains qui arrivent très largement en tête.Cet état de fait souligne la force des liens entrela France et les pays africains. C’est d’ailleursune réalité que l’on retrouve sur l’ensembledes thèses de géographie, comme le signalaitGérard Joly, se fondant sur une analyse del’ensemble des thèses de géographie soutenues entre 1985 et 1994 :

« La répartition par grande région du

monde (…) reflète bien une pratique exercée

dans certaines universités, qui consiste à

privilé gier fortement quelques espaces

géographi ques. Bien qu'elle soit très

localisée, cette pratique aboutit cependant

à de grands déséquilibres: 742 thèses

traitent du continent africain, 609 du

continent européen, 159 de l'Amérique, 122

de l'Asie et 43 des autres régions »53

.

Toutefois, la présence de l’Afrique dans lesthèses de géographie se retrouve donc encoreplus nettement avec le développement de cesnouveaux sujets. Cet état de fait s’explique parle fait qu’aucun directeur de recherche africainne pouvait (et ne peut toujours pas) encadrerce genre de thèse et, donc, que pour desétudiants géographes africains désireux deréaliser une thèse sur ces sujets, les solutionspassent par l’expatriation en France ou auCanada. Les liens historiques et culturelscomme la proximité géographique expliquentévidemment ce phénomène.

Si l’on ne trouve aucune thèse sur l’Afrique ouréalisée par un docteur africain dans le grouperestreint des « pionniers », ces travaux apparaissent dans la deuxième génération dethèses. La première du genre est celle d’EricBernard (2003). Lui succèdent celles d’AlainFrançois Loukou (2005) ; Abdel Ben Hassine(2008), M’Baye Dieng (2008) ; Ibrahima Sylla(2009) puis de Martial Pépin Makanga Bala(2010) et Moda Gueye (2010). Elles constituentd’emblée le plus fort contingent des thèsesréalisées sur des terrains étrangers. Cephénomène se confirme avec la « troisièmegénération » : elles sont au nombre de 8.

Dans la majorité des cas, ces thèses sontdirigées par des professeurs spécialisés sur laquestion des TIC mais pas sur l’Afrique. Dans ce 53 Gérard Joly, (1997), « Une base de données surles thèses de géographie soutenues en France »,Cybergeo : European Journal of Geography, Epistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique,article 21.

France;31

Reste del'Europe;

3

Afrique;13

Asie; 3

Amérique;7

Monde; 2

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petit comité des directeurs de thèses, la seulequi ait une compétence reconnue « d’Africaniste » est Annie Chéneaux Loquay qui vient desétudes rurales. Henry Bakis et EmmanuelEveno, qui dirigent plusieurs thèses portant surles TIC dans tel ou tel pays africain, nerevendiquent pas quant à eux ce statut« d’Africaniste », faisant en quelque sorteprimer les éléments de problématique portantsur les TIC.

La pratique du co encadrement, voire de la cotutelle a permis, dans un certain nombre decas, de mettre sur un statut d’équivalence leséléments d’une problématique élaborée àpartir des Tic et d’une problématique qui sepréoccupe de la prise en compte des élémentsidiographiques, de la spécificité des casafricains. C’est semble t il ce qui se manifestedès la thèse d’Eric Bernard puisque celui ci abénéficié du co encadrement d’Henry Bakis(spécialiste des Tic) et d’Annie ChéneauxLoquay qui, à l’époque, est une spécialiste del’Afrique avant de s’affirmer ultérieurementcomme spécialiste des TIC en Afrique. Dans uncertain nombre de cas, le co encadrant peutêtre un directeur de thèse africain, il est alorstoujours un géographe non spécialiste des Tic(Alioune Kane et Papa Sakho, co encadrantsavec E. Eveno de la thèse d’Ibrahima Sylla) ouun représentant d’une autre discipline (OlivierSagna, maître de conférences à l’UCAD et coencadrant de Destiny Tchéhouali avec E.Eveno, ou encore Mohamed Lemine Salihi,professeur à l’université de Nouakchott et coencadrant avec E. Eveno de la thèse deMohamed Dedah).

On constate surtout, avec la troisièmegénération, que les directeurs de ces thèsessont désormais plus nombreux ; ce qui tend àsignaler que ces sujets tendent, sinon à sebanaliser, du moins à s’imposer comme demoins en moins marginaux.

2. Publications de recherches géographiquesportant sur l’Afrique et/ou réalisées par desauteurs africains

Un sondage de la revue Netcom fournitquelques données intéressantes. Cette revue,publiée en français ou en anglais, est éditée à

l’Université de Montpellier, sous la directiond’Henry Bakis. Elle existe depuis 1987, et en està son 51ème numéro, à raison de deux numérospar an, parfois trois. Cette revue se présentepar ailleurs comme étant la revue officielle dela commission "Société de l’information" del’Union Géographique Internationale (UGI) etdu Comité National Français de Géographie(CNFG).

La première contribution africaine à la revueest celle de Jérôme Nzebele (Télécommunication et Aménagement au Congo ; Vol II,n°2, 1988) et elle est tirée de son mémoire deD.E.A. soutenu l’année précédente. La deuxième est signée d’un étudiant en sociologie dela communication de l’Université de Laval, auCanada (Québec), Sié Konaté. Elle porte sur latélévision communautaire de Bouana en Côted’Ivoire (Vol IV, n°1, 1990). Il publie un autrearticle portant sur le livre en Afrique en 1993,soit l’année même de soutenance de sa thèsede doctorat (Vol VII, n°1, 1993) ; puis untroisième l’année suivante, sur le concept de« librairie par terre » (Vol VIII, n°1, 1994).

Au delà de ces deux auteurs, on trouveégalement un article portant sur les médias enCôte d’Ivoire, rédigé par Yede N’Guessan (Vol.IV, n°2, 1990), un article d’Anne Vincenciniportant sur le cinéma africain (vol. VII, n°1,1993) puis une « position de recherche »présentée dans le vol. XI, n°1 en 1997 parAnnie Chéneaux Loquay, ce même auteurproduisant un deuxième article pour le vol. XII,n° 1/2/3 en 1998.

Pour cette première période, qui va desorigines de la Revue (1987) jusqu’à la fin de ladécennie 1990 et qui correspond à l’émergence des thèses « pionnières », les articlesscientifiques qui nous intéressent sont doncpeu nombreux. Jérôme Nzebele comme AnneVincencini sont des auteurs de mémoires demaîtrise et de D.E.S.S. L’auteur le plus prolixe,Konaté Sié, est sociologue et non géographe,ce qui n’est pas un bien grand crime, mais quimontre bien la difficulté du directeur de larevue à trouver des auteurs qui participent àson projet de promotion d’une « géographiedes télécommunications » et puissent représenter la diversité des cas et des territoires.

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En lien avec l’émergence du deuxième groupedes thèses, la décennie suivante est marquéepar un renouvellement du groupe d’auteursainsi que des thématiques. En particulier, lathématique des médias, incarnée par Sié Konaté, s’efface devant la géographie des réseauxet des usages des Tic.

Les nouveaux auteurs sont pour partie desdocteurs de la « deuxième génération » : EricBernard, Alain François Loukou, Michel Mbadinga, Abdel Ben Hassine, Mbaye Dieng,Ibrahima Sylla.

Pendant longtemps, la revue se caractérise parla compilation d’articles assez différents les unsdes autres. Avec le début de la décennie 2000,on voit se développer des numéros thématiques, dont une partie renvoie à des cas régionaux. Le premier numéro thématique « régional » est dédié à la recherche allemande (volXIII, n° 3 4, 1999). On trouve ensuite unnuméro consacré à la Suède (Vol. XIV, n° 1 2,2000), à l’Asie (Vol. XVI, n° 3 4, 2002), àl’Europe (Vol. XXI, n° 1 2, 2007), à l’Afrique(Vol. XXII, n°1 2, 2008), à la Hongrie (Vol XXIII,n° 1 2, 2009), à l’Inde (Vol XXIII, n° 3 4) et enfinà l’Italie (Vol XXIV, n° 3 4, 2010).

De fait, le numéro consacré à l’Afrique (plusspécifiquement au Sénégal) est produit à lasuite des Premières Rencontres d’eAtlas F.A.O.qui s’étaient tenues à Dakar en avril 200654.

NetSuds est davantage une collection qu’unerevue. Il existe à ce jour cinq numéros, dont un,le troisième est celui co édité avec Netcom etdirigé par le collectif eAtlas F.A.O.

Le premier numéro, consacré aux « fracturesnumériques nord/sud », paru en août 2003, necomporte, en termes de contribution degéographe, que celle d’Annie Chéneaux Loquayqui dirige à la fois le numéro et la collectionNetSuds. Les autres auteurs proviennent soitd’autres disciplines, soit du monde des acteurs.Le deuxième numéro, intitulé « Réduire lefossé numérique. Quels enjeux ? » daté d’août2004, intègre des contributions de quelquesgéographes qui se sont accessoirement

54Cf. Supra, p. 13

intéressés à ces questions : Yvonne MignotLefebvre, et surtout Michel Lesourd, l’un etl’autre africanistes qui ont dirigé des thèses surles sujets qui nous intéressent. Les autrescontributeurs sont surtout des spécialistes dessciences de l’information et de lacommunication.

La Revue Cybergéo, qui compte une dizained’articles portant sur les TIC, n’en comptetoutefois qu’un seul sur un terrain africain :C’est celui d’Ibrahima Sylla, paru en 2012 sur laproblématique de l’Internet citoyen auSénégal55.

Tic&Sociétés. Il s’agit d’une revue qui fait suiteà « TIS » (Technologies de l’Information etSociété) et qui est consacrée à « l’analyse desrapports entre les technologies de l’information et de la communication (TIC) et la société ». Elle affiche clairement son ambition« multidisciplinaire » :

« C’est pourquoi elle s’intéresse non

seulement aux approches sociologiques,

mais également aux approches socio

économiques, sociopolitiques, socioco

gnitives, etc. ».

La géographie n’est pas explicitement invité àparticiper à cette dynamique, mais la plaintepourrait ne pas être recevable, il eut sansdoute été un peu vain pour les directeurs de larevue d’évoquer la liste exhaustive desdisciplines éligibles. On ne peut toutefoismanquer d’observer que la géographie n’esteffectivement pas la discipline qui s’impose« naturellement » ou spontanément quand ilest question des relations entre TIC etsociétés…. La géographie se trouve le plus souvent oubliée, ou, au mieux, incluse dans la partindéfinie que recouvrent les trois lettres d’etc.

Cette revue, co dirigée par des enseignantschercheurs en sciences de l’information et dela communication des universités de Paris 13(France) et de l’Université du Québec à

55 Ibrahima Sylla, « L’Internet citoyen au Sénégal :enjeux et scénarii », Cybergeo : European Journal of

Geography [En ligne], Science et Toile, article 610,mis en ligne le 12 juillet 2012,

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Montréal (Canada) laisse en fait une bonnepart aux travaux de chercheurs africains ainsiqu’aux travaux portant sur l’Afrique.

Depuis le premier, paru en 2007, 8 numérosont été publiés, ce qui représente au total unecinquantaine d’articles. Sur ces 8 numéros, ledernier (Volume 5, n°2, 2011), est consacré aux« TICs dans les pays des Suds ». En fait de« Suds », en dehors de l’article introductif quifait le bilan de quarante années de recherchesur les « TICs dans les pays des Suds », les septautres articles traitent tous d’un pays africain.Notons que deux membres de notre collectif :Alain François Loukou et Olivier Sagna, ontchacun signé un article :

Alain François Loukou : Les TIC au service dudéveloppement en Afrique. Simple slogan,illusion ou réalité ?Olivier Sagna : De la domination politique àla domination économique : une histoiredes télécommunications au Sénégal.

En dehors de ce numéro, on trouve égalementdes contributions «africaines », dans le volume5, n°1 (Baba Wame avec un article portant surune étude de cas camerounaise), le volume 3,n°1 2 (Romain Lecomte traitant d’un castunisien) et le volume 2 (Galo Alzoumaabordant le cas de l’Afrique dans la société del’information).

2. La diffusion de la géographie des TIC dansl’enseignement supérieur en géographie enAfrique

Aucun des géographes africains ayant soutenuune thèse sur les TIC n’a bouclé son parcoursdoctoral sans se rendre dans une universitéétrangère (française en particulier) ou sansrecourir à une cotutelle. Aucun parmi ceux quiont terminé la thèse n’a été recruté à un posted’enseignement dont le libellé mentionneexplicitement les TIC.

On trouve toutefois quelques indices dechangements de fonds à la fois à l’UniversitéCheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) et àl’Université de Bouaké (Côte d’Ivoire).

Sur les 26 enseignants que compte le Départe

ment de géographie de l’UCAD, seul un (Ibrahima Sylla) a réalisé son doctorat en géographie des TIC, en co tutelle entre l’UCAD etl’Université de Toulouse. Le contenu desprogrammes d’enseignement reste évidemment dominé par des thèmes de la géographiephysique et, dans une moindre mesure, parceux de la nouvelle géographie.

Le premier travail produit sur la géographie desTIC est un mémoire de maîtrise réalisé en 1969par Pierre Royer, un fonctionnaire français,géographe de formation, en service à l’Officedes Postes et Télécommunications du Sénégal.Son titre est Géographie des postes et

télécommunications du Sénégal. Bien qu’entamée de façon assez précoce (avant même lapremière génération des thèses sur les TIC enFrance), la recherche sur les TIC en géographieau Sénégal ne sera véritablement consolidéeque dans les années 2000. Un deuxièmemémoire de maîtrise a été produit en 1995 parAlassane Eric Thiaw qui travaillait sur: LesInfrastructures et services de télécommuni

cations au Sénégal : le développement de la

téléphonie. Lui succèderont plus tard, à partirde 2004, les travaux d’Ibrahima Sylla et dequelques autres étudiants qui s’efforcèrent deproduire des mémoires de différents niveaux(maîtrise, DEA et doctorat).

L’absence d’encadrants spécialisés sur les TICet d’enseignements axés sur ces objets avraisemblablement eu un effet sur la production des géographes engagés dans ce champ.Entre 1969 et 2009, sept mémoires et unethèse ont été produits et, à l’exception de lathèse d’I. Sylla tous ces travaux ont été pratiquement dirigés par des encadrants non spécialisés. Le travail pionnier de P. Royer a étédirigé par un certain Professeur Moral sur quil’auteur du mémoire n’a donné aucune information permettant de l’identifier. Le Professeur Lat Soucabé Mbow qui a dirigé le travaild’A. E. Thiaw est spécialisé en géographieurbaine. Il en est de même pour Papa Sakhoqui a encadré presque tout le reste desmémoires sur la thématique TIC.

Suite à la soutenance de la thèse de IbrahimaSylla en 2009 et à son recrutement par leDépartement de géographie, des avancées

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significatives ont été enregistrées. La conséquence directe est l’augmentation notable dunombre des travaux portant sur les TIC. Il avaitfallu trente ans pour comptabiliser 8 rapportsd’étude et de recherche en géographie des TIC,alors qu’entre 2010 et 2011, 19 nouveauxrapports ont été soutenus dont 10 mémoiresde maîtrise, 4 rapports de Master 1 et 5 deMaster 2. En 2011 2012, 10 études sont encours, dont 4 en Master 1, 4 en Master 2 et 2en Doctorat.

Les sujets abordés par les différentes recherches touchent à tous les volets des TIC, maisles usages socio spatiaux de ces outils prédominent assez largement. L’influence de lamondialisation aidant, les pratiques autourd’Internet préoccupent particulièrement lesgéographes qui ont alors tendance à marginaliser le thème du téléphone mobile qui méritepourtant davantage d’intérêt en raison de sonsuccès remarquable (presque un Africain surdeux en dispose).

La croissance graduelle du nombre des productions géographiques sur les TIC ainsi que l’ouverture vers de nouvelles problématiques,comme celle de l’aménagement numériquedes territoires ou du moins de l’aménagementdes urbanités numériques, sont le signe que lagéographie des TIC gagne du champ en Afrique. Si la dynamique actuelle persiste, ellepourrait aboutir à une intégration effective desTIC dans les programmes d’enseignementsupérieur en géographie. La société de l’information est telle qu’il n’est plus possible d’ignorer les spécialistes qui se chargent de lalocaliser tout en expliquant la structuration etles enchevêtrements de ses lieux.

Prenant acte de la mouvance générale de bas

culement des universités africaines dans lesystème LMD, le département de géographiede l’Université de Bouaké56 a entrepris uneréforme en profondeur de ses enseignements.Dans cette perspective, la géographie des TIC(ou géographie de la société de l’information),sera désormais au programme des cours dispensés dans cette université. Cette nouvellebranche de la géographie se veut une contribution à l’étude du rôle des services etéquipements de Technologies de l’Informationet de la Communication dans la dynamique desterritoires et donc dans le développement.C’est à l’initiative d’Alain François Loukou quese met en place cette nouvelle spécialitéd’enseignement.

Ainsi, dès la Licence 1 (première année), lesétudiants qui le désirent (de façon optionnelle)seront initiés à cette spécialité au travers d’unmodule d’enseignement intitulé «Initiation à lagéographie des TIC». En troisième année (Licence 3), les étudiants suivront de façon obligatoire un cours sur « Les impacts sociogéographiques des TIC». En Master de recherche,ils auront deux types de cours relatifs aux TIC :«Diagnostic territorial : TIC au service dudéveloppement» et «TIC et mondialisation».Il convient de préciser que les maquettes ayantété conçues dans l’urgence, il est possible queles intitulés soient affinés plus tard. Mais, àcompter de la rentrée universitaire prochaine,la géographie des TIC fait son apparitionofficielle dans les enseignements à l’Universitéde Bouaké.

56 Désormais Université Alassane Ouattara, du nomde l’actuel Président de la République de Côted’Ivoire.

0

2

4

6

8

10

12

1969 2009 2009 2011

Maitrise

DEA

M1

M2

Doctorat

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Du label « Villes Internet » au label « VillesInternet Afrique »

En France, le Label « Villes Internet » est remisdepuis 2000 par l’association du même nom.Ce n’est pas un « label gouvernemental »,autrement dit, il n’a pas vocation à produireune taxinomie officielle des projets, pasdavantage à éditer une norme des « bonnespratiques ». Il repose sur un projet associatif etnon sur une commande d’Etat. Dans une largemesure, ce label se présente aussi comme unoutil d’auto évaluation au bénéfice descollectivités participantes. Pour la plupartd’entre elles, le rendez vous annuel du Labelpermet de mesurer le travail accompli etconstitue un référentiel pour les équipesinvesties dans les projets internet au sein de lacollectivité.

Le rôle de l’association, année après année,consiste à mettre en lumière ce qui constitue lesocle des principales innovations dans ledomaine des TIC et en matière d’usagessociaux, de démocratie locale, de participationcitoyenne sur les territoires français. Laphilosophie qui sous tend cette action reposesur l’idée que les TIC sont des outils quipermettent de renouveler les pratiquespolitiques et citoyennes, en particulier dans lesterritoires « de proximité ».

Dans la pratique, le Label est décerné chaqueannée, aux termes d’une procédure d’évaluation de chacune des villes candidates. C’estun Jury constitué de chercheurs en sciencessociales, de représentants des partenaires de

l’association, des médias et du monde associatif qui attribue ces labels. Le Jury doit apprécierles candidatures sur la base des questionnairesqui ont été remplis par les villes puis d’unesérie d’enquêtes menées en ligne. Il s’agit doncd’un travail extrêmement précis et exigeant,qui fonde le sérieux et l’objectivité de ladémarche.

I. Problématique et Contexte de latransposition d’un modèle de labellisation

eAtlas F.A.O., en partenariat avec l’Association« Villes Internet » a très tôt entamé uneréflexion sur les modalités de transpositiond’un modèle qui avait fait ses preuves enFrance.

« Villes Internet » avait été sollicitée àquelques reprises pour « exporter » sonmodèle. La première tentative a été celleprévue pour le Québec. La Ville de Bromontainsi que les Communautés ingénieuses duQuébec ont d’ailleurs candidaté au Labelfrançais en qualité de participants exceptionnels.

Le projet d’un Label « Villes Internet Afrique »est toutefois le plus ambitieux. Les Villes etcommunautés de base des pays d’Afriquefrancophone sont effectivement de plus enplus directement affrontées à la problématiquede la « fracture numérique » et l’organisationd’un Label qui permettrait de structurer unecommunauté de collectivités innovantes et qui

Villes Internet AfriqueProblématique, contexte et justification du projet

Ibrahima SyllaEnseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop

Chargé de programme auprès d’Enda [email protected]

Biram Owens NdiayeDirecteur exécutif du Partenariat pour le Développement Municipal

[email protected]

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

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serait compatible avec les modes et les contraintes de développement de ces pays commence à intéresser de nombreux partenaires.

L’association « Villes Internet » a donc « hébergé » le prototype 2007 du Label « Villes Internet Afrique ». Celui ci a permis de récompenser trois collectivités de l’agglomération deDakar, lors d’une cérémonie organisée àl’Agence Universitaire de la Francophonie, àDakar, le 18 décembre 2007. La commune deGorée a reçu le « Baobase d’or », la communed’arrondissement de Grand Dakar, le « Baobase d’argent » et la commune d’arrondissement de Médina Gounass, le « Baobase debronze », tandis que la commune d’arrondissement de Yoff recevait le Prix spécial duJury.

Le Jury qui a décerné ces « Baobases » étaitcomposé d’experts africains et de deux représentants de l’Association « Villes internet ».

1. L’expérience inaboutie de 2007

À l’issue du concours VIA 2007, le programmeeAtlas n’a pas entrepris une évaluation desrésultats obtenus car le projet n’a pas bénéficiédu financement nécessaire pour mener le suivides activités et continuer à labelliser des villesafricaines. Il est difficile de décrire avec précision les impacts réels de ce projet. En tout étatde cause, les facteurs bloquants semblentnombreux.

L’une des contraintes majeures des collectivités locales relève de la rareté des moyensfinanciers. Ce genre de projet peut certes lesintéresser mais il paraît qu’il ne constitue pasun axe prioritaire pour les élus. Pour cause, lesfinances locales au niveau des collectivitésafricaines se caractérisent par une grandefaiblesse découlant de l’étroitesse de lafiscalité locale, la faible mobilisation des recettes, la modicité des dotations de l’État et lesperformances médiocres des autres modalitésde financement des collectivités territoriales.

Un autre problème est relatif au mode demobilisation des collectivités locales en vue deleur participation au Label VIA. Le fait queseules huit communes d’arrondissement aient

participé au concours (alors que 15 ont étécontactées) illustre cette difficulté. Vraisemblablement, les mairies ne sont guère convaincuesde l’utilité de rivaliser pour un trophée dontelles ne sont pas assurées de tirer un avantageimmédiat. Le modèle du Label VIA, tel qu’il aété initié, n’offre aucun accompagnementd’ordre technique ou financier aux villeslauréates qui doivent alors se contenter d’un« baobase » en cuivre forgé et d’un diplômeattestant leur participation à l’évènement.

Par ailleurs, le modèle économique ayant soustendu le projet VIA à son lancement semblefragile. Il s’est inspiré exclusivement de celui deVilles Internet en France alors que les réalitéscontextuelles sont très distantes. Pour sonlancement, le projet a du mobiliser un investissement public servant de moyen d’amorçageen attendant la mise en place d’un modèleéconomique plus durable, c’est à dire extirpéde la logique de subvention. Ce mode opératoire, en soi, est certes intéressant, mais il nepeut pas prospérer dans le contexte africain oùles collectivités restent solidement attachées àla logique de subvention et répugnent touteidée de cotisation.

Compte tenu des manquements notés, il estlégitime de se demander si les villes constituent effectivement les acteurs les plusimportants pour soutenir le développement del’Internet citoyen. À la différence du « contextede référence », en l’occurrence la France, lecontexte des pays africains reste profondément marqué par la présence d’autres protagonistes qui, encadrés, pourraient probablement jouer un rôle décisif dans l’évolution del’Internet citoyen. Il s’agit notamment desassociations de jeunes ou de femmes, et autresréseaux sociaux au niveau local, dotés d’unebonne maîtrise des enjeux du développementlocal et d’un potentiel évident de leadership.

Au delà de ces organisations qui animent la viedes collectivités au niveau local, il existe desorganisations régionales dont le rôle peuts’avérer beaucoup plus déterminant dans leprocessus d’internétisation et de valorisationdes outils numériques au sein des villesafricaines. C’est le cas du Partenariat pour ledéveloppement municipal (PDM). Organisation

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africaine à caractère régional, le PDM présenteen effet l’avantage de regrouper des associations nationales de collectivités locales d’Afrique de l’Ouest et du centre. Ses objectifs etfonctions consistent entre autres à l’identification, l’expérimentation et l’adaptation desoutils au contexte de l’Afrique de l’Ouest et duCentre, l’observation et la diffusion des bonnespratiques, l’animation des réseaux.

2. L’entremise du PDM

Sur le plan des TIC, le PDM dispose d’unebonne compréhension sur la problématique del’appropriation et des usages. Il a réalisé en2009 une étude diagnostique centrée sur lesmodalités d’accès et les obstacles qui gênentl’intégration de ces outils dans la démarche desélus africains. Une des conclusions majeures decette étude présentée lors des deuxièmesrencontres d’eAtlas F.A.O. à Bamako endécembre 2009 est la suivante : si les sites desvilles africaines ne fonctionnent pas de façonsatisfaisante, c’est parce que les élus neperçoivent pas du tout, ou éventuellement trèspeu, l’utilité de faire vivre un portail qui semblese suffire à ses attributs de « site vitrine ».

Face à cette situation de retard généralisé danspratiquement tous les États ouest africains parrapport à la problématique du web territorialet du web municipal envisagé dans le cadre desVilles Internet, le PDM pourra certainementjouer un rôle crucial. Au regard des conclusionsde l’atelier 3 des deuxièmes rencontres eAtlasà Bamako, il apparaît que les chantiers del’internétisation des collectivités africainesrestent ouverts. Concrètement, une relance duprojet Villes Internet Afrique peut avoirplusieurs avantages dont :

- La prise de conscience des TIC dans les

politiques locales :

o sensibilisation des élus sur lesopportunités des TIC en mettant enexergue les enjeux qui s’y rattachent ;

o échanges avec l’État en vue de lamise en œuvre d’un plan d’infrastructures destiné à soutenir lescollectivités locales porteuses de

projet pertinent en termes decontenus et d’usages des TIC ;

o appui et conseil aux municipalitésengagées dans les politiques TIC ;

o élaboration d’agendas numériquesbasés sur un diagnostic des besoinslocaux ;

- La prise en charge des besoins des

populations :

o réalisation d’études diagnostiques surles besoins des populations à satisfaire pour une plus grande appropriation des TIC ;

o production de contenus localementancrés et mise en place de dispositifsd’accès aux ressources numériques ;

o renforcement des capacités des acteurs locaux en matière d’utilisationdes TIC

Au total, il y a eu de nombreuses leçonsapprises de cette expérience. La principaleleçon est le changement d'approche quiprivilégie une méthode d’appropriation baséenon plus sur les villes seules, mais bien sur desactions communes à des groupements departenaires locaux impliquant les ONG quiseules peuvent appuyer une volonté politiquelocale dans un passage concret à l’action deterrain.

C’est pourquoi, grâce au rapprochementréalisé lors des troisièmes rencontres del’eAtlas à Bamako, entre le Programme deDéveloppement Municipal (18 associationsd’élus) et Villes Internet (1230 collectivitésfrançaises), il a été retenu de mettre en valeurdes actions de coopération décentraliséesutilisant les TIC ou dédiées à leurappropriation. Le label Villes Internet Afriqueest donc un outil de mobilisation des acteursautour de ce thème. C’est pourquoi notre choixstratégique est de placer la démarche delabellisation dans une seconde phase. Lapremière phase était consacrée à l’animationdu réseau, à l’identification d’initiatives ou deprojets existants, et au rapprochement desterritoires dans le cadre de la coopérationdécentralisée. Ce sont donc ces actions et cesprojets qui seront la première matière du label

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qui n’exclura pas cependant des actions localesdéjà autonomes.

II. Éléments justificatifs pour la relance duprojet VIA

1. Les Objectifs du projet

Villes Internet Afrique est un projet dontl’objectif consiste à l’évaluation des performances des collectivités territoriales africainesdans le domaine de l’Internet citoyen. Dans cecadre, un Label du même nom – Label VIA – estinitié pour mettre en compétition les réalisations des villes africaines dans le domaine de ladiffusion sociale et citoyenne des TIC, enparticulier la mise en place de portails d’information dédiés aux citoyens.

Il a eu à expérimenter une méthodologie à lafaveur d’une première édition Ville Internetayant enregistré la participation de quelquesvilles sénégalaises.

Dans ses plans d'actions, ce projet entendmettre l'accent sur le déploiement de la culture numérique et insister sur les mécanismes dedéploiement de l’Internet citoyen. Ce projetmobilisera des acteurs locaux, des partenairespublics et/ou privés ainsi que des acteurs de lasociété civile (associations, ONG, …) autour dela lutte contre la fracture numérique enAfrique francophone

L'objectif global du projet Villes InternetAfrique est :

de participer à la construction del'Afrique par les TIC ;

d’inciter les collectivités locales d’Afrique de l’Ouest francophone à promouvoir l’accès à l'information, la formationet aux usages d’Internet au service dudéveloppement local et de la démocratieparticipative qui est un levier de transparence et de bonne gouvernance.

Les objectifs spécifiques du projet consistentà :

promouvoir l'internétisation des territoi

res ciblés par des actions visant àfavoriser, soutenir et évaluer le déploiement de stratégies locales novatrices àcaractère social, démocratique et économique au profit des collectivités ;

conduire des actions TIC au sein descollectivités locales pour contribuer àl'amélioration des services offerts par lesadministrations locales ;

contribuer à la modernisation de l’administration des collectivités locales et à laréduction de la fracture numérique

2. Stratégie du projet

2. 1. Mise en place d’outils de mutualisation etd’animation de réseauLa mise en place d’outils de mutualisation etd’animation de réseau comporte trois axesd’intervention. Le premier consiste à rendreplus fonctionnelle une plate forme de type« réseau social » commune à l’ensemble desdifférentes associations. Celle ci a pour objectifd’informer et de sensibiliser les élus et lescitoyens sur les opportunités liées aux TIC, etaussi de favoriser l’échange de bonnes pratiques et de projets de coopération décentralisée entre collectivités du Nord et collectivitésdu Sud interagissant dans le cadre de programmes de « e jumelage ».

Le deuxième axe d’intervention consiste àdévelopper une veille sur les projets d’usagedes TIC. Ce travail servira à stimuler l’extensiondes programmes d’aménagement numériquedans les territoires et à créer un dispositif degestion globale des données d’évaluation dansle cadre du Label Villes Internet Afrique.

Le troisième axe d’intervention se rapporte audéveloppement une application complète quidonnera une visibilité aux actions et initiativesdes collectivités locales en matière d’usages« citoyens » et locaux des TIC.

2. 2. Valorisation des initiatives au travers duLabel Villes Internet AfriqueAfin de valoriser les initiatives de « bonnespratiques au sein des collectivités locales, leprojet met en place une évaluation dénommée « Label Villes Internet Afrique ». Celui ci

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fonctionnera sur la base d’un transfert decompétence du label Villes Internet Francecombiné à des critères adaptés au contexteafricain.Les acteurs africains seront invités à déposeren ligne leurs dossiers pour la labellisation. Unéchéancier de participation, puis d’évaluationpermettra d’envisager une remise des labelsVilles Internet Afrique à partir de la fin del’année 2013 et dans une périodicité quipourrait suivre le rythme des Rencontresd’eAtlas F.A.O.

3. Territoires et bénéficiaires du projet

3. 1. TerritoiresLe projet est prévu pour être réalisé en Afriquefrancophone. De manière générale, l’ensembledes territoires couverts par le PDM serontimpliqués.

3. 2. Bénéficiaires finauxLe projet s’adresse aux collectivités locales,aux communautés de base et, à travers ellesaux habitants de ces collectivités. Il s’agira devaloriser l’action entreprise par les villes et lescommunautés pour développer l’usage d’Internet auprès des associations locales, des acteursdu monde éducatif et des populations notamment les femmes et les jeunes.

4. Moyens d’intervention

4.1.Ressources humainesLe projet est porté par un comité deprofessionnels et experts en aménagement,en Administration, en TIC et solidarité numérique de France et d'Afrique. A ceux ci s'ajouteun groupe de géographes enseignantschercheurs et initiateurs du projet. Ledynamisme du groupe n'est plus à démontrercar c'est la même équipe qui a conduit avecsatisfaction le projet eAtlas F.A.O.

Outre les compétences de son équipe actuelle,le projet Villes Internet Afrique devraitprocéder au recrutement d’un expert dédié auprojet ainsi que d’un assistant chargé de lacoordination opérationnelle entre lesdifférents partenaires.

Les compétences du PDM en matière

d’animation de réseau d’acteurs en Afriquefrancophone, et celle de Villes Internet enFrance, sont démontrées par leurs références.

4.2.Moyens techniques mobilisésLe projet est initié suite aux études menées surle terrain par l'équipe eAtlas F.A.O. ainsi queles étudiants du master II « eAdministration etSolidarité Numérique » et l'Association « VillesInternet ».

Ces études permettent de poser les moyensméthodologiques d’analyse, de partage etd’évaluation des initiatives.

Les outils numériques collaboratifs serontprivilégiés, leurs usages par le réseau étant ensoi une première démarche d’accompagnement à l’appropriation de ces technologies.

En étroite collaboration avec l'Association VillesInternet France, Ville Internet Afrique mettrales outils existants déjà expérimentés et sescompétences fonctionnelles au service duprojet.

Annexe : Villes ayant participé au prototype

du Label VIA en 2007

Huit communes d’arrondissement avaientparticipé à la compétition : Médina Gounass,Ouakam, Grand Dakar, Gorée, Médina, Yoff,Parcelles Assainies, et la ville de Dakar (cf. fig.page suivante).

À l’exception de Dakar, Gorée et Grand Dakar,toutes les collectivités avaient présenté un siteweb de type système d’information populaire(SIP)57.

L’évaluation des sites web a été fondée sur des

critères qualitatifs et quantitatifs relatifs au

niveau d’équipement du service informatique

de la municipalité, au dynamisme et à l’interac

tivité du site municipal, au volume des

informations concernant les démarches

administratives, à la possibilité de télécharge 57 Cf. http://www.sipsenegal.org

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ment d’un formulaire administratif, etc. Il s’est

agi, à travers tous ces éléments, d’analyser les

politiques locales et le fonctionnement des

sites web déjà en ligne, sans distinction du lieu

d’hébergement de ceux ci.

A l’issue du concours, trois communesd’arrondissement de Dakar ont été consacrées« Villes Internet » et lauréates des « baobases »58. Gorée, Grand Dakar et MédinaGounass ont respectivement reçu les « baobases » d’or, d’argent et de bronze. Quant à laville de Yoff, sa distinction a été le « Prix spécialdu jury » qui récompense son rôle pionnierdans le domaine.

58 Contraction de « baobab » et « d’arobase », le« boabase » est une sorte de déclinaison locale destrophées « arobases » que reçoivent les villesfrançaises à chaque édition de Villes Internet.

Françoise Desbordes présente

les « Baobases »

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PARTIE II :

Les Acteurs dudéveloppementdes TIC dans lesterritoires

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Pris dans le maelström de la mondialisation, lesEtats africains, bien qu’utilisant faiblement lesTIC et ne les produisant quasiment pas, ont étéamenés, à partir du milieu des années 1990 àappliquer de gré ou de force, des politiquespubliques visant à préparer leur entrée dans« l’ère » de la « société de l’information ». Autitre des politiques imposées, il y a eu ladéclinaison du triptyque « privatisation, libéralisation, régulation » véhiculé par le Fondsmonétaire international (FMI), la Banquemondiale (BM), l’Union internationale destélécommunications (UIT) et l’Organisationmondiale du commerce (OMC) qui a eu pourprincipales conséquences la privatisation desopérateurs nationaux de télécommunications,l’ouverture à la concurrence des marchés destélécommunications et la création d’organeschargés de la régulation du secteur destélécommunications.

De manière volontariste, les Etats ont également élaborés, et mis en place avec plus oumoins de bonheur, des politiques nationales enmatière de TIC couvrant tout ou partie desproblématiques liées au développement de lasociété de l’information. S’inspirant du processus participatif mis en œuvre dans le cadre del’élaboration de la stratégie nationale ACACIAdéveloppée au Sénégal avec l’appui du Centrede recherches pour le développement international (CRDI), les plans de développement del'infrastructure nationale d'information et de

communication élaborés avec le soutien de la

Commission économique des nations uniespour l’Afrique (CEA) puis le caractère multiacteurs de la préparation et du déroulementdu Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) ont très fortement contribué, endehors des dynamiques locales qui pouvaientêtre à l’œuvre, à impliquer le monde des organisations non gouvernementales (ONG) dansl’élaboration, la mise en œuvre, le suivi etl’évaluation des politiques publiques en lamatière.

Dans ce cadre, il nous a semblé intéressantd’évaluer dans quelle mesure les ONG avaientpu influencer ces processus et contribuer àl’élaboration, voire à l’implémentation despolitiques en matière de TIC dans les trois paysd’Afrique de l’Ouest que sont le Bénin quiabrita en 1995, le premier Sommet de lafrancophonie consacré aux autoroutes del’information selon l’expression consacrée del’époque, le Mali qui accueillit en février 2000la conférence « Internet et les passerelles dudéveloppement » plus connue sous l’appellation « Bamako 2000 » et le Sénégal, pays encharge du volet TIC du NEPAD, qui s’illustradurant le SMSI en proposant la création duFonds de solidarité numérique (FSN).

N.B : Ce texte s'appuie sur les données issues de trois

études de cas réalisées sur le thème « ONG, TIC etdéveloppement local en Afrique de l’Ouest » au Bénin(Isidore Beau Clair Vieira), au Mali (Mamadou Iam Diallo)et au Sénégal (Mbissane Ngom) en 2009. Ces étudespeuvent être consultées sur le site eAtlas F.A.O.(http://193.55.175.48/eatlas francophonie).

Le rôle des ONG dans la conception et la mise en œuvre despolitiques publiques liées au développement de la société del’information en Afrique de l’Ouest : Regards croisés sur le Bénin, le Mali

et le SénégalJean Jacques Guibbert

Chercheur associé au LISST CIEUUniversité de Toulouseguibbert@univ tlse2.fr

Olivier SagnaMaître de Conférences

Directeur des études, des politiques et de la coopération à la Direction générale de l'enseignementsupérieur du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

[email protected]

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I. Un contexte politique convergent pourune multitude d’organisations de lasociété civile régionale

Tous les trois situés en Afrique de l’Ouest,appartenant plus ou moins à la même airehistorico culturelle, partageant le même passécolonial français, le Bénin, le Mali et le Sénégalont emprunté des trajectoires fort différentesau lendemain des indépendances compte tenude leurs évolutions politiques propres. Surnommé le « Quartier latin de l’Afrique » pour lenombre de ses intellectuels, le Bénin a connuune vie politique particulièrement chaotiqueentre 1960 et 1972 puisqu’il enregistra quatrecoup d’état en six ans avant de connaître unsystème reposant sur une présidence tournante entre trois hommes ; système qui serabalayé en 1972 par le coup d’état du capitaineMathieu Kérékou qui instaurera deux ans plustard un régime se réclamant du marxismeléninisme et qui se maintiendra au pouvoirjusqu’en 1990. A cette date une conférencenationale jettera les bases d’une transitiondémocratique pacifique qui permettra l’arrivéeau pouvoir par les urnes de Nicéphore Soglo,un ancien fonctionnaire de la Banque mondialeet du FMI.

De son côté le Mali, sera dirigé par un régimese réclamant du socialisme conduit par ModiboKeïta, un fervent militant panafricaniste.Cependant, en 1968, les militaires conduit parle lieutenant Moussa Traoré s’emparent dupouvoir et instaurent une dictature militairequi ne prendra fin qu’en 1991 suite à unsoulèvement populaire qui conduira à l’instauration d’un régime de transition dirigé par legénéral Amadou Toumani Touré (ATT). Suite àl’organisation d’une conférence nationale, uneélection présidentielle organisée en 1992 verrala victoire d’Alpha Oumar Konaré.

Le Sénégal quant à lui, après avoir fait l’expérience de la démocratie politique, uniquementsur le territoire des Quatre communes deDakar, Gorée, Rufisque et Saint Louis, connaitra un recul démocratique avec l’instaurationpar Léopold Sédar Senghor d’un régime dit de« parti unifié » suite aux évènements de 1962qui l’avaient opposé à Mamadou Dia, Président

du conseil. Se réclamant du socialisme démocratique, le régime s’ouvrira au pluralismepolitique limité à trois courants en 1976 puis àquatre courants en 1978 avant de revenir aupluralisme intégral en 1981, suite à la retraitepolitique du Président Senghor et à sonremplacement par le Président Abdou Diouf.

1. Des trajectoires politiques différentes corrigées par la puissance de la mondialisation

Malgré des orientations idéologiques, politiques, économiques, culturelles et sociales fortdifférentes, ces trois pays ont en place desrégimes dont le dénominateur commun était lerôle central assigné à l'État dans quasimenttous les secteurs d’activités avec pour conséquence la marginalisation voire le baillonnement de la société civile. Ceci dit, du fait deleur dépendance financière vis à vis de lacommunauté des bailleurs de fonds, à partir dumilieu des années 1980, ils passeront tous demanière indifférenciée sous les fourches caudines des institutions de Bretton Woods etseront obligés de mettre en œuvre des programmes d’ajustement structurel (PAS) opérant des coupes claires dans les budgetssociaux (éducation, santé, etc.) et impliquant laprivatisation de l’essentiel des sociétéspubliques.

Suite à la chute du Mur de Berlin (1989), quisymbolisera la fin de la Guerre froide, et audiscours de La Baule de François Mitterrand(1990), ces pays seront touchés par un processus de démocratisation venu de l’Est avec pourconséquences de profonds bouleversementspolitiques induits notamment par des conférences nationales au Bénin et au Mali. AuSénégal, où le multipartisme était une réalitédepuis le début des années 1980, les avancéesdémocratiques porteront essentiellement surla mise en place d’un code électoral consensuelassurant la sincérité et la transparence desprocessus électoraux. Au final, des régimesdémocratiquement élus verront le jour auBénin en 1991 avec l’élection de NicéphoreSoglo (1991) et au Mali avec l’accession aupouvoir d’Alpha Oumar Konaré (1992) tandisque le Sénégal vivra sa première alternancepolitique démocratique depuis l’indépendanceavec l’élection d’Abdoulaye Wade en 2000.

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Dans le cadre de cette vague de démocratisation, des processus de décentralisationseront mis en œuvre au Mali et au Sénégal(1996) ainsi qu’au Bénin (1999), qui verrontnon seulement la création d’un grand nombrede collectivités locales mais également le transfert d’un certain nombre de compétencesjusqu’alors exercées sans partage par l'État. Lemonde associatif, les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations communautaires de base (OCB), en un mot la société civile, virent alors s’élargir leurs possibilitésd’intervention en matière de développementet plus particulièrement de développementlocal.

2. Une multitude d’acteurs non gouvernementaux

Aujourd’hui plus que par le passé, lorsqu’il estquestion de mise en œuvre de politiques dedéveloppement, notamment dans les paysafricains, il est le plus souvent question du rôledes associations, des organisations communautaires de base (OCB), des organisations nongouvernementales, (ONG), de la société civileou encore des acteurs non étatiques (ANE). Cephénomène s’explique par le fait que lesmodalités d’élaboration, d’implémentation, desuivi et d’évaluation des politiques publiquesont fortement évolué sous la poussée desrevendications du mouvement social en faveurde l’avènement de nouvelles pratiques impliquant la participation active des citoyens. Cettetendance a donné naissance à une multituded’organisations très diverses parmi lesquelles iln’est pas toujours facile, pour les non spécialistes, de discerner ce qui les distingue de cequi les rapproche. C’est pourquoi avant des’intéresser au rôle des ONG dans l’élaborationet la mise en place des politiques publiques enmatière de TIC, il n’est pas inutile de procéderà quelques clarifications terminologiques afind’essayer d’y voir un peu plus clair dans cettevéritable nébuleuse que constitue le mondedes acteurs non gouvernementaux impliquésdans le développement local.

Dans le contexte ouest africain qui nousintéresse, les associations sont généralement àbut non lucratif et regroupent des membresqui sont unis par un même idéal, un centre

d’intérêt, l’atteinte d’un objectif commun, etc.Leurs adhérents sont des bénévoles qui seconsacrent à leurs activités associatives endehors de leurs occupations habituelles. Lesmoyens dont elles disposent sont généralement réduits et se limitent pour l’essentiel auxcontributions de leurs membres et quelquesfois à des subventions allouées par l'État, lescollectivités locales, les entreprises, les organismes internationaux, les représentations diplomatiques, etc. Elles disposent rarement d’unplan stratégique et exécutent plus des activitésponctuelles que des projets à proprementparler. Ces associations, qui interviennent dansdes domaines nombreux et variés, ne doiventpas être confondues avec les organisations nongouvernementales (ONG), nationales ou internationales, qui tout en étant également à butnon lucratif, fonctionnent avec un personnelsalarié, disposent généralement de moyensrelativement conséquents fournis par l’ONGmère dont elles dépendent ou par des bailleursde fonds étrangers. Elles bénéficient souventde régimes d’exemptions fiscales et douanièresvoire d’un statut diplomatique toutes chosesqui facilitent leur intervention. Spécialiséesdans un ou plusieurs domaines, elles exécutentdes projets qui peuvent se dérouler sur plusieurs années et s’inscrivent généralementdans une planification stratégique. Quel quesoit leur domaine d’intervention privilégié,leurs missions essentielles s’organisent autourde l’information et l’éducation des différentsacteurs impliqués dans les dynamiques dedéveloppement, la formation des citoyens etdes organisations de la société civile, la capitalisation des expériences en vue de proposerdes alternatives aux modèles et politiques dedéveloppement conçues par l'État et les bailleurs de fonds et la mise en réseaux et la construction d’alliances entre organisations à différents niveaux. Elles entretiennent des relations suivies avec les agences du système desNations unies, les organismes de coopérationbilatéraux ou multilatéraux, les fondations, etc.dont elles dépendent pour leur fonctionnement.

A côté des associations et des ONG, il existeégalement ce que l’on appelle des organisations communautaires de base (OCB). Ellessont constituées par les groupements paysans,

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les groupements féminins, les coopératives, lesassociations sportives et culturelles, les associations de développement de quartiers, etc.évoluant dans une ère géographique donnée,plutôt de taille restreinte, qu’il s’agisse d’unquartier, d’un village, d’une commune, d’unterroir ou plus rarement d’une région59.Associations, ONG et OCB constituent, avecl’ensemble des structures réunissant desindividus sur une base volontaire, tels lessyndicats, les clubs de réflexion, lesorganisations de défense des droits humains,les organisations religieuses, les associationsde femmes, etc., ce que l’on appelle la sociétécivile. Cette dernière se caractérise par le faitqu’elle rassemble, face à l'État, des acteursayant des intérêts divers et qui sont organisésdans des structures dont les élémentsexpriment les contradictions sociales. Il estimportant de préciser que les partis politiquessont généralement exclus de la société civilecar ils expriment les intérêts de pouvoir degroupes sociaux spécifiques, organisés politiquement et idéologiquement, et mu parl’ambition de conquérir le pouvoir d’état. Enfin,à ces catégories bien établies, est venues’ajouter, depuis peu, celle dite des acteursnon étatiques (ANE) qui, au delà de la sociétécivile, inclue le secteur privé60 dans laperspective de son implication dans desdynamiques multi acteurs qui sont de pluspréconisées quels que soient les secteursd’activités. Pendant des années, la sociétécivile, d’une manière générale, et les ONG dedéveloppement en particulier, se sont essentiellement investis dans les actions de développement local en matière d’éducation, de santé,d’agriculture, d’environnement, etc. sansoublier des questions plus transversalescomme la démocratie, les droits de la personne, le genre, etc. Avec l’émergence, au début

59 Voir Quentin Gausset, « Organisationscommunautaires de base et renforcement de lasociété civile en milieu rural », Civilisations [Enligne], 52 2 | 2005, mis en ligne le 02 février 2009,Consulté le 9 mai 2010. URL :http://civilisations.revues.org/index799.html60 Cette notion d’acteurs non étatiques estnotamment utilisée par l’Union européenne qui l’adéfinie dans l’article 6 de l’accord de coopérationACP CE connu sous l’appellation d’accord deCotonou.

des années 90, des problématiques liées àl’introduction des TIC et plus globalement à lamise en place des fondements de la société del’information, un nouveau terrain d’intervention s’est offert aux organisations de la sociétécivile et aux ONG qui depuis lors se positionnent vis à vis des politiques publiques en lamatière.

II. Des politiques publiques s’inscrivantdans des référentiels communs

Les politiques publiques mises en œuvre enmatière de TIC au Bénin, au Mali et au Sénégalse sont inscrites dans un même tempochronologique et politique à savoir d’une partles années 80 90 et d’autre part le triptyque« privatisation, libéralisation, régulation »imposé tant par les programmes d’ajustementstructurel (PAS) que par l’OMC dans le cadre del’Accord général sur le commerce des services(AGCS). Elles ont également été fortementinfluencées par une série de déclarations, destratégies et de plans d’action adoptés dansdes cadres sous régionaux voire continentaux,s’inspirant eux mêmes des discours sur laquestion prononcés dans les pays industrialiséset dans les forums internationaux.

Ainsi au Sénégal, la séparation des activitéspostales d’avec les activités de télécommunications a été effective dès 1985 avecl’éclatement de l’Office des postes et télécommunications (OPT) qui débouchera sur lacréation d’une part de l’Office de la poste et dela caisse d’épargne (OPCE) et d’autre part de lasociété nationale des télécommunications duSénégal (Sonatel). Cette dernière sera privatisée en juillet 1997 avec la cession par l’Etat de42% de son capital à France Télécom (FT), 10%au personnel et la mise en vente de 20% desactions à la Bourse régionales des valeursmobilières (BRVM) de l’Union économique etmonétaire ouest africaine (UEMOA) d’Abidjan(Côte d’ivoire). Entre temps, la téléphoniemobile avait fait son apparition en 1996 et dès1998, un second opérateur privé, Sentel, severra accordé une licence. Au Mali, le processus sera, dans un premier temps identique,avec le démantèlement de l’Office des postes

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et des télécommunications(OPT) en 1989 et lacréation de l’Office national des postes (ONP)et de la Société des télécommunications duMali (Sotelma)61. Par contre la privatisation aété pendant longtemps retardé avant desurvenir en 2009 avec l’attribution de 51% ducapital à Maroc Télélcom62 suite à un appeld’offres international et le processus aurait dûs’achever en 2012 avec la vente de 29% desparts détenus par l’Etat qui ne conserveraitque 20% du capital. La téléphonie mobile estapparue en 1999 avec la création de Malitel,filiale à 100% de la Sotelma, avant d’êtreouverte à la concurrence en 2003 avec l’arrivéd’Orange sous la marque Ikatel. Le Bénin aglobalement suivi la même évolution avec en1988, l’attribution de l’autonomie de gestion àl’Office de la poste et des télécommunications(OPT) puis la création en 2004 d’une part de« Bénin Télécoms »63 et d’autre part de « LaPoste du Bénin »64. Comme au Mali, leprocessus de privatisation a pris du retard parrapport aux autres pays d’Afrique de l’Ouest etaprès plusieurs tentatives infructueuses ayantimpliqué Maroc Télécom et France Télécom,dans le courant de l’année 2012, le processusn’avait toujours pas abouti. Cela étant, il fautpréciser que dès 1999, le marché de latéléphonie mobile a été ouvert à la concurrence et qu’il existe actuellement quatre opérateurs dans ce secteur que sont d’une partLibercom, Moov et Spacetel et d’autre part BellBénin filiale de l’opérateur historique.

61 Ordonnance n° 89 32/P RM du 9 octobre 1989,ratifiée par la loi n° 90 018/AN RM du 27 fév. 1990.62 Maroc Télécom est depuis 2004 une filiale deVivendi Universal qui en détient 53% du capital.63 Décret n° 2004 260 du 05 Mai 2004 portantcréation de la société « Bénin Télécoms SA » etapprobation de ses statuts.64 Décret n° 2004 365 du 28 Juin 2004 portantcréation de la société « La poste du Bénin SA » etapprobation de ses statuts.

Quelques repères chronologiques relatifs àla marche de l’Afrique vers la société de

l’information

1996 : La « Fondation du devenir » organise, àGenève (Suisse), la Rencontre « L’Afrique et lesnouvelles technologies de l’information ». Lesparticipants recommandent la création d’unréseau qui donnera naissance à l’AdvisoryNetwork for African Information Strategies(ANAIS) plus connu sous l’appellation deréseau ANAIS

1996 : Les Etats africains entérinent l’Initiativeafricaine de la société de l’information (AISI)élaboré par la Commission économique desNations unies pour l’Afrique (CEA) quiconstitue un cadre régional pour ledéveloppement de la société de l’information

1996 : la conférence de Midrand (Afrique duSud), fait la jonction entre la promotion des TICet le développement économique et social.

1996 2001 : L’Initiative Leland, lancée parl’USAID, donne naissance à la création dechapitre nationaux d’Internet Society (ISOC)dans un certain nombre de pays africains.

1999 : La CEA organise la première édition duForum pour le développement de l’Afrique(FDA) sur le thème « L’Afrique face aux défisde la mondialisation à l’ère de l’information »

2000 : La réunion de Monterrey débouche surl’élaboration des Objectifs du Millénaire pourle développement (OMD) avec pour échéancel’année 2015. Le dernier objectif appelle à lamise sur pied d’un partenariat mondial pour ledéveloppement incluant des initiativesfavorables à l’émergence d’une sociétémondiale de l’information.

2000 :« Bamako 2000 » « Internet, les

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Passerelles du développement » organisé parle réseau ANAIS regroupe nombre d’ONG de larégion (ANAIS Mali ; ORIDEV (Bénin) ; OSIRIS(Sénégal) ; Yam Pukri, (Burkina Faso) ; etc.)avec l’appui du gouvernement malien.

2000 : La coordination du volet TIC du Nouveaupartenariat pour le développement de l’Afrique(NEPAD) est confiée au Sénégal.

2001 : Création de la e Commission du NEPAD,organe chargé de coordonner l’actionministérielle dans le secteur des TIC avec pourmission d’accélérer la transformation numérique de l’Afrique pour une Société de l’Information et du Savoir

2002 : Première conférence régionale africainepréparatoire au Sommet mondial sur la sociétéde l’information (SMSI) est organisée à Bamako(Mali).

2003 : La première phase du SMSI organisée àGenève (Suisse) réaffirme le potentiel des TICcomme « puissant levier du développement »Les ONG sont reconnues comme acteurs à partentière du Sommet.

2005 : La seconde phase du SMSI organisé àTunis (Tunisie) entérine la création d’un fondde solidarité numérique (FSN) à l’initiative duPrésident Abdoulaye Wade.

2006 : L’Union économique et monétaireafricaine (UEMOA) adopte six (6) directivescommunautaires relatives au secteur destélécommunications.

2007 : La Communauté économique des étatsde l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) adopte six (6)actes additionnels au traité instituant laCEDEAO, relatifs au secteur des télécommunications. Organisation du Sommet « Connecter l’Afrique » consacré aux moyensd’améliorer l’infrastructure des TIC en Afrique,

et notamment de renforcer la connexionInternet à haut débit sur le continent.

2008 : Première réunion des Ministres chargésdes Technologies de l’Information et de laCommunication de la Commission e Afrique duNEPAD

2009 : Dissolution du Fonds de solidariténumérique.

2010 : Sommet de l'Union africaine (UA) «LesTIC en Afrique : Défis et Perspectives pour leDéveloppement »

2011 : Les médias sociaux (Facebook, Twitter,YouTube, etc.) jouent un rôle important dansles mouvements politiques et sociaux dits du« printemps arabe » qui débouchent sur lachute des régimes tunisiens et égyptiens.

2012 : Suite à la requête adressée par laCommission de l’Union africaine, au nom despays africains, l’ICANN autorise la création dunom de domaine « .africa » dont la gestion estconfiée à la société « UniForum.za ».

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1. Convergence ou concurrence des référentiels ?

La problématique de ce qui était alors appelé« les autoroutes de l’information » est sortiedu cercle des spécialistes des télécommunications pour être largement discuté dans lasphère publique à partir du début des années90, notamment sous l’influence du sénateur AlGore qui s’était fait l’apôtre de la constructionréseau national enseignement et recherche(NREN) qui devait servir de base à la créationultérieure d’un réseau national en fibreoptique. Durant la campagne pour l’électionprésidentielle américaine de novembre 1992,Al Gore, qui briguait le poste de Vice Présidentauprès de Bill Clinton, a réservé une placeparticulière aux autoroutes de l’information(Information Superhighway) concept traduit enfrançais par l'expression « autoroutes del'information » voire par le terme « inforoutes ». Élu vice président en novembre 1992, ilprononça en décembre 1993 un importantdiscours dans lequel il annonça l’intention del’administration Clinton de construire uneinfrastructure nationale d’information (NII)devant servir de levier pour la croissance del’économie américaine. Du côté européen,sous l’impulsion de Jacques Delors la Commission européenne publia en 1993 un livre blancsur la croissance, la compétitivité et l’emploiqui préconisait la mise en place de réseaux decommunication à l’échelle européenne afin depositionner l’Europe dans la société de laconnaissance. Dès lors le thème sera régulièrement d’actualité dans la presse comme dansles grandes rencontres internationales et enfévrier 1995 le G7 même consacrera une de sesconférences ministérielles à la société del’information.

A partir de cette date, les discours globalisés etglobalisant véhiculés par les acteurs internationaux sont régulièrement tenus en direction despays du Sud. Ils influent sur l’élaboration despolitiques publiques nationales, voire régionales, car de leur appropriation dépend l’accèsaux financements qui leurs sont liés. C’est ainsique les discours sur la société de l’information,le développement durable, ou la lutte contre lapauvreté vont de plus en plus s’entrecroiser.Désormais, selon les pays, le financement des

TIC est porté par des programmes liés à l’un ouà l’autre ce ces référentiels. Les acteurs publicscomme ceux de la société civile s’engagentalors, du moins au niveau du discours, dansune dynamique visant à développer l’utilisationdes TIC dans différents secteurs d’activités.

Dans ce concert de discours, il est difficiled’identifier quel est le référentiel dominant. Sile référentiel de la société de l’information estaudible au niveau national, car souvent portépar les plus hautes autorités de l'État, auniveau local, c’est le référentiel de lutte contrela pauvreté qui semble l’emporter, car répondant mieux aux préoccupations immédiatesdes populations.

2. Compétition entre Etats pour le leadershipafricain de la société de l’information

Le thème de la société de l’information étantdevenu porteur d’une part en termes deretombées financières via les projets subventionnés dans le cadre de l’aide bilatérale etmultilatérale et d’autre part en termes depositionnement géopolitique sur la scèneinternationale, on assiste à une sorte de compétition entre pays africains pour assurer leleadership en la matière sur le continent. C’estainsi que le Mali, dirigé par Alpha OumarKonaré, et le Sénégal, emmené par AbdoulayeWade, prendront des initiatives fortes auniveau international de manière à favoriserl’entrée de l’Afrique dans la société de l’information et les deux hommes feront tout pour sepositionner comme les leaders africains de cesecteur. Cependant, il existe des nuances importantes dans les stratégies adoptées par lesdeux présidents. Le chef de l'État malien, plusproche de la société civile et ayant conduit sonpays sur la voie de la démocratie après unelongue période de dictature militaire, mettral’accent sur la démocratisation de l’accès àInternet, l’appui à la décentralisation et la miseen œuvre d’une démarche pluri acteurs. Deson côté, le chef de l'État sénégalais fera unchoix plus clairement néo libéral, et accorderaune importance particulière à la modernisationde l'État et à la réduction de la fracturenumérique vue comme la fourniture massived’ordinateurs et la construction d’infrastructures en s’appuyant essentiellement sur le

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secteur privé. Illustration de ces deux démarches parallèles plus que convergentes, le président malien Alpha Oumar Konaré qui avaitassisté à la rencontre « Internet et les passerelles du développement » organisée en 1996 àGenève (Suisse), sera le parrain de Bamako2000, manifestation qui verra une des plusimportantes mobilisations de la société civileafricaine sur les questions de société del’information tandis que le président sénégalaisAbdoualye Wade se positionnera pour que levolet TIC du NEPAD soit confié à son pays. Dupoint de vue de son leadership, le Bénin, quiavait pourtant vu se tenir un sommet de lafrancophonie largement consacré aux inforoutes en 1995, restera plutôt en retrait en lamatière et l’on ne verra jamais le présidentbéninois Nicéphore Soglo en faire un cheval debataille sur la scène africaine ou internationale,le pays se contentant d’adopter une politiqueinspirée par celles prônées au niveau international et soumise aux orientations dictéespar le marché.

3. L’intégration des TIC dans les politiques dedéveloppement : l’exemple du Sénégal

A partir du milieu des années 90, les TIC fontprogressivement leur entrée dans les dispositifs de planification, de stratégie et deprospective des différents pays qu’il s’agisse duPlan, du Document de stratégie de réductionde la pauvreté (DSRP) ou de programmes plusspécifiques comme le Programme national debonne gouvernance (PNBG) au Sénégal, élaborés dans la plupart des cas avec l’appui desorganisations multilatérales, et que l’on retrouve sous des appellations très proches les unesdes autres dans la plupart des pays de larégion.

La promotion des TIC s’effectue dans uneperspective clairement libérale qui se traduitpar le vocabulaire utilisé. « Pôles d’excellence », « économie compétitive », « modernisation », « productivité du service public »,sont les mots clés qui reviennent le plussouvent alors que l’on insiste guère, dans lesdiscours officiels, sur la démocratisation del’accès aux TIC, la capacitation des groupesmarginalisés (pauvres, femmes, ruraux, etc.),leur appropriation par les citoyens, la

gouvernance des TIC, etc. De plus, la multiplication des déclarations et des initiatives enmatière de TIC prend place dans un contextecaractérisé par l’absence d’une véritable stratégie « visant à l’introduction et à l’utilisationdes technologies de l’information et de la communication de manière à résoudre les problèmes du développement économique et socialauxquels fait face le Sénégal ». De plus, il existeun important décalage entre l’énonciation despolitiques publiques et leur mise en œuvreeffective qui laisse à désirer lorsqu’elle n’estpas tout simplement inexistante.

4. Réforme du secteur des télécommunications et stratégies nationales TIC

L’adoption par la Commission économique desNations unies pour l’Afrique (CEA) de l’Initiative africaine pour la société de l’information(IASI) en 1995 a ouvert la voie à l’élaborationde politiques nationales, voire de politiquessectorielles, dans le domaine des TIC.L’élaboration de celles ci a souvent bénéficiéde l’appui d’organisations internationales,telles que la CEA, qui ont aidé à la rédactiondes stratégies nationales TIC, plus connuessous l’appellation de « Plan NICI » (NationalInformation and Communication Infrastructure). Ce processus a été conduit dans lecontexte beaucoup plus global de la réformedu secteur des télécommunications visant àprivatiser les opérateurs historiques, à libéraliser les marchés et à introduire la régulationdans le cadre de la mise en œuvre de l’Accordgénéral sur le commerce des services (AGCS)adopté en 1995 comme partie intégrante dutraité de l’Organisation mondiale du commerce(OMC).

Au Bénin, la note de stratégie de réforme dusecteur des postes et télécommunicationsadoptée en 1999 prévoit la libéralisation desactivités de télécommunications alors qu’en2000 un plan de développement de l’infrastructure de l’information et de la communication (Plan NICI) est élaboré avec l’appui duCentre de recherches pour le développementinternational (CRDI) et de la CEA. Quelquesannées plus tard, en 2003, un Document depolitique et de stratégie de développement desTIC propose de faire pays « une société de

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l’information épanouie, solidaire et moderne »avec pour principe de base l’utilisation des TIC,non pas comme une fin en soi, mais plutôtcomme un outil privilégié devant aider àrésoudre les problèmes de développementauxquels se trouve confronté le pays. Actualisé,ce document donnera naissance au Plan TICBénin adopté en 2006.

Dans un pays comme le Sénégal, c’est dès 1996que le Code des Communications a étéréformé de manière à permettre la privatisation de l’opérateur historique et la libéralisation du secteur des télécommunications.L’année suivante, le pays a été impliqué dansune initiative fort enrichissante avec l’élaboration de la stratégie ACACIA–Sénégal,financée par le CRDI, dont la démarcheparticipative pluri acteurs, servira de modèlepour la préparation des Plans Nationaux deDéveloppement de l’infrastructure de l’information et de la Communication (NICI) popularisés par la CEA dans le cadre de l’AISI. En 2005,le gouvernement a rendu public une lettre depolitique sectorielle du secteur des télécommunications, dans laquelle il affirme la volonté

du Sénégal de « relever les défis du XXIème

siècle en matière de télécommunication et derésorber la fracture numérique ». Elleproclame en outre la volonté de « renforcer laposition du Sénégal comme pôle d’excellencedans le secteur des télécommunications etcarrefour préférentiel pour le développementdes services de télécommunications dans lasous région ». De manière à adapter l’arsenallégislatif aux nouveaux défis posés par lagénéralisation de l’utilisation des TIC, leparlement a adopté en janvier 2008 une sériede lois visant à encadrer la société avecnotamment une Loi d’orientation de la sociétésénégalaise de l’information. Celle ci appelle àla création d’« une société à dimensionhumaine, inclusive, et solidaire, ouverte,transparente et sécurisée, qui œuvre en vue dudéveloppement économique, social, ainsi queculturel, de l’élimination de la pauvreté et de lamodernisation de l'État ». Alors que lespolitiques publiques TIC au Sénégal, avaientpendant longtemps péché par manque deconsultation ou de participation des acteursprivés et de la société civile, cette loi déclare

vouloir promouvoir une démarche participative. L’article 8 de la loi précise ainsi que« l'État et les usagers s’engagent à facilitertoute action de la société civile en matière depromotion des TIC visant à renforcer lescapacités des populations vulnérables et deslocalités difficiles d’accès dans un espritd’ouverture et de solidarité. » Suivant l’approche utilisée pour la fourniture d’autresservices publics (eau potable, téléphone), lespouvoirs publics ont également reconnus unrôle spécifique aux ONG dans le domaine desTIC de manière à en étendre l’accès auxgroupes sociaux marginalisés et aux territoiresenclavés.

5. Des nuances nationales dans les processusd’élaboration des politiques TIC

Malgré le caractère structurant des réformeséconomiques s’inscrivant dans le cadre del’OMC et des politiques fortement inspirées parles bailleurs de fonds ou encore de cellesélaborées dans les cadres d’intégration régionale comme le NEPAD à l’échelle de l’Afriqueou encore l’UEMOA ou la CEDEAO à l’échellerégionale, il existe des nuances dans lesprocessus d’élaboration des politiquesnationales TIC.

Ainsi, outre le fait qu’il ne possède pas dedocument de stratégie nationale TIC, leSénégal se caractérise par la multiplicité desinstances de décisions, intervenant dans ledomaine des TIC, et ce sans qu’il n’y ait unpuissant organe coordination permettant dedonner de la cohérence aux actions engagées.En dehors de l’Autorité de régulation destélécommunications et des postes (ARTP) quis’occupe de la régulation du secteur, on notel’existence de l’Agence de l’informatique del'État (ADIE), le ministère en charge des TIC, laStratégie de croissance accéléré (SCA), laPrésidence de la république, etc. Autre constat,si les structures et textes consacrés auxpolitiques TIC sont nombreux le défautd ‘implication des acteurs de la société civiledans l’élaboration des politiques publiques estpatent. Sans doute avons nous ici laconfirmation du choix libéral du gouvernementsénégalais qui considère que si les ONG etautres organisations de la société civile

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peuvent être des acteurs d’exécution despolitiques TIC dans les secteurs laissés vacantspar le désengagement de l'État, celles ci n’ontpas véritablement vocation à être associées àla formulation des politiques qu’elles sontcensées accompagner.

Dans un pays comme le Bénin, le document« Politique et Stratégies des TIC au Bénin »propose une stratégie « classique », dont onretrouve les principaux attendus dans lesautres pays. Après une déclaration ambitieuse,et pour le moins optimiste, signalant que d’ici2025 cette politique « permettra à l’ensemblede la population béninoise de devenir descyber citoyens », il est fait état d’une visionsomme toute très banale qui veut « faire duBénin, à l’horizon 2025, une société del’information, épanouie, solidaire et moderne ». Celle ci se décline en cinq piliers quiproposent entre autres de : garantir unenvironnement réglementaire favorable ;développer les infrastructures de base, lesressources humaine et les applications nécessaires ; s’engager dans une coopération auniveau régional. Rien qui ne fasse référence aurôle de la société civile, des ONG et descollectivités locales à ce niveau. Il s’agit in fine« d’être présent au rendez vous de lamondialisation ». Une analyse plus détailléedes objectifs de court terme et de moyenterme permet d’identifier vingt deux objectifsstratégiques qui s’inscrivent pour l’essentieldans le modèle libéral dominant. Il s’agit avanttoutes choses de moderniser l'État (egouvernement) et de mettre les TIC au servicedu développement (ou de la croissance) dusecteur moderne de l’économie (e business), letout en s’articulant ou en renforçant le modèledominant d’inspiration techniciste (technopole), en libéralisant le secteur et en assouplissant les réglementations, en formant uneélite d’ingénieurs et en promouvant des pôlesd’excellence de formation. Par contre, àl’exception d’une référence rituelle à l’accèsuniversel dans l’objectif 10 du document depolitique sectoriel 2003, qui prévoit de« Promouvoir l’accès universel dans les zonesdéfavorisées d’ici 2012 », il n’y a pratiquementrien qui se réfère à la massification del'utilisation des TIC ou à la démocratisation deleur accès. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune

mention ne soit faite, dans ce document, aurôle de la société civile et des collectivitéslocales.

6. Des variations dans le discours sur les TIC

Dans le cas du Bénin, les politiques publiquesmettent en avant le libre jeu du marché etdans le discours dominant, tous les thèmes etargumentaires les plus saillants du néolibéralisme s’imposent sans que l’on n’y prennegarde derrière la novlangue pratiquée par lesexperts de tous bords. Dans le cas du Sénégalet du Mali, la thématique des TIC et de la« Société de l’information » est plus fortementinvestie par le politique. Les chefs d'Étatsmalien et sénégalais prêtent une attentionparticulière à la « Société de l’information » ettiennent des discours très volontaristes sur lesujet. Conscients des asymétries qui risquentde se renforcer avec l’émergence de la Sociétéde l’information, Abdoulaye Wade proposerades mécanismes de régulation et derééquilibrage internationaux comme le Fondsde solidarité numérique (FSN) qui, cependantauront du mal à s’imposer et à être pérennisés.Cette prise de conscience n’était d’ailleurs pasnouvelle puisqu’elle transparaissait déjà dansle regard porté sur la Société de l’informationdans le cadre de l’étude prospective Sénégal201565. Elaborée en 1989, cette étude,commandée par le Ministère de la Coopérationet du plan, pointait les dérives possibles de la« Société de I’information » et notait que : « lesprogrès des technologies de l’informationrenforceront probablement la diffusion desmodèles culturels et des valeurs de l’Occident,et contribueront ainsi à accélérer la dégradation des valeurs traditionnelles, principalement en milieu urbain, et auprès desjeunes ». Les auteurs du rapport poursuivaienten disant « le risque est grand de voir cestechnologies ne profiter qu’à une minorité deprivilégiés (accès, maîtrise) accentuant ainsi lesinégalités au sein d’une société duale,désarticulée, formée d’une minorité deprivilégiés et d’une masse d’exclus de lacroissance ». Malgré ces réflexions prémonitoires, le discours politique sur les TIC et la

65 Ministère de la coopération et du Plan, Étudeprospective : Sénégal 2015, juin 1989.

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société de l’information aura trop souventtendance à les présenter comme la panacéeuniverselle aux problèmes de développementavec pour conséquence majeure un énormefossé entre les déclarations d’intention et leseffets d’annonces d’une part et les réalisationsconcrètes d’autre part.

III. État des lieux des infrastructures deconnexion et d’accès

1. L’Afrique : un continent encore peubranché mais un important marché potentiel

L’Afrique est encore, et de loin, le continent lemoins branché de la planète. Alors que lamoyenne mondiale d’accès à l’Internet est de22% et que l’Amérique du Nord approche les75%, l’Afrique, avec ses 5,3% de populationayant accès à Internet, est le parent pauvre dela planète66. Nous assistons cependant, depuisune dizaine d’années, au bouleversement dupaysage des télécommunications africaines.« Le continent vient de célébrer l’arrivée d’unnouveau tuyau sur la côte ouest. Offrant unesolution alternative au câble SAT 3, Glo 1doublera la connexion du Nigeria et de seizepays riverains avec le vieux continent. Seacomet Glo 1 permettront aux futurs opérateurslocaux de développer des offres Internet à hautdébit, en premier lieu dans les métropolescôtières du continent… Quatre autres câblessous marins à fibre optique devraient maillerd’ici à 2011 l’Afrique subsaharienne, qui seraalors reliée au reste du monde par desconsortiums internationaux ou à capitauxafricains. »67

Mieux, comme le révèle un rapport publié parWireless Intelligence, le nombre d'abonnés autéléphone mobile en Afrique a dépassé celui del'Europe de l'ouest avec 547,5 millionsd'abonnés à la fin 2010, soit une progression

66 Internet, outil de liberté et d’asservissement, inLe Monde diplomatique, Un monde à l’envers,2009, p. 44 45.67 Jean Christophe Servant. Gagnants et perdants dela ruée vers l’Afrique, in Internet révolutionculturelle, manière de voir n° 109, février mars2010, p. 89 – 91.

de plus de 20% par rapport à l'annéeprécédente contre 523,6 millions en Europe del'Ouest, soit une progression de moins 1%. Undes éléments explicatifs de cette fortecroissance des télécommunications est sansaucun doute le fait que l’Afrique constituedepuis quelques années le marché présentantle plus fort taux de croissance en matière deTIC au niveau mondial68, d'où l’intérêt desopérateurs et des multinationales. Cependant,si elle est la cible des multinationales destélécommunications, l’Afrique a aussi sudévelopper des modalités d’appropriationsspécifiques de ces technologies.

2. Télécentres et cybercafés : des modalitésspécifiques d’accès collectifs

Les trois pays, bien qu’à des échelles différentes, ont vu se développer, à partir desannées 1990, des modalités d’accès collectives(privées ou communautaires) d’accès à la téléphonie fixe à travers les télécentres. Ce sontces télécentres qui ont permis de démocratiserl’accès au téléphone fixe pour un grandnombre de personnes n’ayant pas les moyensde s’y abonner à titre personnel.

Au Sénégal, les télécentres privés ont permisde donner un accès au téléphone fixe à lagrande majorité de la population, hormis danscertaines zones rurales non couvertes par leréseau. A leur apogée le système a comptéjusqu’à 24 000 télécentres, alimentant 30 000emplois et générant 50 milliards de FrancsCFA69, soit 33% du chiffre d’affaire de laSONATEL. Cependant, ces dispositifs ont commencé à décliner fortement à partir de 2005,du fait de la forte concurrence de la téléphoniemobile jusqu’à pratiquement disparaître70. Cesdispositifs d’accès collectifs, qui pendantlongtemps ont été présentés comme l’exempleà suivre, ont peu à peu perdu de leur intérêtspour la téléphonie mais leur dépérissement aégalement entrainé la disparition d’un réseauqui aurait pu être utile pour la démocratisationde l’accès collectif à Internet.

68 Jean Christophe Servant, op cit.69 Un euro est équivalant à 655, 957 francs CFA.70 Olivier Sagna, les télécentres privés au Sénégal. Lafin d’une ‘success story’, Netsuds, n° 4, août 2009.

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De même au Bénin, le développement destélécentres privés s’est effectué au détrimentdes publiphones, gérés par l’opérateur public,qui sont passés de 797 en 2004 à 676 en 2007.De son côté, l’Agence pour la gestion desnouvelles technologies de l'information et de lacommunication (AGENTIC) a lancé un projetd’aide à la création de « cyber communautaires » dans un certain nombre de localités. Malheureusement les éléments de pérennité et d’auto financement de ces structuresn’ayant pas été correctement pris en compte,nombre de ces centres ont cessé leursactivités.

Enfin, au Mali, devant le succès de l’internet etla demande croissante d’accès (en particulierdes jeunes), les acteurs privés ont ouvert denombreux cybercafés dans la capitale et dansles villes secondaires. Il s’en est suivi unvéritable boom des cybercafés « mettant ainsiInternet à la portée de beaucoup de catégoriessociales, particulièrement dans les grandesvilles». Cependant, ceux ci ont été rapidementconcurrencés par les cybercafés ouvertsdirectement par les quatre fournisseurs d’accèsà internet (FAI); les cyber espaces ouverts parl’Agence des nouvelles technologies del’information et de la communication (AGETIC)pour les associations, pour les ONG féminines,pour la formation des agents de l’administration ou encore les cybercafés ouverts surles campus universitaires et pratiquant des prixdéfiant toute concurrence avec des tarifstournant autour de 200 à 350 Francs CFA del’heure71. Les cybercafés privés, organisésautour de l’Association des fournisseursd’accès internet au Mali (AFIM), ont dénoncéen vain l’intrusion de ces opérateurs sur lemarché, ainsi que la concurrence déloyale decertains autres FAI. De ce fait, aujourd’hui seulsquelques cybercafés subsistent encore à côtédes cybercafés des opérateurs. Souvent lesinternautes doivent entreprendre de longstrajets à travers toute la ville pour trouver oùse connecter.

71 Soit entre 30 et 50 centimes d’euro.

3. L’explosion de la téléphonie mobile a bouleversé le paysage des télécommunications

Le téléphone cellulaire est en train de bouleverser l’usage des télécommunications en Afrique de l’ouest avec un taux de pénétration deprès de 57,84% au Mali, de 60,85% au Sénégalet 83,27% au Bénin72. Réservé à une minoritéde privilégiés, il y a une dizaine d’années, il estdevenu aujourd’hui un bien de consommationcourant pour un grand nombre de ménages.Tous les secteurs d’activités et toutes lescatégories sociales l’utilisent, tant en ville quedans les campagnes, même si la couverturelaisse encore à désirer dans les zones rurales.

Des modalités d’usage originales se sontdéveloppées tant en milieu urbain qu’en milieurural. Des services spécifiques sont proposés àdes catégories particulières d’usagers (informations pour les pécheurs et les maraichers deManobi, mécanismes de paiement pour lesinstitutions de microcrédit, etc.) et de nouveaux métiers et des emplois sont apparusdans le secteur informel (« tropicalisation » desappareils, vente de cartes, collectivisation del’accès, etc.). De leurs côtés, les ONG voient làun champ d’action qui s’ouvre pour lagénéralisation de l’accès et la proposition deservices et de contenus adaptés à la diversitédes demandes populaires. Cependant, il ressortde toutes ces expérimentations que denouvelles pratiques sont encore à inventer et àsocialiser.

4. D’importantes disparités villes campagnes

Dans un pays comme le Bénin, la téléphoniefixe reste très peu développée en milieu rural.Le fossé numérique est très important entred’une part les différents départements etd’autre part entre les différentes localités duBénin. Ainsi, 70% seulement des communes duBénin sont desservies par la téléphonie fixealors que la seule ville de Cotonou, quiconcentre seulement 14% de la population dupays, polarise 50% des lignes téléphoniques.Les départements du Sud du pays (Littoral,

72 Index Mundi, chiffres au 1er janvier 2012[http://www.indexmundi.com/g/r.aspx?v=4010&l=fr]

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Ouémé et Atlantique) regroupent quant eux75% de ces mêmes lignes. Par contre, lacouverture géographique de la téléphoniemobile a connu une percée significative entre2000 et 2008 et la plupart des communes sontcouvertes. Seules les zones rurales demeurentencore très peu touchées par le mobile ce quin’est pas sans poser problème lorsque l’on saitque la population rurale constitue 59,7% de lapopulation totale du Bénin. Conscient de cettesituation, le gouvernement a lancé une opération de désenclavement numérique en direction des jeunes des milieux ruraux en installantdes cyberespaces dans les Centres de lectureet d’animation culturelle (CLAC).

Au Mali, la situation est pire puisque le réseaude téléphonie fixe de la SOTELMA desservait239 des 703 communes du pays (34%) en 2008,dont 92% des communes urbaines et 25% descommunes rurales. Cela étant, si l’accès autéléphone a pendant longtemps été un privilège des centres urbains, l’arrivée du téléphoneportable a bouleversé la donne. Le téléphonefixe jusqu’à un passé récent demeurait unvéritable luxe pour les citadins. La ligne fixecouvrait en partie les villes principales tandisque les banlieues et les zones rurales étaientcomplètement hors connexion. Dans la capitaleelle même, l’attente pour être connectéepouvait durer des années, la liste d’attenteétant très longue. Le nombre d’abonnés autéléphone fixe a d’ailleurs très peu progresséces dernières années. En comparaison, la progression du téléphone mobile est spectaculaire. Elle concerne d’abord les centresurbains, puis les zones d’immigration traditionnelles, à savoir les régions de Kayes, Ségou, etMopti. Une situation similaire caractérisel’accès à l’internet qui a été pendantlongtemps considéré comme un luxe et unecuriosité urbaine avant d’être perçu comme unoutil de développement. Avec l’accroissementdes capacités de la bande passante, internet afait son apparition dans les capitales régionaleset les villes secondaires, même si les coûtsd’accès y restent encore élevés et le confort dela navigation très rudimentaire. Suite auSommet mondial sur la société de l’information(SMSI), l’UNESCO, en partenariat avec lacoopération suisse (DDC), a lancé unprogramme visant à promouvoir l’appro

priation des TIC dans les zones rurales à traversla création de Centres multimédias communautaires (CMC). De son côté, l’AGETIC, avecl’appui financier de l'État et de l’Unioneuropéenne (UE), après s’être consacré àéquiper et connecter les ministères de la capitale et certaines directions nationales (Projetde l’Intranet de l’administration), se tournedésormais vers l’équipement des huit capitalesrégionales que sont Gao, Kayes, Kidal,Koulikoro, Mopti, Ségou, Sikasso et Tombouctou.

Au Sénégal, dès 1992 avec le lancement destélécentres privés la Sonatel avait fortementcontribué à démocratiser l’accès au téléphonedans les villes et dans une moindre mesuredans les zones rurales. Puis, en 1996, legouvernement s’était donné comme objectif,dans la Déclaration de politique de développement des télécommunications sénégalaisespour la période 1996 2000, « d’équiper plus de50% des villages centres, d’au moins une lignetéléphonique, tout en faisant en sorte quechaque Sénégalais puisse se trouver à moins decinq kilomètres d’un téléphone ». Depuis 2003,comme le Mali, le Sénégal a bénéficié du projetdes CMC qui lui a permis d’installer 24 centresauxquels viennent s’ajouter deux cybercentresinstallés l’un à Coubanao près de Ziguinchor etl’autre à Odobéré près de Matam dans le cadredu projet Appui au désenclavement numérique(ADEN) financé par la coopération française.

IV. Mise en place d’Internet : un système d’acteurs et un tempo comparabledans les trois pays

Avant de présenter le système d’acteurs strictosensu, il est intéressant de rappeler quand etcomment Internet est arrivé dans les trois paysfaisant l'objet de cette étude.

1. Les prémices de l’Internet : un rôle pionnierjoué par le monde de la recherche et des ONG

Au Sénégal, dès 1989, l’IRD (ex ORSTOM) ainstallé un serveur de son Réseau Intertropicald’Ordinateurs (RIO) au Centre de recherchesocéanographiques de Dakar Thiaroye (CRODT).

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Réservé aux scientifiques travaillant pourl’ORSTOM, il leur permettait de communiquerpar courrier électronique grâce à des vacationsorganisées deux fois par jour pour la réceptionet l’envoi du courrier. Puis, en 1992, l’ONGEnda Tiers monde a ouvert à Dakar un nœuddu réseau GreenNet créé par l’Alliance forProgressive Communication (APC) et proposéune connexion à un certain nombre d’ONGinstallée au Sénégal puis en Afrique de l'Ouest.Puis, en mai 1995 un lien VSAT de 64 Kbps futmis en place à titre expérimental à l’occasiondu Troisième sommet Africain Afro Américaintenu à Dakar. Cependant, ce n’est qu’en 1996que le pays sera connecté de manièrepermanente à Internet par la Sonatel. Cettemême année, on verra l’ouverture à Dakar duMétissacana, premier cybercafé africain horsAfrique du Sud. L’année suivante, l’InstitutPanos regroupera des représentants desmédias et de la société civile de dix neuf paysafricains qui rédigeront une Déclaration deDakar portant notamment sur la problématique de l’accès à l’Internet. Dès le début, leSénégal s’est donc positionné comme un payspionnier de l’Internet dans la région et sonexpérience nous rappelle que le mondeuniversitaire et le milieu associatif ont joué unrôle d’avant garde dans la construction de la« Société de l’Information ».

Au Mali également, un nœud du Réseau RIO aégalement été installé à Bamako en 1989 et audébut des années 1990, Enda Tiers Mondeorganisera une formation destinée aux ONGmaliennes et connectera quelques unes d’entre elles au réseau GreenNet. En février 2000,le réseau ANAIS, avec l’appui de la Fondationdu Devenir et du gouvernement malien,organisera la rencontre internationale « Bamako 2000 », qui sera un moment fondateur de laprise de conscience du rôle des TIC dans lasous région. Du fait de la très forte participation des ONG africaines comme OSIRIS(Sénégal), ORIDEV (Bénin), Yam Pukri (BurkinaFaso), Isoc Guinée (Guinée), ANAIS AC (Cameroun), etc. cette rencontre marquera lesesprits. Elle sera notamment à l’origine d’uneimportante réflexion sur le contenu à donner àla société de l’information en Afrique ets’intéressera surtout aux questions sociales etsociétales posées par son développement,

dépassant ainsi l’approche techniciste qui avaitlargement prévalu jusqu’alors.

2. Un rôle essentiel joué par les partenaires audéveloppement

Les partenaires extérieurs ont joué un rôleprimordial dans la construction de la société del’information en Afrique de l'ouest. C’est ainsiqu'au Sénégal, la coopération canadienne, viale Centre de recherches pour le développement international (CRDI) a fait du Sénégalun des cinq pays choisi pour expérimenter lastratégie ACACIA visant à promouvoir les TICauprès des communautés locales dans uneoptique de développement. L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) a ouvert leCampus numérique de Dakar qui sera pendantlongtemps le plus vaste et le mieux équipés detous ses campus à travers le monde. Il anotamment servi de plateforme pour formerde nombreux enseignants, chercheurs etétudiants et promouvoir la formation ouverte àdistance (FOAD). De son côté, l’UNESCO aœuvré pour l’amélioration de l’accès aux TICdans les zones rurales avec l’implantation deCentres multimédia communautaires (CMC)combinant une radio locale avec l’accès àInternet. De plus, les coopérations sudcoréenne et allemande ont apporté un appuien matière de formation de même que lacoopération française dans le domaine descollectivités locales dans le cadre de projets decoopération décentralisée. Outre le rôlepionnier joué par le Sénégal en matièred'utilisation des TIC, l’appui de la coopérationinternationale n’est sans doute pas étranger aufait que nombre d’institutions qui ont joué unrôle important pour l’appui au développementde la société de l’information possédaient unbureau régional à Dakar qu'il s'agisse du CRDI,de l’AUF, de l’Institut Panos, d'OSIWA ouencore de l’UNESCO.

Par contre au Bénin, l’aide à l’équipement et àl’accès en matière de TIC s’est surtout faite pardes voies incidentes, qui n’avaient pas commeobjectif principal le développement de la« Société de l’Information », mais qui poursuivaient plutôt d’autres priorités. C’est ainsique le Programme Sustainable Development

Networking Programme (SDNP) du PNUD, qui

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concernait une dizaine de pays, a permisl’équipement et la formation de nombreuxacteurs via la promotion de réseau nationauxde développement durable utilisant les TIC. Demême, le GLOBE38, Programme mondiald’apprentissage et d’observation de l’environnement, financé par les États Unis, a permis laformation d’un nombre important d’enseignants et d’élèves à l’utilisation de l'outilinformatique et permis l’équipement d’unecentaine d’écoles. En 1995, à l’occasion duVIème Sommet de la Francophonie, le payssera connecté à Internet et un « Appel deCotonou » lancé par Jacques Chirac, Présidentde la république française, appelant les paysfrancophones à accorder dans leurs activitésune place prioritaire aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et à organiser une mobilisation rapide dudispositif francophone en la matière. En 1998,dans le cadre de l’initiative Leland, projetfinancé par l’USAID, la bande passante Internetinternationale sera portée de 64 à 128 Kbps.Enfin, en 2000 sera installé le Centre d’éducation à distance (CED Bénin), financé par laBanque mondiale, avec pour objectif laformation des enseignants à l’usage des TICainsi que la mise en ligne de cours.

3. Une architecture institutionnelle en matièrede TIC comparable d’un pays à l’autre

Au Bénin, dès 1997, les autorités ont créé unMinistère de la Communication et de laPromotion des Technologies Nouvelles(MCPTN)73 et en 2000 elles ont mis sur piedune Commission Béninoise pour l’informatique(CBI). Au Mali, la première institution gouvernementale chargée des questions informatiques a été la Direction nationale de lastatistique et de l’informatique (DNSI) créée en1977. Par la suite, le Président Alpha OumarKonaré créa, en décembre 2000, la Mission del’informatique et des nouvelles technologies del’information (MINTI). Avec l’arrivée duPrésident Amadou Toumani Touré au pouvoir,la MINTI sera transformée en un ministèrespécifiquement dédié aux TIC, le Ministère de

73 En 2006, le MCPTN est devenu Ministère Déléguéauprès du Président de la République(MDCCNT/PR).

la communication et des nouvelles technologies de l’information.

Au Sénégal, dès l'indépendance, les autorités,et au premier chef la Présidence de laRépublique, ont perçu les enjeux destélécommunications et leur ont accordé uneimportance particulière. C’est ainsi que dès1960 a été créé le Comité national de coordination des télécommunications (CNCT), dépendant de la Présidence de la République. Il seracomplété en 1972 par le Comité national del’informatique (CNI), puis, en 1987 par laDélégation à l’Informatique (DINFO). En 2001,le nouveau régime arrivé au pouvoir un an plustôt créera un Ministère chargé d’assurer lesuivi et la coordination de la politiquesectorielle dans le secteur des télécommunications. Après une disparation momentanée del’organigramme gouvernemental, il deviendraaprès de multiples ajustements, l’actuelMinistère de la Communication et des Technologies de l’Information et Communication(MCTIC).

4. La mise en place d'organes de régulation

Dans le cadre de l’application de l’Accordgénéral sur le commerce des services (AGCS),tous les pays membres de l’Organisationmondiale du commerce (OMC) ont été amenésà créer des organes de régulation du secteurdes télécommunications. Indépendammentcette fois ci, ils ont aussi très souvent créés desorganes de régulation des médias audiovisuels.Ainsi le Bénin a t il créé en 1990 la Hauteautorité de l’Audiovisuel et de la communication (HAAC). Puis, en 2003 a été mis surpied une Autorité de Régulation des Postes etTélécommunications (ARPT) qui, cependant,depuis 2007 a un caractère transitoire qui nefacilite pas l’accomplissement de sa mission.

Au Sénégal, c’est en 2001 qu’a été crééel’Agence de Régulation des Télécommunications (ART), devenu en 2006 l’Agence deRégulation des Télécommunications et desPostes (ARTP) avec l’extension de ses compétences au secteur postal avant d’êtretransformée en l’Autorité de Régulation desTélécommunications et des Postes (ARTP) en2011. Dotée d’une personnalité juridique et de

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l’autonomie financière, elle est cependantplacée sous l’autorité du Président de laRépublique. Elle est chargée de contrôlerl’application de la réglementation et de veillerau respect des dispositions du Code destélécommunications et joue une mission deconseil technique pour le gouvernement. Elle apour mission de favoriser l’aménagementnumérique du territoire, développer l’accèsuniversel et appuyer la formation dans lesecteur et dans ce cadre, elle peut faire appel àdes ONG ou à des associations de développement. Dans le domaine des médias, legouvernement a créé le Haut Conseil de laRadio et Télévision (HCRT) en 199174, qui seraremplacé par le Haut Conseil de l’Audiovisuel(HCA), en 199875 et qui verra lui succéder leConseil National de Régulation de l'Audiovisuel(CNRA) créé en 200676.

5. Des agences chargées de la mise en œuvredes politiques TIC

En 2001, le Bénin s’est doté de l’Agence pour lagestion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (AGENTIC) quiest chargée d’assurer la maîtrise d’ouvragedéléguée des projets et programmes TIC Ellefonctionne comme un groupement d'intérêtéconomique (GIE) ayant comme membres lesentreprises du secteur privé, du secteur publicet des ONG qui travaillent à la promotion desTIC.

Au Mali, c’est en 2005 qu’a été créée l’Agencedes nouvelles technologies de l’information etde la communication (AGETIC) avec un statutd’établissement public à caractère scientifiqueet technologique (EPST) en remplacement de laMINTI, rattachée auparavant au Ministère de laCommunication et des Nouvelles Technologies.Elle est chargée de concevoir et développer lesinfrastructures TIC des services publics et descollectivités locales ; d’élaborer un plannational de formation et de renforcement descapacités au sein des services publics, parapublics et des collectivités locales; de gérer lenom de domaine « .ml » ; de participer à la

74 Décret n°91 537 du 25 mai 1991.75 Loi n° 98 09 du mars 1998.76 Loi n° 2006 04 du 4 janvier 2006.

mise en œuvre de l’accès universel et dedévelopper la coopération régionale, africaineet internationale en matière de TIC.

De son côté, le Sénégal ne dispose pasvéritablement d’une agence du même typeque celles décrites ci dessus mais néanmoinsen 2001, il s’est doté de la Direction del’Informatique de l'État (DIE), transformée en2004 en Agence de l’Informatique de l'État(ADIE). Rattachée au Secrétariat général de laPrésidence de la république (SGPR), elle acomme mission de mettre en œuvre lapolitique d’informatisation définie par lePrésident de la république et de moderniserl’administration sénégalaise par le biais des TICà travers des initiatives comme l’intranetgouvernemental, l’informatisation des procédures douanières, etc.

6. Les TIC domaine réservé des Chefs d'Etat ?

La prise de conscience de l’importancestratégique des TIC s’est opérée aux plus hautsniveaux des trois États concernés par lesétudes. Ceci explique que l’impulsion despolitiques en la matière est souvent liée à desorganes dépendants directement de laPrésidence de la République. Ainsi, au Sénégal,le rattachement à la Présidence de larépublique des agences comme l’ADIE etl’ARTP ou encore de la cellule SÉNÉCLICchargée de la promotion des TIC dans lesécoles, attestent du poids du chef de l'Étatdans les politiques concernant les TIC. Le président sénégalais Abdoulaye Wade a d’ailleursexprimé sa vision d’un Sénégal numérique quele gouvernement est chargé de traduire enprogrammes et de mettre en œuvre. Au Mali,des initiatives fortes ont été prises tant parAlpha Oumar Konaré qui s’est engagé dansl’organisation de « Bamako 2000 », et dans lapromotion de l’accès Internet pour l’ensembledes communes que par Amadou ToumaniTouré qui a décidé de la création d’unministère à part entière consacré aux TIC. On ad’ailleurs pu observer Une certaine émulation,pour ne pas dire une compétition, a d'ailleurspu être observée, entre Alpha Oumar Konaréet Abdoulaye Wade pour asseoir un leadershipafricain en matière de TIC. Alpha OumarKonaré, qui avait participé à la Conférence

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internationale de Genève sur le thème« L'Afrique et les NTIC » organisée en 1996 parla Fondation du Devenir, a ainsi été trèsprésent dans le processus de « Bamako 2000 ».Par la suite, le Mali, à travers AdamaSamassékou Président du Comité Préparatoiredu SMSI pour la phase de Genève, a joué unrôle important dans la gouvernance duSommet mondial sur la société de l’information(SMSI) tandis qu’Abdoulaye Wade, fort de sonrôle de coordonnateur du volet TIC duNouveau partenariat pour le développementde l'Afrique (NEPAD), a initié l’idée de« solidarité numérique », parrainé la créationdu Fonds de solidarité numérique (FSN) et jouéun rôle important dans la coordination despositions ministérielles africaines sur lesquestions de TIC dans les instances internationales.

7. Des collectivités locales exclues desagendas numériques

Malgré les processus de décentralisation encours dans les pays d'Afrique de l'Ouest ethormis certaines expérimentations intéressantes menées au Sénégal par les Systèmesd'information populaire (SIP) mis en place parle CRESP, la cellule régionale du numérique(CERENUM) de la ville de Saint Louis, le Portailde la ville de Guédiawaye, etc. il n’en faut pasmoins relever la faiblesse quasi générale del’appropriation des TIC par les acteurs publicslocaux. Cette affirmation est encore plus vraiepour le Bénin et le Mali où l’appropriation desTIC par les collectivités locales est encorebalbutiante. Les raisons expliquant cet état defait sont multiples parmi lesquelles on peutciter la faiblesse des moyens humains,financiers et techniques dont disposent lescollectivités locales, le faible niveau de prise deconscience des enjeux découlant des TIC parles élus locaux, l’insistance sur l’élaboration destratégies nationales ayant peu voire pas dutout pris en compte l’échelle locale, lecaractère lacunaire des réseaux de distributionélectriques et des infrastructures TIC dans leszones rurales, etc.

8. Des opérateurs privatisés contribuantprogressivement à l’extension des marchés

Au Bénin, l'Office des postes et télécommunications (OPT), alors opérateur public destélécommunications, a mis en place en 1995 lapasserelle nationale Internet (Centre Béninpac). La même année, Bénin Télécom a installéun premier réseau de téléphonie mobile detype AMPS (standard américain de premièregénération) qui couvrait seulement les troisprincipales villes du sud à savoir Cotonou,Porto Novo et Ouidah. Puis, de 1999 à 2003des licences ont été accordées à quatreopérateurs de téléphonie mobile (Libercom,Moov –ex Télécel, Spacetel ou Areeba –exBenincell et Bell Bénin Communication).Depuis 2008, le Bénin compte cinq opérateursprivés de téléphonie mobile : Moov, MTN,BBCOM, Glo, Bacom. Compte tenu de sa position géographique, le Bénin a un potentiel pourdevenir un hub sous régional pour les paysvoisins que sont le Togo, le Burkina Faso, leNiger et le Nigéria et peut ainsi envisager derentabiliser ses investissements dans le câblesous marin SAT 3. Un point noir cependantreste celui des coûts. Les frais d’abonnementspour le téléphone fixe étaient au Bénin, selonune étude GITR/ITU datant de 2005, six foisplus élevés que la moyenne internationale etles tarifs des appels pour le téléphone cellulaire quatre fois plus élevés. Si on rapporte cecoût, au PIB/habitant, les dépenses de téléphone fixe et cellulaire représenteraient donc auBénin plus de 30% du PIB mensuel des familles,ce qui est considérable.

Au Mali, la SOTELMA, est resté une entreprisepublique jusqu’en en 2009, date à laquelle ellea été acquise à 51% par Maroc Télécom. Celaétant, depuis 2002, IKATEL, devenu par la suiteOrange Mali, filiale de la Sonatel dont le capitalest détenu à 42,33% par France Telecom (FT),était présente à ses côtés dans le secteur de latéléphonie mobile. La SOTELMA vend desliaisons spécialisées à quatre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) que sont Malinet, CEFIBInternet, Spider et Datatech. Le réseau malienen fibre optique est relié au câble sous marinSAT3 via les atterrissements de Dakar (Sénégal)et d’Abidjan (Côte d'ivoire), mais chaqueopérateur dispose de son propre réseau de

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fibre optique sans qu’il n’y ait de mutualisationdes infrastructures. Malgré des baisses sensibles, les coûts de connexion à Internet restentexagérément élevés via la SOTELMA, (environdix fois plus chers qu’en Europe) et ces tarifssont bien sur répercutés sur le consommateurfinal.

Au Sénégal, la séparation des activités postaleset de télécommunications date de 1985 et adonné naissance à la Société nationale destélécommunications du Sénégal (SONATEL).Privatisée en 1997, la SONATEL avait l’annéeprécédente mis en service la premièreconnexion permanente Internet et lancé lepremier réseau de téléphonie mobile sous lamarque commerciale Alizé avant de commercialiser l’ADSL à parti de l’année 2003. En 1999,suite à un appel d’offres international, SENTEL(devenu Tigo), est devenu le second opérateurde téléphonie mobile dans le cadre d’uneouverture limitée du marché à la concurrence.Il faudra attendre 2007 pour voir arriver untroisième opérateur avec SUDATEL quibénéfice d’une licence globale (Fixe, mobile etInternet) qu’il exploite depuis janvier 2009sous la marque commerciale Expresso. En2008, le secteur des télécommunicationsemployait directement 1800 personnes chezles seuls opérateurs tandis qu'il générait prèsde 40 000 emplois indirects.

9. Des acteurs privés nationaux plus ou moinsinfluents

Dans le cas du Bénin, les résultats du Netwo

ked Readiness Index (NRI) font apparaître unefaible capacité des entreprises à utiliser les TIC.Cependant une autre étude réalisée par leCentre de recherche et de formation enmatière de population (CEFORP), datant de2003, confirme une montée en puissance dusecteur des TIC en matière d’emploi. C’est ainsique 6 309 emplois permanents ont été créésen 2003 grâce au déploiement des TIC dans lessecteurs autres que l’administration publique,ce qui représenterait 7,2% de la populationactive du secteur moderne horsadministration. Par ailleurs 6,3% desentreprises non TIC, possèdent un site web et11,6% de ces mêmes entreprises étaientconnectées à Internet.

Au Sénégal, les politiques de privatisation ontsurtout permis l’entrée sur le marché destélécommunications de multinationales étrangères, les acteurs privés nationaux par le biaisde l’Organisation des professionnels des TIC(OPTIC) dénonçant régulièrement les pratiquesdiscriminatoires des autorités étatiques àl’égard du secteur privé national , déplorant lemanque d’implication significative du secteurprivé dans les grands projets gouvernementauxet réclamant, pèle mêle : une libéralisationeffective, la disparition des contraintes limitantla capacité du secteur privé sénégalais, labaisse des coûts des crédits et la promotion dela « préférence nationale » pour les marchéspublics relatifs aux TIC.

Au Mali où le secteur privé des TIC est peudéveloppé, les propriétaires de cybercafésorganisés autour de l’Association desfournisseurs d'accès Internet au Mali (AFIM)dénoncent surtout, mais en vain, l’intrusiondes opérateurs de télécommunications dans lesecteur, estimant que ceux ci leur font uneconcurrence déloyale.

10. Les ONG aux avant postes

Les ONG ont joué un rôle pionnier dansl’introduction d’Internet, dans l’expérimentation, la sensibilisation de l’opinionpublique et la diffusion des TIC au service dudéveloppement. Dès le début des années 1990,Enda Tiers monde se positionne commefournisseur de services internet auprès desONG au Sénégal, puis dans la région. Au milieudes années 90, toute une série d’ONGspécialisées dans le domaine des TICapparaissaient telles ANAIS Mali en 1997,l’Observatoire sur les systèmes d’information,les réseaux et les inforoutes au Sénégal(OSIRIS) en 1998 et ORIDEV au Béninégalement en 1998. Ces ONG, membres duréseau ANAIS, ont joué un rôle clé dansl’organisation de la Conférence « Bamako2000 ». A peu près à la même époque deschapitres locaux de l’Internet Society (ISOC)ont été créés dans les différents pays avec pourobjectif de sensibiliser les opinions publiquesnotamment à travers l’organisation de la « Fêtede l’Internet », événement s’inspirant d’uneinitiative française, lancée en 1999 par des

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associations françaises (Association Internetpour la France, Vécam, etc.)77. Peu à peu, lesONG spécialisées dans les TIC ont mené denombreuses activités de sensibilisation et ontcontribué à une prise de conscience, del’opinion publique en général et des jeunes enparticulier, autour des enjeux et défis dedifférentes natures posés par les TIC. La massedes ONG s’est approprié progressivement cetoutil, qu’elles ont mis, à un rythme différentselon les pays, au service de leurs missions dedéveloppement, de défense de l’environnement, de promotion des droits humains, dela capacitation des femmes ou de la luttecontre la pauvreté et l’exclusion. Illustration decet engouement pour les TIC, dès 2001, lessites web des ONG constituaient 22% des sitesen ligne du Sénégal.

V. Un rôle et une typologie des ONGdifférenciés selon les pays

S'agissant des processus de promotion,d'utilisation et d'appropriation des TIC, lesONG, en fonction des objectifs qui sont lesleurs, ont été amenés à jouer des rôlesspécifiques et à exercer différentes formesd'influence dans les trois pays qui nousintéressent.

1. Entre processus impulsés de l’extérieur etdynamiques endogènes

Au même titre que pour la formulation despolitiques liées à la gouvernance, auxprivatisation, à la décentralisation, etc. lesÉtats d’Afrique de l’ouest, mais aussi leurssociétés civiles, ont été largement tributairesdes financements extérieurs pour la définitionde leurs politiques TIC. Ces appuis s’accompagnent ils d’injonctions particulières ou toutau moins de « conseils appuyés » pour laformulation des politiques par les États et leurmise en œuvre par les ONG ? Quellesinfluences ont exercé sur la définition desstratégies des ONG locales, les ONG d’appui

77 La « Fête de l’internet » a été l’occasion de testerun concours, baptisé « Place Net », qui deviendra,dès l’année suivante le Label « Villes Internet »porté par l’association « Villes Internet ».

extérieures comme APC, ISOC, Youth and ICT,Keney Blown, IICD, etc. Telles sont lesquestions que l’on peut légitimement se poserlorsque l’on s’intéresse aux politiques TIC dansla sous région.

2. La diversité des rôles des ONG dans laconstruction de la « Société de l’information »

Les études réalisées au Bénin, au Mali et auSénégal ont souligné le rôle, mais aussi leslimites, de la fonction des ONG dans laconstruction de la Société de l’information enAfrique de l’Ouest. C’est ainsi que ce sontdégagés les aspects suivants :

Un rôle d’anticipation réel bien que parfoissurévalué ;

Un rôle dans la promotion et lasensibilisation à l’usage des TIC qui peut fairel’objet de diverses interprétations. En effet,d'une certaine manière, il peut être considérécomme un appui à la démocratisation del’accès au TIC et à l’accès universel ainsi quecomme une contribution au renforcement dela capacité de communication des organisations de la société civile ou de certains groupesmarginalisés et notamment du point de vue deleur accès aux TIC. Cela étant, d’un autre côté,il peut tout aussi bien être interprété commeun appui à la conquête du « marché despauvres » par les opérateurs de télécommunications, les vendeurs d’équipementsinformatiques et les fournisseurs de contenuset d‘applications en tous genres.

Un rôle dans la formation des acteurs qui estune des fonctions principales développée parles ONG (voir le tableau en annexe). Ainsi, lesONG spécialisées dans les TIC ont ellesbeaucoup contribué à former les ONG dedéveloppement, les organisations de base, lesélus et techniciens des collectivités locales, lesfemmes entrepreneurs, etc. et parfois lespopulations. Elles s’adressent cependantmajoritairement aux catégories « éduquées »de la population (élèves, étudiants, enseignants, fonctionnaires, cadres des ONG.,entrepreneurs, etc.).

Un rôle d’opérateur ou d’accompagnateur

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des politiques sectorielles définies par l'État oules programmes financés par les bailleurs defonds, en matière de e Santé, e Éducation, eAdministration, etc. Il faut noter que dans cedernier cas, peu de place a été accordée par lesONG à la réflexion critique et stratégique carelles doivent souvent s’intégrer dans descadres prédéfinis à la définition desquels ellesn’ont pas été associées.

Un rôle dans la lutte contre la fracturenumérique, qui souvent ne va guère au delà dudiscours ou alors se présente sous la formed'un rôle biaisé. En effet, cette lutte seconcentre plus sur la lutte contre la fractureséparant les élites du Nord et celles du Sud quesur la fracture numérique existant au sein dessociétés du Sud. Malgré quelques initiativespionnières, peu d’attention, peu definancements, peu de réalisations concrètes,peu de résultats, in fine, au delà de nombreuses déclarations d’intention, sont à mettreau crédit des ONG militant pour la diffusion desTIC auprès des exclus, des handicapés, desjeunes de la rue, des bidonvillois, etc.

3. Des déclinaisons et des modes d’influencespécifiques selon les pays

Au Mali, les ONG ont été officiellementintégrées dans les dispositifs d'élaboration despolitiques et de régulation du secteur des TIC.Tous les acteurs sont invités à s’inscrire dansl’esprit du Cadre stratégique de croissance etde réduction de la pauvreté (CSCRP) et de ladécentralisation pour mener leurs interventions. Les ONG, en particulier, identifiéescomme une composante principale de l’actiongouvernementale, sont invitées par le gouvernement et par les bailleurs, à inscrire leuraction dans le CSPR. Ainsi, la vision TIC du Malia été dégagée lors d'un atelier de validation dela politique nationale et du Plan stratégique TICdu Mali, qui a enregistré la présence de plus de200 participants représentant tous les acteursnationaux : secteur public, secteur privé,société civile, ONG, partenaires techniques etfinanciers et organisations internationales.L’élaboration des « politiques TIC sectorielles »est souvent participative et implique desreprésentants de tous les acteurs : fonctionnaires, agents du secteur privé et membres de

la société civile (ONG et associations TIC).

Contrairement à la situation qui prévaut auMali, les ONG et organisations de la sociétécivile sénégalaises ne sont pas officiellementassociées à l’élaboration des politiquespubliques. Cependant, elles influent sur cesdernières par des voies détournées, notamment par le biais de l’expertise. En effet, legouvernement et les pouvoirs publics fontsystématiquement appel à des consultantsexternes pour définir leurs politiques et ceux cisont, pour l’essentiel, les responsables desprincipales ONG spécialisées dans les TIC auSénégal. Par ce biais, elles disposent donc devoies et moyens pour influer sur les politiqueset ceci à différents niveaux. Ainsi, lesrédacteurs de la lettre de politique sectorielleTIC élaborée en 2005 ont été fortementinfluencés par les conclusions d’un séminaireorganisé auparavant par OSIRIS.

Par contre au Bénin les ONG comme lesassociations de la société ne sont guèreassociés à la formulation des stratégies etpolitiques nationales en matière de TIC.

4. Une collaboration difficile entre ONGspécialisées dans les TIC et ONG de développement

Autant les rapports avec l'État semblentrelativement bien huilés, autant les relationsentre les ONG spécialisées dans le domaine desTIC et les ONG de développement sont souventdifficiles. Cela s’explique notamment par le faitque les problématiques liées aux TIC ont étéintégrées beaucoup plus tard, et pas avec lamême force, dans les politiques nationales etinternationales, que les problématiques liéesau développement dans un contexte marquépar l’importance particulière accordée à lalutte contre la pauvreté et à la décentralisationdepuis les années 1990. Les ONG, par conviction, ou par nécessité (accès aux financements)se sont donc consacrées en priorité audéveloppement, dans le sens classique duterme, en excluant ainsi les opportunités offertes par les TIC en la matière. Rares sont lesONG de développement qui se sont spécialisées sur la question des TIC et tout aussi raressont les ONG spécialisées dans les TIC qui ont

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établi un pont avec les ONG travaillant sur lesquestions « classiques » de développement.

5. Des approches du développement sensiblement différentes

Le référentiel, la culture, les comportements,les partenaires et les pratiques des ONGtravaillant sur les questions « classiques » dedéveloppement et celles spécialisées dans ledomaine des TIC semblent à certains égard fortdivergents :

Priorité à la « modernisation », et parfoismythification de la modernisation et de sesaspects techniques pour les ONG spécialiséesdans les TIC mais aussi priorité accordée à unevision à plus long terme et à connotationfortement techniciste dans laquelle la partbelle est faite à la possibilité d’un « sauttechnologique » qui serait lui même porteurd’un saut développementaliste. On note également une vision plus élitiste, car ces ONGs’adressent à un public plus restreint car tout lemonde n’a pas une vision claire despotentialités de l’internet et a fortiori du web2.0, alors qu’il est plus aisé d’avoir uneperception claire de ce que peut apporter uneborne fontaine, un microcrédit, ou unassainissement amélioré.

Priorité au développement social, à laréponse d’urgence, à la satisfaction des besoinsimmédiats et essentiels et parfois surévaluation de la participation et des aspects sociaux pour les ONG de développement. A contrario, ces ONG s'impliquent peu dans les questions de stratégies à l'échelle mondiale, continentale, régionale, nationale voire locale,prisonnières qu'elles sont d'une vision quidonne souvent la priorité au travail concret surle terrain au détriment de la réflexion perçuecomme une démarche trop théorique.

6. Un rôle central accordé à la formation des« lettrés »

Au Mali, les formations TIC dispensées par lesONG s’adressent pour l’essentiel aux « lettrés »et aux catégories jouissant déjà d’un bonniveau de formation : cadres, étudiants, élèves,femmes entrepreneurs, etc. Ainsi, ISOC Mali

organise des formations à l’administration desréseaux sous Linux ; Enet se consacre à laformation en milieu éducatif (universités,grandes écoles, lycées publics, quelques raresécoles fondamentales) ; Youth and ICT Maliorganise des formations TIC destinées auxétablissements scolaires ; ADEVIM s’intéresseà la formation des jeunes scolarisés, des jeunesdiplômés ou des chercheurs d’emplois ; KeneyaBlown est spécialisé dans la formation dupersonnel médical et COFEM monte desformations TIC pour les femmes entrepreneurs.Rares sont les ONG qui s’adressent aux exclus,aux pauvres ou aux illettrés, à l’exceptiond’AFPTIC, qui développe des initiations à l’informatique pour les jeunes filles et jeunesfemmes laissées pour compte. Par contre auSénégal, les enquêtes ont montré que lespratiques étaient plus équilibrées entre lesONG simplement utilisatrices des TIC et lesONG développant une réflexion stratégique surles TIC et une volonté de conseiller ou d’influersur les politiques publiques.

7. Une intervention expérimentale tousazimuts qui peine à généraliser ses solutions

Les ONG sénégalaises ont été parmi lespremières à utiliser l’Internet et à fournir desaccès (Enda TM) et l’on peut dire sans exagérerqu’aux prémices de la société sénégalaise del’information se trouve la société civile. Bienau delà d’un travail de « sensibilisation » auxpotentialités de l’internet (Fête de l’Internet,formations ISOC, etc.) de l’opinion publique engénéral et des jeunes en particulier, les ONGbasées au Sénégal ont :

Développé de nombreuses expérimentations visant à favoriser l’accès desgroupes frappés par l’e exclusion (Famafrique, Cyberpop, Connexion sans frontières, etc.) ;

Joué un rôle central dans la formation desacteurs du développement local, qu’ilssoient communautaires avec les associations de développement, publics avec lescollectivités locales ou privés avec lesstructures de micro crédit dans le cadredes initiatives prises par le CRESP, PlanetFinance et d’autres ;

Promu l’usage des logiciels libres et de

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sources ouvertes (ISOC Sénégal) ;

Fait du plaidoyer pour mettre les TIC auservice de la démocratie, de la participation citoyenne et de la liberté desmédias (IPAO) ;

Mis en œuvre d’activités d’observations,de plaidoyer et d’influence sur lespolitiques TIC tant au niveau nationalqu’international (Enda Tiers monde, OSIRISet ISOC Sénégal)

Cependant, si certaines ONG, et toutparticulièrement les ONG internationalesbasées au Sénégal, disposent de moyenssuffisants et de ressources humaines compétentes pour mener à bien une politiqued’appropriation des TIC pour le développement, voire exercer une influence sur lespolitiques publiques, ce n’est pas le cas de lamajorité des ONG de développement sénégalaises qui restent encore fort dépourvues enéquipements, en moyens financiers et enressources humaines spécialisées. Ceci est sansconteste un point faible car en définitive cesont des ONG travaillant sur le développement,le genre, le micro crédit, la formation ou lalutte contre l’exclusion que dépend avant toutque les TIC soient appropriées par des groupesélargis de personnes au service de leur projetquotidien participant ainsi à la mise en placed’une société de l’information inclusive etdémocratique.

8. Les limites d’un système

8.1. Un déphasage important entre le discourset la mise en œuvreD'une manière générale, les discours gouvernementaux, portés en particulier par les plushautes autorités de l'État, sont sans communemesure avec la réalité des projets mis enœuvre. Ainsi, le développement des usages desTIC par l’administration sénégalaise n’est pas àl’aune des objectifs annoncés, et ceci estparticulièrement évident lorsque l’on s’intéresse aux services décentralisés de l'État dansles régions ainsi qu'aux collectivités locales. Demême au Mali, le projet de connexion des 703communes à l'Internet n'a guère débouché surdes actions concrètes et est resté un slogan.Cela étant, on peut se demander s’il n’en estpas de même pour les ONG et si leur discours

en matière de lutte contre la fracture numérique, d’e inclusion, etc. n’a pas pour objectifprincipal de se positionner sur le marché del’aide publique au développement (APD) et surcelui des financements des ONG du Nord. Il estd’ailleurs significatif de constater que le tauxde mortalité des projets TIC menés par les ONGest très élevé et que celles ci sont trèsréticentes à s’engager dans de véritablesexercices d’évaluation critique.

Enfin, force est de constater que les chercheursne sont pas non plus épargnés par une certaineemphase quand il est question de la Société del’information. Souvent les discours pro domoet une certaine fascination pour les TIC remplacent l'analyse critique des implications de ladiffusion des TIC dans la société que l'on est endroit d'attendre de ces derniers.

8.2. Une pratique parfois élitiste et relevantplus du marketing que du développementLes ONG spécialisées dans les TIC s’inscriventtrès souvent dans des dynamiques internationales en organisant des activités telles la« Fête de l’internet », les labels, etc. qui sontquelque peu élitistes dans le sens où elless’adressent à un public déjà initié, enparticulier celui des élèves et des étudiants.Rares sont celles qui ont décidé de diffuserl’usage des TIC auprès de groupes d'exclus.Quant aux ONG de développement, dans lepire des cas, elles ignorent totalement les TIC,au mieux, elles les utilisent comme outil demarketing de leurs organisations sur le marchéde l’aide internationale. Encore trop peupratiquent une véritable recherche–action surla démocratisation de l’usage des TIC et uneréflexion prospective sur le modèle de« Société de l’information » à construire. Defait, leur référentiel est différent et estdavantage celui de la lutte contre la pauvretéou le développement durable, faisant duréférentiel « Société de l’information » unréférentiel secondaire et vu de manièrerestrictive, voire opportuniste.

8.3. Peu de place pour l’évaluation etl'influence sur les politiques publiquesA quelques notables exceptions près, onconstate que les ONG tiennent trop souvent undiscours stéréotypé et incantatoire sur les TIC

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qui se contente de reprendre les poncifs dumoment véhiculés par les organisations internationales. Elles semblent, au regard desenquêtes réalisées, accorder peu de place à laréflexion stratégique sur les TIC et la « Sociétéde l’information », à l’évaluation critique despolitiques publiques de même qu’à celle deleurs propres actions, ainsi qu’à l’influence surles politiques. La plupart d’entre elles sesituent d’avantage dans une dynamique depromotion et de marketing des TIC visant à« vendre » le produit TIC et par la mêmeoccasion « se vendre » comme experts ouprestataires de service en la matière.

Si des initiatives ou des expérimentations trèsintéressantes ont été lancées par les ONG,telles les actions du CRESP ou de Cyberpoppour n’en citer que quelques unes, peud’évaluations critiques et encore moinsd’autocritiques sont disponibles. Et pourtantces évaluations sont essentielles pour s’attelerà une réflexion approfondie et dépasser ainsiles simples contingences du moment.Malheureusement, une place insuffisante estgénéralement réservée par les ONG œuvrantdans le domaine des TIC à la réflexionstratégique et bien peu tente d’avoir uneinfluence sur les politiques. La plupart d’entreelles semble se contenter d’exécuter despolitiques et des programmes conçus endehors d’elles par les gouvernements, lesbailleurs de fonds internationaux publics (dansle cadre de la coopération bilatérale etmultilatérale) comme alternatifs (dans le cadredes projets financés par les ONGinternationales), plus qu’elles ne développentune réflexion stratégique qui leur soit propreet qui puisse servir de socle pour influer sur lespolitiques publiques. Quelques exceptionsexistent cependant, qui vont à contrecourantdu modèle dominant, tel le travail réalisé parOSIRIS, dont la vocation essentielle estl’analyse des politiques et la prise de positionspubliques afin de tenter de les influencer dansle sens de l’intérêt général et de faire en sortequ’elles soient plus inclusives et plusdémocratiques dans la manière dont elles sontélaborées, mises en œuvre, suivies et évaluées.On peut également citer le travail fait par ISOCSénégal et d’autres associations en faveur de lapromotion des logiciels libres ou encore celui

réalisé par Famafrique pour lutter contre lafracture numérique de genre.

Conclusion

Malgré les faiblesses qui sont les leurs, les ONGsont amenées à jouer un rôle important dans laconstruction de sociétés africaines de l’information plus démocratiques, plus durables etplus solidaires. Cependant, elles ne pourront lefaire sans établir un dialogue critique sur lespolitiques publiques avec les États et lesinstitutions d’aide au développement, ni sansdévelopper des alliances élargies avec lescollectivités locales de leurs pays respectifs.Cette articulation est essentielle et d’ailleurs iln’est pas surprenant de constater que lors desRencontres de Bamako, consacrées au rôle desONG dans la localisation de la Société del’information, les représentants des collectivités locales aient participé aussi massivement et activement aux débats. Ces deux typesd’acteurs, ONG et collectivités locales, sont enfait objectivement indissociables s’ils veulentêtre en mesure d'influer sur les politiquespubliques et construire localement la sociétéde l’information. C’est dans ce sens qu’il a étédécidé de s'intéresser au rôle des collectivitéslocales dans l’appropriation et l’usage des TICpour le développement local dans le cadre des3èmes Rencontres d’eAtlas F.A.O., qui se sonttenues en octobre 2011 à Cotonou (Bénin).

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Naguère, les politiques d’aménagement duterritoire qui déterminent les grandesorientations en matière de développementétaient principalement axées autour defacteurs tels que les infrastructures routières,ferroviaires, portuaires, aéroportuaires etindustrielles. Mais, le monde est en perpétuelle évolution ; de sorte que les voies etpratiques du développement connaissent aussides mutations. Celles ci sont généralementfonction des stratégies mises en œuvre, cesdernières étant elles mêmes parfois liées auxtechnologies en vigueur. Aujourd’hui, l’accèsaux TIC constitue l’une des conditionsnécessaires de l’attractivité et de la compétitivité des territoires. L’aménagement classiquedu territoire qui reposait sur des facteursmatériels s’accompagne désormais d’un aménagement fondé sur les facteurs technonumériques. En Occident et dans les paysémergents, on se rend compte de cettemétamorphose à travers les projets dedéveloppement, les investissements et lesactivités socioéconomiques. En revanche, enAfrique où on ignore encore ces exigencesnouvelles du développement, on est bien loinde ces évolutions qui semblent pourtant être larésultante d’un déterminisme techno numérique.

Conçu dans une logique d’analyse évolutive,cet article comporte trois parties dynamiques.La première partie décrit ce que l’étudeconsidère comme le passage de l’aménagement classique (ou matériel) du territoirevers l’aménagement numérique du territoire.

La deuxième partie montre que l’Afrique estencore largement en marge de ce processus,tout en fournissant les raisons de cettemarginalité. Enfin, la troisième partie tente dedémontrer l’existence d’un déterminismenumérique du développement pour justifier lesenjeux et l’intérêt supposés de l’aménagementnumérique des territoires.

I. De l’aménagement matériel du territoireà l’aménagement numérique du territoire

Autrefois, les politiques d’aménagement duterritoire reposaient principalement sur lesinfrastructures matérielles. Aujourd’hui latendance est de conduire ces processus par lesinfrastructures immatérielles fondées sur lenumérique.

1. Autrefois, un aménagement essentiellement matériel des territoires

Dans la poursuite de leurs objectifs dedéveloppement, les pouvoirs publics disposenten théorie de divers moyens dont ils usentsuivant les cas ou les périodes. Partout dans lemonde, les infrastructures physiques decommunication (routes, rails, voies d’eau, airs),les industries, etc. ont souvent été les moyensprivilégiés à cet effet. En Afrique, jusqu’ici, lespolitiques d’aménagement du territoire,imitant partiellement celles des colonisateurs,ont principalement reposé sur les infrastructures routières (quoique ce choix n’ait paspartout permis de développer significativement ce secteur). En cela, elles se conformaient aussi, probablement, à l’idée trèsrépandue selon laquelle la route précède ledéveloppement. Parfois l’on a recouru auxprojets agro industriels78. Ceux ci ont enre

78 Dans cette optique, en Côte d’Ivoire, la décennie

L’aménagement numérique des territoires :

Une exigence nouvelle du développement encore ignorée en Afrique

Alain François LoukouEnseignant –chercheur à l’Université de Bouaké

[email protected]

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gistré à leurs débuts des résultats probants quiont par la suite été sérieusement compromispar la mauvaise gouvernance et la gabegie.

Les infrastructures de télécommunications ontrarement été sollicitées comme facteursdécisifs d’aménagement du territoire enAfrique. Il faut bien admettre qu’intrinsèquement ces instruments ne semblaient pas trèsappropriés à ce genre d’actions. Mais l’avènement d’une économie et d’une sociétélargement fondées sur la consommation élevéed’information dans tous les domaines d’activités a littéralement bouleversé les schémastraditionnels. Ce bouleversement a conduit lesTIC à jouer désormais un rôle significatif dansles politiques nationales d’aménagement duterritoire ou de développement local, d’où laquestion d’aménagement numérique que nousallons analyser à présent.

2. Vers un aménagement numérique desterritoires aujourd’hui

Le concept d’aménagement numérique duterritoire, forgé par analogie à aménagementdu territoire, correspond au rapprochement dedeux notions : d’une part celle d' « aménagement du territoire » (disons aménagementmatériel ou classique du territoire), et d’autrepart celle de numérique.

L'aménagement numérique d’un territoire sedéfinit dès lors comme étant le processus parlequel les acteurs publics améliorent lesconditions d'accès des populations, desentreprises et autres structures de ce territoireaux ressources de la société de l'information envue de favoriser son développement.Qualifiant généralement la galaxie des technologies servant à produire, traiter, diffuser etconsommer l’information sous une formenumérique, l’épithète «numérique» vientpréciser le type d’aménagement dont il s’agitpour le territoire considéré. En clair, il spécifie

1970 a vu essaimer une multitude de sociétés agroindustrielles à vocation de développement. On lesavait baptisées les « SoDé», pour Sociétés deDéveloppement. Réparties aux quatre coins dupays, ces structures visaient aussi à l’aménagementdu territoire national.

le mode par lequel l’on met en œuvre cetaménagement. En effet l’aménagement duterritoire, généralement compris comme uneaction des pouvoirs publics visant au développement du territoire a, par le passé, reposé surles moyens tels que la route, le rail, lesinfrastructures industrielles, etc. Aussi, l’onaurait il pu dire l’aménagement routier, ferroviaire, industriel, etc. du territoire pourpréciser le moyen sollicité. On peut alors direque l’aménagement numérique du territoireest la traduction spatiale de la combinaison desrapports entre la politique traditionnelled’aménagement du territoire et l’applicationdes TIC aux problématiques nouvelles de développement territorial.

Le but de l’aménagement numérique est delimiter les déséquilibres (les fractures) entre lesterritoires sur le plan de leur accessibilité auxTIC et de favoriser leur compétitivité dans lamondialisation et la société de l'information etde la connaissance. Il s'agit donc, pour lacollectivité en charge d'un territoire donné deviser les objectifs suivants:

Éviter ou réduire la fracture numériqueentre celui ci et les autres à un momentoù les activités s’organisent autour de laconsommation intensive d’information.

Renforcer son attractivité économiquepar la disponibilité d'une offre suffisanteet de qualité de réseaux et services TIC.

Conforter la compétitivité de sesentreprises qui peuvent s’appuyer sur cesréseaux et services.

Favoriser les activités des populations etleur désenclavement par l'accès aisé auxdifférents services en ligne (commerceélectronique, administration électronique,etc.).

À un niveau national, il s'agit :

De faire en sorte que chaque territoiredispose de l'offre la mieux adaptée, enfonction des enjeux de ce territoire et desmoyens mobilisables. Cela revient às'assurer qu'il n'y ait pas de laissés pourcompte des TIC, sans pour autant rechercher une stricte égalité de tous les

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citoyens et les territoires sur le plan desoffres disponibles. Il est évident qu’unetelle égalité n’est pas strictementréalisable, une sorte de discriminationexistant de facto entre les territoires enfonction de leurs acquis naturels ou del’intérêt géopolitique qu’ils présentent.

D'accompagner les territoires les plusnantis, en termes de population etd'activités économiques, vers des offresleur permettant d’être compétitifs sur lascène internationale. Cela correspond enparticulier au développement du hautdébit pour lequel les pays africainsaccusent un énorme retard, et se traduitpar le déploiement de réseaux de communications électroniques très performantssur le territoire ; par le développementd'une offre de services répondant auxbesoins des entreprises et des populationsdu territoire considéré ; par l'accompagnement de la population dans l'appropriation des outils.

Par l'aménagement numérique, les pouvoirspublics, responsables de l'aménagement desterritoires sur lesquels ils sont compétents,peuvent dépasser les stratégies des opérateursde télécommunications et résorber les fractures numériques territoriales engendrées par lesdéploiements souvent intéressés de cesderniers.

II. L’aménagement numérique desterritoires : une exigence encore ignoréeen Afrique

Alors que les planificateurs, stratèges etdécideurs du développement en Afrique ontdepuis longtemps perçu l’importance de laroute, du rail, de l’industrie, etc. dans l’aménagement des territoires, ils peinent encore àpercevoir celle des TIC dans le mêmeprocessus. Pourtant à l’analyse, les TIC, enraison des nombreux avantages qu’elles possèdent, constituent des moyens éminemmentutiles pour l’aménagement des territoires.

1. Les caractéristiques intrinsèques des TIC nemilitent pas, a priori, aisément en leur faveur

De par leurs caractéristiques intrinsèques, lesTIC ne se prêtent pas aisément à des mesuresde rendement et donc pas à des analyses decorrélation directe avec le développement,contrairement à d’autres secteurs d’activités.On parvient, par exemples, à obtenir desrésultats concrets de l'utilisation des engraissur le rendement agricole ; des dépenses desanté sur l'espérance de vie ; des retombéessociales et économiques des investissementsconsentis dans le secteur de l'éducation. Demême, l’on parvient à percevoir les retombéesd’investissements d’une route, d’un chemin defer ou d’une industrie quelconque dans unerégion donnée. Dans le cas de ces derniersexemples, l’amélioration de l’accessibilité de larégion lève les obstacles de marginalisation siceux ci existaient au préalable. D’autre part,elle engendre généralement un surcroîtd’intérêt économique aux yeux des populations et des opérateurs économiques. Quandl’aménagement du territoire est conduit parune infrastructure industrielle ou agro industrielle, elle est généralement source decréation directe d’emplois et de richesses. Unescierie, une savonnerie, une usine de canne àsucre, etc. illustrent bien cette observation.

À l’inverse de ces différents exemples, il estmoins aisé d’appréhender l’incidence directede la radio, de la télévision, du téléphone ou del’Internet dans notre vie quotidienne quoiquenous ayons de plus en plus de mal à nouspasser de ces moyens. Ce paradoxe relève sansdoute de l’ubiquité même de ces outils. Ils sonttellement omniprésents dans notre quotidienque nous finissons par ne plus percevoir leurimportance.

Évidemment, le fait que les TIC ne soient pastrès appropriées à des calculs de rendementdirect ne signifie pas pour autant qu’ellessoient sans incidence sur le développement.Bien au contraire, elles présentent de nombreux avantages. D’une part, leurs effets surcelui ci se manifestent généralement de façonbeaucoup plus indirecte. D’autre part, lesmodèles actuels en matière de développementnous éclairent de mieux en mieux sur la façon

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de concilier TIC et développement à travers lerôle joué par l’information dans l’économie etla société.

Cela dit, une façon pragmatique d’évaluer lerôle réel des TIC dans le développement consiste simplement à imaginer la conséquence deleur absence dans les circonstances et lesmultiples activités où nous avons la nécessitéet l’habitude de les solliciter.

2. L’aménagement numérique du territoire :une exigence aux nombreux avantages

Les avantages de l’aménagement numériquepeuvent s’analyser à trois niveaux : au niveaude l’État et des collectivités territoriales, auniveau des entreprises et au niveau desparticuliers.

2.1. Avantages pour l’État et les collectivitéslocalesLa recherche de performance et d’efficacité estune préoccupation constante pour les servicesadministratifs soucieux de mieux servir lescitoyens. Dans cette perspective, l’administration électronique à laquelle rêvent bien desgouvernants africains apparaît comme unesolution idéale. L’administration électroniqueconsiste en l’utilisation des TIC par lesadministrations dans le but de rendre lesservices publics plus accessibles à leurs usagerset d’en améliorer le fonctionnement. Elle passenécessairement par l’aménagement numérique des territoires qui est un moyen de réduirela fracture numérique qui constitue un frein àla mise en œuvre d’une telle application.

Ainsi, à travers les TIC, l’administrationélectronique permet aux États et aux collectivités territoriales qui optent pour ce moded’administration d’améliorer leurs performances et donc de mieux servir leurs citoyens grâceaux avantages suivants :

La communication et le partage del’information entre les directions centrales etles services déconcentrés ou décentralisés.

La circulation plus rapide de l’informationsous forme numérique.

La dématérialisation de certaines procéduresadministratives dites télé procédures vial’Internet ou des réseaux dédiés.

L’accessibilité des citoyens à l’informationpublique grâce à des sites Internet.

etc.

Au total, la flexibilité dans l’exécution destâches, les opportunités nouvelles et surtout legain précieux de temps et de productivitéqu’engendre la télématisation sont desfacteurs importants de la construction dudéveloppement, même s’ils sont difficilementcomptables. Malheureusement ces dimensionscapitales du développement sont ignoréesdans les sociétés africaines où l’on considèregénéralement, avec un certain humour,qu’après tout, la lenteur est une vitessecomme toute autre.

2.2. Avantages pour les entreprisesL’échange de flux d’information est le moteurde la globalisation qui régit les rapportséconomiques, commerciaux et sociaux modernes. Toute entreprise qui s’écarterait longtemps de ce système mondial de circulationdes flux d’information serait à terme vouée àune marginalisation à travers les blocages et lasclérose de ses relations économiques etcommerciales qui en résulteraient inévitablement. Par ailleurs, les échanges modernes sontdésormais fondés sur les paramètres de tempsréel, de concurrence basée sur le temps, etc.Or les TIC offrent aux entreprises un gain derapidité, de performance et de flexibilité sanségal à travers la modification du système demanagement et de fonctionnement des activités. En permettant la mise en place de platesformes de télématique, l’aménagement numérique du territoire vient au service des entreprises qui peuvent dès lors disposer partoutdes outils nécessaires à l’exercice efficace deleurs activités.

2.3. Avantages pour les particuliersLes TIC rendent possible un accès plus facile etmoins coûteux aux données à un moment où lasociété et l’économie s’organisent résolumentautour de la consommation de flux immatériels. On peut se rendre compte de cetteévolution à travers l’engouement suscitéautour de l’utilisation de la téléphonie mobile

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cellulaire et de l’Internet par de très nombreuses couches sociales à des fins variées.

Le téléphone cellulaire est pratiquementdevenu en Afrique une sorte d’objet fétichedont les détenteurs ont du mal à se passer oùqu’ils soient. Il faut bien admettre que cet outilde communication s’adapte parfaitement auxmodes de vie des sociétés africaines oùprédomine l’oralité, et où la communicationest omniprésente en toutes circonstances.

L’Internet permet une multitude d’applicationspratiques de façon très rapide et surtout à destarifs plus bas que ne le permet aucun autremoyen de communication: e mails avecéventuellement ajout de fichiers divers (textes,photos, vidéos) ; voix sur IP ; recherched’informations de toutes sortes. Pour desapplications plus prosaïques telles que leréseautage social ou la recherche de l’âmesœur, l’Internet est devenu l’espace idéal desrencontres virtuelles dont quelques unes sesoldent parfois par des rencontres réelles plusou moins heureuses.

Bien entendu, au delà de ces quelquesexemples, les enjeux de développement liésaux TIC s’étendent à divers autres domaines del’activité humaine (commerce, santé publique,agriculture, etc.). Le défi aujourd’hui pour lesadministrations, entreprises, organisations etparticuliers est de pouvoir intégrer dynamiquement les TIC dans leurs activités respectives. Ce défi ne peut être relevé que si lesterritoires sont suffisamment équipés entechnologies numériques qui semblent de plusen plus déterminer nos comportements et nosactivités.

III. Le déterminisme numérique dudéveloppement et la nécessité d’aménager numériquement les territoires enAfrique

Les mutations en cours dans le fonctionnementde la société et l’économie ainsi que lesexigences nouvelles du développement semblent être la résultante d’un déterminismetechno numérique qui commande un nouveau

modèle d’aménagement des territoires.

1. Le déterminisme numérique du développement

Le 21ème siècle est résolument le siècle dunumérique: utilisation outrancière de l’ordinateur et du téléphone cellulaire dans la plupartdes activités, passage de l’analogique aunumérique dans beaucoup d’applications(supports musicaux, transmission de signaux,diffusion de programmes radio et télé, etc.).Bref, le numérique est omniprésent dans notrevie moderne. Qu’on l’admette ou pas, lesindividus, les organisations et leurs activitéssont dans un certain sens déterminés par leparadigme numérique ambiant. Les implications de ce déterminisme sont diverses.

Au niveau économique l’on note la modification du management des activités, la création de nouveaux types d’activités. Au niveausocial, l’apparition du web social offrant denombreux services dits de réseautage en ligne.Au niveau de l’organisation territoriale, l’observation et l’analyse montrent que la localisationde la plupart des entreprises et des individusne se fait pas de façon aléatoire. Autrementdit, il apparaît que les entreprises et lespopulations ne s’installent pas au hasard en unlieu donné. Leur implantation est plus oumoins influencée par les infrastructures disponibles ou potentielles de leur lieu d’accueil. Sijadis la route, le rail, etc. ont conditionné lalocalisation des entreprises et des individus, deplus en plus aujourd’hui, ce sont les TIC quiprennent le relais. Un niveau de déterminisme79 techno numérique entre donc désormais en ligne de compte dans les localisations.De nos jours, exclusion faite de l’eau courante,de l’électricité, des moyens de transport, del’environnement juridique des affaires, du coûtde la main d’œuvre, l’existence ou l’absence 79 Ce déterminisme technologique est contesté parcertains auteurs ; mais avec une argumentationparadoxale. En effet, alors que ceux ci affirmentqu’un territoire bien équipé en TIC n’attire pasnécessairement des entreprises, ils reconnaissenten même temps que sans les TIC aujourd’hui, cesterritoires courent à terme le risque d’unedépréciation économique et d’une marginalisation.

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de réseaux performants et de services fiablesde TIC sont les nouveaux facteurs quimotiveront ou décourageront des entreprisesou des particuliers à s’implanter durablementdans une ville, une région ou un pays donnés.Ainsi, la localisation des entreprises et despopulations, principalement dans les zonesfragiles (du fait des guerres civiles par exemple)ou marginalisées par le déshéritement naturel,l’éloignement géographique ou le jeu politique,passera impérativement par un nouveau typede désenclavement et par la capacité de cesrégions à proposer un environnement moderne et attractif. Ces deux facteurs sont fondéssur la circulation rapide des données organisées à partir des réseaux et services de TIC. Onparle alors d’aménagement numérique desterritoires pour souligner l’importance des TICdans les nouvelles stratégies de stimulation oude rééquilibrage du développement à travers lacorrection des disparités économiques, sociales et spatiales. En effet, en influençantl’organisation et la dynamique des territoires,et de ce fait la localisation des activités et despopulations, les TIC sont devenues une nécessité sociale, un atout économique et un enjeude planification stratégique du développementen ce XXIème siècle. Il est impensable aujourd’hui de vouloir dynamiser une région sansadjoindre des infrastructures suffisantes de TIC(Goussot, 1998, p. 51). Au train où évoluentl’économie et la société, on peut raisonnablement avancer que dans un avenir proche, ledéveloppement rapide ou lent d’une région,d’un pays sera fonction du degré de développement de leurs réseaux et services de TIC.

Pour les administrations, les entreprises etautres structures vastes, complexes et souventdisparates, tant au niveau de la localisation quedes modes de travail, le principal enjeu estcelui d’une meilleure intégration à tout pointde vue. Ce souci indispensable d’intégrationconduit nécessairement à repenser l’ensembledes modes d’organisation en vue de gagner entemps, en performance, en compétitivité, enéconomie d’échelle, en simplification desactions et procédures. Les TIC apportent aujourd’hui des réponses très satisfaisantes à cetidéal de gestion qui est une des nombreusesdimensions du développement des territoires.Par ailleurs, si l’on veut que les enfants issus de

la génération Internet acceptent demain d’allerservir de bon gré dans n’importe quelle villed’un pays, il convient de songer à doter ceslocalités d’équipements et services TIC pour lesy inciter fortement. Autrement, nous faisons lepari que beaucoup de futurs fonctionnaires etagents économiques issus de cette générationnumérique, appelée du reste à se développerdavantage, préfèreront servir dans quelquesgrands centres urbains bien dotés en infrastructures et services TIC au détriment deslocalités peu ou pas équipées qu’ils considèreront plutôt comme des lieux de calvaire.

Malgré l’absence d’investigations empiriques, ilapparaît que l’attractivité, la compétitivité et laperformance globale des territoires sontdésormais, pour partie, conditionnées par leurniveau d’équipements en réseaux et servicesTIC.

2. Proposition d’actions à mener par lespouvoirs publics en vue d’un aménagementnumérique des territoires

L’usage des TIC étant une pratique relativement récente en Afrique, la plupart desdécideurs africains n’ont pas toujours uneperception claire de l’importance de ces outils.Cette situation explique en partie l’inertieconstatée dans les politiques de développement des TIC. Sur la base de notre expériencepersonnelle de chercheur dans le domaine desTIC au service du développement, combinéeaux expériences de tiers, nous proposons, àl’adresse des dirigeants africains, la séried’actions opérationnelles qui suivent. Celles cisont formulées comme la réponse à unepréoccupation d’ordre pratique portée par lecontexte.

Relais administratifs de l’État dans les territoires, les collectivités locales ont de touteévidence un rôle majeur à jouer dans ladiffusion et même la construction deséquipements de TIC. Les actions à mener parles collectivités territoriales, avec l'appuiéventuel de l'Etat, sont de plusieurs ordres etdépendent du contexte particulier de chaqueterritoire. Ces actions tiennent compte dedivers facteurs : le niveau initial d'équipementsexistants ; la présence ou non d’opérateurs

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privés ; le niveau de concurrence entre lesopérateurs ; les offres disponibles ; les besoinsde la population et des entreprises duterritoire ; les moyens financiers dont disposent les collectivités; etc.

Une première action des pouvoirs publics peutconsister en la coordination des différentsacteurs (opérateurs de réseaux, collectivités,États, entreprises, etc.) afin que les initiativesconvergent de manière optimale (techniquement et économiquement). Ceci constituele meilleur compromis entre les intérêts desdifférents acteurs. On retrouve ici un des rôlestraditionnels dévolus aux acteurs publics dansl'aménagement du territoire.

La construction ex nihilo de réseaux decommunications électroniques constitue levolet le plus onéreux des dépenses d’investissement TIC, surtout dans le contexte despays à faibles moyens comme ceux d’Afrique.Une autre action peut donc être lamutualisation des infrastructures pourminimiser le coût des investissements paropérateur d’autant que certains opérateursrechignent, pour des raisons de rentabilitééconomique, à investir dans les régions peupeuplées ou trop pauvres.

De manière générale, les acteurs publics n'ontpas vocation à se substituer aux opérateurs etfournisseurs de services privés. Leur rôle estdavantage celui de facilitateurs des initiativesprivées. Toutefois quand cela est nécessaire,comme c’est le cas des TIC, ils peuvent s’érigeroccasionnellement en opérateurs. Ainsi, pourvu que la loi l’y autorise et qu’elle en ait lesmoyens, une collectivité peut mettre àdisposition de plusieurs opérateurs, sous formelocative, des infrastructures d'accueil (fourreaux, pylônes, locaux techniques, etc.) qu'elleaura elle même construites. Une telle actionviserait à diminuer le coût de déploiement deséquipements d'un opérateur privé sur unterritoire (car celui ci n'aura pas à construireen totalité ses propres infrastructures). Ceciaurait pour effet de favoriser l'apparitiond'offres de services économiquement plusattractives pour les populations et lesentreprises, et répondant à leurs besoinsspécifiques.

Dans les zones très défavorisées, la dotationdes administrés en équipements d’accèspartagé en vue d’éviter qu’ils soient trop enrupture avec la société de l’information devraitêtre l’une des préoccupations des élus. Lesexpériences de certains pays montrent quec’est par un niveau accru d’appropriation desTIC par une grande partie de la population etdans tous les territoires du pays que ces outilsarrivent à contribuer pleinement au développement humain. La construction de hallsinformatiques municipaux ou de télécentrescommunautaires participerait d’une telleaction.

L’accompagnement des populations locales,voire de certaines entreprises basées sur leursterritoires, dans l'appropriation des outilsconstitue aussi une responsabilité relevant descollectivités.

Enfin, à côté des actions que peuvent entreprendre les collectivités, il y a celles quireviennent de façon régalienne aux États : miseen place d’une gouvernance nationale enmatière de promotion du numérique ; élaboration de schémas directeurs d’aménagementnumérique du territoire ; allocation de ressources financières conséquentes pour lacouverture nationale en réseaux à haut débit ;mesures fortes visant à lutter contre toutes lesformes de fracture numérique, etc.

Les potentialités des TIC quant à la répartitiondes activités et des populations sur lesterritoires ne se réaliseront pas sans un catalyseur volontaire. Si a priori, les opérateurs detélécommunications semblent tout désignéspour devenir ces acteurs, les organismesd’aménagement du territoire et surtout lescollectivités locales auront à assumer un rôlecapital dans une collaboration étroite avec lesopérateurs de réseaux et services. Notammentpour le montage d’opérations pilotes et lagarantie d’un fonctionnement parfait dessystèmes mis en œuvre afin de répondre auxbesoins des entreprises, des administrations etdes populations locales.

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Conclusion

Les Technologies de l’Information et de laCommunication sont devenues l’un desfacteurs clés de l’attractivité et dudéveloppement des territoires. La profondemutation en cours dans le mode de fonctionnement des économies et des sociétéscontemporaines justifie une telle tendance.Hélas ce nouveau paradigme semble encoreignoré en Afrique où la plupart des décideurspolitiques pensent sans doute que les activitéshumaines continuent de fonctionner à l’ancienne. L’ignorance sur les enjeux de développement liés aux TIC ainsi que sur leurscapacités à contribuer à l’aménagement desterritoires explique cette situation. Or, nonseulement les TIC constituent un secteurd’activités à part entière, mais qui plus est,elles jouent un rôle important pour d'autressecteurs d’activités.

L'information, de même que l’équipementnécessaire pour y accéder, la traiter et ladiffuser sous forme numérique, sont devenusdes ressources stratégiques aussi importantesque la terre, le travail et le capital. Aussi, lesTIC jouent elles un triple rôle : en tant queproduits et services faisant l'objet d’échanges,en tant qu’agents favorisant les échangescommerciaux d’autres produits et services eten tant que facteurs d’aménagement desterritoires.

Les évolutions technologiques et structurellesen cours contribuent, pour plusieurs secteursd'activités économiques, à mettre en cause ladomination du modèle de concentrationgéographique et à autoriser une nouvelleforme de déploiement de la force productive(moyens et populations) sur les territoires parl’usage des TIC. Ce redéploiement ne se réalisetoutefois que si certaines conditions sontremplies : une bonne gouvernance locale,certes, mais aussi une capacité technologiquedes territoires à attirer cette force productive.Le premier défi pour les pouvoirs publicsafricains est donc de comprendre les mécanismes nouveaux de la logique territoriale, àsavoir que l’attractivité des territoires, c’est àdire leur capacité à attirer des opérateurs

économiques et des capitaux de façon durableà des fins de développement est désormais enpartie tributaire des TIC. Le second défi, dansun tel contexte, est de mettre en placel'environnement technologique nécessairepour en faciliter l'expression et permettre auxterritoires de produire et de se développer. Cetenvironnement passe par l’aménagementnumérique des territoires. Il s'agit donc deréunir les conditions de la dynamiqueterritoriale porteuse de développement. Pource faire, il faut envisager des diagnosticsterritoriaux80 intégrant pleinement la dimension techno numérique du développement.

80 Un diagnostic territorial présente lesproblématiques et enjeux de développement d’unecollectivité donnée (région, département, ville,quartier, etc.). C’est donc avant tout un recueil dedonnées qualitatives et quantitatives pour établirun jugement. Le jugement devient la base del’action à préparer. En l’occurrence les collectivitésdoivent chercher à souscrire à des plansd’aménagement numérique du territoire. Enpermettant à des territoires enclavés oumarginalisés d’accéder aux TIC, ces aménagementspeuvent contribuer à leur attractivité, à leurdynamisme et à leur développement.

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L’importance des technologies de l’informationet de la communication (TIC) pour ledéveloppement socio économique n’est plus àdémontrer. Les TIC ont fait leurs preuvescomme facteurs incontournables et centrenerveux de l’économie à effet multiplicateurdirect sur l’ensemble des autres secteurs del’activité économique. En effet, les TICcontribuent directement et indirectement àl’accroissement du produit intérieur brut (PIB)et agissent sur l’ensemble des objectifs dedéveloppement du Millénaire. Au Bénin, ilexiste au niveau de tous les secteurs dedéveloppement et de tous les acteursprincipaux économiques des besoins d’échanged’information et de communication liés auxTIC.

La République du Bénin est un petit pays d’unesuperficie de 114.763 km2 qui est situé enAfrique de l'Ouest dans la zone tropicale entrel'équateur et le tropique du Cancer. Bordée auSud par l'Océan Atlantique, la République duBénin est limitée au nord par le fleuve Niger(qui la sépare de la République du Niger), aunord ouest par le Burkina Faso, à l'ouest par leTogo, à l'est par le Nigeria.

Sur la base du plan de l’infrastructure nationalede l’information et de la Communication ettenant compte du fait que l’avènement d’unesociété de l’information au Bénin est tributairenon seulement d’une base infrastructurelle enTIC mais aussi d’un environnement institutionnel et réglementaire propice, la Déclaration de

Politique du Secteur (DPS) des postes, destélécommunications et des TIC a été élaboréepuis adoptée par le Gouvernement béninois en2008. La DPS est le document de Politique etde stratégies de développement des TIC auBénin.

Le but de cette communication est deprésenter la politique nationale d’appui ausecteur des TIC et de montrer comment cettepolitique prend en compte les collectivitéslocales. La suite de la communication s’articuleautour des sections suivantes. La deuxièmesection présente le contenu de la politiquenationale des TIC. La section trois permetd’analyser le rôle assigné aux collectivitéslocales dans la mise en œuvre de la DPS. Dansla quatrième section, est exposé quelqueséléments sur l’usage des TIC commeinstrument de gouvernance dans lescollectivités locales béninoises.

I. Politique Nationale des TIC au Bénin :Vision, piliers et axes stratégiques

Depuis le 31 décembre 2008, le Bénin a adoptéun nouveau texte dénommé Déclaration dePolitique du Secteur (DPS) des postes, destélécommunications et des TIC. Il s’agit dudocument de politique nationale des TIC et dela poste dont la réalisation des objectifss’étend sur la période 2008 – 2012. La DPS sedécline en une vision, des piliers et en axesstratégiques.

Politique Nationale des TIC au Bénin :Le rôle des collectivités locales

Augustin Foster ChabossouEnseignant Chercheur

Centre d’Etudes, de Formation et de Recherches en Développement (CEFRED)Université d’Abomey Calavi

[email protected]

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1. La Vision de la Politique des TIC

La vision du gouvernement pour le secteur destélécommunications et des TIC s’énonce comme suit : « Faire du Bénin le quartier numérique de l’Afrique d’ici 2025 ».

De par cette vision, il s’agira d’attirer au Bénin,les Investissements Directs Etranger (IDE) dansle secteur des télécommunications et des TIC(services d’externalisation, création denouvelles grappes porteuses) et de développerl’industrie et les services TIC (en particulier lesPME) pour créer un environnement propice àla compétitivité de l’économie béninoise engénéral et du secteur des TIC en particulier. LaDPS qui est le document de politique nationaledes TIC va permettre de mettre en orbite cettevision.

2. Les piliers

Pour être traduite dans la réalité, la vision de laDPS s’appuie sur deux piliers essentiels: l’egouvernement et l’e business.

L’e gouvernement. En ce qui concerne l’egouvernement, il s’agit d’augmenter l’efficacitéde l’administration en réduisant les coûts decommunication et en mettant les agents bienformés dans des conditions modernes detravail. C’est à ce niveau que l’Etat comptejouer pleinement son rôle d’utilisateur des TIC.Ce pilier se décline en deux composantes, àsavoir : l’e administration et l’e gouvernance.

L’e administration a pour objectif :

de doter le Bénin d’un secteur publicmoderne, performant, connecté etinterconnecté ;

d’augmenter l’efficacité, la fiabilité, larapidité et la sécurité de l’administration, en réduisant les coûts de communication et en mettant les agents bienformés dans des conditions modernes detravail ;

de déployer une infrastructure intranetgouvernementale afin de réduire lespossibilités d’erreur, d’incohérence et deretard dans le traitement des dossiersadministratifs.

L’e gouvernance, quant à elle, s’applique àtoutes les institutions de l’Etat. A travers l’egouvernance, grâce aux TIC :

l’administration sera au service descitoyens ;

le service public sera de qualité ;

il y aura transparence et bonne gouvernance ;

la législation sera adaptée aux transactions électroniques, administratives etsécurisées;

les finances publiques seront améliorées ;

les individus auront facilement accès auxservices d’Etat civil à moindre frais etpourront participer à des processus électoraux transparents et bénéficieront desservices publics à distance.

L’e business. En ce qui concerne le pilier ebusiness, il est question de promouvoir unsecteur privé compétitif, devenu le moteur dela croissance et tourné vers l’exportation deservices à valeur ajoutée basés sur les TIC.

Ce pilier permettra à l’Etat de jouer son rôle defacilitateur et d’encadreur. Il s’agira pour l’Etatd’assurer une régulation stable et sécurisanteafin de promouvoir un environnement attractifpour les affaires dans les TIC, permettant ausecteur de produire des effets multiplicateursdans tous les autres secteurs de l’économiebéninoise. Les interrelations entre les entreprises de la filière TIC (opérateurs, fournisseursd’accès Internet, prestataires de services àvaleur ajoutée, exportations de TIC, structuresde formation TIC, etc.) permettront d’élever leniveau de la compétitivité du secteur ainsi quede l’économie nationale.

3. Les axes stratégiques de la politique nationale des TIC

Pour concrétiser la vision à travers les deuxpiliers, le Bénin décline sa stratégie selon cinqaxes, à savoir :

- le cadre juridique et institutionnel ;

- les infrastructures ;

- les ressources humaines ;

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- le développement de contenusadaptés aux besoins du pays dans tousles secteurs ;

- la compétitivité.

Pour rendre opérationnelles les stratégies, legouvernement a adopté pour chaque pilier desactions clé dans chacun des axes retenus.

Dans le domaine de l’e gouvernement, unesérie de textes (signature électronique,cryptologie, protection de la vie privée descitoyens, cybercriminalité) sera adoptée en vuede combler le vide juridique et de propulser leBénin dans la société de l’information. Cestextes permettront au Bénin :

de saisir les opportunités qu’offrent lesTIC ;

d’effectuer des traitements numériquesen utilisant moins de papier ;

d’assurer le service universel dans leszones les plus défavorisées. A cet effet,le Fond de Développement Universel desTIC (FDUTIC) sera renforcé via lescontributions des opérateurs de télécommunications au titre du service universel, d’éventuelles subventions del’Etat ou de tout autre legs.

La mise en place de l’intranet gouvernementalnécessitera une connexion à haut débit entreles différentes structures de l’Etat et au seinmême de chaque structure et de cesdémembrements éventuels. Dans les infrastructures, il sera aussi question des infrastructures de transport, de stockage et detraitement des données ainsi que de la sécuritédes réseaux et des données.

Par ailleurs, et dans le but de renforcer lescapacités et savoir faire des agents desadministrations et d’assurer le knowledge

management vis à vis des TIC, le gouvernement encouragera la création de centresd’excellence et de formation dans lestélécommunications et les TIC, en relation avectoute institution de référence au niveauinternational.

Une fois les infrastructures mises en place, legouvernement déploiera des applications qui

rendront effectif l’usage des TIC dansl’administration. Il s’agira de généraliser l’utilisation d’outils de travail collaboratifs, l’automatisation des processus métiers de l’administration et des systèmes d’information. Lacréation d’un centre de ressources pour l’appuitechnique (support) et le développement delogiciels adaptés fera partie des priorités.

Dans le domaine de l’e business, des réformesinstitutionnelles et juridiques seront effectuéesdans le but de réorganiser le secteur, en lerendant plus transparent et prévisible pourl’Etat, les opérateurs et les consommateurs :

Élaboration d’un code des communications électroniques et de la poste quivise à organiser et à dynamiser lesecteur. Il définira un cadre juridiquepermettant entre autres de mieuxintégrer les innovations technologiquesqui caractérisent le secteur.

Création d’une nouvelle Autorité derégulation des Communications Electroniques et des postes indépendante etautonome dans le respect des directivesde la CEDEAO en remplacement del’Autorité transitoire.

Mise en place d’un dispositif depromotion des entreprises TIC porteusesde croissance et tournées vers l’exportation.

Réorganisation de l’AGeNTIC, dont leconseil d’administration sera composéde représentants de l’Etat et du secteurprivé, promouvra les entreprises dusecteur tout en assurant la Maîtrised’Ouvrage Délégués.

L’Etat veillera à ce qu’un réseau de qualité soitdéployé au niveau national pour réduire lafracture numérique entre le département duLittoral (Cotonou) et le reste du pays. Lesinfrastructures de télécommunications (enparticulier la fibre optique SAT3 interconnectéeavec les pays voisins) permettront au Bénin detirer avantage de sa position de pays transit. Enoutre, l’État s’assurera que les infrastructuresmises en place par Bénin Télécom S.A. et lesopérateurs privés soient des infrastructures depointe afin que les entreprises exportatrices deservices (Téléservices) puissent offrir des

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prestations au niveau des standards internationaux.

Pour disposer des ressources humaines qualifiées, condition sine qua non à la réalisation dela vision stratégique étatique, il sera nécessaired’agir selon trois axes :

1. Promouvoir la création de filières deformation d’ingénieurs dont le profilcorrespond aux métiers de convergence(voix, données, son et vidéo) afin de créerune masse critique de spécialistes TICcapable d’attirer les investissements directsau Bénin.2. Promouvoir les certifications professionnelles dans les métiers tels que laconfiguration et l’administration deréseaux, la conception et l’administrationdes bases de données et la maîtrise d’outilsde développement afin d’offrir sur lemarché des qualifications reconnues auniveau mondial. A cet effet, la création decentres de tests agréés sera encouragée,afin d’éviter que les béninois ne sedéplacent vers d’autres pays pour leurexamens.3. Promouvoir la formation dans lesmétiers émergents : la disponibilité de cesqualifications rendra le Bénin plus attractifcar elle évitera aux entreprises d’investir dutemps et des sommes importantes dans lesformations sur le tas avant de s’installer.Enfin, des programmes de masse serontencouragés afin d’élargir le volume nationalde consommation de services TIC.

Pour réduire la forte dépendance dans desproduits TIC importés, l’incitation au développement local de solutions sera forte. Ainsi,l’Etat béninois encouragera le développementlocal de logiciels aux contenus adaptés auxbesoins des entreprises exportatrices deservices à valeur ajoutée sur le marchébéninois et sous régional. La recherche departenaires techniques capables d’effectuer letransfert auprès des Béninois sera soutenue. Ledéveloppement d’applications pour la téléphonie mobile sera favorisé, car il contribuera à laréduction de la fracture numérique du fait dutaux élevé de pénétration de ce média auprèsdes populations. Les différents secteurs de la

vie économique et sociale du Bénin (finances,éducation, santé, commerce, tourisme, agriculture) et les collectivités locales concevront desapplications TIC répondant à leur préoccupation.

Enfin, pour rendre compétitives les entreprisesbéninoises d’exportation à valeur ajoutéeporteuses d’emplois, l’Etat créera unetechnopole ou « cyber city », dotée d’uneconnectivité haut débit et de services d’appuiinhérents à ce type de structure. Le code desinvestissements sera réaménagé afin que lesentreprises béninoises soient placées dans lesmêmes conditions que leurs concurrents desautres pays. Il traduira une politiqued’attraction des investissements et d’encouragement de la délocalisation de multinationalesau Bénin (services, industries). L’autorité deréglementation veillera à ce que les tarifspratiqués soient aussi compétitifs que ceuxproposés dans les pays de la sous région.

II. L’implication des communes dans lamise en œuvre de la DPS

La déclaration de politique du secteur (DPS)des postes, des télécommunications et des TICprécise le rôle des différentes partiesprenantes pour la mise en œuvre de lapolitique nationale des TIC au Bénin. Troiscatégories d’acteurs sont ciblées pourcontribuer à l’application des dispositions de lapolitique nationale des TIC. Il s’agit : les acteursinstitutionnels : le ministère de tutelle, l’autorité de régulation, la délégation aux TIC etL’AGeNTIC, les associations professionnelles dusecteur privé et la société civile.

Le ministère de tutelle gardera la responsabilité des orientations et des décisionspolitiques sectorielles comme l’attribution ounon d’une nouvelle licence. Il est de la responsabilité du gouvernement de réglementerle secteur par l’adoption de lois à l’AssembléeNationale ou de décrets ou arrêtés ministériels.

L’autorité de régulation est chargée de veillerau respect de la réglementation, à l’instructiondes dossiers d’attribution des licences confor

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mément à la loi, au traitement des litiges, àl’homologation des tarifs des secteurs régulés,etc. L’autorité de régulation jouera le rôle deconseiller auprès du gouvernement et agiracomme gardienne des règles de la concurrencedans les secteurs régulés.

Au niveau des structures d’appui, la Délégationaux TIC est chargée de mettre en œuvre lapolitique gouvernementale en TIC au sein desdifférentes institutions de l’Etat. Elle seraresponsable de la coordination et de la mise enœuvre de l’intranet gouvernemental et d’unemanière générale de l’appui au secteur publicen matière de TIC.

L’AGeNTIC est chargée de mettre en œuvre lapolitique gouvernementale en TIC dans lesecteur privé. Elle sera responsable de lapromotion des TIC auprès du secteur privé etdu grand public. Elle sera chargée d’accompagner le secteur privé afin qu’il réponde auxattentes de la vision.

Les associations professionnelles du secteurprivé sont conviées à participer activement à lapolitique gouvernementale en vue d’une partde promouvoir un secteur privé responsable,entreprenant, novateur, compétitif, dynamiqueet conquérant et, d’autre part, de promouvoirles entreprises TIC porteuses de croissance ettournées prioritairement vers l’exportation deservices à valeur ajoutée en organisant notamment des missions conjointes secteur public/secteur privé en vue de nouer des partenariatsavec les investisseurs étrangers.

Enfin, concernant la participation de la sociétécivile, il est prévu que l’Etat mette en place unprogramme de formation et de sensibilisationdes associations de la société civile afin qu’ellesdeviennent vigilantes, engagées, constructives,et qu’elles veillent avec efficacité sur la qualitédes services offerts aux consommateurs. Cesassociations peuvent servir de baromètre etinciter les entreprises TIC à élever le niveau dequalité de leurs prestations ce qui lesemmènera naturellement à se rapprocher desstandards internationaux et à consolider leurposition sur le marché international.

Qu’en est il de l’implication des collectivités

locales à la mise en œuvre de la politiquenationale des TIC ?

La déclaration de politique du secteur despostes, des télécommunications et des TIC auBénin se décline en quarante cinq objectifsdont dix sept s’adressent aux télécommunications, dix huit aux TIC et dix concernentle secteur des postes. Aucun de ses objectifs nes’adresse clairement aux collectivités localesqui jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire. De plus, aucunedisposition de la DPS n’attribue de rôle auxcollectivités locales dans le déploiement desinfrastructures TIC. Cependant, la DPS préciseque les collectivités locales doivent concevoirdes applications TIC répondant à leur préoccupation. Les conditions de réalisation de cetobjectif ne sont précisées. En plus, aucuneéchéance de réalisation, ni l’origine desmoyens à utilisés ne sont pas spécifiées.

La DPS aussi bien dans ses objectifs que dans lepartage du rôle dans l’exécution de la politiquenationale des TIC n’a pas pris en compte lescollectivités locales.

III. Usage des TIC dans les collectivitéslocales du Bénin : Cas des communes àstatut particulier

Cette dernière section est consacrée à l’analysedes implications qui découlent de l’absence departicipation des collectivités locales à la miseen œuvre de la Déclaration de Politique duSecteur des TIC. Pour bien mener cetteanalyse, il est possible de considérer d’une partl’offre d’infrastructures TIC dans les communeset, d’autre part, d’évaluer les utilisations desTIC par les collectivités locales. Au Bénin, lescollectivités locales n’ont pas la possibilité dupoint de vue légale et d’un point de vue desfinances de devenir des opérateurs. Elles nepeuvent pas de ce fait intervenir directementsur le marché des infrastructures numériques.L’offre d’infrastructures TIC par les collectivitéslocales béninoises est quasi inexistante. Parconséquence, l’analyse de l’implication descommunes dans le développement des TIC surleur territoire est basée sur l’évaluation de

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l’usage en TIC des collectivités locales.

La majorité des collectivités locales disposentd’un site Internet fonctionnel. En raison del’indisponibilité d’informations sur l’ensembledes soixante dix sept communes du Bénin,l’évaluation de l’usage des TIC au niveau descommunes est faite ici à partir desinformations recueillies sur les trois communes à statut particulier (Cotonou, Porto Novoet Parakou). Ces communes ont des spécificitésqui permettent de se rendre à l’évidence del’utilisation des TIC par les collectivités localesau Bénin. Les trois communes à statutparticulier abritent la quasi totalité de l’activitééconomique. Elles sont aussi les communes quisont le plus pourvues d’infrastructures. Ellesviennent également en tête en termes dedensité de la population.

Les trois collectivités locales à statut particulierau Bénin disposent chacune d’un site Internetdans lequel elles proposent des services d’eAdministration locale. Ces services concernentdes informations sur des procédures d’obtention de certains documents administratifs. Lesprestations offertes, leurs tarifications et délaissont précisées dans la plupart des cas. Parmiles trois communes, Porto Novo est celle quipropose le plus de renseignements sur sesprestations. En effet, la commune de PortoNovo, met à la disposition de ses populations, àpartir de son site Internet, des informations surtrente huit prestations qu’elle offre auxcitoyens. Les informations proposées concernent les prestations telles que : la délivrancede permis d’habiter, l’établissement de la cartenationale d’identité, du certificat d’hébergement, le certificat de position militaire, etc.

A l’étape actuelle, il n’est pas encore possiblede faire la demande de ses prestations enligne. Il s’agit donc de simple renseignementcar la dématérialisation des services administratifs n’est pas encore effective. Lescommunes offrent aussi à partir de leur siteInternet un service de communication avec lemaire, première autorité communale. Cependant, les mails de tous les élus ne sont pasdisponibles. Les informations sur l’histoire, lesatouts touristiques de la commune sontégalement proposées sur le site Internet des

communes.

Les sites Internet des mairies n’offrent pas deservices d’e Administration avancés. Il n’estpas possible de télécharger en ligne les fichesde renseignement à remplir pour les demandesde pièces administratives. Plusieurs autresservices d’e Administration sont absents. Onpeut citer : les annonces d’offre d’emploi, lesdocuments téléchargeables sur les plansgéographiques des mairies.

L’application des collectivités locales dans ledéveloppement des TIC n’est pas encoreaffirmée au Bénin.

Conclusion

La politique nationale des TIC dans ses objectifsparait largement optimistes et semblentdéléguer aux TIC tout le pouvoir moteur de lacroissance économique et du développementdans un pays où le taux d’analphabétisme enfrançais est de plus de 60 %. En dépit de lamanifestation d’une certaine volonté politiquepour la mise en œuvre de cette politique, denombreuses difficultés subsistent. A ce jour, ladéclaration de politique du secteur des TICn’est pas vraiment mise en application.L’absence d’implication des collectivités locales, responsables de la gestion de la politiquenationale à la base constitue à ne point douterl’un des obstacles les plus importants.

Pour un meilleur développement de l’egouvernement à l’échelle des collectivitéslocales, il est important d’actualiser la DPS en yintroduisant des objectifs ayant rapport àl’amélioration de l’efficacité de la gouvernancelocale.

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Bibliographie

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Attour Oueslati, A. et al. (2006), « L’administration électronique : vers la définitiond’indicateurs d’effort et de performances descollectivités locales dans le déploiement deservices », in L’Administration Electronique :

Réalités et Perspectives.

Chabossou A. (2010), « Revue de performancedu secteur des TIC au Bénin : 2009 – 2010 »,Towards Evidence based ICT Policy and

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République du Bénin (2008), « Déclaration depolitique du secteur des postes, destélécommunications et des technologies del’information et de la communication »,adoptée en 2008.

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Au Burkina Faso, en 1991, la Constitution aconsacré la Décentralisation comme axefondamental du Développement. Les datessuivantes marquent l’histoire de ladécentralisation selon le site web del’association des municipalités du BurkinaFaso81

En 1993, la mise en œuvre des dispositionsconstitutionnelles par l’adoption par l’Assemblée Nationale de 5 lois et de 9 décrets sur laDécentralisation, débouche sur la création de33 Communes dites de pleine exercice, et lacréation de la Commission Nationale de laDécentralisation (CND). Le 12 Février 1995, cesont les premières élections municipales dans33 communes urbaines et 8 arrondissements.Le 24 Septembre 2000: Secondes électionsmunicipales avec la création de 16 nouvellescommunes. Le 23 Avril 2006 : Troisièmesélections municipales et création de 302communes rurales. En décembre 2012 aurontlieu les premières élections couplées (municipales et législatives).

Les TIC apparaissent dans ce contexte dudéveloppement des communes au Burkina,.Certaines communes telles que Ouagadougouse sont dotées de véritables programmes TICdont la Maison des Savoirs, anciennementCentres Multimédias de la Mairie. Si lescommunes nanties arrivent à tirer leur épingledu jeu, certaines et surtout les nouvellesvivotent au rythme des appuis et du soutien decertaines coopérations décentralisées. Lanécessité d’avoir des repères pour mieuxsoutenir les collectivités locales dans l’équipe

81 http://www.ambf.bf

ment et la formation se fait sentir surtout avecle départ de certaines personnes qui avaientété formées à ces outils. Leurs départsreplongent les localités dans lesquelles ilsavaient officié dans un certain analphabétismenumérique.

La ville de Ouagadougou, forte de 2 millionsd’habitants environ se pose en exemple dans ledomaine de la mise à disposition par lamunicipalité d’infrastructures en TIC. La ville deOuagadougou possède en effet ses centresmultimédias communaux, sa radio municipale,son centre d’information pour la jeunesse etenfin, le dernier né, sa médiathèque moderneinaugurée en 2011. La médiathèque municipale comprend comme salles, une bibliothèque,une salle de lecture, une salle de reprographie,deux bureaux, un espace de technique. Et auniveau R+1, la médiathèque municipale estéquipée d’une salle polyvalente, une salle delecture, quatre bureaux, une salle de serveur,un magasin et une cafétéria.

Il s’agit ici de présenter quelques initiatives enmatière de TIC et collectivités au Burkina et dese poser des questions sur les perspectives dedéveloppement d’un tissu TIC dans les collectivités publiques décentralisées au Burkina Faso.

Il apparaît clairement que les usages etéquipements TIC sont étroitement corrélésavec les capacités financières des collectivités.Plus une commune est autonome sur le planfinancier, plus elle a tendance à s’équiper enoutils TIC avec ses propres moyens. Les autresdevront attendre les projets et aides diversespour s’équiper et se former. On voit donc quedans ce schéma, il arrive que beaucouprepartent à la case départ par suite du départ

Les collectivités locales et les TIC au Burkina Faso. Des expériencescontrastées

Sylvestre OuédraogoPrésident de Yam PukriEnseignant Chercheur

Université Ouaga [email protected]

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de certaines personnes formées ou encore à lafin de vie sans remplacement éventuel deséquipements.

Au Burkina Faso, un projet phare qui a puprendre le jour au niveau de Ouagadougou futle projet sur les inforoutes communales,ensuite, la vague des projets d’accès collectifsdes TIC ou télécentres communautaires etenfin le projet MDS de la francophonie.

Il faut dire également qu’avec le fondspermanent de développement des communesdu Burkina Faso, une part est consacrée audomaine des TIC.

I. L’initiative inforoutes communales à laconquête des communes au Burkina

Cette initiative relève du Ministère del’Administration Territoriale et de laDécentralisation. Sa mission principale est lerenforcement de capacités de gestion descollectivités par la mise à leur dispositiond’outils de gestion informatique et d’unsystème d’information adapté à leurs besoinsde gestion opérationnelle et stratégique. Leprojet se veut être également un instrumentd’appui au processus de décentralisation et detransfert des compétences aux collectivitéslocales.

La phase pilote du Projet Inforoute a été lancéegrâce à l’appui de la Coopération Canadienneen 2001 et a duré 12 mois. Selon le Directeurdu projet, L’objectif de la phase pilote a été dedémontrer la faisabilité technique du projetInforoute et la viabilité des outils informatiquesmis en place au profit des collectivités locales.La phase a concerné quatre communes :Ouahigouya, Banfora, Pouytenga et Pô. Noussoulignons que cette phase pilote du ProjetInforoute était la toute première expérience dece type qui se déroulait en Afrique de l’Ouest.

Suite à la phase pilote, quinze communesurbaines sur les quarante cinq que compte leBurkina Faso ont joint à l’initiative. Le projet aainsi pu mettre en place dans ces communesune gamme de logiciels de gestion de lacomptabilité administrative (GESCOMAD),

gestion de l’Etat civil (GESTEC), gestion de lapaie communale (GESPCOM), gestion desparcelles communales (GESPARCOM) et gestion des infrastructures marchandes (GESIMA).

Le projet inforoutes communale fut uneexpérience grandeur nature de l’utilisation desTIC dans les communes au Burkina Faso. Lesproblèmes de pannes de serveur ainsi que desproblèmes d’utilisation des logiciels furentmonnaie courante.

Dans la commune de Kaya lors d’une visite, lechargé de gestion de la salle de serveur meconfia qu’ils avaient réparé le serveur jusqu’àconcurrence de son prix d’achat. Laclimatisation était également défectueuse, cequi occasionnait des blocages du serveur. AOuahigouya, une autre ville du Burkina, lorsd’un passage, on nous expliqua que l’équipelocale ne possédait pas les mots de passeadministrateur. Tout était dirigé depuis lacapitale, ce qui créait une grande frustration.

Selon Nignan Sylvain, directeur du projetinforoutes au niveau du ministère del’administration territoriale du Burkina Fasodans un entretien de 2004 au journal officielSidwaya : « Les difficultés sont principalement

liées à l’environnement technologique. Les

communes de manière générale ont du

matériel vétuste. Il faut donc les doter en

matériel neuf. Par ailleurs, les communes ne

disposent pas de personnel en quantité

suffisante. Mais depuis un certain temps, les

maires ont compris qu’il leur faut du personnel

qualifié d’où de nouveaux recrutements. Nous

faisons remarquer que le coût de

communication téléphonique est actuellement

très élevé pour les communes. »

Présentement, le projet est terminé et le siteweb qui a été d’ailleurs primé une fois lorsd’une semaine nationale de la fête del’Internet au Burkina est fermé. On a doncperdu des dizaines de documents et demonographies de plusieurs communes, chosedommageable si l’on se dit que c’était les raresdocuments numériques qui existaient sur latoile.

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II. Les collectivités locales à l’affut desprojets de télécentres communautaires.

Les collectivités les plus dynamiques au BurkinaFaso ont su profiter des projets de mise enplace des télécentres communautaire. Souventen concurrence avec les associations locales,les lycées et les collèges, certaines communesont pu ouvrir des CMC même en zone rurale. AKaya ; la mairie de la ville a pu avoir un projetde CMC et même à sa fin, avec l’appui d’autrespartenaires de la coopération décentralisée, ilsont pu continuer l’initiative qui a donné lapossibilité aux élèves et aux travailleurs de laville d’accéder à l’équipement informatique.On dénombre plusieurs collectivités rurales quiont été bénéficiaires du projet ADEN (projetaujourd’hui arrêté). Avec le soutien de l’Etat,une rallonge fut accordée pour une duréedéterminée, mais, à la fin de cette duréesupplémentaire, certaines collectivités ontdéconnectées du reste du monde. Toutefois,les clés GPRS arrivent bon gré mal gré àsuppléer au manque de haut débit dans leszones rurales.

Il faut dire à ce niveau que l’existence d’agentsdynamiques et créatifs est à l’origine de cesinitiatives. Le fait d’allouer plus de flexibilité àcertains agents peut également favoriser cettesituation, mais le risque est grand quand cettepersonne quitte la localité par suite d’unepromotion ou d’un meilleur emploi dans uneautre structure.

III. Des exemples de e coopérationdécentralisée. L’exemple du projet elimonest

Le projet e limonest est une initiative de la villede Limonest en France qui a souhaitéaccompagner la commune rurale de Boura auBurkina Faso dans le domaine des nouvellestechnologies. L’équipe du projet a cherché àentrer en contact avec des partenaires locauxparce qu’elle pensait que cela pouvait accroîtreles chances de succès, ce qui fut fait et ce futl’ONG Yam Pukri qui réalisa une étude pourl’installation d’équipements informatiques auniveau de la mairie, du collège et dudispensaire du village. Une autre société fut

chargée de l’installation de l’électricité solaire.Une formation a été dispensée aux enseignantset au personnel de la mairie. Une partie dumatériel était issu du recyclage du parcinformatique de la mairie de Limonest oud’autres acteurs locaux.

L’équipe e limonest a toujours été à l’écoutede Yam Pukri, ce qui a permis à cette dernièrede lui proposer des solutions innovantescomme la solution ncomputing82 devirtualisation qui permet de connecterplusieurs écrans et claviers à partir d’une seuleunité centrale, d’où un gain en énergie, enéquipements et en maintenance.

Cette aventure a connu quelques vicissitudesdepuis ses débuts voici cinq ans. On peutnotamment souligner que le manque d’entretien de base, les problèmes de connectivitéInternet ainsi que le départ de certainespersonnes formées par le projet ont puconstituer de véritables handicaps.

Actuellement, un petit télécentre communautaire en souffrance dans le village soutenuprécédemment par un autre partenaire est entrain d’être réveillé par le projet e Limonest.

IV. Des centres multimédias communaux(CMC) à la Maison Des Savoirs (MDS) de laville de Ouagadougou : juste un changement de dénomination ou de philosophie?

Les centres multimédias de la mairie deOuagadougou figurent parmi les premièresinitiatives en la matière en Afrique de l’Ouest.Chaque commune de la ville possède son CMCéquipé de 10 à 20 postes. Le premier futinauguré en février 1999. Les centres multimédias de la commune sont nés du partenariatentre la ville de Ouagadougou et le département de la Vienne (France), mais également del’appui de l’Association internationale desmaires francophones (AIMF).

Après la fin de ce projet, les CMC ont continuéà fonctionner grâce au soutien de la mairie deOuagadougou. Une bouffée d’oxygène futensuite trouvée avec l’initiative « Maisons des 82 http://www.ncomputing.com/

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Savoirs » (MDS) des institutions de laFrancophonie baptisée. La mutation des CMCen MDS leur a redonné du sang neuf83 et cesMaisons sont devenus des endroits parexcellence pour apprendre, se former enutilisant des logiciels libres. Selon la charte duréseau de la maison des savoirs, «Une MDS de

la Francophonie est un espace public de

services communautaires développés dans une

perspective éducative et culturelle, ouvert à

tous et à toutes, sans aucune restriction, sauf

celle pour les usagers de respecter le règlement

intérieur de la MDS».

Dans la pratique, la MDS a donné auxanciennes CMC un ancrage philosophique ainsiqu’une mission dans la mise en œuvre d’unefrancophonie « de proximité », autrement dit,attentive aux besoins des populations. Lesactivités effectuées dans les MDS ne diffèrenttoutefois pas très sensiblement de celles desCMC d’avant. On peut se demander si, à la findu projet MDS, un autre bailleur ou un groupede bailleur ne viendrait pas encore changer dedénomination les vaillantes CMC qui ont putraverser des turbulences diverses.

Conclusion

Vers une réflexion orientée spécifiquement surles TIC et les collectivités dans le domaine dudéveloppement

De façon globale, on peut dire que lescollectivités locales expérimentent les TIC à desdegrés divers. Le dynamisme et la créativité decertains agents peuvent influer positivementsur la mise en place des projets TIC. Nousavons constaté lors de nos participations àcertains comités de pilotage que certainescollectivités font référence à des personnesressources situées au niveau de la capitale. Ilest parfois difficile d’avoir une personneressource à temps plein pour s’occuper de lamaintenance par exemple et les personnesformées localement quittent la région, d’où lerecours parfois à des spécialistes de la capitale.Une initiation à une maintenance informatiquede base pourrait solutionner en partie ceproblème et permettre aux collectivités d’être

83 Cf Infra, p. 181

plus indépendantes.

L’homogénéisation des logiciels est égalementun point important dans la diffusion desconnaissances et la maitrise des processus. Unkit préparé pour les collectivités comprenantdes manuels informatiques, des logiciels …pourrait aider ces structures et éviter qu’ellesne se fassent prendre dans les filets depersonnes sans scrupules qui abusent del’ignorance, facturent souvent des travaux deréparation plus chers que le coût del’équipement.

Les TIC relèvent en grande partie du domainede biens public et un rapprochement entre lescollectivités à travers leurs Fonds Permanentde Développement des Communes et le Fondsde Service Universel pourrait mieuxaccompagner les communes rurales démuniesdans l’appropriation des TIC.

http://www.lefaso.net/spip.php?article4252http://www.ambf.bfhttp://www.burkina ntic.nethttp://www.ncomputing.com/http://www.mairieouaga.bf/EquipServices/grandeRealisation.html

OUEDRAOGO Sylvestre (2002) Promotion destechnologies de l’information et de laCommunication pour le développementhumain du Burkina Faso (2002 2005) :Formulation d’une stratégie d’appui auxTélécentres Polyvalents Communautaires,PNUD, Burkina Faso. Novembre 2002.

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La prise en compte, par les Collectivités localesfrançaises, des enjeux liées aux Techniquesd’Information et de Communication estcontemporaine des prémices de la Décentralisation. La maîtrise de ces questions seprésente donc comme une conquête tardivemais aussi comme un marqueur intéressantdes expérimentations de Décentralisation« avant la lettre » (en l’occurrence avant leslois de 1982), qui se trouve en fait contemporaines des débuts du « développementlocal » en France, soit dans la décennie 1960.Quant à la « coopération décentralisée », ellese présente comme une perspective de priseen compte, par les collectivités locales, denouvelles modalités d’action, au delà del’assise territoriale qui avait fondé leurlégitimité historique. Au sein de la Décentralisation, la coopération décentralisée pourraitconstituer une forme assez subtile d’apprentissage, celle qui amènerait des acteurs territoriaux à considérer l’emprise croissante desespaces réticulaires.

I De l’aménagement des territoires aux

problématiques du Développement Local :l’apprentissage de la Décentralisation

Pendant l’essentiel de leur histoire moderne etcontemporaine, les techniques d’informationet de communication font partie du monopolede l’Etat. Il s’agit d’une compétence régalienne,considérée le plus souvent et jusque trèsrécemment, comme éminemment stratégique,

donc inaliénable, non partageable, non négociable. Ainsi, lorsqu’on remonte dans l’histoire,l’Etat s’est toujours efforcé de contrôler lesgrands réseaux, en particulier ceux quipermettaient la communication et le transfertd’information à distance.

Avec l’apparition du téléphone vers la fin duXIXème siècle, c’est ce même schéma qui sereproduit. Le développement du réseau estconfié à une administration, l’administrationpostale qui, de ce fait, devient l’administrationdes postes, du télégraphe et du téléphone (lesanciens et fameux PTT). Or, au début duXIXème siècle, l’Etat a choisi d’investir financièrement dans un autre réseau, celui duchemin de fer. Pour le développement duréseau téléphonique, on trouvera une autresolution. Plutôt que de gager la croissance duréseau sur le Budget national, l’Etat adopteune méthode déjà en usage dans les Bâtimentset Travaux Publics : le système de l’avanceremboursable.

C’est à travers cette méthode que se manifestele premier rôle attribué aux collectivités localesen matière de réseau téléphonique. Pourfinancer l’installation du réseau, l’administration demandait en effet aux collectivitéslocales de faire l’avance financière des coûtsrelatifs aux travaux et remboursait cescollectivités au fur et à mesure del’amortissement. Cette méthode a permisd’assurer le maillage territorial assez rapidement, mais il présente assez tôt plusieursfailles.

Les collectivités locales et les TIC en France :De l’apprentissage de la Décentralisation à la découverte de la Coopérationdécentralisée

Emmanuel EvenoProfesseur de Géographie

Directeur de recherches au LISST CIEUUniversité de Toulouse

eveno@univ tlse2.fr

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Si les grandes villes adhèrent assez rapidementau principe, pour convaincre les collectivitésrurales, les sous préfets seront souvent mis àcontribution. Par ailleurs, le déploiement duréseau, s’il reste sous le contrôle strict del’Administration centrale, n’en n’est pas moinssoumis à l’adhésion des élus locaux auxbienfaits de la communication moderne. C’estcette dimension particulière que nous avonsconsidéré, dans notre contribution au rapportdu Conseil d’Analyse Economique « La sociétéde l’information »84, en parlant de la façondont l’Etat avait « enrôlé » les collectivitéslocales dans sa planification du réseautéléphonique. Elie Cohen, quant à lui, voyaitdans ce modèle un choix désastreux qui avaitcontribué à faire du téléphone l’otage desnotables. En effet, pour faciliter l’adhésiondesdits notables, l’Administration dû accepterd’ouvrir des bureaux de commutation (cesfameux bureaux où travaillaient les non moinsfameuses « demoiselles du téléphone » dutemps de la commutation manuelle) dans denombreux territoires…. E. Cohen rappelle que,toutes proportions égales par ailleurs, il fallutvingt deux fois plus de tels bureaux en Francequ’aux Etats Unis.

Rappelons que si les collectivités localesavaient été appelées (sommées parfois) dejouer le rôle de banquier du réseau, ellesn’avaient aucun contrôle sur celui ci. Lesarchives départementales du début du XXèmesiècle sont riches de lettres des sous préfetsenvoyés aux élus locaux pour les admonester àchaque fois que quelques garnements desvillages tiraient à la fronde contre les porcelaines qui isolaient le câble sur les poteaux.

En fait, comme l’a signalé Jean Guy Rens dansses travaux portant sur l’histoire du téléphoneau Canada, le monde rural canadien, a lui aussiassez mal vécu le fait d’être ainsi relié à l’Etat…le réseau étant parfois perçu comme intrusif.

« Pendant des siècles, la maison a

constitué l’élément quasi autarcique de

84 E. Eveno et Daniel Latouche ; Les collectivités locales,acteurs du modèle française de société de l’Information ;Supplément K au Rapport de Nicolas Currien et PierreAlain Muet ; La Société de l’Information » ; CAE ; remis auPremier ministre en déc. 2003, pp. 263 276.

la vie économique et sociale (...).

L’irruption des infrastructures collecti

ves dans le monde clos de la maison

familiale est une véritable révolution.

La maison perd son autonomie pour

s’insérer dans un ensemble collectif

plus vaste. Le monde de la ville. »85

Peut être faut il ainsi comprendre ces attentatsen France contre les poteaux comme des actesde rebellions contre la progression d’un « Etaten réseau » de plus en plus fin et omniprésent.

En fait, ce « téléphone des notables » a longtemps été, notamment dans les territoiresruraux, une réalité sociale et politique. Dans lesterritoires reculés, par exemple, l’Administration avait installé un téléphone dans lamaison du maire ou de tel autre notable dubourg, du hameau, du lieu dit ou du village etl’exemptait de l’abonnement. En retour, cenotable devait autoriser l’accès de sontéléphone à l’ensemble de la population dulieu, contre le paiement à l’acte du tarif de lacommunication.

Cette expression de « notable » renvoie à unehistoire et une organisation socio politiquedans laquelle l’édile local était en fait le garantdes intérêts de l’Etat sur son territoire. Lenotable était une personne honorablementconnue, respectable et fiable… du point de vuedu sous préfet, du préfet ainsi que de l’ensemble des acteurs territoriaux et centraux quireprésentaient l’Etat.

Ce téléphone des notables a duré en fait bienau delà des notables eux mêmes. Alors que lepaysage politique a très profondément étémodifié à partir des années 1960 et que lesnotables cèdent peu à peu la place, au sein desmairies urbaines puis rurales, devant d’autresfigures d’élus, la capacité de ceux ci à intégrerle téléphone et les télécommunications dansune démarche de stratégie locale est en faitextrêmement tardive… Elle doit en faitattendre la décennie 1990 pour commencer à

85 Jean Guy Rens, Le téléphone comme instrument decollectivisation de la vie privée, Communication auColloque de l’Institut d’Histoire Moderne etContemporaine, Ecole Nationale Supérieure de Paris, 27janvier 1994, p. 1

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se mettre en place. Il aura fallu entre tempsdeux événements de grande portée : laDécentralisation administrative des années1980 et la libéralisation du marché des télécommunications des années 1990.

Une « conquête » préalable semble toutefoisavoir eu une grande importance, à la fois dansl’expérimentation d’une « décentralisationavant la lettre » et dans la consolidation desexpertises locales en matière de développement.

1. L’informatique communale : quand lestraditions communales basculent dans l’èrede la rationalité et de l’efficacité…

Dans le courant de la décennie 1960, l’Etat,désireux de favoriser l’éclosion d’une industrienationale en matière d’informatique, notamment pour s’affranchir de la tutelle étatsunienne de fait, lance en 1966 le « PlanCalcul ».

Il s’agissait de bâtir un secteur économiquestratégique à base d’investissements publicsmassifs. Une allocution du Délégué à l’informatique, lors d’un Colloque sur l’informatiquedans les Administrations donne la mesure dupari industriel, politique et social:« ...noussommes à l’aube d’une ère nouvelle danslaquelle une nouvelle technique va progressivement transformer nos méthodes de travail,puis notre mode de vie (...), cette technique sedéveloppe extrêmement rapidement »86.L’enjeu politique restait celui défini par laphilosophie gaulliste d’indépendance technologique nationale dans les secteurs considéréscomme stratégiques. Ainsi, l’informatique,avant même les télécommunications (le Plande rattrapage des télécommunications,préparé depuis 1967 n’est adopté qu’en 1975),prenait place à côté du pétrole, du nucléaire,du spatial et de l’aéronautique civile etmilitaire.

Le développement de l’informatique dans lesAdministrations, y compris celle des grandes 86 Maurice Allègre, « l’action de la Délégation àl’informatique », in L’informatique dans l’administration,Institut français des sciences administratives, Ed. Cujas,1969, p.4

villes, se comprend comme une politique de« modernisation administrative », mais aussicomme la mise à disposition d’un marchécaptif au profit d’une industrie nationalenaissante. Le secteur administratif constituaiten effet un marché susceptible d’alimenter,par ses carnets de commandes, cette industriebalbutiante sans que le rapport qualité/prixsoit une pénalisation dans la concurrence faceaux grandes sociétés étasuniennes (IBMévidemment!). Avec le Plan Calcul, l’Etatinstalle un certain nombre de structuresadministratives ou para administratives dont lavocation sera d’initier le développement de cemarché national de l’informatique administrative. Certaines d’entre elles, par le biais de lacoopération, auront également une activitéinternationale : convaincre les Etats notamment africains à ce nouveau credo de l’informatique administrative. Ces nouveaux « missionnaires » paraissent en effet animés d’unremarquable prosélytisme.

Ce Plan butte assez rapidement sur denombreux problèmes, mais, au sein du Ministère de l’Intérieur et plus spécifiquement de saDirection Générale des Collectivités Locales, ilest perçu comme une opportunité. Alors mêmeque le Plan est ailleurs en difficulté, il devientrapidement, au sein du Ministère de l’Intérieur,un levier de la modernisation des collectivitéslocales. Alors que celles ci étaient perçuescomme des administrations vieillottes, peuefficaces, clientélistes… le fait que certainesd’entre elles, parmi les grandes villes,s’emparent du Plan Calcul, va symboliser lamue des collectivités ancienne manière versdes collectivités acteurs du développementlocal, capables de penser leur développement,capables de s’affranchir de la tutelle del’administration centrale. L’adhésion au PlanCalcul par de nombreuses grandes villes dansles années 1960/1970, constitue une innovation majeure. Autour de l’informatisation desadministrations de ces grandes villes, onassiste à une transformation progressive desméthodes du gouvernement local.

A l’origine des projets d’informatisation desAdministrations urbaines, les référentiels d’action sont mobilisés par un petit grouped’acteurs au sein de l’appareil politico admi

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nistratif communal. Au delà de l’incitation del’Etat central, l’informatisation apparaît commeun enjeu important dans l’affirmation et lamontée en puissance de ces appareils communaux. Leur capacité à maîtriser un dossierréputé complexe et sélectif requalifie de faitleur position vis à vis de leurs différentspartenaires, dont l’Etat.

A Marseille, lors de la première délibération duConseil municipal consacré à cette question, le25 mars 1968, on considère « que l’utilisationdes ordinateurs peut être une évolutioncomparable à celle de l’imprimerie. La ville deMarseille, en tant que Métropole, se devaitd’anticiper sur des réalisations qui deviennentdésormais inévitables non seulement à l’échelon national mais dans le cadre régional »87.

Dans de nombreuses autres métropolesfrançaises sensibilisées à la question de l’informatisation, on retrouve cette même rhétorique du progrès et de l’anticipation. « La ville deToulouse ne saurait rester à l’écart de cetteévolution de notre temps »88 annonce le mairede Toulouse Louis Bazerque, lors d’une séancedu Conseil municipal du 26 juin 1970. Ouencore, « A l’ère de l’Informatique, nous [Villede Lyon] devons chercher tous les moyenspropres à accélérer les processus d’automatisation communale »89.

Ce n’est évidemment pas un hasard si l’une destoutes premières villes à se lancer dans cetteaventure de l’informatisation est la ville deMarseille, dirigée par Gaston Deferre quideviendra, en 1981, le Ministre d’Etat encharge de l’Intérieur et de la Décentralisation.Pour avoir été l’un des premiers maires àincarner cette volonté d’expérimenter ladécentralisation, il apparaissait pleinementlégitime pour cette réforme de grande ampleurque fut la Décentralisation administrative.

87 Registre des délibérations du Conseil municipal,compte rendu de la réunion du Conseil municipal du 25mars 1968, côte 68/129/F, Commission des Finances.88 Registre des délibérations du Conseil municipal deToulouse, Série « versements contemporains »,Commission « Service Foncier », côte 24/19, M. le mairerapporteur.89 Procès verbaux des séances du Conseil municipal deLyon, Délibération n°64 4 061, M. Pillot rapporteur

2. Le Plan Câble

Un autre Plan emblématique fut le Plan Câble,autre grand chantier du premier septennat deFrançois Mitterrand. Il portait de nombreuxespoirs en termes de modernisation de lasociété française. Il concrétisait par ailleurs unaspect important de la politique mitterrandienne en matière de libertés publiques : ils’agissait de desserrer le monopole de l’Etatsur les TIC. On doit ainsi se rappeler que lecandidat à l’élection présidentielle de 1981qu’était François Mitterrand était sous le coupd’une inculpation en tant qu’éditeur d’uneradio pirate. Parmi les premières décisionsprises après son élection en mai 1981, ontrouve en effet l’ouverture des ondes aux« radios libres », puis le Plan câble.

Ce Plan se justifiait par une ambition nationale.La Direction Générale des Télécommunicationsayant parfaitement réussi son Plan derattrapage des télécommunications dans ladécennie 1970, les télécommunications étaientdès lors perçues comme un champion national,un domaine d’excellence qu’il s’agissait devaloriser.

Or, pour se déployer, ce Plan câble requérait laparticipation des collectivités locales. Il devaitêtre géré localement par des « Sociétés Localesd’Exploitation du Câble » (SLEC). Au bout ducompte, les villes qui signeront une conventionavec l’Etat seront au nombre de 54, de fait les54 plus grandes villes de France. Se faisant,elles perpétuent la stratégie élaborée dès lePlan Câble : acquérir des compétences etélaborer des projets locaux de développementautour de ces technologies en mettant enœuvre des partenariats locaux stratégiques. Enpratique, il s’agissait de revendiquer les TICcomme axe de développement local. Des villescomme Montpellier, Rennes ou Grenoble parexemple sont apparues à cette époque commedes lieux d’innovations significatifs.

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II. La mondialisation des enjeux, sur fondsde « dérèglementation » et d’ « expérimentations locales »

A la même époque que le Plan câble, déboucheaux Etats Unis un vaste mouvement de« dérégulation » du marché des télécommunications, mouvement initié en fait dès ledébut des années 1970, sous la présidence deRichard Nixon et qui consiste à affaiblir latutelle étatique sur les TIC, en particulier enluttant contre les grands monopoles en lamatière. Cette politique trouve ses premièresconclusions dans les années 1980, sousl’administration Reagan. Avec la fin dumonopole accordé historiquement à AT&T et ledémantèlement de l’entreprise, il s’agit, pourl’administration fédérale, d’ouvrir à laconcurrence les services de télécommunications. Ce mouvement dit de « dérégulation »correspond en fait à une libération del’ensemble du système de communication desEtats Unis : « le démantèlement (divestiture)d’ATT, effectif au 1er janvier 1984, déclencheune onde de choc mondiale qui précipite lalibéralisation des télécommunications (…). Leprocessus deviendra irréversible en janvier1998, date de l’entrée en vigueur de l’accordsur l’ouverture des marchés à la concurrenceconclu l’année antérieure par soixante huitgouvernements »90.

La décennie suivante, celle des années 1990est une époque charnière à plus d’un titre.C’est, en effet pendant cette période que sontélaborées les grandes politiques publiquesportant sur les TIC. C’est aussi, à la faveur d’unrecul de l’interventionnisme des Etats,l’apparition de nouvelles logiques, dîtesd’expérimentations locales.

1. Mondialisation des enjeux

Les politiques publiques qui se consacrent aux« autoroutes de l’information » ou à la« société de l’information », ne sont pasfondamentalement nouvelles, elles font suite àde nombreux travaux scientifiques ou d’ex

90 Armand Mattelart, Histoire de la société del’information, Coll. Repères, Ed. La Découverte, 2001, p.83.

perts, dont certains datent du début desannées 1960 ainsi qu’à des politiques demodernisation des infrastructures de télécommunications (le Plan Câble français notamment) qui peuvent être très ambitieuses. Cequi change fondamentalement, c’est le fait queces politiques aient été mises en chantier defaçon aussi systématique, à la fois dans unepériode relativement courte et dans un trèsgrande nombre de pays, y compris des paysparmi ceux qui figurent dans la liste des paysles moins avancés en matière de développement technologique.

Comme l’ont observé plusieurs auteurs, cespolitiques publiques sont généralement trèsmimétiques, elles s’inspirent fortement lesunes des autres, et se réfèrent très systématique à la matrice originelle, le N.I.I. états unienqui a eu pour effet de redéfinir fondamentalement les règles du jeu commercial mondialen matière d’information et de communication. A partir de la comparaison qu’il amenée entre cinq pays développés (Etats Unis,Allemagne, France, Royaume Uni et Japon),Thierry Vedel en déduit que « Dans les cinq

pays étudiés, on observe une convergence

assez nettes des politiques des autoroutes de

l’information à la fois dans la définition des

enjeux et celles des objectifs visés et dans les

stratégies de mise en œuvre »91.

Assez souvent, ces politiques sont élaboréesdans l’urgence et se caractérisent par unsystème argumentatif reposant sur deuxorientations, apparemment contradictoire,mais de fait convergente. La première est cellequi adopte pour principe que les pays les plusprécoces à prendre date sur ces nouveauxenjeux seront les mieux servis. C’est ce queThierry Vedel proposait d’appeler la « first

mover strategy »92. La seconde se justifie d’unestratégie consistant à éviter que le paysn’accumule du retard en la matière ou ne soitmarginalisé.

C’est ainsi que, très tôt après la publication du

91 Thierry Vedel, « Les politiques des autoroutes del’information dans les pays industrialisés. Une analysecomparative ; In Dossier : les autoroutes de l’information,Revue Réseaux, n°78, juillet août 1996. p. 1992 Op. Cit. p. 20

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N.I.I., apparaîtra, en incipit des politiques detrès nombreux autres pays, un ensemble deconsidérations que l’on peut regrouper dans letype d’argumentation du « first mover » oudans celui de la « rhétorique du retard ».

C’est ainsi que, dans l’élaboration de lapolitique de l’Union européenne, inauguréepar le Livre Blanc de Jacques Delors, on trouveune version assez pure de ce genre dediscours :

« The first countries to enter the

information society will reap the

greatest rewards. They will set the

agenda for all who must follow. By

contrast, countries which temporise, or

favour half hearted solutions, could, in

less than a decade, face disastrous

declines in investment and a squeeze

on jobs »93

La rhétorique du retard, dont on pouvaitsupposer qu’elle soit davantage utilisée par lespays « en développement », revêt une dimension presque axiomatique en France, soit dansun pays qui, dans le courant des décennies1970 et 1980, avait fait un gros effort pourentrer dans la « modernité communicationnel ». En rendent compte notamment lerapport Théry, rendu public en 1994, maisaussi le « Programme d’Action Gouvernemental pour la Société de l’Information » (PAGSI) :« Préparer l’entrée de la France dans la sociétéde l’inform@tion » mis en œuvre en janvier1998 par le Gouvernement Jospin.

Pourtant, cette période qui se situe autour dumilieu de la décennie 1990 est tout à la foismarquée par l’urgence à mettre en œuvre despolitiques publiques favorisant le déploiementdes réseaux, des outils, des usages… mais c’estaussi une période marquée par un renouvellement profond de la méthode de mise enœuvre de ces mêmes politiques.

En effet, le rapport Théry se trouve être ladernière manifestation de l’esprit qui prévalaitjusqu’alors et qui se retrouve dans l’expressionchoisie par Elie Cohen de « Colbertisme High

93 Livre Blanc, P. 7

Tech ». En renonçant à appliquer les préconisations de Gérard Théry, le Gouvernementfrançais tourne une page, celle des grandschantiers décidé, contrôlés et mis en œuvrepar l’Etat. Désormais, en matière de TICcomme dans d’autres politiques sectorielles, ilfaut utiliser d’autres méthodes, accepter denégocier avec d’autres acteurs….

Deux rapports officiels se signalent par le faitqu’ils annoncent une série d’innovationsimportantes dans la façon de conduire despolitiques publiques en matière de « société del’information » : ce sont, en octobre 1996 etavril 1997, celui de Thierry Miléo’’ sur ‘’Les ré

seaux de la société de l’information’’, réalisépour le Commissariat Général du Plan et celuicommandé par le Premier ministre et intitulé ‘’L’Internet: un vrai défi pour la France” rédigépar Patrice Martin Lalande94. Sous des formesdiverses, ces rapports mettent en cause le rôletrop directif d’un « Etat Jacobin » et définissenttrois voies qui sont destinées à redéfinir sonrôle. D’un côté, ils prônent un rapprochementavec le modèle européen pour la mise en placedes infrastructures, considérant l’interventiondirecte de l’Etat, par investissement massif,comme appartenant au passé. Ces rapportsmarquent donc une rupture très claire vis à visdes rapports précédents, en particulier lerapport Théry (1994). Par ailleurs, les rapportsMiléo et Martin Lalande prônent l’un et l’autreun déplacement de l’action de la puissancepublique vers un rôle plus prescriptif et d’édition de normes, se caractérisant par une attention nouvelle aux outils de régulation, considérant que: « l’action de la puissance publique est

d’assurer une régulation juste et efficace des

secteurs ouverts à la concurrence et de garantir

les missions de service public »95. Enfin, dans

une perspective de modernisation des structures de l’Etat, ils prônent une vision moinscentralisatrice de l’administration publiqueavec une administration en réseaux fonction

94 Miléo T. (1996), Les réseaux de la société del’information, Commisariat général du plan, EditionsESKA, Collection des rapports officiels, septembre.Martin Lalande P. (1997), L’Internet ; un vrai défi pour laFrance, La Documentation française, avril95 Interview dans Le Monde Diplomatique de Jean NoelTronc, rapporteur : « La puissance publique incite etrégule, mais ne marche plus », n°693, 11 octobre 1996.

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nant de façon beaucoup plus décentralisée.

A travers la mise en place d’Internet et, àtravers elle, l’entrée de la France dans la‘’Société de l’Information », ce n’est donc pasune disparition de l’action de l’Etat qui estproposée, mais une vision fortement renouvelée de l’action publique étatique traditionnelleen France. En effet, au nom de l’efficacité del’action publique par rapport à l’objectif affiché– l’Internet pour tous, une meilleur qualité devie, faire valoir la culture française et lafrancophonie dans le réseau mondial les deuxrapports en question préconisent un doubledéplacement de l’intervention étatique, d’unepart, d’une intervention directe à travers lesservices publics et la réglementation, vers uneintervention indirecte de régulation de l’actionprivée et des marchés, d’autre part, d’uneaction centralisée à une action plus quedécentralisée – déconcentrée – modifiant lesrôles et prérogatives des pouvoirs politiquesinternes à la Nation. C’est à travers ce doubledéplacement que s’opère le rapprochementpréconisé entre le ‘’modèle français’’ et le‘’modèle européen’’96

C’est à la faveur de la mise en œuvre d’une« gouvernance » de ces politiques publiquessectorielles, autrement dit d’un gouvernementnégocié avec d’autres acteurs (acteursindustriels ou économiques, acteurs de lasociété civile…) que les collectivités localesfrançaises se trouvent réinvesties d’un rôlenouveau. Elles acquièrent, du fait de leurproximité théorique avec la « demandesociale », une sorte de droit à l’expérimentation territoriale. Elles sont, de ce pointde vue, les acteurs légitimes en vertu duprincipe européen de subsidiarité.

96 En effet, il nous semble que l’assimilation d’uneréduction de l’intervention directe de l’Etat central à unedémission des pouvoirs publics face au ‘’capital’’ relèved’une vision strictement jacobine qui ne permet pas depleinement mesurer ce que peuvent représenter d’autresmodèles d’interventions publiques, plus présents enEurope. On retrouve cependant ici, l’influence grandissante sur la Commission européenne, de l’école des « publcchoice », école d’inspiration libérale qui a son encrageoriginale à l’Université de Chicago avec des économistescomme Milton Friedman. Cette école prône un retourdrastique de l’intervention de l’Etat sur ses fonctionsstrictement régaliennes

2. Des expérimentations locales

Le principe de l’expérimentation reconnu auxcollectivités locales commence à s’affirmer à lafin de la décennie 1990 comme un élémentd’un approfondissement des lois sur laDécentralisation : « Dans une société complexe, l’action publique doit pouvoir s’adapter enpermanence aux nouveaux défis qui seprésentent à elle. Cette exigence d’adaptation,qui s’impose notamment à l’action publiquelocale, implique une certaine souplesse dans lecadre juridique d’exercice des compétences.Elle peut également justifier qu’avant que denouvelles compétences ne leur soienttransférées, les collectivités puissent les avoirexpérimentées »97.

Le rapport de Bruno Lasserre, remis en 2000 auPremier ministre, reconnaît implicitement cenouveau rôle d’expérimentateur acquis parcertaines collectivités locales : « Le déploie

ment des technologies de l’information et de la

communication dans l’administration française

résulte d’un double mouvement : d’abord,

depuis le milieu des années 1990, une multipli

cation d’initiatives locales nées grâce à l’impli

cation personnelle d’élus locaux ou d’agents

motivés par ces nouveaux outils, et ensuite

l’implication progressive du Gouvernement »98.Non seulement l’Etat colbertiste semble avoirvécu, mais désormais le processus est inversé,ce sont des collectivités locales que sontattendues les innovations.

C’est ainsi que la plupart des rapports officielsde la décennie 2000 s’efforcent d’identifier leslieux et les acteurs de ces innovations.Invariablement, un groupe de quelques collectivités qui ont eu une démarche particulièrement ambitieuse ou qui ont été plus

9797 Jean Paul Delevoye, Michel Mercier, Rapport fait aunom de la mission commune d’information chargée dedresser le bilan de la décentralisation et de proposer desaméliorations de nature à faciliter l’exercice descompétences locales ; Sénat, session ordinaire de 19992000, annexe au procès verbal de la séance du 28 juin2000.98 Bruno Lasserre ; L’État et les technologies de l’information et de la communication : vers une administration « àaccès pluriels » ; rapport au Premier ministre ; Coll. desrapports officiels, La Documentation française, 2000 ; p.22.

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habiles ou plus précoces que les autres, estcensé illustrer au mieux ce qui se fait enmatière d’Internet : Metz en Lorraine (dont lesénateur maire a aussi été ministre des télécommunications), Parthenay, dans les DeuxSèvres, Issy les Moulineaux, dans les Hauts deSeine, la Communauté urbaine du Grand Nancy(en raison de la fameuse « jurisprudence deNancy »), Castres Mazamet (Tarn), Besançon(Doubs), Amiens (Somme), Villard de Lans(Isère), le Nord Ardèche, Brest (Finistère), lesRégions Bretagne, Pays de la Loire et surtoutNord Pas de Calais constituent de fait lesreliefs principaux d’un paysage qui longtempsn’en comporta guère.

L’évolution du droit accompagne cette progressive affirmation des collectivités locales dansun contexte de libéralisation des marchés detélécommunications. Si pendant longtemps, laloi ne considère les collectivités locales, sur cessujets, que comme des sous ensembles del’administration d’État, à partir du début desannées 1980 et avec le Plan Câble, lescollectivités locales étaient devenues desacteurs de plus en plus importants. La loi a prisen compte cette nouvelle donnée dès 1986 eta évoluera dans le sens d’une reconnaissanceaccrue de ce rôle d’acteur territorial sur lesréseaux de communication électronique. Apartir de la LOADT (Loi d’Aménagement duTerritoire) du 25 juin 1999, puis de la loi du 17juillet 2001, les collectivités se voientreconnaître la possibilité de développer desinfrastructures de télécommunications99. Comme le souligne Bruno Cassette, il s’agissait de« reconnaître le rôle primordial des collectivités

locales comme aménageurs numériques des

territoires »100. Enfin, la modification de la loi,intervenue le 25 juin 2003, les autorise désormais, sous condition, à devenir des opérateursde télécommunications101.

99 Article 17 de la loi n°99 533 du 25 juin 1999, codifié àl’article L. 1511 6 du code général des CollectivitésTerritoriales (CGCT).100 Bruno Cassette ; Le développement numérique desterritoires ; Coll. territoires en mouvement, LaDocumentation française/DATAR ; 2002 ; p. 43.26/08/2010101 Article L.1425 1, portant modification del’article L. 1511 6 : « (...) les collectivités territoriales etleurs groupements ne peuvent exercer une activitéd’opérateur de télécommunications (...) qu’après avoirconstaté une insuffisance d’initiatives privées propres à

2.1. Les villes pionnières en matière depolitiques portant sur les TICSi on voulait dresser la liste de ces « villespionnières » les premières à s’être lancéesdans les politiques de promotion des TIC , ilfaudrait pouvoir les référer aux généalogiesdes techniques qui se sont succédées sans selimiter à Internet. Ainsi, des villes comme Metzen Lorraine apparaissent dès la fin des années1980 comme des villes faisant le pari d’undéveloppement sur les nouvelles technologies,les TIC, et la micro informatique en réseaunotamment. Au début des années 1980, latélématique trouve à Nantes, à Strasbourg ou àVélizy, des cadres particulièrement favorablestandis que le Plan Câble qui se déploie à partirde 1982 met en lumière le rôle de deuxgrandes villes « expérimentales » Rennes etMontpelliers , alors que Biarritz et Lille, avec lamission « Urba 2000 » qui s’y est installé, sontcensées réfléchir aux expérimentations àmettre en œuvre en matière de TIC pourpréparer la ville du futur. La génération 1990,du multimédia et d’Internet mettra, quant àelle, en lumière, le rôle de villes commeParthenay, Brest, Issy Les Moulineaux, Castres,Besançon, Villard de Lans, Besançon… puis, àpartir de 2000, les villes innovantes se retrouvent en large partie dans les villes qui obtiendrons le classement en « 5 arobases » du Label« Villes Internet ».

Les modèles de développement sont à chaquefois relativement spécifiques mais il est aussipossible de dégager quelques traits qui leursont communs. Le plus fondamental sembleêtre l’investissement direct et enthousiaste desMaires ou/et des Présidents d’intercommunalités. « Les maires sont obligés d’être un peuvisionnaires » affirmait Jean Marie Rausch,député maire de Metz. Jean Marie Rausch,Michel Hervé, André Santini respectivementmaire de Metz, maire et Président du Districtde Parthenay, maire d’Issy les Moulineaux sontautant d’incarnations manifestes de cettenouvelle génération d’hommes politiqueslocaux pour lesquels les « Autoroutes de l’information » et assez rapidement Internet,représentent une priorité et un atout en

satisfaire les besoins des utilisateurs et en avoir informél’Autorité de régulation des télécommunications ».

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matière de développement local.

La capacité de ces projets à mobiliser unpartenariat local étendu (Metz a ainsi constituél’association Metz Interactive avec 13 partenaires publics ou privés), et à s’appuyer surtoute une ramification de projets locaux,d’initiatives du monde associatif ou individuelles, est sans doute un autre trait communà ces projets, et reflète bien ces nouvellesexigences qui consistent à établir despartenariats ouverts à de nombreux acteurs,de fait impliqués dans une forme de gouvernance locale. Les Villes sont ainsi amenées àfavoriser l’apparition d’associations d’utilisateurs locaux : ce fut le cas à Parthenay avecl’association « Parthenet », à Issy les Moulineaux avec le « Club des Internautes Isséens ».De ce point de vue, la Ville de Brest a eu unedémarche exemplaire, s’appuyant sur le tissuassociatif, notamment dans le cadre de sonréseau de PAPI (Points d’Accès Publics àInternet), comme dans celui des actions enfaveur de la co publication.

Au delà du partenariat local, ces villes sontégalement souvent impliqués dans despartenariats qui intègrent des acteurs économiques extérieurs au territoire voire étrangers.C’est ainsi que, dans les années 1998 à 2000,Parthenay a été la ville qui a testé une nouvelleplateforme Microsoft (dans le cadre du projeteuropéen IMAGINE).

Les services ou applications proposés sontnombreux, inventifs et déployés dans demultiples directions : modernisation desprocédures administratives (téléchargement dedocuments administratifs, « téléprocédures »...) ; sollicitation des acteurs de l’éducation et de la formation (organisation à Parthenay et à Issy Les Moulineaux de JournéesNetDays) ; expériences en matière de viepolitique locale (Issy les Moulineaux estnotamment connu pour avoir expérimentépour la première fois en France un « ConseilMunicipal interactif » associant les séances à latélévision câblée. Un tel dispositif permettaitde diffuser la séance du Conseil dans les foyersraccordés au câble avec Internet ou letéléphone et autorisait les citoyens/téléspectateurs à intervenir lors des suspensions de

séance) ; animation du tissu économique localavec, à Parthenay, l’association « PartenayreEntreprise » et à Issy les Moulineaux, le « Clubdes As » ou le Club PME PMI. A Metz, leconcept de « Metz Interactive » est clairementarticulé sur le câble de vidéocommunication. Ilconsiste « à proposer aux abonnés du réseau

câblé de Metz, institutions, professionnels et

grand public un ensemble d’une vingtaine de

services interactifs : accès à Internet par le

câble, services pédagogiques, éducatifs et

culturels, informations multiplexées et interac

tives, téléservices et domotique, télévision à la

carte... »102

Enfin, le fait d’anticiper sur des changementsde fonds permet, en référence au credo dit dela « first mover strategy » d’engranger desbénéfices médiatiques, d’occuper une nichespécifique en matière de marketing territorial.Ce genre de stratégie a en outre l’avantage dedonner, à l’élu qui a été à son initiative, unestature de visionnaire.

2.2. Les villes référentes du label « VillesInternet »Le Label « Villes Internet » apparaît en 2000.Mis en œuvre par l’association « VillesInternet »103, il a pour objet de stimuler lescollectivités locales en matière de politiquesportant sur les TIC. Chaque année depuis 2000,un Jury évalue donc les politiques locales et lesservices proposés par les villes candidates auLabel. Ce label reconnaît six niveaux, du plusfaible (« Mention villes Internet ») au plusélevé (« Cinq arobases »). Les villes « référentes » du label sont celles qui culminent au hautdu classement, soit à 5 arobases ou à 4arobases.

102 In http://www. mairiemetz.fr :8080/METZ/ACT/MIA/METZ_MIA.html103 http://www.villes internet.net/label/

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Les Villes « référentes » du Label « VillesInternet, de 2000 à 2012

La géographie régionale des meilleurs résultatsau Label jusqu’à l’édition 2008, autrement ditla géographie régionale des villes que nousqualifierons de « référentes » (celles ayantobtenu 4 ou 5 arobases) recoupe la géographiede l’ensemble du Label. Les Régions quifournissent le plus grand nombre decollectivités classées dans ces niveaux sontcelles qui fournissent le plus de candidatures :Ile de France, Lorraine, Nord Pas de Calais,Bretagne, Rhône Alpes et Aquitaine. Autrement dit, il y a une corrélation évidente entrele nombre de candidatures par région et laréussite au Label de quelques unes d’entreelles. Ce qui laisse supposer qu’il puisse y avoir

un effet d’entraînement des villes en situationde « leadership » dans leur espace régional. Anoter que, dans cette « géographie des villesréférentes», quatre Régions ne sont pasreprésentées : la Corse, Midi Pyrénées,Limousin et PACA, ainsi que les DOM TOM.

Cet effet d’entraînement ou la capacité de certaines collectivités locales à s’ériger en « modèle » ou en « référence » pour les autres est unedonnée importante à prendre en considérationcar elle signifie qu’il puisse y avoir échanged’expériences ou de « bonnes pratiques » àl’intérieur d’un espace régional.

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Les Villes « 5 arobases »

On peut repérer trois grandes périodes dans lapopulation très sélective des villes ayantobtenu le classement en « 5 arobases ». Lapremière est celle qui va de 2000 à 2002.Pendant ces trois premières éditions, soit cerang n’est pas attribué (en 2000), soit il l’est àune seule ville : Parthenay qui s’affiche dès lorscomme le modèle école (en 2001 et 2002). Ladeuxième époque est celle qui débute en 2003(l’édition 2003 accueille trois villes dans cettecatégorie) puis les éditions 2004 et 2005 qui encomptent quatre. Le troisième temps s’ouvreavec l’édition 2006 qui décerne les « 5arobases » à 9 villes. 2007 et 2008 incluent 14villes dans ce groupe tandis que l’édition 2010culmine atteint 16 villes, 2011 en décernant 24et 2012, 29… Quant aux résultats du label2013, ils restent confidentiels jusqu’au 31janvier 2013. Si l’on admet que la méthoded’évaluation du Jury du Label n’a passignificativement changé, ces chiffres illustrentcroissance significative du nombre des villes lesplus innovantes en matière de politiques TIC.

Ces villes qui sont distinguées par l’obtentiondu Label « 5 arobases » sont des villes quiexcellent dans pratiquement tous les domainesrelatifs aux politiques TIC. Elles sont capablesd’innover dans le domaine technique, endéveloppant par elles mêmes des applicationsspécifiques ; elles ont entamé une modernisation et une restructuration organisationnelleambitieuse, elles ont établi les bases d’undialogue social sur l’ensemble de ces enjeuxavec leurs citoyens/usagers.

Le Groupe des Villes « 4 arobases »

Il est sans doute le plus significatif del’ensemble des innovations portées ousuggérées par les collectivités locales enmatière de TIC. D’une part parce que le Groupeest plus diversifié, plus représentatif du mondedes collectivités locales que le Club très sélectifdes villes « 5 arobases », d’autre part parceque ces Villes « 4 arobases » représentent ungroupe qui n’a cessé de se renouveler.Certaines villes apparaissent depuis plusieursannées dans cette catégorie, mais, chaqueannée, elle accueille des villes nouvelles, dont

certaines qui se présentent pour la premièrefois au Label Villes Internet.

Certaines des villes labellisées dans ce rangsont en fait des collectivités qui ont étépionnières en matière de développementsocial des TIC, à l’instar de Parthenay. C’estévidemment le cas de Brest comme c’étaitcelui d’Issy Les Moulineaux. Bien souvent, ladifférence entre les villes 5 arobases et lesVilles 4 arobases tient au fait que ces dernièresont choisi d’orienter leur action sur quelquesaxes privilégiés tandis que les Villes 5 arobasescontinuent de s’efforcer de tenir un niveaud’excellence quelle que soit la catégorie despolitiques TIC.

III Problématiques du développement etrecomposition des territoires

Soumis à la pression croissante des réseaux, lesterritoires sont en voie de recompositions.D’autres concepts apparaissent, tels que« déterritorialisation » et « reterritorialisation », qui soulignent de nouvelles dynamiquesà l’œuvre.

A l’espace à métrique topologique des territoires semblerait s’opposer l’efficacité grandissante des espaces réticulaire, aux catégoriesd’espace de la contiguïté, ceux de la connexité...

1. Vers une problématique renouvelée del’aménagement des territoires et dudéveloppement local

Depuis le recul de l’interventionnisme d’Etat, ledéveloppement de la « Société del’Information » passe moins par les macrosystèmes que par les projets locaux. Il s’agitmoins d’aménager les territoires que defavoriser l’éclosion et la multiplication deprojets locaux. Même s’il ne faut pas négligerla problématique des infrastructures, ce querappelle l’article d’Alain Loukou104, il est claircependant que l’existence de tellesinfrastructures ne signifie pas qu’il puisse yavoir un développement, simplement, il signifie

104 Cf. Infra, p. 83

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que son absence peut constituer un frein audéveloppement.

Autrement dit, le développement, ses causes,ses dynamiques, sont ailleurs, elles sont dans lejeu des acteurs, leurs capacités à innover.Comme le dit Pierre Veltz :« Une (…) idée

simple a fait son chemin (…). C’est celle qui

affirme que le développement des territoires

est de moins en moins, le résultat pratiquement

déterministe d’une dotation favorable en fac

teurs de production (avant hier, l’énergie et les

matières premières ; hier, une main d’œuvre

abondante et bon marché), mais le résultat

étranger à toute fatalité de la géographie d’un

maillage réussi entre les acteurs publics et

privés, adossés à des institutions adéquates,

porteurs de projets pertinents et mobilisa

teurs »105

.

D’un point de vue géo économique, les territoires sont de plus soumis à concurrence. « (…)

l’économie globale, les interdépendances à

longue distance se mêlent désormais intime

ment à l’économie locale, aux effets de

proximité. Les échelles se brouillent » constataitPierre Veltz106. Dans le cadre de ce que cetauteur appelle « l’économie d’archipel », lesmétropoles dynamiques sont reliées entre ellespour constituer des « réseaux de métropolesrégions constituant les nœuds d’une économieglobale transfrontières ».

Pour Laurent Davezies, les politiques françaisesd’aménagement du territoire ont eu pour effetdepuis le début des années 1960 jusqu’à trèsrécemment, de protéger les territoires. Or,avec la crise économique contemporaine, lesterritoires pourraient bien faire les frais d’uneremise en question de l’aménagement desterritoires.

Les territoires en crise apparaissent fragiliséspar les stratégies de tels ou tels acteurs qui, envertu d’une évaluation des différents critèresde compétitivité, deviennent les promoteursd’une logique de délocalisation.

Le développement local apparaît donc comme

105 Pierre Veltz, Des liens et des lieux., p. 11.106 Idem, p. 44.

intrinsèquement lié avec les problématiques dela « gouvernance des territoires ». Tandis queles territoires sont en voie de recomposition,les acteurs territoriaux « traditionnels » sontamenés à discuter et négocier avec les acteursprivés, mais aussi avec les acteurs associatifs,avec les habitants eux mêmes, voire avec desacteurs d’autres territoires, que ceux cis’inscrivent dans le registre de la contiguïté oudans celui de la connexité.

2. La problématique des modes de vie.

Les collectivités locales sont loin d’avoir lemonopole de l’intervention sur les territoireslocaux. D’une certaine manière, elles pourraient même se trouver de plus en plusdéqualifiées dans la mesure où les territoiresde vie, d’activité, de loisir, de consommation…sont de plus en plus diversifiés et de moins enmoins convergents avec les territoires communaux.

Les concepts d’espace, de territoire, de réseaux… évoluent rapidement, intègrent dessens et des dimensions nouvelles en lien avecdes pratiques sociales émergentes, avec desreprésentations inédites du monde environnant. Certains chercheurs parlent désormaisd’espaces « mobiles », « réticulaires », « augmentés »…

Les autorités locales, face à la mise en concurrence de territoires proches et lointains, face àl’accroissement de certaines mobilités…semblent devoir faire face à deux tendancesfortes dans l’évolution des modes de vie, deuxtendances contradictoires : l’une renvoie à lacohésion du territoire, à l’affirmation de sonidentité, à la défense de ses intérêt… tandisque l’autre semble aller dans le sens de ladislocation.

Selon François Ascher, « Cette évolution de lasociété fait problème à tous ses acteurs. Enpremier lieu, elle met en cause une partie desfondements de la démocratie représentative etdu système des partis politiques. Ceux cisupposent en effet que des individus d’unmême territoire ont en commun un grandnombre d’intérêts ou d’engagements, et qu’ilspeuvent donc se faire représenter collective

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ment par des organisations et des individus quipartagent ces mêmes intérêts et engagements.Mais si les individus ont des modes de vie deplus en plus différenciés, s’ils adhèrent à desvaleurs de plus en plus diverses et s’ils formentdes groupes à géométrie variable, commentélaborer des programmes d’action qui leursoient communs, et comment les représenter ? ».

Cette perte de sens entre les groupes sociauxet le politique est certes vraie à l’échellenationale, mais elle touche aussi et de façon deplus en plus nette l’échelle locale, communaleen particulier. Le lieu a en effet perdu unepartie significative de sa capacité à faire le liensocial.

Comme le montrent de nombreux et récentstravaux de sociologie urbaine, les habitants desvilles d’aujourd’hui appartiennent ou seréfèrent de plus en plus à des « groupessociaux » diversifiés. L’habitant des villes nepeut plus se définir simplement en référence àson lieu de résidence, à son travail, à sespratiques sociales ou culturelles. Si, pendantlongtemps, la production de la sociétés’inscrivait dans ces principes de « localisation » fortement corrélés entre eux (le lieu derésidence, le lieu de travail, les lieux des loisirsétaient en partie déterminés les uns par lesautres, comme enchaînés entre eux), c’est ceprincipe même qui est fortement remis enquestion par les formes récentes de l’évolutiondes sociétés urbaines.

Dès 1988 Michel Maffesoli avec « Le temps destribus ; le déclin de l’individualisme dans lessociétés postmodernes »107, analysait les logiques à l’œuvre dans la production des« groupes sociaux » qui se constituait en référence r à des pratiques de consommation et àleur gestion symbolique. Contrairement à lastabilité induite par l’organisation « traditionnelle » en classes sociales et en groupessociaux sur des territoires à peu près clairement définis et identifiés, le néo tribalisme estcaractérisé par la fluidité, les réunionsponctuelles et la dispersion. Ce type dephénomène n’a fait que s’accentuer dans les

107 Ed. La table ronde, Paris, 1988

années récentes, en lien avec l’usage desréseaux sociaux notamment.

La multiplication, par les grandes enseignes dedistribution commerciale, des « cartes defidélité » constitue ainsi une réaction à cettedisparition du lien de fidélité qui existaitautrefois entre « groupes sociaux », voire« classes sociales » et pratiques de consommation. C’est précisément parce que le clientest de moins en moins lié à une enseigne, àune marque, à une localisation, qu’il est deplus en plus « inconstant » ou « volatile »…qu’il apparaît important de le « relier » partoute une série d’astuces de marketing. En fait,il semble que nous assistions, sinon à ladisparition, du moins à une redéfinitiondrastique de la notion de zone de chalandise.Ces zones de chalandise évoluent à l’instar desterritoires. Ici le chaland, là l’habitant/citoyen,ont imposé de par l’évolution de leurspratiques, de leur mode de vie, une recomposition des territoires.

Au delà de leurs dimensions politiques, les TICet Internet sont les outils d’une redécouvertede nouvelles socialités, de nouvelles aménitésurbaines…. Avec la croissance urbaine, ledéveloppement, à côté des territoires « continus », d’espaces « mobiles », « augmentés »,« réticulaires », il se pourrait fort bien que lesTIC aient pour rôles essentiels d’offrir lapossibilité aux usagers de recomposer desterritoires à l’intérieur d’un espace de plus enplus complexes, contradictoire, indifférencié.

Espaces mobiles, augmentés, réticulaires… seprésentent comme de nouvelles modalités desformes émergentes de l’urbanité « hypermoderne » telle que la présentent notammentFrançois Ascher108 ou Dominique Boulier.

Considérant les façons dont l’homme contemporain, urbain et utilisateur des machines àcommuniquer, dont le téléphone mobile, structure sa relation à l’espace, Dominique Boulierpropose le concept d’« habitèle »:

108 F. Ascher, La société hypermoderne ou Cesévénements nous dépassent, feignons d’en être lesorganisateurs, Ed. de l’aube, 2000

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« Ce qui constitue l’habitèle comme

compétence humaine repose sur ces

objets (…), clés, cartes bancaires,

moyens de paiement, cartes d’accès, de

transport, cartes SIM, papiers d’iden

tité, permis divers, assurances, qui

toutes portent un statut juridique clair.

Je les appelle « habitèles restreintes,

car ils constituent le noyau même de

nos appartenances (…)

On pourrait rapprocher ce concept d’habitèlede celui qui avait été proposé par l’éthologisteétats unien Edward T. Hall de proxémie.Chaque être vivant se construit à travers unrapport à plusieurs « distances » qui fondentson rapport au monde, et qui s’articulent dansdes échelles variées, entre l’intime et l’extime.De ce point de vue, les « habitèle restreintes »de D. Boulier correspondent à un ensembled’outils qui permettent de parcourir l’espaceurbain sans risque de friction. Ces outils sontdes extensions de la corporalité et de sonexposition sociale.

En revanche, lorsque bous emportons

avec nous notre musique préférée (…)

ou nos livres qui vont nous absorber,

nous véhiculons avec nous tous nos

mondes d’appartenance. Nous dépla

çons des morceaux de notre culture

particulière dans un environnement

urbain supposé anonyme et marqué

bonne nuit par la réserve. Nous

touchons là déjà à ce que j’appelle

« l’habitèle augmenté » (…) et elle se

rassemble déjà dans le téléphone

portable qui qui porte aussi nos MP3 et

nos eBooks. Mieux encore, nous avons

accès à tous nos mondes d’apparte

nance à la fois, disponibles au bout des

doigts. »109

On pourrait donc considérer que les TIC soientdes outils susceptibles de remettre de l’ordre,de réorganiser l’espace. Ils seraient porteurs de« nouveaux périmètres » et de nouvelles capacités à se situer en dehors des territoires du

109 Dominique Boulier, (2011), Habitèle virtuelle ; In

Dossier Aires numériques, Revue Urbanisme, n°

376, p. 43.

quotidien, dans les espaces réticulaires,porteurs de nouvelles façons d’être au monde,de nouveaux processus d’indentificationsociale… Généralement appréhendés commedes outils au service de la montée desindividualismes, ces TIC permettraient aussi dese « relier », de se « référer » à des groupessociaux, sa famille ou sa famille élargie, sa ouses communautés d’origine ou de référence…

3. L’émergence de la coopération décentralisée en matière de « numérique »

Au registre des grandes réformes et desprocessus de transformation à l’œuvre au seindes pouvoirs locaux, la notion de CoopérationDécentralisée représente de toute évidenceune évolution nettement moins importanteque l’intercommunalité. Si on a pu dire quecette dernière constituait une « révolutionsilencieuse », on se rend compte que, quant àelle, l’expression « coopération décentralisée »souffre de nombreuses incompréhensions, denombreux quiproquos.

Ainsi, dans le vaste questionnaire envoyé auxvilles candidates au Label « villes Internet »2013, 80 % des réponses à la question de cequ’elles faisaient en matière de coopérationdécentralisée et de politiques sur les TICsignaient en fait que les villes n’avaient pascompris la question. La coopération décentralisée est généralement confondue, avec lapratique de « jumelage », avec l’intercommunalité ou avec des partenariats publics/privés. Elle ne semble d’ailleurs répondre à desdemandes sociales clairement formalisées quedans le cadre des espaces transfrontaliers,dans lesquels les collectivités locales ont étéplus tôt qu’ailleurs enrôlés dans des projets decoopérations internationaux.

C’est ainsi que Vellizy Villacoublay signalait :« Nous avons aidé la société Bulkipix à

développer une stratégie d'export. Bulkipix a

ouvert un bureau à San Francisco ».

Autrement dit, pour nombre des villes ayantrépondu au questionnaire, est coopérationdécentralisée tout ce qui amène la collectivitéà intervenir en dehors du territoire communalet avec d’autres partenaires que le partenaire

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étatique. Seule 20 % des « villes internet »ayant répondu à la question de la coopérationdécentralisée indiquent des actions en lamatière. Même dans ce cas, la coopérationdécentralisée ne semble pas très clairementmaîtrisée puisqu’on peut retrouver, sous cettemention, des partenariats avec des acteurséconomiques étrangers : « Metz a répondu à

divers appels à projets dans le domaine des TIC

qui l'ont amené à un échange avec des

partenaires internationaux. De plus, et pour

citer le plus récent, la Ville a mis en place le

service de paiement de stationnement par

téléphone portable gratuit pour l'usager en

partenariat tripartite avec une société

allemande et diverses entités publiques et

privées européennes. Nous pouvons citer aussi

le projet Enthrone qui a vu participer aux côtés

de la Ville de Metz, des entreprises privées ».

L’ensemble des quiproquos que nous constatons autour de la notion de coopération décentralisée renvoie à plusieurs difficultés, dont uneest d’ordre méthodologique, et l’autre plutôt àun phénomène de disjonction entre une réalitéen débat et ses représentations.

La difficulté méthodologique est liée au faitque les personnes qui répondent auquestionnaire « Villes Internet » sont généralement les spécialistes, dans la commune, despolitiques TIC et non les responsables desrelations internationales. Dans ce cas, ladifficulté rend compte d’une mauvaise collaboration interne, d’une mauvaise circulation del’information au sein de la collectivité quiparticipe au Label. Dès lors que les TIC sontcensées participer à une réorganisation desservices en instituant un décloisonnement desservices traditionnels, ce constat soulignetoutefois une certaine incohérence.

L’autre difficulté est d’un ordre bien différent.Elle est le reflet d’une difficulté à élaborer unestratégie de développement qui tienne comptedu tropisme des réseaux. Dès lors, , au delà desaspects humanitaires évoqués par le texte deD. Tchéhouali110, la coopération décentraliséeprésente d’autres intérêts, dont celui del’apprentissage de politiques non plus territo

110 Cf. Infra, p. 133

riales, mais réticulaires. Ce sont celles qui sonten capacité à prendre en compte les nouveauxmodes de vie en relation avec les espaces devie contemporains. C’est ainsi, qu’elles peuvent, par exemple, prolonger des pratiquesd’une partie de la population présente sur sonterritoire et qui, au delà du fait d’être habitants du territoire communal, peuvent aussiêtre membre de diasporas en relation avec desterritoires éloignés, engagés dans des solidarités à distance.

Comme l’ont montré de nombreux travauxrécents, les métropoles ont déjà acquis uneexpérience de fonctionnement en réseaux. Lesmétropoles sont reliées entre elles et seprésentent comme des nœuds d’un réseauintermétropolitain qui finit par avoir plus d’efficience que les liens que la ville métropoleentretient avec son arrière pays.

Les problématiques récentes du développement local montrent bien en outre que lesvilles dynamiques sont celles qui acquièrent cetype de compétence du fonctionnement enréseau. Que ce soit pour expérimenter desprojets innovants, pour participer à des projetsinternationaux… ces partenariats ou ces liensde solidarité en réseaux apparaissent de plusen plus importants.

Or, les compétences en la matière sont en voied’invention, de formalisation. La questioncruciale de la formation des compétences estsans doute, dans ce contexte mouvant, le défile plus important, sachant que ces compétences devraient être celles qui devraient relier lesterritoires d’un côté, les réseaux de l’autre.

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Près d’une décennie après la tenue du premierSommet mondial des villes et des pouvoirslocaux sur la Société de l'Information organiséles 4 et 5 décembre 2003 à Lyon (France) dansle cadre du Sommet mondial sur la société del’information (SMSI), force est de constater quel’écrasante majorité des collectivités localesafricaines ne sont toujours pas en mesure des’approprier les technologies de l’informationet de la communication (TIC) et de les intégrerdans leurs stratégies de développement local.Cette incapacité est d’abord liée aux lacunesauxquelles elles font face en matière deressources humaines, matérielles et financières, lacunes auxquelles s’ajoutent très souventles compétences limitées des responsablespolitiques qui sont à leur tête.

Cela étant, il ne faut pas négliger une autredimension, plus structurelle, qui tient au faitque jusqu’à une date récente tout ce quitouchait aux télécommunications et auxtechnologies était du ressort quasi exclusif del’Etat. Ainsi, de leur naissance à la fin duXIXème siècle jusqu’à leur dérégulation aumilieu des années 1980, les télécommunications se sont développées, un peu partout àtravers le monde, dans le cadre d’un monopolenaturel exercé par des entreprises publiquesqui ignoraient royalement les collectivitéslocales.

Pour ce qui est de l’informatique puisd’Internet, il ne faut jamais oublier que leurnaissance découle de programmes de recher

che militaire visant dans le premier cas àaugmenter les capacités de calcul nécessairesaux artilleurs avec pour résultat l’invention dupremier ordinateur et dans le second cas lanécessité de disposer d’un réseau de communication maillé capable de résister auxeffets d’une attaque nucléaire sur les systèmesde communication qui donnera naissance àInternet.

Outils au service du pouvoir régalien de l’Etat,les télécommunications ont donc toujours étéau cœur de préoccupations d’ordre étatique etayant pour horizon l’intérêt national, comprisau sens central, excluant ainsi de facto de leurchamps d’intervention, les collectivités territoriales et la dimension locale. D’ailleurs, bienque les spécialistes aiment à vanter le caractère horizontal, non hiérarchisé, peu contrôlé,décentralisé, réparti, démocratique, participatif, etc. d’Internet, il convient toutefois d’avoirà l’esprit que le développement des sociétés del’information à travers le monde a, pour l’essentiel, reposé sur la mise en place de puissantes politiques publiques. National Information Infrastructure (NII) aux Etats Unis, Programme d’action gouvernemental pour lasociété de l’information (PAGSI) en France,livres blancs et autres documents de politiquecommunautaire au sein de l’Union européenne(UE), on ne compte plus les interventions de lapuissance publique à l’échelle nationale voirerégionale pour mettre en place des cadrespropices au développement des TIC.

L'Afrique n’a pas échappé à cette dynamique et

Politiques publiques en matière de société de l'information etcollectivités locales en Afrique.Le chainon manquant ?

Olivier SagnaMaître de Conférences à l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar)

Directeur des études, des politiques et de la coopérationà la Direction générale de l'enseignement supérieur,

Ministère sénégalais de l'enseignement supérieur et de la [email protected]

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des politiques publiques continentales, régionales, nationales et sectorielles ont été peu àpeu élaborées dans le but de titrer profit desopportunités offertes par la société del’information. Point commun à toutes cesdynamiques, la faible présence, voire l’absence, des préoccupations liées au développement local et/ou s’inscrivant dans les différentes échelles de territoire composant lesEtats avec pour conséquence la marginalisationdes collectivités locales qui se sont ainsiretrouvées orphelines du numérique.

I. Et Internet tomba du ciel…

Si dans les pays développé Internet s’estconstruit par le bas, suite au maillageprogressif du territoire résultant de l’interconnexion des réseaux dans les laboratoires et lesentreprises (LAN), sur les campus (WAN), puis àl’échelle des villes (MAN) jusqu’à former desréseaux régionaux puis nationaux, en Afrique leschéma a été inverse. Compte tenu de l’extrême faiblesse du taux de pénétration del’informatique et des télécommunications, iln’y avait peu, voire pas, de réseaux à interconnecter à l’exception de quelques rares payscomme l’Afrique du Sud ou l'Égypte. Ledéploiement d'Internet n'a donc pas résultéd'un maillage de réseaux existant sur leterritoire mais plutôt, dans la grande majoritédes cas, d'une connexion via satellite sur unepasserelle Internet. Le mot « passerelle »exprime bien le caractère ténu et fragile decette connexion, située la plupart du tempsdans la capitale du pays.

C’est cette genèse qui explique que pendantlongtemps, dans nombre de pays africains,l'accès à Internet n’était possible que dans lacapitale politico économique et dans quelquesvilles secondaires, le reste du pays, notammentles villes tertiaires et les zones rurales, n’étantpas connectées à cette infrastructure. Dès ledépart, c'est donc le sommet, le centre, unepetite portion du territoire, qui a été partieprenante de cette société de l'information enconstruction au détriment de la base, du localet de l'ensemble du territoire. Une fois cetteinfrastructure minimale de connexion à Internet mise en place, s'est posée la question despolitiques publiques à mettre en œuvre pour

favoriser l'entrée des pays africains dans lasociété de l'information.

1 . Un texte fondateur : l’Initiative Sociétéafricaine à l’ère de l’information (AISI)

Alors qu'une bonne partie du monde s'étaitlancé depuis le début des années 1990 dans laréflexion sur ce que devaient être les contourset le contenu de la Société de l'information,l'Afrique est restée pendant longtemps enmarge de cette dynamique. En la matière, lasituation qui prévalait se caractérisait « parl'existence d'initiatives extérieures au continent, l'absence d'une stratégie globaled'intégration à la société de l'information etune relative marginalisation de ses systèmesd'information »111. Le tournant ne s'est opéréqu'en 1995 lors du Colloque régional africainsur la télématique au service du développement organisé à l'initiative d’un partenariatregroupant l'Union internationale des télécommunications (UIT), l’Unesco, de la Commissionéconomique des Nations unies pour l'Afrique(CEA) et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), en collaboration avec l’Organisation de l'unité africaine(OUA) du 3 au 7 avril 1995 à Addis Abeba(Éthiopie)112. A cette occasion, la conférencedes ministres africains adopta une recommandation sur la mise en place d’autoroutes del'information en Afrique et demanda à la CEAde créer un groupe d'experts de haut niveauchargé de proposer un plan d'action113. Dansson allocution, le Secrétaire exécutif de la CEAavait fait remarquer qu'il s'agissait du premiercolloque du genre organisé en Afrique et clairement tracé les enjeux, à savoir « discuter de lasituation de l'Afrique dans ce domaine et parrapport aux autres régions du monde, afin deproposer un plan d'action pour le futur »114. La

111 Pierre Dandjinou. Les pays du Sud dans les nouveauxenjeux de l'information, p. 212 in Acte du colloque Actesdu Colloque de l'ABCDEF Université Laval, Québec 23 25octobre 1995. La Formation documentaire. Textes réunissous la direction de Richard Laverdière avec lacollaboration de Claudio Fedrigo. Québec/Paris,ABCDEF/AUPELF UREF, 1998, 256 p.112http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001124/112436fb.pdf113 Résolution 795 (XXX) de la CEA pour la mise en placede l’autoroute de l’information en Afrique (2 mai 1995).114http://www.africa.upenn.edu/Padis/Telem_Alloc.html

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recommandation, comme un péché original,proclamait que « L’objectif visé devrait être lapromotion des décisions politiques nécessaireset l’établissement des priorités claires pour ledéveloppement des services télématiques auplan national et international »115. Dès le débutla dimension locale avait été omise au profit dunational et de l'international même si celapouvait se comprendre d’une certaine manièrevu le caractère international de la réunion quiregroupait des délégués représentants desEtats.

Présidé par l'égyptien Hisham El Sherif,Président du Conseil consultatif de l'Informa

tion and Decision Support Center (IDSC), legroupe d'experts mis en place était composédu Sud africain Michael Jensen qui en fut lerapporteur, du Nigérian Raymond U. Akwule,Directeur du Centre for Telecommunications,

Informatics and Broad casting du Department

of Communication de George Mason University(États Unis), de la Tunisienne Karima Bounemra, Directrice de l'Institut régional dessciences informatiques et des télécommunications (IRSIT), du Sud africain Ben Fouche duCouncil for Scientific and Industrial Research

(CSIR), du Camerounais Richard Maga, Conseiller du ministre des postes et télécommunications, du Kenyan Muriuki Mureithi de laTelecommunications Foundation of Africa

(TFA), du Sénégalais Momar Aly Ndiaye,Délégué à l'informatique et de l'EthiopienDawit Yohannis, porte parole de l'Assembléenationale. Ils ont été assistés par deuxuniversitaires états uniens, Derrick Cogburn etErnest Wilson, respectivement Directeurexécutif et Directeur exécutif adjoint de laGlobal Information Infrastructure Commission

Africa (GIIC Africa)116 basée au Center for

Strategic & International Studies deWashington (États Unis). Après trois réunions

115 Recommandations du Colloque Régional Africain "Latélématique au service du développement" (3 7 avril1995).116 La GIIC Africa est la branche africaine de la GIIC crééesuite à la réunion ministérielle extraordinaire des pays duG7 sur les autoroutes de l'information tenue en 1995 àBruxelles (Belgique). Créée à l'initiative de dirigeants degrandes firmes du monde des technologies del'information et de la communication, la GIIC a pourvocation de faire valoir les intérêts du secteur privé dansla construction de la Société de l'information.

de travail organisées respectivement au Caire(Égypte), à Dakar (Sénégal) et à Addis Abeba(Éthiopie), le groupe d'experts remet, auprintemps 1996, un document intitulé « Rapport relatif à l’Initiative Société africaine à l’èrede l’information (AISI) : Cadre d’action pourl’édification d’une infrastructure africaine del’information et la communication ». Sa principale recommandation est de mettre en place,dans chaque pays africain, une infrastructurenationale d’information et de communicationou National Information and Communication

Infrastructure (NICI). Il est par ailleurs mentionné que la stratégie mise en œuvre se doit derépondre, dans chaque pays, aux défis dudéveloppement que sont notamment la gestion de la dette, la sécurité alimentaire, lasanté, l’éducation, la population, le chômage,la création d’emplois, l’industrialisation, labonification des terres, les ressources en eau,le tourisme, le commerce, etc. Si la dimensionsectorielle est prise en compte, par contre ladimension spatiale, avec les différentes échelles de territoires que sont notamment le localet le sous régional, sont totalement ignoréesde même que les collectivités locales en tantqu’institutions décentralisées.

Parmi les arguments mis en avant pour justifierla mise en place de cette infrastructure nationale d’information et de communication figurent la nécessité de connecter l'Afrique àl'infrastructure mondiale d'information afin depouvoir bénéficier de toute une série d'opportunités parmi lesquelles figurent en bonneplace le saut des étapes du développement parle recours aux technologies de l'information etde la communication (TIC), un positionnementavantageux et à faible coût dans la nouvelleéconomie, la diffusion de la culture africaine,de ses produits d'information et même desproduits et services informatiques dans le restedu monde, la diminution de l'exode rural (enpermettant aux populations de travailler et devivre là où elles se trouvent), etc. Les auteursdu document sont conscients du fait que « lespopulations illettrées et rurales ne pourrontpas tout de suite utiliser directement l’infrastructure africaine de l’information » mais ilsrelativisent cet inconvénient en arguant que« les avantages induits pour le pays dans sonensemble se traduiront par des profits pour

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toutes les fractions de la société ».

2. Une vision privilégiant le national etignorant le local

La vision de l'Initiative Société africaine à l’èrede l’information se place clairement à l'échellecontinentale117 et fait sienne la réalisation desobjectifs du traité instituant la Communautééconomique africaine signé le 3 juin 1991 àLagos (Nigeria)118 qui prévoit notamment lacréation de réseaux d’information et de basesde données régionales qui s'inscrit lui mêmedans le Plan d'action de Lagos (1980 2000)adopté par l'Organisation de l'unité africaine(OUA). L'objectif stratégique qui est déclinépour l’année 2010 est que « chaque homme etchaque femme, chaque écolier, village, servicepublic et entreprise [ait] accès aux ressourcesen informations et aux bases de connaissancesgrâce aux ordinateurs et aux télécommunications ». En ce qui concerne les objectifsspécifiques, la connexion au reste du monde, lacréation de services d'information, la mise enplace de communications peu coûteuses, ladiffusion d'information auprès des particuliers,des milieux d'affaires, des ONG et du secteurpublic ainsi que l'échange et l'exportation deproduits et services TIC figurent au rang despriorités. Dans les objectifs connexes et enavant dernier point, il est recommandé d'«adopter des politiques et des stratégies facilitant l’accès aux moyens d’information et decommunication en donnant la priorité auxzones rurales, à la population au niveau local etaux autres groupes "sans voix", en particulierles femmes et les jeunes ». Le documentidentifie également la création d'emplois, lasanté, l'éducation et la recherche, la culture, lecommerce, le tourisme, la sécurité alimentaire,les femmes et le développement ainsi quel'environnement comme étant les problèmesprioritaires auxquels l'Afrique doit s'attaquer.

Les zones rurales, qui ont fait l'objet d'uneattention particulière lors de la Conférencemondiale sur le développement des télécom

117 Dans le jargon du système des Nations unies le termerégion est utilisé en lieu et place du terme continent.118 Ahmed Mahiou. La Communauté économiqueafricaine in Annuaire français de droit internationalvolume 39, 1993, p. 798 819.

munications (CMDT) de 1994119, et le local sontcertes évoqués mais pas de manière centraleet surtout pas comme constituant des espacesd'intervention. Les tâches les plus importantesassignées aux gouvernements africains sont lacréation d'une infrastructure d'information etde communication à travers la libéralisation dusecteur des télécommunications et des médias,l'élaboration de nouvelles législations et lerespect des textes internationaux en matièrede propriété intellectuelle, de protection de lavie privée, ainsi que de respect de la libertéd'expression et la garantie du droit d'accès àl'information. Si le secteur privé, les ONG et lesmédias se voient assigner un rôle, lescollectivités locales quant à elles ne sontnullement mentionnées.

La mesure phare qui est proposée consiste enl'élaboration de plans relatifs à l’infrastructurenationale d’information et de communicationplus connus sous l'appellation de « plansNICI ». Ils sont censés répondre aux besoinsdes différentes composantes de la société quesont les décideurs, les hommes d'affaires, lesétudiants, les travailleurs et le grand publicmais ne prennent pas en compte de manièrespécifique les élus locaux. La seule allusion audéveloppement local figure dans le programme4 intitulé « Développement rural intégré » quirecommande la création de centres de télécommunication ruraux, de kiosques ainsi quede services mobiles d’informatique et detélécommunication dans des endroits choisisavec l’aide de bailleurs de fonds internationaux(sic!).

Le premier plan NICI, avant la lettre, seradéveloppé dans le cadre de l'Initiative ACACIASénégal. Lancée par le CRDI, l'InitiativeACACIA120 se veut une contribution du Canadaà l'Initiative société africaine à l'ère del'information121. Développée dans un cadre

119 Plan d'action de Buenos Aires pour le développementmondial des télécommunications.http://www.itu.int/itudoc/itu d/wtdc/wtdc1994/baapefr.txt. [Consulté le 20 octobre 2011].120 L'acronyme ACACIA désigne le programme intitulé« Communautés et Société de l'Information en Afrique ».121 L'initiative ACACIA in ACACIA Communautés et sociétéde l'information en Afrique, Bulletin de liaison des acteursde la stratégie ACACIA Sénégal, n°1 décembre 1997.

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multi acteurs associant le gouvernement, lasociété civile, l’enseignement supérieur et lesecteur privé, ACACIA, contrairement àl'écrasante majorité des projets TIC menés àl'époque, concentre son attention sur lescommunautés de base et le développementlocal et non sur l'État et le développementnational. Avant son approbation officielle parle CRDI, elle a fait l'objet d'une étudepréliminaire122 et l'avant projet de stratégie quia été élaboré123 a été examiné lors d'un atelierde validation rassemblant des représentants del'Etat, de la société civile, du secteur privé, desélus locaux, des médias, de l'université124, etc.,ce qui est particulièrement innovant, àl'époque, en matière de processus d'élaboration de politique. La stratégie recommandéemet l'accent sur le plaidoyer pour l'extensiongéographique et sociale du bénéfice des TIC, lafourniture d'équipements informatiques articulée à la formation, non seulement à l'utilisationmais également à la maintenance, en mettantl'accent sur les jeunes et les femmes de mêmeque le partenariat avec les organisationscommunautaires de base (OCB) et les organisations d'appui au développement. Dans leursrecommandations, les participants ont clairement identifiés les collectivités locales et lacoopération décentralisée comme étant desacteurs clés sur lesquels il faut s'appuyer.

Dès 1997, un groupe de dix pays125 s'engagedans l'élaboration de la première générationde plans NICI ou « stratégies nationales » enmatière de TIC avec l'appui de la CEA. Ladémarche préconisée, qui s'inspire de l'expérience ACACIA Sénégal, se veut participativemais les collectivités locales sont absentes dela liste des parties intéressées devant participer activement à un tel processus126. De même,

122 Olivier Sagna et Fatoumata Sow. Étude préliminaire àl'élaboration de la stratégie ACACIA au Sénégal. Dakar,CRDI, Décembre 1996, 53 p.123 Pape Gorgui Touré. Stratégie ACACIA au Sénégal.Dakar, CRDI, janvier 1997, 86 p.124 Olivier Sagna et Fatoumata Sow. Stratégie ACACIASénégal. Rapport général de l'atelier organisé à SalyPortudal du 8 au 10 janvier 1997. Dakar, CRDI, 35 p.125 Ces pays étaient le Burundi, l'Éthiopie, le Mali, leMalawi, le Maroc, la Namibie, le Rwanda, le Soudan, laTanzanie et la Tunisie.126 Commission économique des Nations Unies pourl'Afrique. E/ECA/ADF/99/8. Le processus de développe

les applications utiles qui ont été recenséessont principalement, pour ne pas direexclusivement, destinées à être mise en œuvrepar les différents ministères sectoriels et doncpar l'État. S'agissant de l'administration, lesapplications suggérées visent à améliorer lacommunication et la circulation de l'information entre les services étatiques même sil'amélioration de l'accessibilité de l'administration publique pour les citoyens est mentionnée. Au chapitre « décentralisation », il estsurtout question de rendre les informationsgouvernementales accessibles localement etnon l'inverse et encore moins de rendrel'information locale accessible aux citoyensdans les espaces dans lesquels ils vivent.Globalement, l'accent est mis sur la eadministration plus que sur la e gouvernanceet sur l'amélioration de l'efficacité interne del'administration plus que sur la qualité deservice rendu aux citoyens et aux interactionsavec ceux ci.

II. Décentralisation et émergence de lasociété de l’information : des processusparallèles

La non prise en compte des collectivitésterritoriales et de la problématique dudéveloppement local dans l'élaboration despolitiques publiques traitant de la société del'information en Afrique est particulièrementparadoxal. En effet, la Banque Mondiale, leMinistère français de la coopération et l’Agencede coopération allemande GTZ ont créé depuis1991 le Partenariat pour le DéveloppementMunicipal (PDM) dont l'objectif est de soutenirles politiques de décentralisation et derenforcement de capacité des collectivitéslocales en Afrique127.

Dans ce contexte, toute une série de politiquesde décentralisation, notamment en Afrique del'ouest francophone, ont été initiées. AuBurkina Faso, en 1991 une importante réforme ment de l'infrastructure nationale de l'information et lacommunication (INIC) en Afrique. Forum pour ledéveloppement de l'Afrique. 1999, 22 p.127 Observatoire de la décentralisation. État de ladécentralisation en Afrique, Paris/Cotonou, Karthala/PDM, 2003, 357 p.

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institutionnelle a été initiée avec la créationprogressive de collectivités locales et la mise enœuvre d'une déconcentration administrativedes services étatiques. Cette démarche s'estaccéléré à partir de 1998 avec l'adoption decinq lois organisant la décentralisation128 quiseront complétées par quatre autres lois votéesen 1998 avant qu'un Code général descollectivités territoriales ne soit adopté en2005. Au Mali, le processus de décentralisationa été lancé en 1993 avec la création d'uneMission de décentralisation (MDD) etl'adoption d'une série de textes législatifs etréglementaires dont le point d'orgue sera levote de la loi n°96 059 du 4 novembre 1996portant création de communes qui parachèvela réorganisation territoriale conduite par laMDD et aboutit à la création de 701communes129. Au Sénégal, où le processus acommencé dès 1972 avec la création decommunes rurales, la décentralisation estentrée dans une phase nouvelle en 1996 avecle transfert par l'État de neuf domaines decompétences aux collectivités locales enmatière économique (planification, aménagement du territoire, gestion des ressourcesnaturelles, urbanisme et habitat), culturelle(éducation, jeunesse et culture) ainsi quesociale et sanitaire (santé publique et actionsociale) suite à l'adoption de la loi n° 96 06 du22 mars 1996 portant Code des collectivitéslocales130. Au Niger, l'adoption de la loi n° 9829 du 14 septembre 1998 créant 73 communes, de la loi la loi n° 98 30 du 14 septembre1998 créant 36 départements, de la loi n° 9831 du 14 septembre 1998 créant 7 régions, dela loi n° 98 32 du 14 septembre 1998déterminant le statut des communautésurbaines et de la loi n° 98 33 du 14 septembre1998 créant la communauté urbaine deNiamey ont jeté les bases du processus de

128 Pamphile Sebahara. Acteurs et enjeux de ladécentralisation et du développement local. Expériencesd’une commune du Burkina Faso. Document de réflexionECDPM n° 21, novembre 2000, 31 p.129 Bréhima Kassibo, « La Décentralisation au Mali : Étatdes Lieux », Bulletin de l'APAD, n°14, 1997, URL :http://apad.revues.org/579 [Consulté le 15 octobre2011].130 Djibril Diop. Décentralisation et Gouvernance LocaleAu Sénégal Quelle Pertinence Pour Le DéveloppementLocal ? Paris, L'Harmattan, 2006, 267 p.

décentralisation131. Au Bénin, des états généraux de l'administration territoriale ont étéorganisés en 1993 qui ont débouché surl'adoption de la loi n° 97 028 du 15 janvier1999 portant organisation de l'administrationterritoriale qui consacre la décentralisation132.

Dès lors, il est difficile de comprendre pourquoitant les bailleurs, pourtant très présents dansla gestation puis l'accouchement de l'AISI, queles États africains engagés dans des processusde décentralisation de même que la sociétécivile et les ONG fortement impliquées dansdes expériences visant à promouvoir le développement local, n'aient pas pensé voire exigéque les collectivités locales soient impliquéesdès le départ dans cette dynamique majeurequ’était la construction de la société del’information en Afrique. Conséquence de cettesituation, en dehors des projets pilotes mis enœuvre dans le cadre de l'Initiative ACACIA etdes télé centres communautaires polyvalents(TCP) implantés par l'Unesco à Malanville(Bénin), Tombouctou (Mali), Nakaseke (Ouganda), Sengerema (Tanzanie), Manhi ça etNamaacha (Mozambique) et Harar (Éthiopie)pendant de nombreuses années, très peud'initiatives liées au développement de lasociété de l'information en Afrique s’inscrirontdans la dynamique du développement local.D’ailleurs, lors de la seconde vague de plansNICI, élaborés avec l'appui de l'Union européenne (UE), la même démarche sera reconduite quasiment à l'identique mettant toujoursl'accent sur la dimension nationale, centrale etétatique au détriment de la dimension locale,décentralisée et des collectivités locales133.

1. La priorité donnée à l’intégration régionaleet continentale

Si la dimension locale a été pendant longtempsignorée, par contre la dimension sous régio

131 M. Maman Salifou. Historique de la décentralisationau Niger. Direction générale de l’administrationterritoriales et des collectivités locales, mai 2008, 15 p.132 Direction générale de la décentralisation et de lagouvernance locale. Recueil des lois sur ladécentralisation. Septembre 2010, 130 p.133 Les pays concernés étaient le Ghana, le Mali, le Niger,le Malawi, le Nigeria, l'Ouganda et la Républiquecentrafricaine.

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nale s'est très vite imposée sous la houlettenotamment des organismes d'intégrationéconomique tels l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), la Communautééconomique des états de l'Afrique de l'Ouest(CEDEAO), la Communauté économique etmonétaire d'Afrique centrale (CEMAC), laCommunauté de développement des Étatsd'Afrique australe (SADEC) ou encore lemarché commun d'Afrique orientale etaustrale (COMESA), soucieux d'unifier lesmarchés des télécommunications et des TIC.C'est ainsi que des associations de régulateurstelles la Telecommunications Regulators Asso

ciation of Southern Africa (TRASA)134, l'Association des régulateurs des télécommunicationsd'Afrique de l'ouest (ARTAO)135 et l'Associationof Regulators of Information and Communi

cations for Eastern and Southern Africa

(ARICEA)136 se sont mises en place avec pourprincipal objectif l'harmonisation des cadreslégislatifs et réglementaires. En Afrique del'ouest, ce processus a débouché d'une part surl'adoption de directives sur les télécommunications par l'UEMOA en 2006 et d’actes additionnels au traité de la CEDEAO en 2007 suite àun processus d'harmonisation commun initiéavec l'appui de la Banque mondiale, de l'UE etde l'UIT en 2003137.

A l'échelle continentale, des politiques publiques ont également été élaborées dans lecadre du volet TIC du NEPAD. Lancées sous lelabel « Connecter l'Afrique », lors d'un sommetrassemblant les dirigeants africains qui s'esttenu les 29 et 30 octobre 2007 à Kigali(Rwanda), cette initiative vise à compléter,accélérer et renforcer les projets et investissements TIC existants dans le secteur publiccomme privé. L'action du NEPAD porte

134 Créée le 15 septembre 1997 à Dar Es Salaam(Tanzanie), la TRASA s'est muée en CommunicationsRegulators' Association of Southern Africa (CRASA) en2006 pour prendre en compte la convergence del'audiovisuel et des télécommunications.135 Lancée en septembre 2000 à Abuja (Nigeria), l'ARTAOa été officiellement mise en place en novembre 2002.136 L'ARICEA a été lancée en janvier 2003 à Addis Abeba(Éthiopie).Jacques Blanché et Raphaël Nkolwoudou. OHADA desTélécoms : harmoniser les cadres réglementaires pourdynamiser le marché africain des communicationsélectroniques. http://www.ohada.com/, 6 oct. 2006.

principalement sur deux grands axes à savoirles infrastructures et l'introduction des TICdans le système éducatif. S'agissant du premieraspect, le NEPAD a pour ambition de bâtir unréseau d’infrastructures à haut débit visantd'une part à relier tous les pays africains entreeux et au reste du monde par des câbles sousmarins existants et à construire (Uhurunet) etd'autre part à relier chaque pays africain à sesvoisins par des câbles terrestres (Umojanet)138.Concernant le second aspect, il est connu sousl'appellation « e Scools du NEPAD » et a pourobjectif d'exploiter les TIC afin d'améliorer laqualité de l'enseignement et de l'apprentissagedans les écoles primaires et secondairesd’Afrique en vue de doter les jeunes ducontinent de connaissances et compétencesqui leur permettront de participer à la sociétéde l'information et à l'économie du savoir139.

2. Le déclic de Bamako 2000

La prise en compte de la dimension développement local dans les politiques publiques liéesà la société de l'information a été un longprocessus dont les résultats n'ont commencé àse faire sentir que plusieurs années après lelancement de l'AISI. C'est à l'occasion deBamako 2000, la conférence organisée par leréseau ANAIS140 du 21 au 26 février 2000, quele rôle des collectivités locales dans la mise enplace de la société de l'information en Afriquea sans doute été évoqué pour une des toutespremières fois. Cependant, le plan d'actionadopté à cette occasion ne leur accorda pasune place très importante. Tout au plus recommandait il une plus grande implication des élusdans les discussions touchant aux politiquesliées à la société de l'information. Il mentionnait les potentialités des TIC pour le

138 En swahili le terme « Uhuru » signifie « liberté » tandisque le terme « Umoja » veut dire « unité ».139 D'ores et déjà, plus de 80 e Scools ont été créées,chacune disposant d'un laboratoire, d'un serveur et d'aumoins vingt (20) ordinateurs fonctionnant en réseau ainsique des périphériques tels que des scanners, des tableauxblancs électroniques interactifs et des imprimantes.140 L'Advisory Network for African Information Strategies(ANAIS) est né à l'issue des Rencontres internationales"L'Afrique et les nouvelles technologies de l'information",auxquelles avait notamment participé le président malienAlpha Oumar Konaré, organisées par la Fondation dudevenir les 17 et 18 octobre 1996 à Genève (Suisse)

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développement local et préconisait des échanges entre experts et responsables de collectivités locales de manière à partager lescompétences et l'expertise141. En fait, le réseauANAIS avait retenu d'organiser sa prochainerencontre sur le thème « Cyber citoyenneté etcoopération décentralisée » à Dakar l'annéesuivante142 mais celle ci ne put se tenir pourdes raisons financières. Ceci dit, un des faits lesplus marquants de la conférence Bamako 2000fut sans aucun doute l'annonce faite par leprésident malien Alpha Oumar Konaré, lors dela cérémonie de clôture, de son intention delancer un projet visant à connecter les 701communes du Mali à Internet143. Cetteannonce avait fortement marqué les esprits carc’était la première fois qu’un Chef d'Étatafricain exprimait avec autant de conviction savolonté d’insérer son pays dans le développement de la Société de l'information etque par ailleurs il ne s’agissait pas de lancerune énième stratégie nationale conçue parl’Etat mais au contraire d’aller vers lescollectivités locales et de s’inscrire dans lalogique du développement local.

3. Les collectivités locales et la dynamique duSMSI

Malgré cette avancée, le développement localet les collectivités territoriales africaines n'ontvéritablement commencé à avoir le droit decité qu’à l’occasion du processus préparatoireau Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) qui comportait un « Sommet desvilles, des pouvoirs locaux et des régions ».C'est dans le cadre de la préparation à cetévénement que s'est déroulé le premier« Forum régional des collectivités localesafricaines sur la Société de l'Information » du 8au 10 juillet 2003 à Nouakchott (Mauritanie).Cette réunion a débouché sur l'adoption d'unplan d'action et la constitution d'un réseau desacteurs africains de la société de l'information.Dans la déclaration adoptée à l'issue de cetterencontre, les collectivités locales africaines

141 Plan d'action de Bamako 2000.142 Amadou Top. Internet au service du développementsocial, c'est possible ! Batik n°7, février 2000.143 Alpha Oumar Konaré. L'appropriation collective desNTIC légitimise nos espoirs. Discours de clôture de laRencontre internationale Bamako 2000, 25 février 2000.

ont pour la première fois revendiqué « le droitd'être étroitement associés au processus denégociation et de décision qui déterminent lescontours de la nouvelle société de l'information et de la communication » arguant du faitque « les autorités locales, incarnant unepolitique de proximité, sont généralement lesmieux placées pour dégager des priorités,opérer des choix et déterminer des solutionstechniques adaptées aux réalités du terrain, àla vie quotidienne des citoyens et aux savoirslocaux ». Elles ont également demandé auNEPAD de « mette en place un cadre de miseen œuvre des projets "NTIC" qui encouragentla coopération décentralisée entre les paysafricains, le continent et le reste dumonde »144. De plus, les collectivités locales ontjoué un rôle aussi important qu’imprévu dansle cadre du SMSI puisque ce sont elles qui ontapprouvé et donc légitimé, lors du Sommetmondial des villes et des pouvoirs locaux sur laSociété de l'Information organisé les 4 et 5décembre 2003 à Lyon (France), la propositionde création du Fonds de solidarité numérique(FSN) faite par le président sénégalaisAbdoulaye Wade en février 2003145 qui avaitreçu un accueil pour le moins mitigé decertains pays et une fin de non recevoir de lapart des pays développé146.

Le second Forum africain des collectivitéslocales sur la Société de l’Information qui s'esttenu du 13 au 15 juillet 2005 à Dakar (Sénégal)s'est à nouveau prononcé en faveur du FSN eta proposé la création d'un Réseau africain descollectivités locales pour la solidarité numérique (RACOLSON). Il a fait une série de recommandations parmi lesquelles (1) la promotionde la bonne gouvernance par la mise en placed’infrastructures adéquates afin de renforcerles instruments et mécanismes de gouvernanceet de gestion de l’économie locale, (2) la

144 Forum régional des collectivités locales africaines surla Société de l'Information. Déclaration de Nouakchott.http://www.cities.lyon.fr/Nouakchott.html145 Proposition faite lors de la Prepcom II de la phase I duSMSI qui s'était déroulée en février 2003 à Genève(Suisse).146 Cf. Olivier Sagna. La participation de l'Afrique au SMSI.L'approche d'une ère nouvelle ? p. 93 113 in Le Sommetmondial sur la société de l’information et après :Perspectives sur la cité globale, sous la direction deMichel Mathien, Bruxelles, Bruylant, 2007

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vulgarisation, la formation de formateurs etl’usage de logiciels libres pour le développement des agendas locaux de gouvernanceélectronique, (3) le renforcement des capacitésdes pouvoirs et élus locaux ou encore (4) laprise en compte et l'intégration des TIC dansles projets de coopération décentralisée147. Ledeuxième Sommet mondial des villes et despouvoirs locaux sur la Société de l'Informationorganisé du 9 au 11 novembre 2005 à Bilbao(Espagne) a quant à lui recommandé la mise enplace d'agendas numériques locaux, appelés àrenforcer le rôle des autorités locales etrégionales afin qu’elles puissent assurer la miseen place d’infrastructures technologiques adaptées et fiables et favoriser, grâce aux TIC,l’accès aux services pour tous et demandé lamise en œuvre de programmes de coopérationdécentralisée entre les villes, les autoritéslocales et régionales et leurs associations, àtravers le monde, pour contribuer à réduire lafracture numérique148. Les collectivités localesafricaines ont tiré profit de cette dynamiquetant du fait de la reconnaissance internationaledu rôle qui pouvait et devait être le leur dans laconstruction de la Société de l'information quedes engagements pris en matière de coopération. Ainsi, l’Unesco et de la Direction dudéveloppement et de la coopération (DDC)suisse s'engagèrent à financer l'implantation devingt centres multimédias communautaires(CMC) dans des collectivités locales situées enmilieu rural au Mali, au Mozambique et auSénégal149. De son côté, la France lança leprojet « Appui au désenclavement numérique » (ADEN) qui permit la création d'unecinquantaine de centres dans onze pays

147 Déclaration du Forum régional des collectivités localesafricaines sur la Société de l'Information (13 15 juillet2005, Dakar).http://www.cipaco.org/spip.php?article313 [Consulté le16 octobre 2011].148 Déclaration politique du IIème Sommet mondial desvilles et pouvoirs locaux sur la Société de l'information.Bilbao 11 novembre 2005. Document WSIS05/TUNIS/CONTR/11 F149 Le programme des CMC, alliant radio communautaire,téléphone, télécopie et ordinateurs connectés à Internetet offrant tant des services commerciaux que des servicesnon lucratifs, gratuits ou subventionnés, orientés vers ledéveloppement à des communautés vivant dans deszones rurales, a été lancé par l'Unesco en janvier 2001sous la forme d'un projet pilote au Sri Lanka.

d'Afrique subsaharienne150. Cependant, l'Agenda de Tunis releva qu'en matière de TIC auservice du développement, les initiatives descollectivités locales et des communautéslocales n'avaient pas fait l'objet d'une « attention adéquate »151.

3. Des projets confrontés au défi de lapérennisation et de la pertinence

Dans le cadre de la dynamique impulsée par leSMSI, un certain nombre d'initiatives visant àmettre les TIC au service du développementlocal, avec un accent particulier sur la « bonnegouvernance », ont été lancées dans différentpays152, notamment dans le cadre de la coopération décentralisée. Au Sénégal, les projets lesplus significatifs ont été la création de sitesd'information populaires (SIP) dans un certainnombre de communes et communautés rurales par le Centre de ressources pour l'émergence sociale participative (CRESP), la mise enœuvre du projet Cyberpop Bombolong d'EndaTiers Monde, la création de la Cellule régionaledu numérique (CERENUM) du Conseil régionalde Saint Louis dans le cadre d'un projet decoopération décentralisée avec la ville duHavre (France)153 ou encore le portail deGuédiawaye lancé dans le cadre du projeteAtlas F.A.O.154 De son côté, le Burkina Faso adéveloppé « l'Inforoute communale »155 qui seveut un portail d'information présentant lescollectivités locales ainsi que des outils d'aide àla décision. Quant au Bénin, à travers l'Agencepour la gestion des nouvelles technologies del'information et de la communication (AGENTIC), il a mis en œuvre le programme egouvernance locale « Internet au service des

150 Angola, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Guinée,Mali, Mozambique, Nigeria, République centrafricaine,République démocratique du Congo, Sénégal et Tanzanie.151 Agenda de Tunis pour la société de l'information.Document:WSIS 05/TUNIS/DOC/6 (Rév.1) F. 18 novembre2005.152 Hamani Kargne. TIC, décentralisation administrative etbonne gouvernance p. 69 76 in Actes du colloqueDéveloppement durable : leçons et perspectives, 1 4 juin2004, Ouagadougou (Burkina Faso).153 Le projet CERENUM Saint Louis.http://193.55.175.48/eatlas francophonie/portailafrique francophone/liens vers d autres projets/leprojet cerenum saint louis [Consulté le 18 octobre 2011].154 Cf. Infra, p. 161155 Cf Infra, p. 99

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communes et de la coopération décentraliséeau Bénin »156 qui a pour but, dans un premiertemps, de doter toutes les communes de sitesweb.

Malgré les efforts déployés ici et là, il s’avèreque la greffe numérique a du mal à prendre ausein des collectivités locales africaines. Lesinitiatives financées par la coopération, qu’ellesoit bilatérale, multilatérale ou décentralisée,ne survivent généralement pas au cycle duprojet et lorsqu’elles subsistent ce sont pluscomme des corps étrangers que comme denouveaux démembrements /services de lacollectivité locale. Au delà des difficultésstructurelles déjà mentionnées et de lamarginalisation des collectivités locales dansles agendas numériques nationaux, cettesituation découle également d’un manque deréflexion interne sur les contours que devraitprendre la société de l’information dans lesterritoires en réponse notamment aux besoinsconcrets des citoyens. En effet, le réflexe esttrop souvent de vouloir copier ce qui se faitailleurs en matière d’initiatives numériquessans se poser la question de l’utilité et de lapertinence du dispositif mis en place tant pourla collectivité locale que pour ses administrés.Ainsi dans la seconde moitié des années 2000,nombre de collectivités locales se sont lancéesdans la réalisation de sites web souventpauvres en informations utiles, fournissantrarement des données à jour et ayant pourprincipal objectif de servir de vitrine promotionnelle pour les élus157. La principale faiblessede ces dispositifs et de ceux qui leur ont succédé est qu’ils ne fournissent aucune espèce deservice utiles tant pour la gestion des collectivités locales que pour les besoins descitoyens. Fondamentalement, ce qui fait défautdans les collectivités locales désirant utiliser lenumérique au service du développement local,c’est une réflexion systémique et systématiqueportant autour des trois dimensions clés quesont les infrastructures, les services et lesusages.

156 Cf. Infra, p. 91157 Voir à ce sujet la thèse d’Ibrahima Sylla. Lescollectivités locales face au défi du numérique. Le cas descommunes d’arrondissement de l’agglomérationdakaroise. Thèse de Doctorat en Géographie etAménagement, UCAD UTM, 2009, 446 p.

3. Des infrastructures locales pour desservices adaptés et en adéquation avec lesusages

La question des infrastructures locales estcritique dans le sens où elle détermine lechamp du déploiement des services par lescollectivités locales et par conséquent lespossibilités d’y accéder pour les citoyens. Or,suite aux politiques de libéralisation du secteurdes télécommunications mises en œuvredepuis le milieu des années 1990 et ayantabouti à la privatisation de la majorité desopérateurs historiques, la puissance publiqueest désormais privée de cet instrument majeurd’aménagement du territoire158.

Désormais, la couverture du territoire par lesréseaux permettant d’accéder aux services TICet de télécommunications est du bon vouloirdes opérateurs privés. Or ceux ci donnent lapriorité aux réseaux mobiles au détriment desréseaux filaires plus couteux à déployer et àentretenir et surtout plus long à rentabiliserque les réseaux mobiles. Certes, le territoireest souvent couvert dans des proportionsapprochant ou dépassant les 90% de sasuperficie comme de la population mais iln’empêche que la fracture sociale fait qu’ungrand nombre de personnes n’est pas enmesure de tirer profit des opportunitésoffertes par ces réseaux.

Obsédées par la présence à tout prix surInternet, nombre de collectivités localesoublient que la majorité de leurs administrésn’ont pas accès à ces outils et paradoxalementtrès peu d’entre elles se lancent dans despolitiques d’aménagement numérique duterritoire. Rares sont en effet les collectivitéslocales qui ont dans leurs projets ledéploiement de réseaux wifi municipauxcomme ceux que l’on trouve par exemple surles places publiques du Cap Vert159 ou encore

158 Olivier Sagna. Privatisation, libéralisation, régulation :La réforme des télécommunications au Sénégal in Afriquecontemporaine, n° 234, (2010/2), p. 113 126.159 Michel Lesourd. De l'oral à l'écran : des administrationsnumérisées. Réduire la fracture, créer la fracture.Exemples africains in Actes du Colloque : Interactions etUsages autour du Document Numérique. Onzièmecolloque international sur le document électronique, 28

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qui s’attèlent à créer des réseaux de pointsd’accès collectifs à Internet dans les écoles, lescentres sanitaires, les espaces culturels, etc.afin de faciliter l’accès à Internet à leursconcitoyens. Enfin, à un niveau supérieur, onne voit guère de grandes villes africaines oudes régions investir dans les infrastructures detélécommunications, dans le cadre de partenariat public privé par exemple, de manière à enfaire un atout en termes de marketingterritorial et d’être ainsi capables d’attirer lesinvestisseurs s’appuyant sur les TIC.

L’absence de services utiles aux citoyens est lesecond goulet d’étranglement majeur qui rendchimérique nombre de projets numériquesinitiés par les collectivités locales africaines. Leproblème de fond en la matière est que malgréles nombreux discours sur le développement àla base, l’approche participative, les démarchesinclusives, etc. le travail de recueil des besoinsest rarement opéré auprès des personnesphysiques comme morales qui sont localiséessur le territoire des collectivités locales demanière à pouvoir déterminer objectivementet avec précision le type de services quirépondrait le mieux à leurs attentes. Ainsi, ilest rare de trouver en ligne les formulaires et ladescription relative aux différentes démarchesadministratives que l’on peut vouloir effectuerdans les collectivités locales ou toutsimplement de disposer des adresses et heuresd’ouvertures des différents services, sansparler des coordonnées des médecins et despharmacies de garde. De même, il estgénéralement impossible d’obtenir facilementdes informations pratiques sur la localisation etle fonctionnement des principaux servicespublics opérant sur le territoire des collectivités locales. Certes, beaucoup d’efforts ontété faits en vue d’informatiser l’état civil maisle bénéfice se mesure plus en termes defonctionnement interne que d’amélioration dela qualité du service fournie aux citoyens. Là oùl’état civil est informatisé, les citoyens doiventtoujours se déplacer et faire la queue pourfaire des demandes d’actes et se les voirdélivrer. Enfin, lorsque des informations sont

30 octobre 2008, Rouen (France), 280 p., Coord.Maryvonne Holzem & Eric Turpin, Ed. EuropiaProductions, Paris, 280 p., pp. 271 278.

disponibles, les dispositifs manquent généralement d’interactivité et se montrent peu adaptés aux profils des usagers tant du point devue des canaux de diffusion que de la langueutilisée.

En effet, l’autre dimension clé qui n’estgénéralement pas correctement prise encompte par les collectivités africaines et leurspartenaires au développement dans le cadredes projets locaux numériques, c’est bien laréalité des comportements et des usages descitoyens. Alors que le taux de pénétrationd’Internet reste confidentiel dans la plupartdes pays africains, que l’acquisition de l’outilinformatique reste onéreuse, les connexionsADSL rares et coûteuses, l’analphabétismenumérique fort répandu et la non maitrise deslangues de communication officielles largement partagée, les uns et les autres développent, comme si de rien n’était, des applicationsInternet accessibles uniquement à une minorité de citoyens pour ne pas dire à une élite.Pendant ce temps là, la téléphonie mobileprésente un taux de pénétration dans lapopulation africaine de 62,62%160, qui atteint88,01% au Sénégal161, 110% en Afrique du sudet même 135% au Botswana162 avec lephénomène multi abonnement, sans que ceuxqui développent des applications numériquesne cherchent à tirer profit de ce phénomène pour toucher un maximum de personnes! En fait cette situation n’a rien de paradoxaleet illustre bien les conséquences de l’imposition multiforme de l’idéologie du développement véhiculée tant par les bailleurs defonds que par les ONG qui veut que les solutions ne peuvent que venir d’ailleurs même sielles s’avèrent totalement inefficaces dans lesconditions du contexte local ! Ainsi depuis desannées, les « penseurs » de projets numériques, braqués qu’ils sont sur l’adaptation voirela réplication au Sud de dispositifs numériques 160 GSMA. Rapport 2011. Observatoire de la téléphoniemobile en Afrique.http://www.gsma.com/publicpolicy/wpcontent/uploads/2012/04/africamobileobservatoryfrenchexecutivesummary 1.pdf [consulté le 3 novembre 2012].161 ARTP. Observatoire de la téléphonie mobile. Juin 2012.162 PricewaterhouseCoopers. 600 millions d’abonnésmobiles en Afrique en 2016!http://www.pwc.fr/600 millions abonnes mobiles enafrique en 2016.html. [consulté le 3 novembre 2012].

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mis en œuvre dans les collectivités locales duNord, développent ils des applications webauxquelles bien peu de gens peuvent accéderalors que des applications mobiles seraientbeaucoup plus appropriées163.

Conclusion

Au final, il apparait qu’une des manifestationsméconnues de la fracture numérique estl’exclusion des collectivités locales africainesdes agendas numériques continentaux,régionaux et nationaux ainsi que de ceux desbailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux.Les rares tentatives visant à déployer desinitiatives numériques dans les collectivitéslocales africaines, sont le fait de la coopérationdécentralisée mais pêchent généralement parune insuffisante prise en compte du contexteet des attentes des acteurs locaux. Fondamentalement, il apparait que les collectivités locales africaines ne sont pas prêtes pour s’engagerdans la construction de sociétés locales del’information compte tenu des nombreuseslimitations auxquelles elles sont confrontées.Loin de nous l’idée de vouloir laisser entendrequ’elles ne devraient pas s’engager dans desprojets de modernisation reposant sur les TICni bénéficier d’appuis nationaux ou internationaux leur permettant de tirer profit des opportunités offertes par le numérique. Simplement,force est de constater qu’elles ont besoin d’unpuissant accompagnement avant de s’engagerdans toute aventure numérique qui se veutpérenne. Dans cette perspective, plutôt que deleur proposer des projets et encore desprojets, leurs partenaires au développementdevraient au préalable les aider à établir desdiagnostics numériques visant à faire le pointsur l’état de l’infrastructure à l’intérieur desfrontières qu’elles gèrent, les ressources entous genres dont elles disposent, les attentesde leurs administrés en termes de produits etservices d’information, les capacités des futursbénéficiaires de ces services à y accéder, etc.Sur cette base, et dans le cadre d’un processusparticipatif et inclusif, il sera alors possible de

163 Au Sénégal, ce n’est que tout récemment que l’ONGAide et Action a développé une application permettant dedéclarer des naissances par SMS dans des zones isolées,application certes peu spectaculaire mais qui a l’avantaged’être simple et sacrément utile.

définir des agendas numériques locauxpertinents articulés aux stratégies nationales,régionales et continentales visant à promouvoir la société de l’information. Sans ce travaild’analyse préalable et renforcement de capacités, les collectivités locales africaines resterontun chainon manquant essentiel à la construction de la société de l’information dans lesterritoires, la projection dans le global ne pouvant se faire durablement sans un fort ancragelocal.

Bibliographie

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Michel Lesourd, (2008), De l'oral à l'écran : desadministrations numérisées. Réduire la fracture, créer la fracture. Exemples africains inActes du Colloque : Interactions et Usagesautour du Document Numérique. Onzièmecolloque international sur le document électronique, 28 30 octobre 2008, Rouen (France),280 p., Coord. Maryvonne Holzem & EricTurpin, Ed. Europia Productions, Paris, 280 p.,pp. 271 278.

Olivier Sagna, (2010), Privatisation, libéralisation, régulation : La réforme des télécommunications au Sénégal in Afrique contemporaine,n° 234, (2010/2), p. 113 126.

Ibrahima Sylla, (2009), Les collectivités localesface au défi du numérique. Le cas descommunes d’arrondissement de l’agglomération dakaroise. Thèse de Doctorat en Géographie et Aménagement, UCAD UTM, 446 p.

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Partie III

Actions etexpériences locales

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L’aide au développement numérique dansles pays du Sud, notamment en ce quiconcerne la fourniture d’équipements etl’installation d’infrastructures de télécommunications, obéit aux logiques technomarchandes imposées par les grandsbailleurs de fonds internationaux et lesmultinationales du secteur des télécommunications qui s’organisent en consortiumsprivés de câblo opérateurs. Cette aide estprincipalement orientée par l’influence décisive de la politique onusienne de connectivité mondiale promue par l’union Internationale des Télécommunications (UIT).

Cependant, les mécanismes et principes desolidarité numérique adoptés lors du Sommet mondial sur la société de l’information(SMSI) ont changé la donne avec l’émergence au sur scène de nouveaux acteurstels que les collectivités territoriales et lesONG qui s’engagent dans la définition et lamise en œuvre de politiques et d’initiativeslocales de développement numérique, ense posant parfois en contrepoids à l’idéologie néolibérale d’une société globale del’information.

Les collectivités territoriales ont eu l’occasion de se faire entendre en organisant enmarge du SMSI leur propre Sommet (Sommets des villes et des pouvoirs locaux, Lyon

2003 et Bilbao 2005) afin de sensibiliser lacommunauté internationale sur le rôleincontournable qu’elles devraient être dorénavant appelées à jouer en matièred’appui institutionnel à la structuration auniveau local des sociétés de l’information.Cet extrait de la Déclaration finale duSommet de Lyon illustre l’intérêt de lamobilisation des collectivités territoriales :

« Nous, maires, présidents de régions et

élus des villes et des pouvoirs locaux du

monde, associés aux représentants des

organisations de la société civile et du

secteur privé, réunis à Lyon pour le

premier Sommet mondial des villes et des

pouvoirs locaux sur la société de

l’information…nous nous engageons à

assurer dans nos territoires un accès aux

TIC, aussi égalitaire que possible, en

portant une attention particulière aux

zones les plus isolées, en particulier aux

zones rurales, ainsi qu’aux quartiers et

territoires où habitent les populations les

plus fragilisées… ».

C’est ainsi qu’à travers des conventions decoopération décentralisée, les collectivitésfrançaises ont expérimenté des actions desolidarité numérique visant une intégrationsolidaire et durable des villes du Sud dansla société de l’information.

Ce travail s’appuie sur les résultats d’une

La coopération décentralisée en matière de solidarité numérique :

Quels enseignements tirer de cinq années d’expérimentations ?

Destiny TchéhoualiDoctorant au LISST CIEU

Université de ToulouseConsultant TIC et Développement

[email protected]

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

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enquête bilan des expériences de « solidarité numérique » menées entre les collectivités territoriales françaises et leurs partenaires du Sud entre 2006 et 2011. Il montrecomment la coopération décentraliséefrançaise, dans le domaine de la solidariténumérique, à travers son histoire à la foisrécente et complexe, acquiert des caractéristiques spécifiques qui la distinguent desautres modalités de coopération Nord Suddans le domaine des TIC. Ce sont cesspécificités que nous tenterons de mettreen lumière à partir d’une démarcheméthodologique mêlant recherche etaction, au cœur d’un processus d’analyseréflexive sur le mandat d’expertise technique et d’évaluation de projets de solidariténumérique confié par la DAECT /MAEE164 àl’Agence mondiale de solidarité numérique(ASN).

I. Des pratiques françaises de jumelages etde « coopération container » aux partenariats décentralisés de solidarité numérique

Comme en témoignent les lois de décentralisation de 1982 et la loi d’orientationspécifique de 1992, la coopération décentralisée est un domaine d’intervention relativement récent des collectivités territoriales quitrouvent à travers ce canal l’opportunité dedonner de la visibilité et de valoriser àl’international des compétences et expertisesconstruites au niveau local. Reposant sur desconventions, cette forme de coopérationregroupe l’ensemble des initiatives et actionsde coopération internationale menées par uneou plusieurs collectivités territoriales françaises(régions, départements, communes et leursgroupements) d’une part, et une ou plusieursautorités territoriales étrangères et/ou leursgroupements clairement identifiées d’autrepart. Depuis une trentaine d’années, l’action 164 Mise en place depuis 1983, la Délégation à l’ActionExtérieure des Collectivités Territoriales (DAECT) duMinistère français des Affaires Etrangères (MAEE)accompagne les autorités locales dans leur actionextérieure.

publique des collectivités territoriales françaises n’a cessé de se diversifier et de s’exporter vers les pays du Sud, en complément desdispositifs traditionnels de la diplomatieétatique ou de la coopération dite « classique »qui s’appuie sur des accords bilatéraux entreEtats ou sur une coopération multilatéraleentre institutions internationales et intergouvernementales. Profitant des critiques et dénonciations (détournement, corruption, clientélisme,…) dont fait parfois l’objet la coopération Nord Sud conduite par les Etats occidentaux, la coopération décentralisée en tant queraccourci favorable aux relations directes d’autorités locales à autorités locales s’est vuerenforcée d’une nouvelle légitimité.

Au 31 octobre 2012, l’Atlas français de lacoopération décentralisée165 recensait ainsiplus de 4806 collectivités françaises engagéesavec 10 232 collectivités locales partenairesréparties dans 147 pays, pour plus de 13 000projets conduits en liaison avec des postesdiplomatiques et consulaires, avec les servicesde coopération et d’action culturelle (SCAC), etdepuis peu avec l’Institut français ou l’Agencefrançaise de développement (AFD). Cettevitalité de la coopération décentralisée française constitue, à n’en pas douter, une formemoderne d’influence stratégique et politiquede l’action extérieure de la France, dont lesuccès s’explique selon certains par le fait queles relations décentralisées ainsi que lesfinancements et actions qui en découlent sontplus adaptées aux réalités locales et auxbesoins des populations qui en sont lesbénéficiaires directes. D’autres spécialistes dudomaine évoquent une coopération « à visagehumain », une coopération de « l’écoute » etde « la réciprocité », ou encore une « école dela solidarité », censée théoriquement échapperaux dérives bureaucratiques et financières etaux formalismes politico juridiques de la coopération classique entre les Etats.

Il faut rappeler que l’action internationale descollectivités territoriales françaises s’inspire dela tradition plus ancienne des accords de

165http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeuxinternationaux/cooperation decentralisee/atlasfrancais de la cooperation/article/acces a atlas

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jumelage ayant vu le jour au lendemain de laseconde guerre mondiale et qui s’inscrivaientdans une perspective de réconciliation despeuples. Cet objectif de « rapprochement despeuples » constitue une approche interculturelle et humanitaire que l’on retrouve àl’origine de toutes les actions de coopérationdites « coopération conteneur», par analogieaux conteneurs de matériels et équipementsmédicaux, de livres et de mobiliers scolairesenvoyés par des collectivités du Nord vers leurspartenaires au Sud, pour répondre à desbesoins concrets à partir d’une logique del’offre.

Mais depuis la fin des années 1980, dépassantla simple relation d’amitié et de jumelagesculturels entre les villes, la coopération décentralisée s’est davantage professionnalisée dansle champ de l’appui au développement despays du Sud en passant de la logique d’actionhumanitaire d’urgence à une logique d’actiondurable de développement. Elle se revendiqueau passage comme la manifestation d’unesolidarité « tiersmondiste » épurée de toutrelent de colonialisme166. A partir de là, lacoopération décentralisée française sera également caractérisée par des conventions centrées sur une approche d’appui institutionnel àla démocratisation et au renforcement de ladécentralisation, s’engouffrant ainsi dans lavoie tracée par les institutions de BrettonWoods, pour accompagner les pays endéveloppement dans le processus de « bonnegouvernance », dont la recette « locale » auraitpour ingrédients un mélange de « démocratieparticipative », de « gestion transparente » etde « proximité inclusive» des citoyens. L’appuiinstitutionnel à la gestion municipale se mani

166 Dans sa thèse réalisée sur le ministère de lacoopération, Julien Meimon affirmait que : « La

coopération entre la France et ses anciennes

colonies africaines, telle que saisie par ces accords

bilatéraux…se présente comme un cadre de

substitution, imposé à ces territoires dès avant leur

autonomie formelle, et permettant ainsi à la France

de préserver plus longtemps ses intérêts et son

autorité sur eux ». Julien MEIMON, En quête delégitimité. Le ministère de la Coopération (19591999), Thèse pour le doctorat en science politique,université de Lille II, 15 décembre 2005.

feste de façon transversale dans des domainesaussi variés que l’eau et l’assainissement,l’agriculture et l’alimentation, le tourismedurable, la valorisation et la préservation dupatrimoine culturel ou naturel.

C’est seulement depuis 2006 qu’un dispositifd’appel à projets en soutien à la coopérationdécentralisée, mis en place par la DEACT/MAEEet portant spécifiquement sur la thématique dela lutte contre la fracture numérique, a permisl’émergence d’un certain nombre de projetsengageant les collectivités territoriales françaises et leurs partenaires du Sud autour devéritables actions de solidarité numérique.

En effet, avec l’avènement du plan RESO(« Plan pour une REpublique numérique dansla SOciété de l’Information ») en 2007, uncertain nombre de mesures ont permis dereconnaître les collectivités territoriales françaises comme étant des acteurs centraux enmatière de politiques d’aménagement numérique du territoire et en matière d’appropriation des usages des TIC et de l’Internet paret pour tous les citoyens. Il s’agit entre autredes décisions du Comité interministérield’aménagement et de développement duterritoire (CIADT), de la loi sur la société del’information (LSI) et celle sur la décentralisation et la modification de l’arsenal législatifdu code général des collectivités territoriales,notamment l’article L.1511 6 fixant les conditions de création par les collectivités territoriales d’infrastructures de télécommunication.Charlotte Ullmann explique à ce sujet :

« Les collectivités françaises se mobilisent

donc de plus en plus sur un triptyque de

projets : « infrastructures » pour dévelop

per la connectivité des territoires, « ser

vices » pour favoriser la création des

services et des contenus en ligne, « usages

» pour favoriser l’appropriation des outils

technologiques par les populations »167

.

Il incombe désormais aux collectivités territo

167 Ullmann Charlotte, “ Les régions françaises dansle millefeuille institutionnel des politiques de développement numérique ” in NETCOM, vol 21 (2007),n° 1 2, p.116

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riales de formuler des projets d’informatisationde leurs services municipaux et des projets degouvernance locale en ligne (e administration /e gouvernance locale) afin de garantir l’inclusion des populations marginalisées à traversune solidarité numérique effective, utilisant lesTIC comme un outil d’aide à la prise de décision pour le développement local et la planification des services publics.

C’est cet ensemble de compétences et desavoir faire que certaines collectivités territoriales en France ont maitrisé et souhaitenttransférer à leurs partenaires du Sud à traversdes projets de coopération décentralisée dansle domaine de la solidarité numérique.

II. La coopération décentralisée enmatière de solidarité numérique :Logiques d’intervention, financement etgénéralités sur les projets expérimentés

1. Eléments de définition et logiquesd’intervention

Selon la définition donnée par le guide de lacoopération décentralisée en matière de solidarité numérique : « La solidarité numérique se

veut une approche positive de la coopération

visant à déployer toutes les potentialités de

l’Internet et du multimédia auprès de tous les

publics concernés. La solidarité peut s’exercer à

travers le transfert de ressources financières,

matérielles et humaines. […] En effet, donner

du matériel informatique ne constitue pas, en

soi, un projet de solidarité numérique. Il man

que précisément au don les dimensions d’ap

prentissage, d’appropriation, de création de

contenus et d’usages qui donnent son véritable

sens à la solidarité numérique»168.

Il s’agit en d’autres termes d’une démarchevisant à réduire les inégalités dans l’accès, laproduction, le partage et l’utilisation des TIC àtravers une solidarité active s’exprimant par

168 Direction générale de la coopérationinternationale et du développement – DGCID, Guidede la coopération décentralisée pour la solidariténumérique, Ministère des Affaires Etrangères etEuropéennes, Paris, 2008, p.21.

différentes formes d’appui et de collaboration,librement consentis dans une approche multiacteurs, pour assurer le financement et ledéveloppement de projets sur des territoires etauprès de populations ne disposant pas demoyens pour tirer bénéfice des avantages de lasociété de l’information.

A l’échelle locale, nous pouvons définir lasolidarité numérique par l’ensemble despolitiques et des formes d’action collectivevisant à optimiser la diffusion et l’appropriationdes TIC par et pour tous les citoyens. Lespartenariats de coopération décentralisée enmatière de solidarité numérique s’appuient surdes stratégies ambitieuses de développementnumérique qui mobilisent l’implication dedifférents partenaires et acteurs du développement territorial. Pour réussir des politiquesefficaces de citoyenneté numérique inclusive,les collectivités territoriales sont parfoisobligées dans le cadre de leur convention decoopération décentralisée de recourir à desopérateurs externes (ONG, associations,…)auxquels elles délèguent certaines de leurscompétences, principalement sur des actionsde sensibilisation, de dons d’équipementsinformatiques et/ou de formation aux TIC.Cette forme de solidarité numérique se veutparticipative, car elle établit une relation deconfiance horizontale et une collaborationdirecte entre plusieurs types d’acteurs (lasociété civile et les collectivités territoriales, lesadministrations publiques locales, les agenceslocales ou régionales de développement de lasociété de l’information, les entreprises dutissu économique local opérant dans le secteurde l’informatique et des télécommunications).

Les principales modalités de mise en œuvre àl’échelon local des actions de solidarité numérique sont : l’assistance technique, le transfertde compétences et d’expertise, le financement de projets, la formation et le renforcement des capacités, le lobbying, le plaidoyeret la sensibilisation.

Si l’on considère la coopération décentraliséeen matière de solidarité numérique comme unchamp d’action de coopération au développement, on peut alors distinguer deux principales logiques d’acteurs sociaux qui cohabitent

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et façonnent, à travers leur confrontation, lesdynamiques locales de la solidarité numériquedécentralisée. On peut donc distinguer d’unepart les logiques des « solidaires » ou « assistants » qui financent, conçoivent et promeuvent diverses actions de solidarité numériqueet d’autre part les logiques des « démunis »ou « assistés » qui sont les bénéficiaires de cesactions. Dans le jargon des socio anthropologies, on parle plutôt des « développeurs » etdes « développés ». Concrètement, si les« démunis » ou « assistés » (que sont lescollectivités territoriales et les populations duSud) aspirent à un idéal de développementnumérique, les « solidaires ou assistants »interviennent comme des « développeurs »,autrement dit des acteurs et des agentscatalyseurs du développement numérique auSud. On retrouve dans cette dernière catégorie des acteurs clé tels que : la DAECT/MAEE(principal bailleur des actions de coopérationdécentralisée en matière de lutte contre lafracture numérique), les collectivitésterritoriales françaises (principaux porteursde projets, intervenant souvent commemaîtres d’ouvrage), l’ASN (en tant queréférent technique auprès de la DAECT pourinstruire les dossiers de coopération décentralisée en matière de solidarité numérique,suivre les projets et accompagner les collectivités dans leur mise en œuvre). On peutaussi classer dans le registre des « solidaires /assistants », les différents opérateurs au Nordet au Sud tels que les universités ou les organisations de la société civile qui interviennentsur ces projets de solidarité numérique entant que maître d’ouvrage associé ou maîtred’œuvre, ou encore assistant au maîtred’œuvre.

2. Dispositif de financement

Chargée de définir et de mettre en œuvre lastratégie du Ministère des Affaires Etrangèresen matière de soutien et de développementdes coopérations décentralisées, la Délégationà l’Action Extérieure des Collectivités (DAECT)agit à travers son dispositif d’appels à projetscomme le principal bailleur financier desactions de solidarité numérique portées par lescollectivités territoriales françaises ayant développé un savoir faire en matière de lutte

contre la fracture numérique.

De 2006 à 2012, sept appels à projets dont cinqannuels (2006, 2008, 2009, 2011, 2012) etdeux triennaux (2007 2009 ; 2010 2012) ontété lancés par la DAECT sur la thématique B4« Lutte contre la fracture numériqueSolidarité numérique ». Ces appels à projetthématiques visent à soutenir des projets quifavorisent l’utilisation de TIC dans les domainestels que la gouvernance locale, l’apprentissageet la formation des jeunes, le développementéconomique, l’agriculture,…. Sur un total de 75dossiers déposés sur cette thématique dansl’intervalle de sept ans, 51 ont été retenus pourun cofinancement de la DAECT/MAEE (soit plusdes deux tiers du nombre total de dossiers decandidature déposés). Les projets retenusreprésentent un coût de financement global de3 638 971 euros.

3. Géographie de la solidarité numériquedécentralisée

La coopération décentralisée française dans ledomaine de la solidarité numérique estd’abord francophone et africaine. Elle traceune carte très concentrée sur l’Afrique del’Ouest francophone où quatre pays (Sénégal,Mali, Bénin, Burkina Faso) totalisent à euxseuls 26 des 51 projets cofinancés par le MAEEentre 2006 et 2012.

Avec 13 projets, le Sénégal est de loin, le paysqui suscite le plus d’intérêt auprès descollectivités territoriales françaises prêtes às’engager dans une action de solidariténumérique dans le cadre de la coopérationdécentralisée. Deux facteurs peuvent permettre d’expliquer cette situation :

D’une part, le Sénégal tenait dans la premièremoitié de la décennie 2000 2010 un rang depionniers parmi les Etats africains œuvrantpour l’élaboration et la mise en œuvre depolitiques et de stratégies nationales en matière de TIC. Abdoulaye Wade, alors Chef de l’Etatsénégalais et Président du volet TIC du NEPAD,assumait à la fois un rôle de leadership pourl’intégration des TIC en Afrique et un statut dePère fondateur de la « solidarité numérique »,statut acquis lors du SMSI, grâce à son lobbying

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et son plaidoyer décisifs auprès de la communauté internationale.

D’autre part, sur les six premiers projets desolidarité numérique financés à titre expérimental en 2006 et 2007 par le MAEE, trois ontété réalisés au Sénégal. Il s’agit de :

« Sénéclic » : projet porté par la ville deBesançon au bénéfice de la ville deDakar et du gouvernement sénégalais ;

« CERENUM » (Création d’une CelluleRégionale du Numérique) : projet réalisédans le cadre de la coopérationdécentralisée entre la ville du Havre et laRégion de Saint Louis du Sénégal ;

« Outils collaboratifs (SIG participatif etportail) pour l’e gouvernance et ledéveloppement local durable de l’agglomération dakaroise » : projet s’appuyant sur la coopération décentraliséeentre la communauté d’agglomérationde Castres Mazamet et la ville deGuédiawaye au Sénégal.

En dépit de leur bilan mitigé, ces projets pilotesont certainement servi d’exemple pour lesautres collectivités territoriales françaises etsénégalaises qui ont souhaité par la suite nouerdes partenariats de solidarité numérique.

Cartographie des partenariats de coopération

décentralisée en matière de solidarité numérique169

169 La version interactive de cette carte est consultable en

Outre le Sénégal, le Mali (5 projets), le Bénin (4projets) et le Burkina Faso (4 projets) sont lesautres pays sur lesquels se concentrent le plusde projets de solidarité numérique portés pardes collectivités territoriales. Ce constat n’estpas surprenant dès lors qu’on se souvient quele MAEE a appuyé l’organisation dans ces paysde manifestations ou d’événements clé (exemples des Assises de la coopération décentralisée ou des Rencontres du réseau eAtlas FAO àBamako en 2009 et à Cotonou en 2011), quiont été l’occasion de promouvoir le dispositifde financement des projets de solidarité numérique, de faire le bilan des projets pionniers enla matière et de sensibiliser les élus à travers lepartage des bonnes pratiques.

Sur le reste du continent, les projets desolidarité numérique décentralisée sont plutôtisolés : 3 en Afrique du Nord (Egypte, Maroc), 3en Afrique centrale (Cameroun, Congo,Gabon), 2 en Madagascar, 1 au Rwanda et 1dans les Iles Comores. En Europe, ondénombre cinq projets tout comme sur lecontinent américain.

ligne à l’adresse suivante :http://sourcemap.com/view/4439

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Educationnumérique etéquipement

informatique desécoles; 29%

Création de lieuxd’accès public auxTIC et à Internet;

18%

E gouvernance etE administration

35%

TIC etdéveloppement

rural (Agriculture) ;2%

TIC et culture 6%

Formation etRenforcement descapacités TIC ; 10%

4. Secteurs d’intervention de la coopérationdécentralisée en matière de solidariténumérique

Les projets de coopération décentralisée enmatière de solidarité numérique peuvent êtrethématiquement regroupés en six secteursd’intervention : (1) E gouvernance et Eadministration ; (2) Education numérique etéquipement informatique des écoles ; (3)Accès public et communautaire aux TIC et àInternet ; (4) Formation et renforcement descapacités TIC, (5) E culture ou utilisation desTIC dans la culture ; (6) E agriculture ou utilisation des TIC dans l’agriculture.

Comme le montre la figure (page suivante), lessecteurs de prédilection de l’action internationale des collectivités en matière de solidariténumérique sont principalement la gouvernanceet l’administration électronique (18 projets)ainsi que l’éducation numérique et l’équipement informatique des écoles (15 projets).

Répartition thématique et sectorielle des projets de

solidarité numérique menés dans le cadre de la

coopération décentralisée entre 2006 et 2012

Dans le domaine de l’administration électronique, la plupart des projets visent l’informatisation de l’état civil, des cadastres ou des actesdomaniaux, la mise en réseau et l’interconnexion des services municipaux. Pour ce type deprojets, l’objectif est généralement de doterles municipalités en matériel informatique ouen logiciel afin de les accompagner dans leurprocessus de numérisation ou de dématérialisation des actes ou des registres civils.

On peut citer à titre d’exemple : l’informatisation de la municipalité de Figuig auMaroc (coopération décentralisée avec le Conseil Général de Seine Saint Denis / projet financé en 2006) ; l’informatisation et interconnexion des cinq communes du Plateau Bénin(coopération décentralisée avec l’Agglomération du Grand Chalon/projet financé en 2006 );l’informatisation des services municipaux deCienfuegos (en coopération décentralisée avecla ville de Saint Nazaire/projet financé en 2006et en 2010); l’informatisation des services municipaux de la Mairie de Ntsoudjini (coopération décentralisée entre le Conseil général deSeine Saint Denis et l’Association des maires

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de Ngazidja dans les Iles Comores / projetfinancé en 2012).

Les projets menés dans le domaine del’équipement informatique des écoles ontégalement la cote auprès des autorités localesdu Nord et du Sud puisque ces projets ont desretombées directes pour les populationsbénéficiaires et donnent souvent lieu à descérémonies d’inauguration qui permettent depromouvoir à travers les médias et auprès del’électorat l’efficacité de l’équipe municipale enmatière de coopération internationale. La villede Besançon s’est ainsi illustrée en 2006, puisen 2010 avec ses partenaires sénégalais (Dakaret Guinguinéo) respectivement à travers lesprojets « Sénéclic » et « Guinguinéo.clic »visant à fournir des solutions informatiquespour équiper les écoles primaires, les collègeset lycées de ces localités. Soulignons quedepuis 2010, en dehors des projets « classiques » d’introduction de l’informatique enmilieu scolaire (exemple de la coopérationentre Limonest et Boura au Burkina Faso), lenombre de projets de coopération décentralisée s’appliquant spécifiquement à l’éducationnumérique s’est multiplié. En effet, beaucoupde ces nouveaux projets qui ont bénéficié ducofinancement du MAEE s’inscrivent dans lecadre du programme « Sankoré », promu parla Délégation interministérielle à l’éducationnumérique en Afrique (DIENA), et dontl’objectif est de contribuer à réduire la fracturenumérique à travers l’équipement massive entableaux numériques interactifs (TNI) desécoles en Afrique.

C’est le cas des projets de jumelagesnumériques entre les écoles et les lycées deRosny sous Bois et de Cotonou, de Malakoff etde Ngogom (Sénégal), de Mantes la Jolie et deMatam (Sénégal, ou encore du Nord Pas deCalais et d’Analanjirofo (Madagascar)

Outre les projets d’e gouvernance/d’e administration locale et les projets d’éducationnumérique, on dénombre 9 projets portant surla création de lieux d’accès public aux TIC. C’estle cas de l’espace public numérique de Dissinau Burkina Faso (projet porté par la Manche) ;des centres multimédias municipaux d’Abu Disen Palestine et de Kaya au Burkina Faso (pro

jets respectivement portés par Rezé et parChâtellerault) ou encore le cas de la bibliothèque numérique de la ville de Granada auNicaragua (projet porté par le Conseil générald’Indre et Loire en 2012).

En ce qui concerne la formation et lerenforcement des capacités TIC, seuls 5 projetssont recensés. Le Conseil Général de SeineSaint Denis a ainsi soutenu la formation desexperts en management des systèmes d'information et en sécurité informatique de la province de Hai Duong en 2008. Plus récemment,en 2011, Fontenay sous Bois a monté avec laville de Koungheul au Sénégal un programmedénommé « Koungheul : ville informatique »,qui mise sur la formation de techniciens« koungheulois » à la maintenance informatique de ces matériels, en partenariat avecl’Association Ateliers sans frontières.

Tous ces projets témoignent du fait que lacoopération décentralisée offre un cadre privilégié pour passer des discours globaux sur lasociété de l’information à la mise en œuvred’actions concrètes de solidarité numériqueselon une approche territorialisée. Cependant,la principale question qu’on est amené à seposer est de savoir quelle est l’efficacité etl’impact des actions menées ? Il sera d’ailleursparticulièrement intéressant d’étudier si lesprojets de solidarité numériques expérimentésdans le cadre de la coopération décentraliséepermettent aux bénéficiaires du Sud de s’autonomiser durablement et de contrôler lesavantages et retombées liés à l’utilisation deséquipements et outils offerts par les partenaires du Nord ou plutôt si ces projets entraînent des situations de dépendance et d’assistanat.

III. Les projets de solidarité numériquedécentralisée menés entre 2006 et 2011 :Bilan sommaire et principaux enseignements

Les principales analyses livrées ici s’appuientsur un ensemble de cas significatifs dont on avoulu tirer des enseignements de portée pluslarge, valables en tant qu’éléments de

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problématisation des processus décentralisésde solidarité numérique.

représentatif de la diversité des opérations dedéveloppement de manière à permettre unbilan qualitatif des types de situations et destypes de problèmes afin de mettre à jour, àpartir de l’échantillon retenu, les logiques desdispositifs, des systèmes d’action et derelations et ainsi pouvoir les confronter auxrationnalités explicites (aux bonnes raisons)des acteurs aux prises avec les situationsconcrètes et avec l’histoire de leurs interactions.

Sur les 51 projets de coopération décentraliséerecensés dans le domaine de la solidariténumérique recensés, notre enquête bilancouvre la période 2006 2011 et concerne doncuniquement les 39 projets financés par leMAEE sur cette période. Notre enquête excluten effet les douze (12) projets sélectionnés aumois de mai 2012 dans le cadre du dernierappel à projet du MAEE, car ces projetsdémarrent à peine et nous ne disposons ni dedonnées, ni du recul nécessaire pour pouvoirévaluer objectivement leurs effets ou impactssur les bénéficiaires. L’échantillon étudié (39projets sur 51 au total) permet déjà de refléterla diversité des modalités de mise en œuvredes partenariats, des types de difficultés ouproblèmes rencontrés sur le terrain, desfacteurs clé de réussite,…

Nous avons enregistré 27 répondants (soit 69%de taux de réponses) au questionnaired’enquête diffusé en ligne du 1er juillet au 31décembre 2011. Parmi ces répondants (dont47% de femmes et 53% d’hommes), ondistingue : 9 Directeurs/Responsables desrelations internationales et de la coopérationdécentralisée/coopération internationale ; 10Chargés de mission Relations internationales etcoopération décentralisée; 3 Chargés deprojets Coopération et Relations internationales, 1 Chef de projet Directeur des Systèmesd’Information (DSI), 1 Adjoint au Maire et 2conseillers municipaux et enfin 1 Président decomité de jumelage et du conseil des villageois.A la question « votre projet a t il déjà fait

l’objet d’une évaluation auparavant ? », 18réponses sont négatives (NON) contre 9

affirmatives (OUI). Ce qui présume déjà que laplupart des répondants à cette enquête bilanse sont retrouvés pour la première fois ensituation d’auto évaluation de leur projet etqu’ils n’ont peut être pas échappé à latentation de démontrer, à travers des appréciations manquant d’objectivité, que leurprojet est un exemple de réussite.

Sans pour autant émettre des doutes sur lasincérité ou l’impartialité des réponses de cesrépondants, nous tenons à souligner que cegenre d’enquête amène souvent les questionnés à tenir des « discours autorisés », end’autres termes des discours qui correspondent à ce que leur pouvoir, leur statut ouleur hiérarchie les autorise à dire ou à révélersur tel ou tel projet. Généralement, ce type dediscours correspond aux intérêts collectifs ouindividuels (professionnels, politiques, économiques ou même affectifs) que défendent lespersonnes investies dans des actions auxquelles elles consacrent une grande partie deleur temps et de leur énergie. Nous observonsdonc un minimum de distance avec les réponses au questionnaire en ligne tout en prenantla précaution de les recouper avec d’autrestypes de discours, des témoignages de« vérité » à forte plus value informative,recueillis auprès de citoyens ordinaires (bénéficiaires directs des actions de solidarité numérique) ou auprès d’autres acteurs de terrain dontla responsabilité dans ces projets est moinsengagée et qui n’éprouvent aucune gêne àcritiquer objectivement les résultats obtenusen fonction des ambitions affichées au départ.

1. Le poids politique de l’engagement descollectivités dans des actions de solidariténumérique

En tant que solidarité de territoire à territoire,la solidarité numérique s’inscrit donc dans ladynamique des politiques de développementlocal, mettant spécifiquement l’accent sur lalutte contre la fracture numérique et l’inclusiondes citoyens. L’engagement des collectivitésterritoriales dans des actions de solidariténumérique commence symboliquement àpartir du moment où l’autorité locale officialise

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la mise à l’agenda170 des TIC dans la politiquede coopération décentralisée. Même si laplupart des collectivités françaises affirmentque la lutte contre la fracture numérique NordSud est désormais un axe important de leuraction internationale, les TIC ne constituentpas pour autant l’entrée thématique principaledes projets de coopération décentralisée. Ellessont plutôt des leviers d’actions transversaless’appliquant à d’autres secteurs d’interventionprioritaires pour les collectivités (éducation,formation et renforcement des capacités,appui institutionnel à la gouvernance locale,culture et tourisme, …). Il n’est pas rare deconstater lors de l’instruction des dossiersdéposés par les collectivités dans le cadre desappels à projets thématiques « Lutte contre lafracture numérique » que sur des dossierspouvant comporter en moyenne 4 à 8 actions,souvent une seule action (figurant généralement dans les dernières pages du dossier ounoyée au milieu de celles ci) est véritablementconsacrée au volet « lutte contre la fracturenumérique ». Le montage d’un projet de solidarité numérique n’est donc pas toujoursjustifié par la nécessité de mettre en œuvreune action cohérente découlant de la politiqueglobale de coopération décentralisée d’unecollectivité ; un tel montage peut servir deprétexte politique dans le cadre d’une stratégieopportuniste consistant à lever ponctuellement des fonds en revendiquant simplementune action de solidarité numérique qui enréalité n’en est pas une.

Le budget alloué à une action de solidariténumérique peut suffire pour mesurer ladurabilité et la teneur des ambitions d’unecollectivité territoriale qui s’engage politiquement dans un tel projet. D’après le recoupement des témoignages de plusieurs

170 Pour rappel, « la mise à l'agenda appelle et

justifie une intervention publique légitime sous la

forme d'une décision des autorités publiques,

quelles qu'en soient la forme (gouvernementale,

législative, administrative) et la modalité (mesures

d’urgence, plan d'action à plus long terme, loi,

décision administrative ou financière, désignation

d'une commission, etc.) ».

Boussaguet, Jacquot, Ravinet, "Agenda" inDictionnaire des politiques publiques, Paris, LesPresses de Sciences Po, 2006, p. 52.

Directeurs des relations internationales et de lacoopération décentralisée, les postes de dépenses qui mobilisent le plus de ressourcesfinancières dans le budget global d’un projetde solidarité numérique sont par ordre décroissant : l’achat d’équipements et de matériels,les missions de terrain et les déplacementsdans le cadre du suivi et de l’accompagnementdu projet et enfin les dépenses liées à laformation et au renforcement des capacités.Parmi les 27 collectivités participant à l’enquête bilan, 16 déclarent que le budget allouéà leur projet de solidarité numérique (cofinancement du MAEE compris) n’est pas totalement à la hauteur de leurs ambitions. Cesréponses ne reflètent peut être pas forcémentla réalité puisqu’on sait que certaines de cescollectivités, conscientes du fait que les résultats de l’enquête bilan seront transmises aubailleur (MAEE), insistent sur l’insuffisance desmoyens alloués afin de pouvoir justifier plustard (dans le cadre des prochains appels àprojets) le renouvellement de leur requête definancement auprès de ce bailleur.

Les projets de solidarité numérique qui témoignent d’un véritable engagement politique dela collectivité misent beaucoup sur la mobilisation des élus, y compris ceux n’étant pas encharge de la coopération. Ces projets consacrent des moyens humains conséquents pourassurer le suivi et l’accompagnement du projet,prévoyant une formation spécialisée pourrenforcer les capacités des agents au sein del’équipe du projet (46% de cas), un recours auservice de consultants externes (36% de cas)ou un recrutement en interne d’un chargé demission ou d’un stagiaire (18 % de cas).Précisons au passage que les projets quimobilisent plusieurs intervenants, avec desstrates hiérarchiques fortes et des niveaux deresponsabilité transversaux, sont ceux quitombent inévitablement dans le piège de lalourdeur bureaucratique et des conflits degestion.

En ce qui concerne la communication sur lesprojets, des efforts restent à faire pourvaloriser et rendre plus visibles ces initiativescar seulement 6 collectivités sur les 27 répondants communiquent sur leurs actions desolidarité numérique (principalement via le site

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internet de la collectivité, la presse locale ou lebulletin municipal) pour communiquer surleurs actions de solidarité numérique.

2. La qualité du partenariat Nord Sud : Quellesrelations entre les porteurs et les bénéficiairesde projets de solidarité numérique

L’un des premiers éléments qui détermine laqualité d’un partenariat de solidarité numérique Nord Sud est le choix du partenaire et lesconditions dans lesquelles ce choix s’esteffectué. Il ressort de notre enquête que lagrande majorité des partenariats sont nouéssur la base d’anciennes relations d’amitié ou dejumelages. Les deux tiers des collectivités quis’engagent dans un projet de solidariténumérique ont déjà au préalable été liées parune convention de coopération décentralisée.Le choix du partenaire se fait donc sur la based’un diagnostic croisé des deux territoires(étudiant les forces et faiblesses, les risques etopportunités du projet,…etc.). La stratégieglobale du partenariat de solidarité numériquen’est cependant pas conjointement élaboréeentre les deux collectivités. Tandis que lescollectivités françaises, porteurs des projets,déclarent effectuer cette démarche de concertation préalable à la définition de la stratégiepartenariale, les collectivités du Sud participantà la même enquête et répondant par rapport àun même projet affirment pour leur partqu’elles n’ont été consultées que ponctuellement pour valider la stratégie et la démarcheglobale du projet, entièrement conçue par leurpartenaire au Nord. La plupart des collectivitésdu Sud estiment ainsi ne pas être sur le mêmepied d’égalité avec leur partenaire au Nord entermes de pouvoir dans la gouvernanceinstitutionnelle et financière de la coopération(influence du Nord sur la ventilation desfonds). Plus orientée par l’offre que par lademande, cette approche du partenariat desolidarité numérique ne procède pas forcément par une identification des besoins dedéveloppement en TIC des collectivités du Sud.Celles ci se laissent ainsi passivement assisteren attendant les « cadeaux du blanc ». Laquestion financière (en tant que questionpolitique et condition majeure pour garantirl’autonomie) et celle de la conduite du projetou du management des ressources humaines

constituent les principaux nœuds de distorsions qui peuvent dégrader les relations entreles deux partenaires. Ceci étant, les relationsinterpersonnelles entre les représentantsrespectifs des collectivités partenaires sontquant à elles équilibrées.

Si des deux côtés (au Nord et au Sud), nosdifférents interlocuteurs s’accordent sur l’existence d’une véritable relation de confianceentre partenaires, il apparaît à partir destémoignages recueillis lors d’entretiens informels avec les référents techniques des projets,qu’il y a également une certaine méfiance dansles deux sens : d’une part une méfiance duNord vis à vis du partenaire au Sud suspectépar exemple de corruption ou de détournements des fonds affectés aux actions deterrain ; et d’autre part une méfiance du Sudvis à vis du partenaire au Nord suspecté parexemple de ne pas tenir ses engagements, deviser des intérêts économiques (conquête denouveaux marchés) pour favoriser le retour del’aide en France (retour sur investissements ouretour en exportations) ou de ne pas avoir unebonne connaissance socio culturelle du territoire du projet et d’envoyer des technologies/équipements/logiciels inadaptés aux besoins réels de la population. Par ailleurs, lesgages d’un partenariat de long terme restentdéterminés par l’implication en amont, pendant la mise en œuvre et en aval du projet, depersonnes ressources de la diaspora ou demembres actifs d’associations de migrantsrésidant dans la collectivité du Nord, maisayant conservé un lien avec leur territoired’origine au Sud. Or seulement 10 collectivitéssur 27 affirment mobiliser et utiliser lescompétences de la diaspora pour garantir lesuivi et la mise en œuvre du partenariat desolidarité numérique.

La plupart des projets bénéficient d’undispositif de concertation mis en place pourfaciliter le copilotage de la coopération. Desréunions se tiennent en moyenne deux à troisfois par an soit par des outils de communication à distance (Skype) ou à l’occasion demissions ou de visites de terrain. Mais cesréunions ne sont pas toujours le lieu dediscussions franches puisque certains interlocuteurs avouent que dans certaines circons

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tances, leurs partenaires appliquent la politique de l’autruche pour ne pas aborder lessujets qui fâchent (notamment les questions definancements ou de libertés de choix technologiques) et qui constituent des points de désaccords et des blocages sérieux pour le projet.

Compte tenu de la multiplicité des acteurs quiinterviennent dans le domaine des TIC sur lemême territoire et par manque de coordination et de mutualisation entre ces acteurs, ilarrive (6 cas sur 27) que des expériences serépètent sur un même territoire sans que lesacteurs (anciens et nouveaux) ne se soientconcertés. Les projets gagneraient donc àpasser d’une approche « sectorielle » vers uneapproche « territoriale »

3. Quelle efficacité et quels impacts desactions relations entre les porteurs et lesbénéficiaires de projets de solidariténumérique

17 porteurs de projets déclarent que lesobjectifs de leurs projets sont adaptés auxbesoins des bénéficiaires. 11 d’entre euxestiment que les résultats obtenus à l’issue deleur projet sont insuffisants comparés auxobjectifs initiaux. Et pourtant certains projetssont en décalage avec leur contexte socioculturel, politique et économique. C’est le casdes projets de coopération décentralisée,guidés par des résultats à court terme (peuimportent les moyens et la manière, seul lerésultat compte) et s’inscrivant dans desagendas électoralistes, se fixant des objectifspurement quantitatifs. Ces projets combinentdes objectifs de solidarité numérique avec uneapproche d’action humanitaire conduite dansl’urgence et mêlent amateurisme de conception d’offre clé en main et inadaptation detechnologies transférées. La solidarité numérique « conteneur», qui consiste à envoyer descontainers de matériels informatiques, etd’ordinateurs pour informatiser les servicesmunicipaux au Sud ou plus récemment à offrirdes tableaux numériques interactifs pouréquiper les écoles et collèges africains, peutservir d’illustration à ce type de projet décaléde la réalité et engendrant des déceptions etdes frustrations chez les bénéficiaires. Dans cescas, les équipements et services informatiques

mis en place ne sont pas assez utilisés parmanque de formation des utilisateurs potentiels. Ceci soulève la question de l’appropriation des équipements et des processus àmettre en place pour pouvoir faire perdurer lesprojets de solidarité numérique au delà de leurpériode de financement initial.

Les porteurs et les bénéficiaires reconnaissentà l’unanimité que le « développement d'usageset d'applications liés à l’e administration »(outils de démarche en ligne, informatisationde l'état civil, outils cartographique SIG,logiciels libres appliqués à la gestion du cadastre ou du foncier,...) constitue la principaleplus value de « solidarité » dans les projets desolidarité numérique menés par les collectivités territoriales. La « formation et la capacitation des acteurs » sont cités comme ladeuxième plus value de « solidarité ». Lesactions de désenclavement numérique (accèsaux réseaux et aux infrastructures TIC de base)ainsi que les dons d’équipement et dematériels constituent également une dimension solidaire fortement appréciée notammentchez les populations bénéficiaires.

Parmi les difficultés (facteurs d’échec) les plusfréquemment évoquées par les porteurs deprojets, on retrouve par ordre d’importance :(1) L’insuffisance des infrastructures de base(exemple : réseau électrique fiable, réseaux detélécommunication et de transports,...) ; (2) lemanque de formation des agents d’exécutionet des référents techniques du projet au Sud ;(3) l’absence de volonté politique ou le manque de sensibilisation des élus locaux à laproblématique de la fracture numérique ; (4) lamaîtrise insuffisante du cycle de projet (nonrespect du planning du projet et du suivitechnique du partenariat) ; (5) le manque desensibilisation et de formation des populationsbénéficiaires, qui ne comprennent pas l’intérêtet n’utilisent pas les équipements et servicesTIC proposés.

Quant aux facteurs clé de réussite des projetsde solidarité numérique, les différentesexpériences menées ont démontré l’importance de : (1) l’identification et l’implication enamont du projet des personnes ressources(acteurs locaux) susceptibles d’apporter une

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expertise locale sur le projet ; (2) la continuitédu suivi technique du partenariat au sein dechacune des deux collectivités partenairesfavorisant la capacité d’appropriation etd’adoption des méthodes et des outils par lespartenaires selon les besoins futurs du projet ;(3) le choix des solutions techniques les plussimples et efficaces dans le design du projet :plateforme technologique, logiciels libres, logiciels propriétaires, applications, supports,… ;(4) l’étude de faisabilité du projet (diagnosticterritorial) et la répartition des responsabilitésde chaque partenaire dès la phase initiale duprojet ; (5) l’investissement dans la formationpour développer au Nord et au Sud descompétences locales en matière d'ingénieriede projet numérique territorial.

4. La solidarité numérique. Entre transferts,assistanat et autonomisation

Le bilan sommaire de ces projets permet dedégager trois axes de réflexion à partirdesquels l’on peut expliquer les facteurs deréussite et d’échec des projets de coopérationdécentralisée en matière de solidarité numérique : les logiques de transferts de « modèlesinstitutionnels », les logiques d’assistanat et leslogiques d’autonomisation.

Les logiques de transferts de « modèlesinstitutionnels » (transferts d’idées, de procédures, de techniques et technologies sociales,de modèles institutionnels ou de gouvernance)induits dans la solidarité numérique décentralisée s’inscrivent dans des logiques de modernisation et de développementalisme (Cf tra

vaux de transfert policy) qui entretiennent lesmythes de la société de l’information. Cestransferts de « modèles institutionnels »permettent de prendre conscience ducaractère inopérant des modèles de « sociétéde l’information » plaqués de l’extérieur pardes institutions (en l’occurrence les collectivités) qui se lancent de façon hasardeuse dansun projet de colonisation numérique par lesTIC, avec des contradictions évidentes entre lesmontages institutionnels au Nord et la volontédu Nord à appuyer les stratégies d’autonomisation des populations du Sud. Les partenaires du Sud ont alors le sentiment d’être soitinstrumentalisés ou soit totalement dépossé

dés du projet. Nous voulons mettre l’accent icisur le fait qu’on ne peut transférer un modèletype ou un type idéal de société numériquesans tenir compte des conditions de vie despopulations concernées et des réalités sociales,culturelles et politiques de leur milieu de vie.Cette préoccupation est partagée parChrystelle Grenier Torres lorsqu’elle s’interroge, non sans une pointe d’ironie : « Si un

modèle est en soi restrictif du fait même de la

nature de sa construction, comment peut on

penser – puisqu’il va être finalement une sorte

d’idéal type de résolution d’un problème dans

le domaine du développement – qu’il peut être

pertinent pour résoudre le même problème

dans des sociétés différentes ? Sociétés au sein

desquelles il y a de fortes chances que le

problème auquel on tente d’apporter une réso

lution, présente des formes différentes et ne

soit pas identifié par ailleurs en tant que tel et,

par extension, comme quelque chose qui

demande une solution ou comme une priorité

dans ces même sociétés.171 ».

En ce qui concerne les projets de solidariténumérique mis en œuvre suivant des logiquesd’assistanat, le transfert de modèle (offre/produit) est institutionnellement imposé pourcontrôler le marcher ou le créer. L’offre duNord est fortement structurée, créant undécalage par rapport aux capacités deréception, de réappropriation ou de réinvention souvent défaillantes au Sud (demandelimitée, mal structurée) et obligeant les bénéficiaires à rester dans une situation de dépendance vis à vis d’une expertise ou d’unetechnologie sur laquelle ne peuvent intervenirque les concepteurs ou les offrants au Nord.

Enfin, le modèle d’autonomisation ou cerclevertueux d’appropriation durable conçoit lesTIC comme levier d’inclusion citoyenne et degouvernance participative. Les projets desolidarité numérique décentralisée menés suivant cette approche se base sur la demande, la

171 Grenier Torres Chrystelle, « Modèles etdéveloppement. Rencontre entre analyses etsociétés », in DARBON Dominique (dir.), La politiquedes modèles en Afrique. Simulation, dépolitisationet appropriation, Paris Pessac, Khartala MSHA,2009, p.67

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valorisation de la production de contenuslocaux, l’utilisation de logiciels libres, les équipements low cost et adaptés, les apprentissages contextualisés et la formation aux usages. Ces projets sont adossés) des politiquesinclusives basées sur une démarche concertéeet multi acteurs, s’appuyant sur un relais et unlobbying actif de la société civile. Les objectifsqualitatifs, centrés sur les utilisateurs finaux etl’intérêt des citoyens, sont privilégiés.

En tout état de cause, il faudrait convenir dufait que les valeurs de solidarité, de réciprocité,d’ouverture et de transparence prônées dansles politiques décentralisées de solidariténumérique comportent intrinsèquement deuxapproches qui se télescopent : (1) Globalisation/production/diffusion Vs (2) Localisation/consommation/réception. Une chose estclaire : il n’y a pas un modèle unique de solidarité numérique à suivre. Il n’y a pas de “bestpractices » TIC pouvant être standardisées aurang de «devoir inconditionnel» de solidariténumérique transnationale. Il n’y a que desinnovations collaboratives à imaginer pourfaire des TIC des agents de médiation, desolidarité, de réciprocité et d’équité dans lacoopération Nord/Sud.

Conclusion

Le gouvernement français a pris l’option àtravers la Délégation à l’Action Extérieure desCollectivités Territoriales de faire de lasolidarité numérique une de ses prioritéssectorielles pour lutter plus efficacementcontre la fracture numérique Nord Sud ensoutenant des actions au niveau local où lesbesoins en matériel informatique, en formation et en contenus sont les plus importants.

Un bilan sommaire des projets réalisés montrequ’il y a des motifs évidents de satisfecitcompte tenu des modestes moyens definancement qui ont permis de réaliser desavancées importantes en matière de plaidoyer,de sensibilisation, d’équipement et de formation, à travers une cinquantaine de projetsdans 22 pays. Grâce à l’engagement descollectivités territoriales françaises et de leurspartenaires, des infrastructures locales deréseaux de communication ont pu être

déployées, des administrations municipales ontpu être modernisées par les TIC (avec des gainsde temps et l’optimisation des coûts degestion, l’acquisition de logiciels libres et ded’équipements informatiques,...) et de nombreuses populations ont pu bénéficier de lieuxd’accès public à Internet, de formations àl’utilisation des TIC, et d’accès à des contenusen ligne adaptés au contexte local.

Toutefois il faut relativiser l’efficacité de cesactions car la solidarité numérique a découvertelle même ses limites dans le cadre de lacoopération décentralisée. En effet, denombreux projets restent plus sectoriels quetransversaux, ponctuels en raison de la duréecourte de la période de financement (entre 1et 3 ans). Certains experts parlent de « saupoudrage » en raison du caractère hétéroclite,disparate et dispersé de ces projets. On dénonce également la mainmise des organisations spécialisées dans le secteur des TIC et desassociations élitistes de la société civile despays du Sud sur les processus de participationdes populations locales ainsi que sur les flux definancement et d’opportunités. Philippe Vidalrésume bien la situation :

« le concept de solidarité numérique en

tant que support des volontés locales

manque d’une stratégie partagée avec les

partenaires du Sud et reste encore aujour

d’hui malade de son administration

[…] Faire naître l’innovation dans des envi

ronnements sociétaux où les besoins les

plus élémentaires (nourriture des popula

tions) ne sont pas toujours garantis, reste

un défi compliqué et de long terme. »172

Par ailleurs, les partenariats noués affichaientau départ des principes d’action « du bas versle haut » (bottom up), et qu’en cours d’exécution, ils se sont pris aux pièges des méthodesde mise en œuvre des projets « du haut vers le

172 Vidal Philippe, (2011), "L’aide au développementdans le domaine des TIC : entre logiques technomarchandes et charity business", pp.95 96, chapitre4, in Nonjon Alain (ed), L’Afrique des nouvellesconvoitises, Ellipses, collection marketing, septembre 2011, 144 p.

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bas » (top down) en proposant des solutionstechnologiques clé en main (comme la clé USBde ressources éducatives libres conçues dans lecadre du programme Sankoré et proposant desressources « clé en main » livrées avec lestableaux numériques interactifs aux enseignants et élèves africains).

En dehors des risques évidents de pérennisation de l’assistanat numérique que sous tendune telle démarche, c’est la question mêmedes conflits d’intérêts et de l’équilibre despartenariats qui se posent avec comme préoccupation centrale la place de l’éthique et cellede la réciprocité de la solidarité numériqueNord Sud.

Il conviendrait en effet d’accentuer dansl’avenir les aspects suivants de ce type decoopération : Les collectivités en France devraient davan

tage impliquer les associations de migrantset la diaspora des pays Sud au montage, àla mise en œuvre des projets et àl’évaluation des projets de solidariténumérique ;

Les collectivités territoriales, porteurs deprojets de solidarité numérique, devraientégalement privilégier dans leur recherchede cofinancement des pistes de partenariats public privés afin d’impliquer desentreprises du secteur de l’informatique etdes télécommunications implantées localement sur les territoires de projets et pouvant fournir de façon rapide et efficace desservices et des technologies adaptées auxbesoins des populations, tout en garantissant des dispositions pour leur réparation ou leur maintenance.

Il faudrait également mettre un accent plusprononcé sur la mutualisation et la coordination des ressources et compétencesdes collectivités territoriales françaisesintervenant sur les mêmes zones géographiques afin que se développent devéritables pôles d’observation et dedéveloppement des territoires numériquesà l’échelle de la coopération décentraliséeNord Sud, mais aussi Sud Sud.

La pérennité des projets de solidariténumérique pose un véritable problème delisibilité de l’action extérieure des collecti

vités territoriales françaises et de sesimpacts sur la lutte contre la fracturenumérique. En effet, dans le dispositifd’appel à projets du MAEE, le cahier descharges et la grille de montage des dossiersdoit être réajusté de manière à véritablement contraindre les porteurs de projet àapporter des garanties de viabilité duprojet et à faire la démonstration de leurcapacité à pouvoir autonomiser les bénéficiaires de leurs actions, au terme de lapériode de financement du projet par lesbailleurs extérieurs.

Le MAEE devrait pouvoir se référer à unopérateur qui serait spécialisés dans lafonction d’appui conseil formation pouraccompagner les collectivités françaises etleurs partenaires dans la mise en œuvre deleurs projets de solidarité numérique ainsique dans le processus d’appropriation etd’autonomisation durable par les TIC.

Il serait également important de réaliserune recherche action plus approfondie,s’inscrivant dans une démarche participative pour évaluer si les bénéficiaires finauxdes projets de solidarité numérique sontréellement satisfaits des réalisationsaccomplies.

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La gestion du foncier rural est une compétence transférée aux communautés rurales quipeuvent affecter et désaffecter la terre. Le plande développement local est le principal outildont dispose les collectivités locales. Il estdestiné plus à planifier des activités dedéveloppement qu’à élaborer des stratégies degestion des territoires La non maitrise del’assiette foncière constitue une des cases desproblèmes de gestion notés. En ce sens que lesystème d’information géographique foncierpourrait être d’un grand apport en modernisant et surtout en mettant en place un outil degestion pratique.

Cette étude traite deux cas d’application de lamise en place de SIG pour la gestion du foncierrural dans les communautés rurales de Mbaneet Keur Momar Sarr (carte ci après). Il estquestion d’analyser les problèmes de gestionde foncière(1), la méthodologie de la mise enplace du SIG(2) ainsi que de son apport dans lagestion des ressources naturelles principalement foncières(3).

Situation de la zone d’étude

I. Les problèmes de gestion foncière

Dans toutes les sociétés, la gestion desressources naturelles, principalement la terre,a toujours fait l’objet de beaucoup de conflits,d’opposition pour son accès et/ ou soncontrôle du fait des enjeux qu’elle suscite. Ledomaine foncier est un lieu par excellence deconvoitise et de récupération politique. Leshommes ont ainsi mis mise en place desrègles et des outils pour réguler l’organisation,l’accès et la gestion des terres.

SIG et gestion participative du foncierLe cas des communautés rurales de la Vallée du fleuve Sénégal

Labaly TOURE,Géographe Géomaticien, Section de Géographie

Université Gaston Berger, Saint Louis, Séné[email protected]

Pape Samba Ndiaye,Expert Système d’Information Foncier, chercheur

[email protected]

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Processus d’affectation des terres

Le problème le plus récurrent lié à la faiblecapacité des élus locaux est note au niveau dunon respect de la procédure d’affectation desterres décrites dans la figure 1 ci dessous.

Pour la communauté rurale de Keur MomarSarr, les délibérations sur les affectationsfoncières sont consignées dans le registre duconseil rural. Les registres exploités étaientgardés par le Président de la communautérurale. Ce qui signifie que ce dernier en est leseul détenteur et qu’il n’existe qu’une seulecopie. Ceci peut constituer un grand risque encas de perte ou de détérioration du documentsurtout que ce dernier est en papier (formatanalogique) et les conditions de conservationne sont pas des meilleurs. En cas de renouvellement des instances du conseil rural, ladisponibilité des documents fonciers pourraitposer problème. Il peut arriver que le PCR nesoit pas reconduit ou qu’il ne soit pas du mêmeparti politique que son successeur ou mêmequ’il existe des tensions politiques entre eux.

L’analyse de l’exercice de la gestion foncièredans la CR de Mbane nous montre l’existencedes pratiques différentes. Il s’agit là d’une coexistence de deux systèmes ou pratiquesfoncières : la gestion moderne et la gestioncoutumière des terres. La gestion modernemarquée par l’application timide de la loi sur ledomaine national tandis que la gestiontraditionnelle visible par l’existence de la« propriété coutumière ».

La situation de Mbane n’est pas une exception. La plupart des communautés rurales sontaffectées par la non maitrise de l’assiettefoncière.

Dans la communauté rurale de Keur MomarSarr, les affectations sont enregistrées pardélibération du conseil rural sans donnerbeaucoup d’informations sur l’affectataire.Souvent on ne mentionne que son nom, salocalité et la surface affectée. Il peut arriveraussi qu’on affecte des terres à un grouped’habitants sans une précision de ces derniers.Par exemple il a été affecté à 128 habitants deGanguet balla une surface de 30 x 30 mètres.

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Le tableau suivant montre la situation desaffectations des terres dans la communautérurale de Mbane.

Superficie CR 192 500

Superficie Domaine irrigué 40 000

Nb d’attributaires recensés 983

Superficie totale attribuée 211584

Taille moyenne des parcelles 27

Nb de parcelles sur le DI 245

Superficie attribuée sur le DI 34799

Taille moyenne des parcelles sur le DI 142

Nb parcelles aménagées 202

Superficie aménagée 21646.29

Nb attribuées non aménagées 34

Superficie non aménagée 2512

Nb parcelles cultivées 2009/2010 284

Nb parcelles objet de litiges 41

Nb parcelles chevauchées 40

Sup globale zone de chevauchement 3900

Situation des affectations de terre dans la

communauté rurale de Mbane

Certaines délibérations d’affectations desterres sont insuffisantes et ne renseignent passur le lieu exactement. Seulement on indiqueun espace entre deux villages. Exemple, entreDiassarnabé et Loumbiguido. Cette informationest loin d’être précise. Ceci est fréquent dans leregistre.

La gestion des ressources par le conseil rural nese fait pas sans difficultés. Des conflits opposent souvent les usagers et gestionnaires. Lescommunautés rurales ne maîtrisent pas leurespace de gestion : méconnaissance de sonassiette foncière, absence de cadastre rural,doubles affectations, etc. Cette situationdécoule des lacunes techniques et organis

ationnelles constatées au niveau des mécanismes de planification et de gestion de l’espacepar la collectivité locale. De plus, les décisionsd’affectation des terres ont des impacts environnementaux, sociaux et économiques quipeuvent compromettre la durabilité des ressources naturelles et principalement la terre.

La location de la terre est socialementacceptée malgré son interdiction par la loi.Cette pratique est très fréquente dans lacommunauté rurale de Keur Momar Sarr. Eneffet, nombreux sont les éleveurs, propriétaires de terre, qui louent leurs parcelles auxagriculteurs qui sont souvent sans terre. Lecontrat est souvent tacite. En général, lalocation se fait par coût à l’hectare. Selon nosenquêtes, la location d’un hectare varie entre30000 et 60000 F. Les coûts varient d’unpropriétaire à un autre et d’une campagne àune autre. Il est très rare de voir un éleveurlouer sa parcelle à une même personnependant deux campagnes successives. Cecis’explique souvent par le non respect desengagements d’une partie contractante.

Cette situation découle de l’affectation desparcelles de terres aux non exploitants enprivant une grande partie des agriculteurs quisont dans le réel besoin d’accès à la ressourceterre. Les éleveurs, propriétaires de terres,mettent très rarement en valeur la terre etsont souvent mobiles du fait de leur transhumance. Pendant la saison des pluies, rares sontles éleveurs qu’on trouve dans la zone. Ilspartent à la recherche de pâturage avec leurbétail. Au même moment, les agriculteurs,demeurent sans terre et sont obligés de louerla terre pour trouver des revenus.

Les éleveurs gagnent doublement dans lalocation de terre car en plus de l’argent, ilsbénéficient des résidus de récolte pour l’alimentation de leur bétail.

Quant à l’emprise grandissante des exploitations privées au détriment de celles familiales, elle est assez nette. On entend parexploitation familiale, les foyers composés denombreuses personnes vivant ensemble,gérant les ressources productives et lesactivités de manière commune, et entre

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prenant des activités diverses pour réduire lesrisques et s’adapter à un environnement enconstante évolution.

En effet, si en 1985 les exploitations privées nereprésentaient que 5% du total des affectations, elles ont connu une nette progressionpassant à 9%, 15% respectivement en 1990 et2000. Pendant ce temps, la proportiond’affectations destinées aux exploitationsfamiliales connaît une baisse au fil des années,passant de 95% en 1985 à 76% en 2005. C’estdire par conséquent que les décisionsd’affectation ne garantissent pas une viabilitédes exploitations familiales.

En plus de cela, les conflits fonciers sontsouvent récurrents dans la zone. Il s’agit deconflits qui ont généralement persisté dans letemps. Dans beaucoup de cas, ils ont étéportés à la connaissance de l’administrationseulement après que les autorités villageoisesse soient montrées incapables de les résoudreavec satisfaction des parties. Et très souvent,l’intervention de l’administration s’est étaléesur des années, puisque les décisions prises(essentiellement suspension de l’exploitationdes terres objet de dispute) ne s’étaient pasavérées efficaces. La grande majorité desconflits concernent des terrains situés auxfrontières entre villages appartenant souvent àdes CR ou même à des arrondissementsdifférents, la DAT (Direction de l’Aménagementdu Territoire) n’ayant jamais tracé defrontières entre les CR, mais défini seulementles villages appartenant à ces dernières. Parmiles conflits enregistrés, peu ont éclaté au seind’un même village ; si cela est le cas, soit lesparties opposées sont des autochtones et desallochtones, soit l’enjeu est constitué par desterres prêtées depuis longtemps et revendiquées par les héritiers du prêteur. Souvent lesconflits portés à la connaissance des instancesadministratives se sont transformés rapidement en conflits à caractère politique. C’est lecas du litige foncier qui a opposé le village deDiaminar Keur Kane et celui de DiaminarLoyenne.

Le problème des limites territoriales estégalement un phénomène connu dans lacommunauté rurale de Keur Momar Sarr. Il

existe des villages qui sont géographiquement situés dans la communauté ruralede Syer mais qui payent l’impôt dans celle deKeur Momar Sarr. Les parcelles des habitantsdu village de Mbanar Keur yoro Tacko et deGolondé sont situées dans la communautérurale de Keur Momar Sarr. Ceci met ensellette le problème récurrent des limites descommunautés rurales car celles existantesdatent de 1976.

En effet, les parcelles des habitants deGolondé et de Mbanar Keur Yoro Tacko,villages situés dans la communauté rurale deKeur Momar Sarr, sont dans celle de Syer. Leparadoxe réside dans le fait que c’est leconseil rural de Keur Momar Sarr qui affecteces terres qui sont géographiquement dansune autre collectivité locale. La carte qui suitmontre nettement les parcelles de Golondéqui sont situées au delà de la limite de la CRde KMS.

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Situation des villages

II SIG : méthodologie et composantes

Projet de conception et réalisation du SIF

Dans tout projet de développementinformatique, la phase de conception estcruciale. Elle vise essentiellement l’élaborationdu schéma détaillé du système et son plan deconstruction qui va servir dans toutes lesautres phases de fabrication. Le soin apporté àcette phase détermine la qualité etl’acceptabilité du système. Les différentescomposantes du système sont définies enutilisant des méthodes de conception quis’appuient sur un formalisme et un langagespécifique comme Unified Modeling Langage(UML) qui permettent de créer des supportsvisuels permettant le dialogue avec lesutilisateurs aboutissant à un consensus sur lesfonctionnalités du système.

C’est un processus participatif dans lequel lesfuturs usagers du système sont associés afin degarantir la bonne prise en compte des besoinsexprimés.

Etudes et modèles conceptuels

Cette activité vise la création des modèlesdétaillés de l’architecture du système, del’interface et des fonctions ainsi que de la basede données. Ces trois modèles seront soumisaux clients pour validation avant le passage à laréalisation effective. Les logiciels devront êtreacquis à la fin de cette……

Développement du Système

La phase de développement s’appuiera sur unedémarche de prototypage qui permettra uneproduction rapide des différents éléments dusystème : l’interface, les applications et la basede données. Cette démarche souple permetl’interactivité entre les différentes équipes etles usagers. Elle permet aussi de tester entemps réel les solutions retenues afin de mieuxles adapter aux besoins des utilisateurs.

L’interface : c’est la composante qui vapermettre aux utilisateurs d’interagir avec lesystème. Un soin particulier devra être apportéà l’ergonomie, la convivialité, la facilitéd’utilisation pour des utilisateurs nonspécialistes. L’interface expose toutes les

!

!

!

GOLONDE

DIAMINAR LOYENE

DIAMINAR KEUR KANE

MBANAR KEUR YORO TACKO

Situation des parcelles de Golondé

-

Localité

Cultures irriguuées

Cultures pluviales

Lac de Guiers

Limite de la CR

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fonctionnalités du système aux utilisateurs dela manière la plus simple possible pour enfaciliter l’usage optimal.

Les applications : elles devront modéliser lalogique de gestion des processus liés à lagestion foncière et exposer toutes les fonctionsSIG pertinentes. Une conception modulairepermettra d’éviter la majorité des bugs etpermettre une maintenance aisée desprogrammes.

La base de données : elle constitue letroisième tiers servant de réceptacle auxdonnées qui seront gérées par le Système : lesdonnées administratives relatives auxtransactions entre les citoyens et le CR, lesdonnées foncières (cadastre, registre foncier,adressage etc. ;) et les autres donnéesgéographiques.

Le modèle conceptuel, le catalogue et ledictionnaire de données devront préciser lecontenu, les normes, la qualité et lesmécanismes de mise à jour des données demanière détaillées.

Le prototype présentera une version minimalede ces trois composantes et permettra lavalidation. L’architecture du SIG prend encompte l’importance de la participationeffective des différents acteurs dans toutes lesétapes du processus d’affectation et dedésaffectation des terres

Dans le premier cas, un système monoposteest logé dans la communauté rurale. Lesystème fonctionnera avec un ordinateur danslequel résidera la base de données foncièreavec les logiciels permettant d’interagir aveccelle ci.

Il est composé d’une banque de donnéescomprenant des couches géographiques (cadastre, occupation du sol, voirie et route, villages et terroirs, zonages etc. …) et d’une basede données foncières regroupant l’ensembledes enregistrements relatives aux dossiersfonciers (demandeurs, affectataires, documents de références, droits et usages sur lesparcelles). Ces bases de données reliées entreelle par des paramètres logiques constituent lecœur du SIG.

L’interface permet aux utilisateurs autorisés

d’accéder aux fonctions des logiciels de gestionde bases de données et de SIG pour extrairel’information nécessaire à l’exécution destâches : saisie, consultation et impression deformulaires ou de cartes en fonction du besoin.

Les équipements comprennent l’ordinateur etles périphériques : imprimante pour les documents, les formulaires et les cartes ; disqueexterne pour la sauvegarde des données.

Le GPS, utilisé pour les opérations deprospections, ou d’installation (mesure delongueurs, de superficie, bornage ouvérification) permettra la mise à jour desdonnées cartographiques après chaque opération. L’onduleur préservera les appareils desvariations de tension ou des coupuresd’alimentation en énergie électrique.

La participation effective est réelle desdifférents acteurs dans tout le processus demise en place de l’outil. En effet, l’avenir desoutils, quelle que soit son utilité, dépend deson degré d’appropriation par les acteurs.Donc la sensibilisation et la formation ne seront jamais de trop car favorisent dans leprocessus d’appropriation des élus, des gestionnaires locaux car ils sont les bénéficiairesdes outils mis en place.

III Apports du SIG

Le SIG est un outil pouvant être appliqué dansbeaucoup de domaines surtout dans la gestiondes ressources naturelles. Il a l’avantage deconstituer une base de données graphiques etalphanumériques et de production de cartesthématiques assez précises.

De nos jours, la régulation et la modernisationde la gestion des ressources foncièresconstituent un enjeu très important pour lescommunautés rurales. Des outils adéquats etefficients sont à concevoir, pour éviter que cesressources ne reviennent principalement àceux qui ont les moyens et le pouvoir : leshommes plus que les femmes, les agriculteursplus que les éleveurs, les riches plus que lespauvres, certaines ethnies ou catégoriessocioprofessionnelles plus que d’autres.

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Modèle conceptuel du SIF

Architecture physique du SIG autonome

Pour apporter de la transparence dans ceprocessus, le SIG peut jouer un rôle importantdans la gestion foncière en rendant compte de laréalité, visualiser et comprendre la complexitédes territoires et de leurs occupations, afin depouvoir diriger le développement, l’aménagement et ainsi prendre des décisions.

Il permettra aux collectivités locales dedisposer d’un système de gestion del’information au service de la planification desressources. Il facilitera notamment l’élaboration d'informations relatives à l'utilisationdes terres en suscitant de nouvelles manièresd'élaborer, de livrer et d'intégrer des approches de planification de l'utilisation des terres.Les décideurs aux échelles locale et régionaleaccroîtront alors leur capacité à reconnaître età solutionner les problèmes d'utilisation desterres dans les paysages agricoles et pastoraux.

Vu le rôle stratégique que joue l’information, leSIG constituera pour la communauté rurale unmoyen d’actualiser la gestion des affectationset désaffectations de leurs terres par ladisposition de bases de données dynamiquesreflétant l’occupation spatio temporelle del’espace et une maîtrise des superficies affectées. Le SIG ainsi obtenu et mis à la dispositiondu conseil rural permettra aux gestionnaires devérifier la disponibilité de la terre et d’évaluer

BD Cadastrale

Deman

de

Ordre de Mission

SIG

PV

Notification

Workstation

BD Socio

Economique

BD Occupation du

sol

DonnéesApplications Interface

GPSDisque

externe

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158

ou de mieux maîtriser les éventuellesconséquences et impacts environnementaux,sociaux et économiques des affectations deterres par un suivi dynamique des décisionsd’affectation. Aussi, les problèmes tels que lesdoubles affectations, la non matérialisation surle terrain de la délibération du conseil ruralsont autant de situations qui pourraient êtrerésolues pour une meilleure connaissance ducapital foncier communal. Ainsi, les décideurspourront disposer d’une base de donnéesfoncière, mais aussi d’une base de cartesthématiques sur l’occupation des sols par unemeilleure visibilité et identification des occupants.

Cette modernisation de la gestion foncièreconstitue un véritable instrument de bonnegouvernance et de gestion efficace pour identifier les cas de fraudes, de corruption et desspéculations foncières. Ceci a pour but de créerun processus de changement satisfaisant ouune amélioration des conditions de vie descollectivités, qui passe nécessairement par laviabilité du système d’exploitation desressources naturelles (dimension environnementale du développement), l’appropriationdu changement par les populations locales, quirésulte de leur participation. L’outil SIG ainsiréalisé permettra de sécuriser les droitsfonciers coutumiers et modernes, réduire etmaîtriser par ce moyen les conflits fonciers et,ainsi, promouvoir le développement rural.Cette sécurisation passe au minimum par :

l’identification, à l’aide d’enquêtes contradictoires auprès des populations, detous les droits reconnus localement ;la délimitation topo cartographique dubien foncier correspondant (qui peutêtre, en principe, une zone d’usage,comme par exemple un parcours detroupeau)l’enregistrement par une agenceofficielle ;la mise en place d’instances locales(commissions foncières) chargées deconserver la documentation foncière etd’en assurer l’actualisation.

La base de données ainsi obtenue permet devoir la répartition spatio temporelle des

affectations de terre, avec une identification del’affectation de la surface attribuée, des droitsréels, de la localité, de la superficie de la parcelle, de l’usage souhaité et de l’année.

L’intégration de ces données foncières permetd’étudier au mieux les affectations de terre enles localisant sur l’espace communal; maisaussi par une vérification pratique de ladisponibilité foncière avant toute décisiond’affectation par une visualisation de l’espacede gestion.

Le SIG constitue un outil permettant à lacommunauté rurale de gérer de façon plusefficace les terres relevant de sa compétence.Les résultats sont des représentations cartographiques ou statistiques ; il s’agit de la cartede l’occupation du sol des villages concernés.Elles permettent également, pour les élus, lavisualisation de leur espace de gestion. Ledéploiement du système de la communautérurale consiste en l’installation de l’ensembledes composantes du système pour le rendreopérationnel. Il s’agira d’installer et de tester :

les équipements informatiques et leurconfiguration ;

les logiciels et leur paramétrage ;

l’application SIG ;

les bases de données ;

Les tests et validations nécessairesseront ensuite conduits pour ensuiteintégrer les données initiales dans lesystème.

Toute base de données sur des phénomènesdynamiques nécessite une mise à jourpériodique pour que les données reflètent aumieux la réalité de terrain. Le voletcartographie qui consistera à faire l’état deslieux devra être réalisé. Ce sont ces donnéesqui alimenteront le SIG. La réalisation de l’étatdes lieux de la Communauté rurale sera lepoint de départ de toute la clarificationfoncière. La qualité des données géographiques sera l’élément de base du SIG.

La sensibilisation et la formation constituentdes composantes essentielles à l’opérationnalisation du SIG.

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La sensibilisation des décideurs et despopulations permet d’assurer l’appropriationde l’outil par le conseil rural et son intégration

Découpage zonal de la Communauté rurale deKeur Momar Sarr

par les autorités de tutelle comme un outil degouvernance territoriale. Dès la fin de la phasede conception, des supports seront disponiblespour permettre la vulgarisation par la sensibilisation. Celles ci seront mises à profit pourinformer les décideurs sur le SIG, son rôle et lesbénéfices qu’il peut apporter à la gestionlocale.

Le SIG constitue un outil permettant à lacommunauté rurale de gérer de façon plusefficace les terres relevant de sa compétence.Les résultats sont des représentations cartographiques ou statistiques ; il s’agit de la cartede l’occupation du sol de la communautérurale. Ces cartes, en plus de la localisation desparcelles affectées, présentent aussi desdonnées structurelles : comme les cours d’eau(le Lac de Guiers), les limites des communautésrurales, les routes et pistes, les forêts classées,etc. Elles permettent également, pour les élus,

la visualisation de leur espace de gestion.

Par ailleurs, dans le cadre du Programmed’appui aux collectivités locales(PACR), la SAED doit mettre enplace le plan d’occupation etd’affectation des sols pour lacommunauté rurale de KeurMomar Sarr. Le PAOS a pourobjectif :

la clarification foncière, pour unemeilleure maîtrise du disponible etplus de clairvoyance dans lesaffectations

le renforcement de la complémentarité entre l’agriculture et lesautres activités productives dansune optique de développementintégré durable,

le développement de la démocratie locale à travers une implication des populations dans le choix,la prise en charge et le suivi desactions de développement à labase.

Dans la perspective du futur PAOS de lacommunauté rurale de Keur Momar Sarr, nousavions déjà effectué un découpage de l’espace.Il est basé sur les caractéristiques géomorphologiques et géographiques des localitésainsi que de leur proximité au lac de Guiers.Ceci à a l’avantage de contourner certainesambiguïtés dans la localisation des affectationscontenus dans les délibérations du conseil. Cedécoupage regroupe les villages aux caractéristiques communes en une zone. Ainsi, nousaboutissons à quatre zones comme le montrela carte ci dessus.

Dans le premier traitement des affectations parvillage, nous étions confrontés au problème delocalisation de certaines affectations car on nesavait pas exactement dans le compte de quelvillage faut il mettre l’affectation en question ;par exemple, dans la zone Brar –Teller. Ce sontdeux localités. Ceci est une ambiguïté ou uneimprécision que nous avions réglée dans ledécoupage zonal.

Pour ce qui concerne les affectations, en les

KMS GUIERS SUD RIVE OUEST

KMS GUIERS RIVE ESTKMS GUIERS CENTRE RIVE OUEST

KMS GUIERS NORD RIVE OUEST

Zonage de la communauté rurale de Keur momar Sarr

-

Réalisation : TOURE L., 2008

Lac de Guiers

Limite de la CR

0 10 205 Kilomètres

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

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regroupant par zone, nous aboutissons aurésultat suivant :

Estimation de la superficie occupée parl’agriculture pluviale et irriguée

Estimation du potentiel foncier par zone.

Dans la communauté rurale de Keur MomarSarr, l’agriculture pluviale occupe la plusgrande partie des surfaces surtout dans la zoneGuiers Sud Rive ouest du fait surtout de sasituation et de son éloignement par rapport aulac de Guiers. En effet, les surfaces disponiblesautour du lac de Guiers qui constitue le seulpotentiel d’eau douce sont de plus en plus

rurales. Du coup, la migration vers les terres dudiéri devient la seule alternative pour les habi

tants. Cependant, l’aménagementde ces parcelles nécessited’importants moyens financiers cequi explique la petite taille desparcelles qui y sont mises envaleur.

Les affectations sont importantesd’une zone à une autre et parconséquent les disponibilitésfoncières également car cellesdésignent la différence entre lasuperficie totale et celle occupéepar les activités agricoles, pastorales, l’habitat. A partir d’uneanalyse de l’occupation des solset des affectations, nous sommesarrivés à estimer le disponiblefoncier par zone comme le montrent bien la carte et le graphiqueci après. Si la carte représente ladistribution spatiale, la figuremontre les valeurs en ha del’assiette foncière. Une lecturesimultanée de ces deux illustrations permet une meilleurecompréhension de la disponibilitéfoncière. Dans la communautérurale de Keur Momar Sarr, lesaffectations de terre dans la zoneGuiers Rive est représenté près dela moitié du total des affectations. Ceci peut s’expliquer parla proximité du lac de Guiers, laplupart des villages de cette zonen’étant pas trop distants du lac etdisposant de terres assez fertiles.Aussi l’accès à l’eau constituepour les agriculteurs et éleveursun critère assez important pour lamise en valeur de la terre. Laprésence de l’eau réduit les coûtsd’aménagement pour les habitants qui n’ont pas de revenusfinanciers suffisants.

Cependant cette situation ne concerne pasl’ensemble de la zone car les affectations sontfaites dans les 40 premiers kilomètres à partirdu lac.

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

Kms Guiers

Rive Est

Kms Guiers

Centre Rive

ouest

Kms Guiers

Nord Rive

ouest

Kms Guiers

Sud Rive

ouest

ZONES

Su

rface e

n h

a

Pluvial

Irrigué

0

5000

10000

15000

20000

25000

Kms

Guiers

Rive Est

Kms

Guiers

Centre

Rive ouest

Kms

Guiers

Nord Rive

ouest

Kms

Guiers

Sud Rive

ouest

Zones

Su

rfa

ce

Surface disponible

Surface totale

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Il existe des étendues de terre dans la zone duDiéri, distants du lac dont l’aménagementconstitue une contrainte pour la plupart desdemandeurs de terre.

Les villages de cette zone sont majoritairement des villages maraboutiques et/ oustratégiques avec un fort potentiel électoral.Ce qui constitue l’attraction de cette zone. Enplus de cela, ils regroupent la plus grande partde la population.

Après la zone rive est, la zone centre vient enseconde position en termes de surfacesaffectées (1213ha). Cette zone aussi est situéeà la bordure ouest du lac et bénéficie desterres fertiles en plus de l’accès au lac. Aussi,on y retrouve de grands villages comme Brar,Teller, Ndour 2,…

En somme, le Système d’information géographique sur le foncier ou le système d’informationfoncière permettra au conseil rural et auxdifférents usagers :

une mise en place d’une base dedonnées foncière

Une meilleure connaissance de ladynamique foncière et de l’Occupationspatio temporelle des terres

Une plus grande transparence dans lagestion des ressources communautaires

Modernisation de la gestion des terres

Efficacité dans le traitement des dossiers

Conclusion

Une meilleure gestion des ressources naturelles passe nécessairement par la mise en placed’outils de gestions efficaces et modernes maispas forcément très technique. Ce n’est pas ledegré de technicité de l’outil qui fera saperformance mais plutôt sa manipulation, soncout et son utilité pratique En effet, ceprocessus de modernisation se fait de manièreprogressive et surtout par un fort de degré departicipation des acteurs surtout locaux auxdifférentes activités du processus. La mise en

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place de l’outil est un fait mais le plusimportant est l’adhésion et l’appropriation queles bénéficiaires feront de l’outil. Plus ils sontimpliqués mieux ils se sentiront concernés.Aujourd’hui, avec le développement des outilslibres en SIG, ce processus peut nécessitermoins de moyens financiers mais le noyau dusystème demeure la volonté politique desdécideurs à emprunter le chemin de la clarification et de la gestion transparent desressources foncières.

Bibliographie

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La coopération entre la communauté d’agglomération Castres Mazamet et la ville deGuédiawaye est née de convergences croiséespréalables entre ces deux entités et des chercheurs de l’Université de Toulouse le Mirail.Elle s’est formalisée dans le cadre de la solidarité numérique sur un objectif de mise en placed’un SIG dont les contours et la réalisation sesont affinés tout au long du processus de lacoopération dans le cadre de deux projets detrois ans soutenus par le Ministère des AffairesEtrangères et Européennes.

I. Repères

Guédiawaye est une ville de la région de Dakard’environ 400000 habitants, très fortementurbanisée, à vocation essentiellementrésidentielle pour une population qui travailleà l’extérieur de la commune. Guédiawaye,entité administrative, est née des lois dedécentralisation au Sénégal qui l’ont consacréecommune en 1990 puis ville en 1996 etdépartement depuis 2002. Malgré sa créationrelativement récente, les acteurs locaux (élus,administratifs, populations) ne cessent demultiplier les séances de concertation et lesinitiatives pour un développement localharmonieux, à travers des approches telles quel’élaboration d’un projet de ville et ledéroulement d’un Agenda 21 local.

Castres Mazamet est une communauté de 80000 habitants, ancien bassin industriel textileelle a misé sur le développement d’uneplateforme numérique autour d’une boucle enfibre optique depuis 1999, vecteur majeur deson développement actuel. La communautécomposée de 16 communes a par ailleursacquis un savoir faire sur le déploiement deson SIG communautaire depuis une dizained’années.

L’inscription du projet dans le réseauscientifique eAtlas Francophone de l’Afriquede l’Ouest réseau initié par les universités deToulouse le Mirail et l’université Cheikh AntaDiop de Dakar, lui a ouvert une scène dediffusion, de débat, d’échanges et de réflexionlors des Rencontres du réseau à Dakar,Bamako, Cotonou, que ce soit avec deschercheurs ou d’autres acteurs dudéveloppement numérique.

1. Un contexte de développement de l’usagedes SIG

Les SIG sont perçus comme un des éléments dela panoplie des outils TIC au service dudéveloppement local Ils permettent lacollecte, la structuration et le stockage del’information localisée, la visualisationcartographique de cette information dans unsystème de coordonnées géographiques unifiéqui permet la superposition et le croisementdes informations stockées.

Mise en place d’un Système d’Information Géographique (SIG) àGuédiawaye: La coopération décentralisée entre Castres Mazamet et

Guédiawaye (Sénégal)Bruno Blaise

Communauté d’Agglomération Castres MazametBruno.BLAISE@castres mazamet.com

Françoise DesbordesIngénieur d’études au LISST CIEU

Université de Toulousedesborde@univ tlse2.fr

Mamadou DIENGCoordonnateur Agenda 21local,

référent local de la coopération Castres Mazamet/GuédiawayeMunicipalité de Guédiawaye

[email protected]

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Un SIG orienté vers la gestion d’une ville oud’une communauté territoriale permet decapitaliser, analyser, combiner des données surles ressources d’un territoire et d’évaluer desconditions sociales, économiques et environnementales. Il permet de produire cartes etdocuments statistiques destinés à l’aide à ladécision et à la cogestion.

Des références de plus en plus nombreuses auxdémarches territoriales participatives ontconduit à l’émergence d’expérimentations deSIG participatifs (SIGP).

Si on peut commencer à mesurer l’efficiencede ces méthodes et outils de gestion del’information à référence spatiale dans laplanification, de l’aménagement du territoire àla gestion urbaine, vers une organisation pluscohérente de projets, d’équipements, depolitiques sur un espace déterminé deuxquestions vives restent néanmoins ouvertes :

• Comment intégrer dans un processusparticipatif la dimension territorialeapportée par les acteurs ?

• quelles conditions réunir pour que cesoutils de gestion de l’information,cartomatique, SIG et mise à dispositionsur Internet puissent y concourir ?

2. Un contexte de transfert de compétencesaux collectivités locales par les lois dedécentralisation

Les lois de décentralisation au Sénégal onttransféré aux villes plusieurs domaines decompétence dont l’environnement et lagestion des ressources naturelles, laplanification l’aménagement du territoire,l’urbanisme et l’habitat.

II. Enjeux

1. Les atouts du contexte sénégalais

Le contexte sénégalais se montre favorable audéveloppement d’un tel projet pour unecollectivité urbaine.

Le Sénégal a mis en place depuis longtempsdes politiques incitatives à l’utilisation des

NTIC. Déjà en 1997, la Déclaration de Dakar du10 juillet encourageait l’accès à l’Internet,l’élaboration de propositions et la réalisationde projets incluant l’utilisation des NTIC.

Plus spécifiquement orienté vers les servicespublics, le Programme National de BonneGouvernance (PNBG) identifie les NTIC commeun instrument privilégié pour l'amélioration dela productivité du service public, la mise enplace des prestations de qualité et l'instauration d'une communication moderne.

On a pu observer ces dernières années undéveloppement de la production de donnéescartographiques, l’utilisation initiale des outilsde DAO pour leur représentation évoluantrapidement vers la mise en place de SIG dansles administrations permettant une meilleuregestion de ces données

2. Les faiblesses des avancées dans lescollectivités locales

Pour autant au niveau des collectivités localesles SIG restent encore peu développés. Lacartographie numérique utilisée essentiellement pour la gestion des services techniques etla planification à l’échelle de l’agglomérationdakaroise reste souvent inaccessible pour descollectivités comme celle de Guédiawaye carl’information est peu partagée par ses détenteurs, transmise dans des formats papier ounumériques différents, dans des projectionsdifférentes rendant leur utilisation et leuréventuelle diffusion peu commode. En sus, lescollectivités locales souffrent d’un manquecriant de compétences techniques, de ressources financières et moyens matériels (informatisation des services déficiente) pour assurerun développement optimal d’un SIG.

3. Les enjeux du SIG de Guédiawaye

Les objectifs propres au SIG de Guédiawaye sesont précisés sur deux temps de coopération.Lors de la première phase définie en réponse àl’appel à projet « solidarité numérique » duMAEE, il s'agissait au départ globalement dedonner à Guédiawaye une capacité nouvelle àcentraliser des données cartographiques éparses et à valoriser ces données en réalisant leur

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intégration dans un SIG, permettant leurextraction, leur mise à jour et un débutd’analyse croisée par superposition d’informations.

Dans la deuxième phase de développement duprojet, l’accent a été mis sur l’utilisation de cenoyau de système d’information selon deuxaxes :

- L’aide au renforcement des capacitésfinancières par un travail en liaison avecle service du cadastre

- L’aide à une meilleure structuration desservices comme la gestion des orduresménagères par exemple.

La déclinaison de ces enjeux a permis de fixerles priorités de travail à engager pour créer lespremières couches d’information du SIG.

Renforcement des services techniquesde la ville

Décentralisation et compétencestransférées, les villes ont créé lesservices correspondants, mais peu demoyens financiers et techniques leur ontété alloués. Un des enjeux premiers duSIG de Guédiawaye est d’améliorer lefonctionnement de ces services encréant un outil qui permette une gestionà jour des localisations et des donnéesliées des principaux équipementsurbains (ordures ménagères, éclairagepublics, routes, trottoirs, équipementspublics).

Renforcement des finances locales

Guédiawaye commune de banlieueaccueillant peu d’activités économiquesmais toujours soumise à une pressionrésidentielle forte dispose de peu derentrées fiscales pour répondre auxbesoins de services de sa population. Lerecouvrement des impôts et taxes,lacunaire, en partie par manque ded’information fiabilisées, aggrave lasituation.

Un autre enjeu du SIG est de constituerune base d’information localisée fiable,en appui au recouvrement de l’impôtfoncier et des taxes de marché dans un

premier temps.

Aide à la gestion de problèmesenvironnementaux

La bande littorale de 7,5km en limitenord de Guédiawaye constitue un atoutimportant pour la ville Sa dégradationest liée à l’extraction de sable, audépérissement des arbres plantés enprotection, aux dépôts sauvages d’ordures et à son envahissement par laconstruction d’habitat illégal ou autorisé.Le suivi de l’état de cette bande littoralenécessite de disposer d’une informationfinement localisée et superposable, cesinformations provenant de différentessources et administrations compétentessur cette partie du territoire.

De graves problèmes d’inondation à lasaison des pluies sont en passe de devenir chroniques dans certains quartiers,neutralisant de grandes zones d’habitatet abaissant le niveau de qualité de viepour d’autres.

L’enjeu du SIG de Guédiawaye est deconstituer un entrepôt de données àpartir de sources éparses, favorisant laconcertation des acteurs et la prise demesures d’urgence en particulier lorsd’inondations.

4. Les étapes de la mise en place du SIG deGuédiawaye

Le processus de mise en place et defonctionnement d’un système d’informationgéographique mobilise les relations entreplusieurs domaines (schéma 1, Bruno Blaise)

Eléments du processus de création du SIG

Il faut ainsi connaître les données existantes,

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nouer des partenariats avec les producteurs deces données, analyser ces données et orienterla recherche ou la production de nouvellesdonnées, produire des cartes, en tenantcompte des ressources humaines disponibles,de l’équipement à mobiliser, de la formation àdonner, assurer une animation du réseau departenaires et utilisateurs, capitaliser sur les

Les étapes de la réalisationdu SIG de Guédiawaye

connaissances acquises, les savoir faire et lesretours d'expérience.

Principe de base du projet de GuédiawayeCompte tenu de l’expérience et du savoir fairedéveloppé par la communauté CastresMazamet dans la construction pas à pas de sonSIG communautaire, le choix a été de démarreren centralisant l’information cartographiqueexistante sur le territoire de Guédiawaye etd’utiliser un applicatif SIG (MINIVUE) quipermette de faciliter l’accès à l’information et àsa visualisation. Cet applicatif autorise aussi lasaisie de la base d’information et la créationd’objets géographiques nouveaux par unutilisateur formé à son utilisation mais pasnécessairement un expert en SIG.

Les grandes étapes de la réalisation duprogrammeL’objectif du programme n’était pas de faire un

SIG pour la municipalité de Guédiawaye maisbien que la ville construise à son rythme unoutil qui réponde à ses besoins tout en tenantcompte de ses capacités à produire l’information nécessaire et à l’utiliser dans sonfonctionnement quotidien.

Une observation et une description fine dudéroulement du programme permettent deposer un bilan circonstancié de l’expérimentation afin d’envisagersa reproductibilité àd’autres communes.

Introduire un outil dece type dans lefonctionnement d’unemunicipalité peu oupas sensibilisée à l’usage du numérique passepar un temps longnécessaire à la formation à l’usage et auxcontraintes de l’outil, àla mobilisation despartenaires et services

fournisseurs de données, à la définition despriorités compte tenu des moyens disponibleset des utilisations prioritaires.

Quelques grandes étapes ont marqué ledéroulement du processus :

des ateliers de travail à Guédiawayeréunissant les principaux partenaires etles principaux acteurs de la ville deGuédiawaye, équipes municipales,représentants des administrationsdéconcentrées, organisations de lasociété civile, complétées par desréunions plus techniques d’ajustementdes engagements pris par chacun.

des périodes de formation ducoordinateur du SIG en immersion dansle service SIG de la communautéd’agglomération Castres Mazamet,centrées sur la production et l’utilisationde l’information cartographique.

délégations d’élus et de responsablesadministratifs de Guédiawaye impliqués

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dans le projet, à Castres Mazamet dansun objectif d’amélioration de lacompréhension réciproque du fonctionnement des deux collectivités locales.

5. Les séquences de réalisation

1. Matérialisation du pôle SIG par un achatde matériels et l’installation du logicielretenu.

2. L’Atelier de lancement organisé àGuédiawaye a permis de présenter ladémarche, faire l’état des lieux desattentes et des compétences et de poserles premiers pas d’une adhésion large auprojet. Il a permis de contacter deuxpartenaires importants, les servicesdépartementaux du cadastre et l’ADM,Agence de Développement Municipaldont l’objectif est d’accompagner leprocessus de décentralisation. Ces deuxpartenaires ont concrétisé leur intérêtau développement du projet et leurengagement dans le partenariat par laremise de données géographiques quiont permis la mise en place du noyau duSIG.

3. Cinq semaines de formation ducoordonnateur à Castres ont permisd’intégrer les données existantes ensuperposant les trois couches du noyau,orthophoto, plan d’adressage de la ville,découpage des parcelles. Si la villedisposait déjà de d’impressions papier

de son plan d’adressage, la visualisationrendue possible de ces trois informations superposées constituait unegrande première. Elle a aussi permis depréparer la structuration des données à

saisir retenues au cours de l’atelier delancement.

4. Les missions de juin 2009 et juin 2010 etles stagiaires accueillis à Guédiawaye aucours de l'été 2010 ont permis d’initier lacréation de données nouvelles, propresà la ville de Guédiawaye. Un tempsimportant a été consacré à la recherched’un consensus sur la définition précisede ces données, les modes de collecte àmettre en place, les contraintes de saisieen liaison avec leurs usages possibles.

5. Grace à cette première réalisation lepartenariat a été élargi avec le cadastreet avec l’ADM lors des différentesmissions : un échange de données entreGuédiawaye, le cadastre départementalet l’ADM a été défini, l’ADM mettant àdisposition son serveur FTP pour cetéchange. Une rencontre avec le servicenational du cadastre à Dakar qui a lancéune opération ambitieuse de numérisation du cadastre sénégalais a permisde vérifier que les travaux menésparallèlement étaient compatibles etque ce qui était en construction à Guédiawaye pouvait s’inscrire dans un contexte d’évolution au niveau national et

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pouvait même y participer à l’échellelocale.

6. Un atelier bilan fin 2010 réuni àGuédiawaye a permis de montrer engrandeur réelle les premières réalisations afin de démontrer les potentialités d’usage et de mettre à jourdes besoins à traduire en termes dedonnées à collecter et à introduire dansle système. L’outil a été très positivement perçu par les élus, les partenaireset structures en relation avec Guédiawaye, la société civile, mettant à jour unnombre important de besoins setraduisant par une masse importante dedonnées à créer et à implémenter dansle système, masse trop importante pourêtre traitée par les ressources humaineslocales disponibles pour le SIG.

7. Au cours de la mission de février 2011, letravail a été recentré sur 10 couches dedonnées déterminées et tout particulièrement en 2011, la couche voirie –voirie existante, projets, ronds points,points noirs , la couche collecte desordures ménagères – circuits de collecte,points de collecte, dépôts sauvages .En 2012 une couche sur le foncierdisponible à la construction et une surles points bas du territoire en lien avec laproblématique des inondations serontimplantées dans le système.

5. Les données utilisées

Des données pré existantes ont été fourniespar les partenaires extérieurs :

- le scan du plan d’adressage, donnéeraster qui devrait être remplacée à termepar la même information vectorisée issuedu futur SIG de l’ADM.

- l’orthophoto, donnée raster, mise à joursur le site l’ADM

- le parcellaire, donnée vectorisée ducadastre, dont la mise à jour dépend duprogramme national de modernisation ducadastre en cours, une convention devantalors en préciser les termes.

Une dizaine de thèmes d’information ont été

structurés dans la base d’information, prêtspour la saisie : scolaire, économie, santé,espace public, administrations, projets,transport, foncier, environnement.

Parmi ces thèmes, une priorité de travail a étéfixée sur les voiries, la collecte des orduresménagères, le foncier disponible, les points basde la commune.

6. Les compétences mobilisées

La communauté d’agglomération Castres Mazamet a mobilisé les compétences de deuxpersonnes ressources, l’une en charge du SIGcommunautaire, l’autre en charge de l’observatoire socio économique de la communauté,assurant l’animation, le suivi techniqueadministratif et financier, la valorisation duprojet et les formations nécessaires.

La ville de Guédiawaye a mobilisé plus particulièrement les compétences de son responsablede l’Agenda 21 local, chargé aussi des questions d’urbanisme au titre de coordonnateurdu projet ; elle a récemment crée un postedédié au SIG par embauche d’une technicienne.

Elle a par ailleurs mobilisé plus ponctuellementdes responsables de ses services et d’administrations délocalisées.

L’Université s’est impliquée dans l’animationscientifique du projet et dans la définition detrois stages d’étudiants avancés.

7. Matériels et logiciels

Un pôle SIG totalement autonome a étééquipé. Il comprend un PC de bureau, unordinateur portable, une imprimante, unscanner, un appareil photo, un disque durexterne, une clé USB, un modem wifi et unGPS. Le logiciel Minivue, applicatif basé surArcGis a été offert par la société Imagisméditerranée qui l’a développé.

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III. Quel bilan actuel ?

1. Les problèmes rencontrés

La production de données numériques est enplein développement au Sénégal, mais en en2008 au début du projet, peu de donnéesnumériques étaient accessibles au niveau descommunes, souvent non géo référencées, oudans des systèmes de coordonnées différents,dans des formats de fichier variables

L’ambition du SIG de Guédiawaye pourrait êtrequalifiée de prématurée si on rappelle quel’Agence de Développement Municipaltravaillait alors en mode dessin ; elle estactuellement en train de construire son SIG.Les services du cadastre étaient en coursd’expérimentation sur la mise en place d’unSIG et la numérisation des données foncières,actuellement le programme Pamoca (Projetd’appui à la modernisation du cadastre) vapermettre de doter 40 villes sénégalaises d’unplan cadastral consultable sur internet et d’unematrice cadastrale numérique. Au niveau de lacommune les données recherchées n’étaientsouvent disponibles que sous forme dedocuments papiers, ou sous traitement detexte, localisées sur des tirages de plan papier,le support du plan d’adressage récent n’étantencore que peu utilisé.

L’expérimentation démontre néanmoins quepartant de ces éléments il a été possible deposer les bases du SIG de montrer son usagepotentiel sur le territoire de Guédiawaye et dece fait de progresser dans la définition desétapes à atteindre.

Une autre difficulté à résidé dans le manque demoyens humains pour assurer un suivi continu.

Maintenir un SIG à jour, animer le partenariatdes fournisseurs de données, valoriser lesdonnées existantes, en promouvoir l’usagenécessite un travail quotidien. Jusqu’en 2011une seule personne à temps partiel limitépouvait assurer une partie de la tâche. Lamunicipalité a réaffirmé son intérêt réel pourle SIG en obtenant la création d’un emploinouveau sur un profil dédié à ces taches.

Bilan quantitatif :

Un bilan chiffré du SIG en termes de contenuproduit et de coût de l’investissement matérielpeut être proposé :

Production :

- Trois couches géographiques récupéréeset superposées,

- dix thématiques ciblées et structuréespour les créations de données

- deux couches prioritaires saisies : voirieet collecte

- deux couches réalisées sur papier prêtesà saisir : foncier disponible, points bas

- des cartes de localisation produites pourles communes d’arrondissement

- une première carte d’analyse spatialeproduite par croisement de la couchevoirie et du circuit de collecte desordures ménagères

Investissement matériel :

- achat du matériel pour un pôlefonctionnel à hauteur de 4000€,complété par un équipement logiciel de700€

- pas de coût d’achat de données pour lemoment, leur fourniture faisant l’objetde conventions de partenariat oud’échange.

Le coût principal du projet est lié au tempspassé et aux missions (4 missions àGuédiawaye et 3 missions à Castres).

Bilan qualitatif

Au delà de ces quelques chiffres la coopérationautour du SIG a contribué au développementd’échanges et d’interconnexions favorablesnotamment à la pérennité du SIG.

Le décloisonnement des relations de Guédiawaye avec l’ADM et le Cadastre s’est joué surl’établissement de relations positives dans unpremier temps grâce à l’appui apporté parl’expertise de la communauté d’agglomérationau projet, puis au fur et à mesure de l’avancéeconcrète du programme.

Le constat mutuel d’engagement sur des

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démarches complémentaires et durables, lesdiscussions sur la comptabilité des systèmes,l’intérêt mutuel pour l’avancement desdémarches de type SIG ont permis dedéboucher sur l’écriture de conventions et lamatérialisation d’échanges de données ; ainsila couche voirie avec l’adressage saisie parGuédiawaye a été fournie au Cadastre.

Les actions de communication et valorisationdu projet, que ce soit auprès de l’ensemble desacteurs de Guédiawaye, ou dans le cadre duréseau eAtlas – réseau articulant monde de larecherche académique et monde des acteursdu développement intervenant dans le champde la société de l’information , ont conféré unecertaine notoriété à l’expérimentation deGuédiawaye. Guédiawaye a ainsi été retenuecomme ville pilote sur le SIG par l'ADM.

Les documents produits au cours de l’expérimentation, reformulés et édités à destinationd’un plus large public constituent une base deréférence pour le développement de projetssimilaires.

D’autre part la communication sur le projetfaite auprès des élus et personnels de lacommunauté Castres Mazamet dont c’était lapremière opération de coopération décentralisée a participé du renforcement de sonengagement dans la coopération, en particulierlors de l’accueil des délégations de Guédiawaye et des stages de formation. Cet engagement s’est concrétisé par des apports ennuméraire supplémentaires pour assurer desmissions complémentaires, l’envoi de matérielinformatique et la participation à des réunionsou manifestations sur la coopération, auniveau national et régional.

L’objectif fixé en commun d’arriver à l’autonomisation du SIG au terme de ces deux phasesde coopération a conditionné la démarche etl’avancée du programme.

La coopération a permis d'apporter de laméthode, des conseils, de la formation. Letravail autour du partenariat et des axes dedéveloppement du SIG a été conduit encommun.

Quelques questions en guise de conclusion. Leprojet tel qu’il a été réalisé est il adapté auxattentes ?

On peut constater qu’au fil de modificationsimportantes du contexte, changement demajorité politique et d’équipe municipale lorsdes élections municipales de 2008, décès duMaire en 2011 et son remplacement, le projeta continué avec le soutien des élus.

Le fait que le SIG soit orienté vers la gestionmunicipale et n’ait pas encore produit d’information graphique à l’usage direct des citoyenscomme c’était attendu au lancement du projetn’a pas affecté le soutien des différents acteursde la société civile lors des ateliers de suivi duprojet.

Le projet est il adapté aux besoins ?

Les SIG à l’échelle d’une ville ou d’une communauté territoriale, que ce soit au Nord commeau Sud apportent une aide significative à lagestion urbaine, le plus souvent par la production de cartes et documents statistiquesdestinés à l’aide à la prise de décision et àl’information réciproque, mais leur mise enœuvre concrète est différente. Si le service SIGd’une collectivité comme la communautéd’agglomération Castres Mazamet rassembleet traite des données déjà gérées par sesdifférents services, la ville de Guédiawayedispose certes, d’informations mais éparses etmal gérées, sans compter que les informationsnumériques sont quasi inexistantes. Elle rejointen cela la situation de petites communes deCastres Mazamet il y a une dizaine d’années aumoment du démarrage du projet de SIGcommunautaire. La charge d’une cellule SIG àGuédiawaye est à envisager sur le long terme :il faut faire des relevés, former un personnel àla saisie, mettre en place des procédures pourle suivi et la mise à jour, animer le réseau desproducteurs et des usagers et de l’existenceréelle de cette cellule dépend la survie etl’efficacité du projet SIG.

Le projet est il opérationnel ?

Oui, il l’est d’ores et déjà. Mais un SIG est unprocessus continu de construction et de mise àjour des données. Ce projet montre qu’un SIG

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peut être progressivement élaboré à moindrecoût pour une collectivité, en s’appuyant surles ressources locales existantes (partenaires,données) et les ressources internes de lacollectivité.

Quelles perspectives pour le SIG deGuédiawaye ?

La plus importante serait une banalisation del’usage des produits du SIG, extraction d’information validée, production de cartographied’analyse, lors des travaux des commissions,des services.

Si on peut rêver, à terme, d’une application quipourrait être consultée par tous sur internet, laperspective d’implanter dans chaque commune d’arrondissement un poste de consultationdu SIG semble de nature à renforcer, parl’usage, l’intérêt des communes au maintien etau développement du SIG de la ville.

La diffusion systématique des cartes réalisées àpartir des données du SIG sur le portail deGuédiawaye – deuxième volet de la coopération – est une action directement réalisableet complémentaire, ouvrant une perspectivede diffusion des informations aux citoyens deGuédiawaye.

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I. Contexte et contractualisation dupartenariat

L’idée d’une coopération entre la Communautéd’Agglomération du Grand Chalon et laCommunauté des Communes du Plateau (CCP)est née d’un partenariat instauré depuisplusieurs années entre un lycée agricole duchalonnais et un collège d’enseignementtechnique agricole du Plateau et qui a fait serencontrer à plusieurs reprises des élus desdeux structures.

Alors en pleine application des lois dedécentralisation (2003), pour les maires descommunes fraichement installés du Plateau, lacoopération apparaissait comme un outild’accompagnement au développement de leurterritoire,

L’intercommunalité n’étant pas définie, en2005, par la loi béninoise, les 5 communesconstituant le département du Plateau ont prisle parti de se regrouper en association intercommunale, faisant figure de précurseur (lestatut d’intercommunalité a été adopté enaoût 2009 au Bénin).

Les axes de coopération ont été identifiés suiteà un diagnostic réalisé sur le territoire de laCCP en 2005. Les thématiques ont égalementété choisies pour être en adéquation avec lescompétences de la communauté d’agglomération du Grand Chalon.

Le premier programme de coopérationdécentralisée a été concrétisé en décembre2005 par la signature d’une convention cadrequadriennale (2006 2009).

Ce premier programme a été prolongé par unavenant d’un an sur l’année 2010 afin definaliser les actions en cours. A l’échéance dece document et suite à une missiond’évaluation qui a eu lieu en juillet 2010, lesecond programme de coopération a étématérialisé par la signature d’une conventioncadre en janvier 2011 portant sur 3 années(2011 2013).

Ces documents permettent de contractualiserle partenariat entre les deux organismessignataires en fixant ses grandes lignes. Ainsi laconvention cadre de coopération décentralisée2011 2013 a pour objet de définir les objectifset les différents axes de coopération, deprésenter la méthode d’intervention et leséchéances du programme de coopérationdécentralisée, tout en précisant les droits et lesobligations des deux parties contractantesdurant la période de coopération. Il estimportant de noter qu’en plus de cetteconvention, qui répond à l’obligation législativefrançaise, les partenaires ont souhaité préciserchaque année les modalités de fonctionnement, d’organisation des actions qui serontconduites pour la mise en œuvre des objectifssouhaités dans un document plus souplenommé convention opérationnelle technique.Ce dernier document qui est un document plustechnique a donc pour objet de préciser,d’affiner les méthodes d’intervention au regarddes actions déjà réalisées. En effet, cetteconvention opérationnelle technique est basée

Mise en place d’un logiciel d’informatisation de l’état civil.Le cas de coopération décentralisée entre le Grand Chalon et laCommunauté des Communes du Plateau

Abdel Affissou AdègbitéResponsable TIC

Communauté des Communes du [email protected]

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sur l’évaluation intermédiaire réalisée chaquefin d’année en interne par les deux structurescoopérantes.

Les projets du programme de coopérationdécentralisée

Le programme de coopération 2006 2009(prolongé pour un an par avenant) s’estcaractérisé par les deux principauxaxes suivants :

L’aménagement du territoire : Ils’agissait de développer les capacitéstechniques des communes dans ledomaine de la cartographie.

L’informatisation des services communaux avec en particulier la mise en placed’une gestion informatisée de l’état civilet des affaires domaniales.

A l’échéance de cette convention et suite à unemission d’évaluation, il a été constaté leséléments suivants :

• Chaque commune a été dotée de carted’occupation du sol. Les cartesthématiques sont des outils deplanification qui permettent auxcommunes de se représenter leurterritoire. Cependant les servicesmunicipaux des cinq communes ne sontpas formés et ne disposent pas des outilsnécessaires pour leur mise à jour.Les salles multimédia de chaquecommune sont équipées et répondent àla préoccupation de 2005 bien que cespréoccupations évoluent vite. La mise enplace de ces outils a permis de simplifiercertaines procédures. Cet équipementaurait dû être accompagné de formationet de sensibilisation à l’usage de l‘outilinformatique afin que les agents et lesélus aient une base commune nécessaireà l’appropriation et à la diffusion des TIC(en termes de vocabulaire, de techniqueet d’usages). Cette action de formationn’a pas pu être réalisée sur la durée de lapremière convention. Mais elle estactuellement en cours grâce aurecrutement par la CCP d’un technicien

informatique intercommunal en 2011.

• Le logiciel métier pour les services desaffaires domaniales et environnementales a été installé dans chaquecommune. La première version a étéinstallée en octobre 2007. Bien que cetoutil ne soit pas finalisé, il a permis dès2010 d’avoir une traçabilité et unesécurisation des actes fonciers qui ontété réalisés avec ce dernier.

• Le logiciel métier pour les servicesd’état civil a été installé dans chaquecommune en 2010 pour des phases testréalisées en situation réelle.

• Chaque commune a été dotée d’uneconnexion internet fiable et sécuriséeafin de répondre aux besoins desservices municipaux. Cette action vise audésenclavement des communes en leurfournissant un accès à l’Internet fiable etpérenne, en leur assurant une maîtrisedes coûts récurrents d’abonnement.

Salle multimédia de la mairie de Sakété : Equipement

informatique installé sous le programme de coopé

ration décentralisée

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Exemple de carte d’occupation du sol, carte

représentant un zoom sur la commune de Pobè,

réalisé par le Centre National de Télédétection et

Cartographie Environnementale CENATEL,

Organisme Béninois

Infrastructures d’interconnexion du Plateau

Au vu des éléments précédents et afin depérenniser toutes les actions accomplies, laCCP et le Grand Chalon ont décidé depoursuivre leur partenariat par la signatured’une nouvelle convention 2011 2013, commeprécédemment citée.

Ce nouveau programme de coopérationdécentralisée vise à répondre aux objectifssuivants :

• Accompagner la CCP dans sa structu

ration. Apres six ans d’existence, il s’agit

d’appuyer l’association « Communauté

des Communes du Plateau » dans son

rôle de groupement intercommunal afin

de permettre la pérennisation des

actions mises en place. Cette action vise

à renforcer les capacités administratives

de la CCP ;

• Appui à l’autonomie dans le domainecartographique. Cette action vise àappuyer la CCP dans l’acquisition delogiciel S.I.G et l’acquisition de GPS, afinque les communes puissent mettre àjour leurs données cartographiquesnotamment les cartes d’occupation dusol.

• Pérennisation des logiciels métiers deGestion des Affaires Domaniales (GAD)et Gestion de l’Etat Civil (GEC). Cetteaction vise à pérenniser la mise en placede ces logiciels en réalisant des formations complémentaires et un transfert decompétences vers une société béninoisequi en assurera les évolutions techniques.

• Appui technique dans le domaine de lagestion des déchets. La gestion desdéchets est quasi inexistante sur lePlateau. Elle se limite le plus souvent àun système de pré collecte des déchetsqui sont ensuite entreposées sur desterrains vacants. Cette action vise àappuyer la CCP dans la réalisation d’undiagnostic intercommunal sur la gestiondes déchets.

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

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Exemple de carte d’occupation du sol, carte représentant l’ensemble du Plateau, réalisé par le Centre

National de Télédétection et Cartographie Environnementale CENATEL, Organisme Béninois

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II. La mise en place du logiciel de Gestionde l’Etat Civil (GEC)

1. Constats et Objectifs

Suite aux visites de terrain préliminaires d’élusdu Plateau et techniciens du Grand Chalon, il aété constaté ce qui suit :

• Les actes d’état civil étaient établismanuellement et à la dactylographie ;

• Il existe un manque d'un systèmed’information d’état civil fiable ;

• La difficulté de recherche des actesproduits était quotidienne ;

• Il était impossible de s’assurer d’unesécurisation des différents actes d’étatcivil ;

• La perte probable des actes en casd’inondation ou d’incendie étaitenvisageable.

Ainsi l’objectif fondamental fut la sauvegardedes différents actes d’état civil, d’oùl’importance du logiciel de Gestion de l’EtatCivil (GEC).

Saisie et sauvegarde des actes d’état civil avant le

logiciel de Gestion d’Etat Civil (GEC)

2. La démarche de Travail

Afin d’impliquer au mieux les élus et agentscommunaux à la démarche de coopération, il aété décidé d’instaurer des groupes de travail,au niveau de la CCP, relatifs à chacun des axesprincipaux du programme. Ces groupes detravail ont ainsi initiés à un rapprochement desagents des cinq communes et une mise enréseau des compétences. Cette méthodecollaborative nous a paru la plus naturelle pourimpliquer très tôt dans le projet les agents des5 communes, qui se connaissaient maisn’avaient pas l’habitude de travailler ensembleauparavant.

Ainsi une organisation participative en modeprojet a été établie pour mettre en œuvre lesactions techniques, sur la base de la démarchesuivante :

- Constitution d’un groupe de travailcomposé des agents responsables desservices de l’état civil de chaque mairie

- Elaboration d’un cahier des charges del’application à développer : état deslieux, recensement des besoins,définition des processus de gestion,harmonisation des différents actescivils…

- Analyse de l’existant,

- Développement de l’outil d’aprèsl’utilisation, les attentes et lesremarques des utilisateurs,

- Mise en place de la première version del’outil pour une phase test,

- Formation- Réunion de groupe de travail pour

analyser l’outil et apporter descorrections

- Validation,- Mise en production.

Cette démarche a été appuyée par un suivirégulier à distance du Grand Chalon. Les agentsde la Communauté d’Agglomération françaiseont assuré des missions annuelles voirebiannuelles afin d’assurer les fonctionssuivantes :

- Mise en œuvre des actions ;- Suivis des actions ;

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

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- Rencontre des différents prestatairesbéninois ;

- Groupe de travail avec les agentsconcernés par la coopération ;

- Formation ;- Transfert de compétence ;- Appui technique.

Ces missions sont indispensables car ellespermettent de maintenir un lien direct entreles partenaires et sont nécessaires à lavalidation des actions menées majoritairementà distance.

3. Le logiciel de Gestion de l’Etat Civil (GEC)

Le logiciel a été développé en France par lasociété « La puce à l’oreille » sur la base d’unesynthèse des procédures fournies par le groupede travail « Gestion de l’Etat Civil ».

Le logiciel a été installé en Mai 2010 dans lescommunes du plateau. Des échanges réguliersont eu lieu entre les agents de l’état Civil duPlateau, les agents du Grand Chalon et ledéveloppeur du logiciel. Suite à l’analyse del’existant avec les constats évoquéprécédemment, une démarche de prospectiona été entrepris afin d’identifier un logicielexistant sur l’état civil au Bénin oucorrespondant aux contraintes béninoises.Après de multiples recherches auprèsnotamment des organismes œuvrant dans ledomaine de la coopération, des sociétésbéninoises en cours de développement delogiciel ont été rencontrées. Cependant aprèsdes démonstrations et divers échanges, legroupe de travail état civil a jugé ces outilscomme insatisfaisants. Ces outils nerépondaient pas au cahier des charges etavaient un coût de licence exorbitant. Bien quele choix de prestataires locaux fût un choixprioritaire dans la mise en œuvre de lacoopération, après cinq années de rechercheet de négociation infructueuse, la CCP asouhaité que cet outil soit développé en Francesur la base des demandes et contraintesfournies par le groupe de travail « état civil » etdans le respect du code de la personne et de lafamille béninoise.

Ce logiciel devait également être développé en

« open source » afin qu’il puisse être diffusé àl’ensemble des communes béninoises ouautres structures qui le souhaiteraient. Au vude l’ensemble de ces contraintes, le choix duprestataire s’est porté sur la société « La Puce@ l’oreille ». Cette dernière connaissait lecontexte et les contraintes de travail dans lecadre de la coopération décentralisée pouravoir déjà réalisé le logiciel de « Gestion desAffaires Domaniale ». Le nouveau logiciel a étéinstallé en mai 2010 afin que les agents d’étatcivil puissent le tester. De multiples échangesont eu lieu entre les différents acteurs duprojet afin que des corrections soientapportées au fil de l’eau.

Aujourd’hui le logiciel est toujours en cours definalisation. Un transfert de compétencedevrait avoir lieu vers une société béninoiseafin qu’elle assure la maintenance etaccompagne la CCP dans la prise en main decet outil (ainsi que le logiciel GAD). Ce transfertde compétence doit être fait auprès d’unesociété qui s’engage à respecter les principes,éthique que nous avons souhaités dans ceprogramme de coopération à savoir : développer un logiciel en open source. La société peutfaire des prestations de conseil, d’accompagnement mais ne peut vendre ces logiciels.

3.1. Les différents actes établis sous GEC

Les actes d’état civil qui seront établis sous lelogiciel de gestion d’état civil sont :

L’acte de naissance ;

L’extrait d’acte de naissance ;

Le jugement supplétif ;

Le certificat de recherche infructueux ;

La copie intégrale d’acte de naissance

L’acte de mariage ;

La copie intégrale d’acte de mariage ;

L’acte de décès ;

L’autorisation parentale.

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Acte tiré du registre de naissance de l’état civil

3.2. L’utilisation du logiciel

Le logiciel GEC est un outil de travail faciled’utilisation qui ne nécessite pas descompétences expert pour l’établissement desactes d’état civil. Ainsi pour l’établissement del’acte de naissance sous la version 1.7.2 dulogiciel on procède comme suit :

Se connecter en saisissant le Nomd’utilisateur et Mot de passe

Apres le login, création des usagers c’està dire les parents de l’enfant dont on

veut établir l’acte de naissance encliquant sur l’onglet «Usagers»,

Cliquer sur le bouton «Création Usagers»et remplir les champs Nom, Prénoms,Date et lieu de naissance, Sexe,Profession puis cliquer sur le bouton«Enregistrer» afin d’enregistrer lesinformations saisies.

Cliquer sur l’onglet «Registre desNaissances» et choisir «Acte deNaissance»

Sélectionner l’arrondissement, choisirl’officier d’état civil,

Saisir les prénoms, date et lieu denaissance, et sexe de l’enfant

Rechercher le père, la mère, et ledéclarant

Saisir le numéro de l’acte et la date dedéclaration et choisir la conformité del’acte soit au registre ou au volet puiscliquer sur «Enregistrer»

Une fenêtre s’affiche permettant devérifier si les informations insérées sontcorrectes et on cliquer sur «Validerl’enregistrement»

Une autre fenêtre s’ouvre et on cliquesur «Imprimer» pour faire afficherl’imprimé de l’acte et ensuite sur«Impression».

Acte légalisé établi avec le logiciel GEC, prêt à être

remis au demandeur

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Recherches et Actions en Afrique de l’Ouest Francophone

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Une opératrice de saisie a bien acceptée denous livrer ses impressions :

« Le logiciel Gestion de l'Etat Civil

appelé communément GEC est un

logiciel adopté par les service Etat civil

des Mairies du Plateau avec l'accord du

partenariat CCP Grand Chalon qui

permet au fait à l'établissement en un

temps record des actes de l'Etat Civil

tels que les Actes de naissance de

mariage, de décès, des Jugements

supplétif, des certificats de recherches

infructueuse des copies intégrale et

d'autorisation parentale.

En résumé, nous pouvons dire que

''GEC'' est un logiciel modernisé et

présentable nous permettant de

satisfaire les demandes de la

population en un bref de temps en nous

facilitant la tâche. Le logiciel GEC nous

a permis aussi d’avoir tous nos actes

établies une fois et de l’imprimer toutes

fois que les usagers viennent demander

l’acte »

Une opératrice édite les actes sous le logiciel GEC

III. Bilan et perspectives du programme decoopération décentralisée

Les limites et perspectives du logiciel GEC

Au niveau des logiciels de gestion de l’état civilet des affaires domaniales, les Communes duPlateau pourront désormais parvenir à unemeilleure gestion de l’état civil et du foncier.En effet ces logiciels vont permettrel’établissement des actes en temps réduit et deconstituer une base de données foncières et

d’état civil pour la sécurisation des actes afind’offrir un meilleur service à la population.Pour la mise en place du logiciel GEC nous noussommes confrontés à un certain nombred’obstacles :

- Le choix de travailler en groupe detravail intercommunal a été bénéfiquepour que les agents puissent échangersur leur pratique, leur procédure enmatière d'état civil. Mais cela aégalement eu des conséquences sur lerallongement du temps de validation dechaque étape. Cela peut paraîtrecomme anecdotique mais il n'est pasforcement simple pour les agents de seretrouver sur un lieu communnotamment en terme logistique(contrainte du temps, mise àdisponibilité des agents pour le temps dela réunion, frais de déplacement...). Deplus, bien que la compétence état civilsoit encadrée par la législation avec lecode de la personne et de la famille, unepart d’interprétation persiste. Lescommunes n'ont pas forcement la mêmeinterprétation d'un cas, ou de trouver uncompromis simple sur une procédureCela a eu pour effet notammentd’entraîner des lenteurs dans les mises àjour du logiciel. On a pu constater qu'il ya un taux de va et vient assezconséquent entre des demandes demodification, par exemple : la surpression d'un terme pour le rajouter par lasuite. Il est plus que nécessaire de fairevalider par tous les acteurs en ouvrantdans les services d' état civil chaqueélément des actes ;

- Manque de reconnaissance des actes parles autorités car les services de lapréfecture demandent toujours laphotocopie légalisée du volet n°3 ousouche afin de pouvoir établir la carted’identité ;

- Aléas de la fourniture électrique ;- Peur de changement c’est à dire que les

agents ont du mal à laisser les habitudesarchaïques pour passer à l’informatisation ;

- Importance du choix du prestataire :malheureusement, le prestataire fran

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çais a fait faillite entraînant ainsi desdifficultés dans la mise en œuvre d'uneversion finalisée et stabilisée de l'outillaissant les agents avec des demandesnon abouties.

Les perspectives aujourd’hui pour le logicielmétier Gestion de l’état civil sont énormesmais les tâches urgentes sont les suivantes :

- Le transfert de compétence du logiciel etmise à jour du logiciel sur place ;

- Réelle appropriation de l’outil par lesacteurs de l’ensemble des mairies duPlateau

- Lobbies auprès des autorités nationalespour une meilleure reconnaissance del’outil ;

- Eventuellement diffusion de l'outil àd’autres communes ;

- Amélioration de l'offre de service auprèsde la population au niveau du Plateausuite au projet de mise en place duréseau VPN ensuite de le réaliser auniveau national :

Souche disponible dans toutes lesadministrations

Rapidité de création des piècesd’identités

Interlocuteur unique

Bilan des autres actions

Au terme du premier programme decoopération décentralisée entre le GrandChalon et la CCP, le bilan était mitigé :quelques actions ont pu aboutir et leurpérennité a pu être garantie ; d’autres actionsn’ont pas été finalisées et certaines ont étémodifiées en cours de programme.

La CCP a procédé au recrutement d’untechnicien informatique en décembre 2010 etd’un secrétaire permanent en février 2012 cequi a permis d’entamer la phase destructuration de la CCP.

Cependant dans le domaine de l’aménagementdu territoire ce programme est satisfaisant.Grâce aux cartes réalisées par le CENATEL,l’acquisition des logiciels de SIG et les GPS, lescommunes du Plateau disposent d’un véritable

outil d’information sur des thématiques. Lescartes permettent en effet de faire rapidementle point sur les infrastructures sociocommunautaires dont dispose la Commune devenantainsi une base de planification pour un aménagement du territoire cohérent.

La mise en place d’une connexion Internetfiable et permanente sur le Plateau est uneréalité qui fait le bonheur des services municipaux et permet les échanges et la rechercheprofessionnelles en temps réel sur le mondeextérieur, et suscite la mise en place d’unréseau VPN pour centraliser les logiciels etoffrir des services en ligne à la population.

A l’heure actuelle et pour la conventionopérationnelle technique 2012, toutes lesactions sont au statu quo, parmi les facteursont peut citer :

- La non disponibilité de ressources descommunes en ces temps de criseéconomique, ce qui a ralenti lapérennisation de certaines actions et ledémarrage effective d’autres (diagnosticsur la gestion des déchets) ;

- La CCP manque de structuration, cettesituation à des répercussions sur lesactions du programme de coopération etne permet pas un fonctionnementadéquat et cohérent d'une structureintercommunale ;

- La gestion du temps de projets qui peutêtre décalé entre les deux structures.Cela peut entrainer quelques difficultéspour la réalisation d’un projet dont lesinvestissements sont prévus dans un lapsde temps impartis.

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Les problèmes d’accès aux TIC (manqued'infrastructures), de connectivité, de coûtd'accès, de cadre juridique et de faiblesse desinvestissements du secteur privé constituentles éléments principaux de la fracturenumérique africaine.

Depuis une bonne dizaine d’années, lespolitiques de lutte contre cette fracturenumérique connaissent diverses formes, leurexpression la visible étant celle qui renvoie auxacteurs étatiques nationaux173. Or, dans lecadre du processus de Décentralisation, lesacteurs locaux se trouvent amenés à élaborereux aussi des politiques à des niveaux d’échellequi leur sont propres.

C’est ainsi que la Ville de Ouagadougou a choisid’agir au travers du projet des Maisons dessavoirs de la Francophonie pour améliorer laconnectivité, l’accès et utiliser les opportunitésoffertes par les nouvelles technologies, cecidans le contexte du processus dedécentralisation.

Parmi les activités qui sont dispensées dans lesMDS à Ouagadougou on retrouve des activitésd’apprentissage aux technologies de l’Information et de la communication (TIC) comme lesformations sur la bureautique (open office,Microsoft office, Access, Gimp, etc.) ; des activités de formation pour la promotion de lalangue française, de diffusion et d’information ;des activités d’information sur les servicespublics de la Ville ; des activités culturelles ;des activités de services à la population et desactivités ludiques.

173 Cf Infra, p. 94 et ss, l’article d’O. Sagna

Depuis leur création, près de 50 000 jeunesdéscolarisés, chômeurs, élèves, enseignants,fonctionnaires de l'administration municipale(secrétaire, agents de saisie, policiersmunicipaux) ont bénéficié des formations etparticipent aux activités dispensées dans lesMaisons des savoirs de Ouagadougou.

I. Le développement des accès et desusages aux TIC.

1. Une initiative des institutions de laFrancophonie pour lutter contre la fracturenumérique et développer une « francophoniede proximité »…

La problématique de l’accès aux technologiesde l’information et de la communication n’a eude cesse de préoccuper les instances de lafrancophonie. En effet une place importantedans les travaux du sommet de Bucarest enRoumanie les 28 et 29 septembre 2006 a étéaccordée aux TIC, ce qui manifeste clairementdans 2 articles de la déclaration de Bucarest.

L’article 7 insiste sur le fait que les paysfrancophones en développement sont les plustouchés par la fracture numérique et les moinsen mesure d’exploiter efficacement lespotentialités de la société de l’information, etqu’un accès insuffisant aux technologies del’information menace d’exacerber toutes lesautres disparités et d’aggraver leur marginalisation.

Dans l'article 24, les Chefs d’Etat préconisentd’agir contre les inégalités numériques persis

Le Réseau des Maisons Des Savoirs de Ouagadougou

Boubacar BERTEAnimateur PrincipalMaison Des Savoirs

Commune de [email protected]

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tantes, en accélérant la mise en place d’infrastructures de base et en améliorant l’accès àInternet.

Cet accès doit être durable et financièrementabordable, ce qui implique un environnementinternational favorable au transfert de technologie et une coopération internationale renforcée dans ce domaine.

Ces deux articles vont être, après le sommet, lefondement du projet pilote des « Maisons DesSavoirs », mené conjointement par l’OIF etl’AIMF, avec pour objectif :

• De répondre aux enjeux de la fracturenumérique définie par la deuxièmephase du Sommet Mondial sur la Sociétéde l’information de Tunis et de lafracture cognitive "qui additionne leseffets des différentes fracturesobservées dans les principaux champsconstitutifs du savoir : accès àl’information, l’éducation, la recherchescientifique, la diversité culturelle etlinguistique",

• D’offrir une alternative au développement de plus en plus important de lamarchandisation des savoirs, en rendantdisponible, à faible coût, des connaissances et des outils permettant de lesacquérir,

• Créer un espace de créativité et deconvivialité favorisant la cohésion socialedans un milieu urbain en forte croissance

• Valoriser les savoirs existants dans lespays en développement pour luttercontre la fracture cognitive et encourager le développement d’une approcheparticipative de l’accès à la connaissance.

Le projet, dans sa phase pilote, visait l’installation de quatre Maison Des Savoirs regroupant des espaces publics numériques, dont lacaractéristique était de contribuer à répondreau défi de la fracture numérique en proposantl’accès aux TIC, gratuit (ou à prix réduit), auxpopulations défavorisées.

Les Maisons des Savoirs s’inscrivaient dans lecadre de la volonté des Chefs d’Etat en faveurd’une « francophonie de proximité » etorientée auprès d’un vaste public.

L’OIF et l’AIMF se sont associées pour mettreen œuvre le projet pilote des Maisons desSavoirs. L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et TV5MONDE sont partenairesassociés au projet. Les quatre réseaux deMaisons des Savoirs ont été localisées dans lesvilles suivantes :

Ouagadougou au Burkina Faso.

Kinshasa en République Démocratiquedu Congo

Hué au Vietnam, et

Chisinau en Moldavie

2. Les politiques en faveurs de l’accès et desusages des TIC à Ouagadougou

L’investissement en matière de TIC de la villede Ouagadougou se faisait essentiellement autravers d’espaces dénommés « centre »municipaux multimédia » (CMM).

Le Maire Simon COMPAORE et l’ensemble del’équipe communale avaient fait del’introduction des NTIC, puis de sonappropriation par la population surtout dans safrange jeune, une priorité de leur mandat1995 2000.

« Nous allons apporter l’internet dans la rue,

nous allons vulgariser l’outil informatique »

déclarait le Maire.

Et cela fût effectivement fait. En effet en mars1999, la ville de Ouagadougou avait procédé àl’inauguration officielle du premier centremunicipal multimédia (CMM), en présence dePierre FIGEAC et de Simon COMPAORE. CeCentre était équipé de dix ordinateurs pentiumavec système d’exploitation Windows 95 et sasuite bureautique Microsoft office 97.

Les objectifs poursuivis étaient l’appropriationde l’outil informatique, la lutte contre l’oisivetédes jeunes, la recherche de partenariatnord/sud.

De 2000 à 2004 un centre a été construit etouvert dans chacun des 5 arrondissements :

CMM1 en 1999 avec l’appui de l’AIMFdans l’arrondissement de Baskuy

CMM2 en 2001 avec l’appui de l’AIMF

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dans l’arrondissement de Baskuy

CMM3 en 2002 avec l’appui du conseilgénéral de la Vienne dans l’arrondissement de Boulmiougou

CMM4 en 2003 avec l’appui de l’AIMFdans l’arrondissement de Nongr Maasom

CMM5 en 2004 avec l’appui du conseilgénéral de la vienne dans l’arrondissement de Sig Noghin inauguré par RénéMonory grand ami de la ville et initiateurdu jumelage Ouaga Loudun

CMM6 en 2004 avec l’appui de l’AIMFdans l’arrondissement de de Bogodogo

L’informatique évoluait vite tant dans lematériel que les logiciels, les besoins desjeunes étaient sans cesse en perpétuelleévolution et leurs attentes nombreuses.

Les Maisons des Savoirs (MDS) ont été initiéesen 2007 à la suite des CMM et graduellementmise en service à partir de 2009. Les centresmunicipaux multimédias se convertissent doncen Maisons Des Savoirs grâce au financementreçu de l’OIF et l’AIMF en 2009 pour redynamiser leurs activités.

Ce réseau aura deux missions principales :

- la lutte contre la fracture numérique- la promotion des technologies

éducatives

2.1. Lutte contre la fracture numérique

Dans la poursuite de ce qu’avaient inauguré lesCMM en matière de lutte contre l’oisiveté desjeunes, le réseau des MDS s’adresseprioritairement aux jeunes. A ce premierpublic, elle rajoute celui des femmes et despersonnes handicapées.

En quelques trois années de fonctionnement,le réseau s’est ainsi adressé à plus de 50 000jeunes dans l’ensemble des cinq arrondissements de la ville.

Le pari consistait à promouvoir l’accès auxconnaissances, à améliorer les compétences etles qualifications des publics « fragiles » :

- par les pratiques de formation, d’enseignement, d’apprentissage en françaisavec les instruments et les environnements numériques,

- par la diffusion de contenus francophones, dans sa diversité, sur les supportsmultimédias et les réseaux numériques ;

- par l’utilisation de panneaux solairespour alimenter les espaces numériques ;

- par l’usage de la visioconférence pour laformation à distance,

- par l’utilisation d’un Tableau NumériqueInteractif (cas de Sankhoré),

- par l’utilisation des logiciels libres (casd’Ubuntu) pour proposer une nouvellealternative peu coûteuse,

- par la promotion de la lecture publique àl’ère du numérique avec une bibliothèque pour jeunes,

- par la promotion et l’accompagnementsocioculturel des jeunes des milieuxdéfavorisés avec l’appui du programmede volontariat international de lafrancophonie.

2.2. Promotion des technologies éducatives

Corrélativement, la mission du réseau des MDSOuagalais se précise. Outre la lutte contre la« fracture numérique », il s’agit de participer àla promotion des technologies éducativesauprès des établissements scolaires préuniversitaires partenaires.

Au delà de la simple initiation à Internet et à labureautique, les animateurs multimédiasaccompagnent les enseignants dans la maitrisedes technologies éducatives afin d’appuyer lesprojets d’établissements dans l’introductiondes TIC en classe.

A cet effet la MDS a conclu une entente departenariat avec une douzaine d'établissements scolaires dans la ville. Ensemble, ilss’accordent à coopérer entre eux en vue decontribuer à l'intégration des TIC dansl'enseignement et le développement de laculture numérique auprès du corps professoralet des étudiants.C’est ainsi que la MDS de Ouagadougou a initiédeux sessions de formation en informatiqueavec 75 enseignants en 2011 et 2012 autour du

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thème : « je découvre, j’apprends et j’enseigneavec les logiciels libres ».

La mise en œuvre de la programmation seconcrétise par des activités telles que:

former l'enseignant à l'utilisation de basede données spécialisées dans l’enseignementdu français dont l’exploitation du dispositif« j’enseigne et j’apprends » avec TV5Monde ;

développer une culture numérique auprèsdes professeurs et des étudiants dans ledomaine notamment du logiciel libre (tel Linux,Ubuntu et Open Office, etc.) ;

accroître les compétences des usagers à larecherche sur Internet ;

organiser des conférences débats enfrançais sur les grandes questions d’actualité ;

réaliser des activités de naturesocioculturelle (café littéraire, soirée cinéma,animation autour du livres jeunesse, etc.).

mettre à disposition les locaux et leséquipements informatiques aux OSC(organisations de femmes, de jeunes et dessecteurs structurés ou informels) et auxassociations.

contribuer au renforcement des capacitésdes apprenants à travers des formations àdistance.

faciliter l’utilisation de la visioconférence(formation à distance des enseignants, desmédecins, recrutements, entretiens etc.)

II. Le fonctionnement du réseau ouagalaisde MDS.

Le réseau des MDS est piloté par un Comité degestion, sous l’autorité du Maire de la Ville deOuagadougou. C’est un lieu ouvert au grandpublic, à but non lucratif qui ne fait pasconcurrence à des opérateurs privés (cybercafés, organismes de formation). Il estaccessible au plus grand nombre, selon desamplitudes horaires en adéquation avec lespublics visés. Des plages horaires pour laconsultation grand public, particulièrementadaptées pour les jeunes et les femmes sur labase d’horaire flexible.

L’OIF et l’AIMF ont pris en charge le budget des

opérations de réhabilitation des bâtiments desCMM, l’acquisition de l’immobilier et lematériel informatique tandis que la ville deOuagadougou devait assurer la prise en chargedes salaires des employés, les frais deconsommation d’électricité, de téléphone,d’eau, de déplacement, de gardiennage et denettoyage.

L’appui de la Francophonie a en outre consistéà offrir des éléments d’analyses stratégiques etd’accompagnement au renforcement de lacréation d’un Cadre de mesure du rendement àl’égard des résultats opérationnels.

L’OIF coordonne le projet et co pilote, avecl’AIMF. L’AIMF assure la mise en lien avec leséquipes municipales maîtrise d’ouvrage.L’AUF quant à elle apporte son expertisetechnique, et TV5MONDE son appui àl’utilisation de son dispositif d’apprentissage dela langue française.

1. Une large palette d’outils, de services etd’applications.

Logiciels libres, Bibliothèque numérique,panneaux solaires et visioconférence sont destraits de la particularité du réseau des MDS deOuagadougou.

Le projet vise à rénover et équiper les lieuxphysiques regroupant un ensemble d’espacesqui offrent des services multiples outilsnumériques, ressources internet, bibliothèque

permettant la transmission des savoirs. LesMDS sont gérées selon un modèle multiacteurs (co gestion avec les représentants issusdu secteur public et de la société civile).

Chaque Maison des Savoirs offre des servicespolyvalents d’accès aux connaissances enutilisant tous les médias existants. Elle est unestructure complémentaire d’appui aux institutions de formation du milieu en offrant auxutilisateurs des ressources de sensibilisation,de formation initiale, d’auto formation etd’accompagnement pour la réalisation d’unprojet individuel ou collectif.

Une Maison des savoirs est dotée deséquipements de base suivant :

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25 à 30 postes informatiques et composantes (vidéo numérique, projecteur,scanneur, télévision, visioconférence)

Un centre de documentation/vidéothèque/bibliothèque

Des salles de réunion et de formation pourles cours de langue française (expressionorale et écrite);

Des espaces d’animation socio culturelleet des aires d’exposition.

La MDS de Ouagadougou dispose d’un systèmede panneaux solaires photovoltaïque d’unecapacité de 1 mégawatt. Cette puissance estsuffisante pour alimenter les 30 ordinateursportables, le système de visioconférence et defaçon continuelle. Tant qu’il y aura du soleil lesystème délivrera de l’énergie d’une puissanceinferieur ou égale à 1000 watts. Elle disposeégalement d’un système de visioconférence etde formation à distance. C’est ainsi quesuccessivement depuis 2009 nous avions puétablir des connexions en visioconférence avecla France (Paris, Bordeaux), Rabat, Lomé,Dakar, Bobo Dioulasso et Ouaga à travers descandidats pour les entretiens d’embauche, desétudiants pour des formations à distancediplômantes , des médecins pour des cours deperfectionnement et les volontaires francophones pour des tests d’entretiens…

Les MDS ont comme objectif d’améliorer lamaitrise de l’outil informatique au sein desgroupes usagers, d’accroitre la compétencedes enseignants pour qu’ils puissent développer de nouvelles pratiques numériques enclasse. Le choix des systèmes d’exploitationrepose sur les logiciels libres notammentUbuntu, la bureautique opère avec OpenOffice, Gimp, etc. Les systèmes de sécurité etl’administration des serveurs sont paramétréssous Linux. La promotion des logiciels libres estconcrètement au centre de la mission desMDS.

Cependant des poches de résistances existentencore au niveau des apprenants d’où lanécessité de maintenir l’utilisation des « logiciels propriétaires », bien que ceux ci soientcoûteux au niveau de l’acquisition des licences.

Tous les espaces numériques des MDS

disposent de connexions internet plus oumoins rapides et utilisant différents types deconnexions (ADSL, BLR, WIMAX).

Le réseau des MDS permet des formations àdistance avec son système de visioconférencequi nécessite une bonne connexion internet,sûre et fiable.

Les coûts d’abonnement à internet àOuagadougou sont soutenables pour les MDSpuisque dans le cas des connexions ADSL lestarifs facturés mensuellement sont de41.900fcfa (63 euros) pour un débit de512kbits/s et de 80.400 cfa et 153.900 fcfapour 1Mbits/s et 2 Mbits/s.

L’obsolescence technologie fait que le matérieldoit être renouvelé, en moyenne tous les troisans. Le public étant à la recherche depossibilités qu’il n’a pas à domicile, il faut luiproposer des configurations haut de gammeavec des périphériques spécifiques (appareilphotos numérique, caméra vidéo, visioconférence) et une vaste gamme de CD RMd’apprentissage éducatif ou ludique afin demaintenir son attrait. Les concours, lesprojections de films et les expositionspermettent d’attirer un large public.

2. Les Ressources humaines

Les ressources humaines sont constituéesessentiellement de quatorze animateurs (2animateurs plus un agent d’accueil sur chacunedes 6 antennes) et du personnel de soutien. Ceratio s’explique par la nécessité d’une présencepermanente d’au moins un animateur.

Une équipe minimale est composée de troisanimateurs : un animateur principal, unebibliothécaire, un animateur numérique ayantla fonction de technicien (mise à jour duréseau, systèmes d’exploitation, dépannageinformatique). Le technicien aura idéalementune formation d’informaticien et lescompétences relatives à la bureautique et lagestion du parc composé d’une trentaine demicro ordinateurs.

Toutefois, les animateurs des espaces numériques rencontrent des difficultés pour péren

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niser leurs rôles du fait de :la rapidité d’évolution des technologiesInternet ;

la lassitude des utilisateurs du lieu si lesactivités proposées ne sont pasrenouvelées ;

le manque d’outils, de méthodes et deformation des animateurs.

le peu de moments libres des étudiantspuisque le temps scolaire accapare lesélèves plus de 40 heures par semaine;

Les animateurs possèdent une formationminimale de bac +3, des compétencestechniques sous forme de connaissance générale des principaux logiciels multimédia (navigateur, messagerie, babillard électronique,visio conférence) et de bureautique OpenOffice, enfin la capacité d’animer desformations, de les mettre au service desusagers et des capacités d’adaptationcontinuelle pour se mettre à jour.

3. L’aménagement des lieux et la question desaménités

Dans les villes, chaque MDS se situe depréférence à proximité de position stratégique: à proximité des réseaux de transport urbainstout en étant facile d’accès pour les mobylettesqui sont les moyens de transports privilégiésdes Ouagalais. La proximité des établissementsscolaires pré universitaires (ou de résidencesétudiantes) est garante d’une fréquentationdes enseignants avec leur élèves. D’autrestypes d’infrastructures peuvent avoir un effetd’entrainement et favoriser la venue de publicsvariés : maison de retraite, restauration rapide,terrain de sports, centre commerciaux, marchés publics, hôpitaux, etc.

L’incidence du nombre de postes et de leurpositionLes conditions d’accès dépendent aussi dunombre de postes disponibles, du confort et del’aménagement de l’espace, de leur affectationet des horaires d’ouverture. Le nombre depostes informatiques est à étudier lors de laphase de faisabilité et s'établit en fonction desflux d’usagers à prévoir. Une configuration àcinq ou dix postes ne permet pas d’obtenir lamasse critique suffisante pour accueillir les

classes d’élèves. Une trentaine de postes informatiques parait être un bon nombre, étantdonné les phénomènes de concentration desscolaires les jeudis et en soirée ou les fins desemaine avec les adultes.

Certains postes peuvent être affectés demanière permanente ou dans des créneauxhoraires précis pour des usages spécifiques :consultation de cédéroms, recherche documentaire sur Internet, etc. en fonction desbesoins exprimés par les usagers.

La disposition des postes de travail a uneinfluence sur les usages avec les troispossibilités d’orientation des écrans dans lasalle numérique.

L’incidence des horaires

Les horaires d’ouvertures sont aussi à moduleravec précision pour éviter les heures creusesou le matériel serait sous employé ou quipénaliserait la fréquentation. Il est fortementrecommande d’ouvrir les espaces numériqueset la bibliothèque le samedi, les jours fériés eten soirée. Ces plages horaires ont l’avantage depermettre aux usagers de fréquenter la MDSpuisque les jeunes sont disponibles. Cela restenéanmoins difficile à faire car les agentscommunaux ont encore les réflexes desfonctionnaires de l’administration publique.

La flexibilité de l’aménagement horaire desMDS permet d’attirer de multiples profilsd’usagers. Il est réconfortant de voir lamultiplicité des publics fréquentant les MDS.Les tranches d’âges sont suffisamment largespour permettre un dialogue intergénérationnelle afin de diversifier le public.

1. Aujourd’hui les MDS

Ce sont 1200 abonnés en moyenne par an plusde 31 853 fréquentations en 2010, (32 804 en2011) et déjà, au 3ème trimestre, lafréquentation cumulée était de 69 638 pour les6 antennes, les espaces ou salles d’études et labibliothèque.

730 attestions de reconnaissances des aptitu

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des informatiques. Autres éléments d’unpremier bilan quantitatifs : 50 mémoires de finde cycles saisies ; 36 activités organisées en2011 dans les 3 espaces (numérique socioculturelle et bibliothèque).

L’évaluation du projet MDS au bout de ces 3ans (2008 2011) de pilotage devrait débouchersur le renforcement du budget de fonctionnement et des activités, afin de permettred’asseoir les activités entamées et de lespérenniser.

Nous pensons que les perspectives sontnombreuses, les défis nombreux et les MDSdevront être leaders dans la promotion etl’imagination de nouveaux services TIC auprofit de la population tout en recherchant unerelative autonomie financière.

En somme il s’agit de devenir ce pôle decompétences numériques souhaité favorisantla diffusion vers ses consœurs des provincesmoins nanties et utiles à tout le continent.

Les collectivités locales devront permettre àtous les habitants, surtout ceux des milieuxdéfavorisés d’avoir des informations sur lesservices communaux autour de la santé, del’éducation, de l’état civil et de la gestion deleur cité, toute chose qui va concourir à unebonne décentralisation et une bonne gouvernance véritablement locale .

Nous remarquons que plusieurs initiativesautour des TIC sont lancées, la recherche d’unesynergie d’action s’impose. Les MDS lutterontpour une réduction significative de la fracturenumérique nord/sud mais aussi à l’intérieurdes différentes couches sociales de la population.

Il faut que les TIC servent à la population enrépondant à leur besoin de recherched’emploi, de promotion de leurs activités, dequête de savoirs. Le savoir à la portée de tous

http://www.mds ouaga.orgRapport d’activité 2011 MDSDépliant corporatif de la MDS (OIF)http://www.francophonie.org/ Acces auxressources nouvelle .html

http://www.onatel.bf/internet/adsl.htm

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Très chers lecteurs,

C’est un grand plaisir pour ma ville, Ouagadougou, d’accueillir les prochaines rencontresd’eAtlas F.A.O.

Cette initiative sera une occasion pour nous departager notre expérience en matière d’insertion des technologies de l’information et de lacommunication dans la ville deOuagadougou etrecevoir des autres villes, chercheurs etcollectivités publiques décentralisées desconseils et informations pour mieux porternotre action.

La ville de Ouagadougou peut se vanter aujourd’hui d’être à la page dans le domaine desTIC. Avec nos propres efforts et ceux de nospartenaires, nous avons engagé très vite leschantiers des TIC avec la mise en place de noscentres communautaires multimédias installésdans tous les arrondissements de la commune.Ces centres font partie actuellement du réseaudes Maisons des Savoirs et font un bon travaildans le domaine de la formation et del’information aux TIC au niveau de lapopulation jeune de la ville qui est la plusintéressée.

Nous avons essayé de couvrir plusieurs aspectsdes TIC dans notre ville et c’est pour cela quenous avons une radio de diffusion municipaleainsi qu’une médiathèque.

Le changement rapide des TIC nous impose denous ajuster sans cesse et d’être à l’écoute desexpériences des autres villes. Notre désir estque la ville de Ouagadougou puisse devenir

une ville numérique modèle où la plupart desactes municipaux se feront en ligne. D’ores etdéjà, notre site web est fonctionnel depuisplusieurs années et nous sommes un modèlepour les autres villes du Burkina et de la sousrégion.

Nous espérons que les Rencontres deOuagadougou ouvriront de nouvelles perspectives de collaboration dans le domaine des TICet des collectivités en redessinant nos villesavec des lueurs d’espoirs pour un meilleur êtrede nos populations.

Je vous lance le défi de nous aider à trouverdes solutions grâce aux TIC pour une meilleurefluidité de la circulation de l’information dansnos villes et pour renforcer les capacités de nosagents de manière continue.

A bientôt pour les Quatrièmes rencontres,à Ouagadougou en 2013

Postface :

Simon CompaoréMaire de Ouagadougou

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