Rapport sur les questions coloniales Tome 2 deuxième partie (2)

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Auteur. Lechevalier Saint-André, J. / Ouvrage patrimonial de la Bibliothèque numérique Manioc. Service commun de la documentation, Université des Antilles et de la Guyane. Conseil Général de la Martinique, Bibliothèque Schœlcher.

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  • CHAPITRE IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE ET DE L'MANCIPATION COMPLTE.

    N 107.

    Ier. JAMAQUE.

    A. DPCHES des Gouverneurs.

    1. CLBRATION du 1er aot 1834. Troubles dans la paroisse Sainte-Anne. Dpche du marquis de Sligo M. Sprinq-Rice.

    King's House ( Saint-Yago de la Vega), 13 aot 1834.

    J'ai le bonheur de vous informer que les rapports que j'ai reus de tous cts, sur l'tat de l'le, sont des plus satisfaisants.

    J'espre qu'avant que celle dpche ne vous parvienne, vous aurez reu mon petit billet, envoy par New-Yorck, et par lequel je vous faisais part de la tranquillit qui rgnait autour de moi. Le billet avait t crit le A, et envoy par le schooner the Renown Je suis maintenant heureux de pouvoir confirmer ce rapport, et d'ajouter que, dans toute la colonie, l'exception de la paroisse de Sainte-Anne, la transition de l'esclavage l'apprentissage a eu lieu de la manire la plus satisfaisante. Il est remarquable que le 1er aot a t consacr, dans la plus grande partie de l'le, des exercices de dvotion. Dans les chapelles des diffrentes sectes, le service a t fait plusieurs fois dans le courant de la journe, et aussi souvent qu'une nouvelle succession d'assistants se sont prsents. A peine a-t-on vu un seul homme ivre dans les rues ce jour-l. Le samedi a t partag entre le travail et l'amusement. Les ngres savaient parfaitement bien que le jour suivant le march serait ferm (le dimanche); par consquent, le samedi les marchs ont t extraordinairement abondants. Vers le soir les rues ont t remplies de john-gause-men avec leur cortge habituel. Pendant la nuit, il y a eu, dans quelques villes, des bals travestis, dans lesquels les autorits de l'le, pas-ses et prsentes, taient reprsentes. Plusieurs individus, dans les villes, avaient donn des dners leurs nouveaux apprentis, et, sur plusieurs plantations, les propritaires turent des bufs qui furent distribus aux ngres, outre leur allocation ordinaire de sucre, de rhum et de morue. A la campagne et dans les villes les apprentis ont tous t appels quelques rjouissances. Le dimanche suivant, les difices religieux ont encore une fois t envahis par une foule nombreuse, et la journe s'est passe de la manire la plus tranquille. Mes rapports font menlion que, dans toutes les parties de l'le, l'exception de la paroisse de Sainte-Anne, le lundi les apprentis se sont mis l'ouvrage avec beaucoup de bonne volont, et mme, dans quelques endroits, de la meilleure grce du monde.

    Jeudi matin, 7, j'ai reu, par une estafette, une lettre de M. Walkcr, membre de l'assemble pour la paroisse de Sainte-Anne, demeurant Shaw-Park, qui m'a appris que les apprentis de sa plantation et de celles du voisinage avaient refus de tra-vailler sans tre pays, et qu'ils avaient montr l'esprit le plus rebelle.

    Le courrier tant arriv bientt aprs et m'apportant plusieurs lettres du mme voisinage, toutes dans le mme sens, je m'aper-us que ces ides s'taient tendues sur la plus grande partie de la paroisse, et je fus persuad qu' moins de mettre promp-tement fin cette rbellion, elle pourrait s'tendre sur toute

    l'le et causer un embarras considrable. Je me dterminai donc envoyer le colonel Mac-Leod, avec deux compagnies du 37e, par lire Rhadamanthe, Ocho-Rios, tout prs de Shaw-Park, demeure de M. Walker. Les troupes s'embarqurent la mme nuit, et se mirent en merle lendemain matin ; elles arrivrent Ocho-Rios le 9, avant le jour, et furent immdiatement dbar-ques; l'effet produit parleur apparition soudaine fut trs-grand ; il devint nanmoins ncessaire de punir un grand nombre de ngres, tant par le fouet, que par l'emprisonnement dans les maisons de travail (woorkhouses). Quand on leur a demand de travailler, ils ont tous refus. Cependant les allocutions des ma-gistrats , soutenues par la prsence des troupes, ont enfin rtabli l'ordre, et le colonel Mac-Leod est revenu ici hier avec ses trou-pes. J'ai ordonn qu'on y fit stationner une compagnie de plus qu' l'ordinaire jusqu' nouvel ordre. Les marrons (maroons) d'Accompons et de Scots-Hall ont aussi reu l'ordre d'y rester sous les ordres de M. Cormor, qui doit les renvoyer chez eux aussitt que la tranquillit sera rtablie. D'aprs ce que le co-lonel Mac-Leod m'a dit, je suis persuad qu'aussitt que le mal-entendu sera expliqu, les ngres demeureront tranquilles, moins qu'ils ne soient excits la rvolte par la conduite des directeurs et, je suis fch de le dire, mme par quelques-uns des propritaires et des agents. Les lettres que j'ai reues par le courrier d'hier m'ont confirm dans cette opinion, car il y a eu plusieurs scnes de dsordre, suivies de punitions, dans Saint-James (Westmoreland) et Sainte-Elisabeth, causs, dans presque tous les cas, par la conduite brutale des directeurs ou par les exactions des propritaires et des agents. On a refus aux mres le temps d'allaiter leurs enfants : les vieilles femmes, qu'on avait l'habitude de leur fournir pour garder leurs enfants, leur ont t retires, ainsi que les cuisiniers des champs'; et les sentiers qui mnent de leurs chaumires leurs terrains ont t ferms. Plusieurs cas de mauvaise conduite, pour les mmes raisons, ont aussi eu lieu Saint-Thomas-dans-l'Est; mais, l' exception des paroisses ci-dessus nommes, tout se passe dans la plus grande tranquillit.

    2. INCENDIE dans le comt de Surrey. Extrait d'une dpche du marquis de Sliqo M. Sprinq-Rice.

    King's House, 4 octobre 1834.

    J'ai l'honneur de vous faire connatre que le seul acte de vio-lence qui ait accompagn la transition de l'esclavage l'appren-tissage est arriv Belvdre, il y a quelques jours, et qu'aprs un prompt examen il a t vident que cet acte de violence tait caus tout simplement par l'excitation du moment. J'en ai en-tendu parler mon retour d'un voyage autour de l'le; mais je ne voulus point en faire le sujet d'une dpche, avant de m'tre assur de l'exacte vrit. Le rsultat a prouv que mes prvisions taient justes.

    Aussitt que j'eus connaissance de ce,Ile affaire, j'envoyai le

  • 462 RAPPORT SUR LES QUESTIONS COLONIALES. PICES JUSTIFICATIVES. IIe PARTIE.

    colonel Gregg aider les magistrats dans l'examen qui devait

    avoir lieu. Le colonel est inspecteur de police pour le comt

    de Surrey. Il parat qu'en consquence de la rsolution d'obtenir du tra-

    vail, en retirant aux ngres leurs allocations et leurs concessions

    ordinaires, ceux-ci, tant en gnral fort mcontents, vinrent tard

    l'ouvrage, et rendirent ncessaire, la prsence du magistrat

    spcial, M. Lyon, nouvellement nomm. Il fut appel, et trouva

    ncessaire d'ordonner qu'on enfermt plusieurs apprentis dans

    des maisons de correction (workhouses) de Morant-Bay, pour

    les faire punir plus lard. Les coupables avaient t placs dans

    la sucrerie (hoiling house), comme l'endroit le plus sr, jusqu'

    ce qu'on les ft partir pour la prison. Il parat qu'il existait

    parmi les ngres un esprit d'animosit et d'ingratitude port

    un haut point, quoiqu'ils aient toujours t bien traits.

    Un de ceux qui se trouvaient enferms cria ceux du dehors,

    qui leur parlaient par les fentres, que, s'ils mettaient le feu la

    bagasse, tous les prisonniers pourraient aisment s'chapper.

    Plusieurs, auquels ceci fut dit, refusrent de commettre ce

    crime; et les ngres qui devaient partir pour la prison furent re-

    tirs de la fabrique pour tre emmens. Au moment de leur

    dpart, une vieille femme, nomme Christine Mowatt, ge de

    soixante-dix ans, et sage-femme de la plantation, s'adressa aux

    autres ngres, et les conjura de ne point permettre que ses trois

    enfants partissent pour la prison , disant que c'tait la troisime

    fois qu'on les y envoyait depuis Nol. Elle se servit des expres-sions les plus violentes et des gestes les plus passionns. Le seul

    effet de ces manifestations fut que presque tous les ngres sui-

    virent les officiers de police avec les prisonniers, avec l'intention

    de les relcher, ou simplement de les accompagner. Je pense

    qu'ils voulaient les sauver, s'il s'tait prsent une occasion fa-

    vorable. Au moment o ils partaient, on entendit crier au feu!

    et une des cases bagasse parut en flammes. Par la nature

    mme de cette substance, qui tait de la canne sche et entasse

    pour tre brle l'anne suivante, une flamme terrible s'ensuivit

    immdiatement, et bientt aprs la seconde case bagasse prit

    feu galement. On ne sait si cette dernire fut brle par les

    flammes de la premire, ou si l'on y mt le feu exprs. Je crois

    qu'il n'y avait pas mauvaise intention, du moins cela n'a pas

    t clairement prouv. Le seul acte rprhensible dans cette

    affaire a t qu'aucun des ngres des champs n'a voulu essayer

    d'teindre le feu. Les domestiques de la maison et un ou deux

    des artisans l'ont tent; mais aucun effort n'a t fait par les

    constables de la plantation ni par les commandeurs. Au con-

    traire, les ngres coururent tous se cacher clans les champs de

    cannes, afin d'empcher qu'on ne les fort donner leur con-

    cours, et se mirent crier pendant l'incendie. Pendant une

    semaine on n'a pu savoir qui tait le coupable, quoique tous les

    ngres de la plantation fussent prsents, ayant t assembls

    pour entendre la dcision de M. Lyon. Enfin on dcouvrit que

    Robert Lewis, un des apprentis de la plantation, excit par un

    autre, nomm Blake, tait le coupable. Il parat que Blake, un

    des prisonniers, avait suppli Lewis de le faire', aprs l'avoir inutilement demand plusieurs autres. Je crois que deux autres prisonniers y avaient eu part, mais les magistrats n'ont accus que Blake et Lewis, qui seront jugs aux assises pro-chaines, et Chrtienne Mowatt comme complice.

    3. PLAINTES frquentes et exagres de la part des apprentis. Es-poir que le sentiment de leur propre intrt ramnera les matres des dispositions conciliatrices. Extrait d'une dpche du marquis

    de Sligo M. le secrtaire Spring-Rice.

    King's House, 9 dcembre 1834.

    Les ngres ont maintenant perdu toute crainte du danger

    qu'il y aurait pour eux se plaindre, et ils usent largement du

    droit nouveau qui leur est accord. Les rapports hebdomadaires

    des juges spciaux donnent de nombreuses preuves des p a ces

    que font les apprentis contre leurs directeurs. Beaucoup de ces

    plaintes sont videmment frivoles et ne peuvent tre approuves

    Je suis cependant heureux de pouvoir affirmer qu en de-

    de tous les obstacles que j'ai rencontrs, l'tat des chose j'ai

    vient journellement plus satisfaisant. En preuve de ceci, J'ai

    l'honneur de vous envoyer ci-joint des copies et des extraits de

    lettres venant de personnes auxquelles je puis me fier, et qui

    font mention de la grande amlioration qui a eu heu pe ndant

    les semaines dernires. Les matres commencent se rconcilier

    avec le nouveau systme, et les apprentis deviennent plus rai-

    sonnablcs. Les ngres se soumettent peu peu au systme re-gulier, galement avantageux pour eux et pour les propritaires.

    Maintenant que la saison de la rcolte est arrive, les matres

    sentiront que leurs intrts sont trop importants pour e

    ls avec lgret. Leur ruine suivrait leur manque de de succs,

    et toute chance de reprendre le pouvoir de punition qu'ils ont

    perdu est passe. Je suis persuad que chacun, dansas

    trt, adoptera la seule marche qui reste suivre, celle d'un

    systme humain mais nergique, qui produira les meilleurs effets

    sur l'esprit des apprentis. Dans cet espoir, j attends aie avec beau-

    coup moins de crainte le rsultat de la rcolte prsente

    ne le faisais il y a quelques semaines, quoique je n ai

    aucune certitude ce sujet. , ; Je n'ai pas la moindre crainte qu'il y ait des troubles

    Nol ;

    mais en mme temps je pense qu'il serait utile d'envoyer les je dtachements ordinaires, qui partiront le 17 et reviendront, je l'espre, le 10 janvier. Dsormais il ne sera plus ne

    recourir une mesure aussi coteuse.

    4. LE GOUVERNEUR espre que le dficit dans la production ne con-

    tinuera pas; il annonce la conclusion de plusieurs arrangements

    entre les matres et les apprentis. Extrait d une <

    marquis de Sligo M. Spring-Rice

    13 dcembre 1834.

    Je vous envoie quelques rapports de magistrats sur la con-

    duite des ngres. Ces rapports sont satisfaisants, et quoique je ne sois point tout fait rassur, quant a la manire dont les

    noirs se remettront l'ouvrage le 29 de ce mois, aprs les va-cances, je ne crains aucun dsordre auquel on ne puisse rem-

    dier par quelques exemples de punition. L'apparence de la r-coite n'a jamais t plus favorable que cette anne,

    et s'il y a

    eu quelque dficit dans le travail des ngres pendant la rcolte

    prcdente, j'espre que ce dficit sera rpar l'anne prochaine.

    J'en avais une fort mauvaise opinion il y a peu de temps ; mais

    par suite des mesures actives des juges spciaux, depuis quinze jours plusieurs proprits ont pris des arrangement.

    En somme,

    les noirs ont prouv qu il est facile de les salisfai

    des salaires.

    5. LES NOIRS acceptent le travail moyennant salaire. Extrait d'une dpche du marquis de Sligo au comte

    d'Abordeen.

    Kings' House (Saint-Yago de la Vega).

    6 mars 1835.

    L'tat prsent des choses, dans cette le, est trs-satisfaisant.

    Les rcoltes du Nord ont t interrompues par les grandes

    pluies, qui ont forc les directeurs arrter les moulins pendant

  • TUDE DE L'EXPR. ANGL. CHAP. IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE, ETC. 463 une semaine, et quelquefois pendant dix jours ; mais, quant ce qui regarde le travail des ngres, except le dimanche, on peut obtenir autant d'ouvrage que l'on en veut, moyennant salaire.

    6. LES APPRENTIS continuent de travailler moyennant salaire. Ils s'attendent voir abrger le temps de l'apprentissage. Ex-trait d'une dpche du marguis de Sligo lord Glenelg.

    Highgate (Jamaque), 18 juillet 1835.

    Voici le sommaire des rapports que j'ai dj reus. Sur 296 plan-tations ou proprits, les apprentis ont consenti, sans hsiter, ou ont fini par consentir cder, moyennant salaire, leur temps dis-ponible; beaucoup ont refus d'abord, mais tous ceux ports dans l'tat prcit se sont donns en location, lorsqu'on le leur a pro-pos. Aucun de ceux qui y ont une fois consenti ne s'est rtract, si toutefois on les a bien traits et surtout si on les a solds rguli-rement, ce qui n'a pas toujours eu lieu. Les mmes tats constatent que, sur 98 plantations, on n'a pas propos de louer le temps dispo-nible des apprentis, et que, sur 22, ceux-ci ont obstinment refus les offres de salaire qu'on leur a faites. On peut attri-buer ce refus divers motifs : d'abord manque de confiance dans leurs matres-, car je connais deux plantations qui se touchent et dont les ngres ont toujours refus de travailler pour le compte de leurs propres matres, mais se sont donns en location aux matres de la plantation voisine. Dans un temps, on leur a fait croire que louer leurs moments disponibles n'-tait que prolonger la dure de l'esclavage. On est parvenu leur faire entendre raison cet gard. Mais cependant je crois fermement que si celte ide domine encore sur certaines plan-talions , dont elle a toujours le grave inconvnient d'indisposer les apprentis, il faut l'attribuer uniquement cette ignorance o l'on a laiss les ngres. Ceux qui ont ainsi nglig de les clairer recueillent maintenant le fruit de leur faute antrieure.

    Je crois pouvoir assurer que l'usage de louer le temps dispo-nible des ngres pourra bien tre aboli par les greurs eux-mmes.

    La plupart des marchs ont t faits, du reste, pour le temps de la rcolte ; car le travail extra n'est en gnral ncessaire qu' cotte poque. J'ai oui dire que beaucoup de greurs , cause de la facilit avec laquelle s'est faite la rcolle de cette anne et du contentement que les ngres ont sembl exprimer au sujet de leur salaire, avaient rsolu de ne pas leur faire dornavant de conditions aussi avantageuses. De plus, m'a-t-on dit, ils ont l'intention de faire tous leurs efforts pour obtenir le travail des enfants qui ont atteint l'ge de six ans depuis le 1" aot, soit en leur donnant les allocations d'autrefois, soit par d'autres moyens, mais toutefois sans rtribution pcuniaire. C'est l un expdient peu sage, pour deux raisons : la premire, c'est que ce travail n'est d'aucune valeur, quand mme ils l'obtiendraient ; la seconde, c'est que les parents, cause des supercheries et de l'oppression dont ils ont si souvent t dupes, souponneront tout naturellement que cette offre se rattache quelque projet de prolongation de l' apprentissage. Je crains qu'il n'en rsulte, chez les adultes, une rpugnance louer leur temps; mais d'un autre ct leur avi-dit croissante et leur dsir de se procurer des choses de luxe,

    les empchera de renoncer au plaisir de toucher un salaire en argent, condition dont ils ont dj prouv les avantages.

    Sur ce qui m'est revenu de certaines dispositions des ap-prentis , s'imaginer qu'ils devaient tous tre, librs de l'ap-prentissage au 1er aot, cause, sans doute, de la libration immdiate des noirs des Caymans et des Maroons, j'ai d exp-dier une circulaire aux juges spciaux pour leur demander des renseignements cet gard Quelques-uns ne m'ont pas encore rpondu ; mais ceux qui m'ont crit m'assurent que ces bruits, pour ce qui est de leurs districts respectifs du moins, sont sans fondement. D'aprs ce que j'avais ou dire , je croyais que, dans la paroisse de Saint-David, cette ide dominait chez les apprentis. J'y envoyai l'inspecteur gnral Ramsay pour s'en informer. Comme son rapport a confirm mes craintes, en m'anonant que la police mme s'inquitait, j'ai ordonn de suite que toute la division de police ft change et que les hommes en fussent r-partis dans d'autres districts, je les ai fait remplacer par d'autres hommes rsolus. J'ai ordonn aussi qu'on envoyt trente hommes de plus si c'tait possible, car la maladie pid-mique en a beaucoup diminu le nombre. Enfin j'ai aussi di-rig sur ce district une compagnie de ligne, et j'ai lieu d'esprer que le dploiement d'une force aussi imposante, dans le seul dis-trict o ces craintes sont fondes, teindra immdiatement la fermentation , si elle existe, en montrant aux apprentis les pr-paratifs que j'ai faits pour la comprimer, et empchera en outre qu'elle n'clate dans d'autres localits o elle couve peut-tre. J'ose croire que ces dispositions seront approuves par vous.

    7. SITUATION gnrale de la Jamaque au 16 octobre 1839.1 -Copie d'une dpche de l'honorable sir C. J. Metcalfe au marquis de Normanby.

    King's House, 16 octobre 1839.

    Je vais faire connatre votre seigneurie les ides que j'en-tretiens sur l'tat de cette le. En raison du peu d'exprience que je puis avoir acquis depuis mon arrive, ces ides ne sont sans doute pas de grand poids; cependant je crois qu'il est de mon devoir de les exposer.

    1. Quand la libert des esclaves fut proclame, la grande question qui agita l'le fut de savoir quelles conditions le tra-vail libre pourrait s'obtenir pour la culture des plantations sucre, qui ont, jusqu' prsent, t la principale source de la richesse de la Jamaque. Il devint naturellement de l'intrt des propritaires d'obtenir le travail au meilleur march possible, tandis que l'intrt de la population ouvrire fut de le vendre le plus cher possible; par consquent une lutte a commenc, dans cette intention, entre les deux partis.

    2. L'habitude qui a prvalu, pendant l'esclavage, d'accorder aux laboureurs des terres, d'o ils tiraient des moyens d'exis-tence pour eux et pour leurs familles, leur a donn un grand avantage, quand ils obtinrent leur libert; car ces terrains leur fournirent les moyens d'attendre, et, demeurant indpen-dants et hors des atteintes du besoin, ils purent faire leurs con-ditions.

    3. Les propritaires ne pouvaient pas attendre avec la mme s-rt; car le manque de travail sur leurs proprits dans cer-taines saisons de l' anne aurait t ruineux. Jusqu' prsent, les salaires ont t fixs plutt selon la volont du laboureur

    1 Sir Charles Metcalfe est venu prendre le gouvernement de la Jamaque quelques semaines aprs mon dpart de cette colonie. Le rapport que j'ai adress M. le contre-amiral comte de Mogcs, sur la situation de l'le cette poque (voir aux annexes de la premire partie du Rapport, tome I, page 7), offre plusieurs points de concordance avec les jugements ports par le nouveau gouverneur. Je prends la libert de signaler cette concordance l'attention des lecteurs, parce que l'on m'a quelquefois accus de partialit en faveur des noirs, et que Sir Charles Metcalfe est de tous les gouverneurs de la Jamaque, depuis l'mancipation, celui qui est considr comme ayant t le plus favorable aux intrts des planteurs. *

  • 464 RAPPORT SUR LES QUESTIONS COLONIALES. PICES JUSTIFICATIVES.IIePARTIE. que selon colle de son matre; et ceci continuera d'avoir lieu jusqu a ce qu' une grande augmentation de la population ou-vrire rende le travail meilleur march, ou jusqu' ce que les laboureurs dpendent davantage de leur travail, ou jusqu' ce qu'un grand nombre de proprits ne soient plus en culture, cause de l'impossibilit d'en supporter la dpense, ce qui pro-duira le mme effet qu'une augmentation dans la population ouvrire.

    4. On doit esprer qu'il n'y aura que peu de proprits qui seront totalement ruines; mais l'on peut affirmer que cela aura lieu dans quelques cas. Les propritaires les plus pauvres, ac-coutums payer le travail par la concession des terrains de provisions, avec trs-peu de dpense en argent, trouveront qu'il sera difficile, sinon impossible, de payer des laboureurs la jour-ne ou la semaine, et cela sans certitude d'obtenir du travail quand ils en auront le plus besoin, car les laboureurs vitent de contracter des engagements.

    5. Les laboureurs, dans quelques parties du pays, travaillent seulement pendant quatre jours de la semaine, et prennent le vendredi et le samedi pour cultiver leurs terrains. Comme il ar-rive souvent que la meilleure saison pour la culture de leurs terrains est aussi celle qui conviendrait aux terres de leurs matres, il ne faut point s'tonner qu'ils prfrent leurs propres intrts, puisqu'ils exercent leur droit de travailler ou de ne pas travailler. On m'a dit qu'il est souvent ncessaire de payer trs-cber, afin de se procurer du travail le vendredi et le samedi, ou aux moments critiques de la rcolte.

    6. Pour ces raisons, il est certain qu'il y a dj eu et qu'il y aura encore de grandes pertes dans plusieurs de ces plantations, et principalement dans les plantations sucre, o le travail con-tinu est presque indipensable. Ceci n'est point aussi frquent dans les plantations de caf. J'ai vu des rapports qui prouvaient que la culture des proprits par le travail libre revient meil-leur march que durant l'esclavage et l'apprentissage, rsultat qu'il serait trs-heureux de voir gnralement constat.

    7. Comme contre-poids au pouvoir des laboureurs sur les salaires, les propritaires ont celui de demander un loyer poul-ies maisons et les terrains occups par les laboureurs, et ce droit est souvent exerc pour contre-balancer, autant que pos-sible, le payement des salaires, sans gard la valeur relle de la maison et des terrains. Ainsi, dans bien des cas, le loyer d'une maison est fix, non en proportion de la valeur de la maison, mais selon le nombre de ses habitants. Les contestations rela-tives aux loyers et aux salaires entretiennent beaucoup d'irrita-tion et de litiges, mais il faut esprer qu'avec le temps tout cela s'arrangera sur des bases d'intrt mutuel.

    8. S'agit-il de dcider de quel ct sont les plus grands torts dans ces diffrends ? Il est trs-difficile d'arriver la vrit. Si je croyais aveuglment quelques rapports officiels que j'ai re-us, j'en devrais conclure que, chaque fois que les choses vont mal dans une plantation, le directeur seul doit tre blmer, et que les laboureurs ne'sont jamais draisonnables; tandis que, d autre part, je reois des rapports totalement diffrents. J'en conclus que la vrit existe probablement entre les deux ex-trmes, et que la patience des deux parties est quelquefois mise a l'preuve. Sans doute les dispositions morales du directeur sont un fait principal.

    9. Le remde vident contre le pouvoir que possde le la-boureur, pour faire la loi en matire de salaires, tant de lui ter son terrain, ce que le propritaire a le droit de faire, l'on peut demander pourquoi l'exercice de ce droit n'a point lieu. Les exemples d'expulsion ont t comparativement rares. Il y a plusieurs raisons pour cela : d'abord le propritaire ou le direc-teur s'attache toujours l'ide que les tenanciers de sa proprit continueront travailler exclusivement pour lui, H n'est donc

    pas dispos les chasser, mais il cherche, au moyen de l'allocation gratuite de leurs maisons et de leurs terrains, se les attacher avec le moins de dpense possible. L'on sent aussi que l'expulsion, si on la mettait gnralement en pratique, se-rait dure et cruelle, et que cela pourrait pousser la population ouvrire au dsespoir. Les noirs sont particulirement attachs ces possessions. Dernirement un grand nombre d'entre eux ont achet des armes feu. Tandis qu'un parti est d'opinion que ces achats ne proviennent que de leur amour pour la chasse, l'autre affirme que c'est videmment pour la dfense de leurs maisons et de leurs terrains.

    10. Quelquefois les laboureurs ont achet de petits lots de terrain, et sont ainsi devenus propritaires. Je serais bien aise que cette habitude ft gnrale; elle mettrait fin aux causes d'ir-ritation, qui existeront aussi longtemps qu'ils conserveront leurs cases et leurs jardins sans redevance fixe. Quand les noirs sont tenanciers sur les proprits des autres, ils dsirent obtenir des baux pour leurs terrains. Les propritaires consentiraient volon-tiers leur accorder ces baux, si les laboureurs voulaient seule-ment contracter des engagements de travail pendant toute la dure du bail; mais ces derniers ont une aversion pour toute espce de contrats en ce qui concerne le travail, et, leur tour, les propritaires ou leurs reprsentants ne veulent pas renoncer sans compensation la mainmise qu'ils croient avoir sur le la-boureur, en le retenant comme tenancier volont.

    11. Je n aperois aucun autre remde cet tal de choses que celui que pourront y apporter le temps et un sentiment mu-tuel d'intrt. Je pense que la loi ne peut avoir ici qu'une ac-tion trs-restreinte, et qu il sera plus prudent de laisser les choses suivre leur cours ordinaire. Si l'on rend une justice im-partiale aux deux partis, il faut esprer qu'ils finiront par s'en-tendre entre eux.

    12. En essayant de caractriser ainsi les rapports qui existent actuellement entre les propritaires et les laboureurs, je n'en-tends m exprimer qu'en termes gnraux. Il y a, sans doute, do nombreuses exceptions que je connatrai mieux plus tard.

    13. Cette lutte naturelle entre les propritaires et les labou-reurs a excit la discorde et la violence entre d'autres classes do la socit.

    Les missionnaires baptistes se sont rendus particulirement odieux aux propritaires par les conseils qu'ils sont supposs avoir donn aux laboureurs.

    Il parat trs-possible que l'intervention d'un troisime parti qui se trouve plac immdiatement entre les' deux principaux, et qui est venu prter son appui l'un d'eux, ait empch un arrangement favorable pour l'autre parti, ou au moins gal pour tous les deux; et il est tout fait naturel que les propritaires se soient opposs nergiquement cette intervention dans une affaire aussi importante pour leurs intrts. Cette intervention peut aussi avoir opr comme cause de mfiance et de ressenti-ment entre les parties intresses, ce qui est un mal srieux; mais, en mme temps, il tait naturel que les laboureurs deman-dassent l'avis des pasteurs et des ministres qui avaient montr un grand zle pour leur cause, qui les avaient enlevs l'ignorance et la superstition, et qui leur avaient ouvert la voie aux bienfaits du christianisme. Il tait assez naturel aussi que, dans ces cir-constances, on leur donnt des avis. Il se peut encore (pie, sans les conseils et l'appui des missionnaires, la population libre se ft moins bien comporte l'gard des anciens matres. Quand on considre ce qui aurait pu arriver sans l'influence des ministres sur leurs diverses congrgations, il n'est point facile de faire une part quitable l'influence des missionnaires. Tou-tefois il semble dmontr que la conduite des baptistes a t dif-frente de celle de tous les autres missionnaires; car je n'en-tends aucun reproche contre les wesleyens, les moraves, les

  • TUDE DE L'EXPR. ANGL. CHAP. IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE, ETC. 465 presbytriens ou les ministres de l'glise anglicane. Les baptistes seuls sont devenus parti politique, et se sont montrs opposs aux intrts des propritaires. D'aprs l'esprit de parti qu'ils ont excit, on peut prsumer qu'ils ont plus d'influence que toute autre secte dans l'le. Us se prparent, m'a-t-on dit, influen-cer les lections, la premire dissolution de l'assemble. A celte poque, la partie de la population mancipe qui payera le cens lgal aura le droit de voter.

    14. Si le pouvoir politique exerc par les baptistes est un mal (et je suis port croire qu'en gnral c'est un mal chaque fois que les ministres de la religion se dtournent de leurs fonc-tions religieuses pour prendre part aux discussions des partis politiques), ce mal n'admet point de remde pour le prsent. Ou leur influence diminuera, parce que leurs disciples ne vou-dront pas payer ce qu'il faudra pour le soutien de leur tablis-sement religieux; ou elle augmentera par l'activit des baptistes attirer d'autres proslytes. Dans le dernier cas, leur influence sera un mal ou un bien pour le pays, suivant l'esprit qui les animera. En rsum, quoique la conduite des autres mission-naires, qui se renferment dans l'exercice de leurs devoirs reli-gieux, et qui s'abstiennent de se mler aux luttes politiques, me paraisse plus mritoire et plus utile au pays que celle des bap-tistes, cependant, si le bien et le mal que font ces derniers taient quitablement apprcis, je pense que le bien l'emporterait.

    15. La conduite de la population ouvrire, en gnral, est reprsente par les magistrats, dont les Rapports sont les sources les plus fcondes d'information officielle que possde le Gouver-nement, comme tant irrprochables, et je ne vois aucune raison de douter de la vrit de leur tmoignage. Des exemples d'une nature diffrente me sont tombs sous les yeux depuis mon ar-rive; mais j'espre que ce sont des exceptions la rgle gn-rale. L'tat gnralement paisible du pays, qui est sans police, est une grande preuve des bonnes dispositions des habitants. Cependant les dispositions morales qui se sont dveloppes chez les noirs, dans la transition de l'esclavage la libert, tiennent plutt l'esprit d'indpendance personnelle. Je pense qu'ils sont aussi difficiles gouverner qu'aucune autre popula-tion ouvrire dans le monde. Ils sont aussi, quant ce que je puis voir, heureux et satisfaits. Dans mon voisinage surtout, ils sont assez polis, et ils semblent contents que l'on s'occupe d'eux.

    16. A peu d'exceptions prs, les magistrats salaris sont une classe devenue odieuse aux propritaires. Ceci n'est point surprenant. Autrefois, la magistrature locale se composait enti-rement des propritaires ou de leurs reprsentants; ils rem-plissaient leurs fonctions gratuitement. Les juges spciaux ou les magistrats salaris furent introduits parmi eux exprs pour pro-tger les apprentis, et avec un pouvoir spcial cet effet. Leurs services ont t continus dans des vues semblables l'gard des laboureurs libres. Ces arrangements taient, sans doute, nces-saires. Il n'tait pas possible de confier la distribution de la jus-tice ceux qui taient eux-mmes aussi directement intresss dans les questions qui pouvaient leur tre soumises. Cependant l'tablissement de magistrats salaris fut extrmement dsa-grable aux propritaires. Ce mal fut aggrav, en grande partie, par l'inexprience et l'incapacit de quelques-uns de ces magis-trats. D'ailleurs un grand nombre d'entre eux se dtournrent du but dans lequel ils taient nomms, et se regardrent plutt comme les protecteurs des laboureurs, que comme les dispen-sateurs d'une justice gale pour tous les partis. Les laboureurs ayant appris quel tait le but de la nomination des juges salaris, ont tourn les yeux exclusivement vers eux pour obtenir justice, et ces derniers, agissant sous la direction immdiate du gouver-neur, et lui mettant continuellement sous les yeux des exemples d'oppression de la part des propritaires ou de leurs agents, exci-taient des sentiments d'animadversion. C'est quelque chose de

    trs-fcheux de voir ainsi une magistrature divise en deux camps opposs, comme a t la magistrature de la Jamaque pendant toute la dure de l'apprentissage. L'un de ces partis causait de la mfiance au Gouvernement et au peuple, et l'autre en causait la classe des propritaires. Ce sujet demande une attention s-rieuse de ma part, mais je n'y vois pas pour le moment de re-mde. J'apprends que la lgislature locale serait assez dispose former des cours de justice, o l'on mettrait des personnes instruites dans les lois et libres de tout intrt particulier ; on leur donnerait des moluments convenables. S'il tait possible d'arriver un arrangement de cette espce, par lequel le peuple obtiendrait une distribution impartiale de la justice, et qui ft en mme temps agrable aux propritaires du sol, je pense qu'il serait bien de l'encourager.

    17 J'espre que rien de ce que j'ai dit ne pourra tre considr comme dversant le blme sur les magistrats salaris. Ils se sont trouvs placs dans une position trs-dlicate et trs-difficile, une position qui demandait que tout individu qui l'occuperait ft dou non-seulement d'une connaissance profonde de la loi et d'une stricte impartialit, mais aussi d'un tact, d'une bont de caractre et d'une discrtion extraordinaires. On ne pouvait s'attendre ce que tous ces magistrats remplissent de pareilles conditions. Les uns se sont conduits admirablement, et ont ap-paremment donn satisfaction toutes les classes de la socit. Si d'autres ont t dtourns du but de leur mission, c'tait une erreur assez naturelle ; je ne suppose point qu'en aucun cas ils aient voulu commettre d'injustice. Je n'ai aucune raison d'tre mcontent de la conduite des magistrats salaris en gnral, quant ce que j'ai pu observer de leur conduite.

    18. Votre seigneurie sait, sans doute, que la lgislature doit s'assembler le 22 du courant. J'ai t inform que la Chambre des reprsentants se runira dans de bonnes dispositions.

    Sign C. J. METCALFE.

    B. RSULTATS d'une enqute sur les premiers effets de l'apprentissage, et rapports des commissions nommes par la lgislature locale.

    1. INTERROGATOIRE de M. Shirley.

    Octobre 1834.

    D. N'tes-vous point propritaire de plusieurs plantations dans cette le ?

    R. Oui, de Hyde-Hall et d'Ellingdon, dans Trelawney, sur lesquelles il y a de six cents sept cents apprentis.

    D. Quelle exprience avez-vous acquise dans la direction des plantations ?

    R. La seule que puisse m'avoir donne une rsidence presque continuelle sur mes plantations, depuis le mois de mars dernier. J'ai depuis ce moment dirig toute mon attention sur la con-duite gnrale de la plantation et sur tout ce qui concerne les intrts des ngres qui y sont attachs.

    D. Quelle est votre opinion quant au systme tabli par l'acte d'abolition ?

    R. Il me parat insuffisant l'gard du produit des planta-tions en gnral.

    D. Quel motif avez-vous de penser ainsi ? R. L'insuffisance du temps de travail.

    D. Les apprentis font-ils maintenant, selon vous, une portion suffisante et raisonnable de travail pendant le temps requis par la loi ?

    R. Certainement : ils travaillent mme avec gaiet et bonne volont. Parles dernires nouvelles que j'ai eues, mes conomes

    II. 3o

  • 466 RAPPORT SUR LES QUESTIONS COLONIALES. PICES JUSTIFICATIVES. IIe PARTIE.

    m'ont crit que les apprentis des deux plantations se condui-saient de la manire la plus exemplaire.

    D. De la manire dont vous faites travailler maintenant, combien de personnes par arpent vous faut-il pour sarcler les cannes et disposer les terres ?

    R. Je ne sais pas quel est le nombre ncessaire pour disposer les terres (to give the bank); mais, l'gard du sarclage, je puis rpondre qu' Ellingdon l'ouvrage n'a pas dernirement exig plus de cinq personnes par arpent. En preuve de ce fait, je vous dirai qu'un samedi dix-neuf apprentis du grand atelier ont d-frich quatre arpents et demi, travaillant toute la jour ne moyen-nant salaire. A Hyde-Hall, o le terrain prsente beaucoup plus de difficult, mes derniers rapports m'ont inform que huit per-sonnes avaient dfrich un arpent par jour; mais je pense que c'est le minimum. En gnral, sur cette proprit, l'ouvrage a exig un nombre de huit douze personnes par arpent.

    D. Trouvez-vous que l'ouvrage soit aussi avanc qu'il l'tait anciennement celte poque de l'anne ?

    R. Quoique je ne fusse pas la Jamaque les annes prc dentes, je puis certainement affirmer, parce que je l'ai appris, qu'il n'en est pas ainsi ; mais cela vient des mauvaises saisons que nous avons eues dans Trelawney, et de l'impossibilit, pen-dant la dernire rcolte, de louer assez de ngres, Hyde-Hall, pour tenir le champ propre, tandis que l'on enlevait la rcolle. Ellingdon, o le sol est plus lger, les champs de cannes sont peu prs dans leur tat ordinaire. Je dois dire qu' Hyde-Hall le nombre de ngres employs aux champs a t diminu, parce que j'en ai retir plusieurs des premiers et des seconds ateliers pour leur faire conduire les charrues.

    D. Pouvez-vous continuer la culture de la mme quantit de cannes, et pensez-vous qu'il soit possible de le faire pendant le systme d'apprentissage?

    R. Je compte cultiver la mme quantit de terres que les an-nes prcdentes, et je m'efforcerai de tenir bon, jusqu' la fin du systme d'apprentissage, ce que je crois possible de faire, dans les circonstances o je me trouve plac : j'entends parler de la bonne volont des ngres et de la facilit avec laquelle ils travaillent, moyennant salaire, quand on le leur demande.

    D. Avez-vous trouv les apprentis disposs travailler, moyen-nant salaire , et dites-nous jusqu' quel point ?

    R. Les apprentis sont pays de la manire suivante pour cha-que jour de travail ;

    Suivant l'ancien systme la journe commence avec le jour et finit avec le coucher du soleil, avec les intervalles ordinaires pour le djeuner et le dner ; au grand atelier, 2 schellings 6 de-niers 1 ; au second , 1 schelling 3 deniers, et au troisime 5 de-niers; mais il faut se rappeler que, quant aux allocations en na-ture, je me conforme rigoureusement la loi.

    D. Quels sont les arrangements que vous faites avec les ap-prentis, quant aux heures lgales et au travail extraordinaire pour lequel vous les louez?

    R. Les ngres travaillent pour moi suivant la loi, c'est--dire pendant quarante heures et demie par semaine, les lundi, mardi, mercredi et jeudi. Le vendredi, qui est leur jour libre, peu d'exceptions prs, ils travaillent tous, moyennant salaire. Ceci n arrive pas en gnral le samedi. Je vois ainsi se raliser ce que j attendais, en divisant le temps comme je l'ai fait, afin qu ils puissent gagner de l'argent dans leurs jours libres.

    D. A-t-on fait du sucre dans votre plantation depuis le 1er aot ? R. Non.

    D. Pendant combien d'heures, sur les vingt-quatre , pensez-vous qu il soit ncessaire qu une fabrique de sucre soit tenue en activit constante, afin que la rcolte soit enleve ?

    R. Mon exprience ne me permet point de rpondre cette

    question, quand je considre combien la mouture de la cann et la cuisson du veson sont des oprations annexes. J'ai achet un grand nombre de mulets cette anne afin d'acclrer les op-rations du jour, et pour avoir du travail au moulin pendant la nuit. J'ai calcul de celte manire et l'on m'a inform que dix-huit heures, sur les vingt-quatre , suffisent ; mais il faut que cela ait lieu pendant six jours de la semaine.

    2. INTERROGATOIRE de M. Charles Smith.

    Octobre 1834.

    D. Avez-vous des proprits sous votre direction ? R. Je dirige six plantations de sucre et sept proprits de pi-

    mento dans Sainte-Anne et Sainte-Dorothe, mais principalement dans cette dernire paroisse.

    D. Quel est le nombre de laboureurs apprentis que vous avez sous vos ordres ?

    R. Entre (rois et quatre mille.

    D. Que pensez-vous du nouveau systme de travail, d'aprs l'exprience que vous en avez acquise ?

    R. Je trouve qu'il russit fort mal.

    D. Pensez-vous qu'il y ait eu quelque rpugnance de la part des directeurs adopter le nouveau systme sans partialit?

    R. Aucune; chaque propritaire que je connais a fait tout son possible pour s'y conformer avec impartialit.

    D. Savez-vous si quelques-uns des directeurs ou propritaires ont, directement ou indirectement, apport des obstacles aux magistrats dans 1 excution de leur devoir sous la nouvelle loi?

    R. Pas du tout.

    D. Les apprentis font-ils maintenant, pendant le temps fix par la loi, une quantit d'ouvrage juste et raisonnable?

    R. Quant ce qui me regarde, ils ne l'ont maintenant que le tiers de ce qu'ils faisaient sous l'ancien systme.

    D. Quell e est la disposition gnrale des apprentis ? Sont-ils obissants et soumis envers leurs directeurs ?

    R. Non; ils sont au contraire trs-impertinents quand on trouve redire au peu d'ouvrage qu'ils font. Dans bien des cas, ils ont dit aux directeurs qu'on ne pouvait pas les forcer tra-vailler, et qu'ils ne feraient pas mieux.

    D. Avez-vous trouv les apprentis disposs travailler, moyen-nant salaire, leurs heures libres ?

    R. Ils ont absolument refus de travailler, en dpit de tout ce qu on leur a offert. Durant la dernire rcolte de pimente, on leur a souvent offert une piastre par baril pour le piment vert, et ils ont souvent refus, surtout sur les plantations de leurs pro-pritaires. En consquence de ce refus, je suis certain que, sur plusieurs plantations, un tiers de la rcolte a t perdue, et dans quelques cas mme la moiti.

    D Vous venez de parler de leur refus de travailler leurs heures libres: quelle quantit de pimento cueillaient-ils ancien-nement dans leur journe , et quelle quantit ont-ils cueillie cette saison ?

    R. Sur quelques plantations ils n'ont cueilli que la moiti, et sur d'autres pas un tiers de la quantit qu'ils cueillaient an-ciennement pendant leur journe.

    D. Au prix d'une piastre par baril que vous avez offert pour cueillir du pimento, combien un laboureur actif aurait-il pu gagner par jour ?

    R. Cinq schellings.

    D. A-t-on fait du sucre dans quelques-unes des proprits qui sont sous votre direction, depuis le 1er aot ?

    1 Monnaie locale.

  • TUDE DE L'EXPR. ANGL. CHAP. IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE, ETC. 467 R. Oui, Ion a fait du sucre dans quatre des proprits places

    sous ma direction.

    D. Quelle quantit d'heures vous a-t-il t possible de tenir la fabrique en activit sur les vingt-quatre ?

    R. Neuf heures.

    D. Croyez-vous que ce temps soit suffisant? R. Non certainement. J'ai offert de l'argent aux apprentis

    pour exprimer une certaine quantit de jus. Leur rponse a t qu'ils ne voulaient point du tout travailler dans leurs heures li-bres. Nous ne faisons maintenant que huit barriques de sucre par semaine, et nous en faisions anciennement vingt-huit.

    D. Quel nombre d'heures, sur vingt-quatre, pensez-vous qu'il soit ncessaire qu'une fabrique de sucre soit tenue en activit constante pour que l'on puisse enlever la rcolte?

    R. Il faudrait dix-neuf heures sur les vingt-quatre pendant cinq jours de la semaine.

    D. Quels salaires pensez-vous que l'on devrait payer aux laboureurs apprentis pour les faire travailler leurs heures li-bres ?

    R. Je pense que la somme de 1 schelling 8 deniers par jour1

    serait amplement suffisante pour six heures de travail de nuit, pourvu que les ouvriers voulussent travailler comme ancienne-ment. Mais je pense qu'il serait mieux de les payer la tche, par exemple au prix de 15 schellings environ pour chaque cuve de jus de cinq cents gallons ( peu prs deux mille litres).

    D. Croyez-vous que les 15 schellings suffiraient aussi pour ceux qui seraient dans la sucrerie (boiling-house )?

    R. Certainement, jusqu' ce que le moulin ft arrt. Je don-nerais alors aux chauffeurs et autres ouvriers de la sucrerie 5 deniers chacun pour faire cuire le reste du veson.

    D. Pensez-vous qu'il soit possible de continuer la culture et la fabrication du sucre dans les circonstances prsentes ?

    R. Certainement non. Les propritaires n'y trouveront pas avantage.

    D. En considrant l'tat prsent du pays, quels sont les r-glements que vous croyez ncessaires pour assurer la tranquillit de la socit et la culture des proprits ?

    R. Il sera impossible de remplir ces deux buts, moins de donner aux magistrats civils peu prs les mmes pouvoirs qu'aux magistrats salaris. Il faudrait aussi que la police des dif-frentes paroisses stationnt dans les parties les plus peuples, pour tre prte agir promptement en cas de ncessit. Je con-seillerais galement qu'une partie de la police ft mise cheval.

    3. INTERROGATOIRE de M. Farquharson.

    Octobre 1834-

    D. Combien de proprits dirigez-vous ? R. J'ai une proprit Vere, une autre Clarendon, une

    dans Saint-Andrew, une Trelawney, trois enclos Sainte-Eli-sabeth, et une petite plantation de caf qui m'appartient dans la mme paroisse.

    D. Combien avez-vous de laboureurs apprentis sous vos or-dres?

    R. A peu prs onze cents.

    D. Que pensez-vous du succs du nouveau systme de travail, tabli par l'acte d'abolition ?

    R. Quant ce qui me concerne, je ne vois aucun changement dans le travail; il est ce qu'il tait auparavant.

    D. Trouvez-vous que le travail de la plantation soit aussi avanc qu'il l'tait ordinairement cette poque de l'anne ?

    R. Oui.

    D. Pourrez-vous continuer cultiver la mme quantit de cannes pendant la dure de l'apprentissage ?

    R. Certainement, car j'ai eu l'habitude de donner le samedi, pendant la rcolte et hors de la rcolte, sur la proprit de Wild-man.

    D. Croyez-vous que la rduction du travail quarante heures et demie par semaine fasse diminuer les produits ?

    R. Pas beaucoup sur les plantations que je rgis.

    D. Quelle est la disposition gnrale des ngres; sont-ils obissants et soumis ?

    R. Je n'ai rien su qui fasse supposer le contraire, et je n'ai entendu parler que de quelques apprentis qui ont t mens de-vant le juge spcial.

    D. Avez-vous trouv des apprentis disposs travailler moyen nant salaire leurs heures libres ?

    R. Dans un cas, ils ont refus : au commencement du mois de septembre, Salt-Savannah, quand je leur offris 1 schel-ling 8 deniers pour leurs deux demi-vendredis ; ils m'ont r-pondu que cela n'tait pas assez. A Papine, ils ont creus des trous 2 schellings 6 deniers par jour; et l'inspecteur m'crit que, pour cette somme, ils ont creus cent trente trous dans une journe. A Dundee, dans Trelawney, les ngres en masse ont charg l'inspecteur de m'crire pour me prier de les laisser tra-vailler dix heures par jour, afin qu'ils pussent se louer la plan tation , le vendredi, ce qu'ils font raison de 2 schellings 1 de-nier par jour; ils travaillent la demi-heure extra, ce jour-l, afin de complter les quarante heures et demie par semaine. Je leur ai accord ce qu'ils demandaient, et je suis convenu de leur payer 2 schellings 6 deniers pour cent trous. S'ils en creusent plus de quatre-vingt dix par jour pendant les quatre jours, on leur payera le surplus au mme prix. Je me suis aussi arrang avec eux pour qu'ils travaillent leurs heures libres, 5 deniers pour deux heures. Dans ma proprit de Sainte-Elisabeth, quand je le dsire, ils travaillent pour 1 schelling 8 deniers par jour de neuf heures.

    D. Dans votre proprit Papine, dont vous avez parl, la terre avait-elle d'abord t ouverte par la charrue?

    R. J'c ne sais ; l'inspecteur ne le dit pas. D. Quelle est la proportion des laboureurs occups ce tra-

    vail sur cette plantation? R. Trente-deux ouvriers sur cent trente-cinq travaillaient aux

    trous de cannes, raison de 2 schellings 6 deniers pour cent trous.

    D. Quel nombre d'arpents avez-vous fait ouvrir, sur vos plantations, par les apprentis dans leur temps libre?

    R. Nous ne faisons que de commencer. A Salt-Savannah, les trous cannes sont faits avec la charrue : nous avons ouvert quatorze arpents en neuf jours, et l'inspecteur m'a crit qu'il faisait aussi bien avec la charrue qu'avec les ngres.

    D. Y a-t-il quelques ngres qui fassent, dans un jour, quatre-vingt-dix trous cannes?

    R. Il n'y a que quelques jours que j'ai fait le march.

    D. A-t-on fait du sucre sur quelques-unes des plantations, sous vos ordres, depuis le 1er aot?

    R. Non.

    D. La rcolte d'une plantation de sucre peut-elle tre enle-ve, et l'agriculture peut-elle tre continue par des laboureurs qui ne travailleront que quarante heures et demie dans la se-maine ?

    R. Non certainement.

    D. Quel nombre d'heures, sur les vingt-quatre, regardez-vous comme ncessaire dans une fabrique de sucre pour que la r-colte puisse tre enleve ?

    R. A peu prs seize heures , en commenant quatre heures

    1 Monnaie locale.

    II. 3o.

  • 468 RAPPORT SUR LES QUESTIONS COLONIALES. PICES JUSTIFICATIVES. IIe PARTIE. du malin, en arrtant le moulin sept heures et en faisant cuire le veson.

    D. D'aprs la connaissance et l'exprience que vous avez des ngres, croyez-vous qu'ils consentiront donner ce nombre d'heures de travail un prix que vos profits vous permettront de leur payer?

    R. Oui. Je ne parle que de ceux qui sont sous mes ordres.

    D. Quel serait, selon vous, le salaire juste et raisonnable donner aux laboureurs apprentis pour le travail qu'ils feraient leurs heures libres ?

    R. A raison de 5 deniers pour deux heures.

    D. Pensez-vous qu'il soit ncessaire d'obtenir quelque chan-gement dans la loi, ou de faire nommer un plus grand nombre de magistrats spciaux pour assurer le succs du systme d'ap-prentissage?

    R. La seizime clause ne dit pas clairement quelles sont les allocations que l'on doit leur faire. Si elle le disait clairement, il ne pourrait s'lever aucun malentendu entre les magistrats spciaux, les apprentis et les matres. La trente-neuvime clause . n'tablit pas clairement s'il est obligatoire pour le propritaire ou le directeur de relcher un apprenti qui a t enferm pen-dant vingt-quatre heures. Dans quelques cas, le crime commis par un apprenti peut tre d'une nature si srieuse, qu'il ne se-rait pas prudent de relcher le criminel avant l'arrive d'un ma-gistrat spcial. La soixante-troisime clause pourvoit la punition des offenses commises par des esclaves, avant le 1er aot, mais non par des personnes libres. L'acte ne s'occupe point de l'du-cation et de l'instruction religieuse des jeunes apprentis; ce qui, dans mon opinion, est indispensablement ncessaire pour assurer la sret de l'le, l'expiration de l'apprentissage. Je suis d'avis que le nombre des magistrats spciaux est insuffisant. Dans la paroisse de Sainte-Elisabeth, cinq ou six magistrats ne seraient pas de trop pour remplir les devoirs exigs par la cinquante-quatrime clause.

    4. Interrogatoire de M. William Stanford Grignon, esq.

    4 novembre 1834.

    D. Combien y a-t-il de temps que vous habitez ce pays ? R. J'y suis arriv en 1798, et j'y suis rest toujours depuis,

    l'exception d'un petit voyage que j'ai fait en Amrique.

    D. Avez-vous eu la direction de beaucoup de ngres, et en quelle qualit ?

    R. J'ai eu la direction de quelques ngres comme propritaire, et celle de plusieurs plantations de sucre et autres comme admi-nistrateur et greur; dans ces plantations il y avait un grand nombre de ngres.

    D. Selon votre opinion, les ngres travaillent-t-ils aussi bien et avec autant de bonne volont qu'avant le 1er aot?

    R. Non certainement. Le 3o juillet les premiers ouvriers de la plantation de Saltspring, o j'ai demeur pendant prs d'un an, vinrent me trouver et me dirent qu'ils ne voulaient avoir rien a faire avec la nouvelle loi ; qu'ils taient trs-satisfaits de continuer comme auparavant. Je leur rpondis que je ne pour-rais pas leur permettre cela; que, puisque la nouvelle loi leur avait donn une grande augmentation de temps, je ne pouvais pas le leur ter ; mais que, s'ils voulaient continuer faire le travail de nuit, et aider la plantation d'autres gards, je conti-nuerais a babiller et nourrir leurs enfants libres, que je payerais leur mdecin et leur laisserais toutes les allocations dont ils jouis-saient autrefois. Le 31 juillet, les ngres vinrent me trouver et me dirent qu'ils taient bien fchs de ne pouvoir faire ce qu'ils avaient eu l'intention de faire, parce qu'on les avait informs que, s'ils agissaient ainsi, ils s'assujettiraient un esclavage de

    sept ans de plus. Je leur rpondis qu'ils avaient t mal infor-ms ; mais ils refusrent encore d'entrer en arrangement. Le 4 aot, ils allrent leur ouvrage et travaillrent bien. Le 5, comme je passais par l, quelques-uns vinrent moi et me dirent qu'on les avait informs qu'ils travaillaient contrairement la loi. Aprs une assez longue conversation, je leur demandai si jamais je les avais tromps ; ils me rpondirent qu'ils taient per-suads que le matre ne leur ferait pas un mensonge, mais que le matre parlait suivant la loi de la Jamaque, et qu'ils avaient le droit d'tre conduits par la loi de lord Mulgrave.

    D. Connaissez-vous d'autres exemples en preuve de ce que vous rapportez-l?

    R. Mon conome Spot-Valley, M. Creaver, m'a inform que les ngres ont bien travaill pendant la premire semaine d'aot. Mais que, depuis cela, ils n'avaient fait que fort peu d'ouvrage. Dans bien des cas, les ngres ont refus de travailler moyennant salaire ; et leur ouvrage ordinaire ils font beaucoup moins qu'ils ne faisaient autrefois. J'observe aussi qu'aprs que je leur ai parl, ils travaillent mieux pendant quelques jours, mais cela ne dure pas. Je ne connais pas d'enfants qui aient t mis en apprentissage.

    D. Savez-vous si, des arrangements justes et raisonnables ayant t proposs par des directeurs de plantations, pour payer aux apprentis leur ouvrage extraordinaire, les ngres ont refus de les accepter ?

    R. A Spot-Valley et Salt-Spring, et aussi sur les plantations de M. Deffell, dans les paroisses de Trelawney, Hampstead et Retreat, j ai offert aux ngres de leur donner suivant la loi tous les samedis, des harengs, un vendredi sur deux, d'avoir soin de leurs jeunes enfants, comme auparavant; en un mot, de leur accorder toutes les allocations dont ils joussaient pendant l'es-clavage; et qu en retour ils veilleraient la nuit comme autrefois, ce qu'ils ont refus de faire.

    D. Quelle proportion de travail obtient-on maintenant en com-paraison de celui que l'on obtenait autrefois ?

    R. Il est impossible de vous dire la proportion exacte, puisque quelques proprits en font plus et d'autres moins. Mais, sur la plantation de Salt-Spring, o je crois que les ngres se conduisent aussi bien que dans aucune plantation de la paroisse, je suis persuad que nous perdons au moins un tiers de leur travail.

    A Spot-Valley, nous en perdons beaucoup plus. Je rapporterai surtout une chose qui a eu lieu dans cette dernire proprit; la prairie (grass pice), que les ngres ont mis l'anne dernire une semaine nettoyer, leur a pris cette anne, avec un nombre gal de travailleurs, quatre semaines entires.

    D. Quand on propose aux apprentis de travailler moyennant salaire, ne demandent-ils pas, en payement, plus que le produit du pays ne peut permettre au propritaire de leur donner pour que son profit soit raisonnable?

    R. Je ne puis dire que les ngres placs sous ma direction m'aient demand une somme particulire d'argent. Je leur ai fait une proposition, mais je ne connais pas encore leur rponse. Je leur ai propos 5 deniers pour dix trous cannes, et 5 deniers pour trois heures de travail leurs heures libres, pendant la rcolle. Je leur ai cependant dclar que je ne les occuperais point creuser des trous cannes, ni d'autres sortes de travail, moins qu'ils ne consentent, en mme temps, enlever la rcolte. Car ce serait une perte d'argent de cultiver des cannes que l'on ne pourrait ensuite rcolter.

    D. Les apprentis s'occupent-ils de leurs jardins, ou emploient-ils leur temps libre de manire augmenter leurs jouissances ?

    R. A en juger par ce que j'ai pu voir, ils ne s'occupent point. Le samedi tant le jour du march Montego-Bay, la ville est ordinairement remplie de ngres, et je ne puis dire s'ils vendent leurs provisions ou s'ils passent leur temps flner; mais je vois une grande quantit de ngres dans la ville, le vendredi aprs midi, quand je crois qu'ils devraient tre occups soigner leurs

  • TUDE DE L'EXPR. ANGL. CHAP. IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE, ETC. 469 terres. J ai entendu dire qu'en gnral ils ngligent beaucoup leurs jardins.

    D. Quelle est votre opinion , en gnral, l'gard du nouveau systme ?

    R. Je pense que, dans ce moment, le nouveau systme ne russit pas du tout, et qu' moins qu'on n'adopte des mesures qui chan-gent et qui amendent la loi prsente, ce systme sera ruineux pour le pays.

    D. Ne pensez-vous pas qu'au lieu de tenir des cours spciales comme prsent, il vaudrait mieux que les paroisses de l'le fussent divises en districts, et que les magistrats spciaux fussent forcs de faire leurs rondes comme la loi l'ordonne ?

    il. A l'gard de la division des paroisses en districts, je pense que ce serait utile, ainsi que les visites rgulires des juges, pourvu que ceux-ci voulussent remplir leur devoir avec impartia-lit. La tenue des cours spciales clans la ville, je parle de Mon-tego-Bay, a caus les plus grands dsagrments.

    D. Connaissez-vous d'autres exemples que celui dont vous avez parl dans voire rponse la onzime question, o l'on ait fait des offres de salaires aux apprentis pour travailler leurs heures libres, et qu'ils aient refus d'accepter ?

    R. J'ai dit, dans une de mes premires rponses, que j'avais offert aux noirs de travailler moyennant salaire ; mais que je n'avais pas obtenu de rponse. J'ai reu , par le courrier d'au-jourd'hui, trois lettres de mes conomes, et je demande la per-mission de vous les lire :

    Salt-Spring, novembre 1834.

    Suivant votre demande, j'ai parl aux ngres de cette plantation de travailler depuis cinq heures du matin jusqu' neuf heures du soir. Cependant je n'ai pas eu de rponse pendant quelque temps. Enfin quelques-uns m'ont rpondu qu'ils ne voulaient point travailler, raison de 5 deniers pour trois heures.

    Sign J. R. COY.

    Spot-Valley, il novembre 1831.

    J'ai reu votre lettre au sujet du travail que vous dsirez faire faire pendant la rcolte, et je l'ai lue aux ngres. Quelques-uns semblaient ports y consentir, mais ils disent qu'il leur faut le samedi; d'autres demandent 10 deniers par heure, et ne veulent point travailler pour moindre somme. Ils ajoutent qu'ils ne veu-lent faire de march qu'avec le juge spcial. Ils disent tous que 1 schel. 8 cl. est trop peu pour une journe. Il me parat qu'ils arrangent sans cloute quelque plan entre eux, et qu'ils garderont probablement leurs vrais sentiments jusqu'au moment de com-mencer la rcolte, parce qu'ils pensent sans doute obtenir tout ce qu'il leur plaira de demander pour leur travail extraordi-naire.

    Sign J. CRRAR.

    Hampstead, 4 novembre 1834.

    Vous dsirez savoir de moi comment les ngres se conduisent. Je puis seulement vous rpondre que les vtres font aussi bien que ceux du voisinage. Ils ont fini leur tche de soixante-quinze trous, mais il n'y en a que deux qui j'ai pu persuader de tra-vailler, moyennant salaire (l'conome et un autre). Un des labou-reurs a creus cent cinquante trous dans sa journe et pendant une partie de la nuit, mais le lendemain il n'en a pas creus un seul. Quelques-uns avaient fini leur lche neuf ou dix heures et je leur ai demand s'ils allaient travailler pour de l'argent; leur rponse a t ngative.

    Sign W. DEXTER.

    D. Votre opinion est-elle, d'aprs la rpugnance prsente des apprentis travailler, mme pour de l'argent, leurs heures

    libr es, qu'ils s'engageront dans des travaux rguliers d'agricul-ture lorsque leur apprentissage sera termin?

    R. Je ne le pense pas, et mon opinion, cet gard , s'est forme d'aprs la circonstance suivante : parmi mes ngres, il y en a six qui sont devenus libres parce qu'ils ont t en Angleterre; trois de ceux-ci taient employs des travaux d'agriculture dans ma proprit de Westmoreland; ils ont tous refus de continuer ces travaux, mais ils m'ont offert leurs services, pourvu que je vou-lusse les employer dans quelque occupation domestique.

    D. Vous avez la direction de la plantation de Leyden. De quelle manire les apprentis se conduisent-ils sur celte plan-tation ?

    R. Je dirige la plantation de Leyden conjointement avec M. Georges Gordon. Il dirige les travaux d'agriculture, et moi je m'occupe de ce qui regarde l'exportation. Je ne me suis jamais ml des affaires des ngres, et je ne savais pas comment ils se conduisaient, lorsque, il y a quelques semaines, deux ngres sont venus mon bureau, et m'ont envoy une plainte contre le capitaine Clarck, qui les avait fait fouetter. Cela me fit demander la cause de leur punition, et l'on me rpondit que c'tait pour mauvaise conduite, et parce qu'ils n'avaient pas creus un nombre suffisant de trous. Je refusai d'avoir autre chose dmler avec eux, et je leur dis d'aller trouver M. Gordon s'ils avaient des plaintes faire. Je rencontrai aprs cela M. Gordon; je lui dis que les ngres taient venus me trouver et comment j'avais agi. Il me rpondit que les ngres de Leyden s'taient conduits fort bien, qu'il ne savait pas ce qui leur tait arriv, mais que dans le moment ils creusaient une bonne quantit de trous cannes: je pense qu'il me dit quatre-vingts ou quatre-vingt-dix, et je compris sa con-versation que celte amlioration provenait de la ligne de conduite qu'avait suivie le capitaine Clarke. Ce dernier me raconta plus tard qu'il avait eu occasion de les punir; qu'ensuite au lieu de retourner la plantation ils s'taient enfuis, et qu'il avait lanc un mandat pour les arrter et les mettre en prison.

    D. Le capitaine Clarck ne vous a-t-il pas dit qu'ils se con-duisaient fort mal et qu'ils refusaient de travailler ?

    R. Je n'ai point entendu dire au capitaine Clarck qu'ils eussent refus de travailler, mais qu'ils s'taient mal conduits et qu'ils ne travaillaient pas bien. Je limite mes observations ceux qui avaient t punis par le capitaine Clarck, et qui taient venus se plaindre moi.

    5. INTERROGATOIRE de M. George Gordon, esq.

    Novembre 1834.

    D. Combien de plantations avez-vous sous votre direction ? R. Je reprsente tout ensemble trente plantations, en comp-

    tant les miennes dans Trelawney, Hanovre, Saint-James et YVeslmoreland.

    D. Quel est le nombre d'apprentis que vous avez sous vos ordres ?

    R. A peu prs sept ou huit mille.

    D. Comment trouvez-vous que le nouveau systme de travail russit ?

    R. Il russit ma satisfaction.

    D. Les laboureurs que vous occupez nettoient-ils le mme nombre de cannes par arpent qu'autrefois ?

    R. Sur quelques plantations, en faisant la part de la diffrence de temps tablie par la loi, les ngres nettoient les cannes au mme nombre par arpent qu'anciennement. Sur quelques autres plantations ils ne le font pas; mais, mme dans ces dernires, ils ont beaucoup mieux travaill depuis cinq ou six semaines.

    D. Trouvez-vous que l'ouvrage des plantations soit aussi avanc qu'il l'tait ordinairement cette poque de l'anne ?

    II. 3o..

  • 470 RAPPORT SUR LES QUESTIONS COLONIALES. PICES JUSTIFICATIVES. IIe PARTIE. R. Non, je ne le pense pas; parce que un quart du temps de

    travail a t t par la loi; parce qu'il y a eu quelque interrup-tion de travail dans toutes les plantations que je connais, cause de l'excitation momentane cause chez les apprends par le grand changement qui a eu lieu dans leur condition, laquelle excitation me parait moins grande maintenant; et enfin parce qu'il est tomb cette anne beaucoup plus de pluie qu' l'ordi-naire.

    D. Continuez-vous cultiver la mme quantit de terres cannes qu'auparavant, et pensez-vous pouvoir le faire pendant la dure du systme d'apprentissage ?

    R. Non, je n'ai pas l'intention de le faire pendant la dure de l'apprentissage, et je compte rduire la quantit d'arpents que l'on doit faire cet automne.

    D. Avez-vous trouv les apprentis disposs travailler, moyen-nant salaire , leurs heures libres ?

    R. Oui; partout o je le leur ai propos, ils ont creus des trous pour les cannes un prix rgulier : Hanovre, 2 schell. 6 den. pour cent trous, chacun de quatre pieds carrs; Saint-James, 5 den. pour dix trous de quatre pieds carrs; Tre-lawney, je donne 5 den. pour huit trous de quatre pieds trois pouces carrs, sur un sol extrmement dur.

    D. Quelle quantit de terre avez-vous ainsi fait sarcler sur une proprit ?

    R. La plus grande quantit a t de six arpents jusqu'au 1er novembre, sur Old-Retreat-Estate Hanovre: cet ouvrage a t termin en quatre semaines. Je crois que depuis cela les ap-prentis ont travaill leurs heures libres.

    D. Dans quelle proportion les laboureurs s'occupent-ils cet ouvrage sur chaque plantation ?

    R. Deux tiers ou la moiti du grand atelier.

    D. Depuis le 1er aot, a-t-on fait du sucre sur quelques-unes des plantations places sous votre direction ?

    R. Non, pas en grande quantit; le plus qu'on a fait a t deux barriques sur chaque plantation.

    D. Quel nombre d'heures supposez-vous qu'il soit ncessaire qu'une fabrique de sucre soit tenue en activit, pour que l'on puisse rcoller compltement?

    R. Dans les plantations dont j'ai la direction je pense qu'un travail continu de seize heures sur les vingt-quatre, pendant six jours de la semaine, permettrait de faire la rcolle entire.

    D. Croyez-vous que les ngres donneront volontairement ce nombre d'heures pour les salaires que vos profits vous permet-tront de leur payer ?

    R. Je le pense.

    D. Quels seraient les salaires que vous croiriez juste de leur offrir ?

    R. 1 denier par heure pour le travail qu'ils feraient leur temps fibre.

    D. Avez-vous essay s'ils veulent travailler ce prix ? R. Non.

    6. INTERROGATOIRE de M. J. Cray g.

    6 novembre 1834.

    D. Quelle a t votre occupation dans l'le ? R. J tais autrefois ngociant Montego-Bay; mais, depuis

    dix ans, je suis propritaire d'une plantation de sucre. Je demeure sur ma plantation, la Bogue, dans la paroisse de Saint-James.

    D. Combien d'apprentis avez-vous sous vos ordres ? R. Environ 290.

    D. Savez-vous s il existe quelque mcontentement dans l'es* prit des apprentis sous vos ordres ?

    R. Ils montrent beaucoup de rpugnance travailler pendant les heures prescrites par la loi.

    D, A quelle poque ont-ils commenc montrer cette r-pugnance pour l'accomplissement de leurs devoirs ?

    R. Du 15 au 20 aot.

    D. Font-ils, malgr cette aversion, une quantit suffisante d'ouvrage ?

    R. Non, ni en quantit ni en qualit.

    D Les apprentis, selon vous, travaillent-ils aussi bien et d'aussi bon cur qu'avant le 1" aot?

    R. Non.

    D. Pensez-vous qu'il y ait dans l'le quelque influence secrte pour persuader aux ngres de ne point travailler et de ne point mettre leurs enfants en apprentissage ?

    R. Je n'en ai aucune connaissance; je ne connais pas non plus d'enfant au-dessous de six ans qui soit en apprentissage.

    D. Connaissez-vous quelques cas o un arrangement juste ait t propos par des personnes charges de la direction de pro-prits, afin de payer aux apprentis le travail qu'ils feraient aleurs heures libres, et o les ngres aient refus d'accepter ces offres ?

    R. Je n'en connais point d'exemple; j'ai fait du sucre sur ma proprit, la Bogue, dans le commencement d'aot, et les ap-prentis travaillent leurs heures libres moyennant salaire.

    D. Quand on leur propose de travailler moyennant salaire, les apprentis ne demandent-ils pas plus que ne peut leur accor-der le propritaire, eu gard au produit des terres ?

    R. J ai pay chaque apprenti 1 schell. 8 den.1 pour neuf heures de travail leurs heures libres, au second atelier 1 schell. 3 den., et je veux bien continuer leur payer les mmes salaires: je veux dire pour la fabrication du sucre.

    D. Payericz-vous aussi volontiers le mme prix pour le travail des champs, hors de la rcolte ?

    R. Oui.

    D. Quand vous payez cette somme de salaires, leur donnez-vous des harengs secs ?

    R. Oui, je leur accorde des harengs et les allocations ordi-naires, tant qu ils se conduisent bien. Dernirement je les ai privs de leurs harengs, cause de leur insubordination.

    D. Pensez-vous que les mmes ngres travailleraient mainte-nant pour les mmes salaires ?

    R. J'ai des doutes ce sujet.

    D. Les apprentis ont-ils soin de leurs jardins et emploient-ils leur temps libre d'une manire avantageuse pour eux, propre augmenter leurs jouissances, et empcher qu'ils ne deviennent charge leurs matres ?

    R. Non, quant ce que j'ai pu observer, ils ne le font pas.

    D. Ne pensez-vous pas que ces salaires, outre les, allocations ordinaires, doivent causer une augmentation considrable clans les dpenses ncessites par l'exploitation d'une plantation sucre ?

    R. Certainement je le pense, par la raison que nous avions autrefois le travail des esclaves pendant la rcolte, leurs heures libres, sans leur payer aucun salaire.

    D. Dites-nous votre opinion, en gnral, sur le succs du nouveau systme.

    R. D'aprs ce que je puis juger, le matre n'a pas obtenu des apprentis la quantit d'ouvrage que la loi lui donne le droit d'exiger. Les apprentis ont souvent t absents de leur travail, et, quand le juge spcial les a condamns combler ce dficit, ils ne lui ont pas obi.

    1 Monnaie locale.

  • TUDE DE L'EXPR. ANGL. CHAP. IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE ETC. 471 D. Les juges spciaux visitent-ils les proprits comme l'or-

    donne la loi, et ne pensez-vous pas que si les paroisses de l'le taient divises en districts, et que les juges spciaux fussent obli-gs de faire des tournes, ce serait plus utile que de tenir des cours spciales comme ils le font prsent ?

    R. Si les juges spciaux voulaient faire leur devoir avec im-partialit, ce serait un avantage qu'ils visitassent les proprits de chaque district aussi frquemment que la loi le leur com-mande.

    D. Quels sont, selon vous, les salaires que l'on devrait rai-sonnablement donner, pour le travail extraordinaire des appren-tis, l'agriculteur pour son travail journalier, et l'artisan pour son ouvrage la pice ?

    R. J ai dj rpondu la premire partie de celle question; et quant au salaire des artisans, c'est une simple affaire d'ar-rangement particulier.

    D. Trouvez-vous que les ngres travaillent mieux, moyennant salaire, leurs heures libres que pendant les heures qu'ils doivent leurs matres ?

    R. Je n'ai point observ de diffrence.

    7. INTERROGATOIRE, sous serment, de M- George Gordon, esq.

    6 novembre 1834,

    D. Depuis combien de temps habitez-vous cette le ? R. Depuis plus de vingt-six ans. D. Avez-vous la direction de beaucoup de ngres , et en quelle

    qualit ?

    R. J'ai eu la direction d'un grand nombre de ngres, comme administrateur et comme propritaire.

    D. Les apprentis travaillent-ils maintenant, selon vous, aussi bien et avec autant de bonne volont qu'avant le 1er aot?

    il. Les apprentis , autant que j'ai pu le constater sur les plantations que je dirige dans les paroisses de Saint-James, Ha-novre, Westmoreland et Trelawney, travaillent aussi bien que ja-mais; cependant, dans quelques proprits, celle de Williamsfield par exemple, ils ne font pas autant d'ouvrage qu'ils en faisaient; mais, en gnral, ils en font autant, heure pour heure, qu'avant le

    1er aot.

    D. Avez-vous des exemples de refus de la part des apprentis de travailler leurs heures libres, moyennant des salaires raison-nables, quand l'offre leur en a t faite?

    R. Je n'ai pas su que l'on ail fait des arrangements ?

    D. Quels sont les salaires que vous considrez comme justes pour le travail extraordinaire des apprentis, tant le travail jour-nalier de l'apprenti laboureur que l'ouvrage la pice ?

    il. Je n'ai point essay de faire de march pour le travail journalier; mais je crois qu'un schelling par jour, les apprentis recevant les mmes allocations qu'anciennement, serait bien assez. Je donne aux tonneliers 3 sch. A d.par jour pour terminer une barrique sucre, 5 sch. pour un poinon et 3 sch. h d. par jour pour de bons maons et charpentiers.

    D. Croyez-vous que les apprentis continueront travailler pendant la rcolle aussi bien que vous dites qu'ils travaillent maintenant?

    R. Je m'imagine que oui. D. Quand on leur propose de travailler moyennant salaire,

    les apprentis ne demandent-ils point une somme plus forte qu'il n'est possible au propritaire de leur payer, eu gard au profit qu'il tire du produit de ses terres?

    R. Quant l'exprience que j'en ai eue, ils ne le font point. J'ai employ des artisans au prix mentionn dans ma prcdente rponse, et j'ai lou des apprentis pour creuser des trous

    cannes, a leurs heures libres, 40 ou 5o schellings de moins par arpent que le prix courant pay aux ateliers de louage.

    D. Les apprentis ont-ils soin de leurs jardins, et emploient-ils leur temps libre de manire augmenter leur bien-tre et em-pcher qu'ils ne deviennent charge leurs matres ?

    R. Je n'ai jamais vu les ngres soigner mieux leurs lerres qu'ils ne l'ont fait depuis le 1er aot; ils emploient leurs heures libres ou cultiver leurs terres ou arranger leurs demeures.

    D. Dites la commission votre opinion gnrale quant au suc-cs du nouveau systme.

    R. Je pense qu'il russit beaucoup mieux que l'on n'aurait pu s'y attendre et qu'il s'amliore journellement.

    D. Vous dites que vos apprentis se sont lous moyennant un salaire pay en argent ; avez-vous eu quelques difficults les y dterminer?

    R. Je n'ai point trouv de difficult leur persuader de tra-vailler ces conditions. Sur une plantation, celle de Gilsborough, dans Saint-James, ils m'ont fait demander pari'conome la per-mission de creuser une pice de terre, en trous cannes, leurs heures libres, plutt que de le laisser faire par un atelier de louage.

    D. Avez-vous entendu dire que les ngres de quelque autre proprit que celles que vous dirigez se soient engags moyen-nant salaire ?

    R. Oui; les apprentis de Latium et d'Adelphi, dans Saint-James, de Sodhall et de Content, dans Hanovre, ont creus des trous cannes, leurs heures libres, moyennant salaire.

    D. Avez-vous la direction de la plantation de Leyden ? si vous l'avez, dites-nous de quelle manire les apprentis se conduisent, et combien de trous cannes ils creusent leurs heures de tra-vail.

    R. J'ai la direction de la plantation de Leyden; les apprentis se conduisent d'une manire satisfaisante. Les laboureurs creusent cinquante trous par jour, et les femmes quatre-vingts dans les heures appartenant leur matre, ce qui est tout ce qu'on leur demande.

    D. Votre avenir est-il favorable ou dfavorable, eu gard l'tat prsent de l'apprentissage et des profits du planteur ?

    R. Je considre que l'avenir est favorable, considr sous le point de vue mis dans la question.

    D. Y a-t-il eu des actes d'insubordination sur quelques-unes des plantations places sous votre direction ? Avez-vous t oblig d'appeler les juges spciaux?

    R. Sur les plantations que je dirige aucun acte d'insubordi-nation ne m'a oblig appeler un magistrat spcial; mais sur les plantations de Williamsburg et de Leyden, vers la fin de septembre, les ngres travaillaient si peu, que j'ai fait appeler le magistrat le plus voisin, le capitaine Clarke. Depuis sa venue et les dcisions qu'il a prises sur ces plantations, les apprentis ont fait tout ce que je puis attendre d'eux.

    D. Quelques-uns des apprentis placs sous votre direction n'ont-ils point t publiquement punis pour des actes d'insubor-dination , par ordre des magistrats spciaux ; et le capitaine Clarke ne fut-il pas oblig de faire appuyer ses dcisions par la prsence de la force arme ?

    R. Un apprenti plac sous ma direction fut publiquement fouett par ordre du capitaine Clarke. Je ne pense pas que ce ft pour un acte d'insubordination, mais bien pour s'tre vad des mains d'un constable tandis que celui-ci le conduisait chez le capitaine Clarke, magistrat spcial. Il avait t en outre repr-sent par l'conome comme ayant fait trop peu d'ouvrage dans les champs, et excit les autres en faire aussi peu. Le capitaine Clarke avait men une partie de ses troupes Williamsfield avant d'avoir donn des ordres et pris des informations sur l'tat des apprentis.

    D. Alors sous quel systme ou sous quel arrangement, quant aux heures de travail, aux allocations, etc., etc., avez vous dirig

    II. 3o...

  • 472 RAPPORT SUR LES QUESTIONS COLONIALES. PICES JUSTIFICATIVES. IIe PARTIE.

    les plantations qui sont sous vos ordres et sur lesquelles vous dites que les apprentis travaillent de si bon cur?

    R. Les apprentis sous mes ordres travaillent neuf heures par jour, une seule exception que voici : leur demande ils travaillent quarante heures et demie en quatre jours ; j'accorde aux apprentis des harengs et toutes les allocations qu'ils recevaient quand ils taient esclaves; je ne fais point travailler les femmes qui ont six enfants; je leur donne les mmes aides pour la prparation de leurs aliments et les mmes gardes pour les enfants qu'autre-fois; je n'ai point supprim les gardiens chargs de surveiller spcialement les jardins des ngres; je paye 10 deniers par nuit au gardien de la bergerie; je ne demande personne de passer la nuit la sucrerie ni dans les autres btiments ; je me suis rendu garant envers le mdecin pour les soins qu'il donne aux enfants libres, et les parents se sont engags rendre cette dpense par leur travail durant la rcolte; je donne aussi plu-sieurs femmes l'ancienne allocation de mas et de sucre sur la promesse qu'elles travailleront galement pendant la rcolte.

    D. Pensez-vous que les planteurs puissent payer des salaires aussi levs? Si vous le pensez, avez-vous pris en considration le prix de la fabrication du sucre aux Indes orientales et dans les colonies trangres avec lesquelles nous devons entrer en concur-rence ?

    R. Je pense que les plantations peuvent payer les salaires dont j'ai parl ; mais je n'ai point calcul le prix du travail dans la fabrication du sucre aux Indes occidentales et dans les colonies trangres.

    D. Sur quelles raisons fondez-vous cette conviction ? R. Sur ce que le travail de la rcolte est ordinairement fait

    beaucoup plus volontiers qu'aucun autre, et qu'aprs avoir vu une grande masse de laboureurs adopter si facilement le nou-veau systme, on a lieu d'esprer qu'ils travailleront avec autant de bonne volont qu'auparavant.

    D. Pensez-vous que les ngres des plantations peuvent creuser des trous cannes pour 40 ou 5o schellings meilleur march par arpent que ce que l'on paye aux ateliers de louage, par la raison que pour les ngres des plantations tout est profit, tandis que les ngres de louage sont soutenus par leurs matres, dont ils forment le capital?

    R. Certainement.

    D. Vous attendez-vous, avec le nouveau systme, faire sur les plantations que vous dirigez des rcoltes gales aux anciennes et sans dpenses additionnelles ?

    R. Certainement je ne m'y attends pas.

    D. Quand vous avez senti le dsir que les apprentis placs sous vos ordres se louassent leurs heures libres, moyennant salaire, ne leur avez-vous pas fait connatre personnellement ce dsir, croyant qu'une telle communication aurait un meilleur effet ve-nant de vous que venant d'un conome ?

    R. Oui; je l'ai toujours fait, except dans un ou deux cas. D. Combien d'apprentis ont t punis Williamsfield, Ilamps-

    tead et Leyden, sparment, par ordre des juges spciaux? R. Autant que je puis me le rappeler, le juge spcial a fait

    punir cinq apprentis Leyden, cinq sur Williamsfield et un sur Hampstead.

    D. Dites-nous quel tait le sujet de plainte contre les ngres qui ont t punis?

    R. Un des apprentis de Leyden fut puni pour avoir coup quatre cannes, a ce que je crois, et pour ne pas avoir fait d'ou-vrage dans les champs; a Williamsfield un apprenti fut puni pour avoir drob sur les terrains provisions et avoir ensuite pris la fuite ; un autre pour insuffisance d'ouvrage dans les champs; trois pour la mme faute et pour s'tre chapps, tandis que le instable, les menait chez le magistrat. La plainte qui a eu lieu Hampstead a t inflige pour impertinence en-vers l'inspecteur dans les champs. J'ai oubli hier, en rponse

    une question, un exemple d'insubordination sur la plantation de Windsor-Ladge, o l'inspecteur a men le ngre directement chez le capitaine Clarke , sans me consulter ? Cet apprenti avait quitt son ouvrage un quart d'heure avant la fin des quatre heures et demie qu'il devait faire le vendredi. Il fut puni par vingt-cinq coups de fouet sur la plantation de Latium. Celte pu-nition parat avoir produit un bon effet; car l'individu s'est con-duit fort bien depuis lors, cl il a creus plus de trous cannes, ses heures libres, qu'aucun autre apprenti de la plantation.

    8. INTERROGATOIRE de M. P. C. Crichton, de lu paroisse de Sainte-Marie.

    7 novembre 1834.

    D. Quelles sont les proprits que vous dirigez, et combien de ngres avez-vous sous vos ordres ?

    R. Y ai la direction de trois plantations de sucre; une dans la paroisse de Sainte-Marie, une dans celle de Saint-George et une dans celle de Portland, sur lesquelles il y a huit cents ngres. Je suis, en partie, directeur de deux cents autres apprentis.

    D. Avez-vous trouv le nouveau systme gnralement satis-faisant dans ces proprits, en le comparant l'ancien, et en prenant en considration les quarante heures et demie du matre?

    R. Je m'tais d'abord rsign une diminution considrable dans toutes nos rcoltes, mais je ne trouve pas que le nouveau systme russisse bien, mme en faisant la part de tous ces desavantages. J avais d abord raison d'en esprer du bien, et j attribue son dfaut de succs principalement aux causes sui-vantes : 1 Au dsappointement gnra] qu'ont prouv les ap-prentis en ne trouvant pas leurs ides d'mancipation ralises au degr qu'ils l'espraient; 2 au nombre trs-insuffisant des magistrats salaris, d'o provient l'impuissance de l'conome punir avec assez de promptitude, ce qui porte l'apprenti croire qu'il peut agir avec impunit; et 3 enfin au grand nombre (le diffrents systmes suivis dans le mme voisinage, qui con-fondent les ides de l'apprenti, cl lui font souponner de moins bonnes intentions de la part de son matre.

    D. Avez-vous fait les arrangements ncessaires avec les ap-prentis, afin de vous assurer la quantit de travail qu'il vous faut pour enlever la rcolle ?

    R. Tous mes apprentis sont convenus d'abandonner les quatre heures et demiedu vendredi, condition qu'ils recevront, comme autrefois, les mmes concessions, de poisson sal et d'ha-billement, ainsi que la nourriture, les vtements et les soins du mdecin pour leurs enfants apprentis. Sur la plantation de Golden-Vale, de Portland et de Qubec , dans Sainte-Marie (les deux plantations sur lesquelles, d'aprs leur tendue, j'ai cru qu'un tel arrangement pourrait russir), ils sont convenus de se diviser en deux ateliers lorsque le moulin serait mis en acti-vit, savoir : un atelier pour le moulin et l'autre pour la sucrerie (boiling house), que le premier commencerait quatre heures du matin et travaillerait jusqu' une heure de l'aprs-midi; qu'il serait alors relev par le second atelier, qui devrait travailler jusqu' dix heures du soir. Les apprentis devaient travailler dans les champs neuf heures par jour. Un nombre suffisant d'appren-tis, sur les deux plantations, se sont aussi volontairement offerts pour tenir le travail du moulin et de la fabrication, depuis dix heures du soir jusqu' quatre heures du matin, raison d'un schelling par nuit, ou de 5 schellings par semaine de cinq nuits. Mon opinion est que la plantation subit une certaine perte chaque fois que l'on teint les feux. D'abord nous avons produit environ les deux tiers de la quantit que nous produisions sous l'ancien systme, quoique nous ne tinssions jamais le moulin et la sucrerie en activit plus de trois nuits par semaine. En mme temps, les travaux d'agriculture, qui, dans les paroisses en question, de-

  • ETUDE DE L'EXPR. ANGL. CHAP. IX. EFFETS GNRAUX DE L'APPRENTISSAGE, ETC. 473 mandent une attention constante, se sont trouvs arrirs. Je suis fch d'ajouter que dernirement les choses n'ont pas t aussi bien.

    D. Voulez-vous nous dire ce qui s'est pass quand vous avez fait savoir aux apprentis que vous dsiriez les employer leurs heures libres moyennant salaire?

    h. Ils ont approuv mes propositions quand je leur ai forte-ment reprsent qu'il tait ncessaire d'agir ainsi pour le bien des proprits et pour celui de leurs familles; qu'ils se procureraient par l le moyen d'lever leurs enfants et de mettre quelque chose de ct pour la lin du systme d'apprentissage. Je leur ai particulirement dmontr le grand avantage qu'ils auraient se faire une rputation de travail et de bonne conduite.

    D. Vous avez sans doute pens qu'une communication aussi importante, dans un moment o l'on doutait beaucoup de la bonne volont des ngres travailler moyennant salaire, devait venir de votre part ?

    II. J'ai t de cette opinion, et j'ai cru qu'il tait ncessaire que j'agisse ainsi.

    D. Etiez-vous prpar rencontrer quelques difficults de la part des ngres, et avez-vous senti qu'il tait ncessaire de leur expliquer familirement que leur intrt et celui del plantation voulaient qu'ils travaillassent moyennant salaire?

    R. Depuis dix-huit mois j'ai essay de prparer les ngres placs sous mes ordres au grand changement qui a eu lieu au mois d'aot, et la plus grande partie de mes apprentis, en comptant tous les premiers ouvriers et ceux de la classe suprieure, se sont immdiatement rangs de mon avis.

    D. Avez-vous calcul si les salaires que vous payez maintenant sont tels, que la plantation puisse les continuer durant le reste de l'apprentissage?

    Il Je l'ai fait, et j'espre pouvoir continuer avec profit.

    D. Avez-vous trouv vos apprentis paresseux, insoumis ou insolents depuis le 1er aot ?

    R. Tous mes conomes se sont beaucoup plaints de leur pa-resse, et, dans un cas, les femmes ont t si insubordonnes, que le magistrat spcial en a envoy trois la maison de force pendant quinze jours. Les commandeurs ne sont plus respects comme pendant l'esclavage.

    9. INTERROGATOIRE de M. William Shorpe.

    8 novembre 1834.

    D. Avez-vous la direction de plusieurs plantations? R. De quatorze dans Trelawney, Hanovre, Westmoreland et

    Sainte-Elisabeth.

    D. Quel est le nombre d'apprentis que vous avez sous vos ordres ?

    R. Environ trois mille.

    D. Que pensez-vous du nouveau systme de travail tabli par l'acte d'abolition ?

    R. Je pense qu'il ne russit pas bien.

    D. Dans votre opinion, les apprentis font-ils maintenant une portion juste et raisonnable de travail pendant le temps exig par la loi ?

    R. Non certainement.

    D. Obissent-ils l'autorit de leurs directeurs et se conduisent-ils avec la soumission convenable ?

    R. Ils paraissent tout fait mcontents et maussades dans bien des cas, et fort susceptibles ; tellement qu'il est dsagrable pour les blancs d'tre en rapport avec eux. Je parle surtout des propri-ts qui sont sous mes ordres dans Trelawney, de ma plantation de Westmoreland, et des autres plantations places sous ma direc-tion, Hanovre et Sainte-Elisabeth. Il parat y avoir de meilleures

    dispositions, mais cependant leur conduite n'est pas aussi bonne en gnral que pendant l'esclavage.

    D. Avez-vous trouv des apprentis disposs travailler moyen-nant salaire leurs heures libres ?

    R. Les uns l'ont promis, d'autres ont refus, et quelques-uns ont rpondu qu'ils attendraient ce qu'allaient faire les apprentis des autres plantations.

    D. A-t-on fait du sucre sur vos plantations depuis le 1er aot ? R. Non.

    D. Peut-on rcolter le produit d'une pl