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1 Rapport du Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) « Inhibiteurs de la FAAH (Fatty Acid Amide Hydrolase) » sur les causes de l’accident survenu à Rennes lors d’un essai clinique de Phase 1 en janvier 2016. 1. Avant propos Le CSST « inhibiteurs de la FAAH » a été mis en place par le Directeur Général de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire du Médicament et des produits de santé (ANSM), à la suite de l’accident survenu le 10 janvier 2016 à Rennes lors de l’essai clinique de Phase 1, première administration à l’homme, de la molécule BIA 10‐2474. Les missions du CSST, scientifiques, étaient, sur la base des données mises à leur disposition et de l’expertise de ses membres : D’analyser les mécanismes d’action et l’éventuelle toxicité des substances qui, comme le BIA 10‐2474, sont censées agir, directement ou indirectement, via le système endocannabinoïde. De formuler et, si possible, hiérarchiser des hypothèses permettant d’expliquer la toxicité observée chez plusieurs volontaires de l’essai mené à Rennes par Biotrial. D’édicter, le cas échéant, des recommandations générales visant à renforcer la sécurité des volontaires, notamment lors des études de première administration à l’homme (Phase 1). La mission du CSST s’est, depuis sa mise en place (25 janvier 2016) jusqu’au rendu de son rapport (18 avril 2016), organisée selon trois modes : Un travail d’expertise individuelle, menée par chacun de ses membres, sur les différents documents mis à leur disposition et la littérature afférente. Deux réunions « ouvertes » d’une journée (15 février et 24 mars 2016) au cours desquelles ces expertises étaient rapportées. Une rencontre avec le Laboratoire Bial a également eu lieu le 18 mars 2016. Ces trois réunions se sont tenues dans les locaux de l’ANSM, en présence de deux inspecteurs de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, IGAS (Christine d’Autume et Gilles Duhamel). Par ailleurs, un représentant de l’EMA (Agence Européenne du Médicament) assistait, en tant qu’observateur, aux réunions du 15 février (Hans‐Georg Eichler) et du 24 mars (Jean Marc Vidal) ; deux représentantes de l’Agence Portugaise du Médicament (Ana Catarina Fonseca et Isabel Vieira) ont également participé, en tant qu’observatrices, à cette dernière réunion. Une phase d’échanges et de rédaction collective restreinte aux seuls membres du CSST, ayant abouti à l’approbation des deux versions (intermédiaire et finale) du présent rapport. Cette organisation a permis de réserver la discussion des points clefs de l’expertise, de ses conclusions et des recommandations qui en découlent aux seuls membres du CSST, indépendamment de l’organisateur (ANSM) et des observateurs (inspecteurs généraux

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RapportduComitéScientifiqueSpécialiséTemporaire(CSST)«InhibiteursdelaFAAH(FattyAcidAmideHydrolase)»surlescausesdel’accidentsurvenuàRenneslorsd’unessaicliniquedePhase1enjanvier2016.1.AvantproposLe CSST «inhibiteurs de la FAAH» a été mis en place par le Directeur Général del’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire du Médicament et des produits de santé(ANSM), à la suite de l’accident survenu le 10 janvier 2016 à Rennes lors de l’essaicliniquedePhase1,premièreadministrationàl’homme,delamoléculeBIA10‐2474.Les missions du CSST, scientifiques, étaient, sur la base des données mises à leurdispositionetdel’expertisedesesmembres:

‐ D’analyser les mécanismes d’action et l’éventuelle toxicité des substances qui,comme leBIA10‐2474, sont censées agir, directementou indirectement,via lesystèmeendocannabinoïde.

‐ Deformuleret,sipossible,hiérarchiserdeshypothèsespermettantd’expliquerlatoxicitéobservéechezplusieursvolontairesdel’essaimenéàRennesparBiotrial.

‐ D’édicter, le cas échéant, des recommandations générales visant à renforcer lasécuritédesvolontaires,notammentlorsdesétudesdepremièreadministrationàl’homme(Phase1).

LamissionduCSSTs’est,depuissamiseenplace(25janvier2016)jusqu’aurendudesonrapport(18avril2016),organiséeselontroismodes:

‐ Un travail d’expertise individuelle, menée par chacun de sesmembres, sur lesdifférentsdocumentsmisàleurdispositionetlalittératureafférente.

‐ Deuxréunions«ouvertes»d’unejournée(15févrieret24mars2016)aucoursdesquellescesexpertisesétaientrapportées.Unerencontreavec leLaboratoireBialaégalementeulieule18mars2016.Cestroisréunionssesonttenuesdansles locauxde l’ANSM,enprésencededeux inspecteursde l’InspectionGénéraledesAffairesSociales, IGAS (Christined’AutumeetGillesDuhamel).Parailleurs,unreprésentantdel’EMA(AgenceEuropéenneduMédicament)assistait,entantqu’observateur,auxréunionsdu15 février(Hans‐GeorgEichler)etdu24mars(JeanMarcVidal); deux représentantes de l’AgencePortugaiseduMédicament(Ana Catarina Fonseca et Isabel Vieira) ont également participé, en tantqu’observatrices,àcettedernièreréunion.

‐ Unephased’échangesetderédactioncollectiverestreinteauxseulsmembresduCSST,ayantaboutiàl’approbationdesdeuxversions(intermédiaireetfinale)duprésentrapport.

Cetteorganisationapermisderéserverladiscussiondespointsclefsdel’expertise,desesconclusionsetdesrecommandationsquiendécoulentauxseulsmembresduCSST,indépendammentde l’organisateur(ANSM)etdesobservateurs(inspecteursgénéraux

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del’IGAS,représentantsdesagenceseuropéenneetportugaise).Cettephaserestreintea,deloin,représentélaplusgrandepartiedutravailduCSST.La mission des experts du CSST, bien qu’elle ait représenté une somme de travailimportante (estimée à plus de 600 heures au total), n’avait nullement vocation à sesubstitueràuneinspection.Acetitre, lesconclusionsduprésentrapportnesauraientpréjugerdecellesdesenquêtesadministrativesetjudiciairesactuellementencours.Concernant les documents sources utilisés, notons en préambule que la BrochureInvestigateur du BIA 10‐2474, rédigée par le Laboratoire Bial, comporte desimperfections de traduction, erreurs de retranscription, notamment dans les tables etfigures.Ceciest,enplusieursendroits,denatureàgénérerdesambiguïtésetdifficultésdecompréhension,ycomprisvis‐à‐visd’informationsimportantes(voirauchapitre6).Ceciméritaitd’êtresignalécarlaBrochureInvestigateurestundocumentréférentpourl’évaluationd’unproduitdesantéainsiquerappelé,entreautres,parl’Arrêtédu19mai2006 («relatif au contenu et aux modalités de présentation d’une brochure pourl’investigateurd’unerecherchebiomédicaleportantsurunmédicamentàusagehumain»).Enfin,bienqueleCSSTaitétémisenplacesurdécisionduDirecteurGénéraldel’ANSM,etaitbénéficiédusoutien logistiquedecetteAgence, leCSSTamené,durant lesdeuxmois et demi de son existence, ses travaux et investigations en totale indépendance,notammentvis‐à‐visdel’ANSM,duLaboratoireBial,ducentreBiotrial,desvolontairesayantparticipéàl’essai,deleursfamillesetdeleursdéfenseurs.L’ensembledesexpertsduCSST,onttravaillédemanièrebénévoledurantlatotalitédeleurmission.La rédaction des diverses versions du présent rapport ont été soumises aux seulsexpertsduCSSTetlesnombreuxéchangesnécessairesàsafinalisationetàl’obtentiond’un consensus sur les points‐clefs du dossier ont toujours été restreints à cetteconfiguration.2.CompositionduCSSTBernardBégaud(PharmacologieMédicale.UniversitéetCHUdeBordeaux.CRINSERM1219),MarieGermaineBousser (HôpitalLariboisière,AssistancePubliquedesHôpitauxdeParis,UniversitéParis‐Diderot),PascalCohen(MédecineInterne,HôpitalCochin,Paris),BertrandDiquet(PharmacologieMédicaleetToxicologie.DépartementMédecineUFRSanté.UniversitéetCHUd’Angers),PierreDuprat(Docteur Vétérinaire, Docteur en toxicologie, European College of Veterinary Pathologists) WalterJanssens (Agence Fédérale desMédicaments et des Produits de Santé, Belgique), Michel Mallaret(PharmacologieClinique,CentreRégionaldePharmacovigilanceetd’InformationsurleMédicament,CHUde Grenoble), Guy Mazué (Docteur Vétérinaire), Joëlle Micallef (Pharmacologie Médicale, AixMarseilleUniversitéetCHUdeMarseille,UMRCNRS7289InstitutdesNeurosciencesTimone), ClaudeMonneret (Directeur de Recherche émérite au CNRS, Président de l’Académie de Pharmacie), JeanLouis Montastruc (PharmacologieMédicale et Clinique. Faculté deMédecine et CHU de Toulouse),Laurent Venance (Centre Interdisciplinaire de Recherche en Biologie, Collège de France, INSERMU1050,CNRSUMR7241,LabexMemolife,Paris).

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3.ContexteLamoléculeBIA10‐2474desLaboratoiresBial(Portela&Ca,Portugal)appartientàlafamilledes inhibiteursde laFAAH,enzymedégradant l’anandamide,biolipideagissantcommemédiateurdanslesystèmeditendocannabinoïde.Plus d’une dizaine d’inhibiteurs de ce type sont, ou ont déjà été, développés, aucunn’ayant, à ce jour, été commercialisé; pour beaucoup, en raison d’une efficacité jugéedécevante.Cesinhibiteursappartiennent,auplanchimiestructurale,essentiellementàdeuxfamilles:

‐ Les molécules possédant une fonction urée: URB 524 et 597 et composésdéveloppés notamment par Sanofi‐Aventis, Astellas, Bristol‐Myers Squibb etJanssen&Janssen.

‐ Lesmolécules possédant une fonction carbamate, développées notamment parSanofi‐Aventis,Vernalis,PfizeretBial.

Larecherchedans ledomainedes inhibiteursde laFAAHaétéportéepardesespoirsimportants et des perspectives d’indications thérapeutiques très diverses: douleur,vomissements, anxiété, troubles de l’humeur, maladie de Parkinson, chorée deHuntington,diversesindicationscardiovasculaires,pourn’enciterquequelquesunes.Pour le produit Bial, la Brochure Investigateur indique que le BIA 10‐2474 a étédéveloppé «en vue du traitement d’affections pour lesquelles il y aurait avantage àmajorerlesconcentrationsdecannabinoïdesendogènes».L’indication semblant avoir été privilégiée, du moins dans un premier temps, est ladouleurdetypeneuropathique;ceciaétéconfirméparleLaboratoireBial lorsdesonaudition,le18mars2016.Lesétudesdepremièreadministrationàl’hommeontétéconfiéesàBiotrialResearchàRennes,centrespécialisédepuisprèsdevingtansdansdesinvestigationsetrecherchesde ce type. L’accident survenu à la mi‐janvier 2016 a conduit à la suspension dudéveloppement cliniqueduBIA10‐2474. Sagravitéet soncaractère spectaculaireontprofondément marqué le milieu professionnel du médicament, les scientifiques et lepublic,tantenFrancequedansleMonde.Comprendrelescirconstanceset,sipossible,lesmécanismesdesurvenuedecetaccidentinéditestdoncuneprioritécollectiveetlajustificationdutravaild’expertisemenéparleCSST.Ce rapport d’expertise, après un rappel sur le système endocannabinoïde (prérequisnécessairepour introduire ladiscussionsur lesmécanismesd’actionde lamoléculeetles hypothèses au sujet de sa toxicité) abordera l’analyse de la molécule, de sespropriétéspharmacologiques,puiscelledesétudesdetoxicitémenéeschezl’animal,duprotocolemisenœuvreparBiotrial,dessymptômesobservéschezlesvolontairessainsde l’essai et des données de pharmacodynamie et de pharmacocinétique. La secondepartie explorera les hypothèsesqui pourraient expliquer l’accident survenu àRennes.UneconclusionrésumeralesavisetpositionsduCSSTsurlespoints‐clefsdudossier.Lerapport se terminera sur les recommandations, touchant à la conduite des études depremièreadministrationàl’homme,queleCSSTsouhaitevoirporterauplaneuropéenetinternational.

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4.RappelsurlesystèmeendocannabinoïdeLeBIA10‐2474estuninhibiteurdelaFAAH,hydrolaseàsérinedégradantl’anandamide,l’un des principaux médiateurs du système dit endocannabinoïde. Ce système, à ladénomination ambiguë (il est de fait beaucoup plus large et complexe que les ciblesd’actiondesdérivésducannabis)existechezungrandnombred’espèces(vertébrésetinvertébrés,àl’exceptiondesinsectes)et,enparticulier,chezlesmammifères.Ilestdeconnaissance récente (le premier récepteur a été identifié par clonage en 1990) etencoreincomplète.Ondistinguedeuxtypesderécepteurs(CB1etCB2),transmembranairesetcouplésauxprotéinesG(inhibantl’adénylcyclase).

‐ CB1 est un récepteur présynaptique très ubiquitaire retrouvé à la surface deplusieurs types de cellules (neurones, astrocytes, péricytes, cellulesendothéliales)etdansungrandnombredelocalisationscérébrales(ganglionsdelabase,cervelet,hippocampe,cortexcérébral,bulbeolfactif,etc.).LeCB1estl’undesrécepteurscouplésauxprotéinesGdontletauxd’expressionestleplusélevédans le système nerveux central, à l’exception notable du tronc cérébral. Onretrouve également le CB1 en périphérie (poumons, intestin, testicules, utérus,etc.).L’agonisteexogènetypedecerécepteurestletétrahydrocannabinol(THC).

‐ CB2estprincipalementretrouvéauniveaudescellulesdusystèmeimmunitaire(effetsimmunomodulateurs).

Acejour,huitendocannabinoïdesontétéidentifiés.Cesontdeslipidesbioactifsagissantà la fois commeneuromédiateurs et neuromodulateurs et synthétisés et libérés «à lademande» contrairement auxneuromédiateurs classiquesqui sont libérés àpartir devésiculesdestockage.Lestroisprincipauxendocannabinoïdessont:

‐ l’anandamide (AEA); historiquement, il s’agit du premier endocannabinoïdecaractérisé(1992),

‐ le2‐arachidonylglycérol(2‐AG),esterdel’acidearachidonique,‐ le2‐AGéther(étherdel’acidearachidonique).

Comme leTHC, l’AEAauneaffinitépréférentiellepour le récepteurCB1et très faiblepourleCB2.Al’inverse,le2‐AGauneforteaffinitépourlesdeuxtypesderécepteurs,ilpeut donc être vu comme lemédiateur principal du système endocannabinoïde alorsque l’AEA n’a pratiquement pas d’action sur le CB2 et est capable d’interagir avecplusieursautressystèmes.Deplus, le2‐AGestretrouvéàdestaux200à800foisplusélevésquel’anandamidechezlesrongeurs.Contrairement au 2‐AG, l’anandamide est donc peu spécifique du systèmeendocannabinoïde stricto sensu et peut également être considéré comme unendovanilloïde.Eneffetilestcapabled’activerlesrécepteursdetypeTRPV1(transientreceptorpotentialvanilloid1)quisontdescanauxcationiquesnonsélectifsdelafamilledescanauxTRP.Deplus,l’AEAagitsurd’autressystèmes:

‐ ilestunbonagonistedesPPAR(peroxisomeproliferator‐activatedreceptor)alphaet gamma, récepteursnucléaires impliquésdans lemétabolismeénergétiqueetl’inflammation,

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‐ il interagit au niveau des récepteurs du glutamate de typeNMDA (N‐méthyl Daspartate), à la fois comme stimulateur par action directe et comme inhibiteurparuneactionindirectevialeCB1,

‐ enfin,commed’autresendocannabinoïdes,ilpeut,parlavoiedelaMAP‐kinaseetune réaction en chaine, aboutir à l’activation de multiples facteurs detranscription impliqués dans les phénomènes de neuroprotection ce quiconstitueunevoiederecherchetrèsprometteuse.

Leseffetsdelastimulationdusystèmeendocannabinoïdes’apparententàceuxinduitspar les dérivés du cannabis. Des concentrations faibles à moyennes induisent desréponsescomportementalesmélangeanteffetsstimulateursetdépresseursalorsqu’auxdosesélevées,leseffetssonttoujoursdetypedépresseur.Schématiquement,onobservealorschezl’animal:

‐ uneantinociception,‐ unehypothermie,‐ unehypolocomotion.

Lamémoiredetravailestaltérée,sanseffetsurlamémoirederéférence.L’effetsurleniveaud’anxiétéestbiphasique: anxiolyseaux faiblesdosesetanxiogénèseauxdosesélevées.Au niveau de la transmission synaptique, les endocannabinoïdes agissent demanièrerétrograde (de l’élément post‐synaptique neuronal vers le pré‐synaptique) et ontglobalement pour effet de diminuer cette transmission et ce, à court (quelquessecondes) ou à long‐terme (plusieurs heures ou jours). Ils modulent à la fois lestransmissionsexcitatrices(glutamatergiques)etinhibitrices(GABAergiques).Après avoir été synthétisé et libéré par le compartiment post‐synaptique, l’AEA estnormalement dégradé par la FAAH (hydrolase membranaire) qui dégrade aussi enpartiele2‐AGmaiségalementunassezgrandnombred’autreslipidesbioactifs.Contrairementàl’animal,deuxisoformesdeFAAH(FAAH‐1etFAAH‐2)peuventexisterdansl’espècehumaine.Laprévalencedesporteursdesdeuxisoformesseraitdel’ordrede38%dans lapopulationgénéraleetcelledesporteursde laseule isoformeà faibleactivité(FAAH2)de5%.Encasd’inhibitiondel’activitédelaFAAH,lesconcentrationsdeAEAaugmententmaisunevoiededégradationannexeprendlerelais:celledescyclo‐oxygénases.Ceciaboutità la formation d’eicosanoïdes: leucotriènes et prostanoïdes (prostaglandines,thromboxanes, prostacyclines) pouvant agir sur les phénomènes d’apoptose et devasomotricité; l’effet vasoconstricteur au niveau cérébral du 20‐HETE (acide 20‐hydroxyeicosatétraeinoïque)est,parexemple,connu.5.ExamendelamoléculeBIA10‐2474L’examen de la structure chimique de cette molécule n’évoque a priori rien departiculier,notammentquantàunetoxicitépotentielle.Lesgroupementsfonctionnelsetnoyauxchimiquesqu’ellecomporteserencontrentcourammentenchimiemédicinale.Parexemple,lafonctionN‐oxydeestretrouvéedanslechordiazépoxide(benzodiazépineanxiolytique), le minoxidil (agoniste des canaux potassiques développé comme

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antihypertenseuretsecondairementutilisépourdévelopperlapilosité),etdansdiversantirétroviraux.L’originalitéduBIA10‐2474est, du reste, relative; il peut être considéré commeune«variation»autourdemoléculesantérieurementdéveloppéescommeinhibiteursdelaFAAH. Par exemple, le PF‐3845 de Pfizer contient également un noyau pyridinedirectement adjacent à la fonction urée. Ce composé, efficace invivo et sélectif, s’estavéré être un inhibiteur puissant de la FAAH, bien toléré lors des essais cliniques dePhase I, mais sans efficacité thérapeutique satisfaisante durant ceux de Phase 2. Demême, le noyau imidazole, courant en chimie pharmaceutique, est présent dans lescomposés développés par Bristol‐Myers Squibb (inhibiteurs de type carbamate).Cependant, dans le cas du BIA 10‐2474, ce noyau est en position adjacente au siteélectrophile de lamolécule ce qui (voir plus loin) en fait potentiellement un «groupepartant».TouslesinhibiteursdelaFAAHainsidéveloppésreposentsurlaformationd’uneliaisoncovalenteentrelasérine241del’hydrolaseetlecarboneélectrophileducarbamateoude l’urée.L’inhibitionde laFAAHpeutdoncêtreconsidéréecommeirréversible.Selonles indications du Laboratoire Bial, le BIA 10‐2474 se lierait bien à la FAAHde façoncovalente(doncirréversible)invitromaisdefaçonpartiellementréversibleinvivo.Ceciadéjàétérapportédanslecasdel’inhibiteurdeJanssen&Janssen(JNJ‐42165279)aveclequelunepartiedel’activitéenzymatiqueestretrouvéeauboutde8heures.UnedifférenceimportanteduBIA10‐2474aveclamajoritédesinhibiteursdéjàconnusconcerne sa faible spécificité pour son enzyme cible. Les concentrations inhibant à50%l’activitédelaFAAH(IC50)sont,enmoyenne,de1,7(1,5–1,9)micromolaire(M)chez la souris et de1.1 (0,9 –1,3)Mchez le rat. Elles seraient, selon lesdocumentsfournis par le Laboratoire Bial, au maximum, 100 fois plus fortes pour les diversesautres enzymes vis‐à‐vis desquelles leBIA a été testé. Le LaboratoireBial n’a de faittesté son composé et l’un de ses métabolite (BIA 10‐2445) que vis‐à‐vis de troishydrolases à sérine: lamonoacylglycérol lipase (MAGL), une carboxyl‐estérase et uneacétylcholine‐estérase (sélectivité de 10 pour la FAAH du rat, soit 50 pour la FAAHhumaine). Les autres enzymes testées ont été: la dopamine‐béta‐hydroxylase, laglutamic acid décarboxylase, les monoamine oxydases A et B et la choline‐acétyltransférase.Ceci contraste avec les résultats obtenus avec d’autres composés comme le PF‐04457845 de Pfizer (testé vis‐à‐vis de 68 récepteurs) qui présente une CI50de 7,2nanomolaire(nM)pourlaFAAHhumaine(soit240foisplusfaiblequecelleduBIA10‐2474) et de plus de 100M pour un panel d’une vingtaine d’hydrolases. Le ratio despécificitéducomposéPfizerestainsi,nonplusde100,maisdel’ordrede14000.IlenvademêmepourleJNJ‐42165279deJanssen&Janssentestévis‐à‐visde50enzymes.Cette faible affinité/spécificité du BIA pour son enzyme‐cible amènera plus loin àenvisagerunefixation«parasite»surd’autreshydrolasesàsérinelorsdeladiscussiondu mécanisme de la toxicité observée chez l’homme. Rappelons que la superfamilled’hydrolasesàsérinecompteenviron300membresetqu’ilest,decefait,recommandédedévelopperdesinhibiteursayantlaplusforteaffinitépossiblepourl’enzymeciblée.Uncriblageprotéomiqueauraitprobablementapportédesinformationspertinentessurceplan.NeufmétabolitessupposésduBIA10‐2474ontétésynthétisés(composésBIA10‐2639,10‐2583, 10‐3258, 10‐3827, 10‐2445, 10‐2631, 10‐3844, 10‐2580 et 10‐3764). Tous

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présententune structure très prochede celle de lamoléculemère. Ils correspondent,soità laréductionduN‐oxyde,soitàunehydroxylationdunoyaucyclohexane(cequiaboutit à la formation de composés plus hydrophiles), soit à la déméthylation de lafonction amine, soit à deux modifications concomitantes. A priori, rien dans cesmétabolites ne laisse présager, à l’examen de leur structure chimique, une toxicitééventuelle.Troisd’entreeuxprésententunpotentield’inhibitiondelaFAAHprochedeceluide lamolécule‐mère.Cesmétabolitessont,pour laplupartd’entreeux,retrouvésentrèsfaiblesquantités,ycomprisaprès14joursd’administrationduBIA10‐2474chezl’animal. Le BIA 10‐2631 (obtenu par réduction du N‐oxyde et hydroxylation ducyclohexane),estcependantretrouvéenquantitéplusimportantechezleprimate.Lorsdesétudesdepharmacocinétiquemenéeschezl’homme(voirplusloin),quatredeces métabolites ont été identifiés, 2 indétectables et 2 mesurés à des concentrationsplasmatiquestrèsinférieuresàcellesdelamoléculemère(<3%).Sauf à supposer l’existence d’un métabolite fort différent, ou d’une distribution trèsimportante en faveur des tissus (ratio concentration tissulaire/concentrationplasmatique très élevé, expliquant les faibles concentrations circulantes), l’implicationdecesmétabolitesdanslatoxicitéobservéelorsdel’essaicliniquedeRennesparaitpeuprobable.Sur un autre plan, rappelons que le cycle imidazole de la molécule BIA 10‐2474, enposition adjacente au carbone électrophile, site de la liaison à la FAAH, peut êtreconsidérécommeun«groupepartant»pouvantdonnernaissanceàunisocyanatesurlequelbeaucoupdeprotéinescérébralesseraientsusceptiblesdesefixer.Mis au contact de microsomes hépatiques, le BIA 10‐2474, du moins jusqu’à laconcentrationde30g/mL,n’inhibequepeu les cytochromesP4502D6et3A4etnesemblepas inhiber les cytochromesP4501A2,2A6,2B6,2C8,2C9,2C19et2E1. Ilnesemblepasagircommeinducteur,dumoinssurlescytochromesP450desséries2Bet3A,avecundoutepourle1A2.6.DonnéespharmacodynamiquesprécliniquesVis‐à‐vis de l’inhibition de la FAHH (mécanisme présenté comme central pour sonactivitépharmacologique),onpeutconsidérerleBIA10‐2474commeuncomposé:

‐ D’activitérelativementfaible.L’inhibitionà50%delaFAAHinvitrodemande,parexemple,desconcentrationsdanslemilieudel’ordredumicromolairealorsquepour lamajoritédes inhibiteursdéveloppésà ce jour,on se situeauniveaudunanomolaire.Ainsiquementionnéplushaut,l’IC50duBIA10‐2474pourlaFAAHapparaît 240 fois plus élevée que celle du PF‐04457845 de Pfizer, certainsinhibiteursétantcaractériséspardesIC50encoreplusfaibles.

‐ Peuspécifique. Une inhibition (toujours invitro) d’autres enzymes est obtenuepourdesconcentrations50à100foiscellesinhibantlaFAAH.Ilestpossible(cecin’ayant pas été testé) que ce ratio soit encore plus faible vis‐à‐vis d’autreshydrolases cérébrales. A titre de comparaison, ce ratio est, nous l’avons vu, del’ordrede14000pourlePF‐04457845.

‐ D’actionpeuprogressive.Lescourbesdoses‐effet(icil’inhibitiondel’activitédelaFAAH)duBIA10‐2474ontcecideparticulierque l’onpassedansuneplagedeconcentrationsinhabituellementétroitedel’absenced’inhibitionàuneinhibition

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quasitotale.Mêmes’ilconvientdetenircomptedelavariabilitéexpérimentale,lapentede la courbedose‐effetparaitdoncélevée, très raide, si on la compareàcelles d’autres inhibiteurs enzymatiques et, plus généralement, à d’autresmédicaments.

‐ D’action prolongée. Même si l’on considère que le BIA 10‐2474 n’est pastypiquementuninhibiteurirréversible,l’inhibitiondelaFAAHqu’ilentraîneestextrêmement prolongée. Elle est encore quasi‐complète au bout de 8 heures.Chez l’homme,cette inhibitionsepoursuit très largementaudelàde24heures,alorsquelesconcentrationsplasmatiquesduBIAsontdevenuesinférieuresàlalimite de quantification de la méthode analytique utilisée (c’est à dire nonmesurables).ConcernantladoseàpartirdelaquelleleBIAinhibel’activitédelaFAAH,ilexisteapparemmentunediscordanceimportanteentrecequipourraitêtreextrapoléàpartirdesétudesanimalesetcequiaétéobservéchezlesvolontairesdel’essaideRennes.Lesdonnéesanimalesmontrentqu’àpartird’unedosede0,3mg/Kgchezlesinge,onatteintl’effetmaximal;unedosede1mg/Kgnepermettantpasde majorer l’inhibition de la FAAH, ni les concentrations d’anandamide. Ceci(calcul non détaillé dans ce rapport, mais vérifié par le CSST) permettait deprédire qu’une inhibition totale de la FAAH serait obtenue chez l’homme pourune dose administrée située entre 10 et 40 mg. Or, on observe chez lesvolontairesdel’essaiBiotrialqu’environ50%d’inhibitionestobtenuepourunedosede0,25mgetpratiquement100%pourunedosede5mg.Cecicorrespondàun ratio d’aumoins 10 entre la dose estimée à partir des données animales etcellemesuréechezl’homme.Comme mentionné précédemment, l’inhibition obtenue est extrêmementprolongée car la récupération de l’activité n’est pas complète 72 heures aprèsadministration,alorsqueleproduitaquasimenttotalementdisparuauniveauduplasma.

Encequiconcernel’activitéanalgésiqueduBIA10‐2474(potentialitéthérapeutiqueapriori privilégiée), deux tests, classiquementutiliséspour tester cettepotentialité, ontétépratiquéschezlasouris:

‐ LeFormalinpawtest.Cetestconsisteenl’injectiond’unesolutiondeformolà5%dans l’extrémité plantaire de la pate postérieure. Cette agression entraîne unedouleurpersistantemotivantdesléchagesréflexesrépétésdelapartdurongeur.L’efficacitédelamoléculeà l’étudeestévaluéeparladiminutiondunombredeléchages (lickingscore) au cours d’une période (ici: 15 à 50 minutes) suivantl’injection. Trois doses de BIA 10‐2474 (0,3 mg, 1 mg et 3 mg/Kg) ont étécomparées, soit administrées seules, soit en association avec 5 mg/Kg d’AEA,égalementétéadministréseul.Lagabapentine,àladosede300mg,aétéutiliséecomme analgésique de référence pour cette comparaison; ce dérivé de l’acidegamma‐aminobutyriqueestutilisé commeanti‐épileptiqueetdans lesdouleurschroniques.Surcetest,l’effetduBIA10‐2474utiliséseulapparaîtprolongémaisd’amplitudemodeste. En effet, pour les trois doses croissantes, et comparativement ausolvantinactif,lescorediminue,respectivementde29%,28%et41%.L’effetdel’AEA seul estdumêmeordredegrandeur (35%).En revanche,onobserveuneffet marqué et dose‐dépendant pour l’association BIA + AEA, les scores

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diminuant de 42% pour l’association avec 0,3 mg/Kg de BIA, de 65% pourl’associationavec1mg/Kgetde86%pourl’associationavec3mg/Kg.Surcetest,la gabapentineapparaîtnettementplusefficaceque leBIApuisque lavariationestde76%contre41%pourleBIAseulàsaplusfortedose.Notons que dans la Brochure Investigateur la figure correspondante (4.6) estdoublement erronéepar rapport audocument source fourni par l’investigateur(Porsolt & Partners, Rapport n° 09.770/2, 2010): l’axe vertical fait figurer dessecondes alors qu’il s’agit de valeurs de score et la colonne correspondant auscore de la gabapentine (pourtant présentée comme référence pour ce testcomparatif)aétésuppriméedel’histogramme.

‐ Le Tail flick test(rétraction réflexe de la queue agressée par une source dechaleur).Pourcetest,unedosenettementplusfortedeBIA10‐2474(10mg/Kg)aétéutilisée.L’effetantinociceptifestmaximalàlahuitièmeheuremais,commedans le test précédent, d’amplitudemodeste (le délai de rétractionpassant, enmoyenne, d’environ 4,8 secondes à pratiquement 6, soit une différence de 1,2seconde)maisprolongé(unedifférencepersistantàla72èmeheure).Surlabasedu même test, le BIA et l’URB 597 (inhibiteur de la FAAH de la famille descarbamates),tousdeuxadministrésàladosede1mg/Kg,ontétécomparésvis‐à‐vis de la potentialisation de l’effet analgésique de l’AEA. Cette potentialisationn’étaitobservéequ’aveclecomposéBial.

Lesdosesutiliséesdanscestestsdiffèrentgrandement(de0,3à10mg/Kg),sansqu’ilsoitpossibledetracercourbedose‐effetnid’estimerunedoseefficace50(cequiestunelacunesurprenante).Onnoteque:

‐ L’activité antinociceptive duBIA 10‐2474 restemodeste quand lamolécule estadministrée seule (conditions supposées pour sa future utilisationthérapeutique). Le BIA potentialise en revanche fortement l’actionantinociceptivedel’AEA.

‐ CetteactivitéantinociceptiveduBIAaugmentepeu(scorevariantde29%à41%)quandonpassede0,3à3mg/Kg,pour le test au formol c’est àdirequandonmajore la dose d’un facteur de 10. Ceci pourrait signifier que l’inhibition del’enzymeimpliquéedansceteffetestpresquetotaledèsladosede0,3mg/Kget,donc,quel’éventaildesdosestestées,tropréduitet/oumalchoisi,nepermettaitpasdedéterminerunedose efficacedemanièreprécise. Ceci constituerait uneautre lacune problématique vis‐à‐vis du rationnel des choix de doses lors desétapesdedéveloppementultérieur.

‐ L’activitéantinociceptiveoupotentialisatricedel’AEAparleBIA10‐2474est,enrevanche,trèsnetteetprolongée,quellequesoitladosetestée.

La relative pauvreté des données de pharmacologie par rapport aux autres étudesprécliniques justifiera une recommandation du CSST pour ce qui concerne ledéveloppementdenouveauxmédicaments.7.Donnéesdetoxicologieanimale7.1.Remarquepréalable

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L’interprétation des données des études de toxicologie est toujours complexe. Cesétudessontconduitesavecdesdosespouvantêtretrèsélevées,sanscommunemesureaveccellesutiliséeschez l’homme.Decefait,auxplusfortesdoses,desmanifestationstoxiques diverses, souvent aspécifiques, ou visibles (en macroscopie ou microscopie)seulementaprèssacrifice,sontobservéeschezlamajoritédesanimaux.Lorsd’unaccidentdutypedeceluideRennes, ilexistedoncune forteprobabilitéquel’onretrouve,aposteriori,dansl’ensembledesdonnéesanimalesdesélémentssemblantcohérents avec le type de toxicité recherchée. Ceci ne signifie nullement que ceséléments constituaient des signaux prédictifs d’une toxicité de ce type. Pour éviter cebiais d’interprétation classique, le CSST a examiné avec attention le dossier,particulièrement vaste, des étudesmenées chez l’animal; celui‐ci devant être vudanssonensembleetdanssoncontexte.7.2.DossierdetoxicologieLesétudesmenéesavecleBIA10‐2474semblentavoirétéréaliséesselonlesprotocolesactuellementvalidés(recommandationsICHnotamment),avecunproduittrèspur(plusde 99,9%), identique à celui utilisé pour la confection des gélules administrées auxvolontairesducentreBiotrial.Cesétudesont concerné, cequiest trèspeu fréquent (surtoutpourunemoléculenonparticulièrement innovante), quatre espèces différentes (rat, souris, chien et singe) etont été menées dans deux centres de bonne réputation: Harlan Laboratories SA enEspagne (études chez les non‐rongeurs) et AnaPath GmbH en Suisse (études chez lesrongeurs).Une autre espèce (lapin) a été, de plus, utilisée pour les études concernant les effetséventuelsduBIA10‐2474surlafertilitéetlareproduction.LorsdesonauditionparleCSSTle18mars2016,leLaboratoireBialaexpliquéqueceprogramme de toxicologie particulièrement développé était lié à un décalage dans ledémarrage du développement clinique, ceci ayant permis de mener des études detoxicologiesupplémentairesoupoursuiviesaprèslapremièreadministrationàl’homme(études de cancérogénèse par exemple). De fait, le CSST n’a pas retrouvé, dansl’ensembledesdonnéesqu’ilaeuàanalyser,d’élémentpouvantaccréditerl’hypothèseque ce programme de toxicologie particulièrement complet et coûteux avait étéentreprisdufaitd’undoutesurlabonnetolérancedelamolécule.Surlabasedesdonnéesquiontpuêtreanalyséesàcejouretd’unemanièregénérale,etjusqu’aux très fortes doses, on ne note pas de toxicité du BIA 10‐2474 ciblée sur unorgane particulier et qui aurait due être prise en compte en tant que signal. L’un deseffetstoxiquesleplussouventretrouvéchezlesanimauxtraités,commepourplusieursautres inhibiteurs de la FAAH, touche les spermatozoïdes et d’une manière plusgénérales, lesgamètes.Cepoint,sansdoute leplusnetdudossier,devraitêtreprisencomptesileBIA10‐2474étaitamenéàêtreutilisécommemédicament.OnnotequeleLaboratoireBial,contrairementàcequiaétéfaitpourplusieursautresinhibiteurs de la FAAH, n’a pas défini d’organe(s) cible(s) dans son programme detoxicologie.La sensibilité des méthodes de dosage utilisées lors des études de toxicologie nepermettaitd’identifierenpériphérie(compartimentplasmatique)quecinqmétabolites

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parmilesneufsauxquelsleBIA10‐2474peutdonnernaissance.Cesmétabolitessontaprioriidentiquesàceuxretrouvéschezl’hommeetégalementproduitsenquantitéstrèsfaibles (de l’ordre de 1%du produit parent), ceci pour les quatre espèces. De ce fait,aucune étude de toxicité spécifique à ces métabolites n’était réglementairementobligatoireetn’a,defait,étéconduite.Onnenotepasd‘accumulationduproduit, nide sesmétabolites, au coursdes étudesavecdosesrépétées(sur13semaines).Les doses NOAEL (NoObservableAdverseEffectLevel) et NOEL (NoObservableEffectLevel) semblent avoir étédéfiniesdemanière correcte.Elles varient selon lesespècestestéeset,faitintéressant,selonladuréedesadministrations,surtoutchezlasouris.LesNOAELpourlesétudes4semaineset3mois,sontainsi,respectivement,de:

‐ 100et25mg/Kg/24hchezlasouris,‐ 30et10mg/Kg/24hchezlerat,‐ 50et20mg/Kg/24hchezlechien,‐ 100et75mg/Kg/24hchezlesinge.

SurlesbasesdesNOAELainsicalculées,etenseréférantauxprocéduresdelaFoodandDrugAdministration(FDA),ilétait,apriori,logiquedetesterunedoseallantjusqu’à100mgchezl’homme(96mgselonlecalculfaitparleCSST).Commedanstoutprotocoledetoxicologie,lesorganesdesanimauxprévusauprotocole(40 organes) ont été systématiquement examinés macroscopiquement etmicroscopiquement, sans que, selon les rapports des centres d’étude, une toxiciténotablepourunorganeparticulier,afortioricommuneauxquatreespècesétudiées,aitété observée. Ceci est également vrai pour le système nerveux, tant central quepériphérique,etnotammentchezleprimate.Cependant, chez le ratet la souris,desatteintescérébrales,notammentauniveaudeshippocampesavecuneglioseetuneinfiltrationpardescellulesinflammatoiresontéténotéescheztroisanimauxtraitésavecdetrèsfortesdoses.Ceciconcerneunmâleetunefemelledans l’étude souris à500mg/Kg/24hsur4 semainesetun ratde l’étude150mg/Kg/24h sur 4 semaines. Ces atteintes, discutées en CSST du fait du contexte,semblent assez fréquemment observées chez les rongeurs lors d’études de ce type etn’étaient a priori pas de nature à générer un signal bien que de telles atteintes nesemblent pas avoir été observées avec d’autres inhibiteurs de la FAAH. Pour les troisanimaux concernés, comme pour leurs congénères du même groupe, les rapportsd’observation ne mentionnent pas l’existence de troubles neurologiques ou ducomportement.Demême,chezleprimateetlerat,desatteintesauniveaucérébralet,surtout,auniveaudusystèmenerveuxautonomeontéténotéeschezquelquesanimauxtraitésàfortedose.Ainsi, chez le singe, lors des études sur 4 semaines menées avec des doses de,respectivement,10,50et100mg/Kg/24hdesatteintesdelamedullaoblongata(bulberachidien) à type d’«axonal dystrophy» ont été notées chez quelques animaux dugroupe100mg/Kg/24hetnonchezceuxrecevantdesdosesinférieures. IlestdifficiledeseprononcersurlanaturehistologiqueprécisedecetteatteintedufaitquelesdeuxanatomopathologistesquiontreluleslamesdecoupespourlecomptedeBialn’ontpasutilisélamêmeterminologie.

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Toujours chez le singe, une toxicité clairement dose‐dépendante (n’apparaissant quedanslegroupe100mg/Kg/24h),etplusnettequelaprécédente,concerneuneatteinteàtyped’œdèmedescellulesduplexusdeMeissnerdutubedigestif.Danslegroupedechiens(beagles)traités13semaines,l’attentionduCSSTaétéattiréepar la présence d’altérations pulmonaires clairement visibles en macroscopie,confirméesenmicroscopieetétiquetées«broncho‐pneumopathie/alvéoliteaigüefocaleet multifocale». Ces manifestations, semblent surprenantes par leur fréquence. Lerapport de toxicologie remis par le LaboratoireBial relie ces lésions à une inhalationbronchique de BIA 10‐2474. Cette hypothèse a paru peu plausible à la majorité desexperts du CSST. En effet, l’enveloppe des gélules administrées était prévue pourrésister aux sucs gastriques ce qui rend très peu probable une ouverture et uneinhalationdepoudre.Lamêmeraisonainsiquelemoded’administrationdesgélulesetl’absence de symptomatologie évocatrice rendent également peu plausible unerégurgitationpar«fausse‐route»(expliquéeparexempleparunetoxiciténeurologiquedu BIA 10‐2474). Aucune hypothèse alternative (contamination infectieuse,susceptibilité particulière de ce groupe de chiens ou autre) n’a été privilégiée par leCSSTpourcettemanifestationquiestl’undesfaitsmarquantsdudossierdetoxicologieduBIA10‐2474.Lelienavecl’existenced’unefortedensitéderécepteursCB1auniveaudes poumons, ne peut, en l’absence d’investigations complémentaires, être considérécommeune explication à retenir.Onnote, deplus, l’absencede symptômes similairesdans les trois autres espèces (souris, rat, singe) et, apparemment, de manifestationssemblableslorsdesétudesdetoxicologiemenéesavecd’autresinhibiteursdelaFAAH,ycomprischezdeschiensdemêmeprovenance.Cettesymptomatologie,clairementdose‐dépendante,anotablementperturbélepland’étudeprévuchezlechien.Celui‐cidevaittester(versustémoins)sur4semainesdesdosesde20,50et100mg/Kg/24h.Dufaitdemanifestations pulmonaires importantes (deux chiens, un mâle et une femelle, dugroupe forte dose ont du être sacrifiés avant le terme de l’étude) et de signesd’incoordinationmotrices, les doses ont du être réduites dans les groupes 50 et 100mg/Kg/24hpourpouvoirmenerl’étudeàsonterme.Defait,ladosede20mg/Kg/24haété considérée comme la NOAEL. Cette impossibilité de tester les plus fortes dosespourrait expliquer le recours à une autre espèce: le singe qui constituait,apriori, unmodèleplusadaptépour l’étuded’un inhibiteurde laFAAH(meilleuresensibilitéà lastimulationdusystèmeendocannabinoïde)mêmesicelanes’estpasrévéléêtrelecasau plan du calcul des doses. Il semble cependant que les études chien et singe aientdébutéàlamêmepériodeDiversesétudesont,defait,étémenéeschezleprimate(cynomolgusoumacaque).Peutêtredufaitdecequiavaitétéobservéchezlechien,cesétudesontétéprécédées(àladifférencedecequis’estpratiquépourd’autresinhibiteursdelaFAAH)d’unephasedemontéeprogressivedesdosesparpaliers(up‐titration).Celle‐civisaitàobtenir,selonleLaboratoire Bial, une «stabilisation du système endocannabinoïde» en surveillantl’apparition demanifestations évocatrices comme l’hypothermie (l’examen du dossiermontrecependantquecelle‐cin’ajamaisexcédé1degréCelsius),unehypolocomotionoulabaissedelaprisealimentaire,etc.Aucunemortalitén’aétéobservéelorsdel’étudelongterme(13semainesà75mg/Kgaprèsmontéedesdosesparpaliers).Enrevanche,dansunautregroupe,unefemelleestdécédéeaprèsuneescaladededosessur12jours(10,25et50mg/Kg/24h)suiviede9

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joursd’administrationduBIAà75mg/Kg/24h.Ledossiern’indiqueriendeparticulierconcernantcetanimal.Demême,plusieursprimatesontduêtresacrifiés«forethicalreasons»lorsdesétudesendosesascendantesvisantàtesterlatoléranceduproduitàtrèsfortesdoses:lesdeuxanimaux du Groupe 1 au quatrième jour du palier terminal à 250 mg/Kg, les deuxanimaux du Groupe 2 (125 mg/Kg/24h) et une femelle du Groupe 3 après troisadministrationsde60mg/Kg/24h, lesautresanimauxayantsurvécu jusqu’auboutdel’escalade jusqu’à 110 mg/Kg/24h. Ces décès prématurés chez le primate sontcependantsurvenuspourdesdosesrépétéestrèsélevéesquicorrespondraientendoseséquivalenteshumaines(HumanEquivalentDosesouHED),respectivement,à78mg/Kg,39mg/Kget34mg/Kg.Atitrepurementindicatif,uneHEDde78mg/Kgcorrespondraità environ 100 fois la dose la plus forte ayant pu être testée chez l’homme enadministrationsréitérées(50mg).Lorsdel’auditiondu18mars,leLaboratoireBialaindiquéavoirmisenprojetuneétudedetoxicologieduBIA10‐2474chezlesingeàlongterme(52semaines).LedossierdesétudesanimalesduBIA10‐2474sembleglobalementdebonnequalitéetaucunélémentdanslesdonnéesqueleCSSTaétudiéneconstituaitunsignaldenatureàcontre‐indiquer un passage chez l’homme. Ceci est notamment vrai pour la toxicitéd’expressionneurologiqueavecdesatteintesdusystèmenerveuxcentraletdusystèmenerveuxautonomeayantaffectéunpetitnombred’animauxtraitésauxplusfortesdoses.Cecaractèreapriorinonalarmantdesatteintesneurologiquesobservéesaétéconfirmépar l’examendes coupesdes tissus concernéspar lesexpertsduCSST (photographiesfourniesparleLaboratoireBialsuiteàunedemandeformuléeparleCSSTle18mars2016).Plusieurscommentairesméritentcependantd’êtrefaits:

‐ Les raisonsayantpuconduireBialàutiliserquatreespècesdifférentes (dont2rongeurs), ce qui est, pour un dossier de ce type, inhabituel(aucun autreinhibiteur de la FAAH ne semble avoir été étudié sur cette base) ont étélonguementdébattuesauseinduCSST.Ilestcependantpossiblequecelapuisseêtre la conséquence d’une modification du plan d’étude en cours dedéveloppement: passage du chien au singe du fait de la mauvaise toléranceobservée chez le premier (les études chien et singe semblent cependant avoirdébuté pratiquement aux mêmes dates), décalage du plan de développementclinique (réponse officiellement apportée par le Laboratoire Bial). Il estégalement crédible que les études menées chez la souris aient été, en fait,destinées à déterminer les doses à retenir pour les études (long‐terme) decancérogénèse.

‐ Ilconvientd’êtreprudentencequiconcernelesconclusionsquipourraientêtretirées de la mise en rapport des doses testées chez les animaux à cellesadministrées au volontaires de l’essai Biotrial (en administration unique ourépétées).Pourcomparerlesdensitésd’expositionentrel’animaletl’homme,cesontlesrapportsdesconcentrationsplasmatiqueset,plusprécisément,desairessous la courbequ’il conviendrait d’utiliser.Quoiqu’il en soit, les doses utiliséeschez l’animal ne justifiaient pas de réserve quant à la validité du dossierpréclinique.SelondesdonnéesfourniesparleLaboratoireàlademandeduCSST,les rapports des aires sous la courbes animal/homme, quand les valeurs sontdisponibles,sontprochesde1àl’exceptiondusingechezlequellesmargessont

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plusfortes(ratiod’environ6).Ceciconfirmequelesextrapolationsdel’animalàl’homme, en termes de marge d’exposition et de doses à tester, doiventconsidérer l’ensemble des espèces utilisées et non pas uniquement celleparaissantêtrelemeilleurmodèleauplanpharmacologique.

‐ Siellenepermettaitpasdedégagerdesignalquantàunetoxicitéspécifique, latoléranceduBIA10‐2474, lorsdesétudesde toxicologie,paraîtglobalementetclairement moins bonne que celle d’autres inhibiteurs de la FAAHantérieurement développés. En dehors du problème spécifique de lasymptomatologie pulmonaire chez le chien, les autres inhibiteurs (malgré desratios de doses parfois plus élevés que dans le cas du BIA) ne semblaient pasentraîner d’effets toxiques méritant d’être commentés. En particulier, lesatteintesauniveaudesplexusdeMeissnerchezlesingen’ontpasétéretrouvéeset aucun sacrifice avant termen’a éténécessaire.Cettemeilleure toléranceest,par exemple, attestée par le fait que pour l’un des produits, l’absence d’effettoxiqueobservéaconduitàutiliserladoselaplusforteadministréepourdéfinirlaNOAEL.

8.L’essaicliniquemenéàRennesparBiotrialL’essai,dePhase1monocentrique,premièreadministrationàl’homme(FirstinHumansouFIH)prévoyaitd’impliquerautotal128volontairessains,hommeset femmes,âgésde18à55ans,etcomportaitquatreparties:

‐ uneétudeendosesuniquescroissantes(SADouSingleAscendingDose),‐ uneétudeendosesrépétéescroissantes(MADouMultipleAscendingDoses),‐ uneétudeouverted’interactionaveclesaliments,et‐ uneétudedepharmacodynamie(nonréalisée).

On note que la dispersion des âges des volontaires recrutés (18‐55 ans) est élevée,certainsétantrelativementâgés,parrapportàceque l’onobservegénéralementdansdes études de Phase 1, première administration à l’homme. Les âges variaient, parexemple,de27à49anspourlessixsujetshospitalisésauCHUdeRennes.Onnote,deplus,l’inclusiondeplusieursvolontairespouvantêtreconsidéréscommeprésentantunfacteurderisquepotentielvis‐à‐visdecertainseffets indésirablesmédicamenteux.Onrelève, entre autres, un espace PRmesuré à plus de 240millisecondes sur plusieursélectrocardiogrammesenpré‐doseetunepressionartériellesupérieureà140/90mmHglorsdequatremesuresenpré‐dose.Lechoixdelapremièredoseadministrée(0,25mg)pourlapartieSADaétéprudent,carcorrespondantenvironà1/400èmedeladoselaplusélevéesanseffettoxique(NOAEL)chezl’animal.LapartieSAD1aimpliqué64volontairesenhuitcohortesde8volontaires(sixrecevantleverumetdeuxleplacebo)correspondantaux8paliersdedosestestés(de0,25mgà

1Pourmémoire,rappelonslesrecommandationsde2006del’AgenceFrançaiseduMédicament(AFSSaPS)pourlepremièreadministrationàl’homme(page4):« Dans un même groupe : • le nombre de volontaires recevant simultanément la nouvelle substance active. Il est nécessaire, sauf justification dûment étayée, de limiter le nombre de volontaires recevant simultanément la nouvelle

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100mg);48sujetsontdoncétéexposésauverum.Pourchaquepalier,deuxsujets(unverumetunplacebo)étaienttestésavantadministrationauxsixautres.LapartieMADprévoyaitsixcohortesde8volontaires(sixverumetdeuxplacebo),soit48sujets.Lessixdosesdevantêtretestéesétaient:2,5mg;5mg;10mg;20mg;50mget 100 mg. Chaque dose devait être administrée 10 jours consécutifs. Les sujets dechaquecohortedevaientséjourner15jours(et14nuits)aucentreBiotrial.Apartirdeladose 10 mg, l’administration a été conditionnée aux données de pharmacocinétiquemesurées à n‐2 (soit, par exemple, celles de la cohorte 10 mg pour débuterl’administrationde50mg).Commec’estlarègleenPhase1,lepassageaupalierdedosesupérieurétaitconditionnéàl’absencedemanifestationindésirablechezlesvolontairesdu palier précédent après avis d’un comité de suivi. Sous cette condition,l’administrationdelamoléculesefaisait,àlamêmeheure,àl’ensembledesvolontairesde la cohorte. Selon le protocole, unemanifestation d’intolérance notable («severe»)observée chez 4 volontaires de la cohorte (soit 50% de l’effectif) devait entraînerl’interruptiondel’essai.Dufaitdel’accidentsurvenuchezlesvolontairesdelacohorteMAD n°5, seulement 30 volontaires (sur les 36 prévus) ont reçu le verum pour cettepartiedel’essaienadministrationsréitérées.Larecherched’interactionavecl’alimentationaimpliqué12volontairesàladosede40mg.Cesontdonc,autotal,90sujetsquiontétéexposésauBIA10‐2474aucoursdecetteessai,ceciàdesdosestrèsdifférentes(de0,25à100mg,soitunratiode400),quecesoitendoseuniqueouenadministrationsquotidiennesrépétées.LapartieSAD(doseunique)adébutéle9juillet2015pourseterminer(cohorte8:100mg)le9octobre2015.LapartieMAD(10joursdetraitement)aétélancéele6octobre2015.L’avant‐dernièrecohorteprévue(cohorten°5,soit50mg)adébutéle6janvier2016soit19joursaprèslafindelacohorten°4(20mg).Onnotedoncun chevauchementde trois jours entre lesdeuxprogrammes. Ceci étaitnullementproblématiquedupointdevuedelasécuritédufaitdelafaiblesse(2,5mg)delapremièredosetestéeenMAD.Lesoirducinquièmejour(le10 janvier2016)etdoncde lacinquièmeadministrationdanslacohorteMAD50mg(dosecumuléede250mg),l’undes6volontairesayantreçuleverumesthospitaliséauCHUdeRennesdansunétatsérieux.LasociétéBiotrialn’aaprioripasconsidérélelienentrelasymptomatologieaigueprésentéeparcesujetet lamolécule testée comme possible puisque les autres volontaires ont reçu leur sixièmedoselelendemainmatin,11janvierà8heures(dosecumulée:300mg),sansattendreles résultatsdesexplorations (IRMnotamment)encours sur levolontairehospitalisé.Les 5 volontaires verum, et non les deux sujets sous placebo, ont été successivement

substance active en fonction des facteurs de risque identifiés. • le délai prévu entre l’administration à un volontaire et l’administration au suivant. Un délai d'observation suffisant doit être prévu entre les administrations, fonction notamment des caractéristiques du produit, des données disponibles (pharmacocinétique, pharmacodynamique) et des facteurs de risque identifiés, • les critères d'administration au volontaire suivant, • les critères d’arrêt des administrations aux volontaires non encore traités ».

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hospitalisésauCHUdeRennesentre le13et le15 janvier,soit2à4 joursaprèscettedernière administration. La suspension de l’essai a été effective le 11 puisque lesadministrations,quidevaientsepoursuivrejusqu’au15,ontétéinterrompuesàpartirdecettedate.Plusieursremarquessurcettepartiecrucialeméritentd’êtrefaites:

‐ L’essai de Rennes a été mené dans un centre spécialisé (Biotrial) de bonneréputation. Hormis la réserve exprimée plus haut sur le recrutement desvolontaires, l’essai s’apparenteauxplansprivilégiésà l’heureactuellepourunepremière administrationà l’homme/Phase1.Enparticulier, et contrairement àcequiapuêtreditdemanièreerronéeparplusieursvecteursd’information, iln’y a pas eu de chevauchement temporel entre les différentes cohortes,notammentenMAD.Aucontraire,unlapsdetempsétaitprévuentrelafind’unecohorteetledébutdelasuivante.

‐ Bienquecenesoitpasspécifiquedecetessai,onnepeutques’étonner,surtouts’agissant d’unemolécule agissant via le système nerveux central, que le bilanprévupourlasélection,l’inclusionetlesuividesvolontairesn’aitpasinclusuneévaluationneuropsychologiqueavecentretiencliniqueettestscognitifs.Unetelleévaluation a été pratiquée, au moyen, entre autres, d’échelles adaptées, pourd’autresinhibiteursdelaFAAH.Cepointmotiveral’unedesrecommandationsduCSST.

‐ Le mode d’escalade de doses (progressions arithmétiques, géométriques et deFibonacci,etc.)danslesessaisditsdePhase1nereposenisurunconsensus,nisurdesrecommandationsclairesauplaninternational.Danslecasdel’essaideRennes,lemodedeprogressiondesdosesapparaîtclairementproblématiquecartrop brutal en fin de progression alors que le bon sens aurait plaidé pourl’inverse.Parexemple,lesautdedoseentrelescohortesMAD4et5(20à50mg)correspondàunrapportde2,5alorsqu’iln’estquede2(2,5à5mg)entrelescohortes1et2,zonedanslaquellelerisquepouvaitêtreconsidérécommefaibledu fait du petit écart, en valeur absolue, entre les deux doses. La progressionretenue à Rennes est, à la base, de type géométrique (par essence moinsprudentequelesprogressionsdetypearithmétiqueetFibonacci)avecuneraison(facteurmultiplicateur)de2,deplusnonrespectéeentre20et50mg.Cetypedeprogressionnesemblepasavoirétéutilisélorsdesessaisd’autresinhibiteursdela FAAH. Il a paru important au CSST que la communauté scientifique etréglementaire se saisissede cetaspect,majeurpour la sécuritédesvolontaires(voirrecommandationsenfinderapport).

‐ Unpointdifficileàtrancherdanslecasdel’essaideRennesestceluiduchoixdeladosemaximaleprévuepourêtretestéechezlesvolontaires.Celle‐ciaétéfixéeà100mg,quecesoitenadministrationuniqueourépétée.Nousavonsvuquecechoixapparaîtapriorilogiquesil’onextrapoleàl’hommelesdonnéesmesuréeschezl’animal:l’extrapolationdesNOAELamèneàuneestimationtrèsproche(96mg) et cellede la concentration inhibant la FAAHaboutit à unedose compriseentre10à40mg.S’agissantd’unproduitnonconsidéréàrisqueselonlescritèreshabituellement utilisés (notamment par l’Agence Européenne dumédicament),l’utilisation de la NOAEL chez l’espèce la plus sensible et non de la MABEL(MinimalAnticipatedBiologicalEffectLevel)étaitréglementairementjustifiée.Leproblème vient de la réponse apparemment très différente de l’homme sur cedernier point. En effet, on observe que l’inhibition de la FAAH (mécanisme

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alléguédel’activitépharmacologiqueduBIA10‐2474)estobtenue,chezl’homme,pour1,25mgetestquasi‐complèteà5mg.Danscesconditions,choisir100mgrevenaitàtesterunedose20à50foissupérieureàcellesupposéeefficace,cequisemblerésolumentexcessif,mêmesilarègle,quiveutquel’onnedépassepasenpremièreadministrationàl’hommeunedosecorrespondantàlaNOAEL,aétéicirespectée.Cepointmajeurentermedesécuriténepouvaitpasêtreanticipélorsde l’approbation et de l’initiation de l’essai (seules les données animales étantconnues). En revanche, il eut été logique et attendu que le plan d’escalade dedosessoitrevuàlalumièredesdonnéespharmacocinétiquesrecueillieschezlesvolontairescommecelaavaitétéprévupourd’autresinhibiteursdelaFAAH.Celan’apasétélecasdanscetteétude.

9.SymptomatologieobservéechezlesvolontaireshospitalisésPour des raisons évidentes de protection et de droit au respect de la vie privée despersonnesetdesecretmédical,lesinformationsfigurantdansleprésentrapportontétélimitéesauxélémentsutilesdansl’optiquedelamissionduCSSTetsontprésentéesdemanièreàrespecterl’anonymatdesvolontaires.L’undesdossiersdessixvolontairesdelacohorteMADn°5ayantétéexposésauBIA10‐2474, n’a pas été pas retenu car la personne, examinée à titre systématique, ne seplaignaitd’aucunsymptômeparticulieretsonexamenparIRMaseulementrévéléuneimageinterprétéecomme«incidentalome». 9.1.SymptomatologiecliniqueLe premier volontaire a été hospitalisé dans la soirée du 10 janvier 2016, jour de lacinquième, administration du produit à l’essai. Deux autres volontaires ont étéhospitalisés le11janvier(jourdelasixièmeadministration),deuxautresle12janvier(lendemain de la dernière administration) et le dernier volontaire le 13 janvier, soitdeuxjoursaprèsladernièreadministration.Lesprincipauxsymptômescliniquesrelevésontété:

‐ descéphalées,présenteschezlescinqvolontaires,trèssévèreschezl’unmaisnesurvenantcependantpasen«coupdetonnerre»,

‐ dessignescérébelleuxcheztroisvolontaires,‐ destroublesdelaconscience(cheztroisvolontaires)allantd’unralentissement

psychomoteuraucoma(chezlevolontairedécédé),‐ destroublesmnésiqueschezdeuxvolontaires.

D’autressymptômesn’ontéténotésqu’uneseulefois:diplopie,paresthésiesdescuisses,hémiparésieavec«tremblements»del’hémicorpssanssyndromepyramidal,douleuretraideurdurachis.Pour trois volontaires, l’évolution du tableau clinique initial s’est faite versl’aggravation:lepremiersujethospitaliséestpasséenétatdemortencéphaliquetroisjoursaprèsledébutdestroubles.Pourlesdeuxautres,letableaus’estaggravépendanttrois à quatre jours avant une phase de stabilisation (de deux à trois jours), puis

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d’amélioration.Cesdeuxvolontairesgardaientcependantdestroubles(essentiellementcérébelleuxetmnésiques)àleursortieduCHUdeRennes.Pour les deux volontaires dont les troubles étaient mineurs ou, de ce fait,d’interprétationdélicate,aucuneaggravationn’aéténotéecequiajustifiéleursortieduCHUsansséquelleapparente.Lesquatrevolontaires(hormisceluiayantdécédé)ontététraités,àpartirdu13janvier,parméthylprednisolone (Solumédrol°) à raison de 1g/24h, sans qu’il soit possible desavoirsicettecorticothérapieàfortedoseajouéunrôledansl’améliorationdutableauclinique.La présentation clinique des cinq sujets revêt un caractère remarquable du fait d’unesymptomatologie purement neurologique traduisant une atteinte du seul systèmenerveux central (mais sans épilepsie), sans aucun symptôme suggérant une atteinted’autres organes et sans le moindre signe infectieux. Hormis des épisodes debradycardie et une instabilité hémodynamique chez le sujet décédé, aucune anomaliecardiaqueoutensionnellen’aéténotée.Le profil évolutif de la symptomatologie neurologique et son caractère isolé vont àl’encontred’unprocessusvasculaire,tumoralouinfectieuxetnesontguèrecompatiblesqu’avecunprocessusinflammatoire,métaboliqueoutoxique.9.2.Examensdusangetduliquidecéphalo‐rachidien(LCR)Aucune anomalie métabolique, ni du bilan sanguin n’a été constatée chez les cinqvolontaires.Lebilanimmunologiqueeffectuéchezleplussévèrementatteints’estrévélénégatif.LeLCRaétéexaminécheztroissujets.Ilétaitnormalchezl’und’entreeux,sièged’unehyperprotéinorrachieisoléechezunautreettrèsanormal,maisdefaçonnonspécifique,chez le plus sévèrement atteint avec d’une hyperprotéinorrachie et la présence depolynucléaires neutrophiles pouvant traduire une inflammation ou une nécrosetissulaire.9.3.RésultatsdesexplorationsparIRMChezl’undesvolontaires,l’IRM,effectuée24haprèsl’administrationduproduitàl’essai,a seulement permis de retrouver un minime hypersignal punctiforme du corps del’hippocampedroitquin’étaitplusprésentsur lesexamensparIRMpratiquésdeuxetquatrejoursplustard.Pour les quatre autres volontaires, l’IRM permettait de visualiser des anomaliesd’intensité très variable intéressant, de façon bilatérale et symétrique, leshippocampes et le pont (protubérance) prédominant dans sa partie antérieure(s’étendant parfois au bulbe ou aumésencéphale). Chez le sujet décédé, et seulementchezlui,onnotait,surl’IRMpratiquéedeuxjoursaprèsl’exameninitial,uneatteintedesthalamusetducortexcérébral.Les anomalies observées étaient de même type, mais de sévérité variable, chez lesquatrevolontairesavec:

‐ 1. Un hypersignal en diffusion avec une baisse du coefficient de diffusionapparente(ADC)signaléeunefoisetindiquantunerestrictiondeladiffusiondel’eau (pouvant témoigner d’un oedème cytotoxique, quelle qu’en soit la cause,mais aussi d’une infiltration cellulaire, inflammatoire par exemple). Chez le

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volontaire leplussévèrementatteint, l’hypersignalendiffusions’accompagnait,dans la partie postérieure du tronc cérébral, d’une augmentation de l’ADC quipourraitindiquerl’existenced’unœdèmevasogénique.

‐ 2. Un hyposignal en SWI (SusceptibilityWeighted Imaging), interprété dans lecontextecomme traduisant laprésencedesang (d’hémoglobine), sous la formede multiples petits hyposignaux arrondis pouvant correspondre à desmicrohémorragies.

‐ 3.Un hypersignal Flair (FluidAttenuatedInversionRecovery), non spécifique, etpouvant être lié à une augmentation de la teneur en eau, une démyélinisation,uneglioseouunenécrose.

Cesanomaliesdesignalsontidentiquesdansleshippocampesetlepontchezlesquatrevolontaires, ainsi que dans le cortex cérébral chez le plus sévèrement atteint. Cecisuggèrequel’atteintecorticalerelèvedumêmemécanismeetnond’uneanoxieliéeauxépisodesdebradycardie.Les anomalies de signal observées reflètent donc la présence de modificationsmicrostructurales comportant une composante vasculaire (microhémorragies) qui nesont pas spécifiques d’unmécanisme donné. Toutefois, leur topographie bilatérale etsymétrique et la présence d’hyposignaux très précoces en SWI permettent a priorid’exclure un processus inflammatoire. Cettemême topographie, tout à fait singulière,rendpeuprobableunmécanismemicrovasculaireprimitifetestdavantagecompatibleavecunprocessustoxique/métabolique.9.4.CommentairesLescirconstancesdesurvenue, lecaractèrestéréotypéet leprofilévolutifde l’atteinteneurologique suggèrent fortement la responsabilité du produit testé. Les anomaliesvisualisées par l’IRM, concordantes avec la symptomatologie clinique, suggèrentégalementfortement,dufaitdeleurscaractéristiquesdesignaletdeleurtopographiebilatérale et symétrique, un mécanisme toxique ou métabolique. L’imputabilité duproduitàl’essaidanslasurvenuedel’atteinteneurologiqueapparaîtdonccertaine.Latopographietoutàfaitinhabituelle(etpeut‐êtremêmeuniqueàcejour)deslésions(hippocampes, pont, thalamus, cortex) est un élément clef pour la recherche dumécanismeparlequellasubstancetestéeapugénérerdetelseffets.10.RecherchedesignesdetoxicitéchezlesautresvolontairesL’undesélémentslesplusfrappantsdudossierBIA10‐2474estl’absencedetoxicité(demanifestation indésirable d’intensité notable, a fortiori grave), en particulier de typeneurologique,observéechezlesvolontairesdel’essaiautresqueceuxdelacohorteMADn°5. Ceci malgré des administrations en dose unique allant jusqu’à 100 mg ou desadministrations10foisrépétéesallantjusqu’à20mg/24h,soitunedosecumuléede200mg(rappel: lesdosescumuléeschez lesvolontaireshospitalisésallaientde250à300mg).

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Chez les 76 volontaires (hors cohortes MAD) ayant reçu le verum, on notait 18manifestations indésirables, dont 11 (fréquence: 14,5%) de nature cardiovasculaire(hypotensionartérielleorthostatique, tachycardie réflexe,allongementdesespacesPRou QT à l’électrocardiogramme, etc.), ainsi que des cas de vertiges ou céphalées peusévères.Les observations étaient du même type chez les volontaires des cohortes MAD avecl’absence d’événement de gravité ou de sévérité notable et une prédominance desymptômes cardiovasculaires. A noter cependant que deux volontaires de la cohorteMAD 10 mg avaient présenté, à deux reprises, une vision floue (blurred vision). Cesépisodesayantduré,àchaquefois,entredixettrenteminutesnepeuventêtrequalifiés,en l’état, de diplopie, symptôme qui correspond, en neurologie, à une définitionséméiologique précise. De fait, cette manifestation n’a pas été considérée comme unévénementpertinentparl’investigateuretlecomitédesuividel’étudeet,n’a,dureste,pasétéretrouvéechezlesvolontairesdescohortesexposésàdesdosesplusélevées.Depuis la suspension de l’essai, l’ensemble des volontaires (en dehors de ceux de lacohorteMADn°5)auxquelsleBIA10‐2474avaitétéadministréontétérecontactéspourun bilan clinique complet et une exploration par IRM cérébrale. A ce jour, aucuneanomalie, ni clinique, ni biologique, ni à l’IRM, pouvant être en rapport avecl’administrationdelamoléculeetlesconditionsdel’essain’aétédécelée.Les données de tolérance lors des études de première administration à l’hommed’autresinhibiteursdelaFAAHsemblentavoirqualitativementlemêmeprofil(sédation,troubles digestifs, hypotension orthostatique, vertiges, etc.) avec cependantunedifférence: la fréquence des manifestations indésirables, quoique variant assezgrandementd’unproduità l’autre,apparaîtglobalementplusfaiblequedanslecasduBIA10‐2474.11.DonnéesdepharmacocinétiqueD’une manière générale, les études de pharmacocinétique menées chez l’animaln’appellentpasdecommentaireparticuliermêmesi,commec’estassezfréquemmentlecas, lapharmacocinétiquesembledevenirnon‐proportionnelle,aumoinschez lechienet lesinge,avec lesplus fortesdoses.Parexemple, les ratiosdesairessous lacourbe(AUC)etdesdosesadministrées,censésresterconstants,sontde960à0,1mg/Kgetde1886à1mg/Kg.Une étude avec administration (orale et intraveineuse) de produitmarquémontre latrèsbonnediffusionduBIA10‐2474etsontrèsgrandvolumededistribution.Les études de pharmacocinétique menées chez les volontaires des cohortes SADmontrent que la demi‐vie d‘élimination du BIA 10‐2474 s’allonge progressivementquand les doses administrées deviennent élevées; les AUC, reflet de l’exposition,augmententainsiplusrapidementquel’augmentationdesdoses.Ceci,d’unpointdevuepurementthéorique,pourraits’expliquerparl’accélérationdel’absorptionaudelàd’uncertain seuil (type rupture de barrière, facilitation du passage, induction detransporteurs, etc.), ou, beaucoup plus vraisemblablement, par une saturation desprocessusd’éliminationpourunedoseadministréecompriseentre40et100mg,sans

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qu’il soit possible de situer précisément la dose seuil à partir de laquelle s’amorce lanon‐proportionnalité.Lors des études enMAD, on observe lemême phénomène, les AUC augmentant plusrapidementquelesdosesàpartirde20mg.Onremarquesurtoutque:

‐ LadispersiondesparamètrespharmacocinétiquesentrelesvolontairesinfluencefortementlesvaleursindividuellesdesAUC,plusgrandesà50mgqu’à20mg.

‐ Toujourspour50mg,etcommecequiétaitdéjà,maismoinsnettement,observépour 20 mg, les concentrations plasmatiques résiduelles de BIA 10‐2474continuentd’augmenterlégèrementàlacinquièmeetsixièmeadministration.Leplateaud’équilibredesconcentrationsplasmatiquesnesemblantpasatteintpourcertains sujets de la cohorteMAD n°5. Ceci suggère fortement que la demi‐vied’élimination du BIA 10‐2474 est plus longue chez ces sujets que ce quepermettaient de prédire les valeurs des demi‐vies d’élimination calculéesantérieurement pour des doses uniques ou des doses répétées inférieures (10mg).Parexemple,lademi‐vied’éliminationcalculéedanslegroupeSAD100mgétait,enmoyenne,d’environ10heures,valeuraprioriincompatibleaveccequiaétéobservédanslescohortesMAD20et50mg.

‐ CommeenSAD,lanon‐proportionnalitéestdoncvraisemblableàpartirde50mgendosesrépétées.

Les quatre métabolites identifiés chez l’animal sont attendus être les mêmes chezl’homme;deuxd’entreeux(BIA10‐2639etBIA10‐2445)atteignentdesconcentrationsplasmatiquesmesurablesmaisrestantcependanttrèsfaibles(<3%decellesduproduitparent).Enl’absenced’administrationdirectedesmétaboliteseuxmêmes,ilestdifficiled’endéterminerlescaractéristiquesindividuelles.Cependant,ilsemblequelavariabilitédesparamètrespharmacocinétiquessoitplusélevéepourcesdeuxmétabolitesquecelleobservée chez l’animal, avec, par exemple, une estimation (très approximative du faitdestrèsfaiblesconcentrations)delademi‐vied’éliminationvariantde4à23heures.Cettevariabilitéaffecteégalement,maisde façonmoindre, lapharmacocinétiquede lamolécule elle‐même. Ceci est couramment observé avec les médicaments du fait devariations, entre autres de métabolisme, entre les individus; certains (qualifiésd’outliers)pouvant, vis‐à‐visde certainsparamètres, se situer trèsà l’écartdesautresmembresdugroupe.Danslecasd’uneétudedePhase1,cettevariabilitépeutdevenirproblématiquesilescalculsdeladoseàadministrersefondent,commec’estlecasici,sur lesmoyennes desmesures des paramètres clefsmesurés sur un petit nombre devolontairesdespaliersdedosesinférieures.Pardéfinition,unetelleapprocheneprendpasencomptelesvaleursextrêmesdesujetsexprimantuneréponseparticulièredontlarépartition peut varier d’un groupe à l’autre. Ceci peut être de nature à induire deserreursdeprédictionassezsignificatives(voirrecommandationsenfinderapport).12.Hypothèsesétudiéespourexpliquerl’accidentdeRennesL’accidentsurvenulorsdel’essaiduBIA10‐2474aucentreBiotrialdeRennesrevêtuncaractèreindiscutablementstupéfiantetinéditdepar:

‐ sagravité(plusieursvolontairesde lamêmecohorteayantduêtrehospitalisés,l’und’entreeuxétantdécédédanslesjourssuivantsonadmission),

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‐ le fait, qu’apparemment, les études de toxicologie, pourtantmenées sur quatreespècesanimalesjusqu’àdesdosestrèsélevées,nemontraientpasdelésionsoudetableaudenatureàprédireunetoxiciténeurologiqueparticulière,

‐ le caractère très inhabituel de la présentation clinique et radiologique del’atteinte cérébraleobservée chezplusieursvolontairesde la cohorteMADn°5,nes’apparentantàriendeconnuàcejour,

‐ le faitqu’aucunsignepatent,neurologiqueou radiologique,de ce typen’ait étéretrouvéchez lesautresvolontaires (certainsayantabsorbé jusqu’à100mgendoseuniqueou200mgendosecumuléesur10jours),

‐ enfin, le fait que cet accident soit survenu avec une molécule apparentée àd’autres composés (une dizaine) dont plusieurs ont vu leur développementabandonné du fait d’une efficacité insuffisante sans qu’aucune toxiciténeurologiqueouautren’aitétéobservée.

Sur leplande la logique formelle,une toxicitén’étantsurvenuequedans l’unedes14cohortesdevolontairesayantreçuleBIA‐2474,nepourraits’expliquerquepar:

‐ une erreur d’administration ou de procédure touchant spécifiquement cettecohorte,

‐ uneparticularitécommuneauxsixsujetsayantprésentédessignesdetoxicité,‐ uneffetliéàladosecumuléedeBIA10‐2474quecessujetsontreçue.

L’exploration de la première hypothèse n’entrait pas dans lesmissions du CSSTmaiscette hypothèse semble très peu probable. Les procédures de contrôle de la doseadministrée sont très strictesdans les étudesdePhase1.Deplus, le produit contenudanslesgélulesadministréesàtouslesgroupesdevolontairesétaitlemêmequeceluiutilisé pour les études de toxicologie et a, secondairement, été testé comme étant degrandepureté.LeCCSTs’estdoncessentiellementcentrésurlesdeuxautreshypothèses.12.1. Hypothèse d’une particularité commune aux volontaires de la cinquième cohorteMADPlusieurspossibilitésontétédiscutées:12.1.1. Hypothèsed’unecontaminationinfectieuseLa proximité de vie des volontaires d’une même cohorte et la consommationpluriquotidiennedesmêmesalimentspourraitaccréditercettehypothèse,d’autantplusque certaines infections, possibles dans ce contexte, peuvent avoir une expressionneurologique centrale. Par exemple, il existe une forme rhombencéphalitique delistériose avec une localisation des lésions pouvant évoquer celle observée à Rennes.Cettehypothèseestcependanttrèspeuplausible.D’abord,cetteformecliniqueestrarechez l’homme (la forme neurologique la plus fréquente de la listériose étant uneméningo‐encéphalite). Il aurait ensuite fallu qu’elle ne touche que les volontairesexposésauverum.Cesdeuxconditionsréalisaientunscénariohautementimprobableauplanstatistique.Enfinetsurtout,l’analysedessymptômesprésentésparlesvolontairesetcelledesimagesobservéesàl’IRMnecadrentpasaveccettehypothèse.12.1.2.Hypothèsed’uneinteractionavecd’autresproduits

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Evoquéeàplusieursreprisesdanslesjoursayantsuivil’annoncedel’accidentdeRennes,une telle interaction aurait pu impliquer des médicaments, des aliments (comme lechocolat) ou des substances «récréatives» (alcool, stupéfiants dont le cannabis, etc.).L’hypothèse«médicaments»paraîtrésolumentimprobableauvudesbonnespratiquesde Phase 1; surtout, il faudrait admettre la prise d’un ou plusieurs médicament(s)commun(s)parlessixsujetshospitalisésalorsqueceux‐ciétaientd’âges(27à49ans)etdeprofilstrèsdifférents.Une interaction, de type pharmacodynamique ou pharmacocinétique, du BIA 10‐2474ou de l’un de ses métabolites avec un aliment paraît également peu plausible. Uneanalysedelalittératuren’apaspermisderetrouverd’exempledetoxiciténeurologiquecentrale,desymptomatologiepouvantévoquercelleobservéeàRennes,attribuéeàuneinteractionmédicament/aliment,quellequ’en soit le type. Il envademêmepouruneconsommationdechocolatsparcesvolontaires(l’accidentétantsurvenudanslesdeuxsemainessuivantlesfêtesdeNoël).Lechocolatnecontientquedetrèsfaiblesquantitésd’anandamide. De plus, l’hyperstimulation du système endocannabinoïde n’est pasconnuecommepouvantgénéreruntableaudutypedeceluiobservéàRennes(voirplusloin).UnemodificationdumétabolismeduBIAparunalimentouuneboisson(agissant,parexemple,commeinhibiteurouinducteurdelavoiedescytochromesP450)nepeutêtre,enl’état,excluemaissemblepeuplausible.A ce jour, rien n’accrédite l’hypothèse d’une consommation de stupéfiants par lesvolontaires, immédiatement avant ou pendant leur séjour au Centre Biotrial. Lesrésultatsdesinspectionsetenquêtesencoursserontpertinentsdecepointdevuepourinfirmerouconforterunetellehypothèse.Cependant,endehorsdel’entorsegraveauxbonnespratiquesdePhase1(surleplandelasurveillancedesvolontairesnotamment)qu’une telle consommation, a priori collective, constituerait (il faudrait, en effet, laconsidérer commune aux volontaires hospitalisés de la cohorte MAD n°5 et, de plus,inexistantepourlessujetsdespaliersdedoseinférieurs),cettehypothèseseheurteaumêmeargumentqueprécédemment.Ilsemble,eneffet,acquisauplanneuroscientifique,qu’une stimulation, directe ou indirecte, même massive, des récepteursendocannabinoïdes, en particulier les CB1, ne saurait induire une toxicité du type decelle observée à Rennes. Même s’ils peuvent chez certains sujets induire des effetsgravesauplanpsychiatrique(parexemple,unépisodepsychotique),nilecannabis,nisaprincipale substance active, le tétrahydrocannabinol, n’induisent, mêmeexpérimentalement et à forte dose, d’atteinte lésionnelle cérébrale toxique aiguë. Enclair, une telle consommation pourrait agir, au mieux, comme cofacteur maiscertainementpascommeélémentdéclenchantet,encoremoins,constituer lacausedel’accidentsurvenu.12.1.3. Hypothèse d’une particularité génétique, de métabolisme ou de réponsepharmacologiquecommuneauxsujetsdelacinquièmecohorteMADIl existe de nombreux facteurs, entre autres génétiques, susceptibles de moduler lasusceptibilité individuelle à l’administration d’un inhibiteur de la FAAH. Par exemple,cetteenzymeexiste,nousl’avonsvusousdeuxisoformes(FAAH‐1etFAAH‐2)d’activitédifférentes.Demême,onretrouveàplusieursniveauxlesystèmedescytochromesP450dont l‘activité peut grandement varier d’un individu à l’autre. Pour séduisante qu’ellesoit,cettehypothèseseheurteaux loisde lastatistique.Pour l’exemplede laFAAH,sil’on considère que la prévalence des porteurs des deux isoformes est de 38% en

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population générale, la probabilité d’en retrouver 5 chez les 6 sujets exposés de lacohorteétaitde3chancessur100etde3chancessur1000delaretrouverchezlessixsujetsexposés.Sil’onrefaitlecalcul,cequiseraitpluspertinent,nonpasavec38%maisavec 5% (prévalence des porteurs de la seule isoforme à faible activité), les résultatsexcluent alors totalement une telle possibilité. Il en va de même pour la probabilitéd’avoir inclus, par hasard, une majorité de sujets métaboliseurs rapides dans unecohorteantérieurecequiauraitpufausserlesprédictionspharmacocinétiquespourlecalculdeladoseàadministrerauxvolontairesdelacohorteMADn°5.Il s’impose donc que la symptomatologie présentée par les volontaires de lacohorte n°5 ne peut qu’être liée qu’à la dose de BIA 10‐2474 qui leur a étéadministréedemanièrequotidienneetrépétée.12.2.Hypothèsesautourd’uneffetseuilliéàladosecumuléedeBIA10‐2474Si ce second groupe d’hypothèses apparaît beaucoup plus probable, les mécanismesenvisageables sont particulièrement nombreux, certains restant purementhypothétiques. Ils peuvent faire intervenir lamolécule ellemêmeet/ouunmédiateurcommel’anandamide.Rappelonstoutd’abordlecaractèretrèsinhabitueldecettetoxicitédose‐dépendante,apriorisanssignesavant‐coureursrapportéschezlesvolontairesayantétéexposésàdesdosesinférieures.Toutsepasse«commesiquelquechoselâchaitoubasculaitsubitementàunseuilprécisdedoseoudeconcentration».UnetelleexpressionpeutêtrecompatibleaveclefaitqueleBIA10‐2474estcaractériséparunecourbedose‐effettrèsraide(onpasse,dansuneplagedeconcentrationsassezétroite,d’uneabsenced’inhibitionde laFAAHàuneinhibitiontotaleettrèsprolongée)etparlefaitquelapharmacocinétiqueduBIAdevientnon‐proportionnellechezl’hommeàpartird’unedosesituéeentre40et100mg.RappelonségalementqueleBIAa lescaractéristiquesd’unemoléculepouvantsefixersur (et, donc, potentiellement inhiber) des hydrolases cérébrales autres que celleconstituant sa ciblepharmacologique.La spécificitéduBIA10‐2474pour laFAAHestnettementplus faiblequecelled’autres inhibiteursantérieurementdéveloppés.Ellea,deplus,étéadministréeauxvolontairesdelacohorteMADn°5àdesdosesenviron10foisplusfortesquecellesemblantinhiber,complètementetdemanièretrèsprolongée,laFAAHchezl’homme.Ilestdonctrèsprobable,pournepasdirequasi‐certainquelemécanismedel’accidentsurvenuàRennessoità rechercherendehorsdusystèmeendocannabinoïde,d’autantplusque lastimulationdesrécepteursendocannabinoïdespar l’anandamidenepeutaprioriinduireunetoxicitédecetype.Plusieursmécanismespeuventétéévoqués:12.2.1.Inhibitiond’autreshydrolasescérébralesparleBIA10‐2474Cettepisteet lasuivante(voir12.2.2)sont,depar leurplausibilitébiologique,cellesàprivilégierenpremièreanalyse.RappelonsqueleBIA10‐2474aétéadministréchezlesvolontairesdelacohorteMADn°5àunedose(50mg)probablementplusde10foisplusforte que celle inhibant complètement l’activité de la FAAH. Augmenter lesconcentrations tissulaires au delà de celles inhibant déjà complètement l’enzyme nepeut,enaucuncas,majorerl’effetpharmacologiquemaisatouteschancesdefavoriser

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(surtout avec un produit aussi peu spécifique) une fixation sur d’autres hydrolases àsérine. Ceci pourrait, par unmécanisme direct ou indirect (inconnu à ce jour), être àl’originedesatteintescérébralesobservéesàRennes.Il est intéressant de rappeler que ces atteintes n’ont apriori été observées ni chezl’animalmalgré l’utilisationdedoses très fortes,ni chez les sixvolontairesayant reçu100mg de BIA en administration unique. Elles sont survenues à partir du cinquièmejour d’une administration quotidienne de 50 mg. Ce constat n’est nullementincompatibleavecl’hypothèse:

‐ le mécanisme en cause pourrait être affecté, comme cela est assez courant entoxicologie et pharmacovigilance (toxicité cumulative, par exemple), d’unelatenced’expression,

‐ les particularités pharmacocinétiques de la molécule (pharmacocinétique nonproportionnelle, grand volume de distribution), détaillées plus haut, rendentplausible une accumulation progressive de la molécule au niveau des tissuscérébraux. Les concentrations auraient pu y atteindre un seuil déclencheur aucinquièmeousixièmejourd’administration.

Ladifférencedesusceptibilitéanimal/hommesembleplusdifficileàexpliquer.Detellesparticularités,dansunsensoudans l’autre,ont,cependant,déjàétéobservées. Iln’estpas non plus sans intérêt de remarquer que s’agissant de l’inhibition de la FAAH, lesdoses nécessaires étaient environ 10 fois plus faibles chez l’homme que ce quepermettaitd’attendrelesétudesmenéeschezl’animal.12.2.2.ToxicitéduBIA10‐2474parunautremécanismeLepointdedépartserait,commedanslescénarioprécédent,un«tropplein»deformelibredeBIA10‐2474danslestissuscérébrauxlié(1)àunedoseadministréetropfortevis‐à‐vis du blocage de la FAAH endocannabinoïde, et, sans doute, (2) auxcaractéristiques pharmacocinétiques de la molécule (cinétique devenant non‐proportionnelle,possibleaccumulationtissulaireencasd’administrationrépétée,etc.).La différence est ici que lemécanisme pathogénique ne passerait pas par l’inhibitiond’autres hydrolases à sérine mais par une toxicité insitu de la molécule vis‐à‐vis destructures cellulaires impliquées, par exemple, dans les échanges au niveau de labarrière hémato‐encéphalique. Une hypothèse crédible ciblerait le groupe «partant»imidazole‐pyridine du BIA 10‐2474 qui pourrait soit se fixer sur des protéinescérébrales, soit inhiber le système des cytochromes P450‐époxydes en entrainant unvasospasme. En effet, dans le cas du BIA 10‐2474, et contrairement à d’autresinhibiteursde laFAAH, lenoyau imidazole est situé enpositionadjacente au carboneélectrophile,siègedelaliaisonaveclaFAAH.Commeprécédemment,cettehypothèseseheurte au fait qu’aucune toxicité de ce type n’a été observée chez l’animal malgrél’administrationde fortedoses; les réponsesapportéesà cetteobjectionpeuventêtrelesmêmesqueci‐dessus.12.2.3.Toxicitéd’unmétaboliteduBIA10‐2474La toxicité de l’un des quatre métabolites identifiés en périphérie (plasma) chezl’hommeetl’animalpourraitégalementêtreenvisagée.Leurtoxicitéspécifiquen’apasététestéeparBialmaiscesmétabolitessontproduitsentrèsfaiblesquantités(<3%dela concentrationcirculanteenBIA10‐2474)mêmesi lavariabilitépharmacocinétiquesemble plus élevée chez l’homme que chez l’animal. L’ensemble des métabolitesidentifiésduBIAconserventunestructureprochedelamoléculemèreetrien,dansle

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dossier,n’apparaîtenfaveurd’unetoxicitéparticulièredel’und’entreeux.Ilest,deplus,possible(commec’estfréquemmentlecaslorsdesprocessusdemétabolisation)quecesdérivéssoientdenatureplushydrophilequeleproduitparent.Cecitendraitàrendrelefranchissement de la barrière hémato‐encéphalique plus difficile à moins d’envisagerl’existenced’untransporteurspécifiqueet/oul’inhibitiond’unepomped’effluxlorsdelamontée des concentrations circulantes en prise répétées. Cette affirmation estcependant à pondérer par le fait que Bial a indiqué avoir envisagé de développerplusieurs de cesmétabolites comme inhibiteurs de la FAAH ce qui laisse supposer aprioriunfranchissementnonnégligeabledelabarrièrehémato‐encéphalique.Reste à envisager l’hypothèse, purement théorique, d’un métabolite à fort tropismetissulaireetnonquantifiéchezl’hommedufaitd’unratiotissus/plasmatrèsélevéetdestrèsfaiblesconcentrationsplasmatiquesquienrésultent.Enfin,l’effetd’unpolymorphismegénétique,faisantparexempleproduireunmétaboliteen plus grande quantité chez certains individus, semble à exclure pour des raisonsstatistiques (il faudrait que cette particularité, si elle existe, ait affecté l’ensemble desvolontairesatteintsdelacohorteMADn°5).12.2.4.Possibilitéd’effetstoxiquesliésàl’anandamideLe blocage de l’activité de la FAAH aboutit, nous l’avons vu, à l’augmentation desconcentrations intracérébrales d’anandamide ce qui permet d’envisager plusieurspossibilités:

‐ Fixationdel’anandamidesurd’autresrécepteursL’anandamide est un médiateur dont l’ubiquité dépasse largement le systèmeendocannabinoïde. Elle est capable, d’autant plus que ses concentrationsaugmentent,d’interagiravecplusieurstypesderécepteurs(aumoinslesTRPV1,PPARetNMDA)etaveclavoiedelaMAP‐kinaseavecdesconséquencespossiblesentermesd’apoptoseetdeneuroprotection.

‐ Toxicitédeproduitsdedégradationdel’anandamideEn cas d’inhibition complète et prolongée de la FAAH, l’anandamide peut êtredégradé par la voie des cyclo‐oxygénases ce qui donne naissance à diverscomposés(leucotriènesetprostanoïdes)dontcertainsontdeseffetsconnussurla vasomotricité cérébrale pouvant être compatibles avec certaines des lésionsobservéeschezlesvolontairesdelacohorteMADn°5.

La plausibilité de ces deux hypothèses est cependant fortement questionnée par uneséried’argumentscontraires:

‐ L’administration,ycomprisàfortedose,d’anandamideoudesesanaloguesnon‐métabolisables (ex: méthanandamide) à des animaux n’est pas connue pourentraînerune toxiciténeurologique,dumoinsdu typedecelleexaminéepar leprésentrapport.

‐ Cette toxicité n’a pas été observée (ni chez l’homme, ni chez l’animal) avecd’autresinhibiteurs,afortioriplusspécifiques,de laFAAH,ycomprisavecceuxdécritscommeirréversibles,cecimêmelorsd’administrationsàdesdosesfortesetrépétées.

‐ Une inhibition, complèteetdurable,de laFAAH,etdoncapriori, leplateaudesconcentrations intracérébrales d’anandamide, semblent obtenus chez l’hommedès des doses de BIA 10‐2474 de l’ordre de 5 mg alors qu’aucune toxicité

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neurologiquen’aétéobservéechezlesvolontairesayantreçu,enadministrationsrépétées(10jours),jusqu’àquatrefoiscettedose(20mg).

13.ConclusionsduCSSTL’accident survenu chez plusieurs volontaires de l’essai mené par Biotrial apparaîtclairementliéàlamoléculetestée.Il est très peu probable que cette toxicité soit liée à la stimulation du systèmeendocannabinoïdevial’inhibitiondelaFAAH(ciblepharmacologiqueduBIA10‐2474).Un mécanisme toxique lié à l’augmentation des concentrations intracérébralesd’anandamideparaîtégalementaprioriàexclure.Dansl’étatactueldesconnaissances,laresponsabilitédel’undesmétabolitesidentifiésduBIA10‐2474neparaîtpasnonplusàprivilégier.Notonscependantqueledécalaged’apparition des effets toxiques observés dans la cohorte MAD n°5 pourrait êtrecompatibleaveclaproductiond’unmétabolitequi,dufaitd’unedemi‐vied’éliminationplus longue que celle du composé parent, pourrait s’accumuler dans le compartimenttissulaire au fur et à mesure des administrations jusqu’à ce que sa concentration yatteigneunseuildéclenchant.Nonobstant,l’hypothèseàcejourlaplusvraisemblableestcelled’unetoxicitépropredelamoléculeviasafixationsurd’autresstructurescellulairescérébralesfacilitéepar:

‐ safaiblespécificitépoursonenzymecible,‐ l’utilisationdedosesrépétéesbiensupérieuresàcellesentrainant(aumoinschez

l’homme)uneinhibitioncomplèteetprolongéedelaFAAH,et‐ sa probable accumulation progressive, au niveau cérébral, sans doute liée aux

particularités pharmacocinétiques du BIA 10‐2474. Ceci serait de nature, àexpliquerpourquoi l’accidentdeRennesn’estsurvenuqu’àpartirducinquièmejourd’administrationd’unedosede50mgetnonchezlesvolontairesayantreçuunedosedeuxfoisplusforteenadministrationunique.

Il est, à ce stade, difficile de privilégier un mécanisme de toxicité parmi les deuxsemblantlesplusprobables: inhibitiond’autreshydrolasesàsérine,ouactiondélétèredugroupement«partant»imidazole‐pyridine.Lefaitquecettetoxicitén’aitpasétéobservéechezl’animalmalgrél’administrationdedosestrèsélevéesreste,àcejour,inexpliqué.Ondoitcependantnoterque,vis‐à‐visdel’inhibitiondelaFAAH,leBIA10‐2474serévèleenviron10foisplusactifchezl’hommequechezl’animal.L’apparition brutale de la symptomatologie toxique pourrait être en rapport avec lecaractère que l’on peut jugeraposteriori «peumaniable» de lamolécule de BIA 10‐2474caractériséeparunerelativefaibleefficacité(concentrationsinhibitricesdel’ordredu micromolaire), une faible spécificité et une courbe concentration‐effetparticulièrement raide. Dans ces conditions, l’accélération peu compréhensible del’escaladedesdosesentrelescohortesMAD20et50mgavraisemblablementjouéunrôle important dans le déclenchement de l’accident. Dans cette optique, une telleaugmentation des doses était d’autant plus risquée que, du fait de la chronologied’enchainement des cohortes et des délais nécessaires aux analyses, les dernièresdonnéespharmacocinétiquesdisponiblesétaientcellesdessujetsde lacohorte10mg.

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Une telle séquence interdisait pratiquement d’adapter la dose à administrer à la vued’unenon‐proportionnaliténaissante.Ceciauraitétéencoreplusproblématiquepourladernière dose prévue initialement, soit 100 mg (dose pour laquelle lapharmacocinétique est probablement clairement non‐proportionnelle) puisquel’éventuelajustementdesécuritéseseraitfondésurlesdonnéesdelacohorte20mg.Iln’entraitpasdans lesprérogativesduCSST (contrairementauxdeux inspectionsencours)de seprononcer sur lebien‐fondéde l’autorisationde l’essaipar l’ANSMaprèsavis du Comité de Protection des Personnes de Brest. Au plan scientifique, le CSSTconsidèrecependantque:

‐ Le BIA 10‐2474 ne pouvait pas, apriori, être considéré comme un produit àrisque selon les critères listés dans les recommandations en vigueur, enparticulierleGuidelineonstrategiestoidentifyandmitigaterisksinfirstinhumanclinical trials with investigationalmedicinal products (Committee forMedicinalProductsforHumanuse,CHMP,EMA,2007).

‐ Les données transmises, notamment la Brochure Investigateur ne contenaientpasd’informations,notammentauplantoxicologique,denatureàfairecraindreun risque particulier lors d’une première administration à l’homme. Rapellonscependant que cette brochure comporte un assez grand nombre d’erreurs,d’imprécisions,d’inversiondechiffresoude traductionerronéedesdocumentssourcesquirendentlacompréhensiondifficilesurplusieurspoints.Ceciesttoutàfaitsurprenantdufaitdel’importanceréglementairedecedocument.

14.RecommandationsduCSSTpourlaconduited’essaisdepremièreadministrationdemédicamentàl’hommeLa gravitéde l’accident survenuàRennes justifieque la réglementationet les bonnespratiquesinternationalesconcernantlesétudesdepremièreadministrationàl’hommeévoluentsurplusieurspoints.Eneffet, si ledossierduBIA10‐2474et leprotocoledel’essaimenéparBiotrialrespectentlesdispositionsetlesrecommandationsenvigueurc’estplusdanslarèglequedansl’esprit.Répondreauxexigencesréglementairesnedoitfaire oublier ni les bases de la pharmacologie et de la clinique, ni la finalitéthérapeutiquedudéveloppementd’unmédicament.Cetteprééminencedelarèglesurlebonsensetlalogiquescientifiquetraduituneévolutionpotentiellementdangereuseetappelle à une prise de conscience collective. L’accident survenu à Rennes l’illustre demanièredramatique.Le CSST formule donc six recommandations qu’il souhaite voir porter devant lesinstances réglementaires européennes et internationales ainsi qu’auprès desassociationsetorganismesconcernés.

‐ 1. Tout d’abord, unmédicament est développé avec l’objectif final d’une utilitéaux plan thérapeutique et de santé publique. De ce fait, la justification et ladémonstration d’une activité pharmacologique prédictive d’une efficacité chezl’hommenepeuventêtreconsidéréescommesecondaires.DanslecasduBIAparexemple,surles63pagesdelaBrochureInvestigateurquirésumentlesdonnéesprécliniques,moins de deux sont consacrées à la démonstration d’une activitépharmacologique pour l’indicationapriori envisagée. Les tests pratiqués n’ont,

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de plus, pas permis de déterminer une dose efficace avant d’entreprendre undéveloppement préclinique et clinique long, coûteux et jamais sans risque. Cestests permettent de considérer le BIA 10‐2474 comme un produit d’efficacitépotentielle, au mieux, modeste dans l’indication pressentie, en tout casclairementinférieureàcelleduproduitdecomparaison(donnéesuppriméedelaBrochureInvestigateur).Unprérequis,indispensableàtoutdéveloppementclinique,seraitquedesétudessuffisammentcomplètesdepharmacologiepréclinique,comparativeschaquefoisque possible, soient menées précocement, en utilisant une gamme de dosessuffisammentlarge(pourétablir,quandcelaestpertinent,unecourbedose‐effet)etdemanièreàêtreprédictivesdelaréalitéd’unefutureefficacitéthérapeutique.Cette justification préalable devrait être clairement mise en exergue par lepromoteur et prioritairement étudiée lors des avis préalables (comités deprotectionoud’éthique)etdesdemandesd’autorisation.

‐ 2.Pourlesmédicamentsàtropisme«systèmenerveuxcentral»,lebilanpratiquépourlasélection,l’inclusionetlesuivicliniquedesvolontairesdansuneétudedePhase1devraitimpérativementcomprendreuneévaluationneuropsychologiqueavec entretien clinique et tests cognitifs. Ceci (non prévu dans le protocole deRennes) serait de nature à identifier des sujets potentiellement à risque et àrepérer précocement la survenue de modifications comportementales ou detroublesneuropsychologiqueslorsdel’expositionauproduitàl’étude.

‐ 3.Toutprotocoledepremière administrationà l’hommeetdePhase1devrait,

saufsicelaétaitsansobjet,prévoirquelesdosesàévaluerchezlesvolontairespuissentêtreréajustéesenfonctiondesdonnéesrecueillieschezdesvolontairesayant déjà été exposés au cours de l’essai. Ceci concerne évidemment (commecela est habituellement prévu, notamment par le protocole de Rennes)l’ajustementdeladoseenfonctiondesparamètrespharmacocinétiquesdupalierde dose précédent (en fait, du palier n‐2 dans le cas de Rennes). Ceci devraitégalementconcerner lesdonnéesdepharmacodynamie.Dans lecasduBIA10‐2474,s’ilseconfirmaitque laconcentration inhibitricede laFAAHétait10 foisplusfaiblechezl’hommequechezl’animal,lechoixd’unedosemaximaleàtesterde 100mg (20 fois la dose entrainant une inhibition complète) ne se justifiaitplusetpouvaitêtredenatureàfairecourirunrisque.Concernantl’ajustementdeladoseenfonctiondesparamètrespharmacocinétiquesmesurés,lavariabilitéetsesextrêmes,etnonuniquement lamoyennedecesparamètres,devraientêtrepris en compte dans les calculs, ceci dans une optique de précaution de type«scenariodupire».

‐ 4. Lors des essais de première administration à l’homme et de Phase 1, la

recherched’unesécuritémaximalepour lesvolontairesdevraits’imposeravanttouteconsidérationd’ordrepratique,économiqueouréglementaire.Acetitre,ilest important qu’un travail pluridisciplinaire s’engage au niveau internationalpour redéfinir les optionsméthodologiques permettant de concilier une duréed’étude restant acceptable et un niveau de sécurité optimisé. Par exemple, àl’instar de ce qui se pratique lors des études en dose unique, la séquenced’administration des doses pourrait être décalée enMAD demanière à ne pasexposertouslessujetsd’unecohorteaumêmeinstant.Demême,lachronologie

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d’enchainement des différentes cohortes devrait permettre de disposer desparamètres pharmacocinétiques des sujets du palier de dose immédiatementprécédent (n‐1); undécalageplus importantpeut se révélerproblématique encasdenonproportionnalitédelapharmacocinétiqueavecladoseadministrée.

‐ 5. Les stratégies d’escalade de doses en première administration à l’homme etPhase 1 devraient faire intervenir des considérations fondées sur le bon senscliniqueetpharmacologique.Parexemple,dansletextedel’AgenceEuropéennecité plus haut, on lit simplementà ce sujet: «Doseincreaseshouldproceedwithcautiontakingintoaccountidentifiedriskfactorsfromnon‐clinicalstudies».Nousl’avonsvu,lefacteurdéclenchantdel’accidentsurvenuàRennespourraitêtrelechoixd’unedoseàtestertropforteenfonctiondesnouvellesdonnéesrecueillieschez l’homme ainsi qu’une progression de dose devenant plus rapide dans lazonepotentiellementàrisque.Danscetteoptique,uneprogressiongéométrique(surtoutde raison2ouplus)maintenue jusqu’au termede l’escaladeneparaîtpas raisonnable. Le CSST recommande donc que les progressions de typegéométrique soient,dans lamesuredupossible, évitéesou,dumoins,que leurraisonsoitréduiteenfindeprogression.

‐ 6.Enfin,leCSSTsouhaiteraitquenonobstantlesnécessairesconsidérationspour

lapropriété industrielle,undébat, auniveaueuropéenet international, s’ouvreausujetdel’accèsauxdonnéesdesessaisdepremièreadministrationàl’hommeet de Phase 1, en cours ou ayant été antérieurementmenés. Ceci constitueraitindiscutablementunprogrèsenmatièredeprotectiondespersonnesseprêtantàdes recherches biomédicales. Par exemple, la comparaison avec les protocolesd’étudedeproduitsantérieurementdéveloppésoul’accèsfacilitéauxdonnéesdetoxicologie et de tolérance clinique permettrait une analyse comparative trèsutile, notamment lors de l’analyse d’un protocole en vue d’un avis sur sonautorisation.

VersionapprouvéeparlesmembresduCSSTavanttransmissionauDirecteurGénéraldel’ANSM(MonsieurDominiqueMartin)lelundi18avril2016.