Ranciere Mode d'Emploi Pour Une Reedition de Lire Le Capital

8/10/2019 Ranciere Mode d'Emploi Pour Une Reedition de Lire Le Capital

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Texte publi en mai 1973 dans la revue Les Temps Modernes .

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HORLIEU d i t ions

Jacques Rancire

Mode demploi pour une rdition de Lire le Capital

I N T R O U V A B L E


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Jacques Rancire

Mode demploi pour une rdition de Lire le Capital

AVERTISSEMENT

Quelques explications sont ncessaires pour prsenter aux lecteurs des Temps Modernes un Mode demploi qui se trouve ici spar du texte quil devait accompagner: au mois demai 1973, les ditions Franois Maspero mavertirent que mon texte Le concept de critique et

la critique de lconomie politique. Des Manuscrits de 1844 au Capital , supprim en 1968 deLire le Capital , allait y tre rintgr et que je devais faire parvenir au plus vite mes ventuellescorrections. Il me parut alors intressant de rflchir sur les raisons qui rendaient opportune en1973 la rdition dun texte auquel, comme bien dautres choses, lanne 1968 avait t fatale.

Dautant plus que, si jignorais alors la publication imminente de la Rponse John Lewis , biendautres signes me laissaient pressentir la grande vague de lalthussrisme rectifi que lt allait voir dferler. Jcrivis donc, avec laccord de lditeur, ce mode demploi qui voulait opposer auxrectifications de lalthussrisme un retournement qui laisst voir les mcanismes interprtatifs luvre dans mon texte et permt de sinterroger sur les rapports entre un certain mode de lecture et une certaine pratique politique.

Or un mois et demi aprs avoir remis ce texte lditeur jeus la surprise de recevoir de luiune lettre ainsi libelle : Malgr notre accord de principe, lui-mme accept spontanment par

Althusser, ladjonction de votre avertissement entrane de la part de Roger Establet dautresconditions. Il ne nous est pas possible, vous le comprendrez aisment, de nous soumettre desconditions contradictoires et, de ce fait, inconciliables.

Nous avons donc dcid, sur le conseil dAlthusser, de procder une rdition sans aucunemodification de ldition de 1965 de Lire le Capital, Tome II , suivant les termes du contrat sign entre nous et lensemble des co-auteurs en 1965.

De cette cour te explication on retiendra surtout que le droit bourgeois et la notion idologi-que de contrat, responsables de tant de forfaits dans la thorie, ne laissent pas davoir dans la

pratique quelques avantages. Pour le reste je ne veux pas gloser ici sur les raisons dun diteurqui a assurment dautres chats fouetter. Au demeurant la bonne foi de lditeur est une chose,les exigences objectives de la promotion du no-althussrisme en sont une autre. Et celle-ci pouvait-

elle bien saccommoder de ce que la surface lisse des classiques althussriens ft corne parune auto-critique pirate, mettant en question lautocritique officielle, celle que rsume ledrisoire concept de thoricisme?

En remerciant Les Temps Modernes davoir accueilli ce mode demploi, je dois prsenterquelques excuses leurs lecteurs : la destination primitive du texte requrait une certaine conci-sion et autorisait un recours lallusion qui causeront peut-tre certains endroits quelquedifficult.

J.R.

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Le texte qui suit appartient de plein droit une entreprise thorique dont je me suis efforc

ailleurs de marquer les fondements politiques ractionnaires1

. Je nai pas cru bon pour autant demopposer sa rdition : censurer ce que lon a jadis livr la circulation des crits est encoreacte de prince qui se soustrait la critique.

Il ne mchappe pas cependant que les rditions, non plus que les ides justes ou fausses ne tombent pas du ciel et que le regain dintrt manifest pour des textes en sommeil doit bienavoir quelques chose voir avec le vent de dsenchantement qui souffle dans certains milieux delintelligentsia gauchiste et qui, sil conduit les uns driver selon les pits thoriques nouvelles, enramne dautres vers un rexamen quitable des mrites des anciennes. Pour peu que celles-ci acceptent de se laciser un peu, de remplacer La Science par les sciences, LIdologie par lesidologies, de ramener la coupure la rtrospection dune pratique scientifique et de reconnatrele rle irremplaable de la lutte des classes et du mouvement ouvrier pour llaboration de lathorie marxiste, le terrain est libre o peuvent renouer un gauchisme mri et un althussrisme la page.

Le mrite paradoxal de mon texte, cest que, par la rusticit mme avec laquelle sy exprimela mtaphysique de la coupure, il pose cette mise la page quelques questions. Aussi bienme suis-je gard dapporter ses imperfections scientifiques des corrections qui nauraient eudautre effet que de masquer les enjeux thorico-politiques de cette lecture de Marx.

Celle-ci avait rsoudre le problme qui se pose toute mise en uvre, sur le texte de Marx,des concepts de la coupure pistmologique: faire concider cette problmatique, extrieure aumarxisme, avec les dclarations de rupture de Marx, le point privilgi de cette concidence tantla rupture par laquelle Marx aurait, dans LIdologie Allemande , rgl ses comptes, en mmetemps quavec les jeunes hgliens, avec sa conscience philosophique dautrefois. Lastucepropre au discours de la coupure est de voir l un rglement de comptes avec la problmatique

philosophique luvre dans les Annales Franco-Allemandes et les Manuscrits de 1844 . Maistous les textes de Marx vont lencontre de cette interprtation, depuis LIdologie Allemandequi considre la rupture comme dj effectue dans les textes des Annales Franco-Allemandes ,mais seulement masque par lusage du vocabulaire philosophique traditionnel jusquau Capitalqui valide encore la critique de la dialectique hglienne mene dans le Manuscrit de 1843 2. Etinversement la chasse aux survivances idologiques dans les textes de la maturit va si loinquelle oblige par exemple E. Balibar, dans un texte rcent, expulser de la scientificit marxistele concept de ftichisme 3. Cest que la rupture pour Marx signifie moins llaboration denouveaux concepts que le passage une autre position du discours. Sur ce point les AnnalesFranco-Allemandes ( passage de la critique du ciel la critique de la terre), les Thses surFeuerbach ( passage de linterprtation du monde sa transformation), LIdologie Allemande( passage, en homme ordinaire, ltude de la ralit ) articulent dans des registres polmiquesdiffrents une mme position stratgique : renvoi de lillusion non plus une conscience o ellese dissipe mais une base sociale que laction rvolutionnaire doit dtruire.

Illgitime en tant quil veut prendre appui sur le dit de Marx, le discours de la coupure doitalors se rfugier dans le non-dit, quitte thoriser son impuissance sous la bannire de la lecturesymptomale.

Le mode de dmonstration luvre dans mon texte peut se rsumer ceci : la critiqueopre dans les Manuscrits implique une certaine position de lobjet conomique. Or cest cetteposition qui est ruine par la critique du Capital : lanalyse de la marchandise dtruitlobjet/produit partir de quoi se dployait la critique des Manuscrits . La critique explicite de

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lconomie politique dans Le Capital est donc la critique implicite de la critique anthropologique

luvre dans les Manuscrits de 1844 . Quant aux rsistances que le texte du Capital prsenteparfois assumer cette fonction, elles sont mettre au compte du dcalage entre ce que Marx produit et la conscience quil en prend. Dispositif parfaitement rgl o toutes les questionsqui peuvent tre poses un texte renvoient toujours au seul rapport dun discours son objet ,selon les deux modalits de sa pense et de sa non-pense : rapport de lconomie un objet (letravail ) o se lit labsence dun autre objet ( la force de travail ) ; rapport des Manuscrits de 1844 lconomie politique o la critique est affecte en retour par la non-pense du dcalage entreson objet et limpens de cet objet; dplacement de lobjet explicitement critiqu par le Capital son objet implicite ; dcalage entre lobjet thorique nouveau produit par Marx (la reprsenta-tion des rapports de production) et sa non-pense de cet objet. Jeu de failles, de dcalages et desubstitutions, o lextrieur dun texte ne figure jamais que comme son impens, lequel esttoujours le pens dun autre texte. Lespace indfini dun commentaire qui, sans cesse, tire lenon-dit du dit et trouve dans leur diffrence lefficace dun autre non-dit, souvre par cette faillequi nest pas autre chose que le vieux dcalage de la conscience la conscience de soi.Lopration se ramne ainsi critiquer la conscience que Marx a de sa production thorique aunom dune autre conscience dont le privilge nest pas un instant interrog.

Histoire dont la morale pourrait snoncer ainsi : il ny a pas de critique implicite . Pour autantquun discours critique est effectivement une pratique visant transformer la conscience dunobjet, il lui est essentiel que cet objet soit explicit. La notion de critique implicite marqueprcisment le passage du discours critique dans lespace du commentaire, lequel ne fonde lapossibilit de son itration que par la suppression de la dimension stratgique des discours:dimension en jeu l ou le rapport dun discours son objet implique le rapport sa fonctionsociale, aux rapports quentretiennent avec lui les pratiques et les formes dexpression des

classes en lutte ; l o entre en compte la fonction de parole dun discours, les effets quil a produire et les effets sur lui produits non par la lutte des classes en gnral, mais par sa mise enformes discursives, formes dans lesquelles sarticulent les pratiques des classes opposes: effetssur le discours des Manuscrits de 1844 ou du Capital des formes discursives rapports descommissaires ou des procureurs, enqutes des mdecins et des conomistes, sermons, discourslectoraux, etc... dans lesquelles la bourgeoisie pense cest--dire pense--rprimer leproltariat ; mais aussi rsonance dans leur texte des formes discursives dans lesquelles le prol-tariat se pense supprimer : des voix de latelier, des rumeurs de la rue, des marchs ou deslieux dembauche aux mots dordre de linsurrection ouvrire en passant par les formes savantesde la littrature ouvrire ou populaires de la chanson des goguettes. Traces du discours den-hautou chos des voix den-bas indiquent le point partir duquel un discours critique peut tre inter-rog: celui o les enjeux de parole sont des enjeux de pouvoir. Au lieu de quoi la volont exprimedans le concept althussrien de problmatique, celle de tenir compte du rapport des objets auxobjectifs, de rflchir dans la position dun objet thorique les conditions de cette position, sesttrouve dmentie dans la pratique par un mode de lecture enferm dans le rapport dun discours son objet, quitte faire surgir de ce rapport duel la marque, dans les failles du discours, dunimpens qui reprsente son extrieur. Par quoi lextrieur nintervient jamais dans sa positivitmais toujours sous la forme du manque repr par le commentaire lintrieur du rapport duel.

Les effets de mconnaissance produits par une telle lecture sont exemplairement illustrs dansle texte o janalysais les amphibologies des Manuscrits de 1844 ( T. I, p. 113, dans lditionoriginale de Lire le Capital , Maspero, 1965) 4.

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Le support de lamphibologie, cest un sujet , le sujet homme . Pour voir comment fonctionne

ce support, tudions la phrase suivante : Nous sommes partis dun fait conomique : lalination de louvrier et de sa production.Nous avons exprim le concept de ce fait : le travail rendu tranger , alin . Manuscrits , p. 65.

La condition de la transposition critique, cest que puisse oprer la structureSujet/Prdicat/Objet. Cela est rendu possible grce lintroduction du possessif : sa production.Pour peu que lon rflchisse, cette relation dappartenance nest rien moins quvidente et,sagissant de louvrier de la grande industrie, elle na pas grand sens. Or cest cette introductionqui permet au champ des phnomnes conomiques de se centrer autour dun sujet. Ce sujet nestpas donn dans louvrier . Il est dans sa production. Autrement dit, cest le dgagement du prdicatqui dtermine le sujet.

Pourquoi ce sa , cette relation dappartenance sujet/prdicat, peut-il tre ici introduit? Cestle concept mme de production qui linduit. De ntre pas dfini scientifiquement comme il lesera dans le Capital , cest--dire situ dans un procs, ce concept en reste indiquer un acte sepassant dans la sphre dactivit dun sujet, dans un rapport sujet/objet. Plus gnralement lesconcepts de lconomie classique ( socit, produit, richesse, revenu, etc... ) parce quils ne sontpas critiqus, dterminent cette place dun sujet.

Pour peu, disais-je doctoralement, que lon rflchisse, cette relation de louvrier sa produc-tion na pas grand sens, sagissant de louvrier de la grande industrie. A supposer mme que cetteassertion soit vraie et les ouvriers de Lip peuvent malgr tout suggrer l quelque doute elleest en tout cas ct de la question. Car prcisment les ouvriers avec lesquels Marx est enrapport ( tailleurs de la Ligue des Justes ), ceux dont la voix se fait entendre comme voix duproltariat ( insurgs lyonnais de 1831, grvistes parisiens de 1833 ou 1840) ne sont pas desouvriers de la grande industrie. Pour les tisserands de Lyon ou de Silsie , pour les cordon-

niers et les tailleurs, promoteurs en France comme en Allemagne et mme dans la trs moderne Angleterre, de lunit ouvrire, pour les bnistes du Faubourg Saint-Antoine, repr-sentants typiques du proltariat combattant, le rapport de louvrier sa production a un sens trsprcis. Il dfinit non une archaque conscience artisanale mais la relation mme dans laquellese forme la conscience proltaire : relation entre le rapport lobjet impliqu par le savoir-fairedu mtier et la subordination de ce mtier aux rapports de production capitalistes: discipline delatelier pour certains, loi du march pour tous. La dpossession conceptualise par Marx esttout autre chose que le produit spontan de la rencontre entre la critique anthropologique de lareligion et lobjet de lconomie politique : elle est lcho de lexprience proltaire : expriencevcue sur le mode du dsespoir par le lithographe Serr, tu par le chagrin de voir luvre de savie ( les illustrations de La France au Moyen-Age ) lui chapper mesure quil sy exprimait 5, ousur le mode de la rvolte par les tisserands de Lyon que le tailleur Jean- Claude Romand appelle lInsurrection en ces termes:

Aux armes, patriotes et vous, braves ouvriers, qui produisez la sueur de vos fronts cesbrillants tissus dont lclat fait contraster encore davantage avec le luxe insolent des riches, leshaillons qui nous couvrent 6.

A la perte par louvrier de son objet rpond la revendication de louvrier Prin, insurg de juin 1848 : Il est urgent de voir le produit de nos travaux 7. Comme louvrier dshumanis etdevenu objet rpondra trente ans plus tard encore louvrier tailleur devenu loque immonde dePottier 8. Et il nest pas jusqu la rencontre de la critique de la religion avec la dpossessionproltarienne qui nait quelque chose voir avec la religiosit des ouvriers de 1848 : religiosit

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dont le principe est chercher moins dans une vieille dvotion ou une sentimentalit de jeunesse

que dans la fonction paradigmatique exerce par la figure matrielle du Christ: charpentier clousur la croix 9.On voit clairement l lopration politique effectue par ma lecture : l o Marx articule, dans

le registre dune philosophie dtermine , les mots dordre de la lutte des proltaires, elle neconsent voir que leffet produit sur son discours par la rflexion spontane de son objet ( leconcept conomique de production). Effet idologique qui nest renvoy aucune autre causeque le manque de la science. Et voil pourquoi votre fille est muette : parce que vos proltairesle sont.

Ds lors quun mode de lecture chasse du texte quil sapproprie lefficace de la lutte desclasses, il importe assez peu que celui-ci soit entirement pass sous silence ou quil soit polimentreconnu. Reconnaissance polie dont on trouve un exemple dans un texte dAlthusser rcemmentpubli en Angleterre 10. Selon ce texte, cette efficace se manifesterait dans les Manuscrits de 1844par le dcalage entre des positions politiques proltariennes et des positions philosophiquesencore petites-bourgeoises : contradiction insupportable entre un objet thorique enferm dansses limites et des positions politiques incompatibles avec lui. Mais o, sinon dans lespace ducommentaire, se marque cette contradiction? Pas dans le texte de Marx qui, par la rsonancemme dans le discours de la philosophie berlinoise des voix du proltariat, montre assez que laclture thorique dun discours ne signifie pas pour autant une limite ses possibilits darticu-lation. La contradiction nest pas plus entre ce discours et son extrieur. Car si cette articulationentre un mode dinterprtation thorique et une position politique pose quelque question auregard de ce que Engels, Kautsky, Staline, Brejnev, Marchais et quelques autres nous ont appristre des positions proltariennes, il reste dmontrer son incompatibilit avec les formes danslesquelles les proltaires combattants pouvaient penser et dire leur lutte, dmontrer que la

centralit thorique du concept dhomme est incompatible avec un mouvement ouvrier qui,quarante ans plus tard, proclamera encore (Pottier toujours) : Linsurg, son vrai nom cestlhomme 11. On peut au contraire et Marx nous indique la voie dans certaines de ses remarquessur les utopistes 12 sefforcer de penser la relation selon laquelle le mouvement o une classese rvle elle-mme trouve son cho dans des discours de la rvlation o la forme syst-matique et lorigine des concepts importe moins que ce quils servent manifester : le travailcomme principe de la richesse, lconomie politique comme discours cynique dune classe surune autre, la servitude comme passagre et lavnement venir de la rpublique des travailleurs. Sans doute, simpatiente ici le discours de la science, mais indice nest pas concept et refletnest pas science. A quoi lon peut peut-tre rpondre qu chaque circonstance de la lutte desclasses correspond une certaine position de la science, du rapport entre son objet et ceux de laperception et de la production, du partage qui sy opre entre le visible et linvisible, le ph-nomne et la loi etc... La science du Capital nest possible, jy reviendrai, que sur la base de ladfaite ouvrire entre 1848 et 1851, et si la concidence du produit du travail et de lobjet de lascience apparat certains comme le pur produit de la rencontre entre la philosophie idalisteallemande et lconomie politique anglaise, ils pourront peut-tre mditer utilement sur lextra-ordinaire projet prsent laube de notre sicle par Fernand Pelloutier: celui de muses du travailqui mettraient sous les yeux des ouvriers la substance mme de la science sociale : les produitset leur histoire, muses o dans la matrialit tale des produits et des statistiques, les travail-leurs pourraient lire leur dpossession quotidienne, lexploitation perptue en dpit des grveset des lois ouvrires et la rvolution ncessaire, acqurant ainsi une science conomique que

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pourraient leur envier maints conomistes de lEcole 13 . Savoir si cette science et si la conscience

des insurgs de Lyon et de Paris taient elles-mmes conformes aux normes proltariennes estune autre affaire qui nous renvoie aux douteuses rtrospections dune conscience proltariennesouveraine 14. Les insurgs parisiens de 1848 qui se rclamaient indistinctement de Cabet ou deBlanqui, de Barbs ou de Proudhon ne sont pas morts de leurs contradictions mais des balles dela bourgeoisie.

Ces remarques sommaires doivent pourtant suffire indiquer que les enjeux discursifs des Manuscrits de 1844 , et notamment ceux qui tournent autour de sa production , ne se jouent pastout fait sur la scne o ma lecture les plaait et que les notions de terrain, changement deterrain, etc... requirent un peu plus de srieux. Faute de quoi le discours de la science se trouvepig au point mme o prtend prendre appui son travail de dnonciation de lidologie . Cequi arrive exemplairement dans ma lecture du ftichisme : celle-ci voit dans la manifestation/dissimulation des rapports de production qui rduit lobjet conomique ltat de fantme et lesujet la fonction dillusion, la rfutation pratique de tout le discours de lalination. Je ninsistepas ici sur la signification politique dune telle lecture qui rduit bourgeois et proltaires au mmestatut dagents de la production, ncessairement mystifis par leur pratique mme dagents. Ensomme : les ides fausses viennent de la pratique sociale. Je ninsiste pas non plus sur les textesqui, dans le Capital , contredisent cette figuration, ceux notamment qui nous renvoient cetantre du capitaliste o les illusions se dissipent, o bourgeois et proltaires, dans leur oppositionquotidienne, peroivent fort bien ce qui accrot la valeur des marchandises: le travail non pay.Le mouvement est assez clair qui, dans le Livre I, renvoie des illusions de la circulation aux vritsdouloureuses de la journe de travail, et, de l, la constitution des rapports de productioncapitalistes. Mais je veux men tenir au seul dispositif thorique o je prtendais lire les dpla-cements de lidologique au scientifique. Car par quel miracle le texte du Capital prsente-t-il un

tel espace o peuvent se lire les dplacements et les carts qui constitueraient lefficace de lacoupure? Sinon parce que le discours idologique des Manuscrits et le discours scientifi-que du Capital rflchissent un mme principe thorique: celui qui pose en un seul et mmeprocessus la constitution dun objet et la constitution de son illusion ? Mcanisme qui occulteprcisment les conditions dans lesquelles les rapports de production sont perus diffrentielle-ment par des agents qui ne sont agents de la production que pour autant quils sont en mmetemps agents de la lutte des classes. Nous avons bien affaire un dplacement concernant le lieuet le statut de lillusion, mais celui-ci ne touche pas son concept mme: lidentit entre lesconditions de position dun objet et les conditions de sa pense ft-elle inverse. Le mme principeest luvre travers toutes les rorganisations de la problmatique de Marx. Dans les textesde jeunesse, le principe spculatif (lillusion dobjectivit ) redouble le processus de lalination( perte du sujet dans son objet). Dans LIdologie allemande , la division du travail est en mmetemps le principe de la lutte des classes et celui du discours des idologues, lequel ne fait queredoubler , dans labstraction de son objet, sa propre sparation avec la ralit. Dans Le Capital ,le discours de lillusion nest plus le produit dune sparation mais il est toujours le simple redou-blement dun processus dillusion qui est le processus mme de constitution de la ralit. La posi-tion de la science se fait par le mme mouvement par lequel se posait le discours critique.

Aussi est-ce juste titre quEtienne Balibar critique, dans larticle dj mentionn, la pratiquepar laquelle Lire le capital faisait du ftichisme le principe dune thorie de lidologie qui auraitpour objet scientifique le concept de sujet. Mais son analyse semble bien naboutir rien dautrequ un rejet du ftichisme du mauvais ct de la coupure, une nouvelle ligne de partage

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sparant le contenu de la pratique scientifique du discours idologique sur la science. Or reculer

ainsi indfiniment la ligne de partage de lidologique et du scientifique, on escamote toujours lenud politique que constitue justement la position de la science. Position qui, dans Le Capital , apour principe essentiel de replacer au cur mme de la ralit un mcanisme dillusion que

LIdologie allemande localisait dans la marginalit petite-bourgeoise. Les textes de 1845-1847opposaient aux illusions petites-bourgeoises la lucidit des classes matriellement engages dansla lutte. La science tait science dun monde rel, surface sans profondeur, o lidologie faisaitfigure dexcroissance. Si Le Capital , au contraire, lie la fonction de la science linversion nces-saire du mouvement rel de la production dans la ralit perue par ses agents, cest en fonctiondune coupure politique: la dfaite du proltariat dans la rvolution de 1848. L o sannonait,avec lexplosion rvolutionnaire et le face--face entre les classes, lapparition de la vrit nuede lhistoire, sest joue ltrange tragi-comdie de la reprsentation politique : trahison du pro-ltariat par des reprsentants grims en Montagnards de 93, espiglerie du suffrage universeldans lavnement de Louis-Napolon: la rpublique trompeuse et trompe met au centre de larflexion politique rvolutionnaire la mise en cause de cette scne de la reprsentation politique.Ce mouvement qui part du donjon de Vincennes, do Blanqui adresse au Banquet desTravailleurs Socialistes un texte tonnant sur la parodie quarante-huitarde de 93 15, devient travers dfaites et proscriptions laxe mme de la rorganisation de la problmatique rvolution-naire. Rorganisation qui seffectue selon deux versants. Le premier est celui de la rhabilitationdu multiple : critique philosophico-politique du dualisme reprsentatif qui restaure lindividuel auprincipe de la rvolution (Herzen : Le dualisme, cest la monarchie 16 ) ; rve politico-mili-taire dune France hrisse de travailleurs en armes (Blanqui : Avis au Peuple 17 ); rve fd-raliste de la lgislation directe par le peuple ( Rittinghausen) 18, dun monde de communes etde groupes de producteurs autonomes (Proudhon, en attendant Varlin ). Chane o vient aussi

sengrener le retour aux anciens dieux potique (Louis Mnard, insurg et principal tmoin charge de Juin ), philosophique ( Thogonie de Feuerbach, en attendant Nietzsche ), historique(Michelet: La Sorcire ) et qui se boucle dans lattente prophtique de la barbarie rgnra-trice des hordes venues de lEst ( Curderoy: La rvolution par les Cosaques ).

Lautre versant est celui qui reconduit de lespace de la reprsentation au dispositif qui lasoutient. Mouvement quexemplifie la dmarche de Marx 19 . Il est ais de reconnatre dans saproblmatique leffett de la coupure de 1848 : dune part, le travail de la science reoit une auto-nomie impensable pour le discours critique antrieur de lanalyse politique, affirme en 1850,selon laquelle le recul de la crise conomique rend invitable le reflux de la rvolution: le mou-vement de la science nest plus contemporain dun mouvement historique de rvlation. Dautrepart, le rapport entre les trois termes de la science, de la ralit et de lillusion est boulevers parla leon de lextraordinaire pantomime de 1848 o, par les mirages de la reprsentation, chaqueclasse sest trouve faire la tche de sa voisine, o les hommes au pouvoir ont revtu les costumesdune autre scne politique pour reprsenter les intrts inverses de ceux quils taient censsreprsenter, o le suffrage universel a trouv son expression dans un hiroglyphe indchiffrablepour la raison des gens civiliss 20 . Lcart nest plus entre la ralit et les illusions des lidolo-gues mais entre une scne de la ralit qui est celle de la reprsentation et le dispositif qui lasoutient. Cest la politique qui impose ce dplacement partir duquel le mcanisme de lillusion,repli dans LIdologie allemande , va se dployer nouveau. Les luttes de classes en France etle Dix-huit Brumaire , en tmoignent, o les espigleries de la reprsentation sont analyses dansles catgories de la fantasmagorie religieuse, o Louis-Napolon reprsentant des paysans

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parcellaires, rejoue, dans un dplacement qui transforme les concepts en jeu, la fable de ltre

suprme, lev au-dessus des hommes par lgosme qui empche le genre humain de se posercomme tel. Cette rupture politique qui creuse lespace de la ralit impose un autre mode delecture du texte de la science conomique bourgeoise, o celui-ci nest plus miroir obscurci rendu sa transparence par une opration critique qui lui fait avouer tout ce quil a dire, mais rin-scription dans lespace dune certaine rationalit de lcriture fantastique de la marchandise, dontle principe est produit ailleurs. Le ftichisme de la marchandise ne reproduit pas lalination delhomme. Il ne produit pas davantage sa critique: cest la lutte des classes qui a spar science etrvlation.

Coupure mal assure pourtant et, dans le texte du Capital , sans cesse dnie par sa formula-tion : trange dissimulation en effet qui se ralise invariablement dans la forme dune inversion.Miroir encore, et peu dformant au demeurant, sil ne fait que mettre les pieds la place de latte. Alors? Survivance idologique? Reproduction dans le rapport soi de la science du rapportde lidologie son objet? Dtournement des concepts par les mots dans lesquels les contraintesde la production thorique les obligent sexprimer? En somme: provocation dlmentstrangers la classe des concepts scientifiques. Comment sen dbarrasser?

Peut-tre est-il permis, selon un dplacement classique, de demander: pourquoi faut-il sendbarrasser ? Question dont la rponse est clairement nonce dans le premier chapitre duCapital , lorsque Marx, pour rendre compte du ftichisme, compare la forme capitaliste de larpartition du temps de travail social avec dautres formes sociales : variations dont la dernireest celle-ci:

Reprsentons-nous enfin une runion dhommes libres travaillant avec des moyens deproduction communs et dpensant daprs un plan concert leurs nombreuses forces individuellescomme une seule et mme force de travail social. Tout ce que nous avons dit du travail de

Robinson se reproduit ici, mais socialement et non individuellement Les rapports sociaux deshommes dans leurs travaux et avec les objets utiles qui en proviennent restent ici simples et trans-parents dans la production aussi bien que dans la distribution 21.

Le reflet religieux du monde rel ne pourra disparatre que lorsque les conditions du travailet de la vie pratique prsenteront lhomme des rapports transparents et rationnels avec sessemblables et avec la nature. La vie sociale, dont la production matrielle et les rapports quelleimplique forment la base, ne sera dgage du nuage mystique qui en voile laspect que le jour osy manifestera luvre dhommes librement associs, agissant consciemment et matres de leurpropre mouvement social 22 .

Hommes librement associs, transparence des rapports sociaux tant didologie au frontis-pice de la science. A moins que lon ne prfre se voiler les yeux, on naura gure de mal percer ici le secret du ftichisme. Assurment cest une fort mauvaise thorie de lidologieque cette reprsentation dune auto-dissimulation des rapports de production qui masque lesconditions de formation des ides justes comme des ides fausses. Mais aussi bien le ftichismenest-il pas du tout une thorie de lidologie objet non du discours de Marx mais de sa lecture

mais le reprsentant thorique du mot dordre o se concentrent les rves dmancipation descombattants proltariens : lassociation des producteurs libres, rve proltaire mille fois mis lessai depuis cet automne de 1833 o les tailleurs en grve de Paris voulurent tre leurs propresmatres. Le ftichisme reprsente dans la thorie, cest--dire en termes de conditions de connais-sance et de mconnaissance , cet autre monde, port par la lutte proltaire, qui rend son objetpensable 23 . Cest de ce point, reprsentation idologique dune visibilit absolue des rap-

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ports de production, que reoit son statut linvisible de la science. Cest de l quest nonable le

fonctionnement des rapports de production capitalistes et possible sa science24

. Idologieassurment : rves de producteurs librement associs, de monnaie supprime, de simplesouvriers semparant de la machine administrative, de cuisinires grant les affres de lEtat. Il fautbien sy faire: limpuret de la science ne tient pas seulement aux survivances de philosophiesanciennes mais son principe mme: lide de la rvolution est passablement idologique. Et sila marchandise o sillustrent les fantasmagories de la valeur se trouve tre un habit, les ouvrierstailleurs grvistes de Paris, militants de la Ligue des Justes, tailleurs fraternels de Clichy doiventbien y tre pour quelque chose, et aussi ces canuts de Lyon qui tissent en mme temps la paruredu riche et le linceul du vieux monde.

Le concept de ftichisme marque ainsi une rupture historique dans un double mouvement :lun qui va de la reprsentation la science de sa mise en scne, de la perception des agents dela production proltaires compris la science de leur aveuglement ; lautre qui renvoie cettescience limage du futur porte par la lutte des proltaires. Appel du visible de la perception linvisible de la science et de cet invisible la reprsentation de visibilit qui lui donne son sens.Double renvoi o se marque la double gnalogie du concept du ct de la philosophie bourgeoiseet du ct de la lutte proltaire , o se rflchit aussi le double rapport politique de Marx auxouvriers en lutte: impatience devant ces ouvriers parisiens, autodidactes et moralisateurs, entichsdassociations, de banques populaires et de cuisines coopratives, admiration pour ces mmesouvriers montant lassaut du ciel et semparant de la machine de lEtat.

A partir de l on voit aisment comment ce concept peut tre rabattu soit du ct du sentimen-talisme de lalination, soit du ct du pdantisme de la science. Ma lecture se tenait sur ce petitthtre o la critique de lhumanisme ou de la thorie idaliste du sujet pauvres pouvan-tails moineaux thoriques donnait toute son extension la figuration scientiste du ftichisme:

reprsentation dun monde dagents enferms dans lillusion par cela seul quils participaient aumcanisme de la production capitaliste. De cette reprsentation il ne suffit pas de dire quelle taitlauto-justification dun travail de commentateur, par des prestiges de la Science . Car elle nerenvoie pas seulement lattitude rpressive de la science vis--vis des voix ncessairement idologiques des opprims et des rvolts, mais plus profondment aux reprsentations para-noaques du pouvoir. Que la perception et la parole spontanes des agents de la production soientle rsultat dune machination des rapports de production, absents du champ de la ralit, celaexprime, dans les formes discursives propres la philosophie, la mise-en-scne paranoaque dupouvoir et en particulier du pouvoir proltarien (rvisionniste ) qui fait de chaque expres-sion spontane de ces agents le produit dune machination venue de lextrieur. Les agents de laproduction sont ncessairement dans lillusion, proclame mon texte. La spontanit nexistepas , proclame la. CGT en commentaire lassassinat de Pierre Overney. Point o le discours dela science vient rencontrer le pouvoir proltarien et les milices patronales 25.

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Il ny a pas de lecture innocente, dclarait la Prface de Lire le Capital : nous sommes coupa-bles davoir lu Le Capital en philosophes. Pch avou, demi pardonn, et dont la confessionesquive des questions plus redoutables. Les remarques qui prcdent voulaient montrer que lacompromission dune lecture la mienne engage autre chose que son appartenance unediscipline dtermine parmi celles qui senseignent dans les coles : sa place dans le systme des

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pratiques discursives du pouvoir. Elles nentendaient point enfermer la rfutation dun discours

dans la clture dun autre, mais faire jouer son gard certains soupons que la pratique socialea permis de mettre jour. Soupon que la fonction dun discours thorique se joue sur une autrescne que celle de son rapport son objet et se trouve ainsi affecte, dans le corps mme dutexte, par des coupures autres qupistmologiques, coupures tranches par les armes, plaiesouvertes de printemps ouvriers poignards ( Juin 1848, Mai 1871) ; que certains concepts repr-sentent des vnements fussent-ils de parole plus quils ne dsignent des objets. Souponquil nest pas de lieu o la science et lidologie puissent se comparer, sinon toujours unecertaine idologie. Soupon quil nest pas de lecture de Marx qui puisse se dispenser dnoncerses principes politiques et notamment son rapport aux pouvoirs qui se rclament du marxisme.Retournement, en somme, du vieil adage dEngels, indfiniment psalmodi par le chur dessages rvisionnistes : Quelle absurdit de prendre son impatience pour un argument thorique!Ces remarques voulaient indiquer le principe dune autre lecture qui prcisment verrait dans toutargument thorique larticulation dune certaine impatience. Impatience dont le principe serait chercher dans la dtermination dune certaine in-tolrance: du pouvoir de la science, des masses

Ces soupons, pas plus qu la restauration des ples philosophies de lalination ne voudraientconduire des rectifications qui remettraient sur ses pieds une lecture dont le noyau rationnelpourrait toujours tre utile (lhumanisme, parat-il, fait encore des ravages ). Modestie scien-tifique des erreurs pas pas corriges ou modestie politique de lutilit militante masquentce qui est maintenant en question: le statut des textes comme instruments et enjeux de pouvoir:question, si lon veut, du plus-de-pouvoir produit par lappropriation dun texte. Il nentrait pasdans mes ambitions de la dvelopper ici mais seulement dempcher, par un certain drglementde la lecture, que se referme le cercle de sa mconnaissance : erreur corrige, bas repris, raisonremise sur ses pieds Ce mode demploi voulait indiquer comment ne pas tourner une page.

Mai 1973. Jacques Rancire

Notes

1. Sobre la teoria de la ideologia ( la politica de Althusser) in Lectura de Althusser, Ed. Galema, BuenosAires, 1970. La version franaise de ce texte a rcemment t publie par LHomme et la Socit , Janvier-Fvrier-Mars 1973.

2. On pourra aussi mditer sur lhistorique dEngels qui, aprs avoir situ dans les textes des AnnalesFranco-Allemandes laffirmation de la nouvelle conception du monde, expose comment Marx et lui onteu ensuite lobligation de donner leur conception une base scientifique. (Quelques mots sur lhistoirede la Ligue des Communistes. Marx-Engels : Textes sur lorganisation. Spartacus, p. 19 ).

Sans doute objectera-t-on que la dtermination de la coupure nest pas chercher dans ce genredhistorique mais dans la diffrence objective de la pratique scientifique marxiste aux pratiques idologi-ques quelle remplace. Mais le concept de coupure na justement pu fonctionner comme il la fait quenarticulant la diffrence entre deux types de discours avec le geste individuel dune rupture. Il ne lui suffitpas de marquer par exemple la diffrence de la problmatique du Capital la problmatique ricardienne.Il lui faut manifester comme rupture dans lhistoire intellectuelle de Marx le processus de production de

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cette diffrence. Cest que le discours de la coupure raconte toujours une histoire difiante: comment onvient la science ; et plus particulirement : comment de jeunes intellectuels petits-bourgeois viennentau communisme scientifique. Leon bien ncessaire, comme on sait par les temps qui courent.

3. E. Balibar. Self Criticism: An Answer to Questions from Theoretical Practice. TheoreticalPractice, 7/8, Janvier 1973 (ce texte a t repris dans La Pense daot 1973 sous le titre: Sur la dialec-tique historique. ). On le verra, je ne critique pas largumentation, bien fonde mon sens, de Balibar,mais la faon dont elle masque les enjeux politiques impliqus dans le concept de ftichisme et dans soninterprtation.

4. Dans lEdition 1973 (Petite Colection Maspero, ce texte se trouve au Tome III, p. 22 ).5. A. Vinard, Mmoires pisodiques dun vieux chansonnier saint-simonien , Paris, 1879, p. 216.6. Jean-Claude Romand, Confession dun malheureux , Paris, 1846, p. 80.7. Archives Historiques du Ministre de la Guerre. Insurrection de juin 1848. Dossier 165.8. Je fus bon ouvrier tailleurVieux, que suis-je ? Une loque immonde.Cest lhistoire du travailleurDepuis que notre monde est monde. Jean Misre (1880 ), uvres Compltes , F. Maspero, 1966.9. Pottier, Lesufs de Pques , uvres p. 44.10. Louis Althusser, The conditions of Marxs Scientific Discovery, Theoretical Practice 7/8, Janvier

1973. Ce texte est dat de Juillet 1970.11. Linsurg (1884 ), uvres, p. 152.12. Je renvoie ici aux analyses de Marx sur Fourier et Cabet dans LIdologie Allemande (Editions

Sociales, p. 508).13. Histoire des Bourses du Travail , Gordon and Breach, 1971, p. 185. Cest moi qui souligne.14. Autre paradoxe pour lhistoire apologtique: cest partir du moment o ils ont nonc leurs posi-

tions philosophiques proltariennes que Marx et Engels commencent dsesprer des cordonniers et destailleurs, voir dans lidologie de masse des secteurs les plus avancs du proltariat le produit de contre-

bande du socialisme vrai et remettre leur esprance un proltariat encore venir. Cf. notamment lalettre dEngels Marx de dcembre 1846. Correspondance , Editions Sociales, T.I., p. 440.15. Banquet des Travailleurs Socialistes, Paris, 1849.16. Almanach de lexil. Londres, 1854.17. Ce texte, crit Belle-Ile en 1852 a t publi avec dautres indits de Blanqui dans La Rvolution

de 1848 , 1925 T. XII, p. 552.18. La lgislation directe par le peuple et la vritable dmocratie , Paris, 1850.19. Il vaudrait la peine de chercher si lon ne retrouve pas ce mouvement dans la restauration du

matrialisme et notamment le dveloppement dune psychologie matrialiste dans lAllemagne daprs1848 (Moleschott, Wundt, etc... ). Que les deux mouvements ne soient pas ncessairement antagonistes estillustr par lvolution qui, en mme temps, ramne le vieux Feuerbach la rhabilitation du poly-thisme et le conduit sintresser aux fondements physiologiques de la reprsentation.

20. Les Luttes de classes en France , Editions Sociales, 1948, p. 72.21. Le Capital , Editions Sociales, 1959 T.1., p. 90;22. Ibid ., p. 91.23. Parler de ce que le ftichisme reprsente peut ici prter ambigut. Je ne veux pas dire bien sr

que la ftichisation des rapports de production reprsente laspiration des proltaires, mais bien que la thoriedu ftichisme, comme thorie de la mconnaissance, dsigne linverse comme condition de possibilit dela science la lutte des proltaires et son idal : lassociation des producteurs libres. Lambigut de laformulation nous renvoie peut-tre un dplacement de la lecture : l o lon a cherch voir une thoriepositive de lillusion sociale ( rification lukacsienne, thorie althussrienne de lidologie etc... ) ne faut-il pas plutt voir la dsignation par la science marxiste de ses conditions de possibilit: emblme dunescience plus que concept de son objet?

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24. Il faut dire plus exactement que la science du Capital est possible partir de deux points dintelli-gilibit, tous deux poss par la lutte des proltaires: le rel de la journe de travail et de la lutte salariale,qui permet dnoncer le concept de plus-value, et limaginaire de lassociation des producteurs libresreprsent dans le concept de ftichisme. Double point de la lutte salariale et de labolition du salariat, lislun lautre par des pratiques de lutte comme celles des ateliers de grve des tailleurs et des cordonniersparisiens de 1833. Penser la plus-value comme objet de la science en rejetant le ftichisme dans lidologie,cest poser le salariat sans son abolition, cest fonder une certaine science, corrlative dune certainepolitique : science et pratique dune lutte des classes rduite un conflit dintrts conomiques, toujoursamnageable par la concertation en attendant dtre rsolu par la collectivisation des moyens de produc-tion . Se dbarrasser du ftichisme en le rejetant dans lidologie , cest effectuer une opration delecture strictement corrlative de la mise jour qui a rcemment fait disparatre des statuts de la C.G.T. larfrence labolition du salariat.

25. Ces remarques sont bien sr unilatrales et une analyse complte de lidologie porte par mon texteen marquerait le caractre contradictoire: cette thorie de lillusion traduisait aussi le refus de certainescamelotes rvisionnistes, non seulement lhumanisme concret , mais aussi la thorie de lintellectuelcollectif. Mais cette position, incapable de sarticuler comme critique politique pratique, retombait dumme coup dans une autre figure du rvisionnisme.


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Ranciere Mode d'Emploi Pour Une Reedition de Lire Le Capital

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