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BORéAL Gérard BOUCHARD RAISON ET DÉRAISON DU MYTHE Au cœur des imaginaires collectifs

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Gérard BOUCHARDraison et déraison du mytheAu cœur des imAginAires collectifs

Il existe dans toutes les sociétés, celles d’aujourd’hui comme celles d’hier, des valeurs et des croyances qui en viennent à exercer un tel ascen-dant qu’elles s’imposent aux esprits. D’origine religieuse ou non, elles jouissent d’un statut qui leur permet d’échapper en grande partie à la contestation. Toute remise en question est perçue comme une profa- nation. Ainsi, qui voudrait rejeter les libertés civiles en Angleterre, l’égalité des citoyens en France, le droit de propriété aux États-Unis, ou bien l’égalité des races en Afrique du Sud, ou encore l’égalité homme-femme au Québec ? Baignant dans l’émotion et la sacralité, ces valeurs sont devenues intouchables. Par quel chemin y sont-elles arrivées ?

En d’autres mots, comment naît un mythe ? Comment accède-t-il à la sacralité ? Comment se diffuse-t-il et assure-t-il sa reproduction ? Comment vient-il à décliner ? Quel rôle y jouent, d’un côté, les forces de l’inconscient et, de l’autre, les acteurs sociaux ? Et pourquoi ne porte-t-on pas davantage attention à ces représentations puissantes qui expriment les sentiments les plus profonds d’une société, qui nourrissent les identi-tés, les idéologies, qui structurent les visions du passé et de l’avenir, qui inspirent les choix collectifs et balisent le débat public ?

Gérard Bouchard a été coprésident de la commission Bouchard-Taylor sur les pra-tiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Il est un des penseurs les plus influents du Québec moderne. Il est l’auteur de nombreux livres, dont Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, essai d’histoire comparée (Boréal, 2000, Prix du Gouverneur général).

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Gérard BOUCHARDRAISON

ET DÉRAISON DU MYTHE

Au cœur des imaginaires collectifs

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Les Éditions du Boréal4447, rue Saint-Denis

Montréal (Québec) h2j 2l2

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raiSon et DÉraiSon Du Mythe

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du même auteur

essais

Le Village immobile. Sennely-en-Sologne au xviiie siècle, Plon, 1972.

Les Saguenayens. Introduction à l’histoire des populations du Saguenay, xvie-xxe siècles (en collaboration), Presses de l’université du Québec, 1983.

Histoire d’un génome. Population et génétique dans l’est du Québec (avec Marc de Brae-keleer), Presses de l’université du Québec, 1991.

Pourquoi des maladies héréditaires? Population et génétique au Saguenay–Lac-Saint-Jean (avec Marc de Braekeleer), Septentrion, 1992.

Quelques Arpents d’Amérique. Population, économie, famille au Saguenay, 1838-1971, Boréal, 1996.

Tous les métiers du monde. Le traitement des données professionnelles en histoire sociale, Presses de l’université de Laval, 1996.

La Nation québécoise au futur et au passé, VLB éditeur, 1999.

Dialogue sur les pays neufs (avec Michel Lacombe), Boréal, 1999.

Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, Boréal, 2000; coll. «Boréal com-pact», 2001.

Les Deux Chanoines. Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx, Boréal, 2003.

Raison et Contradiction. Le mythe au secours de la pensée, nota Bene/CeFan, coll. «Les conférences publiques de la CeFan», 2003.

La Pensée impuissante. Échecs et mythes nationaux canadiens-français (1850-1960), Boréal, 2004.

La culture québécoise est-elle en crise? (avec alain roy), Boréal, 2007.

Fonder l’avenir. Le temps de la conciliation (avec Charles taylor), rapport de la Com-mission de consultation sur les pratiques d’accomodement reliées aux différences culturelles, Gouvernement du Québec, 2008.

L’Interculturalisme. Un point de vue québécois, Boréal, 2012; coll. «Boréal compact», 2014.

(Cette liste n’inclut pas les ouvrages dirigés ou codirigés par l’auteur.)

romans

Mistouk, Boréal, 2002; coll. «Boréal compact», 2009.

Pikauba, Boréal, 2005.

Uashat, Boréal, 2009.

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Gérard Bouchard

raiSon et DÉraiSon Du Mythe

au cœur des imaginaires collectifs

Boréal

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© Les Éditions du Boréal 2014

Dépôt légal: 3e trimestre 2014

Bibliothèque et archives nationales du Québec

Diffusion au Canada: DimediaDiffusion et distribution en europe: Volumen

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Bouchard, Gérard, 1943-

raison et déraison du mythe: au cœur des imaginaires collectifs

Comprend des références bibliographiques et un index

isbn 978-2-7646-2335-0

1. Mythe. 2. représentations sociales. i. titre.

bl304.b68 2014 201’.3 c2014-941514-1

isbn papier 978-2-7646-2335-0

isbn pdf 978-2-7646-3335-9

isbn epub 978-2-7646-4335-8

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introduction 7

introduction1

il existe dans toutes sociétés, celles d’aujourd’hui comme celles d’hier, des valeurs et des croyances qui en viennent à exercer un tel ascen-dant qu’elles s’imposent aux esprits. D’origine religieuse ou non, elles jouissent d’un statut qui leur permet d’échapper en grande partie à la contestation. toute remise en question est perçue comme une profanation. ainsi, qui voudrait rejeter les libertés civiles en angle-terre, l’égalité des citoyens en France, le droit de propriété aux États-unis, l’égalité des races en afrique du Sud ou l’égalité homme-femme au Québec? Baignant dans l’émotion et la sacralité, ces valeurs sont devenues intouchables. Par quel chemin y sont-elles arrivées?

en d’autres mots, comment naît un mythe? Comment accède-t-il à la sacralité? Comment se diffuse-t-il et assure-t-il sa reproduc-tion? Comment vient-il à décliner? Quel rôle y jouent d’un côté les

1. Je remercie alain roy qui, depuis quelques années, a accompagné ma réflexion sur le mythe, de même que les membres du groupe Successful Societies du Canadian institute For advanced research (CiFar), tout spécialement Peter hall, Michèle Lamont, William Sewell et ann Swidler. Ma reconnaissance va également à nathan Glazer, Susan hodgett et Jean-Jacques Wunenburger. J’ai aussi tiré grand profit des commentaires formulés à l’occasion de nombreuses présentations de mes propositions dans le cadre de communications ou de conférences en amérique, en europe et ailleurs. Ce texte s’inscrit dans la programmation de la Chaire de recherche du Canada sur les imaginaires collectifs, dont je suis le détenteur. il a aussi bénéficié du soutien financier de l’université du Québec à Chicoutimi et de la Fondation de l’université du Québec à Chicoutimi.

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forces de l’inconscient, de l’autre les acteurs sociaux? et pourquoi ne porte-t-on pas davantage attention à ces représentations puissantes qui expriment les sentiments les plus profonds d’une société, qui nourrissent les identités, les idéologies, qui structurent les visions du passé et de l’avenir, qui inspirent les choix collectifs et balisent le débat public? toutes ces questions et quelques autres sont le sujet du présent ouvrage.

au cours des trois dernières décennies, la sociologie culturelle est devenue un champ de recherche particulièrement actif et créatif qui s’est déployé dans de nombreuses directions. il en a résulté une impressionnante variété de spécialisations, d’approches théoriques, de concepts et de méthodes. en conséquence, ce domaine de recherches se présente aujourd’hui comme un vaste ensemble éclaté de questions et d’avenues qui défient toute tentative de synthèse2. Cela dit, on note que la sociologie tout comme l’ensemble des sciences sociales, au contraire d’autres disciplines, se sont étrange-ment détournées de l’étude du mythe, ce concentré d’imaginaire, d’émotion, de raison et de sacré qui se nourrit de récits, s’enracine dans la psyché et sert de levier dans les jeux de pouvoir.

en conséquence, des questions fondamentales demeurent ouvertes. C’est le cas, notamment, de la place du mythe dans les socié-tés contemporaines et, plus généralement, des rapports entre le culturel et le social. De même, divers courants ont beaucoup exploré les ressorts profonds des représentations collectives, en particulier les images préconscientes, les structures mentales. Mais ces travaux sont lacunaires sur la question du changement qui affecte ces images ou structures: comment prennent-elles forme? D’où tirent-elles leur force? Comment évoluent-elles? Comment s’articulent-elles aux contextes mouvants3?

2. on peut en trouver des survols et des discussions dans L. Spillman (2002), J. C. alexander (2003), r. Friedland et J. Mohr (2004), M. D. Jacobs et n. Weiss hanrahan (2005), J. r. hall et alii (2010), J. C. alexander, r. Jacobs et P. Smith (2012), de même que les Reviews in Cultural Theory (www.reviewsinculture.com). enfin, M. Schudson (1989), D. Crane (1994) et W. h. Sewell (1999) demeurent des références très utiles.

3. À ce propos, voir entre autres P. DiMaggio (1997).

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Ce sont là, indiscutablement, des problèmes très complexes que le présent essai, s’il est utile de le préciser, ne cherche pas à résoudre ni même à embrasser dans leur totalité. Plus modestement, j’aimerais baliser au sein de l’univers culturel une voie d’analyse – parmi bien d’autres possibles – susceptible de combler certaines des carences qui viennent d’être évoquées. Cet itinéraire est centré sur un élément spécifique, à savoir les mythes sociaux en tant que représentations logeant au cœur des imaginaires collectifs.

on pourrait soutenir raisonnablement que ce concept d’imagi-naire offre un accès à l’ensemble de la culture, comme c’est le cas avec d’autres démarches, notamment le structuralisme, la sémiotique ou la critique littéraire. Cependant, je ne m’engagerai pas dans cette direction, et ce, pour diverses raisons, l’une étant que la sphère cultu-relle est trop difficile à appréhender dans sa totalité. Pour h. J. Gans (2012) par exemple, le concept de culture est probablement indéfi-nissable; au mieux, ce serait un terme à la recherche d’une définition (p. 126, 1314). Pour s’en remettre à un raccourci commode, on dira simplement que la culture renvoie à l’univers plus ou moins structuré et cohérent des symboles dont se nourrissent les membres d’une collectivité5 et qui président aux interactions sociales.

La démarche que je propose met en forme une approche sociale du mythe tel qu’il opère dans nos vies quotidiennes, mais elle emprunte inévitablement aux principaux courants qui animent la sociologie culturelle (ou la sociologie de la culture6). D’une façon

4. Pour un point de vue similaire: J. r. hall (1993)

5. Je donne à ce dernier concept une acception très étendue en y incluant toutes les formes de lien social qui s’instituent aux échelles les plus diverses: famille, commu-nauté, ville, région, classes, nation… J’y inclus également la socialité qui se déploie dans les institutions et organisations. Quant au concept de société, il doit être compris au sens de «société globale», en référence à la théorie sociologique de Georges Gurvitch. en pratique, cette expression est couramment assimilée au cadre de la nation ou de l’État-nation.

6. De brefs survols sont présentés notamment dans D. Crane (1994, chapitre 3), M. Lamont et M. L. Small (2008). Selon J. C. alexander et P. Smith (2001, p. 2-3), la sociologie de la culture présenterait cette dernière comme devant être expliquée par des facteurs externes, tirés du social. Pour les praticiens de la sociologie culturelle, la

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générale, elle se situe dans le sillage de Max Weber, mais aussi dans la tradition durkheimienne, particulièrement soucieuse des fonde-ments symboliques du lien social, à savoir les valeurs, croyances, idéaux et traditions qui sont largement partagés au sein de toute collectivité, qui commandent l’adhésion aux institutions et fondent le lien social7. elle se démarque cependant en transposant aux socié-tés actuelles des interrogations ordinairement réservées aux sociétés prémodernes et en mettant en forme une vision sociale des mythes et des imaginaires collectifs.

Plus précisément, ma démarche se fonde sur l’idée que tous les types de mythes, modernes ou prémodernes, procèdent d’une dyna-mique sociale animée par des stratégies de pouvoir, des divisions, des conflits et des contradictions. elle remet aussi en question la coupure qui a été opérée entre les mythes des sociétés dites primitives et ceux des sociétés modernes. en somme, ma tentative est restreinte, étant centrée sur un seul type de représentations collectives, mais elle est ambitieuse aussi, car elle vise à en rendre compte en profondeur et d’une manière qui, sur divers points, s’écarte des sentiers jusqu’ici pratiqués8.

en résumé, cet essai est construit autour de cinq idées maîtresses:1. Les mythes sont couramment associés soit à des chimères,

soit à des discours trompeurs et dangereux; mais c’est là une simpli-fication qui empêche de discerner leur vraie nature, laquelle va bien au-delà de ces deux perceptions familières;

2. Les mythes demeurent un puissant mécanisme dans nos sociétés, en dépit de ce que suggère une tradition de pensée encore très influente qui en fait un attribut des sociétés prémodernes, lequel, grâce au progrès, aurait cédé la place à l’empire de la raison;

3. Le fonctionnement de ce mécanisme social et symbolique, de

culture est vue comme autonome et elle contiendrait son propre principe explicatif. J’y reviendrai.

7. C’est une idée que l’on retrouve chez de nombreux classiques des sciences sociales, mais aussi chez divers auteurs plus récents comme C. Castoriadis (1975) ou D. Schnap-per (1994).

8. Pour une présentation sommaire, voir G. Bouchard (2013c).

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nature universelle, a été insuffisamment étudié par les sciences sociales au cours des dernières décennies;

4. il presse de s’interroger sur les facteurs et processus qui com-mandent la naissance, la reproduction et le remplacement des mythes, lesquels jouent aujourd’hui un rôle peut-être d’autant plus important qu’il passe souvent inaperçu;

5. C’est cette lacune que je voudrais combler en proposant un modèle original d’analyse des mythes sociaux, à la rencontre de la réflexion théorique et de l’enquête empirique.

À toutes fins utiles, je crois devoir aussi préciser que je ne recon-nais pas de préséance aux mythes et aux imaginaires collectifs parmi l’ensemble des facteurs explicatifs du social. Je ne prétends pas non plus tirer au clair les rapports ou les modes d’interaction complexes entre le culturel et le social, bien que j’aurai quelques réflexions à proposer sur ce sujet. Par ailleurs, je me distancie de la tradition de recherche initiée par Clifford Geertz, comme de toutes les théories structuralistes qui abordent la culture comme si elle était un système cohérent. Je préfère l’aborder comme un amalgame formé a) de seg-ments parfois cohérents et parfois contradictoires, mais toujours en interaction, et b) de larges plages d’indétermination.

Pour cette raison et pour d’autres, je suis réfractaire à l’approche de Claude Lévi-Strauss dans la mesure où elle ne laisse pas de place à l’émotion, alors que je tiens celle-ci pour une composante centrale du mythe. en outre, cette approche ne se montre pas assez soucieuse de mettre au jour les enracinements sociaux du mythe.

enfin, à ma courte honte, je confesse éprouver un malaise à l’en-droit des théories générales. elles me semblent souvent établir leur cohésion aux dépens de la complexité du social; en systématisant, il arrive qu’elles amputent ou occultent autant qu’elles éclairent.

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C h aPi t r e 1

Mythes et imaginaires collectifs

Le but de ce chapitre est de présenter une première approximation du mythe en le situant dans l’univers des imaginaires collectifs. Cette dernière notion sera abordée dans ses diverses dimensions, ce qui permettra de dissiper quelques ambiguïtés.

A. Les mythes comme lieux de surconscience

La question qui commande cette analyse des mythes peut être for-mulée comme suit. Dans toute société ou collectivité, de multiples idées ou propositions sont constamment mises de l’avant touchant la manière dont elle devrait se définir et se gouverner, les valeurs et les idéaux qu’elle devrait poursuivre, le rôle ou la vocation qu’elle devrait s’assigner, les représentations du passé dont elle devrait se nourrir, les héros qu’elle devrait célébrer, et le reste. Comment expli-quer que, tandis que la plupart de ces idées seront vite oubliées, certaines en viendront à acquérir un rayonnement et une autorité confinant au sacré, de telle sorte qu’elles pourront s’imposer aux consciences et influer durablement sur les comportements indi- viduels et collectifs?

Dans le même registre, mais sous un autre angle, on observe dans toute société des symboles ou des références névralgiques qui révè-lent des dispositions, des sentiments profonds, des (hyper)sensibili-

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tés. ils prennent la forme de malaises, de peurs, de tabous, d’angoisses et, un peu paradoxalement, ils soutiennent aussi des aspirations très fortes, des idéaux, des valeurs dominantes, des croyances, des vérités largement admises qui structurent les visions du monde, nourrissent les identités, commandent les débats publics et inspirent les orienta-tions et les politiques de l’État.

À l’échelle supra-individuelle toujours, ces représentations agis-sent puissamment sur le cours d’une société, à long terme comme à court terme, en procurant aux institutions le fondement symbolique qui suscite l’adhésion de la population, en fortifiant les idéologies et les solidarités, en permettant aux sociétés de se rallier autour d’ob-jectifs ou de finalités spécifiques, de gérer leurs tensions, de colmater leurs divisions, et en leur assurant le moyen de se regrouper et de réagir énergiquement après une crise ou un traumatisme.

ensemble, ces sentiments et représentations correspondent à ce qu’on pourrait appeler des lieux de surconscience, à savoir des réfé-rences premières qui logent au cœur de toute culture et exercent dans une société une très forte emprise du fait qu’elles jouissent d’une autorité qui est le propre de la sacralité1. Participant de l’émotion plus que de la raison, ces références imprègnent aussi la conscience des individus, elles les interpellent au plus profond d’eux-mêmes et elles motivent leurs choix de même que leur action soit en les mobi-lisant, en les lançant à la poursuite de desseins audacieux, soit au contraire en les inhibant – il suffit pour s’en convaincre de rappro-cher, sous ce rapport, la réaction des américains aux attaques de Manhattan en 2001, celle des haïtiens au séisme de 2010 et celle des Japonais au lendemain de la catastrophe de Fukushima en 2011.

Voici quelques exemples de ces représentations collectives surin-vesties2 (ou de ces lieux de surconscience, de surcharge de sens), étant

1. D’une manière analogue, L. Gauvin (1996) a déjà parlé de «surconscience linguis-tique» pour caractériser le profond attachement des Francophones québécois à leur langue.

2. Je qualifie de surinvesties ces représentations parce qu’elles transcendent les autres représentations et parce qu’elles puisent leur autorité exceptionnelle dans un registre émotif et symbolique qui, débordant la rationalité, s’inscrit au creux de la psyché.

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entendu que, du point de vue de l’éthique, leur contenu peut être tantôt vertueux et tantôt condamnable (la charge normative du mythe, comme on le verra, peut être aussi bien négative que posi-tive): l’égalité raciale en afrique du Sud, l’universalité et l’égalité des droits comme fondement de la citoyenneté en France, les libertés individuelles en angleterre, le droit de propriété aux États-unis, l’égalité sociale en norvège, la mission des travailleurs dans l’ex-urSS, la vocation civilisatrice (et dominatrice) de l’occident dans le reste du monde, la supériorité de la race aryenne dans l’allemagne nazie, la soif de valorisation collective en Corée du Sud, la sensibilité écologique en nouvelle-Zélande (le vieux mythe du «jardin3»), la haine de la violence et le culte de l’harmonie sociale dans l’histoire du Costa rica (C. Cruz, 2000), l’attachement à la langue française et le désir d’affirmation nationale au Québec, la démocratie dans plu-sieurs des anciennes colonies de l’europe, l’égalité homme-femme un peu partout en occident. De même, dans de nombreux pays, on ne franchit pas impunément un piquet de grève, par respect pour la cause ouvrière.

Chaque société, dans le cours de son histoire, développe ce genre d’attachement à des valeurs, des croyances ou des idéaux. Depuis quelques décennies, on y observe, il est vrai, un important recoupe-ment, une convergence vers des valeurs universelles (liberté, égalité, démocratie…), mais celles-ci n’en prennent pas moins des accents particuliers, ainsi qu’une intensité variable d’une société à l’autre. au gré des expériences vécues dans la longue durée et constam- ment commémorées, elles sont l’objet d’une appropriation qui les singularise.

encore une fois, leur emprise sur les consciences est telle que, profondément intériorisées, elles sont tenues pour acquises et entou-rées d’une aura qui leur permet d’échapper en grande partie aux remises en question4. La symbolique de la nation en offre un autre

3. Cette sensibilité, comme on le sait, est maintenant très répandue à travers le monde. au Québec, par exemple, le célèbre écologiste David Suzuki a demandé que le golfe du Saint-Laurent soit traité comme un «sanctuaire» (Le Devoir, 16 octobre 2012, p. 1).

4. Ce phénomène connaît diverses extensions dans différents domaines. Par exemple,

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exemple. Les champs de bataille et les cimetières militaires sont des sanctuaires (qui oserait faire la foire en ces lieux?), la tombe du Soldat inconnu commande le recueillement, la mémoire des héros sacrifiés pour la patrie est intouchable, brûler le drapeau national est une profanation5. on parle à ce propos de personnages ou de lieux mythiques.

L’analyse de ces représentations aide à comprendre pourquoi, dans des circonstances de crise, certaines sociétés feront preuve d’apathie alors que d’autres manifesteront de la résilience et du dyna-misme. De même, elle aide à comprendre pourquoi des individus ou des groupes accepteront de se sacrifier pour des causes dont ils ne verront jamais les bénéfices. Cela dit, dans une autre direction, ces références premières peuvent aussi être sources d’inhibition et de stagnation, ou engendrer de profondes divisions, des conflits quasi insolubles, de véritables délires collectifs et des dérapages catastro-phiques, comme l’histoire de l’occident en a donné maints exemples. enfin, elles peuvent aliéner une population et maintenir une classe sociale ou une nation sous la domination d’une autre.

on aura reconnu ici, au cœur de la culture, le domaine hétéro-clite, ambivalent, à la fois redoutable et fascinant, éclaté mais omni-présent, du mythe.

il existe aussi dans toute collectivité un ensemble de tabous, qui sont comme l’envers du mythe. Ce sont des interdits institutionna-lisés ou non, assortis de diverses sanctions en cas de transgression. ils se manifestent, notamment, par une vive répugnance à remettre en question certaines vérités fondatrices tenues pour acquises, ou même à en débattre publiquement. Mais les interdits, ce sont aussi des désirs inconscients jamais assouvis, ou encore des vérités cachées, refoulées, qu’il serait trop pénible d’affronter – ce qui autorise à dire que le mythe recèle autant qu’il révèle.

quel intellectuel respecté voudrait confesser publiquement qu’il s’est profondément ennuyé à la lecture des chefs-d’œuvre d’homère, de Shakespeare et de Joyce? ou qu’il déteste la musique classique et les musées d’art? ou que la Joconde lui paraît un peu niaise?

5. Sur ce sujet, voir L. Kramer (2011, chapitre 4).

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tous ces phénomènes ont été étudiés de longue date par les phi-losophes, les littéraires, les sémiologues et les anthropologues. De ce côté, on peut donc s’appuyer sur une riche tradition de pensée qui éclaire de nombreux aspects du mythe à diverses époques. Ce n’est pas le lieu ici de proposer une revue détaillée de cette littérature. Signalons seulement qu’à la suite de Jung et de Freud, elle a beaucoup exploré les racines profondes et les structures symboliques du mythe en tant que production imaginaire qui transcende les contextes spa-tio-temporels (on pense à des auteurs pionniers comme Gaston Bachelard, Mircea eliade, henri Corbin, roger Caillois, Claude Lévi-Strauss, northrop Frye, Gilbert Durand et d’autres6). on note aussi que ces travaux ont surtout porté soit sur les grandes civilisations de l’antiquité, soit sur les sociétés dites archaïques ou primitives, et beaucoup moins sur les sociétés modernes ou postmodernes.

Si telles sont la portée et l’emprise de ces représentations dans nos sociétés, s’il est vrai qu’elles conditionnent nos vies de tant de façons, on s’attendrait à disposer d’une grande expertise sociologique en ce domaine. or, nous en savons très peu sur leur genèse, leur devenir, sur la façon dont elles se forment, se perpétuent et s’adaptent en se redéfinissant, sur les circonstances qui les amènent à perdre leur attrait puis à décliner, et surtout, sur le processus de sacralisation qui permet à certaines idées et certains symboles de se transformer en lieux de surconscience.

aussi fondamentales qu’elles soient pour la compréhension du monde dans lequel nous vivons, ces questions sont loin d’avoir trouvé réponse en sociologie. actuellement, le mythe n’y existe pas véritablement comme thème de recherche, même en sociologie culturelle (comme le constatait il y a trente ans a. D. Smith, 1986, p. 1827).

6. Pour un survol, se reporter entre autres à J. thomas (1998). on notera que les idées mises de l’avant par ces auteurs n’ont pas toutes connu la même fortune. on pense au projet de Bachelard qui entendait construire une «physique» des images, avec ses lois, etc. (G. Bachelard, 1992).

7. il y a cependant de remarquables exceptions, par exemple S. J. Mock (2012a).

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C’est particulièrement le cas aux États-unis. Centré sur l’hermé-neutique structurale, le programme de recherche Strong Program in Cultural Sociology mis de l’avant par J. C. alexander et P. Smith (2001) ouvrait sur de nombreux horizons très prometteurs, mais il ne contenait qu’une mention du mot mythe (en référence aux tra-vaux de C. Lévi-Strauss sur les sociétés dites primitives). L’imposant ouvrage collectif dirigé par J. C. alexander, r. n. Jacobs et P. Smith (2012) comprend trente chapitres consacrés aux divers thèmes de la sociologie culturelle, mais les mythes en sont exclus; le mot n’appa-raît que quelques fois, principalement en rapport – de nouveau – avec les travaux de Lévi-Strauss (il s’y ajoute un court développement sur les mythes de catastrophe). on connaît d’autres guides ou manuels importants où le mythe est pratiquement passé sous silence, par exemple: ceux de L. Spillman (2002), de r. Friedland et J. Mohr (2004), de M. D. Jacobs et n. Weiss hanrahan (2005), de J. r. hall et alii (2010). De même, la thématique du mythe est pratiquement absente des travaux issus du vaste réseau international nyLon8, qui regroupe de très nombreux chercheurs en sociologie culturelle. Cependant, et paradoxalement, le rôle des mythes dans nos sociétés n’est remis en question dans aucune de ces publications9. Des son-dages dans la littérature sociologique canadienne-anglaise et québé-coise ont donné des résultats similaires – avec une exception au Qué-bec, soit l’ouvrage de h. Fisher (2004).

en europe et ailleurs, l’étude des mythes nationaux est un domaine actif, grâce surtout aux travaux pionniers du Britannique anthony D. Smith et à quelques périodiques consacrés à l’étude de la nation et du nationalisme (notamment Nations and Nationalism, National Identities, Studies in Ethnicity and Nationalism). Mais les efforts de théorisation du mythe en tant que mécanisme sociologique

8. acronyme de New York (university) and LONdon (School of economics).

9. Dans une large mesure, le même diagnostic pourrait s’appliquer à la science his-torique. ainsi, dans un recueil d’essais programmatiques sur l’avenir de l’histoire cultu-relle (L. hunt, 1989), on ne relève que deux brèves références à des mythes de l’anti-quité. Même en anthropologie, où elle a été si longtemps dominante, l’étude des mythes a fortement décliné depuis les années 1980.

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mythes et imaginaires collectifs 19

ne sont pas poussés très loin. L’accent est mis principalement sur les contenus symboliques, la cartographie sociopolitique, le rayonne-ment, les fonctions et l’évolution des mythes nationaux. Certains de ces travaux souffrent d’autres limitations, soit parce que les mythes y sont associés à l’ère prémoderne, soit parce qu’on les tient pour des affabulations sans conséquence, soit encore parce qu’on les assimile exclusivement à des dérapages tragiques qui surviennent à l’occasion en vertu d’une sorte de fatalité historique.

D’une façon générale, qu’il s’agisse des courants sociologiques nord-américains ou européens, on se prive ainsi d’éclairer dans toutes leurs dimensions la nature et le fonctionnement d’un méca-nisme universel qui ne cesse de travailler nos sociétés en profondeur, pour le meilleur et pour le pire. aucune société, en effet, ne peut se penser, se poser ou se projeter efficacement dans l’espace et dans le temps sans recourir au mythe10. il presse donc d’intensifier les recherches sociologiques sur ce sujet pour le soumettre à un examen plus approfondi.

Dans cet esprit, le présent essai esquisse une démarche d’analyse axée principalement sur le versant social du mythe: les acteurs qui en font la promotion, les fonctions qu’il remplit dans la culture et la société, les relations et les jeux de pouvoir qui conditionnent son émergence et commandent sa reproduction, le sens qu’il revêt pour les individus et les groupes, les transformations qu’il provoque ou qu’il subit11. L’ambition qui commande cette démarche représente un gros défi. La proposition mise de l’avant voudrait en effet rendre compte de la dynamique sociale et symbolique qui fait émerger les mythes et en assure à la fois la perpétuation et le remplacement. Me concentrant sur la dimension sociale du mythe, je ne traiterai donc qu’accessoirement l’univers primordial des fondements psychana- lytiques dans lesquels il s’enracine et dont il se nourrit.

10. C’est l’une des thèses principales que l’on trouve dans l’ouvrage monumental de h. Blumenberg (1985).

11. L’essai annonce une réflexion de nature sociologique, mais on verra que la dimen-sion historique, inévitablement, y tient aussi une place essentielle.

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table des matières 227

table des matières

introduction 7

chapitre 1 • Mythes et imaginaires collectifs 13

A. Les mythes comme lieux de surconscience 13

B. Les imaginaires collectifs 20

Un choix scientifique 20

Les imaginaires collectifs: une définition 21

Un système de relations et de représentations 27

Diversité d’échelles 29

Fiction et réalité 29

La question de la cohérence 30

Agent ou produit? 31

Les sources de l’imaginaire 32

Structure et changement 32

L’individuel et le collectif 33

La notion d’imaginaire social 34

chapitre 2 • Qu’est-ce qu’un mythe social? 37

A. Le mythe comme représentation collective 38

B. Spécificité des mythes sociaux 43

Les mythes religieux 44

Les mythes philosophiques 45

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228 raison et déraison du mythe

Les mythes allégoriques 45

Les mythes scientifiques 46

C. Quelques distinctions utiles 53

Mythes et idéologies 53

Mythes et stéréotypes 56

Mythes et clichés 57

La vision évolutionniste 58

Mythes et rituels 60

D. Les définitions du mythe dans la littérature scientifique 61

E. Mythe et raison: un couple à réconcilier 65

chapitre 3 • Le processus de mythification 73

A. La construction du sujet 74

B. L’ancrage 74

Ancrages dormants 76

Ancrages actifs 78

C. L’empreinte 79

D. L’éthos 80

E. La sacralisation 85

Le saut cognitif 85

Les conditions du saut cognitif 86

F. Le récit 89

Activer l’ancrage et l’empreinte: l’historisation des valeurs 90

Guérir ou rouvrir les plaies? 91

L’immunité du mythe 93

Le rôle des rituels 94

Osmose des ancrages et des empreintes 95

G. Des techniques de persuasion 96

H. Les acteurs sociaux 119

I. Conclusion 124

Une dynamique à quatre composantes 124

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table des matières 229

Modalités et sphères d’application du modèle 125

Déclin et remplacement des mythes 127

La critique des mythes 130

Créer des mythes? 131

La mythification: un ensemble de choix 132

Une réalité sociologique universelle: l’enracinement social du mythe 134

chapitre 4 • Les conditions d’efficacité du mythe 137

1. Une définition cohérente du sujet et du territoire 137

2. Le fondement archétypal et cognitif 137

3. La cohérence 138

4. Les bases empiriques 138

5. La polysémie 138

6. La polyvalence 141

7. Le choix et l’invention des adversaires 142

8. L’adaptabilité 143

9. La compatibilité 143

10. La pertinence 144

11. L’effet de levier (ou parasitage) 145

12. La nature du messager 147

13. Les symboles (ou identificateurs) 147

14. La fusion symbolique 149

15. Le renforcement 150

16. Le pouvoir de sanction 151

Conclusion 153

Construits froids et vérités chaudes 153

Sur les limites de la raison 154

Une préséance? 156

Le mythe: producteur d’énergie 157

L’impact du mythe 158

chapitre 5 • Les mythes sociaux: une structure pyramidale 163

A. L’architecture des mythes au sein des imaginaires 163

Les mythes directeurs 163

Les mythes dérivés 165

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230 raison et déraison du mythe

Le changement 167

Agrégats mythiques 168

B. Archémythes, antinomie, amalgames 169

conclusion générale • une approche sociale du mythe 175

Un défi à la sociologie 175

Une démarche renouvelée 176

La question de la causalité 179

Le statut de la culture au sein de la vie collective 180

Le mythe social: un mécanisme sociologique universel 184

Le mythe: une «ressource» stratégique? 186

L’étude des mythes sociaux: quelques éléments de pertinence 188

La vigueur des mythes nationaux 190

Le mythe: capable du meilleur et du pire 191

références 193

index 213

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crédits et remerciements

Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour leurs activités d’édition et remercient le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier.

Les Éditions du Boréal sont inscrites au Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SoDeC et bénéficient du programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.

Couverture: Sylvie Bouchard, Itinérance. huile sur panneau de bois, 2010. Photo: Louis Lussier

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mise en pages et typographie: les éditions du boréal

achevé d’imprimer en septembre 2014sur les presses de marquis imprimeur

à montmagny (québec).

Ce livre a été imprimé sur du papier 100% postconsommation,

traité sans chlore, certifié ÉcoLogo

et fabriqué dans une usine fonctionnant au biogaz.

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Gérard BOUCHARDraison et déraison du mytheAu cœur des imAginAires collectifs

Il existe dans toutes les sociétés, celles d’aujourd’hui comme celles d’hier, des valeurs et des croyances qui en viennent à exercer un tel ascen-dant qu’elles s’imposent aux esprits. D’origine religieuse ou non, elles jouissent d’un statut qui leur permet d’échapper en grande partie à la contestation. Toute remise en question est perçue comme une profa- nation. Ainsi, qui voudrait rejeter les libertés civiles en Angleterre, l’égalité des citoyens en France, le droit de propriété aux États-Unis, ou bien l’égalité des races en Afrique du Sud, ou encore l’égalité homme-femme au Québec ? S’appuyant sur la raison, mais se nouris-sant surtout d’émotion et de sacralité, ces valeurs sont devenues intouchables. Par quel chemin y sont-elles arrivées ?

En d’autres mots, comment naît un mythe ? Comment accède-t-il à la sacralité ? Comment se diffuse-t-il et assure-t-il sa reproduction ? Comment vient-il à décliner ? Quel rôle y jouent, d’un côté, les forces de l’inconscient et, de l’autre, les acteurs sociaux ? Et pourquoi ne porte-t-on pas davantage attention à ces représentations puissantes qui expriment les sentiments les plus profonds d’une société, qui nourrissent les identi-tés, les idéologies, qui structurent les visions du passé et de l’avenir, qui inspirent les choix collectifs et balisent le débat public ?

Gérard Bouchard a été coprésident de la commission Bouchard-Taylor sur les pra-tiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Il est un des penseurs les plus influents du Québec moderne. Il est l’auteur de nombreux livres, dont Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, essai d’histoire comparée (Boréal, 2000, Prix du Gouverneur général).

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Gérard BOUCHARDRAISON

ET DÉRAISON DU MYTHE

Au cœur des imaginaires collectifs