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Qu’est-ce que la guerre de l’information!?

Par François-Bernard [email protected]

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La guerre de l’information consiste à dérober, détruire, pervertirl’information, depuis les connaissances intellectuelles jusqu’aux donnéesinformatiques. Son but est de produire un dommage, ou de gagner unehégémonie. Sa devise : « Information, prédation, destruction ». Elle mobiliseaussi des symboles et des affects pour fabriquer du consensus et diriger despassions.La société dite de l’information serait donc soumise à un double danger :celui de la violence archaïque toujours récurrente, celle qui martyrise lescorps, et une violence nouvelle, qui brutalise ou altère des cerveaux,d’hommes ou d’ordinateurs.

Problématique ........................................................................................................................3Article guerre de l’information sur wikipedia .........................................................................8Anthologie de citations sur et autour de la guerre de l’information .......................................10Annexe!: Cinq questions sur la guerre de l’information ........................................................16

Question n° 1!: Quelle information!?.............................................................................19Question n°2 Quelles stratégies mobilisant quelle information!? ...................................26Question n°3!: Y a-t-il guerre sans infoguerre ? ............................................................30Technologie et victoire .................................................................................................32Question n° 4!: Comment gagner avec des signes!?.......................................................36Question n° 5 Agir sur les esprits ou agir sur les choses!? .............................................41

Bibliographie .......................................................................................................................49

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Problématique

Dans le contexte actuel, le terme « Guerre de l’information » est employé par lesmédias comme synonyme de guerre des images ou affrontement des propagandes. Ilserait plus exact de parler de « guerre des informations » c'est-à-dire des « nouvelles »que l'on voit, entend ou lit.

La définition serait alors : les conflits, les manœuvres, les polémiques qui portentsur la représentation que se fait le public des événements militaires. Cela se divise enrubriques :

la crédibilité des sources (quelles sont-elles ? quels discours venant de quel bordest relayé ? de quelle façon ? au conditionnel, avec sympathie, avec un commentairesoulignant qu'il pourrait bien s'agir de propagande ? quelle est la part des rumeurs ? quivérifie quoi ?). Bref : quels événements sont présentés comme vrais ou non.

la tonalité générale des commentaires. Cela inclut le choix du vocabulaire. Desmots comme « choquer et sidérer », « décapitation », « enlisement », « le camp de lapaix », « résistance », voire un simple article comme quand on dit « les » Kurdes ou« les » Shiites, tout cela est tout sauf neutre.

L'impact émotionnel des images. Il se développe une véritable casuistique desimages de violence (encore une notion qu'il faudrait définir : où commence la violenced'une image ?). D'où ces débats récurrents : faut-il montrer des prisonniers, des morts,comment ? Les réponses dépendent totalement de valeurs idéologiques ou culturelles.

Exemple. Les U.S.A. connaissent un véritable tabou (on ne doit voir aucun mortaméricain, comme on n'a vu aucune victime du 11 Septembre) et même les images deprisonniers U.S. sont censurées. Cela remonte au traumatisme du Vietnam : surtout nepas montrer l'horreur de la guerre, ni les victimes que l'on fait. Les télévisions dites« arabes » comme al Jazira n'hésitent pas à montrer ces images de l'humiliationsymbolique de l'Occident, comme elles n'hésitent pas non plus à présenter des images dela souffrance ou de la mort de Palestiniens, parfois mises en scène de façon assezspectaculaire. Des images comme celles des prisonniers de Guantanamo, des sévices deAbou Graibh ou celle des otages exécutés par le jihadistes

Les guerres militaires de l'information

Mais la guerre de l'information, ce sont aussi des messages ou des signaux(généralement faux) que l'on adresse aux adversaires pour les démoraliser, les diviser, oules égarer. Cela va du tract primaire lancé sur la tranchée d’en face (« Rendez vous. Lalutte est inutile. Pensez à vos familles ») à des opérations de services secrets beaucoupplus sophistiquées pour intoxiquer le commandement adverse. Si l'on va par là, toute rusede guerre est une ébauche de guerre de l'information.

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La guerre « militaire » de l'information inclut aussi des informations au sens de« données » quand il s'agit des données informatiques et des systèmes de communication.Ici, il faudrait résumer le volet high tech de la Révolution dans les Affaires Militaires,tous les changements qu'apportent à l'art de tuer ordinateurs, réseaux, satellites, armesintelligentes, …. Les techniques offensives changent : cyberattaques, paralysie desréseaux adverses de communication, désorganisation de ses infrastructures vitales… Maisaussi intégration de technologies numériques dans le repérage des objectifs, latransmission des données, la coordination des forces armées, la direction des armesintelligentes,….

Si l'on s'élève d'un degré, la guerre de l'information, est également une guerre del'information comme savoir. Posséder la dominance informationnelle, c'est avoir unereprésentation exacte et globale de la situation permettant une décision stratégiqueappropriée et instantanée, tandis que l'adversaire est plongé dans le brouillard del'ignorance. Il s'agit donc d'une condition structurelle de la supériorité militaire (car celasuppose en amont tout un équipement et toute une adaptation des structures et mentalitésà la révolution de l'information).

Allons encore un peu plus loin. D'une certaine façon l'infodominance est aussi unobjectif de la guerre. Les Etats-Unis se battent pour conserver leur dominationinformationnelle globale en termes de débouchés, de technologie et d'influence de leursmodèles technologiques, médiatiques, culturels et éthiques. Shapping the globalization,contrôler la globalisation, gérer le « monitoring » de l'évolution économique, politique etculturelle globale, tel est l'objectif ultime de « l'Empire bienveillant ». Or cela se confond,dans l'esprit des stratèges qui dessinent ce projet, avec le passage à la Société del'Information, avec la prédominance planétaire de l'influence américaine. Il est donclégitime de dire que toute guerre menée par l'hyperpuissance est une guerre « pourl'information, une guerre pour faire prédominer une certaine conception de ce qu'estl'information, une guerre idéologique et messianique.

Guerre militaire et guerre économique

Avons-nous épuisé les sens de « guerre de l'information ». ? pas encore, car il fautparler de la guerre de l'information au sens de la stratégie économique (à supposer que laséparation entre stratégie militaire, idéologique ou économique ait encore un sens).

Cette dernière acception engendre des discussions sans fin. Il y a d'abord laquestion de la valeur métaphorique. Est-il légitime de nommer « guerre » une activité quine fait pas de morts. ? Faut-il réserver ce terme à des conflits collectifs, organisés,durables et sanglants ? À ce compte, l'image de la guerre de l'information vaut bien cellede la guerre des nerfs, guerre secrète ou guerre des prix : la légitimité de toutecomparaison est affaire de convention et d'intelligibilité.`

Mais le vrai problème est ailleurs : peut-on, en employant le terme « guerre »,transposer des notions liées une activité politico-stratégique dans un domaine technico-économique ? Et, certes, dans le second cas ; elles recouvrent toutes sortes d'opérationsd'agression : cyberpiraterie, opérations psychologiques, espionnage industriel,déstabilisation qui prennent une nouvelle dimension dans la société dite de l'information.Visiblement, au moment où les militaires s'entichent de la « Révolution dans les AffairesMilitaires », l'économie, elle, inclut de nouveaux domaines : la guerre cognitive, de

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l'hyperconcurrence, de la déstabilisation, et autres.

Pour le dire autrement, pendant que la guerre mobilise une composante de plus enplus importante d'information et de communication (y compris dans son aspect dit de« civilianisation ») l'économie dite de l'information devient de plus en plus conflictuelle.Et par les moyens parfois régaliens qu'elle mobilise (par exemple les systèmesd'espionnage de la guerre froide comme Echelon reconvertis dans la conquête desmarchés) et parce qu'économie, technologie, culture, diplomatie, guerre, s'inscrivent dansin même projet géopolitique, le shapping the globalization que nous évoquions.

Une première distinction d'impose. La guerre de l'information consiste dans laplupart des cas à infliger un dommage à l'adversaire ou au concurrent en utilisant dessignes en lieu et place de forces. Le dommage en question peut se réaliser directement, enaffectant ce que sait ou peut l'Autre, ou indirectement, en modifiant l'opinion des tiers.

Dans le premier cas, il s'agit d'amener l'Autre à prendre une décision favorable ànos desseins (ou, ce qui revient au même, l'empêcher d'agir faute d'éléments de choix) Lebut est de manipuler des facteurs cognitifs et d'acquérir le monopole de l'informationpertinente (des descriptions « vraies » de la réalité permettant d'agir). On y parvient pardes procédés qui peuvent inclure l'espionnage, la surveillance électroniques, l'intoxicationou le sabotage informationnel.

Dans le second cas, le but est de réduire la liberté d'action de l'adversaire en ledéconsidérant, en lui faisant perdre des partisans ou des alliés, bref en altérant son imageplutôt que sa volonté. Donc en le privant de moyens d'action plutôt que de cognition. Eten faisant croire plutôt qu'en sachant (ou en empêchant de savoir). C'est pourquoi nousavons parlé de l'information « efficiente »,, celle dont la valeur stratégique ne repose pasdans sa véracité mais dans sa diffusion. Elle est efficace dans la mesure où elle trouve desrepreneurs, des « croyants » qui adoptent le point de vue et le jugement de valeursouhaité. Et les critères de la croyance ne sont pas exactement les mêmes quand il s'agitde savoir s'il faut faire la guerre aux Iraniens ou avoir peur des OGM.

Mais ce second type d'agression a aussi une contrepartie positive : la promotion desa propre image, de ses propres valeurs et critères de choix (y compris les critèrestechniques), la façon d'amener l'autre à adhérer à vos desseins. Sous sa forme grossière,c'est la propagande qui sert à recruter des partisans, et elle est surtout politique. Sous saforme subtile, c'est l'influence sous toutes ses formes - prestige suscitant l'imitation,communication visant à faire partager son point de vue, interventions discrètes sur lesfacteurs de décision. Et l'influence peut être tout aussi bien économique et technique queculturelle et stratégique.

Facteur technique, facteur symbolique

La guerre de l'information aurait donc à la fois une dimension cognitive et unedimension que nous appellerions « accréditive ». Or la connaissance et l'évaluation de lapremière posent surtout des problèmes techniques, la seconde essentiellement desproblèmes psychologiques. Soit par exemple la question « un Pearl Harbour informatiqueest-il possible ? ». Pour y répondre, c'est-à-dire pour évaluer quelle pourrait être ladangerosité d'une attaque informatique coordonnée contre les infrastructurescommunicationnelles d'un pays (virus, déni d'accès, altération de bases de données,

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intrusion et prise de contrôle de systèmes, etc..), il faut essentiellement deviner commentréagiraient des systèmes numériques en réseau dans certaines situations (même si ladimension psychologique n'est pas absente : quelles seraient les réactions humaines ?l'effet d'une panique contagieuse ?…). Et la réponse est tout sauf aisée puisque a)personne n'a jamais assisté à une telle attaque b) les éléments partiels que pourraient nousdonner l'analyse d'une attaque informatique contre une institution ou une entreprise sontsouvent faussées soit par les vantardises de ceux qui les provoquent, soit par la discrétionde ceux qui les subissent.

Mais dans d'autres cas, notre ignorance tient à notre méconnaissance de l'efficacitédes messages : c'est celle du mystère de la persuasion. Qu'est-ce qui fait qu'unecampagne, que ce soit de publicité ou de propagande, prend ou ne prend pas ? Lessciences dites « de l'information et de la communication » se cassent le nez sur ce mur làdepuis plus de soixante-dix ans. Elles ont renoncé au mythe d'une force intrinsèque desmessages qui leur permettrait de déclencher des émotions à volonté ou de produire descroyances à la demande. Et elles tendent à conclure que le « récepteur » des messages estbien moins malléable que l'on croyait, bien davantage capable de réinterpréter ou refuserle message s'il ne correspond pas à ses propres codes. Traduction pratique : n'importequelle campagne de guerre de l'information n'est pas certaines de réussir même si elledispose d'énormes moyens de diffusion et même si elle est formulée par desprofessionnels selon toutes les bonnes recettes des manuels. Mais inversement, une tellecampagne ne peut réussir que si elle s'appuie sur des attentes de ses « cibles », sur uncorpus de croyances et de modes de raisonnement déjà acceptés, sur une croyancegénérale préétablie, une « doxa » disent les sciences humaines.

Combattre des symboles

Raison de plus pour revenir sur la distinction importante entre l'infoguerre politico-militaire et économique. Dans le premier domaine, l'attaque informationnelle vise unecollectivité identifiée à ses croyances et symboles. L'ennemi est assimilé une catégorie :le capitalisme, le bolchevisme, les Serbes, les Arabes, les Boches. La guerre del'information consistera donc en imputations de crimes et mensonges, manifestation de saperversion foncière ou de la dangerosité des principes qu'il incarne. Le registre estrelativement limité : complots, trahisons et atrocités. De ce point de vue, les récits de 14-18 (infirmières fusillées, mains d'enfants coupées) ne se distinguent guère des horreurssaddamiques (villages rasés, armes dissimulées). Les faits criminels sont là pourdémontrer la volonté perverse d'une entité mauvaise bien identifiée.

La guerre de l'information économique, elle, ne vise pas à la diabolisation d'idéesou d'abstractions. Elle n'a pas, en principe, l'ambition « pédagogique » de montrer lesconséquences de principes pervers. Elle cherche à décrédibiliser une marque ou uneactivité commerciale. Elle joue donc dans le registre du danger probable : manque defiabilité financière d'une entreprise, dangerosité de ses produits, probabilité d'accidents oud'épidémies. Mais elle peut aussi « confisquer » des valeurs politiques. Ainsi denombreuses entreprises américaines comme Nike ont été mises au pilori médiatique pourleur responsabilité supposée dans l'exploitation des travailleurs, en particulier les femmeset les enfants, dans les pays où ils sous-traitent leur production. Cette campagne contreles « sweat shops », littéralement « les boutiques à sueur » a mobilisé les campusaméricains en 1998 comme le raconte très bien Naomi Klein dans son best-seller

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« altermondialiste » No Logo.

Tout modèle stratégique s'interprète dans un contexte historique. Ces conditionsdépendent des moyens de transmission mais aussi du corpus de croyance et de valeursd'une époque. Ainsi, il est évident qu'Internet facilite et stimule la guerre del'information : avec un modem et une souris le « faible », pourvu qu'il soit astucieux, peuttrouver un écho sans commune mesure avec ses moyens matériels ou sa représentativité.Et le « fort » qui est souvent aussi le pataud est d'autant plus exposé qu'il est visible. Avecune image, un média décrédibilise une organisation puissante ou un État. Mais lecaractère symbolique de la guerre de l'information n'est pas moins important. C'est lecorpus de croyances et valeurs prédominant qui détermine a contrario l'angle d'attaque.Dénigrer les produits du concurrent est une idée aussi vieille que le commerce (leslecteurs d'Astérix savent bien que le poisson d'Ordralfabétix n'est pas frais). Lancer desrumeurs est également un procédé immémorial (les lecteurs de Dumas se souviennentcomment le comte de Monte-Cristo pousse un ennemi au suicide grâce à de faussesinformations qui le poussent à des spéculations financières catastrophiques). Il n'empêcheque n'importe quelle rumeur ne fonctionne pas de la même façon à n'importe quelleépoque et que le public n'évalue pas de la même façon le péril technologique ou lesinconvénients pour l'environnement dans les années 60, obsédées par la croissance descourbes de P.N.B. et aujourd'hui où règne le principe de précaution.

Guerre de l'information ? Même si c'es un mot valise, même s'il faut en entourerl'emploi de mille précautions sémantiques, la chose, elle, existe,et même elle prospère. Ànous d'en inventer la polémologie et la stratégie.

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Article guerre de l’information sur wikipediahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_l%27information

Guerre de l’information, alias infoguerre ( en anglais infowar ou informationwarfare ) recouvre toutes les méthodes visant à infliger un dommage à un rival où à segarantir une supériorité par l’acquisition d’information (données ou connaissances), par ladégradation de celle de l’adversaire ou par la propagation de messages favorables à sesdesseins stratégiques. Suivant le contexte, cela recouvre aussi bien l’ espionnageindustriel que des actions sur l’opinion ou une forme quelconque de sabotageélectronique. L’infoguerre peut se pratiquer avec des satellites, des logiciels ou sur unplateau de télévision, être le fait d’un « spin doctor » (un manipulateur de l’opinion), d’unpirate informatique , d’un soldat ou d’un ingénieur.

La notion recouvre donc à la fois :

toutes les méthodes visant en temps de guerre à surveiller, paralyser ou dissuaderun adversaire (par exemple en détruisant ses systèmes de transmission ou en prenant lecontrôle de ses réseaux informatiques)

en temps de paix à contrôler ses perceptions et initiatives (par exemple à travers lesystème Echelon de surveillance planétaire)

et dans tous les cas à diriger l’opinion (à travers des actions de propagande, de miseen scène, de désinformation ou de guerre psychologique, destinées notamment à faireadhérer l’opinion internationale à sa cause, à diaboliser l’adversaire ou à démoraliser lesmilitaires et civils du camp ennemi)

des dérives de l’économie : le passage de la concurrence vers des activitésd’agression (répandre une rumeur pour décrédibiliser une entreprise), de prédation (vold’information confidentielle), de déstabilisation des rivaux

enfin, toutes les luttes liées aux technologies de l’information et de lacommunication, qu’elles aient des motivations militantes, ludiques, délictueuses : virus,piratage informatique , paralysie de sites…

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Les formes de l’infoguerre

On parle souvent de la guerre « par, pour et contre » l’information.Par l’information : en produisant des messages efficaces – qu’il s’agisse de transmettre desinstructions ou de rallier des partisans – mais aussi en fabriquant des virus informatiques ouen gérant au mieux un savoir supérieur à celui de l’adversaire. Dans cette perspective,l’information se transforme en arme ou en facteur de supériorité.Pour l’information : il s’agit cette fois de l’acquérir comme on s’empare d’une richesse. Il estévident qu’il y a avantage à percer les secrets de l’autre, à se procurer certains renseignementspertinents sur ses intentions, sur l’environnement : peu importe alors que la lutte se déroulesur le champ de bataille ou qu’elle vise à gagner des marchés…Quant au « contre l’information », il est la conséquence des deux premiers. Il faut s’attendrefort logiquement à ce que l’adversaire lutte lui aussi « par l’information »,… Il faut doncprévoir des boucliers pour se protéger aussi bien contre une cyberattaque, que contre un bruitpropagé par la presse ou contre un stratagème.

Il serait tout aussi juste de dire que le conflit fait apparaître les informations comme :désirables (des bases de données, des images satellites, des codes d’accès, bref desrenseignements qu’il faut acquérir) ;vulnérables (des logiciels, des mémoires, des sites, des réseaux, les informations ou vecteursd’information qui peuvent être faussés) ;et redoutables (des virus, des rumeurs, bref tout dont la propagation est favorable à un camp etnuisible à l’autre).

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Anthologie de citations sur et autour de la guerre de l’information

Alger (Dr. John) « La guerre de l'information est l'ensemble des actions entreprises dans lebut d'obtenir la supériorité de l'information, en affectant les informations, letraitement de l'information et les systèmes d'information de l'ennemi, tout enprotégeant ses propres informations, traitements de l'information et systèmesd'information. »

Arendt (Hannah) « Faire de la présentation d’une image la base de toute politique, -chercher, non pas la conquête du monde, mais à l’emporter dans une bataille dontl’enjeu est « l’esprit des gens », -, voilà quelque chose dans cet immense amas desfolies humaines enregistrées par l’histoire. »

Bernays (Edward) " Si nous comprenons les mécanismes et les mobiles propres aufonctionnement de l'esprit de groupe, il devient possible de contrôler et d'embrigaderles masses selon notre volonté et sans qu'elles en prennent conscience. Lamanipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions organisées desmasses est un élément important dans une société démocratique. Ce mécanismeinvisible de la société constitue un gouvernement invisible qui est le véritable pouvoirdirigeant de notre pays. Ce sont les minorités intelligentes qui se doivent de faire unusage systématique et continu de la propagande ".

Elias (Norbert) "La monopolisation de la violence crée dans les espaces pacifiés un autretype de maîtrise de soi ou d'autocontrainte. Au mécanisme de contrôle et desurveillance de la société correspond l'appareil de contrôle qui se forme dansl'économie psychique de l'individu."

Gernet (Gilles) « Les stratagèmes sont des procédés qui permettent avec la plus grandeéconomie des moyens d’inverser les relations de dominé à dominant, soit en profitantde la faiblesse momentanée de l’adversaire et de l’équilibre instable où il se trouve,soit en le trompant de multiples façons. »

Glen Otis (Gen.) « Le combattant qui l’emporte est celui qui gagne la campagne del’information. Nous en avons fait la démonstration au monde : l’information est laclef de la guerre moderne –stratégiquement, opérationnellement, tactiquement ettechniquement. »

Gracian (Baltazar) "Le secret est le sceau de la capacité... C'est la marque d'une supérieuremaîtrise de soi et se vaincre en cela est un triomphe véritable."

Harbulot (Christian) : « Les opérations de guerre de l'Information se répartissent dans ledomaine économique en 3 catégories :

- la Tromperie : (Désinformation, Manipulation, discrédit,

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- la Contre-information : (Identification des points faibles de l'adversaire,Exploitation de ses contradictions, frapper ses talons d'Achille, Utilisation del'information vérifiable),

- la Résonance : (Faire de l'agit-prop, Optimiser les caisses de résonances, Créerdes réseaux d'influence, animer des forums de discussion…) »

Hayden (Maj. Gen. De l’Air Intelligence Agency) « L’information est un espace ou unobjectif. Si vous l’envisagez comme un objectif, vous avez tendance à utiliserl’information pour faire des choses que vous faisiez auparavant... Mais si vousl’envisagez comme un espace, vous y pensez comme à une alternative... La guerre aévolué à travers la terre, la mer, l’air, l’espace, et maintenant l’information. Noussommes persuadés que l’information n’est qu’un espace de combat. La guerre del’information comporte deux aspects. Il y a l’information au service de la chaleur,l’explosion et la fragmentation. Nous sommes plutôt compétents pour cela. Et puis il ya l’information au service de l’infoguerre seulement. Et, dans ce domaine, il existed’autres manières d’atteindre nos objectifs. »

Hobbes “gouverner c’est faire croire”

Infoguerre.com « Le concept de guerre de l'information (GI) est un concept très vaste quienglobe indistinctement toutes les actions humaines, techniques, technologiques (opérations d'information) permettant de détruire, de modifier, de corrompre, dedénaturer ou de pirater (mais la liste des actions n'est pas exhaustive) l'information, lesflux d'informations ou les données d'un tiers (pays, états, entité administrative,économique ou militaire…) en vue de brouiller, d'altérer sa capacité deperception, de réception , de traitement, d'analyse et de stockage de la connaissance. »

Joint Vision 2020 du Department of Defense: “La domination totale du spectre [desmenaces] implique que les forces américaines soient capables de conduire des actionsrapides, soutenues et synchronisées (...), en s’assurant de l’accès et de la libertéd’opérer dans tous les domaines : espace, mer, terre, air et information.” Un autreélément nouveau est l’inclusion, en dépit des réticences de certains stratèges duPentagone, des fameuses Information Operations. Elles sont définies comme suit :“actions visant à affecter l’information et les systèmes d’information adverses tout endéfendant les nôtres. Les opérations d’informations comprennent également les actionsmenées dans des conditions de paix, voire de crise, (...) pour influencer des ciblesinformationnelles ou des systèmes d’information”.

Jullien (François) « les deux procédures qui s’opposent ainsi – persuasion et manipulation– dépassent le cadre historique qui les a formées… soit on fait directement pressionsur autrui par sa parole, à la fois, l’on montre et l’on démontre, on met « sous lesyeux » grâce à la véhémence oratoire en même temps qu’on s’attache à la nécessitéexigée par le raisonnement ; et de fait l’éloquence contient bien à la fois le théâtre et lalogique, les deux composantes grecques de notre histoire. Soit c’est sur la situationqu’on opère pour atteindre indirectement l’adversaire en l’orientant progressivementde façon telle que, sans se découvrir et par le seul effet de ce qu’on y avait impliqué,elle enserre autrui et le désarme. »

Kaplan (Robert) « Au XXI° siècle comme au XX°, nous prendrons l’initiative d’hostilités– que ce soit sous la forme d’opérations avec les forces spéciales ou de virus

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informatiques dirigés sur les centres de commandement ennemis – quand ce seraabsolument nécessaire et que nous y verrons un net avantage. Nous le justifieronsaprès coup sur le plan moral. Ce n’est pas non plus du cynisme. Le fondement moralde notre politique dépendra du tempérament de notre nation et de ses dirigeants, pasdes absolus de la loi internationale. … Les systèmes dans lesquels deux grandespuissances s’affrontent dans une lutte ritualisée comme pendant la guerre froide onttendance a être plus stables que le système actuel dans lequel il y a beaucoup depuissances secondaires et où la première puissance n’est toujours pas un Léviathan. »

Krepinevich (Andrew): « Ainsi, l'élément déterminant du succès dans les conflits du futurpourrait de plus en plus résider dans la faculté de créer et d'accroître le »décalaged'information« entre amis et ennemis

Lawrence (col. Thomas E.) : « Il faut attaquer là où l’ennemi ne se trouve pas » « Laguerre irrégulière revient en effet à la définition que Willis en donnait de la stratégie ;« l’études des communications » et ce au plus haut degré. »

Lévy (Pierre) : » La vision d’un monde interconnecté ne conduit pas nécessairement àl’irénisme mais plutôt à une nouvelle appréhension des conflits. En effet, on ne se batjamais qu’avec ses voisins, ou tout au moins avec des adversaires à sa portée. …Quese passe-t-il quand tous les ponts deviennent quasiment voisins les uns des autres parsatellites, CNN, Internet, porte-avions, bombardiers et missiles interposés ? La montéedes guerres civiles rend de plus en plus sensible qu’à la nouvelle échelle de la planètetoutes les guerres deviennent des guerres civiles. »

Libicki M « (il existe) sept différents types de Guerre de l’Information, prétendant quecelle-ci n’existe pas en tant que technique guerrière séparée, mais qu’elle existe sousplusieurs formes différentes, chacune se réclamant du concept général – des conflitsimpliquant la protection, la manipulation, la dégradation et le refus d’informations.

«(i) La Guerre de Commande-et-Contrôle (qui frappe la tête et la nuque del’ennemi),

(ii) la Guerre du Renseignement (qui consiste à concevoir, protéger et rejeter dessystèmes, afin de cumuler une connaissance suffisante à la domination de l’espacede conflit),

(iii) la Guerre Electronique (les techniques radio-électroniques etcryptographiques),

(iv) la Guerre Psychologique ( dans laquelle l’information est utilisée pourchanger les esprits des alliés, des forces neutres et des ennemis),

(v) la Guerre des “Hackers” (dans laquelle les systèmes informatiques sontattaqués),

(vi) la Guerre de l’Information économique (blocage ou réorientation del’information dans un but de domination économique), et

(vii) la Guerre Cybernétique (un mélange hétéroclite de scénarios futuristes).

Louis XI "Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner"

Lyotard (Jean-François) " Le " redéploiement " économique dans la phase actuelle ducapitalisme, aidé par la mutation des techniques et des technologies, va de pair, on l'a dit, avec

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un changement de fonction des États : à partir de ce syndrome se forme une image de lasociété qui oblige à réviser sérieusement les approches présentées en alternatives. Disons pourfaire bref que les fonctions de régulation et donc de reproduction sont et seront de plus en plusretirées à des administrateurs et confiées à des automates. La grande affaire devient etdeviendra de disposer des informations que ceux-ci devront avoir en mémoire afin que lesbonnes décisions soient prises. La disposition des informations est et sera du ressort d'expertsen tous genres. La classe dirigeante est et sera celle des décideurs. Elle n'est déjà plusconstituée par la classe politique traditionnelle, mais par une couche composite formée dechefs d'entreprises, de hauts fonctionnaires, de dirigeants des grands organismesprofessionnels, syndicaux, politiques, confessionnels. "

Mao : “Tout l’art de la guerre est l’art de duper”

Mc Luhan (Marshall) “ La guerre de la télévision signifie la fin de la dichotomie entre civilset militaires. Le public participe maintenant à chacune des phases de la guerre et ses combatsles plus importants sont livrés par le foyer américain lui-même.”

Moinet (François) « L’intelligence est le croisement de l’information et de la stratégie. Leprisme est large. Il va du cycle du renseignement - dont la définition « officielle » del’intelligence économique s’est inspirée - à la manipulation de la connaissance en passant parla désinformation. Dans tous les cas, l’information est au service d’une stratégie : en amontpour définir et comprendre son environnement pertinent, prévenir les risques, détecter lesopportunités…; en aval pour décider, leurrer l’adversaire, le paralyser, … »

Orwell (George) “ Naturellement, il n’y avait pas de moyen de savoir si à un moment on étaitsurveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée, se branchait-elle surune ligne quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’ellesurveillait tout le monde, constamment...On devait vivre, on vivait, car l’habitude devientinstinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, toutmouvement était perçu

Owens "Vers l'an 2005, nous pourrions être techniquement capables de détecter à peu près 90% de tout ce qui a une importance militaire à l'intérieur d'une aire géographique étendue (parexemple un carré de 320 kilomètres de côté). En combinant [la détection] avec le traitementde données de notre C4I, nous obtenons la supériorité (dominance) dans la connaissance de lazone de combat. C'est une nouvelle conception de la guerre qui nous donne unecompréhension de la corrélation des forces basée sur une perception intégrale de lalocalisation, de l'activité et des rôles et des schémas opérationnels des forces amies etennemies, y compris la prédiction précise des changements à intervenir à court terme"

Peters (Commandant Ralph) « Nous sommes entrés dans l’âge du conflit constant.. Jusqu’àmaintenant l’Histoire a été une quête pou acquérir l’information. Aujourd’hui le défi est degérer l’information. Ceux d’entre nous peuvent choisir, digérer, synthétiser et appliquer lesconnaissances adéquates gagneront –professionnellement, financièrement, politiquement,militairement et socialement. Nous, les gagnants sommes une minorité… Ces êtres humains,dans chaque pays, qui ne peuvent pas comprendre le nouveau monde ou qui ne peuvent pastirer profit des incertitudes ou qui ne peuvent pas se réconcilier eux-mêmes avec sadynamique deviendront des ennemis violent de leurs gouvernement inadaptés, , de leursvoisins plus fortunés, et en dernier recours des Etats-Unis. .. Il n’y aura pas de paix. À toutmoment durant notre vie entière il y aura de nombreux conflits dans des formes mutantes, u

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autour du monde. Le conflit violent fera les gros titres des journaux, mais les luttes,culturelles et économiques seront plus constantes et en définitive plus décisives. Le rôle defacto des forces armées américaines sera de maintenir le monde comme un lieu sûr pour notreéconomie et un espace ouvert à notre dynamisme culturel. Pour parvenir à ces fins nousferons un bon paquet de massacres. Nous sommes en train de construire un système militairefondé sur l’information pour faire ces massacres. Nous aurons certes besoin d’une quantité depouvoir musculaire, mais une grande partie de notre art militaire consistera à en savoir plussur l’ennemi que l’ennemi en sait sur lui-même, à manipuler des données en vue del’efficacité et de l’effectivité et à couper toute possibilité de ce genre à nos opposants ?.»

Philoneko (Alexis) « La visée fondamentale de la guerre consiste à éliminer l’autre du champdu discours.

Ponsonby (Lord Arthur) « le mensonge est l’arme la plus utile en cas de guerre. »

Popper (Karl) : "La pensée commence avec le mensonge...Le langage naît du fait qu'on crie"au loup" pour rire, et que, ce faisant, on ment. C'est alors que naît le problème de lavérité, et par la même occasion celui de la représentation. Le problème de la vérité nenaît qu'avec la représentation. Pour les abeilles il n'y a pas de problème de la vérité."

Qiao Liang et Wang Xiangsui « Ce qui change est que les moyens dont nous disposonsaujourd’hui pour dénouer le “nœud gordien” ne sont plus des épées, et à cause de celanous n’avons plus besoin d’être comme nos ancêtres qui envisageaient la résolutionpar la force armée comme la dernière cour d’appel. N’importe lequel des moyenspolitique, économique ou diplomatique est aujourd’hui d’une puissance suffisantepour supplanter les moyens militaires. Cependant, l’humanité n’a pas à s’en glorifier,car nous n’avons rien fait de plus que substituer autant que possible une guerre sanssang à une guerre sanglante. Avec pour résultat de transformer le monde entier enchamp de bataille, dans un sens large, en même temps que nous réduisions le champde bataille, dans un sens étroit.»

Schutz et Godson « Derrière l’inextricable fouillis d’information, de vérités, de demi-vérités, de contre-vérités, de mensonges, de diffamations, de calomnies,d’interventions directes ou indirectes dans les organisations de masse téléguidées,d’agents d’influence stipendiés, de faux et usages de faux, se dissimule ladezinformatsia, entreprise de manipulation et de dégradation de l’opinion publique dumonde libre, entreprise parfaitement rationnelle et logiquement conduite »

Schwartau (Winn) « La guerre de l’information est affaire de contrôle de l’information. Entant que société, nous la contrôlons de moins en moins, tandis que le cyberespaces’étend et que règne l’anarchie électronique. Étant données les conditions généralesde la fin des années 80 et 90, la guerre de l’information est inévitable. Le monded’aujourd’hui offre les conditions idéales pour cette guerre, conditions que l’onn’aurait pas pu entrevoir, il y a seulement quelques années. »

Simmel (George) "On pourrait soutenir ce paradoxe que, dans des conditions par ailleursidentiques, l'existence humaine collective exige une certaine dose de secret qui changesimplement ses objets : abandonnant l'un, se saisissant d'un autre et dans ce va-et-vientpréservant la même quantité de secret"

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Sloterdijk (Peter)« Les « faits nus » détectés par l’intelligence forment la première couchesolide d’une expérience cynique. Il faut qu’ils soient nus parce qu’ils doivent aider àgarder dans le viseur l’objet dans son hostilité dangereuse. Aussi les sujets doivent-ilsse dissimuler pour observer les objets (« nus »). La dissimulation du sujet est ledénominateur commun de l’espionnage et de la philosophie moderne. »

Sofsky (Carl) “La stratégie prépare le combat. Elle détermine où et quand et avec quoi ondevra combattre. Elle procure des ressources et équipe les combattants. La tactique,pour sa part, fixe la manière dont les moyens seront employés et la bataille menée. Cesdeux opérations dans la conduite rationnelle du combat, ont une fonction commune : laréduction de l’incertitude et l’exclusion du hasard. Plus on est préparé, plus il est facilede parer le coup de l’adversaire; Outre la coordination des forces engagées et lerenforcement de l’esprit combatif, la lutte contre le hasard exige surtout une chose : lerenseignement. Lequel est une stratégie du savoir.”

Sun Zi " Ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemie sanscombat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un état sansopérations prolongées. "

Toffler (Alvin) "Le savoir est désormais la ressource centrale de la destructivité, de mêmequ'il est la ressource centrale de la productivité".

Virilio (Paul) “Abattre un adversaire c’est moins le capturer que le captiver, le champ debataille économique ne tardera pas à se confondre avec le champ d’aperceptionmilitaire et le projet du complexe informationnel américain deviendra alors explicite :il visera la médiatisation mondiale.”

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Annexe : Cinq questions sur la guerre de l’information

Le problème

Selon celui qui l’emploie et suivant le contexte, l’expression « guerre de l’information »

peut désigner aussi bien à l’espionnage industriel que des actions sur l’opinion. Elle peut, se

pratiquer avec des satellites ou sur un plateau de télévision, être le fait d’un « spin doctor »

ou d’un ingénieur, d’un militaire ou d’un manager, d’un démagogue ou d’un psychologue.

Elle peut être directe ou indirecte. Elle peut aussi bien porter sur des connaissances que l’on

acquiert (et dont il faut priver l’adversaire ou le concurrent) que sur des croyances à diffuser.

La définition de la guerre de l’information est donc aussi délicate que celle de l’information

même (données, savoir, messages…). Et d’ailleurs autant que celle de la guerre, depuis que

celle-ci devient asymétrique, non-étatique, « hors limites », de « quatrième génération » etc.

Comment vaincre par des signes – ce qui est le but de ce type de conflits - ? La question est

tout sauf nouvelle : des stratèges chinois ou des philosophes grecs se la posaient il y a vingt-

cinq siècles. Pour autant, les réponses ne sont pas immuables. On ne trompe pas les foules

de la même façon sur l’Agora ou sur le Net. Les agents d’influence de Sun Zi ne

travaillaient pas dans les « war rooms » des modernes entreprises. Si les principes de la

rhétorique, de l’éristique ou des stratagèmes restent des sources d’inspiration, ils doivent

être révisés à la lumière de plusieurs décennies de travaux autant dans le domaine de la

stratégie que celui de l’information et de la communication.

Propagande : le mot évoque mensonges et bobards, guerres totales, idéologies totalitaires et

mass media. Le siècle précédent fut aussi celui des idéologies, donc de la propagande.

Elle enrégimenta des millions d’hommes. .Il a fallu attendre l’entre-deux guerres pour que

son étude devienne une discipline scientifique : de là naîtront les études des médias

(media studies) ou la sociologie des médias dont la première activité fut d’examiner le

mythe de l’omnipotence des médias sur des foules présumées passives.

La seconde moitié du siècle a été marquée par l’évolution des techniques du conflit

informationnel que ce soit dans un contexte de guerre froide qui fut largement une guerre

d’influence, ou dans celui de la mondialisation et des affrontements de puissance via

l’économie.

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Beaucoup crurent que les technologies de la communication offriraient des sources

d’information et des possibilités d’expression inédites sans qu’il y ait un prix à payer en

termes de fragilités et de risques informationnels.. Pour ses partisans, la société de

l’information devait reposer, sinon sur la vérité et le savoir, du moins sur le pluralisme et

sur la disponibilité des connaissances. Or il faut bien constater que désinformation et

manipulation aussi se sont globalisées.

À l’heure où Internet et la télévision planétaire semblent tout dire et tout montrer, il faut

redouter les falsifications autant que la contagion du fanatisme. Désormais, il n’y a pas

que l’État ou le Parti qui recourent aux méthodes de persuasion ou de sidération via

l’information. La Toile devient un terrain de manœuvres, tandis que le monde de

l’économie découvre la déstabilisation informationnelle et les offensives en réseaux.

L’affrontement des images double celui des armes et des économies. Parallèlement, le

terrorisme révèle toute sa puissance, publicitaire et symbolique. Ses mises en scène jouent

des contradictions d’une société qui se voudrait de l’information.

Pouvons-nous croire aux images des conflits qui nous parviennent presque en temps réel ?

Ou du moins à la lecture qui nous en est proposée ? Caméras partout mais certitude nulle

part.

Faut-il se fier aux bruits et rumeurs qui courent sur Internet ? Savons-nous mieux qu’hier

juger de la réalité et échapper au bourrage de crâne ? Quand tout peut s’exprimer,

personne ne peut plus rien croire.

Aux formes classiques de propagande (celle qui consiste à faire croire que… et à faire

croire en…), s’ajoutent de nouvelles utilisations agressives et dominatrices de l’image et

de l’information. Certaines mobilisent les technologies numériques et pervertissent

réseaux et mémoires, d’autres manipulent l’opinion à des fins économiques ou politiques.

Du coup, le terme « guerre de l’information » finit par recouvrir suivant le cas une

techniques sophistiquée de sabotage électronique, des bruits boursiers, un quasi-canular

sur Internet ou une manipulation de l’opinion mondiale par des mises en scène

sophistiquées.

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L’affrontement prend des dimensions nouvelles.

Technologiques d’abord : l’équation numérique + réseaux bouleverse les règles

stratégiques, tandis que la lutte pour le contrôle de la connaissance prend une importance

cruciale.

Économiques, bien sûr. Mondialisation et intensification de la concurrence favorisent des

stratégies positives d’influence. Celles-ci passent par le prestige, la culture et les modes

de vie, par le formatage des esprits ou la formation des élites, par de nouvelles méthodes

connues suivant le cas comme diplomatie publique, pouvoir « doux » (soft power) ou

management de la perception. Mais d’autres stratégies sont, elles, délibérément

négatives : atteinte à la réputation d’entreprises, déstabilisation par l’information

Éthiques, enfin. Les exigences croissantes de nos sociétés dites du « risque » - sécurité et de

respect des droits, que ce soient ceux de l’individu, des communautés ou de la Nature -

crée de nouvelles occasions d’affrontement à travers les perceptions et l’opinion.

L’emprise morale, la faculté de condamner et de mettre au pilori médiatique sont exercés

par des organisations ou à des individus s’exprimant au nom de la société civile. Ce sont

les nouvelles sources d’un pouvoir souvent exercé par des réseaux informels et qui

échappent aux acteurs politiques ou économiques traditionnels.

De la propagande de papa à ses modernes avatars - guerre psychologique ou de l’image,

communication stratégique, influence - il est temps d’explorer un domaine où règnent

mythes et confusions.

On tentera de le faire ici en répondant à cinq questions souvent posées

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Question n° 1!: Quelle information!?

Tout commence par un problème de mot.Le mot « information » recouvre plusieurs sortes de réalités :

- des données, c’est-à-dire des traces matérielles stockées quelque part, depuisune stèle de pierre jusqu’à des cristaux de silicone dans un disque dur. Ellesperpétuent des signes (mots, images, sons, bits électroniques). Les données perdurentà travers le temps

- des messages, c’est-à-dire, de l’information en mouvement. Elle est destinéeà un récepteur capable de l’interpréter, et de la distinguer comme signifiante d’entretous les signaux qu’il reçoit. Les messages circulent à travers l’espace et s’adressent àquelqu’un

- des savoirs, c’est-à-dire de l’information, interprétée et mise en relationavec d’autres informations, dans un contexte et faisant sens. Les connaissances sontproduites par le cerveau de quelqu’un

- des programmes, depuis le code génétique jusqu’à un logiciel, quicontiennent des instructions destinées à un agent matériel. Les programmes « font »virtuellement quelque chose.

L’information comme catégorie générale recouvre l’incessant processus de passageentre des données, des messages, des connaissances et des programmes. Celarecouvre notamment ce que les anglo-saxons regroupent sous les catégories de data,knowledge et news

Les conséquences pratiques de ces ambivalences se paient en flou plus ou moinsidéologique et nourrit nos mythologies quotidiennes.

Ainsi l’expression « société de l’information » peut signifier :

a) Société où une part croissante de la valeur économique résulte de la production, dela distribution et de la demande de données, images ou symboles

b) Société où les machines et dispositifs informationnels se multiplient, et où chacunest confronté des messages nouveaux en nombre très supérieur aux générationsprécédentes

c) Société dont le destin serait lié au développement d’un principe historique du nomd’information, par contraste avec les sociétés agraires ou industrielles

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d) société où chacun devrait avoir la possibilité de s’exprimer et de jouir depossibilités de connaissance inépuisables

Pour la même raison, suivant le contexte « guerre de l’information » peut- désigner des manœuvres de sabotage informatique par écrans interposés,- servir de synonyme vague à manipulation médiatique- voire à toute forme d’action psychologique ou idéologique agissant sur

l’esprit humain et dans le cadre d’un conflit ou d’une rivalité.

Entre le virus informatique et les ruses d’Ulysse, le champ est large

Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’on possède des « technologies de l’information »même très sophistiquées que l’on maîtrise mieux l’information. Des moyensmodernes d’acquérir et traiter des données peuvent ne pas informer du tout (au sensde ne fournir aucune connaissance opératoire de la réalité).

Connaissance préalable et préalables de la connaissance

L’exemple le plus frappant de ce processus de confusion données/savoir est fourni parl’inefficacité de ce que les Américains nomment la « Communauté del’intelligence ». Elle se révèle d’abord incapable d’anticiper le 11 Septembre, croitdécouvrir des Armes de Destruction Massive où il n’y en a pas et, au final, se révèleinutile face au chaos de l’Irak post-saddamique. Or cette communauté, ce sont letreize agences américaines de renseignement ; leur budget (30 milliards de dollarsdès 2001) était déjà supérieur au budget de défense de tous les États du monde saufsix. En d’autres termes, posséder une multitude de satellites espions, intercepter desmillions de communications par jour ou employer les meilleurs cerveaux(électroniques ou humains) peut parfaitement ne servir à rien. Le fait d’avoir porté lebudget à près de 40 milliards actuellement n’y changera probablement rien.

Examinons le cas du 11 Septembre. La commission bipartisane U.S. d’enquête a renduun rapport sur ce sujet, rapport si explosif qu’il est devenu un succès de librairie. Ildécrit sobrement l’attentat, notant « ce fut un choc, mais ce n’aurait pas dû être unesurprise ». Après 19 mois de recherches, la commission constate l’échec de la pluspuissante machine de surveillance de l’Histoire. Cela laisse subsister le mystère de la« prior knowledge », la connaissance préalable que les U.S.A auraient eu ou auraientdû normalement avoir de ce qui se préparait.

Au passage, le président de la commission, Thomas H. Kean avertit « En raison desoffensives contre Al Quaïda depuis le 11 septembre et du renforcement de la sécuritédu territoire, nous nous croyons plus en sécurité. Mais nous ne le sommes pas. »Évitant pudiquement de se prononcer sur le point de savoir si l’invasion de l’Irak aservi à quoi que ce soit du point de vue de la lutte anti-terroriste, le rapport de 567pages laisse pourtant ouverte la possibilité d’un second attentat comparable ou plusgrave que celui de 2001. Une possibilité qui nourrit des rumeurs récurrentes.

Quant au passé, tous doivent convenir que les signaux d’alerte n’avaient pas manqué :avertissements des services européens, indications sur des individus suspects

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d’appartenir au réseau al Qaïda, rapports négligés. Ni l’idée de s’en prendre au WorldTrade Center, ni celle de précipiter des avions détournés sur des bâtiments n’étaientnouvelles. En aval, les apprentis terroristes avaient agi avec un étrange manque dediscrétion. Leurs images filmées, leurs fiches dans des dossiers, leurs relevés decartes bancaires et leurs visites chez les strip-teaseuses : autant de cailloux quipermettront de reconstituer, mais trop tard, leur itinéraire. Les propos alarmistes surles menaces contre la homeland security, la sécurité du territoire, les scenariiingénieux décrivant d’éventuelles attaques, les analyses subtiles sur les conflitsasymétriques ou les menaces transnationales, peuplaient des rayons de bibliothèque.En vain.

Même le rapport daté du 6 août 2001 et qui annonçait que Ben Laden préparait uneattaque contre les U.S.A. est resté dans un tiroir. De la même façon, une note d’unagent du FBI de Phoenix Arizona signalant l’hypothèse de kamikazes jihadistes encours d’entraînement au pilotage sur le territoire des États-Unis n’a pas suffi à tirer lasonnette d’alerte

Bref l’événement le plus imprévisible paraissait avec le recul inéluctable : commentavait-on pu ne pas prévoir ? Où était l’erreur ? De là, ce qu’il est convenu d’appeleraujourd’hui la crise du renseignement. Pour l’expliquer, on avance généralement troistypes de raisons qui, du reste, ne s’excluent pas : le politiquement correct, labureaucratie, la technocratie.

• La première aurait empêché la CIA de faire son travail qui ne consiste pas àfréquenter des enfants de chœur.

• La seconde aurait empêché la coordination des services.• La troisième aurait incité la « communauté de l’intelligence » à tout miser sur des

logiciels et des satellites, et à négliger qu’il fallait aussi des gens qui connaissent leterrain et parlent arabe ou pachtou.

Pour une part il y avait donc un problème classique de traitement de l’information.L’incapacité de certaines agences fédérales à partager leurs renseignements etl’absence de responsabilité effective ou les lenteurs sont des problèmes indiscutables,mais que résoudrait une bonne réforme bureaucratique. La question de l’intelligencehumaine est d’un autre ordre. La lutte antiterroriste ne peut se dispenserd’informateurs directs, indicateurs et agents infiltrés dans ce qui est par définitionune des structures humaines les plus impénétrables : une société secrète.

Accumuler les données (et notamment des interceptions de communication donc cequ’un ennemi astucieux peut le plus facilement utiliser pour vous intoxiquer) nesignifie pas grand chose : ce n’est pas une question quantitative. Et les mélanger avecdes informations humaines c’est additionner des poires et des pommes. La sourcen’est pas de même nature et tout cela ne produit pas de l’information comparable.

Il faut cependant relativiser en se rappelant d’autres effets « rétroactifs », sourcesd’autres « Comment pouvaient-ils ignorer ? ».

• Comment les U.S.A. ont-ils pu ne pas prévoir Pearl Harbour,• Comment Staline a-t-il refusé de croire qu’Hitler se tournerait contre l’U.R.S.S. ?• Comment les services secrets israéliens ont-ils pu être surpris par l’offensive du

Kippour ?

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Probablement pour les mêmes raisons : les signaux faibles et significatifs étaient noyésdans la masse des données contradictoires, les bonnes hypothèses confrontées à desscénarios multiples et tout aussi crédibles les uns que les autres. Et surtout, lesanalystes travaillaient probablement en fonction d’une hypothèse dominante dont ilscherchaient des indices qui la confirmeraient. Alors qu’il aurait fallu raisonner àrebours et en termes d’hypothèse « falsifiable » : comment puis-je énoncer une thèserelative au comportement futur de l’adversaire de telle façon que je sache non pasquels indices la confortent, mais quels faits en démontreraient radicalement lafausseté.

L’interprétation contre le savoir

L’affaire des ADM montre comment mal interpréter les faits. Si vous partez d’unpostulat (Saddam possède des armes et tente de nous tromper) et que vous encherchez confirmation, vous « gagnez » à tous les coups.

Tout vient renforcer votre certitude :• les rapports sur les armes que possédait l’Irak (et dont vous ne savez pas si elles

sont détruites ou non),• ceux qui mentionnent les armes qu’il aurait pu posséder,• la moindre erreur ou imprécision dans ses déclarations, la moindre zone d’ombre,• la plus vague rumeur rapportée par des exilés qui ne vivent plus dans leur pays

depuis des années mais qui ont tout intérêt à raconter que Saddam est à deux doigtsde posséder la bombe atomique….

Ce que l’on savait hier , ce que l’on pourrait attendre demain et tout ce qui paraîtcontradictoire aujourd’hui semblent donc aller dans le même sens.

Tout est interprété suivant cette grille. Une tache blanche sur une photo satellite devientun camion laboratoire, un tube d’aluminium qui pourrait servir à toutes sortesd’usage devient une pièce de centrifugeuse.

En tout état de cause, il est naïf interpréter un monde hostile où règne le secret et ladésinformation avec l’espoir qu’un bon rapport de services de renseignement poserale problème comme une équation opposant probabilité, risques et avantages. Àl’époque du principe d’incertitude – où les dirigeants doivent prendre des décisionssur la base de risques inconnus, non-mesurables et dépendant de futures découvertesscientifiques – qui peut espérer remplacer la décision politique par plus d’ordinateurset de capteurs ?

Nous savons maintenant que les fameuses sociétés de contrôle ne contrôlent pas mieuxle prion que les terroristes. Ces gens qui croient tous aux rêves prémonitoires etargumentent par fables, apologues et proverbes, sont capables de mettre en échec latechnologie sophistiquée. Il y a des explications : trop d’information tuel’information. Trop d’alertes tuent la vigilance. Trop d’anticipation tue la prévision.Plus une machine gère de données, plus elle est sujette aux fausses alarmes, par auto-emballement ou parce que ses ennemis sont assez habiles pour l’intoxiquer et laleurrer.

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La façon dont fonctionne le système d’alarme U.S. n’est pas moins symptomatique :sur la base de prétendues communications interceptées entre membres d’al Quaïda, ilne cesse de passer sporadiquement au niveau jaune, rouge ou orange d’alerte…, sansqu’il se passe rien. Appliquant une version sommaire du principe de précaution (ycompris le principe de précaution bureaucratique qui consiste à tirer le signald’alarme dans le doute, plutôt que de risquer le reproche de ne pas avoir prévenu lepays si jamais le risque devait se réaliser), l’administration traduit tout signalnouveau en alerte. Ceci ouvre la porte à tous les soupçons politiques. Le fait que lesU.SA. n’aient plus jamais été en « zone bleue » ou « zone verte » depuis le 11Septembre contribue à maintenir une atmosphère de guerre : un tel stress ne peutqu’inciter les citoyens à se regrouper derrière leurs chefs.

Ainsi, début Août 2004, une alerte particulièrement dramatique amène les autorités àprotéger des cibles liées à la finance à New York et Washington (Banque Mondiale,centres de commande financiers à Manhattan…). Le tout sur la base d’informationstrouvées dans l’ordinateur portable d’un membre d’al Quaïda à Gujrat. Mais lelendemain, il se révèle que les données en question datent d’avant le 11 Septembre2001.

Détecter les projets ennemis, surtout quand ledit ennemi est susceptible de frapperpartout et qu’il prépare de multiples plans depuis des années, demande plus que desdonnées. Il faut la capacité de retenir les hypothèses les plus graves et de les vérifier.Sinon le système de détection risque d’être victime du trop d’imagination (les expertsqui pondent scénario sur scénario pour décrire ce que pourrait faire l’adversaire),adversaire qui, lui aussi, examine toutes les possibilités avant de trouver la soft targetqu’il frappera.

S’ajoute le facteur temps. Plus il y a de données, moins on se décide à temps. Plus onétudie de scenarii, moins on est prêts. La vision totale multiplie les points aveugles.La question n’est pas seulement d’avoir des moyens de surveillance, elle est de neréagir qu’aux bons signaux, de n’être ni intoxiqué, ni surexcité. Donc de savoir àtemps : reconstituer après coup le moindre déplacement ou la moindre dépense d’unsuspect ne sert guère.

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Censure et gardes-barrière

Après l’expérience des ADM en Irak qui a totalement décrédibilisé la stratégie U.S.(souvenez-vous de la surabondance de preuves étalée par Colin Powell devantl’Assemblée Générale des Nations Unies en Février 2003) il faut tenir compte d’unautre facteur. Plus abondante est l’information qui remonte de la base, plus grand lepouvoir des « garde-barrières » (les gate keepers de la sociologie américaine). Cesont ceux qui

• la sélectionnent,

• la placent dans un contexte précis,

• la confirment par des sources redondantes sous leur apparente diversité,

• ne retiennent que ce qu’ils attendent,

• nient les démentis

• interprètent

• et finalement présentent un dossier « irréfutable » au décideur, en l’occurrence leprésident des Etats-Unis.

Ceci est d’autant plus redoutable que les gate keepers pratiquent le group thinking.Traduction française : ces types deviennent délirants lorsqu’ils se renforcent les unsles autres de leurs certitudes idéologiques. La même énonciation hasardeuse oumensongère est alors répétée, attribuée faussement à des sources convergentes, et,bien entendu, validée.

À moins qu’il ne faille envisager un trucage délibéré. La façon dont, selon letémoignage de Robert Clarke, toute l’équipe de crise de la Maison-Blanche avaitdécidé dès le lendemain du 11 Septembre de rechercher exclusivement les indices quiimpliqueraient Saddam dans les attentats. Et donc de négliger la piste de Ben Ladenjusqu’à ce que son évidence l’impose. D’autres témoignages laissent penser quel’OSP (Office of Special Planning) a joué un rôle décisif en sélectionnant et biaisanttoute l’information qui remontait à propos des ADM.

Spirale du délire idéologique ou trucage délibéré ? À l’époque du Viet-Nam on disaitque grâce à Mac Namara et à ses technocrates, le président des U.S.A. était l’hommedu monde le plus mal informé de ce qui se passait sur le terrain. Et que la CIA avaitprévu huit des trois dernière crises qu’avait traversé l’Amérique. Après l’affaire desA.D.M., il faut conclure que la poignée de néo-conservateurs qui entouraient G.W.Bush ont réussi soit la plus naïve auto-intoxication, soit le mensonge d’État le plusénorme de l’histoire du non-renseignement.

Les exemples de machines bureaucratiques servant à produire de la connaissanceinutile, ou de la confusion entre données et savoir ne sont, bien entendu, ni lemonopole de l’État, ni celui de la Défense, ni celui des U.S.A. Voir les décisionsabsurdes (titre d’une excellent livre de Christian Morel). On découvre comment uneentreprise persiste à utiliser des méthodes visiblement contre-productives, commentdes gens individuellement intelligents, diplômés et ayant des responsabilitésprofessionnelles, peuvent collectivement choisir une solution dont un enfant de huitans verrait l’absurdité… Ou encore comment des individus bien formés comme des

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pilotes d’avions ou des capitaines peuvent, tout en ayant tous les éléments et tout letemps de décision, adopter un comportement suicidaire, qui aboutira au crash del’appareil ou à la collision de deux cargos.

Les individus (et à plus forte raison ces individus collectifs que les sont lesorganisations et bureaucraties) sont capables d’interpréter le réel pour le réduire auconnu, au prévisible ou au souhaitable, ils peuvent suivre des enchaînementsabsurdes, produire des erreurs cognitives, détourner les mécanismes de décision deleurs buts…

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Question n°2 Quelles stratégies mobilisant quelle information!?

La guerre au sens strict suppose un conflit armé collectif, organisé et durable.L’éventualité de la mort d’homme la distingue des autres formes d’affrontement quel’on a coutume de baptiser par extension guerre de ceci ou guerre de cela, etnotamment guerre économique ou guerre de l’information.

À ce stade, nous pouvons nous interroger sur ce génitif : que signifie guerre « de »l’information ? Classiquement, il est convenu de répondre qu’il s’agit d’une guerre« par, pour et contre » l’information.

• Par l’information : en produisant des messages efficaces – qu’il s’agisse detransmettre des instructions ou de rallier des partisans – mais aussi en fabriquant desvirus informatiques ou en gérant au mieux un savoir supérieur à celui de l’adversaire.Bref, l’information utilisée d’une certaine façon se transforme en arme ou en facteurde supériorité.

• Pour l’information : il s’agit, cette fois de l’acquérir comme une richesse. Il estévident qu’il y a avantage –que la lutte se déroule sur le champ de bataille ou qu’ellevise à gagner des marchés – à percer les secrets de l’autre, à se procurer certainsrenseignements pertinents sur ses intentions, sur l’environnement…

• Quant au « contre l’information », il est la conséquence des deux premiers. Nousraisonnons dans le cadre d’une relation de conflit, où l’autre ne cherche passeulement à faire mieux que nous au regard de certains critères de succès (cela, c’estla concurrence), mais aussi à diminuer notre capacité d’action. Dans, ce cas, il fauts’attendre fort logiquement à ce qu’il lutte lui aussi « par l’information » notammenten tentant de nous induire en erreur, ou de diminuer nos capacités de coordination etde réaction, en s’en prenant à notre réputation, en divisant nos alliés, … Il faut doncprévoir des boucliers pour se protéger que ce soit contre une cyber-attaque visant unsystème informatique, contre un bruit propagé par la presse ou contre un stratagèmeadverse nous poussant à la fausse manœuvre sur le champ de bataille.

Entre l’information warfare et les ruses de l’amant

L’inconvénient de tout ce qui précède est que la trilogie « par, pour, contre » fonctionneun peu trop bien. Elle s’applique à toutes sortes de situation qui n’ont qu’un lointainrapport avec la guerre. Ainsi, on peut analyser n’importe quelle stratégie amoureuseen ces termes. Par exemple, dans Le barbier de Séville, le comte Almaviva, sedéguise en maître de musique envoyé par Bazille, et fait parvenir des messagessecrets à sa belle. Il utilise des espions ou des agents comme Figaro pour obtenir desinformations sur la maison de Rosine. Mais il doit aussi lutter « contre »l’information et notamment les ruses du barbon qui fait avouer à la jeune fille qu’ellea rendez-vous avec son amant. Et ne parlons pas du fameux « air de la calomnie » quipourrait être l’hymne de tous les désinformateurs ! L’idée de la trilogie n’est doncpas fausse, mais doit être précisée.

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Pour notre part, nous préférons dire que le conflit fait apparaître les informationscomme désirables (des bases de données, des images satellite, des codes d’accès, dela monnaie électronique, des messages cryptés, bref des renseignements qu’il fautacquérir),

• comme vulnérables (des logiciels, des mémoires, des sites, des réseaux, lesinformations ou vecteurs d’information qui peuvent être faussés par une actiondélibérée)

• et comme redoutables (des virus, des rumeurs électroniques, des mensonges, brefles informations dont la propagation est favorable à un camp et nuisible à l’autre).

L’information n’est pas une ressource en soi qu’il faudrait accumuler pour assurer savictoire dans un conflit, comme il faut accumuler des canons pour la bataille ou decapitaux pour les affrontements économiques. Elle se prête à des stratégiesdifférentes dont il faut comprendre la logique. Par stratégie, nous entendons un usagede moyens dirigés par une intelligence et une volonté, mais contrariés par une autreintelligence et une autre volonté.

Il y a notamment stratégie lorsqu’un acteur tente rationnellement d’imposer sa volontéà un acteur opposé ou de lui infliger un dommage qui le contraigne à la passivité. Ce« dommage » peut aller du massacre d’une population entière en cas de conflit arméà un préjudice beaucoup plus subtil, médiatique ou de réputation par exemple, voire àune simple perte de temps. Ainsi, si une entreprise subit un « déni d’accès » par unecyberattaque qui bloque délibérément l’usage de son site pendant quelques heures,elle ne fait que perdre du temps. Pendant X heures elle ne peut pas fonctionnernormalement. Pourtant ce temps peut entraîner des pertes financières, voire lafermeture de l’entreprise. Ce fut le cas de « E-toys », attaquée par des cyber-altermondialistes.

Savoir plus, faire croire que

Nous pouvons maintenant reformuler l’idée de stratégies de l’information.

Certaines d’entre elles sont des stratégies purement cognitives : il s’agit d’en savoirplus que l’adversaire. Ce qui semble évident : qui sait gagne. Une telle stratégie nedéroge pas aux principes classiques de Clausewitz. Ce dernier insiste sur le« brouillard » et la « friction » de la guerre.

• Le « brouillard » c’est l’ignorance où est placé le stratège des plans, des forces, dela position de son ennemi, des circonstances météorologiques, géographiques,techniques ou autres qui faciliteront ou pas son action et de cent autres facteursdécisif.

• Quant à la friction, elle se manifeste par tout ce qui contrarie les plans duditstratège : un accident, un message perdu, un corps de troupe égaré, une pluieimprévue, un problème d’intendance, bref tout ce qui fait que, dans la vie réelle, rienne se déroule conformément à ce que projetait notre imagination.

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Dès lors, il est évident qu’il y a tout avantage à diminuer son propre brouillard et sapropre friction (et mieux encore à augmenter ceux de l’autre). Le budget dit de« l’intelligence » américain (40 milliards de dollars) ou le modeste poste de veilled’une modeste entreprise sont des machines à dissiper le brouillard. Un intranetperfectionné, un système de commandement « en réseaux » ou une savante stratégiede « Knowledge management » sont des machines à combattre la friction en rendantl’armée ou l’entreprise plus réactive, mieux coordonnée, moins sensible auxinterruptions de transmission…

Dans cette famille de stratégies, l’information est importante dans la mesure où elle estsoit « vraie » (par exemple : le renseignement qui me dit que le corps d’armée X est àl’Ouest ou que l’entreprise Y lancera une OPA demain matin est exact) soitauthentique et intégrale (les instructions de A sont parvenues à B avec promptitude etexactitude ; elles ont été bien interprétées). Il s’agit, en somme, de mieux éclairer laréalité à son profit.

Mais il existe une autre famille : celle où l’information est utilisée pour ses effets decroyance, pour sa capacité à transformer les jugements de valeur, voire lescomportements de quelqu’un qui est impliqué dans le conflit. À la limite ce« quelqu’un » peut être l’opinion publique internationale, puisque sa neutralité, sonindignation, sa sympathie pour tel ou tel camp ont une grande importance.

Soit un message comme « Soldats, préparez-vous à mourir pour défendre ce pont, car lesort de la patrie en dépend. » ou encore « Il paraît qu’un rapport scientifique qui a étéétouffé démontre que les biscuits X sont cancérigènes ». Dans les deux cas, la« valeur » stratégique de l’information ne dépend guère de sa véracité (encore que laseconde assertion soit plus vérifiable que la première), mais elle est fonction de sapropagation et de sa réception. Plus les intéressés croient en ces propositions, plus ilsse comportent comme l’attend le stratège – qu’elles soient vraies ou fausses – dans lepremier cas en défendant le pont, dans le second en faisant chuter le cours de l’actionX. Ici, il n’est pas question d’avoir « plus » d’information que l’adversaire, il estquestion de diriger une information efficace où et comme il faut.

Mieux décider, agir sur

Il faut donc distinguer l’usage de l’information comme facteur de décision, i.e. commepréalable à l’action, et sa valeur comme « faire croire ».

• Le premier vise à une utilisation plus efficace de ses propres moyens (un meilleurusage de la violence en cas de conflit armé), il accroît une sorte de différentiel quiavantage par rapport à l’adversaire (la capacité d’agir de façon adaptée).

• La seconde est un but en soi. Elle sert à motiver, déclencher ou apaiser. Plus que desjugements de type «je tiens la proposition Z pour vraie »), elle suscite des affects:pitié, indignation, haine....

• Le premier usage suppose généralement des capteurs, des moyens de traitement desdonnées et des outils de communications efficaces, des ordres et programmes.

• Le « faire croire », mobilise plutôt des médias au sens classique.

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Il va de soi que les deux se recoupent. Il n’est pas toujours facile de distinguer lafalsification de données dans le cadre d’une opération de déception ou l’intoxicationd’une part et d’autre part la désinformation de l’opinion publique. Cette dernièremanœuvre recourt souvent à des documents truqués ou à des « nouvelles » biaisées.Nous verrons plus loin qu’il y a moyen de préciser cette distinction binaire.

Il n’y a ni technologie, ni méthode qui garantisse le succès dans les deux domaines (nidans les trois pour ceux qui préfèrent s’en tenir à la distinction « par-pour-contre »).Le fort dans un domaine ne prédomine pas pour dans l’autre.

C’est le cas lorsqu’un isolé « invente » (que ce soit au sens de fabriquer ou de trouver)l’information qui va trouver des repreneurs, se répandre partout et qui contrariera laversion des faits présentée par une énorme machine.

• Ainsi quand Thierry Meyssan (responsable du site Réseau Voltaire décrète au vud’une photo reprise sur la Toile qu’il est impossible qu’un avion se soit écrasé sur lePentagone le 11 Septembre, des dizaines de milliers de gens reprennent la théorie

• ou lorsqu’un individu isolé lance seul le site « Blue Oval » qui recense les incidentsrapportés sur les automobiles Ford, il met en péril la réputation de la société..

Dans les deux cas, les faibles, avec des moyens ridicules, remportent un succès sur lesforts. Le faible, dans le premier cas inquiète les autorités U.S., dans le second unemultinationale. Mais encore fallait-il trouver l’information qui trouverait desrécepteurs favorables tous prêts à la croire : ce ne peut être affaire ni d’argent, ni debureaucratie, ni de technologie.

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Question n°3!: Y a-t-il guerre sans infoguerre ?

Jouir d’un meilleur éclairage que l’adversaire sur la réalité, les forces etl’environnement, deviner ses intentions, dissimuler ses propres positions etintentions, améliorer ses moyens de perception, commandement et coordination,dégrader ceux de l’autre, exalter ses partisans, démoraliser ceux de l’adversaire,diviser ses alliés et son commandement,… rien de tout cela n’est nouveau.

Que cela se fasse avec des peintures de guerre, en faisan le guet comme un chasseur,par des stratagèmes ancestraux ou via la cyberwar, cela ne change rien sur le plan desprincipes stratégiques. Ils sont immémoriaux. Ainsi, pour prendre le cas des guerrespréhistoriques, les recherches récentes nous en donnent une description qui évoquedes razzias ou des opérations de commandos. Nos ancêtres semblent avoir pratiqué,au moins dès le Paléolithique, une tactique de vitesse, de mouvement, d’infiltrationdans le territoire ennemi, d’attaque de ses points faibles tels ses campements. Cela sefait par surprise, ruse, renseignement, mobilité et exploitation du terrain. La guerre dufeu ébauchait déjà une infoguerre.

On connaît donc depuis toujours les arts martiaux de l’information que nous avonsdéfinis ailleurs comme :

- l’art de paraître (encourager les siens, mobiliser les soutiens, impressionner)

- l'art de tromper (amener l’ennemi à des décisions erronées ou l'affaiblir)

- l'art de voir (au sens général : surveiller le terrain, les forces en présence,l’adversaire, anticiper ses intentions)

- l'art de cacher (se rendre invisible, conserver ses secrets et surprendre).

Pourtant, les technologies de collecte, transmission ou traitement de l’information, dutam-tam au satellite, ou du péan grec au reportage du front live sur CNN,bouleversent la façon dont le stratège perçoit et exploite les facteurs de décision :temps, territoire, rôle de l’aléa.

Ceci vaut dans le domaine de la supériorité cognitive qu’un des protagonistes peutacquérir par rapport à l’autre, et qui - on s’en doute – dépendent de plus en plus de satechnologie. Mais les médias transforment aussi l’action symbolique des mots et desimages. Ainsi, avec la télévision, selon le mot de Mc Luhan, le front est partout et laguerre se déroule dans chaque salon. Avec l’équation numérique plus Internet, le pluspuissant ne contrôle plus les images du conflit, et ne peut interdite la diffusion dephotos de sévices dans les prisons ou de vidéos de groupes terroristes sur la toile.

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Du camouflage à l’anonymat

Prenons l’exemple le plus simple, celui du camouflage. Il est élémentaire parce qu’il estpratiqué par certaines espèces animales qui pour se protéger ou, au contraire approcher leurproie, sont capables de se fondre, par la forme ou la couleur avec leur environnement (unevariante du camouflage est le mimétisme qui permet à une espèce de contrefaire une autrepour l’attirer ou lui échapper). Jusque-là la pratique du camouflage dépend des gènes del’animal ; au mieux, il active un mécanisme potentiel au moment opportun (ainsi le caméléonchangeant de couleur). Pendant des millénaires l’homme ne fait rien d’autre que de reproduireculturellement ce que fait l’animal : il se peint ou se recouvre de quelque chose comme desbranchages , ce qui lui permet de se confondre avec le fond sur lequel apparaîtrait autrementson corps. Qu’il s’agisse de s’approcher de la proie, d’échapper à ses propres prédateurs, oude tendre une embuscade à l’ennemi, la technique ne change guère.

Changement brusque en 1914 : on invente une technique de leurre optique qui permet a) deporter en permanence son camouflage sur soi puisqu’il est intégré dans le tissu de l’uniformeou la couleur des armes et b) d’échapper au tir à beaucoup plus grande distance en seconfondant le plus possible avec l’horizon. Puis vient le camouflage des véhicules, souvent àbase de formes « brisées » qui interdisent la reconnaissance d’une silhouette sauf à être à toutepetite distance. Du coup, le camouflage sert à gagner de la protection (le véhicule est plusdifficile à viser), du temps (l’ennemi le voit trop tard ou ne l’identifie pas bien au premierabord) et de l’espace (le véhicule, avion ou navire peut s’approcher plus facilement de lui, surterre, du ciel ou sur mer, ou fuir plus aisément).

Seconde guerre mondiale seconde révolution avec l’invention du radar. Le radar n'est pas unetechnologie qui amplifie les sens humains, comme la jumelle, c'est un moyen de lesremplacer. Il recueille l’écho d’ondes qu’il envoie et qui rebondissent sur l’avion ou le navirepris dans son champ. Comment leurrer un capteur non humain ? Après de longues décennies,les chercheurs trouvent la solution : la furtivité. Celle-ci consiste, pour dire les choses trèssommairement, à imaginer une multitude de surfaces disposées de façon à renvoyer les ondesque reçoit l'avion ou le bateau ailleurs que sur le radar qui les émet. De plus, on recourt à descouleurs qui absorbent ces ondes au maximum. Désormais, ne pourront être « furtives », doncpotentiellement invisibles par un adversaire qu’elles détecteront au contraire parfaitement, queles armées à gros budget. Il ne suffit plus d’un pot de peinture et d’un peintre doué pour letrompe-l’œil.

Le vocabulaire stratégique parle désormais d’avions indétectables, à haute survivabilité,impunissables, ou de dominance aérienne. Toutes ces notions renvoient à la « Révolution dansles Affaires Militaires » (R.M.A.) chère aux généraux U.S. et parallèle du discours « civil »des années 90 qui célébrait les merveilles d’Internet et l’avènement de la société du savoir.

Affaire de puissances militaires donc ? Pourtant à l’ère numérique, chaque civil découvre quelui aussi a tout intérêt à se « camoufler » face à la surveillance du Big Brother étatique, ouface à la pesante sollicitude de Little Sisters, les compagnies qui veulent tout savoir sur nouspour nous faire des offres personnalisées. On se souvient du roman de Philip K. Dick, dont est

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tiré le film de Spielberg, Minority Report. Dans cet univers futuriste, le citoyen est identifiableà chaque minute de sa vie : ainsi, lorsqu’il pénètre dans un magasin, des ordinateurs lereconnaissent en filmant sa pupille et lui font des propositions commerciales par son nom.Dans le roman, la police arrête les suspects juste avant qu’ils ne passent à l’acte : il n’y a pasbesoin d’attendre un commencement d’exécution pour réprimer les criminels « devinés » parun système de surveillance.

Nous n’en sommes pas encore là, mais nous commençons déjà à nous familiariser avec lesnotions (d’origine militaire) comme signature, trace… De nos navigations sur Internet à nosopérations financières en passant par les multiples systèmes d’indentification et de traçabilité,la technologie numérique multiplie les mémoires qui enregistrent ce que nous avons fait, lescomposantes de notre identité, ce que nous désirons, qui nous contactons…, bref tout ce quipeut nous rendre prévisibles, que ce soit dans nos tendances intimes ou criminelles ou dansnotre comportement économique.

Et comme, dans le même temps, la multiplication des transactions à distance obligent àprouver qui l’on est que ce soit par un code ou par biométrie, la crainte que nous devenionscontrôlables parce que transparents devient obsédante. La possibilité de rester anonyme, doncl’équivalent numérique des techniques ancestrales de camouflage, deviendra un enjeu majeurpolitique et économique.

Technologie et victoire

Le même principe vaut pour toutes les autres formes de la guerre pour l’information.Ainsi, celui de la dissimulation ou du secret.

Que faire quand on ne veut pas « devenir secret » (ce qui est la définition ducamouflage), mais « avoir » un secret, c’est-à-dire conserver une information poursoi seul ou ceux que l’on choisit ? Il existe trois types de solutions.

• Soit des techniques de rétention de l’information : se taire, respecter l’omerta,menacer ceux qui divulgueraient l’information suivant le cas du châtiment desdieux, d’un coup de lupara ou d’un procès pénal.

• Soit des techniques de protection : placer le support de l’information (que cessoit une formule scientifique, un plan de guerre, ou une liste de clients) dans unendroit gardé par des murs, des gardes ou des serrures.

• Soit enfin une stratégie de dissimulation. Elle consiste par exemple à conserveret faire circuler l’information sous une forme codée : ainsi seuls ceux quipossèdent la clef (le système de correspondance entre le signifiant et le signifié)pourront la comprendre.

Là encore, les principes sont immémoriaux, mais leur application dépend de latechnologie. Ainsi, aujourd’hui plus personne ne songerait à employer un codeconventionnel, reposant sur quelque chose d’aussi simple que la transposition deslettres d’un message par un système de substitution et de brouillage. La cryptologie,y compris dans ses applications financières (authentification des transactions àdistance sur Internet, par exemple) est affaire de recherche de pointe.

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Une lutte s’est engagée entre les individus et les États qui tentent de se garder lemonopole des moyens de cryptologie les plus puissants mais aussi les capacités dedécryptage les plus performantes. Ce qui veut dire en pratique les moyensinformatiques les plus high tech, en attendant peut être que se généralise lacryptologie quantique.. Elle repose sur le principe de l’envoi d’un signal qui ne peutêtre reçu qu’une seule fois par son destinataire, et donc ne peut être intercepté. Brefla cryptologie aussi devient un enjeu de libertés publiques, de puissance etd’intelligence économique, de marché et de recherche et développement. Cryptologiemilitaire et cryptologie civile constituent un secteur de pointe aux énormes enjeuxtechnologiques et économiques.

Des procédés ou des vecteurs informationnels employés en temps de guerre sontréutilisés en temps de paix (si tant est que la distinction reste pertinente). On pratiqueaussi intoxication, déception, désinformation, espionnage, surveillance, attaquescontre les réseaux de communication.

Parallèlement, la notion de guerre classique, surtout sous sa forme interétatique, estremise en cause par les multiples formes de conflits asymétriques, des violencesmafieuses dans les zones de non-droit ou par le terrorisme et autres violencespolitiques. On pourrait y inclure à la fois d’autres formes de violences physiques etd’autres stratégies destinées à produire un dommage ou une domination via desinstruments de contrainte économiques, informationnelles. Bref puisque les « artsmartiaux » de l’information servent dans tous les conflits, à commencer par lesconflits armés faut-il renverser la proposition et considérer que tout conflit où ilsinterviennent mérite le nom de guerre ?

La guerre au sens strict suppose des conditions minimales :

1) Des outils spécifiques, les armes. Elles agissent sur les gens et non sur les choses.De l’arme naît la possibilité d’administrer la mort collective. De la mort organisée, lanotion d’ennemi.

2) Des collectivités organisées. Au sens strict, la guerre ne saurait être privée (mêmesi elle peut satisfaire les intérêts particuliers du Prince ou des marchands de canon) :le combattant se reconnaît comme membre d’une communauté qui dispose de sa vie.Même le guérillero sans uniforme se réfère à une communauté qu’il dit incarner, « lepeuple en armes ». Même le professionnel froid (comme le mercenaire) se rattache àson corps des soldats de fortune.

3) Un but spécifique : la victoire. Elle commande la paix, et suppose soit ladisparition physique de l’ennemi, soit qu’il renonce à ses revendications en serendant, soit enfin qu’il s’établisse un compromis, un traité, qualifié à juste titre desemi victoire. La stratégie dispose des moyens violents contre une autre volontéintelligente. Mais elle agit en vue d’un ordre stable: telle province reviendra à telpeuple, telle autorité politique disparaîtra, La victoire est un discours à la postéritéque le vaincu ne pourra plus contredire.

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Aucune de ces conditions n’est obligatoirement remplie dans ce qu’il est convenud’appeler guerre de l’information et le mot guerre y est employé de façonmétaphorique pour désigner une agression délibérée et un dommage illégal.

L’ennemi, l’adversaire, le concurrent.

Ainsi en est-il, de ce que certains théorisent déjà comme infoguerre. Initialement ceterme, de l’anglais infowar, renvoie à la lutte pour le contrôle de l’information sur laToile. Le but est

• de dégrader les informations et fonctions informationnelles adverses,• de pervertir son système de décision• mais aussi d’agir sur l’opinion, notamment en propageant des rumeurs ou des

trucages.

En dehors du domaine d’Internet, la notion devient encore plus floue puisqu’ellerecouvre aussi bien des attaques contre la structure d’un système d’information oudes procédés de prédation s’exerçant sur des données précieuses que desmanipulations du public par l’information. La catégorie inclut à la fois l’utilisation deTechnologies de l’Information et de la Communication comme complémentd’opérations militaires, et des opérations délibérées de vol de données, de sabotageou de persuasion via les TIC ou les médias classiques. Ces dernières peuvent sedérouler en dehors du contexte militaire. Elles peuvent répondre à des finalitésdélictueuses, idéologiques, intéressés aussi bien que martiales.

Il en va de même avec la « guerre économique ». Le concurrent n’est pas l’ennemi.Outre la différence, évidente, que la « vraie » guerre tue de « vrais » gens, il existeune distinction cruciale –- entre l’infoguerre politico-militaire et économique. Dansle premier cas, l’attaque informationnelle vise une collectivité identifiée à sescroyances et symboles. L’ennemi est assimilé une catégorie : le capitalisme, lebolchevisme, les Serbes, les Arabes, les Boches. La guerre de l’information consistesouvent à dénoncer ses crimes et mensonges, à démontrer sa perversion foncière del’ennemi ou de la dangerosité des principes qu’il incarne. Le registre reste limité :complots, trahisons et atrocités en tous genres. Et, corollairement l ‘identité dugroupe est exalté, il est affirmé que « Dieu marche avec nous », etc.

La guerre de l’information économique n’a pas, en principe, cette ambition« pédagogique ». Elle cherche souvent à gagner un avantage indu sur le concurrentvoire à lui infliger un handicap, pas à lui imposer une volonté politique.

Parfois, elle consiste à décrédibiliser une marque ou une activité commerciale. Mais lediscours reste dans le registre du futur et du probable : manque de fiabilité financièred’une entreprise, dangerosité de ses produits, accidents ou épidémies, périlécologique ou sanitaire. Attaquer la réputation d’une firme ou lui voler un marché par

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des procédés assimilables à l’espionnage, ce n’est pas combattre un ennemi.Prétendre qu’une marque ou un produit ne respectent pas les règles universelles desalubrité, de précaution, n’est pas de même nature que présenter un peuple ou uneidéologie comme incarnant des valeurs négatives.

La guerre de l’information est donc à la zone commune où la stratégie politique etmilitaire, voire terroriste, recourt à des procédés comme un sabotage informatique, ledétournement de flux financiers ou une rumeur sur la Toile. Parallèlement, desoffensives économiques mobilisent des moyens autrefois réservés à la guerre. Ainsi,un système d’interception des messages comme Echelon, primitivement destiné àsurveiller les Soviétiques pendant la guerre froide se reconvertit sans peine dans la« guerre économique » ou dans la guerre antiterroriste.

Il y a donc partage des moyens ou des techniques, qu’elles soient « capacitantes » (toutce qui permet de faire ce que l’adversaire ou le concurrent ne peut pas faire) oudirectement agressives. Pour autant ne confondons pas une expérienceanthropologique fondamentale, la guerre, avec toute forme du conflit.

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Question n° 4!: Comment gagner avec des signes!?

La guerre ne saurait se réduire à une pure explosion de violence, ni s’expliquer par leseul jeu des instincts. Une activité sociale aussi complexe repose sur les arts de savoiret de faire-croire. En constatant la permanence du phénomène guerrier, on peuts’indigner la barbarie inhérente de notre espèce. On peut chercher à théoriser lesfonctions supposées (économiques ou démographiques, ou autres.) du conflit. Maisdans tous les cas, un discours polémologique – du nom de la discipline qui étudie lesguerres comme faits sociaux récurrents – ne peut faire l’économie d’une réflexion surle conflit informationnel, sur ses voies et ses moyens.

Celui-ci commence dès avant le recours aux armes. Pas de belligérance, pas dedésignation de l’ennemi, pas de sentiment d’appartenance, pas de consentement à la« mort légitime » sur le champ de bataille, sans de puissantes machines dereprésentation. Qui nous combattons est déterminé par une décision politique. Etcelle-ci réclame des moyens de communication et de persuasion. À plus forte raisonle conflit informationnel accompagne le choc des armes après l’ouverture deshostilités, comme nous avons abondamment tenté de le démontrer en développant lesprincipes précédent. Pour autant, il ne faut pas tomber dans la superstition de lasupériorité cognitive.

Maîtrise de l’information et contrainte de la violence

Les notions militaires modernes, surtout issues de la Révolution dans les Affaires Militaires,poussent cette logique jusqu’au bout. Elle transpose des idées liées à la « société del’information » dans le domaine du conflit, non sans fascination envers la technologie. Lesprincipes sont les mêmes :abolition des catégories anciennes d’espace, de temps, de hiérarchie et de savoir,

réactivité instantanée,

avantage à l’innovation technique et informationnelle,

gestion en temps réel de bases de données pour tracer, surveiller et anticiper l’adversaire(comme le concurrent ou le client en économie),

raccourcissement de la chaîne de la veille à l’action, réseaux…

La guerre de l’information répond à un principe d’économie des forces (elle est censéeremplacer les gros bataillons par les missiles intelligents par exemple, voire par des images oudes virus informatiques) et de réorganisation des forces (coordination en réseaux voire combat

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en réseaux). Du moins, pour ce qui concerne les fonctions de cognition et coordination. Laguerre du faire-croire est une tout autre affaire.

N’est-il pas évident qu’il y a avantage – dans une relation de conflit sanglant comme laguerre, mais aussi dans un conflit limité de type affrontement économique – à disposer demeilleures informations que l’autre, plus vite ? La réponse est évidemment positive.

Ce différentiel – base de ce que les stratèges américains nomment « infodominance » -suppose deux éléments

se faire « meilleure » représentation de la réalité que l’adversaire ou le concurrent (cette« réalité » inclut l’environnement, les forces et les projets de l’adversaire, ses propres forces,leur situation, les aléas possibles, les développements probables de la situation…)

traduire cette connaissance en action immédiate, ce qui le plus souvent se résume en lacapacité de délivrer les instructions adaptées au destinataire juste, que ledit destinataire soit uncorps d’armée, une unité Recherche et Développement ou le missile intelligent que nousévoquions plus haut.

De là à déduire que pour gagner il suffit de « savoir plus que… », voire de se doter dumeilleur équipement et donc de la technologie la plus récente, il n’y a qu’un pas. Un pas qu’ilne faut surtout pas franchir.

L’illusion technicienne`

. Les expériences contemporaines nous rappellent que la guerre continue à être conforme àson atroce définition : «l ‘art de mettre de l’acier dans de la chair ». Que cela se fasse sous lemasque de guérilla, de terrorisme ou de conflits asymétriques et non plus sous la forme debatailles « classiques » ne change rien à l’affaire. Aucun système de surveillance électronique,aucun satellite, aucun ordinateur, aucune « guerre en réseaux », aucun projet de « monitoringde la globalisation » ne peut éliminer la permanence de la violence la plus primitive.

L’idée de rendre la violence obsolète par une supériorité informationnelle est aussi utopiqueque d’imaginer que les hommes se rapprochant grâce aux moyens de communication nepourront plus se haïr (et donc ne se feront plus la guerre). De bons esprits successivementprophétisé que le chemin de fer, le télégraphe, le cinéma, la télévision, et finalement lesréseaux « rendraient la guerre impossible », tantôt parce qu’ils estimaient que lacommunication rapprocherait les peuples, tantôt en arguant que la supériorité technologiquelimiterait l’affrontement à une simple démonstration. On sait ce qu’il en a été.

Régis Debray ironisait dans son Cours de médiologie générale « L’homme nouveau, promishier par les chemins de fer, nous attend désormais tout au bout de l’informatisation de lasociété : petit entrepreneur, innovant, émancipé, convivial et libertaire. La religion nord-américaine du futur nourrit une myriade d’essais prophétiques où l’information factuelle sur

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les ultimes générations de microprocesseurs vient entretenir l’attente eschatologique du Salutpar la machine. » Le vieux rêve de Saint-Simon – le gouvernement des choses, c’est-à-dire ducalcul scientifique, remplaçant le gouvernement des hommes livrés aux passions – continue àaveugler.

Pourtant, il ne suffit pas de récuser le triomphalisme technologique pour comprendre leslimitations intrinsèques à toute stratégie de l’information. Si nous revenons aux fondamentaux(cf. principe n° 1 « L’information n’est pas une chose… »), nous constatons que le problèmeremonte à la nature même du pouvoir de l’information.

Elle est en effet, tout à la fois susceptible d’agir sur les choses, sur les gens et surl’information elle-même. Ses trois modes d’action – conférer une prise sur la réalité, fairechanger la perception ou la décision d’autrui, relier des savoirs ou des données à d’autres pourfaire sens – supposent des logiques complexes.

Les choses, les cerveaux, l’information

La réalité d’abord. La valeur de l’information dépend de sa capacité de réduire la complexitédes choix, en balisant le champ des possibles- et de favoriser la décision juste. Cetteconnaissance porte sur les conditions dans lesquelles se déploiera une action efficace. Elleporte aussi sur les plans de l’autre (qui sait souvent qu’il en est ainsi et peut penser ses« coups » en fonction de leur prédictibilité). Ces modes d’acquisition de l’information (avecleur corollaire, les procédures de protection du secret, les méthodes d’intoxication ou dedéception des décideurs adverses, voire de dégradation de leurs systèmes d’information)caractérisent la relation conflictuelle.

Un savoir stratégique ne saurait être pure technique. Ce ne sont pas seulement des moyensgarantissant une fin et assurant une économie de temps ou de ressources. L’avantageinformationnel dépend de l’opportunité juste et donc du temps (voire a contrario de lacapacité de faire perdre du temps à l’adversaire et d’accroître son incertitude). Pareil avantagepeut être très éphémère. Il peut être aussi très marginal dans la mesure où il dépend de l’étatdes connaissances d’un adversaire ou d’un concurrent, plus de l’anticipation de l’effet de cettedifférence sur son comportement. Le problème de discrimination de l’information pertinenteest donc crucial.

2) L’information agit aussi sur les gens. Une de ses particularités les plus étonnantes est desusciter la croyance. Or la croyance, ce n’est pas seulement l’assentiment à un énoncé (ausens où « A croit que… » impliquerait « A considère maintenant l’énoncé X commevéridique »). L’information/croyance est au centre d’un processus complexe entre relation(croire c’est souvent rentrer dans une communauté de convaincus), opposition (la croyancesuppose un refus d’autres représentations concurrentes tenues pour fausses ou perverses),mais aussi « focalisation » : croire c’est diriger son attention sur un énoncé ou un thème et parlà se fermer à d’autres possibilités ou à d’autres ouvertures sur le monde.

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Toutes les stratégies de l’information orientées vers l’action indirecte sur un sujet – qu’on lesclasse à la rubrique influence, manipulation, propagande, intoxication…. – supposent cesinteractions. Le résultat, c’est que le processus ne se laisse guère réduire en équations et que –par exemple -la persuasion, pragmatique qui agit sur les gens et non technique qui agit sur leschoses, reste un art très aléatoire et « tout de pratique ».

3) Enfin l’information agit sur l’information. Positivement d’abord. Des informations quimettent en ordre les données enregistrées, des connaissances qui hiérarchisent et relient desconnaissances, des moins de signes qui produisent des plus de sens, simplifier les structurespour ouvrir le champ des possibles, cela définit assez bien le travail de l’intelligence. Maiscette valeur peut être affectée du signe négatif : l’information, à rebours de son étymologie -in-former, mettre en forme - peut être un facteur de désordre et détruire l’information. Tel estle cas du virus informatique.

Il n’existe ni recette, ni technologie qui garantisse la réussite dans les trois domaines, et quiconfère ce que l’on pourrait résumer comme capacité d’agir sur la réalité, capacité d’agir surles cerveaux, et capacité d’agir sur la capacité. Mieux (ou pire) l’excellence dans un de cesdomaines tend à rendre aveugle sur l’importance des deux autres. La possession de moyens depuissance en particulier technologiques a tendance à faire négliger le facteur psychologique,le poids des croyances et des idéologies…

Corollairement se spécialiser dans le traitement de l’information, c’est souvent courir le risquede vivre dans un monde illusoire où tout ne serait que données qu’il s’agirait trouver, ranger,corréler…, en oubliant les nécessités de l’action. Enfin, tout miser sur l’action psychologiqueou les stratagèmes équivaut parfois à faire confiance la « pensée magique » en négligeant lesubstrat matériel et organisationnel de la stratégie.

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Les trois familles de l’Intelligence Économique

Pour quitter le domaine militaire et prendre un exemple simple, les diverses façonsd’envisager l’intelligence économique traduisent cette tendance à la spécialisation(aggravée par le penchant à théoriser sa propre spécialisation pour en faire le dogmede ce qu’est la vraie intelligence économique).

• Ainsi certains défendent une vision « colbertiste » de l’I.E.. Il s’agirait dedéfendre des marchés stratégiques, de favoriser les entreprises les plusinnovantes en leur fournissant en quelque sorte l’intendance informationnelle :des renseignements exacts sur l’état de la technologie, de la concurrence et desnormes dans leurs zones d’action, une bonne coordination entre action privée etaction publique, de bonnes normes de protection du patrimoine…

• Pour d’autres l’IE semble s’apparenter à une quête sans fin du art de naviguerdans le cybermonde en évitant le Charybde de la surinformation et le Sylla del’ignorance. Pour cela il faudrait donc explorer les recoins du Web invisible,classer, filtrer indexer, traduire, croiser des grilles, gérer, formaliser,modéliser…. De tout ce travail de maniement et taxinomie devrait résulter lasolution performante, comme si la décision était simplement la résultanted’éléments de calcul. Toute conception impliquant des notion politiques,géostratégiques ou psychologiques apparaît comme une hérétique à ces puristes.

• Une troisième famille se laisserait volontiers aller au fantasme du stratègeinvisible maniant les pions de l’illusion, de la persuasion et de la manipulationpour faire agir les hommes à sa guise. Comme si l’intelligence économique étaitune variante ésotérique du go.

Sun Zi – que cite volontiers la troisième famille – recommandait « Connaissez vous etconnaissez l’adversaire et jamais ne serez vaincus en cent guerres ». En l’occurrence,le contexte stratégique donne un sens bien plus étroit à cet impératif qu’au « Connaistoi toi-même » de la philosophie.. Il nous incite à penser ce qui nous est impensable.Comme si celui qui est surpris, leurré, aveuglé, désinformé, surinformé, mésinformé,intoxiqué… devait chercher la faille qui le rend vulnérable.

La meilleure leçon de stratégie de l’information commencerait sans doute par uneinterrogation (auto) critique. Quelles sont nos forces et nos faiblesses ? Selon quelscodes interprétons-nous le réel ? Comment fonctionnons-nous (mentalement,culturellement, collectivement…) ? Quels sont les points aveugles qui tendent à nouséchapper ? Que ne percevons-nous pas ? À quelles questions apportons-nous desréponses avant de les poser ? Qu’est-ce qui dérange nos certitudes ? Quelle faiblesseréside au cœur de notre force ?

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Question n° 5 Agir sur les esprits ou agir sur les choses!?

Une part de l’utilisation stratégique de l’information- celle que nous avons désignée parl’expression « agir sur des cerveaux »- suppose de chercher à obtenir des effets decroyance. Des signes (généralement des discours articulés et des images) sont alorsemployés

• Soit pour persuader, soit de la véracité d’un événement (les troupes ont tiré surla foule),

• soit de la vraisemblance d’un événement futur (le camp X va perdre).• Souvent aussi ces signes sont destinés à modifier le jugement et l’état émotif de

ceux auxquels il s’adressent. Donc à la fois sa perception et son évaluation de laréalité.

Dans tous les cas, le but est de peser sur le comportement d’autrui par l’intermédiairede signes – ou plutôt par la signification qu’il leur attribue- pour l’amener, suivant lecas, à s’indigner, à se débander, à agir contre ses intérêts, à voter, à investir, à semobiliser voire à mourir au combat. Que les signes en question soient un drapeaubrandi, une affiche, un reportage de CNN ou plusieurs tomes du Capital de Marx n’yfait pas grand chose sur le plan des principes.

Certes, tout ce que nous venons de dire des mécanismes du faire croire pourraitparfaitement s’appliquer à l’Église catholique romaine, à l’Éducation Nationale, àl’agence Publicis ou au barreau des avocats, donc à peu près n’importe quelleinstitution humaine. Chacune d’elle repose sur l’autorité qu’elle exerce sur des genscensés tenir certaines vérités et valeurs pour vraies, et qui adhèrent au discours del’institution. Pas de pouvoir sans « manufactures du consensus ».

De façon plus générale, les linguistes ne nous ont pas attendus pour remarquer que lediscours a une dimension « perlocutoire », c’est-à-dire qu’il produit des effets surcelui qui les reçoit, effets.qui, même s’ils n’en sont pas la conséquence nécessaire, enrésultent souvent, comme l’obéissance, la conviction, l’émotion, la séduction,l’intimidation etc.

Persuasion : logos plus éthos, plus pathos

Dès l’Antiquité grecque naît l’idée d’une méthode pour gagner la conviction. Cettescience, la rhétorique, repose

- sur la façon de disposer ses arguments logiques de manière à conduire à laconclusion voulue,

- sur la manière de faire éprouver à l’autre les sentiments désirés (pitié,indignation, admiration, désir..)

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- et enfin sur le recours à l’autorité des valeurs.

C’est la combinaison de l’argument logique plus le pathétique, plus l’éthique. Si cetteméthode servait à démontrer indifféremment le vrai ou le faux par des raisonnementsfallacieux mais capables d’emporter la conviction, elle devenait sophistique.

Parallèlement, démagogues et stratèges développent un autre art d’agir sur autrui, nonpar la parole, mais par la mise en scène de la réalité, par la ruse, la Métis inventive.Dès la Grèce antique trois voies semblent s’ouvrir à qui veut vaincre autrement quepar la force (et pour les Grecs, il est toujours question de vaincre, que ce soit dans unprocès, dans un débat démocratique, dans une dispute philosophique ou à la guerre) :amener l’autre à une certaine conclusion par enchaînement des raisonnements,provoquer des émotions à l’aide de représentations, organiser le jeu des apparencespour l’amener à adopter le comportement souhaité.

Pour prendre des exemples plus récents, le XX° siècle a vu se développer un nombreincalculable de travaux sur la persuasion et la motivation, que ce soit dans le cadre dela psychologie sociale, de recherches en publicité ou en marketing, d’analyses desmédias ou de la propagande

Certains expliquent la persuasion par la répétition et le conditionnement (associer uneréaction à un stimulus), d’autres se réfèrent à la psychologie des profondeurs et audéclenchement des pulsions. Certains parlent d’un viol exercé sur l’inconscient desvictimes, les autres de « recadrage » de la réalité par la communication persuasive.Par ailleurs, il existe un nombre impressionnant d’études ou expériences enlaboratoire portant sur les composantes supposées de la persuasion. Et sur lapossibilité de les reproduire à volonté..Des travaux ont tenté de répondre à desquestions très pratique de type : comment convaincre le public d’acheter ou devoter ? comment soutenir le moral des troupes pendant le conflit ? commentpromouvoir l’anti-racisme ou l’abandon du tabac par des campagnes decommunication ?

Que conclure de tout cela ? Faute de pouvoir résumer ici tous ces travaux, retenonssimplement trois points :

1) Aucune théorie du mécanisme de la persuasion ne s’est universellement imposée,que ce soit chez les psychologues ou dans les sciences cognitives. Pas plus chez lespublicitaires ou chez les sociologues des médias.

2) Le mécanisme de la persuasion apparaît de plus en plus comme un parcoursd’obstacle que doit franchir l’argumentation efficace ou le message évocateur. Ceparcours passe par les cases exposition, réception, attention, évaluation de lasource,interprétation, acceptation par le milieu social, mémorisation.

À chaque stade, le processus peut échouer ou être détourné, tant de multiples facteurspeuvent interférer entre l’intention initiale et les effets comportementaux qui enrésultent. On peut recevoir un message sans le remarquer, le remarquer sansl’enregistrer le mémoriser sans y croire, y adhérer sans le comprendre et y croire sans

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mettre son comportement en accord, aussi bien que le contraire. Surtout, la réceptiondes messages n’est pas un processus solitaire (un auditeur ou téléspectateur qui reçoit lemessage et adhère ou pas en fonction de la « force persuasive » du message). Soninterprétation et donc son effet durable sont souvent médiatisés par le milieu social : onparle autour du message, on en négocie en quelque sorte le sens, on tend à se mettre enaccord avec son milieu pour une interprétation dominante.Ceci ne veut pas dire que la persuasion ne fonctionne pas : il est évident qu’il existe despropagandes efficaces, des publicités vendeuses, des rhétoriques persuasives…. Ceciveut dire que le processus de persuasion est multifactoriel et qu’il comporte toujoursune part d’incertitude.

3) La persuasion au sens strict - A est désormais convaincu de la véracité de laproposition X et se conduit en conséquence- n’est pas un processus cause/effet isolé.Se laisser persuader c’est aussi changer, s’intégrer à une communauté ou s’y opposerà une autre.

Sans compter que persuader quelqu’un en tête-à-tête, mener une campagne de pub oude presse efficace et fanatiser des militants rassemblés ne sont pas exactement desperformances de même nature et que l’idée de persuasion recouvre bien dessituations…

Pour ajouter à notre confusion, le problème du faire-croire se pose autrement encoredans une relation stratégique. Celle-ci mobilise, combine et transforme des méthodesde lutte par l’information qui se rencontrent dans des situations plus « pacifiques » :l’argumentation, la rhétorique, la publicité, la séduction, mais aussi la tromperie, larumeur, la diffamation.

Recettes archaïques, techniques futuristes

Il faut donc appliquer une double grille de lecture aux techniques de la guerre del’information. D’une part, elles obéissent à des principes généraux simples, faciles àrésumer (ce qui ne veut pas dire commodes à appliquer) et presque intemporels.D’autre part, l’art de convaincre les masses dépend des idéologies qui le mobilisent etdes technologies qui le concrétisent. Répétons que c’est une pratique historiquementtrès variable.

Pour continuer sur l’exemple de la propagande, il existe depuis la première guerremondiale des manuels qui en décrivent les recettes et auxquels il n’y a rien à changer.

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On peut citer ainsi

• L’argument d’autorité : le recours à des individus prestigieux ou à des institutionsmorales respectées pour appuyer une cause : Dieu ou la Science sont avec nous

• L’argument d’unanimité et de fatalité : tout le monde pense ainsi ; la victoire estassurée

• La technique du bouc émissaire : tous nos malheurs viennent d’une poignée detraîtres ou d’une nation qui est au ban de l’humanité

• La technique complémentaire discréditer des idées « contaminées » par leurspartisans : .les criminels – ou les exploiteurs, ou les ennemis de la nation, ou lesracistes – pensent aussi que… Donc cette thèse est fausse et criminelle.

• Le transfert et l’identification : ce sont les mêmes barbares qu’en 1870, Untel est lenouvel Hitler,

• Les stéréotypes : voyez cette mère courageuse sous les bombardements.

• Les généralisations et les catégories sémantiques attrape-tout : le camp de la paix,les vrais démocrates

• Le cas exemplaire (ou mieux la victime exemplaire) : leurs bombes ont tué cetenfant.

Il est sans doute possible de poursuivre la liste, mais pas à l’infini : de même qu’iln’existe qu’un nombre limité de tropes de la rhétorique et qu’elles sont connuesdepuis Aristote, il est difficile d’inventer demain une nouvelle catégorie de techniquede propagande. On voit mal ce qu’on pourrait ajouter aux « découvertes » depionniers comme Plekhanov, le théoricien de l’agit-prop léniniste, ou l’inévitabledocteur Goebbels. Voire à celle de deux personnages moins illustres mais quidéveloppèrent avec talent la propagande wilsonienne pour l’intervention des Etats-Unis pendant la Première Guerre Mondiale : Edward Bernays, psychologue et neveude Freud, ou George Creel, le journaliste qui se vantait d’avoir « vendu »l’intervention au public U.S.

Pour autant on ne fait pas croire de la même façon à toutes les époques. Les techniquesde mobilisation totale des grands partis de masses, avec liturgies, défilés, chants,matraquage permanent, censure totale présupposent un contrôle politique etmédiatique. Ce ne sont pas des méthodes qui peuvent se transposer efficacement dansdes systèmes ouverts et pluralistes. Les rhétoriques exaltées et agressives qui parlentde luttes finales ou peuple en arme s’appliquent mal à nos sociétés individualistes,mais, sans doute plus encore, « passent » mal par des médias de proximité. ImaginezHitler à la télé, disait Mc Luhan. Il voulait dire par là que le petit écran condamnetoute expression brûlante de passion. En revanche il est l’instrument idéal pourmontrer des drames humains et des victimes.

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Les guerres télévisées de ces dernières années menées par les grandes puissances ontété des guerres « victimaires », censées sauver des vies et non conquérir desterritoires, arrêter des tyrans et non régler des affaires de grands intérêts par le sang,conformément à la définition de Clausewitz. Il y a conjonction entre le discoursuniversaliste des puissants et des vainqueurs (droit d’ingérence, interventionhumanitaire, rétablissement de la démocratie, guerre préemptive contre le terrorisme)et ce qui fut longtemps le monopole médiatique occidental.

Du Vietnam à l’Irak

Cette évolution remonte au traumatisme du Vietnam, puis à la réaction qu’il a suscitée.Les militaires américains se sont alors persuadés d’avoir perdu la guerre sur le frontdes médias. Les journalistes auraient démoralisé le pays en exhibant des victimesemblématiques (la petite fille courant sous le napalm d’un célèbre cliché, parexemple). Toute la politique de contrôle de l’image qui s’ensuit s’explique à partir delà : première guerre du Golfe comme guerre sans image, intervention en Somaliemise en scène de façon hollywoodienne, opérations du Kosovo où la pitié envers lesAlbanais et la diabolisation des « épurateurs ethniques » étaient gérées par des« communicants », les spin doctors. Ceci vaut encore en Afghanistan où la guerre futscénarisée et montée autour du thème de la punition tombant du ciel.

La nouvelle guerre privilégie l’art de gérer pitié et indignation par images interposées,donc sélectionnées. Le traumatisme du Vietnam a aussi nourri un mythe inverse chezles néo-conservateurs américains : les U.S.A. auraient perdu, par manque derésolution et de foi en leurs propres valeurs, un traumatisme dont ils veulent éviter larépétition. Ceci peut d’ailleurs contredire cela : vouloir prouver à tout prix que l’onest guéri de ce complexe se concilie mal avec la recherche du zéro mort visible.

La gestion moderne du conflit combine des méthodes de dissimulation (cacher laviolence de la guerre), de stimulation (susciter les réflexes de compassion oud’indignation envers le « nouvel Hitler » de service), voire de simulation (produiredes opérations scénarisées comme la libération de la soldate Jessica Lynch). Mais ilne suffit pas de révéler ces intentions manipulatrices – c’est d’autant moins difficilequ’elles sont décrites dans les manuels. Il sert moins encore de s’indigner dutriomphe du faux à la façon de Michael Moore partant en guerre contre l’hypocrisieet les mensonges des faucons. Il est plus utile d’analyser comment cette stratégie seheurte à des réalités technologiques et symboliques. Sans cela, le pays qui a inventéHollywood gagnerait aussi facilement « les cœurs et les esprits » que les marchés.

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Vaincre n’est pas convaincre

En effet, il ne suffit ni de contrôler les médias les plus importants, ni de délivrer unmessage que les spécialistes jugent persuasif et séduisant pour l’emporter.

Il existe grâce au ciel des publicités qui ne font pas vendre, des spin doctors inefficaces,des candidats chéris des médias qui ne peuvent pas échouer et que l’on voit pourtantperdre, des unanimités médiatiques qui rencontrent le scepticisme populaire, … Ilexiste des résistances, de l’incrédulité, des filtres culturels grâce auxquels lesrécepteurs des messages médiatiques font autre chose qu’absorber et acquiescer. Ilexiste aussi des contre-médias qui jouent en sens inverse des moyens decommunication dominants. Ainsi en 2005, à l’occasion de la campagne pour laconstitution européenne, la « vidéosphère » (les élites politico-médiatiquesomniprésentes à l’écran et les grands médias) ont globalement joué pour le oui, et la« numérosphère » (Internet avec ses nombreux blogs ou les militantsaltermondialsites ou souverainistes travaillant en réseaux) a globalement voté non. Laseconde a gagné contre la première. Ce n’est pas une règle absolue, mais une opiniondissidente exprimée sur la Toile est autrement plus efficace que les samizdat écrits del’époque soviétique.

Pour autant, la cybersphère n’est pas le monde de la vérité et de la liberté opposé àcelui des « médias du système » : elle est aussi le lieu où fleurissent tous les délires,où le mensonge est à la portée de tous les claviers, où la subjectivité prédomine et oùla rumeur peut prendre toute son ampleur. Internet tend même à favoriser desphénomènes inquiétants comme le conspirationnisme. Le conspirationnisme postuledonc que tout ce qui nous inquiète résulte d’une action planifiée plutôt que de lavolonté divine, des lois de l’Histoire ou, pire, du hasard. Il peut s’appliquer à des faitsnon expliqués ou mal expliqués (ainsi, s’il existe une foule de théories de laconspiration contradictoires pour expliquer l’assassinat de Kennedy, il est difficile decroire que Lee Harvey Oswald n’a pas agi seul et qu’il n’y a pas eu une vraieconspiration encore à démontrer). Mais plus généralement le conspirationnismeavance une explication d’autant plus attirante qu’elle contredit celle qui estgénéralement acceptée.

La rumeur qui est souvent le vecteur du conspirationnisme et qui, dans tous les cas,repose sur des mécanismes psychologiques tout aussi malsains, se développeégalement sur la Toile. La rumeur est souvent présentée comme « le plus vieuxmédia du monde »puisque le bouche-à-oreille, le cancan, le potin, le commérage, lebruit, souvent la médisance seraient nés avec le langage articulé. Dans tous les cas,les nouvelles technologies ne l’affaiblissent pas, ils la stimulent au contraire.

Nous avons vu plus haut qu’il ne fallait pas croire au mythe du logiciel magique quiapporterait la victoire par la connaissance. Répétons ici qu’il ne faut pas davantage leremplacer par le mythe du joueur de flûte. Le joueur de flûte dans une légendeallemande jouer d’un instrument magique grâce auquel il peut attirer tous les rats quienvahissent une ville et les mener se noyer à la mer. Et quand les villageois refusentde le payer, il attire tous les enfants avec sa flûte. Il n’y a aucun équivalent de cet airde musique auquel personne ne peut résister dans le monde réel. Mais il y a des gensplus sensibles aux gros orchestres ou aux petits pipeaux.

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Influencer n’est pas persuader

Dernier élément qui plaide contre la superstition du message omnipotent : la communicationpure n’est qu’un élément des stratégies d’influence qui sont prédominantes dans le domainede la guerre économique et de la diplomatie. Influencer, c’est plus qu’amener un individu ouun groupe à accepter un énoncé de fait - X lave plus blanc - ou un impératif - votez machin.L’influence joue plus sur les codes ou les cadres que sur les contenus, plus sur les critères duchoix en général que sur le choix particulier, et davantage sur le formatage des esprits que surle bourrage des crânes.Surtout l’influence passe souvent par l’action en réseaux. Qu’elle se manifeste par lemisérable « trafic d’influence » que réprime le code pénal, par le lobbying ou par de grandesopérations de mobilisation de l’opinion internationale elle offre des possibilités que n’offrepas une organisation hiérarchique ou formaliste. L’influence obéit à deux principes qui enfont un art tout de pratique : précision et coordination. L’efficacité de l’influence naît d’aborddu sens du lieu et du temps, de la façon d’évaluer les potentialités ou les résistances, puis de lamanière d’appliquer le minimum de pression pour obtenir le plus grand effet. Elle supposeaussi la capacité de trouver des alliés, de faire converger des forces, de travailler pour lesmêmes objectifs jusqu’à exercer une véritable emprise morale ou intellectuelle sur lesdécideurs ou sur la population. C’est notamment un domaine où excellent le mouvementaltermondialiste : il tient sur la scène internationale une place sans commune mesure avec unepuissance politique au sens classique (nombre d’électeurs par exemple).Une véritable influence combine un rayonnement, une rhétorique capable plus que depersuader, de faire partager un point de vue à l’influencé, et enfin, un certain rapportinfluent/influencé qui passe souvent par l’établissement d’alliances et de réseaux. Toutegroupe d’influence efficace repose sur l’emploi des trois, qu’il s’agisse du Vatican ou dujournal Le Monde, de Greenpeace ou de la Mafia.Soit l’exemple du choix des Jeux Olympiques de 2012. Si elle ne se justifie pas par lasupériorité d’un dossier, la victoire de Londres sur Paris s’explique-t-elle par une meilleure« com », par un message plus convaincant ?En l’occurrence, la supériorité britannique se serait manifestée par quelques indices relevéspar la presse :- l’action personnelle de Tony Blair qui a passé les derniers jours à rencontrer nombre demembres du CIO à Singapour- une autre action personnelle, celle de Sebastian Coe, l’ancien champion olympique aurait sujouer à la fois de son image et de ses nombreuses relations au sein du comité- la stratégie générale britannique qui consistait à mettre en avant les sportifs plutôt que lespolitiques, à rebours de la délégation française- le manque de contact des défenseurs de la candidature de Paris avec les membres du CIO etnotamment la façon dont ils ont négligé de « suivre » les voix qu’ils pensaient acquises- un certain clientélisme hérité du temps où le CIO était dirigé par Samaranch- la naïveté des Français qui s’étaient bien davantage concentrés sur la valeur technique dudossier que sur sa présentation,voire une certaine suffisance bien gauloise dans la façond’argumenter (cf. le discours de J. Chirac ou les déclaration de B. Delanoe sur le fair-play)- des « promesses » faites à certains membres du CIO, et qui, sans égaler les scandaleuxcadeaux qui avaient tant favorisé la candidature de Salt Lake Cit, et sans tomber sous le coupde la commission d’éthique du CIO auraient pu peser dans la balance.- des coups bas destinés à dénigrer la candidature de notre pays. Il est vrai que la mise enexamen de Guy Drut facilitait autant la tâche des détracteurs que celle de Claude Bébéar enson temps (il était alors président de Paris 2008).

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le soutien américain, la solidarité anglo-saxonne…Il s’agit, on le voit, d’un mélange de bonne stratégie d’image, d’identification des désirs etfaiblesses des électeurs, d’action indirecte à travers l’opinion, d’alliance et de marchandage,d’utilisation des bons relais….

Le lobbying repose d’abord sur une communication persuasive. Le rôle du lobbyiste est àcertains égards comparable à celui de l’avocat ou d’une agence de publicité : il plaide unecause, tente de démontrer que telle mesure serait juste, populaire, efficace, moderne… Sarhétorique vise à faire passer une thèse du type « il faut augmenter les subventions pour lesproducteurs de légume » ou « il faut autoriser l’exportation d’armes vers tel pays ». Mais,bien sûr, on glisse vite de la persuasion à la négociation.

C’est qu’en réalité, même le lobbying, forme la plus simple de l’influence, ne consiste passeulement à délivrer le bon message, celui qui emporte la conviction. Il n’est pas la réductionà l’échelle artisanale des deux grandes stratégies informationnelles directes, la publicité et lapropagande.Il exige d’identifier l’information nécessaire, les lieux de pouvoirs, et les synergies depouvoir. Il faut pouvoir échanger, négocier. Il s’agit bien de stratégies indirectes del’information : air par contournement et suggestion, mais surtout, en son principe même, iln’atteint le but final qu’il s’est fixé (avantage politique ou économique) qu’en changeant lesrègles du jeu.

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