Quel comptable pour les comptes publics au 21ème siècle (01-7-2010)

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QUEL COMPTABLE POUR LES COMPTES PUBLICS AU XXIME SICLE ?

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26 rue de Lille - 75007 PARIS Tl.: 01.42.60.20.19 Mail: [email protected] Site web: www.fondafip.org1

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QUEL COMPTABLE POUR LES COMPTES PUBLICS AU XXIME SICLE ?

Ce document est le produit de rflexions, de consultations et dauditions de diffrentes personnes qualifies qui ont t menes dans le cadre du groupe de recherches sur la Comptabilit publique de FONDAFIP.

Tous droits rservs. Toute reproduction ou adaptation intgrale ou partielle, par quelque procd que ce soit, des pages publies dans le prsent rapport, faite sans autorisation expresse est interdite sous peine de poursuites.

Paris, juillet 2010.

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Membres du groupe de recherches sur la Comptabilit publique de FONDAFIPSous la coordination de :

Bernard ADANS, Trsorier-payeur gnral, agent comptable principal du CNRS, prsident de lassociation des agents comptables dtablissement publics nationaux

William GILLES, Matre de confrences lUniversit Paris 1 Panthon-Sorbonne, Charg de mission FONDAFIP

Avec la participation de : Hlne BARON-BUAL, Directrice de mission, Membre franais de Grant-Thornton International

Paul HERNU, Conseiller matre la Cour des comptes

Danile LAJOUMARD, Inspectrice gnrale des finances

Lionel LEGALL, Trsorier, Association des comptables publics

Jean-Paul MILOT, Chef de la Mission Normes comptables la direction du Budget

Laurent PAUMELLE, Consultant

Claude WENDLING, Sous-directeur du Budget

Bernard ZUBER, Conseiller matre la Cour des comptes

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SOMMAIRE

Introduction : Les menaces et les interrogations sur le devenir du comptable public ...... 6 Chapitre 1 : Les points forts et les limites du modle traditionnel du comptable public .. 9 Section 1 : Le comptable public garant du respect des rgles financires et budgtaires rgissant lemploi des fonds publics ...................................................................................... 9 1- Une sparation des tches entre ordonnateurs et comptables destine garantir une gestion efficace des finances publiques et la rgularit des oprations de recettes et de dpenses ............................................................................................................................. 9 2 Lindpendance du comptable public, gage de neutralit et deffectivit de son rle de garant de lorthodoxie financire ................................................................................. 13 Section 2 : Des comptables publics constituant larmature dun dispositif commun de production de linformation budgtaire et financire des organismes soumis la comptabilit publique ........................................................................................................... 17 1 Comptable public : un mtier qui appelle des comptences spcialises ................ 17 2 - Lexistence dun rseau et lhomognisation des pratiques .................................... 18 Section 3 : Les limites du systme du comptable public : le brouillage des concepts qui le sous-tendent .......................................................................................................................... 20 1 Les amnagements classiques au principe de sparation des ordonnateurs et des comptables ........................................................................................................................ 20 2 - Le brouillage des concepts ........................................................................................ 21 Chapitre 2 : Lmergence dune nouvelle gestion publique modifiant lquilibre des rles des acteurs dans le systme financier public .............................................................. 25 Section 1 : Les exigences de la nouvelle gestion publique lgard des dispositifs dinformation budgtaire et comptable des entits publiques .............................................. 25 1 Lmergence, pour ltat, dun nouveau dispositif dinformation budgtaire et comptable tourn vers la nouvelle gestion publique promue par la LOLF ...................... 26 2 Limpact de la LOLF sur les oprateurs publics et les collectivits territoriales .... 29 Section 2 : Une volution vers une plus grande interaction entre ordonnateurs et comptables soprant en marge du dcret de 1962 et de faon ingale selon les structures publiques ... 32

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1. De la coopration entre ordonnateurs et comptables lintgration de leurs chanes de travail pour permettre la rationalisation des contrles................................................. 32 2. Un processus de certification et un dveloppement du contrle interne appelant une ncessaire convergence des dmarches des ordonnateurs et des comptables .................. 34 Section 3 : Un risque de marginalisation des comptables face lmergence des gestionnaires publics dans la sphre de ltat ...................................................................... 37 1 Lmergence au sein de ltat de gestionnaires publics auprs desquels les comptables publics ne jouent quun rle marginal ........................................................... 37 2 Un positionnement incertain des comptables dans la gestion des tablissements publics nationaux.............................................................................................................. 41 Chapitre 3 : Les axes dvolution du modle du comptable public ................................... 44 Section 1 : Les volutions fonctionnelles conduisant le comptable public assurer la plnitude de ses comptences ............................................................................................... 44 1 - Le comptable, fournisseur dinformations externes et internes ............................... 44 2 - Le comptable, charg, sur des bases rnoves, de la matrise des risques financiers de lorganisation ............................................................................................................... 48 3 - Le comptable, en charge de la matrise douvrage du systme dinformation de gestion .............................................................................................................................. 49 Section 2. Le comptable public plac au cur de lorganisation ......................................... 49 1. Une vision globale des finances publiques ncessitant un rapprochement du comptable et de ses ordonnateurs ..................................................................................... 49 2. Une ncessaire professionnalisation........................................................................... 50 3. Repenser les liens entre ordonnateurs et comptables ................................................. 50 Section 3. Une responsabilit repense ................................................................................ 51 1. La rnovation du rgime de responsabilit personnelle et pcuniaire du comptable public ................................................................................................................................ 52 2. La responsabilit managriale .................................................................................... 53

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INTRODUCTION LES MENACES ET LES INTERROGATIONSSUR LE DEVENIR DU COMPTABLE PUBLICLe rle premier du comptable public est de veiller au respect de lexcution budgtaire et de la bonne utilisation des deniers publics. Pour ces raisons, il doit sassurer de la rgularit des oprations de dpenses et de recettes que lui transmet lordonnateur avant de les prendre en charge dans ses critures et de les payer ou de les recouvrer. Pour ce faire, le dcret du 29 dcembre 1962 portant rglement gnral de la comptabilit publique (RGCP) liste les contrles qui doivent tre imprativement raliss par un comptable public. Tout manquement en ce domaine lexpose voir sa responsabilit personnelle et pcuniaire tre mise en jeu par le juge des comptes ou, selon les cas, par sa hirarchie. Pour simplifier et ne pas trop remonter dans le temps, on peut considrer que la logique et les fondements actuels de cette organisation remontent au XIXme sicle et plus prcisment la Restauration. Depuis lors, ils nont gure boug, le dcret du 29 dcembre 1962 et la loi du 22 fvrier 1963 ayant trs largement repris les dispositions contenues dans le dcret du 31 mai 1862, lui-mme inspir des principes dfinis dans une ordonnance royale de 1822. Le caractre quasi immuable de ces rgles et leur spcificit hexagonale conduisent rgulirement des demandes dvolutions plus ou moins radicales. Sans chercher tre exhaustif, les principales critiques sur lorganisation actuelle tournent autour de trois ides. Un systme dpass qui a perdu au fil des temps de sa cohrence

Les rgles de la comptabilit publique sont indissociablement lies lintervention de trois acteurs, le comptable public, lordonnateur et le juge des comptes, or lvolution du rle et des missions de ces derniers remet en cause la pertinence et lquilibre du dispositif. Si lordonnateur, qui les textes confrent lexclusivit du dclanchement des oprations de recettes ou de dpenses, garde ses comptences juridiques entirement maintenues, de nouveaux intervenants, linstar des responsables de programme ou de budgets oprationnels de programmes (BOP), se voient aujourdhui confier un rle majeur dans la bonne utilisation de largent public. Paralllement, les interventions du juge des comptes voluent trs rapidement que ce soit dans le domaine de lapprciation de la performance de lintervention publique ou celui de la transparence financire, laissant parfois penser que leur activit juridictionnelle serait terme voue disparatre au profit dun rle dvaluation des politiques publiques. 6

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Face ces volutions qui rejoignent celles que lon observe dans la plupart des pays occidentaux, la spcificit du comptable public naurait plus lieu dtre, dautant plus que ce dernier, du fait des dbudgtisations opres au fil du temps, a perdu son monopole dans le maniement et la conservation des deniers publics. Un systme inadapt aux cadres budgtaire et comptable actuels

La rforme budgtaire ralise, pour ce qui concerne ltat, par la loi organique relative aux lois de finances du 1er aot 2001 (la LOLF ) et un moindre niveau, pour les collectivits territoriales, linstruction comptable et budgtaire M14, ont donn plus de liberts aux gestionnaires publics en mettant leur disposition des enveloppes de crdits de plus en plus larges et fongibles. Alors quune des missions de base du comptable public est de veiller au respect du caractre limitatif des crdits, de telles volutions conduisent sinterroger sur la pertinence de son intervention dans le domaine budgtaire surtout avec les systmes dinformation actuels qui automatisent nombre de ses contrles traditionnels. Sur le plan comptable, le souci de transparence conduit gnraliser aux entits publiques les principes et les pratiques des entreprises. La distinction traditionnelle entre comptabilit publique et comptabilit prive tend ainsi sestomper, les rfrentiels sont les mmes, les outils informatiques sont aligns sur les bonnes pratiques du march et la certification des comptes publics obit aux mmes processus que ceux utiliss dans les entreprises. La banalisation tant devenue aujourdhui la rgle, pourquoi, dans ces conditions, maintenir la spcificit du comptable public ? Lintroduction dune comptabilit dexercice conduirait aussi acclrer lobsolescence du systme dans la mesure o le dplacement du centre de gravit de la comptabilit publique dune logique de trsorerie vers la constatation des droits revient, de fait, placer sous lautorit directe de lordonnateur la valorisation et la saisie des donnes essentielles (engagements, constatation des droits, charges et produits rattacher, recensement et valorisation des dprciations et des risques, etc.) et faire dpendre de lui la sincrit et la fidlit de linformation financire. Un systme couteux et inefficace

La prsence dun comptable public et la sparation des fonctions dordonnateur et de comptable impliquent de mettre en uvre, pour un mme flux doprations, deux chaines de travail parallles et des contrles rciproques. Pertinente une poque o linformatique nexistait pas, cette approche est aujourdhui considre comme inutilement lourde et coteuse (tant en moyens humains que financiers) un moment o il est demand aux gestionnaires de simpliquer plus fond dans les dmarches de la RGPP (Revue gnrale des politiques publiques) et de rduction du train de vie des administrations. 7

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Enfin dernier argument, et non des moindres, la prsence dun comptable public, oriente vers le contrle de la rgularit formelle des oprations, ne garantirait ni lutilisation performante de largent public, ni lexhaustivit de linformation financire (cf. les dbats rcurrents sur la comptabilit dengagement et les factures dans les tiroirs dans le secteur local). Beaucoup de ces critiques paraissent a priori justifies, mais la vritable question qui se pose est celle de savoir si cest le systme en lui-mme (caractris par la prsence dun comptable public responsable personnellement et pcuniairement) qui est repenser ou si cest labsence dactualisation du Rglement gnral de la comptabilit publique rest inchang depuis prs de 50 ans qui est la cause du dcalage constat ou ressenti entre le rle des comptables publics et la gestion des finances publiques au XXIme sicle. Certes, la LOLF, texte rcent issu dun large consensus parmi les parlementaires comme la Constitution financire de la France, consacre un chapitre lorganisation comptable de ltat et mme un article (larticle 31) au rle du Malgr cette raffirmation de sa lgitimit, il convient cependant de sinterroger fond dun comptable public au XXIme sicle. et prsent complet comptable. sur le bien

Il importe, avant de recenser les voies dvolutions possibles, de vrifier la pertinence des fondamentaux dune organisation vieille de prs de 200 ans et dexaminer lvolution des quilibres sur lesquels le modle du comptable public fonctionne depuis lors.

Trois points seront donc successivement dvelopps : les points forts et les limites du modle traditionnel du comptable public (chapitre 1) lmergence dune nouvelle gestion publique modifiant lquilibre du rle des acteurs dans le systme financier public (chapitre 2) les axes dvolution envisageables pour le modle du comptable public (chapitre 3)

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CHAPITRE 1 LES POINTS FORTS ET LES LIMITES DUMODLE TRADITIONNEL DU COMPTABLE PUBLICLa gestion financire des organismes publics se caractrise en France par lexistence de comptables publics indpendants des ordonnateurs dont ils contrlent la rgularit des oprations. Ce dispositif est justifi par lexistence de deniers publics et lexcution de budgets approuvs par des assembles dlibrantes, le plus souvent lues au suffrage universel (section 1). Par ailleurs, le fait que les comptables publics appliquent les mmes rfrentiels et soient organiss en rseau permet la production dune information budgtaire, comptable et financire homogne rendant ainsi possible des agrgations nationales (section 2). Ce modle connait cependant des limites. Si certaines dentres elles ne constituent que des amnagements motivs pour des raisons pratiques, dautres, en revanche, le plus souvent motives pour des questions dopportunit, contribuent au brouillage des concepts (section 3). SECTION 1 : LECOMPTABLE PUBLIC GARANT DU RESPECT DES RGLES FINANCIRES ET

BUDGTAIRES RGISSANT LEMPLOI DES FONDS PUBLICS

Le comptable public possde, sauf exception, lexclusivit du maniement des deniers publics et dispose du pouvoir de contrler et ventuellement de refuser dexcuter les oprations de recettes et de dpenses prescrites par lordonnateur, lorsquelles sont contraires lorthodoxie financire (1). Cest son indpendance, assise sur lexistence dun rgime de responsabilit particulier, qui assure au comptable une parfaite neutralit et lui donne les moyens effectifs de jouer son rle de garant de lorthodoxie comptable et financire (2). 1- Une sparation des tches entre ordonnateurs et comptables destine garantir une gestion efficace des finances publiques et la rgularit des oprations de recettes et de dpenses A) Lexistence de rgles de la comptabilit publique tenant compte des spcificits des finances publiques par rapport au secteur priv La particularit fondamentale du secteur public par rapport au secteur priv est lexistence de deniers publics provenant, directement ou indirectement, de prlvements obligatoires. Il en rsulte que, dans un environnement public, les relations entre les financeurs et les 9

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gestionnaires nont ni la mme force ni la mme signification. Et, notamment, la diffrence de lentreprise prive, le lien entre la situation personnelle et patrimoniale des responsables publics et la qualit de leur gestion nexiste pas. Les contre-pouvoirs que lon rencontre dans lentreprise ne sont pas tous transposables (quils concernent, par exemple, lindication du chiffre daffaires ou du rsultat, limplication personnelle des propritaires et des actionnaires, le poids des banques ou celui des marchs financiers, etc.). Toutes ces raisons expliquent pourquoi, le maniement des fonds publics et lexcution des budgets publics, approuvs par des assembles pour la plupart lues au suffrage universel, sont strictement encadres par les rgles de la Comptabilit publique . Lune des plus importantes dentres elles tant le principe de la sparation des ordonnateurs et des comptables. Ainsi, les oprations financires de ltat, des collectivits locales et de leurs tablissements publics sont, en principe, excutes par deux catgories dagents, les ordonnateurs et les comptables, chacun ayant un rle et des tches prcisment dfinies et incompatibles entre elles. Ces rgles plus que centenaires1 sous-tendent le dcret du 29 dcembre 1962 portant Rglement gnral sur la Comptabilit publique toujours en vigueur, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er aot 2001 nayant pas apport, sur ce point, de modificationsComptabilit publique et comptable public La comptabilit publique est aussi ancienne que ltat. Elle sest structure progressivement pour rpondre des besoins prcis essentiellement centrs sur le contrle des flux montaires transitant par les caisses de ltat et, mesure que le droit financier simposait, sur le contrle de la lgalit des dpenses et des recettes. Comme le note une instruction de la direction de la comptabilit publique de 1953 2, les comptes de ltat sont tablis principalement en vue du contrle de la lgalit des dpenses et des recettes. La comptabilit est amnage de manire surtout prparer le contrle ultime par le Parlement, de la rgularit de lemploi des deniers publics, par rfrence lautorisation budgtaire qui en a permis la perception ou la dpense. Il ne sagit pas en premier lieu de dgager les rsultats dune gestion, car on nest pas en prsence dun patrimoine frugifre dont la comptabilit publique aurait dgager le produit net . Pour autant, la comptabilit publique a toujours cherch concilier ces objectifs, qui lui confraient sa lgitimit et sa spcificit, avec des objectifs dinformations financires portant sur le rsultat ou la performance de la gestion. Le dcret du 31 mai 1862 prvoyait dj ltablissement du compte gnral de ladministration des finances sur la base des droits constats, en recettes comme en dpenses (articles 156 et 158). Lextension du champ de comptence des entits publiques lexercice de nouvelles activits a contribu dvelopper ces exigences. Ainsi la cration dun budget annexe des postes tlgraphes et tlphones en 1923 conduit-elle prvoir que cette entit devra tablir un compte gnral dexploitation et un bilan.

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Ce principe de sparation des ordonnateurs et des comptables trouve son fondement dans lordonnance royale des 14-17 septembre 1822 et a t repris par les textes ultrieurs. . 2 Cit par M. Prada, Rflexion sur lhistoire de la comptabilit de ltat , RFFP, n 93, 2006.

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Lvolution de la comptabilit publique peut ainsi se lire comme lhistoire dune tension entre la mise en uvre de la technique comptable telle que la pratiquent les entreprises et la prise en compte des besoins spcifiques de contrle lis au budget et au maniement de largent public, en sachant que ce sont ces dernires considrations qui sont considres comme prioritaires par les gouvernements. Plus que dans des normes spcifiquement comptables, cest dans le rle et le statut du comptable public que cette tension va trouver ses points dquilibre successifs. Il est en effet plus facile de dcider que le respect des contraintes est garantie par un statut et une responsabilit spcifiques que de dfinir a priori un cadre comptable permettant la fois datteindre ces objectifs et de procurer une information financire sur le rsultat et la performance ; cette difficult de dfinir un cadre homogne tant dautant plus importante que ses rgles doivent sappliquer des entits dont le nombre et la nature se mettent prolifrer. Les rgles applicables chaque type dentits sont ensuite dfinies au cas par cas, mais lunit fondamentale du dispositif repose sur le rle du comptable public et sa spcificit qui est avant tout dexcuter un budget public. Il nest pas exagr de dire que la comptabilit publique ne peut se dfinir que par lexistence du comptable public qui peut avoir appliquer des dispositifs divers sur le plan strictement comptable.

B) Lincompatibilit des fonctions dordonnateurs et de comptables Larticle 20 du dcret du 29 dcembre 1962 prcit pose comme principe gnral que les fonctions dordonnateur et celles de comptable public sont incompatibles . Ce principe se traduit par un cloisonnement des tches. Ainsi, dans lexcution des oprations budgtaires : lengagement, la liquidation et lordonnancement sont des oprations qui appartiennent lordonnateur, tandis que la prise en charge et le paiement des dpenses sont de la comptence du comptable. Il en va de mme pour les recettes. Loriginalit du systme franais consiste en une dlimitation trs prcise des comptences de ces deux catgories dagents afin, comme objectif fondamental, de garantir le respect des autorisations budgtaires et de scuriser le maniement des deniers publics. Responsable de la phase administrative et oprationnelle des oprations de dpense et de recette, lordonnateur est juge de lopportunit. Il dcide seul, sous rserve des enveloppes budgtaires disponibles, dengager une dpense ou de percevoir une recette. Charg de la phase comptable de lopration de recette ou de dpense, le comptable public doit veiller au respect de sa rgularit formelle. Cest ainsi quavant tout paiement de dpense ou de recouvrement de recette, il doit effectuer toute une srie de contrles limitativement numrs par les articles 11, 12 et 13 du dcret de 1962, tout manquement ces dispositions pouvant conduire la mise en jeu de sa responsabilit personnelle et pcuniaire (v. infra).

La double justification de la sparation des ordonnateurs et des comptables La sparation des ordonnateurs et des comptables publics puise en premier lieu sa source dans la volont de garantir une gestion efficace des finances publiques en confiant le processus de lexcution budgtaire deux agents spcialiss, un mme agent ne pouvant matriellement assurer lensemble des oprations dexcution, depuis la dcision dengager la dpense ou de recouvrer une recette jusqu lencaissement ou le dcaissement, en passant par la vrification de la conformit aux textes qui sy rapportent. Ce principe rvle par consquent le

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FONDAFIP - Association pour la Fondation Internationale de Finances Publiques souci dune mise en uvre efficace et fonctionnelle des oprations dexcution des lois de finances. La sparation des ordonnateurs et des comptables permet en second lieu de veiller la rgularit des oprations de recettes et de dpenses. Lordonnateur disposant du pouvoir de dcider dengager une dpense ou de percevoir une recette doit, pour mettre en uvre ses dcisions, sadresser au comptable qui, lui, est comptent pour le maniement des fonds (payement et encaissement), mais ne peut dcider de les engager. Si lordonnateur reste seul comptent pour apprcier lopportunit des recettes et des dpenses, le comptable public doit, quant lui, sassurer de la rgularit des oprations ralises avant de les excuter.

C) Le rle particulier des comptables publics garant de la rgularit du maniement des fonds publics et des oprations budgtaires Il appartient au comptable public dassurer le recouvrement des recettes et le paiement des dpenses. Pour ce faire, il est amen contrler de manire systmatique toutes les oprations qui lui sont transmises par lordonnateur avant leur excution dfinitive. Le comptable public, conu comme garant de la bonne application des textes (loi, rglements, circulaires, instructions, etc.) sest vu octroyer, ds lorigine, une mission qui dpasse le simple rle ancillaire dexcution des dpenses et des recettes ou de tenue matrielle des comptes. En effet, il peut, par exemple, sopposer ce titre la ralisation dune dcision immdiatement excutoire (en cas dabsence de crdits disponibles, de mauvaise imputation, etc.). Cette conception historique du comptable public garant du respect de la rglementation perdure de nos jours et stend mme dautres domaines. Cest dans cette logique que larticle 31 de la LOLF demande au comptable public de veiller au respect des principes comptables (notamment ceux relatifs la rgularit, la sincrit et la fidlit des comptes) et de sassurer de la sincrit des enregistrements comptables et du respect des procdures. (Cf. infra deuxime partie).

Budgets publics et comptables publics La prsence dun comptable public peut tre justifie par la nature particulire des oprations budgtaires quil excute et quil retrace dans la comptabilit budgtaire. Parce quelles prsentent un caractre public, ces oprations budgtaires doivent faire lobjet dune excution rglemente. Sagissant des dpenses, il est ncessaire de sassurer de leur rgularit sur la base dune transmission systmatique au comptable des pices justificatives, avec des enjeux tout particuliers dans le cadre des marchs publics ou pour les sommes importantes. A lissue des contrles quil lui incombe deffectuer (contrles prcisment dfinis par les articles 11, 12 et 13 du dcret de 1962), le comptable dcide de viser les dpenses si elles apparaissent rgulires ou, dans le cas contraire, den suspendre voire den refuser le paiement. Or, seule une personne qui dispose dune autorit et dune indpendance suffisantes peut assurer ce rle. De par leur statut et leur rgime de responsabilit, les comptables publics prsentent cette caractristique (cf. infra 2). En matire de recouvrement des recettes publiques, il convient de noter que les titres mis par les ordonnateurs sont immdiatement excutoires et que le comptable public utilise des procdures de contraintes exorbitantes du droit commun qui ncessitent la neutralit de la personne qui les met en uvre. Ds lors, mme sil tait envisag que

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les dpenses soient payes par un comptable banalis, il ne peut en tre ainsi pour le recouvrement des recettes publiques.

2 Lindpendance du comptable public, gage de neutralit et deffectivit de son rle de garant de lorthodoxie financire Au-del de lincompatibilit des fonctions et de la sparation des tches entre ordonnateurs et comptables, le systme franais repose aussi sur lindpendance du comptable public, conforte par un rgime statutaire de responsabilit personnelle et pcuniaire unique dans la sphre publique. A) Une double indpendance statutaire et fonctionnelle Lordonnateur et le comptable public sont deux entits autonomes entre elles, mais aussi vis-vis des tiers. Cette autonomie qui dcoule de lexistence de deux statuts organiques diffrents, se traduit par labsence de lien de subordination entre eux, exception faite des comptables publics qui, intervenant auprs du Ministre charg du Budget, des Comptes publics et de la Rforme de ltat sont placs vis--vis de ce dernier dans une situation dobissance cependant limite. Lindpendance lgard des tiers est prvue, quant elle, par diffrents textes comme le nouveau code de procdure pnale ou le rglement gnral de la comptabilit publique. Dans la sphre de ltat, comme du secteur public local, le comptable public est toujours un agent de ltat systmatiquement nomm par le ministre charg du Budget.

Le mode de dsignation des comptables publics dans les diverses structures publiques Pour ltat lui-mme, le comptable public est nomm par arrt du ministre charg du budget et des comptes publics. Pour les tablissements publics nationaux (EPN), il convient de faire une distinction entre dune part, les tablissements publics nationaux administratifs (EPNA) et les universits o les comptables publics sont nomms par arrt conjoint du ministre charg du budget et du ministre de tutelle et dautre part, les tablissements publics industriels et commerciaux (EPIC) o la nomination des comptables publics rsulte dun arrt du ministre du budget aprs avis du conseil dadministration. Pour les collectivits territoriales, leurs groupements et les tablissements publics locaux rattachs, les comptables publics sont nomms par un arrt du ministre du budget, aprs information du responsable (maire, prsident, etc.) de lexcutif de la collectivit ou de ltablissement. Pour les tablissements publics de sant (EPH), la nomination est galement opre par un arrt du ministre du budget ; pour les offices publics de lhabitat, par un arrt du ministre du budget, aprs information du prsident du conseil dadministration. En ce qui concerne les rgies locales dotes de la personnalit morale, il faut un arrt du prfet, sur proposition du conseil dadministration, aprs avis du trsorier-payeur gnral (TPG) sil sagit dune rgie dont lactivit est industrielle et commerciale, et un arrt du prfet, aprs avis du TPG, si lactivit est de nature administrative. Pour les rgies locales pourvues de la seule autonomie financire, la nomination rsulte uniquement dun arrt du ministre du budget.

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Sagissant des tablissements publics locaux denseignement (EPLE : lyces et collges), le comptable public est nomm par un arrt du ministre de lducation nationale, aprs information de la collectivit territoriale de rattachement (ou par un arrt du ministre de lagriculture ou du ministre charg de la mer en cas dEPL denseignement agricole ou des mtiers de la mer). Dans tous les cas passs en revue, le comptable public demeure un agent de ltat et dans la trs grande majorit des cas, sauf ceux des agents comptables dEPN, dEPLE et des rgies locales autonomes, le comptable public est un comptable direct du Trsor, c'est--dire un agent relevant directement et hirarchiquement de la direction gnrale des finances publiques dpendant du ministre du budget.

Au-del des modalits de sa dsignation, lindpendance du comptable est galement fonctionnelle car il dispose, dans la plupart des cas (lexception la plus frquente tant celle des tablissements publics nationaux), de moyens humains et matriels fournis ou financs directement par le ministre du Budget (la direction gnrale des finances publiques).

Lindpendance des comptables publics et les moyens mis leur disposition pour assurer leurs missions Les comptables de ltat3, des collectivits territoriales, de leurs groupements (EPCI) et tablissements publics locaux rattachs, des EPS et des offices publics dhabitation (OPH), fonctionnent avec des moyens financs et mis disposition par la direction gnrale des finances publiques (DGFIP). La qualit de leurs contrles et de leur mission de conseil ne dpend donc pas de loctroi de moyens mis disposition par lordonnateur. Pour les EPLE, les moyens matriels sont mis disposition par lentit de rattachement. Les moyens en personnel sont grs par la collectivit de rattachement depuis la loi Liberts et responsabilits locales du 13 aot 2004. Pour les rgies locales autonomes, les moyens sont fournis par lordonnateur.

B) Une indpendance assise sur un rgime de responsabilit personnelle et pcuniaire unique dans la sphre publique Larticle 60 de la loi du 23 fvrier 1963, rgit le rgime de responsabilit personnelle et pcuniaire des comptables publics. En effet, ces derniers peuvent tre rendus personnellement dbiteurs vis--vis de ltat ou des organismes auprs desquels ils exercent leurs fonctions, soit par arrt du ministre charg du Budget soit par dcision du juge des comptes. Ils sont alors mis en dbet. Cette responsabilit peut tre mise en jeu dans trois cas principaux, lors de la constatation dun dficit ou dun manquant en caisse (ou en valeurs inactives), pour des recettes non recouvres ou pour des dpenses payes irrgulirement. Un quatrime vnement est plus exceptionnel, il sagit du cas o lorganisme a d indemniser une tierce personne du fait dune faute commise par le comptable. La situation est cependant diffrente en cas de rquisition du comptable public par lordonnateur. Dans cette hypothse, le comptable public doit rpondre favorablement

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Ne sont viss ici que les comptables directs du trsor, en relation avec un ordonnateur dune autre administration que la leur, hors donc les comptables des impts et des douanes.

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lordre de lordonnateur sauf (pour les cas les plus graves) sil apparat que les crdits ne sont pas disponibles, que le service na pas t fait, que le visa du contrleur budgtaire et ministriel est absent, ou encore que le paiement comporte un caractre non libratoire En effet, hormis ces situations particulires o lobligation de suspendre le paiement prvaut, le comptable public ne peut sopposer lordre de rquisition de lordonnateur et se trouve dans lobligation de procder au paiement. Ds lors, le comptable public est dgag de sa responsabilit, celle-ci tant transfre lordonnateur. Contrairement aux ides reues et parfois certaines pratiques, il faut bien voir que la logique du droit de rquisition nest pas de grer des conflits entre lordonnateur et le comptable, mais de rsoudre des cas (en principe marginaux) o la rglementation est inexistante ou contradictoire. Cest donc un outil de facilitation et non dopposition. La loi de finances rectificative pour 2006 a modifi marginalement larticle 60 sur la responsabilit du comptable public. Les modifications concernent le dlai de prescription de la mise en jeu de la responsabilit (cinq ans aprs lanne de la production des comptes), lexonration de responsabilit en cas de circonstances constitutives de la force majeure et la fixation du point de dpart des intrts de dbet (au premier acte de mise en jeu de la responsabilit du comptable). Il convient de noter ce sujet que le projet de cantonner la responsabilit pcuniaire du comptable public au prjudice financier direct subi par lorganisme public concern, na pas t retenu, si bien que le comptable public, comme dans le pass peut toujours tre condamn payer une dpense irrgulire ne prsentant aucun prjudice financier direct. La responsabilit du comptable peut cependant tre allge par le ministre charg du budget qui peut, en fonction des circonstances du dbet, prononcer (en tout ou partie) une remise gracieuse.

La procdure de mise en jeu de la responsabilit des comptables publics La loi n 2008-1091 du 28 octobre 2008 et les dcrets n 2008-1397 et 2008-1398 du 19 dcembre 2008 ont profondment rform la procdure de jugement des comptes des comptables publics Ces derniers textes compltent, comme dautres textes antrieurs, les garanties du comptable public au droit un jugement quitable, public et rendu dans un dlai raisonnable (application de larticle 6-1 de la convention europenne des droits de lhomme). Ainsi, la procdure contradictoire est renforce tous les stades de la procdure (ouverture du contrle, instruction et jugement). Une phase accusatoire, ou de mise en accusation par le ministre public, est nettement distingue des phases de linstruction et du jugement. Il ny a instruction en vue dun jugement que sur le rquisitoire du ministre public, lui-mme prcd dune phase dexamen des comptes non juridictionnelle. Le jugement nest prononc quaprs une audience publique laquelle sont convoques toutes les parties concernes (le comptable, le reprsentant de lorganisme public, assists ou non par un avocat). Le jugement en premier ressort devient un jugement unique. Il y a donc suppression du jugement provisoire (et donc de la rgle du double arrt ).

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Un autre texte, le dcret n2008-228 du 5 mars 2008, abrogeant le dcret n64-1022 du 29 septembre 1964, a modifi la marge les conditions de la constatation et de lapurement des dbets des comptables publics et assimils, notamment, en prvoyant en son article 9-III que tout projet de remise gracieuse dont le montant excde une limite fixe par arrt du ministre du budget est soumis lavis de la Cour des comptes. Un arrt du 5 mars 2008 a fix la limite 10 000 euros (en principal) lorsque le dbet est prononc par la Cour ou une chambre rgionale ou territoriale des comptes. Cette novation ne remet pas fondamentalement en cause lanomalie juridique et constitutionnelle du Ministre-juge qui, par arrt, peut attnuer ou rendre sans effet une dcision juridictionnelle. Le ministre du Budget considre cette approche comme un lment de management de ses cadres dans la mesure o le ministre apprcie le comportement du comptable (et les circonstances) pour faire remise totale ou partielle du dbet prononc lencontre de ce dernier, en prenant en compte, notamment le niveau des moyens mis sa disposition.

Du fait de ce rgime de responsabilit pcuniaire et personnelle, un comptable doit obligatoirement, avant dtre install dans son poste, constituer des garanties (article 17 du dcret de 1962) dont le montant (variable selon la catgorie du poste), est fix par arrt du ministre du Budget. Cette garantie peut thoriquement tre constitue par le dpt de fonds ou de valeurs. Dans les faits, elle est remplace par le versement dune caution solidaire, manant gnralement de lAssociation franaise de cautionnement mutuel (AFCM) qui chaque adhrent verse une cotisation annuelle proportionnelle au montant du cautionnement sur lequel elle est assise. En cas de mise en jeu de la caution par ltat, lAFCM aprs avoir vers la garantie, se retourne ensuite contre le comptable. Cest pourquoi, les comptables souscrivent une assurance (non obligatoire) qui leur permet de couvrir une partie des ventuels dbets laisss leur charge. En effet, les assurances comportent des franchises qui peuvent tre importantes. La responsabilit pcuniaire du comptable peut donc peser lourdement sur lui en labsence de remise gracieuse du ministre ou de remise partielle laissant un important laiss charge . La question de la comptence du ministre du Budget en matire de remise gracieuse est souvent remise en cause, notamment de la part de la Cour des comptes. En fait, cette question doit sintgrer dans une problmatique plus large concernant la responsabilit des gestionnaires publiques, la pnalisation de laction publique et la refonte de la Cour de discipline budgtaire et financire. Ces diffrents points seront voqus ci-aprs dans le chapitre 3. Quoiquil en soit, et au-del de tout dbat thorique, force est de constater que ce rgime de responsabilit personnelle et pcuniaire, au-del de ses imperfections, joue un rle important dans la rigueur et lattention portes par les comptables dans lexercice de leur mtier et dans leur positionnement vis--vis des ordonnateurs. Cette responsabilit constitue le fondement de lautorit du comptable en matire de finances publiques. Elle en marque aussi la limite puisque les comptables ne peuvent effectuer de contrles que sils sont justifis par leur responsabilit. De ce point de vue, la LOLF, en 16

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faisant des comptables de ltat les garants de la qualit et de la sincrit de la comptabilit, fait voluer cette logique et fait merger un autre type de mission hors cadre de responsabilit expressment dfini. SECTION 2 : DESCOMMUN DE COMPTABLES PUBLICS CONSTITUANT LARMATURE DUN DISPOSITIF DE LINFORMATION BUDGTAIRE ET FINANCIRE DES

PRODUCTION

ORGANISMES SOUMIS LA COMPTABILIT PUBLIQUE

Le mtier de comptable public qui suppose un haut niveau de technicit ( 1) est en gnral organis en rseaux permettant une gestion centralise des finances publiques ( 2).

1 Comptable public : un mtier qui appelle des comptences spcialises Les dveloppements prcdents (section I1) ont mis laccent sur le rle traditionnel du comptable public, charg notamment de lexcution des oprations de dpenses et de recettes et du maniement des fonds publics. Dcrire ce rle npuise pas le contour du mtier de comptable public qui se voit aujourdhui reconnatre un rle majeur dans la tenue des comptabilits publiques et la qualit de linformation financire. Pour ce faire, le comptable public doit non seulement disposer dun champ de comptences trs large (notamment dans les domaines budgtaires, juridiques et comptables) et des savoirs techniques pour accomplir la multiplicit des tches qui lui incombent au titre du recouvrement des recettes, du paiement des dpenses, de la tenue de la comptabilit ou des oprations de trsorerie. Il doit aussi comme ses homologues du priv simpliquer fortement dans la mise en uvre des systmes dinformation (cf. infra deuxime partie). Lexistence dun corps de fonctionnaires spcialiss dans le mtier comptable rpond non seulement la logique statutaire voque prcdemment, mais aussi, et fondamentalement, des besoins de comptences spcifiques. De ce point de vue, il convient de combattre une srie dides reues telles que le mythe dune comptabilit sans comptable qui fonctionnerait sans pilote son bord, de manire autonome au travers dun systme dinformation totalement intgr, ou le raccourci entre lintervention dun commissaire aux comptes et la ncessaire disparition du comptable public ! Cest tout particulirement dans les tablissements publics nationaux que ces deux ides sexpriment le plus frquemment. Il est vrai que la gnralisation du commissariat aux comptes est parfois de nature dstabiliser lagent comptable qui doit intgrer une autre culture et des pratiques qui ne lui sont peut tre pas toujours familires, et parfois rpondre aux remarques de responsables dtablissement public tirant argument du recours des commissaires aux comptes privs pour stigmatiser larchasme que constituerait la prsence dun comptable public. 17

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Lintervention dauditeurs externes dans les entreprises na pas conduit la disparition de la fonction comptable. Au contraire, cette dernire na fait que de se renforcer et se professionnaliser. La LOLF en exigeant de ltat quil produise des comptes patrimoniaux rguliers et sincres, la loi de scurit financire du 1 er aot 2003 en exigeant que les tablissements publics soumettent leurs comptes consolids des commissaires aux comptes conduisent aux mmes volutions et vont exiger encore plus quauparavant la prsence de personnels forms et ouverts aux questions comptables et financires, do la ncessit de disposer dun corps de fonctionnaires spcialiss sur des matires trs spcifiques et techniques. 2 - Lexistence dun rseau et lhomognisation des pratiques Une des spcificits franaises, lie lexistence mme du comptable public, est de pouvoir centraliser les comptes de la plupart des entits publiques et ainsi de pouvoir disposer dune masse de donnes financires4 sur lensemble des services de ltat (au niveau central, comme au niveau dconcentr) et de ses tablissements publics, sur les collectivits territoriales et leurs satellites, sur les hpitaux, etc. Cette situation est due la prsence dun rseau de comptables publics fortement structur dpendant pour lessentiel de la direction gnrale des finances publiques (DGFiP) relevant du ministre du Budget. Recueillie quotidiennement aux chelons dpartemental et rgional, linformation financire est ensuite traite en temps rel au niveau central pour tre agrge et analyse. Remettre en question cette organisation constituerait indniablement une rgression et ncessiterait, pour pouvoir disposer du mme niveau dinformation, la mise en place dune organisation nettement plus onreuse quactuellement. Dernier avantage et non des moindre, lorganisation des comptables publics en rseau permet une application uniforme et homogne des normes et des principes et favorise le pilotage dun systme financier complexe. Les observations et rserves que la Cour des comptes formule depuis trois ans sur les comptes de ltat sont le plus souvent directement ou indirectement des appels poursuivre dans cette voie et en parfaire lorganisation et le pilotage. A) Lexistence dun rseau comme vecteur dharmonisation et de remonte de linformation comptable Les comptables publics offrent en effet lavantage dtre constitus en rseau. Soumis un mme statut et des rgles de responsabilit identique, relevant dune mme autorit de tutelle, les comptables publics tiennent leur comptabilit selon des pratiques harmonises. Les diffrences qui peuvent exister entre les comptes du secteur public sexpliquent uniquement

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A ce jour, il nest pas produit de comptes consolids stricto sensu, mais des prsentations dinformation regroupant diffrentes structures (comptes combins de ltat et de ses satellites, prsentation nationale des comptes des collectivits par nature et par taille).

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par lexistence de nomenclatures (cf. par exemple les instructions de la srie M, M14 pour les communes, M21 pour les hpitaux ou M9 pour les tablissements publics nationaux) et de rfrentiels diffrents, qui tendent toutefois sharmoniser rapidement la suite de la mise en place dun comit des normes dans le cadre de la LOLF5. Certes le systme actuel demeure encore perfectible dans la mesure o la remonte de linformation nest pas aussi rapide, pertinente et homogne quil serait souhaitable. Toutefois, les voies damlioration du dispositif actuel se trouvent dans une utilisation optimale du potentiel ouvert par la fusion des rseaux de la direction gnrale de la comptabilit publique (DGCP) et de la direction gnrale des impts (DGI) au sein de la DGFiP et des opportunits offertes par le nouvel outil informatique CHORUS (cf. chapitre 2). Lexistence de ce rseau des comptables publics sinscrit donc dans la perspective de la tenue dune comptabilit budgtaire et dune comptabilit patrimoniale fiables et homognes. Lappartenance un rseau favorise les changes entre comptables qui peuvent ainsi mutualiser les bonnes pratiques, grce un pilotage national (le secteur gestion publique de la DGFiP) mais galement par lutilisation des mmes applications. A titre dexemple, actuellement, la remonte des informations par linfocentre INCA permet dobtenir les fiches dAnalyses des quilibres Financiers Fondamentaux (AEFF) qui servent calculer les moyennes dpartementales, rgionales et nationales des collectivits par strate de population et les ratios correspondants. B) Un rseau de comptables publics favorisant le pilotage dun systme financier public complexe Il est ncessaire de rappeler lapport essentiel que peuvent avoir les comptables publics pour le pilotage des finances publiques par les autorits centrales. En effet, la satellisation et la complexification croissante qui caractrisent les finances publiques montrent la ncessit de retrouver une certaine cohrence en la matire. dfaut, il devient difficile de matriser le systme dans son ensemble. Par ailleurs, dans la perspective de la mise en place dune prsentation consolide des comptes publics ou, tout le moins des prsentations comptables ministrielles par missions, programmes ou actions, il savre ncessaire de poursuivre les efforts entrepris dans les remontes dinformations au niveau central. Lappartenance un rseau permet enfin ltat, en vertu du principe dunit de trsorerie associ lobligation de dpt des fonds au Trsor, davoir une situation quotidienne de sa trsorerie et donc une gestion unique de sa trsorerie.

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Le comit des normes cr par la LOLF a t remplac en 2009 par un Conseil de normalisation des Comptes publics (CNoCP).

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Ainsi, dans un systme financier qui fait lobjet dune satellisation et dune complexification croissantes, le comptable public, de par son implication et son rle central, apparat comme un facteur dunit.Le principe dunit de trsorerie Selon la prsentation trs claire de MM. PRADA et SONRIER dans leur livre la comptabilit publique , ce principe comporte deux aspects : - le principe de lunit de caisse auquel renvoie larticle 44 du dcret gnral sur la comptabilit publique de 1962 selon lequel un poste comptable dispose dune seule caisse . Selon le livre prcit, le corollaire de ce principe est la non-affectation des types de rentres aux sorties, rgle symtrique au plan de la trsorerie, du principe budgtaire de la non-affectation des recettes aux dpensesCe principe dunit est galement appliqu lensemble des comptes de disponibilits ; - la mise en commun de la trsorerie de lensemble des comptables publics permettant lexistence dun circuit montaire du Trsor reposant sur linterconnexion des rseaux publics et sur le compte unique du Trsor la Banque de France. Lexistence dun rseau de comptables publics constitue, par rapport dautres pays, un avantage considrable pour la gestion de la trsorerie de ltat, mais aussi des collectivits qui bnficient de tout le support technique du rseau aprs duquel elles dposent obligatoirement leurs fonds.

SECTION 3 : LES

LIMITES DU SYSTME DU COMPTABLE PUBLIC

:

LE BROUILLAGE DES

CONCEPTS QUI LE SOUS-TENDENT

Quelques amnagements ont t apports, au fil du temps, au principe de sparation des ordonnateurs et des comptables. Essentiellement de nature technique, ces amnagements ne sauraient tre interprts comme de vritables exceptions car, in fine, ils respectent le rle et la responsabilit de chacun ( 1). Il nen va pas de mme pour certaines situations drogatoires qui ont eu tendance se dvelopper ces dernires annes et qui contribuent brouiller la lisibilit du systme ( 2). 1 Les amnagements classiques au principe de sparation des ordonnateurs et des comptables Les principaux amnagements ont t conus pour donner une plus grande souplesse au dispositif. Certains dentre eux inversent lattribution des tches matrielles (comme, par exemple, la liquidation de la paye confie aux comptables) ou intervertissent certaines phases dexcution des dpenses ou des recettes (comme lencaissement avant mission des titres). Dautres confient un tiers habilit (le rgisseur) lexcution, dans les rgies de recettes ou de dpenses, des tches relevant de lordonnateur et du comptable. Mais, dans tous les cas de figure, il est fait explicitement rfrence au dcret du 29 dcembre 1962, et, lors du dnouement des oprations, chacun des acteurs reprend sa place traditionnelle et le comptable public nest aucun moment exempt de sa responsabilit personnelle et pcuniaire.

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Les amnagements classiques au principe de sparation des ordonnateurs et des comptables Ces amnagements sont justifis par le caractre particulier de certaines recettes et dpenses. Tel est le cas de la perception au comptant par les comptables publics. Dans cette hypothse, lintervention ex-ante de lordonnateur nest pas ncessaire pour constater et liquider les crances publiques, ni pour mettre les ordres ncessaires leur recouvrement puisque les dbiteurs reconnaissent et acceptent deux-mmes de payer leurs crances ladministration. Lmission dun ordre de recettes devenant inutile, les comptables publics peuvent intervenir immdiatement aprs la liquidation des dbiteurs. De faon variable selon les procdures concernes, lordonnateur intervient in fine (fin de mois, fin danne) pour signer un document permettant la constatation dfinitive des recettes. La drogation au principe de sparation des ordonnateurs et des comptables publics s'impose tout autant pour les dpenses qui, faisant lobjet de procdures automatises (traitements et salaires des agents de ltat, par exemple), sont ralises sans ordonnancement pralable. Lobjectif est alors de dcharger les comptables du paiement de certaines dpenses de faible importance. L encore, lordonnateur intervient ex-post. Il convient galement de rappeler lexistence des rgies de recettes et davances qui se matrialisent par lexistence de rgisseurs placs sous lautorit de lordonnateur, assumant des actes relevant de la comptence de lordonnateur et du comptable public. Par exemple, les rgisseurs peuvent encaisser des recettes non fiscales de faible montant (droits dinscription dans les bibliothques, droits dentre dans les muses etc.) au nom et pour le compte du comptable public sans ltablissement au pralable dun titre de perception. Les sommes ainsi perues sont constates, liquides et recouvres par le rgisseur, puis justifies et reverses rgulirement au comptable qui vrifie alors lexactitude de la liquidation et demande lordonnateur dmettre un titre collectif de rgularisation.

2 - Le brouillage des concepts Au-del des amnagements mentionns prcdemment, plus dlicate est la question des tablissements financs par des ressources publiques qui ne disposent pas dun comptable public, la diversit des situations rencontres rendant difficile ldiction dun critre justifiant cette situation ( 1). Cela tant, la LOLF, en faisant merger la notion doprateur des politiques publiques et le souci de transparence financire, donne une justification nouvelle la prsence dun comptable public ( 2). A) Limpossibilit de dfinir un critre unique justifiant la prsence ou non dun comptable public Le primtre des comptes publics, tel que dfini par lINSEE, ne concide pas obligatoirement avec le champ daction des comptables publics. Ds lors, se pose la question de savoir sil existe ou non des critres qui permettraient de dfinir la ligne de partage entre les organismes dots dun comptable public et ceux qui nen sont pas pourvus. Est-ce le maniement de deniers publics ? Mais alors, quelle en est la dfinition et le primtre prcis ? Lon ne peut que constater que de nombreux organismes, par exemple des chambres consulaires, peroivent des versements obligatoires et ne disposent pas de comptables publics. Sagit-il de la prsence dune activit publique marchande qui sopposerait une activit non marchande ? L encore toutes les situations coexistent. Il y a des tablissements publics 21

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industriels et commerciaux dots de comptables publics (lOffice National des Forts, le Laboratoire National de Mtrologie et dEssais, le Centre National des tudes Spatiales, etc.), et dautres qui en sont dispenss (lInstitut National de lAudiovisuel, les Monnaies et Mdailles, le Commissariat lnergie Atomique, etc.). Dans le secteur local, le choix est laiss aux offices publics de lhabitat. Autres pistes envisageables, lutilisation de ressources ou de patrimoine publics (soit sous forme financire, soit en nature) mis gratuitement la disposition de ces structures par ltat ou les collectivits territoriales ? L encore, ce critre apparat peu opratoire. En effet, comment expliquer la diffrence de traitement entre, par exemple, lOffice National des Forts, lInstitut National de lAudiovisuel et Rseau Ferr de France ? Au total, le nombre et le caractre empirique voire arbitraire des drogations aux rgles de la comptabilit publique conduit sinterroger sur la cohrence du dispositif du comptable public. Aprs la fusion de lAgence Nationale pour lEmploi (ANPE) et des ASSEDIC, la cration de Ple Emploi, qualifi dtablissement public administratif dot dune comptabilit prive, constitue le cas le plus extrme dincohrence.Comptes publics et comptables publics : deux primtres distincts La notion de comptes publics est plus rcente que celle de comptabilit publique. Le dveloppement des dispositifs de protection sociale ne sest pas opr dans un cadre purement public et, trs souvent, les comptables publics ny ont jou quun rle limit, une grande partie de la sphre sociale ne faisant pas partie du domaine de la comptabilit publique stricto sensu. Toutefois, le financement des entits relevant de cette sphre fait de plus en plus appel des financements mixtes (cotisations obligatoires et impts). Les problmes comptables que posent ces caractristiques (prlvements obligatoires et activits non marchandes) ont conduit considrer quil tait justifi de les traiter ensemble. De plus, cette approche est celle qui est retenue pour les comparaisons internationales en matire de finances publiques et spcialement pour vrifier le respect des engagements financiers pris par les tats membres de lUnion europenne dans le cadre du pacte de stabilit et de croissance. Pour autant la rfrence cette notion de comptes publics ne change ni le statut juridique des entits qui en font partie, ni le fait quelles disposent ou non dun comptable public. Ces dernires caractristiques sont soit le produit de lhistoire, soit le rsultat de choix de gouvernance pris des priodes diffrentes de lvolution en cours. Il importe en effet de souligner que la notion de comptes publics dpasse celle de comptes grs par un comptable public. Le champ de rfrence le plus large incluant les comptes publics est celui des administrations publiques (APU), utilis par lINSEE pour dfinir les secteurs institutionnels intgrs dans les comptes nationaux. A lintrieur de ce champ, certains comptes publics sont grs par un comptable public selon les rgles de la comptabilit publique, dautres, chappant la gestion par un comptable public, adoptent les rgles de la comptabilit commerciale. Cette dichotomie des comptes publics dans le champ des APU ne relve pas ncessairement ou exclusivement de la nature dactivit ou du mode de financement de lorganisme concern. Elle peut aussi relever du choix du rgime de gestion comptable par le lgislateur pour certains organismes ou tablissements relevant des ODAC (organismes divers dadministration centrale) ou des administrations publiques locales (APUL). Ainsi, les ples-emploi , rsultant de la fusion entre lagence nationale pour lemploi (ANPE) et les ASSEDIC, sont grs sans comptable public, dans un rgime de comptabilit commerciale, nonobstant la nature de leur activit principale de fourniture de services non marchands et leur financement par des prlvements obligatoires. A contrario, les syndicats intervenant dans le secteur public local, sont tous grs par un comptable public, sous un

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rgime de comptabilit publique (quelques soient la nature de leur activit principale et leur mode de financement par limpt ou par des recettes de nature commerciale). Quant aux offices publics de lhabitat, leur rgime de gestion comptable dpend du choix opr par leur conseil dadministration entre comptabilit publique et comptabilit commerciale, alors que leur activit est essentiellement marchande et que leur financement est principalement assur par des recettes de nature commerciale. Les comptes publics relevant du champ des administrations publiques, au sens de lINSEE, sont donc grs par un comptable public, selon les rgles de la comptabilit publique, moins en raison de la nature de leur activit principale (marchande ou non marchande, ou de leur mode de financement, par une recette de nature commerciale ou par un prlvement obligatoire), quen raison du choix du rgime et du mode de gestion comptable opr par le lgislateur ou par les assembles dlibrantes des organismes considrs dans le cadre dfini par la loi. La consquence en tirer sur la prsence ou labsence du comptable public dans la tenue des comptes publics, est de rechercher les raisons pour lesquelles, un rgime ou un mode de gestion comptable, avec ou sans comptable public, a t retenu par le lgislateur ou lassemble dlibrante, alors que la nature de lactivit ou le mode de financement ne limposaient pas.

B) La LOLF, le retour aux principes dorigine Les dispositions de la LOLF concernant la gestion des programmes budgtaires et la justification de lemploi pertinent des fonds ont mis les oprateurs publics (c'est--dire les tablissements recevant des fonds partir de ces programmes) sous la mme tension que les administrations de ltat. Ces organismes ont la mme obligation de rendre compte et doivent le faire dans les mmes rapports dactivits partir des mmes types dinformation (indicateurs, justification des dpenses au premier euro, comptabilit danalyse des actions, etc.). Lmergence de la notion doprateur des politiques publiques, le retour une plus grande rigueur budgtaire et financire (cf. par exemple, lextension aux oprateurs de la notion de plafond demploi), la volont de lutter contre les dmembrements de ltat crs pour chapper aux contraintes budgtaires ( dbudgtisation ), les demandes rcurrentes de la Cour des comptes pour assurer une meilleure transparence de la gestion publique, etc., sont autant doccasions de revenir des approches plus orthodoxes. Les besoins de production de donnes fiables et homognes destines rendre compte au Parlement ainsi que le mouvement de recensement et de valorisation du patrimoine de ltat recentrent galement des organismes sur les bonnes pratiques comptables. Au total, on peut, partir de quelques exemples rcents, relever une tendance au retour du comptable public dans le champ des nouveaux oprateurs de ltat comme dans celui des agences rgionales hospitalires. A la lecture des enseignements tirs de la LOLF, il semble que limpossible critre unique voqu supra (cf. A) soit chercher dans lexistence dun service public, marchand ou non, 23

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troitement li lactivit de ltat car contribuant la mise en uvre dune politique publique. Pour le secteur local, la problmatique est diffrente, le concept doprateur sappliquant uniquement ltat. La diversit des satellites et la pluralit de leur statut renforce lide quil est difficile didentifier un critre unique permettant de savoir dans quel cas la comptabilit dun organisme local doit tre confie un comptable public. Au final, il semble que le choix de recourir ou non un comptable public doit relever de lassemble dlibrante, sauf lorsque la loi impose une solution.

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CHAPITRE 2 LMERGENCE DUNE NOUVELLE GESTION PUBLIQUE MODIFIANT LQUILIBRE DES RLES DESACTEURS DANS LE SYSTME FINANCIER PUBLIC

La Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) du 1er aot 2001, parce quelle porte les proccupations dune nouvelle gestion publique, a entran une mutation profonde du dispositif dinformation budgtaire et comptable de ltat. Cette loi, mme si elle ne sapplique stricto sensu qu ltat, a dclench, de proche en proche, le renforcement dexigences nouvelles lgard de la comptabilit patrimoniale des entits publiques, quelles relvent de ltat ou du secteur public local (section 1). La redfinition des chanes de travail rsultant de ces volutions tout autant que les exigences de qualit comptable induites par la certification des comptes, conduisent, en marge du dcret de 1962, une plus grande interaction entre ordonnateurs et comptables de ltat, comme cest le cas, depuis longtemps pour des raisons techniques, dans les tablissements publics. Les collectivits locales se situent pour linstant lcart de cette volution tant la sparation traditionnelle entre ordonnateur et comptable y reste particulirement prgnante (section 2). Si lmergence de cette nouvelle gestion publique dans les structures de ltat et de ses dmembrements a conduit les comptables simpliquer fortement, aux cts des ordonnateurs, dans la mise en uvre dun dispositif dinformation adapt, elle ne se traduit pas, pour autant, par une plus grande implication du comptable public dans les processus de gestion. En effet, sagissant de ltat, les comptables nont, lheure actuelle, quune position marginale auprs des gestionnaires publics, concept nouveau qui vient se superposer au couple juridique traditionnel ordonnateur-comptable. Sagissant des tablissements publics, les comptables publics ne peuvent jouer pleinement leur rle de conseil et dappui en matire de gestion quen clarifiant leur positionnement par rapport la tutelle financire exerce par ltat dont ils peuvent apparatre comme le relais trop direct. Au total, le risque est grand que les comptables publics ne puissent dpasser la dimension essentiellement juridique de leur positionnement pour sinsrer compltement dans un ordre plus complexe intgrant des proccupations issues de la nouvelle gestion publique (Section 3). SECTION 1 : LES EXIGENCES DE LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE LGARD DISPOSITIFS DINFORMATION BUDGTAIRE ET COMPTABLE DES ENTITS PUBLIQUESDES

Les pres de la LOLF poursuivaient deux buts, dune part, aboutir au rquilibrage, en faveur de la Reprsentation nationale, des rles du Parlement et du Gouvernement dans la procdure budgtaire, et dautre part, acclrer la modernisation de la gestion publique de ltat en 25

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donnant plus de libert et de responsabilit aux gestionnaires publics. Ces deux proccupations se traduisent dans le texte mme de la LOLF (cf. article 27) avec la dfinition de trois comptabilits distinctes : une comptabilit budgtaire (le suivi des crdits), une comptabilit gnrale (le suivi du patrimoine et de la situation financire) et une comptabilit danalyse des cots des actions des programmes6. Complmentaires, ces trois comptabilits sont de nature clairer les gestionnaires et mieux rendre compte au Parlement, non seulement de la consommation des crdits, mais aussi de leur bon emploi. Cette loi attribue, en outre, aux comptables de ltat un rle nouveau de garant de la qualit dune information financire et comptable dont la rgularit, la fidlit et la sincrit sont dsormais certifies par la Cour des comptes (1). Ces concepts se sont rapidement diffuss aux tablissements publics nationaux et ouvrent un dbat sur leur gnralisation aux collectivits territoriales (2). 1 Lmergence, pour ltat, dun nouveau dispositif dinformation budgtaire et comptable tourn vers la nouvelle gestion publique promue par la LOLF Le systme comptable de ltat orient presquexclusivement sur le suivi de lexcution de la loi de finances a fortement volu depuis quelques annes en intgrant progressivement une dimension patrimoniale qui a trouv son aboutissement avec la publication de la LOLF. Ce systme comptable doit aujourdhui rpondre aux proccupations et enjeux des responsables publics, savoir : la matrise de lexcution budgtaire travers la comptabilit de caisse, la comptabilit des engagements budgtaires et lanalyse de la soutenabilit budgtaire ; une gestion plus efficace des biens, des droits et des obligations de ltat travers la comptabilit gnrale ; une dpense publique optimise travers la comptabilit danalyse de cots.

-

A) Les deux visages de la comptabilit budgtaire La dualit des autorisations budgtaires, en crdits de paiement (CP)7 et en autorisations dengagement8 (AE) implique la mise en uvre dune double comptabilit. Une comptabilit des recettes et des dpenses telle que prvue larticle 27 de la LOLF pour dcrire lexcution des oprations budgtaires et la consommation des crdits de paiement, et

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Il ne sagit pas dune comptabilit analytique. En effet, elle nest pas fonde sur lexploitation des donnes de la comptabilit gnrale mais sur la comptabilit budgtaire. Elle permet de dterminer le cot budgtaire action par action. 7 Larticle 8 de la LOLF dfinit les crdits de paiements comme la limite suprieure des dpenses pouvant tre ordonnances ou payes pendant lanne pour la couverture des engagements contracts dans le cadre des autorisations dengagement . 8 Larticle 8 de la LOLF dfinit les autorisations dengagement comme la limite suprieure des dpenses pouvant tre engages .

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une comptabilit des engagements budgtaires, non expressment mentionne par la LOLF, pour suivre les AE et pouvoir rendre compte au Parlement de leur utilisation. En application de larticle 28 de la LOLF, la consommation des CP est directement lie lexcution dune opration de trsorerie, le paiement dune dpense (ou symtriquement pour les recettes, lencaissement dun produit). La comptabilit des dpenses et des recettes obit ainsi une logique de caisse. Elle repose sur un des objectifs majeurs des finances publiques, le suivi du solde budgtaire. Elle se rattache aussi directement au principe de la responsabilit personnelle et pcuniaire du comptable public. Indispensable pour retracer au fil de leau lexcution budgtaire, une comptabilit de caisse ne saurait constituer un outil suffisant pour piloter et matriser les dpenses publiques. Il faut donc la complter par une comptabilit des engagements budgtaires pour permettre de suivre la consommation des autorisations de programmes au travers des engagements juridiques desquels rsulteront, aprs service fait, les sorties de ressources futures. Ainsi, la comptabilit dengagement permet dasseoir lanalyse de la soutenabilit budgtaire court ou moyen terme et dapprhender la drive ou non des dpenses publiques dans cet horizon de temps. La soutenabilit budgtaire de long terme suppose dautres outils, plus adapts, qui relvent des hypothses macro-conomiques. B) Lvolution de la comptabilit gnrale de ltat vers une comptabilit dexercice exigeante en termes dexhaustivit, dimage fidle et de qualit comptable La LOLF prvoit, ct de la comptabilit budgtaire, la tenue dune comptabilit gnrale de lensemble de ses oprationsfonde sur le principe de la constatation des droits et obligations tant prcis que les rgles applicables cette comptabilit ne se distinguent de celles applicables aux entreprises quen raison des spcificits de son action (articles 27 et 30), do un important travail de normalisation qui sest appuy largement sur les normes comptables internationales (IPSAS)9. Mise en place compter du 1er janvier 2006, cette nouvelle comptabilit gnrale est dsormais tenue de donner une image rgulire, sincre et fidle du patrimoine et de la situation financire de ltat (article 27). Les spcificits de laction de ltat ont conduit faire apparatre : un bilan sous la forme dun tableau de situation nette comportant une description de lactif et du passif,

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International Public Sector Accounting Standards

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en lieu et place dun compte de rsultat, un tat des charges nettes, un tat des ressources rgaliennes et un tableau de synthse permettant de dgager un rsultat financier distinct du rsultat budgtaire, et une annexe comptable prsentant notamment les engagements financiers donns et reus ( distinguer de la notion dengagements budgtaires) tels que les cautions et les garanties, les engagements de retraite, etc.

Ces documents de synthse qui figurent dans le compte financier de ltat, qui est joint au projet de loi de rglement, permettent de complter la vision des autorits publiques par une prsentation de la situation financire et patrimoniale de ltat identifiant ses dettes et crances et recensant ses actifs et ses passifs. En faisant le choix dune option dualiste, avec des rfrentiels comptables diffrents selon quil sagit denregistrer les oprations budgtaires (logique de caisse) ou de dcrire la situation patrimoniale et financire de ltat (logique en droits constats), la LOLF organise un systme budgtaire et comptable dans lequel les rgles comptables ne sont pas contraintes par des rgles budgtaires alors que ce nest pas le cas dans les collectivits locales ou, dans une moindre mesure, dans les tablissements publics (cf. infra 2). Le souci de produire des comptes10 permettant une description sincre de la situation de ltat a conduit le lgislateur inclure dans la LOLF deux dispositions complmentaires visant les comptables publics et la Cour des comptes. Larticle 31 prvoit tout dabord que les comptables publics chargs de la tenue et de ltablissement des comptes de ltat veillent au respect des principes et rgles mentionnes aux articles 27 30 et quils sassurent notamment de la sincrit des enregistrements comptables et du respect des procdures . Il convient ici de prciser que llargissement du champ dintervention du comptable qui devient ainsi le garant de la qualit des comptes de ltat (cf. 1re partie) ne conduit pas une extension de sa responsabilit personnelle et pcuniaire (v. infra 3me partie). Par ailleurs, larticle 58 confie la Cour des comptes la certification de la rgularit, de la sincrit et de la fidlit des comptes de ltat . A ce titre, il lui est demand, comme pour des commissaires aux comptes dans une entreprise, dmettre annuellement une opinion sur la qualit de linformation financire et comptable produite par le Gouvernement au Parlement via le projet de loi de rglement. Ainsi, la comptabilit gnrale qui vise, en interne, apporter une meilleure connaissance des cots et du patrimoine des administrations, apparat aujourdhui comme un lment cl pour amliorer la transparence des finances publiques.

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Dans la terminologie prcise retenue par la LOLF, le mot comptes renvoie toujours la comptabilit gnrale.

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Ces deux articles vont avoir un impact important sur le rle et le positionnement des comptables de ltat (cf. infra Section 2) dans la mesure o ils donnent une lgitimit nouvelle au comptable public et un champ dintervention qui dpasse la bonne excution du budget et la conservation des deniers publics. C) La comptabilit danalyse des cots, une notion prciser et un domaine qui reste investir par les comptables publics A ct de la comptabilit budgtaire et de la comptabilit gnrale, la comptabilit danalyse des cots des diffrentes actions engages dans le cadre des programmes constitue le troisime volet de la comptabilit publique telle quenvisage par larticle 37 de la LOLF. En permettant de calculer les cots complets des actions ralises, elle peut tre un outil prcieux dans le cadre dune recherche de loptimisation des dpenses publiques. Cette comptabilit est, ce jour, assez peu dveloppe. 2 Limpact de la LOLF sur les oprateurs publics et les collectivits territoriales Fort logiquement, les dispositions dveloppes dans la LOLF nauraient d trouver sappliquer quau budget et aux oprations comptables et financires de ltat. Or sans que lenvironnement lgislatif ou rglementaire ait volu, lesprit de la loi organique sest diffus trs rapidement au sein des tablissements publics et inspire de plus en plus de collectivits territoriales. A) Lextension aux oprateurs publics de la logique de la nouvelle gestion publique La LOLF a influ trs rapidement sur la gestion des tablissements publics nationaux (ou assimils) qui, en tant que principaux oprateurs publics, sont amens mettre en uvre les politiques de ltat. Ils reoivent pour ce faire les fonds correspondants via une subvention pour charges de service public ou des subventions dinvestissement spcifiques ouvertes dans les programmes budgtaires de ltat. Lexigence de justification de la pertinence de la dpense publique qui sapplique ltat, sest ainsi tendue ses oprateurs. De mme, le poids financier des oprateurs sur le bilan de ltat (au travers des participations financires, des immobilisations corporelles, des dettes et crances rciproques, etc.) a amen la Cour des comptes, dans sa mission de certificateur des comptes de ltat demander aux oprateurs publics deffectuer le mme effort de qualit comptable que celui ralis par ltat. Conjugue avec les dispositions contenues dans la loi de scurit financire du 1 er aot 2003, cette exigence conduit aujourdhui les principaux tablissements publics produire des comptes certifis par des commissaires aux comptes.

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Il convient toutefois de souligner que, malgr le rapprochement des modes de gestion des tablissements publics avec celui de ltat, ces derniers nobissent pas la mme logique budgtaire. Une des innovations de la LOLF, en effet, a t de dissocier le budgtaire du comptable (systme dualiste). Il nen va pas de mme dans les tablissements o le cadre budgtaire et le cadre comptable demeurent troitement mls (systme dit moniste ) avec lventualit qui peut en rsulter de voir les proccupations budgtaires prendre le pas sur le strict respect des principes comptables.

Normalisation comptable et comptabilit publique La normalisation des comptabilits publiques a suivi deux voies : la dfinition de la place et du rle du comptable public, notamment par rapport lordonnateur et la construction progressive de rgles comptables. La premire voie est lie des choix de gouvernance justifis par le maniement de deniers publics, la seconde sinscrit plus dans le mouvement gnral de normalisation comptable et est davantage lie au statut juridique des entits concernes. Il existe bien sr une relation entre les deux : des entits fonctionnant en maniant des deniers publics ont en principe des statuts juridiques particuliers, mais la multiplicit des statuts et les volutions des fonctions vont distendre ces relations, dautant plus facilement que la prsence du comptable public reste la garantie principale. La normalisation des comptabilits publiques va donc pouvoir suivre plus ou moins la normalisation comptable tout court chaque fois que cette dernire permet de trouver des solutions qui restent conciliables avec les contraintes de contrle et de respect de la lgalit budgtaire. Cette politique a t dautant plus aise mettre en uvre que loutil de normalisation comptable pour les entreprises qui a t longtemps le plan comptable gnral (PCG) prsente des caractristiques permettant de faciliter ce genre de compromis. Dabord le PCG, comme son nom lindique sest voulu gnral et non limit aux entreprises et il sen est donn les moyens en acceptant dintgrer plusieurs approches, la diffrence des normes comptables anglo-saxonnes qui sont explicitement concentres sur linformation financire destination des investisseurs. En ne dsignant pas dutilisateur privilgi et en adoptant une dmarche essentiellement classificatoire (importance de la nomenclature) fonde sur la nature conomique des transactions, le PCG apparat comme facilement applicable et adaptable une gamme varie de situations. Il cherche rpondre des proccupations de contrle en sintressant galement au formalisme de la tenue des comptes. Il intgre enfin la possibilit de comptabiliser des lments pour des raisons extra comptables (provisions rglementes) afin de faciliter lutilisation de la comptabilit pour dautres usages que la seule information. Ces caractristiques, dveloppes pour les entreprises afin dassurer la liaison avec la fiscalit et le droit commercial, sont facilement utilisables pour intgrer les contraintes propres aux entits publiques. Elles lont t largement et depuis soixante ans le rapprochement avec le PCG est la pierre de touche de la normalisation des comptabilits publiques. Cette politique a t grave dans le marbre du dcret du 29 dcembre 1962 11 sous une forme trs claire : La comptabilit gnrale retrace : les oprations budgtaires ; les oprations de trsorerie ; les oprations faites avec des tiers ; les mouvements du patrimoine et des valeurs dexploitation. Elle dgage la situation ou les rsultats de fin danne. La comptabilit gnrale est tenue selon la mthode de la partie double . La nomenclature des comptes ouverts en comptabilit gnrale dfinit les modalits de fonctionnement des comptes. Cette nomenclature sinspire du plan comptable gnral approuv par arrt du ministre des finances. Lorsque lactivit exerce est de nature principalement industrielle ou commerciale, la nomenclature est conforme au plan comptable gnral, sauf drogations justifies par le caractre particulier des oprations

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Cf. larticle 52 du dcret du 29 dcembre 1962.

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retracer. . Cette formulation rsume bien les caractristiques principales de la comptabilit publique (retracer les oprations budgtaires) et le moyen de convergence avec la comptabilit dentreprise (la nomenclature). Les difficults commencent lorsque le PCG nest plus la seule rfrence possible pour prtendre harmoniser comptabilit des entreprises et comptabilit publique et lorsque des oprations posant des problmes complexes danalyse et dvaluation commencent apparatre. Les difficults danalyse et dvaluation et lincapacit du PCG (dans sa structure traditionnelle) y rpondre, ont dabord touch les grandes entreprises. La rponse a t, non pas lenrichissement du PCG, mais le recours des normes internationales dinspiration anglo-saxonnes. La raison de ce choix est simple, il ne suffisait pas de combler les lacunes du PCG, il fallait aussi adopter des normes permettant un minimum de comparaisons internationales pour rpondre aux besoins dentreprises implantes dans de nombreux pays et faisant appel aux marchs internationaux de capitaux. La question de lvolution du PCG vers ces normes est encore en suspens, ce dernier restant probablement un instrument plus efficace et mieux adapt pour les petites entreprises. Ce mouvement touche maintenant les entits publiques, de manire diffrencie suivant les entits comme cela a t le cas pour les entreprises suivant leur taille. Pour des entits trs importantes comme ltat, le choix a t fait de produire une information financire en dconnectant la comptabilit gnrale et la comptabilit budgtaire afin de ne pas risquer de fausser la comptabilit gnrale par des contraintes budgtaires. Pour dautres entits publiques le choix inverse avait t fait depuis longtemps, une priode qui ne connaissait que le modle du PCG. Mais lexprience a montr que des souplesses plus ou moins officielles et plus ou moins justifies, ont t introduites pour dconnecter partiellement le budget de la comptabilit et permettre au systme de fonctionner. Il existe ainsi dans tous les cas des lments de dconnexion entre la comptabilit gnrale et la comptabilit budgtaire. Le dfi est de comprendre jusquo il est ncessaire dadmettre une telle dconnexion (il nexiste sans doute pas de rponse unique valable pour toutes les entits) et de parvenir en matriser les consquences. Cela est ncessaire si on veut produire un cadre cohrent permettant de poursuivre le rapprochement des comptabilits en rpondant la fois aux ncessits dinformation financire et aux contraintes lgitimes qui psent sur la gestion des deniers publics.

B) Des perspectives dapplication plus incertaines pour les collectivits territoriales Comme les tablissements publics nationaux, les collectivits territoriales et leurs propres tablissements publics sinscrivent dans un systme moniste, organisant une forte liaison entre le cadre comptable et le cadre budgtaire, dans un contexte lgal o les budgets des collectivits sont soumis au strict respect de la rgle de lquilibre rel12. Ds lors, la comptabilit gnrale tenue par le comptable est totalement dpendante de la procdure et de la logique budgtaire. Certes, un rapprochement entre la logique budgtaire reposant traditionnellement sur des dpenses et des recettes dfinies en trsorerie et les principes de la comptabilit dexercice, a t opr par linstruction comptable M14. Cest ainsi quelle organise la sparation des exercices comptables (et de facto des annes budgtaires) en utilisant les concepts de charges

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Instruction M14 : Conformment larticle L 1612-4 du Code gnral des collectivits territoriales, le budget est en quilibre rel si les conditions suivantes sont remplies : - la section de fonctionnement et la section dinvestissement sont respectivement votes en quilibre ; - les recettes et les dpenses sont values de faon sincre ; - le prlvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section dinvestissement, ajout aux recettes propres de cette section lexclusion du produit des emprunts, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement de lannuit demprunt en capital choir au cour de lexercice .

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payer, de produits recevoir, etc. Cependant, ces lments sont fournis par lordonnateur qui est seul les connatre et qui peut ne les communiquer que partiellement au comptable, faute de disposer des crdits budgtaires suffisants. De mme, cette instruction introduit dans les budgets locaux les amortissements et, potentiellement, les provisions. Cependant, ds lors que la constatation des dotations correspondantes constitue des dpenses budgtaires ayant un impact sur lquilibre de la section de fonctionnement, et donc sur la fiscalit, de nombreuses exceptions ont t introduites. Cest dans ce contexte de comptabilit dexercice trs amodie, que la Cour des comptes a lanc la perspective dune application aux collectivits territoriales des principes et pratiques de la LOLF, notamment en ce qui concerne la certification des comptes. SECTION 2 : UNE VOLUTION VERS UNE PLUS GRANDE INTERACTION ENTRE ORDONNATEURS ET COMPTABLES SOPRANT EN MARGE DU DCRET DE 1962 ET DE FAON INGALE SELONLES STRUCTURES PUBLIQUES

Selon la dfinition traditionnelle, les ordonnateurs (article 5 du dcret de 1962) sont les personnes qui prescrivent l'excution des recettes et des dpenses et cet effet constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les dpenses . Leur rle et leurs fonctions sont ainsi juridiquement bien dlimits et strictement spars par rapport ceux du comptable, qui exerce des contrles, manie les deniers publics et tient la comptabilit. Cependant, les volutions introduites par la nouvelle gestion publique et aussi avec la gnralisation de progiciels intgrs amnent repenser en profondeur lorganisation des chanes de travail et, ainsi, faire bouger les lignes entre ordonnateurs et comptables (1). La gnralisation de la dmarche de certification des comptes accentue encore cette tendance (2). 1. - De la coopration entre ordonnateurs et comptables lintgration de leurs chanes de travail pour permettre la rationalisation des contrles Laffirmation du principe de sparation des ordonnateurs et des comptables publics, et la ncessit pour ces derniers de respecter les limites de leurs fonctions respectives, ne sauraient pour autant exclure une bonne coopration entre ces deux acteurs, et ceci, dans un souci de bonne gestion publique. Cest sur cette base que le contrle de la dpense a t rcemment rationnalis. De son cot, lintgration informatique, pour ltat, de la chane de la dpense au travers de lapplicatif Chorus conduit des rapprochements entre les services ordonnateurs et comptables rejoignant ainsi une interaction dj ancienne dans les tablissements publics nationaux. Toutefois, cette approche nouvelle, au-del de la mise en place du contrle partenarial des dpenses, ne trouve gure se dployer dans le secteur local tant la sparation entre ordonnateurs et comptables reste stricte.

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A) Lvolution du contrle de la dpense Longtemps rest rgi par des rgles immuables, les modalits du contrle de la dpense ont fortement volu ces dernires annes avec lintroduction du contrle hirarchis et du contrle partenarial. Ces deux innovations, qui consistent renoncer au contrle exhaustif et a priori des dpenses pour se concentrer sur les oprations intrinsquement les plus risques ou les moins bien matrises par lordonnateur, conduisent repenser les relations traditionnelles entre les ordonnateurs et les comptables, en favorisant une coopration entre ces deux acteurs. Introduit dans loptique dune meilleure efficacit du contrle ralis par le comptable public, le contrle hirarchis de la dpense consiste, pour ce dernier, oprer, sur la base dune analyse de risques, une slection entre les diffrentes dpenses qui lui sont prsentes. Or, pour que le comptable public puisse exercer au mieux ce