Psychoses Passionnelles 84

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J.-C. Maleval* L’Evolution Psychiatrique, 54, l, 1989, pp. 115 à 135. LE CHAMP PASSIONNEL DE LA PSYCHOSE RÉSUMÉ La querelle entre Lacan et son maître Clérambault trouva son origine dans le statut des psychoses passionnelles. Convenait-il de les indure dans le cadre de la paranoïa ? L'introduction récente par Bolzinger de la thèse soutenant l'existence d'un délire sans forclusion argumentée à partir du cas Aimée, paraît constituer une reprise moderne de cette discussion, Plutôt que d’accentuer l'originalité des délires passionnels, c’est leur appartenance au champ de la psychose que l'on s'efforce ici de mettre en évidence Certes, dans les années 1950, les troubles du langage sont considérés par Lacan comme exigibles pour porter un diagnostic de psychose. Toutefois, à la faveur des avancées ultérieures de son enseignement, cette proposition présentée comme provisoire apparaît maintenant à réexaminer. The passional field of psychosis. The dispute between Lacan and his master Clérambault found its origin in the statute of passional psychoses. Should they be included in the framework of paranoia ? The recent introduction by Bolzinger of the thesis supporting the existence of a deIusion without foreclosure, argumented from the Aimée case, seems to constitute a modern repetition of this debate. Rather than stressing the originality of passional délusions, it is their belonging to the field of psychosis which the author attempts to bring to light here. Indeed, in the fifties, language disorders are considered by Lacan as compuIsory to set a diagnosis of psychosis. However. owing to the later progressions of his teaching, this proposition presented as provisional needs now to be re-examined . La querelle entre Lacan et Clérambault trouve son origine dans un différend concernant le statut des psychoses passionnelles par rapport à celui des paranoïas. Faut-il intégrer les premières dans les secondes? Ou bien convient-il d'accentuer leur différenciation? A mon sens, le débat lancé avec talent par André Bolzinger autour du délire sans psychose, c'est-à- dire sans forcIusion, dont lui paraît relever la pathologie d'Aimée l , témoigne d 'une reprise moderne de cette discussion. Pour Clérambault la distinction est radicale, pour Lacan les

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Jean Claude Maleval - LE CHAMP PASSIONNEL DE LA PSYCHOSE

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  • J.-C. Maleval* LEvolution Psychiatrique, 54, l, 1989, pp. 115 135. LE CHAMP PASSIONNEL DE LA PSYCHOSE RSUM La querelle entre Lacan et son matre Clrambault trouva son origine dans le statut des psychoses passionnelles. Convenait-il de les indure dans le cadre de la paranoa ? L'introduction rcente par Bolzinger de la thse soutenant l'existence d'un dlire sans forclusion argumente partir du cas Aime, parat constituer une reprise moderne de cette discussion, Plutt que daccentuer l'originalit des dlires passionnels, cest leur appartenance au champ de la psychose que l'on s'efforce ici de mettre en vidence Certes, dans les annes 1950, les troubles du langage sont considrs par Lacan comme exigibles pour porter un diagnostic de psychose. Toutefois, la faveur des avances ultrieures de son enseignement, cette proposition prsente comme provisoire apparat maintenant rexaminer. The passional field of psychosis.

    The dispute between Lacan and his master Clrambault found its origin in the statute of passional psychoses. Should they be included in the framework of paranoia ? The recent introduction by Bolzinger of the thesis supporting the existence of a deIusion without foreclosure, argumented from the Aime case, seems to constitute a modern repetition of this debate. Rather than stressing the originality of passional dlusions, it is their belonging to the field of psychosis which the author attempts to bring to light here. Indeed, in the fifties, language disorders are considered by Lacan as compuIsory to set a diagnosis of psychosis. However. owing to the later progressions of his teaching, this proposition presented as provisional needs now to be re-examined . La querelle entre Lacan et Clrambault trouve son origine dans un diffrend concernant le statut des psychoses passionnelles par rapport celui des paranoas. Faut-il intgrer les premires dans les secondes? Ou bien convient-il d'accentuer leur diffrenciation? A mon sens, le dbat lanc avec talent par Andr Bolzinger autour du dlire sans psychose, c'est--dire sans forcIusion, dont lui parat relever la pathologie d'Aime l, tmoigne d 'une reprise moderne de cette discussion. Pour Clrambault la distinction est radicale, pour Lacan les

  • passionnels sont des paranoaques. De 1931 1973, il ne variera pas sur ce point. Cependant, il est parfois permis d'en douter. II affirme, lors de la sance du 23 novembre 1955 de son sminaire sur les psychoses, qu'il y a lieu de distinguer entre les psychoses passionnelles et les psychoses paranoaques, diffrence admirablement mise en valeur par son matre Clrambault 2. Aurait-il chang d'opinion? Ou bien la distinction qu'il suggre serait-elle quelque peu diffrente de celle de son matre? La rponse ces questions ncessite de s'attarder sur l'volution de sa pense. "Structure des psychoses paranoaques", tel est le titre du premier article que Lacan s'autorise signer seul. Il parat en 1931 dans La Semaine des hpitaux de Paris . Il se trouve l'origine de la brouille entre son auteur et Gatan de Clrambault. Outre le dgagement du syndrome d'automatisme mental, ce dernier estimait que son principal apport la clinique psychiatrique rsidait dans l'isolement du cadre des psychoses passionnelles par rapport celui des psychoses paranoaques. Avec une grande finesse clinique, il montra que le passionnel, sous ses trois aspects de l'rotomane, du jaloux et du revendicateur, se trouve tendu vers un but, tandis que l'interprtatif, errant dans le mystre, reste dans un tat d'expectative. Il souligna que les convictions du premier manent d'une ide-mre sans quivalent chez le second, remarque partir de laquelle il forma la distinction devenue classique entre le dlire en secteur et le dlire en rseau. Enfin, il considrait que les troubles du passionnel prenaient naissance dans un "nud ido-affectif", tandis que ceux de l'interprtatif auraient t ancrs dans la constitution du sujet. Le pronostic des premiers lui apparaissait donc beaucoup plus favorable. Clrambault tait un person- nage fascinant, mais d'un caractre difficile et d'une grande susceptibilit. Lui qui n'tait que mdecin-chef de l'infirmerie spciale de la prfecture de police affichait un certain mpris l'gard du professeur Henri Claude, dont il se gaussait qu'il prtende se faire un nom avec deux prnoms 4. Il lui fut insupportable qu'un de ses anciens internes, qui briguait le clinicat chez Claude, que d'ailleurs il obtint, ait l'audace de faire fi de sa dcouverte en incluant cavalirement les psychoses passionnelles dans les paranoas. Un demi-sicle plus tard, un autre interne de Clrambault, Paul Sivadon, prtend que ce dernier s'est brouill avec Lacan en raison d'une affaire de plagiat: le matre de l'infirmerie spciale n'aurait pas t assez cit dans l'article de 1931. Or, bien au contraire, Clrambault est l'auteur qui s'y trouve le plus souvent mentionn (cinq fois en neuf pages), les termes le concernant s'avrent mme extrmement laudatifs 5. ` Cependant, Lacan s'y emploie un exercice de patinage dialectique; par lequel il cherche satisfaire Claude - partisan d'une paranoa incluant les dlires passionnels - sans mcontenter son matre Clrambault. En fait, malgr les formes louangeuses son gard, ce dernier ne s'y trompa pas: sur le fond, Lacan rejette son enseignement concernant l'autonomie des psychoses passionnelles. Pourquoi a-t-il pris une telle position? L'on est fond supposer que c'est l'influence de la psychanalyse, dj discernable dans son article, qui a fait pencher son opinion en faveur de Claude et de la thse moderne. Dans le commentaire du cas Schreber, Freud fournit un modle d'analyse de deux dlires passionnels (jalousie et rotomanie), partir d'un mcanisme, le refus de la pulsion homosexuelle, dont il montre la valeur heuristique pour l'ensemble des paranoas. Le jaloux dlirant rejette son homosexualit sur le mode d'un ce n'est pas moi qui aime l'homme - c'est elle qui l'aime . Plus complexe, selon Freud, est le procd de mconnaissance auquel recourt l'rotomane: il ne lui suffit pas de la ngation selon laquelle Ce n'est pas lui que j'aime - c'est elle que j'aime , il lui faut encore user d'un mcanisme de projection qui fait revenir de l'extrieur ce qu'il retranche: c'est elle que j'aime - parce qu'elle m'aime '. Malgr son adhsion aux distinctions de la clinique clrambaldienne, Lacan estime en 1931 qu'il y a lieu de rassembler dans le "groupe des

  • psychoses paranoaques" les passionnels et les interprtatifs, pour l'essentiel en raison de leur intgrit intellectuelle conserve, de leur volution chronique sans dmence et de leur propension aux ractions mdico-lgales ainsi qu'aux productions crites. Il reste cependant assez en peine pour prciser les caractristiques de la structure qui, dans le titre de l'article, apparat singulire. C'est pourquoi, malgr la rfrence annonce la phnomnologie, l'on est en droit de supposer que l'hypothse d'une unicit des paranoas repose dj sur l'enseignement freudien, lequel constitue cette date le seul qui soit capable d'en proposer un modle structural. Au reste, ds l'anne suivante, Lacan note que l'homosexualit "refoule" sur laquelle Freud met l'accent parat avoir une porte trs gnrale dans les dlires paranoaques'. " Aprs la mort de Clrambault, survenue en 1934, Lacan ne cessera jamais de le considrer comme son" seul matre en psychiatrie". Grce ses hypothses mcanicistes qui l'ont conduit se dtacher du sens des phnomnes, nul psychiatre n'a su mieux que lui dgager des structures essentielles. Le syndrome d'automatisme mental et les postulats passionnels constituent ses deux dcouvertes majeures. Lacan les rapportera l'un et l'autre la forclusion du Nom-du-Pre. Le premier sera situ au fondement de la clinique des troubles du langage, le second constituera l'une des meiIIeures illustrations dun noyau d'inertie dialectique. Les variations du diagnostic de Lacan l'gard d'Aime

    La certitude d'Aime selon laquelle sa perscutrice cherchait frapper ou ravir son enfant ne constitue-t-elle pas l'exemple mme d'un postulat passionnel ? En 1932, Lacan. ne considre pas qu'il s'agisse l d'un point essentiel. Il inclut l'observation de cette patiente dans un nouveau cadre nosologique, la "paranoa d'auto-punition", fonde sur la prvalence des sentiments de culpabilit. Ils semblent rendre compte de la sdation spectaculaire des troubles, s'il est vrai que l'emprisonnement a ralis le chtiment dont le dlire se faisait l'cho, savoir la perte dfinitive de l'enfant. Toutefois, fonde sur la rupture des relations de comprhension et sur un cart par rapport une personnalit transparente elIe-mme, la paranoa d'auto-punition ne survivra gure au stade du miroir. En rvlant le moi comme instance de mconnaissance, il introduit une division fondatrice au sein d'une personnalit ds lors rduite se disloquer. Ds 1946, Lacan fait des restrictions sur le terme plus ou moins valable de paranoa d'auto-punition '. Celui-ci n'a plus lieu d'tre maintenu postrieurement l'introduction de la forclusion du Nom-du-Pre. Elle permet de saisir que l'auto-punition ne constitue pas l'axe de la pathologie d'Aime. Quand Lacan crit sa thse, il s'oppose violemment, parfois passionnment, deux courants de pense: d'une part au constitutionnalisme, alors trs en vogue, soutenu par Dupr, Delmas, Gnil-Perrin, selon lequel les grands types cliniques doivent tre rapports une constitution hrditaire qui leur sert de base, d'autre part au mcanisme de ClrambauJt, d'aprs lequel le syndrome d'automatisme mental trouve son origine en des pines irritatives des centres nerveux. La mise en vidence d'une gense historique de la pathologie d'Aime et l'insistance sur la rsolution des troubles corrlative d'une ralisation symbolique d'un chtiment, permettent de faire chec aux thses constitutionnalistes et mcanicistes. Le diagnostic port l'gard d'Aime s'inscrit dans la querelIe avec Clrambault. L'anne prcdente, dans l'article de La Semaine des hpitaux de Paris , il mnageait encore ce dernier, en distinguant trois types parmi les psychoses paranoaques: la constitution paranoaque, le dlire d'interprtation et les dlires passionnels de son maitre. Or, dans sa thse, il soutient qu'Aime prsente un dlire d'interprtation combin un "systme passionnel" et un thme "rotomaniaque'" 10, Ce

  • serait donc la fois une passionnelle et une interprtative, mais Lacan penche nettement en faveur de la prdominance du dlire d'interprtation, puisqu'il n'hsite pas rcuser l'existence d'un dlire en secteur afin de rfuter l'hypothse du dlire de revendication 10. A quoi Clrambault pourrait sans doute rtorquer qu'il est exact que les dlires passionnels sont grandement interprtatifs; mais l'interprtation est chose constante dans les tats motionnels, et dans les dlires passionnels elle est, aux deux sens du mot, secondaire; et si elle prend quelque importance, elle se dveloppe en constellations limites, non en rseau ". Tel est bien le cas pour Aime dont les interprtations, d'aprs Lacan, extensives et concentriques , sont groupes autour d'une ide prvalente : menaces son fils 10. En sa rfutation du dlire passionnel, comme en d'autres passages de sa thse, cet gard plus explicites 12, il semble que Lacan soit quelque peu emport par le diffrend qui l'oppose Clrambault. Il est permis d'avancer cela parce que lui-mme, quarante ans plus tard, concluera la psychose passionnelle en considrant Aime comme une "rotomane 13. Le cadre de la paranoa sensitive, dans lequel Bolzinger propose aujourd'hui de l'insrer 14, aurait-il t plus appropri? Certes, Kretschmer a beaucoup marqu la pense du jeune Lacan: il lui ouvrit la voie d'une mise en vidence de la gense psychologique et sociale de certaines paranoas. Cependant le concept de paranoa sensitive n'a jamais t repris par Lacan bien que Kretschmer, dans la troisime dition de son travail sur "le dlire de relation des sensitifs", en 1949, fasse rfrence la thse du Franais, considrant qu'elle vient confirmer sa propre recherche, au moins sur certains points. En fait, paranoa d'auto-punition et paranoa sensitive possdent en commun d'ouvrir des brches dans le dogme de l'endognie kraepelinienne, mais cela n'autorise pas subsumer l'une sous l'autre. La paranoa sensitive, selon Kretschmer, apparat chez des sujets souffrant d'insatisfactions sexuelles , dont le dlire abonde en conflits psychiques de caractre rotique , tandis que ces individus manifestent une grande permabilit l'action psychothrapeutique toutes les tapes de la maladie, ce qui, aprs la rsolution du conflit intrieur, amne tout simplement une gurison 15. Toutes ces caractristiques ne correspondent nullement la pathologie d'Aime: l'encontre des conflits psychiques de caractre rotique , Lacan souligne le trait majeur du platonisme propre, selon les classiques, aux rotomanes 16 ; l'encontre de l'insatisfaction sexuelle dont souffrent les sensitifs, il discerne un voeu inconscient de non-ralisation sexuelle 17; enfin l'encontre de la permabilit la psychothrapie toutes les tapes d la maladie, l'on sait qu'Aime n'a jamais engag de cure et tout porte supposer que rien ne l'incitait le faire. Pourtant, si l'on en croit Follin, aprs son hospitalisation, ses troubles ont persist sur un mode mineur plus maniaque que dlirant tandis que, selon son fils, Didier Anzieu, son quilibre ne cessa jamais d'tre marqu d'une certaine prcarit 19. Que malgr cela elle n'ait pas souhait entreprendre une psychothrapie ne saurait tre le fait d'un hasard. En fait, la plupart des observations de paranoa sensitive relates par Kretschmer me paraissent participer de l'hystrie dlirante'" dans laquelle les thmes rotiques sont volontiers prvalents, l'aptitude la psychothrapie bien connue depuis les Etudes sur l'hystrie '1 et surtout dont la note d'insatisfaction sexuelle fait cho au trait de structure majeur de l'hystrie, savoir le maintien du dsir insatisfait. Certes, l'on ne saurait infrer directement d'un tableau psychiatrique la structure inconsciente; aucune formation imaginaire ne s'avre spcifique, aussi la paranoa sensitive n'apparat-elle pas comme un cadre homogne pour une clinique psychanalytique. Parmi les observations de Kretschmer, quelques-unes, peu nombreuses, semblent plutt relever de la psychose. Pour les autres, j'ai essay de montrer par ailleurs que leur trouble majeur possde la structure du dlirium nvrotique, fonde sur un retour du refoul corrl une vacillation du fantasme "-.

  • Le dlire d'Aime n'a rien en commun avec une telle clinique ni, par consquent, avec la plupart des paranoas sensitives. Il faut ds lors revenir sur les variations du diagnostic de Lacan, troitement lies son rapport Clrambault. En 1932 la paranoa d'auto-punition forme une machine de guerre, dont les psychoses passionnelles et les thses du matre de l'infirmerie spciale constituent l'une des cibles privilgies. En 1946, le ton change: hommage est rendu aux proprits structurales implicites de la clinique mcaniciste. En 1955, la valeur de cette dernire est raffirme; il convient mme maintenant de distinguer les psychoses passionnelles et les psychoses paranoaques. Enfin, une quarantaine d'annes aprs la mort de Clrambault, en 1975, rien ne retient plus Lacan de considrer Aime comme une "rotomane". C'est Yale, lors de confrences dans les universits nord-amricaines, qu'il est conduit quelques confidences concernant le contexte dans lequel il dut rdiger sa thse. Il affirme que celle-ci tait fonde sur trente-trois observations 23, toutes rvlatrices d'un "essai de rigueur" dans lequel il dcle la caractristique majeure de la psychose. Aime lui tait apparue "exemplaire", en raison de sa production de multiples crits. " Elle avait commis ces crits, ajoute-t-il, sous la forme de nombreuses lettres outrageantes pour un tas de gens, je veux dire qu'elle tait rotomane ". "Un certain nombre de gens ici savent, je pense, continue-t-il, ce qu'est une rotomane : l'rotomanie implique le choix d'une personne plus ou moins clbre et l'ide cette personne n'est concerne que par vous". L'on remarque qu'il s'agit l d'une dfinition assez extensive de l'rotomanie. Elle est assurment plus large que celle de Clrambault, selon laquelle le postulat fondamental rside dans la conviction d'tre en communion amoureuse "avec un personnage d'un rang plus lev, qui le premier a t pris, et le premier a fait des avances 25. Le rapport d'Aime au prince de Galles s'inscrit dans le cadre clrambaldien ; il n'en va pas de mme concernant sa relation Huguette Duflos, personnage certes" d'un rang plus lev", mais ressenti comme vindicatif son gard et celui de son fils. Lacan ne recule pourtant pas faire de l'actrice le foyer du dlire rotomaniaque. Il largit ainsi l'acception du concept de son matre en psychiatrie. Il glisse d'une relation spcifie par la communion amoureuse un rapport scell par la haine. Cependant, la rduction du rapport l'autre la pure relation spculaire, propre la psychose, suscite aisment un balancement entre l'amour et la haine. Le nologisme "hainamoration" forg par Lacan rend bien compte de l'intrication des deux sentiments frquents chez le psychotique. "Je passe brusquement de l'amour la haine ", confie spontanment Aime26. De surcrot, "l'hainamoration" est inhrente au dlire. rotomaniaque : son dploiement le dmontre quand, la phase d'espoir, succdent celles de dpit puis de rancune. L'on sait que cette dernire peut tre ponctue par de dangereux passages l'acte. L'acception lacanienne largie de l'rotomanie tend inclure le dlire de revendication comme constituant dans le miroir l'inversion haineuse du thme lgiaque. Ds lors, Lacan semble, non pas contredire la clinique de Clrambault, mais plutt en dvelopper les donnes implicites. D'autre part, le sens extensif de l'rotomanie se dcle dj dans une indication essentielle quant l'apprhension du transfert psychotique, propose quelques annes plus tt, en laquelle Lacan considre que le clinicien, dans la relation avec le psychotique, se trouve comme Flechsig dans son rapport Schreber en position d'objet d'une sorte d'rotomanie mortifiante"27. Est ici qualifi d'rotomaniaque le lien transfrentiel du psychotique un clinicien situ en position de semblant d'objet a, autour duquel il organise son dlire ou bien auquel il rapporte la plupart de ses penses. Quant la mortification du sujet en un jeu de miroirs, elle semble concerner tout autant le psychos perscut par un Autre qui le rduit au

  • statut d'objet de son dsir que le clinicien dont la parole, interprte dans le sens du dlire, n'est pas reconnue dans sa spcificit. L'emploi du concept d'rotomanie en rfrence Aime, mais aussi Schreber, quoique de manire plus imprcise, suggre l'existence de mcanismes communs leurs pathologies plutt qu'elle n'incite les opposer. Qui plus est, propos du postulat passionnel, Lacan prcise Yale: "Il serait ncessaire de trouver comment cette ide prend racine, quoique ce soit impossible jusqu' prsent". N'est-ce pas impossible parce que ce postulat participe du rel ou, pour le dire autrement, parce que c'est un noyau d'inertie dialectique? Le retour d'un rel inanalysable ne constitue-t-il pas l'un des critres majeurs qui permettent de distinguer le forclos du refoul?

    Le critre provisoire des troubles du langage Toutefois, l'gard des dlires passionnels, la fugacit habituelle des troubles du langage, voire leur absence, soulve une difficult quant leur insertion dans le cadre de la psychose, si l'on s'en tient aux laborations des annes 1950 concernant la forclusion du Nom-du-Pre. cette poque, prcisment le 18 janvier 1956, Lacan affirme: "Pour que nous soyons dans la psychose, il y faut des troubles du langage, c'est en tout cas la convention que je vous propose d'adopter provisoirement29. Devons-nous considrer trente ans plus tard que ce provisoire est maintenir ? cet gard, Lacan ne s'est pas prononc de manire explicite, de sorte que les rponses de ses lves semblent varier. Beaucoup estiment que les troubles du langage sont toujours prsents chez le psychotique, mme s'ils s'avrent parfois difficiles dceler. Pour ma part, je considre qu'ils ne sont pas ncessaires pour porter un diagnostic de psychose. Qu'en est-il concernant Aime? Lacan note " l'incohrence du style " d'une de ses lettres au prince de Galles; il dcle dans ses crits romanesques quelques autres phrases d'allure incohrente, dont il prsume le caractre "plutt discordant que confusionnel"30. Dans l'ensemble de l'observation, cela reste cependant trs mince. En revanche, il est intressant de noter aujourd'hui l'incidence du signifiant dans le choix de la principale perscutrice. Le nom sous lequel celle-ci tait connue en 1931, tenu sous silence par Lacan pour des raisons de ncessaire discrtion, prsentait une tonnante particularit; elle s'appelait Huguette ex-Duflos. Pourquoi un tel prfixe tait-il accol son patronyme, aussi bien sur les affiches que dans les journaux? Parce qu' la suite de son divorce, elle avait voulu conserver ce nom, rendu clbre initialement par son mari, le prestigieux Raphal Duflos, socitaire de la Comdie.-Franaise. Ce dernier s'y tant oppos, un procs retentissant s'en tait suivi, qui eut lieu dans les annes 1920, au terme duquel un compromis avait accord, celle dont le nom de jeune fille tait Hermance Hert, le droit de conserver le patronyme Duflos condition de lui adjoindre le prfixe" ex ". Des grandes actrices de son temps, elle tait par consquent la seule qui portait inscrit dans son nom la marque de son divorce ce qui, pour l'poque, rsonnait avec les murs dissolues prtes par Aime ses perscutrices. N'y a-t-il pas l bauche d'un phnomne interprtatif partir du seul signifiant? Quoi qu'il en soit, l'intrusion psychologique du signifiant reste trop fugitive chez cette patiente pour qu'il soit possible d'assurer un diagnostic de psychose sur des indices si tnus. Pour saisir le champ passionnel de la psychose, celui qui, selon Lacan, semble le plus proche de ce qu'on appelle la normale 31 il apparat souvent ncessaire de recourir des laborations plus fines que celles des annes 1950, rendues possibles par les dernires recherches centres sur la logique du rel. chaque poque de la pense de Lacan correspond un schma majeur d'apprhension de la psychose; tout d'abord celui, rcus plus tard, qu'il dveloppe en sa thse, fond sur une rupture du systme de la personnalit; puis celui qui dcoule du stade du miroir, caractris par

  • l'infatuation du sujet englu dans une image idale; ensuite celui qui se rgle sur l'intrusion du signifiant dchain dans le psychisme. Or ce n'est que postrieurement cette dernire qu'il introduit, fin 1963, ce qu'il considre comme sa dcouverte principale, savoir l'objet a comme cause du dsir. Cependant, pour en dvelopper les implications concernant la psychose, il n'y aura cette fois ni thse ni article, ni sminaire, nous ne disposons que de quelques indications parses, de sorte qu'il semble que Lacan ait d laisser ses lves la tche d'exposer plus prcisment son ultime approche de la psychose. Bien que ces indications soient peu nombreuses, elles se groupent de manire cohrente. En leur absence, la clinique psychanalytique apparait bien dmunie pour saisir le champ des psychoses passionnelles. Paranoa et jouissance En 1966, Lacan apprhende le paranoaque comme un sujet qui" identifie la jouissance dans le lieu de l'Autre 32. Que faut-il entendre par" l? Il s'agit d'une formulation plus rigoureuse de donnes cliniques dj "dgages auparavant. Ds 1958, commentant l'analyse de Freud sur l'inversion grammaticale de l'affirmation homosexuelle, Lacan constatait, propos du dlire passionnel de jalousie, que sa structure consiste "attribuer l'Autre un dsir esquiss, bauch dans l'imaginaire, qui est celui du sujet. Il est attribu l'Autre, continuait-il, ce n'est pas moi qui l'aime, le sujet, le rival, c'est la conjointe. J'essaie comme psychotique d'instituer dans l'Autre ce dsir qui est ce rapport essentiel qui ne m'est pas donn"33. Ce qui est cet gard pertinent concernant le dlire de jalousie s'avre convenir pour tout paranoaque: la carence de son dsir semble le conduire tenter de le restaurer en le faisant surgir au champ de l'Autre; C'est en cette initiative qui vient de l'Autre que le paranoaque identifie sa jouissance. Il ne s'agit pas de la confondre avec le plaisir, elle ne se rgle pas sur un principe d'homostasie, elle consiste au contraire en une tension qui oriente le dsir. Le dlirant possde une certitude: il sait que l'Autre dsire quelque chose le concernant. Pour Schreber, l'Autre s'incarne en la figure de Dieu; pour le jaloux paranoaque, en sa compagne; pour le revendicateur, en celui qui lui cause du tort ; pour "l'rotomane, en ce personnage qui toujours aime le premier; pour Aime, en sa perscutrice, dont la jouissance n'est pas douteuse: celle de faire du tort son enfant. Le signifiant phallique permet la jouissance du nvros de se localiser en regard du manque de l'Autre et de s'accrocher des images spculaires qui masquent la cause du dsir, moyennant quoi elle reste indicible et insaisissable. En revanche, le paranoaque l'identifie au lieu de l'Autre, si bien que s'affirme dans ce champ une figure dont le dsir se laisse apprhender sans ambigut. Caractriser la paranoa par un tel trait structural se trouve en concordance avec l'acception extensive, en fait pr-kraepelinienne, donne par Freud et Lacan ce concept. Il dsigne dans leur clinique l'ensemble des dlires psychotiques dont le noyau est constitu par le dlire d'interprtation, et ils y incluent d'une part les dlires paranodes, rapports par la psychiatrie la schizophrnie, d'autre part les dlires passionnels, sans procder l'isolement de ceux-ci souhait par Clrambault. C'est pourquoi Freud et Lacan s'accordent sur le diagnostic de paranoa concernant Schreber tandis que, pour Bleuler, il s'agit d'un schizophrne, pour la psychiatrie franaise d'une psychose hallucinatoire chronique. et pour Kraepelin d'un paraphrne. La forclusion du Nom-du-Pre introduit une approche qui prend de biais le discours de la psychiatrie. Les troubles du langage en constituent l'un des signes majeurs, mais ils peuvent tre absents dans les dlires passionnels ou, pour le moins, trs difficiles discerner. Au reste, en 1958, propos du dlire de jalousie, Lacan notait non seulement qu'il essaie de soutenir le dsir en le faisant surgir au champ de l'Autre, mais aussi qu'il fait

  • obstacle au dchanement de la parole et de l'interprtation 34. Or, l'on sait que ce dchanement du signifiant tait, prcisment dans les annes 50, le processus qui lui semblait susciter l'intrusion psychologique du signifiant et les troubles du langage. Lacan indique par consquent que les dlires passionnels, ceux qui lui paraissent les plus proches. de ce qu'on appelle la normale, mettent en oeuvre des mcanismes qui font obstacle aux troubles du langage sans cesser d'tre des dlires paranoaques, car le dsir du sujet tente de s'y restaurer au champ de l'Autre. L'holophrase du couple S1 - S2

    D'autre part, en 1964, lors du sminaire consacr aux" Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse", Lacan note que, dans la psychose comme dans l'effet psycho-somatique, il n'y a plus d'intervalle entre S1 et S2, le premier couple signifiant "se solidifie, s'holophrase". Cette solidit, continue-t-il, "cette prise en masse de la chane signifiante primitive, est ce qui interdit l'ouverture dialectique qui se manifeste dans le phnomne de la croyance. Au fond de la paranoa elle-mme ", prcise-t-il, " qui nous parat pourtant tout anime de croyance, rgne ce phnomne de "l'Unglauben "35. Ce n'est pas le "n'y pas croire". mais l'absence d'un des termes de la croyance, du terme o se dsigne la division du sujet" 36. Le paranoaque ne croit pas ses ides dlirantes, il est leur gard dans un rapport de certitude, considr par Lacan comme une carence de la croyance. Celle-ci se fonde dans l'ambigut inhrente tout nonc, du fait de la division du sujet entre S1 et S2 produite par l'alination signifiante. Originairement refoul, S1 est imprononable, il est pur non-sens, mais il est ce par quoi le sujet s'inscrit au champ de l'Autre, marquant celui-ci d'une foncire incompltude. Le sujet lacanien est ce que le signifiant (S1) reprsente auprs d'un autre signifiant (S2) ; il dsigne un parltre dont l'nonciation ne se confond pas avec l'nonc. Or, pour le paranoaque, il n'en est plus ainsi; un phnomne d'holophrase du couple signifiant primordial se produit. Qu'est-ce qu'une holophrase? Un psychotique tel que Jean-Pierre Brisset en dcouvre profusion afin de nourrir son dlire qui consiste reconstituer la langue des origines partir d'une dcomposition phontique du franais. Les isralites, selon lui, furent le peuple lu puisqu' "il sera lite"; les embarcadres furent des lieux o "en barque adhre" ; les querelles trouvrent d'abord naissance partir des "queues relles" ; les notaires " notrent nos terres" ; les ctacs furent les plus gros poissons, puisque "c'est assez", etc. Toutefois, ce n'est pas ce phnomne que Lacan cherche saisir. Quand il voque l'holophrase en 1959 dans Le dsir et son interprtation, "l'interjection" en constitue, selon lui, le paradigme, mais en seraient aussi caractristiques des cris tels que "au secours ''', au feu , voire "du pain", de sorte que ds cette poque il dtourne l'acception linguistique du terme, comme il l'a dj fait pour la mtaphore et la mtonymie, afin de cerner un processus structural inconscient, dsignant initialement un moment particulier o le sujet, dans sa demande, devient pour un instant identique son besoin 38. Cette intuition d'une sorte d'aplatissement du sujet se retrouve dans l'holophrase. de 1964, prise en masse du couple S1-S2 qui indique un surgissement de l'nonciation dans l'nonc, dont les deux signes cliniques majeurs me paraissent tre, d'une part le nologisme, d'autre part le postulat passionnel. Ces deux phnomnes. possdent en commun de fonder les certitudes du dlirant et de constituer des noyaux d'inertie dialectique, tmoignant que le sujet n'est plus accessible leur gard au doute insparable de toute croyance. Les postulats passionnels paraissent non seulement quivalents aux nologismes,.mais ils semblent possder, par surcrot, la proprit de leur faire obstacle, puisqu'en rgle gnrale les dlires passionnels s'avrent exempts de ces cancers verbaux. Si les uns, selon l'expression de Lacan, s'apparentent des "plombs dans le filet" s'efforant de retenir la drive de la chane signifiante, les seconds se rvlent analogues un boulet qui leste les dveloppements du dlire. Ces images suggres par la clinique psychanalytique ne

  • peuvent manquer d'voquer la classique distinction psychiatrique entre les dlires d'interprtation qui se ramifient en rseaux et les dlires passionnels qui s'articulent en secteur. On ne voit pas chez !'interprtateur, affirme Clrambault, une ide-mre d'o sortiraient des chanes d'ides, "ses ides partent de tous les points, pour ainsi dire, de son esprit; elles sont certes coordonnes mais non subordonnes entre elles, ni surtout subordonnes une seule. Supprimez du dlire d'un interprtateur telle conception qui vous semble la plus importante, supprimez-en mme un grand nombre, vous aurez perc un rseau, vous n'aurez pas rompu les chanes; le rseau persistera immense et d'autres mailles se referont d'elles-mmes. Supprimez, au contraire, dans le dlire du passionnel, cette seule ide que j'ai appele le postulat, tout le dlire tombe 39. Les nologismes paranoaques semblent possder quelques. affinits avec les nuds du rseau et n'entrer en jeu qu'en l'absence d'un ancrage plus. radical de la chane signifiante dans un postulat passionnel. Que son dlire soit en secteur ou en rseau, le paranoaque " identifie sa jouissance dans le lieu de l'Autre ". Ds lors, des figures s'imposent en ce champ, le Pr Flechsig aussi bien qu'Huguette ex-Duflos, par rapport auxquelles le sujet se trouve en position de dpendance. Du fait de la carence de la mtaphore paternelle, la sparation qui aurait permis au psychotique de ne plus tre objet de la jouissance de l'Autre ne s'est pas opre. cet gard, les hallucinations verbales savrent explicites, "Luder"40 disent-elles Schreber, tandis que l'on connat leur propension l'injure annihilante, plaisamment ramasse en franais dans le syndrome SVP (Salope, Vache, Putain). Le psychotique, prcise Lacan en 1967, a sa cause dans sa poche: l'objet a, il l'a sa disposition 41, d'o la sonorisation de la voix dans les xnopathies verbales, et le regard qui devient prvalent dans le sentiment d'tre pi par chacun. La jouissance du psychotique n'tant pas localise par la signification phallique, il se trouve encombr de diverses manires par l'objet a non extrait. Du passionnel au schizophrne

    En se reprant sur la jouissance, il semble se dessiner une diffrenciation proprement psychanalytique des divers syndromes psychotiques. Une bipartition se discerne tout d'abord entre ceux qui identifient leur jouissance au lieu de l'Autre, c'est--dire les paranoaques, et ceux qui la trouvent en leur moi ou en leurs organes, respectivement les mlancoliques et les schizophrnes. Dans son ultime article, en 1973, Lacan dfinit ces derniers comme se spcifiant " d'tre pris sans le secours d'aucun discours tabli " dans un corps dont la fonction de chacun des organes fait problme42. En ce qui concerne le mlancolique, il adhre l'analyse de Freud rvlant que le moi est cras par l'objet perdu. Les conduites suicidaires y seraient suscites par une recherche d'identification radicale l'objet chu. La diffrence entre le schizophrne et le mlancolique parat structuralement de mme ordre que celle discernable entre le paranoaque interprtatif et le paranoaque passionnel. Dans le premier cas, l'image spculaire s'avre impuissante fournir un cadre la jouissance; dans le second, elle parvient enserrer l'objet a non extrait. Faute de disposer des repres symboliques essentiels, le psychos cherche dans l'imaginaire des appuis stabilisateurs, le mlancolique et le passionnel y parviennent mieux que le schizophrne et l'interprtatif. La jouissance du schizophrne ne dispose d'aucun principe d'orientation, elle s'attache pour l'essentiel aux organes du corps mais peut aussi clater en hallucinations diverses, voire se porter sur des objets drisoires dont le sujet ne se spare plus. En revanche, dans la mlancolie, toute la jouissance tend se localiser sur le moi dont l'abjection participe de la certitude. En ce syndrome l'image spculaire parvient faire limite aux manifestations dlocalises de la jouissance: elle se concentre tout entire sur la dchance du moi. Quand Schreber se peroit, par l'intermdiaire

  • d'une hallucination, comme un cadavre lpreux tranant un autre cadavre lpreux, il se trouve exemplairement dans une position mlancolique. Son image du corps est horrible, elle cerne l'objet de la castration non extrait, mais elle n'est pas morcele ou disjointe, comme tend l'tre celle du schizophrne. Il est incontestable que la fonction du miroir est encore prsente dans ces reflets de cadavres, ce que les" suicides altruistes" de mlancoliques viennent confirmer: ils tuent parfois leurs proches avant de se supprimer eux-mmes, parce qu'ils les peroivent leur image dans un tat d'extrme dchance. Toutefois, l'encontre de cette thse selon laquelle le mlancolique, contrairement au schizophrne, dispose de soutiens imaginaires pour faire limite sa jouissance, l'on objectera peut-tre le syndrome de Cotard, o les troubles de l'image du corps sont prvalents, alors qu'il est rattach par la psychiatrie au cadre de la mlancolie. Cependant, il est manifeste que la jouissance s'y localise sur les organes perdus, de sorte que dans l'acception psychanalytique. nous sommes dans le champ de la schizophrnie. Bien entendu, toutes les formes de passage entr la mlancolie et la schizophrnie se rencontrent, de mme qu'entre les diffrents dlires paranoaques; la structure psychotique est une, mais elle peut susciter parfois chez un mme sujet, des poques diffrentes, les syndromes les plus divers. II n'y a d'ailleurs pas lieu de les limiter au champ psychiatrique de la psychose: il n'est pas rare qu'un sujet de structure psychotique se prsente comme un obsessionnel, voire comme un pervers, ou sous tout autre aspect. Toutefois, il semble exister des degrs dans la dstructuration du sujet psychotique, qui suivent grossirement les quatre paliers syndromiques du dlire passionnel, du dlire interprtatif, de la mlancolie-manie et de la schizophrnie43. Lon sait qu'il n'est pas rare que s'imbriquent les deux premiers et les deux derniers. En revanche, la frontire mdiane s'avre plus difficile franchir, ce que constate par exemple Lagache quand il note que le dlire de jalousie et la mlancolie s'excluent rciproquement" . Structure du dlire passionnel

    Revenons sur notre interrogation initiale concernant la spcificit du dlire passionnel par rapport celui d'interprtation. Dans ce dernier, la jouissance est identifie au lieu de l'Autre, mais de manire muItiple : les hallucinations y sont beaucoup plus frquentes, le nombre des perscuteurs tend s'accrotre. En revanche, la jouissance du passionnel, dans le champ de l'Autre, trouve des limites instaures par l'image spculaire, elle se localise sur un personnage prcis: l'amant de l'rotomane, le partenaire du jaloux, l'antagoniste du revendicateur. Le miroir cadre l'objet a non extrait et parvient en voiler l'abjection. Cependant, lors de dangereux passages l'acte, il n'est pas rare que les passionnels cherchent atteindre l'horreur qu'ils entrevoient parfois derrire l'image qui cerne leur jouissance. C'est parce que les appuis du mlancolique dans l'imaginaire du sens sont beaucoup plus rduits que ceux du passionnel, ce dont tmoigne la pauvret ordinaire du dlire mlancolique, voire sa quasi-absence, que l'horreur de l'objet de la castration est extrmement prsente chez ces sujets; par surcrot, elle se localise sur le moi, d'o leur remarquable propension s'en sparer. Quand l'image spculaire n'inclut plus la dimension du manque, elle devient celle du double. Un tel phnomne dpasse de beaucoup le cadre des dlires passionnels, mais il est trs manifeste en cette pathologie. Les perscutrices d'Aime constituaient les" tirages successifs d'un mme prototype", savoir une image de femme de lettres, d'actrice ou de femme du monde, jouissant de libert et de pouvoir45, qui reprsentait prcisment ce qu'elle aurait voulu tre. Le dlire en secteur trouve un fondement essentiel dans les propres sentiments du sujet prts un double par l'intermdiaire d'une projection qui le laisse dans une ignorance radicale du processus. La haine envieuse porte par Aime aux femmes clbres lui faisait retour dans le

  • miroir d'Huguette Duflos, sans qu'elle en puisse rien saisir. Tout porte croire que c'est la mconnaissance de ses propres souhaits d'infidlit qui gnre chez le jaloux la certitude dlirante des tromperies du partenaire. De mme, les analyses de Freud concernant les divers modes paranoaques de ngation d'une pulsion homosexuelle mettent en vidence une perception venue de l'extrieur d'un sentiment ignor du sujet. Cette notation garde sa pertinence, mme si l'tiologie de la paranoa rapporte un rejet de l'homosexualit n'est plus recevable, ne ft-ce qu'en raison de la compatibilit du dlire et des pratiques homosexuelles. Lacan incite considrer les fantasmes homosexuels, prtendument dterminants, comme un symptme articul dans le procs de la paranoa46. Quand ils ne sont pas issus du pousse--la-femme, ils sont apprhender comme un amour du sujet pour sa propre image, en rapport la rgression topique au stade du miroir. La prvalence d'une ou plusieurs images du double se retrouve dans un symptme tel que le dlirium nvrotique. Cependant, les messages qui en manent proviennent d'un retour du refoul, de sorte qu'ils restent dans le champ de la croyance. En revanche, l'holophrase du couple signifiant primordial gnre la certitude du passionnel quant aux sentiments ou aux actes du double. Sur ce point, les distinctions tablies par De Greef et Lagache entre le jaloux passionnel et le jaloux nvrotique aprs le meurtre du rival s'avrent fort clairantes. Le second assume son acte, il ne cherche pas le lgitimer et il se comporte en coupable. En revanche, pour le paranoaque il s'agit d'un acte lgitime conscutif une injustice subie, l'gard duquel il n'prouve aucun regret, de sorte qu'il ne cesse de se comporter en victime 47. Il ne saurait douter que l'initiative est venue de l'Autre et il est convaincu que son crime a contribu restaurer la justice. Il s'tonne, comme Aime au dbut de son emprisonnement, que l'on ne donne pas tort sa victime. Le passage l'acte du psychotique comporte une dimension de tentative de gurison par soustraction de l'angoissant objet d'une jouissance incestueuse. Il s'en trouve encombr du fait de la carence du processus de sparation rsultant de la mtaphore paternelle. Sans doute est-ce l'aide de cette logique du rel qu'il convient aujourd'hui d'apprhender l'effet de soulagement produit par l'attentat d'Aime. II est notable que ses troubles apparaissent ds sa premire grossesse. Elle craint que l'on veuille attenter la vie de son enfant, avant mme qu'elle n'accouche d'une petite fille mort-ne. Dans l'Autre s'affirme dj pour elle l'annonce qu'une naissance se rvlerait perturbatrice de l'ordre du monde. Le dclenchement de la psychose la faveur d'une telle circonstance est bien connu; quand le signifiant paternel se trouve convoqu, sa forclusion se dvoile. Le ressort le plus dcisif de la fonction paternelle consiste faire chuter l'objet primordial de la jouissance. Or tout indique, dans le rapport d'Aime son enfant, que cela ne s'est pas produit pour elle. Sa pathologie s'enracine dans une sparation d'avec son fils, non advenue symboliquement. Elle s'adonna lui, rapporte Lacan, avec une ardeur passionne, nulle autre n'en prit soin jusqu' l'ge de cinq mois. Elle l'allaita jusqu' quatorze mois. Durant toute cette priode, elle devint de plus en plus interprtante, hostile, querelleuse; tous menaaient son enfant... Celui-ci fut pour elle l'objet d'une jouissance hors-la-loi, incestueuse, angoissante. C'est pourquoi elle dut mettre trs tt des distances entre son fils et elle, en venant vivre Paris, tandis qu'il restait Melun. Dans cette perspective, l'on comprend mieux que, malgr son affection, elle ait pu envisager sans grande motion de l'abandonner", qu'elle ait mme pu concevoir de le tuer50 et qu'en certaine circonstance sa sant l'ait laisse indiffrente51. Si le passage l'acte eut valeur rsolutoire du dlire, c'est parce qu'il instaura le processus de sparation suggr dans l'allusion dlirante, savoir de la dlivrer de l'objet a non extrait, incarn par son fils52, auquel l'attachait une jouissance interdite et coupable. L'on constate qu'il n'est pas inexact d'invoquer la satisfaction de sentiments d'auto-punition, mais il s'agit d'une formulation qui ne saisit qu'un effet

  • imaginaire, laissant chapper la dynamique des troubles. Sans disposer du mathme d'objet a, Lacan russit pourtant dj discerner, en une note de sa thse, qu'il serait possible d'interprter le comportement dlirant d'Aime comme une fuite53 loin de son fils, et que l'assouvissement autopunitif, qui est la base de la gurison, aurait t dtermin en partie par la "ralisation" de la perte dfinitive de son enfant". Entendons aujourd'hui qu'en produisant dans le rel une sparation non advenue dans le symbolique, l'emprisonnement puis l'hospitalisation mirent en place une prcaire compensation la forclusion du Nom-du-Pre. L'effort de soulagement inhrent au passage l'acte psychotique, la tentative de faire advenir dans le rel par son truchement une castration non symbolise peuvent se dceler, comme je l'ai montr par ailleurs, jusque dans les meurtres immotivs des schizophrnes55. Cependant, l'autre extrme du continuum psychotique, le passionnel, beaucoup plus apte. mobiliser l'imaginaire du sens, sait expliquer que son acte possde pour but de restaurer la justice; cela est vrai pour le revendicateur, pour le jaloux aussi bien que pour Aime. La certitude qui s'affirme dans l'Autre formule une injustice fondamentale, une carence inacceptable de l'ordre du monde, en lesquelles se discerne un cho lointain de la forclusion du Nom-du-Pre. Les trois temps du dlire paranoaque, dvelopps dans un travail prcdent 56, dcalqus du temps logique, restent dcelables dans le dlire passionnel. Certes, l'instant de voir n'y ouvre pas sur une nigme qui bouleverse le champ de la ralit. D'emble s'installe une certitude qui vient la masquer, mais, dans le mme mouvement, elle rvle une lacune radicale dans l'ordre du monde, une injustice premire laquelle il faut porter remde. Dans un temps pour comprendre postrieur se dveloppe un dlire en secteur qui conforte le postulat. L'originalit appartient surtout au moment de conclure. II n'assure pas la restauration d'une no-ralit dlirante, puisque ds l'instant de voir l'intuition qui suture le dlire s'avre prsente. Plus proche que l'interprtateur de la vrit du parltre, le passionnel sait que la certitude chappe au signifiant: seul l'acte permet d'y atteindre. Son dlire prsente la spcificit de porter ds le postulat une suggestion d'acte: gnralement une vengeance pour le jaloux et le revendicateur, et mme pour l'rotomane, dont les espoirs irralisables annoncent dj la rancune terminale. L'on conoit ds lors que les dlires passionnels soient de beaucoup les plus dangereux: le passage l'acte est d'emble inscrit au terme de leur logique. Il constitue leur manire de restaurer une injustice fondamentale qui mine l'ordre du monde. Pour rtablir ce dernier, les interprtateurs paraissent plus volontiers enclins emprunter les voies du signifiant. L'une des manifestations cliniques de la forclusion du Nom-du-Pre dcele le plus tardivement par Lacan consiste dans ce qu'il nomme, en 1973, " le pousse--la-femme 57. II apporte un nouvel lment de diffrenciation entre dlire passionnel et interprtatif. Faut-il considrer que les rveries d'Aime concernant un destin de femme de lettres clbre tmoignent d'une bauche d'identification la femme? Il y a de fortes raisons d'en douter. Aime affirme parfois se sentir masculine, elle avance dans l'un de ses romans: " Je vais tre reue garon 58, de sorte que Lacan note plutt " une inversion psychique l'tat d'bauche "59. A mon sens, la considration de la clinique des tats passionnels montre nettement que la fminisation du sujet, mme esquisse, reste trs exceptionnelle. En revanche, elle se dcle avec frquence dans les dlires interprtatifs comme dans la schizophrnie. Un devenir-femme, tel que celui de Schreber, s'avre sans quivalent chez les passionnels. Dans le considrable travail d'inspiration phnomnologique consacr par Lagache la jalousie morbide, aucune des observations de psychotiques ne laisse discerner un "pousse--Ia-femme". Une seule fait quelque peu exception, celle de Marthe, qui apprend dans ses rves qu'elle serait la reine, "l'toile", qui s'y entend appeler "une merveille" 60. Encore n'est-ce l qu'bauche fugitive de retour du signifiant forclos de la femme chez un psychotique o,

  • prcisment, "la jalousie s'intrique un dlire de perscution"61. En rgle gnrale, le dlire d'interprtation gnre dans l'imaginaire un appel au Pre qui emprunte parfois le dtour de la fminisation, puisque la femme constitue l'un des Noms-du-Pre. En revanche, le dlire passionnel ne tmoigne pas d'une mme qute d'un Pre, sans doute, comme nous l'avons dj not, parce qu'il recle un savoir plus labor sur la structure du parltre, celui d'aprs lequel aucun point d'appui inbranlable ne saurait tre trouv dans le signifiant, de sorte que la certitude ne peut s'atteindre que par l'acte. Le dlire d'Aime n'a pas la mme structure que celui de Schreber. Toutefois, ce n'est pas la forclusion du Nom-du-Pre qui permet d'instaurer un clivage dcisif: certains signes cliniques de celle-ci se dclent dans l'un comme dans l'autre. Les caractristiques qui les diffrencient rsident, non dans les carences du symbolique, mais dans la spcificit du lien de l'imaginaire au rel. Les articulations de l'image spculaire l'objet cause du dsir n'y sont pas identiques. " L'affinit du a son enveloppe, affirme Lacan en 1973, est un de ces joints majeurs avoir t avanc par la psychanalyse . II prcise que le rapport objectai se soutient le plus souvent " de l'habillement de l'image de soi qui vient envelopper l'objet cause du dsir 62. Il en est encore ainsi dans le dlire passionnel, ceci prs que l'objet rel s'y prsentifie dans l'image spculaire, suscitant une image du double avec laquelle s'engage un rapport "d'hainamoration" . Les psychoses passionnelles constituent le champ d'observation le plus pur de la rgression topique au stade du miroir considre par Lacan comme l'une des consquences de la forclusion du Nom-du-Pre. Pour le prsident Schreber, les incarnations d'un double s'bauchent et se diffractent en une multitude d'images. Outre le professeur Flechsig, surgissent dans son monde " des centaines, sinon des milliers d'mes dfuntes qui tmoignent d'un morcellement pr-spculaire du rapport l'autre. En revanche, pour le passionnel, l'image au miroir conserve sa consistance. C'est elle que le sujet prte ses propres intentions rejetes, forcloses, inanalysables. Il reste Jusqu' prsent Impossible de trouver comment elles prennent leur racine, en raison d'une rsistance irrpressible la mobilisation dialectique. II y a bien lieu de distinguer entre les psychoses passionnelles et les psychoses paranoaques, comme l'indiqua Lacan en 1955, rendant hommage Clrambault, mais en mme temps comme il le soutint en 1931, s'opposant au matre de l'infirmerie spciale, il convient d'intgrer les psychoses passionnelles dans le champ de la paranoa. L'on ne saurait gure en douter la condition que cette dernire, apprhende partir de la clinique psychanalytique, soit caractrise par la prvalence des constructions idatives63 et par l'identification de la jouissance au champ de l'Autre. Le dlire passionnel se spcifie d'tre parmi les dlires paranoaques celui qui trouve dans l'imaginaire les soutiens les plus labors pour faire limite au dchanement de la jouissance. Sa saisie rigoureuse ne saurait s'obtenir sans recourir aux dernires laborations de Lacan relatives la logique du rel, lesquelles mettent l'accent moins sur les troubles du langage que sur ceux de la jouissance. Pourquoi l'absence d'Aime dans le Sminaire sur les psychoses et dans la "Question prliminaire." ? Sans doute parce que Lacan centre sa recherche, dans les annes 50, sur la dimension symbolique et que l'tude des carences de celle-ci s'avre de peu de pertinence pour apprhender son dlire. En revanche, Aime est convoque dans le " Propos sur la causalit psychique ", qui dveloppe une thorie de la psychose directement issue du stade du miroir, conduisant souligner la relation spculaire, sans mdiation, mais sans morcellement, unissant le paranoaque son perscuteur. Ensuite, ce n'est que sur le tard, en rapport aux avances de la logique du rel, que Lacan peut apporter un nouvel clairage quant la patiente de sa thse, la qualifiant alors pour la premire fois d'rotomane, dans une acception originale de ce terme, dont le sens ne saurait tre cern en l'absence de rfrence aux laborations relatives la jouissance paranoaque. Dans sa pathologie, comme dans l'enseignement de Lacan, en une similitude qui n'est pas de hasard, Aime forclos le symbolique, mais parvient articuler l'imaginaire et le rel.

  • 1. BOLZINGER A_. Catamnse et discussion du cas Aime. Un dlire sans psychose, L'Evol Psychiat., 53. 2. 1988. pp.299-317. 2. LACAN J. Les psychoses. Sminaire IIl, Paris, d. Le Seuil, 1981. p. 27. 3. LACAN J,. Structure des psychoses paranoaques:, La Semaine des hpitaux de Paris, juillet 1931, pp.437-445. 4, SIVADON P.. J'tais interne des asiles de la. Seine. 1929~1934. Actualits psychiatriques, 1981, 2, p. 25. 5. A propos de. la structure du dlire d'interprtation compare "un annIide, non un vertbr", Lacan commente en note: Cette image est emprunte l'enseignement verbal de notre matre, M. G. de ClrambauIt, auquel nous devons tant en matire et en mthode qu'il nous faudrait pour ne point risquer d'tre plagiaire" lui faire hommage de chacun de nos termes ". ln J. LACAN, Structure des psychoses' paranoaques, o.c., p.44. 6. FREUD S., Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoa. ln: Cinq psychanalyses, Paris, Presses Universitaires de France. 1954, p. 308. 7. LACAN J.. De la psychose paranoaque dans ses rapports avec la personnalit, Paris, Le Seuil, 1975, p. 301. 8. Dans la psychose passionnelle, affirme-t-il. ce que l'on appelle le noyau comprhensible constitue en fait un noyau d'inertie dialectique . in: J. LACAN, Les psychoses. Le Sminaire: Ill.. Paris, d. Le Seuil, 1981. p.32. 9. LACAN J", Propos sur la causalit psychique. ln: Ecrits. Paris, d. Le. Seuil, 1966. p. 168. 10. LACAN J., De la psychose paranoiaque.., o.c., pp.203-204. 1.1. CLERAMBAULTG. de, Oeuvre psychiatrique. rmni et publi par FRETET, Paris, Presses Universitaires. de France, 1942, II, p.345. 12. LACAN J.. De la psychose paranoaque_... , o.c., pp.329-330_ 13. LACAN J., Conference Yale University du 24 novembre 1975. ln: Scilicet, Paris, d. Le Seuil, 1976. 6-7. pp.9-10. - 14. BOLZINGER. A.. Catamnse et discussion du cas' Aime. Un dlire sans psychose. L'Evolution psychiatrique. 53. 2, 1988, pp.299-317. 15. KRETSCHMER A., Paranoa et sensibilit, Paris, Presses Universitaires de France, 1963, pp. .3-5. 16. LACAN J.. De la psychose paranoaque.... O.C~. p. 169.. 17. lbid.. p.269. 18. Communication personnelle de Sven Follin. 19. Elle a men une vie enfin indpendante aprs douze annes d'enfermement" nous apprend son fils. Nos rencontres, prcise-t-il sont devenues de plus en plus satisfaisantes pour elle comme pour moi' - sauf quand sa mfiance perscutive la reprenait [...] Je lui servais de lien sr avec une ralit qui, sans cela, demeurait redoutable et vacillante pour elle. . ln: D. ANZIEU, Une peau pour les penses. Paris. d. CIancier:..Gunaud. 1986. p. 13. 20. MALEvALJ .C., Des hystries crpusulaires. Confrontarions Psychiatriques, 1985, 25, pp. 6J-97.

  • 21. FREUD S. & BREUER J.. Etudes sur l'hystrie, Pans, Presses Universitaires de France. 1967. 22. MALEVAL J.G. & SAUVAGNAT ET Des rves d'angoisse aux dli"riums nvrotiques. Frnsie, printemps 1987, 3, pp.83-102. 23. Saura-t-on jamais' pourquoi lui vient le chiffre trente-trois , alors que dans sa thse il s'agissait de quarante? 24, LACAN J.,. Confrence Yale. University du 24 novembre 1975, o.c., p. g. 25. CLRAMBAULT O. de. Oeuvre psychiatrique, o.c., II, p..331. 26~ LACAN J. De la psychose paranoaque..., o.C. p.225. 27. LACAN J., Prsentation de la traduction des Mmoires d'un nvropathe. Cahiers pour l'analyse, dcembre 1966, 5, p. 72. 28. LACAN J.. Confrence Yale University du 24 novembre 1975, O.C., p.9. 29. LACAN J., Les psychoses. Le Sminaire Ill. o.c.., p. 106. 30. LACAN J., De la psychose paranoiaque..., o.c., p. 155. 31. LACAN J., Les psychoses Le Sminaire III, o.c., p.31. 32. LACAN J. Prsentation de la traduction des mmoires d'un nvropathe, o.c', p. 70. 33. LACAN J., Les formations de l'inconscient. Sminaire indit du 25 juin 1958-. 34. LACAN J.. Les formations de l'inconscient. Sminaire indit du 25 juin 1958. 35. Terme allemand qui signifie l'incrdulit, l'incroyance. 36. LACAN J., Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Le Sminaire XI. Paris, d. Le Seuil~ 1973, pp.215-216. 37. BRISSET J.P., (1913) Les origines humaines, Paris, d. Baudoin, 1980. 38. LACAN J., Le dsir el son interprtation. Sminaire indit du 7 janvier 1959. 39., CLERAMBAULT G. de, Oeuvre psychiatrique, Il, o.c., p. 343. 40. Traduit par "carogne" dans Les Mmoires d'un nvropathe. 41. LACAN J. "Petit discours au. psychiatres", Confrence. Indite prononce Sainte-Aone le 10 novembre 1967. 42. LACAN J., L'tourdit, Scilicet, Paris. d., Le Seuil, 1973, 4, p. 30. 43. L'on notera sans surprise que les: niveaux de dstructuration de la conscience de l'organo-dynamisme ne s'harmonisent pas avec ces degrs de dstructuration du sujet psychotique. 44. LAGACHE D., La jalousie: amoureuse. Quadrige. Paris, Presses' Universitaires: de France (1red1tion, 1947), 19&6, pp. 351 et: 489. 45. LACAN J., De la psychose paranoiaque..., o.c., p.253. 46. LACAN J., D'une question prliminaire tout traitement possible de la psychose. ln : Ecrits, Paris, d. Le Seuil, 1966, p. 544. 47. LAGACHE: D.. La jalousie amoureuse, o.c., pp. 601-657. 48. LACAN" J.. De ta psychose paranoaque..., o.c.. p. 160. 49.. Ibid., p. 160. 50. Ibid., p. 171. 51. Ibid., p.238. 52. Que l'objet a non extrait puisse tre support tant par le fils de la patiente que par diverses perscutrices et mme par le prince de Galles, ne fait pas du dlire d'Aime un paradigme du dlire passionnel. Ce ne sont. pas seulement les retombes de la querelle avec Clrambault qui incitent Lacan. en 1932, la ranger parmi les interprtateurs.. Sa pathologie constitue une forme d'intrication des deux grandes classes de paranoas, avec cependant une prdominance des mcanismes passionnels. 53. Le tenue est soulign par LACAN. 54. LACAN., De la psychose paranoiaque.., o.c., p.265_

  • 55.Maleval J.C, Les meurtres immotivs ne sont pas sans cause. Synapse, 1986, 28, pp. 62-70. 56. MALEVAL J-C., Aspects cliniques de la forclusion du Nom-du,-Pre. Cliniques Mditerranennes. 1984, 1-2, pp. 59-72. 57. LACAN 1., L'tourdit, Scilicet, Paris, d. Le Seuil, 1973, 4, p.22. 58. LACAN J., De la psychose paranoiaque..., o.c., p. 185. 59. Ibid. p. 227. 60., LAGACHE D., La jalousie amoureuse, o.c., pp. 192.193. 61. Ibid., p. 201. 62. LACAN J., Encore, Le Sminaire XX. Paris, d Le Seuil, 1975, pp. 85 et 87. 63."Les productions discursives, affirme Lacan en 1.956, caractrisent le registre des paranoas " in: J. LACAN. Les psychoses Le Sminaire III, o.c., p. 89. Ajouts : Les PP par la localisation de lobjet au champ de lAutre permettent au sujet de faire tenir limage du corps, la jouissance sy trouve localise distance de celle-ci, lobjet a nenvahit pas la chaine signifiante, cest sans doute ce qui conduit Lacan les considrer comme tellement plus proches de ce quon appelle la normale . Elles nen restent pas moins un cadre nosologique assez difficilement cernable, souvent intriqu avec dautres. Intrts du passionnel sont centrs sur un objet, ce qui le conduit investir dans le champ social, et non pas construire une no-ralit.