Prix littéraires 2011

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Prix littéraires 2011 Prix Médicis: Mathieu Lindon- Ce qu’aimer veut dire (POL) Prix Goncourt: Alexis Jenni - L’art français de la guerre (Gallimard) Prix Nobel de Littérature 2010 Tomas Tranströmer Poète suédois né en 1931, Tomas Tranströmer dont la notoriété dépasse largement les fronères de son pays est paradoxalement peu connu en France. «Poète «sobre et moderne, ses poèmes brillent par une sobriété rare, une délicatesse de percepons et d'impres- sions inmes, une admirable richesse métaphorique : il est rapidement remarqué. Cee éclatante blancheur et ce goût de la langue lui seront parfois reprochés par des poètes plus jeunes, dans les années 60 et 70. Au manque d'engagement ou d'implicaon polique dont on l'accuse, sa carrière de psychologue, auprès de jeunes délinquants et de populaons défavorisées ou handicapées, répond à sa manière...» (Le Monde). A lire: Les Souvenirs m’observent (Castor Astral) - La Grande Enigme: 45 Haïkus (Castor Astral) - Balques: Oeuvres complètes 1954-2004 (Gallimard) Le narrateur, un homme en pleine crise, rencontre Victorien Salagnon, un ancien militaire devenu peintre qui lui confie ses souvenirs d’ancien combat- tant: Deuxième guerre mondiale, Indochine, Algérie...Défilent alors 50 ans d’histoire de France vue à travers le prisme militaire, où le passé permet de comprendre le France contemporaine. Loin des premiers romans souvent nombrilistes, L'Art français de la guerre, au style classique, épique, parfois un peu grandiloquent, est un chant inspiré, baigné de sang et de combats, une méditaon sur l'identé naonale et ces vingt ans de guerres coloniales qui marquent encore les esprits aujourd'hui. (Le Monde.fr) Le livre de Mathieu Lindon est le récit de son amié avec Michel Foucault avec qui il partage les dernières années de sa vie, dans son appartement rue de Vaugirard C’est là qu'il a pleinement revendiqué son homosexualité. Il décrit dans le livre et en détails ses trips à l’acide, les nuits de folie, les backrooms... Il y rencontre aussi Hervé Guibert, l’auteur de "La Mort propagande", disparu en 1991. Découvre, en même temps que la fête quodienne, les premiers ravages du sida et vit, comme un orphelin en sursis, l’agonie de Foucault. Dans son livre, inversant le tre du célèbre livre d’Hervé Guibert, Mathieu Lindon donne au philosophe la plus belle preuve de gratude en disant de lui : "L’ami qui m’a sauvé la vie".(Le Nouvel Observateur)

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Une sélection des principaux prix littéraires 2011

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Page 1: Prix littéraires 2011

Prix littéraires

2011

Prix Médicis: Mathieu Lindon- Ce qu’aimer veut dire (POL)

Prix Goncourt: Alexis Jenni - L’art français de la guerre (Gallimard)

Prix Nobel de Littérature 2010 Tomas Tranströmer

Poète suédois né en 1931, Tomas Tranströmer dont la notoriété dépasse largement les frontières de son pays est paradoxalement peu connu en France. «Poète «sobre et moderne, ses poèmes brillent par une sobriété rare, une délicatesse de perceptions et d'impres-sions intimes, une admirable richesse métaphorique : il est rapidement remarqué.Cette éclatante blancheur et ce goût de la langue lui seront parfois reprochés par des poètes plus jeunes, dans les années 60 et 70. Au manque d'engagement ou d'implication politique dont on l'accuse, sa carrière de psychologue, auprès de jeunes délinquants et de populations défavorisées ou handicapées, répond à sa manière...» (Le Monde).A lire: Les Souvenirs m’observent (Castor Astral) - La Grande Enigme: 45 Haïkus (Castor Astral) - Baltiques: Oeuvres complètes 1954-2004 (Gallimard)

Le narrateur, un homme en pleine crise, rencontre Victorien Salagnon, un ancien militaire devenu peintre qui lui confie ses souvenirs d’ancien combat-tant: Deuxième guerre mondiale, Indochine, Algérie...Défilent alors 50 ans d’histoire de France vue à travers le prisme militaire, où le passé permet de comprendre le France contemporaine. Loin des premiers romans souvent nombrilistes, L'Art français de la guerre, au style classique, épique, parfois un peu grandiloquent, est un chant inspiré, baigné de sang et de combats, une méditation sur l'identité nationale et ces vingt ans de guerres coloniales qui marquent encore les esprits aujourd'hui. (Le Monde.fr)

Le livre de Mathieu Lindon est le récit de son amitié avec Michel Foucault avec qui il partage les dernières années de sa vie, dans son appartement rue de Vaugirard C’est là qu'il a pleinement revendiqué son homosexualité. Il décrit dans le livre et en détails ses trips à l’acide, les nuits de folie, les backrooms... Il y rencontre aussi Hervé Guibert, l’auteur de "La Mort propagande", disparu en 1991. Découvre, en même temps que la fête quotidienne, les premiers ravages du sida et vit, comme un orphelin en sursis, l’agonie de Foucault.Dans son livre, inversant le titre du célèbre livre d’Hervé Guibert, Mathieu Lindon donne au philosophe la plus belle preuve de gratitude en disant de lui : "L’ami qui m’a sauvé la vie".(Le Nouvel Observateur)

« La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous consti-tue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire.

La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence.Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti. »

Olivier Frébourg raconte dans Gaston et Gustave (Mercure de France) le drame d'un père confronté à la naissance de jumeaux prématurés: l'un ne survivra pas, l'autre va lutter de longues semaines pour

finalement sortir vainqueur de ce combat. C'est cette victoire de la vie qu'Olivier Frébourg s'est attaché à mettre en mots, signant un livre bouleversant, mêlant récit intime et essai littéraire. Car, face au malheur, le narrateur s'aperçoit que son meilleur soutien n'est autre que le géant des lettres qu'il admire depuis toujours, Gustave Flaubert.Jean-Christophe Bailly livre, lui, dans Le Dépaysement. Voyages en France (Seuil) les carnets de route de ses pérégrinations dans notre pays, à pied, en train, à vélo, en voiture. C'est un regard «artiste» qu'il porte sur l'Hexagone, préférant la compagnie des peintres et des écrivains à celle des sociologues et des économistes pour établir un état des lieux personnel et poétique de la France d'aujourd'hui. ]

Prix De Flore: Marien Defalvard - Du temps qu’on existait (Grasset) Dandy proustien, décadent à la Huysmans, Marien Defalvard aime les arbres noirs à l'aube, les parcs surannés, les vieux livres oubliés dans des placards. Du temps qu'on existait est un roman plein d'arrogance, débordant de joliesses et de sentiments touffus. Parfois insupportable, souvent audacieux, ce livre est plein d'entêtements furieux et de mélancolie. Tantôt clairvoyant, tantôt emphatique, Marien Defalvard intrigue, tel un ovni tout droit venu de la planète romantique. Son roman est triste comme un chagrin d'enfant ou un regret d'adulte au moment de faire les comptes.Encore un détail : Marien Defalvard a tout juste 19 ans. (Télérama)

Prix Décembre: Olivier Frébourg - Gaston et Gustave (Mercure de France) Jean-Christophe Bailly - Le Dépaysement (Seuil)

Prix France Télévisions et Renaudot des lycéensDelphine De Vigan -Rien ne s’oppose à la nuit (JC Lattès)

Dans la tradition aménagée de Truman Capote et de son propre Appât, publié voilà seize ans, Sportès écrit le roman vrai (ou «romanquête») du célèbre gang des Barbares, qui séquestra et tortura[...]en 2006, le jeune juif Ilan Halimi. Victimes et bourreaux sont rebaptisés et retraités par l’imagination à partir des faits : l’écrivain a lu, arpenté, enquêté, et même, semble-t-il, correspondu avec certains coupables. Son récit est nerveux, précis, sans baisse de tension. Le ton, presque toujours tenu, est une narration teintée par les voix intérieures: en captant les ondes et le vocabulaire de ces aliénés plus ou moins conscients, il développe l’engrenage et la dynamique de leur groupe. Un exergue éclaire chaque chapitre : du rap, Flaubert, Debord, Adorno. L’ensemble révèle le dégoût masqué de l’auteur et rappelle une phrase

célèbre de Goya : «Le sommeil de la raison engendre des monstres.» Mais de quelle raison s’agit-il ? Quelle est cette société - la nôtre - qui engendre de tels personnages ? Questions que le roman suspend, les laissant flotter à l’état de menaces. Elles étaient posées par Hugo dans les Misérables, et l’on peut voir dans les tortionnaires de Bagneux et leurs complices un groupe de petits Thénardier modernes. (Libération)

Prix Interallié: Morgan Sportès - Tout, tout de suite (Fayard)

Page 2: Prix littéraires 2011

Prix Fémina: Simon Liberati Jayne Mans�eld 1967 (Grasset)Prix Fémina Etranger: Francisco Goldman - Dire son nom (Christian Bourgois)

Grand Prix du Roman de l'Académie Française : Sorj Chalandon Retour à Killybegs (Grasset)

Prix Renaudot: Emmanuel Carrère Limonov (POL)

Prix Goncourt des lycéens: Carole MartinezDu domaine des murmures (Gallimard)

Prix Médicis Etranger David Grossman - Femmes fuyant l’annonce (Seuil)Ora, une femme séparée depuis peu de son mari Ilan, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle tant redoutée : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s’est porté

volontaire pour « une opération d'envergure » de vingt-huit jours dans une ville palestinienne. Comme pour conjurer le sort, elle décide de s’absenter durant cette période : tant que les messagers de la mort ne la trouveront pas, son fils sera sauf. La randonnée en Galilée qu’elle avait prévue avec Ofer, elle l’entreprend avec Avram, son amour de jeunesse, pour lui raconter son fils. Elle espère protéger son enfant par la trame des mots qui dessinent sa vie depuis son premier souffle, et lui éviter ainsi le dernier. (Le Monde.fr)"Une femme fuyant l’annonce" est un livre d’une force et d’une intensité extraordi-naires, c’est LE chef-d’œuvre de David Grossman. Flaubert a créé son Emma, Tolstoï son Anna, et à présent Grossman a son Ora, un être pleinement vivant, parfaitement incarné. J’ai dévoré ce long roman dans une sorte de transe fiévreuse. Sidérant, magnifique, inoubliable. Paul Auster

Avec Dire son nom,Francisco Goldman réduit sa prose à la plus sobre des complaintes pour mettre des mots sur l'indicible : la mort brutale de sa jeune femme, Aura. Goldman l'avait épousée en 2005, ils avaient vécu un bonheur intense mais, le 25 juillet 2007, sur une plage radieuse du Mexique où ils faisaient du body surf, une vague trop violente brisa Aura qui, en guise d'adieu, balbutia quelques syllabes : "Je ne veux pas mourir." Comme dans un cauchemar éveillé, Goldman trouve la force de raconter cet accident, puis d'évoquer "les yeux sans lumière et les joues d'argile froide" de celle qui s'éteignit à l'hôpital quelques heures plus tard. Depuis, le temps s'est arrêté, la vie s'est figée, le chagrin a tout englouti. "Je suis terrifié à l'idée de la perdre en moi", écrit Goldman, qui s'escrime pourtant à donner un sens au non-sens en rallumant peu à peu le souvenir de sa femme depuis son enfance la plus lointaine et jusqu'à leur rencontre. Comme si les mots pouvaient avoir raison du deuil, comme si Orphée pouvait libérer Eurydice de ses ténèbres par la magie de la parole. Dénué de tout pathos, ce récit est un exorcisme délicat où l'écriture affronte la mort pour nous faire aimer un être disparu. Non, la voix d'Aura ne s'est pas tout à fait éteinte dans le fracas d'une vague, et Goldman la ressus-cite avec une pudeur poignante. (L’Express.fr)

A ceux que fascinent le merveilleux médiéval, les histoires de fantômes et de saintes, les légendes amoureuses et les folies

d'insensés chevaliers, ce roman sera enchante-ment. A travers les confessions d'outre-tombe d'une de ces « recluses » que chérissait le Moyen Age, Carole Martinez brasse dans une langue digne d'un roman courtois les songes, les terreurs et la violence d'une époque côtoyant au quotidien la foi et la mort. Rejetant un époux honni, la jeune Esclar-monde choisit de se consacrer à Dieu en s'enterrant vive dans une cellule jouxtant le paternel domaine des Murmures. Mais la voilà mystérieusement enceinte, et tout le voisinage vient en pèlerinage devant la prison de cette vierge bénie. La mort cesse alors de frapper le comté, mais le père d'Esclarmonde hurle de souffrance et fuit en croisade. Quel

noir secret se cache derrière la mystique jouvencelle ? De rebondissement en rebondissement finement orchestrés, le récit - ou plutôt l'entêtante voix d'Esclarmonde - nous entraîne par-delà le temps au royaume des vivants et des morts, de l'histoire et de la légende. Fabienne Pascaud, Télérama.

« Limonov n’est pas un personnage de fiction. Il existe. Je le connais. Il a été voyou en Ukraine ; idole de l’underground soviétique sous Brejnev ; clochard, puis valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan ; écrivain branché à Paris ; soldat perdu dans les guerres des Balkans ; et maintenant, dans l’immense bordel de l’après-communisme en Russie, vieux chef charismatique d’un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement. C’est une vie dangereuse, ambiguë : un vrai roman d’aventures. C’est aussi, je crois, une vie qui raconte quelque chose. Pas

seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais sur notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »

En 2008, Sorj Chalandon publiait Mon traître, un roman - ou presque - sur l'histoire de Tyrone Meehan, figure mythique de l'IRA et traître à la cause nationa-liste irlandaise pendant une vingtaine d'années. Chalandon y parlait surtout d'amitié et de confiance brutalement détruites, donnant la parole à l'ami trompé et stupéfait. Retour à Killybegs est l'autre versant : c'est Meehan, cette fois, qui est le narrateur, et raconte sa vie gâchée, sa confusion, sa trahison. Le livre sent la bière, la fumée, la violence. Celle du père de Tyrone qui frappe son fils la «

bouche tordue en hurlant des mots de soldat ». Celle de la prison où les détenus font la grève de la faim jusqu'à la mort. Mais aussi la violence de la rue où femmes et enfants marchent la tête haute, à côté des combattants.Retour à Killybegs respire la passion et le désespoir d'un homme qui, un jour, n'a pas eu le choix et s'est enfoncé dans la nuit et dans la honte. L'observation du journaliste et le lyrisme du romancier sont réunis dans ce beau livre éperdu d'amour pour un pays blessé et d'empa-thie pour ses habitants. Christine Ferniot - Télérama

Ce n'est en rien une biographie qu'a écrite le très doué Simon Liberati, auteur remarqué d'Anthologie des apparitions (2004) et de L'Hyper Justine (2009). Pas plus qu'un essai, ni même un roman. Une médita-

tion plutôt, intense et désenchan-tée, sur le basculement des sixties, la perte de l'innocence, le vertige obscène des apparences et de la gloire. De la vie de Jayne Mansfield, on saura au final fort peu, si ce n'est quelques fragments, quelques moments de ses dernières années, celles où, « déchue de son statut de movie star, elle était devenue une gigantesque attraction foraine à la manière de Lola Montez. Une de ces femmes qui, ayant fini d'être belles, deviennent des monstres dans l'espoir d'entretenir l'attention ». Malgré son QI digne d'un Nobel, son application farouche à maîtriser « les minutes d'un destin machiné par elle-même », Mansfield n'aura pas échappé à cette malédiction, cette damnation, cette déchéance. Télérama

Page 3: Prix littéraires 2011

Prix Fémina: Simon Liberati Jayne Mans�eld 1967 (Grasset)Prix Fémina Etranger: Francisco Goldman - Dire son nom (Christian Bourgois)

Grand Prix du Roman de l'Académie Française : Sorj Chalandon Retour à Killybegs (Grasset)

Prix Renaudot: Emmanuel Carrère Limonov (POL)

Prix Goncourt des lycéens: Carole MartinezDu domaine des murmures (Gallimard)

Prix Médicis Etranger David Grossman - Femmes fuyant l’annonce (Seuil)Ora, une femme séparée depuis peu de son mari Ilan, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle tant redoutée : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s’est porté

volontaire pour « une opération d'envergure » de vingt-huit jours dans une ville palestinienne. Comme pour conjurer le sort, elle décide de s’absenter durant cette période : tant que les messagers de la mort ne la trouveront pas, son fils sera sauf. La randonnée en Galilée qu’elle avait prévue avec Ofer, elle l’entreprend avec Avram, son amour de jeunesse, pour lui raconter son fils. Elle espère protéger son enfant par la trame des mots qui dessinent sa vie depuis son premier souffle, et lui éviter ainsi le dernier. (Le Monde.fr)"Une femme fuyant l’annonce" est un livre d’une force et d’une intensité extraordi-naires, c’est LE chef-d’œuvre de David Grossman. Flaubert a créé son Emma, Tolstoï son Anna, et à présent Grossman a son Ora, un être pleinement vivant, parfaitement incarné. J’ai dévoré ce long roman dans une sorte de transe fiévreuse. Sidérant, magnifique, inoubliable. Paul Auster

Avec Dire son nom,Francisco Goldman réduit sa prose à la plus sobre des complaintes pour mettre des mots sur l'indicible : la mort brutale de sa jeune femme, Aura. Goldman l'avait épousée en 2005, ils avaient vécu un bonheur intense mais, le 25 juillet 2007, sur une plage radieuse du Mexique où ils faisaient du body surf, une vague trop violente brisa Aura qui, en guise d'adieu, balbutia quelques syllabes : "Je ne veux pas mourir." Comme dans un cauchemar éveillé, Goldman trouve la force de raconter cet accident, puis d'évoquer "les yeux sans lumière et les joues d'argile froide" de celle qui s'éteignit à l'hôpital quelques heures plus tard. Depuis, le temps s'est arrêté, la vie s'est figée, le chagrin a tout englouti. "Je suis terrifié à l'idée de la perdre en moi", écrit Goldman, qui s'escrime pourtant à donner un sens au non-sens en rallumant peu à peu le souvenir de sa femme depuis son enfance la plus lointaine et jusqu'à leur rencontre. Comme si les mots pouvaient avoir raison du deuil, comme si Orphée pouvait libérer Eurydice de ses ténèbres par la magie de la parole. Dénué de tout pathos, ce récit est un exorcisme délicat où l'écriture affronte la mort pour nous faire aimer un être disparu. Non, la voix d'Aura ne s'est pas tout à fait éteinte dans le fracas d'une vague, et Goldman la ressus-cite avec une pudeur poignante. (L’Express.fr)

A ceux que fascinent le merveilleux médiéval, les histoires de fantômes et de saintes, les légendes amoureuses et les folies

d'insensés chevaliers, ce roman sera enchante-ment. A travers les confessions d'outre-tombe d'une de ces « recluses » que chérissait le Moyen Age, Carole Martinez brasse dans une langue digne d'un roman courtois les songes, les terreurs et la violence d'une époque côtoyant au quotidien la foi et la mort. Rejetant un époux honni, la jeune Esclar-monde choisit de se consacrer à Dieu en s'enterrant vive dans une cellule jouxtant le paternel domaine des Murmures. Mais la voilà mystérieusement enceinte, et tout le voisinage vient en pèlerinage devant la prison de cette vierge bénie. La mort cesse alors de frapper le comté, mais le père d'Esclarmonde hurle de souffrance et fuit en croisade. Quel

noir secret se cache derrière la mystique jouvencelle ? De rebondissement en rebondissement finement orchestrés, le récit - ou plutôt l'entêtante voix d'Esclarmonde - nous entraîne par-delà le temps au royaume des vivants et des morts, de l'histoire et de la légende. Fabienne Pascaud, Télérama.

« Limonov n’est pas un personnage de fiction. Il existe. Je le connais. Il a été voyou en Ukraine ; idole de l’underground soviétique sous Brejnev ; clochard, puis valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan ; écrivain branché à Paris ; soldat perdu dans les guerres des Balkans ; et maintenant, dans l’immense bordel de l’après-communisme en Russie, vieux chef charismatique d’un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement. C’est une vie dangereuse, ambiguë : un vrai roman d’aventures. C’est aussi, je crois, une vie qui raconte quelque chose. Pas

seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais sur notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »

En 2008, Sorj Chalandon publiait Mon traître, un roman - ou presque - sur l'histoire de Tyrone Meehan, figure mythique de l'IRA et traître à la cause nationa-liste irlandaise pendant une vingtaine d'années. Chalandon y parlait surtout d'amitié et de confiance brutalement détruites, donnant la parole à l'ami trompé et stupéfait. Retour à Killybegs est l'autre versant : c'est Meehan, cette fois, qui est le narrateur, et raconte sa vie gâchée, sa confusion, sa trahison. Le livre sent la bière, la fumée, la violence. Celle du père de Tyrone qui frappe son fils la «

bouche tordue en hurlant des mots de soldat ». Celle de la prison où les détenus font la grève de la faim jusqu'à la mort. Mais aussi la violence de la rue où femmes et enfants marchent la tête haute, à côté des combattants.Retour à Killybegs respire la passion et le désespoir d'un homme qui, un jour, n'a pas eu le choix et s'est enfoncé dans la nuit et dans la honte. L'observation du journaliste et le lyrisme du romancier sont réunis dans ce beau livre éperdu d'amour pour un pays blessé et d'empa-thie pour ses habitants. Christine Ferniot - Télérama

Ce n'est en rien une biographie qu'a écrite le très doué Simon Liberati, auteur remarqué d'Anthologie des apparitions (2004) et de L'Hyper Justine (2009). Pas plus qu'un essai, ni même un roman. Une médita-

tion plutôt, intense et désenchan-tée, sur le basculement des sixties, la perte de l'innocence, le vertige obscène des apparences et de la gloire. De la vie de Jayne Mansfield, on saura au final fort peu, si ce n'est quelques fragments, quelques moments de ses dernières années, celles où, « déchue de son statut de movie star, elle était devenue une gigantesque attraction foraine à la manière de Lola Montez. Une de ces femmes qui, ayant fini d'être belles, deviennent des monstres dans l'espoir d'entretenir l'attention ». Malgré son QI digne d'un Nobel, son application farouche à maîtriser « les minutes d'un destin machiné par elle-même », Mansfield n'aura pas échappé à cette malédiction, cette damnation, cette déchéance. Télérama

Page 4: Prix littéraires 2011

Prix littéraires

2011

Prix Médicis: Mathieu Lindon- Ce qu’aimer veut dire (POL)

Prix Goncourt: Alexis Jenni - L’art français de la guerre (Gallimard)

Prix Nobel de Littérature 2010 Tomas Tranströmer

Poète suédois né en 1931, Tomas Tranströmer dont la notoriété dépasse largement les frontières de son pays est paradoxalement peu connu en France. «Poète «sobre et moderne, ses poèmes brillent par une sobriété rare, une délicatesse de perceptions et d'impres-sions intimes, une admirable richesse métaphorique : il est rapidement remarqué.Cette éclatante blancheur et ce goût de la langue lui seront parfois reprochés par des poètes plus jeunes, dans les années 60 et 70. Au manque d'engagement ou d'implication politique dont on l'accuse, sa carrière de psychologue, auprès de jeunes délinquants et de populations défavorisées ou handicapées, répond à sa manière...» (Le Monde).A lire: Les Souvenirs m’observent (Castor Astral) - La Grande Enigme: 45 Haïkus (Castor Astral) - Baltiques: Oeuvres complètes 1954-2004 (Gallimard)

Le narrateur, un homme en pleine crise, rencontre Victorien Salagnon, un ancien militaire devenu peintre qui lui confie ses souvenirs d’ancien combat-tant: Deuxième guerre mondiale, Indochine, Algérie...Défilent alors 50 ans d’histoire de France vue à travers le prisme militaire, où le passé permet de comprendre le France contemporaine. Loin des premiers romans souvent nombrilistes, L'Art français de la guerre, au style classique, épique, parfois un peu grandiloquent, est un chant inspiré, baigné de sang et de combats, une méditation sur l'identité nationale et ces vingt ans de guerres coloniales qui marquent encore les esprits aujourd'hui. (Le Monde.fr)

Le livre de Mathieu Lindon est le récit de son amitié avec Michel Foucault avec qui il partage les dernières années de sa vie, dans son appartement rue de Vaugirard C’est là qu'il a pleinement revendiqué son homosexualité. Il décrit dans le livre et en détails ses trips à l’acide, les nuits de folie, les backrooms... Il y rencontre aussi Hervé Guibert, l’auteur de "La Mort propagande", disparu en 1991. Découvre, en même temps que la fête quotidienne, les premiers ravages du sida et vit, comme un orphelin en sursis, l’agonie de Foucault.Dans son livre, inversant le titre du célèbre livre d’Hervé Guibert, Mathieu Lindon donne au philosophe la plus belle preuve de gratitude en disant de lui : "L’ami qui m’a sauvé la vie".(Le Nouvel Observateur)

« La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous consti-tue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire.

La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence.Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti. »

Olivier Frébourg raconte dans Gaston et Gustave (Mercure de France) le drame d'un père confronté à la naissance de jumeaux prématurés: l'un ne survivra pas, l'autre va lutter de longues semaines pour

finalement sortir vainqueur de ce combat. C'est cette victoire de la vie qu'Olivier Frébourg s'est attaché à mettre en mots, signant un livre bouleversant, mêlant récit intime et essai littéraire. Car, face au malheur, le narrateur s'aperçoit que son meilleur soutien n'est autre que le géant des lettres qu'il admire depuis toujours, Gustave Flaubert.Jean-Christophe Bailly livre, lui, dans Le Dépaysement. Voyages en France (Seuil) les carnets de route de ses pérégrinations dans notre pays, à pied, en train, à vélo, en voiture. C'est un regard «artiste» qu'il porte sur l'Hexagone, préférant la compagnie des peintres et des écrivains à celle des sociologues et des économistes pour établir un état des lieux personnel et poétique de la France d'aujourd'hui. ]

Prix De Flore: Marien Defalvard - Du temps qu’on existait (Grasset) Dandy proustien, décadent à la Huysmans, Marien Defalvard aime les arbres noirs à l'aube, les parcs surannés, les vieux livres oubliés dans des placards. Du temps qu'on existait est un roman plein d'arrogance, débordant de joliesses et de sentiments touffus. Parfois insupportable, souvent audacieux, ce livre est plein d'entêtements furieux et de mélancolie. Tantôt clairvoyant, tantôt emphatique, Marien Defalvard intrigue, tel un ovni tout droit venu de la planète romantique. Son roman est triste comme un chagrin d'enfant ou un regret d'adulte au moment de faire les comptes.Encore un détail : Marien Defalvard a tout juste 19 ans. (Télérama)

Prix Décembre: Olivier Frébourg - Gaston et Gustave (Mercure de France) Jean-Christophe Bailly - Le Dépaysement (Seuil)

Prix France Télévisions et Renaudot des lycéensDelphine De Vigan -Rien ne s’oppose à la nuit (JC Lattès)

Dans la tradition aménagée de Truman Capote et de son propre Appât, publié voilà seize ans, Sportès écrit le roman vrai (ou «romanquête») du célèbre gang des Barbares, qui séquestra et tortura[...]en 2006, le jeune juif Ilan Halimi. Victimes et bourreaux sont rebaptisés et retraités par l’imagination à partir des faits : l’écrivain a lu, arpenté, enquêté, et même, semble-t-il, correspondu avec certains coupables. Son récit est nerveux, précis, sans baisse de tension. Le ton, presque toujours tenu, est une narration teintée par les voix intérieures: en captant les ondes et le vocabulaire de ces aliénés plus ou moins conscients, il développe l’engrenage et la dynamique de leur groupe. Un exergue éclaire chaque chapitre : du rap, Flaubert, Debord, Adorno. L’ensemble révèle le dégoût masqué de l’auteur et rappelle une phrase

célèbre de Goya : «Le sommeil de la raison engendre des monstres.» Mais de quelle raison s’agit-il ? Quelle est cette société - la nôtre - qui engendre de tels personnages ? Questions que le roman suspend, les laissant flotter à l’état de menaces. Elles étaient posées par Hugo dans les Misérables, et l’on peut voir dans les tortionnaires de Bagneux et leurs complices un groupe de petits Thénardier modernes. (Libération)

Prix Interallié: Morgan Sportès - Tout, tout de suite (Fayard)