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MISE AU POINT 2 Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2015 • vol. 9 • numéro 79 ÉLÉMENTS CLINIQUES ET PLACE DE L’IMAGERIE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’OMD ÉLÉMENTS CLINIQUES La maculopathie diabétique re- groupe l’OMD et l’ischémie macu- laire, cette dernière ne possédant malheureusement pas de traite- ment efficace. L’OMD est défini comme un épaississement rétinien situé à moins d’un diamètre papillaire du centre de la macula. L’OMD peut être classé selon : son type (classification de l’AL- FEDIAM). En focal (secondaire à des diffusions localisées), diffus (dilatation capillaire étendue et diffusion généralisée) ou mixte (association des deux) ; sa sévérité, c’est-à-dire sa loca- lisation par rapport au centre de la fovéa (classification de l’ETDRS et de l’AAO). En minime (épaississe- ment rétinien au pôle postérieur, mais distant du centre de la fovéa), modéré (épaississement s’appro- chant du centre sans l’atteindre), ou sévère (atteignant le centre). Les OMD minimes ne sont généra- lement pas traités (surveillance). Les recommandations actuelles de l’AMM du ranibizumab (Lucentis®) dans le traitement de l’OMD font encore référence à ces classifica- tions. Cependant, les classifications de l’OMD sont actuellement discu- tées et en cours de modification, et des éléments évalués par la tomo- graphie à cohérence optique (OCT) sont amenés à être pris en compte : quantité et étendue de l’œdème, localisation de l’œdème, anomalies vitréo-maculaires, exsudats secs… PLACE DE L’IMAGERIE (Tab. 1) Devant une suspicion d’OMD, des photographies de la macula sont indiquées : couleurs (pour visuali- ser la localisation des exsudats) et La rétinopathie diabétique (RD) atteint environ 1/3 de la po- pulation diabétique et environ 1/3 des patients atteints de RD développent un œdème maculaire diabétique (OMD). L’OMD constitue la première cause de malvoyance chez les patients diabétiques. La photocoagulation maculaire au laser a constitué le premier traitement efficace de l’OMD et son efficacité a été confirmée récemment par les études du DRCRnet. Toutefois, compte tenu de son efficacité progressive et lente, et relativement modérée, et de ses effets secon- daires potentiellement graves, différentes thérapeutiques intravitréennes (anti-VEGF, corticoïdes, etc.) ont été déve- loppées afin d’obtenir une efficacité supérieure ou plus rapide chez les patients présentant un OMD. Nous présenterons dans ce chapitre une synthèse ac- tualisée de la prise en charge thérapeutique de l’OMD en s’appuyant sur les données de la littérature les plus récentes. Nous discuterons en particulier de la place actuelle du laser maculaire, des indications des différents traitements intravi- tréens et des différents schémas d’administration, et propo- serons un algorithme de prise en charge de l’OMD. Introduction Prise en charge de l’œdème maculaire diabétique Synthèse des différentes options Dr Amélie Lecleire-Collet* *Clinique Mathilde, Rouen ; Hôpital Lariboisière, Paris Tableau 1 – Imagerie optimale d’un œdème maculaire diabétique. Photographies maculaires couleurs, bleu, vert, et en autofluorescence ± pano- ramique couleurs pour la périphérie rétinienne. OCT : mapping, lignes. Angiographie rétinienne à la fluorescéine : clichés maculaires (clichés pré- coce, intermédiaire et tardif) ± clichés périphériques.

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Mise au point

2 Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2015 • vol. 9 • numéro 79

ÉlÉments cliniques et place de l’imagerie dans la prise en charge de l’Omd

ÉlÉments cliniquesLa maculopathie diabétique re-groupe l’OMD et l’ischémie macu-laire, cette dernière ne possédant malheureusement pas de traite-ment efficace.

L’OMD est défini comme un épaississement rétinien situé à moins d’un diamètre papillaire du centre de la macula. L’OMD peut être classé selon :• son type (classification de l’AL-FEDIAM). En focal (secondaire à des diffusions localisées), diffus (dilatation capillaire étendue et diffusion généralisée) ou mixte

(association des deux) ; • sa sévérité, c’est-à-dire sa loca-lisation par rapport au centre de la fovéa (classification de l’ETDRS et de l’AAO). En minime (épaississe-ment rétinien au pôle postérieur, mais distant du centre de la fovéa), modéré (épaississement s’appro-chant du centre sans l’atteindre), ou sévère (atteignant le centre). Les OMD minimes ne sont généra-lement pas traités (surveillance).

Les recommandations actuelles de l’AMM du ranibizumab (Lucentis®) dans le traitement de l’OMD font

encore référence à ces classifica-tions. Cependant, les classifications de l’OMD sont actuellement discu-tées et en cours de modification, et des éléments évalués par la tomo-graphie à cohérence optique (OCT) sont amenés à être pris en compte : quantité et étendue de l’œdème, localisation de l’œdème, anomalies vitréo-maculaires, exsudats secs…

Place de l’imagerie (Tab. 1)

Devant une suspicion d’OMD, des photographies de la macula sont indiquées  : couleurs (pour visuali-ser la localisation des exsudats) et

La rétinopathie diabétique (RD) atteint environ 1/3 de la po-pulation diabétique et environ 1/3 des patients atteints de RD développent un œdème maculaire diabétique (OMD). L’OMD constitue la première cause de malvoyance chez les patients diabétiques.La photocoagulation maculaire au laser a constitué le premier traitement efficace de l’OMD et son efficacité a été confirmée récemment par les études du DRCRnet. Toutefois, compte tenu de son efficacité progressive et lente, et relativement modérée, et de ses effets secon-daires potentiellement graves, différentes thérapeutiques

intravitréennes (anti-VEGF, corticoïdes, etc.) ont été déve-loppées afin d’obtenir une efficacité supérieure ou plus rapide chez les patients présentant un OMD. Nous présenterons dans ce chapitre une synthèse ac-tualisée de la prise en charge thérapeutique de l’OMD en s’appuyant sur les données de la littérature les plus récentes.Nous discuterons en particulier de la place actuelle du laser maculaire, des indications des différents traitements intravi-tréens et des différents schémas d’administration, et propo-serons un algorithme de prise en charge de l’OMD.

Introduction

prise en charge de l’œdème maculaire diabétiqueSynthèse des différentes optionsDr Amélie Lecleire-Collet*

*Clinique Mathilde, Rouen ; Hôpital Lariboisière, Paris

tableau 1 – imagerie optimale d’un œdème maculaire diabétique.

photographies maculaires couleurs, bleu, vert, et en autofluorescence ± pano-ramique couleurs pour la périphérie rétinienne.

Oct : mapping, lignes.

angiographie rétinienne à la fluorescéine : clichés maculaires (clichés pré-coce, intermédiaire et tardif ) ± clichés périphériques.

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Prise en charge de l’œdème maculaire diabétique

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monochromatiques  : en lumière bleue (pour visualiser le pigment xanthophylle et aider à la réali-sation d’un traitement par laser), verte (pour mieux voir les lésions vasculaires), en autofluorescence (pour visualiser un traitement antérieur par laser maculaire, les altérations de l’épithélium pigmen-taire). On complètera le bilan initial par un OCT (cartographie macu-laire + lignes) et une angiographie rétinienne à la fluorescéine. Il ne faudra pas oublier d’évaluer au cours de ce bilan la sévérité de la RD “périphérique” afin de la prendre en charge en parallèle.

L’OCT est l’examen de référence pour le diagnostic de l’OMD (per-met un diagnostic très précoce et une localisation précise de l’épais-sissement par rapport au centre de la fovéa), son suivi, et est utile

pour guider le traitement par la-ser. Il permet également d’étudier l’intégrité de la ligne ellipsoïde, la quantité de tissu rétinien résiduel entre les kystes (éléments pronos-tiques), les anomalies vitréo-ma-culaires… Un épaississement réti-nien est défini par une épaisseur rétinienne supérieure à l’épais-seur rétinienne moyenne normale + 2 DS. Cette valeur normale et la reproductibilité dépendent de l’OCT utilisé (par exemple, pour le Spectralis® HRA-OCT, l’épais-sissement rétinien maculaire central est défini par une valeur supérieure à 321 µm). Le suivi de l’OMD est réalisé par l’OCT (car-tographie maculaire ± lignes), avec une très bonne reproductibilité.

L’angiographie à la fluorescéine permet d’apporter des éléments pour typer l’OMD, évaluer le degré

d’occlusion des capillaires périfo-véolaires (“ischémie maculaire”) ou d’altérations de l’épithélium pigmentaire (facteurs pronos-tiques), et de guider le traitement par laser, mais ne constitue pas un examen de suivi de l’OMD.

stratÉgies thÉrapeutiquesUne fois l’OMD diagnostiqué et évalué par le bilan initial, une stratégie thérapeutique doit être mise en place. Nous proposons un algorithme de prise en charge de l’OMD (Fig. 1).

Équilibration des facteurs systÉmiques (Tab. 2)

Dans un premier temps, la re-cherche d’une équilibration des facteurs systémiques est recom-mandée. Celle-ci peut permettre

Bilan d’un œdème maculaire diabétique

Contrôle des facteurs systémiques glycémie, PA, lipides, syndrome d’apnées du sommeil

Atteinte centrale(OMD sévère)

BAV significativeAV � 0,6Pas de BAV

significativeAV � 0,6

• Suivi mensuel possible• Sujet jeune/cristallin clair• Glaucome évolué, HTO non contrôlée• Aphaque, implant de CA, IP de grande taille• ATCD d’herpès oculaire

• Patient phaque pour lequel le TTT par anti-VEGF ne convient pas (suivi mensuel impossible)• Pseudophaque• ATCD cardiovasculaires récents• Yeux vitrectomisés

Ozurdex®*en 1re intention± laser sur épaississements focaux

Lucentis®/Eylea®* en 1re intention± laser sur épaississements focaux

Si échec : vitrectomie(ou laser en grid)

Succès mais injections très fréquentes : Iluvien®

*à discuter si disponible

Si traction vitréo-maculaire : vitrectomie ± corticoïdes ou anti-VEGF

Ischémie maculaire importante, pas de possibilité d’amélioration (AEP…) : abstention

Si échec

Si échec

Cas particuliers : • OMD pendant la grossesse :

surveillance• OMD minime : surveillance*En attente remboursement

D’après P. Massin.

Pas d’atteinte centrale(OMD modéré)

• Laser sur épaississements focaux

• Surveillance si OMD diffus

Figure 1 – proposition d’algorithme de traitement de l’Omd.

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de faire régresser l’OMD sans né-cessiter de traitement ophtalmo-logique (Fig. 2). En cas de résultat insuffisant (évaluation à quelques mois) ou de baisse d’acuité visuelle majeure, un traitement ophtal-mologique sera alors proposé, en parallèle.

❚ Équilibre glycémiqueLe rôle du déséquilibre glycémique dans l’incidence et la progression de l’OMD a été démontré dans les études UKPDS (chez le diabétique de type 2), DCCT (chez le diabé-tique de type 1), et ACCORD-EYE. Un équilibre glycémique strict (HbA1c < 7  %) est recommandé. Le fait qu’une mémoire “glycé-mique” (bénéfice à long terme d’une équilibration précoce) per-siste pendant 10 ans de suivi (étude DCCT/EDIC) incite à équilibrer le plus tôt possible le diabète. Cepen-dant, l’étude ADVANCE a montré un risque élevé de mortalité par accidents cardiovasculaires chez le patient diabétique de plus de 60  ans lors d’une équilibration glycémique trop stricte (HbA1c = 6,3  %), en raison notamment de la survenue d’hypoglycémies sévères. L’équilibration devra éga-lement être plus progressive ou le traitement par panphotocoagula-tion rétinienne (PPR) débuté chez les patients présentant une RD non proliférante sévère ou pro-liférante non traitée par PPR, en particulier chez les jeunes patients diabétiques de type 1.

❚ Équilibre tensionnelLe rôle de l’hypertension artérielle dans l’incidence et la progres-sion de l’OMD a été montré dans l’étude UKPDS. Un équilibre ten-sionnel strict, <  130/80  mmHg ou < 125/75 mmHg en cas de pro-téinurie ou d’insuffisance rénale, est efficace sur l’incidence et la progression de la RD. Toutefois,

l’étude ACCORD a montré que l’abaissement de la PAS en deçà de 120  mmHg n’apportait pas de bénéfice supplémentaire sur la RD. Les inhibiteurs du système ré-nine-angiotensine sont à privilé-gier chez les patients diabétiques. La prise en charge de l’insuffisance rénale (dialyse si nécessaire) doit être également effectuée.

❚ Équilibre lipidique L’étude FIELD a démontré que l’utilisation de fénofibrates dimi-nuait la nécessité de traitement par laser dans l’OMD, et l’étude ACCORD-EYE qu’un traitement par statines et fibrates diminuait la

progression de la RD par rapport à un traitement par statines seules. L’équilibration lipidique est donc indiquée dans la prise en charge de l’OMD. Toutefois, cet effet serait plus modéré chez les patients dia-bétiques de type 1 (étude WESDR).

❚ syndrome d’apnées du sommeilLa prévalence du syndrome d’ap-nées du sommeil est plus élevée chez les patients diabétiques de type 2, et encore plus fréquente chez ceux présentant un OMD, sug-gérant un rôle aggravant du syn-drome d’apnées du sommeil dans l’OMD (par hypoxie rétinienne, aggravation de l’HTA, etc.).

tableau 2 – prise en charge des facteurs systémiques en cas d’Omd.

Équilibre glycémique : HbA1c < 7 %.

Équilibre tensionnel : PA < 130/80 mmHg ou < 125/75 mmHg si protéinurie (type 2 ++).

Équilibre lipidique (triglycérides, cholestérol) (type 2 ++).

Recherche d’un syndrome d’apnées du sommeil (type 2 ++).

Figure 2 – Évolution d’un Omd chez une patiente diabétique de type 2 depuis environ

10 ans après rééquilibration glycémique et tensionnelle.

a. angiographie rétinienne à la fluorescéine : Omd mixte avec des microanévrismes

trop près du centre pour être traités par laser. B. et c. (mapping et ligne en Oct) l’aV est

à 20/50, l’hba1c est à 9 %, la pression artérielle est à 180/90 mmhg. d. et e. trois mois

plus tard, l’aV est à 20/40, l’hba1c est à 8,5 %, la pression artérielle est à 150/80 mmhg.

F. et g. quatre mois plus tard, l’aV est à 20/25, l’hba1c est à 8 %, la pression artérielle est

à 140/80 mmhg, l’Omd a quasiment disparu, sans traitement ophtalmologique.

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Prise en charge de l’œdème maculaire diabétique

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VitrectomieEn cas de traction vitréo-maculaire associée à un OMD (OMD traction-nel), la vitrectomie permet de dimi-nuer l’OMD, et constitue un traite-ment efficace et durable. En dehors de cet aspect, rare, les indications de vitrectomie sont toujours dis-cutées. Certaines publications ont montré un effet bénéfique et du-rable, qui n’a pas été retrouvé pour d’autres. Aucune étude prospective randomisée comparant avec un traitement intravitréen ne permet de conclure. La vitrectomie peut être discutée en cas de membrane épimaculaire significative. En l’ab-sence d’anomalies de l’interface vitréo-maculaire, il semble raison-nable de la proposer uniquement en cas d’OMD réfractaire au laser ou aux traitements intravitréens.

Photocoagulation maculaire au laser (Fig. 3 et 4)

L’étude DRCR a montré que 36 % des patients traités par laser seul présentaient une amélioration de l’acuité visuelle supérieure à 2 lignes à 2  ans, ce qui était infé-rieur aux groupes ranibizumab + laser (44  % et 49  %), mais tout de même notable, pour un traite-ment unique ou peu répété. Il faut bien noter que l’effet du laser est retardé, et est probablement plus visible après 3 ans de suivi.

Ainsi, il est conseillé de toujours traiter la composante “focale” d’un OMD focal ou mixte, modéré ou sévère, qui répond habituellement bien au traitement, en réalisant un grid (traitement en quinconce) au sein de toute la zone épaissie sur l’OCT, mais en restant à plus de 750  µm du centre de la fovéa (c’est-à-dire en respectant une zone centrale d’environ 1 diamètre papillaire). Les microanévrismes ne seront pas nécessairement “ci-blés” par le laser.

En cas d’OMD focal ou mixte avec des fuites proches du centre de la fovéa, le traitement par laser ne pourra être réalisé, et une surveil-lance ou un traitement intravi-tréen seront réalisés en fonction de l’acuité visuelle (Fig. 1).

Le laser en grid dans les OMD diffus est quasiment abandonné, au profit des traitements intravi-tréens, plus efficaces, mais peut être proposé en cas d’échec de ceux-ci ou d’impossibilité de les réaliser.

L’évaluation clinique se fera trois à quatre mois après la séance de laser. Les impacts doivent être bien visibles en autofluorescence (taches rondes modérément hype-rautofluorescentes bordées d’un liseré hypoautofluorescent), dans la zone initialement épaissie.

On préconise de réaliser le laser maculaire comme traitement oph-talmologique de première inten-tion en cas d’OMD focal modéré ou sévère ou d’OMD mixte modéré ou sévère avec une acuité visuelle ≥ 6/10, et de surveiller l’évolution à 3-4 mois (Fig. 1).

En cas d’OMD focal sévère ou d’OMD mixte sévère avec une acuité visuelle ≤ 6/10, le traitement par laser se positionne souvent en association avec un traitement intravitréen, et le moment de réa-lisation du laser est très discuté. Il peut être réalisé en première intention, avec une évaluation à 3-4  mois, certains cas répondant très bien au laser, ou couplé au traitement intravitréen (laser réa-lisé quelques jours… ou plusieurs mois après le début du traitement intravitréen) (cf. paragraphe Anti-VEGF ; étude DRCRnet).

Les techniques de laser ont évo-lué, l’objectif étant de diminuer les effets indésirables des précé-dents lasers (extension des cica-trices, fibrose sous-rétinienne, scotomes…) tout en gardant la même efficacité. Les lasers mul-tispots à diode YAG doublés en fréquence et semi-automatisés permettent de réaliser des im-pacts très courts, plus ciblés sur l’épithélium pigmentaire, avec moins d’effets délétères intraré-tiniens. Des patterns spécifiques peuvent être utilisés. Des lasers permettant un traitement guidé

Figure 3 – Omd focal modéré (œil gauche) nécessitant un traitement par laser macu-

laire focal. a. cliché anérythre du pôle postérieur. B. schéma superposant le mapping

Oct et le cliché anérythre, montrant la localisation des impacts de laser maculaire

focal à réaliser (disposés en quinconce sur toute la surface de l’œdème focal) (grid

ou traitement en quinconce). On respecte une zone centrale maculaire d’un diamètre

papillaire (cercle noir). les impacts de laser seront d’environ 100 µm, à peine visibles

(paramètres de traitement utilisés par exemple : 30 ms, 100 mW).

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Figure 4 – patient diabétique de type 2, présentant un œdème maculaire focal modéré de l’œil droit, nécessitant un traitement par laser focal. l’acuité

visuelle est à 10/10 p2. a. photographie couleur : couronne d’exsudats en temporo-supérieur de la macula ; les exsudats sont à distance de la fovéa.

B. angiographie rétinienne : les microanévrismes responsables de l’œdème sont repérés sur le temps artério-veineux et diffusent au temps tardif. ils

sont situés en dehors de la macula. c. Oct : cartographie maculaire : épaississement rétinien localisé, situé à l’intérieur de la couronne d’exsudats, mena-

çant la macula, mais ne l’atteignant pas ; coupe : quelques exsudats et une logette cystoïde, dans la rétine externe, en temporal de la macula. d. photo-

graphie couleur et cliché en autofluorescence : contrôle 4 mois après traitement par laser. l’acuité visuelle est stable. sur le cliché couleur, les exsudats

sont plus dispersés et fragmentés, en cours de résorption. les traces de laser sont bien visibles sur le cliché en autofluorescence : ils sont hypo et hyper-

autofluorescents. e. angiographie rétinienne : les cicatrices de laser sont bien visibles ; diffusion moindre au temps tardif. F. cartographie maculaire :

diminution de l’épaississement focal dans la zone traitée ; l’épaisseur maculaire centrale reste normale ; coupe : disparition de la logette cystoïde.

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par angiographie de manière au-tomatisée (Navilas®) semblent intéressants, mais le coût de ces lasers peut constituer un frein à son expansion. Enfin, les la-sers micropulse infraliminaires (diode 810  nm ou récemment 577  nm) semblent prometteurs, en délivrant des impacts d’inten-sité minimale invisibles, afin de diminuer la taille de la zone dévi-talisée créée par l’impact laser.

anti-Vegf Les anti-VEGF constituent un traitement de première intention de l’OMD (Fig. 1).

Seul le ranibizumab (Lucentis®) a actuellement l’AMM et le rem-boursement (depuis juillet 2012) dans le traitement de l’OMD. L’aflibercept (Eylea®) a obtenu ré-cemment l’AMM et est en attente de remboursement (obtention estimée courant 2015).

0 2

2

0

Étude de base Extension de l’étude (ranibizumab 0,5 mg PRN)

Évaluation de l’étude de base

+ 7,9 + 7,9

+ 8,0

+ 6,7

+ 6,0+ 6,7

+ 5,4

+ 7,1

+ 2,3

Avant ranibizumab 0,5 mg (n = 83)

Avant ranibizumab 0,5 mg

Avant ranibizumab 0,5 mg + laser

Nombre d’IVT

7,4

7,5

1re année

3,9

3,5

2e année

2,9

2,5

3e annéeG

ain

mo

yen

d’a

cuit

é vi

suel

le (e

n le

ttre

s)

Avant ranibizumab 0,5 mg + laser (n = 83)Avant laser 0,5 mg (n = 74)

Analyse intermédiaire Analyse intermédiaire/finde l’étude

Mois

2

4

6

8

10

12

4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36

Figure 5 – résultats de l’étude restOre-extension (trois ans). gain moyen d’acuité visuelle (en lettres) à m36 (trois ans) par rapport

à m0. différence non significative entre les groupes.

❚ ranibizumab• Données sur l’efficacité  : nous connaissons maintenant les résul-tats à trois  ans (RESTORE) voire cinq ans (DRCRnet, RISE et RIDE) des études prospectives et rando-misées évaluant le ranibizumab.

L’étude RESTORE (345  patients, étude de phase  III, durée un an, avec extension à trois  ans) (1) (Fig. 5), a comparé trois groupes de traitement pendant 1 an  : ranibi-zumab seul (injections mensuelles de 0,5  mg pendant 3  mois, puis PRN [Pro re nata] selon l’acuité visuelle)/laser seul/ranibizumab (même protocole) + laser, avec une extension de l’étude à 3 ans, tous les patients bénéficiant alors après la première année de l’étude du même traitement par ranibizumab PRN ± laser. À un an, les injections de rani-bizumab seules ou associées au la-ser (efficacité comparable) étaient plus efficaces que le laser seul. Le

gain moyen d’acuité visuelle s’est maintenu pendant les 2  ans d’ex-tension chez les patients traités initialement par ranibizumab, et s’est amélioré chez les patients trai-tés initialement par laser. Le gain moyen d’acuité visuelle et la proportion de patients gagnant plus de 10 ou 15 lettres à trois ans étaient comparables dans les 3 groupes ; en revanche, la proportion de patients perdant plus de 10 ou 15 lettres était plus importante dans le groupe laser initial. Le nombre d’injections in-travitréennes (IVT) a diminué la 2e et la 3e année.

L’étude DRCRnet (854 yeux, étude de phase  III, durée trois ans, avec extension à cinq ans) (2) (Fig. 6). Dans cette grande étude, les patients ont été répartis en 4  groupes initiale-ment (laser seul, ranibizumab puis laser réalisé dans les 7 jours, ranibi-zumab puis laser retardé d’au moins

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6 mois, triamcinolone puis laser réa-lisé dans les 7 jours). Les injections de ranibizumab étaient répétées tous les mois pendant les quatre premiers mois, puis un protocole de retraitement était ensuite proposé en fonction de l’évolution (acuité vi-suelle et OCT). À un et deux ans, les groupes ranibizumab + laser avaient une meilleure acuité visuelle que le groupe laser seul et que le groupe triamcinolone + laser, lequel était comparable au groupe laser seul. Les résultats dans les 2 groupes ranibizumab (avec laser immédiat ou différé) étaient comparables. Les groupes ranibizumab ont été suivis jusqu’à cinq ans. À cinq ans, les ré-sultats ont montré que le groupe ranibizumab + laser différé avait un résultat visuel compa-rable (voire plutôt meilleur) que le groupe ranibizumab + laser immédiat (toutefois, un nombre d’injections plus élevé a été réa-lisé dans le groupe laser différé par rapport au groupe laser im-médiat, ce qui peut constituer un biais). Les résultats visuels se sont globalement maintenus par rapport à M24, avec peu d’injec-tions supplémentaires au cours de la 5e année.

Les études RISE et RIDE (377 et 382  patients, études de phase  III, durée trois ans, avec extension à cinq ans) (3) (Fig. 7). Les patients ont été randomisés en 3 groupes  : pla-cebo (injections sham), ranibizu-mab 0,3  mg, ranibizumab 0,5  mg, avec des injections mensuelles pendant 3  ans. Un traitement par laser pouvait être réalisé après le 3e  mois. Après la 2e année, les pa-tients du groupe placebo pouvaient bénéficier d’injections mensuelles de ranibizumab 0,5  mg. Après la 3e année (phase d’extension), tous les patients ont été traités par des injections de ranibizumab 0,5  mg en régime PRN pendant 2  ans. On

0

1

52 104 156 208

Précoce

Visites de suiviRetardé

2600

2

3

4

5

6

7

8

52 semaines N = Précoce : 165/Retardé : 173104 semaines N = Précoce : 156/Retardé : 161156 semaines N = Précoce : 144/Retardé : 147208 semaines N = Précoce : 127/Retardé : 122260 semaines N = Précoce : 124/Retardé : 111

9

10

11

12

Gai

n m

oye

n d

’acu

ité

visu

elle

(en

lett

res)

Ranibizumab + laser précoce

Ranibizumab + laser retardé

Nombre d’IVT

8

9

1re année

2

3

2e année

1

2

3e année

0

1

4e année

0

0

5e année

Gain

d’A

V (

lett

res)

Phase contrôlée Sham remplacé par RANI 0,5 mg

mensuel

Phase d’extension (tous les patients reçoivent

du RANI 0,5 mg PRN)

0 6 12 18 24 30 36 60

0

2

4

6

12

16

18

+ 8,5

+ 15,1

+ 12,9

14

8

10

Mois

AAO 2014 – D'après Ip MS, subspeciality day ,4102.01.81 ,section XII, actualisé

RANI mensuel

RANI mensuel

RANI mensuel

Figure 6 – résultats de l’étude drcrnet-extension (cinq ans). gain moyen d’acuité

visuelle (en lettres) au cours des visites de suivi. différence non significative entre les

deux groupes.

Figure 7 – résultats des études rise et ride-extension (cinq ans). gain moyen d’acuité

visuelle (en lettres) au cours des visites de suivi. différence significative entre le

groupe sham croisé et les groupes ranibizumab (qui sont comparables entre eux).

note le maintien à 5 ans des gains d’acuité visuelle dans les groupes ranibizumab initial mensuel à 0,3 ou 0,5 mg, malgré le passage d’un régime mensuel à un régime PRN. Un traitement précoce par ranibizumab semble recomman-dé : un traitement retardé (après

2 ans) ne permet pas d’atteindre les mêmes résultats visuels (cf. résultats groupe sham versus ranibizumab).

Le tableau 3 présente les résultats comparatifs des 3 études précé-dentes.

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Prise en charge de l’œdème maculaire diabétique

Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2015 • vol. 9 • numéro 79 9

• Schéma et rythme de trai-tement du ranibizumab dans l’OMD  : les protocoles de traite-ment sont actuellement discutés. L’AMM du Lucentis® indiquait un traitement mensuel poursuivi jusqu’à ce que l’acuité visuelle (AV) maximale soit atteinte et stable (± 4 lettres ETDRS) lors de 3 visites consécutives. Puis le contrôle de l’AV était alors mensuel, et le traitement était repris mensuel-lement en cas de nouvelle baisse visuelle due à l’OMD jusqu’à ce que l’AV soit à nouveau stable lors de trois évaluations mensuelles consécutives. En revanche, en cas d’absence d’amélioration 1  mois après la 3e injection de Lucentis®, le traitement était arrêté (échec du traitement). L’AMM précisait éga-lement que le ranibizumab était à réserver aux patients ne pouvant bénéficier de traitement par laser (celui-ci restant le traitement de référence), c’est-à-dire en cas de forme diffuse ou de fuites proches du centre de la macula, et lorsque l’acuité visuelle était inférieure ou égale à 5/10.

Du fait de la contrainte liée au nombre important de visites lors d’un régime PRN, l’étude RETAIN a souhaité comparer l’efficacité et le nombre de trai-tements et de visites d’un régime PRN avec un régime de type Treat and Extent. Les patients ont été randomisés en 3 groupes : ranibizumab avec régime Treat and Extent + laser, ranibizumab avec régime Treat and Extent, ra-nibizumab PRN. Dans le schéma Treat and Extent, le traitement était mensuel jusqu’à stabili-sation de l’acuité visuelle, puis le patient entrait dans la phase Treat and Extent ; si l’acuité vi-suelle était stable, les injections étaient espacées sans dépasser un intervalle de trois mois. La pre-

mière phase de traitement était réinitiée en cas de baisse d’acuité visuelle de plus de 5 lettres. Les résultats ont été tout à fait comparables en termes d’acui-té visuelle et de réduction de l’épaisseur rétinienne dans les 3 groupes. En revanche, le schéma Treat and Extent per-mettait une réduction de 40 % du nombre moyen de visites sur 2  ans  : 12,8 et 12,5 ver-sus 20,5 avec le schéma PRN. Le nombre d’injections était comparable, quoiqu’avec une tendance plus élevée avec le schéma Treat and Extent : 12,4 et 12,8 avec le schéma Treat and Extent versus 10,7 avec le schéma PRN.

D’autres schémas sont en cours d’évaluation, par exemple dans l’étude Constellation. Un groupe de patients bénéficiera d’un traite-ment intensif de 6 injections men-suelles, puis d’une injection à M8 et M11, afin d’atteindre le nombre moyen d’injections observé dans les études DRCRnet la première année, c’est-à-dire 7. Un nombre d’injections suffisamment impor-tant la première année semble être en effet un facteur de meilleure amélioration visuelle. Les visites seront ensuite trimestrielles, et le traitement réalisé en cas de baisse d’acuité visuelle.

La figure 8 illustre l’exemple d’une patiente présentant un OMD trai-té par ranibizumab.

• Données sur la tolérance  : l’incidence des endophtalmies dans les études évaluant le rani-bizumab dans l’OMD est de 1,4 % par an, ce qui est comparable aux études évaluant le ranibizu-mab dans la DMLA. Un contrôle de la pression intraoculaire est recommandé en cas d’injections itératives de ranibizumab, une étude du DRCRnet suggérant qu’il puisse y avoir une relation entre l’élévation de la pression intrao-culaire et la répétition des injec-tions de ranibizumab.

L’injection d’un anti-VEGF a été incriminée dans la survenue de dé-collements de rétine tractionnels chez des patients présentant une RD proliférante avec des prolifé-rations fibreuses importantes. En ce qui concerne une potentielle ag-gravation de l’ischémie maculaire, les résultats des études sont par-fois un peu contradictoires, mais il n’existe vraisemblablement pas d’aggravation de l’ischémie macu-laire chez les patients présentant un OMD traité par ranibizumab.

Sur le plan général, il n’a pas été constaté d’augmentation des effets secondaires systémiques, notam-

tableau 3 – résultats comparatifs des 3 études précédentes.

Gain moyen d’AV (lettres)

Pourcentage de patients gagnant plus de 15 lettres

Nombre d’IVT

RESTORE (trois ans)(RZB seul/RZB + laser)

8/6,7 27,7/30,1 14,2/13,5 (sur trois ans)

DRCRnet (cinq ans)(RZB + laser précoce/ RZB + laser retardé)

8/10 27/38 11/15 (sur cinq ans)

RISE/RIDE (trois ans) (RZB 0,3-RZB 0,5)

10,6-11,4/14,2-11

36,8-40,2/51,2-41,6

28-30,4/29,8-28,5

(sur trois ans)

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10 Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2015 • vol. 9 • numéro 79

Mise au point

Figure 8 – patiente diabétique de type 2, âgée de 70 ans, présentant un Omd mixte de l’œil droit, avec des lésions proches du centre,

non accessibles par laser, et également des drusens maculaires. l’acuité visuelle est à 20/40. a et B. photographie couleur et angio-

graphie rétinienne à la fluorescéine. microanévrismes et microhémorragies maculaires, associés à des drusens. diffusion de fluores-

céine à partir des microanévrismes et des capillaires périfovéolaires, visualisation d’une logette cystoïde centrale. c. cartographie

maculaire et coupe horizontale en Oct. Œdème maculaire cystoïde. une 1re injection d’anti-VegF est réalisée. d. Oct, un mois après

la 1re injection d’anti-VegF. l’acuité visuelle est à 20/32. l’épaisseur maculaire a diminué. une 2e injection d’anti-VegF est réalisée.

e. Oct, un mois après la 2e injection d’anti-VegF. l’acuité visuelle est à 20/32. l’épaisseur rétinienne maculaire a diminué. une 3e

injection d’anti-VegF est réalisée. F. Oct, un mois après la 3e injection d’anti-VegF. l’acuité visuelle est à 20/32. l’épaisseur rétinienne

maculaire a diminué. l’acuité visuelle est stable à 3 reprises : arrêt des injections et surveillance mensuelle. g. Oct, 2 mois après la 4e

injection d’anti-VegF. l’acuité visuelle est à 20/25. l’épaisseur rétinienne maculaire a encore légèrement diminué. le profil fovéolaire

est normal, il persiste une petite logette cystoïde. Bonne évolution. surveillance mensuelle.

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Prise en charge de l’œdème maculaire diabétique

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ment des accidents thromboem-boliques chez les patients traités par ranibizumab pour un OMD, par rapport aux patients traités par la-ser. Néanmoins, étant donné le rôle du VEGF dans la revascularisation d’un tissu ischémique, on préfère-ra, dans la mesure du possible, une abstention thérapeutique ou bien un corticoïde dans les trois mois qui suivent un accident ischémique cardiaque ou vasculaire cérébral. L’utilisation des anti-VEGF pen-dant la grossesse n’a pas été étudiée. Ainsi, les patientes en âge de pro-créer devront bénéficier d’un test de grossesse avant le traitement et utiliser une contraception efficace pendant la durée du traitement.

L’étude LUMINOUS, étude ob-servationnelle, a permis une éva-luation “dans la vraie vie” de la sécurité d’utilisation et l’efficacité à long terme (cinq ans) du ranibi-zumab dans l’OMD. Les résultats sont tout à fait comparables avec ceux des études randomisées, no-tamment concernant la sécurité

d’utilisation chez ces patients avec plus de comorbidités que dans les études pivotales.

❚ afliberceptLes résultats des études VIVID et VISTA (4) (Fig. 9) évaluant l’afliber-cept dans l’OMD avec un recul de deux ans ont été communiqués. Il s’agit d’études de phase  3, rando-misées, évaluant 3 groupes  : afli-bercept en injections mensuelles (2Q4), aflibercept en injections toutes les 8 semaines après une dose de charge de 5 injections mensuelles (2Q8), laser. La supé-riorité de l’aflibercept par rapport au laser dans l’OMD reste confir-mée après 2  ans de traitement en termes de résultats visuels. On note une efficacité similaire dans les schémas 2Q4 et 2Q8. Il n’a pas été mis en évidence de différence entre les groupes en termes d’évé-nements indésirables graves.

Les résultats complets concernant l’étude Protocol T du DRCRnet comparant l’aflibercept, le béva-

cizumab et le ranibizumab dans l’OMD seront bientôt publiés.

❚ synthèseLorsque l’on regroupe les résultats des différentes études évaluant les anti-VEGF dans l’OMD, on met en évidence plusieurs éléments :• On note un plateau d’acuité visuelle à M12 assez stable au-tour de 70 lettres (20/40), dans les études évaluant le ranibizumab et l’aflibercept, assez peu influencé par le régime de traitement. L’es-sentiel du gain visuel est donc acquis au cours de la 1re année de traitement.• Il existe une forte corrélation négative entre l’acuité visuelle (AV) initiale du patient et le gain visuel : ainsi, quand l’AV initiale est basse, le gain visuel est plus élevé, et quand l’AV initiale est élevée, le gain visuel est moindre, aboutis-sant à ce plateau d’acuité visuelle aux alentours de 70 lettres.• En ce qui concerne le nombre d’injections, celui-ci diminue largement dès la 2e année.

AAO 2014 – D’après Do DV, subspeciality day ,4102.01.81 ,section XIII, actualisé

Variation moyenne de la MAVC au cours des 100 semaines de suivi (2 ans)

Proportion de patients dont le gain visuel est 15 lettres à 2 ans

0 8 16 24 32 40 48 56 64 72 80 88 96 104 0 2 4 6 8

10 12 14

0 2 4 6 8

10 12 14

Lettr

es E

TDR

S

0,2

10,*7

12,5*

1,2

10,5*

10,7*

9,4

11,4

0,7

11,4

11,1 0,9

AFL 2Q4 AFL 2Q8 Laser Semaines

* p < 0,0001 versus laser

* p < 0,0001 versus laser

VIVID

VISTA

0

20

40

60

0

20

40

60

Patie

nts

(%)

Patie

nts

(%)

9,1

32,4* 33,3*

VIVID

VISTA

7,8

41,6* 31,1*

* p < 0,0001 versus laser

Figure 9 – résultats des études ViVid et Vista (aflibercept, suivi de deux ans). gain moyen d’acuité visuelle (en lettres) au cours des

visites de suivi et proportion de patients gagnant plus de 15 lettres à deux ans. différence significative entre le groupe laser et les

groupes aflibercept (qui sont comparables entre eux).

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Mise au point

• Par rapport à des injections men-suelles, le schéma PRN semble aboutir à un même résultat visuel avec moins d’injections.

corticoïdes La triamcinolone a ouvert la voie à l’utilisation des corticoïdes dans le traitement de l’OMD. L’implant de dexaméthasone (Ozurdex®) vient d’obtenir l’AMM dans le traitement de l’OMD et son remboursement est en attente dans cette indication.

L’étude MEAD (5) (Fig. 10), débutée en 2004, est l’étude qui a permis d’aboutir à l’utilisation de l’im-plant de dexaméthasone (Ozur-dex®) dans l’OMD. Il s’agit d’une étude randomisée qui a comparé 2 doses d’implant de dexamétha-sone (350 µg et 700 µg) au placebo.

L’évaluation était faite tous les trois mois, avec une indication de retraitement uniquement après le 6e  mois suivant l’injection (ce qui était a posteriori un peu trop tard) si l’épaisseur maculaire cen-trale était supérieure à 175 µm. Les patients ayant recours à une thé-rapie de secours (notamment dans le bras placebo) étaient exclus. Les patients présentant une hyper-tonie non contrôlée n’étaient pas inclus dans l’étude. Les résultats à trois ans sont présentés figure 10. L’amélioration de l’acuité vi-suelle était significative à trois ans par rapport au groupe contrôle, même si la différence diminuait après le 15e  mois du fait de l’apparition/aggravation de la cataracte chez les patients phaques. L’amélioration de

l’acuité visuelle était maintenue sur le long terme chez les pa-tients pseudophaques. Chez les patients initialement phaques, le bénéfice du traitement par dexaméthasone est rétabli après chirurgie de la cataracte.

En ce qui concerne les effets se-condaires, 18,2 à 21,5  % des pa-tients traités par un implant de dexaméthasone étaient sous trai-tement hypotonisant à la visite finale à trois ans. L’augmentation de la pression intraoculaire était transitoire, maximale à 1,5  mois et revenait approximativement à son niveau basal à six mois, sans augmenter au cours des trois ans. Un peu plus de 50  % des patients ont présenté une cataracte à trois ans. Toutefois, la chirurgie de la

Mois

Gai

n m

oye

n d

’acu

ité

visu

elle

(e

n le

ttre

s)Étude MEAD (implant de

dexaméthasone)

Ozurdex MEAD Study Group*Ophthalmology 2014;:1e11 2014 by the American Academy of Ophthalmology.

Apparition/aggravation de la cataracte

chez les patients phaques

Pourcentage de patients présentant un gain 15 lettres à 3 ans

(différence significative)

Différence significative

vs sham

22,2*

DEX 700 (n = 351) DEX 350 (n = 347) Sham (n = 350)

18,4*

12,0

DEX 700

DEX 350

Nombre d’injections (en 3 ans)

4,1

4,7

Figure 10 – résultats de l’étude mead (implant de dexaméthasone, suivi de trois ans). gain moyen d’acuité visuelle (en lettres) au

cours des visites de suivi. différence significative entre le groupe placebo et les groupes implant de dexaméthasone (qui sont compa-

rables entre eux).

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Prise en charge de l’œdème maculaire diabétique

cataracte n’a pas été suivie d’ef-fets indésirables, semble-t-il, et a permis une amélioration visuelle significative.

L’étude FAME a évalué l’efficacité et la tolérance sur trois ans d’une in-jection unique d’un implant d’acé-tonide de fluocinolone (Iluvien®). Cette étude a montré une efficacité à trois ans (32,8 % des patients ga-gnant plus de 15 lettres versus 11,7 % dans le groupe contrôle) unique-ment chez les patients présentant un OMD chronique (durée d’évo-lution > 1,73 an). Quatre-vingts pour cent des patients phaques ont développé une cataracte, mais ont eu un bénéfice visuel à long terme après chirurgie. Un traitement de l’hypertonie oculaire a été prescrit chez 38,4 % des patients, et environ 5 % des patients ont bénéficié d’une chirurgie filtrante. Ce traitement se positionne comme un traitement de l’OMD de dernière intention et est l’objet de discussions complexes actuellement concernant son rem-boursement en France (AMM ob-tenue).

L’étude BEVORDEX a comparé de manière randomisée avec un recul d’un an le bévacizumab (injecté toutes les 4 semaines) à l’implant de dexaméthasone (injecté toutes les 16 semaines sauf si l’épaisseur centrale était normale ou l’acuité visuelle supé-rieure à 20/25). Le gain visuel était identique dans les deux groupes (pourcentage de patients avec une amélioration de plus de 10 lettres : 40  % vs 41  % avec la dexamétha-sone ; gain moyen de lettres : + 8,9 vs + 5,6 avec la dexaméthasone) ; toutefois 11 % des yeux ont perdu plus de 10 lettres avec la dexamé-thasone (principalement due à la cataracte), et aucun dans le groupe bévacizumab. Le nombre d’injec-tions était de 8,6 vs 2,7 avec la dexaméthasone. La diminution de l’épaisseur maculaire était quant à elle supérieure dans le groupe implant de dexaméthasone.

Les résultats de l’étude MAG-GIORE (étude randomisée : dexa-méthasone à M0, M5, M10 versus ranibizumab 3 injections men-

suelles puis PRN, évaluation à un an) seront bientôt communiqués.

nouVeaux traitementsDe nouvelles molécules ont été récemment évaluées : l’AKB-9778, un nouvel activateur de la Tie2, en injection sous-cutanée (étude TIME 1), et l’ALG-1001, une anti-intégrine, en injection intravi-tréenne (étude LUMINATE) avec des résultats intéressants.

cOnclusiOnLa prise en charge de l’OMD est précise, variée, en cours d’évolu-tion et d’évaluation (Fig. 1), et béné-ficiera très vraisemblablement en 2015 des remboursements de l’afli-bercept et de l’implant de dexamé-thasone, qui s’ajouteront à celui du ranibizumab. n

1. Schmidt-Erfurth U, Lang GE, Holz FG et al. ; RESTORE Extension Study Group. Three-year outcomes of individualized ranibizumab treatment in patients with diabetic macular edema: the RESTORE extension study. Oph-thalmology 2014 ;121 : 1045-53. 2. Elman MJ, Ayala A, Bressler NM et al.; Diabetic Retinopathy Clinical Research Network. Intravitreal Ranibizumab for Diabetic Macular Edema with Prompt versus Deferred Laser Treatment: 5-Year Randomized Trial Results. Ophthalmology 2014 Oct 28 [Epub ahead of print].3. Brown DM, Nguyen QD, Marcus DM et al. ; RIDE and RISE Research Group.

Long-term outcomes of ranibizumab therapy for diabetic macular edema: the 36-month results from two phase III trials: RISE and RIDE. Ophthalmo-logy 2013 ; 12 : 2013-22. 4. Korobelnik JF, Do DV, Schmidt-Erfurth U et al. Intravitreal aflibercept for diabetic macular edema. Ophthalmology 2014 ; 121 : 2247-54. 5. Boyer DS, Yoon YH, Belfort R Jr et al. ; Ozurdex MEAD Study Group. Three-year, randomized,sham-controlled trial of dexamethasone intravitreal implant in patients with diabetic macular edema. Ophthalmology 2014 ; 121 : 1904-14.

BiBliographie

mots-clés : aflibercept, implant de dexamétha-

sone, Œdème maculaire diabétique,

photocoagulation maculaire en grid,

ranibizumab, Vitrectomie

rendez-VOus de l’industrie

TraiTemenT de l’Omd

amm pour ilUVien® au Portugal

les autorités (Infarmed) viennent d’attribuer l’AMM à

ILUVIEN® au Portugal. ILUVIEN® est donc disponible et

pris en charge par l’assurance maladie portugaise.

« L’arrivée d’ILUVIEN® au Portugal est un changement impor-

tant pour de nombreux patients encore en échec thérapeu-

tique » selon le Professeur CUNHA-VAZ de l’Université de

Coimbra. « Ils pourront retrouver des activités quotidiennes

qu’ils avaient dû abandonner du fait de leur OMD comme

conduire ou regarder la télévision. »

En France, ILUVIEN® a reçu de la HAS un avis favorable pour

son remboursement dans le traitement de l’OMD chronique

insuffisamment répondeur aux traitements disponibles. ILU-

VIEN® sera éligible à un remboursement à 100 % chez les dia-

bétiques. Alimera Sciences est en discussion avec le Comité

économique des Produits de santé pour fixer son prix et per-

mettre un lancement en France. ILUVIEN® dispose de l’AMM

dans 14 pays européens. Il est déjà disponible en Allemagne,

au Royaume-Uni et aux États-Unis. n

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