Prévention et traitement des difficultés des entreprises - 7 mars 2013

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Prévention et traitement des difficultés des entreprises Position de la CCI Paris Ile-de-France Rapport de Monsieur Patrice PUYPEROUX 7 mars 2013

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Prévention et traitement des difficultés des entreprises

Position de la CCI Paris Ile-de-France

Rapport de Monsieur Patrice PUYPEROUX 7 mars 2013

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Prévention et traitement des difficultés des entreprises

Propositions de réforme de la CCI Paris Ile-de-France

Rapport présenté par Monsieur Patrice PUYPEROUX, au nom de la Commission du droit de l’entreprise et adopté par l’Assemblée générale du 7 mars 2013

Avec la collaboration de Madame Claudine ALEXANDRE-CASELLI de l’Observatoire Consulaire des Entreprises en Difficultés et de Monsieur Vincent MALASSIGNÉ du Département de droit civil et commercial, à la Direction générale adjointe chargée des études et de la mission consultative

Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France

27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

http://www.etudes.cci-paris-idf.fr Registre de transparence de l’Union européenne

N° 93699614732-82

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SOMMAIRE

PARTIE 1 LA PREVENTION DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES 6

1. EFFICACITE DE LA PREVENTION 7

1.1. ÉTAT DES LIEUX 7 1.2. PROPOSITIONS D’AMELIORATION 7

2. CHAMP DE LA PREVENTION 14

2.1. OBSERVATIONS PREALABLES 14 2.2. CRITERE DE LA CESSATION DES PAIEMENTS 15

3. CONFIDENTIALITE ET PREVENTION 15

3.1. UNE CONFIDENTIALITE NECESSAIRE 15 3.2. CONFIDENTIALITE ET INFORMATION DES SALARIES 16 3.3. CONFIDENTIALITE ET INTERVENTION DE L’AGS AU STADE DE LA PREVENTION 16

4. COUT DE LA PREVENTION 17 5. CONTROLE DE LA PREVENTION 17

PARTIE 2 LES ACTEURS DE LA PROCEDURE 18

1. NECESSITE DE L’INTERVENTION D’UN JUGE, MEME EN CAS D’INSUFFISANCE NOTOIRE D’ACTIFS 19 2. LE JUGE COMMISSAIRE 19

2.1. STATUT DU JUGE COMMISSAIRE 19 2.2. PROCEDURE DE VERIFICATION DES CREANCES 19

3. PARTICIPATION DES CREANCIERS A LA PROCEDURE 19

PARTIE 3 LA PROCEDURE DE SAUVEGARDE ET LA SAUVEGARDE FINANCIERE ACCELEREE 20

1. LA PROCEDURE DE SAUVEGARDE 21

1.1. DES CONTRAINTES INADAPTEES 21 1.2. DES DISPOSITIFS SUBSTANTIELS A REVOIR 22

2. LA PROCEDURE DE SAUVEGARDE FINANCIERE ACCELEREE 24

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PARTIE 4 LA PROCEDURE APPLICABLE AUX PETITES ENTREPRISES 25

1. DISPOSITIONS SPECIFIQUES REGISSANT LES PROCEDURES TENDANT A L’ADOPTION D’UN PLAN DE REDRESSEMENT, DE SAUVEGARDE OU DE CESSION DE PETITES ENTREPRISES 26

2. LES PROCEDURES IMMEDIATEMENT LIQUIDATIVES 26

2.1. OBSERVATIONS PREALABLES 27 2.2. INSTITUER UNE PROCEDURE DE LIQUIDATION JUDICIAIRE « ULTRA SIMPLIFIEE » 27

PARTIE 5 SANCTIONS 29

AMENAGER LES SANCTIONS APPLICABLES EN MATIERE DE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES 30

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INTRODUCTION

Le livre VI du Code de commerce, qui régit le traitement des difficultés de l’ensemble des entreprises françaises1, se trouve aux confluents du droit substantiel, du droit processuel, de l’économie et de la finance. Ce texte a par conséquent vocation à constamment évoluer, afin d’être le plus adapté possible à la situation des acteurs économiques. C’est dans ce cadre que le gouvernement semble s’engager vers une nouvelle réforme. Le contexte de crise financière et économique que traverse la France depuis maintenant cinq années a déjà conduit à réformer la loi n° 2005-845 de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, à quatre reprises. Tout d’abord, l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 et son décret d’application n° 2009-160 du 12 février 2009, sont venus corriger certaines lacunes d’origine de la loi de sauvegarde. A ce titre, le volet prévention a été amélioré : le régime de la procédure de conciliation a été clarifié et la nouvelle procédure de sauvegarde rendue plus attractive. Quant au volet liquidatif, le régime simplifié de la liquidation judiciaire institué par la loi de sauvegarde, alors facultatif, est devenu obligatoire pour les entreprises ayant très peu ou pas de salariés et un faible chiffre d’affaires. Ensuite, la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 a créé un nouvel instrument pour traiter, au stade de la prévention, les difficultés d’ordre purement financier d’une entreprise, en instituant une variante de la procédure de sauvegarde : la sauvegarde financière accélérée (SFA)2. Par ailleurs, la création de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, qui a permis aux entrepreneurs personnes physiques de distinguer clairement ce qui relève de leur patrimoine professionnel et de leur patrimoine personnel, a nécessité une adaptation du livre VI du Code de commerce. Enfin, la loi « Warsmann » n° 2012-387 de simplification du droit du 22 mars 2012, a assoupli les conditions d’ouverture de la SFA. Malgré ces réformes, la succession des plans sociaux, les problèmes de financement des entreprises et, plus généralement, la conjoncture actuelle, obligent à améliorer encore davantage les différents dispositifs figurant dans le livre VI du Code de commerce. Il est en effet indispensable d’offrir à l’ensemble des parties prenantes – chefs d’entreprises, salariés, juges consulaires, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, commissaires aux comptes – les outils adéquats pour éviter, autant que faire se peut, la défaillance d’entreprises et pour préserver les emplois. Pour cela, il convient d’intervenir le plus en amont possible des difficultés et c’est pourquoi le présent rapport insiste tout particulièrement sur le volet prévention. Le rebond des entrepreneurs exploitant des entreprises qui ne peuvent plus être sauvées, ne doit pas non plus être oublié ; il s’agit d’un autre versant du traitement des difficultés. C’est d’ailleurs la voie qu’entend privilégier la Commission européenne à l’avenir3, et l’on ne peut que se féliciter de cette nouvelle orientation. La France a déjà emprunté ce chemin depuis des années. Parallèlement, il serait opportun d’instituer une nouvelle forme de traitement des entreprises impécunieuses de très petite taille (celles-ci correspondant à une part non négligeable des liquidations judiciaires), en privilégiant un traitement très rapide de la situation.

1 Pour mémoire, les dispositions du livre VI du Code de commerce s’appliquent aux commerçants, aux artisans, aux agriculteurs (à l’exception de la procédure de conciliation, le Code rural prévoyant une procédure particulière de règlement amiable agricole depuis la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988, codifiée aux articles L. 351-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime), à l’ensemble des personnes morales de droit privé et aux professions libérales. 2 On rappellera que le législateur est intervenu à la suite des difficultés rencontrées à l’occasion de la procédure de sauvegarde ouverte à l’égard de la société Thomson-Technicolor. 3 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen : Nouvelle approche européenne en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises, 12 décembre 2012, p. 5 et s.

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La CCI Paris Ile-de-France a toujours été vigilante et force de propositions afin de remédier le plus efficacement possible aux difficultés des entreprises4. Dans ce cadre, avant même que la Chancellerie ne procède à une consultation le 19 décembre dernier, un groupe de travail a été mis en place sous l’égide de son Observatoire consulaire des entreprises en difficultés, dont le principal objet était d’améliorer la prévention5. Ce rapport entend formuler des préconisations concrètes, autour de cinq axes : la prévention ; les acteurs de la procédure ; la sauvegarde ; quelle(s) procédure(s) pour les petites entreprises et les sanctions.

4 Cf. notamment : Rapport J. Frantz, Pour la suppression du privilège des créanciers fiscaux et sociaux, CCIP, 4 octobre 2012 ; Rapport D. Kling, Sauvegarde des entreprises : projet d'ordonnance portant diverses dispositions en faveur des entreprises en difficultés – Observations de la CCIP –, 22 mai 2008 ; Rapport D. Kling, Pistes pour l’évolution des textes relatifs à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises – Premières pistes de réforme proposées par la CCIP –, 11 octobre 2007 ; Rapport J. Courtière, Réforme des textes sur la prévention et le traitement des difficultés des entreprises – Observations de la CCIP sur l'avant-projet de loi de « sauvegarde des entreprises » –, 13 novembre 2003. 5 Les développements qui suivent sont le fruit d’échanges menés au sein d’un groupe d’experts sur la question de la prévention des difficultés, mis en place par l’Observatoire Consulaire des Entreprises en Difficultés (OCED), centre d’observation et de recherches de la Chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France ; et composé de :

Didier Kling, Vice-président de la CCI Paris Ile-de-France et Président de l’OCED ; Yves Lelièvre, Président du Tribunal de commerce de Nanterre ; Henri Chriqui, Administrateur judiciaire ; Stéphane Cohen, Vice-président de l’Ordre des experts-comptables région Paris Ile-de-France ; Dominique Lévêque, Commissaire aux comptes ; Alain Lienhard, Rédacteur en chef du Recueil Dalloz ; Sabine Rolland, Directeur du Service juridique – Compagnie nationale des commissaires aux comptes ; Françoise Spiri, Commissaire aux comptes ; Philippe Stempert, Directeur Etude-projets-Développements, Ordre des experts comptables région Paris Ile-de-France.

Et, pour la Chambre de commerce et d’industrie de Région Paris Ile-de-France, Anne Outin-Adam, Directeur des politiques législatives et juridiques et Déléguée de l’OCED ; Claudine Alexandre-Caselli, Responsable de l’OCED. On précisera que le présent document peut, sur certains points, différer des préconisations de ces experts.

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PARTIE 1

La prévention des difficultés des entreprises

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Rappel : Les articles L.611-1 à L.611-15 du code de commerce prévoient trois types de dispositions à caractère préventif : la convocation du dirigeant par le président du tribunal de commerce, la désignation d’un mandataire ad hoc et l’ouverture d’une conciliation. Selon l’article L.620-1 du code de commerce, une procédure de sauvegarde peut, par ailleurs, être ouverte sur demande d’un débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. 1. Efficacité de la prévention 1.1. État des lieux En préalable, on peut indiquer, selon les données publiées par la Conférence générale des juges consulaires de France, que les dispositifs de prévention des difficultés des entreprises – entretiens réalisés par les présidents des tribunaux de commerce, procédures amiables et sauvegardes – ont représenté de 25 à 30 % de l’ensemble des procédures mises en œuvre en 2011 en vue de gérer les difficultés des entreprises6. Les procédures amiables ont montré leur efficacité et leur existence est maintenant largement connue, si l’on se réfère au nombre croissant de demandes et de nominations de mandataires ad hoc et de conciliateurs. La prévention-détection est, elle aussi, mieux connue. Les retours de la pratique sont d’ailleurs très positifs. • D’une part, les mandats ad hoc et les procédures de conciliation aboutiraient à l’adoption d’un accord dans

2 cas sur 3 environ, ce qui est la première mesure de la réussite de ces dispositifs. • D’autre part, l’exercice de l’alerte par le président du tribunal de commerce est très rarement suivi de

l’ouverture d’une procédure amiable ou collective. Il apparaît ainsi que le simple fait de convoquer un chef d’entreprise provoque l’« électrochoc » nécessaire pour l’alerter sur les difficultés de son entreprise et l’inciter à prendre des mesures concrètes pour y remédier.

1.2. Propositions d’amélioration 1.1.1 Mesures d’ordre général

Evaluer dans le temps l’efficacité des mesures de traitement amiable des difficultés

A ce jour, aucun suivi statistique n’est réalisé pour savoir si les mesures de traitement amiable retenues dans le cadre d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation ont assuré la pérennité de l’entreprise. La mise en place d’un observatoire permettrait d’analyser précisément l’efficacité des dispositifs de prévention : il s’agirait de procéder, à l’image de ce qui se pratique en matière de création d’entreprises, à un suivi dans le temps de celles qui ont fait l’objet d’une mesure de prévention (« suivi de cohortes »)7. Ce suivi pourrait être confié à un organisme en mesure d’assurer la confidentialité des données et le secret statistique.

6 V. Conférence générale des juges consulaires de France, Statistiques 2011, mai 2012 : 1109 nominations de mandataires ad hoc, 854 ouvertures de conciliation, 1130 ouvertures de sauvegardes, plus de 20 000 entretiens réalisés par les présidents des tribunaux de commerce, soit au total plus de 23 000 initiatives. 7 Un tel observatoire pourrait être mis en place notamment en Ile-de-France et quelques autres grands Tribunaux de commerce.

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PROPOSITION Mettre en place, dans quelques grands tribunaux, un observatoire en charge d’assurer le suivi des entreprises ayant fait l’objet d’une mesure de traitement amiable, tout en préservant l’anonymat.

Renforcer la détection des difficultés

Le président du tribunal de commerce doit disposer de différentes données actualisées afin de pouvoir procéder à une détection efficace des difficultés des entreprises et, surtout, qui intervienne suffisamment en amont. Afin de renforcer le dispositif de détection, il faut, sans remettre en question notre dispositif d’entretiens des présidents des tribunaux de commerce, s’interroger davantage sur le modèle belge8 qui institue, dans les tribunaux de commerce, des cellules de prévention dotées de moyens conséquents afin de procéder à une veille systématique des premières difficultés des entreprises9.

PROPOSITION Donner de véritables moyens aux tribunaux de commerce pour mener à bien la détection des difficultés.

Préserver la souplesse du mandat ad hoc

Le mandat ad hoc a fait ses preuves, notamment en raison de sa souplesse.

PROPOSITION Maintenir le régime actuel du mandat ad hoc10.

1.2.2. Mesures techniques

Améliorer l’information du président du tribunal de commerce lors de la requête aux fins de

désignation d’un mandataire ad hoc ou d’ouverture d’une procédure de conciliation

⇒ Le droit positif

L’article R. 611-22 du Code de commerce, qui énumère les pièces devant être produites par le chef d’entreprise lors d’une requête en ouverture d’une procédure de conciliation, prévoit déjà les documents comptables et financiers. En revanche, aucune référence n’est faite à des documents prévisionnels. Quant à la demande de désignation d’un mandataire ad hoc, l’article R. 611-18 du Code de commerce demeure silencieux sur les documents à fournir. Or, pour que le président du tribunal de commerce soit suffisamment éclairé lors d’une demande de nomination d’un mandataire ad hoc aussi bien que d’un conciliateur, il devrait pouvoir disposer de documents comptables et financiers et incluant des éléments prévisionnels11.

8 Cf. les Chambres commerciales d’enquêtes consacrées par la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire, désormais régies par la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises. 9 Le dispositif belge repose, d’une part, sur un traitement automatique de données élargies et dont la communication intervient périodiquement dans des délais relativement brefs (cf. les articles 8, 9, 10 et 11 de la loi belge du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises) et, d’autre part, sur des pouvoirs d’enquêtes étendus des magistrats de la chambre d’enquête commerciale (cf. l’article 12 de la loi belge du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises) ; mesures qui supposent des moyens. 10 Rapport D. Kling, Projet d’ordonnance portant diverses dispositions en faveur du droit des entreprises en difficulté – Observations de la CCIP –, 22 mai 2008. 11 Afin de répondre à cette demande, le Conseil supérieur de l’Ordre des experts comptables envisage de mettre en ligne un rapport type.

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PROPOSITIONS Prévoir la possibilité, pour le président du tribunal de commerce, de disposer, lors de la requête aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc ou d’ouverture d’une procédure de conciliation, de documents comptables et financiers, y compris de nature prévisionnelle, établis par un professionnel. Cela appellerait les modifications suivantes. 1 – S’agissant du régime de la procédure de conciliation ; ajouter un 6° à l’article R. 611-22 du Code de commerce qui énoncerait « des documents comptables et financiers prévisionnels ». L’article R. 611-22 du Code de commerce serait ainsi rédigé : « La requête aux fins d'ouverture d'une procédure de conciliation adressée ou remise au président du tribunal en application de l'article L. 611-6 est accompagnée, sous réserve des dispositions particulières applicables au débiteur, des pièces suivantes : 1° Un extrait d'immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l'article R. 621-8 ou, le cas échéant, le numéro unique d'identification ; 2° L'état des créances et des dettes accompagné d'un échéancier ainsi que la liste des principaux créanciers ; 3° L'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ; 4° Les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l'actif réalisable et disponible, valeurs d'exploitation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis ; 5° Une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande. 6° Des documents comptables et financiers prévisionnels. Le cas échéant, la requête précise la date de cessation des paiements. Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, elle précise l'ordre professionnel ou l'autorité dont il relève. Lorsque le débiteur propose un conciliateur à la désignation du président du tribunal, il précise son identité et son adresse. ». 2 – S’agissant du régime du mandat ad hoc ; ajouter un alinéa 2 bis à l’article R. 611-18 du Code de commerce qui procèderait à un renvoi exprès aux documents de l’article R. 611-22 du même code, pour étendre à la requête en désignation d’un mandat ad hoc, la liste des documents requis dans le cadre de la conciliation. Il convient toutefois d’exclure l’« attestation sur l'honneur certifiant l'absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande » et l’indication de la date de cessation des paiements, qui n’ont pas d’objet pour un mandat ad hoc. L’article R. 611-18 du Code de commerce serait ainsi rédigé : « La demande de désignation d'un mandataire ad hoc prévue à l'article L. 611-3 est présentée par écrit. Elle est adressée ou remise au président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance selon le cas par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique et déposée au greffe. Les documents énoncés à l’article R. 611-22 doivent y être joints, à l’exception de celui énoncé au 5°. Cette demande expose les raisons qui la motivent. Lorsque le débiteur propose un mandataire ad hoc à la désignation du président du tribunal, il précise son identité et son adresse. »

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Encadrer les clauses de résiliation de prêt, en cas de recours au mandat ad hoc ou à une procédure de conciliation

Certaines clauses stipulées dans des contrats de prêt prévoient l’obligation pour le chef d’entreprise d’informer l’établissement financier de l’ouverture d’une procédure amiable. Il s’ensuit parfois, soit la résiliation du prêt, soit une augmentation du taux, soit, enfin, une rupture dans la confidentialité de la procédure, situations particulièrement dommageables pour l’entreprise.

PROPOSITION Réputer non écrites les clauses qui offrent la possibilité à un établissement de crédit de résilier unilatéralement le prêt ou une ouverture de crédit en cas d’ouverture d’une procédure amiable, en s’inspirant de l’article L. 622-13, I, du Code de commerce, qui répute non écrites les clauses de résolution ou de résiliation des contrats en cours du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Insérer un nouvel article L. 611-16 du Code de commerce rédigé comme suit : « Toute clause contractuelle prévoyant la résiliation ou la résolution d'un contrat de prêt ou d’une ouverture de crédit consentis par un professionnel, au seul motif qu’un mandataire ad hoc aurait été désigné ou qu’une procédure de conciliation aurait été ouverte, est réputée non écrite ».

Aménager l’application de l’article 1244-1 du Code civil dans le cadre de la conciliation

L’article 1244-1 est utilisé en conciliation comme une « arme » à l’encontre des créanciers récalcitrants. Cela étant, le délai de 24 mois apparaît insuffisant dans le cadre du traitement amiable des difficultés d’une entreprise. Selon les professionnels, un délai de 36 mois (en tant que maximum, bien entendu) serait nécessaire, permettant ainsi d’aligner ce délai sur celui des moratoires mis en place par les CCSF. Par ailleurs et parallèlement, il existe une incertitude quant à la possibilité pour le président du tribunal d’imposer un tel délai aux créanciers publics. L’article L. 611-7 du Code de commerce renvoie en effet purement et simplement au droit commun ; or l’article 1244-1 du Code civil n’est applicable qu’aux créanciers privés. Certes, un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 16 juin 199812 était venu préciser que l’article 1244-1 s’appliquait aux créanciers publics dans le cadre particulier d’un règlement amiable, mais cette solution avait été rendue sur le fondement de l’ancien article L. 611-4 VIII du Code de commerce. Or, la rédaction de cette disposition était beaucoup plus claire que l’actuel alinéa 5 de l’article L. 611-7 du Code de commerce, puisqu’il était précisé que le président du tribunal pouvait « accorder au débiteur les délais de paiement prévus à l'article 1244-1 du code civil pour les créances non incluses dans l'accord ». On peut donc douter du maintien de la solution rendue par la Cour de cassation sous l’empire de la loi ancienne alors que cette faculté apparaît indispensable.

PROPOSITIONS 1 – Plutôt que de modifier le Code civil, qui est le droit commun, il paraît préférable de modifier le 5ème alinéa de l’article L. 611-7 du Code de commerce, en précisant que le délai de grâce pourrait être porté à 36 mois.

12 Cass. com. 16 juin 1998, Bull. civ. IV, n° 193: « Attendu, selon ce texte, que quand un débiteur fait l'objet d'une procédure de règlement amiable et qu'un accord est conclu avec les principaux créanciers, le président du tribunal peut accorder au débiteur les délais de paiement prévus à l'article 1244-1 du Code civil pour les créances non incluses dans l'accord ; que ce texte spécial, dont le domaine couvre sans distinction toutes les créances non incluses dans l'accord, déroge à la loi générale qui exclut l'octroi de délai de grâce pour certaines créances, notamment fiscales ».

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2 – Prévoir expressément que les délais de grâce s’appliquent aussi bien aux créanciers privés que publics dans le cadre d’une conciliation. Le 5ème alinéa de l’article L. 611-7 du Code de commerce serait ainsi rédigé : « Si, au cours de la procédure, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier, public ou privé, le juge qui a ouvert cette procédure peut, à la demande du débiteur et après avoir été éclairé par le conciliateur, faire application des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil, le délai de grâce pouvant être porté jusqu’à trente-six mois. ».

Mieux coordonner les négociations entre les créanciers privés et les créanciers publics au stade de la prévention

En région parisienne, les conciliateurs mènent de manière parallèle et coordonnée les négociations avec, d’une part, les créanciers privés et, d’autre part, la CCSF13. En province, cette pratique ne semble pas être généralisée.

PROPOSITION Instituer une passerelle systématique entre la procédure de conciliation et la CCSF sur l’ensemble du territoire pour aboutir à une négociation plus efficace.

Étendre à la conciliation homologuée l’annulation automatique des pénalités, majorations de retard et

frais de poursuites prévue à l’article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale

L’article L. 243-5, alinéa 7, du Code de la Sécurité sociale prévoit qu’« en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d’ouverture, sont remis », excluant ainsi la conciliation. La possibilité pour les créanciers publics d’accorder des remises de dettes prévue à l’article L. 626-6 du Code de commerce ayant été étendue à la procédure de conciliation dans les mêmes termes que ceux applicables à la procédure de sauvegarde, il paraît logique d’élargir le champ d’application de l’article L. 243-5, alinéa 7, du Code de la Sécurité sociale à cette même procédure de conciliation. Au demeurant, cette mesure avait déjà été suggérée dans le rapport de D. Kling de mai 200814. Néanmoins, pareille annulation ne doit intervenir qu’en cas de constatation ou d’homologation d’un accord et ne pas résulter de la seule ouverture de la procédure de conciliation. A défaut, il suffirait pour un débiteur peu scrupuleux de demander l’ouverture d’une conciliation pour en bénéficier, sans rechercher la conclusion d’un accord. De surcroît, l’exigence de constatation du président du tribunal ou de l’homologation par le tribunal permet d’encadrer par le contrôle judiciaire le jeu de l’annulation automatique des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites. Par ailleurs et concomitamment, il faudrait revoir la rédaction du texte en introduisant le mot « annulés », afin d’écarter les ambiguïtés actuelles qui peuvent conduire à considérer la « remise » des sanctions, comme devant être comptabilisée dans la mise en œuvre du dispositif de l’article L. 626-6 du Code de commerce. Le texte devrait également être complété de manière à éviter que les majorations de retard, calculées au moment du jugement d’homologation, continuent à courir jusqu’à apurement du passif.

13 Sur la base des articles D. 626-12 et D. 626-14 du Code de commerce ainsi que du décret n° 2007-686 du 4 mai 2007. 14 Rapport D. Kling, Projet d’ordonnance portant diverses dispositions en faveur du droit des entreprises en difficulté - observations de la CCIP -, 22 mai 2008.

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PROPOSITIONS 1 – Modifier l’alinéa 7 de l’article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale, qui serait rédigé comme suit : « En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d’ouverture sont annulés et le cours des sanctions précitées est arrêté, sauf si le passif déclaré résulte en tout ou partie du constat de l'infraction mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail. » 2 – Ajouter un alinéa 7 bis à l’article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale ainsi rédigé : « Dans l’hypothèse d’une procédure de conciliation ayant fait l’objet d’un accord homologué, les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables ».

Aménager les règles d’inscription du privilège des créanciers publics pour prendre en considération les moratoires conclus avec le Trésor public et/ou l’URSSAF

Dans le rapport Frantz du 4 octobre 201215, différentes difficultés majeures ont été soulevées s’agissant du privilège des créanciers publics, notamment concernant leur inscription. Sont ici reprises les propositions d’aménagement en lien avec les mesures de prévention des difficultés.

Interdire l’inscription du privilège après l’adoption d’un plan d’apurement échelonné de la dette

L’absence d’inscription du privilège n’est qu’une faculté pour le Trésor public et l’URSSAF en présence d’un plan d’apurement échelonné de la dette, alors même que l’entreprise respecte l’échéancier pour les montants négociés.

PROPOSITION Modifier l’alinéa 2 de l’article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale en prévoyant expressément l’interdiction, pour le Trésor public et l’URSSAF, d’inscrire leur privilège dès l’instant où un plan d’apurement échelonné de la dette est négocié, afin de préserver la confidentialité des difficultés de l’entreprise concernée. L’article L. 243-5, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale serait rédigé comme suit : « Toutefois l'organisme créancier ne peut inscrire ces créances lorsque le débiteur principal respecte un plan d'apurement échelonné de sa dette. Dès que le plan est dénoncé, l'organisme créancier doit procéder à l'inscription dans un délai de 2 mois. ».

Supprimer l’inscription du privilège après l’adoption d’un plan d’apurement échelonné de la dette

En cas de non-paiement des dettes fiscales et/ou sociales de l’entreprise pendant plusieurs mois, le Trésor public et l’URSSAF sont tenus de prendre une inscription pour préserver à l’avenir leur privilège. Surtout, ils ne peuvent revenir sur une telle inscription alors qu’un plan d’apurement échelonné a finalement été négocié avec l’entreprise débitrice.

PROPOSITIONS Énoncer l’obligation pour le Trésor public et l’URSSAF de supprimer l’inscription du privilège, dès lors que celle-ci serait intervenue avant la conclusion d’un plan d’apurement de la dette. 1 – D’où la modification proposée de l’article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale, dans lequel serait inséré un alinéa 2 bis : « Si l'inscription est déjà intervenue avant la conclusion d’un plan d’apurement, l'organisme créancier doit procéder à la radiation de cette inscription. Dès que le plan est dénoncé, l’organisme créancier doit procéder à l’inscription dans un délai de deux mois. »

15 Rapport J. Frantz, 4 octobre 2012, « Pour la suppression des privilèges des créanciers fiscaux et sociaux ».

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2 – Pour l’article 1929 quater 4. du CGI, il faudrait insérer un alinéa 3 rédigé de manière identique que précédemment. A tout le moins, si l’inscription devait être maintenue, il conviendrait de rendre systématique une mention complémentaire indiquant qu’un accord, en cours d’exécution, a été conclu.

Faire entrer la procédure de conciliation dans le champ d’application du Règlement européen

1346/2000 « insolvabilité » dont la révision est en cours

Le Règlement européen 1346/2000 a pour objet d’assurer le traitement des difficultés des entreprises situées à titre principal dans un pays membre, mais dont les activités s’étendent dans l’Union européenne, au-delà des frontières de ce seul pays d’origine. L’élément majeur de ce texte repose sur le principe de reconnaissance mutuelle d’une procédure ouverte par une juridiction de l’un des Etats membres par les juridictions de l’ensemble des autres Etats. Concrètement, lorsqu’une juridiction compétente d’un Etat ouvre une procédure, à titre principal, à l’égard d’un débiteur, les juridictions des autres membres de l’Union, ne peuvent plus ouvrir une procédure principale à son égard. Or, en application de son article 46, l’heure de la révision de ce Règlement est venue et la Commission européenne vient de soumettre une proposition à cette fin le 12 décembre 2012. L’un des principaux axes de cette réforme serait de faire entrer dans le champ d’application de ce texte les procédures de pré-insolvabilité – suivant en cela l’une des préconisations de la CCID Paris16 –, ce qui correspond en France aux procédures de conciliation et de sauvegarde. Néanmoins, les critères retenus par la Commission empêchent de faire entrer, en l’état de notre législation nationale, la procédure de conciliation dans le champ du futur Règlement révisé. L’exposé des motifs de la proposition de révision de la Commission précise en effet, sans qu’il y ait lieu de le contester, que seules les procédures rendues publiques sont susceptibles d’entrer dans le champ du Règlement, qu’elles l’aient été dès l’origine ou qu’elles le soient devenues en cours de procédure17. Or, la procédure de conciliation française ne l’est qu’à compter de son homologation, moment qui apparaît trop tardif en pratique du point de vue de l’application du Règlement européen. Concrètement, tant que l’homologation n’aura pas été prononcée, alors même qu’un accord aurait déjà été conclu, les juridictions d’un autre État membre pourront toujours ouvrir une procédure principale à l’égard du même débiteur. On se doit donc d’être pragmatique : afin de préserver l’option actuelle entre la confidentialité et la publicité de la conciliation, tout en permettant son articulation avec le champ d’application révisé du Règlement 1346/2000, il conviendrait de prévoir la faculté pour le débiteur, lorsqu’il le juge nécessaire, de demander la publicité de la procédure de conciliation en amont de l’homologation.

16 V. Rapport A. d’Hautefeuille, Le droit européen de l’insolvabilité – Proposition de réforme du règlement 1346/2000 du 29 mai 2000 –, 11 octobre 2012. 17 Le point 3.1.1. de l’exposé des motifs de la proposition de révision du Règlement insolvabilité du 12 décembre 2012 énonce que « Si l’élargissement du champ d’application du règlement est important pour garantir l’efficacité des procédures de pré-insolvabilité et des procédures hybrides dans un contexte transfrontière, il ne s'agit pas pour autant d'y englober les procédures d’insolvabilité qui sont confidentielles. Il existe en effet un certain nombre de procédures nationales de pré-insolvabilité dans le cadre desquelles le débiteur entame des négociations avec (certains) créanciers en vue de parvenir à un accord sur son refinancement ou sa réorganisation, sans que ces informations soient rendues publiques. Ces procédures peuvent comporter un moratoire concernant des procédures individuelles d'exécution ou empêcher des créanciers de demander l’ouverture de procédures d’insolvabilité pendant un certain temps, de façon à accorder un «ballon d’oxygène» au débiteur. Bien que ces procédures puissent jouer un rôle important dans certains États membres, il serait toutefois difficile, en raison de leur nature contractuelle et confidentielle, de reconnaître leurs effets à l’échelle de l’UE, une juridiction ou un créancier situé dans un autre État membre ne sachant pas nécessairement que de telles procédures sont en cours. Néanmoins, cela n’empêche pas que de telles procédures relèvent du champ d’application du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité, dès lors qu'elles deviennent publiques. ».

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PROPOSITION Prévoir la faculté, pour le débiteur, de demander au tribunal la publicité de la procédure de conciliation dès son ouverture.

Pallier l’inconstitutionnalité de la saisine d’office du tribunal en vue de l’ouverture d’une procédure

Une nouvelle problématique est née de la récente décision du Conseil constitutionnel n° 2012-286 QPC, du 7 décembre 2012, qui a déclaré inconstitutionnelle la possibilité pour le tribunal d’ouvrir d’office une procédure collective. Or, la faculté de saisine par le tribunal s’inscrit dans le prolongement direct des mesures de prévention. Elle représente en effet une passerelle entre la prévention de la cessation des paiements et son traitement. Notamment, que peut faire le président du tribunal lorsqu’une enquête de pré-faillite révèlera un état de cessation des paiements ? En tout état de cause, il est nécessaire de remédier à la disparition de cette faculté pour le tribunal de s’auto-saisir en vue de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

PROPOSITION Plusieurs palliatifs sont envisageables. 1 – De lege lata, le Ministère public peut se substituer au tribunal en vue de demander l’ouverture d’une procédure ; c’est déjà la voie utilisée par certains tribunaux. Dans ce cadre, il serait judicieux d’instaurer en pratique un dispositif efficace de coopération entre le président du tribunal et le Ministère public pour que cette saisine intervienne rapidement. 2 – De lege feranda, on pourrait envisager de confier au « président » du tribunal, et non plus au tribunal, le pouvoir de saisine en vue de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, à la condition, d’une part, que celui-ci ne siège pas dans la formation de jugement et, d’autre part, que la saisine se limite aux seuls éléments objectifs établissant un état de cessation des paiements requérant l’ouverture d’une procédure collective. La décision du Conseil constitutionnel n’exclut pas, en effet, pareil dispositif. Mais, dans le même temps, il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel considère que la loi offre les garanties suffisantes au titre de l’impartialité. En outre, une telle mesure poserait des difficultés pour les petites juridictions, en raison du nombre réduit de juges consulaires. C’est alors la question de la spécialisation de certains tribunaux de commerce pour les difficultés des entreprises qui se pose, ce qui était d’ailleurs prévue dans la loi du 25 janvier 198518, et même, déjà, dans l’ordonnance du 23 novembre 1967, pour quelques très grandes procédures, dans le cadre de la SPP (suspension provisoire des poursuites).

2. Champ de la prévention 2.1. Observations préalables

- En droit des entreprises en difficultés, la prévention correspond à l’ensemble des mesures destinées à

éviter la survenance de la cessation des paiements. On distingue alors la prévention-détection (comptes prévisionnels, alerte) de la prévention-traitement (mandat ad hoc, conciliation). Il ne s’agit donc pas de prévenir des difficultés en général, mais de prévenir une difficulté de nature particulière, qu’est la « panne de trésorerie ». La procédure de sauvegarde constitue une mesure préventive en ce que le débiteur recourt au tribunal en amont de la cessation des paiements afin d’en éviter la survenance. Certes, son caractère collectif lui confère une nature mixte, à la différence de la sauvegarde financière accélérée (SFA), qui n’est pas à proprement parler collective, puisqu’elle ne vise qu’une catégorie bien spécifique de créanciers.

18 Le décret d’application du 27 décembre 1985, de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, fut très rapidement vidé de sa substance, les décrets modificatifs ultérieurs ayant étendu la compétence à pratiquement l’ensemble des tribunaux de commerce.

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- Par ailleurs, il apparaît opportun de distinguer parmi les difficultés, celles qui relèvent de l’exploitation de celles qui sont de nature bilancielle.

o Lorsque les difficultés portent sur l’exploitation courante de l’entreprise, la prévention ne peut être efficace

qu’à la condition d’intervenir très en amont. À défaut, le recours à la sauvegarde semble être la voie adaptée.

o En revanche, lorsque les difficultés ne sont que d’ordre bilancielle, les procédures amiables ont toute leur place.

o Enfin, lorsque l’entreprise rencontre à la fois des difficultés de nature bilancielle et des difficultés liées à son exploitation, seule une procédure collective, en dehors de la sauvegarde, permettra d’apporter une solution.

2.2. Critère de la cessation des paiements Depuis l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde, la cessation des paiements n’est plus le critère absolu de différenciation entre les procédures amiables et les procédures collectives d’une part – une procédure collective pouvant être ouverte avant la cessation des paiements –, ainsi qu’entre la prévention et le traitement judiciaire d’autre part – la conciliation permettant de remédier à un état de cessation des paiements de courte durée –. Par ailleurs et parallèlement, l’évolution montre qu’en tout état de cause, il faut faire confiance au juge pour apprécier de manière souple et pragmatique la cessation des paiements. Ainsi, en pratique, le juge tient souvent compte d’autres éléments que les seuls actifs disponibles, stricto sensu, lorsque des informations utiles en ce sens lui sont fournies. La question se pose de savoir si l’on ne pourrait pas aller plus loin, en traduisant cette évolution dans les textes, dans la définition même de la cessation des paiements. Elle est, on le sait, textuellement définie en considération de l’actif disponible et du passif exigible. L’actif disponible présente une certaine rigidité, qui peut être préjudiciable, puisqu’il ne permet pas de prendre en considération d’autres actifs que ceux qui sont immédiatement liquides. Or, d’autres biens, que l’on peut rapidement rendre liquides, mériteraient d’être comptabilisés afin de déterminer la cessation des paiements. Il suffirait pour cela de substituer la notion comptable « d’actif circulant » à celle « d’actif disponible ». De cette manière, en sus des actifs immédiatement liquides, seraient comptabilisés les stocks bénéficiant d’une rotation rapide, comme ceux des entreprises travaillant à flux tendus, qui génèrent une trésorerie quasiment immédiate (ex. : produits frais), ou encore, les créances clients du débiteur qui, compte tenu des techniques juridiques et financières de mobilisation (cession Dailly ou affacturage), peuvent rapidement être « transformées » en trésorerie.

PISTE DE REFLEXION Réfléchir à la modification de la définition de la cessation des paiements en substituant la notion d’« actifs circulants » à celle d’« actifs disponibles ».

3. Confidentialité et prévention 3.1. Une confidentialité nécessaire La confidentialité est consubstantielle à toute mesure de prévention. Elle répond, d’une part, à la

volonté de protéger l’entreprise affaiblie et, d’autre part, à la nécessité de permettre une diffusion, dans un cercle restreint, d’une information transparente, indispensable à une négociation loyale et équitable. Elle permet aux acteurs concernés de se rencontrer et de négocier en toute liberté.

Assurer une véritable confidentialité nécessite, en outre, de sanctionner toute violation de cette confidentialité par les parties prenantes.

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3.2. Confidentialité et information des salariés En matière de traitement amiable, l’article L. 611-9 du Code de commerce prévoit que le tribunal

entende les représentants du personnel à l’occasion de l’homologation de l’accord de conciliation. Pour le reste, le Code du travail régit l’information des salariés.

Il est une donnée simple : plus le champ des personnes associées aux mesures de prévention est large, plus le risque de diffusion de l’information est grand. Pour autant, on ne saurait contester que l’information des salariés puisse apparaître, dans certains cas, opportune. L’important est donc de déterminer le moment adéquat, à savoir la date de conclusion de l’accord. Néanmoins, le chef d’entreprise, en accord avec le mandataire ad hoc ou le conciliateur, doit toujours demeurer libre d’y procéder de manière anticipée, s’il le juge utile.

Quant à la sauvegarde, les représentants du personnel sont auditionnés en Chambre du conseil préalablement à la décision d’ouverture de la procédure (article L.621-1 du Code de commerce). Cela n’appelle aucune modification.

PROPOSITIONS 1 – Prévoir une information obligatoire des salariés à compter de la conclusion de l’accord en matière de traitement amiable. 2 – Maintenir le dispositif actuel d’information des salariés dans le cadre de la procédure de sauvegarde.

3.3. Confidentialité et intervention de l’AGS au stade de la prévention L’intervention de l’AGS19 en prévention pourrait être utile. Elle permettrait en effet de pré-financer

un plan de sauvegarde de l’emploi, aujourd’hui réservé aux licenciements économiques réalisés dans le cadre d’une procédure collective. Or, un certain nombre d’entreprises ne sont pas en mesure de financer une restructuration en amont de la cessation des paiements et sont obligées d’attendre... Mais, le temps perdu hypothèque les chances de redresser l’activité et d’adopter un plan par la suite.

La confidentialité n’en demeure pas moins essentielle, tant que l’accord n’aura pas été conclu entre

le débiteur et ses créanciers, comme cela a été précisé précédemment. Aussi, afin de concilier une intervention plus précoce de l’AGS et cette nécessaire confidentialité, il serait opportun de prévoir que l’avance qu’elle consent soit versée directement au chef d’entreprise et non pas, comme tel est le cas actuellement dans le cadre d’une procédure collective, à chacun des salariés. De cette manière, tout risque de rupture de la confidentialité serait écarté.

L’intervention de l’AGS très en amont des difficultés de l’entreprise a pour objet d’éviter à l’entreprise de

se trouver en cessation des paiements et, par conséquent, de demander l’ouverture d’une procédure collective. Pour autant, cette intervention précoce ne peut être dissociée de la problématique du financement de cette Institution ; en d’autres termes, il importe de garantir la neutralité financière de son intervention. Tout d’abord, on peut penser que cette anticipation permettra à l’AGS d’améliorer significativement le recouvrement de ses avances. Ensuite, elle devrait pouvoir bénéficier, en contrepartie de sa prise de risque, d’un privilège. À cet égard, le privilège de new money accordé dans le cadre de l’homologation d’un accord de conciliation s’avère parfaitement adapté. Enfin, on pourrait envisager, toujours en contrepartie, de revoir à la baisse les plafonds d’indemnisation des salariés dans le cadre d’une procédure collective.

19 On peut rappeler ici que les dispositions relatives à l’AGS figurent actuellement dans le Code du travail, alors qu’elles ont vocation à être mises en œuvre exclusivement dans le cadre du traitement des difficultés des entreprises. Dans ces conditions, il serait plus cohérent d’insérer les actuels articles L. 3253-6 à L. 3253-21 du Code du travail, régissant l’AGS, dans le livre VI du Code de commerce.

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PROPOSITIONS 1 – Autoriser l’AGS à pré-financer une restructuration réalisée dans le cadre d’un traitement amiable des difficultés. 2 – Prévoir un versement des fonds par l’AGS directement au chef d’entreprise afin de préserver la confidentialité. 3 – Assurer la neutralité financière de l’intervention de l’AGS dans le cadre du traitement amiable des difficultés des entreprises.

4. Coût de la prévention Le coût de la prévention est non négligeable pour les entreprises concernées, quelle que soit leur taille. Il est même souvent considéré comme prohibitif pour les plus petites d’entre elles. C’est un facteur permettant d’expliquer que seules les grandes et moyennes entreprises recourent au mandat ad hoc et à la conciliation. Le récent développement de l’Assurance Santé Entreprise, initiée par le Conseil Supérieur de l'Ordre

des experts-comptables et le Conseil National des barreaux, afin de couvrir les frais engendrés à l’occasion de la mise en œuvre d’une procédure amiable, constitue une réponse. À cet égard, il y a lieu d’encourager une plus grande information sur l’existence de ce nouveau type de contrat, à destination, notamment, des petites entreprises. La question doit également se poser de savoir si l’on ne devrait pas la généraliser.

Par ailleurs, ne pourrait-on pas envisager d’encadrer les tarifs des mandataires, s’agissant de leurs missions exercées dans le cadre de la prévention pour les TPE ? L’accès de cette catégorie d’entreprises aux dispositifs de traitement amiable des difficultés s’en trouverait facilité et, pour ce faire, il serait possible de s’inspirer des barèmes existants et propres aux actes réalisés par les mandataires lors d’une procédure collective.

Concernant les autres entreprises, il serait opportun de préserver une souplesse et, notamment, la pratique actuelle consistant en la conjugaison d’un tarif horaire et d’un honoraire de résultat mériterait d’être maintenue.

PROPOSITIONS 1 – Encourager le développement de l’assurance Santé Entreprise par une meilleure diffusion de l’information sur l’existence de ce dispositif. 2 – Encadrer les tarifs des mandataires dans le cadre de leurs missions exercées au titre de la prévention pour les TPE. Concernant les autres entreprises, il convient de préserver une certaine souplesse avec notamment la possibilité de conjuguer un tarif horaire et un honoraire de résultat.

5. Contrôle de la prévention Lorsque le chef d’entreprise mentionne, dans sa requête, le nom d’un professionnel, le président du tribunal suit généralement la proposition, sauf incompatibilité manifeste ou rémunération jugée excessive. Dans ces conditions, le contrôle exercé par le président du tribunal sur le choix du mandataire ou du conciliateur et sa rémunération apparaît satisfaisant. La mise en place d’un barème en matière de prévention – telle que suggérée à la question précédente – faciliterait sans doute d’autant la tâche du président.

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PARTIE 2

Les acteurs de la procédure

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1. Nécessité de l’intervention d’un juge, même en cas d’insuffisance notoire d’actifs L’intervention du juge est toujours nécessaire afin de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence. L'insuffisance d'actifs n'y change rien ! 2. Le juge commissaire 2.1. Statut du juge commissaire Dans la mesure où le juge-commissaire dispose d’une compétence exclusive pour statuer sur certains points (notamment la poursuite des contrats en cours), il est et doit rester une « juridiction » à part entière20. 2.2. Procédure de vérification des créances Un allègement de la procédure de vérification serait la bienvenue, tout particulièrement dans le cadre de la sauvegarde (cf. infra, développements relatifs à cette question). 3. Participation des créanciers à la procédure Premièrement, il serait utile de mieux faire connaître le statut des contrôleurs dont les pouvoirs ont été

renforcés par la loi de sauvegarde, afin d’associer d’avantage les créanciers dans la procédure. On peut ici préciser que certains créanciers, tels l’AGS ou OSEO, bien informés, demandent systématiquement à être nommés contrôleurs.

Deuxièmement, en l’état actuel du droit positif, un vote suppose l’existence de comités de créanciers. Dans ce cadre, ils disposent déjà d’une faculté de soumettre des propositions au débiteur ou à l’administrateur lors de l’élaboration du projet de plan (art. L. 626-30-2, alinéa 1er, du Code de commerce). Dans tous les autres cas, les créanciers, faute d’être réunis au sein d’un organe, ne sont pas admis à faire des propositions. Par conséquent, si l’on souhaite accroître les pouvoirs des créanciers dans la procédure, il faudrait étendre le champ de l’obligation de constituer des comités de créanciers, en abaissant les seuils.

PROPOSITIONS 1 – Mieux informer les créanciers sur le statut de contrôleur. Il pourrait être prévu à cette fin de demander au mandataire de faire figurer une mention obligatoire en ce sens dans le courrier qu’il adresse à chacun des créanciers connus. L’article R. 622-21, alinéa 1, du Code de commerce serait ainsi complété : « Le mandataire judiciaire, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai mentionné à l'article R. 622-24. Il informe chaque créancier connu de la faculté d’être désigné contrôleur, en reproduisant les dispositions des articles L. 621-10, L. 621-11 et L. 622-20, alinéa 1er, du Code de commerce. » 2 – Abaisser les seuils de l’article R. 626-52 du Code de commerce (actuellement de 150 salariés ou de 20 millions de chiffre d’affaires), qui rendent obligatoire la constitution de comités de créanciers dans le cadre de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

20 Une partie de la doctrine se prononce ainsi en ce sens ; v. not. F. Pérochon, Entreprises en difficultés, 9ème éd., LGDJ, p. 243 ; F. Derrida, D. 1994, p. 510.

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PARTIE 3

La procédure de sauvegarde et la sauvegarde financière accélérée

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Rappel : La procédure de sauvegarde, régie par les articles L. 620-1 à L. 627-4 du code de commerce, peut être ouverte, sur la seule demande du débiteur, lorsque celui-ci, sans être en cessation des paiements, justifie des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. 1. La procédure de sauvegarde 1.1. Des contraintes inadaptées

L’établissement du passif Les contraintes de la procédure de sauvegarde sont la contrepartie de la protection demandée par le dirigeant au tribunal. Certaines d’entre elles pourraient être toutefois allégées et tout particulièrement celles qui ont trait à l’établissement du passif.

PROPOSITIONS 1 – Simplifier le processus de déclaration des créances en généralisant le dispositif propre à la SFA (article L. 628-5, alinéa 2, du Code de commerce)21 à l’ensemble des procédures de sauvegarde. 2 – Simplifier la vérification des créances en confiant cette tâche au commissaire aux comptes ou à l’expert-comptable de l’entreprise. 3 – Simplifier et accélérer la phase d’admission des créances en posant le principe d’une admission de plein droit des créances de faible montant, dès lors qu’elles ne font l’objet d’aucune contestation.

Le paiement au comptant

Il faut rappeler que l’entreprise qui demande l’ouverture d’une sauvegarde est in bonis, ce qui n’est plus le cas en redressement judiciaire. Aussi serait-il opportun, pour les contrats poursuivis dans le cadre de la sauvegarde, que les paiements ne se fassent pas systématiquement au comptant, mais conformément aux stipulations du contrat initialement négocié par les parties. L’état du droit positif, en exigeant un paiement au comptant, est susceptible de remettre en cause le plan de trésorerie prévisionnel de l’entreprise, en complète contradiction avec la philosophie du dispositif de sauvegarde. Les créanciers bénéficieraient alors du privilège de la procédure, s’agissant d’une créance née régulièrement et postérieurement au jugement d’ouverture et en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur lors de la période d’observation22.

21 Cet article prévoit que : « Pour les créanciers mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 628-1 ayant participé à la conciliation, une liste des créances à la date de l'ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée est établie par le débiteur et certifiée par le commissaire aux comptes ou, à défaut, l'expert-comptable. Cette liste est déposée au greffe du tribunal. Le mandataire judiciaire informe chaque créancier concerné des caractéristiques de ses créances figurant sur la liste. Par dérogation au premier alinéa, ces créances sont réputées déclarées, sous réserve de leur actualisation, si les créanciers n'adressent pas la déclaration de ces créances dans les conditions prévues au premier alinéa. ». 22 Le classement serait le suivant dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (L. 622-17 du C. Com.) :

1° Superprivilège des salaires 2° Privilège des frais de justice postérieur 3° Privilège de new money (art. L. 611-11 du C. com.) 4° Privilège de procédure consenti aux titulaires de créanciers « utiles » nées régulièrement et postérieurement au jugement d’ouverture 5° Créances postérieures non éligibles au privilège de la procédure et créances antérieures.

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Quant à la question de la revendication, cette problématique doit s’inscrire dans une réflexion plus générale relative à l’articulation du droit des sûretés et des procédures collectives23.

PROPOSITION Maintenir les stipulations initiales du contrat et supprimer l’obligation systématique de paiement au comptant en cas de poursuite d’un contrat en cours dans le cadre d’une procédure de sauvegarde. L’article L. 622-13 II, alinéa 2, du Code de commerce serait ainsi modifié : « Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant se fait conformément aux stipulations initiales du contrat poursuivi. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

Mieux rythmer la procédure

Les délais, lorsqu’ils sont trop longs, nuisent à l’efficacité de la sauvegarde. En particulier, il importe que les entreprises qui ont saisi la logique de la loi, en anticipant réellement leurs difficultés, voient leur plan arrêté dans un délai bref.

Les délais de publication du jugement d’ouverture au BODACC (de quelques jours à plusieurs mois) conduisent notamment à augmenter considérablement le délai de déclaration de créances, nuisant à la rapidité des procédures. Il doit absolument, à l’heure des NTIC, être mis fin à ce dysfonctionnement.

PROPOSITION 1 – Alléger les procédures de déclaration et de vérification des créances24. 2 – Réduire les délais de publication du jugement d’ouverture au BODACC en prévoyant une publication en ligne dans les trois jours du prononcé du jugement.

1.2. Des dispositifs substantiels à revoir Mieux articuler le droit des sûretés et les procédures collectives

Le point commun de l’ensemble des sûretés-propriété réside dans leur efficacité au profit du créancier qui, en excipant sa garantie, peut échapper à la rigueur des procédures collectives. Ce faisant, ce type de sûretés se distingue par sa tendance à « polluer » le caractère collectif des procédures de traitement des difficultés des entreprises au profit individuel de certains créanciers bien protégés.

Ce constat génère des conséquences importantes, qui compromettent les perspectives de sauvetage des entreprises. En effet, la généralisation de l’usage des sûretés-propriété conduit un nombre croissant de créanciers à exercer des actions individuelles (action en revendication, en restitution…) dont l’effet est de vider l’entreprise des actifs grevés, alors qu’ils lui sont indispensables pour poursuivre son activité.

Avec l’ordonnance de décembre 2008, modifiant la loi de sauvegarde, le législateur a opté, en ce qui concerne la seule fiducie-sûreté, pour un gel de ses effets pendant la période d’observation et la durée du plan. Cette possibilité mériterait d’être étendue, car les difficultés qui avaient été mises en exergue à propos de la fiducie se posent dans des termes similaires pour d’autres mécanismes de sûreté, clauses de réserve de propriété notamment.

23 Cf. infra, développements relatifs aux autres améliorations de la procédure de sauvegarde. 24 Cf. supra.

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PROPOSITION Ajouter25, à l’article L. 622-21,I , un 3e alinéa visant à paralyser les actions en justice tendant « à la restitution de meuble ou d’immeubles en raison du non- paiement d’une créance en application des articles L. 624-9 à L. 624-18 du présent Code » en cas de sauvegarde. Cette proposition entrainerait pour le moins la nécessité d’une coordination avec les articles modifiés par l’ordonnance de 2008 pour la fiducie.

Prévoir une procédure de licenciement dérogatoire26

On rappellera que l’extension des règles allégées du licenciement économique du redressement judiciaire à la sauvegarde avait, au cours des débats parlementaires relatifs à la loi de sauvegarde, suscité une vive réaction des syndicats de salariés et de certains députés, parce qu’ils craignaient que la sauvegarde soit utilisée comme un mode de gestion déguisé de l’entreprise, aux seules fins d’éviter l’application des règles de droit commun plus contraignantes. Cela étant, toute restructuration d’entreprise comporte nécessairement un volet social qui ne peut être mené à bien que si les procédures de licenciement sont plus souples et plus rapides qu’en droit commun. Or, l’absence de procédure dérogatoire de licenciement dans le cadre de la sauvegarde compromet souvent la mise en œuvre d’un plan social indispensable, au point que certaines entreprises se retrouvent finalement en cessation des paiements et relèvent alors du redressement voire de la liquidation judiciaire.

PROPOSITION Prévoir une procédure de licenciement dérogatoire, également dans le cadre de la procédure de sauvegarde.

Réduire la durée maximale du plan de sauvegarde La volonté d’accroître l’attractivité du plan de sauvegarde et de le différencier des plans élaborés dans le cadre du redressement judiciaire justifient la réduction de dix à cinq années de la durée maximale du plan de sauvegarde. Une telle évolution contribuerait sensiblement à faciliter les négociations et à rendre plus coopératifs nombre de créanciers qui préfèrent, dans les faits, renoncer à une partie de leur créance s’ils sont assurés d’être payés plus rapidement, plutôt que d’en recouvrer l’intégralité en application d’un échéancier jugé trop long, voire confiscatoire au regard de l’inflation, des règles fiscales et de l’incertitude avec le temps sur le sort de l’entreprise. Par ailleurs, l’identité propre et le caractère dynamique de la sauvegarde sortiraient renforcés par une telle mesure, au bénéfice des créanciers de l’entreprise et, in fine, de son sauvetage.

PROPOSITION Réduire à cinq années la durée maximale du plan de sauvegarde. L’article L. 626-12 du Code de commerce serait ainsi modifié : « Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 626-18, la durée du plan est fixée par le tribunal. Elle ne peut excéder dix cinq ans. Lorsque le débiteur est un agriculteur, elle ne peut excéder quinze ans. ».

25 Voir en ce sens la proposition élaborée dans le rapport de M. Kling du 22 mai 2008 : « Projet d’ordonnance portant diverses dispositions en faveur du droit des entreprises en difficulté – observations de la CCIP » 26 V. égal., pour cette proposition et celles qui suivent, le rapport de la CCIP précité du 22 mai 2008.

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Garantir la pérennité du plan de sauvegarde

La pratique a montré qu’il est extrêmement dangereux qu’un plan de sauvegarde arrêté par le tribunal puisse par la suite être réduit à néant en raison d’une erreur commise à l’occasion de son élaboration. La CCI Paris Ile-de-France soutient donc la piste qui tend à purger ces nullités. Il propose même que cet effet soit automatique lorsqu’une solution de sauvegarde de l'entreprise est trouvée, le jugement d’homologation valant purge de ces nullités.

PROPOSITION Purger les nullités éventuellement commises à l’occasion de la composition, des modalités de vote et du contenu du plan, à compter du moment où la décision d’homologation du plan acquiert force de chose jugée (en l’absence d’appel dans le délai fixé à l’article R. 661-3 du Code de commerce).

2. La procédure de sauvegarde financière accélérée La principale caractéristique de la SFA est de ne pas être une procédure « collective » et d’avoir

uniquement pour finalité de gérer le passif financier. Cette mesure de traitement ciblée du passif pourrait être mise en œuvre pour une plus grande partie des entreprises à la condition de l’ouvrir plus largement en abaissant les seuils actuels.

Certes, elle n’a été utilisée qu’une fois depuis sa création27 mais, à l’égard des tailles d’entreprises visées, sa principale fonction n’est-elle pas tout simplement d’exister et de constituer un outil de dissuasion au service des négociations dans la phase amiable ?

En revanche, si elle devait concerner de plus petites entreprises, il est fort à parier qu’elle aurait un rôle plus effectif. La SFA présente en effet un autre avantage que la dissuasion : lorsque l’identité de certains créanciers n’est pas connue (par ex. en cas de titrisation), il suffit d’avoir un accord conclu avec la plupart des créanciers connus, puis de recourir à une procédure de SFA. Aussi, l’abaissement des seuils actuels serait utilement envisagé. Néanmoins, parce qu’elle induit une organisation et un coût inconciliables avec les TPE, des seuils devront être maintenus.

PROPOSITION Abaisser les seuils de l’article R. 626-52, alinéa 1er, du Code de commerce.

27 Une procédure de SFA a été ouverte en février 2013 par le Tribunal de commerce de Nanterre, il semblerait que ce soit la première.

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PARTIE 4

La procédure applicable aux petites entreprises

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1. Dispositions spécifiques régissant les procédures tendant à l’adoption d’un plan de redressement, de sauvegarde ou de cession de petites entreprises

95 % des procédures collectives concernent des petites entreprises. Néanmoins, si l’on examine la

situation du côté de l’emploi, les procédures ayant trait aux entreprises moyennes à grandes pèsent plus lourdement.

En tout état de cause, ce ne sont pas tant les dispositions relatives à l’adoption d’un plan qui posent des difficultés, lorsque l’on est en présence d’une petite entreprise. Ce sont, avant tout, d’une part, la lourdeur du formalisme28 et, d’autre part, la faculté financière pour le débiteur de pouvoir désigner un administrateur judiciaire afin de l’épauler, qui suscitent des inconvénients. Sur ce second point, les juges sont en effet confrontés à la difficulté suivante : l’impossibilité financière de désigner à la fois un mandataire et un administrateur. Or, de deux choses l’une : soit l’entreprise est impécunieuse et il y a lieu de recourir à une procédure très rapide de liquidation, la désignation d’un administrateur judiciaire ne présentant pas d’intérêt dans ce cas, soit il existe réellement une chance de redressement et il faut alors favoriser la désignation d’un administrateur en sus du mandataire, ce qui n’est pas toujours le cas.

2. Les procédures immédiatement liquidatives Rappel : Depuis la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, la liquidation judiciaire peut être prononcée immédiatement lorsque le redressement du débiteur en cessation des paiements est manifestement impossible (article L. 640-1 du code de commerce).

* La liquidation judiciaire simplifiée (LJS) est obligatoire lorsque trois critères cumulatifs sont réunis (articles L. 641-2 et D. 641-10 du code de commerce) : - absence d’actif immobilier ; - le nombre de salariés n’a pas dépassé le nombre d’un au cours des six mois ayant précédé l’ouverture de la

procédure ; - le chiffre d’affaires hors taxes à la clôture du dernier exercice comptable doit être inférieur ou égal à 300.000

euros.

La LJS est facultative et laissée à l’appréciation du juge quant à son opportunité, pour les entreprises qui réunissent les trois critères suivants (mêmes dispositions que ci-dessus) : - absence d’actif immobilier ; - le nombre de salariés n’a pas dépassé le nombre de cinq au cours des six mois ayant précédé l’ouverture de

la procédure ; - le chiffre d’affaires hors taxes à la clôture du dernier exercice comptable ne doit pas avoir excédé 750.000

euros.

28 Cf. supra.

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2.1. Observations

De manière générale, on peut penser que l’existence d’instances en cours interfèrent nécessairement sur la possibilité de clôturer rapidement la procédure, notamment le contentieux prud’homal.

Si l’on se réfère aux données chiffrées publiées par INFOGREFFE, la part des liquidations judiciaires simplifiées dans l’ensemble des liquidations judiciaires en 201229 a été d’environ 1/330, pour l’ensemble des tribunaux de commerce. S’agissant des tribunaux de commerce de l’Ile-de-France, cette proportion est de 20% environ sur la même période31. Ces chiffres sont certes non négligeables, mais finalement plutôt faibles au regard du nombre des procédures judiciaires concernant les petites entreprises.

Le problème provient du fait que l’on est d’un côté « bloqué » par le respect de dispositifs

« fondamentaux » (immobilisations, droit des salariés) et, de l’autre, l’exigence d’une efficacité qui réclamerait des critères plus souples.

2.2. Instituer une procédure de liquidation judiciaire « ultra simplifiée »

Sur le principe, l’ouverture d’« une procédure judiciaire » – même brève – reste indispensable. De

surcroît la question du juge unique n’est pas de mise (en raison du risque de dérives). Mais rien n’empêcherait – bien au contraire –, lorsque la procédure apparaît impécunieuse, que le

tribunal puisse désigner immédiatement un mandataire judiciaire afin d’attester de la situation et de clôturer dans un bref délai, par exemple 3 mois. Ainsi l’intervention du juge serait limitée, comme cela se pratique en Allemagne. Il s’agirait d’une solution à mi-chemin entre les voies d’exécution relevant du droit commun et une procédure proprement collective.

Cette piste est d’autant plus justifiée quand on rappelle que plus d’une procédure sur trois concerne une entreprise n’étant pas en mesure d’assurer les frais de justice32.

PROPOSITIONS 1 – Instituer une procédure de liquidation judiciaire « ultra simplifiée » pour les procédures impécunieuses concernant les TPE qui n’ont ni salarié, ni immobilisation et un faible chiffre d’affaires, avec des critères plus bas que ceux régissant l’actuelle liquidation simplifiée33. Cette procédure aurait pour objectif une clôture très rapide. Une liquidation judiciaire « ultra simplifiée » devrait être gouvernée par les principes directeurs suivants : a – maintenir, pour son ouverture, une procédure judiciaire avec une formation collégiale ; b – désigner un mandataire judiciaire – en qualité de liquidateur –, lorsqu’il apparaît que l’entreprise n’a ni salarié, ni immobilisation, réalise un chiffre d’affaires insignifiant, et que la procédure est impécunieuse ; c – une fois établi l’état d’impécuniosité, ouvrir une procédure non-collective et la clôturer dans un bref délai, par exemple, trois mois.

29 Estimation réalisée à partir des 11 mois déjà renseignés. 30 Sources : INFOGREFFE et URSSAF pour le tribunal de commerce de Meaux. 31 Tribunal de commerce de Paris (15.3%), Tribunal de commerce de Nanterre (35.6%), Tribunal de commerce de Bobigny (9.1%), Tribunal de commerce de Créteil (44.8%), Tribunal de commerce de Versailles (30.2 %), Tribunal de commerce de Pontoise (29.5%), Tribunal de commerce de Melun (26.5%), Tribunal de commerce de Meaux (39.4%) et Tribunal de commerce d’Évry (27.2%). 32 Cf. nombre de procédures subventionnées par l’Etat. 33 On rappellera que la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire lorsque le chiffre d'affaires hors taxes est inférieur ou égal à 300 000 € et qu’il y a, au plus, un salarié (art. D. 641-10, al. 1, du Code de commerce) et qu’elle est facultative au-delà de ces seuils, mais en deçà de 750 000 € et de 5 salariés (art. D. 641-10, al. 2, du Code de commerce).

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2 – Charger, parallèlement, le Ministère public de vérifier s’il y a lieu ou non de demander le prononcé d’une sanction à l’égard du débiteur. A ce titre, un registre national, uniquement consultable par le Ministère public et les juridictions – à l’instar du fichier national des interdits de gérer, institué par la Loi Warsmann n° 2012-387 du 22 mars 201234 –, pourrait utilement préciser, pour chaque chef d’entreprise, le nombre de procédures collectives ouvertes à l’égard des entreprises dont il a assuré la gestion. 3 – Délivrer, s’il y a lieu, une attestation de non-sanction dans de brefs délais à l’issue de la liquidation judiciaire « ultra simplifiée », dans la perspective d’assurer un « rebond » rapide pour le chef d’entreprise de bonne foi.

34 Articles L. 128-1 et s. du Code de commerce.

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PARTIE 5

Sanctions

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Il s’agit de faire ici un focus sur les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre du dirigeant, notamment au regard de la cessation des paiements. Aménager les sanctions applicables en matière de droit des entreprises en difficultés Il apparaît difficile d’offrir une seconde chance au dirigeant « maladroit » ou « malchanceux » avec le

maintien d’une notion beaucoup trop large de « faute de gestion », fait générateur de la responsabilité du chef d’entreprise pour insuffisance d’actifs. Dans la mesure où cette faute peut n’être que simple et résulter, notamment, du seul fait de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans les temps requis par la loi (45 jours), elle est susceptible d’affecter tous les dirigeants, mêmes les meilleurs d’entre eux et ce, malgré les efforts de la Cour de cassation qui exige une stricte motivation de la part des juges du fond. Un chef d’entreprise peut en effet avoir de bons motifs pour ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans les temps : il peut par exemple avoir essayé de trouver un arrangement amiable avec ses créanciers. Aussi, il serait souhaitable d’éviter une connexion trop systématique de l’absence de déclaration de la cessation des paiements avec la responsabilité pour insuffisance d’actifs.

Plus généralement, Le lien étroit entre les sanctions du Titre V du Livre VI et la cessation des paiements n’est pas sans poser des difficultés. Aux fins de prononcer une sanction, les juges du fond s’octroient le droit de retenir une date différente de cessation des paiements, de celle qui a été retenue pour la procédure, situation pour le moins paradoxale. Dès lors, il est nécessaire de prévoir une unicité des repères en matière civile et pénale sur cette question.

PROPOSITIONS 1 – Mettre fin à l’engagement de la responsabilité pour insuffisance d’actifs pour le seul fait de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans les temps. 2 – Ne retenir qu’une seule et même date de cessation des paiements, que ce soit pour la détermination de la période suspecte ou le prononcé des sanctions.

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Directeur de la publication : Pierre TROUILLET CCI Paris Ile-de-France 27 avenue de Friedland - 75 382 Paris cedex 08 Rapports consultables ou téléchargeables sur le site : www.cci-paris-idf.fr Dépôt légal : mars 2013 ISSN : 0995-4457 – Gratuit ISBN : 978-2-85504-588-7