Présentation d'O. Rey à l'occasion du GDD Compétences

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Les compétences dans l’enseignement : pour quoi faire ? Olivier Rey Veille & Analyses Institut français de l’Éducation (ENS de Lyon)

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Présentation de Mr O. Rey à l'occasion de la session de travail du groupe de développement "Travail par compétences, évaluation des compétences" du 7 novembre 2013.

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Les compétences dans l’enseignement : pour quoi faire ?

Olivier Rey

Veille & Analyses

Institut français de l’Éducation (ENS de Lyon)

Quelques rappels sur les compétences

Qu’est-ce que nos élèves maitrisent vraiment à la fin de la scolarité ?

Poser de façon renouvelée l’éternelle question du transfert du savoir

Comprendre les capacités et attitudes qui font que les connaissances deviennent des savoirs en action

Intégrer dans un seul continuum connaissances, capacités et attitudes (et non pas les juxtaposer)

Armer les jeunes pour leur vie future de citoyens, de professionnels, de pères de famille, de consommateurs, etc.

Notions essentielles concernant la compétence

Coordination/intégration de ressources externes (savoirs, outils, objets…) et internes (cognitives)

Ce qui nous intéresse dans la compétence c’est ce qui se passe « dans la tête de l’élève » : passage du savoir codifié à la connaissance appropriée, dimension métacognitive

Importance de l’explicitation pour comprendre ce qui se passe dans les moments de contextualisation/dé-contextualisation

Disciplines et compétences

Les compétences impliquent une collaboration entre disciplines plutôt que leur négation (à l’image de leurs contextes d’application comme de leur contexte de production scientifique)

Les compétences transversales sont plutôt une matrice commune qui s’incarne dans des mises en œuvres disciplinaires : il appartient à chaque discipline de mieux les prendre en compte (retour réflexif, métacognition…)

Rappel contextuel- Mise en place du socle commun (2006), confirmé depuis : volonté de définir la

scolarité obligatoire par un mandat donné par la nation (la logique citoyenne est première par rapport à la logique académique)

- Cadre européen des compétences clés

- Horizon général peu précisé et outillé faute d’expertise et du fait d’incertitudes idéologiques (valse hésitation). Exemple du LPC.

- Irlande : réforme des Key Skills (expériences depuis 2006 environ) visant à mettre en valeur les compétences transversales dans les enseignements

TexteTexte

Un objectif général mais pas de feuilles de route

Freins et leviers

- Autonomie curriculaire vs centralisation française

- Enjeux des évaluations sommatives

- Culture professionnelle des enseignants : chercher comment les compétences sont un levier pour améliorer l’apprentissage plutôt que de ne les envisager que comme un changement qui déstabilise l’identité du métier

- En faire un élément d’élargissement de l’autonomie pédagogique plutôt qu’une injonction de travail en équipe pluridisciplinaire

Texte

Deux dimensions

1- Les compétences comme vecteurs de modification des contenus d’enseignement (plus proches de la vie réelle)

2- Les compétences comme vecteurs de transformation des pratiques pédagogiques (travailler sur le transfert des apprentissages et l’appropriation des connaissances)

Se rapprocher des situations de la vie réelle = utilitarisme ?- Vérifier que les connaissances scolaires puissent être mobilisées dans d’autres

contextes que ceux de leur apprentissage, Inscrire le savoir dans sa dimension praxéologique : un savoir pour faire et pour agir

- Risque de dilution des savoirs et logiques disciplinaires, risque de marginalisation des savoirs non utiles (culture). Pas de hiérarchie entre vie scolaire et vie réelle : apprendre peut constituer en soi un objectif légitime et suffisant

- Qu’est-ce qui légitime les savoirs scolaires ? L’école obligatoire repose sur l’idée de fournir des connaissances nécessaires pour vivre à tous, y compris aux élèves qui n’ont pas la « soif d’apprendre »

- En fait, pas de substitution aux disciplines mais ré-organisation autour de «projets communs» ou de tâches complexes pas nécessairement «utilitaristes»

TexteTexte

Les cadres disciplinaires constituent toujours l'armature

de l’enseignement

Les compétences, avatar de la pédagogie invisible ?

- Pédagogie qui favorise l’autonomie, la coopération, la créativité, la résolution de problèmes complexes et inédits : cadrage lâche qui redouble les difficulté pour les élèves les plus éloignés de la culture scolaire

- Malentendus renforcés par les tâches proches de la vie réelle : effacement des catégories et acquisitions proprement scolaires des connaissances

- Pas de caractère automatique : réforme des Key Skills en Irlande

Texte

Les compétences sont compatibles avec des pratiques pédagogiques

favorisant la réflexivité et l’explicitation

Une compétence s’apprécie dans une performance

La compétence de niveau élevé se détecte à l’occasion d’une performance (= situation d’évaluation)

On peut difficilement apprécier une compétence par évaluation d’un échantillon de connaissances ou d’objectifs opérationnels (micro-tâches)

Nécessité de tâches complexes, qui impliquent une production non réductible à une démarche unique et à un seul résultat (pas d’unidimensionnalité ce qui est mesuré)

La pertinence de la situation d’évaluation est plus importante que sa représentativité par rapport au domaine de référence

Dilemmes récurrents de l’évaluation des compétences

Fragmenter les éléments d’une compétence pour mieux l’évaluer ou privilégier une approche globale au risque de la généralité

Introduire des étapes intermédiaires qui altèrent le sens ou respecter l’intégrité de la compétence au risque d’une évaluation tardive et peu formative

La question de l’annualité de la scolarité et des rythmes de progression/promotion des élèves est au cœur de ces dilemmes

Ménager un temps spécifique pour la correction de tâches complexes

Premier temps d’auto-évaluation collective : les élèves commentent les fiches librement. L’enseignant les aide à dégager des critères de qualité (forme du document, compréhension, intérêt des informations…) et des indicateurs qui sont relevés au fur et à mesure

Objectif métacognitif : faire prendre conscience aux élèves de ce qu’ils ont fait et de ce qui aurait pu être fait. EXPLICITER.

Deuxième temps : les enseignants montrent les ressources qui auraient pu être mobilisées, ce qu’ils ont trouvé particulièrement pertinent et ce qui pose problème.

Des conditions probables de réussite pour une évaluation par tâches complexes

S’assurer que les élèves ont été entraînés auparavant à mobiliser des ressources apprises sur un temps long (trimestres, années...) et dans des contextes disciplinaires différents

Concevoir une tâche faisable par les élèves (identifier les blocages préalables)

Instaurer un contrat de confiance : un travail qui ne compte pas pour rien mais ne peut apporter qu’une note positive

Une correction en deux temps (auto-évaluation collective ou par binôme, puis éléments de correction par l’enseignant)

Juste à titre de remue-méninges…

Une seule barrette d’évaluation pluriannuelle pour chaque domaine ou compétence, renseignée chaque année

Six niveaux dont trois constituent le minimum pour avoir validé le domaine ou la compétence à l’issue d’un parcours

En guise de conclusion

La théorie en éducation est pertinente quand elle permet d'améliorer l'intelligibilité et de favoriser des interventions pertinentes pour les changements souhaitables dans les dispositifs éducatifs.

Le débat sur l'approche par compétences a peut-être pâti d'un excès de débats insuffisamment étayés par des données empiriques.

Les modèles théoriques sont en décalage avec les observations que l'on peut faire.

Il serait regrettable que le flou inévitable qui colle aux définitions soit utilisé comme un prétexte pour éluder l'interpellation portée par les compétences .

C’est en effet un moyen de poser des questions sur l’éternelle énigme du transfert des savoirs : une fois qu’on a enseigné, que deviennent ces savoirs dans le reste de la vie ? Qu’en fait-on confronté à d’autres situations non-scolaires ? Qu’est-ce qui permet d’assurer que l’on ne transmet pas des savoirs « morts », mobilisables uniquement dans le contexte particulier qui les a vu naître ?

De ce point de vue, les compétences interpellent la pédagogie comme les différentes didactiques.

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