Plurilinguisme des enfants de migrants : l'ELAL d'Avicenne · 2018-11-27 · 2018, Vol. 19, N°2 LA...

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Cliniques, cultures et sociétés REVUE TRANSCULTURELLE 2018, Vol. 19, N°2 LA PENSÉE SAUVAGE, ÉDITIONS Éditorial #MeToo Entretien avec Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN La rigueur du qualitatif Débat Contre les châtiments corporels de l'enfant Plurilinguisme des enfants de migrants : l'ELAL d'Avicenne

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C l i n i q u e s , c u l t u r e s e t s o c i é t é s

REVUE TRANSCULTURELLE

2018, Vol. 19, N°2 LA PENSÉE SAUVAGE, ÉDITIONS

Éditorial#MeToo

Entretien avec Jean-Pierre OLIVIER DE SARDANLa rigueur du qualitatif

DébatContre les châtiments corporels de l'enfant

Plurilinguisme des enfants de migrants : l'ELAL d'Avicenne

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Jean-Pierre Olivier de Sardan est anthropologue, chercheur auLASDEL, Laboratoire d'Etude et de Recherche sur les Dyna-

miques Sociales et le Développement Local, structure de re-cherche en sciences sociales au Niger dont il est un membrefondateur. Il est professeur associé à l’Université Abdou Mou-mouni et responsable scientifique du master de socio-anthropo-logie de la santé et directeur derecherche émérite au Centre National de la Recherche Scien-tifique et directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes enSciences Sociales à Paris. Chercheur engagé et impliqué, iltravaille depuis plusieurs dizainesd'années au Niger dont il possèdela nationalité. Ses objets de re-cherche sont multiples : l’anthro-pologie de l'action publique, lesservices publics, la santé, le déve-loppement, la corruption, la gou-vernance, le travail de l'anthro-pologue, qui ont tous en communla place essentielle de l'enquêtede terrain, ses modalités et sa res-titution avec le souci que la re-cherche fondamentale en anthro-pologie puisse avoir des effetssociaux ou au minimum soit uneressource pour l'action publique.Olivier de Sardan occupe uneplace particulière, inclassable, par-ticulièrement impliqué dans sonterrain, le Niger où il crée desstructures de recherche, d'ensei-gnement, et forme de futursanthropologues africains. Il est undes rares anthropologues à avoireffectué une anthropologie du dé-veloppement qu'il nomme socio-anthropologie du développe-ment, travail considérable sous forme d'enquêtes empiriques deterrain produisant de nouvelles formes d'intelligibilité des phé-nomènes sociaux. Il démontre ainsi que les représentations etles pratiques liées aux interventions de développement sont desphénomènes sociaux qui peuvent être étudiés au même titreque les sujets favoris et plus classiques des anthropologues,comme la parenté, les mythes, etc. !

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ENTRETIEN

La rigueur du qualitatifEntretien avec Jean-Pierre Olivier de Sardan

Par Yoram MOUCHENIK

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L’autre (Yoram Mouchenik): Peux-tunous parler de ton milieu familial, tespremières années, ta formation ?Bien qu’étant originaire du Langue-doc, j’ai fait toute ma scolarité à Paris.A la fin de la scolarité et au début del’université la guerre d’Algérie étaitencore là. C’est comme ça que je suisentré dans des mouvements anti-guerre d’Algérie et ensuite à l’Uniondes étudiants communistes qui, à l’é-poque, était un peu oppositionnellepar rapport à la ligne du parti. J’aicommencé Sciences-Po qui était unesorte de programmation familiale etlogique parce que mon père avait étéconseiller d’Etat, mais je n’ai pasvoulu continuer dans cette filière.Après trois ans à Sciences-Po, je suispassé en socio, ce qui, à l’époque,correspondait à une sorte de décla-ration d’identité un peu gauchiste. J’aipas mal milité pendant toutes ces an-nées. Ensuite, j’ai fait le centre de for-mation à la recherche ethnologiquequi venait d’être créé par Leroi-Gour-han, qui était le seul lieu de formationau terrain, le seul lieu vraiment de for-mation spécialisée en anthropologie,j’ai été je crois de la deuxième pro-motion. C’est à ce moment-là aussi,que j’ai eu l’occasion de partir au Ni-ger parce que Jean Rouch avait de-mandé à André Leroi-Gourhan un doc-torant pour partir au Niger, étudier ungroupe insulaire de la vallée du fleuveau Niger.

L’autre : Qui s’appelait comment ?Les Wogos, et ça a donné lieu à mapremière thèse et aussi au premierouvrage qui a été publié à l’Institutd’ethnologie, que j’avais intitulé Sys-tème des relations économiques etsociales chez les Wogos du Niger. Il yavait la volonté de l’inscrire un peudans l’anthropologie économiquemarxiste à l’époque. C’était aussi lemoment, quand j’étais au Niger, oùj’ai travaillé avec Claude Meillassouxqui représentait, pour l’Afrique, le pôledu marxisme en anthropologie.

L’autre : A l’époque de la thèse, dupremier terrain, quelles sont tes in-

fluences ? Est-ce d’emblée Meillas-soux ou il y a d’autres influences ?C’était Meillassoux et puis ça a été trèsvite une dynamique propre du terrain,tout en gardant toujours un intérêt par-ticulier pour les contradictions sociales,les diversités, les écarts, les différen-ces. J’étais probablement plus inté-ressé par la dynamique du terrain,peut-être, que Claude Meillassoux, quiétait plus intéressé par la fabricationde modèles théoriques. J’ai circulé enpirogue pendant un an au milieu desîles du fleuve Niger. C’est aussi là quej’ai commencé à apprendre la langueet avoir une approche à partir des re-présentations locales, des discours lo-caux qui, très vite, m’ont semblé im-portants. J’ai toujours gardé cettesensibilité à la sémiologie populaire.

L’autre : A cette époque-là, tu as ren-contré Jean Rouch ?Oui, c’était Rouch qui m’avait amenéau Niger, donc j’étais dans les bagagesde Rouch en quelque sorte. A l’époque,il avait déjà commencé à faire existerun centre nigérien de recherche, quiétait l’ancien IFAN (Institut Françaisd’Afrique Noire), grâce aussi avec l’aidede Boubou Hama qui, à l’époque, étaitprésident de l’Assemblée nationale.On était quatre, cinq jeunes chercheursfrançais à travailler au Niger dans lamouvance de Rouch, qui était un peule père protecteur, qui était quelqu’unde très charismatique, très fascinant,mais aussi parfois très ambigu.

L’autre : Quelle était son orientation etcomment tu t’en es éventuellementdifférencié ?Justement, son orientation était trèsinspirée par Marcel Griaule, et doncfascinée par les mythes et les rites.J’étais au contraire inséré dans l’an-thropologie économique marxiste; Il neparlait pas non plus la langue locale.

L’autre : L’influence d’Althusser, est-cela façon de chercher, de raisonner ?Althusser n’a pas une influence directesur ma perspective professionnelle.C’était plus sur l’engagement maoïste,j’étais parmi les membres du noyau

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fondateur de l’UJCML (Union des jeu-nesses marxistes-léninistes), j’étaisresponsable des comités Vietnam debase qui luttaient contre la guerre duVietnam. C’était un engagement trèsfort et c’était dans cette mouvance al-thussérienne qui cumulait un certaintype de populisme et en même tempsde fascination théorique ou de goûtpour la théorie.

L’autre : Tu fais un premier passageau Niger, et ensuite tu vas y retour-ner.Après ma thèse de 3e cycle, je suisrentré au CNRS. J’ai continué à tra-vailler au Niger pour faire ma thèsed’Etat sur les structures sociales desgroupes songhay-zarma à l’ouest duNiger, où j’avais une approche assezhistorique, qui reconstituait ce qu’étaitla société au XIXe siècle et voir com-ment elle avait été transformée par lacolonisation. C’est à ce moment-là quej’ai ouvert de nouveaux thèmes, enparticulier l’esclavage, mais aussi lachefferie et les guerres précoloniales.Dans ma thèse, il y avait deux parties.Il y avait d’un côté cette analyse de lasociété du XIXe siècle à aujourd’hui,qui avait le mérite de ne pas être dansle traditionalisme parce qu’on voyaitbien ce qui avait changé entre lesdeux. De l’autre côté, il y avait unesorte de dictionnaire notionnel, repo-sant sur un corpus de définitions desconcepts locaux relatifs aux structuressociales, au pouvoir, à la parenté, àl’esclavage, etc., à partir des entre-tiens que je menais dans la languesonghay-zarma.

L’autre : Qu’est-ce qui t’a amené à éla-borer ce dictionnaire?Il y a trois orientations, trois axes quej’ai toujours développés à travers dessujets très différents : l’axe sur les re-présentations, l’axe sur les contradic-tions sociales et les conflits et l’axe surl’action publique et ses écarts. L’axesur les représentations, c’est l’appro-che émique (emic), c’est-à-dire baséesur les représentations des acteurs,sur leurs mots et leurs énoncés, avecla perspective de voir, dans ces repré-

sentations locales, quelles sont les re-présentations partagées, pour ne pastout de suite imputer à un groupe unsavoir qui ne serait pas partagé parles autres. Dans ce dictionnaire no-tionnel, il fallait faire très attention detrianguler et ne pas faire passer lepoint de vue d’une personne commeétant le point de vue de la société. Celaa donné le livre Conceptset conceptions songhay-zarma, un livre dans lesdeux langues en songhay-zarma et en français. Plustard j’ai aussi coordonnéavec Yannick Jaffré un livrebasé sur la perspectiveémique qui s’appelle Laconstruction sociale desmaladies, c’est une étudecomparative, avec d’autreschercheurs de l’Afrique del’Ouest, sur les représenta-tions populaires d’un cer-tain nombre de maladies,en particulier des maladies internesou des maladies de la peau. Là aussi,on partait systématiquement des re-présentations locales en les croisant,et on essayait de distinguer entre re-présentations spécialisées de guéris-seurs et représentations populaires.

L’autre : Qu’est-ce qui t’avait amené,déjà à cette époque, à t’intéresser àla santé?Quand j’ai fini ma thèse d’Etat avecces deux ouvrages, Sociétés songhay-zarma et Conceptions songhay-zarma,j’ai eu une période de doute sur ceque j’allais faire. Je me suis rapatriéen Europe pendant quelques années.On a créé une jeune équipe, on a tra-vaillé sur les représentations des iden-tités locales en Lozère et en Camargue.Ça a été une parenthèse de quelquesannées. Puis, j’ai repris des collabora-tions avec Yannick Jaffré qui travaillaitsur la santé. C’est dans cette foulée-làque nous avons coordonné un pro-gramme de recherche important surla santé en Afrique de l’Ouest. Je suisparti sur la thématique de la santé, quireste pour moi encore, jusqu’à au-jourd’hui, une thématique forte.

Il y a trois orientations,trois axes que j’ai toujours développés àtravers des sujets trèsdifférents : l’axe sur les représentations, l’axe sur les contradic-tions sociales et les conflits et l’axe surl’action publique et ses écarts

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L’autre : C’est l’influence de ton par-cours ?J’ai retrouvé le même intérêt pour lesreprésentations locales que j’avais eudans mon dictionnaire notionnel, maiscette fois-ci dans un domaine beau-coup plus précis, la santé. La santéest au cœur de deux de mes axes,l’axe des représentations populaires,et deuxièmement, celui qui est main-tenant l’axe fort, l’action publique, lesadministrations, les écarts entre lescomportements prescrits et les com-portements réels. Dans le domainede la santé, il y avait un gros décalageentre les normes officielles dans lasanté et comment se comportaientréellement les agents de santé. J’aidonc développé ce nouvel axe, tou-jours en continuant le premier. Enmême temps j’avais impulsé l’anthro-pologie du développement : la santém’est apparue comme un des sec-teurs du développement, à uneépoque où, souvent, la santé avaittendance à être complètement auto-nomisée, comme si c’était un monde

à part. On a essayé de ré-intégrer la santé comme undes domaines de dévelop-pement où on voyait par-fois à l’œuvre les mêmesphénomènes que dans l’é-ducation ou la justice.

L’autre : La santé dans l’an-thropologie du développe-ment, comment tu pour-rais situer l’un et l’autre ?Une des raisons de mon re-tour au Niger était l’intérêtpour les phénomènes ditsde développement, dansune vision complètement

non-normative, c’est-à-dire qu’est-cequi se passe quand il y a des institu-tions de développement, des acteursde développement, des gens qui disentqu’ils font du développement et quirencontrent des gens qu’ils entendentdévelopper ou changer ? La chaîne dudéveloppement part des experts inter-nationaux à Rome, Washington ou Ge-nève, mais après elle incorpore aussiles agents de terrain recrutés par des

ONGs locales, etc. C’est l’ensemble dela chaîne qui nous intéressait. C’estdans cette perspective que, à la findes années 80, s’est constitué un ré-seau de chercheurs travaillant aveccette orientation, avec quelques cher-cheurs de l’IRD (Institut de Recherchepour le Développement), en particulierJean-Pierre Chauveau, des chercheurseuropéens, en particulier ThomasBierschenk, Giorgio Blundo, et un cer-tain nombre de chercheurs africains.On a fondé, dans cette perspective-là,une association, qui est encore activemaintenant, qui s’appelle l’APAD (As-sociation pour l’anthropologie du chan-gement social et du développement)dont j’ai été le premier président.

L’autre : Parmi tes résultats, quellessont les choses qui étaient les plusfrappantes, voire nouvelles ?Dans la mise en œuvre d’un projet dedéveloppement, il y a une grande dé-rive par rapport à ce qui était prévu etqui est l’effet du jeu des acteurs, aussibien des acteurs destinataires que desacteurs intermédiaires. Par exemple,on a fait un livre sur les agents inter-médiaires, ce qu’on appelle les agentsde développement, qui sont le petitpersonnel des institutions de dévelop-pement et des projets, ceux qui sont àcharge de sensibiliser les populations,etc., qui sillonnent le pays sur des mo-tos.Il y a énormément de manifestationsde cet écart entre ce qui est prévu etce qui se passe réellement, entre lesconduites réelles et les conduites pres-crites. On a commencé sur la santé etaprès, on l’a fait dans d’autres domai-nes. On continue à faire encore dansla santé, mais petit à petit cela s’estélargi à d’autres domaines et cetteétude des écarts a été un des grandsthèmes de fondation du LASDEL, c’est-à-dire notre laboratoire au Niger.

L’autre : Le LASDEL, on a l’impressionque c’est assez unique dans l’espaceafricain ou d’Afrique de l’Ouest.Sa naissance officielle, c’est 2001.Bien sûr, il y a une préhistoire. Je penseque c’est dans les années 90 où j’avais

Une des choses qu’on amise en évidence, c’est l’importance des dérives dans les projetsde développement. Le projet tel qu’il se définit lui-même, tel qu’il est sur le papier,tel qu’il est comme projet,il est complètement différent quand il est misen œuvre

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commencé à retourner au Niger et àtravailler avec de jeunes Nigériens quiavaient envie de faire un DEA et aprèsun doctorat. Donc, j’ai dirigé les DEAet les thèses, en les envoyant à l’E-HESS en France. Après, j’ai eu lachance d’être mis en contact avec Tid-jani Alou, qui venait de Bordeaux, dela science-politique, qui était intéressépar nos démarches empiriques. Tousles deux, on a mis en commun noscarnets d’adresses. On a essayé dedévelopper quelque chose avec les jeu-nes chercheurs. On a lancé les chosessans du tout penser que ça allait pren-dre cette dimension. Petit à petit, ons’est rendu compte qu’on était en trainde lancer un labo important, mais audépart on voulait juste faire une équipeentre des gens qui s’entendaient bienet avaient une confiance mutuelle.

L’autre : Pourrais-tu donner un exem-ple de représentations qui vont avoirune influence sur le comportementdes acteurs ?Par exemple, les personnels de santévont percevoir les femmes de labrousse qui viennent consulter commeignorantes, sales, ne comprenant rien,et cela va être une des raisons de leurattitude condescendante et parfoisbrutale vis-à-vis d’elles. Inversementaussi, les femmes voient une maternitéou un hôpital comme un parcours ter-rible du combattant, qui les effraie, etelles vont l’exprimer dans leurs mots.Il s’agit pour nous de voir comment lesdifférents acteurs perçoivent les rela-tions entre prestataires et usagers, etquelles sont leurs interactions. Je merappelle toujours une femme qu’onavait interviewée chez elle, qui disait :« J’étais enceinte, il fallait que j’accou-che, je connaissais personne à la ma-ternité, donc j’avais très peur, je mesuis arrangée, pendant les consulta-tions, à essayer de repérer une sage-femme et de lui dire bonjour, lui sou-rire, jusqu’à ce qu’elle me réponde; etaprès, je lui amenais des ignames, despetits cadeaux  ». Elle racontait com-ment elle avait essayé de nouer unerelation un peu personnalisée dans cemonde extrêmement dur de l’hôpitalou des maternités.

L’autre : Quelque chose qui allait unpeu la rassurer, la sécuriser ?Oui, en l’occurrence. Il y en a d’autresqui vont, au contraire, décrire l’horreurde ce qu’ils ont vécu. On va utiliserbeaucoup de récits d’accouchementpar exemple. L’entrée par la sémiolo-gie populaire, l’entrée par les repré-sentations des acteurs, reste centrale,même maintenant, dans les recher-ches que nous menons sur l’actionpublique. Mais inversement, les re-présentations n’ont jamais été monseul axe puisque je travaillais beau-coup sur les contradictions socialeset les conflits. Les trois axes, l’axe surles représentations, l’axe sur lescontradictions sociales et les conflitset l’axe sur l’action publique et sesécarts, continuent à coexister dansce que je fais.

L’autre : Comment t’es-tu situé parrapport à une anthropologie plus clas-sique, qui avait plus d’aura à l’é-poque ? Il y a Lévi-Strauss, ce que tufais est très différent.Moi, j’étais dans un héritage plutôtde type Balandier. Georges Balandieravait plusieurs mérites, d’abord pourlui, il n’y avait pas de distinctions fon-damentales entre sociolo-gie et anthropologie, ce queje pense profondément. Etensuite il a vulgarisé enFrance l’école de Manches-ter, c’est-à-dire toute unesérie d’anthropologues an-glais qui ont travaillé autourde l’Afrique du Sud et qui,les premiers, ont parlé dela situation coloniale, ontparlé des interactions entrela domination coloniale etles populations locales, ontparlé des réseaux de mi-grants, etc. Il s’intéressaitaux dynamiques sociales àune époque où, aucontraire, en France, régnait Lévi-Strauss et l’anthropologie structurale,qui est une anthropologie extrême-ment abstraite, extrêmement baséesur des comparaisons mondiales demythes, de systèmes de parenté, dephénomènes assez décrochés des dy-

Les personnels de santévont percevoir les femmes de la brousse qui viennentconsulter comme ignorantes, sales, ne comprenant rien, et cela va être une des raisons de leur atti-tude condescendante et parfois brutale vis-à-vis d’elles

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namiques sociales et politiquesconcrètes. Après, il y a eu d’autres in-fluences. Quand j’ai commencé à tra-vailler sur l’épistémologie de l’anthro-pologie, pour le livre  La rigueur duqualitatif, là ça a été beaucoup l’in-fluence de Passeron. J’ai eu la chanced’avoir travaillé avec Passeron dansle centre de la Vieille Charité à Mar-seille où j’ai animé un volet africa-niste. Je partage tout à fait sa visionde l’épistémologie. Toutes les scien-ces sociales ont en commun unmême régime de scientificité, qui leurest spécifique, différent du régime descientificité des sciences expérimen-tales. Cela m’a aidé dans ma réflexionsur ce que la démarche anthropolo-gique pouvait avoir de rigoureux, maisavec toujours la nécessité d’un an-crage empirique. Là aussi, je penseque c’est une constante.

L’autre : L’ancrage empirique est peut-être ce qui s’appelle le travail ethno-graphique, c’est-à-dire le terrain, l’ob-servation; après, il s’agit imaginercomment cela fait système ou quelsens ça a ?Bien sûr. Je n’ai jamais approuvé ladistinction de Lévi-Strauss entre eth-nographie, ethnologie et anthropolo-gie. L’ethnographie, c’est le mec qui

se tape le boulot de terrain,l’ethnologue fait des com-paraisons régionales et l’an-thropologue, c’est Lévi-Strauss qui fait lescomparaisons mondialesen quelque sorte. J’ai tou-jours pensé que ce n’étaitpas comme ça que ça sepasse. Bien sûr qu’on pro-duit de la théorie. Bien sûrqu’on produit de l’interpré-tation savante. Mais elle n’ad’intérêt que dans la me-

sure où elle est ancrée dans des ré-férences empiriques solides. Là aussi,ça m’a rapproché beaucoup de l’Ecolede Chicago, qui est une influence im-portante pour moi, qui à l’époque étaitpas du tout habituelle dans l’anthro-pologie. Les anthropologues de magénération, ils s’en foutaient de l’E-

cole de Chicago et il y en a quasimentaucun qui la cite dans ses bibliogra-phies, il y a 30 ans ou 40 ans. Moi,au contraire, je trouvais que c’étaitextrêmement intéressant parce quec’était, au fond, la méthode ethnogra-phique mais au cœur des modernitésaméricaines. Et nous, on veut tra-vailler sur le cœur des modernités afri-caines. Donc, c’est vraiment cette vi-sion-là. L’Ecole de Chicago, c’était deproduire des concepts enracinés dansles réalités locales.

L’autre : Il n’y a pas de théories ou d’hypothèses a priori, elles viennentdu terrain ?Non, on n’est pas naïf. Quand on vasur un terrain, c’est forcément avecdes idées, des pistes, certaines cu-riosités précises, et aussi des présup-posés. Mais il faut aussi avoir la ca-pacité d’accepter que le terrainchange nos présupposés, change nosvisions et nous surprenne. Je sup-porte difficilement le terrain qui n’estque la justification de modèles pré-existants, qu’on va toujours confirmer,ce qui existe pas mal dans les scien-ces-sociales où les fabricants de mo-dèles théoriques les prétendent qua-siment universels, et après, à chacunde les appliquer où il veut. Je n’aimepas du tout ça.

L’autre : Tu évoquais aussi les popu-lismes en leurs donnant plusieurssens, comme si ça avait une in-fluence dans le regard des anthropo-logues et d’autres types d’interve-nants par rapport au type de contactsqu’ils avaient avec les terrains.C’était une réflexion sur le lien qu’il y apu avoir entre mon orientation anthro-pologique et le militantisme marxisteou maoïste de mes jeunes années. Ilme semblait que dans l’anthropologie,la découverte des autres peuples, despeuples dominés (les gens disaientavant «  les peuples primitifs  », nous,nous disions « les peuples dominés parl’impérialisme  »), rappelle un peu lepopulisme idéologique du XIXe siècle,quand les intellectuels vont découvrirles moujiks et les paysans. Dans la dé-

Toutes les sciences sociales ont en communun même régime de scientificité, qui leur est spécifique, différent du régime descientificité des sciences expérimentales

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marche de ces jeunes intellectuels quenous étions dans les années 60, quiallions découvrir des peuples lointainsqui pouvaient apparaître comme exo-tiques, il y avait aussi cette sorte dedémarche populiste, de donner un peula voix à des gens qui n’ont pas devoix, de l’histoire à des gens dont on anié l’histoire, etc. C’est ce que j’appellele populisme mais ce n’est pas du toutle populisme au sens actuel pour qua-lifier les mouvements d’extrême droite.Ce n’est pas non plus le populisme po-litique au sens où on peut dire « unleader populiste », comme l’était Perón.Non, c’est vraiment le populisme desintellectuels qui a été le point de dé-part du populisme analysé par diffé-rents auteurs. Cette fascination pourles peuples lointains pouvait aussiconcerner le peuple proche. Après, eny réfléchissant, j’ai commencé à medire qu’il fallait rompre avec une cer-taine forme d’idéalisation de ces so-ciétés, peut-être parce que je voyaisbien les stéréotypes et les clichésqu’on pouvait mettre sur ces sociétésafricaines, et que ça m’énervait beau-coup. J’ai toujours été très hostile auregard exotique ou exoticisant. Il mesemblait qu’il fallait rompre avec lesfascinations idéologiques. D’où la dis-tinction que j’ai essayé de faire entrepopulisme méthodologique et popu-lisme idéologique. Populisme métho-dologique, c’est le fait de se dire : toutacteur aussi dominé soit-il, aussi mar-ginal soit-il, exploité soit-il, tout acteura du savoir, des connaissances, desstratégies, des logiques d’action. Toutacteur peut être considéré comme unexpert dans un certain domaine. Lemendiant au feu rouge est un expertdans certains domaines, etc. C’est çapour moi le populisme méthodolo-gique, cette notion rejoint ce que Gid-dens avait appelé agency, c’est-à-direl’agencéïté, la capacité d’action quen’importe qui peut avoir, la marge demanœuvre de tout acteur. Il y a tou-jours une petite marge de manœuvre,quelles que soient les ressources etles contraintes. Donc populisme mé-thodologique, soit, mais pas populismeidéologique au sens de peindre tous

ces dominés aux couleurs qui nousplaisent, et les voir en fonction de nospropres préférences, préjugés ou sym-pathies. Il faut tenter d’avoir une dis-tance critique vis-à-vis de nos propresbiais, au moins dans le temps de l’en-quête. Après, j’ai essayé de montrerdans un texte, qui est repris dans laRigueur du qualitatif, qu’il y a plusieursapproches pour voir le peuple. On peutvoir le peuple uniquement dans sa do-mination, c’est ce que Passeron appe-lait «  le domino-centrisme de Bour-dieu  », le peuple n’est vu que dansl’intériorisation, par l’habitus, des phé-nomènes de sa propre domination. Onpeut voir le peuple uniquement dansses résistances, c’est James Scott, quivient des sciences-politiques mais quiest beaucoup anthropologue. Et puisenfin, on peut voir le peuple dans sonautonomie, c’est-à-dire qu’il n’est nidans la résistance ni dans la soumis-sion, ce qui est probablement l’essen-tiel des réalités, ce qu’il fautinvestiguer. Après, il y a desconcepts que j’ai dévelop-pés plus récemment qui, aufond, se situent un peu dansle prolongement de ça, avecles normes pratiques. Lesnormes pratiques, c’est desavoir quelles sont les régu-lations latentes et les routi-nes des pratiques des ac-teurs quand ils ne suiventpas les normes officielles.Mais ces régulations ne sont pas for-cément de l’ordre de la résistance, nide la soumission, ça peut être des stra-tégies opportunistes, ça peut être desstratégies collectives, ça peut être pleinde choses. Donc, c’est essayer de com-prendre les régulations informelles descomportements non-observants, c’estl’un des chantiers sur lequel je travailledepuis plusieurs années maintenant.

L’autre : Tu es aussi connu pour avoirdéveloppé la socio-anthropologie etune revue du même nom.C’était le bulletin de l’APAD. Mainte-nant il s’est transformé depuis deuxans en une revue dont le titre est« Anthropologie et développement  »,

Essayer de comprendreles régulations informelles des comportements non-observants, c'estl’un des chantiers sur lequel je travailledepuis plusieurs annéesmaintenant

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et ça reprend le titre de l’ouvrage quej’avais écrit il y a longtemps. A un mo-ment, j’ai aussi travaillé dans la revueEnquête qu’on avait faite avec Passe-ron, qui essayait d’être une revue deréflexion sur les pratiques de connais-sance en sociologie, histoire et anthro-pologie, donc toujours dans une visionde confrontation des différentes sous-disciplines des sciences-sociales.

L’autre : En Afrique il y a eu des déve-loppements par rapport à la santémentale. Il y a les travaux de Collomb,de Zempléni, etc. Quel est ton regarden fonction de l’anthropologie empi-rique que tu pratiques ?J’ai souvent trouvé que les psychiat-res, quand ils parlent de l’Afrique, sonttrop rapides. Ils vont un peu trop viteet donc ils sont toujours menacés pardes phénomènes de surinterprétationou de mésinterprétation, justementparce qu’ils ne parlent pas les lan-gues, ils ne connaissent pas la finesseou l’ambivalence des mots. Ils ont vitefait de plaquer des clichés. Commepar exemple le «  tradipraticien  » quiest quelque part un méta-cliché parce

qu’il y a d’innombrables for-mes de tradipraticien, c’estun monde complètementhétéroclite, qui n’est pas uni-fié. Souvent, on va le voiruniquement dans une seulede ses dimensions, parexemple, les danses de pos-session. Les psychiatressont souvent fascinés sansvoir que ce n’est qu’unaspect de la palette des pra-tiques thérapeutiques, sansvoir aussi qu’une grande

partie des thérapies aujourd’hui nesont pas du tout traditionnelles ousont néo-traditionnelles. L’exemple leplus frappant, c’est sur ce qu’on ap-pelle les pharmacies par terre et lescolporteurs de médicaments moder-nes. Aujourd’hui, plus de la moitié desactes de quête de soins quotidienssont d’acheter un médicament à uncolporteur de médicaments, ce n’estpas d’aller voir un tradipraticien. Jetrouve qu’il y a souvent un décalage

dans les interprétations. Alors, il y ena qui sont plus prudents, Ortiguesétait un peu plus prudent. Mais enfin,il était aussi dans une vision très gé-nérale. A la limite, je dirais qu’ilmanque justement de terrains ethno-graphiques. Mais après tout, pourquoipas. Je connais des psychiatres quifont un très bon travail clinique, maisils ne prétendent pas faire de la théo-rie transculturelle.

L’autre : Tu as une prudence par rap-port à l’usage du mot culture.J’ai critiqué une configuration idéolo-gique récurrente, que j’ai appelée« culturalisme traditionnaliste africa-niste ». Il y a une série de clichés surl’Afrique dite traditionnelle, qui seraitla cause des décalages qu’il y a au-jourd’hui entre les pratiques quoti-diennes et l’Etat moderne. On imputesouvent ça à la pression du commu-nautaire, des rituels, de la sorcellerie,comme s’il y avait toute une série dechoses qui venaient du passé africain,qui seraient encore là et qui plombe-raient en quelque sorte l’Afrique ac-tuelle ou qui, en tout cas, justifieraientson écart par rapport à la modernitéqu’on essaye d’y importer ou de l’o-bliger à accepter. Cela m’a beaucoupénervé, parce que ça ne tient absolu-ment pas compte de toutes les modi-fications qu’il y a eu depuis le XIXe siè-cle. Même dans le domaine despratiques religieuses, elles ne sontplus du tout ce qu’elles étaient. Dansle domaine des pratiques familiales,elles ne sont plus du tout ce qu’ellesétaient au XIXe siècle. Et on ne tientpas compte de toutes ces modifica-tions. D’une certaine façon, tout cequi, en Afrique, est différent de ce quiexiste en Europe – et Dieu sait qu’il ya beaucoup de choses – est imputéau passé de l’Afrique au lieu de l’im-puter à la modernité de l’Afrique. Lamodernité africaine est différente dela modernité occidentale, évidem-ment. J’ai eu certaines polémiquesavec des collègues qui imputaient toutà ce passé africain (sous diverses for-mes, comme le néo-patrimonialisme).Moi, je pense qu’il faut rendre compte

Les psychiatres, quandils parlent de l’Afrique,sont trop rapides. Ils vont un peu tropvite et donc ils sonttoujours menacés par des phénomènes de surinterprétation oude mésinterprétation

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des spécificités africaines et desécarts aux normes officielles d’origineoccidentale par l’analyse du présentactuel et de la modernité africaine, etnon par l’invocation du passé et de latradition.

L’autre : Tu as aussi une réflexion parrapport au système de soin, quandtu comparais la Chine ou l’Inde à l’A-frique.On sait très bien qu’il y a des systè-mes médicaux savants non-occiden-taux, comme la médecine ayurvé-dique ou la médecine chinoise. Laspécificité de l’Afrique, c’est qu’il n’ya pas de système expert basé sur laformation de spécialistes, et un cor-pus de connaissances stabilisées quiserait transmis. C’est extrêmementéclaté. Le marché thérapeutique estextrêmement fluide, segmenté, diverset en permanent changement. Donc,il n’y a pas une médecine savante afri-caine qui aurait existé de façon trans-versale. Je l’ai cherchée, d’autresgens l’ont cherchée, on a du mal à lavoir. Ce que nous avons vu dans Laconstruction sociale des maladies,c’est que les représentations popu-laires des maladies étaient la basedes thérapies et que les spécialistesou soi-disant tradipraticiens ne fai-saient que broder autour de ces re-présentations populaires, sans appor-ter un savoir radicalement différent.J’avais utilisé à ce moment-là commeconcept la notion de «  module  ».Chaque entité nosologique populaireest un module et ça ne forme pas for-cément système.

L’autre : A ton avis, pourquoi ces dif-férences ?Ça s’explique par la situation de l’A-frique précoloniale, où il n’y a pas euune classe dirigeante unifiée qui a puse constituer au fil des siècles,comme en Inde ou en Chine. Mais çane veut pas dire qu’il ne se passaitpas des choses intéressantes enAfrique du XVIIe, XVIIIe, XIXe, mais dis-ons qu’elle était beaucoup plus frag-mentée. Je n’ai pas cherché à plongerdans le passé pour en rendre compte.

Je me suis contenté du constat qu’iln’y avait pas de médecine savante etque les différentes formes de tradi-praticiens sont très ancréessur des savoirs populaireslocaux partagés, mais pasplus. Donc, c’est une struc-ture modulaire, on rajouteun module ici, on rajoute unmodule là, mais on n’estpas dans une sorte de py-ramide englobante commeles médecines savantes, quiclassifient et ordonnent sys-tématiquement, avec destaxinomies extrêmementcomplexes et riches. Cen’est pas en termes de va-leur, je ne dis pas que c’est moinsbien, c’est simplement différent.

L’autre : Il y a en France le dévelop-pement d’une clinique des migrantset des réfugiés, où entre la notion deculture avec des spécificités du typed’accueil, d’interactions et des adap-tations.Par rapport à ça, je réagis plus commechercheur, je ne suis pas thérapeute.Je n’ai pas compétence pour juger etévaluer. Comme chercheur, si je de-vais monter un programme de recher-che là-dessus, ce qui m’intéresserait,ce serait vraiment les représentationscroisées, c’est-à-dire de voir commentles thérapeutes perçoivent les mi-grants, les imaginent, les classifient,et, inversement, comment les mi-grants perçoivent les thérapeutes, lesimaginent, les classifient. Prendretous les acteurs de l’interaction mé-dicale, soignants, soignés, plus les pé-riphériques qui sont autour de ça, lesadministratifs, les notables, etc. et es-sayer d’abord de voir l’ensemble desreprésentations des uns et des aut-res. Ensuite observer des situationsd’interactions. J’aurais tendance à lefaire comme nous travaillons enAfrique. C’est pour ça que je penseque notre méthode de travail n’estpas spécialement africaniste ou afri-caine, on a une entrée par les inter-actions, par la différence des pointsde vue, par la diversité des regards

Une grande partie desthérapies aujourd'huine sont pas du tout traditionnelles ou sontnéo-traditionnelles.L’exemple le plus frappant, c'est sur ce qu’on appelle lespharmacies par terre

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ou des pratiques, etc. Donc, je l’ap-pliquerais si je devais faire un pro-gramme de recherche sur l’interactionthérapeutique avec des migrants enFrance. C’est un peu la méthodequ’on emploie en parlant de « groupesstratégiques ». On essaye de voir quelssont les groupes stratégiques impli-qués dans un système d’interactionou dans des situations de contact oude négociation.

L’autre : Ton ancrage au Niger est trèsimportant, comment tu te situes parrapport au Niger dont tu as la natio-nalité entre ta position de chercheurimpliqué et de citoyen?Je suis soucieux de garder la tensionentre le rôle de chercheur et le rôlede citoyen, enfin d’essayer de la gé-rer le mieux possible. Il est vrai quedans mes recherches que je mèneau Niger, un des aspects de ce rôlede citoyen, c’est que je suis citoyennigérien. Il ne s’agit pas que de moi,l’ensemble des chercheurs du LAS-DEL a un peu l’idée que, au fond,nos recherches doivent pouvoir es-sayer d’être utiles. Mais on ne faitpas pour autant d’anthropologie ap-pliquée, ça reste de l’anthropologiefondamentale mais en espérant quecette anthropologie fondamentalepuisse permettre des réformes etune amélioration de la qualité desservices, etc. En tout cas, faire despetits pas. On est très soucieux dediffuser nos résultats aux autoritésmédicales, par exemple le ministèrede la Santé. On voudrait qu’ils tien-nent compte de nos résultats. En yréfléchissant, je pense que le rôle decitoyen est très important à deux ni-veaux, avant et après la rechercheelle-même. Il est d’abord importantsur le choix des objets de recherche.Nous prenons des objets de recher-che comme les comportements desfonctionnaires nigériens, le systèmede santé, les problèmes fonciers,l’immigration, qui sont tous des pro-blèmes chauds, pas des problèmesde pure connaissance académique.Il y a un peu de militantisme dans lechoix de ces sujets, c’est indéniable,

mais on ne doit pas baisser la gardeau point de vue méthodologique etde la production de connaissances.On se donne les mêmes exigencesque toute recherche fondamentale.Ce n’est pas parce que ça peut êtreutilisable qu’on doit, pour autant,faire de la recherche de secondezone. Pendant le temps de la recher-che, il faut se méfier de nos préfé-rences citoyennes. C’est tellementvite fait de projeter nos préférencessur la réalité qu’il vaut mieux être vi-gilant. Bien évidemment, on ne peutjamais se départir complètement deses préférences. Bien évidemment,on part de quelque part. Mais unefois dit cela, qu’est-ce qu’on fait? Ons’en satisfait, on le glorifie, on s’en-ferme dans ses présupposés? Ou aucontraire on essaye de s’en méfierun peu, on essaye d’être surpris, onessaye de voir des choses qu’on n’a-vait pas forcément envie de voir? Moi,je suis pour la seconde option, sa-chant qu’on ne peut jamais le fairecomplètement, mais il vaut mieux es-sayer. C’est une forme de vigilancepar rapport aux biais. On essaie deformer nos étudiants à cette vigilancepar rapport aux biais spontanésqu’on a sur le terrain.Je pense que dans nos approches, ildoit y avoir un principe d’égalité épis-témique. Tous les groupes impliqués,tous les groupes stratégiques sur leterrain méritent notre intérêt, y com-pris ceux pour lesquels on n’a pas apriori de sympathie particulière.Quand on étudie la corruption, lesdouaniers corrompus méritent notreintérêt, il faut comprendre commentils fonctionnent, comprendre leur lo-gique et essayer de « penser commeles indigènes  » (Geertz). En l’occur-rence, l’indigène, c’est le douanier. Ilfaut qu’on puisse penser comme lui,même si, au départ, ce n’est pas no-tre tasse de thé et qu’on n’a pas en-vie d’être un douanier corrompu.

L’autre : C’est de l’empathie?Il faut combiner empathie et critique.Le principe de base, c’est que, dansle temps de l’entretien, on est plutôt

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dans l’empathie avec notre interlocu-teur, en même temps on doit toujoursgarder un sens critique permanent.C’est ça justement, ne pas tomberdans le populisme idéologique parexemple. Il faut toujours combinerl’empathie qui permet de se mettredu côté de l’interlocuteur et d’essayerde comprendre sa logique, et enmême temps le sens critique qui nouspermettra après de décoder, de com-parer, d’interpréter. On doit faire lesdeux. Ça, c’est le processus de la re-cherche. Après la recherche, on peutreprendre sa casquette de citoyen,dans le service après-vente enquelque sorte des résultats de l’en-quête. C’est comme ça que j’essayede régler le problème de la tensionentre le rôle de citoyen et le rôle dechercheur. Le rôle de citoyen est évi-demment plus fort au LASDEL parceque nous travaillon dans un institutde recherche nigérien, et sur notrepays. Quand ce sont des chercheursd’une université française qui tra-vaillent sur un pays africain, où ils nefont que des missions, le rôle de ci-toyen est moins évident.

L’autre : Dans le champ de la santémentale et de la psychiatrie inter outransculturelle on a souvent commepoint de référence Collomb, Deve-reux.A un moment, j’ai travaillé un peu surles maladies mentales et j’ai travailléaussi sur les danses de possessionau Niger. Je n’ai pas trouvé beaucoupd’aide dans ce qui existait. Bien sûr,j’ai lu Devereux, j’ai une certaine ad-miration pour ce qu’il avait fait avant,je partage certains de ses points devue sur les sciences sociales. Après,je trouve que c’est pas très utile carc’est trop général. Par exemple, moij’ai connu des psychiatres pour qui lapossession par un génie, c’était es-sentiellement un système thérapeu-tique local pour soigner les maladiesmentales (je pense que pour Collombc’était aussi l’interprétation sous-ja-cente, mais Collomb n’était pas unthéoricien). J’ai essayé de leur expli-quer, que pour les gens concernés,

les danses de possessions n’ont rienà voir avec des maladies mentales.Quand un individu est « appelé » parun génie c’est certes sous la formede désordres psychiques(mais aussi psycho-soma-tiques et physiques) tempo-raires qui sont des signesd’appel. Une fois qu’on afait l’alliance avec le génie,par l’initiation, c’est fini, iln’y a plus de problèmes. Lapersonne sera possédée ré-gulièrement, de façon ri-tuelle, socialisée et banali-sée. Et elle n’est jamaisconsidérée comme maladementale. Par contre le ma-lade mental, c’est celui chezqui les danses de posses-sion, ça ne marche pas.L’exemple du fou déambu-lant en haillons, qui est l’i-mage de la folie en Afrique,ne relève pas du tout de ladanse de possession,contrairement à ce que pen-sent certains psychiatres.Voilà ce qu’apporte l’ana-lyse des représentations émiques, elledéconstruit certains présupposés, cer-tains clichés.

L’autre : Comme citoyen tu évoquaisles développements d’un Islam in-quiétant au Niger.Oui, parce qu’il y a Islam et Islam. Ac-tuellement, on a une déferlante del’Islam wahabiste (salafiste, intégriste)qui a commencé progressivement de-puis une vingtaine d’années et quimodifie complètement les conditionsde ce qu’était l’Islam. L’Islam au-jourd’hui au Niger n’a pas grand-chose à voir avec l’Islam d’il y a 40ans, lequel était différent de l’Islam ily a un siècle, etc. L’Islam, c’est aussiune série de courants. On a un mar-ché religieux très fractionné et seg-menté aussi. Le mot secte est tou-jours gênant mais des groupesislamiques qui s’opposent les uns auxautres, qui se disputent les uns contreles autres, il y en a pas mal.

Il faut toujours combiner l’empathiequi permet de se mettre du côté de l’interlocuteur etd’essayer de compren-dre sa logique, et en même temps le sens critique quinous permettra après de décoder, decomparer, d’interpréter.On doit faire les deux.Ça, c'est le processusde la recherche. Après la recherche, on peut reprendre sacasquette de citoyen

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L’autre : Est-ce une nouvelle domina-tion qui est en train de s’imposer ?Oui, c’est vrai, il y a de ça. Je n’utiliseplus trop le concept de dominationparce que ça me semble un concepttrop général. Parler de la dominationen général me gêne toujours, c’est ladomination de qui, sur quoi, com-ment. Aujourd’hui, l’idéologie wahha-biste est portée par des acteurs so-ciaux précis. Elle a bénéficié dusoutien de l’Arabie Saoudite et du Qa-tar (formation de prédicateurs, d’i-mams, financements de mosquées,utilisation d’ONGs de type Qatar Cha-rity, etc.) Aujourd’hui, l’idéologie sala-fiste tient un peu le haut du pavé.Même si la majorité de la populationn’est pas salafiste, ils ont réussi à im-poser un certain nombre de pratiquesà tout le monde. C’est un très grosproblème politique pour l’avenir dupays. Ça veut dire qu’on a une idéolo-gie moyenâgeuse au lieu d’un Islamdes Lumières.

L’autre : Cette inquiétude est-elle par-tagée par les Nigériens ?Il y a beaucoup de Nigériens qui sontinquiets de ça. Après, il y en aussi

beaucoup qui soutiennent ça. A l’uni-versité, l’association des étudiantsmusulmans est wahhabiste. La mos-quée de l’université a un imam wah-habiste. Il y a plein de discriminationsqu’ils essayent d’opérer et qui sonttrès inquiétantes pour l’avenir. Il y aun vrai danger, c’est clair.Mais l’idéologie wahhabiste se nourriten particulier de la crise de l’Etat (fa-voritisme et corruption, par exemple),de la crise du système éducatif (dansun état catastrophique), de la crisedes services publics (qui sont de trèsmauvaise qualité). Des réformes ré-elles dans ces domaines sont sure-ment le meilleur moyen à long termed’endiguer l’influence salafiste et derenverser la tendance. Ces réformesne peuvent venir de l’extérieur, niobéir aux injonctions des bailleurs defonds. Elles ne peuvent venir que del’intérieur des sociétés africaines.C’est aussi un de nos objectifs de re-cherche que d’identifier les réforma-teurs de l’intérieur et de documenterleurs réformes. !

" Bibliographie sélective de Jean-Pierre Olivier de SardanUne politique publique de santé et ses contradictions. La gratuité des soins au Burkina Faso, au Mali et au Ni-ger avec V. Ridde (eds), Karthala. 2015Une politique publique de santé et ses contradictions. La gratuité des soins au Burkina Faso, au Mali et auNiger avec V. Ridde (eds), Karthala. 2015.La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l’interprétation socio-anthropologique. Louvain-La-Neuve: Bruylant, 2008.Etat et corruption en Afrique. Une anthropologie comparative des relations entre fonctionnaires et usagers(Bénin, Niger, Sénégal), avec G. Blundo, Paris, Karthala, 2007.Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d’Afriquede l’Ouest, avec Y. Jaffré, Paris, Karthala, 2003.La sage-femme et le douanier. Cultures professionnelles locales et culture bureaucratique privatisée, Autrepart,2001.La construction sociale des maladies. Les entités nosologiques populaires en Afrique de l’Ouest avec Y. Jaffré(eds.), PUF 1999.Les sociétés songhay-zarma (chefs, guerriers, esclaves, paysans…), Paris, Karthala, 1984.La construction sociale des maladies. Les entités nosologiques populaires en Afrique de l’Ouest avec Y. Jaffré(eds.), PUF 1999.Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, Karthala, 1995.Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, Karthala, 1995.Les sociétés songhay-zarma (chefs, guerriers, esclaves, paysans...), Paris, Karthala, 1984.

" Crédit photographique : P. 223 Yoram Mouchenik

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Le monde contemporain est pluriel, métissé, créole, traversé de ques tionsidentitaires individuelles et collectives. L’autre, revue trans culturelle etpluridisciplinaire, est un lieu de réflexion sur la diversité et les migrations etleurs effets en clinique et dans la société. Elle s’adresse à tous ceux qui,curieux ou professionnels, se sentent concernés par les rencontres, lesmétissages, l’altérité. Elle paraît trois fois l’an.

LA PENSÉE SAUVAGE, ÉDITIONS

Éditorial Me too, femmes exilées et d’ici, femmes du sud et du nord, femmesblanches et noires CLAIRE MESTRE, MARIE ROSE MORO

Dossier L’ELAL d’AvicenneL’ELAL d’Avicenne, un outil transculturel très attendu pour évaluer et soutenir lescompétences en langues maternelles des enfants MARIE ROSE MORO, DALILA

REZZOUG, MALIKA BENNABI-BENSEKHAR, AMALINI SIMON, HAWA CAMARA, FATIMA TOUHAMI,LAURA RAKOTOMALALA, CORALIE SANSON, MURIEL BOSSUROY, STÉPHANE DI MEO, GENEVIÈVE SERRE-PRADÈRE, MARCELLIN YAPO, ADELINE SAROT, BRUNO FALISSARD,THIERRY BAUBET • L’ELAL d’Avicenne : le premier outil transculturel d’évaluationdes langues maternelles des enfants allophones et primo arrivants DALILA

REZZOUG, MALIKA BENNABI-BENSEKHAR, MARIE ROSE MORO • Validation transculturellede l’ELAL d’Avicenne en soninké (Mauritanie) HAWA CAMARA, DALILA REZZOUG,MARIE ROSE MORO • Validation transculturelle de l'ELAL d’Avicenne en tamoul (Sri Lanka) AMALINI SIMON, DALILA REZZOUG, MARIE ROSE MORO • Validation trans-culturelle de l’ELAL d’Avicenne en arabe dialectal (Maroc) FATIMA TOUHAMI, DALILA

REZZOUG, MARIE ROSE MORO • Validation transculturelle de l'ELAL d’Avicenne enarabe dialectal (Algérie) MALIKA BENNABI-BENSEKHAR, DALILA REZZOUG, MARIE ROSE

MORO • Bibliographie des écrits sur l’ELAL d’Avicenne (2018) STÉPHANE DI MEO

POUR LE GROUPE DE RECHERCHE

Articles originaux Héritage traumatique chez les enfants nés du viol pendantle génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994 ASSUMPTA MUHAYISA,JEAN MUTABARUKA, IGNATIANA MUKARUSANGA, ISABELLE DURET • Les femmes violéesde la République Démocratique du Congo : la résilience dans la résignation BEN-JAMIN BIHABWA MAHANO, NATHALIE MBENDA KANGAMI

Note de recherche L’apport de l’histoire des mentalités aux disciplines psychopa-thologiques CHRISTOPHE GAULD

Entretien La rigueur du qualitatif. Entretien avec Jean-Pierre Olivier De Sardan parYORAM MOUCHENIK

Le supplément de L’autreDébat Bien traiter l’enfant, c’est le reconnaître en tant qu'humain comme les autres, dans sa culture et dans ses droits. À propos du livre de Daniel Delanoë :Les châtiments corporels de l’enfant : une forme élémentaire de violence CHRISTIAN

LACHAL Note de terrain Parler aux enfants de la violence du monde, à partir del’ouvrage L’Enfant Gazelle de Stéphane Martelly et Albin Christen SOPHIA KOUKOUI

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