Pleine lune, tome 1 - Traquée - Créer un blog...

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RésuméEbookréaliséparIssa

Mon nom est Emma, je pourrais être une adolescente ordinaire... mais je ne le suis pas.

Dansmonmonde,seulelaréalitéasaplace,jusqu'aujouroùjelerencontre.Reclusaufinfondde la forêt, ilsviventcachésde tous.Depuismonarrivée,des jeunes fillessontsauvagementassassinéesetjecomptebiendécouvrirlavérité.Maissuis-jeprêteàl'entendre?Etsilalégendedépassaitl'inimaginable...Toutceciauraitpuêtrelafin,maiscen'estquele

commencement.SilesHommesn'étaientpasseulssurterre,sauriez-vousgarderlesecret?Jen'aipaseule

choix...Attentioncertainesscènessontviolentesetd'autresparticulièrementérotiques.Àbonentendeur.

Àmonpapaetàmamaman.Euxquim'ontapprisàtoujourscroireenmesrêves.

Àmesgrands-parents,spécialementàpapyRobertquiestpartitropvite.

«L'universestremplidemagieetilattendpatiemmentquenotreintelligences'affine.»deEdenPhillpotts

CHAPITRE1DARREN

C'était une journée particulièrement froide qui s'annonçait : alors que le soleil pointait toutjusteleboutdesonnez,leventglacialquirégnaitdepuisplusieurssemainesluivolaittoutesachaleur,laissantplaceàuneforêtfrigorifiée.Lefroidétaitmordantcetteannée,àtelpointquelanatureétaitengourdiesoussonmanteaudeglace.C'était un hiver sans fin. Les arbres dénudés etmeurtris par le froid n'étaient plus que de

pauvresmorceauxdeboisrongésparl’humiditédontlesbranchesfinesetfragilessupportaientlepoidsdeneige.Tandisque lesdernierscrisdesoiseauxpartantpourunecontrée lointainericochaiententre

les arbres, la forêt restait immobile en attente de son réveil.Maismalgré son sommeil, ellecontinuait à cacher à la perfection son mystérieux secret que nul n'avait jamais découvert :nous.Àl'abriderrièrelesarbresnus,jenefaisaisqu'unaveclabelleendormieet,commechaque

après-mididepuisdeuxsemaines,j'exploraislaforêtdansl'espoirdemettrelamain,ouplutôtlapatte,surlelouprenégatquisévissaitauvillage.Lessensenalerte,jesentaisl'odeurdelaneige,duventfraisetdel'humiditém'entourer.Jehumaisl'odeurdusangimprégnerlaterreoùs'était trouvée lacarcassed'uncerfunpeuplus tôtdans lamatinée.Monouïenepermettaitd'entendre l'oiseausurvoler la forêtaussisilencieusementque levent.Cesboisn'avaientplusdesecretpourmoi.Maistoutemonattentionétaitdirigéesurlevillage.Leshabitantsétaientétrangementjoyeuxmalgrélamenacequiplanaitau-dessusd'eux.Les

meurtres ne semblaient plus les atteindre, ou alors en avaient-ils l'habitude ? Sur le petitchantieràlalisièredubois,deshommesportaientdesbancs,d'autresdestables,tandisquelesfemmestraînaientavecellesleursplusbeauxtissus.Je me glissai entre les arbres et me rapprochai de la route enneigée. Ma fourrure noire

n'étaitpasunpointfortdanscethiversansfin,maisjeréussisàm'approchersuffisammentdelalisièrepourdistinguerlesvoixdedeuxfemmesquimarchaientcôteàcôte,lesbraschargésdepaquets:—As-turemarquéquelesmeurtresontcommencédepuisqu'elleadécidéderevenir?—Arrêtez!Elleaquandmêmeperdusagrand-mère!—Etsamèreaussi!Cettefilleapportelamort...Au fur àmesure qu'elles s'éloignèrent de la lisière, leurs voix diminuèrent. Peu après, elles

disparurentdanscebrouillardqui avait l'habituded'entourer le villageenhiver.Cetteépaissebrumequiétaitunesortede frontièreentre leurmondeet lemien.Je finisd'explorer la forêtavantdemedétournerduvillage.Cettefouillen'avaitriendonné,toutcommelesprécédentes.Oùpouvaitbiensecachercetraître,cerenégat,celoupnomméDawson?

***

EMMA

Celafaisaitmaintenantplusde4heuresquenousvolions.J'étaisépuiséeetjecommençaisàressentir le stress accumulé depuis ces derniers jours. J'étais partie de chezmoi à l'âge deneuf ans, laissant derrière moi vie, amis, école, abandonnant tous mes repères pourl'Amérique.Grand-mèreWhitem'avaitaccueilliechezelleàbrasouverts.C'étaitellequim'avaitvugrandir, tandisqueje l'avaisregardéevieillir.Àsamort, j'avaispris ladécisiondereveniràArcane,monvillagenatal.Maisunequestionme torturait l'esprit :etsi jenem'ysentaispaschezmoi?Aurais-jefaittoutcevoyagepourmerendrecomptequemavieétaitenArizona?Si, après tout ce temps, ceux que j'appelais amis avaient changé au point de devenir desinconnusàmes yeux.En réalité, j'avais peur d'être rejetée, peur d'être seule. Je nepouvaispasm'empêcherdemedemandersij'avaisprislabonnedécision.Je soupirai et essayai demedétendre.Perduedansmespensées, je regardai par-delà le

hublot. Le ciel était d'un blanc éclatant, prometteur d'une nouvelle chute de neige. J'étais entraindemedandinersuiteauxdouleursprovoquéesparlescourbaturesquandlavoixcalmedel'hôtessedel'airrésonnadansleshaut-parleurs:— Mesdames, Messieurs, nous arrivons à destination. Veuillez rester assis jusqu'à l'arrêt

completdel'appareil.Merci.Jeme redressai nerveusement surmon siège et attendis patiemment « l'arrêt complet de

l'appareil ». Quand les roues touchèrent le sol, l'engin fut agité de soubresauts avant des'arrêter complètement sur la piste d'atterrissage. Les passagers se dépêchèrent derassembler leursaffaires,etpourcertains leursenfants.Jeprismessacsetmeglissaientrelespersonnes, lançantdes«pardons»etdes«excusez-moi»pouressayerde rejoindre lasortie. L'hôtesse nous demanda si nous avions passé un agréable voyage et nous salua ennoussouhaitantuneagréablejournée.Une fois en dehors de l'avion, un vent froid m'assaillit, venant me chatouiller le cou. Je

m'emmitouflai dans mon écharpe en laine et rajustai mon manteau. Le temps s'étaitincontestablementrefroidi.Jesuivislatroupedevacanciers,danslaneige,jusqu'àl'aéroport.Àl'intérieur, j'allai récupérer mes bagages et me dirigeai ensuite vers l'entrée du bâtiment.L'endroitgrouillaitdemonde :desenfantsquise taquinaientetcouraientdans tous lessens,despersonnesâgéesquinepouvaientpass'empêcherderéprimanderlesgamins,desmèresavançantavecleurspoussettes,etdeshommesportantleursbagages.Je fussioccupéeàobserver lesenfantschahuterque jepassaiàcôtédeCoralinesans la

voir.J'avaismarchéquelquesmètresquandj'entendisappelermonnom.JemeretournaietvisCoralinecourirversmoi, toutesouriante,agitantsesbraspourqueje larepère.Aprèstoutescesannées,elles'était coupéses longscheveuxd'unblondclairetavaitoptépourunebellecoupeaucarré.Sesyeuxbleusbleucielpétillaientde joie.Arrivéeàmahauteur,ellemepritdans ses bras. Son parfum framboise emplit mes narines. Je lui rendis son étreinte. J'étaiscontentedelarevoiraprèstoutcetemps.Ellem'avaitterriblementmanquéetmerappelaittantdesouvenirs.Jem'écartaiàcontrecœurpourladévisager.—Tanouvellecoupetevaàravir!luidis-jeenguisedesalut.—Merci,me répondit-elled'unevoix chaleureuseen remettantunemèchedecheveux trop

courtederrièresonoreille,quiretombalaseconded'après.

—Tonvoyages'estbienpassé?reprit-elle.—J'aiconnupire.CommentvaArcane?Sonsouriresecrispalégèrement.—Oh...Jevaistoutt'expliquer.Ellepritunedemesvalisesetnousnousdirigeâmesversleparking.

CHAPITRE2EMMA

J'observais le paysage défiler devant moi, confortablement installée dans la Jeep deCoraline.Nousroulionsdepuisprèsd'uneheure.Arcaneétaitunpetitvillagefortretiréd'environ700habitants. Il se trouvait aumilieu de la forêt et était difficile à localiser pour ceux qui neconnaissaientpassaposition.Unsilencegênés'étaitinstallédansl'habitacle.Dequoipouvais-jebienparleràuneamieque jen'avaisplusvuedepuisplusde8ans?Depleindechoses,maispar-dessustout,jevoulaissavoircequisetramaitauvillage.—Tun'aspasréponduàmaquestiontoutàl'heure...Ils'estpasséquelquechoseàArcane

demandai-jeentripotantnerveusementlesfrangesdemonécharpe.Ellesoupira.—C'estcompliqué...,commença-t-elle.Depuisunesemaine, ilyadesmeurtres inexpliqués

quiseproduisentdanslevillage.Jehaussailessourcils.—Desmeurtres?ÀArcane?—Ouais,acquiesça-t-elleleregardconcentrésurlaroute.—Ilsonttrouvélecoupable?m'inquiétai-je—C'est ça le problème, dit-elle en freinant au feu rouge puis en tournant son regard vers

moi.Ilsn'ontpassuffisammentd'indicespourdéterminerlachosequiatuélesjeunesfilles.Ilssontcomplètementlargués.—Commentçapasassezd'indicespouridentifierla«chose»?—Àchaquefois,lescorpsontétéretrouvésdéchiquetés,démembrés,cequifaisaitpenser

àunanimal,surtoutque...—Laforêtd'Arcaneabritedesloups,sijenemetrompepas.— Exact, murmura Coraline en reprenant la route. Mais après, on s'est aperçu que les

victimes étaient toutes de sexe féminin, et âgée d'environ dix-huit ans. De plus, ellesprésentaientdesmarquesdemorsuresanimalesethumaines.C'estpeut-êtreunecoïncidence,mais...—Mais,sic'est l'œuvred'unhumain,commenta-t-il faitpourdémembrersesvictimes? lui

coupai-jelaparole.— On ne sait pas... Mais j'ai entendu dire que les victimes étaient des prostituées et

s'adonnaientàdesjeuxSM.Lapolicesupposequecesmarqueshumainesneseraientquelerésultat de leurs petits « jeux ».Mais ils doivent encore interroger leurs... clients.Et commeellestraînaientsouventtardlanuit,onpeutconclurequeleloupn'apaseudedifficultésàlesattraper.La voiture tourna dans un chantier et pénétra dans la forêt. Les pneus crissèrent sur le

gravier.Jegrimaçai.Quiaimeraitsefairemordrependant...?

—Net'inquiètepas,meditCoralineensouriant.Lapoliceestpresquecertainequecesontles loupsquisontà l'originedececarnage.Arcaneestsoussurveillance, ilnepeut riennousarriver.Nous roulâmes pendant dix minutes avant que la voiture ne tourne dans un vieux parking

recouvertpar laneigeetnes'arrêteprèsd'unénormepanneauplantédans lesol.Le tempsavaitusélebois,maisonpouvaittoujourslireleslettrestailléesdanslechêne:«BienvenueàArcane».Nousenlevâmesnosceinturesdesécuritéetdescendîmesdelavoiture.Coralinefitletourduvéhiculeetsepostadevantmoi.—Matthewvaêtrecontentde tevoir, rigola-t-elle. Iln'apasarrêtédeparlerde toidurant

toutelasemaine.Nous avançâmes sur un sentier aménagé qui reliait la route jusqu'à l'entrée d'Arcane : un

large passage servant d'accès entre deux bâtiments. Le village n'avait pas de clôture pouréloignerlesprédateurs,maistouslesédificesextérieursétaientpositionnésdefaçonàtournerle dosà la forêt qui les entourait, ce qui donnait uneffet sécurisant au village.Ainsi,Arcaneformaitunénormecercleparcouruderuelles.On arriva à la place principale. Rien n'avait changé. Elle avait toujours son ancienne allure

avecsespavésetsesmaisonsenbois.Lecentreduvillagepossédaitencoresamagnifiquefontaineoùl'eauyavaitgelé.Desvillageoisnoussaluâmesquandnouspassâmesdevanteux.Jeleursourisenmedemandants'ilsmereconnaissaient.Celafaisaitdubienderevenirici.Lecentre était le cœur du village, où les restaurateurs et les aubergistes avaient installé leursboutiques. Elle se divisait en plusieurs branches : une à gauche menait aux quartiersrésidentiels,uneàdroitede lamairieoùse trouvait l'école,etenfinuneaucentrequidonnaitverslesquartierscommerciaux.Lesdifférentsquartiersétaientreliésentreeuxparcequel'onappelle « la veine», qui permettait auxpaysansde voyager facilement et d'éviter depasserchaquefoisparlaplaceprincipale.Encombréesparmesbagages,nousdécidâmesd'allerlesdéposeràlamaison.Nousétions

entraindemarcherquandj'aperçusMatthewmetournantledos.Ilavaittoujourscetteépaissetignassebrune,onduléeetincoiffablequiluiarrivaitjusteau-dessusdesépaules.Nousfaisionspartie des malheureux propriétaires de cheveux indomptables. Je regardai ses musclestressaillir sous le poids du banc qu'il portait. Dire que je le matais était un bien grand mot.Disonsseulementquej'observaisseslargesépaules,satailleathlétique,etsesfessesfermes.Il dut sentirmon regardsur lui, car il se retournaet son regards'illuminaenm'apercevant. Ilposasonfardeaudanslaneigeets'avançaversmoi.— Pire qu'un petit chien, me murmura Coraline exaspérée. Plus vite Matthew ! Tu y es

presque!ViensvoirEmma,cria-t-elled'untonsarcastique.Jenepusm'empêcherdesourire,maisavais-jeratéunépisode?Coralineétait-ellejalouse?—Trèsdrôle,Cora,grimaça-t-il.Il me prit dans ses bras et me serra contre sa poitrine. Je l'enlaçai et restai quelques

secondes pour sentir la chaleur de son corps me réchauffer jusqu'au bout des doigts, puism'écartai.— Waouh ! dis-je en lui donnant un coup de poing amical sur l'épaule. Tu es musclé

maintenant.

Jeluifisunclind'œilcomplice.Enprimaire,Matthewétait lepluschétifdetouslesgarçonsduvillage,cequifaisaitdeluileparfaitsouffre-douleur,maisceciavaitbienchangé.Iléclataderireetsepliaendeuxcommesijel'avaisblessé.Jerigolaideboncœur.—Tonvoyages'est-ilbienpassé?medemanda-t-ilchaleureusement.—Ouep,c'étaitlong,maisçava.Ettoi,tufaisquoi?demandai-jeenfixantlebancderrière

Matthew.C'estunemauvaisejournéepourdéménagerdesmeubles,sansparlerdeleslaisserpoireauterdanslaneige...Matthewsursautaenseretournantpourcontemplerl'objet.—Oh...Ça?Cen'estrien,justedeladécoration,dit-ilensepassantnerveusementlamain

danslescheveux.Rien,ondécoreseulementunesalle...Coralineluijetaunregardlourddesous-entendus.—Maisrienàvoiravectonretour,ajouta-t-ilprécipitamment.Onn'auraitjamaiseul'idéede

faireunefêteet...Coralinerouladesyeux.—ArrêteMatthi,tut'enfonces...murmura-t-elle.Mais comme il continuait à débiter son excuse bidon, elle s'avança, lui saisit l'oreille et la

torditdouloureusement.Matthewpoussaunlongcriplaintifavantdesedégageretdegrimacerensefrottantl'oreille.—Ça faitmalCoraline ! ronchonna-t-il. Je vais aller porter plainte à l'associationdesamis

maltraités!—Oust!Retournetravailleràtafameuse«déco».Matthi fit un doigt d'honneur à Coraline puis se tourna vers moi, un sourire espiègle aux

lèvres.—DésoléEmmadedevoirtelaisser...avecELLE.CoralinefitungrandpasmenaçantversMatthew.Ils'éloignaentrottinant.—Gamin!hurlaCoralineàMatthi,quirigoladeplusbelle.Ellesoupira.Jem'approchaietluitapotail'épaule.—Mapauvre,laplaignis-jed'untonfaussementcompatissant.Elleserenfrogna.—Ilm'énervecetype,grommela-t-elle.—Ha!Jesuissûrquetul'aimesbien.Enplus,ilestpasmal...Coralinerougitetcroisalesbras.—N'importequoi!JenesuispasattiréeparMatthew!—Ouais,ouaisdis-jeméfiante.Coraline,rougecommeunepivoine,pritunevalise.—Onyvaoutucomptesprendreracine?Amusée,jelasuivisjusqu'auxquartiersrésidentiels.

***

Nous marchions en silence depuis dix minutes à travers la longue rue résidentielle, où laplupartdesmaisonsétaientserréeslesunescontrelesautresetoùlesoleilpeinaitàéclairerl'endroit,cequiplongeaitlequartierdansl'ombrelamajeurepartiedelajournée.J'avais évidemment remarqué qu'ils préparaient une fête pour moi, mais je ne voulais pas

gâcherleursurprise,alorsjen'enavaispasreparléàCoraline.Nousnousarrêtâmesquandnousarrivâmesdevantuneénormemaison,ladernièredelarue.

Elle était comme dans mes souvenirs. Elle se trouvait légèrement à l'écart des autresdemeures, ce qui lui donnait une impression de solitude, et assez proche de la forêt pourrenforcer lasensationde tranquillité.Elleétaitaucentred'un immense jardin recouvertpar laneigebaignéedansunpiètresoleil.Plus loin dans le jardin, quelques vieux peupliers se tenaient près d'une charmante petite

cabaneenbois,quiétaitàl'originel'atelierdemamèredécédéelorsquej'avaisseptans.Monpèren'yavaitplusjamaisplusmisremislespieds.Depuisl'accident,ilenétaitmêmearrivéàdétesterledessinetlapeintureetleurreprochaitd'avoirprovoquélamortdemamère...Maisiln'avaitjamaistrouvélecouragedejeterlesaffairesdemaman.Derrièrelapetiteclôtureenbois,j'aperçuslaberlinenoiredemonpèregaréesurlegravier.

Cequisignifiaitqu'ilétaitsoitàlamaison,soitqu'ilétaitpartitravailleràpied...— Je vais me débrouiller pour la suite, dis-je en resserrant ma prise sur la valise. Merci

beaucoupd'êtrevenuemechercheràl'aéroport.—Pasdequoi.Ellemepassaledeuxièmebagageetfitdemi-tour.Elleavaitfaitquelquespasquandellese

tournaversmoitimidement.—Dis...ausujetdubanc,commença-t-elle.—Jenedirairien,larassurai-je.Çaresteranotresecret.Ellesedétenditetsesépauless'affaissèrent.—Merci,soupira-t-ellesoulagée.Onatoustellementtravaillépourcettesurprise!—C'estmoiquiteremercie.Bon,j'yvais,sinonjevaisratermonpère.—OK,jevienstechercherversdix-huitheures!N'oubliepas!Ellemesouritets'éloigna.Finalement,ilsnem'avaientpasoubliée.Je traversai l'allée enneigée et montai les quelques marches pour arriver devant la porte

d'entrée. Apparemment, mon père avait toujours cette sale habitude de laisser les portesouvertes.Jerentraidanslamaisonetposaimesvalisesdanslehall.J'approchaimesmainsdemaboucheetsoufflaipourtenterdelesréchauffer.L'hiverétaitmordantcetteannée,oupeut-êtren'avais-jetoutsimplementplusl'habitudedeshiversduNord.La demeure comptait trois étages. Le rez-de-chaussée comprenait une grande salle à

mangervictorienne,unecuisineaméricainequiaurait fait lebonheurd'unchef,sansoublier lesalonàlapointedelatechnologie.Audeuxièmeétage, ilyavaitcinqchambresdontchacuneavaitsapropresalledebain.Legrenierm'étaitinterdit.Monpèreyavait installésonbureauetsesaffairesde travailpourêtreaucalme(ouplutôt

pourêtredébarrassédemoi).Laporteyétaitd'ailleurstoujoursferméeàclé.Depuis le hall d'entrée, j'entendis des voix provenant de la cuisine. J'enlevaima doudoune,

l'accrochaiauportemanteauetmedirigeaiverselles.Danslacuisine,monpèrediscutaitavec

son plus fidèle ami : son téléphone.Mon père ne vivait que pour son boulot. Il était le PDGd'une grande entreprise... d'où la grande maison. C'était pour cette raison qu'on m'avaitenvoyéechezGrand-mèreWhite,car ilétaitplusoccupéàgérersescomptesqu'às'occuperde sa fille.À le voir debout dans la cuisine, je sus que les chosesn'avaient pas changé.Cen'est que quandmon père posa son téléphone sur la table qu'il m'aperçut sur le seuil de lacuisine.—Emma,murmura-t-il.Jefisquelquespasdanssadirection,maissesparolesm'arrêtèrentnet.—Quefais-tuici?Quandvousfaitesunesurpriseàquelqu'un,c'estgrâceàsapremièreexpressionqu'onvoit

s'ilestdéçuoupas.Onpeutcomprendrequelapersonnenesoitpasraviesionfait irruptionchez elle à l'improviste. Cependant, ceci est blessant quand on s'aperçoit que celui qui étaitinformé de votre venue semble vous avoir complètement oubliée et, qui plus est, apprécieencoremoinsvotrevisite...D'autantplusquandils'agitdevoirvotreproprepère.—Comme grand-mère estmorte, je suis revenue, dis-je tout bas, au bord de la crise de

nerfs.—Ah,oui...elleestmorte,commença-t-ilquandlasonneriedesontéléphoneretentitdansla

cuisine.Excuse-moi,murmura-t-ilavantderépondre«Gordon.Oui.Cesoiràdix-huitheures?Oui,pasdeproblème.Àplustard.»Tudisais?reprit-ilenécrivantunmessage.—Tuneviendraspasàlafête?demandai-jedéçue,maispassurpriselemoinsdumonde.Ilrelevalatêteintriguée.—Quellefête?Sonvisages'illuminaaprèsquelquessecondes.Lasurpriseorganiséeparla

jeuneCoralineet le jeuneMatthew?Non jenepourraispasvenir, j'aiuneréunion importanteprévuepourcesoir,expliqua-t-ilenregardantsamontre.D'ailleurs,jevaisêtreenretard!Onenreparleplustard,machérie!Ilenfilasavestedecostumeets'empressadesortirsansunregardenarrière.Immobile,je

restaiseulesurleseuildelacuisine.J'entendis la voiture démarrer puis les pneus crisser sur la neige.Monproprepèrem'avait

encoreunefoislaissétomberpoursontravail...Superlesretrouvaillesenfamille!Commentavais-jepucroirequ'ilavaitchangé?Je regardais l'heure : seizeheures. Ilme restaitencoredeuxheuresavantqueCoralinene

viennemechercher.Alors,jedécidaidefairecequejefaisaislemieux:dessiner.Jeprismonmanteau,moncarnet,ainsiquemescrayonsetm'aventuraidanslaforêt.

CHAPITRE3DARREN

Jeguettais l'innocentebicheen traindemanger les jeunespoussesqui résistaientà l'hiver.Tandis que les autres loups l'encerclaient, je me tapis dans la neige, prêt à l'assaut. Lecraquementd'unebrancherésonnadanslaforêt.Jem'immobilisaiinstinctivement.Labicheredressasubitement latêteetbonditens'enfuyant.Jesentis lasurprisedes loups

quiselancèrentprématurémentàlapoursuitedel'animal.Jesoupirai:encoreunechassederaté.Jemetournaiverslaprovenancedubruit.Unloupn'auraitpasétésibruyant.Unhumainpeut-être...Mais j'endoutais.Raresétaient ceuxqui osaient s'aventurerdans la forêt depuislesmeurtres. Cela devait être sûrement un lapin ou un autre rongeur. D'ailleurs, un lapin nevaudraitpasunebiche,maisceseraitmieuxque rien.Jemedirigeaialorsvers lasourcedubruit.J'avançaisprudemment, telunprédateurguettantsaproie.Maiscene futpasun lapinque

j'aperçusassissurunvieuxtroncd'arbreabattu.Uncarnetetuncrayonàlamain,uneravissantejeunefillesetrouvaitlà,entraindedessiner,

l'airpensif.Elleétaitconcentréesursontravail.Malgrémoninstinctquimedictaitdefuircettehumaine, je nepusm'empêcher dem'approcher. Jene saurais dire cequim'intriguait autantchezcettefille...peut-êtresoncouragedevenirseuledanslesbois,àlatombéedelanuit.Oualors, était-ce juste de la stupidité ? Ses longs cheveux bruns ébouriffés étaient légèrementagitésparlevent.Sonodeurnemedisaitrien.Jenel'avaisjamaisvueauvillage.Elleportaitunvieuxmanteau

brun, une écharpe en laine, et un simple jean assorti à ses baskets toutes abimées. Jemerapprochai encore et encore, espérant apercevoir son visage.Mais à l'instant où je comprisque j'étais tropprès,elle leva la têtedesoncroquis.Nosregardssecroisèrent.Elleavaitdemagnifiquesyeuxnoisette.

***

EMMA

Mesyeuxs'écarquillèrentenapercevantungigantesqueloupnoiràquelquesmètresdemoi.Jerestaiimmobile,attendantquelapaniquem'assaillît,maisjedemeuraisétrangementcalme.Jesavaisque j'auraisdûpaniquer,mais ilyavaitquelquechosed'étrangementhumainquisereflétaitdanssesbeauxyeuxdorés...Del'étonnement?Delapeur?Jeposaimoncarnetsurletroncd'arbreetmepenchaientendantlamainvers

le loup. Il ne bougea pas. Je n'étais plus qu'à quelques centimètres quand j'entendis la voixstridentedeCoralinem'appeler.Leloupfitunbondenarrière.Surprise,jereculaiettrébuchaisur le rondin, tombant dans la neige. J'eus à peine le temps de voir le loup noir disparaîtreentrelesarbresmortsqueCoralinedéboulaentrombetandisquej'époussetaismonjean.

Quandellem'aperçut,ellemesaisitpar lebrasetme relevaviolemmentendirectionde lamaison.Jetrébuchaietmerattrapaiàsonépaule.Ellenes'arrêtequ'unefoisendehorsdelaforêt.—Maisqu'est-cequetufais?demandai-jeenmedégageantdesaprise,énervée.—Moi?!Et toi?Qu'est-cequetufaisdans laforêt?Tun'aspaspenséàcesmeurtres?

hurla-t-elle.Jepusvoirdel'inquiétudedanssonregard.—Ohpitié,tuasétélapremièreàmedirequ'Arcaneétaitsoussurveillance,alorsnerejette

paslafautesurmoi,contrai-jesuruntonlas.—Etlesloups?Tuyaspensé?Tuauraisputefairedévorer!riposta-t-elle.Ellecommençaitàsérieusementm'énerver.—Maisceloupnem'arienfait!criai-jeenpointantlaforêtdudoigt.Coralinecroisalesbras.—Tuasapprochéunloup!Maistues...—Jesuisassezgrandepourmedébrouiller touteseule !Jenesuispasrevenuepourêtre

couvée!—Peut-être,mais s'il te plaît, ne retourne plus dans la forêt.On n'y est plus en sécurité.

Promets-moiquetun'yretournerasplus.Jerisd'untonamer.—Cetteforêtn'ajamaisétésécuriséepourvous,murmurai-je.Aussiloinqueremontentmessouvenirs,lesgensd'Arcanen'avaientjamaisaimécesbois.La

seule qui avait osé y aller étaitmamère. Personne nem'avait jamais dit ce qu'il y avait del'autrecôté.Etcommej'étaistropjeune,jen'avaispaspenséàposerlaquestion.Jesoupirai.Jerepensaisauloupquej'avaisvu,àmamaineffleurantsafourrure.Ilnem'aurait jamaisfaitdemal...Jenepouvaispaspromettrequejen'iraisplus.—J'essayerai,dis-jerésignée.Ellesoupiradesoulagement.—Viens,ont'attendàlafête.Jejetaiunderniercoupd'œilàlaforêtetmarchaiverslavoiture.Finalement,jen'avaisplus

envied'allerm'amuser.Celapouvaitsemblerégoïste,maiscesoir j'auraispréféréresterchezmoi,devantlatéléavecunbonchocolatchaud.Maisjesuivismonamiejusqu'àsavoitureetymontai.Cen'estqu'enregardantlaforêtdéfilerdevantmoiquej'eusl'impressiond'avoiroubliéquelquechose.Coraline s'engagea sur la route. Les ruelles étaient très étroites dans les quartiers

résidentiels.IlétaitdifficiledemanœuvreraveclaJeepdeCoraline.—À propos, pourquoi es-tu allée dans la forêt ? demanda-t-elle, curieuse, sans quitter la

routedesyeux.—Pourdessiner,répondis-jepensivementenregardantdistraitementparlafenêtre.C'estàcemoment-làquejemerendiscomptequej'avaisoubliémoncarnetdanslaforêt.Je

meredressainerveusementsurmonsiège.Coralinedutsentirquequelquechosen'allaitpas,carellemedévisagea.

—Tuvasbien?Sonregardtournéversmoi,ellesemblaitencoreplusinquiète.—J'aioubliémoncarnetdanslaforêt!dis-jetrèsvite.Unevoitureklaxonnabruyamment,nousfaisantsursauter.Coraline tourna précipitamment son regard sur la route et donna un grand coup de volant

pourl'éviter.Monépaulefrappacontrelavitre.Coralinestoppalavoiture.Leconducteurnousfitundoigtennousdépassant.Nousrestâmes

quelquesminutessilencieuses,puisellerepritlaparole.—Onreparleradetoncarnetplustard,murmura-t-elleensoupirant.J'essayaisdemedétendre.Tousmescroquisétaient dans ce carnet.Desdessinsplusou

moinsvieuxselonlapage.Jelesaimaistous,maisdesdessins,onpouvaittoujoursenrefaire.Cependant,ilyenavaitunquejepréférais.C'étaitmapremièrerencontreavecunloup.J'avais dû le laisser sur le vieux tronc. Je notais mentalement d'aller le chercher demain

matin.Lavoitureredémarraendirectiondelamairie.Onroulaensilencejusqu'àdestination.

***

DARREN

Jecouraisjusqu'àneplusavoirdesouffle.Leventfilaitautourdemoi.Mespatteslabouraientlaterre.Jefaisaisfuircerfs,biches,chevreuilsdansmonsillage.Plusriennepouvaitm'arrêter.Jenefaisaisqu'unaveclanature.Monsangbouillonnaitdansmesveines.Jem'arrêtai,renversailatêteenarrièreethurlai.Quiétait-elle?Comments'appelait-elle?Il

fallaitquejelarevoie.

***EMMA

Devant la mairie, une large banderole annonçait « BON RETOUR PARMI NOUS ! ». Desballonsétaientaccrochésàlapoignéedelaporte.Quandj'entrai,unefoulem'applauditetvintmesaluer. Je reconnusd'anciensamis,mais jeneconnaissaispas laplupart despersonnesprésentes dans la salle. Coraline me laissa avec les invités. La salle de la mairie avait étéaménagéepourunefête.Unbuffetavaitétéinstallélelongdumuravecunbaràl'opposé.Unepistededansesetrouvaitaucentre.Jem'approchaidelapiste.LeDJm'aperçutetmefitunsignepourquejeviennedanser.Je

grimaçaienagitantlamainenguisederefus.Ilcroisalesbrasetpritunairboudeur.Ilmefitencore signe. Je secouai la tête, un sourire en coin. Il haussa les épaules et continua sontravail,sedésintéressantdemoi.Lamusiqueétaitassourdissante.J'auraispudemanderauDJdebaisserleson,maisill'auraitcertainementaugmenté...Jeme

dirigeais vers le buffet quandMatthew apparut devantmoi. Il dit quelque chose,mais je nel'entendispas.

—Quoi?hurlai-jeenm'approchantdelui.—Jedisais...Ilmitsaboucheprèsdemonoreille.Tiens,Emmaprèsdubuffet,commec'est

étonnant!rit-il.Jeluidonnaiunepichenettesurlenez.Ilreculaengrimaçantpuisilmedévisageadehauten

bas,commes'ilsentaitquej'étaisnerveuse.—Tuveuxuntrucàboire?J'acquiesçai.Ilsouritetpartitendirectiondubar.Je regardais les gens danser. J'aimais bien danser, mais je n'avais jamais été très douée

pourbougerenrythme.J'avaiscomplètementarrêtéd'allersurlapistequandonm'avaitfaitlaremarque que j'avais deux pieds gauches. Il faisait de plus en plus chaud dans la salle.L'atmosphère était étouffante. Ça neme tuerait pas d'aller prendre l'air quelques secondes,personnenefaisaitattentionàmoi.JecherchaisMatthiduregard.Ilfaisaitlaqueueaubaretenavaitaumoinspourunequinzainedeminutes.Jen'enprendraisquedeux.Jemedirigeaiverslaportedederrièreetsortissurlaterrasse.Il faisait fraisdehorset le calmeétait absolu. Je fisquelquespasetmesurprisàmarcher

avec facilité dans le noir. La nuit était tombée pendant le trajet. J'inspirai profondément puisexpirai lentement; uneboufféede fuméesortit demaboucheentrouverte.C'était calme, toutétait silencieux au point que mes oreilles bourdonnaient... J'avais la désagréable impressiond'êtreobservée.Jefouillailaforêtduregard,maisnevisrienàpartdesarbres.Jem'apprêtaisàrentrer,malàl'aise,quandlaportes'ouvritbrusquement.Unebandedegarçonsensortit,entitubantetengloussant. Ilss'arrêtèrentenmevoyant.Celuiquidevaitêtre lechefdugroupemeregardadehautenbas.Jefronçaislessourcils.Unrictusseformasurseslèvres.—Maisqu'est-cequenousavons là?dit-ilensetournantverssescopainsquigloussèrent

deplusbelle.Il focalisaànouveausonattentionsurmoi.J'avançaisvers laporte,essayantdenepasles

regarder.—Hé!Jen'enaipasfiniavectoi!Ilm'empoignalebrasetmeplaquabrutalementcontrelemur.Sescopainséclatèrentderire.J'essayaisdemedégager,maisilm'attrapalespoignets.—Tuessayaisdefairequoi,chérie?Jefronçailessourcils:sonhaleineempestaitl'alcool.Ilapprochasabouchedelamienneet

jeluidonnaiuncoupdegenoubienplacé.Ilmelâchaprécipitamment,enreculantpliéendeux.—Salegarce!hurla-t-ildesavoixvibrantedecolère.Jen'euspasletempsdecourirverslaportequ'ilm'empoignalescheveuxetm'envoyavalser

dans laneige.Monmentoncognacontre lebéton. Ilme retournasur ledos. Jemedébattistantbienquemal,maisils'assitàcalifourchonsurmoi,m'empêchantdebouger.Jeluigriffailevisagedemesongles.Ilm'attrapalespoignetsetlestordis.Je hurlai de nouveau. Un grondement sourd fit trembler le sol. Le type assis sur moi

s'immobilisa en relevant la tête. Je vis ses yeux s'écarquiller de terreur. Les garçons quiobservaient lascène jurèrenten reculant.Laneigecrissaderrièremoi, lachoseavaitbougé.Letypeseredressabrusquementmetraînantdanslaneige.Jevisalorsquemonsauveurétaitleloupnoirdetoutàl'heure.

—Dégagesalebête!cracha-t-ilenagitantsauvagementlamain.Le loup dévoila ses crocsmenaçants en grognant.Mon agresseur nous regarda à tour de

rôle,leloupetmoi.Uneexpressionpassasursonvisageetilm'aidaàmeredressersurmesjambes.Avantquejen'aiepumedégager,ilmepropulsaendirectionduloup.J'atterris violemment dans la neige, froide et humide. Ils partirent en courant, claquant la

portederrièreeux.Jefermailesyeuxetserrai lespoings.Jesentaislaprésenceduloupprèsdemoi.Comme

rienneseproduisait,jerouvrislentementlespaupières,l'uneaprèsl'autre.Leloups'étaitassisetme regardait, attendantma réaction.Doucement, jememisàgenouet sentis lapeurmequitterpetitàpetit. Ilpenchalatêtetelunchien,etcegestemefitsourire.Jetendis lamainversluietrampaidanssadirection.J'étaismaintenantàquelquesmillimètresdelui.J'observaises magnifiques yeux dorés et enfouis mes mains dans sa fourrure noire. Elle étaitincroyablementdouceetchaude.Ilapprochasonmuseaudemonvisageetposasatruffesurmonépaule.—Merci,chuchotai-je.Ses oreilles se dressèrent soudainement. Il avait perçu du mouvement à l'intérieur. Il se

dégagearapidementetretournadanslaforêt.Bientôt,ilnefutplusqu'uneombredanslanuit.Laportes'ouvritpourlasecondefois.Matthewcourraets'agenouillaprèsdemoi.Ilmeprit

lesépaulesetmesecoua.—Emma?Réponds-moi!Jemerendiscomptequejeregardaistoujoursendirectiondelaforêt.Jetournailatêtevers

luietluisouris.—Çava.Net'inquiètepaspourmoi.Jemelevaienprenantappuisurlui.Jen'avaisriendegrave.Jefrottailaneigedemonpantalon.Ilselevaàsontour.—Je te cherchais partout, puis j'ai vu cesmecs terrorisés rentrer en courant. J'ai cruqu'il

t'étaitarrivéquelquechose!Qu'est-cequetuleurasfait?—Hé!Nesous-estimepasmaforce,Musclor,dis-jeenlevantfièrementmonmentongriffé.Ilrit,maisunelueurd'inquiétudebrillaitdanssesyeux.Ils'approchaetmetouchalementon.—Aïe!meplaignis-jeengrimaçant.—Tuesblessée,commenta-t-il.Tudevraistesoigner.Jeluisouris.—J'ypenserai.J'étaisépuiséeetcettehistoirem'avaismiseK.-O.Coralinedansaitets'amusaitbien.Je lui

disquej'avaisenviedemarcheretquelamaisonnesetrouvaitpassi loin.Matthewproposademaraccompagner,mais jeprotestaienexpliquantquej'avaisenvied'êtreunpeuseule.Jeremerciaitoutlemondepourlafêteetjequittailamairie.Les ruelles étaient faiblement éclairées par les vieux lampadaires. Les rues avaient été

déblayéesunpeuplustôtpourfaciliterlacirculation.Dieumerci!Jepouvaisjouerl'équilibristesurlespavés,maislaneige,cen'étaitpastropmonfort.Jemarchaisdepuiscinqminutesdansune rue commerçante quand j'entendis des pas derrière moi résonner sur les pavés. Monestomacsecrispa.Jefissemblantdevouloirrefairemonlacetetmebaissai.J'enprofitaipour

jeter un coup d'œil aux alentours. Un homme s'était arrêté, au milieu de la ruelle et meregardais.Jemeredressailentementetobservai lesenvironsoùj'auraispumeréfugier.Touslesmagasinsétaient fermés,et laplupartdespersonnesétaientà la fête.J'auraispuhurler,personnenem'auraitentendu.Jecontinuaiàavanceretaccélérailégèrementlepas.Lesbruitsrecommencèrent,maisplusrapidementcettefois.Ilmesuivait.Ilfallaitquejerestecalme,cen'était peut-être qu'un passant qui lui aussi voulait rentrer chez lui. Puis, je repensai à monagresseur de tout à l'heure et frissonnai. J'avais l'impression que l'inconnu se rapprochaitdangereusement. J'allais me mettre à courir quand j'aperçus la pancarte d'un magasinannonçant«ouvert».J'yentraisansmeposerdequestions.Uneclochetteavertitdemonarrivéeensedandinant

au-dessusdelaporte.Lesoufflecourt,j'attendaisderrièrelavitrinequel'hommes'éloigne.Jel'observai marcher tranquillement et me sentis stupide d'avoir eu peur. Mais juste avant dedisparaître, nos regards se croisèrent et l'angoissemenoua le ventre.Ses yeuxbleusaussifroidsquedelaglacereflétantleclairdelunemedévisagèrentintensivement.Sonexpressionn'avait rien d'amical et je frémis en apercevant la cicatrice qui lui barrait l'œil gauche. Jedevenais parano avec ces histoires demeurtres. Jeme retournai pour observer lemagasin.J'étaistombéechezunantiquaire.Il valaitmieux que j'attende à l'intérieur : cela aurait été stupide de rattrapermon potentiel

agresseur.Jem'avançaietmespasgrincèrentsurlevieuxplancher.Attiréepardevieuxlivresdans une vitrine, je m'arrêtai devant pour les contempler. Le magasin était encombré demeubles en bois et la boutique sentait la poussière. Je me demandais depuis combien detempsl'endroitn'avaitpasétéaéré.Unhommesortitdederrièrelecomptoir.Ildevaitavoir lacinquantaine bien entamée, mais il avait l'air toujours en forme. Il devait s'agir d'un ancienathlète.Hautenjambesetlarged'épaules,sescheveuxnoirscommençaientàgrisonnersurlestempes.Ils'avançad'unedémarcheassurée.Étrangement,jenel'imaginaispasêtreantiquaire.Ilmesourit.—MlleWhite!dit-ild'unevoixchaleureuse.Ildutlirelaconfusionsurmonvisage,carilsourit.Trèspeudegensconnaissaientlenomde

familledemamère.—Çafaisaitlongtempsquejenevousavaisplusvueauvillage,commença-t-il.—Excusez-moi,mais...onseconnait?demandai-jemaladroitement.Jen'avaispaslemoindresouvenirdecethomme.J'auraispariéqu'iln'avaitjamaishabitéau

village.Sonsouriresefigea.—Vousétiez trèspetiteà l'époque,vousnedevezpasvousensouvenir.J'étaisunamide

votremère.Je le regardais sans rien dire. Mon instinct me disait de ne pas lui faire confiance. Il

connaissaittropdechosessurmoi.Ildutlecomprendre,carsonsourireseflétrit.— J'ai quelque chose à vous montrer. Quelque chose qui appartenait à votre mère, dit-il

finalementensortantunbraceletavecunpendentifenformedeloupdesapoche.Prenez-le.Ilnem'appartientpas,expliqua-t-il.Jetendislamainverslebijou.Illefittomberdansmapaumepuisserrachaleureusementma

maindanslasienne.— Ils ne sont pas les meurtriers, me murmura-t-il. Garde ça à l'esprit. Ils ne sont pas

maudits,justedifférents.Commetamère,souviens-t'en.Il me lâcha lamain et je reculai précipitamment. Je le regardais sans comprendre. Il était

évidentquemonloupnoirnepouvaitpasêtrelemeurtrier!— Je sais que les loups ne sont pas la cause de tout ça et qu'ils ne sont pas maudits !

m'exclamai-je.Cenesontquedesloups!Unrictuscarnassiersedessinasurseslèvres.—Enes-tucertaine?Jeledévisageai.Décidément,ilmedonnaitlachairdepoule.—Jecroisquejevaisyaller,articulai-jelentement.Mercipourlebracelet.Jelemisrapidementdansmapoche.—Derien,Emma.Je le regardais brièvement, intriguée, et sortis dumagasin. La cloche retentit une dernière

fois.Quelétrangebonhomme!Jesentissonregardposésurmoiàtraverslavitre.Leventétaitglacial.Jem'empressaisderegagnerlamaisonetdem'éloignerdecetendroit.

Il ne m'arriva rien de spécial sur le reste du chemin, à part quelques tours joués par monimagination.Monpèren'était toujourspas rentré.Riend'étonnant. Jem'yétaishabituéeà lalongue. Je déverrouillai la porte d'entrée et la refermai derrièremoi. Lamaison était vide etsilencieuse. Je montai l'escalier et rejoignit mon ancienne chambre. Ma porte s'ouvrit engrinçant. On n'y avait certainement plus mis les pieds depuis mon départ. Elle sentait lapoussièreet lerenfermé.J'entraietsouristristement.J'avaistoujourslamêmechambreaveclamêmedécoration.Àtroisans,j'aivouluunechambreàl'effigiedeWinniel'ourson.À9ans,j'aivouludormirdansunevraiechambredeprincesseet je l'aieu.J'auraisdûmedouterquej'auraistoujourslamêmechambreenrentrant.JeprisunedoucheàvitessegrandeVetenfilamonpyjamaavecécrit«IloveAmerica»surlapoitrine.Jem'installaidansmonlitmaintenanttropétroitpourmoietmeglissaisous lescouettes.Pourunepremière journée,elleavaitétémouvementée.Je réussisàm'endormirenpensantau loupnoirque je reverraiscertainementdemainmatin.

CHAPITRE4DARREN

Lelendemainmatin,toutlevillageparlaitdéjàdel'attaquequis'étaitproduitelaveilleausoir.Le problème dans cette histoire, c'était que le méchant c'était le loup... moi. Évidemment,personne ne savait que j'avais voulu protéger Emma de cette bande d'abrutis, et ce n'étaitcertainement pas ces imbéciles qui allaient protester ! C'était toujours pareil. Au final, toutfinissaitpar retombersur lameute : lebergeraperduunmouton !Le loup !Mêmesi tout lemondesavaitquec'étaitsonennemileboucherquiluiavaitvolépourfairesaviande!Cequej'avaisfaitavaitpeut-êtremislameutedansunesalesituation,commeMalory,troisièmedanslahiérarchie,me l'avait fait remarquer,mais jene regrettais rien. Ilsn'avaientpas ledroitdes'attaquerà«elle».Personne n'en avait le droit. Après toute cette histoire, il était hors de question que jeme

changeenloupavantlatombéedelanuit,sinonjerisquaisdemefairetireràvue.Jepréféraidonc aller me balader dans la forêt plutôt que de devoir encore supporter les répliques deMalory.Le restede lameute l'avaitnéanmoinsassezbienpris.Ulric,monsecondetmeilleurami,etAmy,unedessoumises,avaientmêmeapprouvémonchoix.Ilsétaienttousravisquejeleurparled'unefille.Disonsqu'en tantqu'Alpha, jen'ai pasvraiment le tempsdechercherunecompagne.Alec,

qui est le plus... libertin de la meute, avait d'ailleurs montré un grand intérêt envers Emma,notamment pour sa... physionomie. Seule Malory avait désapprouvé mon choix de « la »défendre.Jeluiavaisfaitremarquerqu'ilnetenaitqu'àelledemedéfiersimesdécisionsneluiplaisaientpas.Elleavaitcomprislamenaceets'étaitretirée.Elleétaitdouéeaucombat,maispasassezfortepourmebattre.Ellemelassaitavecsesinsolences;cependant,elleétaitfidèleàlameuteetfaisaittoutsonpossiblepourlaprotéger.Jenepouvaispasluienvouloir,j'étaisle plus jeuneAlphaque l'histoire dumonde surnaturel ait connu. J'avais encore beaucoupdechosesàapprendre,etcertainsenprofitaientpourmemettredesbâtonsdanslesroues.Laneigerecouvraittoutelaforêt.Toutétaitcalmeetpaisible.Jehumaisl'airetexpiraislentement.J'étaistorsenuetn'avaisqu'unsimplejean,maislefroid

neme gênait pas.Nous, loups-garous, avons une température corporelle plus élevée que lamoyenne.Deplus,letissunousirritelapeauaprèsunemutation.J'avançaispensivementdansla neige. Il serait dangereuxde traîner auxalentours du villagependant quelques jours.Déjàquenousétionsdans la lignedemiredesvillageois, cettehistoired'attaquenous rappelaitàleurbonsouvenirennousdésignantcommedeparfaitsmeurtriers.Néanmoins,jesavaisqu'ellenemeprendraitpaspouruntueur...enfinexceptéencequiconcerneleslapins.Laforêtétaitbelleetapaisanteenhiver.Alorsquejemebaladais,monpiedbutadansunobjetenfouidanslaneige.Perdudansmespensées, j'étais retournéà l'endroitoù je l'avais rencontrée.Jemepenchaipour le ramasseretexaminaiunvieuxcarnet trempépar laneige.C'était celuide lafilleauxyeuxcouleurnoisette.Elleavaitdûl'oublierquandsonamieétaitvenuelachercher.Jele serrai dans mes mains. Elle viendrait certainement le récupérer. Un flocon tomba

paresseusementsurlacouverturebleueetdescentaineslesuivirent.Aprèsquelquesminutes, leventhurlait, faisant tourbillonnerdesmilliardsde flocons. Ilétait

devenuimpossiblededistinguerquelquechoseàplusd'unmètre.Cequimetracassait,c'étaitquesielledécidaitdevenircherchersoncarnet,elleneressortirait jamaisdelaforêtvivante.Passansaide...

***

EMMA

Jem'étaisréveilléetôtcematin, jevoulaispartir leplusvitepossibleà larecherchedemoncarnetavantqu'il neneigeetquemescroquisnesoientdétruits.Dèsque le réveil sonna, jesautaihorsdulit,prisunedoucheetm'habillaid'unjeanclairetd'unpullàcolrouléorange.Jemefisune tressepouravoirunsemblantdecoiffureetsortisdans lecouloir.Quand j'arrivaisdans lacuisine, je trouvaiunmotaimantésur le frigo«Emma, jesuisau travail,nem'attendpas.PAPA».Jesoupiraietarrachai lepapierpour le jeterdanslapoubelle.Jepris letempsdemepréparerunvraichocolatchaudquejebusd'unetraite.Il devait être huit heures quand j'enfilai mes bottes, ma grosse doudoune et m'emmitouflai

dansmonécharpeenlaine.Quand j'ouvris la porte, le vent soufflait, faisant voler les franches de mon écharpe. Le

paysageétaitblancet laneigetombaitàunetellevitessequ'ildevenaitdifficiledevoirdevantsoi.Cependant, lerondinn'étaitpastrèséloignédelalisière.Si jemedépêchais, j'auraisunechancede retrouvermoncarnet.Je réunis toutmoncourageetm'avançaiversdans la forêt.Traversant le jardinpuisenjambant labarrière, je finisparatteindre lepremierarbre.Leventsoufflait fort etme poussait en arrière, comme pourm'empêcher de retrouvermon bien. Jeplissai les yeux et mis ma main en visière pour me protéger des flocons. La neige avaitconsidérablement monté et j'avais du mal à avancer. Je trébuchai plusieurs fois avant deheurter le rondin. Jemepenchai et cherchaimon carnet à tâtons,mais ne trouvai quede laneige.Jejuraientremesdentsquiclaquaientdefroid.Jecommençaisàpenserquecen'étaitpas une bonne idée,mais il était hors de question de faire demi-tourmaintenant. Il avait dûtomber avec le vent. Je m'accroupis et avançai en retournant et en fouillant la neige. Maisquandjevoulusregagnerlerondin,iln'étaitpluslà.Toujoursaccroupie,jetendislesbrasetlesfisallerdanstouslessenspouressayerdetoucher leboutdebois,mais jenetrouvaiquelevide.Jemeremisdebout, tremblante.Jenevoyaisplusrienet ilm'était impossibledesavoiroù jeme situais. Jemeguidais à l'aide des arbres. Je ne savais pas si jem'éloignais de lamaisonoupas.Unebourrasquemefitbasculeràlarenverseetmatêteheurtaviolemmentunarbre.Jetombaidanslaneige.J'eusunevivedouleuràl'arrièreducrâne;j'yportaimamainetlaretiraicouvertedesang.Paniquée, je tentaidemerelever,maismes jambesrefusaientdebouger, complètement gelées. Le froid me brûlait les poumons et mes yeux me piquaient.J'avais de plus en plus de mal à respirer, une boule se formait dans ma gorge, mecompressantlatrachée.J'avaisdumalàdéglutir.Toutcommençaàtournerautourdemoi.Jemefrottaislesyeux,maistoutdevenaitnoir.Je m'enfonçais dans les ténèbres quand une voix me murmura de rester éveillée, mais la

tentation était trop forte et je sombrai dans le néant avec pour seul souvenir de beaux yeux

dorés.

CHAPITRE5EMMA

Mespaupièresétaientgonfléesetmesyeuxmebrûlaient.J'essayaidelesouvrir,maislalumièremeblessa,jelesrefermaidouloureusement.Jesentis

unemigrainenaissante tambouriner dansma tête.Une serviette humideétait posée surmonfront. J'avais lagorgesèche.Jevoulusparler,mais riennesortit. Jemismamainenvisièrepourmeprotégerdelalumière.Unesilhouettefloues'approchadulitoùj'étaiscouchée.—Vousm'entendez?Sa voix résonna dans ma tête. Un éclair de douleur me frappa. Je retombai dans

l'inconscience.

***DARREN

Jem'approchaidelacheminéeoùdansaientquelquesflammesdanslefoyer.Jenepouvaispas larameneraumanoir.PasavecUlricetAlecdans lespattes.Je l'avais laisséeauchaletdesecours,entre lesmainsd'Amy.Je lui faisaisconfiance,elleétaitcalmeetgentille.C'étaitunesoumise,jesavaisqu'elleneluiferaitaucunmal.Soudain,jesentislaprésenced'unintrusdanslemanoir.Ilétaitrapide,maispasassez.Jele

saisisetleplaquaicontrelacheminée.Mamainautourdesagorge,j'étaisprêtàluibriserlesvertèbres.Derreck rit de sa voix rauque. Je resserrai ma poigne. Son souffle s'étrangla dans sa

trachée.—DucalmeAlpha,siffla-t-il.Jenesuispasvenupourtechercherdesennuis.Tuenasbien

assezaveccecherDawson.—Qu'est-cequeleConseilvientfairesurmonterritoire?grondai-jeenlâchantDerreck,qui

titubaensemassantlagorge.Ilmeregardadroitdanslesyeuxavantdebaisserlatête.—Tun'as toujours pasattrapé le renégat. LegrandConseil s'impatiente.Notre secret est

davantageendangerdejourenjour.—LeConseilpeutbienseplaindre,rétorquai-je,maisiln'arienfaitpourlecapturer,nimême

pournousaider.Simameuteneconvientpaspourcettemission,qu'ils'enchargelui-même.—C'estcequ'ilestentraindefaire.LegrandConseilaenvoyéleFenrirpourvousveniren

aide.Jefronçailessourcils.—Alorscommeça,cecherMarcusestderetouràArcane?murmurai-jepensivement.LeFenrirétaitl'AlphadetouslesAlphas.IlfaisaitpartiedestroisgrandspiliersduConseil:

les vampires, les sorciers et les loups-garous. Il servait à faire régner la paix entre lescommunautéssurnaturellesetàéviterqueleshumainsnedécouvrentnotresecret.VoilàpourquoiDawsonétaitsidangereuxpournous.— Il est déjà en ville, poursuivit Derreck qui s'avançait vers la sortie. Tu recevras

certainementunevisite.Ilsortitdelapièce.Quelquessecondesaprès,j'entendislaporteprincipaledumanoirclaquer.—Alec!hurlai-je.Unblondinettorsenu,ayantpourseulhabitunpantalonencuir,apparutdevantmoi,unlarge

sourireauxlèvresetlescheveuxébouriffés.Ilavaitl'airencoreplusjuvénilequed'habitude.Jeleregardaisoupçonneux.—Qu'as-tuencorefait?demandai-jeméfiant.Illevalesyeuxaucielpuismontrafièrementsapoitrine.Unpetitanneauenargentornaitson

mamelongauche.Jesoupiraienfermantlesyeux.Idiot.—ChercheleFenrir,ordonnai-je.Jeveuxsavoiroùilest.—Maintenant?seplaignitAlec.Jefronçailessourcils.—D'accord,soupira-t-il.Puisildisparutaussivitequ'ilétaitapparu.LeFenrirn'étaitpasseulementl'AlphadetouslesAlphas,maisilétaitlelouplepluspuissant

de l'outre-monde. C'était aussi mon créateur, celui qui avait fait de moi ce que j'étaisaujourd'hui.J'étaissadeuxièmeprogéniture.LapremièreétaitDawson. Ilauraitdûdevenir lefutur Alpha des loups de Lorraine. Mais quand Marcus avait décidé de faire de moi sonsuccesseur,Dawsonavaitquittélameute,fouderage.Après plusieurs années passées à augmenter sa force, il était revenu semer la zizanie à

Arcane... pour me défier, bien évidemment ! Il était bien décidé à se venger, au risque demettre toute la communauté surnaturelle en danger. Et qui avait pour mission de s'endébarrasser?Moi.Unfrissonmeparcourut:Amymeprévenaitquelafilles'étaitréveillée.Vivelesliensde

sang.Grâceàeux,onpeutentrerencontactavecchaquemembredelameute.Cen'estpasde la télépathie, c'est plutôt une sorte d'impression, d'instinct. Je me mis en route vers lacabane.

***EMMA

Uneodeurdenourrituremechatouillait lesnarines.J'ouvrispéniblement lesyeuxenportantmamainàma tête.Unbandage l'ornaitet jegémisen frôlant l'arrièredemoncrâne.J'avaisl'impression qu'on l'avait rempli d'aiguilles et qu'on avait agité le tout. Je me redressaidouloureusement et me rendis compte qu'on m'avait enlevé mon manteau et mes bottes etqu'onavaitdéfaitmatresse.Jemetournaiversl'odeurdesoupeetaperçusunejoliebruneaux

longscheveuxlissesdevantunecuisinière.Ellesetournaversmoi,unbolfumantàlamain.Quandellemevit,unsourireéclairasonvisageetelles'avançaversmoi.—J'aicruquevousnevousréveilleriezjamais,dit-elleens'asseyantsurlelit.Ellesoufflasursafrangequiluitombaitdanslesyeux.—Jevousaipréparéde lasoupe,déclara-t-elleenme tendant lebol.J'aipenséquevous

auriezfaim.Sonsourireétaitdouxetchaleureux.Commejeneréagissaispas,elleporta lasoupeàma

bouche.Jelagoûtaiduboutdeslèvres.—Jenesuispas très forteencuisine,s'excusa-t-elle.J'aiseulement faitchauffer le liquide

danslemicro-ondes.Cetteremarquemefitsourire.—C'estvraimentdélicieux,lafélicitai-je.Vousêtesuneprofessionnelledumicro-ondes.Sonvisages'illumina.—Merci.Elleselevaetmetenditlamain.—Moi,c'estAmy,seprésenta-t-elle.Jeluiserrailamain.—Emma,l'imitai-jeenobservantlechaletenbois.Il était équipé d'un lit, d'une kitchenette, d'un minuscule salon et d'une porte menant

certainementàlasalledebain.C'étaitcarrémentletopdutop.Malàl'aise,jedemandaiàAmy,quiétaitdéjàretournéeencuisine,oùjemetrouvais.—Vousêtesauchaletdesecours,biensûr!dit-ellecommesic'étaitlogique.Ellesedandinaitenessayantdevidercorrectementlasoupedansunautrebol.—Voussavez, lepetitchaletdans la forêt, reprit-elle. IlappartientàDarren.Enfin... tout le

territoireappartientàDarren.—EtquiestDarren?demandai-jesubitementintriguée.Commeparenchantement, la porte s'ouvrit.Bouchebée, je vis unhomme torsenuet bien

bâtientrerdanslechaletensecouantsescheveuxnoirs,faisantainsitomberquelquesflocons.Étrangement, je pensai à Matthew qui aurait été jaloux de sesmagnifiques abdos et de samusculature.Ilavaitlesépauleslargesetétaithautenjambes.Quand nos regards se croisèrent, ses yeux dorés me frappèrent. Je restai muette à les

observer.Ilavaitunemâchoirecarréeetsestraitsétaientélégammentfins.Ilétaittoutcequ'iladeplusviril. Jebaissai lesyeuxen rougissant.Cen'étaitpasdansmonhabitudedebaverdevant leshommes,maiscelui-là...Avecmescheveuxbrunsébouriffésetemmêlés, jedevaisressembleràunevraiepotiche.—Ah!s'exclamaAmy.Emma,jeteprésenteDarren.Darren,jeteprésenteEmma.Je jetai un coup d'œil dans sa direction etm'aperçus qu'ilm'observait toujours.Que c'était

gênant !Je fronçai lessourcilset ledévisageaiàmon tour,agacée. Ilclignadesyeuxeteutl'airamusé.—Quoi?demandai-je.Qu'ya-t-ildesidrôle?Jecrusapercevoirl'ombred'unsourire,maisilsedétourna.

—Riendutout.Savoixmefitfrissonner,cequimeperturbaencoredavantage.IlregardaAmyqu'ilsurpriten

traindenousobserveravecamusement.Elleseretournavivementverssonplandetravail.—Voulez-vousunboldesoupe?bégaya-t-elle.—Non,dit-ilsèchementendévisageantlerécipienttenduverslui.Tasoupenem'inspirepas

confiance.Lesépaulesd'Amys'affaissèrent.Elleétaitvisiblementdéçue.Enbonnecamaradeféministe,etcommesonbreuvageétaitbon,jeprissadéfense.— J'ai trouvé ta soupe excellente, avouai-je en me levant lentement du lit. J'en veux bien

encoreunautre.Ellemesouritetmetendit fièrementsonrécipient,profitantde l'instantpournarguerDarren

ducoindel'œil.Celui-cimeregardaavecattention.Jeprislepotàdeuxmainsetlebusd'unetraite.Quand j'eus fini, jesoupiraienmepassant la languesur les lèvres. Ildutprendrecelapourundéfi,carilseretournaversAmy:—Jepeuxenavoirun?demanda-t-ilàsontour.Unsourireespiègleseformasurleslèvresdemanouvelleamie.—Iln'yenaplus,dit-elleinnocemment.Ilserenfrognaetparutgêné.Ilvenaitdecomprendrequ'ils'étaitfaitembobiner.—Dehors!hurla-t-ilagacé.Elleéclataderire.—Aundecesjours,Emma!dit-ellejoyeusement.Je luisouris,maiselleétaitdéjàsortie. Ilne restaitque luietmoidans lechalet.Sesyeux

dorésparcouraientmoncorpsetsemblaientlireenmoi.—Arrêtezdemedévisagercommeça!m'exclamai-jeexaspérée.—Pourquoi?demanda-t-iltoutsimplement.Jecroisailesbras;ilnesemblaitmêmepasembarrassé.—Vousmegênez.Il s'avança versmoi et s'arrêta à quelques centimètres demon visage. Sa respirationme

chatouillalecou.Jefrissonnaietbaissai lesyeux,malàl'aise.Jepriaimentalementpourqu'ils'éloigne,maisjelesentisserapprocher.Marespirations'accéléra;sesdoigtsmetapotèrentlementon.Jegrimaçai.Aïe—Vousêtesblessée,murmura-t-il.Jeluijetaiuncoupd'œiletledévisageai:sesyeuxétaientencoreplusbrillantvusdeprès.Il

mesouritetsepenchaversmonoreille.—«Arrêtezdemeregarder,vousmegênez»,susurra-t-il.Jemesentisidioteetjerougisdeplusbelle.—Remettez-voussurlelit,ordonna-t-ilavantdes'avancerverslaporte.Jevaischercherla

troussedesecours.Ildisparutdanslasalledebain.J'allaim'asseoirsurlematelascommeunebonneélève.Je

l'entendis fouiller dans les tiroirs. Il revint quelquesminutes après, une trousse enmain qu'il

posaàcôtédemoi.—Désolé,maisjenetrouveplusledésinfectantsansalcool.Ilvafalloirserrerlesdents.Ilpritunelingetteetl'imbibadedésinfectant.Ils'accroupitdevantmoiettapotamablessure.

J'eusunmouvementdereculetgémis.Ilsourit,compatissant,maisrecommença.Jereculaidenouveaumatête.Ilsoupira,exaspéré.—Situbougestoutletemps,jen'arriveraipasànettoyerlaplaie!—Hey!Cen'estpasmoiquinetrouveplusledésinfectantsansalcool,maugréai-je.—Oui,maissitunebougeaispasaussisouvent,çairaitplusvite!répliqua-t-il.Je croisai les bras, agacée. Il me faisait mal et en plus c'était moi la fautive ! Il prit ma

mâchoireentresonpouceetson indexpourm'immobiliseret recommençaàdésinfectermonmenton.Toutcelapourunesimpleégratignure...Jel'observais'appliqueravecsoin.Sesdoigtsétaientbrûlantscontremapeau.Jefermailesyeuxetmelaissaifairesansprêterattentionauxpicotements.Quandlesmouvementss'arrêtèrent,jerouvrislesyeux.Onrestaàs'observer.— Est-ce qu'on s'est déjà rencontré ? demandai-je, pensivement. Vos yeux me disent

quelquechose...maisjenepensepasvousavoirvuàArcane.—Peut-être,secontenta-t-ilderépondre.—Commentça«peut-être»?dis-jecurieuse.Ilmesourittimidement.—Arcanen'estpassipetit.J'habitedel'autrecôtédelaforêt.Jeleregardai,intriguée.—Jenesavaispasqu'ilyavaitun«autrecôté».Ilmecollaunpansementsurlementon.—Onenparletrèspeu.Ilselevaetremitlafioledanslatroussedesecours.—Jevaisrefairevotrebandageàlatête,prévient-il.J'acquiesçai,cequiravivamonmaldetête.Iln'avaitpasl'airdevouloirendirebeaucoupplus

surcettefameuseautrepartie.Néanmoins,j'étaisbientropcurieusepourabandonner!—Etpourquoin'enparlons-nouspas?tentai-je.Ilsourit,leregardconcentrésurmonfrontqu'ildécoraitsoigneusementdebandages.—Disons que c'est la partie « chaude » d'Arcane. Vous ne venez pas chez nous et nous

n'allonspaschezvous.—Lapartiechaude?répétai-je.Commelesvols,lesbagarres...Jeréfléchis.—Vousnefaitespaspartied'ungang,j'espère?Iléclataderire,puisgrimaça.—Quoi?Vousavezditpartiechaude,m'expliquai-je.Pourmoi,quivenaisd'Amérique,celanemesemblaitpassiridicule...—Jevoulaisplutôtdirecommeboîtedenuit,bar,ou limiteclubdestriptease,maispas le

chaostotal,rigola-t-il.Etnon!Jenefaispaspartied'ungang.Jen'avaisqu'unseulmotentête:I-DI-O-TE.Jeleregardaisemoquerdemoietmesurpris

àsourire.Ilmeregardadesesbeauxyeuxdorés.—C'estamicallà-bas,onnes'entre-tuepas.Peut-êtrequ'unjour,jevousyamènerai...Jeleregardaiébahie.Maisc'estqu'ilmedraguait!—Oui,peut-être,répondis-jeamusée.Ilfinitderefairemonbandagepuispartitrangerlatroussedanslasalledebain.Onentendit

denouveaulestiroirss'ouvriretserefermer.Ilréapparutetilvints'asseoiràcôtédemoi.Lelitgrinçaplaintivement.—Cen'étaitpastrèsintelligentdes'aventurerdanslaforêtaveccettetempête,déclara-t-il.Jesoupirai.—Jesais, jenesuisqu'une idiote... Jevoulais juste récupéreruncarnetque j'avaisoublié

danslesbois.Jen'auraispasdûsortirdechezmoi.—Tun'espasuneidiote,murmura-t-il.Jepensequej'airetrouvécequetucherchais.Jeleregardaisétonnée—Vraiment?demandai-je.—Jetelerapporteraiundecesjours,quandilauraséché.Unlargesourireilluminamonvisage.Lecoucoudel'horlogesonnasoudainmidi.Jesursautai.

J'étaisrestéeplusdequatreheures!OndevaitcertainementmechercherdanstoutArcane!Darrenmejetaunregardlourddequestions.—Jesuisrestéetroplongtemps,m'empressai-jededire.Jedoisyaller.Jemehâtaiverslaportepourmettremesbottesetmonmanteau.—Emmaattend!Darrenmesaisitlepoignet.Jesursautaiàsoncontact.Danscegestebrusque,monbracelet

glissaetsortitdelamanchedemonpull.Darrenregardalemédaillonenformedeloupsebalanceràmonpoignet.—Oùl'as-tueu?demanda-t-ild'unevoixétrangeensuivantlebijouduregard.—C'estunevieilleconnaissancequimel'adonné,expliquai-jeméfianteenmedégageantde

sapoigne.Ildutremarquermontonsceptique,carilmesouritgentiment.—C'estuntrèsbeaubracelet.Puis-jeteraccompagneràmi-chemin?Savoixétaitcalme.Troppresséedepartir,j'acceptaietenfilairapidementmesbottes.Dehors il ne tombait plus que quelques flocons, mais la neige était montée de plusieurs

centimètres.Alorsquejemarchaisdifficilement,luiavançaitavecunefacilitédéconcertante.Jefaillis tomber une dizaine de fois,maisDarren s'amusait àme rattraper à chaque fois. Je lesoupçonnaid'aimermevoirgênée.Aufinal,jefinislechemincramponnéeàsonbras,cequilefit souriredavantage.Arrivésà la lisièrede la forêt, je le lâchaiet regardaiunedernière foisses magnifiques yeux dorés. Où avais-je bien pu les voir ? Il se pencha vers moi. Jem'immobilisai.— A bientôt, Emma, me murmura-t-il à quelques centimètres de ma bouche, puis il

m'embrassalefront.Magorgedevintsubitementsèche.Jevoulusdirequelquechose,n'importequoi,maisrienne

voulutsortir.Jemecontentaid'acquiesceretleregardais'éloignerentrelesarbres.Au loin, j'entendais crier mon nom. J'avais vu juste : ils étaient partis à ma recherche. Je

sortisdelaforêt.CefutMatthewquim'aperçutenpremier.Ilalertalesautresquiaccoururentversmoi.Matthewmepritdanssesbras,puisCoralinemesaisit lesépaulesetmesecoua.Ma tête

mefitmal.—Onacruquelesloupst'avaienteue!hurla-t-elle.Onaeusipeur.Maisoùétais-tu?—Ques'est-ilpassé?demandaMatthienregardantmesbandagesetmonteintpâle.Lesautresnousavaientrejoints.— J'avais oublié mon carnet dans la forêt, commençai-je, mais quand j'ai voulu aller le

chercher,j'aiétéprisedansunetempêtedeneige.Jemesuisréveilléedansunchalet.Matthew,Coralineetlesautresmeregardaientabasourdis.—Tuveuxdirequ'«ils»t'ontaidée?murmuraMatthi.Alorscommeça, ilsavaitquedespersonnesvivaientde l'autrecôté.Quelqu'unpouffadans

lafoule.Jelefusillaiduregard.—Oui,ilsm'ontaidée!répliquai-jeénervée.Ilsontétégentilsavecmoi.Ilyeutdumouvementdanslafoule.—Foutaises!hurlaquelqu'un.Personnenesortdelaforêtsansenpayerleprix!Jem'avançaidangereusementverslafoule,maisMatthewm'attrapalebraspourmeretenir.

C'estàcetinstantquemonpèreapparut.Lesdiscussionscessèrent.—Alors commeça, tu as été dans la forêt ?murmura-t-il sur un ton calmequi cachait sa

colère.Jerestaisilencieuse.—Onnevapaschezeuxetilsneviennentpascheznous,continua-t-il.—Pourquoi?demandai-jesubitement.—Ilssontdifférents!s'emporta-t-il.Ilsn'ontrienàvoiravecnous.Jet'interdisd'yretourner!—Mais ilsm'ontsauvée !Tupourraisaumoinsavoirunpeude reconnaissancepoureux !

l'attaquai-je.—Ilsm'onttoutpris!hurla-t-il.Jen'auraisjamaisdereconnaissancepourcesanimaux!Mesyeuxs'emplirentdelarmes.Jepartisencourant.—Emma!criaCoraline.Matthew la retint. Jevoulaispartir loind'ici,à l'abrideces regards.Pourquoinem'avait-on

jamaisparlédeceuxdel'autrecôté?Oùpouvais-jealler?Jen'enavaispaslamoindreidée.Loind'icientoutcas.

CHAPITRE6DARREN

J'avaisencorelesouvenirdesonodeur,desonsourireetdesavoix.Elleétaitpartiedepuisseulementdixminutes,mais jevoulaisencoreune fois revoirsonvisage.Sonsouvenirnemesuffisaitpas,c'étaitcommeunmanque.Celaavaitétédouloureuxdelalaisserpartiraffronterseule lespréjugésdesvillageois,maiselleétait forte,ellenese laisseraitpascorrompreparleursmensonges.Il faudraitd'ailleursquejepenseà luirapportersoncarnet.Je l'avaismisàsécher pendant ma visite au chalet. Ulric et Malory étaient partis faire leur ronde, maisuniquement dans la forêt. Nous ne pouvions pas nous permettre d'aller dans le village, nousn'étionspas lesbienvenus là-bas,et si nousyallionsen loup,nous risquerionsdenous fairetirerdessus.LeconflitavaitséparéArcaneendeux.Uncôtéhumainetuncôtégarou,mêmesilaplupart

ignoraientnotreexistenceetnousvoyaientcommedesimplesanimaux.Nousn'avonsjamaissupourquoi,nimêmecomment,avaitdémarrélaguerre.J'avaisjusteentendudirequec'étaitunehistoireentreMarcusetCharlesGordon,aliaslepèred'Emma.Jen'avaispaspenséqu'Emmapouvaitêtremêléeàl'histoireavantdevoirlebraceletdeMarcusautourdesonpoignet.Elleavaitditqu'unevieilleconnaissance luienavait faitcadeau.J'étaispersuadéquec'était

Marcus. Cela ne pouvait être que lui. Mais pourquoi le Fenrir s'intéressait-il à Emma ?Justementenparlantduloup...Jesentisl'auraduFenriremplirlapièce,sonpouvoirétaitpresquecompactetbrûlantcontre

mapeau.Unsimplehumainl'auraitsentiàplusieursmètres.Marcusentradanslesalon.Ilétaitlarged'épaulesetavaitunemusculatured'athlète.Sescheveuxnoirsgrisonnaient,ilavaitvieillidepuis la dernière fois.Même si je devais prêter allégeance au Fenrir, c'étaitmon territoire.J'envoyai mon aura à sa rencontre pour lui rappeler qu'il n'était pas le seul Alpha. Il vacillalégèrement,mais continua son avancée versmoi, d'un pasmoins assuré.Un bon point pourmoi.Ils'arrêtaàunmètre.J'inclinailégèrementmatêteenguisedesalutations.Normalement,j'aurais dû présenterma gorge,mais j'étais l'Alpha, il était donc hors de question que jemesoumetteaussifacilement.—Fenrir,quemevaut l'honneurdevotrevisitesurmon territoire?dis-jesolennellementen

sachantpertinemmentlaréponse.—PasdeçaavecmoiAlpha, tusais trèsbienpourquoi je suis là ! débita-t-il. Tun'aspas

encoretrouvélerenégat.Jesuisvenuteproposermonaide.—L'aidedugrandFenrir...Tudoisavoirquelquechoseàprotégerdanscevillagepouroffrir

tonaideaussifacilement,insinuai-je.N'est-cepasMarcus?Ilsourit.—LeFenrirn'apasbesoind'excusespouraidersacommunauté,assura-t-il.— Alors pourquoi t'intéresses-tu à Emma ? lui demandai-je, avec un regard lourd de

menaces.

Ilfronçalessourcils.— Tu l'appelles par son petit nom maintenant ? Comme c'est touchant, susurra-t-il

ironiquement.Cen'estpasmoiquil'aisauvédeuxfoisaurisquedemettrenotresecretenpéril.NousavonschacunnosmystèresAlpha!Contente-toidestiens.Ungrondementsourdfitvibrermapoitrine.LesyeuxbrunsdeMarcusvirèrentaujaunedoré.—NemedéfiepasDarren!hurla-t-il.Jeserailespoings,sentantmesongless'enfoncerdansmapeau.—Jen'oseraipas,mentis-jeénervé.Nousnenousquittionspasduregard.Ilsoupiraagacé.—Jen'ai plus le tempspour cesenfantillages. Il sedétournaetmarchaendirectionde la

porte.Continuetontravaildanslaforêt,jemechargedesurveillerlevillage.Laprochainefoisque tu enverras Alec pourme suivre, demande-lui d'être plus discret. Un éléphant aurait faitmoinsdebruit.Ils'arrêtadevantlehalletmeregardad'unairlugubre.—Suismonconseil:cen'estpasbiendes'éprendred'unehumaine.Ildisparut, cen'étaitpasde la téléportation, simplementde la rapidité.Sonauras'évapora

aussivitequ'elleétaitapparue.Je restai planté là. Quel bonheur les retrouvailles entre créateur et progéniture ! Marcus

n'avaitpasaiméquejeparled'Emma.Elledevait certainementavoirun lienavec le conflit qui régnaitentre luietCharlesGordon.

Maislequel?Ilnerestaitqu'Alec,AmyetShaddanslemanoir.Lameuteneseconstituaitpasuniquement d'eux, mais de tous les autres loups-garous présents sur mon territoire m'ayantprêté allégeance. Un loup sansmeute est vite rendu fou par la solitude et devient ce qu'onappelleunrenégat.Lemanoirn'estqu'unrefugepourlesmembresdelameute.Ceshistoiresme fatiguaient. Jem'étendissur ledivanendaimet fermai lesyeux.Nousne

tarderionspasàmettrelamainsurDawson.UlricetMalory ratissaient la forêtencemomentmême.Dawsonne faisaitpas lepoids.Je

m'assoupis.Jefusréveilléensursaut,avecl'impressionqu'onm'éventrait,maiscen'étaitpasmadouleur.

Alechurla.Ilyeutdumouvementdanslecouloir.—Alpha!Ilapparutsousleporche,lesyeuxécarquillés.Ulricestblessé!dit-iltrèsvite.Jemeredressairapidementettraversailesalon.—IlsontétéattaquésparDawson.Illeuratenduuneembuscade.Maloryn'ariendegrave,

maisUlricestsalementamoché.Jesautaipar-dessuslarambardedesescaliersetatterrisdanslehall.J'observairapidement

la scène : Malory était assise dans un coin tandis qu'Amy était penchée au-dessus d'Ulric,étenduparterre.Uneflaquedesangserépandaitsurlesol.Ulricavaitétééventré.Onpouvaitapercevoir des choses qu'on n'aurait jamais dû voir en dehors d'un corps. Il fallait qu'il setransformepourarrêterl'hémorragieetpourcicatriserleplusvitepossible.Amys'écartapourmelaisserpasser.Jem'agenouillaidevantlecorps.Ilétaittropdésorienté

ettropfaiblepourchangerparlui-même.JeluiarrachaisachemiseetdemandaiàAmydeluienlever ce qu'il restait de son pantalon. J'entendais son rythme cardiaque ralentir. Ce n'était

plusqu'unequestiondetemps.Jemismesmainsau-dessusducorpsetconcentraitoutemonénergiedanscelui-ci.Cefutcommesiunevitrineéclatait toutautourd'Ulric,ne laissantplacequ'àunlouptremblant.Amylepritdanssesbras.Sonrythmecardiaquerepartitlentement.Onpouvaitvoiràl'œilnulablessureserefermer.Ulric se calmadans les brasd'Amyet la tension redescendit.Seuls quelques raresAlphas

peuvent transformer leur loup contre leur volonté. J'avais aussi la faculté de transformercertainespartiesdemoncorps,commemesmainsenpattesgriffues,cequipouvaits'avérerutile. Entre autres, le fait d'êtreAlphamultipliaitma force de garou etma vitesse grâce auxliensdesangquilesunissaientàmoi.Jeressentaischaquemembre,chaqueloupdelameutegrâceàmonsangetàmachairquicoulaitdansleursveines.Cesangquilesavaitnourrislorsduculted'admissionàlameute.Ulrics'ensortirait.Lesmoisqu'ilauraitfalluàunhumainpourguérir n'équivalaient qu'à quelques heures pour lui. J'avais sous-estiméDawson, son pouvoiravaitconsidérablementaugmenté.Cependant,ilavaitfaitunegraveerreurens'attaquantàunmembredelameute:ilvenaitdesignersonarrêtdemort.

***EMMA

J'avais couru pendant au moins vingt minutes avant de trouver un endroit en sécurité àplusieursmètresde lamaison.C'étaitun lieuà l'abrides regards indiscrets,cachéduvillagepardesbuissonsetséparédelaforêtparunerivière.Unecachettepaisible.C'étaiticiquemamèrevenaitpeindreenété,pendantquejem'amusaisdanslarivière.Maintenant,lecoursd'eauavaitgeléetlesarbress'affaissaientsouslepoidsdelaneige.Un

tronc d'arbre enneigé était posé sur le sol, faisant faceà la forêt. Jem'assis dessus. Je necomprenais pas pourquoi le village détestait ceux de l'autre côté. Ilsm'avaient aidé et ils nesemblaientpasméchants.Jemesouviensquemamanallaitdanslaforêt,pourtantellen'avaitjamaiseudeproblèmesavec lesvillageois,nimêmeavecpapa.Peut-êtreque leconflitavaitcommencéàcausedecela...Darrenavaitditquenousnousreverrions,maisjecommençaisàendouter,carsileconflitexistaitvraiment,jenepensepasqu'ilrisqueraitsaviepourunsimplebloc-notes.Leventsoufflaetunemèchedecheveuxvinttaquinermonnez.Jelamisderrièremonoreille.

Un buisson bougea derrière moi. Je m'immobilisai et aperçu la tête de Coraline. J'observail'étrangescène:elletentaittantbienquemaldepasseràtraverslesbuissons.Lesbranchesétaientcommedesmainsquilaretenaient.Sescheveuxenétaientrecouverts.Finalement,elletirabrusquementetréussitàsedélogerdesfourrésentombantfacecontreterre.Jemelevaipour aller l'aider. Quand j'arrivai devant elle, je lui pris les bras et la tirai. Elle se releva encrachantdelaneigedesabouche.Jedusmeforcerpournepaséclaterderire:unegrandetracedebouerecouvraitsajouegauche.Elles'essuyadureversdesamancheengrimaçant.—Nerigolepas!Commentas-tufaitpourpasser,toi?demanda-t-ellegrognonne.Coralineavaittoujourseuunsalecaractère,maisenréalitéelleétaittrèsgentille.Jepointais

du doigt un passage étroit, mais suffisamment large pour me laisser passer. Elle observaattentivementletroudanslesbuissons.

—Cen'estpasjuste...murmura-t-elle.Je retournai m'asseoir sur mon tronc, elle m'imita. Nous restâmes quelques minutes en

silence;puisjedemandaisuruntonquej'espéraisneutre:—Commentm'as-tutrouvée?—Jesaisquetuallaissouventiciavectamère,jemesuisditquetuyseraisprobablement.Ilyeutdenouveauunsilencegêné.Ellesedandinasurletroncendétournantleregard.—Pourcequis'estpassé...commença-t-elle.—Pourquoilesvillageoislesdétestent-ilstant?luicoupai-jelaparole.Elleseléchapensivementlalèvresupérieure.—Enréalité,onaapprisquedesgensvivaientdanslaforêtjusteaprèstondépartd'Arcane.

Onnous interdisaitd'yaller,sansmêmesavoirpourquoi.Maiscequia toujoursétésûr,c'estquetonpèreleshaïssait,et jecroisquecelaaempiréavecletemps.Jesaisseulementqu'ils'estpasséunévénemententreeuxettonpère.Après,toutlemondes'estmisàlesdétester,sansmêmesavoirpourquoi. Ilestdevenu interditdeparlerd'eux,c'estdevenuunsujet tabouavec le temps, certains ont fini par oublier jusqu'à leurs existences. Quand lesmeurtres ontcommencéàseproduire,lahainequ'éprouvaientleshabitantsenverseuxagrandietilslesontaccusés.—Pourquoiseraient-ceeux?interrogeai-je.—Tusaisau fildesannées,onne lesa jamaisvusuneseule foisauvillage. Ils restentde

leurcôtéd'Arcaneetnousnousrestonsdunôtre.Onneleura jamaisparlé,onnesaitpasàquoi ils ressemblent. Mais on n'a pas pu s'empêcher de remarquer que les loups étaienttoujoursde leurcôté.Jeveuxdire... la forêtestgrande,mais les loupsnesont jamaisvenusprèsduvillage,pasmêmepourchiperunpoulet.Àcausedeça,ilyaeudesrumeurscommequoi ilscontrôleraient les loupsetqu'aveceux, ilsattaqueraient les jeunes filles.Maiscommetoujours,cesontdesrumeurs.Ellerit.Jelaregardaiaveccuriosité.—Quoi?demandai-je.—Jepensaisàuntrucidiot...Ilyauneautrerumeurquidit...Ellesecoualatête.Elleeststupide.Cenesontquedesbalivernes.—Raconte-moi,ordonnai-je.Ellesoupiraetcroisalesjambes.—Ilyaunerumeurquidit...qu'ilsseraientmaudits.—Maudits?répétai-jeabasourdie.Commedes...loups-garous?—Oui,maistusais...Cenesontquedeshistoirespourfairepeurauxenfants.Unlouphurla,cequinousfitsursauter.Onrigolanerveusement.Jerepensaisubitementàce

qu'avaitditl'antiquaire:«—ilsnesontpaslacausedesmeurtres.Gardeçaàl'esprit.Ilsnesontpasmaudits,juste

différents.Commetamère,souviens-t'en.—Jesaisquelesloupsnesontpaslacausedetoutçaetqu'ilsnesontpasmaudits.Cene

sontquedesloups!—Enes-tucertaine?»

S'il m'avait dit ça, c'est qu'il devait en savoir plus sur ceux qui vivaient de l'autre côté. Jedevais y retourner pour lui poser quelques questions. Pourquoi nos villages étaient-ils enconflit ?Et aussi, qu'est-ce quemon père avait avoir dans cette guerre ? Je commençais àtrouverqu'ilétaittropliéàcettehistoirepournepasenêtreresponsable!—Houhou?Coralineagitaitsamaindevantmesyeux.—LaTerreappellelalune.Jeclignaidesyeux.—Humoui!Jeluifisunsourirenavré.—Jepensaisàquelquechose,désolée.Ellemefitunclind'œil.—Pasdeproblème.Jen'avaisrienàfaireaujourd'hui,jepouvaistoujoursallervoirl'antiquaire.Jemelevai.—Jedoism'enallerj'ai...untrucàfaire,m'excusai-je.Hum...ons'appelle?Sansattendresaréponse,jetrottinaiversl'étroitpassage.—Hey!Emma!JemeretournaiversCoraline.—Tuveuxvenirdéjeuneravecmoietlesautresdemainmatin?J'étaistroppresséd'ensavoirplussurl'histoireduconflit.J'acquiesçai et me dépêchai de sortir de ma cachette. J'eus quand même le temps

d'entendrele«merde!»deCoraline,quivenaitdetomberenessayantdesortirdesbuissons.Quand j'arrivaiprèsduquartiercommercial,unbarragedepoliciersm'empêchadepasser. Ilvenaitd'yavoirunnouveaumeurtre.

***J'essayais de me frayer un chemin entre la foule de gens. Un policier m'arrêta devant le

cordondedélimitation.Dessirèneshurlaientdepartout.Undrapblancétaitposésuruncorps,où une tache de sang s'étalait sur le tissu au niveau du ventre. À travers, le corps semblaitétrangementincomplet.Jecomprisrapidementquelavictimeavaitétédémembrée,commelesautres.Leslieuxgrouillaientdepoliciers.Certains tentaient de retenir les badauds trop curieux, d'autres prenaient des photos et

prenaient des notes. J'eus une brève pensée pour Darren, mais je revins vite à la réalité.J'aperçusunflicvomirlelongd'unbâtimentetgrimaçai.Desfemmesdiscutaientàcôtédemoi.Jenepusm'empêcherdelesécouter.—C'estmoiquiaidécouvertlapauvrefille!disaitl'uned'elles.Vousnepouvezpasimaginer

cequej'aivu!—Vraiment?Dites-moitout,machère!renchéritsavoisine.— Des loups ! Des énormes loups ! Un brun et un châtain ! Ils l'entouraient ! De vrais

monstres!raconta-t-elle.Àl'entendre,lesloupsétaientdéjàlescoupables,maisjedoisavouerqu'ilétaitdurd'imaginer

lesloupsinnocents...Sijen'avaispasrencontrémonloupnoir,j'auraispensélamêmechose.—Vous avez eu de la chance ! poursuivit son amie. Alors comme ça, c'était vraiment ces

animauxquimassacraientsesjeunesfemmes!—J'aientendudirequelemairecomptaitorganiserunechassepourexterminercessatanés

loups!Oh!Ceneseraitquejustice...Jeperdislefildeladiscussionquandquelqu'unm'appela.Je

meretournaietvislepèredeMatthewdanssonuniformed'inspecteurs'avancerversmoi.Uneimpressionnante bedaine qui ne devait pas manquer de le gêner était apparue depuis ladernièrefois.Ilétaitdevenuchauveetunegrossemoustaches'imposaitau-dessusdesalèvresupérieure.—Monsieur,lesaluai-je.—Tunedevraispasêtreici,rentrecheztoi,ordonna-t-il.Je n'étais pas prête à rentrer chezmoi, pasmaintenant. Je fis comme si je ne l'avais pas

entendu.—Jedevaisallerchezl'antiquaire.Ques'est-ilpassé?demandai-je.—Jenepeuxpasparlerdel'enquêteavecunecivile.Rentrecheztoi,répéta-t-il.Jefisappelàtoutmontalentdecomédienne.—S'il vous plaît,monsieur ! J'ai promis à papa que je ne serai pas longue. Ilm'a envoyé

chercher un de ces bibelots que vend l'antiquaire. Vous connaissez papa, dis-je d'une voixtristounette.Ilsoupiraensecouantlatête.—JenepeuxpastelaisserpasserEmma,c'esttropdangereux,murmura-t-il.—Maisjeseraiprudente,jevaischezl'antiquaireetjereviens!Vitefait,bienfait!Insistai-je

pleined'espoir.Iltournalatêteverssescollèguesquihaussèrentlesépaules.Ilseraclalagorge.—C'estbon!Vas-y,maisnetraînepas!—Merci!Jel'embrassaisurlajoue.Illevalabanderoledesécuritéetmelaissapasser.Je traversai lascènedecrimeenobservant lesmoindresdétails.Arrivédevant lecorps, je

visledébutd'unemancheroseavecunemainmanucuréedépasserdudrap.C'étaitencoreunejeune femmed'environdix-huitans...comme lesautres.J'eussoudainunevisiondemoisousce drap. Je n'avais pas fait le rapprochement, mais j'allais bientôt avoir dix-huit ans dansquelques semaines. Je frissonnai et continuai mon chemin. Un jeune policier me sourit etsoulevalabanderolepourmelaisserpasser,jeluirendissonsourire.Lasuitedelaruelleétaittrèssilencieuse,etsurtout trèsvide.Jene tardaipasàarriverdevant laboutique.Àmaplusgrande joie,ellen'étaitpas fermée.Lavieilleclochesuspendueau-dessusde laportesonnaquandj'entrai.Unvieilhommeamaigri,toutcourbéetn'ayantplusquequelquesrarescheveuxsurlecrâne,s'avançadanslapièce.Jefussurprisedelevoir,jem'attendaisàvoirl'hommedeladernièrefois.

—Bonjourmademoiselle,quepuis-jefairepourvousaider?dit-ildesavoixfragile.— Hum... Bonjour. Ce serait pour savoir si je pourrais parler avec l'autre antiquaire,

demandai-jetimidement.Le vieillard rigola puis toussa. Chouette... J'étais ravie de voir que j'avais encore du talent

pourfairerirelesgens!—Mapetite dame, je suis le seul antiquaired'Arcane ! Je tiens cette boutiquedepuis des

années!Degénérationengénération!dit-ilfièrement.—Maishier,quandjesuisvenueici,j'aiparléavecunautreantiquaire...peut-êtrevotrefils?

tentai-je.—J'auraisbienaimévousaider, jeune fille,maishier nousétions fermés !Vousvousêtes

certainementtrompéedemagasin!merépondit-ilensouriant.Cependant, j'étaissûreque j'étaisvenue ici !Eny réfléchissant, jenem'étaispeut-êtrepas

trompéesurl'identitédel'hommedelanuitdernière.Ilneressemblaitpasàunantiquaire.Deplus, ilétait tardpourqu'unmagasinsoitouvert.Unepenséemetraversal'esprit :ets'ilavaitpréméditémavenue?Jedoisavouerquec'étaitassezétrangecommeréflexion,maiscetypeavaitditqu'ilétaitunamidemamèreetm'avaitappeléparmonnomdefamille,alorsqueplusdelamoitiéduvillagenesesouvenaitmêmepasdemoi!Ilavaitétélepremieràmeparlerdeceux de l'autre côté, comme s'il avait attendu toute la nuit pourme le dire. Jeme trompaispeut-être...—Oui,vousavezcertainementraison,murmurai-je.L'hommegrimaça,cequiridaencoreplussonvisage.—Qu'est-cequevousavezdit?demanda-t-il—Vousavezcertainementraison,répétai-jeplusfort.—Ah!répondit-il.Biensûrquej'aimemamaison!Jesoupirai.—Mercidem'avoiraccordéunpeudevotretemps.—Maisderien,mapetitedame.Revenezquandvousvoulez!—Oui,merci,dis-jedéçue.Jesortisdumagasin.J'avaisenviedehurler!J'avaistropdequestionsetpasassezderéponses!Aumomentoù

je m'avançai dans la ruelle, un homme passa devant moi en sifflotant. Nos regards secroisèrent. Je sursautai en reconnaissant le type de la nuit dernière et m'immobilisai. Unecicatrice ornait son œil gauche et ses cheveux blond coupé très court lui donnaient un airsévère. Mon sang se glaça quand j'aperçus sa chemise ensanglantée. Je restai pétrifiée. Ils'essuyalaboucheetretirasamaincouvertedesang,avantdefairegiclerleliquidesurmoi.Ilmesouritetcontinuatranquillementsonchemin.Quandildisparut,mesjambescédèrentsousmoietjem'écroulaidanslaneige.Lesloupsavaientpeut-êtrequelquechoseàvoiraveccettehistoire,maisc'était lui le tueur.Tout lemondes'entendaitpourdireque les loupsétaientdesanimauxpassifs,maisquand ilyavaitunesalehistoire,on lesaccusaità tous lescoups !Jedevais prévenir le père deMatthew. Jeme redressai et courrai en direction de la scène decrime.Le jeune flic, qui semblait m'apprécier, m'aperçut, j'en profitai pour lui demander d'aller

chercher l'inspecteur. Il s'y rendit sans attendre. Quelques minutes plus tard, le père deMatthewapparut.—Ah!Emma,terevoilà.Tuasétérapide.Ilmefitunclind'œil.Iln'yavaitpasdetempsàperdre.—Jecroisquej'aitrouvélemeurtrier!dis-jed'untonpressé.Ilesquissaunsourire.—Tunepeuxpast'imaginerlenombredepersonnesquiviennentmedireçalorsd'uncrime,

seplaint-il.—Maisjecroisquej'aivraimenttrouvéquelquechose!Vousdevezmecroire,repris-je.Ilsoupira,manifestementlassé.—Tuasintérêtàavoirraison!Je l'emmenai dans la ruelle près de l'antiquaire. Jemarchais d'un pas rapide. L'inspecteur

respiraitviteetavaitdumalàresteràmahauteur.Quandontournaoùj'avaiscroiséletueur,lepoliciers'arrêtaàboutdesouffle.Ildégageaituneécœuranteodeurdetranspiration.—Venez!Ilvas'enfuir,lepressai-je.Maisilsecoualamain.—Emma!Voyons,calme-toi.Riennepresse!—Maisj'aivuunhommeavecunecicatricequi...Iléclataderire,cequimesurprit.—Waouh ! Tu as vu un homme ! Tume fais perdremon temps, jeune fille !maugréa-t-il.

C'estunloupquenouscherchons,pasunhumain!—Mais,ilétait...—J'aiautrechoseàfairequedéjoueravectoi.Ilfitdemi-tour.—Attendez!Lesloupsnesontpaslesseulscoupables.Ilyaunhumain!—Emma!Untémoinavulavictimeentouréepardesloups!—Maisellenelesapasvusattaquerlajeunefille!Ilsontpeut-êtreétéattirésparlesang!

ripostai-je.—Çasuffit ! hurla-t-il.Ceci est uneaffairedemeurtrequi ne te concerneen rien !Rentre

cheztoi,Emma.Ilretournaverslascèneducrime.Jenetentaipasdel'arrêter.Sipersonnenevoulaitmecroire,jemedébrouilleraistouteseule.Toutcequ'onsavaitsurles

meurtres, c'était qu'il y avait des marques de morsures d'origines à la fois animales ethumaines.Lesvictimesavaienttoutesétémutilées,dontcertainesdémembrées.Onavaitdeuxpossibilitésde coupables : leshommesou les loups. Je savaisqu'il devait y avoir unhumaindans l'histoire, ce que j'avais vu le prouvait, enfin l'aurait prouvé !Mais les loups avaient étéaperçussurlascène...Cependant,ilsrestaientdesanimauxetpouvaientavoirétéattirésparlescorpssansvie.Les

victimesn'étaientplusquedescarcassespoureux,ilsauraienttrèsbienpuencroquerunpetitboutpar-cipar-là.Ilrecommençaàneiger.Jedécidaiderentreràlamaisonpourcommencermonenquête.Jenelaisseraipastombermonloupnoir.

***

DARREN

On était tous dans le salon. Il était grand, mais simple : des canapés étaient installés aucentrede lapiècedevant le foyerde lacheminéeetunbarenboisse trouvaitau fondde lasallequimenait jusqu'à lacuisine.Lapièceétaitassezvideetavaitpourseuledécoration lesportraitsd'anciensAlphasclouésaumuretquelquesplantessituéesàcôtédevieuxmeublesenchênepoussiéreux.J'étaisassisdansmonfauteuilenfacedeMarcus, installésur lesiègejumeaudumien.Personneneparlait,laissantplaceàuneatmosphèretendue.Ulric,Malory,AmyetAlecsetrouvaientderrièremoi,commedebonsloupsprêtsàprotéger

leurAlpha,mêmesi jedoutaisqueMarcussoit venupourm'attaquer.Tout lemondeétaitenalerte,saufShadquiétaitassisparterreetsecramponnaitàlajambed'Amy,quiluicaressaittendrementlescheveux.Ulricavaitunelargeetimpressionnantecarrurequiluiavaitpermisdegrimper leséchelons.Cependant,mêmes'ilétaitdouéaucombat,sesmusclesne luiavaientpaspermisdemebattre,quelquesannéesauparavant.Certainsoubliaientquemêmesij'étaisjeune, ce n'était pas pour rien que j'étais devenu l'Alpha. Il avait de courts cheveux brunsassortis à ses yeux. L'entaille qui traversait son ventre n'était plus qu'un amas de peaucicatricielleencorerougie.IléprouvaitunecertaineattirancepourAmy,unedessoumisesdelameute. Assis dans mon fauteuil, j'avais remarqué qu'il la regardait avec attention. Celle-cicommençaitàrougiretévitaitsonregard.Celafaisaitplusieursmoisqu'ilsjouaientcommeça,maisaucunn'avaitfait lepremierpas.JerepensaisoudainementàEmmaetmedemandaicequ'ellepouvaitbienfaire...Malorysoupirabruyamment.Cequimeramenadanslesalonaveclameute.Jelafusillaidu

regard. Elle était grande, avec des cheveux châtains qui tendaient vers le roux, le visageallongéetdebeauxyeuxverts.Elleavait l'apparenced'uneathlèteetd'unegentille fille.Maiscen'étaitpaspourrienqu'elleétaitmaseconde lieutenante :elleétaitvicieuseetcapabledecruautélorsd'uncombat.Shad,aucontraire,setenaittoutletempscourbé,cequiluidonnaitl'air toujours petit. Il avait les cheveux d'un noir corbeau, un peu trop longs, qui lui tombaientdanssesyeuxbleunuit. Ilavaitunphysiqueminceet ressemblaitàunenfantbattu. Ilétait lemembreleplussoumisdelameute,d'oùlanécessitéqu'unloupdominantveillesurluipourleprotéger.QuandUlricavaitétéenmesuredese retransformer,ons'était réunidans lesalonpourdiscuterdecequ'ils'étaitpassé.—Donc,vousmeditesqueDawsonvousatenduunpiège?demandai-jepensivement.—Oui,onfaisaitnotrerondehabituelledanslaforêt,commençaMalory.Quandonestarrivé

prèsdelalisère,onasentil'odeurdeDawsonprovenantduvillage.—Noussommesdoncpartisàsapoursuite,continuaUlric.Jesaisquecen'estpasautorisé

etquec'est leFenrirquidevaits'occuperduvillage,maisonpensaitvraiment tenirunepiste.Cependant, à la place de trouver Dawson, on a découvert le corps d'une jeune filleensanglanté,expliqua-t-il.Onallaitpartir,quandunefemmes'estmiseàhurler.Onafuihorsduvillage,etjusteaprèsnotretransformation,Dawsonenaprofitépournousattaquer.Jefermailesyeuxetmemassailestempes.Lesvingtminutesquisuiventunetransformation

sontlesplusdangereusespourungarou.Durantcettepériodedetemps,ilresteaffaibli.

—Onn'avaitvraimentpasbesoindesefaireremarquer,surtoutmaintenant,murmurai-je.—OnestdésoléAlpha,marmonnaMalory.—L'importantc'estquevousalliezbien,maislaprochainefoisquevoustrouverezunepiste,

jeveuxquevousnouspréveniez.Ilsacquiescèrent.—Oùavez-vousétéattaqué?repris-je.MaloryregardaUlric.—Hum...ilsegrattapensivementlatête.Nousavionslaissénosvêtementsprèsdelalisière

aprèslamutation.Nousnoussommeshâtésderetournerlà-bas.Nousavonstraversélesruespour arriver dans le quartier résidentiel. Nous avons été attaqués juste après la lisière, toutprèsdeladernièremaisonavantlaforêt.Marcus,quin'avaitrienditjusque-là,sefigea.— C'est la maison de la famille Gordon, murmura-t-il. Qui est la victime ? demanda-t-il

nerveusement.Une sueur froide coula le long demon dos. Se pourrait-il que la victime soit Emma ?Une

angoissem'envahit.Onsedévisagea.Ilpensaitlamêmechosequemoi...

***EMMA

Arrivée chez moi, j'enlevai mes chaussures et accrochai mon manteau. Mes pieds étaientgelésetmesmainsglacées.Unbonchocolatmaisonme réchaufferait.Lehallétaitungrandcouloir menant directement à l'étage, de telle sorte que la porte d'entrée était en face del'escalier.D'uncôtéduhall,ilyavaitlacuisine,etdel'autre,lasalleàmanger.Cesdeuxpiècesrejoignaient le salon.Mamèreavait toujours aimé cettemaison : unpeuancienneet unpeumoderne, disait-elle. Ce qui faisait qu'une moitié de la maison était composée de bois etd'antiquités,tandisquel'autreétaitornéedemeublesbienplusmodernes.Jetraversailehalletme dirigeai vers la cuisine en chêne pour me préparer un vrai chocolat chaud avec... desmarshmallows!Jemisàchaufferdulaitdansunecasserolepuisfisfondreunebarredechocolat.Jelaissai

refroidirletoutetenprofitaipourmonterchercherunblocetunstylodansmachambre.Quandje revins, je m'installai à la petite table en bois et me mis à noter tous les indices dont jedisposais:«Lesvictimes(prostituées)sontrecouvertesdemorsuresanimalesethumaines:jeuxSM

ouletueur?Poserlaquestionàl'inspecteur.L'hommeàlacicatriceaperçuprèsdelascènedecrimeetdanslaruellelanuitdelafête.

Quiest-il?Letueur(?).Leprouver».Leseulélémentquiauraitpudiscriminerlesloupsauraitétédesavoirsilesfillesavaientété

morduespost-mortem.J'étais tellement concentrée sur mon enquête que je n'entendis sonner à ma porte que

lorsqu'onytambourina.Jem'empressaidetoutrangersousunepiledemagazines.—Deuxminutes!hurlai-jeencourantverslaporte.

Jejetaiuncoupd'œilàtraverslejudasetaperçuslagrossetignassedeMatthew.Ennuyé,ilsoupira et s'appuya sur la porte qui grinça sous son poids. Je sentis un sourire espiègle seformer surmes lèvres tandis que je saisissais doucement la poignéeet ouvris rapidement laporte.Matthew,confortablement installé, s'écrasamaladroitementcontre leplancherdansungrandfracas.Ilpoussauncriindignation.—Tul'asfaitexprès!seplaignit-il.—Moi?répondis-jeenfaisantclignermesyeux.Jamais!Ilgrommelaitdesinsanitésquandsesnarinesfrémirentetsabouches'arronditenun«oh»

deplaisir.—Tuasfaitduvraichocolatchaud!s'émerveilla-t-il.—Etdutoutchaud,renchéris-je.Matthew se redressa d'un bond et fonça sur la casserole, tel le gourmand qu'il était. Il se

penchaethumal'odeurdechocolat.Aumomentoùiltenditlamainversledélicieuxnectar,macuillèreenboiss'abattitmalencontreusementsursapauvremain.Ilmefusilladuregardetallas'assoirà lamini-table, sur laquelle j'étais installéeunpeuplus tôt. Jeprisdeux tassesdansune armoire et y vidai le chocolat fumant. Je rejoignis Matthi et prit place en face de lui,déposantlesbolsoùdesMarshmallowsflottaient.—Alors?Quemevautl'honneurdetavisite?demandai-jeentenantlerécipientchaudentre

mesmainsgelées.—Pourquoimefaudrait-iluneraisonpourquejerendevisiteàmachèreEmma?murmura-t-

ilenbuvantunelonguegorgée.Jeluilançaiunregardlourddesens.Iltoussotacommes'ils'étaitbrûléetreposatimidement

sa tasse sur la table. Embarrassé, il tenta de fuir mon regard insistant. Je le jaugeai sansprononcerunmot:unegouttedesueurcoulalelongdesatempe.Jefronçailessourcils.— Bon, j'avoue ! Papa a trouvé que tu étais bizarre et m'a demandé de passer te voir,

balbutia-t-ilcoupable.Jesoupirai.—J'enétaissûre!m'exclamai-je.C'estluiquim'aenvoyébouler,jetesignale!Matthewsefrottalestempes.—C'estencorecettehistoireavecl'homme...,marmonna-t-il.Jelefusillaiduregard.S'ilscontinuaienttouscommeça,c'estmoiquiallaislestuer!— J'ai vraiment vu le tueur ! m'énervai-je. Mais ton père n'a pas voulu m'écouter ! Je ne

pensepasquelesloupssoientlescoupables...Etsionavaitlaissélescadavrespourquelesloupss'endébarrassent?Onnepeutpaslaisserlesloupssefaireexterminer!— Je te crois. Je ne pense pas qu'ils soient coupables, ils ne nous ont jamais rien fait

auparavant.Maiscommentveux-tuprouverça,Emma?C'estuneenquêtepourmeurtres.Monpèretravailledessusdepuisdesmois,etd'aprèscequej'aicompris,toutsembleindiquerquelesloupssontlestueurs.Tun'aspastonmotàdiredanscettehistoire,expliqua-t-il.Jeréfléchisàcequ'ilvenaitdedire.—Mais toi... Tupeuxêtre au courant de cequi sepassedans l'enquête ! Tudevrais être

capable deme renseigner.... Je suis sûre qu'on peut prouver que les loups ne sont pas lescoupables!

Matthewsedandinasursachaise.—Jenesaispas,Emma...hésita-t-il.Celapourraitêtredangereux.Tunesaispasdansquoi

tut'embarques.Etpuis,sijemefaisprendre...—Jenepeuxpasleslaisserexterminermonloupnoir!m'entêtai-je.Ilhaussalessourcils.—Enfin,jeveuxdire...lesloups,marmonnai-je.Ilsoupiraetregardaparlafenêtreavantdesetournerversmoiavecunregardrésigné.—J'essayeraidepêcherquelquesinformations,grommela-t-il.Jesautillaidejoie.—Mais,nemedemandeplusdet'aideraprèsça!Jemelevaidemachaisepourl'embrasser.—Merci,marmonnai-jeenposantmabouchecontresajoue.C'estàcemoment-làqueCoralineentradanslapièce.—J'aisonné,maispersonne...Elles'arrêtaennousvoyant.JesentisMatthewseraidir.Ilssedévisagèrent,puislesyeuxde

Coralinesemirentàluireetunelarmecoulalelongdesajoue.—Jecroisquejevaisvouslaisser,marmonna-t-elleavantdesortirencourant.—Attend!Coraline!Laporteclaquaavantquejen'aiepurajouterquoiquecesoit.Jemehâtaiàsasuite.Matthewrestaassis,immobile,leregardflou.J'ouvrislaporteetcouruspourlarattraper.Leventfaisaitvolermescheveuxautourdemon

visage.Jeluisaisislepoignet.Elles'arrêta,levisagerougiparleslarmes.—Jen'enpeuxplus, gémit-elle en s'essuyant le nez. Il t'a toujourspréférée,mêmepetit il

t'aimait déjà. Ça a toujours été Emma par-ci, Emma par-là ! J'ai beau être gentille, faireattentionàlui,ilnem'ajamaisregardéecommeilteregarde,sanglota-t-elle.Magorgesenoua.Jamais, jenemeseraisattendueàcequeCoralinesoit jalousedemoi.

Sonvisagesedurcit.—Tunepeuxpassavoircommejet'envieEmma,murmura-t-elle.Ellebaissalatête.—QuandtuespartieenAmérique,nousnoussommesrapprochés.Ellemesourittristement.— Il faisait même des sous-entendus sur nous deux. Puis tu es revenue et... tout est

redevenucommeavant,marmonna-t-elledansunderniersouffle.—Ilnes'estjamaisrienpasséentremoietMatthew,dis-jesimplement.C'estseulementmon

meilleurami.Coralineéclataensanglots.Jelaprisdansmesbrasenessayantdepenseràquelquechose

qui la réconforterait,mais ne trouvai rien à lui dire.Pour la première fois depuismon retour,j'avaisl'impressiondenepasreconnaîtremonamie.Jemecontentaialorsdel'enlacerleplusfort possible. Après quelques minutes, elle s'écarta de mes bras et repartit en m'assurantqu'elleallaitbien.

Matthew, quant à lui, s'était éclipsé sans dire un mot. Je regardai l'horloge accrochée aumur:17h30.Jen'avaisvraimentpasfaimetmonmaldetêterevenaitàlacharge.Avectoutcequis'étaitpassé,jen'avaisqu'uneenvie:dormir.Jemontaidansmachambrerosebonbonet me laissai tomber sur mon lit. Je m'endormis en pensant que demain serait une longuejournée.

CHAPITRE7DARREN

Étendusurmonlit,jen'avaispasdormidelanuit.Jenepouvaispasm'empêcherdepenseràelle:Emmaallait-ellebien?Ellenepouvaitpasêtrelavictime,maisenétais-jecertain?Jem'assis et saisis son carnet posé sur ma table de chevet. Je n'avais pas pris le temps deregarderendétail cequi se trouvaità l'intérieur. J'avaisbrièvementaperçuquelquescroquis,mais un dessin avait particulièrement attiré mon attention. Je rouvrir le carnet à la dernièrepage.Unejeunefilleétaitreprésentéeaumilieud'unevasteforêtenneigée.Onauraitpucroirequ'ellesedressaitseuledans lesbois,mais je reconnus lespremiers traitsd'unénorme loupnoirqu'Emman'avaitpaseuletempsdedessiner.Aujourd'hui, j'iraislavoir.Jemelevai,seul,dansma sombre chambre légèrement illuminéepar les quelques rayonsde soleilmatinal quifiltraientàtraverslatenture.J'allaisouvrir lesrideaux,cequi laissaentrerunflotde lumièredanslapièce.Jefronçai les

sourcils, aveuglé. La vaste forêt enneigée se dressait derrière la large baie vitrée de machambreauxcouleursdel'hiver.Jeme dirigeai vers la porte de la salle de bain. Amyme reprochait d'avoir donné toute la

modernité à ma chambre, sans rien laisser au reste du manoir. Je ne pouvais pas dire lecontraire... J'avais la fierté de posséder une gigantesque baignoire en pierre sculptée à lamain.Ainsiqu'unlargelavaboengranitéoùungrandmiroirornaitlemur.J'observaimonreflet:j'avaisdescheveuxnoirsébouriffésassezclassiques,maismesyeuxn'avaientdésormaisplusriend'humain : ilsavaientperdu leurcouleurchocolatpourunbeaudoré.C'estcequiarrivaitquand on reste trop longtemps sous forme animale. J'avais de larges épaules et une bellemusculature:êtreloup-garoun'apasquedesinconvénients.Jemisunjeantrouéetenfilaiunt-shirt noir qui moulait parfaitement mes muscles. Suite à ma transformation d'hier soir, onpouvaitencoresentir l'odeurde la forêtetdu loupsurmapeau.Jesortissilencieusementdemachambre.Àl'étage,toutlemondedormaitencore.Ilétaittôt,maisjedevaisvérifiersielleallaitbien.Une foisdehors, jememisàcourir.Lesarbresdéfilaientautourdemoiet leventcaressaitmapeau.Jenetardaipasàapercevoirlamaisond'Emma.Àmagrandesurprise,jevisde la lumière. Jem'avançai,maismestoppaienapercevant l'ombred'Emmaà travers lafenêtre.

***EMMA

Jem'étaisréveilléetôtcematin.Jevoulaispartirrapidementpourfairemesrecherchesdanslevillage.Ne trouvantplusmesélastiques, j'avais lâchémesépaischeveuxbruns,quiétaientencoreplusébouriffésqued'habitude.Jemislatêteenavantet larejetaienarrièrepourquemescheveux retombentartistiquementsurmesépaules.Enm'installant sur lapetite table, jesaisisaupassageunepommedansunpanierenosier.Alorsquejecroquaispensivementmon

fruit,unstyloà lamain,quelqu'un toquaà laporte.Jecessaidemâcheretposaimonstylo.Qui pouvait bien venirmedéranger àuneheurepareille ? J'avaismapetite idée... Je fonçaiverslaporteetl'ouvrisbrusquement.—Laprochainefois,vientencoreplustôt,jenetedirairien!grommelai-je.—Tumeproposesdereveniruneprochainefois?Ma bouche s'arrondit de surprise. Darren se trouvait en bas des escaliers. Je rougis de

honte.—Euh...non.Enfinsi...J'aicruquec'étaitquelqu'und'autre,balbutiai-jegênée.Ilmesouritetmetenditmoncarnet.Monvisages'illumina.—Tul'asretrouvé!m'exclamai-jeémerveillée.Jedescendislesmarchesgeléesetsaisismoncahier.Aprèsavoirpasséquelquessecondes

àl'examiner,jeregardailaported'entrée,puisDarren.—Tuveuxrentrerboirequelquechose?proposai-je.Jelevishésiter.—Allez!Jetedoisbiença!Jeluiprislamainetletiraiverslamaison.—Jenevaispastemanger,plaisantai-je.—Non,maisceserapeut-êtremoi,susurra-t-il.Jesourisetmeretournaiversl'escalier.—Ilfaudraitdéjàquetuarrivesàm'attraper!rigolai-je.Alors que je posai mon pied sur la première marche verglacée, celui-ci dérapa

maladroitement.Darrenmerattrapaparlataille.Jesursautaiaucontactdesesdoigtssurmapeau.—Çanevapasêtredifficile,murmura-t-il.Sesmainssurmeshanchesétaientétrangementchaudes.Jefrissonnaietm'écartaidelui,le

soufflecourt.Cettefois-ci,jefisattentionenmontantl'escalier.Danslehall,jerefermailaportederrièreluietentraidanslacuisine.— Tu peux t'asseoir ici, dis-je enmontrant la petite table sur laquelle je déposai le carnet

avantdepartiràlarecherchedecafé.Jenepensaispasqu'ilyenaurait,vuquelaseulepersonnedelamaisonquienbuvaitétait

mamère.Alors que je fouillais dans un tiroir, je sentis son regard brûlant dansmondos. Jetentaide l'ignorer...peineperdue !Résignéedansmaquêtedecafé, jemeretournai.Darrens'étaitadosséàlatableetmedévisageait.—Désolé,iln'yaplusdecafé...maisjepeuxtefaireunchocolatchaud,proposai-je.—Unchocolatchaudseraparfait.Jevisson regardseposersurma taille. Jesentis le rougememonteraux joues;monpull

orange était remonté, laissant apparaître mon ventre plat. Je me retournai, gênée, et medandinaipourleremettreconvenablement.Respire,Emma,marmonnai-jeàmoi-même.Jemetournaiverslefrigoaussinaturellementquepossibleetsortislacruchedechocolatquej'avaisfaite hier. Je vidai le liquide froid dans deux bols avant de les mettre dans le micro-ondes,quandjereconcentraimonattentionsurDarrenquis'étaitassisàlatableetmeregardaitavec

intensité.Àlafaçonqu'ilavaitdem'observer,ilmefitpenseràunanimalsauvageguettantsaproie. Chacun de ses regardsme consumait lentement. Je sursautai quand le bip dumicro-ondesrésonnadanslacuisineetprislesdeuxrécipients.J'espéreraisqu'iln'avaitriencontreleréchauffé...Jem'approchaidelatableetposaiunboldevantlui.C'estenm'asseyantquej'aperçusmes

notessurlesmeurtres...Oups.Jefisunrapidetasetlesglissaientredeuxmagazines.—Tut'intéressesauxmeurtres?Je leregardai.Mentiralorsqu'ilvenaitdevoirmesnotesn'auraitpasété très intelligent.Je

choisisdedirelavérité.—Oui,jepensequelesloupsnesontpasaussicoupablesqu'onveutlefairecroire,avouai-

je.—J'aientendudirequ'unefemmeavaitaperçudesloupsautourdelavictime...Jesecouailatête.—Et alors ?Ce sont desprédateurs, ils ont certainement été attirés par le sang !Quand

j'étaispetite,mamèreallaitdans laforêtetelleest toujoursrevenueenunseulmorceau.Çadoitêtrel'œuvred'untaré,voilàtout!—Un homme...murmura-t-il pensivement. Sur ta feuille, tu asmis quelque chose au sujet

d'unpotentielcoupable.Tuasdespreuves?Jegrimaçai.— Hum... disons que j'ai un instinct assez développé. Je pense l'avoir aperçu près de la

scènedecrime.Ilseredressasursachaise,l'airintéressé.—Tusaisàquoiilressemblait?demanda-t-il.Ilparaissaits'intéresserbeaucoupàcetindividu.—Cheveuxblonds,yeuxbleus.Jen'aipasbienvusonvisage,mais j'ai remarquéqu'ilavait

unecicatriceàl'œildroit.Darrensefigea.Ilattiraencoreplusmonattention.—Tuleconnais?demandai-je.Ilmeregardaetsourit.—Non.Jelecroyais,maisjemesuistrompé.Je vis qu'il mentait, mais s'il n'avait pas envie d'en parler, c'était son choix. Je préférai

changerdesujet,voyantquelaconversationlemettaitmalàl'aise.—Sinon,tuaspenséquoidemesdessins?l'interrogeai-jeentapotantmoncarnetdubout

desdoigts.Jevissesépaulesserelâcher.—J'enairegardéquelques-uns,maisjen'aipaseuletempsdetouslesfeuilleter.—Cen'estpasgrave,murmurai-je.Ilyeutunlongsilence.Dequoipouvais-jebienparleraveclui?Jemevoyaismaldiscuterde

lapluieetdubeautemps.J'étaissigênéequejeressemblaisàunetomatetellementjedevaisêtrerouge.—Mais...j'aibienaimétondessinaveclafilleetleloup,reprit-il.

Jefeuilletaimoncarnetetallaià ladernièrepage.C'était le jouroù j'avaisrencontré le loupnoirpourlapremièrefois.Jesourisencaressantledessin.—C'estaussimonpréféré,soufflai-je,maisiln'estpasfini.Darrenfitrouleruncrayonversmoi.Jeledévisageai.—Jeteregarde.Montre-moicequetuvaux!Jepris le crayonnoiret continuai le loup. Je rajoutai un trait par-ci, par-là.Dessinaiunœil

puis une oreille. Pendant tout ce temps, je sentis Darren m'observer. Puis je m'arrêtai etcontemplaimonœuvre.Ilmanquait quelque choseà cedessin. Je regardaiDarren, et cequelque chosemesauta

auxyeux.—Resteici!ordonnai-jeensortantdelacuisine.Jemontailesescaliersetentraidansmachambre.J'ouvrisuntiroirdemonbureauetfouillai

dedans. J'attrapai plusieurs crayons et redescendis dans la cuisine. Jem'assis brusquementsurmachaise.—Qu'est-ceque...?commençaDarren.—Chut!Regarde.Jeprismoncrayonet coloriai l'œil du loupendoré. Jesavaismaintenantoù j'avais vuces

yeux,c'étaitpeut-êtreunedrôledecoïncidence,maisjecroisquecequim'avaitd'abordattiréechez Darren, c'était ses beaux yeux dorés, exactement les mêmes que mon sauveur auxgrandes dents... Contente de mon travail, je relevai fièrement la tête. Alors, Darren prit lecrayonbrun et coloria les yeux de la jeune fille.Nous contemplâmesnotreœuvre. Je pris lecarnetetarrachaidélicatementlapage.Jeluitendis.—Tiens,tuasditquetul'aimaisbien.Illepritetmesouritironiquement.—C'estunedéclarationd'amour?plaisanta-t-il.Jerougisetmerenfrognai.—Trèsdrôle!Tuserasobligédepenseràmoichaquefoisquetuverrascedessin!Iléclatad'unrirequimechatouillal'estomacetmeréchauffatoutlecorps.—Jepensepeut-êtredéjààtoi,susurra-t-il.Fermelesyeux.Instinctivement,jeluiobéis.Jelesentiss'appuyersurlatable,quigrinça.Sonvisageétaitsi

prèsdumienquesonsoufflemechatouillalecou.Ilremontalelongdemagorge,cequimefitfrissonner, et s'arrêta devant ma bouche. Ses lèvres frôlèrent lesmiennes. J'avais envie desentirsabouchecontre lamienne.JevoulusmepencherpourromprelesderniersmillimètresquinousséparaientquandCoralineentraentrombe.—Salut!cria-t-ellejoyeusement.Jerouvrisbrusquementlesyeuxetmeredressai,faisanttombermachaise.—Coraline!m'exclamai-je.Maisquandvas-tuapprendreàsonner?Elleentradanslacuisineets'arrêtaenvoyantDarren.— Je ne savais pas que tu avais d'aussi beaux copains ! déclara-t-elle enme donnant un

coupdecoude.Je la regardaibouchebée.Elleavait l'airbienpar rapportàcequ'il s'étaitpasséhieravec

Matthew.—Hum...Darren, je te présenteCoraline;Coraline, voiciDarren, dis-je en essayant de ne

pascroiserleregarddecelui-ci.—Ehben!Tuascertainementoubliénotresortie«Petitdéjeuner»!Jetentaidecachermasurprise.—Non!J'aiseulementétéprisedecourt!—Doncenrésumé...Tuasoublié!conclut-ellemalicieusement.Jegrimaçai.—Peut-êtreunpeu...râlai-je.Darrennousregardait,amusé.—Ah!J'aiuneidée!s'écria-t-elle.Tun'asqu'àinviterDarren.Je le regardai,hésitante,et repensaiàcequ'ilavaitdit :«Onnevapaschezeuxet ilsne

viennentpascheznous».—Jenepensepasque....Darrenseleva.—Çameferaittrèsplaisird'accompagnerEmma,dit-ilenmeregardantdroitdanslesyeux.J'avalaidifficilementmasalive.Coralinesautilla.—Ah!Super!Lesautresnes'yattendrontpas!Emmaaunpetitcopain,susurra-t-elleen

assistantbiensurtouteslessyllabes.Jesursautai.Darrenéclataderire.Lasituationdevaitbienlefairerire!—Cen'estpasmonpetitcopain,bredouillai-jerapidement.Coralineeutl'airdéçue.—Dépêche-toi!Jet'attendsdanslavoiture.Elledisparutdelacuisine.Jen'avaispasentenduDarrenbouger.Pourtant,lorsquejemeretournai,jemecognaicontre

lui.Jereculaipourledévisager.—Tuvasvraimentvenir?demandai-jesurlesnerfs.—Pourquoicettequestion?—Tuas clairement dit que vous n'étiez pas les bienvenus dans le village !Alors, pourquoi

risquerqu'ontereconnaisse?l'interrogeai-je,sanscomprendre.—Sijen'aijamaisétédanslevillage,commentpourraient-ilsmereconnaître,Emma?Jesoupirai,exaspérée.—OK,vienssituveux.Maisjepensequandmêmequec'esttropdangereuxpourtoi!Ilgloussa.—Ravidevoirquetut'inquiètespourmoi!Jegrommelaientremesdentsetattrapaimonmanteau,Darrensurmestalons.

CHAPITRE8DARREN

Lavoitures'arrêtadevantunemaisontransforméeencafé.Cetteanciennehabitationressemblaitàn'importequellieud'Arcane:lafaçadeétaitfaitede

pierreetlaporteenbois.Seuleunepancartegravée:«Themysteriouscoffee»,indiquaitqu'ils'agissait d'un café-restaurant. On sortit de la voiture. Instinctivement je me rapprochaid'Emma.Jelasurprisàregardermeslèvres,puisnosregardssecroisèrent.Ellesursautaetdétourna rapidement les yeux. Je crois que ma tentative de l'embrasser l'avait légèrementembarrassée.Pourtant, j'avais suivi tous les conseils d'Alec, qui était un vrai tombeur. Décidément, je ne

comprenaisrienauxfilles.Onentradanslebâtiment.Demultiplesodeursm'assaillirent:lecafé,labière,lanourriture.

Plusdiscrètement,cellesdelatranspiration,dutabacetdeshormonesenébullition.Lesgensriaientetparlaienttousenmêmetemps.Chaqueson,mêmepetit,ricochaitsurlesmurs.C'estunlieufortbruyant,maistrèsfamilial.Unbarenboismassif faisait toute la longueurd'unmuren pierre. De nombreuses petites tables en bois, occupées pour la plupart, occupaient latotalité de la salle, et un lustre orné de bougies pendait au centre de la pièce. Le sol étaitrecouvertdeparquetetdesplantesvertesdécoraientchaquecoindelapièce.Nousnousdirigeâmesversungroupedejeunesassisautourd'unetabletroppetitepourtout

lemonde.Ilss'arrêtèrentdeparlerpournousdévisager.Coraline leur fitungrandsignede lamain.—JevousprésenteDarren,lecopaind'Emma,gloussa-t-elle.Emmam'entraînaversdeuxplaceslibres.Ilyeutdessifflementsquandellemepritlamain.

Emmadevientaussirougequ'unepivoine.Onsemitassisenfaced'untypequiluisourit.—Salut,Emma.Jenesavaispasque tu t'étais faitun«copain»,dit-ilenmedévisageant

avecinsistance.Jecomprisàsonexpressionqu'iln'aimaitpasquejesoissiproched'Emma.—Jesuispleinederessources,monpetitMatthew!Legarçonavaitdescheveuxbrunsondulésqui luiarrivaient justeau-dessusdesépaules. Il

tenaitunebièredanslamain.—Jevoisça,murmura-t-ilenbuvantàlabouteille.Illareposabrutalementsurlatable.—Etd'oùviens-tu,copain?JesentisEmmasecrisper.Jecommençaisàcroirequ'ellesentaitl'embrouillearriver.—Jen'habitepastrèsloind'Arcane,dis-jesimplement.Une serveuse, qui devait avoir la quarantaine, s'approcha de notre table et mit fin à la

conversation.

— Qu'est-ce que je sers aux nouveaux arrivants ? demanda-t-elle joyeusement en nousregardanttouràtourEmmaetmoi.—Undeteschocolatschauds,Betti,réponditEmma.Laserveuseclignaplusieursfoisdesyeux.—Maisoui!C'estmapetitechoupette!Commetuasgrandi...Ellemeregarda.—Oh!Ettuasmêmeramenéungarçon!ajoutalaserveuse.Emmagrimaça.Décidément,toutlemondecroyaitquej'étaissonpetitami...Jedoisavouer

queçanemedéplaisaitpas!Matthewnem'avaittoujourspasquittéduregard.—Etvous?medemandalaserveuseensouriant.—CommeEmma,merci.Quandlafemmepartit,Matthewrevientàlacharge.—Ettuhabitesoùexactement?—Matthew!Çasuffit!ditEmmad'unevoielourdedemenaces.—Jemerenseigne,c'esttout!Jen'aisimplementjamaisvusa...têteàArcane,murmura-t-il

enavalantunegorgée.Nos chocolats chauds arrivèrent. La serveuse nous affirma que c'était un cadeau de la

maison,puisellerepartitservir lesautreslabiés.Emmabutunegorgéeetsemitdelacrèmesurlenez.Lesautresnemanquèrentpasdes'enamuser.—Quoi?demanda-t-elleenmeregardantsanscomprendre.J'approchaimamaindesonvisageetfrôlaileboutdesonnez.Ellemelaissafairesansmequitterdesyeux.Jeretiraimondoigtcouvertdechantillyetmis

monindexenbouchepourlécherlacrème.Sa respiration s'accéléra.Matthew se levabrusquement.Sa chaise racla le plancher. Tous

ceuxdubars'arrêtèrentdeparler.—Ditmoi,copain,tuvastelafairetoutdesuite?C'enétaittrop.Jemelevaisbrutalement,faisanttombermachaise.Emmam'attrapalebras

pourmeretenir.Jevoulusfaireunpas,maiselleselevaàsontour.—Viens,allons-nous-en.Çan'envautpaslapeine,murmura-t-elle.—Oui,barre-toid'ici!crachaMatthew.Ungrondementsourdfitvibrermapoitrine.Emmaplantasesonglesdansmonavant-bras.—S'ilteplaît,mesouffla-t-elle,leregardsuppliant.Je fermai lesyeux,essayantdecontenirmacolère,mais jen'yarrivaispas. Il fallaitque je

sorted'ici,detoutecettetension.Jeprislamaind'Emmaetl'entraînaiverslasortie.—Emma,resteici!hurlaMatthew.Ils'avançaetluisaisitlepoignet.Jem'apprêtaisàlerepousserquandEmmasedégageade

sapriseetluiflanquaunboncoupàlamâchoire.Ilbasculaetretombalourdementsurledos.—DésoléMatthew,marmonna-t-ellerapidement.Lesautresselevèrentdeleurschaisesetseprécipitèrentversl'imbécile.Onsortitavantque

l'onpuissenousarrêter.

J'avançaisàgrandeenjambé, leplusrapidementpossiblepourm'éloignerdecetendroit.Jesuivaislaroutepavéeetlongeaislaforêt.Jen'étaispasfaitpourcevillage,nipourseshabitants.J'entendaisEmmatrottinerderrière

moi.Personnesaufelle.Jeralentispourqu'ellemerattrape.Quandellearrivaàmahauteur,jeluijetaiuncoupd'œil.Elleétaitessoufflée, j'observaissaveinebattredanssoncou, telunanimalenchaînéquine

demandait qu'à être libéré. Qu'elle était belle avec ses cheveux ébouriffés, ses joueslégèrementrougiesetsesyeuxnoisettereflétantsoninquiétude.Sapeaudevaitêtredouce.Jehumaisonodeuretunevivedouleurmetraversa,labêteremuadansmoncorps,melacérantdesesgriffespoursortir.J'attrapaiEmmaetlaplaquaicontreunarbre.—Jesuisdésolé!débita-t-ellerapidement.Jemepliaiendeuxlaissantmonfrontretombersursonépaule.—Pourquoit'excuses-tu?murmurai-je.Tun'asrienfait.—Je...—Tais-toi,ordonnai-je.Je fermai les yeux et écoutai son cœur battre. Je posai mes mains sur ses hanches et

effleurai son cou de mes lèvres. Elle m'agrippa les épaules. Je la mordis légèrement. Ellegémit, tremblanteentremesbras.Mes lèvres remontèrent lentement le longdesagorge,cequi la fit frissonner. Je déposai un léger baiser sur sonmenton puis pressai vigoureusementmes lèvrescontre lessiennes.Ellepassasesmainsdansmescheveuxet sepressaunpeuplus étroitement contre mon corps. Je goûtai ses lèvres, son haleine. Je l'embrassaipassionnément, comme je n'avais jamais embrassé personne auparavant. Je m'écartai lesoufflecourtetmelaissaidoucementretombercontreelle.—Etaufinal,commença-t-elleessoufflée,tuhabitesoù?Jerigolaitoutenlaserrantcontremoi.—Tuterappelleslacabanedesecours?—Commentpourrais-jel'oublier?murmura-t-elleenmetirantlescheveuxpourquejerelève

latête.J'aperçusunvieuxcouplepasser.Ilsnousdévisagèrent,mécontents.Jetournaimonattention

surledouxvisaged'Emma.—Ilyauncheminquiconduitjusqu'àunmanoiràpartirdelacabane.Ilestfacileàtrouver.—Tuvisseuldansunmanoir?demanda-t-elleétonnée.Cetteremarquem'amusa.—Non,jevisavecma...avecdesamis,rectifiai-je.—Desamis,répéta-t-ellesoupçonneuse.EtAmyestunedetesamies?Jel'embrassai.—Elleestseulementunesimpleamie,larassurai-je.Çaterendraitjalousesijesortaisavec

elle?Ellerougit.—Je tesignaleque tuviensdem'embrasser,moncher !Maissi tuveux, jepeux trèsbien

m'enaller,dit-elleensedégageantetens'avançantverslaroute.

Jel'attrapaiparlatailleetlaserraicontremoi.—Nedispasdebêtise,murmurai-jedanslecreuxdesoncou.Levillagenetarderaitpasàcomprendrequejevenaisde l'autrecôté...Jevoulaisfaireune

surpriseàEmmaavantqu'ilnedeviennedifficiledesevoir.—Ça tedirait de venir faireun touraumanoir ?proposai-je. J'aimerais tedonnerquelque

chose.— Tant que ça ne vire pas au cauchemar commemon rendez-vous, je suis partante pour

tout!—Celanepourraitpasêtrepire,lataquinai-je.—Peut-être,maisc'est toiquiasprovoquéMatthew!Qu'est-cequi t'aprisde léchercette

crèmechantilly?—Çan'avaitpas l'airde tegêner,susurrai-je.Et jedoisavouerque j'ai ressentiuncertain

plaisiràprovoquerMatthewdelasorte.—Ahoui...Ellesemitenpositiond'attaqueetencadrasonvisagedesespoings.—Faisgaffeàtoi,sinonjeteréservelemêmesortqu'àcepauvreMatthew,plaisanta-t-elle

endonnantuncoupdanslevide.—Tun'arriveraismêmepasàmetoucher,raillai-je.—Vraiment?Elles'approchaenroulantexagérémentdeshanches.—Monpetit,jet'écrasequandjeveux!—Jeprendsçapourundéfi...Jebondissurelle,l'attrapaiparlatailleetlatiraidanslaforêt.Elle cria de surprise. Nous trébuchâmes sur une branche et dévalâmes la pente enneigée,

nousenfonçantdanslaforêt.Elleroulaplusloinetserecroquevillasurelle-même.Jecrusquejeluiavaisfaitmal.Jem'approchai,maisavantquejenepuissel'atteindre,elleseretournaetm'envoyaunegrossebouledeneigequimeheurtal'épaule.Ellecourutenrigolantetsecachaderrièreunarbre.Jem'approchaiprudemment.Arrivé près de l'arbre, je m'accroupis et formai un tas de neige, j'en fis une boule et me

redressai doucement. Je contournai l'arbre,mepréparant à la lancer,mais ne trouvai que levide. Quelqu'un sauta et me bondit sur le dos, je tombai au sol, face contre neige. Je metournaisurledos.Jevoulusmerelever,maisEmmas'assitàcalifourchonsurmoi.—Jet'avaisprévenuquejepouvaist'écraserquandjevoulais,sourit-elle.Ellesepenchaetm'embrassa.J'agrippaisesfessesetluirenditsonbaiser.Elles'étenditsur

moi,posantsatêtecontremapoitrine.Après quelques minutes passées dans cette position, je ressentis un malaise, comme si

quelqu'un nous observait. J'entendis une branche craquer. Emma n'avait certainement rienentendu, mais elle perçut mon stress. J'observai la forêt qui me parut plus sombre etmenaçante. Si c'était Dawson, je ne pourrais pas à la fois la défendre etme transformer. Ilfallaitquel'onbougeetvite.—Emma,appelai-jedoucement.

Ellerelevalatête.—Ilfautqu'onparte,jeteramènecheztoi.Viens.—Qu'est-cequ'ilya?demanda-t-elleintriguée.Onnevaplusaumanoir?Elleglissasurlecôtépourmelaissermerelever.—Jeviensdemerappelerquejedoisfinirquelquechose.Je lui pris la main et l'aidai à se redresser. On marcha pour rejoindre la route quand un

énorme loup beige jaillit, nous barrant le chemin. Je poussai Emma derrière moi. Ungrondementsourds'élevademapoitrine.Le loup-garoupencha la têtesur lecôtéetagita laqueue.JereconnusimmédiatementAlec.Jesoupiraietmecalmai.—Crétin,marmonnais-jepourqueseulAlecl'entende.Sesyeuxbrillèrentdemalice.Emmasepenchapourregarderpar-dessusmonépaule.—Unloup!s'extasia-t-elle.Elles'approchadelagrandebêtebeigeets'agenouilla.—Attention,ilpourraitmordre...prévins-je,plusparinstinctqueparcrainte.Elleluicaressal'encolure.—Maisnon,tunememordraspastoi,n'est-cepas?lecajola-t-elle.Jelevailesyeuxauciel.Alecsecouasonpelage,cequichatouillalevisaged'Emma.Ellerit.

Je le fusillai du regard. Mais c'est qu'il s'amusait en plus le petit crétin. Je râlai. Emma seretournaversmoi.—Nemeditpasquetuesjaloux!ricana-t-elle.—N'importequoi,murmurai-je.Elleselevaetsouritens'approchantdemoi.—Si,tuesjaloux!Ellem'ébouriffalescheveux.Jeluiattrapailespoignetsetl'embrassai.Alecseretournaetfit

bouger sonpostérieurdansmadirection,menarguantpar-dessussonépaule. Je fronçai lessourcilsetilbaissalatête.—Ondoityaller.—D'accord,soupira-t-elle.Byeleloup.Elleagita lamainpuiselles'avançavers lapente.J'enprofitaispour tirer la langueàAlec,

maiselleseretournaàcetinstant.Ellemedévisagea.—C'estauloupquetutiraislalangue?demanda-t-elleétonnée.—Non,répondis-jed'untonhésitant.Ellesecoua la têteetcontinuasonchemin.Je fissigneau loupde rejoindre lemanoiret je

rattrapai Emma. On rejoignit la route, mais une fois encore, je sentis qu'on nous observait.J'eus le temps d'apercevoir deux yeux de glace dissimulés derrière un buisson qui nousregardaientpartir.

***EMMA

Darrenmeraccompagnajusqu'àchezmoi.Jevislavoituredemonpèregaréedel'autrecôtédelaclôture.Jesoupirai.—Qu'est-cequ'ilya?demanda-t-ilinquiet.—Rien,monpèreestàlamaison,expliquai-je.Cestemps-ci,cen'estpaslajoieentrenous

deux.Darrengrimaça.—Donc,aufinal,tuasdelachancedem'avoir!sevanta-t-ilfièrement.Jel'avaissentivenircelle-là.Jeluidonnaiunetapedansleventre.—C'estça!Vante-toi!rigolai-je.Ilglissaunemaindansmondosetm'attiracontreluienm'embrassantsurleslèvres.Jerestaicontre luipendantplusieurssecondes.J'auraisaiméne jamaisbouger, resterainsi

pour toujours, le sentir près demoi,me sentir en sécurité, car je savais qu'une fois parti, laréalitémerattraperait.—J'aipasséunesuperbejournée,murmurai-je.—Onrecommencequandtuveux.Je m'écartai à contrecœur et m'avançai vers la maison quand une pensée me traversa

l'esprit.Jem'arrêtaietmetournaiverslui.—Aufait,qu'est-cequetuvoulaismemontreraumanoir?l’interrogeai-jecurieuse.Ilmesourit.—Tuauraisaimélesavoir,semoqua-t-il.Jeprismonexpressionboudeuse.—Allezdislemoi!m'entêtai-je.—Laprochainefois,commeçatuaurasuneraisondem'attendre.—Jet'attendrais,murmurai-jeenmedétournant.Jecontinuaiàmarcherlelongduchemin,sentantsonregardposésurmoi.Arrivéedevantla

porte, jevoulus lui jeterunderniercoupd'œil,mais ilavaitdéjàdisparu.Jesoupiraietentrai.Commejel'avaisprédit,monpèrem'attendait,etàvoirsonvisage,iln'étaitpascontent.Pourchanger...

CHAPITRE9EMMA

—Papa,lesaluai-jeenpendantmonmanteauetenenlevantmeschaussures.—Oùétais-tu?demanda-t-ilsèchement.Quelafêtecommence!Jemeredressaipourluifaireface.—J'étaisaveclesautres.Jenementispas...J'omisseulementquelquesdétails.Ilritd'untonamer.—Maisqu'as-tufaitaprèsavoirfrappéMatthewetquittélebar?Jeleregardaifroidement.Quelqu'undevaitluiavoirtoutdit.—Jesuisalléemepromener.Ilmedévisagea.— Toute seule ? Vraiment ? susurra-t-il. Ça m'étonnerait beaucoup que tu aies laissé ce

Darrenetquetunesoispasalléedanslaforêt.Jeserrailespoingsetparlaid'unevoiedure.—Qu'est-cequeçapeutbientefaire?—Jet'aidéjàditquejeneveuxpasquetuaillesdanslesbois!s'énerva-t-il.—Pourquoi?Iln'yariendemalàça!hurlai-je.Ilsm'ontsauvéeetilssontgentilsavecmoi!Sonvisagesevidadetouteexpression.—Alorscommeça,ceDarrenvientdel'autrecôté,murmura-t-il.Ilmetournaledos.—Jet'interdisdelerevoir!—Jamais!rétorquai-je.Ilsetournalentementversmoi.Sonexpressionneutresetransformaenunehorriblegrimace

derage.—Jeneperdraipasmafillecommej'aiperdumafemme!aboya-t-il.—Mamanestmortedansunaccidentdevoiture ! Ilsn'ont rienàvoir danscettehistoire !

m'époumonai-je.—Sicetypeneluiavaitpasmisdesidéespleinlatête,elleseraittoujourslà!cria-t-il.Mesyeuxs'emplirentdelarmes,maisilétaithorsdequestionquejepleuredevantlui.—Tunechangerasjamais,dis-jefroidementavantd'allerrécupérermesnotesetmoncarnet

danslacuisine.Jemontail'escalieretm'enfermaidansmachambre.Celaneservaitàrienquejecontinueà

me disputer avec mon père. Il estimait toujours avoir raison. Quoi que je dise, quoi que jefasse, cela ne changerait rien. Je me concentrai sur un sujet qui en valait la peine : leshomicides.Et s'il voulait vraimentmeséparerdeDarren?Qu'il essayeseulement ! Lesplusbellesfleursontdesépines,àtrops'yfrotterons'ypique!

Jeregardaimesnotesetfisunrapidebilandelasituation.Laméthodedumeurtrier laissaitsupposer que les loups étaient impliqués dans ces meurtres. Mais quel serait l'indice quiprouverait qu'il s'agissait d'un humain ?Même si j'avais vu l'homme, ilme fallait des preuvesconcrètes ! Je n'ai pas encore assez d'éléments pour prouver ma théorie, et avec ce qu'ils'étaitpasséavecMatthew,jedoutaisqu'ilveuilleencorem'aider!Arcanen'étaitpasunvillagepopulaire.L'assassindevaitsoitêtreunfouvenudenullepart,soitunvillageois.Je fis une liste des personnes du village qui n'aimaient pas les loups. Il y avait le fameux

AndréRamirez,unchasseurauchômage.Depuisquelesloupsd'Arcaneavaientétédécrétésespèceprotégée,lachasseétait interdite.Ramirezavaitainsitoutperdu.Ilétaitdevenufouàforcedepassersavieàlestraquer.Allezsavoircequ'ilétaitcapabledefairepourpiégerlesloups.On pouvait également suspecter le vieil éleveur de chèvres,Monsieur Armand, qui seplaignait de la fréquente disparition de ses animaux, mais tout le monde savait que c'étaitl'oeuvredesonennemi, leboucher...CharlesGordon,monpère,pouvait luiaussi fairepartiede la liste, car il avait toujours détesté les loups, encore plus que « ceux de l'autre côté ».Cette liste risquait d'être longue si je commençais comme ça. L'après-midi ne faisait quecommencer.Jepouvaistoujourspartirenquêter.C'étaitmieuxquederesterà lamaisonavecmonpère.Jeprisunbloc-notesviergeetunstylobilledansundemestiroirs.J'ouvrismaporteet,quandj'arrivaiprèsdelacaged'escalier,j'entendisdesvoix.Jem'arrêtaipourécouter.Jeréussisàdistinguercellesdedeuxd'hommes.—Vousmelaprenezcommevousavezprismafemme!chuchotamonpère.—C'est elle qui est venue à nous, répondit calmement l'autre homme. Je ne veux que sa

sécurité.Jereconnuslavoixdusoi-disantantiquaire.Quefaisait-ilici?—Vousêtes touspareils,quecesoit vousavecma femmeouceDarrenavecelle !Vous

allezbientôtmedirequevousvouliezaussilasécuritédeMaria...BRAVO!Ilapplaudit.—Quellesécurité!JenelaisseraipasEmmatournercommesamère.—Voussavezquenoussommesplusaptesàlagarderensécuritéaveccequicourtdansla

nature ! Vous savez aussi bien que moi ce qui rode dans le village. Il est rusé, Charles,murmura-t-il.— Je sais ce que vous êtes ! Je sais qui vous êtes pour Emma ! Il est hors de question

qu'elle découvre la vérité, que ce soit sur vousou sur samère !Et encoremoins sur cequirôdedanslevillage!—Vousnepourrezpastoujourslaprotégerdecettevérité.—Vousferiezmieuxdepartir,Marcus,conclutmonpère.Des pas résonnèrent dans le hall et la porte claqua. J'entendis mon père monter les

escaliers.Je courus discrètement dans ma chambre, laissant la porte entrebâillée. J'attendis que la

portedugreniersoit ferméepourdescendre.J'enfilairapidementmesbottesetmonmanteauavant que mon paternel ne décide de venir me voir et découvre que je n'étais plus là. Denombreusesquestionssebousculaientdansmatête.Meprotégerdequellevérité?Monpère

savait-il ce qu'ils étaient ? Je ne comprenais plus rien ! Et qui était ce Marcus, pourcommencer ?Quant à cette chose qui rôdait dans le village... Voulait-il parler du tueur ? Jesentais que, d'une manière ou d'une autre, les meurtres étaient liés avec « ceux de l'autrecôté».Maiscomment levérifiersi jen'avaispasaccèsàcettepartied'Arcane?Jepourraispeut-être y aller faire un tour... avec Darren. Je rougis rien qu'en pensant lui demander dem'accompagner.Plusjecherchaisdesréponses,plusj'avaisdequestions.Enattendant,j'allaiscontinuermon

enquête.Jesortisetmedirigeaiverslefonddujardinàgrandspas.Jeseraiplusrapideencoupantà

travers champs.S'il continuait à neiger, il faudrait que jem'achètedesaprès-ski tellement laneiges'épaississait.J'arrivaiprèsduvieuxcabanonabandonnéoùseserait trouvéemapauvremèresielleétait

encoredecemonde.N'ayantpasletempsdejoueraveclepassé,jecontinuaimonchemin.Ilme faudrait quelques minutes pour atteindre la maison de Ramirez. Après avoir traversé lejardin,jepassaipar-dessuslaclôtureetgravisunepente.Ausommet,jem'arrêtaietobservailepaysage.Unchamprecouvertdeneigeetgeléjusqu'àladernièregrainesedressaitdevantmoi.Onpouvaitapercevoirauloinlafameusemaison.Jedescendisdelacollineenmelaissantglisser,marquant la neige demon passage. Jemarchais tranquillement quand j'entendis desbruitsdepassurlaneige.Jem'arrêtais,lespasfirentdemême.Sic'étaitletueur,iln'avaitqu'àbiensetenir.Jefisun

brusque demi-tour sur moi-même et surpris le loup beige partir en courant pour se réfugierderrière la colline. Il disparut derrière un tas de neige. J'attendis et remarquai que ses yeuxvertsm'observaient. Ilme vit le regarder et baissa rapidement la tête. Je souris et continuaimonchemin.Lesbruitsdepasrecommencèrent,maiscettefois,jefissemblantdenepaslesentendre.Bientôt,leloupvinttimidementàmahauteur,trottinantàcôtédemoilalanguependante.Je

luijetaiuncoupd'œiloblique.—Bonjour,leloup!lesaluai-jejoyeusement,m'attendantpresqueàcequ'ilmeréponde.Iljappaenremuantlaqueue.Jesouristristement.— J'aurais bien voulu te prendre avec moi, mais je doute que notre visiteur apprécie !

expliquai-je.Ilpenchalatêteetgémit.Jem'imaginaiuninstantl'effetquejeproduiraisaccompagnéed'un

loup...—IciEmma!hurlai-je.Ouvrezlaporte!Des pas pressés résonnèrent dans la maison et une chaise tomba, signalant la fuite du

suspect.J'ouvrislaporteàgrandcoupdepied,quiheurtabrutalementlemur.—Arrêtez-vous!J'aperçuslecriminelfuirparlafenêtreouverte.—Loup,faisletour!Jem'occupedelui!Je le poursuivis et sautai par-dessus l'appui de fenêtre. Il allait m'échapper quand le loup

bonditetatterritsursondos.L'hommehurlaet tombasur lesol.J'arrivaiprèsde lui.Jeprismesmenottesdemaceinture.

—Aunomdelaloi, jevousarrête,proclamai-jesolennellementenlemenottant.Bontravail,leloup!Son jappementme sortit dema rêverie. Je reviens subitement dans le champ enneigé. Je

secouailatête.—Bon,d'accord,tupeuxvenir!Ilagitafarouchementlaqueue.—Maisc'estunchasseur,ondevraêtreprudent!prévins-je.Onseremitenroute.Plusonserapprochaitdelamaison,pluslanatureétaitrejetéeauloin,

tel un enfantmal aimé qui ne demandait qu'à être vu. Le champ n'en finissait pas. On étaitencoreàplusdequinzemètresquandj'aperçusunhommeauloin,sousleporchedesavieillemaisonenbois.Ilfaisaitdegrandssignesdanslevideetcriadeschosesquejen'arrivaispasentendre.—Quoi?hurlai-jeenmettantmesmainsautourdemabouchepouravoirplusdeportée.Ilagitasesbrasdanslesairs.Jeledévisageai,etcommejenecomprenaistoujourspas, il

partit.Jehaussailesépaules.—Queldrôled'individu,murmurai-jeàl'oreilleduloup.Onavaitmarchécinqmètresquandilréapparut,unfusilàlamain.Jefisunbonddesurprise.

Jecomprisalorscequ'ildisait.Ilpointasoncanonsurnous.—Foutezlecampdemapropriété!cracha-t-ilenagitantsonfusil.Nous,lesvoyous,onn'en

veutpas!—Monsieur,criai-je.Jesuisvenuevousposerquelquesquestions.Çanevousprendraque

peudetemps!Je m'avançai prudemment vers lui. Avoir emmené le loup n'était pas une bonne idée

finalement...—Jen'airienàvousdire!Jesaisquevousêtesdesleurs!Ilsaisitfermementsonfusil.—Vousnem'aurezpas!Il visa.J'eus le tempsdem'accroupirquanduneballevolaau-dessusdema têteetatterrit

dans laneige, làoù jemetrouvaisquelquessecondesauparavant. Il rechargeasonarme.Jerestaiagenouillée.Ilredressasonfusiletmevisa.Leloupbonditsurmoimefaisanttombersurledos.Unenouvelleballes'étaitlogéedanslaneigeàquelquescentimètresdemonbras.Jelaregardai,choquée,puislevailatêteversletireur.—Dégagez!hurla-t-ildenouveau.Je restai immobile, comme paralysée. Je n'avais jamais pensé qu'un jour on voudrait me

supprimer. Le loup prit délicatement la manche de mon manteau dans sa gueule. Je leregardai,intriguée.Unnouveaucoupdefeuretentit.Leloupsemitàcourir,m'entraînantavecmamanchepriseentresescrocs.Jeme redressaimaladroitement.Jesprintaiàcôtéde lui,tentantderesteràsahauteur.Plusieursballesfilèrentàcôtédenous.Je ne tardai pas à me fatiguer, respirant douloureusement. On avait rejoint le milieu du

champ,maisRamirezs'obstinaitànoustirerdessus.Jecrusque le loupcontinueraitversmamaison,maisilvirasubitementàdroite.Cettedécisionsoudainemefittrébucher:machevillese torditetunevivedouleurme traversa lepied,mais jenem'arrêtaipas.Jecomprisque le

loupcherchaità rejoindre la forêt.Lescoupsde feudevinrentdemoinsenmoins fortsetdeplus en plus lointains. Je finis par rejoindre la lisière en boitant. Nous arrivâmes devant lespremiers arbres. Mon sauveur ralentit, mais ne me lâcha pas pour autant, me forçant àavancer.Dans la forêt, il fitsubitementsombre. Ilmetraînaquelquesmètresplus loinpuis libérama

manche.Jetombaiàgenoux,lesoufflecourt.—Ehbien!Vivelasuperdétective,m'exclamai-jeessoufflée.Ils'assitdevantmoi.Jetendislamainetluicaressaislatête.—Merci,murmurai-je.Je me redressai péniblement et m'assis sur une racine. Je remontai la jambe de mon

pantalon.Machevilleétaitbleueetgonflée.Je grimaçai. J'allais avoir dumal àmarcher jusqu'à chezmoi. J'observai la forêt, c'était la

partie ouest. Je n'étais jamais venue sur ce terrain forestier. Il était beaucoup plus dense etplus sauvagequemabonne vieille partie nord. La lumière passait plus difficilement entre lesarbresserrésetl'hivernel'arrangeaitpas.Uneatmosphèreangoissanteyrégnait;lecontraireducalmeetdeladétentequel'ontrouvaitprèsdechezmoi.Je remismon pantalon dansma botte et jeme redressai enm'appuyant contre l'arbre. Je

posai lepiedpar terreetm'appuyai légèrementdessus.Je tentaiunpasenclopinant. Jenetombaipas.Unbonpointpourmoi.J'enfisunnouveau.Toutsepassabien.Jemeredressai,prenantde l'assurance, levaimonpiedet retombaipitoyablement. Je relevai vivement la têtepuiscrachadelaneige.Lelouppoussadepetitscrisaigus...Onauraitditqu'ilsemoquaitdemoi!Jelefusillaiduregard.Illevasesyeuxbleus-grisauciel,commepourm'éviter.Jegrommelai

et me remis debout. Une branche craqua derrière moi. Les oreilles de mon nouvel ami sedressèrentpourécouter.Jemetournaiverslasourcedubruit.J'eusletempsd'apercevoirunefourrure blanche se fondant parfaitement dans le paysage. Deux yeux bleusme fixèrent. Leloupbeigealertémit lesoreillesenarrière, lespattesécartées,prêtàattaquer. Il releva lesbabines,dévoilantsescrocsetgrognantférocement.Monstressmonta.Iln'yavaitqu'unemeuteàArcane.Etvisiblement,vu l'accueilque lui réservaitmonami,ce

loup blanc n'en faisait pas partie. L'animal beige rejeta la tête en arrière et poussa un longhurlement.Cesonfittremblertoutmoncorps.Au loin, des hurlements lui répondirent depuis les quatre coins de la forêt. Le loup blanc

grognaetbonditsubitementsurmoi.Monamisejetadevantmoipourmeprotéger.Unegicléedesangm'éclaboussalevisageetleloupbeigeretombadanslaneige,parcourudespasmes.Ilse redressaen tremblantdedouleur.Jem'approchai,mais ilm'écartad'uncoupde tête. Ilgrognacontresonadversaire, ledéfiantdu regard.Le loupblanc revintà l'attaque;mon loupesquiva lecoup,mais retombamaladroitementsursespattesmeurtries.L'autreenprofitaetl'attrapa à l'encolure, le secouant violemment. Sa chair se déchira en un bruit humide,nourrissantlaneigeduliquidenoirâtrequicoulaitabondamment.Lafourrureblanchen'étaitplusqu'untasdepoilsensanglantés.Àterre,monamitentadeseredresser,maissonennemiposasa patte sur son ventre et pressa de tout son poids sur la cavité qui céda. Un craquementsourdrésonnadansl'air.Monamihurla,puiss'écroula,haletant.Jemelaissaitomberprèsdelui,posantmamainsursonventre.Toute l'attentionducabotétaitàprésentdirigéesurmoi.

J'enlevaimesmainspleinesdesang.Monamim'avaitsauvélavie,c'étaitàmontourdel'aider.Je me redressai et saisis une lourde branche. Je la fis tournoyer entre mes mains, me

rappelantmescoursdebaseball.—ViensjoueravectataEmma!hurlai-je.Leloupblancbondit.Jedressaimonarmedevantmoi.J'étaisprêteàdonnerlaracléedesa

vieàcesaleclebs!

CHAPITRE10DARREN

Deretouraumanoir,j'envoyailameuteàlapoursuitedeDawson.J'étaisdécidéàdébusquercerenégat.JenevoulaisplusfairecourirlemoindrerisqueàEmmaniàquiconque.Mesloupsétaient donc répartis sur les sentiers forestiers. J'étais sous ma forme lupin, à ratisser lamoindreparcelledeterre,lessensenalerte,prêtàréagiràchaqueinstant.C'étaitaujourd'huioujamais.LeFenrirrestaitintrouvable,onnepouvaitplusl'attendre.Onsedébrouilleraitsanslui.Ma fourrure noire jurait avec le paysage enneigé. Je ne pris pas la peine de me cacher,

même une taupe m'aurait remarqué. J'avançais prudemment et lentement, restant sur mesgardes.La forêtétaitcalme, illuminéepar les faibles rayonsdusoleil,quandunhurlementdéchirant

retentitau loin,ricochantentre lesarbresmorts.Jemefigeai :c'étaitAlec.Je levai la têteetréponditàsonappel.Lesautressuivirentmonexemple,mesignalant leurspositions.Jememisàcourirentreles

arbres,zigzaguanttelunouragan,soulevant laneigedemespattes.Jesautaiau-dessusdesbranches. Ulric arriva àma hauteur, suivi deMalory. L'odeurmétallique du sang emplit mesnarines.Lascènequisedressaitdevantmoimeglaça:Alecétait inconscient,étendudanslaneige qui semblait se repaître de son sang, tandis qu'Emma, allongée sur le sol, tentaitdésespérémentderepousserleloupblanc.Avecl'aided'unebranchelogéedanslagueuledumonstre,ellecombattaitpouréloignerlescrocsacérésdesagorge.Cependant, sa force d'humaine ne pouvait pas rivaliser avec celle d'un loup-garou. Des

gouttesdesueurdégoulinaientlelongdesestempes.Elle hurla de rage et poussa de toutes ses forces. À notre grande surprise, elle réussit à

repousserlecolosseetluiflanquauncoupàlamâchoirequicraquaenenvoyantunegicléedesang.Dawsonrugitets'élançasauvagementsurEmma.Jebondisférocement,lepercutantdepleinfouet.Ilrouladanslaneige.Jeretombaisurmes

pattesavant,memisenpositiond'attaque,dévoilantmescrocsmenaçants.Macarrureétaitpluslargequecelled'Alec,maiségaleàcelledeDawson.Lecombatseraitéquitable,maisjenecomptaispaslelaissers'enfuir.Ilseremitdeboutrapidement.Ontournaenronddansunechoraledegrognements,attendant lequeldenousdeuxperdrait leplus rapidementpatience.Son corps fut agité de tremblements d'impatience puis il s'élança. Je fis un bond en arrière,esquivantsesmâchoiresquiserefermèrentdanslevide.Jeneluilaissaiaucunrépitetsautai,atterrissantsursonarrière-train,lefaisantainsibasculerdanslaneige.Jesaisissagorgedansmagueuleet lesecouaisauvagement.Jesentismescrocss'enfoncerdanssachair.Lesangemplitma gorge et je poussai un râle de satisfaction. Je levaimes yeux dorés vers Emma,victorieux.Sonexpressionmeblessa.Ellemeregardait,terrorisée.Jedesserraiinstinctivementlesmâchoires.Dawson dut le sentir, car il se dégagea violemment et en profita pour s'enfuir. Les loups

glapirentenattendantmesordres,maisjerestaiimmobileàdévisagerEmma;sesyeuxétaientécarquillésdepeur.Jevoulusm'approcher,maisellehurlaetrecula,trébuchantsuruneracine.Lechagrinm'envahit.Je l'avais laissévoirmonvéritablevisage:celuid'unmonstre.Elleavaitpeur de moi à présent. Elle ne m'aimerait jamais assez pour supporter un tel fardeau... Jegémis et fit un pas dans sa direction, mais elle rampa pour s'éloigner demoi. Je l'entendismurmurermon nomen sanglotant. Je voulusm'approcher d'elle pour lui dire que c'étaitmoi,maisUlricm'enempêchaensemettanten traversdemaroute.J'entendisdesgensaccourirau loin.Malory saisit une des pattes arrière d'Alec et le traîna. J'observai une dernière foisEmmaetm'éloignai,lalaissantseule,recroquevilléedanslaneige,sanglotantmonnomdeplusenplusbasjusqu'àcequesavoixnedevienneplusqu'unmurmure.

***EMMA

Mes larmes gelaient sur mes joues gercées par le froid. Mon corps était agité par lessanglots tandisque les loupss'éloignaient.Lesyeux fermés, jeserraismesbras contremoncorps,j'avaispeurétendueseuledanslaneige.JevoulaisqueDarrensoitlà,meprennedanssesbras,meréchauffedesachaleuretmefasseoubliertousmesmalheurs.Cequ'ils'étaitpassém'avaitsembléàlafoissiréeletsilointain.J'avaislasensationquetout

cequ'ilvenaitdeseproduirem'étaitdéjàarrivé.Ce sentiment de déjà-vu qui vous poursuit à chaque instant, comme si un événement

important et tragiqueà la foism'avait étédérobéet que l'on refusait deme le rendre.Cettesensation de peur incontrôlable quim'avait paralysée.Ce sentiment que j'avais déjà connu...Maisquand?J'étais persuadée que j'avais déjà rencontré ce loup blanc et ressenti cette peur-là, que

j'avaisdéjàvécutoutça.Jenevoulaispasrouvrir lesyeux.J'avaissipeurdemesouvenirdecepasséquimesemblaitsiterrifiant.Était-cecelalavéritédontpapavoulaitmeprotéger?Plusjevoulaisrésoudrelesmeurtres,plusj'avaisl'impressionderésoudremavie.Toutcequi

m'arrivait et dont jenecomprenaispas le sens. Jamais jen'avaisétéattaquée,oudumoinspas dans mes souvenirs. J'avais plus été terrifiée par l'écho du passé que par le véritabledangerdumomentprésent.Mespaupièresétaient si lourdeset j'étais si fatiguée...Allongéesur ledos, lesyeux toujoursclos, jesentisdes floconsseposersurmonvisage.Cecontactétaitréconfortant,commelacaressed'unemèreàsonenfant.Jevoulustendremamainpourlesattraper,maismoncorpsengourdirefusadebouger.Soudain,lemondesemitàtournoyer.Unventviolentmegiflalevisageets'engouffradansmatrachée,m'empêchantderespirer.Lesflocons tombaient si rapidement qu'ils me tambourinaient le visage.Mes larmes semirent àcouler toutes seules, me brûlant les joues. Un rire rauque résonna dans ma tête et je mesouvins:Plongéedanslenoir,cachéesouslebureaudemamère,j'aperçusdeuxyeuxbleusmefixeretdesdentsensanglantéesmesourire.—Jetetiens,ricana-t-ilenm'empoignantlescheveuxetm'arrachanthorsdemacachette.Jehurlai.Jerouvrisvivementlesyeuxetfuséblouieparlalumière.Jevoulusmelever,maisdesgens

mesaisirent.

—MademoiselleGordon,resteztranquille!Jehurlaisetmedébattais,griffanttoutcequisetrouvaitàmaportée.—Allezchercherlemédecinenchef!ordonnaunefemme.Oncourraitautourdemoi.—MAMAN!criai-jeenmerelevantbrutalement,arrachantdesfilsdanslavolée.Desbipssemirentàrésonnerdanslapièce.Despersonnesmerattrapèrentetuneseringue

s'enfonça dans mon bras. Ma tête se mit à tourner et mes forces m'abandonnèrent, melaissantsombrerdansunprofondsommeil.

***DARREN

Alecétaitallongésurlelitaménagéàl'intérieurdelacage.Celle-ci avait été mise au sous-sol, dans l'espoir que les cris qui s'en échappaient ne

parviendraientpasaupremierétage.Lesbarreauxétantfaitsd'argent,ellenousservaitleplussouvent à enfermer les loups-garous instables durant la pleine lune. Elle était pauvrementmeublée : un lit en bois, et une unique chaise. À la base, elle n'était pas censée accueillirquelquechosesousformehumaine,etilnousfallaitsouventremplacercespauvresmeubles.Alec était mal en point. Ses côtes étaient en miettes et son cou avait été déchiqueté. Le

transformer aurait provoqué encore plus de dégâts. Il dégoulinait de sueur et sa respirationétait irrégulière.Desserviettesensanglantéesrecouvraientsaplaieà lagorgedans lebutdestopper l'hémorragie...sansgrandsuccès.Amy,assiseàcôtéde lui, luicaressaitdoucementlamain.Alecnepouvaitpluscontrôlersonloup.Ses blessures le rendaient faible. Il aurait attaqué tout dominant qui serait rentré dans la

pièce.Jerestaisdoncendehorsdelacage,maisjevoyaisàsesépaulestenduesqu'ilsentaitmaprésence.Lasonnetteretentitetilyeutdumouvementàl'étage.Aprèsquelquesminutes,laportedusous-sols'ouvrit.Ulricapparutdansl'encadrementdelaporte.—Lemédecinestlà,déclara-t-il.—Jesais,murmurai-je.Dis-luiquej'arrive.Ulricacquiesçaetrefermalaporte.Amyenprofitapoursortirdelaprisond'argent.—Lemédecinvabientôtdescendre,essaiedelegarderaucalme.Amymedévisageatristementpuisbaissaleregard.Jemetournaiversl'escalier.—Neluienveutpas,supplia-t-elle.Jeserrailespoings.Lacolèremefittrembler.—Ilamisunehumaineendanger,dis-jed'untonfroid. Ilm'adésobéi.J'avaisordonnéque

personnenequittelaforêt.M'a-t-ilobéi,Amy?—Non,murmura-t-elle.Jeme tournaipour la regarder.Sescheveuxcachaientsonvisage.Jem'approchaid'elleet

remisunemèchedesescheveuxderrièresonoreille.Ellerelevalatête.— Je ne lui en veux pas, soupirai-je. Je pense seulement à ce qui aurait pu arriver à

l'humaine.

—C'estEmma.Etarrêtedefairecommes'iln'yavaitrienentrevous!cria-t-elle.Jeladévisageai.— Beaucoup voudraient être à ta place pour chérir celui qu'il aime, et toi tu l'appelles

«humaine»commesiellen'avaitriendespécialàtesyeux.Ellesecoualatête.—Jeluiaifaitpeur.Ellenem'aimerajamaisassezpoursupportermonsecret.— Tu croyais quoi ? Qu'elle allait te sauter dans les pattes après avoir vu des loups

s'entretuer?Jeréfléchis.—Oui,avouais-je.Amysecouadenouveaulatête.—Lesmecs...murmura-t-elle.Tudevraisl'inviteràsortir.Moic'est-cequej'espéreraisàsa

place.Jesouris.—Quoi?demandaAmyenfronçantlessourcils.—Retourneauprèsd'Alec,j'arriveaveclemédecin.—Pourquoisouriais-tu?Jeriaisenavançantverslaportesansluifournirderéponse.Elle grommela,mais rentradans la cage s'occuper d'Alec. InviterEmmaàun rendez-vous,

pensai-je.Jemontailesvieillesmarchesenboisdeuxpardeuxetouvrislaporte.Deboutdansle hall, leDr Lefèvre était unhommegrandetmaigre.Ses cheveuxnoirs étaient peignésdefaçonàcachersacalvitienaissante.Ilavaitunvisagestrictettriangulaire.—Enfin!seplaignit-il.Ilramassasagrossemalletteencuirnoirposéesurleplancher.—J'aibiencruypasserlanuit!Ilnenousaimaitpas,maisilétaitleseulàbienvouloirfairesontravailcheznoussansposer

dequestion.—Oùestlepatient?demanda-t-ildesavoixcassante.—Ausous-sol,répondis-jesansmejustifier.Je lui ouvris la porte. Il dévisagea l'endroit sombre avec une moue de désapprobation et

descendit les marches. Il s'approcha et observa Alec à travers les barreaux d'argent avantd'entrersanspermission.Alectentadeseredresserengrognant,maisAmyposasamainsursontorselemaintenantcouché.Ledocteurseraclalagorge.Amyledévisagea.—Veuillezmelaisserseulaveclepatient.Ellemeregardapoursavoirsielledevaitobéir;j'acquiesçai.Elleselevadesachaisesansunregardpourlemédecinetcaressaunedernièrefoislamain

d'Alec.—Veuillezfermerlaporte,mademoiselle.Ilposasamallettesurlachaiseetl'ouvrit.Amyfermalaportederrièreelleetnousrejoignit.

Letoubibenfilaunepairedegantsavantdesortiruneaiguille,du filetdescompresses.Unefoisquelaplaieauraitétésuturéeetquelesangn'empêcheraitpluslestissusdeseréparer,larégénérationreprendraitsoncours.Ilnettoyaladéchirure.Alec gémit plaintivement quand l'aiguille s'enfonça dans la plaie. Le docteur resta stoïque,

continuantsontravail,rapprochantlesparoisdelaplaie.Aprèsuneheure,ilsortitunciseauetcoupa le fil. Il portasesmainsauventredublesséetpalpa la zonesansménagement.Alechurla.Ledocteurcontinuaàtâtercequ'ilrestaitdesescôtespuisilseredressa,laissantAlechaletantet tremblant. Ilrangeasesinstrumentset jetasapairedegantsavantdesortirdelapièceensenettoyantlesmainsavecunelingettedésinfectante.—J'aisuturélaplaieauniveaudelagorge.Lescôtessontbrisées,maisildevraits'ensortir.

Illuifautdurepos.—Mercidocteur.Amymarchaverslacagepourretournerauprèsd'Alec.Lefèvrelasuivitduregard.—Lesfilles...toujoursàcollerleurspetitsamis.Ilsecoualatêted'unairdésapprobateur.—Cen'estpassonpetitami!ripostaUlricquiétaitrestésilencieuxjusqu'alors.Jehaussailessourcilsenledévisageant.Amyrougit.—Excusez-moi,bafouilla-t-elleenpassantàcôtédeLefèvrequibloquaitl'entrée.Ils'écartaetsedirigeaversl'escalier.Jelesuivis,laissantShad,UlricetAmyauxpetitssoins

d'Alec. Il traversa le hall sans m'attendre. Je crus qu'il allait partir, mais il s'arrêta sous leporche.Jem'avançai.— Je ne sais pas ce que vous faites dans votre manoir, Monsieur Chase, commença-t-il,

maissivouscontinuez,ilyauradesmorts.Dansl'étatoùsetrouvaitlavictime,c'estunmiraclequ'ellesoitencoreenvie!Ilmedévisageadesesyeuxdevautours.—Commentfaites-vous?—Fairequoi?demandai-jeétonné.—Lesgarderenvieaussilongtemps,moncher!Monvisagesevidadetouteexpression.—AurevoiretmerciDocteur.Onseserralamain.Voyantquejenediraisriendeplus,ileutunemouededégoûtetpartit

ens'essuyantlamainsursaveste.Ildémarrasavieillevoiturenoire.Jeleregardais'éloigner.CequiavaitpermisàAlecde resterenvieaussi longtemps,c'étaitsonADN.Beaucoupde

savantscherchaientl'antidotemiracle.Imaginez ce qu'ils feraient s'ils découvraient que les vampires existaient ou que les loups-

garous vivaient dans leur forêt. Tout le monde voudrait se transformer en immortel pouréchapperàlavraiemort,oudevenir loup-garouaprèsavoirvuUnderworld.Jefermai laporteetdescendisausous-sol.Alecétaitdéjàéveillé.—AlorsAlpha!C'estquandqu'onattrapececherDawson?Jesouris.—Bientôt!

Unrictusseformasurseslèves.—Cecabotvaregretterd'avoirsalimafourrure!

***EMMA

Je fus réveillé par l'agaçant bruit qu'émettait l'électrocardiographe. Je gémis et me cachaisousmacouette.Bip,Bip.Jemefigeai.Machambren'avaitpasd'électrocardiographe!Jemeredressaisoudainement,

faisanttomberledrap,etm'aperçusquejeneportaisqu'unedecesblouseschirurgicales.Jeremontai vivement le drap pourme couvrir. Les cheveux en désordre j'observai la chambre :unepetitetélévisionétaitfixéeaumurenfacedemonlit,tandisqu'unemini-tableaccompagnéedesesdeuxchaisesvert fluo juraienthorriblementavec lesmursblancs.J'aperçusuneporteindiquant l'emplacement de la salle de bain. Je me rappelais vaguement l'attaque et monimpressiond'avoirdéjàvéculascène,maiscommentavais-jeatterriàl'hôpital?Une infirmière en tunique blanche et aux longs cheveux blonds entra dans la chambre. Elle

s'arrêtaenmevoyant.—MademoiselleGordon !s'exclama-t-elle joyeusementenaffichantce largesourirequ'elle

faisait probablement à tous ses patients. Comment vous sentez-vous ? demanda-t-elle enposantuneroseblanchesurlatabledechevet.J'aperçusalorsdesballonsàl'héliumattachésaulitflottantàcôtédemoi.Jeréfléchis.Est-

cequej'allaisbien?—Çapeutaller.J'auraispréféréportermesvêtements!conclus-je.—Vousétieztrempéejusqu'àlamoelle,expliqua-t-elle.Vosvêtementssèchentdanslasalle

debain.Unmédecinvavenirvousvoir.Elleseretournapoursortir.—Attendez!Quem'est-ilarrivé?m'empressai-jededemander.—Unhommevousatrouvéinconscientedanslaneigeetilvousaconduiteauxurgences.Arcane n'avait pas d'hôpital. On avait dû m'amener dans la ville voisine située à quelques

kilomètres.—Iln'apasdonnédenom?—Non.Ildevaitavoirlacinquantaine,descheveuxnoirsaveclestempesgrisonnantes,bien

enformepoursonâge.Ilaétésympathiqueetaditqu'ilétaitunancienamidevotremère.L'antiquaire!—Dequiestlaroseblanche?—Celadoitêtreindiquésurlacarte,c'estunlivreurquinousl'adéposéeàl'accueil.—Oh,soupirai-jedéçue.PasdeDarrenàl'horizon,pensai-je.—Merci...Jefronçailessourcilspourlirelenominscritsurlebadgeaccrochéàsapoitrine

—MerciClaudine!Elle sourit et quitta la chambre. Je restai allongée en attendant que lemédecin vienneme

voir.Jeprislarose.Unpapierencartonétaitaccrochéàlafleur.Jelatournaietluscequ'ilyavaitdemarquéaudos.Mesyeuxs'écarquillèrentetmonsouffles'étrangladansma trachée.«Je te tiens»yétait

inscritenrouge.Ontoquaàlaportedemachambre.Jesursautai, laissant tomber la rosesur lesol.Unhommevêtud'unevesteblancheetd'un

stéthoscopeautourducoupénétradanslapièce.—Enfinréveillée,MademoiselleGordon!JesuisleDrSorel,seprésenta-t-il.Son visage lissem'était vaguement familier,mais impossible deme souvenir.C'était un bel

homme : blond, large d'épaules, haut en taille, aux yeux bleus de glace. Mon visage sedécomposa. Il ressemblait en tous points à l’homme, excepté que son œil n'était pas paréd'unecicatrice.—Quelquechosenevapas?—Si,balbutiai-je,toutvabien.Ilregardalaroseparterreets'abaissapourlaramasser.—Vousnelaprenezpas?m'interrogea-t-ilenmedévisageant.Magorgedevenaitsèche.—Vouspouvezlagarder,murmurai-je.Ilmesouritetouvrirundossieravecmonnominscritdessus.—Vousêtesbien,EmmaGordon,filledeMariaWhiteetdeCharlesGordon?—Oui—Bien!Ilmesouritànouveau.— Vous pouvez rentrer chez vous, mais vous devez penser à vous reposer. Vous avez

quelqu'unpourvenirvouschercher?—Oui,uneamie.Surce, ilquitta lapièce.Je restaiallongée.Jenem'étais faitquedes idées.Unmédecin !

C'étaitunmédecinetiln'avaitmêmepasdecicatrice.Aveccequ'ils'étaitpassé,jedoutaisquelemeurtriersoitunhomme.Celoupm'avaitquandmêmesauvagementattaquée.J'avaisbeauaimer les loups, je ne pouvais pas le nier ! Il devenait dur de croire qu'un homme étaitcoupable...Jesoupirai.M'étais-jeréellementtrompée?Jemelevaidulitenposantbienlespiedsausol.Jemeredressailentementetmarchaivers

lasalledebain.J'ytrouvaimesvêtementscommejelepensais.Jemedépêchaidem'habilleret tentai demecoiffer... en vain.Onavait prismonélastique.Une foisprésentable, je sortisdans le longcouloirblancde l'hôpitalet le traversai. Jevoulaisquittercetendroit leplusvitepossible. Des gens toussaient, des infirmières circulaient de couloir en couloir sans faireattention àmoi. Arrivée dans le hall d'entrée, je repérai une cabine téléphonique entre deuxpots de fleurs etme dirigeai vers elle. J'y insérai quelques euros et composai le numéro deCoraline. Je jetai furtivementuncoupd'œilauxalentours.LeDrSorelparlait à la secrétaire.Nosregardssecroisèrent.Sesyeuxdeglacemefixèrent.Unfroidm'envahitetmarespirations'accéléra.

J'étaisrecroquevilléesouslebureaudemamère,lesmainspresséessurmabouchepouratténuermessanglotsetmescheveuxcolléssurmesjouesrougiesparleslarmes.Despasrésonnèrentsurleplancherdelapiècesombreetsilencieuse.Ilmarchapuiss'arrêtadevantlebureau.Ils'abaissalentementversmacachette.Sabouchebarbouilléedesangmesourit.—Jetetiens,ricana-t-il.Ilm'empoignasauvagementlescheveuxetmetraînaverslui.Jecriaidemavoixdepetitefilleetm'accrochaiaubureau.Ilmetira,maisjetentaideme

débattreenlemordantetenlegriffantdemespetitesmains;jeréussisàsaisirl'équerreenfer sur le bureau et lui lacérai le visage. Il hurla et se couvrit le visage de sesmainsmelâchant.Jetombaiàgenouxetrampaiverslaporte.Ilmesaisitlepied,enragé,etmeprojetaà travers la pièce. J'atterris violemment sur des tableaux qui s'écroulèrent sous le choc. Ilmarchaversmoi,l'œilensanglanté.Ilempoignalecoldemachemiseet...—Allo?Ilyaquelqu'un?Je revins subitement dans le hall de l'hôpital. Terrifiée, j'attrapai le combiné demesmains

tremblantes.—Coraline?demandai-jehésitante,n'arrivantpasàquitterl'hommeduregard.—Emma?Tuesoù?demanda-t-elle.—Àl'hôpital,murmurai-je.Ilyeutunmomentdesilence.Jem'attendaisàcequ'elles'énerve,maisellerepritd'unevoix

calmeetinquiète.—Tuvasbien?—Oui,net'inquiètepaspourmoi.Tupeuxvenirmechercher,s'ilteplaît?repris-je.—J'aimeraibien,maisjesuischezl'oculisteavecmamère.—Ah...pasgrave,soupirai-je.Jevaismedébrouiller.—Jesuisvraimentdésolée!—Noncen'estpastafaute.N'empêchequejevaisdevoirrentreràpied.CommesiCoralineavaitludansmespensées,elleajouta:—Tun'asqu'àappelerMatthew...Ilyeutunlongsilence.—Ons'estunpeudisputé.Tutesouviens?—Ilviendra...pourtoi,murmura-t-elle.Aïe. Elle recommençait son délire. Je grimaçai, mais acquiesçai. Jeme souvins qu'elle ne

pouvaitpasmevoirautéléphone.—Oui,jel'appellerai,râlai-je.—Bien,j'yvais.—Bye.Je raccrochai.Bon, ce n'était pas si compliqué.AppelerMatthew... Je glissai une seconde

pièceetfitlenuméro.Letéléphonesonna.—Quidemandeleroi?résonnasavoixdanslecombiné.—C'estEmma,répondis-jecalmement.

J'entendisdubruitdel'autrecôté.Ilyeutunboom,puisun«merde»étouffé.—Emma!Hum...Commentvas-tu?—Aussibienqu'unepersonnecoincéeàl'hôpitalpourraitl'être,murmurai-je—Quoi?Tuesblessée?s'inquiéta-t-il.— Non, tout va bien, le rassurai-je. Je me demandais seulement si tu pouvais venir me

chercher.—Oui,biensûr!Euh...J'arrivedansunedizainedeminutes.—Oui,merci,murmurai-je.Jejetaiuncoupd'œilaudocteur.—J'yvais.Ilallaitraccrocherquandjel'appelaissoudainement:—Matthew!—Oui?—Dépêche-tois'ilteplaît,soufflai-jedanslecombinétoutentournantledosaumédecin.Ilyeutunsilence.—Tuessûrequeçava?—Oui,mentis-je,dépêche-toisimplement.—J'arrivetoutdesuite,m'assura-t-il.Ilraccrocha.Jeremislecombinéàsaplaceet jemetournai lentementverslecomptoir.La

secrétaire à qui parlait le docteur n'était plus là. Seuls quelques patients qui attendaient leurtouravecimpatienceétaientassissurleschaisesfixéeslelongdesmurs.Ilnemequittaitpasduregard.J'avaispeurderetomberdanscepuitssombreetfroiddesouvenirsperdus.C'étaitcommesi une forceattractivem'obligeait à lui faire face, commesi quelque choseenfoui auplusprofonddemoi,medictaitdel'écouter,deleregarder,demesouvenir.Qu'est-cequim'arrivait?D'oùvenaienttouscessouvenirs?Ilportasamainàsonœilgaucheetlafitglisserlentement.Mes yeux s'écarquillèrent au fur et àmesure que samain laissait apparaître une cicatrice

vieille de plusieurs années. Ma gorge devint subitement sèche. Mes jambes se mirent àtrembler. Un tic agita sa lèvre supérieure et ses yeux reflétèrent sa folie. Je frissonnai enimaginant ce qu'il pouvait penser. Un rictus se forma sur ses lèvres, laissant apparaître sesdentsacéréeslégèrementrougies.Lapeurs'emparademoi:Pleurantcontresapoitrine.Ellemecaressaittendrementlescheveux.—Maman?Ilveutmemanger?—Jesuislà.Papanelelaisserapastefairedumal.Jetelepromets.Descoupsdeplusenplusviolentsébranlaientlaportedelacabane.—Jenelelaisseraipastetoucher.Jet'aime,murmura-t-ellecontremonoreille.La porte vola en éclat. Il passa si rapidement que je ne vis qu'une ombre. Mamère fut

projetéetroismètresplusloin.Iltenditlamainversmoi.—COURSEmma!Je fis cequemamanmedit de faire, je courus.Enpassant lesportesde l'hôpital, j'eus le

tempsd'entendresavoixrauquerigolerdansmatête:«Tunepeuxpast'enfuir».

CHAPITRE11EMMA

Courantdansleparkingenneigédel'hôpital,mespoumonsmebrûlaientetleventmegiflaitlevisage.Ilfallaitquejem'éloignedecethomme.Quemevoulait-il?Cen'étaitpaspossible!Cetypedansmessouvenirsavait-il tuémaman?Non,non!Elleétaitmortedansunaccidentdevoiture !Quem'arrivait-il ?Ma tête allait exploser. Tous ces souvenirs quime revenaient enmémoire...Commentavais-jefaitpourlesoublier?C'était impossible.IMPOSSIBLE!Il fallaitquejecoure.Jenedevaispasm'arrêter.Mesjambesbourdonnaientetmachevillemefaisaitmal, mais je ne devais pas m'arrêter. Me poursuivait-il ? J'avais trop peur de regarder enarrière.Ilallaitmetuer.Commeilavaittuémaman.Onm'avaitmentidepuistoutescesannées!Qu'est-cequ'onme

cachaitd'autre?Despasrésonnèrentderrièremoi.Jetetiens.Tunepeuxpast'échapper.Jemismesmains

surmatête.—Taisez-vous!hurlai-je.Tuesàmoi.Meslarmessemirentàcoulersurmesjoues.Onm'empoignalebras.Jecriai.—Non!Jeme tortillaispourme libéreretpoussaimonadversaire. Ilmesaisitet refermasesbras

autour de mon corps. Je hurlais et me débattais furieusement. Mon sang battait dans mestympans.Ilmetournafaceàluietmesecoua.—Emma!Ouvrelesyeux.Jememisà trembleret risquaiuncoupd'œil.Matthewmeserrait lesépaulesmeretenant

detoutessesforces.Sonvisageinquietétaitrecouvertdegriffures.Onauraitditqu'ilavaitétéattaqué par un animal. J'éclatai en sanglots et bondis dans ses bras. Il me serra contre sapoitrineetmecaressalescheveux.—Toutvabien,murmura-t-il,jesuislà.J'enfouismonvisagedanssoncouetrespiraisonodeurfamilière.Jemesentaisensécurité

avecMatthew; après tout ce qu'il s'était passé entre nous, il restaitmon ami. Je l'enlaçai. Ilbaissa la tête vers moi. Son visage inquiet avait disparu, mais je pouvais voir le doute serefléterdanssesyeux.Ilsepenchaetapprochasonvisagedumien.Jemefigeaidanssesbras.Seslèvresfrôlèrentlesmiennes.Jereculaiprécipitamment.—Je...Désolé,bafouilla-t-ilensecouantlatête.Jerougis.—C'estbon...N'ypenseplus.—Lavoitureestlà-bas,ajouta-t-il.—Oui,jelavois.Ilyeutungrandsilenceembarrassé.

—Onyva,reprit-il.J'acquiesçai.Onavançasilencieusementvers lavoiture,évitantchacun le regardde l'autre.

Jetournailatêtepourregarderl'hôpitals'éloigner.Ilyavaitdumouvementàl'intérieur.Jecrusvoir des gens courir, mais je ne distinguais que de vagues silhouettes à travers les vitreséblouies par le soleil couchant. On arriva près de la voiture. Matthew désactiva ledéverrouillageet j'ouvris la porte. Jem'assis etmisma ceinture de sécurité.Depuis quemamèreétaitmortedansunaccidentdevoiture–dumoinsc'estcequemonpèrem'avait laissécroire–j'étaisdevenueparanoaveclasécuritéroutière.Il mit le contact et fit marche arrière. Alors que nous quittions le parking, ses mains se

crispèrentautourduvolant.—Jeneveuxpasgâchernotreamitiépourdesconneries,lâcha-t-il.Jeledévisageai.—Cen'estpasgravequetuaiesessayédem'embrasser...—Jeparlaisdece type,Darren. Il n'estpas faitpour toi. Il estdifférent. Il vientde l'autre

côté!Lacolèremontaenmoi.—Jen'aipasenviedeparlerdeçaavectoi.—Emma...mesupplia-t-il.—Situtiensvraimentànotreamitié,net'enmêlepas.Ilsoupira.—Jen'aiaucunechancedetefairechangerd'avis,pasvrai?J'acquiesçai.—Tuvasaumoinsmedirecequ'ilt'estarrivésurleparking?Jerestaisilencieuse.Jenevoulaispasracontercequ'ilm'étaitarrivé.Qu'aurais-jedit?Que

j'entendaisdesvoixdansmatête,que jerevivaisdessouvenirs lesplusétranges lesunsquelesautres,etqu'unfoudéguiséenmédecinmepoursuivait?Celam'auraitvaluunallersimplepourl'asile.— J'ai dû faire un cauchemar,murmurai-je. Dis-moiMatthi, que sais-tu sur lamort dema

mère?Ilréfléchit.—Presque rien.Seulementqu'elleestmortedansunaccidentdevoiture.Pourquoi veux-tu

savoirça?—Parcuriosité.Ellen'ajamaisété...attaquée?repris-je,hésitante.Matthewmedévisagea,intrigué.—Pasquejesache...Jeluisouris.—OK!Merci.C'étaitjusteparcuriosité!—Tuesvraimentsûrequeçava?Jerisbêtement.—Maisoui!Contente-toiderouler!

Tout le reste du trajet fut silencieux. Il tourna bientôt vers l'entrée d'Arcane. La forêt noussubmergea.Étrangement,jemesentaisensécuritécommesilesarbresétaientuneforteresseimprenable.JemesurprisàchercherDarrenetleloupnoirquejen'avaismêmepasremerciédem'avoirsauvée!Nousnousenfonçâmesdanslaforêt.Lesrouescrissèrentsurlesgraviersrecouvertsparla

neige.Onarrivadevantl'entréeduvillage.Matthew gara la voiture dans le petit parking. Je défis ma ceinture et ouvris la portière.

Matthewsaisitlapoignée,m'empêchantdesortir.Cegestem'irrita.Jen'aimaispasêtrecoincéentreluietlaportière,etencoremoinsmesentirfaible.— Tu veux venir boire un verre avec moi et Coraline ? demanda-t-il sans remarquer ma

frustration.—Non,jesuisfatiguée.Jevaisrentreràlamaisonetm'installerdevantlatélévisionavecun

bonchocolatchaud.—Jepeuxvenirtetenircompagnie?s'empressa-t-ild'ajouter.Onpourraitregarder...—Matthew!lecoupai-je.Neleprendspasmal,maisj'aivraimentbesoind'êtreseule.J'aieu

unedurejournée.—Oh,soupira-t-il,déçu.Jecomprends.Envoyant sonvisage tristeetblessé, jemesentismalà l'aisede l'avoir repoussé.Malgré

unehésitation,jeluiprislamain.—Onseferaunesoiréecinémaunautrejour,murmurai-je.Une esquisse de sourire passa sur son visage. Il acquiesça et s'adossa à son siège. Je

m'empressaid'ouvrirlaportièreetdebondirdanslaneige.—Mercidem'avoirramenée.—Pasdequoi.Jesuislàsijamaistuasbesoin.Jeluisourisetm'éloignai.Avant d'entrer au village, je jetai un dernier coup d'œil derrièremoi.Matthewétait toujours

dans son 4x4, adossé à son siège, le regard perdu dans le vide. Le soleil se couchait àl'horizon. Il ferait vite sombre. Dans la grande place du village autour de la fontaine, lescommerçants fermaient leursmagasinset lesenfants repartaientauxbrasde leursmèresendisantau revoirà leursamis.La teinteorangéedusoleil couchantse reflétaitsur laplace luidonnant un air charmeur et irréel.Arcane s'endormait au fur àmesure que le soleil diminuaitdansleciel.Ilfitbientôttellementsombrequ'ilétaitimpossibledevoiràplusd'unmètre.Maisétrangement, je me déplaçais facilement entre les ruelles et retrouvais sans difficulté monchemin.C'était commesi lanuit s'inclinait pourme laisserpasser, commesi à l'endroit où jevoulais aller, les ténèbres s'écartaient et le jour éclairait mon chemin. J'arrivais bientôt à lamaison.Monpèren'étaitpaslà...commec'étaitétonnant!J'entraidans lamaison...quiétait restéeouverte, riend'étonnantnonplus. Il fallaitvraiment

quej'expliqueàmonpèrequ'uneportesefermeàclé.J'imaginaisdéjàlascène:—Papa,regarde.Tuvoislepetittrouendessousdelapoignée.Moncherpapafroncerait lessourcilsetacquiescerait,toutesonattentionconcentréesurce

drôled'objet.—Onappellecelauneserrure,expliquerais-je.

Sonvisagesedécomposerait,choquéparcettedécouverte.— Et par conséquent, on ferme une porte avec une petite clé, montrerais-je en la faisant

tournerdanslaserrure.Monpères'évanouirait,n'enrevenantpasdecettedécouverte!Je refermai la porte derrièremoi et actionnai l'interrupteur qui illumina le hall. Traversant la

salleàmanger, j'arrivaidanslesalonoùjedéfismonmanteauetl'abandonnaisurunechaise.Jesoupiraienmelaissanttombersurlesofa.Jetournailatêteverslatablebassepoursaisirlatélécommandequandjeremarquail'écranplatfixéaumur.Encore un autre achat inutile demon père vu qu'il n'était jamais à lamaison... J'allumai la

télévision.Uneimagenetteetdequalités'afficha:desjoueursdefootcouraientensepassantuneballe.Jezappai.Unhommehabillédeblancetportantunetoqueexpliquait lapréparationdesonplatenmélangeantlapâte.Jezappai.Undessinaniméétaitencourt:lessupersnanaspoursuivaientledangereuxrobotgéantquandsoudainement...PUB.Jesoupiraienenvoyantlatélécommande valser à l'autre bout du sofa. Je me redressai péniblement et allai dans lacuisineenrepassantparlasalleàmangerfroideetsilencieuse.J'aperçus un nouveau post-it aimanté au frigo. « Je suis désolé pour tout à l'heure. Je

rentreraitardcesoir,nem'attendspas.Papa».J'arrachailafeuilleetlajetaiàlapoubelle.C'estfacilepourluid'écrire«Désolé»surunbout

depapier!Cepetitmotpouvaittrèsbienêtrepourlevoisin!S'ilvoulaitvraimentarrangerleschoses, qu'il vienne me le dire en face ! J'ouvris brusquement le buffet et en sortis unecasserolepourpréparermonchocolat.Lessupersnanasrecommençaient leursexploits.Despetites voix aiguës s'élevaient depuis le salon. Je sortis le lait du frigo, et pritma cuillère enbois,sansoublierlechocolatmisdansuneboîteposéesurlecomptoir.J'allais verser le lait dans la casserole quand la voix d'une journaliste remplaça celles des

supersnanas.—Nousinterromponsvotreémissionpourunbulletinspécial.Intriguée,jereposaimonchocolatsurleplandetravailetretournaiausalonavecmacuillère

enboisà lamain.Des imagesde l'hôpitaloù jemetrouvaisquelquesminutesplus tôtétaientaffichées à l'écran. Des dizaines de voitures de police entouraient les lieux, tandis que troisambulancesétaientgaréesplusloinsurleparking.Onyremorquaitdescivièrescouvertesdedrapsblancsensanglantés.Unejournalistevêtued'untailleurnoirparladansunmicro.— Mesdames, Messieurs, bonsoir. C'est un macabre spectacle qu'à découvert une jeune

femmequiserendaità l'hôpitalde laville.Eneffet,àsonarrivée, lapatienteadécouvert lescorps des occupants des lieux déchiquetés. Un animal serait à l'origine de ce massacre.Aucuneaffirmationn'aencoreétéfaitepar lapolice,maisils'agiraitd'unloupsortidelaforêtavoisinante ayant déjà tué plusieurs jeunes femmes. Une enquête est en cours. Les loupsd’Arcaneseraient-ilsdevenusunemenace?Plusdedétailsdanslaprochainediffusion.Immobile,jerevislesgenscouriràl'intérieurdel'hôpitaltandisquejepartaisavecMatthew.

Je me sentais coupable. J'aurais dû être là-bas moi aussi, j'aurais pu faire quelque chose.J'avais l'impressionqueje lesavais laisséssefairetuer,commesicethommeavaitvoulumemontrerdequoiilétaitcapable.Maisc'étaitunanimal!Toutceciétaitimpossible!Unhommenepouvaitpasseconduirecommeunanimal!N'est-ce

pas?Onnepouvaitpascommettreuntelcrime!Jeserrailacuillèreenboisentremesmains

etrepensaiàcethommeprésentdansmessouvenirs,àl'hôpital.Oùquej'aille,ilestlà,mêmedansmatête.Ilmetraquecommeuneproie.J'avaisbeausentirlelienentreluietlesattaques,jen'arrivaispasàcomprendre.Jevoulaisvraimentaideràrésoudrecetteaffaire,mais j'avaisétéattaquéeparunloup,etlascèneàl'hôpitalnementaitpas.Unhommen'auraitpaspufaireça ! Pourtant, je n'arrivais pas me convaincre que ce type n'avais rien à voir avec cela.Pourquoi?Jelesavaissimplement.Quelestcelienentreluietlesloups?Etmoi,danscettehistoire, pourquoi me poursuivait-il ? Devenais-je juste folle ? Trop de questions et peu deréponses.J'étaisdansuneimpasse.Devais-jemefieràces«flash-back»?Undétaildevaitm'échapper.Tulesaisaufonddetoi.Jelâchaimacuillèrequipercutaleplancher.Tulesais,maistuneveuxpasl'admettre...Jemeprislatêteentrelesmains.Qu'est-cequiressembleàunhumainetquipourraitcauserdesdégâtsdeloups?Jehurlaiettombaiàgenou.—Sortezdematête!Ilrigolaetmavisiondevientsubitementfloue.Jem'évanouisavantdetoucherlesol.

***

EMMA

J'étais dans la forêt, entourée d'arbres morts qui s'alignaient sur plusieurs kilomètres. Ilneigeait.JemetournaietaperçusDarrendedos.Jesourisbêtementetm'avançai.—Darren!l'appelai-je.Il resta figé,me tournant toujours le dos.Mon sourire se flétrit. Je tendis lamain vers lui,

maiselleletraversa.Darrensedécomposaenpoussière.Leloupnoirapparutdevantmoi,medévisageantdesesyeuxdorés.Ilretroussalesbabinesetsemitàgrogner.Ilpritsonélanetbondit au-dessus de moi. Je me retournai précipitamment. L'homme à la cicatrice se tenaitdebout, les yeux d'un bleu électrique, différents de sa couleur de glace habituelle. Un soninhumainsortitdesagorge,puisj'entendisunevoituredémarrer…Je me réveillai en sursaut dans mon lit, le front dégoulinant de sueur et la respiration

saccadée.Toutcelan'étaitqu'unrêve.Jeregardail'horloge:8hdumatin.Monpèrepartaitautravail. Ilavaitdûmeramenerdansmon lithiersoir.Jenevoulais toutd'abordpasme lever,toute cette histoirem'avait fatiguée,mais une idée éclairamon esprit : je pourrais aller voirDarren.Moncœurs'accéléraetmes joues rougirent. Joyeuse, jebondisdemon lit etouvrismonarmoireàlarecherchedevêtements.Jetrouvaiunpulletlejetaipar-dessusmonépaule.Cen'étaitpasvraimentsexy!PasquejeveuilleêtresexydevantDarren...Bon,d'accord,justeun petit peu. J'avais pratiquement vidémon armoire quand je trouvai unmagnifique pull auxépaules dénudéesd'un beigeglamour. Je le saisis et prismon jean clair. Je bondis sur le litpourpasserdirectementà lasalledebain, faisant tomberdesvêtementsaupassage.Je fisclaquer la porte derrière moi et posai mon pull et mon jean sur le rebord de l'évier. Je meregardaidans lemiroir.J'eusunchocenvoyantmonreflet toujourshabillédemesvêtements

delaveille:onauraitditunzombie!Iln'yavaitqu'uneseulesolution.J'enlevaimonpantalonnoiretmedébattis,coincéedansmonpullàcolroulérouge.Unefois

matêtelibéréedel'emprisedemonpull,jesautaisousladouche,ravivantunedouleursourdedansmacheville.Entournantlerobinetàfond,untorrentd'eaubouillantesedéversasurmoncorpsetmescheveuxs'aplatirentcontremonvisagehumide.Jepris lesavonetme frottai lapeau jusqu'à ce qu'elle semette à rosir. Je fermai les yeux etme shampouinai les cheveuxpendant aumoins dixminutes.Une fois propre, je tendis lamain en dehors de la douche etattrapaiuneserviette.Jem'enveloppaidedansetm'essorai lescheveux.J'étaisplutôtmince.Jedevaispeser58kg,voire59pour1m70.J'avaisunpetitnez,unefinebouchequecertainsdécrivaient de sensuelle, et des yeux en amande couleur noisette assortis avec mes longscheveux bruns épais et ondulés. Mes traits étaient doux et féminins. En me voyant dans lemiroir, je réussis presque à comprendre ce que Darren pouvait me trouver. Je coiffai mescheveuxhumidesetenfisunetressepourtenterdelesdompter.Unefoissèche, j'enfilaimonjean clair et mon magnifique pull beige qui moulait ma taille à la perfection. De nouveaud'aplomb, jeprisquelquesantidouleursdans lapharmaciepoursoulagermachevilleetsortisencoupdeventdelasalledebainetdescendislesescaliers.Dansmaprécipitation,jeloupailadernièremarchetombant lourdementsurmonpauvrepied.Jegrimaçaiensautillant jusqu'àlacuisine.J'ouvrislefrigoenignorantdélibérémentlepapieraimantéàlaporteetensortislaconfituredefraiseetlebeurre.Jeprisdeuxtranchesdepainetenfisunetartinedeconfiturequej'engloutisrapidementavecmesmédicaments.M'étouffant àmoitié, j'enfilai monmanteau tout en réprimant une quinte de toux, puis mon

regardseposasurmesbottes.Enappuisur lemur, jemepenchaipour lessaisiretglissai,perdant l'équilibre, jememis à sautiller sur un pied essayant tant bien quemal d'enfilermabotte.Une foisprête, jem'apprêtaiàsortirquand l'horlogesonna. Ilétait9heures... Iln'étaitpas

trèstard,etavecmachance,ildormiraitencore!Jesoupirai.Mieuxvalaitquej'yaillel'après-midi.Qu'allais-jebienpouvoirfaireenattendant?Jeretournaiausalonentraînantlespiedsetmelaissaitombersurlesofaensoupirant.J'allumailatélévision.—Oh...John,s'émerveillalafemme.Elleestmagnifique.Jeregardail'heure:9h1.—Jesuiscontentqu'elleteplaise,machérie,murmura-t-ilenluiprenantlamain.Jemelaissaiglisserdanslecanapé.—Jet'aime...Jejetaiuncoupd'œilàl'horloge:9h2...Lesspectateursétaientautaquet!Maisqu'allait-il

bienpouvoirluirépondre?—Moiaussijet'aimeShana!Quellesurprise!Leshowcontinuaainsipendantplusdequaranteminutes.Je luttaispournepasm'endormir

quand le téléphonesonna. Je sursautai et bondit horsdu canapé. J'aurais fait n'importequoipour ne plus entendre l'histoire de Shana et de ses amours ! Qui que ce soit, que Dieu lebénisse!Jecourusjusqu'àlacuisine,glissaisurletapisduhalletmecognaidanslemurd'enface.Jesaisisvivementletéléphoneaccrochéaumur.—Allô?

—Euh...Emma?demandaCoralined'untonhésitant.Jesoupiraidesoulagement.—Coraline!Merci!Ellerigola.—Ah oui pas de problème ! Je sais que tu ne peux pas te passer demoi !Mais peux-tu

seulementmerappelercequej'aifait?—Tum'assauvéedel'horribleShanaetsortiedugouffredel'ennui!Elleéclataderire.—Tusaisbienquelesfilmsàl'eauderoseontdedrôlesd'effetssurtoi!—N'importequoi!J'aiadorévoirTitanic!—J'avoue!Elleredevintbrusquementsérieuse.—Tuvasbienaveccequ'ils'estpasséàl'hôpital?—Oui,je...—Ah!Superalors!Jemedemandaissiçatediraitdevenirfairelesboutiquesavecmoi?

Aprèsoniraitmangerunecrêpe...mapetitesœurs'estencoredéfilée!Je réfléchis...Celamepassera le temps,puis jepourrais toujoursaller voirDarren l'après-

midi!—Ouais,çaseraitcool!—Super!Jevienstechercherdansdixminutes?—OK!acceptai-je,ravie.Àtoutedesuite!Elleraccrocha.Dix minutes, voilà qui me laissait le temps de faire un faux cacao à l'eau. J'ouvris le pot

métalliqueposé sur le comptoir et pris unedose. Jemis l'eau à chauffer et ajoutai le cacaodans lacafetière.Ungrondementsourd fit vibrer lamachine, indiquantque l'eausemettaitàchauffer.J'appuyaisurlebouton.Unliquidefumantsedéversadansmatasse,dégageantuneamèreodeurdechocolat.L'enginsecalmaetralentit.Jeprismoncacaoetallaim'asseoiràlapetitetable.Unefeuilleetuncrayontraînaientsurlesmagazines.Automatiquement,jememisà gribouiller en sirotant prudemment mon faux chocolat chaud. Rien de mieux qu'un bonchocolatlematin!Riend'autrenememettaitd'aussibonnehumeur,exceptéDarren...Jamais, jen'avais ressentiçapourquelqu'un.C'étaitcommesi toutmonêtrese réchauffait

lorsqu'ilmeprenaitdanssesbrasouquand j'entendais lesondesavoix. J'aimaissentir seslèvressurlesmiennes,sesyeuxmefixerquimefaisaientfrissonner.J'aimaisêtreàsescôtés.C'étaitcommesiunsentimentdejoieetd'inquiétudesemêlaientenmoi,lapeurdeleperdre,

le désir de toujours vouloir être avec lui, de vouloir qu'ilm'emmène loin de la réalité. J'avaisl'impressionqu'unlienpuissantnousattachaitl'unàl'autre,queriennepourraitnousséparer.Ce sentiment si étrange qui vous réchauffe le cœur quand vous croisez son regard. Ce

sentiment que j'ai dumal à comprendre. Je l'aime tout simplement.Peut-être que j'allais finircommel'horribleShanafinalement...Jefinissaisdepasserquelquescoupsdecrayonsursondessinquand...—BOUH!

Jesursautai,cachantledessindemamain.Coralineéclataderire.Jefisunrapidetasaveclesfeuilles.—Onsonneavantd'entrer!criai-je,rougedehonte.—Oh,mais j'ai sonné ! sevantaCoraline.Deux foismême !Maismademoiselleétait trop

occupéeàfantasmersursondessin,dit-elleenpointantlesfeuillesdudoigt.Jemelevaidemachaise.—J'étaisconcentrée!rétorquai-je.—Alors,c'estquoicepetitsouriretimidequejevoissurtonvisage?Jebaissailatête.—N'importequoi!hurlai-jeaussirougequ'unepivoine.—Cettedouceursurtonvisage...Cettepassionbrûlantedanstesyeux!Jedisquetues...

AMOUREUSE!annonça-t-ellegaiment.—Coraline!Ellemepritlesmainsetmesecoua.—Jenetejugeraipas,jura-t-elle.Promessed'amie!Jenepusm'empêcherdesourireetellemetiralalangue.—Onyva?—C'estparti!Sansattendre,ellem'attrapalebrasetmetirajusqu'audehors.—Tuvasvoir,onvabiens'amuser!Elledescendit lesmarchesde l'entréeetmepoussa jusqu'à laportièrede lavoiture.Elle fit

rapidement le tour de son 4X4 grismétallisé et s'installa sur le siège conducteur. J'ouvris laportièreàmontouretm'assiscôtépassager. Il fautdesvoiturestout terrainquandonhabitedansunbois,d'oùl'utilitédes4X4.—Etoùallons-nousaufait?demandai-jeenbouclantmaceinture.Coralinerouladesyeuxcommesij'étaiscenséêtreaucourant.—Fairelesboutiquesévidemment!J'aivuunesuperberobepourleréveillon,s'émerveilla-t-

elleenmettantlecontact.J'avaiscomplètementoubliéqu'onétaitpresqueàNoël.Commechaqueannée,ArcanecélébraitNoëlenorganisantunegrande fêtesur laplacedu

centre.Toutlemondeyétaitconvié.—C'estdansplusdedeuxsemaines,m'exclamai-je.—Oui, jesais,soupira-t-elle.Maissi jen'enachètepasunemaintenant, jesuissûrequele

magasinauraétédévaliséparunefouledefemmesavantquejen'yremetteunpied!—Tuvasyalleravecquelqu'un?laquestionnai-je.Ilyeutunlongsilence.—Hum...J'avaispenséinviterMatthew,marmonna-t-elle,mais...—Tudevrais,lacoupai-je.Çavousferaitdubiendesortirensemble.Elleneréponditrien.—Ettoi?

Jeregardaisparlafenêtre.—Jenecroispasquejevaisyaller,annonçai-je.—Pourquoi?s'étonnaCoraline.Jeréfléchis...J'auraisbienaimévenir,seulement, jedésiraisavanttoutêtreavecDarren,et

çam'auraitétonnéequ'ilpuissevenir.—Disonsquemoncavaliernepeutpasvenir...Coralinemelançaunregardlourddesous-entendus.—Tusais,murmura-t-elle,certainespersonnesnesontpastrèsaiméesauvillage...Maisje

suis sûre que personne ne fera attention à un « étranger », surtout qu'il y a beaucoup detouristescejour-là.Jecomprisàsonexpressionqu'elleavaitdevinéquejevoyaistoujoursDarren.Ellerigolaen

voyantmatête.—Jenesuispasstupide!Ellemesourittristement.—Et puis, je sais ce que ça fait d'aimer quelqu'un en secret.Bon, on y va ?Tu vas nous

rendredépressives!Les rues pavées secouaient la voiture si violemment que nous étions ballotées d'un côté à

l'autre,nouscognantcontrelesvitres.Finalement,onroulaquinzeminutespourvivredeuxheuresdetorture.Coraline,quiavait lesbrasdéjàchargésdepaquets, insistapourquenousnousarrêtionsà

un dernier magasin. Nous arrivâmes devant une petite boutique dont la vitrine exposait desrobesdesplussimplesauxplussophistiquées.Jedusavouerqu'ellesétaientravissantes,maiscelui qui me ferait porter une robe en public n'était pas né ! On sortit de la voiture, faisantclaquerlesportièresderrièrenous.Machevillecommençaitàredevenirdouloureuseaprèscesdeuxheuresdeshoppingetmesantidouleursnefaisaientpluseffet.Jememisàmarcherenboitillant.Coralinem'aperçut.—Qu'est-cequetut'esfait?s'exclama-t-elle.—Riendetrèsgrave,assurai-je.Jemesuistordulacheville,maisçava.Ellesecoualatêtedésapprobatrice.—Tuauraisdûmeledire,rajouta-t-elle.C'estpourçaquetuétaisàl'hôpital?Jemecontentaid'acquiescer,enrepensantàcespauvresgens.Elletapadupied,agacée.—C'esttristecequ'ils'estpassé,murmura-t-elle,maistudevraisteréjouird'êtreenvie!Ce

n'estpasdetafautecequiestarrivé,Emma.Tun'asrienàtereprocher.J'acquiesçaiettentaideluisourire.—JevaisbienCoraline,mentis-je.Bon!Onvalachoisir,cetterobe?Nousmarchâmesvers l'entrée.Elle ne fit plusaucuncommentaire surmonétat.Étais-je si

facileàcomprendre?Étrangement, personnen'était au courant que j'avaisétéattaquéedans lesbois.Ce n'était

pas plusmal, pensais-je. Tout lemonde se serait encore inquiété pourmoi.De plus, il étaithorsdequestionquejeparledeces«flash-back».Onentradanslepetitmagasinquivendait

desrobesaussibelles lesunesque lesautres.Unedoucenotedemusique flottaitdans l'air.Des rayons de tenues de soirée élégamment arrangées s'étiraient sur toute la longueur dumagasin,quiétaitagréablementéclairée.Unevieilledameselevadederrièrelecomptoirplacédefaçonàvoirl'intégralitédelaboutique.Ladameétaitpetiteetcourbée.Onlisaitsursonvisagedesannéesdetravailduretacharné.Sestraitsétaientamaigrisetsa

peauridée,maisunelueurvivebrillaitdanssesyeuxindiquantunesprittenaceetcombatif.Sarobe grise assortie avec ses cheveux coiffés en chignon flottait autour d'elle quand elles'avançaversnous.—Enquoipuis-jepourvousaider,mesenfants?demanda-t-elledesavoixdouce.—Bonjour,jesuisàlarecherched'unerobe,expliquaCoraline.—Naturellement!plaisantalavieillefemme.Vousneseriezpasvenueicipourautrechose!

Voyonsvoir,marmonna-t-elleens'éloignant.Coralineme regarda, intriguée. Je haussai les épaules et suivit la vendeuse. Elle farfouilla

danslesrayonsdetissus.—Alors...Elle sélectionna une longue robe rose clair très simple et la présenta àmon amie.Celle-ci

examinalarobe.—Elleestjolie,maisjecherchequelquechosedeplus...sexy,affirma-t-elle.La femme longea les vêtements puis replongea dans l'océan de tissus. Je tournai pendant

plusd'uneheuredanslemagasin,examinantlesmannequinsmettantenavantdiversestenues.Lavieilledame,quiavaitrevêtusonmasquedevendeuse,présentaitdesrobesaussibelleslesunes que les autres àCoraline qui les refusait toutes, déterminée à trouver la robe parfaite.Quandj'arrivaiprèsd'elle,ellenousmontrauneénièmerobeàfinesbretelles,cettefois-cibleuturquoise,fenduesurlecôtéetouvertedansledosavecunjolidécolleté.Elleétaitmagnifique.—Waouh!s'écriaCoraline.Regardecommeelleestbelle!—Tudevraisl'essayer...J'eusàpeine letempsdefinirmaphrasequ'elleavaitdéjàarrachélarobedesmainsde la

femmeetpartaitendirectiondescabinesd'essayageaufonddumagasin.Ladamemesourit.—Votreamieestunefilletrèsvive,plaisanta-t-elle.Jegrimaçai,gênée.—Désolée.Elleneserendpascompte...Coralinearrivadevantlacabined'essayage.—Dépêche-toi,Emma!J'aibesoinde tonavis, lança-t-elleavantdedisparaîtrederrière le

rideaugris.Jesoupirai etm'avançai. J'entendis la vendeuse retenir un rire, cequimedémotivaencore

plus.Quandj'arrivaisdevantlacabine,jetraînaispresquelespieds.J'attendispatiemmentqueCoraline soit habillée. Lorsqu'elle fit signe de sortir, jem'écartai légèrement. Elle passa unejambeà travers le rideauet chantonnaunemusiquecommepouraguicherunhomme. Jenepusm'empêcherderigoler.—MesdamesetMessieurs,veuillezaccueillirlabelleetl'unique...CORALINE!Elleécartavivementlerideau.Lafemmeetmoiapplaudirent,amusées.

—Alors ? Tu trouves qu'elleme va comment ? demandaCoraline en s'examinant dans lemiroir.—Tuesravissante,avouai-je.Elletevacommeungant.Coraline était blonde.Quand elle était petite ses cheveux lui tombaient jusqu'à son bas du

dos.Désormais, ils étaient coupésenunbeaucarréplongeantqui encadrait son visageà laperfection. Elle avait gardé son tic de toujours les mettre derrière les oreilles. La femmes'approchadeCoralineetenfouitsesmainsdanssachevelureblonde.Elle la recoiffa rapidement pour que ses cheveux encadrent correctement son visage. Une

fois cela terminé,elle sortit un collier deperlesblanchesdesapocheet lui passaautourducou.Larobemoulaitmagnifiquementlesformesgénéreusesdemonamie.Onauraitpucroirequelarobeavaitétéfaitepourelle.Lebleuétaitassortiavecsesyeuxetlesperlesajoutaientunetouchedeclasse.L'ouverturedans ledosetsur lecôtéde la jambemettaitenvaleursafineetathlétiquesilhouette.—Moiaussijel'aimebien!dit-elleravieenseregardantdanslemiroir.Jevaislaprendre!Elleallasedéshabillerdans lacabineet réapparutquelquesminutesaprès.Elleavait remis

sonjeanetsonpullbleuclairetavaitdanslesmainssarobeturquoise.—Onvapayer?demandai-je.Coralineacquiesçaensouriant,contentedesonnouvelachat.Onsedirigeaverslacaisseàl'entrée.Coralineposasarobesurlecomptoiretlafemmela

prit dans sesmains difformes et rendues douloureuses par l'arthrite.Elle cligna des yeux enregardantl'articleettournasonattentionversmoienmedévisageantdehautenbas.—Machèreenfant,vousneprenezpasderobe?s'étonna-t-elle.—Non,jen'aibesoinderien,répondis-jesimplement.Ellesecoualatêtedéçue.—TouteslesfemmesdevraientressembleràuneprincesselejourdeNoël.Venezavecmoi!

Nousallonstrouvercellequivousconviendra.Jen'euspas letempsderefuserqu'ellesortîtdederrière lecomptoiretrepartîtà lapêche

aux jolies robes. Jen'avais pasenvie d'acheter une robe !Àquoim'aurait-elle servi ? Jenepourraispeut-êtremêmepaspasserNoëlavecDarren...Coralinemedonnauncoupdecoudeetmepoussavers ladame.Je traînais lespieds.La

damesortit la têtedes rayonsenm'entendantarriver.Ellemit lespoingssurseshanchesetmedévisageapensivement,puissonvisages'éclaira.—Jesais!s'exclama-t-elle.Elles'éloignaetdisparutderrièreuneporteoùilétaitmarqué:«Réservé».Elleenressortit

unemballagecouvertdepoussière.Ellemefitsignedevenir.Coralinemerepoussaverselle.Jelafusillaiduregardetellebâtitdescilsd'unairinnocent.Lafemmeouvritlesachetàl'aidedelafermetureéclairetregardaàl'intérieur.Ellesourit.—Bien,bien,murmura-t-elle.Ellesaisituncintreetdécrochaunemagnifique robedecouleurgrissouris.Elleétaitplutôt

courte et sans bretelle,mais ce qui faisait tout son charme, c'était ses taffetas : des tissusserrésressemblantàdesplisquiornaienttoutlebasdelarobe.Uncorsetàlacetspermettaitdemaintenirlarobeenplace.Ellemelatendit.Jelaregardaisanscomprendre.

—Ehbien,essayez-la!Jesursautai,comprenantcequ'ellevoulait,etprislevêtement.Jerefermai le rideauderrièremoi.Jen'aimaispasporterderobe.Ellessont jolies,mais je

n'avaispasuncorpspourporterceschoses-là...Cependant,jenevoulaispasfairedepeineàlavieilledame,ellequivoulaittantmevoirvêtue

deceboutde tissu.Jemedéshabillaiet l'enfilai.Lecorsetn'étantpas tressé, jeplaquaiunemain contremapoitrine et ouvris timidement le rideau.Coralineme regarda bouche bée. Lafemme,elle,avaitl'airravi.—Quoi?demandai-jegênéeenlesdévisageanttouràtour.La femmeseglissaderrièremoiet resserra lecorset.Ellemefitavancervers lemiroir.La

robegrisfoncéàtaffetasm'arrivaitjusteau-dessusdesgenoux,mettantenavantmesjambesfineset lisses.Lecorsetserré remontaitmapoitrineassezgénéreuse,quimaintenait la robesansbretellesenplace.Jetournaisurmoi-mêmeadmirantmonreflet.Mondosétaitvisibleàtraversleslacetsducorset,maispourunefois,celanemedérangeaitpas.Jedusavouerquej'étaisbelleetquej'étaisfièredemontrermoncorps.Lavieilledameenlevamonélastique.Jeprotestai,maiselledéfitma tresse.Mesépaischeveuxbrunclairondulésse rependirent surmesépaulesnues.—Unevraieprincessedelanuit,murmuralavieillefemmesouriante.—Combiencoûte-t-elle?demandaCoraline.—Prèsde200euros,réponditladame.Coralinefrémit.Jeclignaidesyeux,sortantdemarêverie.—C'estbeaucouptroppourmoi,murmurai-jeenmetournantverslacabine.Lafemmepritmesmainsdanslessiennes.—Jem'endoute,monenfant,maisc'estuncadeau.Jevousl'offre.Jesecouailatête.—Non.C'estvraimentgentil,Madame,maisjenepeuxpasaccepter.Elleretirasesmains,déçue.— Vous étiez vraiment belle dans cette robe, dit-elle avant de se retourner et d'aller

encaisserCoraline.Jeregardaicettepetitedamecourbées'éloigner.Pourquoivoulait-ellem'offrircevêtement?

Jemedépêchaidemechangeretdesortir.Coralinen'étaitplusdanslemagasin,elledevaitm'attendredehors.J'arrivaiprèsdelaporte

oùlavieilledamem'attendait.—Vousétiezvraimentbelledanscetterobe,répéta-t-elle.J'en avais assez de tous cesmystères. Apparemment, si je voulais avoir des réponses, il

fallaitquejesoisplusdirecte.—Pourquoivoulez-vousmeladonner?—Jesuisvieille.Voircetteexpressionsurtonvisagequandtuportaiscetterobem'arappelé

pourquoi j'aiouvertcemagasin.Toutes les femmesdevraient ressembleràdesprincesses lejourdeNoël,mêmetoi,sourit-elle.InviteceluiavecquitudésirespasserNoëletnepensepasàcequecelapourraitentraîner.Jesuissûrequ'ilseraleplusheureuxdumonde.

—Merci,maisjenepeuxpasaccepter,m'excusai-jeenluitendantlarobe.—Jecomprends,sourit-elle tristementen la reprenant.Maissi jamaisvouschangezd'avis,

sachezquejelagardepourvous.Jeluirendissonsourireetsortisdumagasin.Enhautdel'escalier,jefermailesyeux,inspirai

unegrandeboufféed'airetexpirai lentement.Onpouvaitsentir l'odeurdufroidetdelaneige,rappelantl'hiver.Jerouvrislesyeux.Lemagasinsetrouvaitdansunedesétroitesruellesdelaruemarchande.Legros4x4prenait toute la largeurde la rue.Coralinem'attendait,appuyéecontrecelui-ci.Jedescendislesmarchesuneparuneenfaisantattentiondenepasglisser.Jeposaiunpiedsurlepavéglissantetenneigé.L'espaced'unesecondejepensaiquec'étaitunechancequejenesoispasencoretombée,etcommeparhasard,monpieddérapajusteàcemoment sur la dernière marche verglacée, me faisant glisser à toute allure vers Coraline.J'agitailesbrasdanstouslessens.—Attention!hurlai-jeenfonçantsurelle.Ellerelevarapidementlatêteetsursautaenmevoyant.—Emma!Jetetiens!Elleécartasesbraspourm'attraper,maisenvoyantlavitesseàlaquellej'arrivais,elleglapit

etmitsesmainsdevantellepourseprotéger.—Emma!Non!Je laheurtaidepleinfouet.Ellem'agrippa lamanche,perdantàsontour l'équilibre,etnous

tombâmeslourdementdanslaneige.Allongées sur le sol, le bras de Coraline en travers de mon visage et ma jambe sur son

ventre,nousnousmîmesàrire.—Maladroite!m'accusa-t-elle.Jepouffai.—Moi?Jamais!On rit à nouveau. Je n'avais jamais été à l'aise sur la glace, même avec des patins.

Franchement,j'avaisbeauessayerdetenirdebout,c'étaitimpossible!Chaquefois,jetombais.Aufildesannées,c'étaitdevenuunjeuentreCoralineetmoi.«—CombiendetempsEmmatiendra-t-elleavantdetomber?plaisantait-elle.—Jenesuispasmaladroite!répliquais-jetoujoursencroisantlesbas.»Coralinesedécalaetsemitàfaireunangedesneigesàcôtédemoi.Puiselleserelevaet

admirasonœuvre.Jemeremisdeboutenm'essuyant.—Pourquoiquandjefaisunangedesneiges,celui-cin'yressemblejamais?demanda-t-elle

sceptique.Jejetaiunœilautasdeneigedifforme.Jeprisunairfaussementsérieux.—Hum...tuasessayéd'agitertesbrasettesjambesdanslaneige?demandai-je.Elleréfléchit.—Ben...oui.Ellemeregardaetcompritquejememoquaid'elle.—Idiote!J'éclataide rireetm'enfuisdans lavoiture.Jem'assisetme frottai lesmainssurmon jean

pourlesréchauffer.Coralineouvritlaportière,laissantainsientrerlefroid,ets'installa.—Bon!Oùva-t-on?demanda-t-elle.Sonventresemitàgargouiller.—Crêpeoucrêpe?proposai-jegaiement.—Laisse-moiréfléchir...Ellesefrottalementonpensivement.—Crêpe!Ellemit le contact et démarra. Il y avait une petite pâtisserie à la place du centre : « Le

Plaisirgourmand»,quifaisaitdesupergrandescrêpesetaussidevraischocolatschauds!Unvraiplaisirpourlespapilles!Noustraversâmeslasombreruelleetdébouchâmessurlagrandeplaceéclairéeparlesoleil

demidi.Coralineréussitàtrouveruneplaceetsegara.L'énorme4X4semblaitridiculedevantla petite pâtisserie qui était décorée d'une gaufre géante sur le toit et dont lesmurs étaientpeintsenroseclair.Onsedépêchad'entreretdes'installer.Coralinechoisitunetablepourdeuxprèsdelagrandebaievitréequidonnaitsur leparking.

Les tablesétaientàmoitié remplies :deuxadolescentesquiavaientprobablementnotreâge,unebruneetuneblonde,mangeaient leurscrêpes.Un jeunecoupleétaiten traindeboireunmilkshakeet une famille dequatrepersonnes, dont lamèreattendait unheureuxévénement,parlaientbruyamment.Quandnousétionsentrés,touss'étaienttuspournousdévisager...pourmedévisager.Maintenant, la filleblonden'arrêtaitpasde lever lesyeuxdansmadirection, le jeunecouple

me lançait des regards furtifs, tandis que la famille chuchotait et la mère se retournait melançantdesregardsremplisd'effroi.JemetournaiversCoraline,embarrasséed'êtrel'attentiondetous.Uneserveuseenjupeett-shirtrose,dontlescheveuxnoirsabimésétaientattachésenchignon,arrivaprèsdenotretable,levisagefatiguéetcerné.—Bienvenueau«Plaisirgourmand».Quepuis-jevousservir? récita-t-elled'un ton laset

monotone.— Je voudrais un café glacé et une crêpe au chocolat XL avec beaucoup de chantilly !

commandajoyeusementCoraline.—Etpourvouscesera?Jemetournaiverslaserveuse.—Justeunecrêpeausucre,s'ilvousplaît.Elle prit note sur son calepin et retourna en cuisine. En me rasseyant convenablement, je

croisai le regard de la mère qui sursauta et se réinstalla vivement sur sa chaise. Ma gênecommençaitàsetransformerencolère.J'hésitaientrepartird'iciavantquemajournéenesoittotalementgâchéeouquejememetteàhurler.JemeforçaiàpenseràDarrenetlesouvenirdeseslèvresmecalma.J'iraibientôtlevoir.Àcettepensée, je jetai uncoupd'œil à l'horlogeaccrochéeaumur.L'air de rien, le temps

étaitvitepassé.Jenem'étaispasrenducomptequ'ilétaitdéjàpresqueuneheureetdemie!Onavaitpasséplusdetempsdanslesmagasinsquejenel'auraiscru!Jem'impatientaissurlachaise.—Qu'est-cequ'ilya?demandaCoralineensecalantledoscontrelavitre.

Nesachantpaslaréactionqu'elleauraitsijeluidisaisquej'allaisvoirDarren.Jeluicachailavéritéetdemandai:—Tusaispourquoicesgensmedévisagent?Jenem'attendaispasqu'ellesachepourquoi,maisjelavisgrimaceretgigotersursachaise.—Tulesais?murmurai-jechoquée.—Cen'estriendetrèsimportant...quedesrumeurs,marmonna-t-elled'untonhésitant.Laserveusearrivaavecnoscommandes.Elle lesdéposadevantnousetnoussouhaitabon

appétit.JepoussaimonassiettesurlecôtédelatableetmepenchaiversCoraline.—J'ailedroitdeconnaîtrelesrumeursquicirculentàmonsujet!—Cenesontquedesbêtises,Emma!s'entêta-t-elle.—Dis-le-moi!ordonnai-jed'untonmenaçantquimesurpritmoi-même.Ellesecoualatêterésignée.—Tudoissavoirquecen'estnimoi,niMatthewquiavonslancélesrumeurs.Ellefitunepose,cherchantsesmots.— Tu te souviens du jour où tu t'es perdue dans la forêt en pleine tempête et que tu es

revenuedesboissaineetsauve?J'acquiesçai.—Toutlemondecroyaitquec'était«ceuxdel'autrecôté»quituaientlesjeunesfilles,enfin

quicontrôlaientlesloupsettout...—Ouietalors?Ilsnem'ontpastué,cequiprouvequ'ilsnesontpasdesmeurtriers.—Non, tunecomprendspas. Ilssont toujourspersuadésquecesonteux les tueurs.C'est

encorelafautedecettevieillequerelle...—Attends,lacoupai-je.Jenevoispascequej'aiàfairelà-dedans!—Quand tu es revenuede la forêt saineet sauve, tu as claméhaut et fort qu'ils t'avaient

aidée.Maispoureux,c'étaitimpossible,car«ceuxdel'autrecôté»sontdesmeurt...enfindeleurpointdevue.Ilsontdoncdûtrouverune...—Explication,murmurai-je.Elleacquiesça.J'eussoudainpeurdecequ'ilsavaientditsurmoi.—Qu'ont-ilsinventé?Elledétournaleregard.—Que tu avais trahi le village pour aider « ceux de l'autre côté » et que tu avais même

participéaumeurtredelajeunefille.Mesyeuxs'écarquillèrent.—Certainsdisaientquecen'étaitquedesconneriesetd'autresquetuyavaisétéforcée...

Puis,quandtuesarrivéeavecDarrenaucafél'autrejouretqu'ilsontcomprisd'oùilvenait,toutlemondeacruquelarumeurétaitvraie.Jeretombailourdementsurmachaise.—Jenevoulaispas...commençaCoraline.—Tuyascru?demandai-je,toujourssouslechoc.—Non,dit-ellesimplement.

Jelevailesyeuxverselle,surprise.Ellesourittristement.—C'estvraiqu'audébut,jen'étaispastrèsconvaincue...Tuétaisvraimentbizarrequandtu

essortiedelaforêt,expliqua-t-elle.Puisj'aivucommeilteregardait,etj'aisuqu'ilneteferaitjamaisdemal.C'estpourçaqueMatthews'estemportécejour-là,ilcroyaitqueDarrenavaitabusédetoi.Jetournai la têteetm'aperçusquetous lesclientsmedévisageaient.Jeprissurmoietme

levai.—Emma?—J'aibesoindesortird'ici.—Jevaisteramener,ditCoralineenselevantàsontour.—Non!m'exclamai-jeenreculant.J'ai...J'aibesoind'êtreseule.Toutdevintsilencieuxdanslapâtisserie.Jeserrai lespoings,sentantmesongless'enfoncer

dansmachair,etsortisàgrandesenjambées.Unefoisdehors,jeneralentispas.Touscesgensquimeregardaientcroyaient-ilsaussiàla

rumeur?Pensaient-ils que j'étais unemeurtrière?Quel était leur problème? Jemesentaisépiée et trahie, pas par Coraline ni par Matthew, mais par les gens que je croyais de mafamille, de ma communauté. Des femmes s'arrêtaient et parlaient en me regardant, deshommes se donnaient des coups de coude enmemontrant du doigt. Jememis à courir entraversantlaplace.Jen'étaispaschezmoiici.Jen'auraisjamaisdûreveniràArcane.Pourquoimesentais-jesidifférented'euxàprésent?Pourquoimerejetait-on?Peut-êtreMatthewavait-ilvoulum'embrasserpourmetester?Peut-êtrelavieillefemmeavait-ellevoulumedonnerlarobeparpitié?Peut-être...Encoreettoujourspeut-être...J'arrivaidevantlaforêtetlecalmem'envahit.Jefermailesyeuxetécoutailanature,sentant

leventmefrôlerlevisage.Mescraintesquittèrentpeuàpeumespensées.Jerouvrislesyeuxetfisfaceàlamajestueuseforêtenneigée.Jefisunpas,puisunautre,etmemisàmarcherendirectiondelacabanedesecours.Ici,j'étaischezmoi.Jemesentaisensécurité,acceptée.LaforêtmemurmuraitlenomdeDarren.J'avaisl'impressiondesentirsonodeurpartoutentrelesarbres,maisétait-cevraimentuneimpression?Peut-être...Peuimporte!Lepaysagemefitpenseràmondrôlederêve.Jenetardaipasàarriverprèsdelacabane.Darrenavaitparléd'un sentier menant jusqu'au manoir. Je tournai autour du chalet et découvrit un chemin degraviers recouvertdeneige.Je lesuivis.Lesarbresse resserraientautourdemoiet la forêtdevint plus sauvage, plus sombre. Puis les arbres firent place à un magnifique manoir bienentretenu.Jemesentais toutepetiteàcôtédecegéantet restaiderrière lesarbres.Jemevoyaismalallersonneretdire :«Coucouc'estmoi !».Jememisà reculerquandmondosbutacontreunarbre.—Non,murmurai-je,c'étaitstupidedevenir.J'allais faire demi-tour quand des bras se refermèrent autour demoi. Je poussai un cri et

plantaimesonglesdanslesmainsquimeretenaient.—Désolé!rigolamonagresseur.Sijetelaissepartir,Darrenvametuer!Je tournai la tête pour apercevoir son visage. Un blondinet aux airs juvéniles et au regard

sournoismesouriait.Sesyeuxétaientd'unvertsiintensequ'ilsenétaientpresqueirréels.Mais

qu'ilétaitmignon!Je me rendis soudainement compte qu'il était torse nu... et qu'il avait un piercing au

mamelon!Jememisàrougir.—Lâchez-moi!Ordonnai-jeenmedébattantetenmetortillantentresesbras.Ilritd'unriredouxetcoquin,maisnemelâchapaspourautant.Ilmesoulevaetmemissur

sonépaule.Jecriai.—Maisçanevapas!Jeveuxdescendre!Comme il m'ignorait, je memis à lui donner des coups de pieds et manquai de glisser. Il

réajustamapositionetmissamainsurmesfessespourmemaintenir.—Arrêtedegesticuler!seplaint-il.—Quoi?Turigoleslà!Jememisàbougerdanstouslessens.Ilmepinçalederrière.Jeglapisdesurpriseetluidonnaiuneclaquesurlatête.Ilrigolaetentradanslemanoir.Ilmelaissatombersurleplancheretrefermalaporteavec

sonpied.Jeme frottai la fessedouloureuse. Ils'accroupitetsepenchasurmoimecoinçantcontrelemur.—Jenevaispastemordre,susurra-t-ilàquelquescentimètresdemonvisage.Jecroisailesbrasetsoutinssonregard.Ilsouritetseredressa,m'attirantcontresapoitrine.—Alec!ArrêtedejoueravecEmma!criaunevoixquejeconnaissais.JetournailatêteetaperçuAmyaccouriràmonsecours.—Cen'estpas juste !boudaAlecen raffermissantsaprise,serrantmonvisagecontresa

poitrine.Amycroisalesbras.—Alec,lâcheEmmatoutdesuite!gronda-t-elle.—Non!Il tourna le dos à Amym'entraînant avec lui. Il baissa la tête à la hauteur de ma joue et

chuchota:—Onvabiens'amuser.J'en avais assez de me faire trimballer dans tous les sens, surtout contre la poitrine d'un

inconnu.Alors, je fis laseulechosequimevintà l'esprit.Je luimordis le téton. Ilhurlaetmelâchaenreculant.—Hé!gémit-ilensefrottantletorse.—Tun'avaisqu'àmelâcher!ripostai-je.—Non,Emma,soufflaAmyenmefaisantsignedemetaire.Jelaregardai,intriguée.Alecsemitàglousser.—Etçatefaitrire!m'énervai-je.Illevalesyeuxversmoietunsourireradieuxilluminasonvisage.—Jene savaispasque tu jouaisaussi à ces jeux-là, susurra-t-il en se léchant la lèvre du

haut.Laprochainefois,c'estmoiquitemordrai.Jelevaislesyeuxauciel.Ilsemoquademoi.

—Darrennevapasêtrecontentquandjevaisluidirequetum'asmorduautéton.Jebaissaileregardverssapoitrinemusclée.Unecicatricelégèrementrosâtremarquaitson

couet uneautre lamoitié de son ventre.Ellesavaient l'air récentes.Mais ce qui captamonregardfutlesmarquesdedentsquientouraientsontétondevenubleu.Jerougis.—Désolée,murmurais-je.—Net'excusepas,ditAmyquifusillaitAlecduregard.Ilaaiméça!Alecrejetalatêteenarrièreetéclataderire.—Turecommencesquand tuveux !plaisanta-t-il–enfin, jecroisqu'ilplaisantait.Sentir tes

dentscontremapeau...mmm.Jerougisencoreplus.—Dégage,Alec!menaçaAmyens'avançant.ElleestàDarren!—Ettoi,Amy...Tuesàqui?souffla-t-il.Elle luibonditdessus,mais il l'évitafacilementetpartitencourant.Sonrirerésonnadans le

halld'entrée.Ellesoupiraetsecoualatête.—Nefaispasattentionàlui...C'estuncasdésespéré.Elles'arrêtaetpenchalatêtecommepourécouter.— Il est parti chercherDarren,murmura-t-elle,mais il risqued'enavoir pour longtemps. Ils

sontpartisdanslaforêtreleverla...Ellesourit.—Ilssontpartirdanslaforêt,dit-ellesimplement.J'acquiesçaid'unmouvementdetêteetobservaiautourdemoi.Le hall était large et ancien, doté d'un plancher brun sombre, de vieux tapis, d'un

portemanteauenpattedelion.Uneporteenboisquidevaitmeneràlacavesetrouvaitàcôtéd'un grand escalier, commedans les châteaux. Il conduisait au second étage où une grandeporte–certainement lachambredeDarren–se trouvaitaucentredeplusieurspetites.Amyme conduisit dans un salon juste à gauche du hall. Le salon était dans le même style. Ungigantesque tapisornait lecentrede lapièceoùétaientdisposésde longscanapésendaim.Unecheminéeencastréedanslemuroffraituneatmosphèrepluschaleureuseetaccueillanteàlapièce.Iln'yavaitpasdetélévision,niriendemoderne,commesiceslieuxavaientétéfigésdans le temps.Des tableauxcouvraient lesmurs. Ilspartaientduplusancienauplus récent,passant dunoir et blancàdes imagesen couleurs. Il n'y avait pasbeaucoupdemeubles, àpart quelques armoires présentant de la vaisselle en porcelaine. Une fois que j'eus finid'observerleslieux,Amys'excusaetpartit.Unebûchebrûlaitdanslacheminée.Étrangement,jemesentaisàl'aisedanscesalonàmoitiévide.Jememisàobserverlestableauxaccrochésauxmurs. Sur les quelques premiers, je ne reconnus personne.Mais ils avaient presque lesmêmes titres :Alpha1,Alpha2,Alpha3...Puis j'arrivaidevant«Alpha4», la ressemblanceentreluietl'antiquairemefrappa.Instinctivement,jelevailamainetcaressailatoile.—Netouchezpascespeintures,ellessontfragiles,murmuraunevoixtimideetétouffée.Jemeretournaipourvoird'oùelleprovenait.Jen'avaispourtantaperçupersonne.Un jeune

homme recroquevillé entre les canapés me regardait à travers ses cheveux noirs qui luitombaient devant les yeux. Il était assis sur le tapis, l'air aussi inoffensif qu'un nourrisson, etparticulièrement maigre. Nos regards se croisèrent, et étonnamment, il gémit et se mit à

reculercachantsonvisageentresesmains.Unepenséemetraversal'esprit...Luiaurais-jefaitpeur?Mieuxvalaitnepasrelever.—Quiest-ce?demandai-jeenpointantdudoigtl'hommesurletableau.Ilrelevalégèrementlatêtepourmeregarder.—C'estMarcus,souffla-t-il.Commeiln'ajoutarien, jecontinuaimavisiteet jenefuspassurprisedetombersurDarren

autableausuivant.Ilétaitplusjeunesurl'image.Peut-êtreétait-ceunarbregénéalogique?Jemeretournaiversl'inconnuquimesuivaitduregard.—MarcusestlepèredeDarren?Ilsecoua la têteensignedenégation.Les tableauxs'arrêtaient là.Encorepluscurieusede

connaîtrel'endroitoùvivaitDarren,jem'avançaiprèsdelacheminéeoùj'avaisaperçuquelquesphotosàmonarrivée.Jem'avançai,faisantgrincerleplanchersousmonpoids.Quand j'arrivai au niveau des canapés, le jeune homme fit un bond en arrière et passa

derrièreun fauteuilvoisinpours'éloignerdemoi.Legeste futétonnammentsoupleet rapide.Jem'arrêtaietmepenchaipar-dessusledivan.Ilmeregardatelunlapinprisdanslespharesd'unevoiture.—Jenevaispastemangerdis-jeenessayantd'avoirl'airinnocente,maisilrecula,apeuré.Jesoupiraietm'éloignai.Quandj'arrivaidevantlacheminée,jereportaimonattentionsurles

photos.Une d'entre ellesmontrait de jeunes enfants en train de jouer dans la forêt. Je crusreconnaîtreDarrenetAmy,mais la photoétait demauvaisequalité.Surunedeuxième,Amysouriait et faisait des oreilles de lapin à Alec qui boudait. Le jeune homme apeuré étaitrecroquevilléaupieddemonami, tandisqueDarren,unhommeetune femmeque jen'avaisjamaisvuesetenaientsérieusementcôteàcôte.Cependant, laphotoquiattiramonattentionsetrouvaitdansuncadrerouilléparlesannées,oùleverreétaitfissuréensoncentre.Darrenétait à gauche deMarcus, tandis que l'homme qui me poursuivait se tenant à sa droite. Ilsétaient devant la forêt. La photo aurait pu être chaleureuse si les deux garçons ne sedévisageaient pas avec un air de défi, prêts à se battre. Je ne l'avais pas tout de suiteremarqué, mais sur les trois photos, Darren avait les yeux bruns et non dorés; sûrement àcauseduflash.Peut-êtrequeDarrensauraitrépondreàmesquestions.JesursautaiquandAmyposabruyammentunseaud'eauàcôtéd'elle.—Jevoisque tuas fait laconnaissancedeShad,dit-elleavec lemêmesourirequesur la

photo.—Oui,onaeuletempsdeparler...unpeu.—Ah ! cria-t-elle ravieen tapant dans sesmains.Tu lui asparlé !D'habitude, il n'adresse

jamaislaparoleauxinconnus.Ellemefitunclind'œil.—Ildoitt'apprécier.Jeluirendisunsourire,unpeutendu.—Jenesavaispasquetuallaispasser,reprit-elleenprenantleseaud'eaud'unemain.On

m'aordonnédenettoyerlesalon.Situveux,tupeuxtemettresurlecanapéprèsdeShad.—Ont'aordonné?répétai-jeabasourdie.Tun'espasuneesclave,j'espère!Elleéclataderire.

—Non!Seulement,Maloryme...Elles'arrêtapourréfléchir.—DisonsqueMaloryesttrès...Autoritaire.Jeladévisageai,perplexe.—Oh!Maiscen'estpassimal!ajouta-t-elle.Cen'estpaslafindumonde.Ellen'avaitpas l'airdecomprendrequ'onnepouvaitpas la forcer,maiscomme jene tentai

pasdelafairechangerd'avis...JepourraistoujoursenparleràDarren.—Jevaist'aideralors!dis-jeenprenantlebalaiqu'elletenaitdanssamaindroite.—Non !Darrenneseraitpascontent.Cen'estpasde ton rang !Tun'aspasà t'abaisser

pourmoi.—Ce n'était pas une question, répliquai-je en commençant à balayer. Et premièrement, je

n'appartiensàpersonne.Jeveuxjustet'aider.Ellegardalesilencequelquessecondespuismurmura:—Merci.Jeluisourisetcontinuaimontravail.C'étaitétrange...Qu'avait-ellevouludireparcen'estpasmonrang?Çanemeregardepas,pensai-je.Quand

j'eusfinidebalayerlesalonetquejecommençaisàmerapprocherdessofas,Shadreculaets'accroupit sur le tapis.Amy faisait les poussières sur la cheminée. Jemedirigeai vers elle.Amyseretournaenm'entendant.—J'aifini,dis-jeenarrivantàcôtéd'elle.—Ah!Bah,tupeuxallert'asseoirprèsdeShad!proposa-t-elle.Jeluilançaiunregardlourddesensetellegrimaça.—Bond'accord,tupeuxencorem'aider.—EnparlantdeShad,commençai-je,pourquoiai-jel'impressionquejeluifaispeur?Elleserapprocha.—Cen'estpaspersonnel,marmonna-t-elle. Ilapeurdesétrangers. Ilaunephobiesociale

etilaeuquelques...problèmesdanssonenfance.Maisnet'inquiètepas,ilneteferapasdemal.Ellefitunepause.—Cequiestétonnant,c'estqu'il t'aitparlé...D'habitude, il restesilencieuxetdiscretquand

desinconnusviennentici.Ildoitbient'aimer.Jeluijetaiuncoupd'œil.Iln'avaitpascessédem'observerdederrièresoncanapé,comme

s'ils'attendaitàcequejeviennelemanger.Jehaussailesépaules.—J'aiplutôtl'impressionqu'ilcroitquejevaislemanger.Amyéclataderire,maisnemecontreditpas.— Je vais devoir nettoyer lesmeubles. Si tu veux, tu peux aller chercher une éponge,me

proposa-t-elle.J'y allai et m'accroupis près du seau d'eau. J'y trempai mon éponge et eus une soudaine

envie d'éclabousserAmy. Je ressortismon éponge lentement et la tordis doucement. Jeme

redressai, faisant attention de ne pas faire de bruit, et à quelques centimètres... Amy seretournarapidement.—Ah!glapis-jeensentantunegicléed'eaum'éclabousserlevisage.—Tucroyaism'avoir!dit-Amyvictorieuse.Jeprofitaidesonmomentd'inattentionetenvoyaiunjetd'eauavecmonéponge.Cefutàson

tourdereculeretdepousseruncri.—Tuvasvoir!hurla-t-elleenrigolant.Jecourusmeréfugierderrièrelecanapé,tandisqu'elleallaittrempersonéponge.Lamienne

étaitpratiquementsèche.JesursautaiquandShadseglissaprèsdemoietmetendituneautreépongedégoulinante.JeluisourisetbondissurAmyquipassaitàcôtédemoi.Onsemitàs'asperger;quandmonépongefutàsec,jecourusversleseau.Amymesuivit,

comprenantcequejevoulaisfaire.Jesaisisleseau.Amyarrivaettentademeleprendredesmains. On tira tellement fort que le seau vola et s'écrasa contre le sol, nous éclaboussanttouteslesdeux.Ilyeutungrandmomentdesilence,puisonéclataderire.Uneporteclaqua.—Maisqu'est-cequ'ilsepasseici?hurlaunefemmed'àpeuprèsl'âgedeDarren.Jereconnusladamedelaphoto.Lajoied'Amys'évapora, laissantplaceàuneatmosphère

oppressante.Lafemmeavaitdescheveuxraideschâtainrouxqui luiarrivaientdanslebasdudos,etunesilhouettedesportive.Elles'arrêtaenmevoyantuneépongeàlamain.Sonvisagedevintdureteffrayant.Amy lâchasonépongeet reculaen trébuchantcontre le

divan.Jefronçailessourcils.ÇadevaitêtreMalory.Elles'avançad'unpasmenaçantversAmyetjem'interposaientreelles.Ellebaissalesyeuxsurmoi,medétaillaquelquessecondespuism'ignoracomplètement.—Jet'avaisordonnédenettoyerlesalon!vociféra-t-elle.—C'estcequej'aifait,Malory,bégayaAmyquiétaiteffrayée.— Alors, dis-moi pourquoi le salon est inondé et pourquoi l'humaine de Darren tient une

éponge.Ellen'apasàt'aider!Personnenedoitt'aider!—Hé!l'interrompis-jeénervée.Ellebaissasonregardversmoietmesurplombadetoutesahauteur.—Faisgaffeàtoi,l'humaine,memenaça-t-elle.—C'esttoiquidevraisfairegaffe,grondai-jed'unevoixpleined'assurancequimesurprit.Ellememontrapresquelesdents—Tuasdelachanced'apparteniràDarren,petitechienne,murmura-t-ellelesdentsserrées.—D'un,jen'appartiensàpersonne,dedeux,onnes'enprendpasàmesamies,etdetrois,

monnomc'estEmma.Ellehurladerageetmebonditdessus.

CHAPITRE12DARREN

J'entrai dans le salon suivi d'Ulric, quand Malory bondit sur Emma. Nous, loups-garous,sommesplusrapidesque lespersonnesordinaires.Avantqu'ellen'aiteu le tempsdetoucherunseuldesescheveux, je lasaisisàlagorgeet la jetaiàtraverslapièce.Elleheurtalemurd'enfaceetretombatremblantesurlesol.JesentisEmmabougerderrièremondos.Jesentisson odeur et son angoisse se mêler. Je me tournai lentement vers elle et nos regards secroisèrent. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais je lui pris la main et l'attiraicontremoi.Sarespirations'accéléra,priseaupiègeentremesbras.Maloryseredressatremblante;dusangcoulaitlelongdesabouche.—C'estellequia...bafouilla-t-elle.— TAIS-TOI ! aboyai-je. Elle retomba lourdement à genoux. On ne touche pas à Emma,

articulai-jelentementenresserrantmapriseautourd'elle.Elleestsousmaprotection.Malorybaissalatête.—Veuillezmepardonner,murmura-t-elle.J'ignoraisesexcuses.Jen'avaisplusvuEmmadepuisl'attaquedanslesbois.J'enfouismon

visagedanssescheveuxdétachéssursonépauleetrespiraisonodeur.Ellesentait laforêt...etl'humidité.Jem'écartaipourladévisager.Sesvêtementsdégoulinaient.—Viens,dis-jeenluisaisissantlepoignet.—Darren...commença-t-elle.Jeneluilaissaipasletempsdefinirsaphraseetmontailesescaliers,l'entraînantavecmoi.Jem'arrêtais soudainement devantma chambre, le temps d'ouvrirma porte. Surprise, elle

heurtamondos.Jelafisrentreravantdenousenfermerdanslapièce.—Darren,reprit-elleenseretournant.Jepressaibrutalementmes lèvrescontre lessiennes, la faisant reculercontre lemur.Je la

sentissefiger,prisonnièredemonétreinte.J'allais m'écarter, mais elle s'agrippa fermement à mon bras se serrant contre moi et me

rendantmon baiser. J'enfouismesmains sous son pull et l'enlaçai. Elle était àmoi. À cettepensée, mon loup s'éveilla et mon ventre se noua. Je m'écartai, me rattrapant au mur larespirationsaccadée.Lapleineluneserapprochaitet jen'avaispluslaforcedemecontrôler.Je levai les yeux vers elle. Quelques rayons du soleil éclairaient son doux visage. Sesvêtementshumides luicollaientà lapeau,soulignantses formes.Jedétournai le regardpouréviterqu'ellenes'aperçoivedemonexpressionaffamée.—Tuferaismieuxdetechanger,murmurai-je,sinonturisquesd'attraperfroid.Commeellenebougeaitpas,jeluiprislamainetlaconduit jusqu'àlasalledebain.Elleme

sourit.—Cen'estpasunproblèmedemechanger...maisavecquoi?

Jesursautai.—Jereviens,marmonnai-jeensortantdelasalledebain.Quand j'ouvris la porte de la chambre, je tombai nez à nez avec Amy et Alec qui nous

écoutaient.Ilsreculèrentprécipitamment,attendantquejelesréprimande,maisjen'avaispasle temps demebattre avec eux. Je les contournai et rentrai dans la chambre d'Amypour ytrouverdesvêtements.IlsseregardèrentetAlechaussalesépaules.Ilsmesuivirent.—C'estmachambre!seplaignitAmy.Cependant,jen'yprêtaipasgardeetfouillaidansuntiroir.Alecs'appuyacontrelemurpourobserver lascène.Àquelpointétait-ellemouillée?Jeme

misàjeterdessoutiens-gorgepar-dessusmonépaule.Amylesrattrapaetlesremisdanssontiroir.Alecrigola.—Maisondiraitquel'Alphaestdésorienté,plaisanta-t-il.Jelefusillaiduregardetilbaissalesyeux.—Désolé,murmura-t-il.Jetrouvaiuneculotteendentelleetj'eusunterribledoute.—Vouscroyezqu'elleestmouilléejusque... là?demandais-jed'untonhésitantenmontrant

laculottedumenton.Amyclaquadelalangue,agacée,etmel'arrachadesmains.Alecéclataderire.—Toutdépenddecequetuluiasfait,Alpha!Amyluidonnauneclaquesurlatêteetsedirigeaversunearmoire.—OK!Jevaisluipréparerdesvêtements,décida-t-elle.Je soupirai et m'adossai au mur. Je pris ma tête entre mes mains. Il fallait que je me

ressaisisse.AmydonnauncoupdecoudeàAlec. Il leva lesyeuxaucielets'avançaprèsdemoi.—Hum...Qu'est-cequinevapas?demanda-t-ilensefrottantlanuque.—J'aipeurdeperdrelecontrôleetdefairequelquechosed'impardonnable,marmonnai-je.—OK!Ça,cen'estpasmonrayon...Amy!appela-t-il.Jenepeuxrienpourlui.Ellelefusilladuregard.Ilreculaets'éclaircitlavoix.—Tucroisvraimentquetupourraisluifairedumal?—Non, avouai-je. Je ressens le besoin de la protéger.Mais son odeur... ellem'enivre. Je

n'arrivepasmecontrôlerensaprésence.Jesuisundangerpourelle.—Tuessimplementstressé,cartuaspeurqu'elletequitteàcausedecequetues.C'est

bientôtlapleinelune,c'estnormalquetuaiesenviedeviandefraîche...Fonce!Tun'aspasvula façon dont elle te regarde ? Elle t'aime. Et là, elle est seule dans la salle de bain àt'attendre...probablementnue.Amyattrapal'oreilled'Alecetlaluitorditviolemment.—Non,maistudéconnes...Probablementnue?C'esttoutcequetuastrouvéàdire?Elles'approchademoietmetenditunepiledevêtements.Ellemefitunclind'œil.—Elleestcoolcettefille.Negâchepastout.Jeprislapiledevêtementsetpartislarejoindre.Quandj'arrivaidevantlaporteferméedela

salledebain,jetoquaidoucement.—Tupeuxentrer,ditlavoixétoufféed'Emma.Jepoussai lentement laportequigrinça.Elleétaitenrouléedansunedemesserviettesde

baingrisesets'était faitune tresse.Jeposai le tasdevêtementssur lemeublede l'évierendévorantduregardchaqueparcelledesoncorpsnu.Elles'approchaetpritunjean.Elletournalatêteversmoietsoutintmonregard.Jerestaiimmobile.Ellesouritets'avançainnocemmentversmoi.Ellelâchalejeanquitombasurlecarrelagedelasalledebain.Jeleregardaitomberetelleenprofitapourmesaisirlementonetm'embrasser.Jepassaimesmainsdanssondosetlacaressai.Ellemefitreculer,toujoursenm'embrassant,puismepoussasoudainementendehorsdelasalledebainetrefermalaportesurmoi.Jem'appuyaicontre lechambranlequigrinçasousmonpoidsetjefermailesyeux.—Jet'aime,murmurai-je.Emmabougeadel'autrecôtéets'appuyacontrelaporte.—Moiaussijet'aime,répondit-elletendrement.Jeposaimonfrontcontre lebois; j'entendisdestissussefroisseret lespasd'Emmasur le

carrelage.Aprèsquelquesminutes,laportes'ouvritdoucement.Jem'écartaipourlalaisserpasser.Elle

s'arrêtasurleseuiletobservamagrandechambregriseetblanche.Monodoratmepermitdedirequ'elleétaitgênéeetmalàl'aise.Ellesetournaversmoietsourittimidement:—C'estmoderne...parrapportauhalld'entréeetausalon,dit-elled'unepetitevoix.—C'estparcequelamaisonestvieille,expliquai-je.Elledatedeplusieursgénérations...—Ahoui,murmura-t-elleenbaissantleregard.Jelevailesyeuxaucielcherchantcequejepouvaisluidire.Unsilencegênés'installa.Emmasedandina,encoreplusmalàl'aise.Savoixrésonnaetbrisalesilence.— Je... Hum... Je vais y aller, bredouilla-t-elle. Je crois que je suis venue au mauvais

moment.Ellebaissalatêteetmedépassa.Jeluisaisislepoignet.—Non !dis-jebrusquement.Jesuisdésolé.Jen'aipas l'habitudede recevoirquelqu'unau

manoir.—Tunevenaispasmevoir.J'aipenséque...maissicelatedérange...Jel'attiraicontremoi.—Je veuxque tu restes,murmurai-je à sonoreille. J'étais très occupé ces derniers jours.

Aveclameute,nousavionspassénosjournéesàratisserlaforêtetàsuivrelapisteolfactivedeDawson,sansrientrouver.Unsourireespiègleseformasurseslèvres.Elleplantasonregardmalicieuxdanslemien.—J'espèrepourtoiquec'étaitimportant!—C'estunemenace?répliquai-jed'untonenjoué.Ellemitsespoingssurseshanches.—Biensûrquec'estunemenace!s'indigna-t-elle.Jefermailesyeux.

—Alors,jen'aipaslechoix...Je lui saisis lespoignets.Prisepar surprise,elle voulut reculer,mais je la fisbasculer.Elle

tombasurleventreetrâlad'indignation.Elle tentadese relever,mais j'immobilisai sespoignetset lamaintenaitausolde toutmon

poids.Ellesemitàremuersousmoietàpousserdespetitscrisplaintifs.—Alors?Tun'arrivesplusàmemettreK.-O.?susurrai-je.—N'importequoi!riposta-t-elle,lajouepresséecontreleplancher.Jelaretournaisurledos.Ellemedévisageaenfronçantlessourcils.—JetemetsK.-O.quandjeveux!J'approchaimonvisagedusien.—Jet'aidéjàbattue,murmurai-je.Je passaimes lèvres le long de son cou, sentant son pouls s'accélérer et sa veine battre

contremabouche.Ellefrissonna.Sanslaquitterdesyeux,jememisàlamordiller.Ellefermalesyeuxengémissantetessayadeserelever,maisjelamaintenaisallongée,continuantàlataquiner.—Tut'avouesvaincuemaintenant?demandai-jeenm'écartantlégèrement.—Jamais,souffla-t-elle,larespirationsaccadée.Je bougonnai, amusé, et pris ses deux poignets dansmamain gauche. Elle lutta pour se

défairedemapoigne,maisabandonnarapidement,mefusillantduregard.J'éclataiderireetmepenchaiversses lèvres.Elles'avançaautomatiquementpourm'embrasser,mais je restaihorsdesaportée.—Tuabandonnes?lataquinai-je.Ellesecoualatête.Déterminéàenfinir,j'enfouismamainlibresoussont-shirtd'empruntet

frôlai sa peau du bout des doigts, laissant toujours mes lèvres hors de sa portée. Elle sedéhanchaetgémisdefrustration.—Darren!soupira-t-elle.—Oui?répondis-jeaussiinnocemmentquepossible.Ellesecouavivementlatête.—C'estbontuasgagné!—Vraiment?insistai-jeenrapprochantmeslèvresdessiennes.—Oui!s'exclama-t-elle.Jelalibéraietellesemitàgenoux.—Embrasse-moi,chuchota-t-elle.Commejenem'exécutaispas,elles'appuyasurmesépaulesetsepenchaversmoi.—Embrasse-moi,répéta-t-elleenboucledeplusenplusbas.Jem'avançai,mais quandmes lèvres touchèrent les siennes, elle rouvrit soudainement les

yeux etme poussa en arrière,me faisant basculer sur le dos.Elle s'assit à califourchon surmoi,me tenant les poignets comme je l'avais fait unpeuplus tôt. Jegrondai instinctivement,maisellepressaseslèvressurlesmiennes.Ilyeutunlongcraquement,quandmaportes'effondrasurlesol,faisantvibrertoutlemanoir,

Amy et Alec affalés dessus. Je vais les tuer. Emma sursauta et se releva précipitamment.

Toujoursallongé, jemeredressaisur lescoudespour les fusillerdu regard.Alecsegratta lanuque,évitantmonregard,etAmyrigolabêtement.—Onnefaitquepasser...marmonna-t-elle.Alec la prit par le bras et ils partirent en dévalant les escaliers. Je soupirai et me remis

debout.—Aufinal,j'auraisquandmêmegagné,lançai-jefièrementenépoussetantmonjean.—Tu rêves ! ripostaEmmaquimedévisageait les bras croisés.Si la porte ne s'était pas

délogéedesesgonds,j'auraisgagné!Jem'esclaffai.—Tun'auraispaspufairemieuxquemoi,machérie!susurrai-je.—C'estcequetucrois,moncœur!articula-t-ellelentement.Jem'approchaidangereusementd'elle.—Tupréfèresqu'onrègleçad'uneautre«manière»?dis-jeenl'emprisonnantentremoiet

lemur.Ellerougitencomprenantcequejevoulaisdire.J'éclataiderire.—Détends-toi,jenevaispastemanger.—Dégage,plaisanta-t-elleenmerepoussant.Jeluisaisislamainetl'attiraiversmoi.Elleenfouitsatêtecontremontorseetjepassaimes

brasautourdesataille.Elleprituneinspirationtremblante.—Tuasentendulesrumeursquicourentàmonsujet?—Jememoqueéperdumentdecesbêtises...—L'hommeenbassur laphoto,murmura-t-ellecontremapoitrine,uncertainMarcus.Qui

est-cepourtoi?Son changement de conversation me surprit. Je cherchai un terme adapté, qu'elle

comprendrait...Marcus étaitmon créateur. Ilm'avait transformé à l'âge de sept ans. Il étaitcelui qui m'avait élevé et, pour être franc, je le considérais comme mon père. Mais nosrelationsontvitechangé.Ilm'avaitcréédanslebutdereprendrelameute.Jesuisundominantet les relations entre dominants d'égal à égal ne sont pas faites pour durer. D'une façon oud'une autre, les Alphas se méfient de tout et de tous, nous sommes faits pour survivre etprotégerlameute.—C'étaitmontuteur,dis-jesimplement.Ellerestasilencieuse—Jesupposequ'iln'estpasantiquaire?J'éclataidedire.—Non,iln'estpasantiquaire!—J'enétaissûre,marmonna-t-elle.Jeluiprislementonetluifitreleverlatête.—Quesepasse-t-il?Elledétournaleregardetréfléchit.—Je l'ai rencontrédansunmagasin. Il disait connaîtremamère... J'ai penséqu'il pourrait

merenseignersurquelquespetitsdétails.Jeprissamainet jouaisavec lependentifdesonbracelet. Jememisàcaresser lemétal

pensivement.JerevismentalementmadiscussionavecMarcus.«(...)—L'aide du grandFenrir... Tu dois avoir quelque chose à protéger dans ce village pour

offrirtonaideaussifacilement,insinuai-je.N'est-cepasMarcus?Ilsourit.—LeFenrirn'apasbesoind'excusespouraidersacommunauté,assura-t-il.—Alors,pourquoit'intéresses-tuàEmma?luidemandai-jeavecunregardlourddesous-

entendus.Ilfronçalessourcils.— Tu l'appelles par son petit nom maintenant ? Comme c'est touchant, susurra-t-il

ironiquement.Cen'estpasmoiqui l'aisauvédeux foisau risquedemettrenotresecretenpéril.Nousavonschacunnosmystères.Alpha!Contente-toidestiens.(...)Suismonconseil,cen'estpasbiendes'éprendred'unehumaine.»Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'avais cru comprendre que Marcus avait eu une

liaisonavecunefemmeduvillage,mais jen'avais jamaispenséqu'ilpouvaits'agirde lamèred'Emma.Ilfaudraitquejeluientouchedeuxmots.Celaprenaittoutsonsenss'ils'intéressaitàEmma,même si elle ne pouvait être sa fille : la procréation entre humain et loup-garou estimpossible.Jelâchaisamainquiretombalelongdesoncorps.—Jeluidirais.Comments'appelletamère?—Elles'appelaitMaria,souffla-t-elleenm'entourantlatailledesesbras,sepressantunpeu

pluscontremoi.—Tuessichaud,murmura-t-elle.—C'estpourmieuxteréchauffer,monenfant,imitai-jelegrandméchantloup.Ellepouffaderireets'écarta.—Enparlantdugrandméchantloup,quesais-tusurlesmeurtres?demanda-t-elle.—Cequ'endisentlesmédias,mentis-je.Pourquoiveux-tusavoirça?—Justeparcuriosité.Jepensaisque les loupsn'étaientpas lescoupables,maisaprèsce

quim'estarrivédanslesboisetcequis'estpasséàl'hôpital...—Lesloupsd'Arcaneneteferontjamaisdemal,murmurai-je.Ellemeregardasérieusement.—Vadireçaàcesaleloupblanc!soupira-t-elle.Maispourêtrehonnête,cen'estpasdes

loupsdontj'airéellementpeur...Jefronçailessourcils.—Malgré ce qu'il a pu se passer, je reste persuadéeque les loups ne sont pas les seuls

coupables, expliqua-t-elle. Ils n'attaquent pas les hommes volontairement. Enfin...normalement!—Dequoias-tupeur,Emma?demandai-jesérieusement.Ellesecoualatête.—Tuvasmeprendrepourunefolle!

—Jetecroiraitoujours.Ellemedévisageapuissoupirarésignée.—J'aicommedes...flash-back,hésita-t-elle,maissurdesévénementsquej'auraisoubliés.Sonregardbrillaitd'inquiétude.—J'entendsaussisavoixdansmatête...Ellefrissonnaetjel'entouraidemesbraspourlaprotéger.—Lavoixdequi?demandai-je.Ellefronçalessourcils.—Jenesaispassonnom...maisc'estl'hommesurlaphotoavectoi,leblond.Jesursautai.Dawson.Lavoixdanssatête...Jelasaisisparlesépaules.—Qu'est-cequ'ilt'afait?l'interrogeai-je.—Rien ! Ilapparaît toujoursdansmesflash-backet ilm'asuivi jusqu'à l'hôpital.Pourquoi?

Qu'est-cequ'ilya?s'inquiéta-t-elle.Jerepensaiàl'attaquedanslesbois.Ilnel'avaitpasfaitsaigner.J'yavaisveillé!—T'a-t-iltouchéoudonnéunmédicament?—Jenesaispas...bégaya-t-elle.Jelasecouai.—Emma!Est-cequeDawsont'adonnésonsang?Ellesefigea,leregardflou.—Dawson...murmura-t-elle.Sesyeuxserévulsèrentetelles'effondraenconvulsant.—Emma!appelais-jeenlarattrapant.Despasrésonnèrentdansl'escalier.Amy,AlecetUlricentrèrentencourant.—Alpha!hurlaUlric.Ilss'arrêtèrentenvoyantEmma.Jelatenaiscontremoi.L'auradeDawsonemplitlapièce.Sonodeurremplaçacelled'Emma.Emmalevaunemainimploranteversmonvisageetsondossecambra.Ellehurla,prenantsatêteentresesmains.Ilavaitfaitcequejecraignais:ill'avaitliéeàlui,

faisantd'elleson jouet.Mais ilne l'aurapas !Elleestàmoi.Je levaimonpoignetdevantmabouche.—Alpha?DemandaAlec.—Sortez!Ordonnai-jed'unevoixempliedepouvoir.Ilss'avancèrent,inquiets.Jetournailatêteverseux,lesyeuxbrillantsderage.—Sortez!Ilsreculèrent, lesyeuxécarquillésdeterreur.Jesentis le louprugiretsedéchaînerenmoi.

Emma gémit et ferma les yeux. Son visage dégoulinait de sueur. Je plantaimes crocs dansmonpoignet,sentantmaveinepuiserdansmabouche.J'arrachaimachairetmepenchaiversEmma.Jel'embrassaietglissaiavecmalangueleboutdechairsanglantdanssabouche.—Emma,murmurai-je. Je tedonnemachairetmonsang, je faisde toinotresœur,notre

amieetnotrecamaradedemeute.

Jedéposaiunchastebaisersursonfront.—Encréantcelienentrenous,continuais-je,jefaisdetoimacompagne.J'embrassaiseslèvrescouvertesdemonsang,scellantnotreunion.Jeprisconnaissancede

toussessentiments,toussessouvenirs.Je ne faisais plus qu'un avec elle. Il ricana et mon loup rugit, faisant vibrer le lien qui me

connectaitavecDawsonàtraversEmma.— Crois-tu vraiment pouvoir sauver ceux que tu aimes ? Crois-tu vraiment pouvoir la

sauver?Quellenaïveté!—Jesuisl'Alpha!Etjet'étriperaipourcequetuasfait,Dawson,grondai-je.—Ceterritoirem'estdû!hurla-t-il.—Tuesunrenégat!Tun'aspastaplacedanscettemeute!—Oh,jeneveuxpasqu'unesimpleplace!Jevaisdevenirl'Alphadecettemeute.Ilricana.—J'aurailafille.Tumeregarderaslabaiserpendantquetucrèveras!Cen'estplusqu'une

questiondetemps,murmura-t-il,j'auraimarevanche!Ettumepayerascetaffront,Darren.Jeprojetaimonpouvoiràl'encontredeDawsonetlerejetaiendehorsdenotreesprit.Ilhurla

puis laissa place au silence. J'étouffai notre lien et laissai à Emma de l'intimité avec sespensées. Elle s'était évanouie. Je la pris dans les bras et me redressai. Je la déposaitendrementsurlelit.Ellesemblaitsipaisible.Jen'avaispasréfléchiàmesactes.Ellenedoitpassavoircequenoussommes...Pasencore.Maintenant, elle faisait partie de lameute. De plus, pour une raison inconnue, Dawson en

avaitaprèselle.AmyetUlricentrèrent. Ils'adossaaumur tandisqu'elles'approchaitavecunbac rempli d'eau et une serviette à la main. Je grognai pour que personne ne s'approched'Emma.Amys'arrêta,paniquée.— Je ne lui veux aucun mal. Je viens lui nettoyer le visage, tu l'as couverte de sang,

bredouilla-t-elleleregardbaissé.—Jeneremetspasenquestiontonacte,ditUlric,maistusaistoi-mêmequec'étaitidiotde

faireunetellechose.Tuasmêléunehumaineànotremonde.—Qu'aurais-jedûfaire?LalaisseràDawson?Elleestdéjàmêléeànotremondebienplus

quetunelepenses,ripostai-je.Ulricfronçalessourcils.—Queveux-tudire?—JedoisparlerauFenrirpourenavoirlecœurnet.Ilacquiesça.—Enattendant,jeneveuxpasrisquerqu'elledécouvrequinoussommes.— Tu ne pourras pas lui cacher la vérité toute ta vie, murmura Amy qui nettoyait le font

d'Emma.—Jesais,soupirai-jeenmeredressant,mais ilest trop tôt.Ces jours-ciontétébeaucoup

tropdéstabilisantspourelle.EmmasedoutequeDawsonestderrièrelesmeurtres,évitonsdeluicréerencoreplusdeproblèmes.J'aibesoind'allercourir,murmurai-jeenm'avançantverslaporte.

—Quedois-jefairesielleseréveille?demandaAmy.—Ilsepeutqu'ellenesesouviennederien.Detoutefaçon,jeserairentréd'icilà.JemetournaiversUlricquidévoraitAmyduregard.—Jetelaisset'occuperdumanoir.Ilacquiesça.J'allaissortirdelachambrequandj'aperçusmapauvreportesurlesol.—Oh!Amy...Elletournalatêteversmoiaffichantsonhabituelsourire,uneserviettelégèrementrougeâtre

poséesurlajoued'Emma.—Oui?demanda-t-ellejoyeusement.—Necroyezpasquej'aioubliécequevousavezfaitàmaporte!susurrai-je.Ellegrimaça.—C'estAlec...murmura-t-ellediscrètement.—N'importequoi !hurla lavoixde l'intéressédepuis lesalon.C'estAmy ! Il fautqu'ellese

metteaurégime!Ellepoussauncrid'indignationetserralaserviettedanssamain.—Situnet'étaispasappuyécontrelaporte,onn'enseraitpaslà!riposta-t-elle.Jesoupiraiet les laissai sedisputer. Jemedépêchaidesortirdumanoir.Quand j'ouvris la

porte, levents'engouffradanslehall,m'ébouriffant lescheveux.Àquelquesjoursdelapleinelune,courirm'éclairciraitlesidées.Je m'enfonçais dans la forêt, commençant à déboutonner ma chemise. Je cherchais un

endroit sombre et isolé le plus possible. Je choisis une parcelle de terre cachée entre lesarbustes dénudés et me dévêtis. Jememis à quatre pattes, enfonçant mesmains dans laneige.Ma peau se mit à onduler et mes muscles à se tordre. Ils s'étirèrent en se contractant

douloureusement.Ungrondementplusanimalqu'humains'élevademagorge.Monsquelettesedéboîta,produisantdescraquementssourdsetrégulierspourformerceluiduloup.Mesossefrottaientcontremapeau,l'irritantetperçantpresquemachair.Toujoursenposition,du liquide transparentetvisqueuxsemitàcouler le longdemesbras

difformes et goutta sur la neige qui fondait à son contact. Ma tête s'allongea, laissantapparaîtreunmuseau.Mesonglesfirentplaceàdesgriffesetmesdoigtss'étendirent.Aprèsplusieursminutes,moncorps ressemblaitàceluid'un loupsans fourrure,puisdespoilsnoirsapparurentlelongdemondosetdemespattes,semettantàpousseràunetellevitessequ'ilétaitpossibledelesvoirgrandiràl'œilnu.Lamutationachevée,jerenversailatêteenarrièreet hurlai. Avecmes sens décuplés, je sentais et entendais chaquemouvement. L'odeur d'unlapinmechatouillalesnarines.Monventregargouillaetlapromessefutured'unbonrepasmeremitd'aplomb.Latransformationn'étaitpasseulementdouloureuse:elledonnaitfaim.Jemesecouai, faisant gicler le liquide visqueux collé àmon pelage. J'avançai prudemment dans laneige, cherchant, affamé, la piste du lièvre. Je l'aperçus entre les arbres, sur ses pattesarrière,entraindemâcherunebrindille,lesoreillesàl'affûtdumoindrebruit.Jeprofitaiduventpourmasquermonodeurettournaiautourdemaproieendéterminantunplan:parinstinct,ilchercheraitàretournerdanssonterrier, ilrepartiraitdoncparoùilétaitvenu.Logiquement,sionremontaitsapisteolfactive,ilprendraitverslenord.C'étaituneproiefacile,maisjevoulais

jouer. Jebondis lentement, lui laissant le tempsdedétaler. Je comptai jusqu'à cinqavant departiràsapoursuite.Puis,jedémarrai,courantàperdrehaleine.Mespattesbattaientlaterreetleventsoufflaitdansmafourrure.Jefilaisàtouteallure,àlapoursuitedulièvrepaniquéquibondissaitdanstouslessens.Maisjenelesentisquetroptard...Un loup gris, dont la fourrure était parseméede blanc,me dépassa et se rapprocha de la

proie. Marcus. Je grondai et accélérai. Il me rendit mon grognement. Il n'était plus qu'àquelquescentimètresquand je luibondisdessus, lui faisantperdre l'équilibre. Ildisparutentrelesarbres.J'ouvrislagueuleetsaisislanuquedulapinquipoussaunultimecri.Jem'arrêtaietla broyai, sentant le goût métallique du sang gicler dans ma gorge qui gronda, satisfaite.Marcusréapparutdevantmoiets'ébrouaavantdes'asseoir,attendantpatiemment.J'enfonçai mes crocs dans la chair bouillonnante du pauvre lièvre et avalai goulûment la

viande saignante. Je lui lançai un regard triomphant qui disait : « Tu es rouillé, vieillard ! » Ilgronda,indigné.Telsdesloups-garous,oncourrapendantplusd'uneheure.Quandonarrivadevantunlac,ondécidadesemétamorphoser.Onpartitchacund'uncôté.

Cachéentrelessapins,j'étaisnu,maislefroidnevousdérangepasquandvotretempératurecorporelleestsupérieureà39°C.Pourcequiestdelanudité,lesloups-garoussontloind'êtrepudiques.Ona l'habitudequandonapassé toutesonenfanceàse transformeraumilieudegarous.Quandjesortisdemonabri,ilétaitassissurunlargerondindeboisfaisantfaceaulacgelé, le dos courbé et les bras posés sur les cuisses, le regard perdu dans le vide. Jem'installaiàcôtédelui.Ilritd'unevoixrenduerauqueparlechangement.—Jemesouviensencoredecejour,oùtum'asreprochépendantplusd'unesemained'avoir

tuécettebiche!plaisanta-t-ilenregardantl'horizon.Ilsecoua la tête.Moiaussi jemerappelaisdecette journée.Jedevaisavoirhuitans.Pour

mapremièrechasse, lameuteetmoidevionschasser lecerf.Jepenseque j'auraissupportédevoirMarcustraquercettepauvrebichesionn'avaitpasregardéledessinaniméBambi, laveille.Aprèsça,jel'avaisaccuséd'avoirtuélamèredeBambi.—JevenaisdevoirBambi!répliquai-je.—Peut-être;cependant,tuesdevenuuntrèsbontueurdePanpan,ironisa-t-il.Jehaussailesépaules.—Aumoins,jenesuispasrouillécommecertains.Iléclatadesonrireéraillé.—Jet'ailaisségagner,Alpha!Ilredevientsérieux.—Certaineschosesnes'oublientpas,murmura-t-il.Laprairieétaitcalmeetsilencieuse.Elleavaitrevêtusongrandmanteaublanc.L'atmosphère

étaitlégèreetpaisible,prompteauxconfidences.Jesaisisl'occasion.—Tuconnaissaislamèred'Emma,n'est-cepas?Ilfermalesyeuxensouriant.—Elles'appelaitMariaWhite,dit-iltendrement.C'étaitlaplusbellefemmequejen'aijamais

vue.—Ques'est-ilpassé?demandais-jeintriguédevoirautantd'amoursursonvisage.

— Elle venait de l'autre côté... murmura-t-il. Mais, quelle femme ! reprit-il en rouvrant lesyeux.Elleétaitdifférented'eux.Elleaimait laforêtpresqueautantquemoi.Jel'aiaperçueunbeaumatins'ybaladant.Ilricanaetsecoualatête.J'aimistroisjoursàl'aborder...puisnousnoussommesrapprochés.Ils'arrêtaetlevaleregardverslecielblanc.—Elleauraitmieuxfaitdenejamaismerencontrer,marmonna-t-il.—Pourquoi?l'interrogeai-jed'untonsurpris.Qu'est-cequiacloché?—Quandons'estrencontré,Mariaétaitdéjàmariéeàce«CharlesGordon».Onsavaitque

c'était mal, mais on était prêt à tout pour rester ensemble. Cependant, il y a eu un petitchangementencoursderoute...Jeleregardaisanscomprendreetiléclataderireenvoyantmonexpression.— Ou plutôt un grand changement pour toi ! Maria est tombée enceinte... de Charles,

murmura-t-il.Etquelquesmoisplus tard,Emmaestvenueaumonde.GordonsedoutaitqueMariaavaituneautreliaison,maisaveclanaissanced'Emma,onatoutfaitcommesitoutallaitbien.PuisEmmaagrandi.Ilsourit.—Maria venait dans la forêt tous les jourspourpeintre ses tableaux, tandisque je restais

aveclapetiteàluimontrerlesanimauxdelaforêt.Ilsecoualatête.—Jeluioffraismêmedescadeauxpoursonanniversaire!Sonsouriresefanaetilpritsatêteentresesmains.—Elleétaitvraimentgénialecettepetite.Toutétaitparfait.Quandilrelevalatête,cefutavecunregardremplidehaine.—Marian'estpasmortedansunaccidentdevoiture.Cejour-là,elleavaitdécidéderester

dans son chalet avec Emma. Je les ai laissées seules... sans protection. Quand Dawson aapprisqu'ilnedeviendraitpaslenouvelAlpha,ilaperdulecontrôle...Ilestdevenuunrenégat,souffla-t-il.Quandj'aicompriscequ'ilsepassait,j'aicouruauchalet,maisquandj'ysuisarrivé,DawsontenaitEmmaetMariaétaitallongéesurlesol,inerte.Sonvisageaffichaitunesouffrancesifortequejen'osaipasl'interrompre.—J'aiétéprisd'unetellerage,Darren,j'aicruquej'allaistout...Ildétournalatêtepourmecachersonvisage.—Dawsonaprispeurets'estenfui.Iln'avaitpasencoresapuissanceactuelle.Emmaétait

couverte de sang et tremblait entremes bras. Il l'avait brisée. Je ne pouvais pasm'occuperd'elle,expliqua-t-il.Ilsetutquelquessecondespourreprendresonsouffle.—Jepensaisbienfaire,Darren,reprit-ilenbaissantleregard.JeL'aiappelé.Monsangseglaça.—Jeluiaidemandédevenireffacersamémoire...Ilétaithorsdequestionqu'elleviveavec

tout ça, qu'elle vive avec notre secret ! Puis je l'ai conduit àCharles, la laissantm'oublier etpenserquesamèreétaitmortedansunaccidentdevoiture,etjen'aiplusjamaisrevuEmma.—Tusaisquel'hypnosedesjeunesvampiresnedurequ'uncertaintemps.Ellecommenceà

sesouvenir,Marcus.Elleadesflash-back.EllesaitdéjàqueDawsonatuéMaria,elleadesdoutes sur lesmeurtres !Elle sait qu'un loupet unhommesont impliquésdans l'histoire.Cen'estqu'unequestiondetempsavantqu'ellenedécouvrelavérité.Ilsoupira.—Jesais,Alpha.—Oui,tusavaisqueDawsonessaieraitdel'avoirpoursevengerdenous.C'estpourçaque

tuesrevenu.Maintenant, jecomprends.Dawsonn'a jamaiseu l'intentionde laisserEmmaenvie, il est revenu pour finir ce qu'il a commencé, il y a 10 ans. J'ai fait mes recherches. LeConseilnet'ajamaisobligéàveniràArcane,tut'esproposé.Depuisledébut,tusavaiscequisetramaitici.Tun'asjamaiscessédeveillersurelle,attendantlejouroùelleauraitbesoindetoi.Ilseredressa.— Notre conversation est finie, Darren. Tu devrais retourner au manoir, elle risque de se

réveiller.Ilmejetauncoupd'œil.—Lierunehumaineàlameutepeutavoirdeseffetsassez...étranges.—Commenttu...—Jesaisbeaucoupdechoses,Alpha.Unlapinbougeadanslesbuissons.Avantquejen'aiepubouger,Marcusseretrouvaàl'autreboutdelaprairieaveclelapinàla

main.—TuesrouilléAlpha,rigola-t-il.Puisils'éloignalentement,laissantlelapins'enfuir.

CHAPITRE13EMMA

J'ouvrislentementlesyeux.Mescheveuxvolaientautourdemonvisagetandisquejeflottaisdans le videcommesi j'étaisenapesanteur. J'étaisdansunesortedepièceoù lesmurs, leplafondet lesolétaientblancs,saufqu'aucunmurnesemblaitm'arrêter.C'était commesi jenageais dans l'infini. Un courant invisible me portait, me faisant errer. D'étranges vaguesoscillaientversmoi,tellesdessirènes.Ellesavaient toutesdes teintesdifférentes,passantde l'orangeclairà l'orangefoncé.J'eus

unmouvementde recul,maiselless'amusèrentàme frôleretàme taquiner,commesiellesétaient intriguées par ma présence. Je sursautais à chacun de leurs contacts, qui étaientcurieusementbrûlants.C'étaitcommeentrerdansunbonbainchaudalorsquevousêtesgeléjusqu'à la moelle. Leurs caressesme réchauffaient au plus profond demon âme, dans desendroitsque jen'aurais jamaiscruaccessibles.Jemedétendaiscommecen'étaitpasarrivédepuisc'esttroisderniersjours.Elless'infiltraientenmoi,nettoyantlamoindreparcelledemoncorps de toute sa solitude et de toute sa tristesse. Une vague vint jouer entre mes doigts,laissantderrièreelledesrefletsétincelantsquidisparaissaientpeuàpeu.Jefustoutd'uncoupsubmergéeparuneboufféedeplaisiretdebonheur.J'auraispurestericiindéfiniment,maisjeperdisl'équilibreettombaisubitementdanslevide,

regardantlesvaguescoloréesdeplusenpluspetitesoscillerau-dessusdematête.Quand j'ouvris les yeux, j'étais enveloppée dans d'épaisses couvertures grises chaudes et

douillettes.L'odeurdeDarren imprégnait les tissus.J'enfouisma têtedans lescouverturesetinhalai cemélange de parfum chic de forêt et cet arômequi était si spécifique àDarren. Jem'étiraiet laissai retomberma têtedans lecoussinmoelleuxoùelles'enfonçaagréablement.Jemesentaisdifférente,commesiquelquechoseenmoiavaitchangé,maisjen'arrivaispasàmettreledoigtdessus.Jemesentaisjuste...moinsseuleetétonnementsereine.J'entendisdel'eaucoulerdepuislasalledebain.Darren,pensais-je.Jemeredressai,subitementréveillée.Lelitdanslequelj'étaisassiseauraitpuaccueillirtrois

personnes,voireplus.Ilétaittoutsimplementgigantesque.J'écartailescouettesetremarquaiquejeportaisencoreleshabitsd'Amy.J'enprofitaipourjeterunbrefcoupd'œilàlachambre,je n'y avais pas vraiment fait attention quand j'étais avecDarren, disons que j'avais d'autresoccupations...C'était une belle pièce assezmoderne dans les tons gris et blanc.Ce quimesurprit fut cette immensebaievitréequidonnait sur la forêt,elle faisait toute lahauteuret lalargeurdumur.C'étaittrèsimpressionnant,commesilaforêtfaisaitpartiedelachambre.Puis,pourcompléterl'ambiance,unmagnifiquetableaumontrantdesloupsendormislesunssurlesautres surplombait le lit et dominait la chambre. Pour finir, quelques commodes et quelquesfauteuilsétaientarrangésdans lapièce.Jepusapercevoir lesoleildisparaîtreà l'horizonparl'immense baie vitrée. Un dernier rayonm'éblouit et je mis mamain en visière, clignant desyeux.Souslesoleilcouchant,lachambres'illuminad'unteintorangeâtre,donnantunel'atmosphère

surréalisteetirréelle.L'eaus'arrêtadecouleretjem'immobilisaiinstinctivement.La porte en face du lit s'ouvrit. Darren s'arrêta dans l'encadrement enm'apercevant. Ilme

sourit, mais j'étais trop occupée à regarder son torse magnifiquement musclé ruisselant degouttesd'eau.Sescheveuxnoirsétaientplaquéscontresonvisagehumideetunesimpleservietteblanche

entourait sa taille. Il était encoreplusbeauque jene lepensais. Jedusme forcerànepasbondirdulitpourallerlécherl'eauquicoulaitlelongdesapoitrine.Il éclatade rire, cequime fit frissonneretquim'indiquaqu'il savait trèsbienàquoique je

pensais.Jerougisetcroisai lesbrasendétournant leregard.Jedevaissemblerridiculeavecmescheveuxenbatailleet cesvêtementschiffonnés. Il s'avançaet je reculai instinctivement,meplaquantcontrelatêtedulit.Ilmesaisitlachevilleetmetiraàtraverstoutlematelasavantdeselaissertomberàcôtédemoi.Jelefusillaiduregard,étaléesurledos.Enréponse,ilmedévisageaavecsonsourirecharmeur.Je tentaidésespérémentd'éviterson regard, les jouesen feux.Leplusgênantc'étaitqu'ilm'attiraitetqu'il lesavait trèsbien !Je jetaiunbrefcoupd'œildanssadirection...Sonsourires'accentua.—Quoi?m'exclamai-jeentapantdupoingsurlacouette.—Tuesencoreplusbelleendormie,susurra-t-ilenserapprochant.Jedéglutislagorgesèche.S'ilmetouchait,jenerépondaisplusdemesactes.—Arrêtedefairetoncharmeur!ripostai-je.Unrictusseformasurseslèvres,maisilnefitaucuncommentaire.—Tutesensmieux?demanda-t-ilfinalement.—Oui,j'aijusteunpeumallatête,avouai-je.Ilposasamainsurmon front, l'air inquiet.Curieusement,soncontactmesoulageaet ilme

rappelamonétrangerêve.Jem'écartai.—Cen'estrien,net'inquiètepaspourça!—Tut'esévanouie,alorssi,c'estinquiétant,Emma!s'entêta-t-il.—Darren!m'exclamai-jeenluiprenantlamain.Jevaisbien!J'aisimplementdûm'évanouir

àcausedetoutcestress.Jefronçailessourcilsetmefrottailatête.—Jemesensbizarre,commesiquelquechoseavaitchangé...—Tut'esévanouie.C'estnormalquetutesentesbizarre.Ilm'embrassa le frontet je fermai lesyeux.Soncontactm'apaisait vraiment,cen'étaitpas

normal.Darrenm'avaittoujoursfaitsentirdifférente,maispasàcepoint-là.Jemeredressai.—Jevaistelaissert'habiller,dis-jeentraversantlachambre.J'arrivaidevantlaporte...enfindecequ'ilenrestait.—Ilfaudralafaireréparer!dis-jeeninspectantlapauvrecarcasse.Ilrigola.—Laprochainefois,onneserapasinterrompus.Jeluisouristimidement.Aumomentoùjesortaisdelapièce,ilseleva.

—Emma,attends!—Qu'est-cequ'ilya?demandai-jeenmeretournantverslui.Ils'arrêtadevantmoi.—J'aiditquej'avaisquelquechosepourtoi.Fermelesyeux.Jeledévisageai,intriguée,maisobéis.Ilpassaderrièremoietrepoussamescheveuxsurle

côté. Ilm'embrassa la nuqueavant depasser une chaîneautour demoncou.Uneodeur debrûlémechatouillalesnarines.—Tupeuxlesrouvrir,chuchota-t-il.Unesuperbechaîneornaitmoncouoùuncœurincrustédediamantsypendait.Jeluisouris.—C'estmagnifique,murmurai-je.—C'étaitàmamère.Lecollierest faiten l'argentpur,déclara-t-il.Celuidont tuaspeurne

pourraplustefairedemal.—Avectoi,jesaisquejesuisensécurité,dis-jeavantdeluidonnerunbaiseretdesortirde

lachambre.Dans le couloir, je m'appuyai contre le mur en soupirant et restai quelques secondes, le

tempsde l'entendreouvrirun tiroiret retournerdans lasalledebain.Desvoixs'élevèrentdusalon. Je reconnuscelled'Alec; jepréféraisêtreavecAlecplutôtque tomber surMalory. Jedescendis lesescaliers.J'allaisrentrerdans lesalonquand jecomprisqu'ilsparlaientdemoi.Jem'arrêtaietmepressaicontrelemurpourécouter.—Jel'aisentiefrôlernosliens!murmuraMalory.—C'estnormal,Darrenl'aliée,expliquaAmy.—Ça,jel'avaiscompris,aboya-t-elle.—Malory!grondaunevoixd'hommemenaçante.—Oh!Arrêtez!Ellen'estpasnormalecettefille!Jamaisunehumainen'avaitréussiàentrer

dansnosliens!—Peut-être,maisçaneserapaslapremièrefoisqu'oninsèreunehumainedansnosclans,

réponditcalmementAmy.LeFenrirl'adéjàfaitunefois.—Maiselle lesa touchés !C'estdifférentquedesimplement lessentir, repritMalory.Elle

n'estpasnormale!—Ettoi,tul'es,peut-être?ripostaAlec.J'aiconfianceenDarren.Ilsaitcequ'ilfait.—Puiselleestgentille,ajoutaAmy.Shadluiaparléetil...—Tais-toi!cracha-t-elle.—ÇasuffitMalory!aboyal'homme.Sorsd'ici!Jememassailecrâne.Monrêveavait-ilunlienavecleursconversations?Pourlapremière

fois, j'eus vraiment la sensation qu'ils étaient différents de nous. Toutes ses histoires dehiérarchie, de liens et de Fenrir devenaient de plus en plus étranges et de plus en pluscompliquées.Moiquicroyaistrouverdesexplicationsdel'autrecôté!J'avais eu tort. En plus des meurtres, je me retrouvais dans un nœud de mystère

indémêlable.Je remontai les dernières marches et descendai bruyamment l'escalier. Ils s'arrêtèrent de

chuchoter.Quand j'entraidans lesalon,Maloryme fixaavecun regard remplidehaineetde

reproches.Elles'avançaverslasortieetmebousculaavantdedisparaîtredanslehall.Il y eut un long silence gêné.Alec resta accoudéà la cheminée, évitantmon regard.Amy,

assisesur lecanapéavecShadàsespieds,baissa le regard, tandisqu'unhommedeboutàcôtédessiègesmedévisageait.Jene l'avais jamaisvu,exceptésur l'unedesphotos. Ilétaitassez imposant... il aurait pu faire carrière dans la sécurité. Il était large d'épaules et trèsmusclé,avecdescheveuxbruns.—Emma,commençaAmyjeteprésenteUlric...—Alorsc'esttoiEmma,coupal'hommeenmescrutantdehautenbas.Ils'avançaversmoietAmyseleva,cequimestressa.Quandilarrivaenfacedemoi,jeme

sentistoute...fragile.—Alors,c'esttoilapetitechosequifais«craquer»Darren,marmonna-t-ilétrangement.Jefronçailessourcils.Jen'aimaispasqu'onmequalifiede«petitechose».—Oui.Çaposeunproblème?demandai-jed'unevoixpleined'assurance.Ilhaussalessourcils.Lerirejuvéniled'Alecrésonnadanslesalon.—Jet'avaisditqu'elleavaitducaractère.MaisUlricneluiprêtapasattention.—TuappartiensàDarren,déclara-t-il.C'étaitreparti.—Non,jen'appartienspasàDarren.—Si,affirma-t-il.Jecroisailesbras.—Non,jenesuisàpersonne,contrai-je.—Tu...Jegrommelaietm'avançaimenaçanteenlepointantdudoigt.—Écoute-moibien,Musclor.Jen'appartiensàpersonneetencoremoinsàDarren!Jesuis

unefillelibre!ToutlemonderegardaUlricetattenditsaréplique.Finalement,ilsecoualatête,résigné.—Tutriches,marmonna-t-il.Jeluisouris.—Onnepeutpasgagnertouteslesbatailles.Ileutunsourireencoin.—Maisjen'aipasperdulaguerre.Jemismespoingssurleshanchesensouriant.—Tupeuxtoujoursespérer!Ilregardapar-dessusmonépauleetunrictussedessinasurseslèvres.—Tuluiappartiendrasavantlafindelasemaine,paria-t-il.—C'estcequ'onverra!Darren se racla la gorge derrière moi. Je frissonnai et me retournai. Nos regards se

croisèrent.—Ouais!C'estcequ'onverra,susurra-t-il.

Ilséchangèrentunsouriretrèsmasculin.Jenelesentaispascecoup-là...—Jevaisyaller.Darrenredevientbrusquementsérieux.— Je ne vais pas vous déranger plus longtemps ! expliquai-je. Amy, je te rendrais tes

vêtementsdemain.—Oh!Net'inquiètepas!J'ail'habitudedeperdremesvêtements!sourit-elle.Toutlemondeseregarda.—Oh...jenevoulaispasdire...Elleritbêtement.JesentisleregarddeDarrendansmondos.Jegigotaigênéeetmedirigeaiverslaporte.Desvoixchuchotèrentderrièremoi,puislespas

deDarrenrésonnèrentàmasuite.—Emma!Jemeretournai.—Çatediraitdevenirvisiterlevillageavecnous?Jenepusm'empêcherdesourire.—C'estunrendez-vous?demandai-je.—Tum'endoisun,n'oubliespas!Jegrimaçaienrepensaitàmonrendez-vouschaotique.—Oui,pourquoipas!Sonvisages'illumina.—Jeconnaisunsuperbar,tuvasaimer!AmysetapalefrontetsaisitDarrenparlamanche.—Tunevasquandmêmepasl'ameneràlaTanière?chuchota-t-elle.Darrenl'écoutaitàpeine.—Si,répondit-ilencherchantsavesteduregard.—Jepensaisquetul'amènerais...Jenesaispas...Dansunendroitunpeuplusromantique.—Jesuissûrequ'ellevaaimer.—Mais...Ils'écartad'elleetposasamaindanslecreuxdemesreins.—Tuveuxpassertechanger?—Oui,jeveuxbien.—Onseretrouveaubar?Tout lemondeacquiesçaetonsortit.Maisavantque laportenesereferme, j'eus le temps

d'entendreAlecaffirmerquejenetiendraisjamaislasemaine.Lesdésétaientjetés.

***Jenem'étais jamaisvraimentamuséeà imagineràquoipouvait ressembler la facecachée

d'Arcane. Je m'attendais simplement qu'elle soit sombre, sinistre, ou juste silencieuse; mais

c'étaittoutautre.Darren m'avait conduite à la maison pour me changer. J'étais si pressée de voir à quoi

ressemblait ce fameux village tant redouté que j'avais enfilé les premiers habits qui metombaientsouslamain.Aufinal,jemeretrouvaisvêtued'unjeannoirtrèsmoulantetd'unpetittopàfinesbretellesrouges...enpleinhiver.Troppressée,j'avaisjusterajoutéungiletnoirpourmecouvrir.Cequim'avait le plusétonnée, c'était de voir avecquelle facilitéDarrenavançaitentre les arbres. Il glissait gracieusement alors que moi, je ne pouvais pas m'empêcher detrébucher tous lesdeuxmètres.Aprèsquelquesminutesàmedébattre, il était venum'aider,tentanttantbienquemaldecachersonsalepetitsourirenarquois.J'avaisdûleralentir,maisilne se plaignit à aucunmoment, s'adaptant àmon rythme, et nous continuâmes ainsi jusqu'àarriver sur un petit chantier dégagé, où la forêt commençait à reculer pour laisser place auxpremierspavés.L'environnementnechangeaitpas tellement : toujoursceshorriblespavésetcesmaisonsenboisquiétaientcependantplusmodernes.Cequiétaitdifférent–etdifférentétaitunbienpetitmot–c'étaitl'atmosphèrequisedégageaitduvillage.Mon Arcane était calme et paisible, alors que celui-ci dégageait une joie de vivre et une

sensationdebéatitudequivouspercutaientdèssortiedelaforêt.Jecomprisrapidementquelaplupartdes«magasins»étaientdesbarsoudesclubs.Lesmaisonsdevaientsetrouveraufin fond du village, là où les nombreux touristes n'avaient pas le courage de s'aventurer. Lesruellesétaientgaiementéclairéespar lesnéonsrouges,vertsetbleusdesbistros.Desgens,que ce soient des habitants ou des visiteurs, peuplaient toutes les entrées des cafés, saufd'une.Ons'arrêtasur le trottoirdevant lepetitbâtiment inondédurefletbleufluoqueproduisait le

néonaccrochésurlafaçadeindiquant«LaTanièreduloup».Sansunmot,Darrenmepritparlatailleetmemurmuraàl'oreille:—Resteprèsdemoi.Il ouvrit la largeporteenbois.Uneodeurdebièremechatouilla le nez.Alorsqu'onentrait

dans le bar, le brouhaha cessa et toutes les têtes se tournèrent vers nous. J'eus l'horribleimpressionqu'onm'observaitàchaquerecoindelapièce,cequiétaitprobablementlecas.Jesentaischaqueregardquitentaitdemedécrypter,demettreànutousmessecrets.J'eusungeste de recul, mais Darren mit ses mains sur mes épaules et me força à avancer. Lebrouhaha recommença et on se désintéressa de moi. Ce qui n'avait duré qu'une secondem'avaitparu interminable.Unhommese frayaunchemindans la fouleetarrivaversnous lesbrasgrandsouvert,unlargesourireauxlèvres.—Al...commença-t-iljoyeusement,maisjesentisDarrensecrisperdansmondos.Jemeretournaipourledévisager,intriguée,maisilsecontentademesourireinnocemment.

Jereportaimonattentionsurl'hommequigrimaça.—Hum...Darren!reprit-ilmaladroitement.Jesuisravidetevoirici!Ilbaissaleregardversmoietsonsouriresetransformaenunrictus.—Alors,c'estelle...marmonna-t-il.J'étaisprêteàtoutpourquemonrendez-voussepassebien,alorsjevoulusfairelafillebien

élevée.—Bonjour,jem'appelle...

—Emma,finit-il.Jesaisquitues.Cool!Jesuiscélèbre!Ilmetenditlamain.Jeladévisageai,méfiante,ettendislentementla

mienne.Illasaisitrapidement,mefaisantsursauteretlaportaàseslèvres,maisavantqu'ellenelestouche,Darrenretiramamaindelasienneetposasonmentonsurmatête,m'entourantdesesbrasensignedepossession.—Pastouche,dit-ild'unevoixvibranteàlafoisdefierté,dejoieetd'excitation.Àcessimplesmots, legarçonquinousavaitaccueillisreculaunsourireauxlèvres, lesyeux

tournésverslesol.Onsefrayauncheminverslefonddelasalle,maisplusieurshommesainsiquedesfemmesvinrentsaluerDarrenquinemelâchaitpas.J'aperçusAmy,assiseàunetabledu fond. Jeme tortillai dans lesbrasdeDarren,quime libéravisiblementavec regretetmeregarda partir vers ma nouvelle amie avant de reprendre sa discussion. Les tables étaientdisposéesunpeupartoutdans lasalle,exceptéaucentreoùse trouvaitunepistededanse,qui conduisait jusqu'à un gigantesque bar qui permettait les danseurs à venir boire un verre.Ainsi,entraversantlapiste,jepouvaisapercevoirchaqueclient.JeremarquaiUlric,Maloryetd'autres personnes en grande conversation à quelquesmètres d'Amy,mais ne vis pasAlec.PlusieurstablesselevèrentchacuneàleurtourpourallersaluerDarren,cequimeralentit,carjedusmeglisserparmilafoulequimesaluaitaupassage.Quand j'arrivai près d'Amy, j'avais le souffle court et j'étais rouge à cause de la chaleur.

J'enlevaimonmanteau, etmêmesi jeme retrouvai engilet avecmonpetit top, jemesentismieux.Jem'assisàcôtéd'Amyenmeglissantsurlebanc.Ellesouritetpritprobablementmarougeurpourdelagêne.—Cen'estpastrèsromantique,n'est-cepas?Jegrimaçai.—Àvraidire, j'avaispeurqu'ilm'amènedansunendroitsuperchic.Cen'estpassimalen

réalité...mêmesij'ail'impressionquetoutlemondemeconnaitdéjà!Elleacquiesçaensouriantetredirigeasonattentionsurlafoule.—Ne t'inquiète pas, ça va bientôt se calmer.C'est juste qu'ils doivent aller saluerDarren,

expliqua-t-elleenobservantunetable.C'étaitcelled'UlricetdeMalory.Ellesourit,maisj'aperçusdelatristessedanssesyeux.Jem'approchaipourluimurmurer:—C'esttonex-copain?Ellesursautaetmeregardasurprise.—Ohquenon!répondit-ellerougissante.Ellesoupira.—C'estjusteune...connaissance.—Pourquoinevas-tupasluiparler?Demandai-je.Ellepouffa.—Moi?Allezluiparler?Jen'oseraijamais.Regarde-le...Ilestrespectédetousetc'estle

meilleuramideDarren!Tumevoisallerluiparler?Ellesecoualatêteetmesourittimidement.—Jemeridiculiserais.

—Pourtant,iln'apasl'airinsensibleàtoncharme,marmonnai-jepourlataquinergentiment.Ellesedéplaçaetse remità l'observer. Ildutsentirson regardsur lui, carsesépaulesse

crispèrent,et ilseretournaversAmy.Ellesursautaetbaissarapidement leregardcommesiellenel'avaitpasvu.—Merde,marmonna-t-elle.Ilm'avue!Ulric laregardaquelquessecondesensouriant,puis ilseretournacommesiderienn'était.

Jedevinaiqueçanedevaitpasêtre lapremière foisqu'elle se faisaitprendreen trainde lemater.—Ilregardeencore?chuchotaAmy.Jesecouailatêteensignedenégationetellesemblasoulagée.Cetypeaunradardansledos!Maismêmesielles'étaitfaitsurprendre,ellerecommençaà

l'observeravecunregardpleindetendresse.J'eussoudainl'impressiondemevoirentrainderegarder Darren. Instinctivement, je le cherchais dans la foule et me sentis soulagée enl'apercevant.Sentait-illuiaussimonregardposésurlui?—Jevaischercherdesboissons,tuveuxquelquechose?demandai-je.—Oui,marmonnapensivementAmy.Tuveuxaussiquelquechose,Shad?JeclignaiplusieursfoisdesyeuxetmerenditcomptequeShadsetrouvaitsur lebancd'en

face,recroquevillécontrelemur.Sesyeuxmefixaient.Décidément,jepassaistoujoursàcôtédeluisansleremarquer!—Del'eau,souffla-t-ilcachédansl'ombre.—Moi,jevaisprendreunBloody.Jemelevaisansattendredavantageetretraversailapistequiétaittoujoursaussibondée.Là

encore, des gens me saluèrent comme si j'étais une personne importante et qu'on seconnaissaitdepuislanuitdestemps.Jemecontentaideleursourirepolimentencontinuantdemedirigerverslebar.Quandjeréussisàl'atteindre,jem'yappuyaietmepenchaipourpasserma commande. Le barman se retourna et je reconnus l'homme qui avait voulume baiser lamain.—MlleEmma!s'extasia-t-ilens'accoudantcontrelecomptoir.Quepuis-jevousservir?—Unverred'eau,unBloodyMaryetunjusd'orange,commandai-je.Ilmefitunclind'œilet

partitchercherlesboissons.Lapistededansecommençaitàsevider lentementet lesclientsretournaientà leurstables

quandunemusiquerythméedémarra.Desfemmespoussaientdescrisdejoie,alorsqu'onlesinvitaitàdanser.Lebarmanposalesverressurlecomptoir.Lamusiqueétaittellementfortequejen'essayai

mêmepasdeparleretesquissaiunsignede la têteenguisede remerciement.Je tentaidesaisir les trois verres et réussis après maints essais. Je me mis en route vers la table.J'avançaisdoucementenfaisantbienattentiondenepasrenverserleliquide.J'avais presque quitté la piste de danse quand une femmeme percuta. Je titubai, faisant

pencher lesverres.Darrenmesaisitpar la taillepourmerééquilibreretpritundesgobelets.Je grimaçai en articulant silencieusement un « désolée ». Il se pencha et m'embrassa.Surprise, je restai sans bouger. Des rires résonnèrent en provenance des tables autour denous.Jelefusillaiduregardetilmesouritfièrement.Jesecouailatêteetpréféraiabandonner

toutdesuite.Onretournaàlatabledéposerlesverres.J'avaisvraimentl'impressionquetoutlemondese

connaissaitetquetousformaientunegrandefamille,commesiquelquechoselesunissait.Ulricnous rejoignit; alorsqu'ons'installait, il s'assit à côtéd'Amy.Elledétourna légèrement la têtepournepascroisersonregard.Jesourisenportantmonverredejusd'orangeàmeslèvresetenprisunegorgée.Shad,assissurlamêmebanquettequemoi,m'imitaavecsonverred'eausansmequitterdu regard.JemecollaiunpeupluscontreDarrenen frissonnant.Cegarçonmedonnaitlachairdepoule.—OùestAlec?demandai-jeenreposantmongobeletenmêmetempsqueShad.—Oh!Ilestentraindetravailler,rigolaAmy.Ilnedevraitpastarder.—Qu'est-cequ'ilfaitcommetravail?— Rien de très spécial, il travaille dans un bar, m'expliqua-t-elle en portant à son tour le

liquiderougeàseslèvres.J'acquiesçaietsursautaienmerappelantsoudainementquemonpèrerentreraitplus tôtdu

travailaujourd'hui.Ets'ilnemetrouvaitpasàlamaison...—Jedoisallerpasseruncoupdefil,dis-jeenmelevant.Jereviensdanscinqminutes.Darrenmeretintparlamain.—Tuveuxquejet'accompagne?—Çavaaller,jevaisjustedevantlebar.Jeneseraipaslongue.Ilmelâchalamainetjesortisdelasalle.Larueétaitmaintenantdéserte,etsansmonmanteau, il faisaitfroid.Jeprismontéléphone

portabledansmapocheetcomposailenumérodeCoraline.Sansm'enrendrecompte,jememisàfairelescentpassurletrottoir.—Allo?réponditlavoixensommeilléedeCoraline.—C'estEmma.—Quellesurprise!ricana-t-elleavecironie.Jegrimaçai.—Désoléedet'avoirplantéetoutàl'heure,m'excusai-je.—Oh...n'enparlonsplus!Oùes-tu?—Tuveuxvraimentlesavoir?Ilyeutunlongsilenceàl'autreboutdufil.Jecrusqu'elleavaitraccrochéquandellereprit.—Non,aprèsréflexion,jeneveuxriensavoir.—J'auraisbesoinquetum'aides,déclarai-je.—Emma!s'exclama-t-elle.Dansquoit'es-tuencorefourrée?—Simonpèret'appelle,peux-tuluidirequejedorscheztoi?demandai-jed'untonsuppliant.Coralineéclataderire,cequimesurprit—Quoi,c'esttout?Pasdemeurtreoud'accident?—Heu...non.Ellerepartitdeplusbelle.—Jem'attendaisàceque tumedisesdeprendreunepellepourenterreruncadavre,dit-

elleenriantdesapropreblague.—Tuessûrequeçava?risquai-jehésitante.—Oui,oui,jem'occupedetout!BonnesoiréeEmma.Etellecoupalaconversation.Jeclignaiplusieursfoisdesyeux.—Ouais...autantpourmoi,chuchotai-jeàvoixbasse.Jerangeaimonportable.C'estalorsqu'unebandegarçontournaaucoindelarue.Ilss'arrêtèrentenmevoyant.Jefis

demi-tourverslebar.—Hé!Tuvasoùcommeça?crial'undesgars.Jereconnuslavoixd'undestypesquim'avaientagresséelejourdemonarrivéeàArcane.Je

m'arrêtaipourluifaireface.Sonvisages'illuminaquandilmereconnutàsontour.—Mais on se connaît ! Lesmecs, c'estEmma, susurra-t-il. Alors, comme, ça c'est vrai...

quetu«flirtes»avecl'und'entreeux.Jeserrailespoingsetfisunpasenavant,maisunevoixm'interrompit.— Vous feriez mieux de la fermer, tonna la voix d'Alec. Ou sinon, c'est moi qui vais vous

baiser.J'aperçusAlecsortirdel'ombredubâtiment.Jesentismoncorpssedétendre.—Oh!Allez!Onn'aplusledroitdes'amuser?—Arcanen'apasbesoind'idiotsdansvotregenre.Barrez-vous!Letypes'avança;menaçant.—Répèteça!hurla-t-ilenenvoyantsonpoingqu'Alecsaisitfacilement.Alecpressalamaindesonassaillant.—J'aidit...Dé-ga-gez.Unhorriblecraquementrésonnadanslanuitnoireetuncrisuivit.Aleclerepoussaetl'homme

tombaparterre,serrantsonbrascontresapoitrine.—Mamain!Ilm'abroyélamain!hurla-t-il.Jegrimaçai.Alec s'approcha demoi, fier de lui, sans prêter attention au groupe qui ramassait son ami

sanglotantpuispartaitencourant.—Merci.Maintenant,ilsvontvouloirnotremort!ironisai-je.Ilricana.— C'est à moi que tu fais la leçon ? Darren te laisse cinq minutes et tu as déjà des

problèmes!Attendsquejeluiraconte,susurra-t-il.Jelefusillaiduregardetcroisailesbras.—Tun'oseraispas!Ilpouffa.—Jevaismegêner.Àmoinsque...–ilfitungrandpasversmoietmeregardadehaut–tu

nem'accordesunedanse.—Tupeuxtoujoursrêver!—Commetuveux,déclara-t-ilensemettantàtournerautourdemoi.Maissachequetune

serasplusjamaisseule,chaquejourdetavieserasurveilléparungarde.Plusdeliberté...—Maisc'estduchantage!Iléclataderire.—BienvenueàArcane,machérie,chuchota-t-ilavantderentrerrapidementdanslebar.Jepoussailaporteàsasuitepourl'arrêter.—Alec!l'appelai-je,maisiln'étaitplusdevantmoi.Unemainsaisitmatailleetmefittourner.Instinctivement,jeposaimamainsurlapoitrinenue

d'Alecpourmerééquilibrer.—Alors,tuacceptes?demanda-t-ilavecsonairdevoyou.—Non!m'exclamai-jeenretirantmamain.—Troptard.Il m'entraîna sur la piste. Des hommes sifflèrent. Je cherchai Darren du regard. Quand il

m'aperçut, j'articulai "helpme". Il s'avança avec un grand sourire aux lèvres. J'eus une onded'espoir,maisils'assitsurlatablelaplusprochepourmieuxnousregarderdanser.Jeluilançaiunregardpleindesupplices,maisiln'enfitrien;aucontraire, ils'installaplusconfortablementsur sa table. Je lui envoyai un regard qui disait « Tume le payeras », et il rigola. Je fixai ànouveaumonattentionsurAlec.—Jenesaispasdanser,tentai-jeenvain.—Tun'asqu'àsuivremespas,murmura-t-il.Unemusiquecommençaetilmefittournersurmoi-mêmeavantdemeramenerversluid'un

geste fluide et calculé. Il conduit la danse comme un professionnel, me faisant valser ettourbillonner.Ilsaisitmatailleetmesoulevadanslesairsavantdemereposerausoletdemefairebasculer.Commeils'approchaittropprèsdemonvisage,jemedégageaiinstinctivementavecplusdegrâcequejenem'enseraiscruecapable.Ilrattrapamamain,ilsemitàondulerautour demoi et, sansque je sachepourquoi, jememisà l'imiter.Puis ilm'attira etmepritdanssesbras,toujoursenondulantcontremoncorps,puisàladernièrenote,ilmefitbasculerenmesaisissantlacuisse.Onnousapplaudit.Jemeredressai,lesoufflecourt,etilmesourit,contentdelui.Onseséparaetsedirigeaverslesautres.—Toi!m'exclamai-jeenpointantDarrendudoigt.J'allais l'accuser de m'avoir abandonnée aux griffes d'Alec quand il me prit la main et me

serracontrelui.Unemusiquedouceetromantiquecommença.—C'estavecmoiquetuasunrencard!Tutesouviens?chuchota-t-ilàmonoreille.Ilm'enlaçaetonsemitàbougeraurythmelentdelamusique.Je fermai lesyeuxet respiraisonodeurquiétaitunmélangedebois,demuscetd'eaude

Cologne.Jefisglissermesmainsjusqu'àsoncouetenfouismatêtecontresontorse.DanseravecDarrenétaitdifférent:iln'yavaitpluspersonneàpartnous.Jemesentaispaisibleetensécurité entre ses bras. Je savais que je pouvais lui faire confiance. Quand la musique setermina, nous continuâmes à danser jusqu'à ce qu'un autre slow débute, mais même à cemoment-là, nous continuions sur notre musique, celle qui résonnait en nous, celle qui faisaitbattre nos cœurs à l'unisson, celle de l'amour. Puis quelque chose sembla nous lier l'un àl'autre,jesusalorsinterprétersesmoindresgestes,toutcommeilsavaitinterpréterlesmiens.Unechaleurgrandissantesemêlaétroitementenmoi.Quandlatroisièmemusiqueralentit,on

s'arrêta;jerestailesyeuxfermés.—Emma,souffla-t-ilàmonoreille.Je rouvris lentement les paupières, comme après un long et doux sommeil, et le regardai

danslesyeux.Ilmesemblaqu'ilallaitmedirequelquechosedetrèsimportant,maisjusteàcemoment-là,lescrisd'unefemmerésonnèrentdanslanuit.

CHAPITRE14DARREN

Uneforteodeurdesangs'infiltradanslebaràtraverslesépaissescloisonsenbois.Touslesloups-garous présents se turent et sentirent cette odeur si alléchante que certains dilatèrentleursnaseauxpours'enimprégner.Emmatirasurmamanche,inquiète.—As-tuentendu?chuchota-t-elle.—Oui,répondis-jed'unevoixrenduerauqueparlafaim.Nebougepasd'ici.Alec,tuviens.Quandj'ouvrislaporte,l'odeurmétalliques'amplifia.Emma,quin'auraitpasdûlasentiravec

sonnezhumain,grimaça.Jesortisdans la ruelle,Alecàmes talons.Levillagenepossédaitquepeudelampadaires,maisnousn'enavionspasbesoin.Mavuemepermitdevoircequejecraignais.Lecorpsétaitétenduaucentredelaruelle,surlespavés,dansuneflaquedesanggrandissante. Sa chair était encore tiède et la dépouille convulsait, faisant gicler la jugulaireavec de petits bruits humides. Elle était méconnaissable, ce n'était plus qu'une carcasse deviande sanglante. Il n'y avait aucun doute : c'était l'œuvre de Dawson.Mais pourquoi l'avoirdéposéeicietpaschezleshumains,commetouteslesautresvictimes?J'entendisdessirènesauloin.Ilétaitprêtàtoutpournousfairetomber.Ilfallaitqu'Emmasorted'ici.—Alec.RamèneEmmachezelle,ordonnai-je.Ilacquiesçaetentradans«LaTanièreduloup».Lessirènesserapprochèrentetonaperçut

bientôt des feux bleus et rouges fendre le ciel noir. Je fermai les yeux et écoutai ce qu'il sepassaitautourdemoi:laportearrièreclaquaetAlecfitsortirEmmaparlasortiedesecours.Elleseplaignait,maisobéit.Unefoisqu'ellefutsortieduvillage,jerouvrislesyeuxpourvoir

lespoliciersaccourirjusqu'àlaénièmevictimedeDawson.Alertéspar les sirènes stridentesdes voituresdepolice, les touristes sortirent desbars et

desclubs.Lafouledevintdeplusenplusimportanteautourducadavreetjemefondisdanslamasse.Undesflicsfitreculerlesbadaudsetsoncoéquipierappeladesrenforts.Quelquesminutesplustard,alorsqu'Emmaavaitdûatteindresamaison,uncortègedeflics

envahit Arcane.Ce n'est que lorsque le vent changea de direction etme fit sentir l'odeur deDawsondanslesboisquejecomprisquecen'étaitqu'unediversion.

***EMMA

Il faisait très sombre dans les bois, etmême si Alec était avecmoi, je neme sentais pasrassurée.Jesursautaisàchaquebruitsuspect:legrincementdesbranches,lesanimauxdansles fourrés, sans oublier mon imagination qui me jouait des tours et dessinait des formeshumanoïdesdans lenoir. JesavaispourquoiDarrenm'avait faitquitter levillage.Unnouveaumeurtre avait été commis, et c'était mieux pour moi de partir avant que la police n'arrive,surtoutaveclesrumeursquicirculaientàmonsujet.

—Onestbientôtarrivé,avertitAlecpourmeublerlesilence.Jesoupirai.—Jen'aipasdechance!—Quoi?Tuvoulaisresterdanslesbois?plaisanta-t-il.— Je parlais de mes rendez-vous ! Chaque fois, il arrive quelque chose : tout d'abord

Matthewetmaintenantuncadavre!Jefrissonnaietm'entouraidemesbras.C'estinjuste!— Ils ne sont pas toujours complètement ratés. La première fois, vous vous êtes bien

amusésdanslesbois...—Commenttusaisça?m'exclamai-je.—JesaisTOUT,débita-t-ilthéâtralementenagitantsesmainsdevantsonvisage.Jenepusretenirunsourire.Ons'arrêtaà l'oréedubois,d'oùjepouvaisapercevoir l'ombre

demamaison.—Désolédenepaspouvoirt'accompagnerplusloin.—Non,c'estdéjàbien,murmurai-je.Onserevoitbientôt.—Ouais,acquiesça-t-ild'unsignedelamain.Jen'avaisfaitquetroispasdanslaclairièrequ'Alecavaitdéjàdisparudanslesbois.J'eusla

chairdepouleetmeretournaiverslamaison,ramassanttoutmoncourage.Seuledanslenoir,j'essayaid'ignorerlesbruitsnocturnes,m'imaginantquecen'étaitqueleloupnoirquiveillaitsurmoi.Monpiedbutacontreunepierreet je trébuchai, retenantuncri.Unepierre,me répétai-je...pasunemain!Jecontinuai,têtebaissée,quandjebutaicontrelaclôtureenbois.Toutsepassatrèsvite.Jeprisunegranderespiration.Jememisàcourircommeunedératéeetaussivitequepossibleàtraverslejardinjusqu'àlaported'entrée.Quandj'eusmontélesmarchesduperron, le souffle court, jem'arrêtai lesmains sur les genouxpour reprendrema respiration.Quandjemeredressaietm'étirai,j'aperçuslaporteentrebâillée.Papaétaitrentréàlamaison.Je poussai doucement la porte qui cogna contre lemur dans un long grincement. J'entrai etdéfismongilet.—Papa?appelai-jeenaccrochantmaveste.Tueslà?J'appuyai sur l'interrupteur, mais rien ne se produisit. Mon ventre se crispa. Je marchai

jusqu'aucentreduhall,oùlesondegouttestombantsurlesolrésonnaitdanslamaisonvide.Jetournailentementlatêteverslasalleàmangerplongéedanslenoir.Jetendislamainversle second interrupteur qui permettait d'illuminer la pièce. Éblouie, je baissai vivement la tête.Les yeux en direction du sol, je remarquai une mare de sang le long du mur. Je relevailentement latête,suivant latraînéerougeâtredumessageécriten lettresdesang:«Quelatraquecommence».Unemainmesaisitlescheveuxetmeprojetaàtraverslehall.Mondosclaquaviolemmentcontrelesmeublesdecuisine.Jeroulaisurlecarrelage.Legoût

du sang emplit ma bouche. La lumière s'éteignit et le silence retomba. Je me relevai,tremblante, m'appuyant contre les meubles. Le plancher de la salle à manger grinça. Jecherchaismon agresseur, paniquée, et aperçus deux yeux bleus luisant dans l'obscurité, quidisparurentrapidement.Jefouillaimaladroitementdanslestiroirsàlarecherched'uncouteauàviande,mais quand je l'eus empoigné, unemain se referma surma bouche et l'autreme fit

lâchermonarmequiallas'écrasercontrelecarrelage.— Chut... C'est moi, Dawson, murmura-t-il contre ma joue. Tu n'es pas contente de me

revoir?Cefutcommeunélectrochoc:sonnomrésonnadansmatête,faisantremonteràlasurface

une foule de souvenirs. Je me revis perdant connaissance dans la chambre de Darren; jepouvaisencoregoûtersonsangsurmalangue.Jemeretrouvaisoudainementdansl'atelierdemamèreàlavoirsefairedéchiqueter.Unlonghurlementdéchiralanuitetarrêtamonsupplice.—Darren,fulminaDawson.Ilmetraînaendehorsdelacuisine.Quandonpassadevantlaported'entréerestéegrande

ouverte, jesusquec'étaitmaseulechance : jemedébâtiset réussisà faireglissersamaindansmabouche.Jelemordisaussifortquepossible.Mesdentss'enfoncèrentdanssapeauet je la lui déchiquetai, tel un animal enragé, avant de lui arracher un morceau de chairensanglanté. Il hurla et me projeta contre le portemanteau, qui s'effondra lamentablementcontreleplancher.Étourdie par le choc, je sortis précipitamment de lamaison en titubant etmemis à courir,

manquantdetrébuchersurlesmarchesduperron.Ilcriaderage.Je sautai par-dessus la clôture en tentant d'ignorer mes haut-le-cœur et mon estomac

parcourudespasme.Lesouffle courtet lespoumonsen feu, je rentraibrusquementdans laforêt.Lesbranchesmecinglaientlevisageetmespiedss'emmêlaientdanslesvieillesracines.Effrayée,jemeprécipitaiàtraverslaforêtsansregarderoùj'allais.Unesilhouettenoirebonditsurmoi.Soussonpoids,jem'effondraietdévalaiunepenteenneigée.Jemerelevaiquelquesmètresplus loin,àboutdesouffleet frigorifiée. J'allais continuermacoursequand j'entendisdesgémissementsprovenirdel'autrecôtéduversant.—Emma...Je me figeai quand je reconnus la voix de Darren, mais quand je réussis à me hisser de

l'autrecôté,cefuttouteautrechose:unemassepoilueetdifformegisaitdanslaneige.D'oùjemetrouvais,desbruitshumidesetrépugnantsmeparvenaient.—Darren?chuchotai-jeenm'avançant.La chose gémit et se tordit, produisant des craquements sordides. Quand je fus assez

proche,lachosefinitsatransformationetjereconnusDarreninertedanslaneige,dégoulinantde sueur et entièrement nu. Je tendismamain pour le toucher et il rouvrit soudainement lesyeux,mesaisissant lepoignet.Jehurlaiet reculai,mais ils'accrochaetme fit tomberenmebloquantdesoncorpsbrûlant.Duliquidevisqueuxmecouladessus.Jegémispitoyablement.—Darren!Il grogna, memontrant ses canines trop longues pour être humaines, et leva vers moi un

regard affamé.C'est unmonstre ! pensai-je. Puis ses crocs rétrécirent et le désir dans sesyeuxsetarit.Sonregarddevientflouetsatêteretombamollementcontremonépaule.J'eus un sursaut et le poussai loin de moi en reculant dans la neige. Il se redressa

péniblementàquatrepattes.—Emma...souffla-t-ilens'approchant.

—Net'approchepas!hurlai-jeenrampant.Maisilcontinuaitd'avancer.Mondosbutacontreunarbre.Iltenditlamainversmoi.—N'aiepaspeurdemoi,mesupplia-t-il.Samainfroidefrôlamajoue,maisjemedégageai.—Qu'est-cequetues?— Je ne voulais pas que tu l'apprennes de cette façon, commença-t-il en soutenant mon

regard.Tusaiscequejesuis,aufonddetoitulesais.Sesderniersmotsrésonnèrentenmoietouvrirentuneportequiétait restée fermée jusqu'à

maintenant. Je me souvins de tout : de Marcus jouant avec moi dans la forêt, de mamanrigolantavecsonamant,deDawsonsejurantdesevenger,sansoubliercettenuittragiqueoùmamère perdit la vie, et enfin d'un homme venantm'effacer lamémoire pour que je nemesouvienne jamais des loups-garous. Je revis sept ans de ma vie défiler en l'espace d'uneseconde.—Emma,nemedétestepas,reprit-il.—Jenetedétestepas,murmurai-je.J'aijustebesoinderéfléchir.Il voulut s'approcher, mais je posai ma main sur son torse pour l'éloigner. Il s'écarta

tristement.—Tutesouviensdetout,n'est-cepas?—Tusavaiscequisepassaitenmoi,devinai-je.Ettunem'asriendit.—Jevoulaisteprotéger...Descriss'élevèrentdufonddelaforêt.—Darren!Emma!Alec et Amy apparurent entre les arbres. Ils comprirent tout de suite en nous voyant et

s'arrêtèrentàquelquesmètresdenous.—Lapoliceestenroute,ilsontreçuunappelanonyme,déclaraAmy.Darrenseredressaetonévitachacunleregarddel'autre.Alecluilançaunjeanpropre.—Emmaetmoiallonsretournerattendrelapolice.Vous,rentrezaumanoiraveclerestede

lameute!ordonna-t-ilens'habillant.AmyetAlecacquiescèrentetretournèrentaumanoirsansattendre.«Ceuxdel'autrecôté»

étaienttousdesloups-garous. Ilsvivaientenmeute,à l'abridans la forêt,etDarrenétait leurAlpha. JemesouvinsdusangdeDarrencollant dansmagorgeet de ce rêveétrange.Quem'avait-il fait ?Aumoins,maintenant, j'étais sûrequeDawsonétait le tueur,à la fois loupethumain. Dire que depuis tout ce temps, j'avais les réponses sous le nez... J'avais plein dequestionsàposeràDarren.Tandisquenousallionschezmoi,jecommençaimoninterrogatoire.—Doncvousêtestousdesloups-garous?murmurai-je.— Oui, tous les villageois sont des loups-garous excepté les quelques touristes. La face

cachéed'Arcaneestunsanctuairepourlescréaturescommenous.—QueveutDawsonenréalité?Pourquoifait-ilça?Darrensoupira.— C'est une vieille histoire de territoire, commença-t-il. Marcus avait fait une promesse à

Dawson qu'il n'a pas tenue. Et au lieu de lui donner son dû, il m'en a fait cadeau. Depuis,Dawsonestfouderageetn'aqu'unseuldésir:sevenger.Ilveutfinircequ'ilacommencédesannéesplustôt.—Etqu'est-cequeMarcusluiavaitpromisdesiimportant?demandai-jeintriguée.—Unterritoireetuntitre,celuid'Alpha.QuandMarcusm'atransformé,beaucoupdechoses

ontchangéetils'estavéréqueDawsonn'étaitpasfaitpourêtreAlpha.Ilenestdevenufou...Aupointdetuertamère.Marespirations'accéléraetmagorgesenoua.Ongardalesilencequelquessecondes.—Etcommentfonctionnetoutceci?Lameuteetlahiérarchie...—LelienentreunAlphaetsameuteesttrèscomplexe.L'Alphasait toutdesesmembres,

leurpassé,leurprésentetleurspensées.S'illesouhaite,ilpeutsavoiroùsetrouveundesesmembres, ce qu'il lui arrive. C'est comme une sorte de communication à distance. Plus lameuteest forte,plus l'Alpha l'est. Ilssont reliésparun liendesang.Le tout formeunréseauquetuaseulachancedevisiter.Jerepensaiàmonrêve.—C'estçaquetum'asfait?demandai-jeébahie.Tum'asliéeàtoi?Ildétournaleregard.—Nemeregardepascommeça,supplia-t-il.JenesaispascommentDawsonafait,maisil

avaitréussiàtelieràlui.—Certainementàl'hôpital,murmurai-je.Darrenhaussalesépaules.— Il s'amusait avec toi. Il entrait dans tes pensées. Je l'ai compris quand tu t'es évanouie

dansmachambre,etj'aifaitlaseulechosequej'aicrujuste...—As-tudéjàétédans...matête?Cette idéenem'amusaitvraimentpas,surtoutquandjerepensaisauxfantasmesquej'avais

imaginésaveclui...Ilsourit.—Non,jenesuispascommeDawson.Jen'auraisjamaisoséviolertonintimité.—Etpourcequiestdelahiérarchie?repris-je.—Commedanstouslesclans,ilyaunchef;cheznousc'estl'Alpha.Touslesmembressont

classés du plus dominant au plus soumis. Après l'Alpha vient le premier lieutenant, qui estchargédedirigerlameuteenl'absencedel'Alpha,puisvientledeuxièmelieutenant,quiprendlaplacedupremierencasdeproblème,etainsidesuite.Chaqueplacedanslahiérarchiepeutêtre revendiquée; un combat est alors organisé pour déterminer qui est le plus fort. Lesdominantsdoiventprotégerlessoumis.Lameuteestnotrefamille.—Jenesavaispasquec'étaitsicompliqué...—Emma,appela-t-il.Jecroisaisonregardpourlapremièrefoisdepuisledébutdeladiscussion.—Jesuisdésolé.—Tu n'as pas à t'excuser pour ce que tu es, dis-je alors que nous sortions de la forêt et

entrionsdanslaclairièreoùj'avaiscouruquelquesminutesplustôt.—Alorsqu'est-cequitedérange?risqua-t-il.

Je pouffaimalgrémoi.Qu'est-ce quime dérangeait ? À part quemon copain est un loup-garou,quej'airetrouvélamémoireaprès7ans,etqu'untueurenaaprèsmoi?Oh,deuxfoisrien!—Jesaisquetuauraisaiméqu'onailleplusloin,maistum'auraisditlavéritéquand?Avant

ouaprès?—Jenet'auraisjamaisfaitdemal!s'énerva-t-il.—Cen'estpaslaquestion!m'emportai-je.Desfaisceauxlumineuxnouséblouirent.—Emma?résonnalavoixducommissaire.Apparemment, nous n'étions pas les premiers, deux flics se trouvaient devant chezmoi, et

quellesurprise!Marcusétaitlàaussi.—BonsoirMessieurs,lessaluai-je.—Vousallezbien?Nousavonsreçuunappelanonymedisantqu'unintrusavaitpénétrédans

votredemeure.Votrepèreestenroute.IlsdévisagèrentDarren.— Hum... Je vous présente Darren. Darren, voici le commissaire Rodriguez, le père de

Matthewetsonadjoint.—C'estdangereuxdesortirseulelanuit,surtoutcestemps-ci,sous-entenditlecommissaire.—Jesuisassezgrande,monsieur.Etl'intrusm'aattaquéchezmoi!contrai-je.—Évidemment,tenta-t-ildeserattraper.Nousallonsvérifierlamaison.Restezici.Lecommissairemontalesmarches,sonadjointaprèslui.Quandilsdisparurentdanslehall,jemetournaiversMarcus.—Emma...commença-t-il.—Vousm'avezeffacélamémoire!l'accusai-je.—C'étaitpourtonbien.—Pendant10ans,j'aicruquemamèreétaitmortedansunaccidentdevoiture!—Écoute-le,chuchotacalmentDarren.— Non ! Vous deux, écoutez-moi ! J'ai failli mourir ce soir parce que personne n'a voulu

m'expliquer lavérité ! J'ai cruque j'étais folle, car j'entendaisdesvoixdansma tête.Toutçapourpréservervotrepetitsecretquej'auraisquandmêmedécouvertunjour!—Toutvabien?demandalecommissairedepuislaported'entrée.—Oui,toutvabien,murmurai-jeencroisantlesbras.Legrosbonhommehaussalesépaulesetretournainspecterleslieux.— C'était une décision que j'avais prise avec ton père, chuchota Marcus. Essaie de

comprendre.—Enfindecompte,vousm'aveztousmenti!Aumomentoùjeterminaismaphrase,laBMWdemonpèresegaradansl'allée.Ilsortiten

claquasaportière.—Emma!s'écria-t-ilens'avançantàgrandeenjambée.Tuvasbien?Ilmepritdanslesbras.Jel'étreignisbrièvement.

—Tun'espasblessée,j'espère?marmonna-t-ilens'écartantpourm'inspecter.—Non,jevaisbien,papa.—Ellesaittout,l'informaMarcus.Ellesesouvient.Monpèremesourittristement,ignorantMarcusetDarren.—C'étaitpour...—Monbien,raillai-jed'untonamer.Onmel'adéjàfait.Lecommissairedescenditlesescaliersnonchalamment.—MonsieurGordon!s'exclamalegrosRodriguez.Jevousattendais!Ilremontasonpantalonengigotant.—Commissaire,saluamonpère.Avez-voustrouvédespreuvesquipermettraientd'arrêterle

coupable?— Pas encore, vous comprendrez qu'avec ce qui rôde dans la nature, nous n'avons pas

beaucoupdetempsàvousconsacrer,maisnousallonsfairenotrepossible,Charles.Ilsetournaversmoi.—Emma,commença-t-ildoucement.Aurais-tuuneidéedel'identitédelapersonnequiveut

tefairedumal?J'hésitaiàluirépondre:Ohoui,Monsieur!C'estunserialkillerloup-garou.Ilveutmapeau,

car j'aisurvécuilyadixans,etaujourd'hui, ilestderetourpoursevengerdemonloupdecopain!Cependant,jechoisislaréponsecourte.—Non,commissaire.Ilremuasamoustachetelunlapin.— Il se pourrait très bien qu'on ait voulu faire peur à Emma à cause de ces rumeurs,

expliqua-t-ilenessayantdecachersondégoût.Je sentis Darren se crisper à côté de moi. Apparemment, je n'étais pas la seule à être

énervéeparcesfameusesrumeurs!—Vousdevriezpasserlanuitchezundevosamis,repritlepèredeMatthew.Tantquetout

cecines'estcalmé...—EmmapourraitlogerchezDarren,proposaMarcus.Touslesregardssetournèrentversmoi.—Jecroisque...—C'estunebonneidée,mecoupamonpère.Aveccequirôde,sous-entendit-il,tuserasen

sécurité.Jen'avaispasenvied'êtreavecDarren,pascesoir.—Non,murmurai-je.JesuissûrequeCoralinepourram'hébergerpendantquelquetemps.Darrensemblaitavoirreçuuncoupdepoingdansleventre.Ilyeutunlongsilence.—Bien,siCoralinenevoitpasd'inconvénient...,conclutdoucementMarcus.Darrenn'ajoutarienetjepartisfairemesvalises.

***

EMMA

J'étaisdansmachambreentraindemettrequelquestenuesdansmongrandsacdesport.Au début, j'avais hésité à prendre la valise, mais ce ne serait que pour quelques jours. Dumoins,jel'espérais.J'allaisdanslasalledebainquandmonpèreentradansmachambre.JesortisunetroussedetoiletteSnoopyrougedel'armoireetsaisismabrosseàdents.Monpères'appuyacontrelechambranledelaportepuisilsedécidaàparler:— Tu sais, je ne les apprécie pas vraiment, dit-il mal à l'aise. Je crois que tu as compris

pourquoi.Jerangeaimabrosseàcheveuxdanslatrousseàcôtédudentifrice.—Avectoutcequ'ils'estpasséavectamère,Dawson,etmaintenanttoi...reprit-il.Jem'arrêtaiagacéeetm'adossaicontrelelavabo.Lajournéem'avaitvraimentfatiguée.Tout

cequejevoulais,c'étaitallerdormir.—Queveux-tudire,papa?lecoupai-je.Ils'avançaetpritmonvisageentresesmains.—Tuestoutcequ'ilmereste.Jeneveuxpasteperdreparcequetuasdécidédefairela

gueuleàton...copain.Jesaisquetoutcequetuasvécuaujourd'huiestdéstabilisant,mais...—Non!hurlai-jeenmedégageant.Jefermailesyeuxetessayaidereprendremoncalme.—Non,tunesaispascequej'aivécuaujourd'hui.S'ilteplaît,nem'obligepasallerchezeux,

pascesoir.Jeseraisprudente,c'estjuré...Ilsefrottalefrontetsoupira.—D'accord,maisaumoindreproblème...—Jet'appelle,dis-jeàsaplace.Ilmeregardatristement.—Non,Emma.Si jamais tu asunproblème.C'est euxque tu devrasappeler...Moi, je ne

peuxplust'aideràprésent.Il sortitde lasalledebainsansse retourner.J'eussoudainhontede l'avoir rejetéet jeme

misàculpabiliser.Ilsvoulaientmeprotéger,maisjenesavaispascequimefaisaitleplusmal:qu'ilsm'aientmenti ou que je les ai repoussés.Cela pouvait sembler idiot, d'autant plus quemaintenantjesavaisqu'ilsétaientdesloups-garous.Maissijen'avaispasretrouvélamémoire,m'auraient-ilsditlavérité?Tout était clair maintenant sur cette histoire,mais je n'avais pas remarqué que lemystère

dans toute cette aventure, c'étaitmoi. Je saisismon sac et sortis dema chambre. Dans lecouloir,de la lumière filtraitendessousde laportedubureaudemonpère. Ildevaits'yêtreenfermé.Des pas et des chuchotements résonnaient d'en bas. Je descendis l'escalier. Le rez-de-

chausséegrouillaitdepoliciersdanslacuisine,etsurtoutdanslasalleàmanger.Quandj'arrivaidanslehall, ilsmedévisagèrentfixement.Aufonddelapièce, j'aperçusunflicavoirungestededégoût.Jemismonsacsurmonépauleetserraifortlessangles.—Vousvoulezmaphoto?lançai-jehargneusemententraversantlehall.

Je sortis en claquant la porte. Marcus m'attendait, adossé contre un Hummer noir. Il seredressaenm'apercevant.Darrenn'étaitpluslà.—Depuisquandlesloups-garousont-ilsdesvoitures?m'exclamai-jeentraversantl'allée.Ilsourit.—DepuisqueleFenrirvitàParis.Jehaussailessourcilsetm'arrêtaidevantlui.—Pourquoies-tupartisiloin?Ilmefitunclind'œil.— Ce sont des histoires de garou. Monte, je t'amène chez ton amie, dit-il en ouvrant ma

portière.Je grimpai dans la voiture etMarcus claqua la porte derrièremoi. Jemettaisma ceinture

quandMarcusmontaàsontour.—Prête?J'acquiesçai.LemoteurproduisitunmagnifiquerugissementetleHummerdémarra.Coraline

vivaitdel'autrecôtéduvillage.Lescinqminutesderoutehabituellesmeparurentinterminables.Marcus était calme, le regard sur la route. Le silence qui s'était installé ne semblait pasl'ennuyer.Jemeraclailagorgeetbougeaisurmonsiègemalàl'aise.—Jenet'aipasremerciépourlecollier,murmurai-jepourcomblerlesilence.Ilmejetaunbrefcoupd'œilavantdereportersonattentionsurlaroute.—Tamèreauraitaiméquejeteledonne.Jelaissaimatêtetombercontrelavitrefroide.— Pourquoi m'avoir effacé la mémoire ? demandai-je en scrutant les ruelles sombres

d'Arcaneparlavitre.—C'étaitpourtonbien.—Pourquoi?Pourquellesraisons?Jenecomprendspas...—Tusais tropdechoses,Emma...Certainespersonnesn'apprécientpasque leshumains

soientmêlésaumondedesmonstres.Quandtoutecettehistoireseraterminée, jepensequetudevrasprendretesdistancesavecDarrensituneveuxpasavoird'autresproblèmes.Jeleregardai,souslechoc.NeplusvoirDarren.Jesentislacolèremonterenmoi.—Tuasduculotdemedireça...Ilyeutunlongsilence.—C'étaitdifférentavectamère...—C'estfaux,lecoupai-je,c'étaitexactementpareil!Ilserrasonvolant.—Lesliaisonsentrehumainetgarousontimpossibles.Detoutemanière,çan'aplusaucune

importance,tuasrompuavecDarren,riposta-t-il.C'enétaittrop.—Arrêtelavoiture!ordonnai-jeendéfaisantmaceinture.—Emma,mesupplia-t-il.—Laisse-moidescendre!

Ilsegarasurlecôtéetsetournaversmoi.—Jenevoulaispasdireça...J'ouvrislaportièreenl'ignorantetdescendisavecmonsacdesport.—Emma!appela-t-il.J'avançaissansluiprêterattention.Lavoitureredémarraetarrivabientôtàmahauteur.—Emma,montedanslavoiture...Jeregardaisfixementdevantmoi.—TunevaspastraverserArcanetouteseuleenpleinenuit...J'aperçusuneétroiteruelleparlaquelleleHummernepourraitpaspasseretm'yengouffrai;

la voiture freina dans un crissement de pneu et jeme retrouvai seule, plongée dans le noir.Néanmoins, ilétaithorsdequestionque jeretourneà lavoiture.Jeserrai fort lessanglesdemonsac,commesimavieendépendait.Était-cevraimentfinientreDarrenetmoi?Mesyeuxsemirent àme brûler et une boule se forma dansma gorge. Avais-je vraiment rompu ? Jen'avaispasvouluça!Je...Jenesaispas, jenesaisplus.Une larmecoulasurma joue.Jem'essuyai rageusement le

visage.C'étaiteuxquim'avaientmentietcachélavérité!J'avaisledroitd'êtreencolère.Maispourquoicelafaisait-ilsimal?Mamèrememanquait.Jevoulaisqu'ellemeprennedanssesbras,j'avaisenviedesentirsa

chaleuretsonodeurréconfortante,maisellen'étaitplusqu'unsouvenirquim'avaitétéarraché.Alors, jepensaiàDarrenet l'imaginaim'enlacer,memurmurantquetoutallaitbiensepasser.Jesecouaivivementlatête.Non!Ilm'avaitmenti!Unepenséemetraversal'esprit:«C'étaitpour te protéger, jamais il ne t'aurait blessée ». Si je n'avais jamais retrouvé la mémoire,m'aurait-il dit la vérité ? Ne pense pas à ce qui aurait pu se passer. J'étais seule, j'avaisrepoussétousceuxquej'aimaisetquiavaientvoulumeprotéger.Jemesentaislâcheetidiote.Mespasrésonnaientcontrelespavésfroidsethumides.Lespremièresmaisonsprofondémentendormiesm'indiquèrentquej'étaispresquearrivée.Je

n'allaispaspleurer.C'étaitmadécision.Pourtant,m'êtrelaisséeemporterparlacolèrem'avaitcoûtébeaucoupplusque jene l'auraisvoulu.Peut-êtreme laisserait-il revenir...Magorgeseserra.Non,ilnemepardonnerajamais.Moncœurétaitlourddemessouvenirsd'ilyadixans.Ilcognaitdouloureusementdansmapoitrineetmagorgeserréesenouaitdetristesse.J'étaisperdue,seule,personnenemecomprenait.Jem'arrêtaidevantunemaisonidentiqueauxautresettoquai.Unelampes'allumaàl'étageetdespasrésonnèrentdansl'escalier.Quelqu'un déverrouilla la porte et l'ouvrit. La tête de Coraline se dessina dans

l'entrebâillement.—Emma?réalisa-t-elleensefrottantlesyeux.Quefais-tuici?Mes larmes se mirent à couler toutes seules et j'éclatai en sanglots. Elle s'avança et me

serradanssesbras. Jeme laissai aller contreelle.Coralinesecontentadem'enlaceraussifortqu'elleleput,sansposerdequestion;ellemefitentreretrefermalaportederrièremoi.Cen'estqueplus tarddans lanuitque je fusréveilléepar lechantmélancoliqued'un louphurlantdetristesse.Laluneéclairantmonvisage,jememisàpleurerensilence.

CHAPITRE15EMMA

Jemeréveillaià11hdumatin,lesyeuxlourdsetgonflés.J'avais eu du mal à trouver le sommeil et la nuit avait été longue. Je m'étais réveillée en

larmes à plusieurs reprises, mais j'ignorais si c'était dû à ma dispute avec Darren ou ausouvenirdelamortdemère...Oupeut-êtrelesdeux.J'étaisallongéesurunmatelasàmêmele sol, enveloppée dans une couette rose, quand jeme tombai nez à nez avec la jambe deCoraline qui pendait librement en dehors de son lit. Je poussai un cri et tombai dumatelas.Coraline râla et s'enfouit sous sa couverture. Je ramassai l'objet sur lequel j'étais tombé.Quand j'ouvris la main, j'y trouvai mon bracelet. Marcus avait peut-être raison... Et si lesliaisonsentrehumainetgaroun'étaientpasfaitespourdurer?—Tuesréveilléedepuislongtemps?bâillaCoralineenouvrantlesyeux.Jeremisrapidementmonbraceletautourdemonpoignet.—Non,àpeinecinqminutes.Elletournalatêteversmoi.—Emma,s'exclama-t-elle,tuasunetêtehorrible!—Merci,Coraline!Tuestrèsgentille!Elleselevaets'étirasurtoutesalongueur.—Quelleheureest-il?Jejetaiuncoupd'œilàsonréveilbleuposésurlatabledenuit.—11h10.—Quoi?Pourquoinem'astupasréveillée?Ellebonditsurmonmatelasetatterritaccroupie.—Hein?marmonnai-je.—J'airendez-vousavecMatthewà11h30pourallermangerau«Themysteriouscoffee»!Jegrimaçaienentendantcenom.—Oh ! Arrête de faire ta tête desmauvais jours ! ronchonna-t-elle. Tu viendras que tu le

veuillesounon!—Jeneveuxpasm'incruster,tentai-je.Ellefronçalessourcils.—Ettoutlemondevamereconnaître!Ellesoupira.—Habille-toi!Onvaêtreenretard.Elle se redressaetmesaisit lespoignets,m'entraînantavecelle.Ons'habilla,moidans la

salledebainetCoralinedanslachambre.JeremismesvêtementsetCoralineenfilaunpullroseclairetunjean.

Onavaittoutjustefinidesechangerlorsqu'onsonnaàlaporte.—J'arrive,hurlaCoralinedepuissachambre.Ellesetournaversmoi.—Jesuiscomment?—Tuesfinprête,acquiesçai-je.Onsonnadenouveau.—Deuxminutes!Nousdescendîmes.Coralieouvrit laporte;derrièreelle j'aperçusungarçonquime rappela

vaguementunjeunequej'avaisrencontréàArcaneilyadixans.—Hum...SalutCoraline.commença-t-il,puisiltournasonregardversmoi.Emmavientavec

nous?chuchota-t-ildiscrètement.—Oui,jeviensavecvous,souris-jefaussementamusée.Sonvisagesecrispa,entreunsourireetunegrimace.—Cool...murmura-t-ilpensivement.J'enprofitaipourlancerunregardsuppliantàCoralinequim'ignora.—Bon!Onestpartialors,repritlegarçonquis'avançaverslavoiture.JemerapprochaideCoralineetluichuchotai:—Jecroyaisquec'étaitunrendez-vousgalantavecMatthew!—Ohçal'est!Maisjen'aipaspurefuserquandilainvitésesamis!sourit-ellegênée.Jesecouai la tête.Coralineouvrit laportièrede lapetiteVolkswagenetonseglissasur la

banquetteàcôtéd'unerouquine.Matthew,installésurlesiègepassager,seretournaversmoitoutsouriant.—AlorsEmma,onadécidédesortirdesaforêt?Monvisages'assombrit.—Ouais,apparemment,marmonnai-je.Coralinelefusilladuregard.Matthewhaussalesépaulesetseretourna.Lavoituredémarra

avecdifficulté.Je m'attendais à ce qu'on se dirige vers le centre d'Arcane, mais Nick – enfin si je me

rappelais bien de son nom – prit vers le sentier qui longeait la forêt. C'était un petit cheminencoretrèsutiliséquipassaitàdroitedemamaison;ilservaitderaccourcipourlesgensdelaferme.Enl'empruntant,onarrivaitdevantlesportesd'Arcane.Coralinefronçalessourcils.Apparemment,nousétionsdeuxànepassavoiroùnousallions.—Oùallons-nous?demandasoudainementMatthew.Etdetrois.NousattendionstouslaréponsedeNick.—Jesaisquenousdevionsallezaucafé,mais...ilsecoualatête.BonDieu!Jenepeuxpas

raterça!expliqua-t-ilexcitécommeunepuce.—Vousn'êtespasaucourant?Lapoliceaenfindécidédemettreuntermeauxmeurtres!

s'émerveillalajeunerousse.Mon ventre se noua d'appréhension et je compris que quelque chose de grave allait se

produire.

—Commentça?demandai-jequandnousarrivâmessurlechemindeterre.—Lesloups!s'impatienta-t-elle.Lapoliceettoutlevillagesontconvaincusquecesontces

salesbêteslesmeurtriers.Nousallonsmettrefinàtoutceci!—Levillageaorganiséunebattue,terminaNick.—Unebattue...murmurèrentMatthewetCoraline.Quelquechoseenmoisebrisaetmonsangseglaçadansmesveines.Jesentistoutemon

audace et mon assurance surgir du plus profond de mon être. Je me levai et me penchairapidement.Laroussepoussauncriaiguquandjesaisislefreinàmainettirai.Nickdonnaungrandcoupdevolantetlavoiturefitunlongdérapage.Lespneuscrissèrentdansunnuagedepoussière.—Emma!criaCoraline.J'ouvrismaportièreetsortiede lavoiture. Il fallaitque je lesarrête. Il fallaitque jeprotège

mesloups.Je bondis dans les fourrés et courus à travers la forêt. Mes mésaventures dans ce bois

m'avaient aumoins servi à une chose : je connaissaismaintenant chaque recoin de la forêt.Quandj'eusmisassezdedistanceentremoietlavoiture,jem'arrêtaietécoutai.Jesursautaiquanduncoupdefeuretentit.Ladétonationprovenaitdeplusaunord.Jecourusentrelesarbres.Iln'avaitplusneigédepuisdeuxjours,laneigeavaitfonduetilne

restait que de la boue. Je pense que c'est grâce à cela que j'aperçus des petites dentsmétalliséesbriller à travers la gadoue. Jemebaissai et ramassai unebrancheque je tendisprudemment vers les dents en acier. La mâchoire se referma violemment sur le bois et lebroya.Ilsavaienttruffélaforêtdepièges.Unhurlementfenditlesilence,accompagnéd'unnouveaucoupdefeu.Lecalmequisuivitmefitbourdonnerlesoreilles.J'étaistoutprès.Cachée,j'avançaisd'arbreenarbreleplussilencieusementpossible.Unevoixd'hommemeparvint.Ilétaitjustedevantmoi,pointantsonarmesurunloupchâtain.—Salebête!cracha-t-il.Un grondement sourd et menaçant qui sembla faire trembler la terre servit de réponse. Il

rechargeasonarme.Lelouptentadeserelever,maistombapitoyablementausol.Uneballes'étaitlogéedanssapatteetuneautredanssonépaule.Sonbeaupelagechâtainétaitsouilléparlesang.JereconnusMaloryàsesyeuxhaineuxpourlesavoirdéjàvusàmaintesreprises.Étonnamment,ellesemblaitencoreplusdangereuse.Ellemontralescrocsauchasseurtandisquecelui-ciréajustaitsavisée.Jeprisunebranchequimepassasouslamainetm'approchaidoucementduchasseur.LesoreillesdeMalorys'agitèrentenm'entendantetelletournalatêteversmoi,surprise.Jesavaisdéjàqu'enfaisantça,j'allaisavoirdesennuis...Commesiçaallaitchangerquelquechose !Jesaisismonbâtoncommeunebattedebaseballet frappai la têteduchasseur.Lecorpss'effondramollementsurlesol.Je lâchaimonarmeet couru versMalory. Jem'agenouillai devant elle.Elle gémit quand je

touchai son épaule et je retirai vivement lamain. Sa fourrure semit à trembler et ses os àbouger sous sa peau.Elle grogna plusieurs fois avant que sa gorge ne laisse échapper dessonsplus humains.Sa fourrure fut commeabsorbéepar son corps.Sa peauondula commeunemerdechair,puiselles'immobilisa,humaineethaletante.Lestrouslaisséspar lesballes

semirent à saigner abondamment, puis le flot de sang ramena une bille grosse commeunenoisetteà lasurfaceetsapeause referma instantanément.Ce fut lemêmeprocédépour laballelogéedanssonépaule.Aprèsquelquesminutes,Maloryseredressa,totalementnue.Soncorpsparfaitnelaissaitapercevoiraucuneblessure.Desbruitsdepasrésonnèrentdans

laforêt.—Ilfautyaller,murmuraMaloryépuisée.Ellevoulutmarcher,maissonpiedcéda,jelarattrapaiparlebras.—Jevaist'aider,dis-jeenlasoutenant.Elleouvrit la bouchepuisbaissa la tête, ravalant sa fierté.Onmarchaensemble lentement

maissûrement.Une foisquenous fûmesarrivéesprèsde lacabane,Malorysedétendit,sansdouteparce

qu'aucundeschasseursn'oseraits'aventurersi loin.Malorys'yadossa.Ellefermalesyeuxetpritunegrandeinspiration.—Pourquoi?demanda-t-ellefinalementenmedévisageant.Jehaussailessourcils.—Pourquoiquoi?—Pourquoim'avoiraidéalorsquej'aiétéinsupportableavectoi?Je réfléchis et m'appuyai contre l'arbre le plus proche. C'est vrai que Malory et moi ne

sommespasentrèsbonstermes...—Parcequetuavaisbesoindemonaide,conclus-je.Onaquelqu'unencommun.Ellegardalesilencependantquelquessecondesavantd'ajouter:—Merci...Maisnepensepasquejevaist'aimerpourautant,l'humaine!—Çameva!Enréalité,tun'espassicruellepourunelouve.—Ettoi,tunetedéfendspassimalpourunehumaine.Onseremitàmarcherverslemanoir.—Tuétaisbienlaseuledanslaforêt?Sesépaulessecrispèrentetelledétournaleregard.— Oui. Disons que... j'ai désobéi aux ordres. Je voulais voir à quoi ressemblaient ces

humains.—Àquoiçaallaitteservir?Sesyeuxcroisèrentlesmiens.Ellerepritsérieusement.—Darrennetemontrequecequ'ilaenviedetemontrer.Necroispasquenoussommesde

gentilstoutous.Quandnoustraquons,c'estpourtuer.J'eusunflashdumurdemasalleàmanger:«Quelatraquecommence».—Noussommesdestueurs,desmonstres.—Vousn'êtespasdesmonstres,répliquai-je.Ellesourit.—Tuessi...innocente.Quandonarrivadevantlemanoir,deuxchosesseproduisirentsimultanément.Àpeinesortie

de la forêt, la porte d'entrée s'ouvrit subitement et mon regard croisa celui de Darren. Il

s'immobilisasurleseuil,sansmequitterdesyeux.Monsouffles'étrangladansmagorge.Il était apparemment surpris, mais cette expression ne dura que quelques secondes. Il

reportasonattentionsurMalory.Étrangement, jene remarquaipas toutdesuitequeMaloryétaitnuedevantDarren.Çanesemblaitpas lesdéranger... Ilsdevaientavoir l'habitudedesevoir nus. Ils étaient tous beaux dans ce village ! Pas un poil de graisse, pas une seulevergeture.Musclés, gracieux,magnifiques. Parfait était leur nom ! Son visage devint dur. Jen'avaisjamaisvuDarrenencolèreavantaujourd'hui.—Jet'avaisordonnéderesteràl'intérieur!aboya-t-il.Malorybaissalesyeux.—Alpha...—Assez!Maloryfermalesyeuxettombalourdementausol.—J'enaiassezdetadésobéissance!Tuseraspunie...Ellesursautaetsemitàtrembler.—PitiéAlpha,supplia-t-elleensemettantàgenoux.Elletournasonregardpaniquéversmoietmesuppliasilencieusement.Avantquejen'aiepu

direoufairequoiquecesoit,UlricapparutdevantMaloryetlasaisitparl'épaule.Ellesemitàpleurer.—Jeneveuxpasallerdanslacage,bégaya-t-elle.Commepersonnenel'écoutait,ellesemitàhurler.—Jeneveuxpasallerdanslacage!Ellelaceralamaind'Ulricdesesonglesetsedébâtitsauvagement.Ulricl'entraînafacilement

verslemanoir.QuandellepassaprèsdeDarren,ellelesuppliaavantdedisparaîtrederrièrelaporte.Je restai sur place, dans le silence où résonnaient encore les cris de Malory, et regardai

choquéelaplaceoùelles'étaittrouvée.Destracesdegriffuresmarquaientlesolsurlequelelles'étaitaccrochéeenvain.JelevailatêteversDarrenquimedévisageait.—C'estquoilacage?demandai-jechoquée.—Çaneteregardepas,Emma,répondit-ilsuruntondur.Descrishorriblesrésonnèrentdel'intérieur.Pasdescrisderage,maisdedouleur.—Ellen'arienfaitpourmériterça,hurlai-jeenpointantdudoigtlemanoir.Darrenbonditpar-dessusl'escalieretatterritdeboutdevantmoi.Sesyeuxsemblaientencore

plusdorésqued'habitude.—Ellem'adéfié !hurla-t-il.Jenepeuxpas laissermes loupsmedésobéirsanscesse!Je

risqueraismaplaced'Alpha!Jereculai.—Tusaisquoi?Gardetesexplications.Jen'aipasenviedediscuteravectoi.Jemedétournaietm'avançaiverslaforêt.—Oùvas-tu?tonna-t-ilenmesuivant.—Chezmoi!

J'eus à peine fait un pas qu'il me saisit le poignet. Son contact me fit frissonner, et celam'énerva encore plus ! J'étais censée être en colère contre lui, pas aimer qu'il me touche !Saletédeliendesang.—Tuesfolle!Avectousceschasseurs,tuvastefairetirerdessus.Jemeretournaiversluietlerepoussai;ilenprofitapourmesaisirl'autrepoignet.Unticagita

seslèvres.Monsangbouillonnaitàprésentdansmesveines.—Lâche-moi!hurlai-je.Jetiraisurmesbras,maissapoigneétaitferme.Jemedébattis,commel'avaisfaitMalory

quelquesminutesplustôt.—ArrêteEmma,murmuraDarren.Ah!Ilvoulaitquej'arrête!Jemedébattisencoreplusviolemmentettiraiplusfort.Ilsoupira

et d'un coup ilme lâcha. Je tombai par terre contre un arbre. Je n'eus pas le tempsdemereleverqu'ils'agenouillaetmepris lesbras.Jenecomprispascequ'il faisait, jusqu'àcequ'illesattacheautourdel'arbreàl'aided'uneficelle.—Hé!criai-je,surprise.Détache-moi!Ilserelevaetm'ignora.—Darren!Tunevasquandmêmepasmelaisserici!Ildétournalatêteetjelesoupçonnaidesourire.—Tumeremercieras.Etilmarchanonchalammentverslemanoirenignorantmesplaintesetmesinjures.

***DARREN

J'entendaisencorelescrisd'Emmadepuislesalon.Assissurmoncanapéunverreàlamain,j'écoutaissavoix.Amyl'observait,assisecontrel'appuidefenêtre,pourêtresûrequ'ellenesesauvepas.—Tusais...situvoulaisqu'Emmaresteprèsdetoi,ilfallaitl'inviteràentrer.— Pourquoi ? Elle n'aurait pas accepté et se serait fait tirer dessus comme un lapin. Au

moins,là,elleestensécurité.—Jenepensepasqu'ellevoieçadelamêmemanière...—DARREN!Tuvasmelepayer!hurlaitEmmadepuissonarbre.Je grimaçai enme redressant et allai près de la fenêtre. Je tirai les rideaux et toquai à la

vitre.Ellemefusilladuregardetjeluienvoyaiunbaiser.Ellehurlaetjerefermailesrideaux.—Tulefaisexprès!s'exclamaAmy.Jesouris.—C'estellequim'aaccusédeprofiterd'elle,alorsquejemevenge!—Ellet'aaccusédeluimentir,cen'estpaspareil!Jehaussailesépaules.—Àlaguerrecommeàlaguerre!Sijamaisellesembles'enfuir,appelle-moi.Amycroisalesbrasetmetoisa.

—Ellesevengera,meprévint-elle.Jesouris.—J'espèrebien!Jemontaidansmachambreetmelaissaitombersurmonlit.Allongé sur le dos, je soupirai, satisfait. Ma chambre était silencieuse, certainement parce

que lescrisd'Emmanem'atteignaientplus. Jene luiavaispasmenti...pasvraiment. J'avaisjusteomisdementionnerquelquesdétails.C'étaitmoi leblessédans toutça !C'étaitellequim'avait accusé et rejeté. Puis, je dois avouer que j'aimais bien la voir énervée, et surtoutattachée. Aumoins,maintenant, j'étais sûr d'où elle était et qu'on ne risquait pas de lui tirerdessus.Jemeplusàimaginerl'avoirrienqu'àmoi.Jefermailesyeuxl'esprittranquille.—Jevaistetuer!Je rouvris soudainement les yeuxpour voir uneEmma furieusemebondir dessus. Jen'eus

pasletempsdemeleverqu'elleatterritàcalifourchonsurmoi.Évidemment,l'Emmatranquilleque jem'étais imaginée n'existait pas. J'eus un sourire en coin et tendis lesmains vers sonvisage,maisellemelesliaaveclamêmeficellequim'avaitserviàlaligoter.Elleresserrasonnœud, m'immobilisant les mains au-dessus de la tête avant de les attacher au lit. Elle metapotafièrementlapoitrine.—Alors?J'attendsquetumeremercies!répliqua-t-elleironiquement.Àquelques joursde lapleine lune,m'attachern'étaitpasunebonneidée,surtoutquandune

filles'agitesurvous.Elledevinaquequelquechosen'allaitpas,carelleretirasamaindemontorseet jesentissonhésitationplanerdansl'air.Mabêteseréveillaaucontactdecetroublequ'elleprovoquaitenmoi.—Darren?Jereprissoudainpossessiondemoncorpsetbrisaimesliens.Ellereculaprécipitammentsurlelitenvoyantmonregardanimal.Jeluisaisislachevilleetla

tiraiversmoi.Ellerestaallongéesurledossansbouger,fuyantmonregard,commeuneproiesentantsamortvenir.Ellenes'enrenditcertainementpascompte,maiscegestemeblessa:elleneme faisaitpasconfiance.Jem'approchaidesagorge,oùsaveinebattait,commeunanimalenchaînénedemandantqu'àêtrelibéré.Jeposaimeslèvresdessusetrespirail'odeurdesapeau,puisjeprisdélicatementsescheveuxetenfouismonvisagededans.Elleportasamainjusqu'àsesyeux.Soncorpsfutagitédepetitstremblements,puisl'odeursaléeethumidedeseslarmesparvintàmesnarines.Jeprissamain,maiselles'écartaetdétournaleregard.—Jeneveuxpasquetumevoiescommeça,murmura-t-elleensecachantlevisage.J'écartai samain et essuyai une de ses larmes qui coulait le long de sa joue. Je pris son

mentonentremonpouceetmonindex.—Regarde-moi,chuchotai-je.Elletournalatêteetnosregardssecroisèrent.—Jet'aime,continuai-je.Jet'aimecommetuesetriennepourrachangercela.Elleéclataensanglots.— Je suis tellement désolée, Darren. Je ne voulais pas te faire de mal et te repousser

commejel'aifaithier.— Chut..., murmurais-je en posant un doigt sur ses lèvres. Ce n'est pas grave, la soirée

d'hieraétéassezmouvementée.C'estmoiquiai faituneconnerieentecachant lavérité.Jepensaisteprotéger,maisjet'aifaitsouffriràlaplace.C'estmoiquisuisdésolé,Emma.Ellese redressaetmepritmonvisageentresesmainsavantdem'embrasser tendrement.

Jel'enlaçaietluirenditsonbaiser.—Àpropos,reprit-elleessoufflée,tuasunenouvelleporte?J'éclatai de rire et nous fis basculer sur le dos, elle au-dessus demoi. Je lui caressai les

épaules,puisledos,etjeluisaisislesfesses.Je m'avançais pour l'embrasser, mais elle me mordit légèrement la lèvre inférieure. Je

frissonnai.Involontairement, jegrondaietpressaimabouchecontre lasienne,assez fortpour lui faire

perdre l'équilibre,etce futàmon tourd'êtreau-dessusd'elle.Jevoulaissentirsapeausousmesdoigts;j'enfouisdoncmesmainssoussontopetsesbrasvinrents'enroulerautourdemoncou. Les paumes bien à plat, je parcourrais chaque passerelle de sa peau, d'abord seshanches,puissonventre.Quandjefrôlaisesseins,ellelaissaéchapperungémissementetsetortilla.Sesyeuxbrillaientd'excitation.Ellesavaitcequej'étaisetpourtant,ellecontinuaitàmedésirer. On se redressa et elle m'aida à déboutonner ma chemise. Tout en moi vibrait etbouillonnait. Je brûlais d'envie de sentir sa peau contre lamienne. Elle dut le lire dansmespensées,carelleécartalespansdemachemiseetjelafisglisserlelongdemesbras.Ellevientsepresserétroitementcontremoietposaseslèvresbrûlantescontremapoitrine.

Jerejetailatêteenarrière,puisluisaisitsoudainementlesépaulespourl'écarter.—Attends!murmurai-jelecœurbattant.Monvisagedégoulinaitdesueur.—J'aifaitquelquechosequ'ilnefallaitpas?s'inquiéta-t-elle.—Cen'estpastoi.C'estmoi.Jen'auraispasdû...Jesecouailatête.—Lapleinelune,dis-jesimplement.Sonregards'illumina.—Tunemeferaispasdemal,assura-t-elle.— Tu sous-estimes mon self-control, Emma. Je ne veux pas faire quelque chose que tu

regretteras.—Alors,net'arrêtepas,chuchota-t-elle.Je prismon temps pour l'observer. Elle dégageait une telle assurance, elle avait tellement

confianceenmoi,quejemejuraidenejamaisluifairedemal.—Sijamaisjedevienstropbrusque,arrête-moi.Pour toute réponse, elle m'embrassa. En quelques minutes, nous avions ôté ce qui nous

restait de vêtements. Elle rougit légèrement et sembla gênée, tandis que je la dévorais desyeux.—Net'inquiètepas,tuesmagnifique.Ellemedévisageaavecunregarddecoquinetsusurra:—Jenerougissaispaspourça.Jehaussailessourcilseteusunsourireencoin.

—Autantpourmoi.Ellesouritet jem'avançaiverselle.Emmaselaissaglissersurlesoreillersàmesurequeje

merapprochaisd'elle.Jelachevauchai,encadrantmonvisagedemesbrastendus.—Tuessûreetcertaine?—Darren,situmeposescettequestionunefoisdeplus,jevais...Jepressaimeslèvressurlessiennes.

***

EMMA

Son souffle était chaud contre ma peau et ses lèvres douces sur les miennes. Il s'écartasuffisamment pourme dévisager. Ses yeux dorés brûlaient de désir etme firentme tortillersouslui.Celadutl'exciter,carilm'embrassaplusfougueusement.Automatiquement,jepassaimes bras autour de son cou; il pressa nos corps nus plus étroitement et je sentis son désirgrandissant.Jelaissaiéchapperungémissement,maisilnes'écartapas.Bienaucontraire, ilfitdescendresamainlelongdemahancheetcaressal'intérieuredemacuisse.Cegestemefitécarterlesjambespourlui laisserlechoix.Jegémisetmetordissurlesdraps.Ils'écarta,mefaisantvoirsonlargesourirefaceàmonattitude.Ilcaressaittoujoursmescuisses,maisilfaisaitattentiondenepastouchermonintimité.—Darren...hurlai-jequandiltouchamonentre-jambes.Ilenfouitsesmainsdansmescheveux.—Jeveuxmesentirentoi.Suiteàsesparoles,jemeplaquaicontresontorsehumide.Nousbasculâmesenarrièreettombâmesdanslesoreillersmoelleux.J'écartailesjambes,permettantàDarrendevenirsenicherplusétroitementcontremoi.Son

sexe frôla le mien et je me déhanchai sous lui. Il se pencha vers mon visage et sa langues'insinuadansmabouche.Aumomentoùjerépondisàsonbaiser,ilseglissafacilementetdoucementenmoi.Jehurlai

toutmonplaisir.Celam'excitaitdelesentirbougerenmoi.Ilcommençaàfairedesva-et-vientdeplusenplusrapides.Jevoulusmejoindreàlui,maissoncorpsm'enempêcha.Puis,commes'ilavait luenmoi, ilnous fitbasculersur lecôtésansnoussépareret jeme

retrouvaiassisesurlui.Jebougeaisetmefrottaiscontrelui.Ledésirgrandissaitenmoi.JefisdesmouvementsdeplusenplusrapidesetgémisquandDarrensejoignitàmoi.Ilgrondaenréponseàmoncri,cequifitvibrersapoitrine.—Darren,gémis-je.Ma respiration s'accéléra. J'agrippai ses épaules, ne baissant pas mon rythme, bien au

contraire, j'accélérai. Un torrent de jouissance se déversa sur moi et me parcourut le basventre.Darrenmerejoignitquelquessecondesplustard.Jeretombaitremblantesursontorseetilm'enlaçatendrementenm'embrassant.

***

Emmitoufléedanslesdraps,j'ouvrisunœiletmerendiscomptequeDarrenn'étaitpluslà.Je

meredressai.Mesvêtementsétaientlesseulssurlesoldesachambre.Laporteétaitfermée,mais j'entendis les voix d'Amy et Alec se disputer.Darren devait déjà être descendu. Jemelevaidulitetsaisisrapidementmesvêtementsavantdecourirjusqu'àlasalledebainetdem'yenfermer.Comme si quelqu'un allait rentrer dans la chambre... Je savais oùDarren rangeaitsesserviettesdetoiletteetensortisunegrandeetunepetitequejeposaiprèsdelelavabo.J'allumailadoucheetlaissailetempsàl'eaudechaufferavantdemeglisseràl'intérieur.Lesgouttes d'eaumepiquèrent la peauetmebrûlèrent les bras. Je reculai contre les parois encarrelage blanc en grimaçant. Quand je m'inspectai, je découvris de petites griffures ornantmesbras.Jeme lavaienévitantde touchermescoupuresavec lesavon.Jenem'étaispasaperçuequeDarrenm'avaitgriffée,etpersonnellement, jem'enmoquais,mais lui risquaitdes'envouloir.Mieuxvalaitnepasl'inquiéterpoursipeu.Alors que je me dépêchais de m'essuyer et de m'habiller, je pensai qu'il faudrait passer

cherchermonsacdesportchezCoraline.Cette idée neme plut pas vraiment, mais je ne pouvais pas rester habillée en top tout la

semaine. Vraiment, j'aimais Coraline etMatthew, c'étaientmes amis... mais des fois, j'avaisvraiment l'impression qu'on ne se comprenait pas. En quelques minutes, j'étais propre ethabillée. J'avais bien fait attention de mettre mon gilet noir pour cacher mes blessures. Jesortisdelasalledebainetarrivaidevantlaporte,maislagênemerattrapaetj'hésitaiàsortir.Peut-êtrenousavaient-ilsentendus?ConnaissantAlec,ilnesegêneraitpaspournouslefaireremarquer.À cet instant, la porte s'ouvrit et je tombai nez à nez avec une tête blonde. Alec cligna

plusieurs foisdesyeux, surpris,etme regardadehautenbas.Unsourire railleuranimasonvisage.—Biendormi?susurra-t-il.Jerougis.Etmerde.—Oui,trèsbien.Iléclataderire.—Jevoisça!Instinctivement,jetouchaimonbras.—Tunedescendaispas,ons'inquiétait.Jehaussailessourcils.—Ilnefallaitpas.J'aidormisilongtemps?—Troisheures,mapuce.Ilmefitunclind'œil.—Tudevaisêtreépuisée...Jedeviensplusrougequ'unepivoineetignoraisaremarque.—Darrenestenbas?demandai-je.—Ouais,acquiesçaAlec.Maissituveux,moijesuislibreicietmaintenant.

Je le fusillai du regard et il éclata de nouveau de rire. Je le poussai de mon chemin etdescendislesescaliers.Jel'entendismesuivreencourant.Quand j'arrivai dans le hall, mon regard se posa sur une vieille porte en bois à côté de

l'escalier.Jem'arrêtai.—C'estquoi?demandai-jeenmontrantlaportedumenton.—Lacave,réponditsimplementAlec.—Maloryestdedansn'est-cepas?chuchotai-je.Alecfitletourdemanièreàmebarrerlecheminjusqu'àlaporte.—Peut-être...—Doncelleyest?—Pourquoiveux-tulesavoir?demanda-t-il.—Etc'estquoilesupplicedelacage?Alecfrémit.Jelesuppliaiduregard.Ilsoupira.— On t'enferme dans une cage en argent, ça te vide de tes forces et t'empêche de te

transformerenpériodedepleinelune.C'esttrèsdouloureuxetçapeutrendreunloupfou.—EtMaloryyestenfermée...Jetournaimonattentionverscetteporte.—Ohnon,Emma!Jetevoisvenir.LaisseMalorylàoùelleest.—Mais,jesuissûrequesijeluiparlais...—Non,elletedéchiquèteraitmêmesituétaissameilleureamie.Net'approchepasd'elle.Jemerenfrognai.—Jure-le-moi.Jesoupirai.—Oui,jetelejure.Jenem'approcheraipasdeMalory!Alecretrouvasonsourire.—Allezviens.Il me conduisit à travers le salon jusqu'au petit bar installé dans le fond de la pièce; là,

j'aperçusuneporte. Ilmefitpasserdevantetpoussa laportepourmoi.Jenem'étais jamaisrenducomptequ'Alecétaitsimuscléavantdepassersoussonbras.Lapremièrechosequejevisdel'autrecôtéfutDarren,assisàunetable,puisAmyetenfinUlric.Ilsétaient installésdansunegrandecuisinemodernebienaménagée.Jedoisavouerque je

m'attendais à une cuisine de l'ancienne époque avec un vieil évier à pompe. Quand j'entrai,Darrenfutlepremieràm'apercevoiretj'eusdumalàdétachermonregarddusien.— Emma ! s'enthousiasma Amy. Justement, on se demandait en quelle couleur, il fallait

repeindrelacuisine!Jedisaisencouleurfauveouorange,maisUlricveutengrisouenblanc!—Hum...Vousn'avezqu'àfaireunepartieorangeetunepartiegrise,proposai-je.Alecs'adossaàlaporte.—Oui,c'estunebonneidée!Amygribouilladeuxoutroisnotesdansuncalepin.—Oualors,onpeut faireunepartiegriseetunepartieblanche,proposaUlricquimefitun

clind'œil.Amyrefermasonblocnoteenlefaisaitclaquer.—Tuveuxnousfairedéprimer?riposta-t-elle.Tandis qu'Amy etUlric se chamaillaient, jem'installai près deDarren. Son regard doréme

réchauffalecœur.—Tuasbiendormi?Jeluisourisbêtement.—Oui,merci.JesurprisAlecm'imitantembrasserDarren.Jelefusillaiduregard.Ilseretintderireetalla

sechercherunverredanslebuffet.—Tuasunebellecuisine.Jecroisquec'estlapiècelaplusmodernedumanoir!plaisantai-

je.—C'estlapiècelaplusmoderne!confirmaAmy.MaisnotrecherAlphaneveutpasrénover

lemanoir!—Ilfautunebonnecuisinepourpréparerlesrepasdesloups-garous,maisonn'apasbesoin

d'unsalonàlapointedelatechnologie,répliqua-t-il.—Parcontre, l'Alphaabesoind'unbonlit...susurraAlecdanssoncoin,sonverred'eauen

main.Iln'allaitpasmelâcheravecça!—Ettoi,c'estd'uncerveaudonttuasbesoin!contraAmy.Aleccroisalesbrasetpritsaminederâleur.Ilnefallaitpasquej'oubliedelaremercier.— Ah,mais c'est vrai ! J'ai gagnémon pari ! reprit Ulric. Tu appartiens à Darren et nous

sommesvendredi!—Etpourquoineserait-cepasDarrenquim'appartient?rétorquai-je.Maisavantqu'Ulricnepuisserépondre,Amypoussauncridejoie.—Onestvendredi!Alecéclataderire.—Jemedemandaisquandtuallaisleremarquer!Amybondithorsdesachaiseetilssetapèrentdanslamain.—Çavaêtretropcool!OhEmma!Tuviendrasavecnous,n'est-cepas?Priseauxdépourvues,j'acquiesçai.—Oui!Siçatefaitplaisir.Mais...où?Darrenrigola.—Tuverrasbien!Jesuissûrequetuvasaimer!Alectravaillelà-bas.—Cool...JelançaiunregardpleindequestionsàDarren,maisilnefitquemesourire.Amysautillade

joieetj'eusuneonded'appréhension.Qu'allait-elleencoremeréserver?

CHAPITRE16EMMA

C'étaitpourainsidiremapremièresortieavecunelouve-garou.Jecroyaisquelameuteseraitvenueaugrandcomplet,maislesgarçonsm'avaientditqu'ils

n'étaient«pastropfansdecegenredesortie».Après cette déclaration, je m'étais imaginé toutes sortes d'endroits, mais Amy ne voulait

toujourspasmedireoùellecomptaitm'emmener.Iln'yauraitdoncqu'elleetmoi.J'étaispersuadéequeçaallaitêtreunesupersoirée!Nous

devions simplement passer chez Coraline chercher mon sac avant de partir pour le club.J'espéraisqueCoconeprendraitpasmaldemevoiravecuneautre fille...pasqu'onaitdesobligationsl'uneenversl'autre,maisjesavaisqueçanelarempliraitpasdejoie,surtoutquejel'avais déjà « abandonnée » deux fois de suite... J'avais proposé d'y aller toute seule et dereveniraprès,maisDarrenavait insistépourque j'emmèneAmy.DepuisqueDawsonm'avaitattaquée,jedevaissortiraccompagnéed'ungarouquelqu'ilsoitpourmeprotéger.J'étaisdoncdans«mon»ArcaneavecAmy.Onmarchaitsur laplaceprincipale, jevoulais

me dépêcher pour qu'on ne remarque pas sa présence, mais elle était tellement curieusequ'elle s'arrêtait à chaque coin de rue pour tout inspecter. Elle n'avait jamais été dans cettepartie-cid'Arcane.Enréalité,ellen'avaitjamaisquittélaforêt.—Qu'est-cequec'estcalmechezvous!s'exclama-t-elleenobservantlaplace.— Tu m'étonnes ! Nous nous n'avons pas de bar ni de club ! À part quelques petits

restaurants, il fautallerà laprochainevillepour faire lesgrandsmagasins,expliquai-je,maiselleétaitdéjàpartieadmirerlavitrined'unepapeterie.Amy...Ondevraitsedépêcher.Cen'estpasbonpourtoiderestericitroplongtemps.—Oh...oui,pasdeproblème.Jenevoulaispaste...Sonregardseperditderrièremoietsonsouriresefana.JecrusqueDawsonétait là,mais

quandjemeretournai, jen'aperçusqu'unebanded'enfants jouantà laballe.Pour lapremièrefois, je vis une grande tristesse sur le visage d'Amy, une profonde douleur. Je lui touchail'épauleetellesursauta.—Heu...oui,ondevraityaller.—Tuessûrequeçava?m'inquiétai-je.Elleesquivaunfaiblesourire.—Oui,oui,net'inquiètepas.Ondoitsedépêchersionneveutpasraterledébutdushow.J'acquiesçaietnousreprîmesnotremarche.Amynes'arrêtaplusetrestamuettejusqu'àce

qu'onsoitseulesdanslesruelles.—Est-cequetuveuxdesenfants?Cettequestionmesurprit.Jedusréfléchiravantderépondre.—Jenesaispas,jen'yaijamaisréfléchi.Oui,peut-êtreunjour,conclus-je.

—J'enaitoujoursvoulu.D'abordungarçon,puisunefille;ilpourraitainsiveillersursasœur.Ellesourittristement.— Quand j'étais petite, je jouais tout le temps à la poupée. Je m'amusais à la promener

dehors.Unjour,j'aioubliéderegarderl'heureetlanuitacommencéàtomber.Sonregardsefitlointain.—Avantque jenepuisse regagner lamaison, il faisait tellementsombrequeseulungarou

auraitpuvoiroùilmettaitlespieds.Ellefituneposepuisellerepritsuruntonneutre.—Etmalheureusement,jesuistombéesurcegarou.Beaucoup de nouveaux loups voient leurs transformations comme un don : la force, la

rapidité...Moi,j'aivucettemorsurecommeunebriseusederêves.—Pourquoi?demandai-jesimplement.Tupeuxtoujoursavoirdesenfants...Elleeutunrireamer.Mêmesi jesavaisquecen'étaitpascontremoi, jemesentisstupide

d'avoirposélaquestion.—Oui, nous pouvons tomber enceintes, voirmême tenir les deux premiersmois !Mais la

pleine lune nous force à nous transformer et la mutation est trop violente. Au final, noussommescondamnéesàn'avoirquedesfaussescouches.—Jesuisdésolée,murmurai-jeattristéeparcettedécouverte.—Nelesoispas,cen'estpasdetafaute.Ons'yhabitue.Etcommesionn'avaitjamaisabordélaconversation,ellerepritsonsourirenaturelquimefit

soudain penser à un masque. Après quelques minutes de marche, nous étions devant chezCoraline.—Tum'attendsici!Jeneseraispaslongue.Jemarchairapidementvers lamaisonetsonnai.Unedoucemusiquerésonnaetunefemme

d'âgemûrouvritlaporte.Coralineavaittoujoursressembléàsamère,ellesavaientlesmêmestraits,sauf lescheveux.Coralineavait lescheveuxblondsdesonpèrealorsquesamère lesavaitd'unbeaubrunquicommençaitàgrisonner.—Emma,s'exclamalafemmeensouriant.—MadameDurand,lasaluai-je.Est-cequeCoralineestlà?— Oh, désolée, Coraline est encore à son rendez-vous avec Matthew, mais elle m'avait

prévenuequetupasseraiscertainementàlamaisoncherchertesaffaires.—Oui,jesuisvenuecherchermonsac,confirmai-je.—Attends,jereviens.Elledisparutderrière laporte,mais j'entendais toujourssespas.MadameDurandétaitune

ancienneinstitutrice.AprèslanaissancedeCoraline,elleétaitdevenuemèreaufoyer.Quandj'étaispetite,ellemedonnaitdescoursderattrapagependant lesvacances.MêmesiArcanene possédait pas de club, nous avions quandmême une petite école près de lamairie. Ellerevint après uneminute etme tenditmes affaires. Je prismon sac tout en la gratifiant d'ungrandsourire.—J'espèrequejen'airienoublié,dit-ellepensivement,maisrienn'estperduici!—Merci,MadameDurand.

—Oh,appelle-moiAnna.Sijamaistuasbesoindequelquechose,tusaisoùmetrouver,mapetiteEmma.—Oui,merci,répétai-je.Aurevoir.Ellemesouritunedernièrefoisetrefermalaporte.JerejoignisAmyquis'étaitassisesurunappuidefenêtre;ellebonditdesonperchoir.—Onyva?s'enthousiasma-t-elle.—Ouais!IlfallutmoinsdetempsàAmypourrepartirquepourvenir.Elle fonça tout le trajet et ne ralentit qu'une fois dans les bois.Peut-être était-ce dû à son

instinct sauvage, ou voulait-elle tout simplement éviter les enfants. Le soleil commençait àbaisserdanslecieletlaissaitlentementplaceàlalune.Quandonsortitdelaforêt,lesnéonsdesbarss'allumèrentcommes'ilsnousavaientattenduesetledébutdelafêtesonnapourlespremierstouristesquicommençaientdéjààaffluerdanslesbars.C'étaitmaintenantlemomentcrucial : j'allaissavoircequ'Amymeréservait.Onmarchasur lespavésfroidsethumidesquisentaientlapierremouilléeetreflétaientlescouleursflashdesnéons.J'observaichaquebaretclub.Laplupartpossédaitungardienà l'entréeet jemedemandai

combiendesvillageoisétaientdesloups-garous.Certainement tous, excepté les touristes Plus on s'éloignait de la forêt plus les gens

devenaientnombreux.Sansdouteparcequelesclubslesplus«libertins»devaientsetrouveràl'écart.Quandlabandedegarçonsm'avaitpriseparsurpriselorsdemonrendez-vousavecDarren,jen'avaispasregardédequelclubétaitsortiAlec.Jecommençaiàpenserquej'auraisdû...Aumoins,j'auraisudansquoijemettaislespieds.Alorsquej'essayaisdedevinerdansquelclubj'allaisrentrer,Amys'arrêtanet.Ilmefallutun

momentpourvoirlebâtimentderrièrelafoulequifaisaitlafile.Un énorme néon rouge illuminait le sol.On pouvait lire : « Aux trois supplices ». Lesmurs

étaientd'unnoirpresque identiqueà lanuit, les rendantpresque invisibles,alorsque laporteblindéeencuiret les fenêtresétaientd'un rougesang.Alorsque j'observais lebâtiment,unefillemebouscula.Ellegloussaetallatituberplusloin.Jen'avaispasvubeaucoupdegarçons,à part le gardien. En fait, il n'y avait que des filles dans la file d'attente. Une banded'adolescentes sortit d'une ruelle longeant le bâtiment; elles se mirent à hurler comme deshystériques.—Cen'estpasjuste,Bob!seplaignitunefilleblondeavecdescouettes.—Oui!C'estinjuste!renchéritsonamiebrune.Ungrandmalabarà la tête rasé lespoussaitendehorsde la ruelle,oùdevaitse trouver la

sortiedesecours.Jem'approchaisd'Amy:—Tuessûrequec'estici?hurlai-jepourqu'ellem'entendeau-dessusdescrisaigusproduits

parlafouledefans.—Biensûr!— Mais tu es sûre que je pourrais entrer ? La moitié des filles sont en train de se faire

recaleràl'entrée!Elleéclataderire.—Net'inquiètepas!

Ellemefitunclind'œil.—Icionestconnus!Elleparcourutl'assembléeduregardetmesourit.—Allezviens!Ellemesaisitlamainetmetiraàtraverslacohue.Amypoussaitlorsdenotrepassagepour

sefrayeruncheminjusqu'àlaporte.Les filles hurlaient d'indignations et nous fusillaient du regard. Je lançai des excuses qui

passaientnivuniconnuàtraverslesinsultes.Puis, elle s'arrêta devant la porte en cuir rouge. Lamontagne qui servait de vigil baissa la

tête,elleaussirasée,versnous.—SalutJack!criagaiementAmy.Levisagedubonhommes'éclairaenunsourireagréable.—MademoiselleAmy,répondit-ilpoliment.Votretableestdéjàprête.Ilmedévisagea.—Vousavezinvitéuneamie...—Oui,jeteprésenteEmma.Laboucheduvigils'arronditenun«o»desurprise.—Tuveuxdire,l'Emmadel'Alpha?—Oui,Monsieur!Laseuleetl'unique!ritAmy.Unemontagnesemblas'inclinerdevantmoiquandl'hommes'inclinaetmeserralamain.—Enchantédefairevotreconnaissance,MademoiselleEmma.Jeneréussisqu'àrendreunsourirecrispé.—Moiaussi...Jack!Ilseredressa,reprenantsahauteurspectaculaire.Desfemmespoussèrentdescrisaigus.—Hé!Pourquoipeuvent-ellespasser?C'estparcequ'ellessontjeunesetbelles?Moiaussi

jeveuxlevoir.Jackfronçalessourcilsàl'intéresséequisetutinstantanément.—Dépêchez-vousd'entreravantquecesfillesnevoussautentàlagorge!Ilouvritlaporteblindéequiserefermaderrièrenousunefoisrentrées.Onse retrouvadansunpetithalloùunvestiaireetuncomptoiravaientétéaménagés.Les

murs étaient d'un rouge flash qui contrastait avec le plafond et le sol noir. Une musiquerésonnait de l'autre côté d'une porte en cuir noir située en face de nous. Un homme seredressa de l'autre côté du comptoir. Il dut reconnaître Amy, car il lui sourit et lui fit signed'entrer.Amyluiréponditd'unsignedetêteet traversalasalleensautillant.J'enprofitaipourposermonsacdanslevestiaire.Quandellepoussalaporteblindée,lamusiquesemitàhurleretmesoreillesàbourdonnertellementc'étaitfort.Iciaussi,lapiècen'étaitfaitequedenoiretrouge, comme tout le reste d'ailleurs. Sur le côté, un bar en bois noir se dressait avec sestabourets rouges.Toute la salleétait rempliede tablesetdechaisesencuir confortable.Aufonddelapiècesetrouvaitunpodiumavecuneseuleetuniquechaiseaucentre.Letoutétaità la fois classeet provocateur. Il y avait déjà quelques femmesqui riaient, installées sur leschaises; d'autres, assises au bar qui draguaient le barman. Amy m'avait amenée à un...

spectacle?Unshow?D'ici, jepouvaisvoir le rideau remuersous l'agitationdesacteurs. JesuivisAmyquandelleallas'installeràunedespremièrestablesdevantlepodium.Elleselaissatombersurunechaiseetsoupira.—Enfin!Aumoins,onn'apasratéledébutdushow...Ellepritunairpensif.—Alecn'auraitpasaiméquetusoisenretard.Une foule de femmes toutes émoustillées et aussi excitées que des puces entra dans la

pièce. Elles se ruèrent sur les chaises encore libres. Elles emplirent la salle comme desfourmis.Jem'assisàmontour.—Àpropos,oùestAlec?demandai-jedanslebrouhahadeschaises.—Tuvasbientôtlevoir!répondit-elleavecmalice.Ilétaitsicontentquetuviennes.Ellemefitunclind'œil.—Àmonavis,tuvasêtreunepetiteveinardecesoir.Une fois que les femmes furent assises, les lumières s'éteignirent et une voix d'homme

s'élevadeshaut-parleurs:—Vousl'attendieztoutes!Desfemmeshurlèrent.—Et il est là ce soir pour réaliser vosmoindres fantasmes !Mesdames, bienvenue«Aux

troissupplices»!Des cris et des applaudissements résonnèrent dans le noir, puis des spots se mirent à

tourbillonner dans toute la salle. La lumière revint en un éclair, dévoilant Alec vêtu de cuiraccoudé à la chaise, un sourire juvénile aux lèvres. Je restai bouche bée. Les femmes selevèrent en se bousculant. La foule était en délire. J'avais commencé àme douter où jemetrouvaisenayantentendulemot«fantasme».Puis,j'enfuscertainequandj'aperçusAlec.Ilsm'avaientembarquéedansunclubdestrip-teaseetAlecétaitleclouduspectacle.Ilparcourutla salle du regard et s'arrêta sur moi. Son regard de voyou s'accentua. Il se redressa d'ungestegracieux.Plusieursfemmessifflèrent,alorsilsemitàonduleretàsetrémousserautourdelachaiseenimitantdesposestrès...«sensuelles».Lesfemmesrepartirentdeplusbelle.L'uned'entreellestendituneliassedebilletsetlesagita.Alecs'approcha.Lafemmes'agrippaàsonpantalonetyenfouitsesbillets.Elle lui toucha le torseenproieà l'admiration;Alecsepenchaet l'embrassa,puis ils'enallacommeunvoleur.Elle retombasursachaise lesoufflecourt.Ilenlevasavestelangoureusement.J'aperçussonregardm'épieret,quandilmelalança,je

prissoinde l'éviter.Lavesteatterritunerangéederrière.Unefemmeglapitenserrant lecuircontresapoitrine.Unticagitasalèvre,cequimefitpenserqu'iladoraitsonmétier.—Quid'autre?susurra-t-il.Uneautremainagitasonargent.Amyfouilladanssapoche.—Attend!murmura-t-elle.J'aicequ'iltefaut!Jememisàgrimacer.—Parpitié,nel'amènepasici!Maistroptardellesecouaitdéjàlesbillets.

—Viensmonloup!cria-t-elleamusée.Alecs'approcha,sonpantalonencuiràmoitiédéfait laissantapparaîtreunstringvert flash

quirenditsesyeux,delamêmecouleur,encoreplussaisissants.Ils'accroupitdevantmoi.Jeduslutterpournepasbaisserleregardverssonentrejambes.—Jevoisquenousavonsunenouvelle!Ilyeutdeséclatsderiresdanslasalle.—Etqu'est-cequ'onfaitauxnouvelles?hurla-t-il.Alec se redressa – ce qui abaissa encore plus son pantalon – et alla s'installer derrière la

chaise.Ilsepenchaencontractantsesmusclesd'unairprovocateur.—Etsionlafaisaitmontersurscène?susurra-t-il.Ohoh...—Ouais!hurlèrentlesfemmes.Amyéclataderire.Alectenditsonbrasetlepointasurmoi.Jerestai immobile,nesachantpasquoifaire.Amy

mepoussa.—Allezvas-y!mechuchota-t-elle.Jejurailesdentsserrées.Jeme redressai,mais n'aperçusaucunescalier quimenait aupodiumélevéàunmètredu

sol.Jegrimaçaienm'imaginantl'escalader.Alec dut comprendremon problème, car il vint jusqu'àmoi tout en souriant etme tendit la

main.Je luien fusreconnaissante,mêmes'ilallaitessayerdemepeloter...Avecsaforcedeloup-garou,iln'eutaucunmalàmetracterjusqu'àlui;ilenprofitamêmepourmettresamainàmes fessesetmeserrercontreson torsemusclé.La lumièrebaissaetunspotnouséclaira.Sonbrasautourdemataille,ilmeconduisitàlachaiseavantdemefairepivoterverslui.Alecétaitsexy.Ilsavaitjoueravecsoncorpsetvousfaireperdrelatêtes'ilenavaitenvie.Ilsepenchavers

moi lentement; je restai immobile sans savoir quoi faire. Au moment où ses lèvres allaienttoucherlesmiennes, jereculaiprécipitammentettombaisur lachaise.Desfemmesrigolèrentdanslepublic.—Ondiraitquelanouvellen'estpastropàl'aise,s'exclamaAlec.Jelefusillaiduregardententantd'ignorerladouleurquim'élançaitdanslesfesses.—Maisjevaisladétendre,renchérit-il.Ilencadramonvisagedesesbrasetsemitàfairedespompes.Jemesentisrougirenimaginant laposequ'ondevaitavoir:Alecentremesjambes,faisant

desmouvementsbizarresquipouvaientêtremalinterprétés!Ohdieu!Sionm'avaitditçahier,jenel'auraispascru.Quandilplialesbras,sonvisages'approchadumienetlà,jepussentirsonsouffleagiterles

quelquesmèchesrebellessurmafigurerougecommelesmurs.Chaquerespirationrapprochaitsoncorpsdumien,ilétaittellementprochequejen'osaispasrespireraurisquedeletoucher.J'allaisl'écarter,maisillevaundoigtetl'agitadevantmoiensignedenégation.—Connais-tularègledestroissupplices,Emma?susurra-t-il.

Jedusreprendremarespirationpourrépondre.—Non...soufflai-je.Toujoursenfaisantdespompes,ilsepencha.—Tunepeuxpasbouger.Ils'éloigna.—Tunedoispasmetoucher.Il revient et pressa brutalement ses lèvres douces contre les miennes. Surprise, je restai

immobile.Mesmainsserrèrentlesbrasdusiège.Ils'écartalentement,fierdelui.—Tuesàmoipendanttoutlerestedushow.Jedéglutisdifficilement.Ilseredressaetdisparutderrièrelachaise.Jevoulusmeretourner,

mais il mit sa main sur ma tête pour m'immobiliser. Je le sentis bouger dans mon dos, sarespirationmechatouillantlecou.Ilécartamescheveuxetsesdoigtschaudscommelabraiseme caressèrent de la clavicule jusqu'au menton. Puis, je le sentis se pencher et ses lèvresfrôlèrentmapeau.Sesbrasdescendirent le longdemoncorpsd'unair inquisiteur tandisqueses lèvresme taquinaient.Quand il arriva àmon oreille, il lamordilla. Je fermai les yeux etfrémis.Quelqu'unseraclalagorgedepuislebar.JerouvrislesyeuxetaperçusDarrenaccoudéau

comptoir.Toutlemondesetournaverslui.JesentisAlecseraidir.Darrens'avançanonchalammentetbonditsurl'estrade.Lesfemmes

hurlèrentcommedespetites fillesdansunmagasinde jouets.Ellesdevaientpenserquecelafaisaitpartiedushow.J'étaisàlafoisagacéequ'ilsoitsibeau,etenmêmetempsj'avaisenviedecrier:«Hey!Regardezc'estmonmec!»Alecm'entouradesesbrasetDarrenposasesmainssurlachaise,mesurplombantdetoutesatailleetmecachantdelafoule.—C'estmacompagne,murmuraDarrend'unairdedéfi.Alec resserrasaprisesurmoietse fitminusculesans jamais regardersonAlphadans les

yeux.—Maisc'estmonshow,seplaignit-il.Ilenfouitsonvisagedansmescheveux.—Onvientjustedecommencer...Darrenmeredressalementonetm'embrassa.Jegoûtaiseslèvresetfermailesyeuxenlui

rendantsonbaiser. Ildevaityavoirplusieursgarousdans lasalle.L'Alphanepouvaitpassepermettredesefairepiquersacopine,mêmepourunshow.—Enlèvetespattesd'Emma,grondaDarrencontremajoue.Desgloussementss'échappèrentdupublic.Alecmelâcha,résigné,maisilmemurmuraavant

departir:—Net'inquiètepas,machérie.Unjour,jet'aurais.Ilbondithorsduring.Desfemmesenprofitèrentpourletoucheraupassage.Jeleregardai

s'enaller.Darren saisitmonmentonet tournamon regard vers lui. J'avaisune folleenviedel'embrasser,maisjen'avaispasledroitdeletoucheretillesavait.Ils'approchalentementdema bouche qui devenait sèche et resta à quelque millimètre de mes lèvres. Au lieu dem'embrasser,ilenfouitsesmainssousmongiletetlefitglisserlelongdemesbras.

Cegestemeramenaillicoàlaréalité,etsurtoutàmeségratignures.Unsursautdesurpriserapprochamabouchedelasienneet,aumêmeinstant,legilettombasurlesol, laissantmesblessuresvisiblesàsonregard.Jem'écartaietcachaimesbrasavecmesmains.J'aperçussesnarinessedilateretsegonflereninspirantl'odeurdemonsang.Jememisà

paniquer.Sonvisageaffichauneexpressionquejen'avaisjamaisvuesurlui,maiselledisparutlaseconded'après.Onauraitditdelasurprisemélangéeàdel'angoisse.Aulieudes'écartercomme je l'avaisprévu, ilmesouritetm'embrassa l'épaule,descendant le longdemonbras.Quandilposaseslèvressurmesblessures,ellessemirentàbrûler.Jegémisdedouleuralorsqu'il maintenait délicatementmon bras entre sesmains puis, sansme quitter de son regarddoré, il la lécha langoureusement,produisantdepetitsbruitsdesuccion.Quand ils'écarta, jen'avaisplus rien.Lesgriffuresquiornaientmonbrasavaientdisparu.Je lui touchai lamainettoutelafoules'écria:—Éliminée!Tul'astouché.Darrenmesouritetmepritlamainpourmeremettredebout.J'avais l'impressiond'avoir les jambesencotonet jedusm'appuyercontre lui.Les femmes

selevèrentetnousapplaudirent.Unevoixfémininesemitàhurler:—Jeveuxbienêtrelasuivante,monchou!Darrenm'aidaàdescendre.Amyvientversmoienapplaudissant.—Bravo!Pourunepremièrefois,tunet'espastropmaldébrouillé.Jenesavaispassijedevaislaremercieroùl'engueuler.—JevaisrentreravecEmma,déclaraDarren.—Déjà?Maisçavientjustedecommencer!—Jesuisvraimentfatiguée,dis-jeprécipitamment.Onsereferauneautresoirée,luipromis-

jeenramassantmonsac.Avantquejen'aiepuajouterquoiquecesoit,Darrenm'entraînaendehorsdelasallealors

qu'unautrespectaclecommençait.L'hommeassisaucomptoirnousremerciadenotrevisiteetretournaàsontravail.Jevoulus

reprendremonsac,maisDarrenfutplusrapideetrefusaque je leporte.J'insistai,mais ilsecontentadesourire,sansm'écouter.Quandnousarrivâmesàl'entrée,l'agentdesécuriténousouvrit.—Alpha,saluaJackennoustenantlaporte.Quandonsortit, la fileétaitencoreplus longueetplusbruyante.Legardese rapprochaet

s'amusaàrepousserlafouleendélire,écartantlesfillesdenotrechemin.—MerciJack,gratifiaDarrenunefoiséloignédelafoule.Étrangement,l'hommesemblasoulagéd'avoircontentésonAlphaetretournaàsonposte.—J'étaissûrequec'étaitunloup-garou!murmurai-jeàDarren.Iléclataderireetmarchaverslaforêt.Jepressai lepaspourêtreàsahauteur.Jen'avais

jamais eu de petit copain auparavant – enfin si je pouvais dire que Darren était mon petitcopain...Jemevoyaismaldireàunpassant:«JevousprésentemonmâleAlpha!»Jesourisàcettepensée.JejetaiunregardencoinàDarrenetmedemandaiàquoiilpouvaitpenser...Jevissamain

pendrelelongdesajambe.J'eusuneirrésistibleenviedelaluitenir.J'observaisonvisageet

tentaidedevinercommentilréagirait.Ilsurpritmonregardsurlui.Jesursautaietregardaidroitdevantmoi.—Quoi?sourit-il.Jesecouailatêteetagitailamain.—Nonrien!Je rougis légèrementenbaissant la tête. Il ralentit son rythmeet s'approchademoi. Je le

regardai,intriguée,maissonattentionétaittoujoursfixéesurlaforêt.Alorsqu'onallaityentrer,ilentrelaçasamaindanslamienneetmeserracontrelui.Jesentisunsourirenaitreaucoindemeslèvres.J'étaisheureuse.

***DARREN

Il n'y avait personne d'inactif aumanoir : Alec et Amy étaient restés au club, Malory étaitenferméedanslacage,UlricétaitpartifairesarondeetShadnesortaitjamaisdesachambreenpériodedepleinelune.Ilétaitdonchorsdequestionquej'ailledormiretquejelaisseEmmasansprotection.J'avaisinsistépourqu'elleaillesereposer,maiselleavaitrefuséenprétextantqu'elleavaitassezdormipendant la journée.Pourtant, jepouvaisvoir la fatigue incrustersesporesetsentirsesjambestremblercontremoi.Nousnousétionsdoncinstalléssurlecanapédusalonenattendantquequelqu'unrentrepourreleverlagarde.Allongésurlegrandsofa,j'écoutaislarespirationd'Emma,presséecontremoi.Jel'enlaçais

pour essayer de la réchauffer. J'étais une vraie bouillotte vivante pour elle, et les nuitsdevenaientdeplusenplusfroidesàArcane.Jevoyaisqu'elleluttaitpournepass'endormir.Jeremarquaisespetitssursauts,puiselles'éveillait.Savoierésonnacontremapoitrine.—Tudevraisacheterunetélévision,grogna-t-elledefatigue.—Çarendstupide,murmurai-je.—Alors,financedansunsuperradiateurultraperformant!—Jenesuispasassezperformantpourtoi?Elle ronchonna et se pressa un peu plus contre moi. J'écoutai attentivement la respiration

douceetlented'Emmaquandunhorriblebruitdemoteurvinttroublermonaudition.JegrimaçaietMarcusentraencoupdeventdanslemanoir.JesentislefroidrentreretEmmaseraidir.—Darren!TuasvuEmma?Jenelatrouveplus...Emmaseredressalesbrasécartés,encriant.—BOUH!—Toi!repritMarcus.Çanesefaitpasdesesauvercommeunevoleuse.Onnet'ajamais

apprislapolitesse?—Non,mamèreestmorteavantetmonpèreanégligémonéducation!répliquaEmma.—Tuauraisaumoinspumedireoùtuétais!Jet'aicherchéepartout...—Tun'espasmonpère!Jemefigeaietinterrompisleurdispute.—Marcus,ilfautqu'onparle.

Jevisdanssonexpressionqu'ilavaitcompris.Illançauncoupd'œilendirectiond'Emma,quileva les yeux au ciel. Elle se redressa, mais avant de partir, se pencha vers moi etm'embrassa.Jelasoupçonnaisd'avoirfaitçapourénerverMarcus,quiévitanotreregardd'unairgêné.—Jevaisprendrel'air,déclara-t-elleenpassantàcôtédeluisansleregarder.Laported'entréeclaqua.—Qu'est-cequeluias-tudispourlavexer?m'exclamai-je.—Jeluiaiditlavérité:quelesmonstresetleshumainsn'ontrienàfaireensemble.—Parcontre, tum'asmenti.Emman'estpashumaine...Enfinpascomplètement.N'est-ce

pasMarcus?C'estpourçaquetut'intéressestantàEmma.C'esttafille.Marcusmedévisagea.—Commentl'as-tudécouvert?—Grâceàunecoupure,dis-jesimplement.C'était inscritdanssonsang.Jen'arrivepasà

croirequetum'aiesmentitoutcetemps.Jamais,jen'aicruqu'Emmapouvaitêtretafille.C'estcenséêtreimpossible.— C'est pour cela qu'il faut garder le secret. Elle est le premier enfant hybride né d'une

humaine et d'un loup-garou. Certains pourraient s'intéresser à Emma. Personne, je dis bienpersonne,nedoitêtreaucourant.Ellen'estpasprêteàaffronterleConseil.—Qu'est-cequeleConseilpourraitbienfaireàEmma?demandai-je.—Ils'yestdéjàintéressé,ilyadixans.LeConseiladesprojetspersonnels.Jefronçailessourcils:quandleConseilmenaitdes«projets»,çafinissaittoujoursenbain

desang.—Quoicommeprojet,Marcus?—Unenouvelle raceplus fortequine ressentiraitpas les influencesde la lune. Ilsontdéjà

fait des expériences sur des femmes enceintes. S'ils apprenaient qu'Emma est la fille d'ungarou,surtoutduFenrir...Jetelaisseimaginer.J'eusl'imaged'Emmaenchaînéeàunetabled'opération.—Sijen'avaispassentisonsang,jamaisjenemeseraisdoutédequoiquecesoit.Ellene

semble pas avoir de force surhumaine ou une rapidité hors-norme, ni même un pouvoirquelconque.—C'estsanature.Ellenes'en rendpeut-êtrepascompteelle-même.Évidemment,ellene

peutpasavoiruneforceouunerapiditéautrequecellequesoncorpspeutluifournir,maisj'aidéjàobservéqu'ellesaitparfaitementbienmarcherdanslenoirouqu'elleguéritplusvitequelaplupartdeshumains.Jepassaimamaindansmescheveuxetsoupirai.—Etquandcomptes-tuleluidire?—C'estcompliquéDarren...—Elledoitêtretenueaucourant,insistai-je.Tusaiscequiarrivequandonluiment!—Jesais...Un silence s'installa, laissant place à une atmosphère oppressante. Quelque chose n'allait

pas.Marcus etmoi nous dévisageâmes, cherchant ce qui clochait dans ce silence sans fin.

C'étaittropcalme,etavecEmma,çan'étaitpasnormal.Marcuslutdansmespensées,caronfut dehors en moins de deux, mais on ne trouva que le bracelet d'Emma abandonné surl'escalieretl'odeuramèredeDawson.

***EMMA

Jem'assissur lesmarchesglacéesde l'escalieroù la lumièrefiltraitparunefenêtre.Jemedemandaisdequoiilspouvaientbienparler...OK,questionidiote.Çadevaitêtredemoi.C'estvrai, on ne parlait que d'Emmadepuis une semaine. Je soupirai et un petit nuagede vapeurquittamabouche.Jesourisettentaidefairedespetitsrondsdefumée,sanssuccès.Uncoupdeventfittremblerlesarbres,effaçantlafumée.Jefrissonnaietmeréchauffaiàl'aidedemesbras, frottantmes paumes contremon gilet. Jem'étais toujours demandé comment faisaientlesfumeurspourfairedescerclesaveclafumée...Unebranchecraqua.Jerelevailatête,maisnevis rien.Peut-êtreunchevreuil,ouAlec.Siquelqu'unarrivaitmaintenant jepourrais rentreraveclui.Jemeredressaietdescendislesquelquesmarchesàlarechercherdemonsauveur.La forêtétaitplongéedans lenoir,brièvementéclairéepar leclairde lune.Jedécidaidemerapprocheràquelquemètredesarbres,maisjenevisriend'étrangeàpart...desarbres.Bon,j'enavaisassez!J'étais fatiguéeet j'avais froid.S'ilsvoulaientdiscuter,c'étaientàeuxd'allerdehors!Jemedirigeaiversl'escalierd'unpasdéterminéquandunemainmesaisitlescheveuxetme

tiralatêteenarrière.Unepaumeseplaquasurmaboucheavantquejen'aieletempsdecrier.Jegémis,maispasassez fortpourqueDarrenpuissem'entendre, j'étais trop loindumanoir.Je tentai de me libérer, mais il tira un peu plus ma tête en arrière. Je sentis mon cœurs'accélérer,cognercontremapoitrine.—Salut,Emma,chantonnaDawsonenm'embrassantlajoue.Jesecouailatête,écœurée.—Jenesuispascontent!reprit-il.Tum'asvraimentfaitmalàlamainladernièrefois.Ilrelâchamescheveuxetsemitàlescaresserlentement.—Heureusement,j'aiviteguéri!Cen'estpascommelacicatricequetum'asfaiteaveccette

stupideéquerreenargent,cracha-t-il.Aufonddemoi,jefusfièredel'avoirblessédanssonorgueil.Ilapprochasabouchedemonoreilleetarticulalentement:—Maisnet'inquiètepas, jet'aipardonnée,murmura-t-ilenenroulantsondoigtautourd'une

mèchedecheveuxetens'amusantàtirercommesuruneficelle,petitàpetit.Siçacontinuait,ilallaitmebriserlanuque.Ilm'arrachaviolemmentunemèchedecheveuxet

lalaissatombersurlesol.Jegémisdedouleur.—Uncadeaupourtoncopain,expliqua-t-il.Ilesttard,tudevraisdormir,maintenant...J'eusunehorribledouleuràl'arrièreducrâne,etpuisplusrien.Madernièreimagefutcelledumanoirquis'éloignait.

***

DARREN

Enbasdel'escalier,jehumail'airpourrepérerlapisted'Emma.Je n'aurais pas dû refermer notre lien de sang pour lui laisser de l'intimité, j'aurais pu la

sauver !J'auraiscomprisplusvitequ'elleétaitendanger !Sonodeurempreignait les lieux, laplupart n'était que de simples traces légèrement effacées par les intempéries. Pourschématiser, suivre l'odeurdequelqu'un, c'est commesuivredes flèchesquidisent«Jesuispasséparici»;ilfautjustetrouverlesbonnes.Cen'estqu'unjeudepiste.Leventm'apportauneforteodeurvenantdelaforêt.Jelasuivisjusqu'àl'oréeduboisoùelle

s'intensifia.Marcus,àcôtédemoi,sebaissaetramassaunemèchedecheveuxd'oùémanaitleparfumdouxetsucréd'Emma.— Il se fou demoi ! hurlai-je en envoyantmon poing dans un arbre qui vacilla en grinçant

plaintivement.Ilfautprévenirlapolicehumaine.—Onnepeutpasmêlerleshumainsànoshistoires...murmuracalmementMarcus.—Cenesontpasnoshistoires!C'estEmma!—Admettonsquelapolicelaretrouveavantnous.Dawsonn'enferaitqu'unebouchée.Jeréfléchisàunesolutionetn'entrouvaiqu'uneseule.—Réunislameuteetfouillezlaforêt.Ilnedoitpasêtrebienloin!Jem'enfonçaisentrelesarbres.—Darren!Oùvas-tu?Jecontinuaisdemarcher,sansmeretourner.—Jevaislachercher!déclarai-jeendanslanuit.

***EMMA

Des gouttes d'eau résonnaient en tombant sur le sol. J'avaismal à la tête, comme si l'onpassaitmoncerveauaurouleaucompresseur.Unegouttelette tombasurmonvisage.J'ouvrissoudainement les yeux, ravivantmamigraine.Mavision se troublaet je dus clignerplusieursfoisdescilsavantdevoiroùjemetrouvais.J'étaisallongéesur lebétonfroidd'unecavesombreethumide.Uneautregoutteletteglissa

sur mon front. Je l'essuyai et levai la tête vers le plafond qui était traversé de dizaines detuyauxdontunfuyait.Jemeredressaisurmesgenoux.Commentétais-jearrivéici?Jepassaimamaindansmescheveuxetgrimaçaiquandjetouchail'arrièredemoncrâne.Dawsonavaitdûm'assommersionsefiaitàlabossesurmatête.Il fallait que je sorte d'ici. Je ne pouvais pas me permettre d'attendre que l'on vienne me

sauver. Je cherchais un moyen de sortir de cette cave. Il n'y avait pas de fenêtre, ni deconduits, juste une vielle porte rouillée au fond de la pièce. Je me levai en vacillant et merattrapaiaumurleplusprochequejelongeaijusqu'àlaporte.Maisquandjesaisislapoignée,je remarquaiquecen'étaitpasde la rouille.Je retiraibrusquementmamainensanglantéeetreculai. J'eus une moue de dégoût en essuyant le sang sur mon top qui était bon pour la

poubelle.Laportes'ouvritengrinçant.Dawsons'avançaenapplaudissant.—Bravo,MlleWhite!Jedoisavouerquevousm'avezdonnédufilàretordre.Cependant,je

mesuisbienamusé.Jereculaipourresterloindelui.—Oh!Pourquoitantdeméfianceentrenous?Iléclataderire.—Sijevoulaisvoustuer,vousseriezdéjàmorte!Ilfutsoudaindevantmoi.Jesursautaiquandilmesaisit lebras.Il levamamainverssonvisage;jeluttai,maisilétait

bien trop fort pourmoi. Il semit à lécher le sang surma paume. Il s'humecta les lèvres etdégustapensivement.Jenepusretenirmaremarque:— Alors, c'est le sang de laquelle de vos victimes ? demandai-je écœurée en sentant sa

languecontremapeau.Il éclata de son rire rauque et me traîna à travers la cave. On traversa ensuite un salon.

C'étaitunesortedevieillemaison,certainementuneanciennefermerénovée.J'enprofitaipourregarderparl'unedesfenêtresetjefussurprised'apercevoirlacollineoùj'avaistantcouru:lesoir où Dawson m'avait attaqué, mais aussi quand le chasseur nous avait tiré dessus avecAlec.Dawson se cachait dans lamaison du vieuxRamirez.Onne resta qu'une secondedans le

salon, le tempsde le traverser.Quandonpassadans lapièced'àcôté, jemedoutaisdecequej'allaistrouver.Dawsonme lâchaetme laissa inspecter lapièce.Audébut, jeduschercher l'erreur.C'était

une salle aux trophées ordinaire : les carcasses empaillées de divers animaux décoraient lasalle.C'estaprèsque j'aperçus la têteduchasseuraccrochéeaumur telunbutin.Jenepusm'empêcherdepenserquec'étaitironiquedelapartdeDawsondefairesubircettetortureauchasseur.Aprèstout,luiaussiavaitprislaviedeplusieursanimauxetlesavaitexposéscommedesmédailles.Peut-être était-ce par égard pour les animaux ou simplement parce que je commençais à

avoirl'habitudequecemeurtrenemechoquaitpastantqueça.JeconcentraimonattentionsurDawson.—Ilyaunenouvelledécoration,àcequejevois.—Contentquetuaimes!Ils'approchadelatêteduchasseuretluitapotalajoue.—Iln'apasétéd'accordpourquej'empruntesamaison,expliqua-t-il.—Detoutemanière,vousl'auriezquandmêmetué.Iléclataànouveauderire.—Tuvois,c'estpourçaquejet'aimebien.Enréalité,onsecomprend.Ils'amusaàtournerautourdemoi.—Onestpareil...

Iltenditlamainversmonvisage,maisjereculai.—Non,onesttrèsdifférents,affirmai-jefroidement.Ilfronçalessourcils.—Çanesauraittarder...—Darrenvavenirmechercher,menaçai-je.Ilmesaisitlagorge.—J'espèrebien,mabelle.Jeluiailaissédespetitsindices.Ilresserrasapriseetjememisàsuffoquer.—Qu'ilvienne!J'aiuncadeaupourlui.Ilmelaissatomberausolcommeunvieuxlinge.Jetoussaienmemassantlecou.—Qu'est-cequevouspréparez,enréalité?—Oh,pasautantdepolitesseentrenous!J'aidéjàessayédetetuertroisfois!Appelle-moi

Dawson!Commeilnedisaitrien,jesoupiraietfiscequ'ilsouhaitait.—Bien...Quelesttonplan,Dawson?Ilmesouritfièrement.—Jedoist'avouerquej'aibeaucouphésité!Audébut,jevoulaistetueretteviolerenmême

temps,fairequelquechosed'assezbasique!Maisjemesuisdit,pourquoinepasinnover?J'aicherché une méthode pour faire encore plus souffrir Darren quand je l'aurais capturé puistorturé...TunesaispasEmma?Commejerestaissilencieuse.Ils'accroupitdevantmoietjepussentirsonhaleineputride.—Allez!Tudoisbienavoiruneidéederrièrelatête.Jeleregardaifroidement.Ilfallaitquejesorted'ici.Jeportaislentementmamainàmoncou.—Aucuneidée,murmurai-je.— Te transformer, susurra-t-il. Toi et moi... Ensemble. Imagine ce pauvre Darren quand il

réalisera qu'il ne t'aura pas seulement perdu pour toujours... mais que tu seras à moi pourl'éternité.Ça,c'étaithorsdequestion !Jemeredressaivivementetplaquaimoncollierenargentsur

son visage, qui se mit à fondre comme du beurre. Je courus jusqu'à la porte d'entrée.J'entendisDawsonhurler.Jesaisis lapoignée,mais laporteétait ferméeàclé.Unebicheempailléevolaà travers le

salonetsebrisacontrelemur.Jeprisletrousseaupenduàunclouetessayaitouteslesclés,maisDawsonm'empoignalescheveuxetjefusprojetéeàtraverslapièceavantdem'écrasercontre la porte en fer de la cave. Je tentai deme redresser,maismon épaule craqua et jetombai sur le plancher.Dawson s'accroupit près demoi; sa brûlure sur le front se refermaitdéjà.—C'estpourçaquejen'aimepasleshumains,ilssonttropfragiles.Jevislascèneauralenti.Ilattrapamonbrasetl'approchadeseslèvres.—Jet'offrelaforceetlarapidité.Ilouvrit labouche,mettantsescrocsenévidenceet lesenfonçantdansmonavant-bras.Je

hurlai.Jelessentisdéchiquetermapeaucentimètreparcentimètre,cherchantavidementmon

sang. Je tentai de retirer mon bras, mais il émit des petits grognements et s'y agrippa,s'amusantà lemâchouillercommeun jouet.Puis, il rejeta la têteenarrièresebarbouillant levisagedemonsang.Ilfronçalessourcilsetmedévisagea.—Tuasungoûtdifférent...Jevoulusriposter,maismonsangsemitàbrûlerdansmesveines.Jehurlai.— Ça a commencé, s'enthousiasma-t-il en me mettant sur son épaule. Essaye de te

détendre.Mon corps se mit à convulser. Il ouvrit la porte et me balança dans la cave. J'atterris

violemmentcontre lebéton.Mon front semitàdégoulinerabondamment.De fortesboufféesdechaleursepropagèrentdans toutmonêtre,meparcourantde la têteaupied,me faisantbouillir.J'essayai de me redresser; elles s'intensifièrent, me changeant en torrent de feu, et

m'incendièrent de l'intérieur. Je criai et retombai lourdement, les yeux voilés de larmes. Mavision se brouilla et ma gorge devint subitement sèche. Je portai ma main à mon brasdéchiqueté,oùuntroubéantquipissait lesangornaitmonavant-brasgauche.Destracesdecrocs l'entouraient, comme pour garnir la morsure. Des crampes me tordirent brutalementl'estomac.Jemerepliaisurmoi-même,gémissantpitoyablementpouratténuerladouleur,maiscelanefitquel'attiser,lafaisantdevenirdeplusenplusviolente.—Jevoustuerai,chuchotai-jeenboucledeplusenplusbas.Ilrigoladesavoixrauqueetsortitdelapièce,refermantlaporte.Jerestaiseulesurlesol,

secouéepar lescrampes,brûlantàcauseduveninquicoulaitdansmesveines.L'ironiedanstout ça était qu'il n'avaitmême pas fermé la porte à clé,mais que j'aurais été incapable deramperjusqu'àelle.JememisenbouleetpriaipourqueDarrenarriveleplusvitepossible.Jeposaimatêtecontrelebétonfroidetessayaidemedétendre.

***DARREN

JenetardaipasàtrouverlaplanquedeDawson.J'étaisàlalimitedelaforêt,cachéderrièrelesarbres.J'essayaid'apercevoirEmmaà traversunedes fenêtres,envain.Maissonodeurétaitbienlà,jelasentais:leventm'apportaitsonparfumdepuisl'ancienneferme.Soit Dawson avait été négligent, soit il avait fait en sorte que je le retrouve. J'étais prêt à

parier que c'était une ruse pour m'attirer. Je regardai fixement mes mains et reportai monattentionsurlamaison.J'avais le choix entre attendreMarcus et lameute ou y aller seul. Tout semblait calme. Je

fermai les yeux et humai l'air pour m'informer de la situation : je remarquai un relent deputréfaction,certainementlevieuxchasseur,celledusang,puiscelledeDawson.Maisderrièretoutescessenteurs, jeperçusmaprésenced'Emma,plusdifficileà cerner, enfouie sous lesmilliers d'odeurs d'animaux, de paille et de poudre. J'ouvris mon lien avec Emma et titubai,frappéparsadouleuretsapeur.Avant que je n'aie pu réfléchir, je me mis à courir vers la maison. Je défonçai la porte

d'entrée,quisautadesesgonds,maisnevisaucunetracedeDawson,seulementcellelaisséeparlesangd'Emma.Ildisparaissaitsousuneportemétallique.Jetendislamainetelles'ouvritd'unesimplepoussée.Moncœurs'arrêtaquandj'aperçusEmmarecroquevilléesurlesoldanssonpropresang.Ellesemblaitendormie.Jeme laissai tomberàcôtéd'elleavantderéaliserque jem'étais avancé.Un trouornait sonbrasgauche, je le pressai demamaindroitepourlimiter la pertede sang. Je lui caressai sa joueencore chaudeet écartai unemèchede sonvisageenpriantpourqu'elleouvre lesyeux.Commesiellem'avaitentendu,sespaupièressemirentàtrembleretseslèvrestentèrentd'articulerquelquechose.Jelaserraicontremoi.—Quedis-tu?Sarespirations'accéléra.—Emma?—C'est...unpiège.Ellegémitetsemitàdégoulinerpartouslespores.Jeconnaissaisassezbiencefluidepour

comprendrequec'étaitduvenin.Ce trouétaitunemorsure.Jen'avais jamais rienvude tel.On luiavaitpresquearrachéun

morceau de son avant-bras. Je lui caressais les cheveux. Il était hors de question que je laperde.—Jevaistesortirdelà,luichuchotai-je.Je lapris dans lesbras,maisquand j'euspassé laporte, je n'euspas le tempsd'éviter le

poingdeDawson.Jeperdisl'équilibreetlâchaiEmmaquitombasurlevieuxplancher.

***EMMA

J'avaisdûperdreconnaissance,carquandj'ouvrislesyeux,j'étaisallongéesurleplancherdusalon. J'aperçus Darren agenouillé, non loin de moi. Ses mains se mirent à onduler et desgriffes apparurent à la place de ses ongles. Dawson rit, et il n'en fallut pas plus pour queDarrenluitailladeletorseetyenfoncesesgriffes.Dawsongrognaets'écartaenvacillant.—Tuveuxjouer?Alors,onvajouer!Ilarrachasachemiseetsesmainsse transformèrentà leur tour. Ilssemirentà tourneren

rond,sedéfiantduregard.—Onn'estpasobligédefaireça,Dawson,grondaDarrend'unevoiemenaçante.L'intéresséluisouritdesesdentsensanglantées.—Depuisletempsquej'attendsça,Darren.Jeveuxavoir lafilleet lameute!Necroispas

quejevaisavoirpitiédetoi!LesyeuxdeDarrenvirèrentaujauneflash.—J'espéraisquetudiraisça!DawsonhurlaetbonditsurDarren.Ilstombèrentausol.Darren le propulsa à travers la pièce etDawson s'écrasa contre le divan qui bascula sous

son poids. Rien ne bougea pendant une seconde, puis il se redressa, porta le sofa sur sesépaulesetl'envoyasurDarrenquil'esquivaagilement.

Dawsonrepartitàlachargeettentadelegriffer.Darrenluisaisitlamainetlatordit;Dawsonhurla,maisilseservitdesonautrepattepoursedégager.Darrenl'évitadepeuetils'entaillalégèrement la joue. Ilgrondaetdonnauncoupdecoude, faisantbasculer le tueurqui tombalourdementausolencrachantdusang.Iltentaderamper,maisDarrenarrivaderrièreluietluibrisa legenoudroit, l'écrasantdesonpied.Dawsongémitdouloureusement.Darren le saisitpar la gorge et y enfonça lentement ses griffes. Dawson vomit du sang. Même si sa lèvreinférieure se refermait déjà, il était mal en point, car quand il toussa, du sang gicla de sonabdomenàmoitiééventré.Jegrimaçai.Apparemment,sarégénérationnesavaitplusoùdonnerdelatête.—Alors,petit.Finiscequetuascommencé!LesépaulesdeDarrensecrispèrent.—Àmoinsquetun'enaiespaslecrannécessaire?Ilresserrasapriseettournasonregardversmoi.Jesavaiscequiledérangeait:cen'était

pasdetuerDawson,maisc'étaitdelefairedevantmoi.Contretouteattente,Dawsonseredressasoudainement,plaquantDarrenausol.Leregard

fou, ilsemità luidéchiqueter lapoitrine, faisantgicler lesangsur lesmurs.Darrentendit lesmainsverslagorgedesonadversaire,maisilneréussitqu'àl'effleurer.—Tudevraisagiraulieud'attendre,salechien.IlgrognadedouleurquandDawsonyenfonçasesgriffes.Alors, celui-ci éclata d'un rire morbide. Il allait le tuer si je ne faisais rien. Je me relevai

difficilement, m'aidant d'un mur. Dawson m'ignora complètement : il n'y avait plus que sonadversaireetlui.Jemesouvinsavoirvuunfusilaccrochéaumurdelasalledestrophées.Jemedéplaçai dumieuxpossible, trébuchant tous les troispas.Quand j'entrai dans la salle, jesaisislefusiletcherchaidesballes.Jevisunevitrineaufonddelapièce.J'ycourusetbrisailavitreaveclacrossdufusil.Darrengémitdanslesalon.—Emma!Situpouvaistedépêcher,jet'enseraistrèsreconnaissant!—Oui,ouimurmurai-jeàvoixbasse.J'enfouismamain dans une boîte remplie de cartouches, quand je remarquai l'inscription :

« Cartouche en argent ». Je haussai les sourcils, mais ne me posai aucune question. Jebasculailecanon.Mes mains tremblaient en même temps que je glissais les cartouches dedans. Plusieurs

tombèrentà terre.J'enprisunepoignéeet lesmisdansmongilet.Jecourus jusqu'ausalon,sentantmesboufféesdechaleurrevenir.Jem'arrêtaiàdeuxmètresd'eux.—Dawson!hurlai-je.Ilsefigeaettournalatêteversmoi.—Quoi,mabelle?Jesuisoccupélà!Jevisaisonépaule.—Éloigne-toioujetire!menaçai-je.Il rigolaetgiflaDarren.Lecoupparti toutseul.Onnetouchepasàmon loup. Ilhurlaetse

redressa,tenantsonépauled'unemain.Darrenhaussalessourcils.Quiaditqu'unefillenesaitpasutiliserunfusil?—Salegarce!Tuvasmele...Ils'avançaetjetiraiauniveauduplexussolaire.Ilrit.—Tucroisvraimentquegaspillertesballesenplombvatesauver,mabelle?Jerechargeail'armeaveclescartouchesmisesdansmongilet.—D'un,jenesuispastabelle,etdedeuxc'estdel'argent,crétin!Sonvisagesevidaetilposasamainsursonventrelacéréetensanglanté.—Merde,murmura-t-il.Ils'effondraàgenouxetsemitàconvulser.Jeregardaisoncorpssetordreetsechangeren

celui du loup blanc. Je lui tirai dessus jusqu'à ce que mes poches soient vides. Darren seredressaetmesaisitlefusil,maisjenelelâchaipas.—Ilestmort...Jen'arrivaispasàdétachermonregardduloupblanc,désormaisinerte.—J'espèrebien,murmurai-je.J'aicruqu'ilallaitmesauterdessus...—Notrecorpssechangeautomatiquement,unefoismort.C'estunsystèmed'autoprotection

pourdissuaderlesgensd'enquêtersurnotreidentitéousurnotremort.Quisesoucieraitd'unanimalerrant...Jehochailatêtemêmesijen'avaisrienécouté.—Donne-moicettearme,Emma,insistaDarren.Ce fut comme si mon corps décidait de tout abandonner en même temps que ce fusil,

laissantlibrecoursaupoisonquiparcouraitmesveines.Jem'effondrai.Darrenmerattrapa.—Emma?Tum'entends?Mavisionsetroubla.Jefermailesyeux.—Jesuisfatiguée,soufflai-jeavantdem'évanouir.

CHAPITRE17EMMA

C'est l'odeur du désinfectant qui me réveilla en premier, puis mon pauvre corps martyriséachevaletravail.Matêteétaitatrocementdouloureuseetmesyeuxétaientgonflésàtelpointqu'ilsauraientpusortirde leursorbites.Quand jepusouvrirunœil, j'aperçus lebeau regarddorédemonlouppréféré,puislagrossetêteblonded'Alecemplitmonchampdevision.—Ondiraitquetuesshootée!rigola-t-il.Jefronçailessourcilsenentendantsonrireserépercuterdansmatête.—Tais-toioujeteflingue,réussis-jeàarticuler.Alecéclataderire.Marcusluisaisitl'oreilleetlefitreculer.Alecseplaignit,maisMarcusl'ignora.Magorgeétaitsèche.Jedusledireàhautevoix,car

Darren m'apporta un verre d'eau muni d'une paille. Je bus quelques gorgées et toussai,m'aspergeantainsid'eau.Darrenm'essuyalabouchedesonpouce,cequimegênaetmefitsentirencoreplusfaible

quejenel'étaisdéjà.—Çava?Jetentaidesourire,maisneréussisqu'àluioffrirunepiètregrimace.—Çadépenddumoment...Tuveuxquoicommeréponse?—Lavérité?merépondit-ilensouriant.—C'estl'enfer,murmurai-je.J'essayaidem'installerplusconfortablement,maiscelamefitencoreplusmal.Jegémiset

fermailesyeux.—Jedétesteleshôpitaux,déclarai-jed'untonamer.Darrenrigolaetm'embrassalefront.—Moiaussi,jecommenceàlesdétester.—Jesuisicidepuiscombiendetemps?demandai-jeenmemassantlestempes.—Tuasdormideux jours...Entre temps, tesamiset tonpère sontpassés.Unedamese

prénommantAnnat'amêmeenvoyédesballons.Darren en poussa un du doigt, l'envoyant valser contre les autres. Je souris en voyant les

ballonsflotteràcôtédemonlit.Maismonsourirenedurapaslongtemps.—J'aimalàlatête,murmurai-jeenfronçantlessourcils.—Tuasunejoliecommotionettonépauleestfoulée.Tuaurasaussiunebellecicatricesur

l'avant-bras,maislesmédecinssontoptimistes.J'eusunemontéed'adrénaline,enmerappelant la têteduchasseuraccrochéeaumuret le

corpsdeDawsonsurlesol.Darrenmecaressalajoue,sentantmonangoissegrandir.—Chut...Ons'estoccupédetout,murmura-t-ilcommes'ilavaitluenmoi.

Puisjeportaimonattentionsurmonavant-brasetjepuspresquesentirlescrocsdeDawsons'yenfoncer.—Jevaismetransformerenloup-garou?m'empressai-jededemander.Jelesentisseraidir.IlcroisaleregarddeMarcus.Jeluisaisislamanche.Marcussetourna

versAlec.—VavoiroùsontAmyetUlric,ordonnacelui-ci.Ilsdevraientdéjàêtrerevenus.Alecacquiesçaetsortitdelachambresansposerdequestion.Ilnerestaitplusquenousmaintenant.Marcuss'approchaets'assitsur le litquigrinçasous

sonpoids.—Tunevaspastetransformer.Toncorpsarejetélevenin,m'expliqua-t-il.Un poids s'enleva de mes épaules. Mais, à voir leurs têtes de conspirateurs, ils devaient

encore m'avouer une chose ou deux, puis le problème me venu naturellement à l'esprit. JeregardaiDarrenetMarcus.—Pourquoimoncorpsa-t-ilrejetélevenin?Jepensaisquec'étaitimpossiblederepousser

latransformation...Marcusseléchalalèvreinférieurepensivement.—Toncorpsl'arejetéparcequetuenasdéjà,Emma,dit-iltendrement.Jeluisourisbêtement.—Arrête!Commentveux-tuquej'aieduvenindanslesang?C'estabsurde!rigolai-je.LevisagedeMarcusrestainexpressif.JeregardaiDarren.Ileutunsourirecompatissant.—Quelqu'unvamedirecequ'ilsepasse?Pourquoiai-jeduveninde loup-garouenmoi?

m'énervai-je,sentantmamigraineseréveiller.Marcussedandinasurlelit.—J'ai...quelquechoseàt'avouer.Ilmeregardadanslesyeux.—Je...jesuistonpère.Ilyeutunlongsilenceetj'éclataiderire.Bientôt,ilallaitmedirequ'ilétaitDarkVador!—Turigoles,j'espère!Darrenmepressalamainensignedemiseengarde.—Jenesavaispascommentteledire...commençaMarcus.—Pendantdixans,lecoupai-je.Ettun'aspastrouvélecouragede?Jemetus.—Tuétaistrèsdifférente...Lepremierenfantnéd'unehumaineetd'ungarou.Jamaisriende

semblablenes'étaitproduitauparavant,continua-t-il.Essayedecomprendre...Tamèreetmoiavionsdécidédetecacherlavéritépourteprotéger.—Ouais...unpeucommetoutlereste,conclus-jeamèrement.Marcussoupira.—Pourrais-tusimplementpardonnerunvieuxloup?Jejetaiuncoupd'œilàDarrenquim'encouragead'unsourire.Jesoupirai.Toutenprenantmaladroitementlamaindemonpère,jemurmurai:

—C'estdéjàfait.