Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

download Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

of 32

Transcript of Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    1/32

    GUSTAVO A. PIEMONTE

    Les Expositiones in lerarchiam

    coe/estem

    de Jean Scot

    et un opuscule hbreu pseudpigraphique du xnresiecle

    Introduction*

    279

    Au dbut

    du

    xme

    siecle,

    l'influence

    .des

    ides

    rigniennes

    avait

    dpass

    le

    cadre

    des coles thologiques et philosophiques de la Chrtient -

    ou elle

    avait t consi

    drable durant le siecle prcdent : et s'tendaita es groupes htrodoxes tels que

    les amauriciens et, p a r a i t ~ i l les

    cathares;

    l'utilisation des textes

    de

    Jean Scot par

    ces

    mouvements hrtiques explique sans doute, dans une large

    mesure,les

    condamna

    tions ecclsiastiques qui frapperent le

    Periphyseon, et dont

    la plus grave

    fut

    celle

    * Le prsent travail est une version condense d'une tude indite.

    Abrviations principales

    - ffiuvres de Jean Scot: - Expos., Expositiones =

    Expositiones

    in Ierarchiam coelestem, d.

    J. Barbet, Turnliout

    1975

    (Corpus Christianorum, Continuatio medaeualis, XXXI). -

    Periph. = Periphyseon (De diuisione naturae), d. I. P. Sheldon-Willams, Dublin, livres I

    (1968), II (1972) et III (1981) (Scriptores Latn Hibernae, VII,

    IX

    et XI): page et

    Jigne

    du

    volume respectif sont indiques entre parentheses. Les livres

    IV

    et V sont cits d'apres

    PL

    122.

    -

    De

    praed. =

    De

    diuina praedestinatione liber, d.

    G.

    Madec, Turnhout 1978 (Corpus

    Chrst., Cont. med.,

    L . - Comm. ln. =

    Commentaire

    sur

    / vangile de

    lean

    d.

    E.

    Jeau

    neau, Pars

    1972

    (Sources chrtiennes,

    180).

    -

    Hom. =

    Hom/ie

    sur le

    prologue de

    lean

    d.

    E.

    Jeauneau, Pars

    1969

    (Sources chrtiennes, 151).- Carmina,

    d.

    Traube =

    MGH, Poetae

    latin aevi Carolini,

    t.

    III, Berln 1896, pp. 518-556.

    Autres: PG,

    PL

    = Series graeca et

    Series latina

    de la Patrologie de

    J. P.

    Migne. MGH =

    Monumenta Germaniae

    Historica.- JSEHP= lean Scot Erigene

    et

    l histore de la philoso-

    phie, Actes du Colloque

    de

    Laon Guillet 1975), d.

    R

    Roques, Pars 1977.

    -

    Orig.

    =

    Gershom

    G.

    Scholem,

    Les

    origines

    de

    la

    Kabbale,

    trad.

    J.

    Loewenson, Pars

    1966

    (Pardes).- Ursprung= Idem, Ursprung und

    Anflinge

    der Kabbala, Berln 1962 (original de

    l'ouvrage prcdent). - Kabbalah = Idem, Kabbalah, Jerusalem

    1974

    (Library of Jewsh

    Knowledge).-

    Le

    Nom = Idem, Le

    Nom

    et

    les

    symboles de Dieu dans la

    mystiquejuive, trad.

    M. R

    Hayoun- G. Vajda,

    Pars

    1983 (Patrimoines. Juda isme). -

    Rech.

    = Georges Vajda,

    Recherches

    sur la

    philosophie

    et la Kabbale dans

    la pensejuive du Moyen Age,

    Pars-

    La

    Haye

    1962.

    - Comm.

    =

    Idem, Le Commentaire d Ezra

    de

    Grone

    sur le Can

    tique

    des

    Can -

    ques

    (traduction et Notes Annexes),

    Pars

    1969 (Pardes). - Notas ; Gustavo A. Pie

    monte, ''Notas sobre la creato de

    nhilo en

    Juan Escoto Erigena , dans Sapentia (Buenos

    Aires),

    XXIII (1968),

    37-58 et

    115-132.

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    2/32

    d'Honorius III (1225)

    1

    Or c'est justement a

    cette

    poque que

    se

    manifesta au sein

    du

    Judai"sme europen, dans

    le

    Midi de la

    France

    d'abord,

    en Espagne

    ensuite,

    le

    courant de pense sotrique appel

    Kabbale

    (tradition), lequel

    se fondait

    sur une

    rinterprtation des doctrines bibliques et talmudiques faite

    a

    l'aide d'lments

    gnostiques et noplatoniciens

    2

    Et parmi les philosophes de cette orientation

    qui

    ont

    probablement influenc les premiers kabbalistes spculatifs, l

    faut

    compter, non

    seulement

    des

    auteurs juifs

    comme

    Isaac

    Israel

    ou

    Saloman

    Ibn

    Gabirol,

    mais

    encore,

    d'apres G. G. Scholem- l'un des plus minents ~ p c i l i s t e s

    du

    sujet -, au

    moins

    un

    penseur chrtien de langue

    latine,

    qui n'est autre que Jean Scot. Cette

    hypothese sur

    la

    prsence rignienne aux origines de

    la Kabbale, a

    laquelle

    Scholem

    attachait une grande importance

    3

    ,

    n'a pas toujours r e ~ u , amon avis, la con

    sidration qu'elle mrite: les historiens de la pense hbra'ique,

    a

    quelques excep

    tions pres, semblent a ~ o i r accul illie.avec une certaine

    rserve

    4

    ; les rignistes, pour

    Translittration

    de

    l'hbreu

    M

    .

    ::1

    B

    l

    G D i1.

    H

    w t

    z

    n

    1:1

    T

    '

    y

    ;:)

    K

    ~

    L

    7 l M

    l

    N

    e

    S

    1

    .

    ,)

    p

    'lt

    $

    i

    Q

    R

    ~

    s

    U

    s

    n

    T

    Les

    mots cits directement de 'original

    du

    pseudo-Ha"i Gaon sont donns d'apres

    le

    texte

    consonantique

    de

    l'dition Jellinek

    (cf. infra,

    n.

    14),

    p.

    ex., M'WRWT;

    les

    autres termes

    hbreux sont

    vocaliss, p.

    ex., hitpasse; les noms propres sont adapts au f r a n ~ a i s ,

    p.

    ex.,

    Ha"i.

    1

    Cf.

    M.

    Cappuyns, lean Scot Erigen e; sa vie, son reuvre, sa

    pense,

    Bruxelles 1969 (rimpr.

    de l'd. orig., 1933), pp.

    245

    et suiv.; plus rcemment: P. Lucentini, Platonismo medievale;

    contributi perla storia dell'eriugenismo, Firenze,

    2a. ediz.

    riveduta,

    1980,

    notamment pp.

    40-56,77-80. La mention

    des

    'novos Albigenses' se trouve chez le chroniqueur Albric de

    Trois-Fontaines,

    MGH,

    Script., XXVI,

    p. 915;

    sur rapports possibles de

    la

    Kabbale

    avec

    les

    Cathares,

    voir

    p.

    ex.

    Orig.,

    pp.

    20

    et

    suiv.,

    211, 249

    et

    suiv.

    2

    Sur l'influence noplatonicienne dans

    la

    Kabbale spculative, voir notamment les nom

    breux passages marqus a 'lndex d'Orig., p. 519,

    sous

    "Platonisme", et aussi G. Scholem,

    ,Das

    Ringen

    zwischen dem biblischen Gott und dem Gott Plotins in der alten Kabbala",

    dans Eranos-Jahrbuch,

    33

    (1964), 9-50 (trad. f r n ~ i s e dans LeNom,

    pp.

    17-53). Ce dernier

    travail a t reproduit dans:

    G.

    Scholem,

    tlber

    einige Grnndbegriffe des Judentums, Frank

    furt

    a.M.

    1970,

    pp.

    9-52; dans ce m8me recueil on peut trouver aussi, aux pp. 53-89, une

    version revue et augmente d'un autre

    essai

    importan a et

    gard:

    "SchOpfung aus Nichts

    und Selbstverschriinkung Gottes".

    3

    On trouvera les principaux textes de Scholem sur cette question rassembls dans "Notas",

    pp.

    116

    et suiv.; on peut y. qjouter, p.

    ex.,

    Le

    Nom,

    pp. 24-26, 168-170.

    4

    Voir

    les hsitations

    de

    Georges Vajda

    a

    ce sujet dans la Revue de l'hist. des relig.,

    CLXIV

    (1963), p.

    46, et le scepticisme de Ch. Touati dans

    JSEHP,

    pp; 462-463; b

    Biale, Gershom

    Scholem,

    Kabbalah

    and

    Counter-History, Cambridge (Mass.)-London 1979, omet toute

    rfrence acette question. En

    faveur

    de l'hypothese de Scholem cf. Gabrielle Sed-Rajna,

    "L'influence de Jean Scot sur la doctrine

    du

    kabbaliste Azriel de Grone", JSEHP, 453-

    462.

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    3/32

    leur part, ne s'en sont

    guere

    occups

    5

    : Le modeste article que j'ai consacr moi

    meme acette question

    l

    y a

    plusieurs

    annes se proposait surtout de

    rsumer

    le5

    contributions de

    Scholem

    6

    , quoique certaines comparaisons additionnelles y

    taien1

    suggres. C'est un

    de ces

    nouveaux rapprochements queje reprends maintenane.

    en

    le dveloppant sur la

    base

    du texte hbra'ique de l'crit

    kabbalistique

    respectif; ce

    recours

    a

    'original a permis de confirmer que les ressemblances entre l'opuscule

    en

    question et

    le

    passage

    de

    Jean

    Scot

    que

    j'avais

    signal

    comme

    sa source

    probable

    concement non seulement le contenu doctrinal, mais encare le vocabulaire choisi

    et

    l'agericement du texte. On a done le droit de penser

    que

    ce rapprochement pourrai1

    constituer une

    preuve

    directe de l'influence rignienne sur l'sotrisme juif

    jusqu'ici

    conteste. Je ne crois pas ncessaire

    de

    prciser, cependant,

    queje ne

    prtends point avoir puis le sujet abord dans la prsente tude; cela excede large

    ment ma comptence, car, entre autres, les textes que l'on va comparer ont trait au

    11

    n'est peut-etre

    pas

    inutile de rappeler que

    des

    affinits entre la pense de Jean Scot et

    certaines doctrines kabbalistiques avaient t autrefois signales par Pierre Duhem, et

    bien avant lui (quoique

    plus

    vaguement), par

    J.

    Brucker, en

    1743

    (cf.les observations de F

    Vernet, dans

    le Dict.

    de thol.

    cathol.,

    t. V, Pars 1913, col. 409). On pourrait meme

    sE

    demander si ces affinits n'auraient pas t p e r ~ u e s des le XVII siec e; l est en tout ca

    digne de mention que Thomas Gale,

    le

    premier diteur du

    De

    diuisione

    naturae

    (Oxford

    1681),

    avait

    plus d'un lien

    avec

    Cambridge,

    mi

    les

    Platonists

    comme

    Ralph

    Cudworth

    el

    Henry More s'intressaient

    alors

    activement

    a

    a Kabbale (More collabora

    mme

    dans l'ur.

    des

    ouvrages

    les

    plus importants consacrsa

    e

    sujeten langue latine, la

    Cabbala denuda

    u

    de son

    ami Chr.

    Knorr von Rosenroth, publie aSulzbach

    en 1677-1684). Notons que,

    i

    une poque ou l'on croyait

    a

    une anciennet des crits kabbalistiques bien plus grandE

    que celle que

    la

    critique historique leur assigne aujourd'hui, on pouvait penser que c'tail

    la

    Kabbale qui avait influenc Jean Scot, et non pas l'inverse; cette vue tait encore parta

    ge

    par

    P. Vulliaud

    en

    1910

    (cf. F. Vernet, loe. cit., et ci-dessous,

    n.

    114).

    En fait,

    'Erigen

    n'a

    pas

    pu s'inspirer

    de

    textes qui

    ne

    sont guere antrieurs

    au

    xm

    siecle; et

    s'il montn

    parfois quelque connaissance de certaines doctrines (semi-)sotriquesjuives

    qui

    ont pr

    cd ia Kabbale, c'est pour les critiquer iprement: cf. la rfrence a "inanis inutilis

    que sapientia' des Juifs en

    Periph.,

    IV, 850 A-C, et l'allusion ' aut nimium perfidus' de:

    Expos., XV, 280-282 (sur la perfidie impute aux Juifs

    cf.

    Hom.,

    p.

    260,

    n.

    3;

    Comm.

    Jn., p

    94, n.

    1). Dans

    ces

    deux textes,

    Jeari

    Scot semble viser des conceptions du genre de

    celle:

    du

    Srifer

    Ye ra et du

    Si

    'ur Qoma, que d'ailleurs il devait connaitre indirectement,

    p.

    ex.

    pa

    le

    De iudaicis superstitionibus

    et

    erroribus d' Agobard de

    Lyon

    (d. L. Van Acker, Turnhou

    1981 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaeualis, LII), p. 205,51 et suiv.). (B

    Blumenkranz,

    Les auteurs

    chrtiens

    latins

    du

    M

    oyen

    Age sur

    les

    Juifs et

    le

    Judai:Sme,

    Paris

    La Haye 1963, p. 207, cite quelques textes de Jean

    Scot,

    mais ceux queje

    viens

    d'indique

    semblent lui avoir chapp.)

    6

    Voir

    la

    seconde partie de "Notas",

    pp.

    115 et

    suiv.

    Le Professeur

    Scholem

    voulut bier

    m'crire apropos de

    cet

    article, le 20 octobre 1968, une lettre

    ou

    l

    me

    disait, entre au res

    "1

    am

    especially

    glad

    that you have made such a thorough study ofmy contributions to

    thi:

    problem. 1still hope that further research will open

    up

    more links between Eriugena anc

    the thinking and technical

    language

    of the first speculative Kabbalists".

    7

    Cf.

    "Notas", point e), pp. l7-128.

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    4/32

    282

    GUSTAVO

    A

    PJEMONTE

    symbolisme de la lumiere, sujet immense et complexe, aux origines tres anciennes,

    et

    enrichi

    pendant le

    Moyen Age

    de nombreux dveloppements

    8

    l. Le pseudo-HaY Gaon et Jean Scot

    Le

    texte kabbalistique tudi ici fait partie

    des

    crits

    du

    gtoupe

    appel "cercle du

    '/yyun n lesquels

    sont

    tous,

    ou bien

    anonymes,

    ou bien,

    comme dans

    notre

    cas, pseu

    dpigraphiques. Ces crits ont vu le jour entre 1200 et 1225 enviran, quoique

    certains

    ont

    pu

    8tre rdigs

    entre 1225 et 1240; composs

    daos

    le Midi de la France,

    ils

    sont

    parvenus peu

    apresen

    Espagne

    (Grone,

    TolMe). I

    s'agit pour

    la

    plupart

    de

    pieces courtes ou de fragments, ou

    les

    doctrines de la gnose

    juive

    se

    prsentent

    souvent

    combines, tant bien

    que mal,

    avec des

    symboles

    et des

    concepts tirs

    de la

    philosophie n o p l a t o n i c i e n n ~ ; malgr

    leur contenu difficile, et

    parfois

    bizarre, ces

    documents ont une

    grande valeur

    pour l'claircissement

    des

    phases initiales de la

    Kabbale provenya e

    9

    Parmi les

    personnages historiques auxquels ont t faussement attribus daos ce

    gro

    upe

    des

    crits thosophiques on trouve l'illustre Hai Gaon, mort en

    1040,

    demier

    chef de l'cole talmudique de Babylone et auteur d'une reuvre considrable,

    comprenant entre autres

    de

    nombreuses "Consultations"

    (tesubot,.

    rponses a

    des

    questions).

    A

    ces

    consultations authentiques ont t ajoutes

    plus

    tard d'autres

    apocryphes,

    dont

    celle qui nous occupera

    1

    ; on

    mettait galement

    sous sori

    nom

    d'autres ouvrages dont on ne conserve

    que

    des

    fragments,

    p. ex. une sentence sur la

    cration de la matiere cite par le

    ~ r

    ha- 'Iyyun, quila meten rapport

    avec les

    ensei

    gnements

    des "sages

    de la nature" et

    des

    "philosophes" ou "mtaphysiciens", daos

    une phrase ou

    l'on a pen;:u une

    allusion assez claire au

    titre et

    au

    contenu

    du Periphy

    seon11. Nous

    avons

    la

    un premier lien entre la

    figure de

    "Hai Gaon" et l'reuvre

    de

    Jean

    Scot.

    La

    Consultation mentionne, cependant, ne renferme aucune rfrence

    explicite

    aux

    enseignements

    de

    la

    philosophie

    ni

    aux textes

    rigniens. Elle

    a t

    probablement

    compose

    en Provence,

    vers

    1230, pour rpondre a la question que

    posait

    le

    dsaccord

    entre le nombre

    treize,

    correspondant aux attributs

    (middot)

    divins

    d'apres

    les

    talmudistes, et

    le

    nombre

    dix,

    fix aux

    sejirot

    par

    le Sefer Y e ~ r a

    ouvrage cosmogonique

    ancien

    qui

    jouissait d'une grande autorit

    12

    Cette question

    8

    Cf.

    l'ouvrage rcent de

    Kl.

    Hedwig,

    Sphaera Lucs.

    Studien

    zur

    Intelligibilitiit

    des

    Seienden

    im

    Kontext

    der

    mittela/ter/ichen Lichtspekulation

    Mnster 1980 (Beitr. zur Gesch. der Phi .

    und Theol. des Mittelalters, N. F., Band 18), ou l'on trouvera une abondante biblio

    graphie.

    9

    Sur le "cercle du 'Jyyun voir surtout Orig., pp. 327 et suiv.

    1

    Cf. Orig.,

    pp. 340, 346

    (n.

    241), 358-359, 367-375; ci-dessous, n. 119.

    Cf. Orig.,

    p. 336; Le Nom, p. 25, n. 6. L'expression que Scholem traduit "mtaphysique" est

    en hbreu bokmat ha-mebqar, littralement "sagesse de l'investigation"; voir irifra, n. 70.

    12

    Dans cet opuscule, qui pourrait remonter aux

    n

    m siecles de notre ere, ies sefirot ne sont

    pas encare ce qu'elles deviendront dans la Kabbale, c'est

    a

    dire des aspects internes de

    la

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    5/32

    Jan Scot et un opuscule hbreu pseudpigraphique

    283

    recevait des rponses diverses chez les premiers kabbalistes

    13

    ; rsumons en quel

    ques mots la solution assez singuliere que lui donne la Consultation du pseudo-Hai,

    avant

    de

    citer

    le passage qui nous

    iritresse

    directement

    14

    . Dans son introduction

    A, p. 11,10-17)

    l'auteur

    souligne la

    difficult

    de

    la

    rponse

    qui lui

    est demande et

    annorice

    qu'il ne la communiquera que succincte

    ment.

    Ayant

    conscience

    de

    la

    nouveaut

    de

    sa

    solution,

    i

    se

    rclame

    de la

    tradition

    secrete des anciens et des prophetes pour lajustifier

    15

    : de tellesinvocations seront

    habituelles chez les kabbalistes, et la technique d'allguer des sources supposes

    dont

    le

    prestige doit impressionner

    le

    lecteur - alors que les

    sources

    relles sont

    passes sous silehce - sera considrablement perfectionne dans des ouvrages

    postrieurs

    comme

    le Zohar

    Le

    pseudo-Hai nonce ensuite

    (B, p.

    11,18- p.12,14)

    le prncipe gnral de sa solution: les treize middot sont des

    "ramifications"

    issues

    des

    "racines''

    que

    l'on nomme

    sejirot;

    pour complter

    le

    nombre

    treize,

    i

    faut ajouter

    a ces demieres trois autres entits occultes, "principes des prncipes". Apres

    avoir

    expliqu brievement les dix sejirot, il

    passe

    aexposer sa these sur ces trois "luminai

    res

    supremes" qui

    sont au-dessus

    d'elles (C, p. 12,14- p. 13,7;

    le

    texte intgral de

    cette partie est

    donn

    plus

    bas.). La

    Consultation traite,

    enfin D, p.

    13,7-

    p. 14,5),

    des noms de la

    divinit

    et en particulier

    du

    Ttragramme, dont chaque lettre symbo

    lise une tape de la formation et de la manifestation des

    sejirot.

    Ces trois

    lumieres

    du

    pseudo-Hai, qui sont une

    seuie

    lumiere et existent

    sans

    commencement

    dans

    l'essence

    elle-m8me

    de

    la

    divinit

    cache,

    constituent assur

    ment, ainsi qu'on l'a dit, une "triade nigmatique";

    mais

    un autre mot vient encare

    invitablement aux levres en parlant d'elles, celui de trinit: Scholem lui-meme

    l'emploie a leur sujet

    17

    Sans

    vouloir nullement estomper les diffrences tres

    relles

    qui

    sparent cette these du pseudo-Hai

    de la

    doctrine chrtienne

    de

    la Trinit,

    on

    peut

    faire

    noter qu'une influence

    de

    cette demiere n'est

    pas

    a exclure a priori, puis

    que la structuration spculative

    de la Kabbale

    s'est faite en Occident,

    ou

    le Christia

    nisme

    dominait,

    et que certains themes kabbalistiques montrent bien des traces

    divinit, analogues aux ons de la gnose et ressemblant sous plusieurs rapports aux 'cau

    sae primordiales' de Jean Scot.

    13

    Voir p. ex. les solutions cites dans Orig., pp. 361, 368, 369.

    14

    Cette Consultation, conserve dans beaucoup de manuscrits, a t imprime pour la

    premiere fois par MoYse Cordovero dans son Pardes Rimmonim Cracovie 1592; le texte de

    Cordovero a t reprodut par A. Jellinek, Beitriige zur Geschichte der Kabbala, Heft 2,

    Leipzig 1852, pp. 11-14.

    Jeme

    suis bas sur l'dition Jellinek, dont mes rfrences indi

    quent la page et la lgne (c'est moi qui ajoutela division en sections, A-D). N'tant pas un

    hbrai'sant de mtier,je me suis guid dans ma traduction sur la version de Scholem (assez

    complete, quoique

    non

    pas intgrale), Orig., pp. 369-372

    (=Ursprung,

    pp. 309 et suiv.;

    cf.

    aussi

    Kabbalah,

    pp. 95-96)

    et

    sur celle de Vajda,

    Rech.

    pp.179-181 (fragments). Je fournis

    d'ailleurs le texte consonantique de Jellinek

    pour

    les passages importants.

    15

    Cf. p. 11,10-15. 20-21; p. 12; 3-4. 17-18; p. 13,2-3. 19-20.

    16

    Cf. G. Scholem, Les grands

    courants de

    la mystique juive Paris 1960, p. 190.

    17

    Cf. Orig., pp. 373-375;

    Kabbalah,

    p. 95:

    a

    kind of kabbalistic trinity"; p. 96: "strange

    trinity".

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    6/32

    d'influence d'auteurs chrtiens. Le Professeur Scholem a soulign cela aplusieurs

    reprises

    18

    ; cependant, bien qu'il eut par

    ailleurs

    insist aussi, commeje l'ai rappel

    plus haut, sur

    la

    prsence d'ides rigniennes chez les sotristes juifs, i n'a

    pas

    dcel le role

    qu'a

    eu

    Jean

    Scot

    dans cecas particulier

    19

    suffit

    en effet delire les

    Expositiones in lerarchiam coelestem, 1,61 et suiv., pour constater

    de

    notables simili

    tudes

    avec la

    partie que j'ai nomme C

    de

    la

    Consultation attribue

    a

    Hai Gaon,

    ainsi

    que le montreront les textes reproduits ci-dessous. Mais voyons d'abord rapidement

    le contenu gnral des premieres

    pages

    du Commentaire rignien. Apres avoir

    expliqu le titre du chapitre 1(1,1-22), Jean

    Scot

    commente Jac.,

    1,17,

    verset que le

    pseudo-Denys met

    en

    exergue;

    ce

    commentaire, tres long

    (1,23-138),

    peut

    ~ t r

    divis en

    trois

    parties:

    1,23-56:

    explication de

    la

    distinction entre 'datio' et 'dona

    tio'20; 1,56-75:

    dveloppement trinitaire

    de

    l'expression 'Pater luminum';

    1,76-138:

    question connexe: comment toutes les choses qui sont sont-elles des luminaires. En

    1,138,

    l'Erigene commence enfin

    a

    'occuper

    du

    texte dionysien proprement

    tel;

    on

    ne

    retiendra pour l'instant de cette partie que les lignes 138-193.

    lean Scot

    Pseudo-Hai

    a (I, 54-61) a ) (p. 12, 14-18)

    Omnis itaque datio optima et omnis donatio

    perfecta desursum est, desursum descendit.

    A quo, nisi a fonte ineffabili omnium bono-

    . rum, a Patre luminum?

    Quodcumque enim, seu sensu corporeo

    internuntiante, seu puro intellectu inuesti

    gante, in uniuersitate condita ad liquidum

    percipitur atque cognoscitur in substitutioni

    bus nature et perfectionibus gratie, non

    aliunde nisi a Patre luminum procedit.

    Et maintenant,

    je

    vous indiquerai les trois

    /umfnaires

    suprBmes (HG'

    M WRWf

    H'LYWNWf)

    au-dessus des dix sefirot. Ils n'ont pas de

    commencement, car ils sont nom et essence

    18

    Cf.

    p. ex.

    Les

    grands

    courants,

    pp. 226,

    250,

    399, avec n. 97 et, sur le mBme phnomene

    dans le Sabbatianisme du XVII siecle, pp, 325 etsuiv.;

    Orig.,

    p. 473, n.

    184

    (Nahmanide de

    Grone utilise des sources chrtiennes et cite meme dans un passage le Nouveau Testa

    ment); Le Nom, pp. 103, 115-116, 123-124 (a propos de l'exgese biblique, cf. aussi

    Notas , p.

    124,

    n.

    104).

    On

    peut ajouter qu'Abraham Aboulafia fait usage de formules

    d'aspect clairement trinitaire, bien qu'il soit tout a ait oppos au Christianisme

    (cf.

    Les

    grands

    courants,

    pp.

    144

    avec n.

    37, 156);

    quant aAzriel de Grone, je crois que les deux

    triades dont i1 parle, lesquelles sont

    en

    rapport avec les trois

    sejirot

    suprieures (cf.

    Orig.,

    pp. 460-461, 468-469), pourraient avoir quelque chose

    a

    voir avec la pense rignienne,

    comme d'autres ides de cet auteur.

    19

    I faut dire que le savant isralien, qui renvoie

    a

    plusieurs reprises au

    Periphyseon,

    ne

    semble pas avoir frquent, en revanche, les Expositiones de l'Erigene.

    20

    Sur ce theme,

    cf.

    p.

    ex.

    Comm.

    Jn., p.

    252, n. 3.

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    7/32

    Jean

    Scot

    b) (l, 61-67)

    1) _Pater autem luminum est Pater celestis,

    fumen primum atque intimum,

    (

    f. ci-dessous, e)

    ( f. ci-dessous,

    e)

    2) a quo

    fumen uerum,

    Verbum suum per quod facta sunt omnia

    et in quo substituta sunt omnia, unige

    nitus suus Eilius nascitur,

    3) a quo, Patre dico,

    coessentiale sibi Verboque suo

    fumen

    procedit Spiritus Sanctus, Spiritus Patris et

    Filii,

    in quo et per quem donationes gratiarum

    distribuuntur in omnia.

    Pseudo-Hai

    de la Racine

    21

    de toutes les racines, et la

    pense n'est pas capable de les saisir, carla

    comprhension et le savoir de toute crature

    sont insuffisants pour

    [les]

    comprendre.

    Au nom de nos saints anciens nous avons

    re;u leurs noms:

    b )

    (p.

    12, 18-20)

    1 )

    fumiere intime

    primordiafe

    ('WR PNYMY

    QDMWN),

    d)

    (p. 12,

    18)

    et

    el/e est2

    2

    e ) (p. 12, 19-20)

    se diffusant (MTPST) dans la Racine

    occulte,

    respfendissanf

    3

    (MTNWSS) par la force de

    sa diffusion

    a la ressemblance de deux grandes

    lumieres,

    2 )

    fumiere plus-que-claire ('WR MSWI:ISf.I)

    3')

    et fumiere claire (W WR

    Sl;l)

    21

    Je suis ici le texte d'Isaac Mar Hayyim, qui cite la Consultation dans une lettre rdige

    Naples en 1491, et publie par Y. Nadav dans Tarbiz, 26 (1957), 440-458:

    e[

    pp.

    450-45J

    KYHM SM W'SM LSRSKL HSRSYM (voir la traduction de Scholem,

    Orig.,

    pp.

    371,

    3

    73:

    le texte de.Jellinek porte

    UJSRS

    ils sont nom et essence

    et raclne .

    (cf. Vajda, Rech.,

    I

    180).

    22

    Littralement: et il (WHW'), 'WR, lumiere , tant masculin en hbreu.

    23

    Je demande de l'indulgence pour ces traductions serviles, dont l'intention est de fair

    ressortir les deux participes,.paralleles

    a

    eux de Jean Scot en e; le sens est, videmmen

    et elle se diffuse

    ...

    resp lendit

    ...

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    8/32

    286

    GUSTAVO A. PIEMONTE

    lean Scot

    e) (I, 67-68)

    Et hec est

    trina lux

    et trina bonitas,

    tres substantie

    24

    ( f.

    ci-dessous, j

    d) 1,

    68-69)

    in una essentia,

    Pater et Filius et Spiritus Sanctus,

    unus

    Deus,

    una bonitas,

    unum

    lumen

    e) 1,

    69-73)

    di.ffusum

    in omnia

    que sunt, ut essentia

    liter subsistant,

    splendens

    in

    omnibus que sunt, ut in

    amorem et

    cognitionem

    pulchritudinis sue

    conuertantur omnia,

    supereminens omnia que sunt, ut

    perfec

    tionis

    sue plenitudine fruantur omnia.

    ./)

    (1, 73-75)

    Et

    in ipso omnia

    tinum sunt.

    A Patre itaque luminum

    omnia

    lumina

    descendunt.

    g)

    (1,

    76-138)

    Pseudo-Hai

    (if. ci-dessus,

    / (p.

    12,

    20)

    tout

    (KLW)

    el) (p.

    12,

    20-21)

    lumiere une ('WR 'I:ID)

    et

    essence une

    (W SM

    'I:ID)

    et racine

    une

    (WSRS

    'I:ID)

    occulte a 'infini.

    ( f.

    ci-dessus, 1)

    (if.

    ci-dessus,f)

    g

    (p.

    12,

    21 - p.

    13,

    2)

    Et les sages du Talmud avertissent concer

    nant l'explication

    de la

    sagesse et

    de la

    pen

    se, dont il n'y a pas de comprhension pour

    le

    cr,

    et ils disent: ,Dans ce qui

    est

    plus

    merveilleux que toi, ne cherche

    pas;

    tu n'a

    pas a 'OCCUper

    des

    mysteres."

    25

    24

    faut

    sans doute restituer

    ici ce

    mot, qui appara't

    dans

    la plupart

    des

    manuscrits, et

    dont l'absence dans

    le

    Douai

    202

    (suivi par l'dition Batbet) s'explique probablement par

    les

    scrupules de quelque

    copiste

    qui, ignorant le sens rignien de 'substantia' =

    hypos

    tase), 'a pris pour un synonyme de "essence". Ce mot ne semble d'ailleurs pas important

    pour la

    comparaison propose dans

    la

    prsente tude.

    25

    Cf.

    Sir.,

    3, 21-22.

    Ces

    versets

    deBen

    Sira,

    cits dans

    le Talmud, paraissent assez souvent

    chez les premiers kabbalistes (cf. Oriv

    . n.

    1 rnmm

    n o7

    .. ~ ~

    . . _

    '

    n .

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    9/32

    Jean

    Scot

    et un opuscule hbreu pseudpigraphique 287

    lean Scot

    Sed fortassis quis dixerit:

    quomodo

    omnia que sunt

    lumina

    sunt?

    Quamuis

    enim uniuersitas rerum omnium a

    Patre

    per Filium et Spiritum Sanctum

    con

    dita

    sit,

    Pater quippe uult; Filius

    facit, coope-

    ratur Spiritus Sanctus, 'proprie tamen et spe

    cialiter

    de

    intellectualibus et rationalibus

    creaturis condita

    lumina

    a Patre luminum

    per genitum

    fumen

    perque

    26

    /umen procedens .

    opportet predicari, cetera uero

    plus

    illumi

    nari quam lumina esse credenda sunt.

    Sed

    hui

    e consulta ratione intellecta

    con

    spiciuntur

    (83-103: dbut de

    la rponse

    a

    a

    question pose)

    quid mirum,

    si omne quod inaccessibilem

    lucem

    quodam modo, ut accessibilis sit

    puris

    inte/1ectibus,

    introducit,

    lumen il/umlnans animas

    et in cognitionem

    creatoris sui

    eos

    reuocans,

    nulla ratione obstante, intelligatur? Verbi

    gratia, ut ex intimisl

    1

    nature ordinibus paradigma sumamus:

    lapis

    iste

    .... unificat et

    facit (108-138: dve

    /oppement de l'ide

    nonce)

    h) (1,

    138-193)

    Beatus autem Dionysius ... numerositatem

    multiplicata

    (138-162: commentaire de la

    premiere

    priciJpe de Denys, cite 144-148)

    Pseudo-Hai

    Et ce que

    disent (WMH

    S

    MRW)

    les

    mystiques,

    que

    les

    sefirot

    sont

    a

    a

    ressemblance

    de

    luminaires

    (M'WRW1),

    ce

    n'est

    pas

    a

    la ressemblance

    du

    lumi-

    .

    naire (M 'WR) du soleil, de la

    une et

    des

    toiles,

    mais

    des

    luminaires

    (M'WRW1)

    spirituels

    (RWI;INYWI'),

    subtils et

    purs

    (DQWT

    WZKWT),

    intimes (PNYMYWI),

    splendeur resp/endissant [sur} les

    ames

    (ZHR

    MZHYR

    HNPSW1).

    h ) (p. 13, 2-7)

    26

    Avant 'perque', l'dition Barbet met un point absolument injustifi, cf. Periph., 11,565 C

    (p. 90, 14-15).

    27

    J'adopte ici la le9on de PL 122,

    129

    B. convient de noter que la variante choisie par

    l'dition Barbet, 'ab extimis',

    ne

    se

    prsente

    que

    dans

    le

    ~ e x _ ~ e

    c ~ : r ~ g d u

    ms. Douai

    202;

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    10/32

    Jean

    Scot

    Qua

    autem

    ratione IIATPOKINETOC, id

    est pater motus, a Grecis dicitur,

    non incongrue queritur.

    Quomodo enim immutabilis mouetur, uel

    a quo mouetur,

    uel in

    quid et

    ad

    quid

    mouetur,

    non infructuose a sapientibus inuestigatur.

    Mouet igitur seipsum non localiter, non tem

    poraliter, sed superessentialiter super loca et

    tempora mouetur a

    seipso.

    Nulla siquidem

    causa

    precedit que

    ipsum

    moueat, cum sit

    ipsa prima unaque causa omnium motuum.

    Ipse est motus et status, motus stabilis et sta

    tus mobilis. Quo argumento, die queso,

    approbas immobilem Patrem moueri?

    Ex

    nomine

    argumentar.

    Si queris

    nomen

    il ud,

    audi.

    In

    utraque

    lingua, greca

    uidelicet latinaque

    Pater uocatur;

    et grece quidem comporitur IIATHP,

    hoc

    est llANTA

    THPQN,

    omnia seruans. Num

    tibi

    uidetur

    recte

    moueri, ut custodiat

    omnia, qui seruat et saluat omnia que

    in

    unigenito suo fecit?

    Audi

    etiam illild:

    Pater et Deus uocatur,

    hoc

    est 8EOC, currens, nomen

    ex

    8EQ uerbo,

    id

    est

    curro, deriuatum.

    Currit enim per omnia ...

    Filii

    sui.

    (179-186:

    le

    Verbe et / Esprit comme m o t ~ s

    du Pre)

    Summa itaque Trinitas

    trinus immobilis motus est:

    Pater mouetur ... copiase disserit (187-193:

    le

    mouvement

    de

    la Trinit; conclusion)

    Pseudo-Hai

    Et nous avons cherch (l.IPSNW)

    avec

    toutes sortes d investigations aupres

    de nos

    maltres (BKL

    SDDY

    HI;IQYRH

    MRBWI'YNW) qui

    ont re"illa tradition de la

    bouche des anciens

    des

    premiers temps,

    afin

    de savoir

    s'il y a

    pour les trois

    [entits]

    supremes (LSLS

    'LYWNWT)

    des noms (SMWT) propres,

    comme pour

    celles qui

    sont au-dessous

    d'elles.

    Et nous avons trouv que tous s'accordent

    apenser

    qu'elles n'ont pas de

    nom connu (SM

    YDW )

    a

    cause de

    la

    grandeur

    de

    leur occultation,

    sauf les

    noms

    (SMWT) qui leur correspon

    dent

    u

    nom

    (BSM) de

    luminaires.

    Et de

    meme

    (WKN),

    la Racine sans commencement n'a

    pas de

    nom

    connu (SM

    YDW ).

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    11/32

    LU

    En comparant

    la

    structure d'ensemble des textes

    paralleles

    cits, on remarque que si

    ie

    pseudo-Hai' s'est inspir

    de

    Jean

    Scot

    - c'est l'hypothese que l'on dveloppera

    dans les pages

    qui

    suivent - a

    soumis

    les matriaux emprunts aux

    Expositiones

    a

    trois sortes de modifications: 1)

    transpositions

    (p. ex., de e , insr dans b );

    2)

    omis

    sions (p. ex.

    dans b et d ) et

    raccourcissements

    (p. ex.

    dans

    g: condensation de la lon

    gue section

    g);

    3) additions (notamment au dbut de g ). On verra plus loin quelques

    raisons

    probables de ces changements

    28

    11.

    Examen

    dtaill

    des relations entre les

    deux

    textes compars

    29

    l Les trois lumieres incres (b-b')

    30

    Il

    est vrai que l'ide en soi

    de

    trois prncipes suprieurs aux

    sefirot, conc;us

    comine

    autant

    de

    luminaires, aurait

    pu

    naitre

    chez

    le pseudo-HaY

    m

    eme s'il n'avait

    pas eu connaissance de la Trinit de lurniere de Jean

    Scot;

    cependant, il est

    moins

    probable que, p. ex., sa caractrisation de la premiere de ces lumieres

    aurait

    alors

    concord si parfaitement avec

    celle

    des Expositiones. En effet,

    il

    ne l'appelle pas seu

    lement "premiere" ou "primordiale" (QDMWN), - ce qui pourrait paraltre plutot

    banal-

    31

    ,

    mais encore "intime" (PNYMY), tout

    a ait comme

    l'Erigene, qui parle

    d'un 'lumen

    primum

    atque

    intimum .

    Attardons-nous

    un

    moment sur ce dernier

    adjectif.

    est frquent chez l'Irlandais:

    on

    le

    rencontre, tout d'abord,

    dans

    son

    expression 'intimis naturae sinibus', avec le sens "intime, profond" et la connotation

    "cach, secret"

    32

    ;

    on le voit ailleurs attach ades substantifs

    tels

    que 'speculatio',

    28

    Cf.

    ci-dessous,

    II, en

    particulier 1, 3 et

    5.

    Sur la prolixit

    du

    chap. I de

    son

    commentaire,

    reconnue par Jean

    Scot

    lui-meme,

    cf. Expos., I, 661-664.

    29

    Au

    cours

    de cette analyse comparative seront,

    a

    'occasion, rapprochs de la Consultation

    quelques textes rigniens appartenant

    a

    d'autres

    pages des Expositiones - en

    particulier

    du chap. I - et

    au

    livre II du Perlphyseon. En ce qui conceme ce dernier, i

    y

    a lieu de dire

    qu'il prsente plusieurs points

    de

    contact

    avec

    le dbut

    du

    Commentaire sur la Hirarchie

    Cleste

    p, ex., la citation

    de

    Jac., 1,17 dans

    565

    C;

    p.

    90, 9-10; cf.

    aussi

    ci-dessus, n. 26); il

    me semble tres probable, d'ailleurs, que

    le

    pseudo-Ha connaissait

    aussi

    quelques parties

    au moins

    du Periphyseon,

    mais cette hypothese supplmentaire n'est pas indispensable

    pour

    la validit

    de

    la

    principale.

    30

    Pour la section

    a ,

    ouje trouve plusieurs ressemblances avec des textes rigniens,

    mais

    non pas

    avec

    la section des Expositiones,

    voir

    irfra, n

    6.

    31

    Cf.

    p. ex. les rfrences

    a

    "lumiere primordiale" dans l'Index d Orig.,

    p.

    516.

    32

    Cf.

    Periph.,

    V,

    970 A,

    981

    A;

    Expos.,

    II, 1082;

    Comm.

    Jn.,

    IV,

    IV,

    11

    (334

    D);

    aussi

    Periph.,

    III,

    711

    C (p. 236,10-11); V, 984

    D;

    Expos.,

    I, 107

    (voir ci-dessus, n. 27). 'Intimus' est

    aussi

    employ dans un sens similaire,

    avec

    d'autres substantifs, p. ex. en Periph.,

    JI, 554

    B (p.

    66,17);

    m;

    703

    D

    (p. 218,30); 902 B, 944 B, 1018 B; Expos., I, 530; VII, 123.127; XV, 434;

    Comm. Jn., N,VII,Sl-52 (338 D);

    VI,

    II, 53 (341 C). D'autre part, 'sinus naturae'

    se pr

    sente galement accompagn des

    acljectifs

    'occultis', 'secretis', 'arcanis': cf. E. Jeauneau,

    Quatre themes rlgniens, Montral-Paris 1978, pp. 39-44 et Comm.

    Jn.,

    p. 298,

    n.

    2. Dans

    le De

    praedestinatione, 'intimus'

    ne

    paraissait qu'une

    fois,

    dans une citation

    de

    saint

    Augustin

    (16,139).

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    12/32

    290 GUSTAVO A. PJEMONTE

    'theologia', 'theoria' ou 'contemplatio', pour marquer une

    forme

    spciale de

    connais

    sance

    surnaturelle, rserve aun petit nombre

    (dans

    cet

    usage on

    le rendrait quel

    quefois volontiers

    par mystique )

    33

    ; dans certains

    passages,

    enfin,

    'intimus' est,

    comme dans

    notre texte, appliqu

    a

    lux'

    ou

    'lumen',

    ou

    bien

    associ

    a

    primus'

    34

    Quant

    aPNYMY,

    terme qui

    avait

    en hbreu biblique le sens purement physique de

    intrieur

    35

    ,

    il

    acquiert depuis le XIIe

    siecle

    une

    signification

    technique prcise:

    cach ,

    sotrique . Cet

    usage,

    tres rpandu dans le

    cercle du

    lyyurr

    6

    a t

    mis

    en

    rapport

    avec un

    phnomene smantique

    analogue

    que l'on constate en arabe

    37

    ;

    cependant, il rappelle aussi, amon

    sens,

    l'emploi rignien de 'intimus': c'est ainsi

    que l'expression /fokma penimit, sagesse intime ,

    des

    kabbalistes, ne parait

    pas

    tres

    loigne

    de la 'intima contemplatio'

    de

    Jean Scot. Quoi qu'il en

    soit,

    la ''lumiere

    intime primordial

    e

    de

    la

    Consultation

    fait

    bien l'impression

    d'Btre

    inspire

    du

    pas

    sage

    cit

    des

    Expositionesl

    8

    En ce qui concerne

    les

    deux

    autres lumieres, une simple lecture suffit a aire

    comprendre que, des

    lignes que l'Erigene leur

    consacrait, un

    auteur juif ne pouvait

    pas

    conserver grand-chose, en raison

    de

    leur aspect manifestement chrtien; par

    ail

    leurs, ces lignes ne

    sont

    pas

    symmtriques, carla troisieme lumiere n'y

    e ~ o i t

    aucun

    adjectif. Le pseudo-Hai'

    a

    alors

    introduit deux

    adjectifs corrlatifs, MSWI;ISI:I, signa

    lant apparemment une clart excessivement brillante, au point d'etre insaisissable,

    et

    SI:I

    qui veut

    dire

    clair tout court; ces qualiflcatifs, il a pu

    les

    emprunter

    a

    d'au

    tres crits

    du

    meme groupe de kabbalistes, dont le

    vocabulaire dans

    le domaine de la

    lumiere est tres

    riche

    39

    , ou les

    choisir lui-m8me. Il est toutefois intressant

    de

    noter

    que

    le

    premier semblerait correspondre

    assez

    bien

    au

    superlatif 'clarissimus', que

    Jean Scot utilise ailleurs dans les Expositiones pour qualifier

    le

    rayon du soleil divin

    dont

    parle l'Aropagite (Denys, pour

    sa

    part,

    se

    servait d'un nologisme,

    1tOAqw

    t o ~ ) ;

    orce

    rayon

    est identifi par l'Erigene

    au

    Verbe

    de

    Dieu

    40

    Par

    ailleurs,

    si l'on

    se

    tourne

    vers le

    Periphyseon,

    II, on

    y trouvera,

    dans

    l'analogie trinitaire 'ignis - radius-

    33

    Vor

    p.

    ex. Periph., V, 926 B-C, 970 C, 983 A, 1020 D; Expos., U, 13-14.16-17.1161-1162;

    V11,479; XV,641-642.1056-1057; Hom., 1,6-7; 11,21; III,5-6; IV,11.

    34

    Cf.

    Periph., III, 627

    B

    (p.

    46,1): 'intima lux'; Expos., Vll,471-472: 'intimum

    1umen' (voir

    aussi III,31-32); Periph.,

    1,454

    C (p. 64,30-31): 'motus ille noster intimus et primus'.

    35

    Cf.

    L

    Koehler- W. Baumgartner, Lexlcon

    in

    Veteris Testamenti Libros, Leiden 1958, s. v.

    36

    Voir

    Orig., pp. 277-278; p.

    343,

    n. 235; sur l'usage

    de

    cet adjectifdans l'cole de Grone,

    cf., p.

    ex.,

    Comm.,

    pp.

    264

    (n. 47), 355,

    364

    (n.

    11),

    393.

    37

    Cf.

    Orlg.,

    p. 277, n. 120; Le Nom, p. 115.

    38

    On rencontre

    dans

    un autre crit du groupe du 1yyun l'expression

    penimiyut

    qadmonit,

    intimit primordiale ,

    mais il

    s'agit d'un texte tardif(Orig.,

    pp. 342-343

    et

    n.

    235),

    qui

    doit

    etre postrieur anotre Consultation; par ailleurs, le

    Midrai

    de Simon le Juste, ou l'in

    fluence

    rignienne est tres probable (cf.

    irfra, la

    Note Annexe) y est cit a itre de source.

    39

    De fait, 'WR SI:I

    parart,

    avec d'autres noms

    de

    lumieres,

    dans

    la

    urce

    de la Sagesse

    (Orig.,

    p. 354; voir,

    sur cet opuscule, ci-dessous, III,

    3).

    4

    Cf. Expos.,

    XIII, 540; XV, 855-857 (dans l'dition

    de

    la Hirarchie cleste

    de

    Sources

    chr

    tiennes, 58bis, .

    186, M.

    de Gandillac traduit

    noA.r w-ro ;

    ar multi-lumineux ). L'identi-

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    13/32

    Jean

    Scqt

    et un opuscule hbreu pseudpigraphique

    291

    splendor', une conception

    du rayon,

    incomprhensible aux sens a

    cause

    de

    sa subti

    lit

    et ne devenant graduellement

    saisissable

    que

    lors de sa

    descente

    dans

    les

    lments infrieurs,

    qui

    peut etre

    mise aussi

    en parallele

    avec celle de la

    lumiere

    plus-que-claire

    (ou

    t r a n s p a r e n t e ' ~

    du

    pseudo-Hai'

    11

    ;

    au

    'splendor'

    de

    Jean

    Scot,

    qui baigne toutes les choses visibles, correspondrait, de son cot, la lumiere claire .

    2. L'unit des trois lumieres (e, d-d', f)

    L'crit hbreu introduit la section

    d

    non par une formule similaire a

    celle

    qu'emploie Jean Scot en e mais au moyen d'un tout

    qui

    voque plutot

    la

    sectionf

    des Expositiones. Cependant, d dpend clairement de

    d:

    tout d'abord, la rptition

    intentionnelle

    de

    'l;ID,

    un , corresponda

    celle

    du

    numral 'unus' (/'una'/'unum')

    dans

    le

    texte rignien

    42

    Mais les substantifs sont galement paralleles, en partie

    du

    moins.

    Afin

    de

    mieux

    le voir, o m m e n ~ o n s

    par schmatiser la structure des

    sections

    e et d:

    (e)

    t

    lux

    na

    et trina

    (d)

    bonitas,

    bstantie

    m una{

    {tres

    m

    l

    ssentia,

    l

    Pater

    e

    ll unus

    t

    Filius

    et Spiritus Sanctus,

    Deus,

    una

    bonitas,

    unum

    lumen

    L'lment gnrateur de

    ce

    schma est probablement l'opposition 'trina ux unum

    lumen', inspire,

    comme

    on

    le verra plus

    loin

    43

    , d'un texte patristique; elle est dou

    ble

    de

    l'opposition 'trina bonitas-

    una

    bonitas', laquelle a on tour attire la formule

    trinitaire 'tres substantie ... unus Deus'

    44

    ;

    par ailleurs, 'essentia', 'bonitas' et 'deitas'

    41 Cf. Periph., 11 608 B-C

    (p.

    186,24- p. 188,4); aussi Expos.,XIII,116 et suiv. Je prcise que

    MSWI:ISI:I

    est traduit transparente ou plus-que-claire par Scholem,

    O r i ~ . ,

    p. 369

    =

    Ursprung,

    p.

    309: ,durchsichtige (oder ber-klare) ), et blouissante par

    V8,1da,

    Rech., p.

    180.

    42

    Bien entendu, l'effet

    de style que

    Jean Scot obtient par la variation masculin-fminin

    neutre

    (cf.

    irfra, III,l) n'est

    pas

    repris en hbreu. Je signale par ailleurs que la rptition de

    'I:ID, bien perceptible dans

    la

    version allemande

    de

    Scholem,

    Ursprung,

    p. 310, a malen

    contreusement disparu de

    Orig.,

    p. 371.

    43

    Voir ci-dessous,

    111

    l. .

    4

    4 'Trina bonitas' paralt aussi en

    Periph.,

    III, 632 D (p. 58,1); Carmina, d. Traube,

    IV,

    1 80.

    .

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    14/32

    figurent

    dja ensemble dans

    le Periphyseon

    45

    ; on

    remarquera enfin

    la

    squence

    'unus ... una ... unum', qui cherche videmment un effet

    de

    style.

    Le

    pseudo-Hai'

    ne reprend le schma rignien qu'en partie et en le modifiant. Il

    supprime, encore

    une fois, la mention des

    personnes

    de la Trinit, et aussi les rf

    rences a

    la

    'bonitas'

    6

    ; d'autre part,

    il

    oppose directement l'unit

    des

    trois lumieres a

    l'numration de ces lumieres donne en

    b :

    lumiere une

    prend

    ainsi

    chez lu la

    premiere

    place;

    "essence

    47

    une", ensuite,

    correspond

    videmment a '(in) una essen

    tia';

    enfin,

    racine une est sans doute l'quivalent de 'unus Deus': en

    effet,

    l'auteur

    juifne peut pas

    se

    servir du vocable hbreu signifiant Dieu ( Elohim), car

    dans

    la

    Kabbale ce nom ne s'applique en gnral qu'aux

    sejirot,

    c'est-a-dire a 'aspect mani

    fest de

    la

    divinit, alors qu'ici c'est

    son

    cot suprieur cach qui est vis.

    Il

    adopte

    done le

    mot racine ,

    qui dails

    son vocabulaire

    remplace

    cause4

    8

    :

    faut-il

    rappeler

    que Jean

    Scot

    lui-meme dit aussi souvent 'omnium causa' au lieu de 'deus'

    49

    ? Quant

    a

    a

    qualification occulte

    a

    'infini",

    i

    est

    facile de

    signaler

    des

    paralleles rigniens a

    ses deux composants; cf., p. ex., saos quitter les

    Expsitiones:

    'lpsum siquidem

    summum bonum quod Deus est, per seipsum inuisibile est et occultum

    50

    ; et,

    pour

    la

    tournure adverbiale, les expressions 'in infinitum', 'in infinitam numerositatem', 'in

    infinitatem' et similaires

    51

    3. La diffusion

    et le resplendissement de la lumiere (e-e', f)

    A premiere

    vue,

    les

    lignes

    de

    la

    Consultation

    qui

    s'intercalent, en

    b

    entre

    le

    nom

    de

    la

    premiere lumiere et celui de la

    seconde,

    sembleraient une addition de l'auteur

    hbreu a laquelle rien

    ne

    rpond

    dans le

    texte rignien. Cependant,

    on

    rencontre

    45

    II, 567 C (p. 94,23-26); cf. IV, 741 C.

    46

    Le

    pseudo-Ha ayant

    dja

    constitu un groupe " l u m i l ~ r e - e s s e n c e - r a c i n e " , l'addition d'une

    mention de la bont divine aurait perturb le schma temaire, qu'ilsemble prfrer

    (cf.

    p.

    12,15-16; p.

    13,13);

    par ailleurs,

    si

    l'attribut de bont

    (middat ubo)

    sera diversement inter

    prt dans

    la

    Kabbale,

    en

    gnral

    on ne le

    situe,je

    crois,

    qu'au

    niveau des sejirot (la

    'boni

    tas' rignienne, par contre, est bien, d'un cat, la premiere des causes primordiales,

    mais

    d'un autre cat elle remplit souvent,

    comme

    ici, le rale d'une sorte d'quivalent

    de

    'diuini

    tas' ou 'deitas').

    7

    Le

    terme

    'SM

    peut etre traduit "substance" ou "essence"; Scholem adopte la premiere

    quivalence dans

    Orlg.,

    p. 371 (=Ursprung, p.

    310)

    et

    la

    seconde dans Kabbalah, p.

    95;

    Vajda

    semble prfrer "essence" (Rech., p. 180).

    Le

    texte parallele de Jean

    Scot

    suggere

    que

    le

    sens est bien ce demier.

    48

    Sur la substitution de "racine"

    a

    deus', cf. aussi irfra

    n.

    71, et sur "racine des racines , n 6,

    l

    49

    Voir,

    p. ex., dans le

    chap.

    I des

    Expositiones,

    les lignes 121, 503; on trouvera d'autres rf

    rances dans

    Hom.,

    p. 204, n.

    2,

    injine.

    50

    Expos., IV, 293-295;

    cf. I,

    240; IX, 210-221;

    XII, 104-105;

    XV,

    277;

    etc.

    51

    Expos.,

    1,142.

    161-162.203;

    voir aussi

    ibid., 15-16,206-208,212.

    Les

    kabbalistes substanti

    veront

    plus

    tard cette tournure

    et-en

    tireront

    le nom

    ' E n ~ s o , qu'ils donneront a la divinit

    cache (Le

    No

    m,

    pp. 27-33);

    la

    doctrine rignienne de l'infinit de Dieu

    (cf., parmi

    beau

    coup d'autres textes,

    Periph., II, 592

    C-D; p.150,25-28; Expos., IV, 81-82) pourrait, amon

    avis, avoir quelque rapport avec cette conception.

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    15/32

    un peu plus loin dans les Expositiones la section e laquelle prsente une

    resser

    blance gnrale indniable avec les

    lignes

    indiques du pseudo-HaY (queje nomn

    pour cette raisort e'):

    deux

    concepts fondamentaux sont en effet

    communs

    a eet

    ceux de diffusion

    et

    de

    resplendissement, et ils sont exprims

    daos

    un

    cas

    et

    da

    l'autre pardes

    participes

    52

    Il

    est pourtant

    vrai

    que plusieurs

    dtails

    divergent et qu

    faudrait tout d'abord rendre compte du dplacement de cette section

    dans

    Consultation. Notons a

    ce

    propos que

    la

    fonction

    que remplit

    e

    consiste

    a

    expliqu

    l'origine de

    la

    deuxieme et de la troisieme lumiere a partir de

    la

    premiere: e'

    probablement pour rpondre au besoin de fournir cette

    explication

    que

    le

    pseuc

    HaY a transpos des coqcepts qui dans les Expositiones avaient une application

    dif

    rente.

    Urt tel

    besoin, a

    on

    tour, naissait des coupures qu'il avaitfaites

    daos

    les

    text

    emprunts a son modele: en

    effet,

    les mots 'nascitur' et 'procedit' de Jean Scot, q

    en b clairaient respectivement 'origine du deuxieme 'lumen'

    =

    e

    Fils,

    et

    du

    tr

    sieme

    =

    l'Esprit

    Saint

    53

    ,

    taient tombs

    avec les

    au res lments

    s p i f i q u e m ~

    chrtiens.

    De

    ces concepts communs aux

    deux auteurs, celui

    de ditfusion

    a

    une imp

    tance particuliere. Daos l'reuvre rignienne, la 'diffusio' prend tres souvent un

    sE

    mtaphysique dfini

    54

    ; des le dbut des Expositiones,

    p.

    ex., Jean Scot affirme qm

    bont divine 'diffimdituruniuersaliter in

    ea

    que sunt, ut sint ;

    il

    insiste sur cette

    k

    en e et ailleurs daos son commentaire

    55

    ; elle est galement prsente daos plusiel

    passages

    du

    Periphyseon, rfre notamment au Verbe de Dieu, dont 'ipsa

    diffu

    subsistentia oninium est'

    56

    (daos

    le

    meme seos sont

    employs

    les

    termes 'extensi

    'expanditur'

    57

    . Le pseudo-Hai',

    pour

    sa

    part,

    utilise

    en e'le participe

    MTPST, app

    tenant au verbe

    hitpasse,

    dont drive aussi le substantif hitpassefut,

    diffusion

    expal).sion ;

    ces termes

    se

    prsentent, des les premiers

    documents

    kabpalistiqu

    dans les exposs de l'manation des

    sejirot

    a partir de la Cause premiere;

    mentionne en p a r t i c u l i ~ r a ce sujet /jokma

    la

    Sagesse

    58

    ; on

    vient

    de voir

    que

    J

    Scot

    attribuait surtout la 'diffusio'

    au

    'Verbum

    =

    Sapientia'. De meme, les

    aute

    juifs emploient la formule hitpasse,tut

    hawaya,

    "expansion d'essence";

    or

    l'Erig,

    dit,

    p .ex., que le prototype (Dieu, daos ce texte) diffunditur per omnia distribu

    52

    On

    peut ajouter que

    ces

    participes ne sont pas

    lis

    entre eux par des conjonction

    53

    De mSme,

    dans

    la

    section

    g

    i1 est question

    du

    'lumen genitum' et du 'lumen p r o e d ~

    cf. Periph., ll, 565 C (p. 90,13-15).

    54

    Ce

    sens

    est

    encore

    absent du verbe 'diffundo'

    dans

    le De praedestinat/one

    (seule

    oc

    rence:

    17,87).

    55

    Cf. Expos.,

    1

    7-8, 69-70; XIII, 93 et 486-489.

    56

    Cf., sur la 'diffusio',

    de Dieu

    en gnral, Periph.,

    1,

    519

    D-

    520 A (p. 212,13 et suiv.);

    IL

    A

    (p;

    202,5-6); III,

    633

    D-634 A (p. 60,9-11); IV,

    788 A; V,

    1020 B-C. Sur

    celle du

    V

    en

    particulier,

    voir

    surtout III,

    642

    A -

    643

    C

    (p. 78, 19-82,18;

    texte

    cit ci-dessu

    80,15-16), et aussi Expos., 1; 315 et suiv.;

    352

    et

    suiv.; X,

    46-47.53.

    51

    Cf. Periph.,

    III,

    643 B (p.

    82,1-:8) (sur ce

    texte, voir infra, n.

    114);

    Expos., I, 333-335;

    981

    et suiv.

    58

    Sur la

    hitpasseut,

    voir

    surtout Comm., pp. 312-314 (n.

    14).

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    16/32

    294

    GUSTAVO

    A.

    PJEMONTE

    eis essentiam'

    Ajoutons que le verbe himmasek a dans la Kabbale un sens tres

    proche de hitpasset;

    on

    le rencontre entre autres dans la phrase "l'expansion

    qui

    s'coule

    (ha-nimsak) de la

    source : cette expression voque une fameuse page du

    Periphyseon,

    III, ou le

    cours du

    fleuve

    divin,

    qui

    nait

    de

    la 'fons omnium', est dcrit a

    l'aide

    des verbes 'protendatur', 'deffunditur

    16

    Dans

    le meme passage, l'Erigene

    parle

    de

    la 'a se ipsa in se ipsa

    ad

    se

    ipsam

    diffusio'

    de

    la bont divine

    61

    , ce

    qui

    suggere que la diffusion 'in omnia que sunt',

    affirrne

    dans les Expositiones, n'est pas

    incompatible

    avec

    la

    diffusion

    "dans la racine

    occulte

    du pseudo-Hai-6

    2

    Bref,

    le

    vocabulaire technique et les conceptions sous-jacentes des lignes analyses de eet

    de e', sur la

    diffusion de

    la lumiere

    divine,

    semblent bien apparents. Du reste,

    i1

    conviendrait, je crois,

    de

    prendre en considration

    la

    possibilit d'une influence

    gnrale

    rignienne sur 'ensemble

    de

    l'important theme kabbalistique

    de

    la

    hitpassetut

    63

    Le tableau suivant rcapitule certains aspects des conceptions compares:

    Jean Scot

    Periph.

    //

    l ignis

    2.

    radius

    Expositiones

    turnen primum atque

    intimum

    (supereminens)

    turnen uerum

    (diffusum)

    3. splendor lumen

    (ex uirtute

    gnea

    (splendens)

    per radium procedens)

    64

    4.

    Les

    luminaires

    crs

    (g-g')

    Pseudo-Hai

    lumiere intime

    primordiale_

    lumiere plus-que-claire

    (se

    diffusant)

    lumiere

    claire

    (resplendissant par la

    force de sa diffusion)

    La question que la section gdes Expositiones attribuait a un sujet indterrnin et

    hypothtique

    ('

    fortassis quis dixerit') portait sur la maniere dont toutes

    choses

    peu-

    59

    Cf. Comm., p. 109, 295; Periph., II, 585 e (p. 134,17-18). (Scholem a dja remarqu, en ce

    qui concerne hawaya, que ce nologisme- traduit "en it" par

    Vsjda-

    parait imit du latin

    'essentia': Orig., p. 297).

    60

    Voir Comm.,

    p.

    205;

    Periph.,

    III, 632 B-C (p. 56,23 et suiv.).

    61

    /bid.

    632 D (p. 58,2-3). .

    62

    er. aussi, dans la eonsultation, p. 13,14-15,

    mi

    revient l'ide

    d une

    diffusion d ~ n s

    l'essence de la racine".

    La

    diffrence de point de vue entre Jean Scot et l'auteur juifpro

    vient du fait que ce dernier applique la section e a 'origine des lumieres intradivines,

    comme on vient de le dire; quoique, en dfinitive, l'rignisme et la Kabbale sont d'accord

    sur le principe fondamental selon Jeque rien n'existe en dehors de Dieu

    (cf.

    "Notas", p.

    120).

    63

    Cela n'exclut pas, naturellement, d'autres influences probables, p.ex. celle des noplatoni

    ciens juifs

    (cf. Orig., p.

    143, n.l31;

    Comm.,

    p. 312).

    64

    Periph.,

    II, 609 C (p. 190,9);

    cf.

    ibid.,

    A (p. 188,22-23).

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    17/32

    Jean Scot et un opuscule hbreu pseudpigraphique

    295

    vent etre

    des

    luminaires ; a sa place,

    on

    trouve chez le

    pseudo-HaY

    une assertion

    des

    mystiques qu'il faut interprter, laquelle

    se

    rfere d'ailleurs

    aux

    sefirot, et non

    pasa la totalit du

    rel.

    y a lieu de rappeler que Jean Scot met

    aussi

    parfois

    le

    sym

    bole

    des luminaires en tpport

    avec

    les archtypes;

    ici

    meme, vers

    la

    fin d'un long

    paragraphe que l'auteur hbreu n'a pas repris, il s'leve 'ad intelligibilium rerum

    puras

    species

    ...

    , c'est-a-dire, en dfinitive,

    aux causes

    primordiales, nommes

    explicitement

    au

    dbut de lasection suivant

    5

    Mais meme

    les

    cratures corporelles

    les plus

    humbles, une pierre ou un morceau

    de

    bois,

    illui:ninent

    notre esprit, par

    les

    perfections participes qu'il y rencontre, et

    le

    menent, au dela

    de

    toute

    la

    cration

    visible

    et invisible, aa 'lux inaccessibilis'

    de

    Dieu. Dans

    ce

    sens, chaque chose est un

    "luminaire", et

    la

    structure du monde le 'maximum lumen'

    66

    Le pseudo-Hai',

    de

    son

    cOt, se

    rfere

    plus simplement aux luminaires de l'univers au sens littral et physi

    que,

    aux

    astres

    67

    ,

    pour y opposer

    ces

    au tres luminaires spirituels que sont

    les

    sefirot.

    Toutefois, ses considrations, beaucoup plus breves que

    celles.de

    Jean Scot, se

    con

    densent en une

    formule

    dont

    les

    ressemblances tres frappantes

    avec

    une expression

    que l'on

    lit

    dans les

    Expositiones

    dcoulent tant

    du

    contenu

    que

    de

    la

    forme:

    l substantif sujet

    (sing.)

    (sens gnral: "lumiere")

    2.

    participe

    de

    la

    meme

    racine que le

    substantif

    3. substantif

    compl.

    direct (pi.)

    (sens gnral: "intellect 1

    etre dou .d'intellect")

    Jean Scot

    lumen

    illuminans

    animos

    Pseudo-HaY

    ZHR

    MZHYR

    HNPswrs

    65

    er. Expos., I, 131-133 et 141; IV, 267.279-280; voir galement Periph., II, 558 B (p. 74,18)

    et suiv.

    66

    Expos., I, 94 et suiv. L'expression 'illuminans lumen 1 lux' revient, p. ex., en Expos., XV,

    520-524. Sur la contemplation "pure et intime" de la 'mens', on peut voir, parmi beaucoup

    de passages, Expos., II, 13 et suiv.; VII, 122-127. L'inspiration augustinienne de ces the

    mes est manifeste;

    cf.,

    p. ex., De vera religione, LV,

    113

    (texte bien connu de Jean Scot);

    voir Kl. Hedwig, Sphaera Lucis, pp. 34

    et

    suiv.; par ailleurs, au-dela d Augustin, la "lumiere

    qui illumine l'intelligence" remonte, bien entendu, a

    Jn., 1,9 (cf. Expos.,

    I, 534-539, ou

    l'allusion a I'Evangile

    n a

    pas t releve

    par

    l'diteur).

    67

    Les astres, et en particulier le soleil et la une

    du

    rcit

    9e

    la cration, sont, dans d'autres

    crits kabbalistiques, interprts symboliquement (voir,

    p.

    ex., Comm., pp. 115, 303-304;

    on peut y comparer l'exgese rignienne de

    Gen.,

    1,14 et suiv., dans

    Periph.,

    IV,

    783

    784 e; cf aussi, sur Is., 30,26, Periph., V, 990 e et suiv.)

    68

    Le choix de ce terme suggere que le pseudo-Ha pourrait avoir u dans les Expositiones

    'animas' au lieu de 'animas'; mais i1 ne distinguait peut-8tre pas tres nettement les signifi

    cations de ces deux mots latins. En tout cas, i1 ne doit pas avoir trouv daos son exemplaire

    la variante 'oculos', propre a certains manuscrits du Commentaire rignien

    (cf.

    infra, III,

    2).

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    18/32

    Le

    choix de

    ZHR, "splendeur", par l'auteur hbreu, au Iieu d'un quivalent plus

    direct de 'lumen', obit peut-etre

    a

    son

    dsir

    d'viter une rptition, car

    le

    terme

    M'WRWT, "luminaires", venait d'etre employ a a Iigne prcdent

    9

    ; par ailleurs,

    le verbe

    hizhir,

    apparent aZHR,

    lui

    convenait tres bien, puisqu'il signifle a a fois

    "resplendir" et "avertir, instruire": orle pseudo-HaY a videmment ten u a miter la

    figure

    stylistique

    de

    son modele, en adoptant un participe de la m eme racine que

    le

    sujet.

    5. Les noms

    de la

    divinit (h-h')

    Apres quelques l i n ~ s sans analogue dans la Consultation, le Commentaire ri

    gnien traite une question sur

    le vocable dionysien

    IIATPOKINETOC

    qui,

    par

    contre, y a

    laiss des

    traces, quoique le rapport entre

    les

    deux textes est maintenant

    d'opposition implicite, plutot que de conformit, En etfet,

    la

    mention des "recher

    ches"

    et

    de

    l"'investigation aupres

    des

    maltres" rappelle

    le

    'queritur' et

    le

    'a sapienti

    bus inuestigatur'de Jean Scot1.

    Plus

    encore:

    ces

    recherches du

    pseudo-HaYauraient

    port sur 'existence

    de noms

    propres pour les

    trois

    prncipes supremes: orles

    Expo-

    sitiones invoquent les tymologies supposes des noms grecs IIATHP et 9EOC

    pour prouver que le Dieu immuable se meut (dans un sens mtaphysique)

    7

    Mais le

    rsultat des investigations

    de

    l'auteur juif aurait t, d'apres lui, ngatif: aucun nom

    "connu" ne convient

    aux

    trois luminaires, ce qui se rapporte sans doute directement

    aux

    noms

    divins de

    la

    Tora

    72

    du

    Talmud et

    de

    l'enseignement sotrique;

    mais

    l'exclusion pourrait s'apliquer aussi ades

    noms comme

    'Pater', lequel, selon la

    source qu'il

    suivait sans la

    nommer, est donn

    a

    Dieu 'in u traque

    Iingua, greca uideli

    cet latinaque'. Une

    allusion

    critique du pseudo-HaY a ce passage rignien

    me

    semble tres probable; Et, comme pour justifler le procd

    par

    lequel il

    avait systma-

    69

    P.13,1;

    ce

    mot

    dsigne

    galement

    les

    ~ i f i r o t n p.12,8. 9.10. 14.24, alors qu'il se rtere aux

    trois

    prncipes supremes

    en p.

    12,14; p.

    13,6.

    (YM), "lumiere(s)", pour sa part,

    qui

    s'app ique a

    ces

    trois prncipes

    en

    p. 12,18.20, est e'mploy galement pour les sifirot

    en

    p.

    12,6.7.12; p.

    13,14.

    On voit done que l'usage du pseudo-Ha ne distingue pas rigoureuse

    ment "luminaire" de "lumiere"; Jean

    Scot,

    de son cl)t, utilise 'lumen' pour les trois

    personnes divines, mais dans 1, 84 et suiv.

    il

    oppose a Dieu

    =

    lux',

    les

    'lumina condita'.

    70

    Le theme

    de

    l"inuestigatio' est typique de Jean

    Scot; voir,

    p. ex., Periph., 11 615 C-D

    (p.

    204,5-7);

    IV, 858 B;

    V, 1022 B. Cf.

    D.

    O'Meara, "L'investigationet

    les

    investigateurs daos

    le

    De diuisione naturaede Jean Scot Erigene", JSEHP, 225-233. Chez

    les

    kabbalistes, l'ex

    pression "sagesse de l'investigation" (cf. supra, n. 11) dsignera la philosophie rationnelle,

    et dans

    le

    cercle

    du

    1yyun

    s'appliquera surtout

    aux

    sources noplatoniciennes

    (cf.

    Orig.,

    p.

    334

    (n.

    218); Rech., pp. 376-377, 393; etc.).

    7

    Sur l'tymologie de 8ec;, voir

    aussi

    Periph., 1, 452B

    (p. 60,10)

    et

    suiv.

    est intressant de

    constater qu'a l'explication du mot 'Deus'

    des Expositiones

    semble

    faire

    pendant dans la

    Consultation l'affirmation

    de

    l'impossibilit d'assigner un no m a la

    racine

    sans commen

    cement", ce qui confirmerit le rapport entre

    les

    deux dsignations suggr

    supra,

    n 2.

    72

    Dans les lignes suivantes (section D),

    le

    pseudo-Hai' prcisera que tous ces noms, y com- .

    pris

    le ttragramme YHWH,

    ne

    se rapportent qu'a la "Gioire cre" =

    ax

    seflrot); cf.

    sur ce theme Le Nom,,pp. 27, 82,

    109

    et suiv.

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    19/32

    Jean

    Scot

    et un opuscule hbreu pseudpigraphique

    tiquement supprim tout lien entre ses trois lumieres et les noms des 'substanti;

    divines qu'utilisait son modete

    73

    ,

    notre kabbaliste invoque

    ici

    a 'appui 'avis ur

    nime des "tmoins

    de la

    tradition primordiale"

    Le pseudo-HaY assigne nanmoins certaines dsignations d'ensemble aux trt

    lumieres:

    1)

    "trois

    [degrs] occultes,

    prncipes

    des

    prncipes" (SLSH GNWZWT F

    SY

    R'SYM,

    p.

    11,19-20):

    cf.

    infra,

    n

    6,

    1; 2)

    "les trois

    luminaires

    supremes"

    (Ht

    M'WRWT

    H'LYWNWf, p.

    12,14-15): cp.

    'trina lux', section

    e;

    3)

    "trois

    [entitt

    supremes"

    (SLS

    'LYWNwr, p. 13,3-4): cp. 'summa Trinitas",

    expression

    maint

    fois employe par Jean Scof\ 4) "les trois degrs qui sont nom, essence et racin.

    (HG' M'LWf SHM SM 'SM WSRS, p. 13,12-13): certains passages du Periphysec

    rendent un son

    similaire

    75

    6.

    Ides et formules

    du pseudo-Hai'

    dont on peut trouver

    des analogues

    dans d'autn

    textes de Jean

    Scot7

    6

    1)

    Les

    expressions "racine" et "racine des racines"

    Ces

    expressions images sont surtout utilises dans

    la

    Kabbale par le groupe d

    lyyun et

    par

    Azriel

    de

    Grone

    77

    Elles ont une saveur gnostique marque: tant

    dar

    les tmoignages des Peres de l'Eglise sur le systeme valentinien que dans

    les

    doct

    ments dcouverts

    a

    Nag Hammadi on rencontre une terminologie assez

    proche

    7

    Mais

    un autre facteur joue

    aussi ici,

    notamment

    en

    ce qui concerne

    la

    formule

    redoublement "racine

    des

    racines"

    (ou

    "de toutes

    les racines"):

    l'influence

    noplatc

    73

    Non seulement 'Pater', mais aussi 'Verbum/'Filius' et 'Spiritus Sanctus' sont

    encot

    employs plusieurs fois dans cette section des Expositiones ( ignes

    181-191).

    (Dans l

    Kabbale

    on

    se servira aussi du nom "pere", mais en corrlation avec "mere", et au

    nivea

    des

    sifirot;

    ces noms dsigneront respectivement la 2 seflra /fokma) et la 3

    (Bina).

    C

    Orig., p. 146.)

    74

    Dans

    le

    seul chapitre 1

    des

    Expositiones,

    on

    la

    trouve aux

    lignes 186-187,

    396-39

    ('summa ac sancta'), 460-461 ('summa sanctaque'), 463, 475.

    15

    Voir, p. ex.,

    Periph.,

    11

    600 A-B (p.

    168,18-19).

    76

    Les expressions tudies ici correspondent surtout a la section a'.

    77

    Cf. Orig.,

    pp. 364,

    377-378;

    G. Vajda,

    "Un chapitre

    de

    l'histoire du

    conflit

    entre la

    Kabbalf

    et la philosophie", dans

    Archives d'hist. doctr.

    et

    lit/.

    du

    Moyen

    Age,

    XXIII

    (1956),

    45-144:

    voir l'Appendice III,

    pp.

    136-144

    (le

    texte d'Azriel traduit dans

    ce

    supplment contient un

    passage dont-la source,

    non

    identifie jusqu'ici, n'est autre,

    amon

    avis, que Jean

    Scot;

    j'espere revenir la-dessus prochainement).

    78

    Voir

    lrne

    de Lyon,

    Contre

    les

    Hrsies,

    livre

    1,

    d.

    A.

    Rousseau -

    L.

    Doutreleau,

    Pars

    1979 (Sources chrtiennes, 264),

    1,1,19:

    'radicem omnium'; 1,1,26: 'radicem

    et

    substan

    tiam

    omnium';

    1,2,14:

    'eam

    quae

    sine initio est radicem', TIv vapxov P Cav (cp. pseudo

    HaY

    p.

    13,6-7:

    HSRS

    S'YN

    LW

    HTI,ILH). Pour

    les

    textes coptes, cf.

    The

    Nag Hammadi

    Library

    in English,

    d. dirige

    par

    J. M.

    Robinson, Leiden, 2nd. ed.,

    1984;

    p. ex.

    The

    Gospe/

    ofTruth (1,3), 41, 17-19. 25-26; 42,33-34; dans The Tripartite

    Tractate

    (1,5), on dit notam

    ment que le Pere a cr" the aeons as

    roots

    and springs and fathers (68,9-10), ce qui

    rappelle singulierement une ligne du

    pseudo-HaY:

    "et

    les

    racines,

    qui

    sont les peres,

    s'appellent

    sifirot

    (p. 11,22).

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    20/32

    298

    GUST

    YO A. PJEMONTE

    nicienne. La formule en question n'est en effet, parait-il, qu'une version

    colore

    de

    l e x p r e s s i ~ n

    p h i l o s o ~ h i q u e bien connue

    "Cau,se des causes" ("de

    toutes

    les

    causes");

    cette

    dermere, tradu1te en

    hbreu ou en aramen, sera

    aussi

    employe littralement

    par les

    premiers kabbalistes

    79

    . Je crois pertinent

    de

    souligner que la dnomination

    'causa causarum

    (omnium)', commune,

    certes,

    a

    lusieurs auteurs, est bien prsente

    chez Jean Scot,

    en

    particulier dans son expos sur la Trinit

    du livre

    II

    du

    Periphy

    se?n80. Elle

    a dans l'reuvre rignienne une

    signification prcise,

    opposant les

    causes

    p ~ 1 m o r d i a l e s

    a

    Dieu, ~ u i , les ayant

    cres, estau sens

    strict la "cause des causesB

    1

    ;je

    fms

    remarquer

    a e

    SUJet

    que le

    pseudo-Hai'

    paralt

    aussi

    donner A

    a

    Iocution

    "racine

    des racines"

    une valeur plus concrete que

    celle

    d'un pur superlatif; car elle veut

    dire

    pour

    cet

    auteur "racine

    des

    sejirot (=racines) .

    La

    formule

    cite se

    double parfois

    dans

    le

    Periphyseon

    d'une autre parallele, 'omnium principiorum

    principium8

    2

    dont

    on

    a

    vu

    ci-dessus

    (no 5, 1) un

    quivalent

    chez le

    pseudo-HaY.

    Dans un

    pass;ge

    la

    "cause

    des

    causes"

    est identifie au :{lere, tandis que dans d'autres textes r i g n i . ~ n s

    cette

    dnomination

    se

    rapporte au Verbe

    83

    ;

    mais les plus

    intressants sont ceux ou

    elle est applique A

    a

    Trinit,

    p.

    ex.:

    'in

    ipsa causa causarum

    omnium in trinitate

    dico

    .. .'

    84

    C'est

    la un

    prcdent objectif

    du caractere

    ternaire

    de

    la racie

    de

    toutes

    les

    racines"

    chez le pseudo-Ha ,

    que ce dernier n'ignorait peut-etre

    pas.

    2)

    Les trois

    luminaires

    supremes n'ont

    pas de

    commencement

    L'ide de la

    "cause des causes"

    se prsente chez Jean Scot lie, comme

    celle

    de la

    "racine des racines" dans la Consultation, a

    celle

    de l'absence de prncipe cette

    derniere notion

    est frquemment exprime par l'Irlandais Al'aide

    du term'e grec

    vetpxo;, lequel est

    tant6t appliqu

    A

    Dieu en

    gnral

    85

    ,

    tant6t

    au

    Pere

    ou au Verbe

    79

    Voir Orig.,

    pp. 224,

    227, 238, 261-262, 380, 421-422,

    425,

    467-468; Kabbalah,

    p.

    89; Le

    Nom, p. 52;

    Rech.,

    pp.

    174-175.

    80

    Elle Yparalt a u moins onze fois; on en trouve d'autres exemples dans le Periphyseon {III et

    V),

    mais

    non, ama connaissance; dans le De praed.

    81 ef .

    .

    p.

    ex.,

    Periph.,

    Il,

    553

    e (p. 64,21-25); 554 C (p. 66,23-25); 555

    D 556

    A (p. 68,36- p.

    70,2).

    82

    er.

    Periph.,

    II, 555 A (p. 68,8-9); les deux formules reapparaltront ensemble

    au

    XIII"

    siecle,

    dans

    le

    De

    causis primis et secundis

    (voir ci-dessous, eonclusion); cf.

    u s ~ i

    le Livre

    des

    deux principes des cathares, d. Chr. Thouzellier, Pars 1973 (Sources chrtiennes,

    198):

    7,10-12; 19,37-39. .

    83

    Le Pere comme cause des causes: Periph.,

    II,

    600 B (p.

    168,21-25); le Verbe:

    Periph.,

    II,

    609

    B (p.

    188,28-30);

    V,

    892

    D-893

    A.

    84

    Periph.,

    II,

    562

    A (p. 82,22-23; cf.

    ibid.,

    26); voir aussi

    556

    A (p. 70,6.8-11); 615 C-D (p.

    204,5-8). -

    85

    er.

    Periph.,III, 619

    e (p. 26,19-24). Pour

    &vapxoc;

    dit

    de

    Dieu en gnral, cf. 1

    451

    e n

    (p.

    58,21-23);

    516

    A

    (p.

    204,6-7);

    II,

    585

    A

    (p.

    134,

    1-2);

    111,688

    e D (p.

    184,24-26).

    (D'au

    tres em lois de cet ad ectif: II 562

    A: o.

    82.1 R-1

    TTT

    t >?

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    21/32

    Jean Scot et un opuscule hbreu pseudpigraphique

    299

    en

    particulierB

    6

    ; mais on le trouve

    galement

    rfr a oute la Trinit: 'trinitas coes

    sentialis in tribus substantiis, vapxo;,

    hoc

    est sine

    principio

    .. .'

    87

    On peut rcapituler les

    ressemblances

    signales dans un tableau:

    le n

    Scot

    Pseudo-Har

    Causarum omnium causa

    Racine de

    toutes les

    racines

    omniumque principiorum principium (trois) prncipes des prncipes

    ----:::=--

    1

    =

    SVMMA

    TRINITAS

    1

    1 =

    TROIS

    [entits]

    SUPREMES

    1

    ANAPXOC,

    hoc est sine

    principio

    n'ont pas de commencement

    causae primordiales

    racines = sefirot

    3) Et la pense n est p s capable de les

    saisir,

    carla comprhension et le savoir de

    toute

    crature sont

    insuffisants

    pour

    [les]

    saisir''

    88

    .

    n'est pas ncessaire

    de

    s'attarder sur l'importance

    du

    theme

    de

    l'incomprhen

    sibilit divine

    dans

    la doctrine rignienne; Scholem a dja.suggr qu'une expres

    sion des kabbalistes assez

    proche

    de celles que l'on lit dans la Consultatibn,

    ma se en

    ha-maJ:saba

    masseget,

    "ce

    que

    la

    pense ne

    saisit pas",

    pourrait etre

    une

    traduction

    de

    l incomprehensibilis' que Jean

    Scot

    utilise, p.ex.,

    dans la

    dfinition du nant par

    excellence"

    89

    . Cette ide revient frquemment dans l'reuvre de l'Erigene; en voici

    un

    seul exemple, tir du chap. I des Expositiones: la vrit

    divine

    en elle-meme'

    hulli

    creature

    comprehensibilis est, super omnem sensum et intellectum exaltata, omni

    uisibili et inuisibili creatura remota'

    90

    ; des assertions

    similaires

    abondent

    dans

    le

    Periphyseon, 11

    au sujet de la Trinit

    9

    . Notons enfin

    que

    la phrase

    du

    pseudo-Hai"

    concernant

    les

    sQirot: il n'y a

    pas

    de chem n pour

    les

    saisir, sauf pour Celui qui les a

    cres, est, pour sa part, tres proche

    de

    beaucoup d'affirmations rigniennes sur les

    causes primordialea9

    2

    86

    Le

    Pere 'comme &vapxoc; = Periph., V, 909 A-B;

    le

    Verbe: V,

    893

    A.

    87

    Periph., IV, 741 C.

    88

    Vor auss p. 11,25 - p. 12,1; p. 12,22.

    89

    ef.

    Orig.,

    p.

    286;

    Periph., III, 680 D - 681 A (p.

    166,19.

    26-27).

    90

    Expos., I, 601-604

    (cf.

    608); voir

    aussi

    ibid., 97-99, 103-104, 316-317, 361-364, 378-379.

    91

    P.

    ex.:

    'diuinae bonitatis substantialis trinitas ... cum sit ah omni creatura remota omni-

    que intellectui incognita .. .' (579 A;

    p.

    120,10-11.13-14);

    voir

    aussi

    576

    A (p. 112,34-35);

    579 B (p. 120,18-20);

    614

    e (p. 200,30-34);

    615

    A (p. 202,7-8.13-15).

    92

    Voir

    la

    consultation, p.

    11,24-25.

    Pour des textes sur l'incomprhensibilit des

    causes

    primordiales,

    on

    peut

    voir

    mon

    article "Las

    realidades que superan toda inteligencia , dans

  • 7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem

    22/32

    III.

    Possibilit et probabilit d'une

    influence

    rignienne

    sur le

    pseudo-HaY

    S'il n'est pas vraisemblable que toutes

    les

    correspondances

    de

    contenu et

    de

    forme entre la Consultation du pseudo-HaY et

    le

    Commentaire

    de

    Jean Scot que l'on

    vient

    de

    mettre en vidence

    ne

    soient que l'effet

    du

    hasard, ou

    le

    fruit

    de

    simples

    analogies structurelles entre deux penses affines,

    l faut

    conclure que les textes

    compars doivent etre

    lis

    entre eux par un certain rapport historique-littraire,

    directe

    ou indirecte. Dans les paragraphes qui suivent on considrera sommaire

    ment, et a itre

    provisoire,

    quelques questions dont

    la

    dtermination aiderait a clai

    rer la nature

    de

    ce rapport.

    l.

    Les

    ressemblances entre la Consultation et les Expositiones

    ne

    s'expliquent proba

    blement

    pas

    par une source commune

    convient

    de

    rioter, en premier lieu, qu'une hypothese inverse

    de

    celle que l'on

    a expose ci-dessus, c'est-a-dire

    celle qui

    supposerait une dpendance del'oouvre

    rignienne

    a

    'gard du pseudo-Hai',

    ne

    serait pas soutenable, pour e pures raisons

    de

    chronologie

    93

    Mais on

    pourrait se demander

    si

    Jean

    Scot

    n'aurait pas utiljs des

    lments

    qui

    auraient t

    aussi

    connus

    plus

    tard, indpendamment de lui, par l'au

    teur juif. Puisqu'on est loin d'avoir identifi toutes les sources de la synthese

    rig

    nienne94,

    une

    telle

    question n'est pas

    facile

    a

    pondre

    avec

    certitude;

    il

    est cepen

    dant loisibl

    de risquer quelques conjectures sur

    les

    auteurs dont s'inspirent proba

    blement

    les

    pages

    cites des Expositiones, afin d'tablir si qn y trouve des matriels

    suffisants pour rendre compte des similitudes

    signales.

    Remarquons d'abord que,

    si

    Jean Scot

    croyait

    dcouvrir la Trinit de lumiere

    dans

    certains

    passages de

    Denys

    95

    ,

    la prsence

    de

    cette ide au dbut

    des Expositiones

    provient d'une laboration du

    commentateur, car le chapitre I

    de la

    Hirarchie cleste mentionne bien

    le

    'Pater

    luminum'

    et,

    plus loin, le 'lumen uerum' J s u ~ ) , mais non pas 'Esprit Saint. Dans

    d'autres lignes

    du

    texte rignien,

    des

    rminiscences

    de

    saint Augustin sont incon

    testables, en particulier en ce

    qui

    concerne l'illumination intrieure

    96

    . Mais je vou

    drais

    m'arreter un instant

    a

    une autre

    influence,

    moins apparente,

    qui

    me

    s e m l ~

    fondamentale, celle de Marius

    Victorinus.

    En plus de certains

    vers

    des

    Hymnes

    91

    on

    93

    M@me

    le

    vritable

    ga on

    HaY est

    d'ailleurs postrieur a

    Jean

    Scot.

    94

    Des

    ressemblances

    assez

    singulieres entre

    certains

    textes

    gnostiques

    et

    quelques passages

    du Periphyseon

    parattraient

    parfois suggrer la possibilit d'une influence;

    cependant,

    si

    cette influence

    a

    exist,

    elle

    a

    probablement

    t

    indirecte,les

    voies de

    transmission

    tant

    peut-etre le

    pseudo-Denys ou

    d'autres

    auteurs grecs, et, parmi

    les

    Latins,

    surtout

    Marius

    .Victorinus.

    95

    Voir,

    en

    Expos.,

    VII,

    518-526, le

    commentaire

    sur

    l'adjectif

    dionysien tplqavolc; (Hir.

    cl.,

    VII,2; PG