phillipe dubois
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7/25/2019 phillipe dubois
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Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.rudit offre des services d'dition numrique de documents
scientifiques depuis 1998.
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Article
Michel Lamothe ou lhomme qui fait respirer les images Philippe DuboisCV Photo, n 32, 1995, p. 16-23.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
http://id.erudit.org/iderudit/21710ac
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Document tlcharg le 5 June 2016 11:25
7/25/2019 phillipe dubois
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J'aimerais faire un film qui mlerait ma vie, dans ce
qu'elle a deprive, et mon travail, qui est public par dfi
nition : un film qui montrerait comment les deux ples
de cette dichotomiesejoignent, s'entrecroisent, se con
tredisent, luttent l'un contre l'autre, autant qu'ils se
compltent, selon les moments. Je n'ai pas l'intention
de donner une interprtation de mes photographies,
de leur attribuer unsensparticulier, un sens historique.
Ce genre d'information ne m'intressepas. [...'[J'aimerais faire un photo-film, tablir un dialogue entre le
mouvement de la camra et le gel de l'image fixe, entre
le prsent et le pass, l'intrieur et l'extrieur, le devant
et le derrire. Un film tourner dans le contexte fan
geux de la vie, Nova Scotia et New York. Deux
maisons. Deuxpays.Deux points de vue. L'un hors de
la culture, l'autre en plein dedans. L'un comme refuge
de l'autre . Tous les deux ncessaires et inutiles. [...]
Mme et prcisment parce que mes photographies
flottent dans le courant de ma vie normale dans
le film que je veuxfaire, cesphotos deviendrontpaus
es dans le flux de la pellicule, brches pour souffler un
peu, fentres sur un autre temps, sur d'autres lieux.
J'aimerais faire cefilm-l. Robert Frank
Michel Lamothe
0)
oou l'homme
qui fait respirer
les imagesrt
m i c h e
preuves argentiques reproduites par contact.
Artiste explorant aussi bien la pho-
tographie que le cinma, Michel
La mo th e est de formation scien-
tifique. Bachelier en sciences du col-
lge Loyola de Montral, il est aussi
diplm de l'universit Laval en gnie.
Le cinma et la photographie sontpour lui des passions.
Ph il ip pe Du bo is est un thoricien
del'artqui pose un regard particulire-
ment perant sur la photographie, le
cinma et la vido. Il est de plus l'auteur
de L'acte photographique, un ouvrage
marquant de la bibliographie photogra-
phique contemporaine et publi auxdi-
tions Labor.
Jm accompagne, de loin en loin, mais depuis long-
F temps et avec une attention discrte et sou
tenue, le travail, film et photographie com
bins,de Michel Lamothe. Plus je l'observe, au
sein de la petite famille des cinphotographes
qui m'est chre (et qui regroupe les William
Klein, Raymond Depardon, Chris Marker, Hollis
Frampton, Agns Varda, etc.), et plus j'prouve cette
impression globale que son univers est travers depart en part d'un souffle, ou plutt d'une respiration,
trs proche plein d'gards de ce qui fait l'univers de
Robert Frank. Quelque chose d'une certaine sauva
gerie et d'une libert premire, dbarrasses de toute
cette prtention qui encombre souvent la photographie
contemporaine, quelque chose de fondamentalement
direct et essentiel, opre pareillement au cur de la d
marche de l'un et de l'autre. Et je crois que cette force
vive qui anime leur travail, qui gnre chez moi le sen
timent que leurs images respirent (au sens fort du mot),
vient du contact permanent de ces artistes avec deux
mdiums. C'est le travail avec le cinma qui vitalise
leurs photos, et inversement c'est leur pratique photo
graphique qui rend leurs films aussi intenses du dedans.
Tchons d'y voir plus clair. En termes de genre,
les photos de Michel Lamothe ne sont ni duphoto
reportageni de laphotographie crative . Elles sont
la fois la (bienheureuse) ngation de la tyrannie de
l'instant dcisif, et le contrepied du formalisme (sou
vent) sclrosant de la photo d'artiste. Elles ne sont
pas a priori qualifiables ou catgorisables, si ce n'est
dans le grand flou de la tranche de vie. Leur essen-
tialit tient la fois leurs motifs, leur srialit et
leur dispositifs.
Les motifs sont simples : le paysage et le corps,
le portrait et l'autoportrait, le jardin et la nature morte,
les nuages et les mains. Ce sont des motifs du dedans
et du dehors, du corps et du monde. Ils inscrivent l'un
dans l'autre, ils signent l'un par l'autre. Comme l'a
montr le livre de Michel Beaujour, c'est la figure fon
datrice de toute tradition de l'autoportrait moderniste.Mais corps et monde sont ici traits singulirement.
Ce n'est pas un hasard si le regard (cette antienne de
la photographie) en est le grand absent : yeux ferms,
regards voils, visages coups. Visiblement, a ce passe
ailleurs que dans le centrage oculaire. La main parat
plus essentielle que l'il : Lamothe conoit la photo
comme une activit plus manuelle que visuelle. Et ce
n'est pas un hasard non plus si le monde qui nous est
donn voir ( toucher) n'est pas tant celui des per
sonnes (plus ou moins effaces) que celui des choses
(les plantes, les chaises vides). Et si les choses sont plus
souvent troubles et flottantes que fermes et consis
tantes : des nues et des ciels (toujours trs variables),
des branches et des feuilles (toujours trs tremblantes).
Boug du corps et vibration du monde, c'est tout un...Le tremblement est le signe le plus insistant de tous
ces motifs. Le tremblement du temps et de la lumire
dans la photographie. Aux antipodes de l'instant d
cisif : l'indcision de la dure. Prise de temps avant
d'tre prise de vue. Le tremblement est ici la marque
alatoire de la respiration intrieure de l'image.
D'autre part (la slection de ce portfolio ne nous
permet pas de nous en rendre compte), ces images
fonctionnent toujours par srie (dclinable) : sries
thmatiques bien sr (sries des nuages, des portraits
16 CVphoto
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Nuage
1991
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Femme dans les pommiers
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Nature morte
1994
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1994
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I thaque
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Main
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d'amis, des autoportraits, des mains ouvertes devant
l'objectif,des natures mortes), mais aussi sries de fi
gures ou de procds (la srie dite des photogrammes,
celle des camera obscura , etc.). Ce principe sriel est
significatif :une photo n'existe jamais seule, elle fait
partie d'une bande, que ce soit l'origine (la pellicule,
le rouleau, la planche-contact) ou aprs coup par con
struction(la suite, la squence, le montage, le tableau).
Et cettebande-imagesest un ensemble, qui parle, qui
fait discours comme une totalit articule, bien au-del
du sens que peut vhiculer l'image isole. La srie, c'est
le dbut du cinma, un cinma non narratif (horizon
tal) mais essayiste (vertical). Les photos de ce portfolio,
toutes emblmatiquement prleves une srie spci
fique, sont chacune un moment d'une sorte de film
virtuel, d'un film vertical qui dcline ses modulations
comme on a une conversation (avec le rel, avec soi, avec
le spectateur). Le film du ciel, de lavie,des gens qui passent, des voyages qu'on fait, des amis qu'on a, des lieux
qu'on traverse, des films qu'on aime. Faire des photos,
filmer sa vie, faire des images comme on respire.
Enfin ces images en bandes sont aussi chaque
fois le fait d'un dispositif qui leur donne leur force sin
gulire : le stnop (bote noire primitive , camera
obscura sans objectif ni pellicule, un simple trou et
exposition directe du papier :la photo ramene son
identit minimale), la pose longue (avec ses problmes
de temporalit tremblante qui inscrit ses vibrations
We would like to make one's
apologize to our English-language
readers, for being unable to offer a
full translation of Philippe Dubois's
text Infortunately, an abriged
version would not do this well-
thought-out text justice.
An artist who explores the media
of photography and f i lm, Michel
La mo th e has a scientific background:
a bachelor's degree in science from
Montreal's Loyola College and a
degree in engineering from UniversitLaval. For him, film and photography
are personal passions.
Ph il ip pe Dub ois is an art theo
retician who casts a particularly piercing
eye on photography, film,and art video.
Aswell,he has writtenL'actephotogra