Petit poids de naissance et risque métabolique chez l’adulte

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Cahiers de nutrition et de diététique (2009) 44, 91—95 ÉPIDÉMIOLOGIE Petit poids de naissance et risque métabolique chez l’adulte Metabolic future of being born small for gestational age Jacques Beltrand a,b , Claire Lévy Marchal a,,b a Inserm U690, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France b Université Paris-Diderot, 75205 Paris cedex 13, France Rec ¸u le 2 d´ ecembre 2008 ; accepté le 15 d´ ecembre 2008 Disponible sur Internet le 17 avril 2009 MOTS CLÉS Retard de croissance intra-utérin ; Insulinorésistance ; Syndrome métabolique ; Tissu adipeux Résumé Le terme franc ¸ais de retard de croissance intra-utérin est un terme impropre qui regroupe différentes situations cliniques. Le « petit poids de naissance » répond à une défini- tion épidémiologique. L’hypotrophie à la naissance est un des facteurs de risque de développer des maladies métaboliques à l’âge adulte telles que le diabète de type 2, les maladies cardio- vasculaires ou le syndrome métabolique. Les modifications du métabolisme engendrées par un environnement intra-utérin délétère entreraient en conflit avec un environnement nutrition- nel postnatal riche et favoriseraient ces maladies métaboliques. La notion de programmation fœtale des maladies métaboliques est un phénomène complexe et dynamique faisant inter- venir la croissance fœtale, la croissance de rattrapage postnatale et les modifications de la sensibilité à l’insuline et de la composition corporelle qui s’y associent. La croissance de rattrapage est un phénomène physiologique chez les enfants nés avec un petit poids de nais- sance sous le contrôle de facteur nutritionnels et métaboliques. Cette séquence favorise la redistribution des substrats vers les organes de stockage et favoriserait le développement du tissu adipeux. Si elle est le plus souvent bénéfique en replac ¸ant l’enfant dans son couloir de croissance génétique, elle pourrait être exagérée ou prolongée et favoriser l’apparition de l’insulinorésistance. Celle-ci apparaît tôt dans la vie. Tous les sujets nés avec un petit poids de naissance ne sont pas à risque de développer des maladies métaboliques. Il n’existe pas à ce jour d’études interventionnelles visant à moduler la croissance postnatale des enfants nés avec un petit poids de naissance et ayant démontré un effet bénéfique sur le risque métabolique. © 2009 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Texte issu d’une conférence donnée aux Journées Francophones de Nutrition à Brest en novembre 2008. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Lévy Marchal). 0007-9960/$ — see front matter © 2009 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.cnd.2008.12.003

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Cahiers de nutrition et de diététique (2009) 44, 91—95

ÉPIDÉMIOLOGIE

Petit poids de naissance et risque métabolique chezl’adulte�

Metabolic future of being born small for gestational age

Jacques Beltranda,b, Claire Lévy Marchala,∗,b

a Inserm U690, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, Franceb Université Paris-Diderot, 75205 Paris cedex 13, France

Recu le 2 decembre 2008 ; accepté le 15 decembre 2008Disponible sur Internet le 17 avril 2009

MOTS CLÉSRetard de croissanceintra-utérin ;Insulinorésistance ;Syndromemétabolique ;Tissu adipeux

Résumé Le terme francais de retard de croissance intra-utérin est un terme impropre quiregroupe différentes situations cliniques. Le « petit poids de naissance » répond à une défini-tion épidémiologique. L’hypotrophie à la naissance est un des facteurs de risque de développerdes maladies métaboliques à l’âge adulte telles que le diabète de type 2, les maladies cardio-vasculaires ou le syndrome métabolique. Les modifications du métabolisme engendrées par unenvironnement intra-utérin délétère entreraient en conflit avec un environnement nutrition-nel postnatal riche et favoriseraient ces maladies métaboliques. La notion de programmationfœtale des maladies métaboliques est un phénomène complexe et dynamique faisant inter-venir la croissance fœtale, la croissance de rattrapage postnatale et les modifications dela sensibilité à l’insuline et de la composition corporelle qui s’y associent. La croissance derattrapage est un phénomène physiologique chez les enfants nés avec un petit poids de nais-sance sous le contrôle de facteur nutritionnels et métaboliques. Cette séquence favorise laredistribution des substrats vers les organes de stockage et favoriserait le développement dutissu adipeux. Si elle est le plus souvent bénéfique en replacant l’enfant dans son couloir decroissance génétique, elle pourrait être exagérée ou prolongée et favoriser l’apparition del’insulinorésistance. Celle-ci apparaît tôt dans la vie. Tous les sujets nés avec un petit poidsde naissance ne sont pas à risque de développer des maladies métaboliques. Il n’existe pasà ce jour d’études interventionnelles visant à moduler la croissance postnatale des enfantsnés avec un petit poids de naissance et ayant démontré un effet bénéfique sur le risquemétabolique.© 2009 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

� Texte issu d’une conférence donnée aux Journées Francophones de Nutrition à Brest en novembre 2008.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (C. Lévy Marchal).

0007-9960/$ — see front matter © 2009 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.cnd.2008.12.003

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KEYWORDSSmall for gestationalage (SGA);Insulin resistance;Metabolic syndrome;Adipose tissue

Summary Being born smanition that covers a broad rof developing later in life tThe mismatch between a ptions would result in metabpathway to the metabolic dthe concomitant adaptationphysiological and adaptive ptory; it implies redistributithe fetal growth restrictionin turns would generate insdevelop the metabolic comthe prevention of the develo© 2009 Société francaise de

a fin des années 1980 a vu, grâce aux travaux de l’équipe durofesseur Barker, l’apparition d’un nouveau concept lianta vie fœtale et certaines maladies complexes de l’adulteomme le syndrome métabolique et les maladies cardiovas-ulaires. Rapidement baptisé du nom de « programmationœtale », il a engendré de nombreux travaux fondamen-aux, cliniques ou épidémiologiques. Ceux-ci ont permis deonfirmer que de faibles mensurations de naissance étaientssociées à une morbidité accrue à l’âge adulte, avec notam-ent un risque plus élevé de développer certaines maladies

omme le diabète de type 2 (DT2), l’hypertension ou lesaladies ischémiques cardiaques. Le poids et la taille de

aissance, marqueurs de la qualité de croissance et dea nutrition fœtale, seraient donc liés à des modificationsu métabolisme de l’enfant puis de l’adulte, programmant’organisme à développer certaines maladies. Cependant,a plupart des données actuelles sont issues de travaux épi-émiologiques rétrospectifs, menés en majorité chez desdultes. Il est donc aujourd’hui encore difficile d’expliquerotalement par quels mécanismes les événements de la vieœtale peuvent conduire au développement à l’âge adulte’un syndrome métabolique, d’une insulinorésistance ou

’un DT2.

etit poids de naissance et diabète deype 2 : les données épidémiologiques

e travail fondateur pour la théorie de la programmationœtale rapportait un lien entre la croissance postnatalerécoce et le décès de maladie ischémique cardiaque [1].e travail a rapidement été suivi d’un second mettant envidence, chez des sujets âgés, que le poids de naissancetait aussi un facteur de risque indépendant de DT2 [2].es données furent ensuite reproduites et confirmées dansifférentes ethnies distinctes. L’association poids de nais-ance et pathologies métaboliques semblait robuste quelleue soit la prédisposition naturelle de la population étu-iée à développer ces maladies [3]. L’association entreensurations de naissance et risque métabolique a ensuite

apidement été affinée, le facteur péjoratif n’étant pasant le poids de naissance, donnée épidémiologique dontes limites varient d’une ethnie à l’autre, que l’état de mai-reur à la naissance. Si de nombreux articles ont conservée terme « petit poids de naissance (PPN) pour l’âge gesta-ionnel », le vrai facteur de risque semble l’hypotrophie à laaissance qui répond à la restriction de croissance fœtaleFig. 1 et 2).

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J. Beltrand, C. Lévy Marchal

gestational age (SGA) corresponds to an epidemiological defi-of clinical conditions. SGA individuals have an increased risk

2 diabetes, metabolic syndrome and cardiovascular diseases.ntrauterine environment and more favorable postnatal condi-changes prone to the development of insulin resistance. Thees encompasses both fetal and postnatal catch-up growth withnsulin sensitivity and body composition. Catch-up growth is ass aimed at replacing the child on his/her own growth trajec-

f the metabolic fluxes and restores the fat stores lost duringultaneously, it may promote relative excess of fat mass, whichresistance. However, not all children born SGA will ultimatelytions. As of today, there are no intervention studies aiming atnt of the metabolic complications during the first years of life.ition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

a part des anomalies de l’insulinosécrétion

fin d’expliquer les relations entre PPN et diabète, des ano-alies de l’insulinosécrétion furent un temps évoquées. En

ffet, il semblait concevable que des anomalies de crois-ance fœtale aient aussi des conséquences sur la croissanceancréatique et plus particulièrement sur l’acquisition pré-atale de la masse des cellules bêta [4]. Des anomaliese l’insulinosécrétion, mesurée chez des adultes jeunesés avec un PPN furent initialement rapportées et sem-laient confirmer les données retrouvées chez l’animal.5]. Ces résultats ne furent pas reproduits dans la cohorterancaise d’Haguenau [6]. Cette cohorte prospective cas-émoin regroupe 1500 sujets jeunes (22 ans au moment de’observation) et est constituée pour moitié de sujets nésvec un PPN recrutés à partir du registre de naissanceenu de 1971 à 1985. La sécrétion d’insuline était ici enapport avec le degré de sensibilité à l’insuline du sujet.es résultats similaires furent retrouvés, en utilisant diffé-ents modèles de mesure de la sécrétion d’insuline, dans’autres cohortes d’adultes ou d’enfants [7,8]. Enfin, lesxamens anatomopathologiques de coupes de pancréas deœtus n’ont pas fait suspecter une anomalie primitive de

éveloppement du pancréas à l’origine du développementltérieur de pathologies métaboliques. Il n’existait pas deifférence de morphologie des cellules bêta, du nombre’îlots de Langerhans ou de la taille des îlots entre les fœtusla croissance normale et ceux ayant subi un retard de crois-

ance intra-utérin [9]. Au total, peu de données existentctuellement pour imputer l’association entre poids de nais-ance et DT2 à un défaut d’insulinosécrétion.

etard de croissance intra-utérin etnsulinorésistance

e second élément important dans la physiopathologie duT2 est l’insulinorésistance qui précède l’apparition desroubles de la tolérance glucidique. Son rôle prédomi-ant dans la physiopathologie des maladies associées auPN a tout d’abord été évoqué à partir de la mesure de’insulinémie et de la pro-insulinémie plus élevées chezes sujets adultes nés avec un PPN [10]. La mesure duiveau d’insulinorésistance, c’est-à-dire de la diminutione la captation périphérique de glucose en réponse à’insuline, a ensuite été réalisée chez des adultes ou desnfants nés avec un PPN. Tous ces travaux ont mis envidence les mêmes anomalies : les sujets nés avec unPN avaient tous une sensibilité à l’insuline diminuée et

Petit poids de naissance et risque métabolique chez l’adulte

Figure 1. La programmation fœtale des maladies métaboliques, relatioet l’insulinorésistance. Les anomalies de croissance fœtale vont être à l’naissance associés à des modifications du métabolisme. Lors de la croissanomalies et conduire à l’apparition d’une insulinorésistance.

ce de facon indépendante de tout facteur confondantet notamment de l’indice de masse corporelle (IMC)[11,12].

La cohorte de « Haguenau » a rapporté des résultats simi-laires [13,14]. Quelle que soit la précision de la méthodede mesure utilisée, la sensibilité à l’insuline était dimi-nuée chez un tiers des sujets nés avec un PPN, ici aussiindépendamment de tout autre facteur associé à une insu-linorésistance comme le tabac, la contraception orale, lesantécédents familiaux de diabète, les dyslipidémies. Cetteinsulinorésistance peut être mise en évidence dès l’âgepédiatrique. Elle apparaîtrait au cours des deux premièresannées de vie de facon concomitante au rattrapage statu-ropondéral tout en restant modérée. Une étude anglaiseregroupant 600 enfants de dix à 11 ans montrait une dimi-nution de l’insulinémie à jeun de 16,9 % pour chaque

Figure 2. Mise en place séquentielle de l’insulinorésistance chez lesflux glycolytiques vont entraîner une redistribution des flux de nutrimeadipeux conduisant in fine à l’apparition d’une insulinorésistance.

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n entre l’hypotrophie à la naissance, le rattrapage staturopondéralorigine d’un petit poids de naissance et d’un état de maigreur à la

ance de rattrapage, le gain excessif de masse grasse va révéler ces

augmentation de 1 kg du poids de naissance [15]. De plus,cette modification de la concentration sanguine d’insulineétait plus importante pour une augmentation de l’index pon-déral d’une déviation standard que pour une augmentationdu poids de naissance de 1 kg, confirmant le rôle impor-tant joué par l’hypotrophie à la naissance. Une diminutionde la sensibilité à l’insuline a pu aussi être mise en évi-dence chez des nourrissons d’un an nés avec un PPN et ayantrattrapé leur retard staturopondéral [16]. De facon remar-quable, dans cette petite série hospitalière, l’augmentationde la concentration sérique d’insuline n’était retrouvée quechez les enfants de petit poids ayant rattrapé leur retardpondéral.

Au total, l’insulinorésistance semble donc une despremières anomalies apparaissant dans la programmationfœtale des maladies métaboliques.

sujets nés avec un petit poids de naissance. Les modifications dunts favorisant la lipogenèse de novo et le développement du tissu

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De plus, ce n’est pas tant le poids de naissance en lui-ême que le profil de croissance postnatal qui semble ici en

ause. Le rattrapage staturopondéral semble donc un évé-ement nécessaire dans la physiopathologie des anomaliesétaboliques secondaires au PPN.

etit poids de naissance et syndromeétabolique

n sait maintenant depuis une vingtaine d’années que lesccidents ischémiques cérébraux ou cardiaques sont précé-és par la mise en place d’anomalies cliniques et biologiques’apparition progressive dans la vie et regroupées sous leom de syndrome métabolique. Les épidémiologistes ontonc essayé de déterminer si le PPN était un facteur deisque de développer ce syndrome. Les données de l’équipee Barker montraient que le risque de syndrome méta-olique était dix fois supérieur, à l’âge de 50 ans, poures sujets de poids de naissance inférieur à 2,5 kg parapport à ceux de poids de naissance supérieur ou égal

4,5 kg indépendamment de l’IMC. Certains éléments duyndrome métabolique peuvent être détectés de facon pré-oce dans la vie, une élévation des triglycérides sériquesouvant par exemple être trouvée chez les enfants nésvec un PPN dès l’âge d’un an [16]. L’association entre’hypercholestérolémie et le PPN a aussi été rapportéeans les études réalisées chez les descendants de mèreollandaises ayant subi, en cours de grossesse, la faminengendrée par le blocus allemand de 1944. Là encore, le rôlee la malnutrition prénatale semble déterminant [17]. Dansa cohorte d’Haguenau, les valeurs moyennes des compo-antes du syndrome métabolique étaient significativementlus élevées chez les sujets nés hypotrophes. Le syndromeétabolique, défini selon les recommandations américainese ‘ATP III l, était sept fois plus fréquent chez les sujets nésvec un PPN. La sensibilité à l’insuline la plus basse étaitssociée à une élévation de la tension artérielle systolique etiastolique, des triglycérides plasmatiques, de la glycémiet du rapport taille/hanches. Cependant, si les différencesntre sujets en fonction de leur poids de naissance étaient

ignificatives, elles restaient modestes.

nsulinorésistance : quelle histoireaturelle ?

i l’association entre PPN et insulinorésistance est unhénomène bien montré sur le plan épidémiologique, lesécanismes physiopathologiques sont encore imparfaite-ent connus. Il en est de même pour l’histoire naturelle de

’insulinorésistance qui précède l’apparition des maladiesétaboliques. Il semble que les altérations de la sensibi-

ité à l’insuline ne surviennent pas au même moment danses trois tissus cibles de l’insuline que sont, le muscle,e foie et le tissu adipeux. Des études réalisées chez deeunes scandinaves (âge moyen de 19 ans) ont mesuré laensibilité à l’insuline au niveau de différents tissus. Alorsue le niveau global de sensibilité était comparable chezes sujets nés avec un PPN, la sensibilité musculaire à’insuline était diminuée par rapport aux sujets témoins,uggérant des altérations du flux glucolytique dans ce tissu18]. Chez ces mêmes sujets, l’expression dans le musclee différentes molécules de la voie de signalisation de’insuline et du transporteur du glucose GLUT4 était dimi-uée par rapport aux données observées chez des sujets

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J. Beltrand, C. Lévy Marchal

és avec un poids normal [19]. Ces données font doncenser que chez les sujets nés avec un PPN, une phase’insulinorésistance musculaire précède la diminution dea sensibilité à l’insuline des autres tissus relativementréservés chez les sujets très jeunes. Ces deux dernièresonstatations suggèrent donc que le flux de glucose estedistribué vers d’autres tissus, notamment le tissu adipeuxui reste insulinosensible, favorisant ainsi sa croissance.’excès relatif de tissu adipeux aboutirait alors à la misen place d’une insulinorésistance plus globale. Cette notionermet de relier le risque métabolique lié au PPN à deuxutres acteurs au rôle important, le tissu adipeux et le pro-l de croissance particulier des enfants nés avec un PPN ditroissance de rattrapage.

attrapage, composition corporelle et tissudipeux

es premières données pointant le rôle prépondérant duattrapage dans la mise en place de l’insulinorésistanceurent rapportées à partir d’une cohorte finnoise d’adultes.n effet, une incidence plus élevée de maladies coronairestait retrouvée chez les sujets les plus maigres à la nais-ance et dont le poids à l’âge de sept ans était dans ouu-dessus de la moyenne [20]. Des résultats similaires ontu être montrés chez des enfants indiens, où dès l’âge deuit ans, les enfants avec le poids de naissance le plus bast avec un poids élevé au moment de l’étude, étaient leslus insulinorésistants. Dans la cohorte d’Haguenau, le rat-rapage mesuré par les variations de l’IMC entre la naissancet l’âge adulte était aussi associé à l’insulinorésistance.

Cette croissance de rattrapage qui permet à l’enfante récupérer le déficit de croissance acquis pendant la vieœtale et de restaurer une composition corporelle adaptéea toucher les tissus maigres mais aussi le tissu adipeux.e tissu a révélé depuis plusieurs années son rôle essentielans l’homéostasie glucidique et dans les variations de laensibilité à l’insuline. Son accroissement au cours du rat-rapage pourrait jouer un rôle essentiel dans l’apparition de

’insulinorésistance. Ce rattrapage, qui touche la taille ete poids, va tenter de compenser la maigreur et les faiblesensurations de naissance, afin de replacer l’enfant sur son

ouloir « génétique » de croissance. Ce phénomène a étéocumenté dans d’autres situations cliniques de dénutritiont il a été montré que ce rattrapage s’accompagnait d’unain excessif de masse grasse [21]. Dans le cas du retarde croissance intra-utérin, si cette croissance de rattrapagest probablement dans les premières années de vie un phé-omène physiologique de l’organisme, elle pourrait parfoistre délétère. L’insulinorésistance serait une conséquencees modifications de la composition corporelle engen-rée par ce développement excessif et retardé du tissudipeux.

À RETENIR :

• un PPN est un facteur de risque de DT2 et desyndrome métabolique ultérieurs ;

• l’insulinorésistance précoce en est le mécanismeprépondérant ;

• le développement excessif du tissu adipeux lors dela phase de rattrapage, l’origine probable.

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Petit poids de naissance et risque métabolique chez l’adulte

Les données d’absorptiométrie réalisée chez desnouveaux-nés ont bien montré que le retard de croissanceintra-utérin s’accompagnait d’une diminution de la massegrasse, témoignant de l’altération du développement anté-natal de ce tissu [22,23]. Le rattrapage s’accompagneraitd’un développement excessif de ce tissu. Dans la cohorted’Haguenau, si tous les sujets, quel que soit leur poids denaissance, ont des IMC comparables à l’âge de 22 ans, lessujets nés avec de faibles mensurations de naissance ont unpourcentage de masse grasse plus élevé. Dans cette cohorte,d’autres arguments font évoquer des altérations fonction-nelles de ce tissu. Les taux de leptine sont plus bas chezles sujets nés avec un petit poids, même après correctionpour le sexe, l’IMC ou l’insulinémie [24]. Le tissu abdominalsous-cutané de ces sujets présente une hypersensibilité auxcatécholamines [25]. Enfin, l’insulinorésistance est associéeà certains polymorphismes de facteurs de transcription oude récepteurs au rôle clé dans le tissu adipeux comme PPARGamma et les récepteurs bêta-3 adrénergiques [26].

Toutes ces données font penser que le tissu adipeux estaltéré dans son développement au cours de la vie fœtalelors du retard de croissance intra-utérin. Cela va décalerson développement à la période postnatale. Cette crois-sance retardée va avoir des conséquences à long termechez l’adulte. Les modifications précoces de ce tissu,au rôle clé dans le métabolisme énergétique, induiraientl’insulinorésistance et les complications métaboliques quien découlent.

Conclusion

Les données accumulées au cours des dix dernières annéesont clairement montré que le PPN était un facteur de risquede développer une insulinorésistance et un DT2. Ce risqueest bien entendu potentialisé par le surpoids. Parmi les indi-

vidus nés avec un petit poids, ceux à risque seraient ceuxayant présenté un ralentissement de leur croissance anténa-tale ayant abouti à un déficit de masse grasse à la naissance,suivi d’une croissance de rattrapage postnatale. Ce profilde croissance particulier va entraîner un excès relatif detissu adipeux conduisant au développement d’une insulino-résistance. Cette insulinorésistance va ensuite conduire audéveloppement du syndrome métabolique et du DT2.

Conflits d’intérêts

Aucun.

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