Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine...

16
Personnes physiques et successions En bref N o 6 – Septembre 2013 EN MANCHETTE CHRONIQUE Les recours des créanciers et légataires particuliers impayés et la barrière de l’article 816 C.c.Q., par M e  Christine Morin L’auteure analyse l’article 816 du Code civil afin de dégager dans quels cas cette disposition législative met fin aux recours des créanciers et des légataires particuliers impayés. p. 2 JURISPRUDENCE B. (L.) c. P. (M.), EYB 2013-224032 (C.S., 2 juillet 2013) L’incapacité d’un testateur ne peut être soulevée de son vivant dans le cadre d’une action en annulation de testament. p. 11 Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine c. C. (M.), EYB 2013–223102 (C.S., 10 juin 2013) Le Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine est autorisé à effectuer des transfusions sanguines sur une enfant âgée de trois mois dont les parents sont des témoins de Jéhovah. p. 6 Larouche, Re, EYB 2013-222638 (C.S., 23 mai 2013) Un testament olographe peut être constitué de cinq feuilles tirées d’un bloc-notes dont une seule est signée du prénom du défunt. p. 9 75, rue Queen, bureau 4700, Montréal (Québec) H3C 2N6 Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144 © LES ÉDITIONS YVON BLAIS TOUTE REPRODUCTION OU DIFFUSION INTERDITE SANS AUTORISATION ISSN : 1929-5677 Sous la direction de M e Michel Beauchamp

Transcript of Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine...

Page 1: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Personnes physiques et successions En bref

No 6 – Septembre 2013

EN MANCHETTECHRONIQUELes recours des créanciers et légataires particuliers impayés et la barrière de l’article 816 C.c.Q., par Me Christine Morin

L’auteure analyse l’ar ticle 816 du Code civil afin de dégager dans quels cas cette disposition législative met fin aux recours des créanciers et des légataires particuliers impayés. p. 2

JURISPRUDENCEB. (L.) c. P. (M.), EYB 2013-224032 (C.S., 2 juillet 2013)

L’incapacité d’un testateur ne peut être soulevée de son vivant dans le cadre d’une action en annulation de testament. p. 11

Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine c. C. (M.), EYB 2013–223102 (C.S., 10 juin 2013)

Le Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine est autorisé à effectuer des transfusions sanguines sur une enfant âgée de trois mois dont les parents sont des témoins de Jéhovah. p. 6

Larouche, Re, EYB 2013-222638 (C.S., 23 mai 2013)

Un testament olographe peut être constitué de cinq feuilles tirées d’un bloc-notes dont une seule est signée du prénom du défunt. p. 9

75, rue Queen, bureau 4700, Mont réal (Québec) H3C 2N6 Téléphone : (514) 842-3937 Télécopieur : (514) 842-7144

© LES ÉDITIONS YVON BLAIS TOUTE REPRODUCTION OU DIFFUSION INTERDITE SANS AUTORISATION ISSN : 1929-5677

Sous la direction de Me Michel Beauchamp

Page 2: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

2 Reproduction ou diffusion interdite

Résumé

L’auteure analyse l’ar ticle 816 du Code civil afin de déga-ger dans quels cas cette disposition législative met fin aux recours des créanciers et des légataires particuliers impayés.

INTRODUCTION

Le second alinéa de l’ar ticle 816 du Code civil prévoit que les créanciers et les légataires particuliers qui, demeurés incon-nus, ne se présentent qu’après les paiements régulièrement effectués par le liquidateur n’ont aucun recours s’ils se pré-sentent après l’expiration d’un délai de trois ans depuis la décharge du liquidateur, ni aucune préférence par rapport aux créanciers personnels des héritiers ou légataires. Concrè-tement, quelles sont les implications de cette disposition législative1 ?

Signifie-t-elle que tout créancier impayé est privé de recours contre les héritiers dès lors qu’il s’est écoulé trois ans depuis la décharge du liquidateur de la succession ? Que le créan-cier dont la créance n’est pas exigible au moment du décès perd néanmoins automatiquement ses droits trois ans après la décharge du liquidateur ? Que le bénéficiaire d’une promesse ou d’un droit de préemption à durée indéterminée que lui a conféré le de cujus ne peut plus faire valoir son droit trois ans après la décharge du liquidateur ? Que l’acheteur d’un

* Me Christine Morin est professeure titulaire à la faculté de droit de l’Université Laval.

1. Il s’agit d’une des questions discutées lors du dernier concours de plaidoirie Pierre-Basile Mignault qui a eu lieu à l’Université Laval en février 2013. Voir : http://concourspbm.ca/ et http://concours-pbm.ca/wp-content/uploads/2012/10/jugement_concours-pbm_2013.pdf. L’auteure remercie les étudiantes et étudiants Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir partagé le fruit de leurs recherches. Elle remercie également sa collègue Brigitte Roy pour les discussions sur le sujet.

immeuble perd toute garantie légale, notamment sa garan-tie contre les vices cachés, dès lors que le vendeur est décédé et que trois ans se sont écoulés depuis la décharge du liqui-dateur de sa succession ?

Nous ne le croyons pas, du moins pas dans tous les cas2. L’ar-ticle 816 du Code civil doit être interprété de manière à tenir compte de sa situation à l’intérieur du Code. Son interpréta-tion doit également être conforme aux principes généraux du droit des successions.

I– UNE DISPOSITION EN LIEN AVEC LA PÉRIODE DE LIQUIDATION DE LA SUCCESSION

On observe que l’ar ticle 816 du Code civil ne fait pas partie de la section « De l’obligation des héritiers et légataires par-ticuliers après la liquidation », où il aurait normalement dû apparaître si l’objectif du législateur était d’imposer un délai de prescription ou de déchéance aux recours des créanciers et légataires impayés3. Il apparaît plutôt au « Chapitre III : Du paiement des dettes et des legs particuliers » du « Titre 5 : De la liquidation des successions ».

Le Chapitre III traite des dettes et des legs particuliers qui doivent être payés par le liquidateur de la succession. La pre-mière section du chapitre constitue une sorte de « marche à suivre » destinée au liquidateur, notamment lorsque la suc-cession est insolvable. Elle indique qui sont les personnes qui doivent être payées par le liquidateur et leur rang. La seconde section du même chapitre prévoit les recours qui sont à la disposition des créanciers et des légataires parti-culiers qui n’ont pas été payés par le liquidateur de la suc-cession, que ce soit parce que ce dernier n’a pas respecté la marche à suivre prévue par le législateur ou pour toute autre raison.

Comme l’ar ticle 816 se trouve dans la section « De la liquida-tion de la succession », il faut comprendre que la délivrance des biens aux héritiers n’a pas encore eu lieu4. Le liquidateur exerce toujours la saisine des héritiers et des légataires parti-culiers5. Seuls des créanciers et des légataires à titre particu-lier ont pu être payés par le liquidateur6. Certains héritiers et créanciers d’aliments ont également pu recevoir des acomptes si la succession est manifestement solvable et que le liquida-

2. Contra : Suzanne HOTTE, « Fin de la liquidation », dans Juris-Classeur Québec, coll. « Droit civil », Successions et libéralités, fasc. 12, Mont réal, LexisNexis Canada, par. 69 (mis à jour annuel-lement). Cette auteure soutient que l’ar ticle 816 du Code civil prévoit un délai de prescription applicable à tous les créanciers, incluant le fisc, dans toutes les situations. Elle ajoute même qu’un recours en vices cachés pour un immeuble vendu par le défunt ou par sa succession ne serait plus recevable trois ans après la décharge du liquidateur alors même qu’il aurait nor-malement pu l’être.

3. Art. 823 à 835 C.c.Q.4. Art. 822 C.c.Q.5. Art. 777 C.c.Q.6. Art. 808 à 814 C.c.Q.

Les recours des créanciers et légataires particuliers impayés et la barrière de l’article 816 C.c.Q.

Me CHRISTINE MORIN*Professeure

CHRONIQUE

Page 3: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 3

teur s’est assuré que tous les créanciers et légataires particu-liers pourraient être payés7.

On comprend que le législateur a voulu limiter les recours des créanciers et des légataires particuliers qui sont demeu-rés « inconnus » contre les légataires particuliers qui ont été payés à leur détriment et contre les héritiers qui ont reçu des acomptes à cette étape de la liquidation successorale. Ainsi, le premier alinéa de l’ar ticle 816 prévoit d’abord que les créan-ciers et légataires particuliers impayés n’ont de recours contre les héritiers qui ont reçu un acompte et les légataires particu-liers payés à leur détriment que s’ils arrivent à justifier d’un « motif sérieux » pour n’avoir pu se présenter en temps utile. Le second alinéa prévoit ensuite qu’en tout état de cause, ils n’ont plus aucun recours s’ils se présentent après l’expiration d’un délai de trois ans depuis la décharge du liquidateur. Rappelons que cette décharge a lieu une fois que la liqui-dation de la succession est terminée, après l’acceptation du compte défi-nitif du liquidateur8.

C’est dans ce contexte précis que doit être lu l’ar ticle 816 du Code civil lorsqu’il dispose que les créanciers et légataires particuliers demeurés inconnus n’ont aucun recours s’ils se présentent après l’expiration d’un délai de trois ans depuis la décharge du liquidateur, ni aucune préférence par rap-port aux créanciers personnels des héritiers ou légataires. Cet ar ticle vise les personnes qui se qualifient comme « léga-taires à titre particulier » ou « créanciers » de la succession au moment où le liquidateur a effectué les paiements.

L’ar ticle 816 du Code civil assure ainsi une certaine quiétude aux légataires particuliers et aux héritiers qui ont reçu des acomptes après un délai déterminé. Nous ne croyons toute-fois pas qu’il s’agisse d’une barrière infranchissable pour tous ceux qui ont des droits à faire valoir contre la succession ou les héritiers9.

II– UNE DISPOSITION CONFORME AUX PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT DES SUCCESSIONS

Les règles relatives à la responsabilité des héritiers à l’égard des légataires particuliers et des créanciers impayés une fois que la liquidation de la succession est terminée sont prévues à la « Section II : De l’obligation des héritiers et légataires par-ticuliers après la liquidation » du « Chapitre IV : De la fin de la liquidation ».

Plus précisément, c’est l’ar ticle 823 du Code civil qui dispose que l’héritier qui vient seul à la succession est tenu de toutes les dettes restées impayées par le liquidateur, normalement jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il recueille10. Lorsque la succession est dévolue à plusieurs héritiers, chacun

7. Art. 807 C.c.Q.8. Art. 822 C.c.Q.9. Voir également Jacques BEAULNE, Droit des successions, 4e éd.

d’après l’œuvre originale de Germain BRIÈRE, coll. « Bleue », Mont réal, Wilson & Lafleur, 2010, par. 927 et 932.

10. Art. 625 C.c.Q.

d’eux est alors tenu au paiement des dettes en proportion de la part qu’il a reçue en qualité d’héritier, sous réserve des règles relatives aux dettes indivisibles.

La même disposition précise que les créanciers et légataires particuliers qui se présentent après les paiements réguliè-rement effectués n’ont aucune préférence par rapport aux créanciers personnels de l’héritier. Cette précision est logique et se comprend aisément puisque la séparation des patrimoi-nes du défunt et des héritiers prend fin avec l’achèvement de la liquidation de la succession11. L’ar ticle 823 du Code civil est complété par l’ar ticle 826 qui précise, quant au paiement des légataires particuliers impayés, que les héritiers ne sont jamais tenus au-delà de la valeur des biens qu’ils recueillent.

Si une personne se présente pour faire valoir un droit – créance, pré-férence, préemption, etc. – plus de trois ans après la décharge du liqui-dateur, est-il donc trop tard ? Nous croyons que deux situations doivent être distinguées.

Dans les cas où il s’agit d’un droit qui n’était pas encore né au moment où le liquidateur a payé les créanciers et les légatai-res particuliers ou versé des acomptes – par exemple, un vice caché découvert cinq ans après la décharge du liquidateur ou encore un droit de préférence conféré par le de cujus que le titulaire souhaite exercer quatre ans après la décharge –, il n’est pas trop tard pour agir12. En effet, les héritiers conti-nuent la personne du défunt et ils sont saisis du patrimoine de ce dernier, ce qui signifie tant l’actif que le passif13. La transmissibilité des droits et des obligations du défunt consti-tue d’ailleurs la règle, l’intransmissibilité l’exception14. L’héri-tier acquiert la totalité du patrimoine du de cujus. Il ne peut acquérir davantage de droits qu’en avait le défunt, pas plus qu’il ne peut acquérir ses droits tout en se soustrayant à ses obligations15.

Le de cujus, s’il était toujours vivant, aurait dû payer ses dettes et respecter ses engagements. Il devrait donc en être de même pour ses héritiers qui sont tenus aux obligations du de cujus – à l’exception de celles qu’on peut qualifier d’in-tuitu personae – jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’ils ont recueillis de la succession16.

Il est difficile d’imaginer que le législateur ait voulu mettre fin à toute possibilité de recours après une période de trois ans à compter de la décharge du liquidateur de la succession pour favoriser les héritiers au détriment des créanciers. Si

11. Art. 780 C.c.Q.12. On observe d’ailleurs qu’en cas de vente d’immeubles par une

succession, il arrive fréquemment que l’acte de vente stipule une clause expresse d’exclusion de la garantie légale.

13. Art. 625 C.c.Q.14. Art.  625 C.c.Q. Voir également les ar ticles  1441, 1442 et

1505 C.c.Q.15. Art. 630, al. 2 C.c.Q.16. Ce n’est qu’exceptionnellement que l’héritier sera tenu au-delà

de la valeur des biens qu’il recueille. Voir les ar ticles 625, al. 2, 799, 800 et 801 C.c.Q.

C’est l’ar ticle 823 du Code civil qui dispose que l’héritier qui vient seul à la succession est tenu de toutes les dettes restées impayées par le liquidateur, normalement jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il recueille.

Page 4: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

4 Reproduction ou diffusion interdite

une volonté de protection et de stabilité des droits des héri-tiers peut favoriser la thèse de la déchéance ou de la pres-cription des recours à brève échéance, il faut rappeler que la loi prévoit par ailleurs expressément qu’il est possible de faire reconnaître sa qualité d’héritier dans les dix ans qui sui-vent l’ouverture de la succession ou le jour où son droit s’est ouvert17. La situation de ceux qui se croient héritiers n’est donc pas sans risque de perturbation et pourrait ainsi évoluer plus de dix ans après le décès. Si le législateur a prévu qu’une personne puisse faire reconnaître ses droits d’héritier après tant d’années, et ce, même si une telle situation oblige la restitution des prestations par l’hé-ritier apparent18, on comprendrait difficilement qu’il ait voulu limiter les droits des créanciers après seu-lement trois ans. D’autant plus que depuis l’adoption du Code civil du Québec, ce n’est qu’exceptionnelle-ment que les héritiers sont tenus au paiement des dettes de la succession au-delà de la valeur des biens qu’ils recueillent19. Le besoin de protection des héritiers est donc moindre que sous le Code civil du Bas Canada où l’héritier acceptant pouvait être tenu au-delà de la valeur des biens qu’il avait recueillis20.

À propos des droits des créanciers de la succession, rappe-lons que la Cour d’appel a souligné qu’il existe un « prin-cipe de protection des créances sous-jacent aux ar ticles 808 et suivants »21. Toujours selon la Cour d’appel, ce principe de protection des créances est même sous-jacent à l’ensemble des dispositions du Code civil sur la liquidation d’une succes-sion22. Il est, par conséquent, nécessaire de tenir compte de la volonté du législateur de protéger les créanciers dans l’in-terprétation et l’application des dispositions du Code civil en matière de successions23. Soutenir que les créanciers dont les droits n’étaient pas encore nés au moment où les paiements ont été faits par le liquidateur perdent tous leurs droits et recours trois ans après la décharge du liquidateur irait à l’en-contre de cet objectif24.

17. Art. 626 C.c.Q. Voir également 649, 650 et 701 C.c.Q.18. Art. 627 et 1699 à 1707 C.c.Q.19. Art. 625, al. 2, 799, 800 et 801 C.c.Q.20. En vertu du Code civil du Bas-Canada, il était possible d’accep-

ter une succession purement et simplement ou sous bénéfice d’inventaire. L’effet du bénéfice d’inventaire était de donner à l’héritier l’avantage de n’être tenu au paiement des dettes de la succession que jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il avait recueillis. Voir les ar ticles 642 et 671 du Code civil du Bas-Canada. Sous le C.c.B.C., voir Léon FARIBAULT, Traité de droit civil du Québec, t. IV, Mont réal, Wilson & Lafleur, 1961, p. 363-364 ; Pierre-Basile MIGNAULT, Le Droit civil canadien, t. 3, p. 466 et s.

21. Bergeron c. Fortier, 2005 QCCA 319, EYB 2005-88358, par. 38.22. Ibid.23. Ibid., par. 17 et 18.24. Selon une interprétation qui est faite de l’ar ticle 816, al. 2 C.c.Q.,

tous les recours seraient perdus trois ans après la décharge du liquidateur. Voir Suzanne HOTTE, « Fin de la liquidation », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Successions et libéra-lités, fasc. 12, Mont réal, LexisNexis Canada, par. 69 (mis à jour annuellement).

Qu’en est-il maintenant pour les créanciers et les légataires particuliers dont les droits étaient nés au moment du paie-ment des legs particuliers et du versement d’acomptes par le liquidateur, mais qui sont demeurés inconnus ?

Deux interprétations sont envisageables dans ce dernier cas. On peut soutenir qu’ils « n’ont aucun recours s’ils se pré-sentent après l’expiration d’un délai de trois ans depuis la décharge du liquidateur », tant contre les légataires parti-culiers payés à leur détriment que contre tous les héritiers, conformément à ce que prévoit le texte du second alinéa de l’ar ticle 816 du Code civil s’il est lu seul.

Par contre, on peut aussi avancer que le second alinéa de cet ar ticle ne met fin aux recours des créan-ciers et légataires impayés qu’à l’égard des personnes mentionnées au premier alinéa de l’ar ticle 816, soit « contre les héritiers qui ont

reçu des acomptes et contre les légataires particuliers payés à leur détriment ». Autrement dit, les créanciers et légatai-res particuliers perdraient leurs recours uniquement contre les légataires particuliers payés à leur détriment25 et contre les héritiers qui ont reçu des acomptes, tout en conservant leurs recours contre les autres héritiers.

Les deux interprétations peuvent logiquement être défen-dues puisque la loi laisse, ici, place à interprétation.

CONCLUSION

L’interprétation de l’ar ticle 816 du Code civil ne va pas de soi dans tous les cas.

Certaines situations semblent claires. Les créanciers et les légataires particuliers inconnus dont la créance existait au moment de la liquidation de la succession perdent leurs recours contre les légataires à titre particulier payés à leur détriment et contre les héritiers qui ont reçu des acomptes trois ans après la décharge du liquidateur. Au contraire, les droits qui n’étaient pas nés au moment où le liquidateur a payé les créanciers et les légataires particuliers ne sont pas perdus de façon automatique trois ans après la décharge du liquidateur puisque les héritiers continuent la personne du défunt et qu’ils sont saisis du patrimoine de ce dernier.

La solution semble cependant plus discutable lorsqu’il s’agit de recours par des créanciers et des légataires parti-culiers non diligents dont les droits étaient nés au moment des paiements ou du versement d’acomptes par le liquida-teur. L’éclairage de la jurisprudence sera le bienvenu dans ce dernier cas.

25. Dans le cas des légataires à titre particulier, c’est manifeste-ment ce que prévoient les ar ticles 739 et 827 du Code civil : « Il n’est pas tenu des obligations du défunt sur ces biens, à moins que les autres biens de la succession ne suffisent pas à payer les dettes ; en ce cas, il n’est tenu qu’à concurrence de la valeur des biens qu’il recueille. » « Les légataires particuliers ne sont tenus au paiement des dettes et des legs restés impayés par le liquidateur qu’en cas d’insuffisance des biens échus aux héri-tiers. »

À propos des droits des créanciers de la succession, rappelons que la Cour d’appel a souligné qu’il existe un « principe de protec-tion des créances sous-jacent aux ar ticles 808 et suivants ».

Page 5: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 5

Personnes physiques

Jouissance et exercice des droits civils

EYB 2013-223953

Cour supérieure

Walsh (Succession de) c. Forian

500-05-063692-014

28 juin 2013

Décideur(s)

Lemelin, Louise

Type d’action

REQUÊTE en annulation d’une procuration générale et d’une donation. REJE-TÉE. REQUÊTE en annulation d’une saisie avant jugement. REJETÉE.

Indexation

OBLIGATIONS ; CONTRAT ; CONTRATS NOMMÉS ; MANDAT ; DONATION AVEC CHARGE ; ANNULATION ; PERSONNES ; PERSONNES PHYSIQUES ; JOUISSANCE ET EXERCICE DES DROITS CIVILS ; CAPACITÉ DE CONTRAC-TER ; FORMATION ; CONSENTEMENT ; VICES ; ERREUR ; DOL ; MANŒU-VRES ; PROCÉDURE CIVILE ; TRIBUNAUX ET JUGES ; POUVOIRS ; POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE ; PREUVE CIVILE ; OBJEC-TIONS ; CONFIDENTIALITÉ ; SECRET PROFESSIONNEL ET COMMUNICATIONS PRIVILÉGIÉES ; PERTINENCE ; BIENS ; ADMINISTRATION DU BIEN D’AUTRUI ; OBLIGATIONS ENVERS LE BÉNÉFICIAIRE

Résumé

Notons premièrement qu’il y a eu scission de l’instance, la question de la capacité du défunt de conclure l’acte de donation en faveur de sa nièce devant être traitée dans ce jugement et celle de la validité des transactions visant l’immeuble conclues entre la nièce et les autres défendeurs devant faire l’objet d’un autre jugement.

Le 24 août 1999, le défunt était capable de consentir valablement à l’acte de donation d’un immeuble établi en faveur de sa nièce. En dépit de la maladie d’Alzheimer qui commençait alors à l’affliger, aucun élément habituel d’in-sanité n’a été prouvé pour cette période. Au contraire, son neurologue lui a fait passer un test le lendemain de la signature de l’acte. Le test confirme qu’il n’avait pas alors de trouble de comportement et qu’il pouvait comprendre la nature du document signé. L’endocrinologiste du défunt n’a pas le bénéfice d’une rencontre aussi contemporaine. Il a changé sa version au cours du temps et il reconnaît qu’il n’était pas au courant des événements qui auraient pu être à l’origine du changement d’attitude constaté chez le défunt. Les conclu-sions de la travailleuse sociale ne sont pas concluantes puisque, notamment, la première rencontre a eu lieu en mars 2000, trop tard pour évaluer la capa-cité du défunt en août 1999. La notaire ayant instrumenté l’acte de donation, un témoin privilégié et crédible, conclut à la capacité de conclure l’acte de donation. Elle a conclu plusieurs actes, soit en faveur, soit à l’instigation du défunt. Pour elle, son comportement et sa communication sont identiques dans ses contacts avant la rédaction de la donation et lors de la signature. Elle lui a fourni les explications nécessaires, et ce, en plusieurs occasions, et un délai normal s’écoule avant la signature et la finalisation des conditions. Les circonstances n’exigeaient pas de demander un certificat médical pour

attester la capacité de cet homme de 76 ans lors de la conclusion de l’acte de donation, alors qu’il prenait l’initiative de gérer ses affaires.

Le défunt n’a pas été victime de captation de la part de sa nièce et de son entourage. Comme toute personne de son âge, il était vulnérable, mais le neurologue n’a décelé aucun élément particulier qui l’aurait rendu plus enclin à être manipulé. Un simple soupçon, une impression ou une hypothèse sont insuffisants pour conclure à la captation. La nièce et son entourage n’ont pas isolé le défunt, mais occupé le vide laissé par le décès de sa deuxième épouse. Ils ont maintenu leur aide et leur affection jusqu’à ce que la fille du défunt incite ce dernier à déménager et leur bloque l’accès au défunt. La nièce a pris la peine d’aviser la fille lorsque l’état du défunt s’est aggravé, lorsqu’il a rédigé un testament et lorsqu’il a déménagé hors de l’immeuble en conséquence de l’acte de donation, et ce, en dépit de l’inimitié entre les deux femmes. Les attentions, la fréquence de la présence de la nièce et de sa famille, les soins et services rendus, même s’ils avaient un but intéressé, ne constituent pas des manœuvres dolosives. Il n’y a pas de preuve de la dispari-tion de sommes d’argent. C’est le défunt qui voulait déménager, étant même prêt à céder l’immeuble à un prix dérisoire. En l’espèce, le défunt a consenti une donation avec la charge de payer l’hypothèque dont le solde s’élevait à 25 000 $. En matière de donation, il ne s’agit pas d’apprécier l’équité de la transaction ou de la contrepartie. Il s’agit d’un acte gratuit où le donateur se départit d’un bien, ce qu’une personne apte à consentir peut faire. En l’espèce, la décision du défunt de favoriser sa nièce quant au transfert de l’immeuble ne permet pas en soi de conclure à des manœuvres dolosives.

La donation ne viole pas l’article 1312 C.c.Q. Cet article a pour but d’éviter que l’administrateur du bien d’autrui se place volontairement et sans auto-risation dans une situation de conflit d’intérêts ou qu’il utilise son mandat pour se conférer un avantage. Évidemment, l’interdiction est écartée lors-que le bénéficiaire autorise expressément la transaction ou l’acte juridique. Dans le cas à l’étude, c’est le défunt qui décide de faire une donation et qui signe l’acte notarié. Non seulement il autorise la donation d’août 1999, mais il la fait personnellement. La nullité relative prévue à l’article 1312 C.c.Q. est donc inapplicable. La fille a peu discuté des circonstances précises entou-rant la signature du mandat de procuration signé chez le notaire Gluck en mai 1999 en faveur de la nièce du défunt et elle n’a pas proposé d’élément qui aurait pu modifier la capacité de celui-ci entre cet acte et la donation. À défaut de preuve repoussant la présomption de capacité, il y a lieu de conclure à la validité de cette procuration et de l’acte de donation.

Quant à la copie d’un testament antérieur instrumenté par le notaire retraité Gluck, la retraite ne doit pas nuire à la confidentialité de l’acte et la nièce n’a pas intérêt à conserver cette copie ni même à accéder à l’original puisque le dernier testament du défunt révoque les testaments antérieurs et qu’elle ne remet pas en cause sa capacité de tester quant au dernier testament.

Par ailleurs, les défendeurs, à l’exclusion de la nièce, demandent de déclarer que la requête introductive d’instance est abusive. Une jurisprudence abon-dante interprète très libéralement cette notion en reconnaissant qu’une inter-vention est possible comme moyen préliminaire, pendant le déroulement de l’instance ou lors d’un acte de procédure subséquent à l’instance. Ainsi, en l’espèce, il est possible de statuer sur les demandes des défendeurs même s’il y a eu scission de l’instance et plus particulièrement dans ce dossier où la demande est rejetée. Le tribunal bénéficie d’une preuve administrée lors d’une longue audience et les parties ont pu présenter les preuves et repré-sentations additionnelles qu’elles jugeaient appropriées en regard de cette demande précise. En l’espèce, les défendeurs soulignent les inconvénients subis par l’écoulement des délais, la requête ayant été introduite par le défunt

JURISPRUDENCE

Page 6: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

6 Reproduction ou diffusion interdite

en mars 2001, un désistement contre la notaire Lamy et l’ajout de parties en 2007. Tous ces faits sont exacts et le déroulement de ce dossier a imposé des frais, du stress et des problèmes aux défendeurs, mais rien n’indique qu’ils sont le fruit de la mauvaise foi ou d’une légèreté blâmable du défunt ou de sa fille. La nature du recours introductif comporte un lourd fardeau, les demandeurs ayant l’obligation de repousser la présomption de capacité légale du donateur. Ici, cette difficulté est exacerbée par la multiplicité des faits dont la demanderesse en reprise d’instance avait une connaissance limitée. L’éloignement de celle-ci et de son père contribue à cette situation. Étant donné le cadre de la scission de l’instance, hormis la nièce, les défen-deurs n’ont pas été entendus. Il est impossible de se prononcer quant à leurs rôles respectifs. Les seules explications très brèves et les allusions de la fille ne permettent pas de conclure à la mauvaise foi ou à une incurie blâmable requise pour l’application des articles 54.1 à 54.6 C.p.c.

Suivi

Inscription en appel, C.A. Montréal, nº 500-09-023777-139, 29 juillet 2013

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1312, 1810

Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25, art. 54.1 et s., 866, 867

Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-2, art. 15, 43

Jurisprudence citée

Bertrand c. Opération Enfant Soleil, REJB 2004-55594, [2004] R.J.Q. 1089, J.E. 2004-777 (C.A.)

Charpentier c. Compagnie d’assurance Standard Life, REJB 2001-25043, [2001] R.R.A. 573, J.E. 2001-1412 (C.A.)

Paquette c. Laurier, EYB 2011-192580, 2011 QCCA 1228, J.E. 2011-1227 (C.A.)

Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., EYB 2007-121210, AZ-50438871, 2007 QCCA 915, J.E. 2007-1325 (C.A.)

Stoneham et Tewkesbury (Corporation municipale des Cantons unis de) c. Ouellet, [1979] 2 R.C.S. 172, EYB 1979-147732

Doctrine citée

Collectif, Larousse médical, Paris, Larousse, 2012, « maladie osseuse de »

FERLAND, D. et EMERY, B. (dir.), Précis de procédure civile du Québec, Volume 2 (Art. 482-1051 C.p.c.), 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, lxix, 1383 p., EYB2003PPC55

LAMBERT, É., La donation (Art. 1806 à 1841 C.c.Q.) Extraits du Droit civil en ligne, Commentaires sur le Code civile du Québec (DCQ), Cowansville, Édi-tions Yvon Blais, 2011, 654 p., p. 27, 42, EYB2010DCQ1040

MIGNAULT, P.-B., Le droit civil canadien basé sur les « Répétitions écrites sur le Code civil » de Frédéric Mourlon avec revue de la jurisprudence de nos tri-bunaux, t. 4, Montréal, Théorêt, 1899, xxx, 512 p., p. 52, 53

ROYER, J.-C., La preuve civile, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1995, il, 1290 p., p. 274

Droits de la personnalité

EYB 2013-223102

Cour supérieure

Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine c. C. (M.)

500-17-077355-132

10 juin 2013

Décideur(s)

Lalonde, Jean-Yves

Type d’action

REQUÊTE en autorisation de soins médicaux. ACCUEILLIE.

Indexation

PERSONNES ; PERSONNES PHYSIQUES ; DROITS DE LA PERSONNALITÉ ; CONSENTEMENT AUX SOINS ; DROITS ET LIBERTÉS ; CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE ; GARANTIE DES DROITS ET LIBER-TÉS ; LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET DE RELIGION

Résumé

L’enfant, qui a presque trois mois, a été admise à l’hôpital le 21 mai 2013 en raison d’une insuffisance cardiaque sévère, ce qui a demandé une interven-tion chirurgicale urgente le lendemain de son admission pour réimplanter l’artère coronaire sur l’aorte de son cœur. Le traitement médical s’est bien déroulé, mais le cœur de l’enfant en a grandement souffert, et ce, à telle enseigne qu’il fut nécessaire de placer l’enfant sous circulation sanguine extra-corporelle. Sa condition médicale implique qu’elle soit possiblement assujet-tie à des transfusions de produits sanguins. L’hôpital, qui a déjà obtenu une ordonnance de soins d’une durée de deux semaines, demande de prolonger l’ordonnance de quatre semaines afin de pouvoir effectuer des transfusions sanguines à l’enfant en dépit du refus des parents, des témoins de Jéhovah.

Depuis l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans B. (R.) c. Children’s Aid, il est reconnu que le droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte cana-dienne des droits de la personne ne comprend pas un droit des parents de refuser à leur enfant un traitement médical jugé nécessaire par un profes-sionnel de la santé et pour lequel il n’existe aucune autre solution valable.

En l’espèce, il n’existe actuellement aucune solution de rechange valable aux transfusions sanguines dans l’hypothèse où l’état de santé de l’enfant se détériorerait. En effet, l’effet anticipé de l’érythropoïétine ne permettrait pas de traiter un saignement important. Quoique le risque d’un besoin de trans-fusions dans les prochains jours n’est évalué qu’à moins de 10 %, il demeure significatif puisque l’enfant demeure intubée et qu’elle est lourdement appa-reillée aux soins intensifs. Si un saignement important se produisait, il y a 100 % de probabilités qu’une transfusion sanguine devienne nécessaire.

Non seulement l’enfant ne doit pas subir de chute sanguine, mais le dévelop-pement d’une anémie subite ou même progressive pourrait compromettre les chances de récupération de la fonction cardiaque et, conséquemment, augmenter le risque de décès ou d’insuffisance cardiaque sévère.

L’intérêt de l’enfant exige que l’on n’attende pas l’extrême limite ou l’ur-gence possiblement fatale avant d’intervenir.

Par ailleurs, les bienfaits potentiels d’une transfusion sanguine surpassent grandement les risques associés à ce genre d’intervention. Les réactions transfusionnelle ou virale sont rares.

L’intérêt de l’enfant doit primer sur les convictions religieuses des parents. Il ne fait aucun doute que le refus des parents est injustifié en l’espèce. Enfin, la durée de quatre semaines de l’ordonnance sollicitée est jugée raisonnable.

Législation citée

Charte canadienne des droits et libertés, L.R.C. (1985), app. II, nº 44, art. 1, 2a), 7

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 14, 16, 33

Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25, art. 776(3)

Page 7: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 7

Jurisprudence citée

B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315, EYB 1995-67419, J.E. 95-243

Capacité des personnes

• Minorité

EYB 2013-223080

Cour d’appel

W. (M.) c. C. (J.), sub nom. Droit de la famille – 131552

500-09-023623-135

7 juin 2013

Décideur(s)

Dalphond, Pierre J.

Type d’action

REQUÊTE pour permission d’appeler d’un jugement intérimaire de la Cour supérieure (juge M. Bédard) ayant statué sur une requête en fixation de droits d’accès. ACCUEILLIE.

Indexation

PROCÉDURE CIVILE ; APPEL ; PERMISSION D’APPELER ; PERSONNES ; PER-SONNES PHYSIQUES ; CAPACITÉ ; MINORITÉ ; FAMILLE ; DROITS DE VISITE (DROITS D’ACCÈS)

Résumé

Hormis la question de l’âge du père qui a été occultée par les parties et le juge, rien ne justifie le pourvoi à l’encontre du jugement intérimaire statuant sur les droits d’accès réclamés par le père. Toutefois, bien que le point n’ait pas été soulevé par les parties et le juge, il y a lieu pour le soussigné de se prévaloir de sa compétence d’office pour soulever la nullité absolue de la requête du père, ce dernier étant âgé de 17 ans au moment de présenter la requête, donc mineur. Aucun tuteur n’agit pour le père, il n’est pas émancipé et il n’a pas été autorisé par un juge à agir seul selon les critères applicables.

La situation exceptionnelle commande de déroger à la pratique habituelle afin d’accorder la permission d’appeler et de suspendre l’exécution du juge-ment intérimaire.

Afin d’éviter des recours et des délais inutiles, le père est invité à accomplir les démarches nécessaires pour corriger la situation en se désistant du juge-ment rendu, ce qui mettra fin à l’appel, et à obtenir un nouveau jugement d’accès à la fin du mois.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Hull, nº 550-04-016082-139, 28 mai 2013, j. Martin Bédard

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 159, 161

Jurisprudence citée

P. (L.) c. G. (K.), sub nom. Droit de la famille – 103545, EYB 2010-184327, 2010 QCCA 2405, J.E. 2011-106 (C.A.)

P. (L.) c. X., sub nom. Droit de la famille – 09746, EYB 2009-156980, [2009] R.D.F. 253, [2009] R.J.Q. 945, 2009 QCCA 623, J.E. 2009-719 (C.A.)

Van De Perre c. Edwards, [2001] 2 R.C.S. 1014, 2001 CSC 60, REJB 2001-25876, J.E. 2001-1799

• Régimes de protection du majeur

EYB 2013-221778

Cour d’appel

Québec (Curateur public) c. T. (L.)

500-09-022497-127

8 mai 2013

Décideur(s)

Bélanger, Dominique ; Rochon, André ; Vézina, Paul

Type d’action

APPEL d’un jugement de la Cour supérieure (juge D. Marcelin) ayant statué sur une requête en homologation d’un mandat d’inaptitude. ACCUEILLI.

Indexation

PERSONNES ; PERSONNES PHYSIQUES ; OBLIGATIONS ; CONTRATS NOMMÉS ; MANDAT DONNÉ EN PRÉVISION DE L’INAPTITUDE DU MANDANT ; PROCÉDURE CIVILE ; MATIÈRES NON CONTENTIEUSES ; APPEL

Résumé

Le jugement attaqué a homologué le mandat en cas d’inaptitude de l’inti-mée et oblige la mandataire à rendre compte bien que le mandat soit silen-cieux à cet égard.

L’appel est accueilli. Premièrement, la juge a erré en ne procédant pas à l’in-terrogatoire de la mandante sans justifier son refus. L’interrogatoire n’est pas une simple formalité, mais une garantie procédurale fondamentale liée au respect de la dignité de la personne. Il s’agit d’une exigence à laquelle le tribunal ne peut se soustraire à moins d’un motif sérieux devant être indi-qué dans le jugement. En l’espèce, le degré d’inaptitude de la mandante devait être vérifié par la juge, surtout compte tenu du point de vue partagé des enfants sur la question. De plus, la volonté de la mandante devait être revérifiée eu égard à l’homologation du mandat, à la nomination de la man-dataire et au désir de la mandante d’avoir des contacts avec ses enfants.

La juge commet une autre erreur en n’envisageant pas comme solution de rechange à l’homologation du mandat l’ouverture d’un régime de protec-tion demandée par l’intimé.

Enfin, le jugement entrepris ne pouvait aucunement ordonner à la manda-taire de rendre compte.

Ainsi, il y a lieu d’accueillir l’appel du curateur public, de rejeter celui des intimés et de retourner le dossier à la Cour supérieure pour reconsidération de la demande d’homologation du mandat en cas d’inaptitude et considé-ration de l’ouverture d’un régime de protection comme une solution plus adéquate à la situation.

Décision(s) antérieure(s)

C.S. Montréal, nos 500-14-037251-105, 500-14-037342-110, 9 février 2012, j. Diane Marcelin, EYB 2012-202185

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 272-274

Page 8: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

8 Reproduction ou diffusion interdite

Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25, art. 878

Jurisprudence citée

G. (H.) c. G.(S.), EYB 2011-184735, 2011 QCCA 61 (C.A.)

M. (P.) (Dans l’affaire de) c. A. (M.), EYB 2008-151974, 2008 QCCA 2437, J.E. 2009-116 (C.A.)

P. (L.) c. H. (F.), EYB 2009-158975, [2009] R.J.Q. 1255, 2009 QCCA 984, J.E. 2009-1021 (C.A.)

Québec (Curateur public) c. G. (C.), EYB 2012-207531, 2012 QCCA 1064, J.E. 2012-1229 (C.A.)

Québec (Curateur public) c. S. (D.), EYB 2006-100415, [2006] R.J.Q. 466, 2006 QCCA 83, J.E. 2006-322 (C.A.)

Doctrine citée

DELEURY, E. et GOUBAU, D., Le droit des personnes physiques, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, 899 p., nos 692, 693, EYB2008DPP22

EYB 2013-224211

Cour du Québec

C. (R.) c. Québec (Régie de l’assurance maladie)

200-22-063888-127

3 juillet 2013

Décideur(s)

Brochet, André J.

Type d’action

REQUÊTE en annulation de chèques émis à l’ordre d’un majeur protégé et afin d’ordonner l’émission de nouveaux chèques. REJETÉE.

Indexation

PERSONNES ; PERSONNES PHYSIQUES ; JOUISSANCE ET EXERCICE DES DROITS CIVILS ; MAJORITÉ ; RÉGIMES DE PROTECTION DU MAJEUR ; TUTELLE ; OBLIGATIONS ; CONTRAT ; FORMATION ; CONSENTEMENT ; LÉSION ; ADMI-NISTRATIF ; RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT ; SOCIAL ; RÉGIE DE L’ASSURANCE MALADIE DU QUÉBEC (RAMQ) ;

Résumé

Par le présent recours, le tuteur aux biens et à la personne du majeur pro-tégé demande au tribunal de déclarer nuls deux chèques totalisant 24 500 $ émis par la Régie de l’assurance maladie du Québec (la Régie) au nom du majeur dans le cadre de l’administration du Programme québécois d’aide aux personnes infectées par le virus de l’hépatite C (le Programme) et d’émet-tre un nouveau chèque de 24 500 $ devant lui être adressé en sa qualité de tuteur. La Régie nie avoir manqué à ses obligations, arguant que c’est plutôt le tuteur qui a manqué à ses devoirs de représentation, de surveillance et de protection envers le majeur.

La requête est rejetée. L’article 163 C.p.c. applicable au majeur par le tru-chement de l’article 287 C.c.Q. ne vise pas l’annulation de tous les actes que le majeur protégé pose seul alors qu’il devrait être assisté, mais seulement ceux qui ont pu lui causer un préjudice réel. Or, le préjudice auquel l’arti-cle 163 fait référence est la lésion telle que définie dans l’article 1406 C.c.Q. et le majeur n’a pas été victime de lésion. Le majeur n’a pas témoigné et le tribunal ne dispose pas de preuve de première main relativement à l’utilisa-tion qu’il a faite des 24 500 $. Il peut s’être payé quelques plaisirs comme il peut les avoir dépensés de manière irresponsable. La preuve est muette à

cet égard. Quand bien même il aurait dépensé cette somme de façon insen-sée, il ne subirait pas de préjudice puisqu’il dispose d’un capital important. D’autre part, il ne s’est engagé à aucune obligation en acceptant le montant de 24 500 $. Bien que ce montant ait été versé dans le cadre d’une transac-tion avec la Régie, il n’y a aucune disproportion des prestations étant donné que l’obligation de la Régie se limite à verser la somme d’argent et que, de son côté, celle du majeur est limitée à en faire la demande.

La jurisprudence associe généralement la lésion à l’équité d’une situation donnée où un mineur ou un majeur protégé s’engage dans des obliga-tions au-dessus de ses moyens et dont il retire un bénéfice très faible par rapport à celui de la partie cocontractante. D’autre part, le curateur public tient un registre de personnes majeures placées sous tutelle ou sous cura-telle, de sorte que le fait d’être une personne inapte sous mesure de pro-tection est une information publique, disponible à tous ceux qui en font la demande. Cela dit, il reste que, pour annuler l’acte fait seul par un mineur protégé, le législateur se limite à un seul critère, soit le préjudice que peut subir le majeur. Ainsi, à supposer même qu’il faille retenir une faute de la Régie, cette faute serait insuffisante pour donner ouverture à l’annulation de l’acte posé par cette dernière.

En fait, la faute de la Régie, si elle existe, particulièrement dans le cadre de sa responsabilité fiduciaire dont il sera traité plus loin, doit également causer préjudice et le préjudice dont il est question dans la responsabilité extracon-tractuelle s’apparente grandement, quoique de façon plus restrictive, à la lésion du mineur ou du majeur protégé. Il s’agit du préjudice réel de toute personne et s’il faut faire une distinction non clairement établie dans la loi, il peut être dit que le préjudice au sens de l’article 163 C.c.Q. concerne essentiellement le patrimoine du mineur ou du majeur protégé alors que le préjudice découlant de la faute extracontractuelle dont il est question dans l’article 1457 C.c.Q. peut inclure également un préjudice corporel ou moral.

Toutes les conditions énumérées dans l’arrêt Eider de la Cour suprême du Canada pour conclure à l’existence d’un devoir de fiduciaire sont réunies en l’espèce. Le Programme visait à indemniser les victimes innocentes infectées par le virus de l’hépatite C à la suite d’une transfusion sanguine ou de l’ad-ministration de produits sanguins effectués dans des hôpitaux québécois qui sont à la charge du Gouvernement du Québec et administrés par ce dernier en vertu d’un régime de santé publique. L’accord intervenu entre le minis-tère de la Santé et des Services sociaux et la Régie indique que cette somme d’argent est versée pour des motifs humanitaires. Cet accord définit ce que la Régie doit faire. Toute somme payable par la Régie sera remboursée par le ministre de la Santé et des Services sociaux. La Régie s’est engagée com-plètement à agir pour la protection des intérêts des victimes du sang conta-miné. Elle s’est engagée à agir de façon diligente dans la remise des sommes d’argent aux personnes requérantes, dont elle avait vérifié la qualification. Ensuite, le majeur faisait partie d’un groupe de personnes nécessairement vulnérables puisqu’il appartenait à une catégorie de victimes de transfusion sanguine empoisonnée par le virus de l’hépatite C et que le gouvernement s’est chargé d’indemniser en confiant à la Régie cette responsabilité qu’elle a acceptée. Le texte de l’accord intervenu entre le Ministère et la Régie lui confère un certain pouvoir discrétionnaire puisqu’elle est responsable de l’application, de l’administration et de la décision finale à l’égard du verse-ment de l’aide financière prévue.

Il est vrai que ce n’est pas parce qu’un citoyen a droit à un régime de pres-tations qu’il en résultera nécessairement une obligation fiduciaire de l’auto-rité gouvernementale à cet égard. Cependant, le régime d’aide financière pour les victimes du virus de l’hépatite C n’est pas un régime de prestations pouvant être qualifié d’ordinaire ou d’adopté dans le cours normal des opé-rations d’un gouvernement assumant ses responsabilités à l’égard de l’en-semble des citoyens. Il s’agit de la reconnaissance par l’État d’une situation

Page 9: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 9

humanitaire particulièrement pénible où la santé, le bien-être et la vie des

personnes concernées sont en cause. Il s’agit de la constitution d’un droit

privé précis, soit celui de recevoir une indemnisation de l’État. Ainsi, la Régie

n’est pas fondée à prétendre que l’accès à ce programme d’indemnisation

est simplement assujetti aux obligations de droit public du gouvernement

dans l’administration du régime. Il y a lieu de conclure que la Régie s’est

imposé un devoir fiduciaire à l’égard des victimes du virus de l’hépatite C

concernées par l’aide financière gouvernementale.

Cela dit, la reconnaissance de ce devoir fiduciaire de la Régie n’élimine pas

le fardeau du tuteur de prouver un préjudice réel subi par le majeur par suite

de la réception des deux chèques totalisant 24 500 $. Le droit civil possède

ses règles affirmatives et celle de l’article 163 C.c.Q. ne peut être exclue.

S’il est vrai que l’obligation fiduciaire diffère de l’obligation contractuelle et

de la responsabilité extracontractuelle en ce sens que le débiteur a l’obliga-

tion de rechercher avant tout l’intérêt supérieur du créancier avant le sien,

en cas de manquement, il faut quand même évaluer le préjudice. Certes, ce

débiteur fautif pourra être plus facilement condamné à cause de la vulnéra-

bilité du créancier, de l’obligation et du pouvoir discrétionnaire qu’on peut

exercer sur lui. Cependant, ce créancier devra subir une perte et la preuve

devra en être faite, ce qui n’a pas été le cas ici. Pour ce qui est de l’arti-

cle 163 C.c.Q., que ce soit la définition que l’auteur Georges Massol donne

de lésion-remède ou de lésion-sanction, pour conclure à un dommage, il

doit y avoir un impact sur le patrimoine ou un abus de position de force de

l’autre partie. Il n’est pas question ici d’une démarche de mauvaise foi de

la Régie ni d’une absence de loyauté à l’égard du majeur puisque les pres-

tations lui ont été versées. Elles n’étaient pas de première nécessité pour lui

puisqu’il jouit d’un capital important administré par le tuteur et qui pourrait

toujours servir à lui prodiguer les soins dont il peut avoir besoin et dus à son

état, d’autant que l’utilisation de cette somme de 24 500 $ par le majeur

est incertaine, voire mystérieuse.

Enfin, le tuteur n’avait pas l’obligation d’informer la Régie que le majeur

était sous tutelle. Aucune preuve n’a été administrée en ce sens. Pour ce qui

est du compte en banque du majeur, seul ce dernier y avait accès et il n’en-

trait pas dans les fonctions du tuteur de superviser chacun des débits et cré-

dits de ce compte, qui était laissé sous la responsabilité du majeur. Le tuteur

n’a pas manqué de prudence, d’honnêteté et de loyauté ni fait preuve de

négligence. Les biens sous son administration n’ont pas été touchés et sa

gestion, qui est la responsabilité première du tuteur, n’est pas attaquée ici.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 163, 287, 1406, 1457

Loi sur le curateur public, RLRQ, c. C-81, art. 68

Règlement d’application de la Loi sur le curateur public, RLRQ, c. C-81,

r. 1, section III

Jurisprudence citée

Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society, [2011] 2 R.C.S. 261,

2011 CSC 24, EYB 2011-190431, J.E. 2011-868

Norberg c. Wynrib, [1992] 2 R.C.S. 226, EYB 1992-67036, J.E. 92-939

Doctrine citée

CROTEAU, N., « Le Contrôle des clauses abusives dans le contrat d’adhésion

et la notion de bonne foi », (1996) 26 R.D.U.S. 403 et s.

MASSOL, G., La lésion entre majeurs en droit québécois, Coll. « Minerve »,

Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 1989

Successions

Testament

EYB 2013-222638

Cour supérieure

Larouche, Re

240-14-000147-119

23 mai 2013

Décideur(s)

Bergeron, Lise

Type d’action

REQUÊTE en vérification de testament. ACCUEILLIE.

Indexation

SUCCESSIONS ; TESTAMENT OLOGRAPHE ; PREUVE ET VÉRIFICATION

Résumé

Le document visé par la demande est constitué de cinq pages de notes manuscrites provenant d’un bloc-notes retrouvées par un agent de la Sûreté du Québec près du corps du défunt, ce dernier s’étant enlevé la vie. Le contenu du document est clair. Les cinq pages sont entièrement écrites de la main du défunt, comme le démontre le rapport de l’experte en écriture confirmé par le témoignage de Mme Bouchard et de l’aveu de la conjointe du défunt fait lors de son contre-interrogatoire. Ainsi, la première condition pour reconnaître un testament olographe est remplie. Notons que le mariage du défunt et de la conjointe battait de l’aile à l’époque du décès et que le testament notarié la favorise.

Contrairement à ce qu’affirme la conjointe, la lettre d’adieu rédigée sur les trois premières pages contenant les mots « salut à tous », « la vie », et « femme » et dont la dernière page est signée du prénom du défunt et les deux autres pages non signées débutant par « codicille » et « sœurs » ne constituent pas deux documents distincts. Il est clair, à la lecture des pages 4 et 5, qu’il s’agit des dernières volontés du défunt. Le contexte de la séparation explique la volonté de monsieur de modifier son testament. Pour ce qui est de la référence dans le document au « territoire », la situa-tion de partenariat pour la construction d’un camp de chasse qui existait entre le défunt, d’une part, et un membre de la famille et ses deux fils, d’autre part, explique bien le contexte de cette rédaction. Compte tenu de la rédaction du document, la signature contenue à la troisième page du document dont les cinq pages ont été retrouvées ensemble au même endroit respecte les exigences de l’article 726 C.c.Q. Le prénom du défunt inscrit au bas de la troisième page constitue une marque personnelle suf-fisante pour représenter sa signature.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 712 et s., 714, 726, 2827

Jurisprudence citée

Boisvert, Re, EYB 2004-80156, AZ-50278563 (C.S.)

Gariépy, Re, sub nom. Gariépy (Succession de) c. Beauchemin, EYB 2006-100632, 2006 QCCA 123, J.E. 2006-375 (C.A.)

Lessard c. Lessard, REJB 2002-29893, J.E. 2002-690 (C.A.)

Page 10: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

10 Reproduction ou diffusion interdite

EYB 2013-222740

Cour supérieure

Blain (Succession de)

755-14-001432-103

3 juin 2013

Décideur(s)

Gouin, Louis J.

Type d’action

REQUÊTE en annulation de codicille et en déclaration d’indignité. REJE-TÉE. REQUÊTE en remboursement des honoraires extrajudiciaires. REJETÉE.

Indexation

SUCCESSIONS ; TESTAMENT NOTARIÉ ; ANNULATION ; OBLIGATIONS ; CONTRAT ; FORMATION ; VICES ; DOL ; MANŒUVRES FRAUDULEUSES ; PRO-CÉDURE CIVILE ; PARTIES ; INTÉRÊT JURIDIQUE ; QUALITÉS REQUISES POUR SUCCÉDER ; INDIGNE ; POUVOIRS ; POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE ; JUGEMENT ; DÉPENS

Résumé

La demanderesse Diane Blain (Diane) a été déshéritée par son père par suite de la signature d’un codicille modifiant en partie le testament du père. Par sa requête, Diane demande que le codicille soit déclaré nul en raison du fait qu’il aurait été rédigé sous l’effet de captation de la part de sa sœur, la défenderesse Marquise Blain (Marquise). En outre, elle demande que cette dernière soit, par le fait même, déclarée indigne de succéder.

La requête est rejetée. Les allégations générales de la requête proviennent d’une interprétation très subjective d’événements sans grande importance, de suppositions basées sur des impressions, et sur beaucoup de ouï-dire permis par le tribunal sous réserve. Rien dans la preuve ne s’apparente à de la captation. Au contraire, l’élément déclencheur de la signature du codi-cille fut plutôt l’altercation survenue quelques semaines avant cette signa-ture entre Diane et son conjoint, d’une part, et le défunt testateur, d’autre part, alors que ce dernier a été traité de « vieux christ d’hypocrite ». Le défunt a réagi fermement à cette insulte en excluant Diane du testament, comme il l’avait fait en 1988, après le décès de sa première conjointe, la mère de ses quatre filles, compte tenu de l’attitude négative de Diane à l’égard de sa mère. De surcroît, il est clair que le défunt était lucide lorsqu’il a signé le codicille devant le notaire. Il voulait tout bonnement exclure du testament Diane, qui l’indisposait, ainsi que son entourage immédiat. Quant à savoir si le défunt était fondé à être ainsi indisposé, il ne nous revient pas de remettre en question le jugement du défunt à cet égard. Il était libre de décider ce qu’il voulait, et il aurait pu au cours des quatre années qui ont suivi la signa-ture du codicille décider de modifier à nouveau son testament, et ce, hors la connaissance de Marquise et de ses trois autres filles. Au surplus, loin de vouloir être avantagée, Marquise a proposé au défunt de remplacer Diane par sa demi-sœur comme héritière, ce qu’il a refusé.

Ainsi, le codicille est valide. En conséquence, Diane n’est pas une héritière du défunt. Diane n’étant pas une successible aux termes du testament tel que modifié par le codicille, elle n’a pas l’intérêt nécessaire pour requérir une déclaration d’indignité de Marquise.

Le codicille est signé en 2004 et Diane n’a rien fait pour le contester avant d’avoir reçu une lettre de Marquise en 2009, soit un an après le décès du testateur, lettre dans laquelle Marquise fait état des arguments qu’elle aurait fait valoir si Diane avait contesté le codicille. D’une certaine façon,

Marquise a réactivé le débat relié à la validité du codicille par l’envoi de cette lettre, Diane ayant vu dans cette lettre la preuve que Marquise avait manœuvré pour faire modifier le testament à son avantage. Dans ce cadre, Diane avait le droit de faire valoir ses prétentions devant le tribunal, ce qu’elle n’a nullement fait de façon abusive. La demande de Marquise pour obtenir le remboursement de ses honoraires et débours extrajudi-ciaires est donc rejetée.

Trois filles du défunt ont reçu chacune 70 000 $ à titre de légataires univer-selles du défunt (210 000 $ divisés par trois). Si Diane avait eu gain de cause quant à ses demandes, elle n’aurait eu droit qu’à 52 500 $, soit le quart de la somme de 210 000 $, indépendamment d’une déclaration d’indignité de Marquise, puisque, en vertu de l’article 660 C.c.Q., la part de l’indigne échoit à ses descendants par représentation. En conséquence, les dépens seront calculés en fonction d’une réclamation de 52 500 $.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 623, 660

Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25, art. 54.1, 54.4, 55

Jurisprudence citée

A. (S.) c. A. (F.), ès qualités, EYB 2008-145222, 2008 QCCS 3591 (C.S.)

Losson (Succession de), C.S. Montréal, nº 500-05-71999-021, 13  jan-vier 2003

Didone c. Gagnon, EYB 1994-64440, J.E. 94-1772 (C.A.)

Didone c. Gagnon, C.S.C., nº 24440, 23 février 1995

Gagné c. Taillon, EYB 2011-189063, 2011 QCCS 1603 (C.S.)

Gatti c. Barbosa Rodrigues, EYB  2011-199766, [2012] R.J.Q.  179, 2011 QCCS 6734, J.E. 2012-68 (C.S.)

Girard c. Cloutier, EYB 1991-63702, J.E. 91-1643 (C.A.)

Girard c. Cloutier, C.S.C., nº 24349, 26 janvier 1995

Léger (Succession de), EYB 2011-187790, 2011 QCCS 1087, J.E. 2011-591 (C.S.)

Stoneham et Tewkesbury (Corporation municipale des Cantons unis de) c. Ouellet, [1979] 2 R.C.S. 172, EYB 1979-147732

Maltais c. Hébert (Succession de), EYB 2007-128746, 2007 QCCS 6504, J.E. 2008-616 (C.S.)

Maltais c. Hébert (Succession de), EYB 2008-131780, 2008 QCCA 475 (C.A.)

Mayrand c. Dussault (1907), 38 R.C.S. 460

Pepin c. Boucher, EYB 2011-186761, 2011 QCCS 720, J.E. 2011-421 (C.S.)

Pupella c. Fernandes, EYB 2009-161124, 2009 QCCS 3002 (C.S.)

Savoie c. Savoie, REJB 2002-31690, J.E. 2002-790 (C.S.)

Savoie c. Savoie, C.A. Montréal, nº 500-09-012218-020, 16 mars 2004

Thibault c. Guilbault, REJB 1999-10511, J.E. 99-434 (C.A.)

Doctrine citée

ARMSTRONG, M.-C., PINARD, É. et GENDRON, C., « L’annulation de testa-ments pour motif de captation et caducité de legs pour motif d’indignité » dans Fiducies personnelles et successions (2007), Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. 269, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 51-72, EYB2007DEV1336

BARETTE, A.-.J., « La capacoté et l’acte testamentaire » dans Développe-ments récents en successions et fiducies (2010), Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. 324, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, EYB2010DEV1685

Page 11: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 11

BEAULNE, J., Droit des successions : d’après l’œuvre de Germain Brière, 4e éd., coll. « Bleue-Série précis », Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, xxiv, 735 p., p. 381-396

ROCH, H., Testaments et vérification, Montréal, Wilson & Lafleur, 1951, 276 p., p. 85-90

EYB 2013-224202

Cour supérieure

Blasi v. Di Ielsi

500-17-072549-127

9 juillet 2013

Décideur(s)

Lalande, Marie-Claude

Type d’action

REQUÊTE en jugement déclaratoire concernant l’interprétation d’un testa-ment. REJETÉE.

Indexation

ASSURANCES ; PERSONNES ; DÉSIGNATION DES BÉNÉFICIAIRES ET DES TITULAIRES SUBROGÉS ; SUCCESSIONS ; TESTAMENT ; INTERPRÉTATION

Résumé

En novembre 2007, le testateur adhère à des contrats d’assurance collec-tive offerts par son employeur. Il désigne alors sa conjointe de fait à titre de bénéficiaire des couvertures pour les soins de santé, mais il nomme son frère à titre de seul bénéficiaire de l’assurance-vie. En 2009, la conjointe donne naissance à l’enfant du testateur. Le 1er juillet 2010, le testateur et la conjointe font leurs testaments réciproques devant un notaire, et ce, en présence du père du testateur. Le 7 juillet, le testateur remplit un formulaire pour apporter des modifications à son dossier. Il ajoute son enfant comme personne à charge en ce qui concerne l’assurance-groupe pour les soins de santé et les soins dentaires, mais la section du formulaire relative au chan-gement de bénéficiaire demeure vide. Le 31 juillet, il épouse la conjointe. Il décède en avril 2011.

Le testament nomme la conjointe à titre de bénéficiaire de toutes les assu-rances possédées par le testateur à son décès. Par sa requête, madame cher-che à se faire déclarer seule bénéficiaire de la police d’assurance-vie. Or, pour que la révocation soit valide, il faut que l’intention du testateur de révoquer la désignation antérieure dans la police soit évidente. En l’espèce, puisque le testament n’identifie pas expressément les numéros de police applicables, il faut recourir à la preuve circonstancielle ou extrinsèque pour résoudre cette question. Or, cette preuve démontre qu’il ne voulait pas révoquer sa dési-gnation de bénéficiaire faite en 2007.

Au contraire, la preuve établit que la raison pour laquelle le testateur voulait modifier son testament en 2010 était sa conviction qu’un tuteur devait être nommé pour son fils en cas de décès des parents. Cela est cohérent avec le témoignage du père du testateur quant aux circonstances entourant la signa-ture du testament. Cela est confirmé également par la signature du formu-laire quelques jours après le testament, formulaire par lequel, d’une part, il ajoute son fils à titre de bénéficiaire de la couverture des soins de santé et des soins dentaires et, d’autre part, il laisse en blanc la section relative à la modification du bénéficiaire de l’assurance-vie. À cet égard, le témoignage du collègue du testateur est cohérent avec les déclarations antérieures de ce dernier et son comportement. Enfin, le testateur éprouvait des difficul-

tés à écrire et il s’appuyait sur sa famille, surtout son frère et son père pour lui fournir le soutien nécessaire.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 2446, 2450

Jurisprudence citée

G. (L.-M.) (Succession de), REJB 2003-40920, [2003] R.R.A. 987, J.E. 2003-1070 (C.S.)

Gélinas c. Simard (Succession de), C.S. Alma, nº 160-05-000040-023, 2 décembre 2002, 2002 QCCS 26506

Gélinas c. Simard (Succession de), EYB 2003-54226 (C.A.)

Doctrine citée

Webster’s New Collegiate Dictionary, Springfield Massachusetts, Merriam-Webster, 1975, 32 p., « manifest »

EYB 2013-224032

Cour supérieure

B. (L.) c. P. (M.)

200-17-015137-110

2 juillet 2013

Décideur(s)

Taschereau, Georges

Type d’action

REQUÊTE en annulation d’un acte de donation et d’un codicille faits par un majeur avant l’homologation d’un mandat en prévision de l’inaptitude. ACCUEILLIE en partie. REQUÊTE en interdiction de contacts. ACCUEILLIE. REQUÊTES en dommages-intérêts. REJETÉES.

Indexation

PROCÉDURE CIVILE ; PARTIES ; INTÉRÊT JURIDIQUE ; SUCCESSIONS ; TES-TAMENT ; ANNULATION ; NATURE ; RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSA-BILITÉ DU FAIT PERSONNEL ; FAUTE

Résumé

La mandataire, qui est la fille de la mandante âgée de 86 ans, cherche à faire annuler deux actes faits par la mandante avant l’homologation du mandat, soit un acte de donation et un codicille. Les deux actes favorisent la sœur de la mandante, qui est la tante de la mandataire (la tante). L’invalidité de la donation en vertu de l’article 1823 C.c.Q. n’est plus en litige puisque la tante le reconnaît désormais. La demande est donc bien fondée à cet égard.

Par contre, elle ne l’est pas en ce qui concerne le codicille puisque la man-dataire n’a pas l’intérêt suffisant pour en soulever la nullité. En effet, l’in-capacité d’un testateur ne peut pas être soulevée du vivant de celui-ci dans le cadre d’une requête en annulation de testament. En effet, le testament et, par extension, le codicille ne prennent effet qu’après le décès du testa-teur. Or, le testament est un acte secret. Il serait incongru de permettre son annulation du vivant du testateur. En effet, comment peut-on faire annuler un acte qui est censé être inconnu et qui ne produit aucun effet, et qui ne lèse personne ? En l’espèce, l’absence d’intérêt suffisant de la mandataire est fatale à sa demande d’annulation sans égard à la preuve administrée.

La demande d’interdiction de contacts entre la mandante et la tante est bien fondée. Le soussigné est préoccupé par l’entêtement et la forte opiniâtreté

Page 12: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

12 Reproduction ou diffusion interdite

dont elle fait preuve au cours de la période où la mandante a été hospitalisée

dans un premier hôpital et par la suite, celle où elle a été hébergée dans une

résidence pour aînés, et ce, en dépit de tous les avertissements et les mises

en garde reçus, et également, des engagements qu’elle avait pris. Il est peu

probable qu’elle modifie son comportement à l’avenir. Il est dans l’intérêt de

la mandante, qui a reçu un diagnostic de démence à corps de Lewy, notam-

ment pour son bien-être, sa santé physique et mentale et pour sa sécurité

que les contacts entre elle et sa sœur soient désormais interdits. Par contre,

la mandataire pourra organiser des visites au cours de la période de der-

nière maladie de la mandante selon les modalités qu’elle jugera appropriées.

Enfin, en l’absence de faute, il n’y a pas lieu de condamner la tante à payer

des dommages-intérêts à la mandataire en sa qualité personnelle et de man-

dataire. En effet, en dépit de son comportement discutable, la tante croyait,

bien qu’à tort, agir dans l’intérêt de sa sœur. Elle pouvait croire agir valable-

ment compte tenu des documents signés par la mandante en octobre 2010

et qui lui confiaient notamment la gestion de ses biens. L’on peut difficile-

ment lui reprocher de ne pas avoir accepté immédiatement la maladie de

sa sœur et ses effets sur sa capacité de contracter.

Législation citée

Code civil du Bas Canada, C.c.B.C.

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 704

Jurisprudence citée

L. (S.) c. L. (L.), EYB 1994-84339, [1994] R.D.F. 235, J.E. 94-327 (C.S.)

Doctrine citée

BEAULNE, J., Droit des successions (d’après l’œuvre originale de Germain

Brière), 4e éd., coll. « Bleue-Série précis », Montréal, Wilson & Lafleur, 2010,

760 p., p. 248-249

CHARRON, C., « Annulation d’un testament : avant ou après le décès du

testateur », (1983-1984) 86 R. du N. 479, 481

EYB 2013-224996

Cour supérieure

B. (L.) c. N. (C.)

500-17-048776-093

22 juillet 2013

Décideur(s)

Alary, Christiane

Type d’action

REQUÊTE en annulation de testament. ACCUEILLIE. DEMANDE reconven-

tionnelle. REJETÉE.

Indexation

SUCCESSIONS ; TESTAMENT ; ANNULATION ; FORMATION ; CONSENTE-

MENT ; VICES ; ERREUR ; DOL ; MANŒUVRES FRAUDULEUSES ; CONTRATS

NOMMÉS ; DONATION ; RESPONSABILITÉ CIVILE ; RESPONSABILITÉ DU

FAIT PERSONNEL ; PRÉJUDICE ; PRÉJUDICE MORAL ; PROCÉDURE CIVILE ;

POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE ; FAUTE ; ABUS

DE DROIT ; ABUS DU DROIT D’ESTER EN JUSTICE (ABUS DE PROCÉDURE) ;

PERSONNES ; EXERCICE DES DROITS CIVILS ; LIQUIDATION DE LA SUCCES-

SION ; LIQUIDATEUR ; CHARGE

Résumé

Les enfants du testateur décédé en janvier 2009 sont fondés à demander l’annulation du testament avantageant madame C. en l’instituant légataire universelle résiduaire puisque le testateur a été victime de captation. En effet, C. a sciemment miné la confiance du testateur envers ses enfants. Elle n’a cessé de les dénigrer et elle lui a conseillé de refuser leur aide. Au fil du temps, elle a exercé son influence de façon à isoler le testateur jusqu’à ce qu’il coupe les ponts avec ses enfants. Même si elle reconnaît que le défunt ne possédait pas les connaissances ni l’expérience pour s’occuper lui-même de ses affaires financières, il demeure qu’elle minimise son rôle auprès de lui à cet égard. Contrairement à ce qu’elle dit, elle a eu connaissance des documents personnels du testateur puisque ceux-ci sont retrouvés bien en vue sur sa table de salle à manger. Le coffre-fort où ils étaient auparavant conservés a été forcé et les enfants ont dû multiplier les démarches pour finalement récupérer ces documents.

La période pendant laquelle le testateur est de plus en plus isolé et sous l’in-fluence de C. concorde avec la période où il lui transfère des fonds et refait son testament en sa faveur. Les propos contradictoires qu’elle tient quant aux discussions entourant le contenu du testament montrent qu’elle ment.

Cinq ans s’écoulent entre le moment de la signature du testament en 2004 et le décès du testateur. Bien que la longueur de cette période ne soit pas typique des situations de captation, elle correspond à la période où le défunt est isolé de sa famille et est presque toujours en compagnie de C. De plus, à compter d’octobre 2007, le défunt est officiellement inapte.

L’absence de transparence de C. envers le travailleur social et son empres-sement à vouloir homologuer le mandat en prévision de l’inaptitude du défunt à l’insu des enfants du défunt démontrent une volonté de conserver le contrôle sur ce dernier, volonté qui se dégage également de la visite de C. à l’hôpital où elle se présente comme la conjointe du testateur y étant hospitalisé, de sorte que le personnel infirmier croit qu’elle est la mère des demandeurs. Selon la demanderesse, C. aurait même donné instruction qu’il n’y ait pas de réanimation cardiaque. Lorsque les voisins du défunt informent C. qu’ils sont allés rencontrer les demandeurs et qu’ils croient que ceux-ci se préoccupent sincèrement du bien-être de leur père et savent maintenant que « c’est elle qui causait des problèmes » dans la relation entre le défunt et les demandeurs, C. se sent trahie par eux. Elle refuse par la suite de les voir ou de leur parler. Les gestes et les paroles de C. et les circonstances ayant mené à la signature du testament sont autant de présomptions graves, précises et concordantes qui permettent de conclure à la captation.

C. réclame le paiement de deux sommes en les qualifiant de donations du défunt. Or, la première donation n’en constitue pas une puisqu’en transfé-rant à C. son certificat de dépôt à madame, le défunt s’est réservé la possi-bilité de récupérer la somme en cas de besoin. Or, une donation révocable à la seule discrétion du donateur est nulle, de sorte que le montant en ques-tion doit retourner à la succession. Quant à la somme versée dans le compte conjoint ouvert au nom du défunt et de C., la preuve ne dit pas si la signature du défunt était nécessaire pour retirer l’argent du compte ou si elle pouvait l’être à la seule discrétion de C. Il s’ensuit qu’il y a incertitude relativement à l’existence de la délivrance, un des éléments essentiels de la donation. Il s’agit plutôt d’un simple dépôt qui devra être remboursé à la succession. Puisque le défunt n’a pas demandé le remboursement des montants en litige de son vivant, le remboursement portera intérêt à compter de l’assignation.

La demande reconventionnelle de C. est rejetée. Aucuns dommages moraux ne lui sont accordés, l’inquiétude et le stress étant le lot de tout justiciable impliqué devant les tribunaux. Conformément aux principes de l’arrêt Viel, C. n’a pas droit au remboursement de ses honoraires extrajudiciaires liés à sa contestation de la saisie avant jugement. Le bref de saisie avant juge-

Page 13: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 13

ment a d’abord été délivré ex parte, de sorte qu’à première vue, et en l’ab-

sence d’un débat contradictoire, un juge a été convaincu qu’il convenait de

délivrer un bref. En outre, rien ne démontre que les demandeurs aient fait

preuve de mauvaise foi ou aient agi de façon abusive.

La demande de remboursement de la totalité des honoraires extrajudiciaires

de C. en sa qualité de liquidatrice est également mal fondée. Le liquidateur

a droit au remboursement des dépenses faites dans l’accomplissement de

sa charge. Le liquidateur d’une succession peut être partie à une contesta-

tion d’un testament pour en soutenir la validité. Toutefois, la doctrine et la

jurisprudence reconnaissent qu’une action en nullité de testament doit être

dirigée contre les héritiers. C. est partie à l’action à titre personnel et non

pas en qualité de liquidatrice.

Suivi

Inscription en appel, C.A. Montréal, nº 500-09-023844-137, 21 août 2013

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 789, 1316, 1619, 1806, 1822,

1824, 2245, 2849

Jurisprudence citée

Dubreuil-Goyette c. Sherbrooke Trust Inc., [1976] C.A. 571 (C.A.)

Gatti c. Barbosa Rodrigues, EYB  2011-199766, [2012] R.J.Q.  179,

2011 QCCS 6734, J.E. 2012-68 (C.S.)

Kuhnert c. Dion, EYB 2007-126451, 2007 QCCS 5402 (C.S.)

McEwen c. Jenkins, [1958] R.C.S. 719

Sénéchal-Charbonneau c. Beaudoin, EYB 1996-71904, J.E. 96-707 (C.A.)

Viel c. Entreprises immobilières du Terroir ltée, REJB 2002-31662, [2002]

R.D.I. 241, [2002] R.J.Q. 1262, J.E. 2002-937 (C.A.)

Doctrine citée

ARMSTRONG, M.-C., PINARD, É. et GENDRON, C., « L’annulation de testa-

ments pour motif de captation et caducité de legs pour motif d’indignité »

dans Fiducies personnelles et successions, Service de la formation conti-

nue, Barreau du Québec, vol. 269, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007,

p. 51-72, EYB2007DEV1336

BEAULNE, J., Droit des successions (d’après l’œuvre originale de Germain

Brière), 4e éd., coll. « Bleue-Série précis », Montréal, Wilson & Lafleur, 2010,

760 p., nº 872, p. 502

Liquidation et partage de la succession

EYB 2013-218974

Cour supérieure

Curtin Savard c. Curtin-Savard (Fiducie Curtin-Savard)

200-17-016940-124

1 mars 2013

Décideur(s)

Michaud, Alain

Type d’action

REQUÊTE afin d’être autorisé à agir en justice. REJETÉE.

Indexation

PROCÉDURE CIVILE ; MOYENS PRÉLIMINAIRES MOYENS DE NON-RECEVA-BILITÉ ; DEMANDE NON FONDÉE EN DROIT ; SUCCESSIONS ; LIQUIDATION DE LA SUCCESSION ; LIQUIDATEUR ; DÉSIGNATION ; DESTITUTION ET REM-PLACEMENT ; BIENS ; PATRIMOINES D’AFFECTATION ; FIDUCIE ; ADMINISTRA-TION ; SURVEILLANCE ET CONTRÔLE ; TRIBUNAUX ET JUGES ; POUVOIRS ; POUVOIR DE SANCTIONNER LES ABUS DE LA PROCÉDURE ; DOMMAGES-INTÉRÊTS ; HONORAIRES EXTRAJUDICIAIRES ;

Résumé

Le demandeur requiert l’autorisation d’agir en lieu et place de sa sœur (la défenderesse) et d’un notaire qui agissent à titre de liquidateurs et de fidu-ciaires à la succession de sa mère. Il veut faire entrer dans le patrimoine de la succession un montant de 200 000 $ censé avoir été prêté à sa sœur par leur mère, avant son décès. La défenderesse réplique par une requête en rejet. Elle demande que la requête en autorisation et la requête réamendée à laquelle elle est jointe soient déclarées irrecevables, en plus de réclamer le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires.

Le décès de la mère remonte au 14  janvier 2011. La défenderesse est nommée liquidatrice et fiduciaire dès l’ouverture de la succession et de la fiducie. Le notaire ne remplacera les coliquidateurs et les cofiduciaires de madame que plus tard. Le 28 juillet 2011, la défenderesse et l’ancien liqui-dateur dressent un inventaire des biens d’une valeur nette totale de près de 577 000 $. La défenderesse et l’ancien liquidateur refusent dans un pre-mier temps la demande du demandeur que l’inventaire soit corrigé afin d’y inclure la somme litigieuse notamment parce qu’il n’a pas le statut de bénéficiaire de la fiducie, en dépit d’une instance pendante à cet égard. Le 17 juillet 2012, le demandeur obtient ce statut lui donnant droit à la moitié des biens, l’autre moitié revenant à la défenderesse. Il réitère sa demande le même jour et se voit opposer un refus par la procureure des défendeurs. Le 6 septembre 2012, le demandeur introduit la requête (la requête origi-nale) pour instituer des procédures, demandant que le montant du prêt en question soit considéré dans l’administration et la distribution de la succes-sion et de la fiducie. Le 28 novembre 2012, la défenderesse présente une requête pour moyen déclinatoire et en irrecevabilité de la demande de son frère. Saisi des deux requêtes, le juge Pronovost suspend l’audition sur l’ex-ception déclinatoire afin de permettre au demandeur d’obtenir l’autorisation de poursuivre au nom de la fiducie et l’autorisation de poursuivre au nom de la succession et le remplacement des liquidateurs, en plus de suspen-dre la requête originale pendant 30 jours pour que le demandeur ait l’op-portunité de produire sa procédure amendée et il se dessaisit de l’exception déclinatoire. À la même époque, le notaire remplace la fiduciaire conjointe Mme Sanfaçon à compter du 12 octobre 2012, et il remplace ensuite le liqui-dateur conjoint M. O’Grady, lequel a démissionné de sa fonction le 15 octo-bre 2012. Pour donner effet à l’ordonnance du juge Pronovost, le procureur du demandeur signifie sa requête réamendée le 4 février 2013, et il signifie le lendemain sa requête pour être autorisé à agir en justice, laquelle com-porte quatre conclusions.

Trois remarques s’imposent avant d’aborder le fond du litige. Il n’y a pas lieu de retenir l’argument des défendeurs soutenant la tardiveté de la requête du demandeur, qui aurait dû produire sa procédure amendée (et non une requête distincte) dans les 30 jours suivant le 28 novembre 2011. Il n’y a pas lieu de se formaliser du fait que la nouvelle requête du demandeur fasse en partie double emploi avec sa procédure réamendée. Ses arguments seront pris comme s’ils avaient été proposés en temps utile. Dans un deuxième temps, il importe de distinguer clairement la discussion du fond de l’af-faire de la présente demande en autorisation du demandeur, qui se veut un contrôle de la procédure ici employée par le réclamant. Dans les faits, il ne sera donc pas question à ce stade-ci du dossier de vérifier le bien-fondé de

Page 14: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

14 Reproduction ou diffusion interdite

la décision des liquidateurs de refuser d’inscrire à l’actif de la succession le montant de 200 000 $. Il s’agit plutôt de déterminer si, et de quelle façon, le demandeur pourrait voir à l’exécution des conclusions qu’il recherche. Dans un troisième temps, il convient de traiter des arguments de rejet des défendeurs en même temps que la demande d’autorisation du demandeur, comme si ces demandes en rejet constituaient une contestation. Ce dossier mérite qu’on lui associe le principe de la proportionnalité en limitant le plus possible les débats devant le tribunal.

Quant au fond, la première question à régler consiste à se demander en quelle qualité les défendeurs ont agi en refusant d’inclure dans l’inventaire la somme litigieuse. Il est probable que le refus opposé par les défendeurs soit celui des liquidateurs de la succession. Toutefois, la preuve n’est pas complète sur la question, et l’on ne peut exclure pour l’instant que la déci-sion du notaire soit celle d’un fiduciaire, notamment à cause de la date du début de son mandat de liquidateur. Dès lors, l’on ne voit pas comment le demandeur pourrait être empêché, à cette étape du dossier, de soutenir des moyens utiles à la contestation des démarches des fiduciaires, en même temps qu’il entend le faire à l’encontre des liquidateurs.

La deuxième question en litige consiste à se demander quel est le moyen utile par lequel le demandeur pourrait contester cette décision des défendeurs. S’agit-il, comme il le propose, de l’actuelle requête réamendée ?

Lorsque le juge Pronovost suspend pour 30 jours le recours entrepris par le demandeur, c’est pour permettre à ce dernier d’amender et de préciser sa procédure, « puisqu’il n’est pas clair qu’il pourrait poursuivre au nom de la succession ». Les défendeurs avaient en effet soulevé le défaut d’intérêt du demandeur. Une procédure réamendée est alors produite et le demandeur demande, par une requête distincte, trois conclusions spécifiques à l’encon-tre des liquidateurs. Il demande : a) d’être autorisé à agir en justice au nom de la succession aux seules fins des conclusions déterminées à la requête réamendée ; b) subsidiairement, qu’il soit ordonné au notaire de nommer un coliquidateur neutre, en remplacement de la défenderesse ; c) qu’il soit ordonné aux deux liquidateurs d’agir en justice, aux fins des conclusions ins-crites à la requête réamendée. Quant à ces conclusions de la requête visant les liquidateurs, les moyens entrepris par le demandeur sont mal fondés. Premièrement, le Code civil du Québec ne contient aucun mécanisme per-mettant à un intéressé d’agir en justice à la place du liquidateur, lorsqu’il est reproché à ce dernier de ne pas satisfaire à ses obligations. Cela se dis-tingue donc du régime de l’article 1291 C.c.Q., qui permet d’agir en jus-tice à la place d’un fiduciaire, sous certaines conditions. Deuxièmement, rien n’autorise le tribunal à ordonner à un coliquidateur neutre de voir à la nomination d’un autre liquidateur que l’on estimerait en conflit d’intérêts, comme le réclame ici le demandeur, en conclusion subsidiaire. Troisième-ment, aucune disposition ne permet au tribunal d’ordonner aux liquidateurs d’agir dans un sens ou un autre, lorsqu’ils ont déjà exercé leur discrétion en prenant une décision relative à l’inventaire des biens de la succession. Dans ce cadre, le seul recours s’offrant au demandeur est celui d’une demande de remplacement du liquidateur, qui serait « dans l’impossibilité d’exercer sa charge, néglige ses devoirs ou ne respecte pas ses obligations » en vertu de l’article 791 C.c.Q. Toutefois, notons que les critères établis par la juris-prudence pour justifier le remplacement d’un liquidateur sont fort sévères. Or, le recours actuellement entrepris par le demandeur, même après son réamendement, ne constitue d’aucune façon une demande présentée sous l’article 791 C.c.Q., si bien que les trois conclusions actuelles visant les liqui-dateurs doivent être déclarées irrecevables.

Une quatrième conclusion de la requête réamandée du demandeur réclame qu’il soit autorisé à agir au nom de la fiducie aux seules fins des conclusions inscrites à la même requête. La demande s’appuie sur l’article 1291 C.c.Q.

en vertu duquel le tribunal peut autoriser un intéressé « à agir en justice à la place du fiduciaire, lorsque celui-ci, sans motif suffisant, refuse d’agir ou néglige de le faire ou en est empêché ». Sans égard à la question de savoir si les défendeurs ont agi en l’instance comme liquidateurs ou fiduciaires, il y a lieu de conclure que le moyen employé par le demandeur n’est pas fondé. Il est clair que les défendeurs n’ont pas refusé d’agir ou négligé de le faire, puisque le notaire confirme avoir agi en refusant d’inclure la somme de 200 000 $ dans les actifs éventuellement transférés à la fiducie. L’article 1291 C.c.Q. vise les situations d’inaction des fiduciaires et non pas celles où le refus (ou l’acceptation) d’une prétention d’un intéressé mène à un désaccord entre les parties. Quant au travail des fiduciaires, le seul recours ouvert au demandeur, bénéficiaire de la fiducie, se trouve à l’arti-cle 1290 C.c.Q. C’est d’ailleurs ce recours que menaçait d’entreprendre le demandeur, lorsque son procureur soumettait ses arguments aux défendeurs en janvier 2013. Cela demanderait toutefois que le demandeur opte entre les trois possibilités offertes par cette disposition de droit nouveau. Quant à l’exercice de cet éventuel recours, rappelons que le fardeau d’un réclamant est très lourd. Dans l’état actuel du dossier, et comme la preuve est incom-plète quant au rôle du notaire à titre de fiduciaire au dossier à l’époque où il n’était pas encore liquidateur, il ne peut être exclu que le demandeur puisse éventuellement rechercher des conclusions inspirées de l’article 1290 C.c.Q., malgré les difficultés et contraintes imposées par un recours de cette nature.

Par ailleurs, les liquidateurs et les fiduciaires au dossier, anciens et nou-veaux, auraient certainement été mieux inspirés de motiver et justifier leur refus d’inclure la somme de 200 000 $ dans les actifs de la succession. La rédaction d’une lettre explicative à ce sujet aurait d’ailleurs servi autant à protéger les défendeurs qu’à informer le demandeur. Vu cette omission, et tenant compte de l’ensemble des circonstances au dossier, la demande de remboursement des honoraires extrajudiciaires des défendeurs est rejetée.

Par contre, le demandeur sera condamné aux dépens en raison du choix discutable de son recours, auquel l’on a dû opposer deux demandes d’irre-cevabilité successives.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 791, 794, 804, 1260, 1265, 1287, 1290, 1291

Jurisprudence citée

Bélanger c. Bélanger, ès qualités de liquidatrice, EYB 2002-36324, 2002 CanLII 18388 (C.S.)

Brassard c. Brassard, EYB 2009-158543, 2009 QCCA 898, J.E. 2009-948 (C.A.)

Perreault (Succession de), EYB 2008-149911, 2008 QCCS 5096, J.E. 2008-2183 (C.S.)

Préfontaine (Succession de), EYB 2009-158346, 2009 QCCS 1936 (C.S.)

EYB 2013-221016

Cour supérieure

Snyder c. Levy

500-17-064675-112

25 mars 2013

Décideur(s)

Yergeau, Michel

Page 15: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

Reproduction ou diffusion interdite 15

Type d’action

REQUÊTE en irrecevabilité à l’encontre d’une requête en réclamation d’une somme d’argent. REJETÉE. REQUÊTE de bene esse pour la nomination d’un liquidateur à la succession. Juge décidant que la requête est devenue sans objet.

Indexation

SUCCESSIONS ; DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ ; CONFLITS DE LOIS ; STATUT RÉEL ; PROCÉDURE CIVILE ; MOYENS DE NON-RECEVABILITÉ ; DÉFAUT D’IN-TÉRÊT ; LIQUIDATION DE LA SUCCESSION ; LIQUIDATEUR

Résumé

Le défendeur soutient, d’une part, que dans sa demande pour être nommée liquidatrice, la belle-fille du défunt testateur (la belle-fille) aurait dû allé-guer le différend l’opposant à la fille du testateur (la fille) et, d’autre part, que la requête en remboursement d’un prêt dirigée contre lui aurait dû être introduite conjointement par les deux liquidatrices. Mais il invoque principalement l’article 3101 C.c.Q. et l’article 58 C.p.c. pour conclure que l’omission des demanderesses d’être conjointement nommées liquidatrices est fatale puisqu’elles ne peuvent en demander le redressement a poste-riori. Il demande que l’action soit déclarée irrecevable pour défaut d’inté-rêt des demanderesses.

Premièrement, l’article 58 C.p.c. ne trouve pas application, la loi de la Cali-fornie ne pourvoyant pas à ce qu’il y ait un liquidateur nommé en vertu des lois de cet État qui ait la capacité d’agir au Québec. Comme des biens s’y trouvent, il fallait en nomme un. Le litige pose la question de savoir s’il ne fallait pas plutôt en nommer deux, en l’occurrence, les deux demanderes-ses. Or, il y a lieu d’y répondre par la négative.

L’article 3101 C.c.Q. prévoit la nomination d’un seul administrateur ou d’un seul liquidateur lorsque les héritiers ont des droits à exercer au Québec dans le cadre d’une succession ou lorsqu’un bien de la succession s’y trouve. Or, le testateur désigne sa belle-fille comme liquidatrice comme le prévoit l’arti-cle 786 C.c.Q. Il ne nomme pas sa fille à ce titre. Ce sont les demanderesses entre elles qui, après le décès du testateur, conviennent de l’arrangement selon lequel elles deviennent coliquidatrices afin de mettre fin au différend les opposant relativement à la succession, arrangement qui est avalisé par une cour californienne.

En effet, le testateur a institué sa belle-fille comme seule héritière de ses biens. Dans le cadre de la contestation du testament olographe par la fille, les demanderesses ont conclu une transaction par laquelle elle se voit recon-naître le droit à la moitié de la succession. Le litige persistant, la fille préten-dant que la belle-fille ne respectait pas la transaction, les demanderesses ont convenu d’être coliquidatrices de la succession.

Ainsi, la belle-fille était fondée à se faire nommer liquidatrice au Québec pour les biens de la succession s’y trouvant en vertu du jugement de cette cour de février 2010. Le défendeur ne peut invoquer le fait qu’elle n’aurait pas dévoilé le contentieux l’opposant à la fille au moment de sa requête pour être nommée liquidatrice à moins d’attaquer judiciairement le jugement de février 2010, ce qu’il n’a pas fait. Il y a donc chose jugée à cet égard. Ainsi, en 2010 la belle-fille a été dûment nommée liquidatrice des biens de la succession des biens du défunt situés au Québec, sans réserve ni restric-tion, comme c’était son droit de le faire.

La belle-fille a intenté seule, en sa qualité de liquidatrice, l’action en recou-vrement contre le défendeur, et ce, au bénéfice de la succession dans son ensemble. Or, il n’y a que deux héritières. L’arrivée de la fille au dossier peu

de temps après, à titre personnel, puis à titre de coliquidatrice ne compro-

met en rien les droits du défendeur en l’espèce. Par ailleurs, l’entente entre

les demanderesses ne modifie pas le statut juridique de la belle-fille « sui-

vant la loi du Québec ».

L’article 3101 C.c.Q accorde un statut à une personne pour agir en regard

des biens de la succession situés au Québec au bénéfice des héritiers. La

chose s’explique par le fait que, sans cette nomination, les biens situés au

Québec (en l’espèce, un immeuble et une créance) seraient laissés dans

une forme de vacance puisque l’administratrice nommée par le de cujus

en Californie ne peut exercer de plein droit ses pouvoirs au Québec. Il faut

donc pouvoir combler le vide et pourvoir ces biens d’un administrateur ou

d’un liquidateur étant donné que dans l’intervalle, ils échappent à la règle

prévue par l’article 614 C.c.Q. qui veut que les biens d’une succession ne

forment qu’un seul patrimoine sans égard à l’origine ni à la nature des

biens. C’est là l’effet juridique recherché par l’article 3101 C.c.Q. Cela dit,

la même personne peut jouer le rôle de liquidatrice là-bas comme ici. Peu

importe, pour peu que, pour les biens situés au Québec, elle soit nommée

selon la loi locale.

En conséquence, en vertu de la loi du Québec, la fille n’était pas obli-

gée de se joindre à l’action à titre de codemanderesse. Elle n’était pas

non plus tenue de rechercher sa nomination à titre de coliquidatrice « sui-

vant la loi du Québec » puisque la Cour y avait déjà pourvu en nommant

la belle-fille.

Que les demanderesses aient convenu entre elles d’agir en tant que coli-

quidatrices n’exigeait pas de reprendre à zéro le processus de nomination

découlant de l’article 3101 C.c.Q. ni d’obtenir l’autorisation du tribunal pour

exercer le recours contre le défendeur. La belle-fille, une fois nommée et

jusqu’à son remplacement le cas échéant, a le pouvoir d’agir.

Par sa requête pour rejet, le défendeur se mêle de ce qui ne le regarde pas.

Ce faisant, il confond le statut de liquidatrices des demanderesses en vertu

de la transaction qu’elles ont conclue et le statut de liquidatrice de la belle-

fille en vertu de la loi du Québec.

Le fait que les demanderesses se soient entendues pour qu’un avocat agisse

comme « lead counsel« pour le recouvrement au Canada des sommes

dues à la succession par le défendeur ne change pas le statut que la Cour

a octroyé à la belle-fille en 2010. Ce sont là des rapports qui ne concer-

nent que les liquidatrices. Les relations professionnelles entre l’avocat amé-

ricain de la belle-fille et celui agissant dans le présent dossier ne sont pas

de notre ressort.

Législation citée

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 614, 787, 788, 3101, 3153(2)

Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25, art. 58, 294.1, 885

Jurisprudence citée

Morgulis c. Royal Trust Company, EYB 2006-114502, [2006] R.J.Q. 593,

2006 QCCS 6495, J.E. 2007-539 (C.S.)

Doctrine citée

BEAULNE, J., La liquidation des successions, coll. « Bleue », Montréal, Wilson

& Lafleur, 2002, 446 p., p. 275

BRIÈRE, G., Les successions, dans coll. « Traité de droit civil », Centre de

recherche en droit privé et comparé du Québec, Cowansville, Éditions Yvon

Blais, 1994, 1226 p., p. 720, EYB1994SUC30

Page 16: Personnes physiques et successions En bref...Alexandra Davanzo, Guillaume Gendreau-Vallée, Antoine Sar-razin-Bourgoin et Marc-Étienne Vien-Desbiens de l’Université Laval, d’avoir

16 Reproduction ou diffusion interdite

(Du 11 juin 2013 au 16 septembre 2013)

Modifications d’intérêt touchant la législation provincialeLoi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière de recherche, L.Q. 2013, c. 17, art. 1-6

Cette loi modifie certaines dispositions du Code civil du Québec portant sur la recherche. Elle remplace l’expression « expérimentation » par l’expression « recherche susceptible de porter atteinte à l’intégrité » et introduit l’obligation de soumettre à l’approbation et au suivi d’un comité d’éthique de la recherche tout projet de recherche auquel participe une personne majeure, apte à consentir. De plus, elle modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin d’y indiquer que la procédure d’examen des plaintes d’un établissement qui exerce des activités de recherche doit prévoir que toute personne qui participe à une recherche, que cette personne soit ou non un usager, de même que ses héritiers ou représentants légaux peuvent formuler une plainte auprès du commissaire local aux plaintes et à la qualité des services concernant cette recherche.Entrée en vigueur : 2013-06-14

Modifications d’intérêt touchant la législation fédéraleLoi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection des libertés), L.C. 2013, ch. 37, art. 1-5

Le texte modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne en abrogeant l’article 13 afin d’assurer qu’il ne soit pas porté atteinte à la liberté d’expression protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.Entrée en vigueur : 2014-06-26

DOCTRINEPersonnes, famille et successions – Collection de droit 2013-2014, vol. 3, Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013.

FORMATIONSL’ouverture d’un régime de protection, par Michel Beauchamp, associé chez Beauchamp et Gilbert, notaires, s.e.n.c., à Québec, le 1er octobre 2013.

Le droit à la vie privée et Internet, par Catherine Morissette, avocate chez Lévesque Lavoie, avocats, à Laval, le jeudi 10 octobre 2013.

Les recours en droit des successions, par Marie-Claude Armstrong, avocate chez Lavery, à Montréal, le 9 octobre 2013, à Québec, le 23 octobre 2013.

Rédaction d’un testament et liquidation d’une succession : 75 stratégies de transfert de produits financiers au décès à connaître, par Serge Lessard, avocat spécialisé en droit et fiscalité des produits financiers d’assurance et de placement, à Montréal, le 21 octobre 2013.

La liquidation d’une succession étape par étape, par Michel Beauchamp, associé chez Beauchamp et Gilbert, notaires, s.e.n.c., à Québec, le 11 novembre 2013.

WEBINAIRESAutorisations judiciaires de soins : l’étendue et les limites du droit à l’autodétermination et à l’intégrité de sa personne, par Zeïneb Mellouli, avocate chez Lavery, le 26 septembre 2013 (en rediffusion dès le 3 octobre 2013).

Les familles recomposées et les testaments, Michel Beauchamp, associé chez Beauchamp et Gilbert, notaires, s.e.n.c., le 17 octobre 2013 (en rediffusion dès le 24 octobre 2013).

Pour plus d’informations et une liste complète, visitez www.editionsyvonblais.com

NOUVEAUTÉS AUX ÉDITIONS YVON BLAIS

ACTUALITÉ LÉGISLATIVE