PERCEPTIONS ET USAGES DU DESIGN EN ADMINISTRATION …
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PERCEPTIONS ET USAGES DUDESIGN EN ADMINISTRATIONCENTRALE :
Bérangère Clépier
Pour une transition d’un " design au service de l’administration " vers un" design de service public. "
PERCEPTIONS ET USAGES DUDESIGN EN ADMINISTRATION CENTRALE :
Mémoire de recherche
POUR UNE TRANSITION D’UN " DESIGN AU SERVICE DE L’ADMINISTRATION " VERS UN " DESIGN DE SERVICE PUBLIC "
Bérangère ClepierSous la direction de
Michela Deni
Université de Nîmes Master Design, Innovation et sociétéPromotion 2018-2019
Depuis juin 2017, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur se sont dotés d’un marché public de design de service pour accompagner les projets en administration centrale. En donnant un rôle "pivot" aux décideurs publics, dans une structure très hiérarchique, ce mémoire vient leur donner la parole, pour recueillir l’image qu’ils se construisent de la discipline et de sa plus-value. En mettant en parallèle les représentations professionnelles structurantes de la pratique des designers et l’usage actuel fait de la discipline au sein du marché, cette recherche tente de trouver des points d’achoppement entre deux cultures qui s’opposent, pour ouvrir une voie possible pour une collaboration fertile. Avec la nécessité d’une transition d’un « design au service de l’administration » à un « design de service public », l’auteur énonce la possibilité d’un profil intermédiaire de designers au sein des administrations centrales, plus concentré sur la médiation, en parallèle des prestations déjà existantes dans les services déconcentrés.
Since June 2017, the French Ministry of Education has been working with service design studios, in order to help public agents to keep in mind the way users receive a service when created. In a very hierchical administration, public decisions makers have a central position to lauch a new dynamic : this essay allows them to share their points of view on public service design and its added value. By analysing both the way designers imagine their own activity, and the way the current public market uses it, this research aims to find stinking points between two opposite cultures. In order to enable designers to skip from « design for administration » to « service public design », this memoir makes the statement that a intermediary profil could be helpul to transform the administration, steps by steps, and create a bigger space for design.
Abstract
Remerciements
Je tiens avant tout à remercier mes collègues et amis du département de la modernisation pour leur accueil chaleureux et leur bienveillance, tout au long de mon stage ; merci Laurent, Mélanie, Frédérique et Delphine, d’avoir été là, de ne pas m’avoir fait faire le café, et de m’avoir accompagnée pas à pas dans cette première expérience professionnelle. Je remercie également Yolaine, Amélie, Céline, Nicolas, Émilie, pour leur collaboration ou les discussions riches qui ont pu être les nôtres.
Avant d’être une aventure professionnelle, ces six mois ont été à l’origine d’un véritable enrichissement personnel et intellectuel.
Un sincère remerciement au Secrétariat Général et à ses équipes, plus particulièrement à Madame la Secrétaire générale, Marie-Anne Lévêque, M. Laurent Crusson et M. Christophe Géhin, d’avoir pris le temps de me répondre.
Ce stage dans le secteur public a parfois mis à mal mes certitudes de designer et de citoyenne, et m’ont poussé à requestionner ma pratique. C’est ce cheminement que je tenterais de retranscrire dans ce mémoire de fin d’étude.
Merci à Michela Deni, ma directrice de mémoire, de m’avoir réorienté et encouragé quand cela était nécessaire.
Je remercie enfin mes parents, pour leur soutien inébranlable pendant ses huit années d’étude, et dont les encouragements m’ont permis d’arriver sereinement jusqu’au rendu de ce mémoire.
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Avant propos
Ce mémoire a été construit à partir d’une expérience de stage de six mois en tant que designer de service au sein du département de la modernisation du Secrétariat général, (SG) sous autorité conjointe de deux ministères: le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ) et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI). Au cœur d’une administration encore traditionnelle et hiérarchique, mon statut de fonctionnaire-stagiaire de l’École Normale Supérieure Paris-Saclay m’a apporté une légitimité d’intervention, et a facilité mon échange avec de hauts fonctionnaires d’État que j’ai pu rencontrer.
Le département de la modernisation au sein duquel j’ai évolué est constitué d’une équipe convaincue de la nécessité de prendre en compte dans leur travail les agents mais aussi les bénéficiaires de l’Éducation nationale que sont les élèves et leurs parents. Ainsi, le (re)centrage sur l’usager, qui est au cœur de la pratique du design social et de service, m’a semblé une évidence au sein du département, ce qui en fait un écosystème « privilégié » pour le développement de mon travail. L’ensemble des personnels avec lesquels j’ai pu travailler hors de mon service m’ont offert un accueil favorable. Il est donc important de prendre note des biais possibles, dans mon raisonnement, induits par cette position.
Table des matières
Avant propos 6Introduction 11 Chapitre 1 - Infiltration du design en administration centrale et à l’interministériel : le cas des ministères de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de
l’Innovation. 18
1.1. Étatdeslieuxgénéral :critiqueset nécessitédetransformationde l’administrationpublique. 181.1.1. De nouvelles attentes et de nouveaux besoins de la part des citoyens. 181.1.2. La réforme de l’État et l’impératif de l’innovation publique. 201.1.3. Le rôle-clé des décideurs publics au sein d’une organisation hiérarchisée. 23
1.2. Versuneadministrationcentraleorientée usager. 261.2.1. Quand une nécessité de " penser l’usager " trouve son outil : point d’achoppement fertile entre design et administration. 271.2.2. La mise en place du marché design de service aux MENJ et MESRI. 321.2.3. Une structure intermédiaire : le département de la modernisation. 35 Chapitre 2 - Perceptions et usages du design de service au sein des ministères de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. 38
2.1. Ladémarchededesigndeservice. 402.1.1. Évolution de la discipline. 402.1.2. Redéfinition des compétences 422.1.2.1 Requestionner et faire un pas de coté 452.1.2.2. S’immerger pour observer et comprendre les besoins. 462.1.2.3. Multiplier les expertises, par l’interdisciplinarité et la collaboration. 472.1.2.4. Donner forme. 482.1.2.5. Expérimenter de manière itérative. 49
2.2. Réactionsspontanéesetreprésentations construitesdesdécideurspublicsface au design. 512.2.1. Une méfiance a priori. 522.2.2. Une absence dérangeante de définition et glossaire des pratiques. 572.2.3. Un objectif partagé par tous les décideurs publics dans leurs discours : écouter l’usager. 632.2.3.1. Précaution méthodologique : un biais possible par la position centrale du département de la modernisation dans le déclenchement des prestations ? 632.2.3.2. Le design de service, ou ‘l’approche usager’ 67
2.3. Usagesdudesigndeserviceen administrationcentrale :lecasdu ministèredel’Éducationnationaleetde l’Enseignementsupérieur 692.3.1. Le cadre de prestations établi par le marché. 702.3.2. Design des politiques publiques, design de service public ou " esprit " design appliqué au service public ? 722.3.3. Un accompagnement par le design de l’administration centrale, à petite échelle. 2.3.3.1. L’échelle des prestations. 742.3.3.2 Le segment d’intervention des designers 76
2.4. Laplus-valueperçueparlesdécideurs publics 852.4.1. Observer et analyser un existant : la confrontation brute à la réalité du terrain. 852.4.1.1. Synthétiser finement l’existant et la voix de l’usager. 852.4.4.2. Faire accepter la complexité par des objets de médiation 882.4.1.3. Représenter de manière simples des systèmes complexes 912.4.2. Le design comme un outil de mobilisation des agents: collaborer autrement. 952.4.3. Un outil tactique et politique: faire mieux accepter, aux agents et à la population. 100
Chapitre 3 - Pour un design maïeuticien, permettant une collaboration fertile entre agents publics et designers en aministration centrale ? 104
3.1. Unedifférencemajeureentredesigneren administrationcentraleetenservices déconcentrés. 1083.1.1. Le vertige des prestations nationales. 1083.1.2. Une pratique de l’expérimentation qui n’est pas naturelle pour l’administration 1123.1.3. La question (ou l’écueil) du passage à l’échelle 115 3.2. Un enjeu central de communication : diffuser, oui, mais quoi ? 119
3.3. Pourdesdesignersmaïeuticiens :une rencontrepossibleentreadministration etdesign ? 123
Conclusion. 126 Bibliographie 132 Annexes 137
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Introduction
Depuis une dizaine d’années, les administrations introduisent dans leur fonctionnement de nouvelles méthodes de management ainsi que des nouvelles pratiques créatives, cherchant à redonner une forme et une place à l’usager dans la fabrique des politiques et des services publics. Critiquée pour son immobilité ainsi que pour sa déconnexion face aux réalités des citoyens, l’administration cherche à se moderniser et à se transformer : ainsi, face à un impératif constant à l’innovation, sont créés de nouveaux lieux, méthodes ou dispositifs, portant une focale plus forte sur l’usager-citoyen : laboratoires d’innovation, espaces collaboratifs, formations au design thinking... Si les critiques sur la machine que peut représenter l’administration ne sont pas nouvelles, l’action publique est amenée à s’adapter à des évolutions dans les usages, notamment avec l’apparition de services numériques, et dans les demandes ou attentes des bénéficiaires de ses services.
Il faut dégraisser le mammouth. Si je parle de mammouth, c’est parce qu’il y a une quantité considérable de gens. Ce que je veux, c’est muscler le mammouth et le rendre un peu plus effilé, un peu plus souple. Je souhaite transformer les lourdeurs architecturales et mettre les administrations au service du terrain»
Claude Allègre, ministre de l’Éducation, juin 1997
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12 En France et à l’étranger, on assiste à « l’émergence de nouvelles formes d’innovation publique et de pratiques expérimentales, souvent structurées au sein de « labs » publics, se réclamant du design et de l’innovation sociale, et se présentant comme des alternatives aux démarches actuelles de transformation de l’action publique. » (Coblence, Lefebrve, Pallez, 2019). Au sein de cet écosystème qui se densifie, des organisations telles que la 27ème région participent alors à introduire de nouvelles manières de concevoir services publics et politiques publiques (Coblence, Vivant, 2017), notamment avec l’intervention de designers de service. En France, ce type d’approche est diffusé et encouragé par de nombreux acteurs publics ou privés, dont le Secrétariat général pour la Modernisation de l’Action publique (SGMAP) devenu en 2017, la Direction interministérielle de la Transformation publique (Lefebvre, 2018).
C’est dans ce contexte en mutation que les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se sont dotés d’un marché public de design de service, fonctionnant avec un système de tourniquet entre deux agences de design parisiennes. Ce marché, piloté par le département de la modernisation au sein duquel j’ai effectué mon stage pendant six mois, a donné lieu à la réalisation d’une vingtaine de prestations, avec un impact managérial et humain sur les agents administratifs engagés dans le processus. Les interventions menées et les artefacts produits couvrent un large spectre : de la refonte d’un prix de l’administration innovante piloté en administration centrale au développement d’une signalétique pour un rectorat, en passant par l’animation d’une formation « design d’espace » à destination des agents.De plus, depuis le mois d’octobre 2018, l’écosystème de la modernisation et de l’innovation s’est étoffé avec l’inauguration du Lab 110bis, présentant un fort appui institutionnel et politique en la personne du Ministre Jean-Michel Blanquer. Ce lab, qui a pour mission
13l’accompagnement de projets innovants, notamment en matière pédagogique, renforce la volonté d’implémenter de nouvelles méthodes de travail au sein de l’Éducation nationale, et de penser de manière plus empathique le service aux usagers, qu’ils soient élèves ou parents d’élèves.
Ainsi, au cours de mon stage au sein du département de la modernisation, la problématique de projet qui a mis en perspective l’ensemble de mes travaux a été de comprendre avecquellescompétencesetquelsoutilsledesigndeservicepeut-ilintroduirela«voixdel’usager » en administration centrale, lors de la miseenœuvredepolitiquespubliques? Il s’agissait alors de s’interroger sur les compétences des designers qui sont attendues et mobilisées au sein de l’administration, et de comprendre les raisons et les objectifs poussant à ce nouveau type de prestation.
Si les interventions de designers en service déconcentrés, sur des problématiques à l’échelle locale, sont l’objet d’une documentation qui se densifie et se diversifie - notamment par le travail de publication réalisé par la 27ème région – la littérature sur l’action des designers en administration centrale reste sporadique. Pourtant, les spécificités de « la centrale », en terme d’échelle, de rapport aux politiques et à la politique, viennent poser un cadre différent et sont à l’origine de choc culturel, de frustration et d’incompréhension . Il semble alors nécessaire de tenir compte des particularités structurelles et fonctionnelles de ce type d’organisation, qui ont un impact certain sur les marges de manœuvre du designer.
Le recours à de nouvelles méthodes et à de nouveaux types de prestataires au sein de l’administration centrale n’est pas anodin, d’autant plus qu’il peut être au cœur d’une stratégie politique. On peut alors se demander dans quelle mesure le design peut servir de vitrine « modernisante », participant à la course à l’innovation,
14 comme un label, ou bien même un effet de mode (Weller, Pallez, 2017). Au cours de la première séance des « Frictions de l’innovation publique » organisée par la chaire Innovation Publique de l’ENSCI et l’ENA, Jean-Luc Delpeuch, président du collège européen des démocraties locales et de l’innovation territoriale de Cluny, énonçait en effet la nécessité d’une « vigilance face à la possible instrumentalisation du design, qui fait moderne, qui fait tendance ».
Ce mémoire a pour objectif de donner la voix aux décideurs au sein de l’administration publique, pour comprendre de manière plus fine les raisons qui les poussent aujourd’hui à faire appel à des designers, et d’analyser leurs compatibilités avec les représentations professionnelles que les designers ont produit de leur discipline.
Ainsi, la question de recherche qui animera ce mémoire est : avec quels objectifs les décideurs publics desministèresdeÉducationnationaleetdel’Enseignementsupérieur intègrent-ils le designde service dans leurspratiquesetdansleursdiscours?
L’objectif sera donc d’analyser en parallèle les usages actuels du design de service au sein de l’administration centrale et les représentations construites par les cadres d’une profession qui leur est étrangère. Dans cette fenêtre de tir laissée aux designers, il s’agit aussi de comprendre la spécificité et la plus-value de l’intervention de designers au sein de l’administration centrale : l’apport porte-t-il sur la forme des nouveaux services offerts? Ou plutôt dans les méthodes et processus mis en place, accompagnant la conduite du changement dans la fabrique des politiques publiques ?
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Dans un premier chapitre, nous chercherons à replacer l’arrivée du design au Secrétariat Général dans une histoire plus longue d’infiltration progressive de la discipline dans les services publics, tout d’abord dans les services déconcentrés mais aussi plus récemment en administration centrale.
Puis dans un second chapitre, laissant une grande part à la voix des décideurs publics, nous analyserons les usages et les perceptions existants du design au sein des services de l’administration centrale, en étudiant en détail le cas de l’Éducation nationale. Une analyse comparée des représentations construites par les haut-cadres d’administration et des représentations professionnelles revendiquées par les designers eux-même sera effectuée, afin de poser des hypothèses sur la compatibilité de ces corps de métier.
Enfin, dans une troisième partie, nous ouvrirons la réflexion sur la spécificité du design de service en administration centrale, face aux services déconcentrés, pour évoquer la nécessité potentielle d’un repositionnement des designers, dans leurs profils et leurs compétences, pour continuer leurs actions au sein de l’administration.
Ce mémoire a été construit à partir de l’observation participante des activités du département de la modernisation de février à juillet 2019, et de la réalisation de 19 entretiens libres, avec des décideurs publics, des designers de service ainsi que des acteurs de l’innovation au sein des ministères. Nous présenterons plus précisément la méthodologie et les sources dans chacune des parties.
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Infiltration du design en administration centrale et àl’interministériel:le cas des ministères de l’Éducationnationale et de la Jeunesse, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
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Avant d’expliciter précisément comment le design de service a trouvé sa place au sein du Secrétariat Général, et donc au sein de l’administration centrale, il est important d’expliquer le processus critique ayant conduit l’administration publique à implémenter de nouveaux outils et de nouvelles méthodologies plus centrées sur l’usager dans la conception de ses services. En effet, l’apparition de marchés publics de prestations en design a été permise par une infiltration progressive de nouvelles pratiques, plus collectives et horizontales, au sein des administrations.
Ce premier chapitre sera l’occasion de replacer l’apparition du design de service au Secrétariat Général dans une histoire critique et méthodologique du fonctionnement de l’administration, et de comprendre les spécificités d’un tel environnement de travail pour le designer. A partir d’une présentation générale des transformations en cours de l’administration publique, je considérerais un contexte plus précis, qui est celui du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ) et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI).
18 1.1. État des lieux général : critiqueset nécessité de transformation del’administration publique.
Depuis plusieurs années, l’administration publique est appelée à se transformer, face à de nouveaux usages et de nouvelles attentes de la part de ses citoyens-bénéficiaires. Avec une complexification des problèmes auxquels sont confrontés l’État et les collectivités locales (wicked problems), ainsi que le développement rapide des services numériques, on observe une nécessité, voire une injonction, à modifier les méthodes d’élaboration des réponses à ces difficultés. (Jouen, 2017)
Dans un même temps, les administrations sont appelées à répondre de manière plus efficace et plus rapide à leurs administrés : simplification des démarches administratives (« dites le nous une fois »1), amélioration de l’accueil, prise en compte du développement durable… de nouvelles attentes pèsent sur ces structures, qui ne disposent pas nécessairement des outils managériaux et méthodologiques pour assurer cette transformation rapide. De plus, les nouveaux modes de communication viennent transformer les méthodes de travail des agents, mais également les interactions des citoyens avec les autorités administratives.
1.1.1. De nouvelles attentes et de nouveaux besoins de la part des citoyens.
Les administrés prennent conscience d’un triple rôle d’usager, de citoyen et de contribuable : ainsi, ils font la demande d’une administration plus humaine, plus compréhensible et plus attentive à leurs besoins. (Migeon,
Le programme « Dites-le-nous une fois » (au sein de la loi ESSOC) contribue à la réduction de la charge administrative, en réduisant la redondance des informations demandées aux usagers : désormais, un usager, particulier ou entreprise, entreprenant une démarche administrative ne sera plus tenu de fournir certaines informations ou pièces justificatives déjà détenues par l’administration.
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2012). On observe alors une montée des attentes des citoyens face aux actions de l’État et à son organisation interne. 45 % des Français perçoivent une dégradation de la qualité des services publics2, ce qui alimente un sentiment d’éloignement, voire de désengagement de l’État.
Mon intégration au département de la modernisation s’est effectuée en parallèle du détachement d’une membre de l’équipe, mobilisée pendant trois mois dans le cadre du Grand Débat organisé par le président de la République. Son retour dans l’équipe m’a alors conduite à m’interroger sur l’intervention possible des designers dans les administrations au sein d’un contexte plus général de remise en cause du fonctionnement démocratique. En effet, le mouvement des gilets jaunes et la réponse institutionnelle du Président de la République sous la forme du Grand Débat sont les témoins d’une critique de la « déconnexion » ressentie par les administrés du service public, et de la volonté des hauts fonctionnaires de l’État de s’en saisir pour y trouver des réponses.
Cette nécessité politique de s’adapter et de réagir aux évènements sociétaux d’ampleur ouvre alors une voie pour se saisir de tout levier d’action existant : le design de service, prônant une prise en compte de l’usager par des méthodes d’immersion et de co-création, peut-il devenir l’un de ces outils ?
L’appel à la transformation est d’autant plus important que « les méthodes classiques des administrations ont souvent prouvé leurs limites par leur caractère parfois trop bureaucratique et descendant » comme l’indique Thomas Cazenave, actuel délégué interministériel à la transformation publique, dans une tribune publiée sur Usbek & Rica en octobre 2019, intitulée Les nouvelles frontières de l’innovation publique. De nouveaux outils sont alors mobilisés, plus horizontaux ou
Ipsos, février 2017
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20 participatifs, et de nouvelles structures émergent, avec la volonté d’impulser et d’accompagner ces changements. En 2013, la 27ème région, laboratoire de transformation des politiques publiques et territoriales, recensait 70 structures participant à de nouvelles « formes d’innovation publiques » (FIP), avec une amplification de leur développement depuis le début des années 2000. (Coblence, Lefebvre, Pallez, 2019). Ces entités sont de nature diverses : agence de design privées, associations, collectivités territoriales, think tanks, etc… mais participent à la diffusion de nouvelles méthodologies et de nouveaux outils, plus orientés vers l’usager et son parcours. Ces structures construisent - avec de nouveaux types d’équipes, constituées de fonctionnaires, de designers, de sociologues, de facilitateurs… - des services plus adaptés aux besoins des usagers et des agents. Positionnés en parallèle des administrations, à la fois présentant un lien privilégié avec les agents publics tout en conservant une posture extérieure, ces labs, plus flexibles et plus agiles, viennent accompagner des projets localisés, mais participant pas à pas à l’innovation publique.
Pour comprendre comment le design fut saisi comme un outil potentiel de transformation des administrations, afin de répondre à ces nouvelles attentes des usagers, il est nécessaire de définir le concept d’innovation publique au cœur de l’administration, et la place du design dans cette notion.
1.1.2. La réforme de l’État et l’impératif de l’innovation publique.
Pour caractériser les mutations de l’administration publique depuis plusieurs décennies, de nombreux termes se succèdent et s’associent, donnant naissance à un corpus sémantique vaste, qui manque parfois de clarté dans son usage. On peut notamment noter trois notions importantes, que je retrouverais à plusieurs reprises pendant mon expérience au sein du ministère :
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modernisation, transformation et innovation. Sur la question du langage utilisé au sein des administrations, on peut notamment noter qu’après la révision générale des politiques publiques (RGPP), la modernisation de l’action publique (MAP), on parle aujourd’hui de la transformation publique, avec le programme « Action publique 2022 », lancé en octobre 2017 par le gouvernement Macron. Dans ce cadre, on peut noter également que le Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action publique (SGMAP) a été remplacé par la Direction interministérielle de la Transformation publique (DITP)3.
Au cœur de l’écosystème lié à la Réforme de l’État, ces termes recouvrent néanmoins des réalités différentes, qu’il est nécessaire de définir. Pour mieux comprendre ces concepts, nous pouvons reprendre une distinction effectuée par Jean-Benoît Albertini, secrétaire général adjoint du ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration (Albertini, 2012) :« • le changement consiste, sur la base de techniques éprouvées, à ajuster l’organisation du travail sans changer les objectifs et méthodes managériales (adaptation des horaires, aménagement des postes de travail…) • la modernisation permet, quant à elle, d’envisager l’emploi de techniques nouvelles, sans remettre en cause les principes managériaux (automatisation de certains procédés de traitement, mise en ligne d’informations...) ; elle vise, par un processus généralement impulsé du sommet, à adapter la structure considérée ou ses modes d’action aux évolutions de l’environnement. • l’innovation vise à refonder la gestion publique dans tous ses aspects, sans faire table rase de l’expérience acquise et de la nécessaire continuité du service, mais en réexaminant les principes d’action et
3 La Direction interministérielle de la Transformation publique (DITP) accompagne les ministères et les administrations dans la conduite de la transformation publique de l’État. La DITP coordonne le programme Action Publique 2022 et pilote des projets interministériels novateurs.
22 les pratiques au nom de l’efficacité (dématérialisation de procédures avec introduction de nouveaux services associés, réorganisation complète de procédures visant le traitement de dossiers sans création de stocks...) et/ou de l’efficience. Sa forme participative se présente comme une démarche de la base vers le sommet, qui s’appuie sur des solutions concrètes visant à créer de la valeur ou à répondre à des demandes particulières du public. ».
Si les entreprises privées ont très vite intégré la notion d’innovation face à la rapide obsolescence de leur modèle économique, les administrations sont, elles aussi, de plus en plus contraintes à s’engager dans cette voie. Sur le site internet modernisation.gouv, l’innovation publique est définie comme « un mouvement de fond qui irrigue le secteur public : elle désigne une administration en mouvement, qui promeut l’innovation dans les services publics, de la conception à la mise en œuvre des politiques publiques. Ce mouvement est fait d’initiatives concrètes, tant pour l’usager que pour l’administration elle-même, portées par les acteurs publics (services de l’État, opérateurs, collectivités, hôpitaux) sur l’ensemble du territoire, et dans toutes les administrations ». Il peut s’agir à la fois d’innovations managériales, pour transformer l’organisation et les manières de travailler et de collaborer des agents, que d’innovations plus méthodologiques, avec l’intégration d’outils de co-construction de la décision publique.
Trois défis majeurs imposent l’innovation dans le secteur public (Bonnenfant , Berardi, 2012) :• adapter les services publics aux nouveaux besoins des usagers.• répondre à la pression financière sans précédent qui pèse sur l’administration.• remobiliser les fonctionnaires et redonner du sens à l’action publique.
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L’innovation n’est donc pas une finalité en soi, mais le moyen d’atteindre un objectif : dans le cadre des administrations publiques, l’innovation doit permettre de structurer des services et des politiques publiques plus efficaces et plus adaptés aux attentes des citoyens. Un point de méfiance peut de suite être soulevé : avec une injonction permanente à « faire différemment », pour rompre avec une structure administrative jugée trop lourde, l’innovation semble parfois devenir un maître mot ou une finalité en soi. Une attention particulière sera alors portée dans ce mémoire à l’usage du terme, au cœur des discours et des pratiques des structures et des agents.
Pour répondre aux défis énoncés, et favoriser une plus grande adéquation entre les services publics et les besoins des agents et des bénéficiaires, la structure doit transformer ses outils et ses processus. Dans une organisation très hiérarchique comme le ministère, les décideurs et cadres publics disposent donc d’un rôle stratégique pour l’implémentation de nouvelles manières de faire : ce mémoire fait l’hypothèse que la conviction des cadres de l’administration publique est une nécessité pour l’innovation publique et l’intégration du design, afin de résister aux changements de mandature et au turn-over des élus. Par leur taille, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur rendent d’autant plus majeure cette hypothèse.
1.1.3. Le rôle-clé des décideurs publics au sein d’une organisation hiérarchisée.
Pour questionner l’implémentation du changement au sein de l’administration publique, il est
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C’est un marché [l’innovation publique] qui porte sur la fabrique des politiques publiques, sur des services d’intérêt général, il touche aux fondements de notre démocratie.
Stéphane Vincent, fondateur de la 27ème région.
24 nécessaire d’évoquer le principe hiérarchique qui régit toute action au sein d’une structure de cette ampleur. En effet, bien que remise en question pour la lenteur qu’elle peut induire, l’organisation hiérarchique des administrations est une réalité, perceptible au quotidien à travers d’outils de travail tel que le parapheur. Un circuit de validation précis est mis en place pour toute prise de décision, et les documents nécessaires transitent d’un bureau à l’autre, au sein d’un parapheur, pour obtenir la signature des supérieurs En cas de désaccord ou d’erreur, le document est modifié et le circuit de validation complet doit de nouveau être effectué.
Cette organisation hiérarchique répond tout d’abord à un impératif organisationnel : les liens hiérarchiques permettent de garantir une cohérence globale de l’action. Mais au delà de l’impératif d’organisation qui régit toute structure de grande ampleur, la hiérarchie correspond à un « certain vécu de la part des agents, dont elle imprègne et détermine les attitudes et les comportements. » (Lochak, 1985) En effet, les agents publics, quel que soit leur positionnement dans la structure, disposent d’un « sens hiérarchique », construit par un conditionnement diffus. Cette hiérarchie introduit une limite potentielle à la mise en pratique de méthodes participatives au sein de administration. (Lochak, 1985)
L’environnement institutionnel et la structure organisationnelle des bureaucraties publiques contraignent leur dynamique d’innovation, quelle que soit l’origine du projet nouveau (Clergeau de Mascureau, 1995). En effet, bien que le secteur public semble découvrir les apports potentiels de l’innovation participative, l’administration s’est structurée et organisée de façon hiérarchique pour répondre à des impératifs de neutralité, de contrôle, de calcul et de prévisibilité. Ce système permet alors d’assurer une permanence malgré les turn-overs politiques, et d’assurer qu’aucune décision
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contraignante ne puisse être prise par un individu isolé. Ainsi, la hiérarchie et l’autorité assure « l’efficacité et la neutralité de l’activité de ces organisations », dans une perspective de bien commun. Si ce fonctionnement ne rend pas impossible l’innovation publique, elle vient en cadrer les possibilités : c’est ainsi que l’innovation publique présente certaines caractéristiques telles que « la multiplicité des innovations mineures ou la lenteur des processus d’intégration et de diffusion des projets nouveaux. » (Clergeau de Mascureau, 1995).
Ainsi, si la nécessité de mettre en place des processus d’innovation au sein des administrations semble une évidence, tant d’un point de vue des agents que des citoyens, il est essentiel d’en comprendre les freins fonctionnels, organisationnels et psychologiques. Dans ce cadre, « il faut avoir conscience que tout changement dans ce domaine signifie une véritable révolution culturelle impliquant une mutation des mentalités et des comportements, et non pas seulement des structures administratives. » (Lochak, 1985).
Ainsi, l’initiation d’actions de transformation et d’innovation nécessite une conviction et une culture partagée pour les agents publics, et donc une profonde évolution du modèle managérial, des dirigeants jusqu’au agent de terrain. En prenant note de la contrainte que peut représenter la structure hiérarchique pour l’innovation publique, ce mémoire fait l’hypothèse du rôle central et stratégique que peuvent jouer les décideurs publics dans le processus de transformation des services publics, notamment par le design de service (nous appellerons décideurs publics les cadres d’administration disposant d’une position haute dans la hiérarchie, en situation de pilotage des projets et des équipes) : pour assurer la réussite d’un projet dit innovant, ce dernier doit en effet disposer d’un portage politique ou hiérarchique fort. Au delà de l’intégration de nouvelles méthodes de travail par chacun des agents, la taille et la structure d’une
26 administration comme l’Éducation Nationale entraîne une nécessité que les cadres décideurs se saisissent de ces nouveaux outils, pour les diffuser et les partager.
Avec la conviction que le design peut permettre une meilleure prise en compte de l’usager dans la fabrique des services publics, il est donc nécessaire de comprendre comment le design de service a pu apparaître comme un levier de transformation à saisir en administration centrale. Entraînées par l’injonction politique et les attentes plus fortes des citoyens, les administrations ont fait appel à de nouveaux corps de métier pour les accompagner dans leurs transformations. Si le processus a pu être plus rapide en services déconcentrés, grâce à des échelles de projet plus locales et une proximité des administrés, la mise en place récente d’un marché public de design de service au sein de l’Éducation nationale, mais aussi l’existence prospère du Mindlab danois pendant 16 ans, montre une volonté d’interroger la possibilité d’une intervention des designers à une échelle nationale.
1.2. Vers une administration centraleorientée-usager
Si le contexte politique et social pousse les administrations à se transformer, afin de mieux répondre aux besoins des usagers, et si le mouvement de démultiplication des structures transverses comme les laboratoires d’innovation publique est notable (DITP, 2019), l’introduction d’un marché public faisant appel spécifiquement à des designers peut éveiller la curiosité :
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Les managers publics se doivent aujourd’hui d’initier, de mobiliser et d’accompagner de multiples actions de transformation afin de dynamiser les résultats de leur équipe, pour leur propre satisfaction comme pour celle des usagers. (Bonnenfant, Berardi, 2012)
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comment le design de service est-il apparu comme un outil à part entière de transformation des administrations ? Face à d’autres prestataires consultants, pourquoi le design serait une réponse et quelles compétences des designers sont attendues et exploitées ?
Ce mémoire est construit à partir d’une expérience de six mois en tant que designer de service au département de la modernisation: il s’agit d’une structure d’appui à la Secrétaire Générale, notamment sur les projets touchant au périmètre de la modernisation et de la relation à l’usager. Intégrer le ministère a nécessité un temps notable de compréhension et d’adaptation, afin de pouvoir identifier les différentes structures existantes au sein de l’Éducation nationale ainsi que leurs positionnements hiérarchiques, mais également pour comprendre et partager le langage et les acronymes.
1.2.1. Quand une nécessité de " penser l’usager " trouve son outil : point d’achoppement fertile entre design et administration.
Avant d’expliquer comment le marché design de service a été construit, il est important de comprendre comment sont organisés les ministères dans le système français. Les administrations civiles de l’État se composent, d’une part, d’administrations centrales et de services à compétence nationale, et d’autre part, de services déconcentrés, qui ont une compétence territoriale et assurent le relais au niveau local des décisions prises par l’administration centrale. L’administration centrale participe à l’élaboration des projets de loi et de décret, et préparent et mettent en œuvre les décisions du gouvernement et de chacun des ministres (décret du 1er juillet 1992).
28 Si les services déconcentrés présentent une plus grande proximité aux usagers, notamment par l’attribution de la gestion des services de proximité, l’administration centrale, dont les locaux sont majoritairement situés à Paris, exacerbe un sentiment de déconnexion avec la population.
Bien qu’il soit le maillon final de la chaîne, l’administré que constitue l’élève n’est pas directement représenté dans le travail quotidien des agents. À un niveau national, les chiffres clés de l’Éducation nationale montre bien l’ampleur du périmètre piloté par le ministère : à la rentrée 2016, on compte plus de 12 000 000 d’élèves (6 800 000 dans le premier degré – 5 600 000 dans le second degré) et 63 600 écoles et établissements scolaires (51 700 écoles, 7100 collèges et 4200 lycées et établissements régionaux d’enseignements adaptés). Ce vertige que peut provoquer le nombre d’établissements et d’élèves met en avant la question des limites de la « territorialisation du droit » : face à un principe historique et constitutionnel d’égalité, quelle différenciation territoriale de la règle est possible pour faire face aux besoins et moyens différents de chacun des établissements et des territoires ? (Zarca, 2015). Ce pilotage national et ce découpage des compétences avec les services déconcentrés fait de l’administration centrale une administration de conception de la norme :
Au niveau de l’administration centrale, les cadres et les agents travaillent à la conception de normes et à leurs cadres d’application, pour une mise en place rapide et
Très souvent, l’administration - en plus, l’administration centrale, [...] vous n’êtes pas dans une administration directe de service. On est dans une administration de conception. Et plus vous êtes dans une administration de conception, plus vous êtes un petit peu dans le théorique, effectivement.
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
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optimale dans l’ensemble des établissements français. Par exemple, pour le programme d’aide aux devoirs « Devoirs Faits » mis en place par le gouvernement Blanquer, le bureau des collèges pilote et pose le cadre national pour l’ensemble des 7 000 collèges, en terme de créneaux horaires, d’organisation des équipes, de management par le personnel de direction et l’inspection… Il s’agit alors moins de penser le parcours de l’élève qui participe aux séances d’aide aux devoirs que la mise en place « technico-pratique » du programme, en quelques mois seulement pour l’ensemble des établissements. Néanmoins, dans un contexte global encourageant l’administration à la bienveillance et la prise en compte de tous les maillons de la chaîne, agent comme bénéficiaire, on note une accélération politique récente sur le sujet : apparaît dans les discours politiques une nécessité forte de prendre en compte la voix de l’usager, dans la fabrique des politiques publiques et ce, même à un niveau national. Il ne s’agit plus seulement de moderniser l’appareil administratif pour pallier à ses lenteurs, mais il faut être à l’écoute des citoyens. Cette exhortation réside en deux plans: leur donner les moyens de faire part de leurs retours en aval des décisions politiques (procédures d’écoute usager, Grand Débat National avec cahier de doléances dans les mairies…) mais également de trouver un cadre nouveau pour la participation des citoyens à la construction des politiques publiques.
Cela coïncide avec quelque chose d’assez nouveau en interministériel, que moi j’appelle l’émergence de l’usager, qui est une espèce de révolution copernicienne pour le service public et qui est portée par la DITP. L’approche de la politique publique par l’usager me semble quelque chose de nouveau et d’extrêmement sain. Je pense que le sujet du design, c’est le lien avec l’usager.
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
30 Comme l’indique Laurent Crusson lors de notre échange, l’émergence de l’usager - qui doit trouver sa place dès la fabrique des politiques publiques - est un phénomène en accélération, avec un appui fort au sommet de l’État à travers la DITP. Peut en être témoin la circulaire du 5 juin 2019 écrite par le premier ministre Édouard Philippe : « toujours dans le souci de rapprocher les institutions de nos concitoyens, je vous donnerai prochainement mes orientations visant à mieux associer ces derniers aux phases de conception des politiques publiques et de suivi des réformes. D’ici là, je vous demande de me faire part de vos propositions de mesures concrètes en la matière, et ce pour le 15 juin. Une synthèse sera réalisée par la direction interministérielle de la transformation publique. » (Circulaire du 5 juin relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, 2019).
Avec cette volonté de prendre en compte l’usager dans la construction des services publics, on note au sein de l’administration la mise en place de nouveaux cadres et structures faisant intervenir des méthodes issues de la sociologie, du design thinking, de l’animation etc., pour collaborer différemment entre agents publics, mais aussi avec les bénéficiaires. Un changement de langage peut être également notable : si le terme de réunion est moins employé, celui « d’atelier » se développe.
Une mise en parallèle des attentes de l’administration centrale et des compétences des designers ont fait de ces dernières un outil pertinent à saisir au sein des MENJ et MESRI. Si l’on reprend la caractérisation du designer social par Alain Findeli, on note que le designer s’appuie sur « l’expérience des bénéficiaires, sur l’expertise d’usage et non seulement sur leur propre expertise de concepteurs. C’est pour cela qu’ils et elles mettent en œuvre des ateliers de co-conception (design participatif), où toutes les partie prenantes des projets, usagers compris, sont conviées aux phases de conception donc
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très en amont des projets » (Findeli, 2016).
C’est donc cette adéquation entre les besoins exprimés par les administrations – qui connaît aujourd’hui un fort portage politique – et les compétences des designers qui a mené à la mise en place d’un marché public de design de service. Les nouvelles « formes d’innovation publique » à une échelle nationale sont encore rares : les institutions concernées dans ces nouvelles formes de conduite de projet sont majoritairement des collectivités territoriales et assimilées. Sur 252 FIP répertoriées lors d’un essai de cartographie par Jean-Marc Weller et Frédérique Pallez en 2017, seules 25 ont été portées par des administrations centrales ou assimilées (Weller, Pallez, 2017). Le marché « design de service » des ministères MENJ et MESRI est donc précurseur dans sa mise en place et dans sa forme.
Il y avait à la fois ces besoins qui étaient exprimés - en face desquels les directions ne mettaient pas nécessairement d’elles-même la notion de design de service. Elles exprimaient un besoin en terme d’accompagnement, d’aide à la conception d’un service ou d’un outil, sans forcément mettre le design de service en face. Donc on avait ces besoins-là qui remontaient, on avait quelques approches qui avaient été un peu sporadiques et isolées - et là on allait plus concrètement et de façon plus consciente vers le design de service, mais encore une fois, sans que ce soit structuré. Et donc c’est à la jonction entre ces besoins-là, exprimés de façon un peu large sans forcément voir quel était l’outil qui permettait d’y répondre, et ces quelques expériences, qu’est apparu le fait d’avoir ce marché cadre un peu structuré, qui nous semblait pouvoir avoir une réelle plus-value par rapport aux attentes de certaines directions.
C. Géhin, 2019. Entretien semi dirigé le 30 juillet 2019, Paris.)
32 1.2.2. La mise en place du marché design de service aux MENJ et MESRI.
Depuis juin 2017, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation se sont dotés d’un marché public de prestation de design de service. Ce marché, mobilisable par l’ensemble des directions des deux ministères, a pour objet « la réalisation de prestations relatives à la mise en œuvre et à l’accompagnement de projets par le design de service. »
Ce marché est né d’une impulsion de la DELCOM (Délégation à la communication), qui élabore la politique d’information et de communication interne et externe du ministère de l’éducation nationale. Clélia Morali, déléguée à la communication, découvre en effet « l’extension du domaine du design » (Vial, 2015) et perçoit l’achoppement existant entre des projets menés par l’agence Sismo et des problématiques rencontrées dans le domaine public :
Les Sismo m’ont raconté ce qu’ils faisaient. J’ai trouvé ça très intéressant, car ils n’étaient plus dans du design de produit mais ils étaient rentrés dans des questions qui ressemblaient étrangement à des problématiques qu’on peut se poser nous, à l’intérieur de l’administration […] Cela résonnait très fort avec les problématiques que l’on se posait. Il y avait par exemple des sujets de plateformes d’innovation au sein d’un grand groupe de distribution, où la problématique était de savoir comment on incitait tous les salariés, dans tous les coins de la présence du territoire, à se servir de la plateforme d’innovation.
C. Morali, 2019. Entretien semi dirigé le 17 juillet 2019, Paris.)
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Les prestations sont attribuées en « tourniquet » à deux agences parisiennes, les Sismo et le groupement Coopaname (constitué notamment de l’agence Indivisibles). Aucun fond spécifique n’existe pour ce marché : ce sont les directions souhaitant faire appel aux designers qui règlent les prestataires, disposant parfois d’un appui financier du département de la modernisation.
Ce marché d’une durée de deux ans, renouvelable tacitement pour deux années supplémentaires, a trois objectifs, énoncés dans le cahier des charges réalisés en janvier 2017 :« - pouvoir intégrer très tôt dans le processus d’amélioration de services existants ou de conception de nouveaux services les approches centrées utilisateurs ;- concevoir et réaliser des services de manière agile et flexible, en passant par des phases de prototypage et d’expérimentation auprès des usagers finaux ;- accompagner et/ou assister les personnels à la mise en place du service repensé ou créé ainsi qu’à la pratique et à la diffusion de ces nouvelles méthodologies de travail. »
Il est important d’expliquer comment sont construits les marchés publics à bons de commande, afin de comprendre le cadre parfois limitant, voire frustrant, qui est imposé pour toutes les interventions des designers. Dans un premier temps, il faut noter que, dans les services publics, une prestation dont le coût est supérieur à 25 000€ nécessite l’ouverture d’un marché et au-delà de 90 000€, ce marché doit être communiqué publiquement et être accessible librement à tous candidats.
« Le Code des marchés public interdit d’inventer, à l’occasion d’une commande, une prestation dont les composants et la valeur n’ont pas déjà été décrites en amont, lors du lancement de la mise en concurrence. Ainsi, il faut que tous les processus de réalisation et les livrables aient été déjà décrits et dimensionnés dans le marché pour pouvoir commander. De cette règle découle
34 la notion des unités d’œuvre (UO) : les UO servent à décrire le contenu fin des prestations, dont la consistance est « pré-formatée » ou standardisée dans le marché. »
(Bertrandie, 2019).
Chaque UO permet alors de fixer un prix pour un livrable précis, résultant d’un processus de production, avec généralement un délai standard de réalisation. Le cadre de prestation est donc fixé en amont de toute commande, et chaque prestation des designers est construite par une association particulière d’UO.
Le marché public « design de service » des MENJ et MESRI, précurseur dans sa mise en place, a donc nécessité une véritable innovation dans sa construction par la mission des achats : en effet, la nature des prestations réalisées par les designers de service, ainsi que la méthodologie qu’ils proposent, appellent une adaptation des codes des marchés publics. Si on conçoit que la méthode du design de service implique une nécessité de se laisser surprendre par le livrable final, qui ne peut pas être entièrement prévu en amont du projet, le système d’UO doit alors être pensé pour laisser une marge de manœuvre aux prestataires de design, tout en restant dans la norme des marchés publics. Chaque structure répondant à l’appel d’offre a donc fait une proposition d’accompagnement décrivant chacune des étapes de travail de leurs équipes, qui sera par la suite discutée avec les agents de l’administration.
Par exemple, l’UO2.1.3 « conception, animation et organisation d’une séance/atelier de créativité et de co-création pour des groupes de participants de taille moyenne (9 - 15 personnes) » fixe un livrable précis qui est un « support / rapport de synthèse restituant d’une part le fil rouge de la phase d’idéation et livrant les principaux résultats ».
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1.2.3. Une structure intermédiaire : le département de la modernisation
Pour s’assurer d’un usage efficace de ce marché, le département de la modernisation, rattaché au Secrétariat Général, a reçu pour mission d’accompagner les services de l’administration centrale dans la commande des prestations et d’en suivre l’exécution. Suite à sa mise en place, le département de la modernisation a exprimé la volonté de faire appel à un-e stagiaire pour réaliser un suivi du marché et un retour d’expérience, mais également pour participer à la diffusion de la « culture design » au sein de l’administration. C’est dans ce cadre que ce mémoire a pu être réalisé.
Une action forte d’intermédiation et de diffusion de nouvelles pratiques est menée par le département de la modernisation. En effet, notamment à travers un séminaire annuel intitulé « Modernisation, Innover, Transformer » (MIT), l’équipe du département propose aux agents de travailler de manière transversale et collective, en offrant un format plutôt décalé par rapport aux organisations habituelles d’événements de ce type. Par exemple, le séminaire organisé le 16 mai 2019 était divisé en deux temps, pour une centaine de participants (responsables académiques, inspecteurs…). La matinée se structurait principalement autour d’une exposition, réalisée à partir d’une analyse « socio-design » par l’agence Indivisible. Présentant un retour brut des familles et des enseignants touchés par la problématique de l’école inclusive, l’exposition contre-carrait les codes des séminaires professionnels où l’information est délivrée « du haut ». L’après midi, un «world café » était animé par l’équipe : issu de méthodes d’animation dites innovantes, il s’agit d’un processus où des équipes viennent traiter des problématiques les unes après les autres, sur un temps court, en s’appuyant sur la connaissance partagée sur cette thématique par le groupe précédent. Il s’agit d’un moyen de permettre un partage d’expérience et d’idées,
36 en favorisant l’émulation par un temps court accordé à chaque problématique.
Ainsi, au cours des entretiens que je mènerais, plusieurs décideurs publics font part de leur découverte des méthodes du design de service par l’intermédiaire du département et de son chef, Laurent Pellen.
Le département de la modernisation joue également un rôle clé dans le déclenchement des prestations : du côté de l’administration, il s’assure que la demande et les besoins des services qui se manifestent soient clairement formulés et pertinents dans le cadre de ce marché. Du côté des agences de design, il assure le déclenchement des bons de commande, et un suivi régulier des prestations et de leur qualité : en effet, dans le cadre d’un marché public, qui assure un recours automatique à des prestataires nommés pendant deux années, une vigilance est nécessaire pour s’assurer d’une qualité toujours optimale des prestations.
Une réflexion est également menée au sein du département sur les activités de communication et sur un travail d’essaimage à l’intérieur de l’administration : le département souhaite faire un travail de diffusion de la démarche et des résultats déjà obtenus via le marché design de service, mais se confronte une difficulté majeure de temps. Cette observation, par le chef du département d’un manque de partage et de capitalisation sur les interventions déjà menées, fera l’objet de discussions pendant le stage sur la forme possible d’un document diffusable aux agents.
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On observe donc une exhortation à voir l’administration se transformer, et une accélération récente de cette injonction dans les discours politiques : en donnant un rôle-clé aux décideurs publics pour diffuser de nouvelles pratiques dans la fabrique des politiques publiques, on peut alors se questionner sur la manière dont ils se sont déjà saisis du design de service. Le ministère de l’Éducation nationale, par l’existence de son marché spécifique, constitue donc un terrain d’analyse privilégié.
Au delà du discours politique appelant à transformer les pratiques de l’administration, je me suis interrogée sur l’usage actuel qui pouvait être fait du design de service au sein de l’administration centrale : à quel moment le designer est-il invité à réaliser une prestation d’accompagnement ? Dans quelle mesure peut-il être une vitrine « modernisante » ou « usager-centrée » pour le pouvoir publique en place ? Quelles attitudes ont les décideurs publics, de manière spontanée mais aussi structurée, face au design de service ? Dans quelle mesure le design est-il victime d’une instrumentalisation de l’administration?
Au sein de la structure intermédiaire qu’est le département de la modernisation, mon stage a été l’occasion d’observer plusieurs prestations réalisées par les agences mandatées par le marché, d’échanger avec les agents de la centrale au quotidien sur leurs pratiques et d’interroger des décideurs publics sur leurs définitions et leurs attentes face au design de service. C’est le fruit de ces observations et de ces interrogations que je présenterai dans un second chapitre.
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Perceptions et usages du design de serviceau sein des ministères de l’Éducationnationale et de la Jeunesse, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
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La mise en place d’un marché ne présume pas de l’usage qui en sera fait, ni des services qui chercheront à y faire appel. Après avoir posé dans le premier chapitre le contexte général et ses enjeux sociétaux et politiques, ce second chapitre a pour objectif d’analyser la manière dont l’administration du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur s’est emparé du design de service : au-delà du discours politique, quel type de prestations ont été déclenchées, et dans quel but ?
Si la littérature a pu étudier la manière dont les agents ont transformé leurs pratiques professionnelles, une fois confrontés au design, ce mémoire prend le parti de se focaliser sur le discours et les pratiques des décideurs publics. Leur mobilisation du design de service peut logiquement être teintée d’intérêts politiques ou managériaux, au-delà même de leurs convictions profondes. Cette partie se concentrera dans un premier temps sur les a-priori et les imaginaires mobilisés par les décideurs publics lorsque l’on parle pour la première fois de design de service, puis sur la représentation qu’ils en construisent. Dans un second temps, il s’agira d’expliciter la plus-value perçue par les décideurs publics de l’intervention des designers, tout en présentant en contrepoint la manière dont les designers souhaitent exercer leur profession.
40 Cette analyse a pu être réalisée à partir de différents matériaux recueillis entre février et juillet 2019 : • l’observation des activités du département de la modernisation, tout en réalisant des prestations d’appui au sein du Secrétariat Général et en partenariat avec d’autres bureaux de l’administration centrale de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur (DGESCO)• l’observation d’interventions réalisées par les deux agences de design missionnées par le marché « design de service » (les Sismo et Coopaname). • le suivi et l’analyse du marché « design de service » et de ses livrables.• la réalisation d’entretiens semi dirigés, avec des acteurs de l’écosystème « innovation publique » et des hauts cadres de l’Éducation nationale.
L’ensemble de ces données qualitatives ont pour objectif de mieux cerner l’usage fait du design au sein d’une administration centrale et ce qui en fait ses particularités : les limites, les freins potentiels, la plus-value perçue… Il s’agit alors de confronter les définitions du design de service produites par les designers (leurs attentes lorsqu’ils interviennent au sein de la sphère publique, les compétences dont ils disposent…) ainsi que par les théoriciens du design, et les représentations construites par les décideurs publics confrontés à ces prestations.
2.1. La démarche de design de service.
2.1.1. Évolution de la discipline.
Depuis une vingtaine d’années, avec un affranchissement de l’industrie et de la société de consommation, on observe une redéfinition du design par les designers eux-même, dont les compétences
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et le positionnement au cours des projets évoluent. On assiste à une « véritable extension du domaine du design, qui est à la fois un élargissement des pratiques et, corrélativement, une dilatation de la notion. » (Vial, 2017). Ainsi, en parallèle du design industriel, de nouvelles prestations se développent, proposant une méthodologie différente ou intervenant, par exemple, dans des lieux auxquels les designers n’avaient auparavant pas accès (milieu hospitalier, service public…).
Si une approche centrée sur l’usager n’est pas nouvelle – Charlotte Perriand (1903-1999) disait elle même que « dans le design, ce qui est important, ce n’est pas l’objet, c’est l’homme. » - on observe que l’attention des designers passe dans ces disciplines émergentes (design d’interaction, design social, design participatif, design de service etc.) de l’objet dans son esthétique et son rapport au corps, à l’usager dans un processus et un parcours. Selon le modèle de l’éclipse de l’objet (Findeli, Bousbaci, 2005), présenté par Stéphane Vial dans son ouvrage Le design, on note une évolution de la pratique du projet en design en amont et en aval, c’est à dire au niveau de la conception mais aussi corrélativement de la réception. En effet, en amont, on observe un passage d’une « pratique centrée sur l’objet » vers une pratique « centrée sur les acteurs ». En aval, l’intérêt glisse des objets aux expériences. L’objet en tant que tel ne disparaît pas, mais un changement de focale s’effectue pour les designers : il devient secondaire « au sein d’une expérience au service des acteurs ». De plus, le designer ne conçoit plus uniquement des objets ou des espaces, mais également des services intangibles, et s’interroge sur tous les points de contact qui existent entre un individu et le service auquel il est confronté.
Dans le cadre du marché public de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, c’est aux « designers de service » qu’ont choisi de faire appel ces deux ministères. Face à une multiplication et à une
42 complexification des compétences des designers, il est nécessaire de saisir comment se présentent les designers de service, quelles définitions ils tentent de poser de leurs pratiques, et quelles sont leurs spécificités face à d’autres types d’accompagnement.
En effet, une multiplication des prestations et des prestataires – le marché du design a également vu l’apparition d’entreprises de conseil intégrant des laboratoires d’innovation ou des équipes de design thinking dans leur interventions - peut être déconcertante pour des agents ne travaillant pas dans ce domaine. La « dilatation de la notion » de design (Vial, 2017) peut entraîner un sentiment d’indéfinition ou de flou pour la population, et ce premier temps a pour objectif de définir ce que recouvre le design de service, selon les praticiens et les théoriciens de la discipline.
2.1.2. Redéfinition des compétences
Cette première partie a donc pour objectif de préciser les composantes importantes de la démarche mise en place dans les projets (Martin, 2018), qui viennent façonner les représentations professionnelles des designers, ainsi que les compétences mobilisées et mobilisables dans ces différentes phases de travail.
Bien qu’aucune définition unique et définitive du design n’existe, comme l’explique l’Alliance Française des Designers en avant propos sur son site internet, nous allons tenter néanmoins de poser quelques caractéristiques-clé partagées par les designers de service et leurs théoriciens. Ces définitions sont particularisées par les spécificités de chacune des agences exerçant sur le marché du design, mais des étapes, outils et composantes communes des prestations peuvent être donnés, sans en faire un modèle absolu.
Pour Birgit Mager, professeure de design de
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service à la Köln International School Of Design et fondatrice du Service Design Network, « le design de service a pour objectif de concevoir des services qui soient utiles, utilisables et désirables du point de vue des usagers•utilisateurs et efficaces, performants et différenciant du point de vue des fournisseurs4 » (Mager, Sung, 2011). Cette définition est reprise par l’agence ÉtangeOrdinaire sur son site internet, et sera également utilisée par le groupement Coopaname dans leur mémoire technique en réponse à l’appel d’offre public de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Cette réutilisation par des praticiens du design, intervenant notamment dans le domaine public, laisse penser qu’il s’agit d’une définition partagée et, en tout cas, dans notre cas, analysable.
Cette définition met en exergue deux points de vue pris en compte par les designers dans la conception globale d’un service : celui de « l’usager » final, avec une attention particulière portée sur la facilité et la praticité d’usage et celui du « fournisseur », pour lequel la performance et l’efficacité sont centrales. Dans le cas de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, il s’agit de prendre en compte à la fois la compréhension et la facilité d’usage des services par les élèves et leurs familles, mais aussi la nécessité d’efficacité et de simplification du travail des agents. Afin d’assurer la bonne réception du projet par les usagers et par les fournisseurs, les designers de service s’appuient sur l’expérience des bénéficiaires, sur l’expertise d’usage et non seulement sur leur propre expertise de concepteurs. (Findeli, 2016). Ils s’entourent alors des différentes prenantes de l’écosystème dans lequel ils réalisent leur projet dans des moments de co-conception, et peuvent également travailler en équipe pluridisciplinaire (faisant intervenir des sociologues, des facilitateurs…). Ces composantes participatives
« Service design aims at designing services that are useful, usable and desirable from the user perspective, and efficient, effective and different from the provider perspective ».
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44 et pluridisciplinaires des prestations permettent de recueillir de manière fine les besoins et les attentes des usagers sur le terrain, pour œuvrer à la mise en place de service les plus efficaces et satisfaisants possibles pour ceux qui en feront l’usage. Réalisant des aller-retours permanents entre les attentes des usagers, et les réalités des « fournisseurs », les designers de service se positionnent alors à un rôle de médiateur, pour faire face à des « situations d’incertitude. » (Findeli, 2016)
Si des éléments comme l’interdisciplinarité, les démarches participatives ou les capacités de médiation sont mis en avant par les designers, certains moments-clé de réflexivité au cours du projet, faisant appel à des compétences qui leur sont propres ou qui peuvent être partagées avec d’autres corps de métier, sont également à mettre en avant. Cette démarche globale de projet, présentant de grandes étapes par lesquels passent généralement les designers, est souvent représentée graphiquement sur les sites des agences ou dans les dossiers d’appel d’offre. La représentation la plus commune et reprise régulièrement dans la littérature, est celle imaginée par le UK Design Council en 2005 : le modèle du double diamant.
Un point d’attention doit tout de suite être noté par le lecteur : si le modèle en double diamant peut permettre de comprendre les grandes étapes du travail du designer, il ne s’agit en aucun cas d’une méthode réplicable et applicable pour tous les projets. Ce modèle synthétise des temps redondants dans les projets des designers, mais chaque étape peut être reproduite, modifiée, voire supprimée, et il ne s’agit en aucun cas d’un modèle absolu. Chaque moment et chaque outil de la démarche sera construit en fonction des contextes, des contraintes de temps, des contraintes financières… ainsi que des réalités du projet et de ses acteurs.
Les designers eux-même mettent aujourd’hui en garde
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contre le risque d’une simplification réductrice du design de service comme boîte à outils ou comme méthode unique (Foucher, 2017). Ainsi, plutôt que de présenter en détail le modèle du double diamant, cette partie fait le choix de se concentrer sur les composantes mises en avant par les designers de service (et pour lesquels ils ont été formés dans leurs écoles) et sur les compétences qui en découlent.
Chaque designer possède sa propre définition du design et le pratique avec son bagage propre et ses singularités. Nous mettrons alors en avant dans ce mémoire cinq temps pouvant exister dans le travail des designers de service ; cette liste ne vise pas l’exhaustivité et ne prétend pas donner une définition absolue de la discipline, mais plutôt d’offrir des éléments de repères pour un lecteur novice.
2.1.2.1 Requestionner et faire un pas de coté Lors d’un entretien semi-dirigé réalisé le 4 Juillet 2019 à Paris, Nicolas Journo, designer à la DITP, met en exergue le changement de perspective induit par l’arrivée d’un designer au sein d’un projet, lorsque ce dernier réceptionne la commande et requestionne la forme, les moyens et la finalité d’un cahier des charges produit par le client :
Si on parle de dessiner une chaise, un designer va venir et dire " pourquoi tu veux t’asseoir, que veux tu faire en t’asseyant, as-tu vraiment besoin de t’asseoir ? " C’est poser des questions comme ça, qui remontent à l’origine du problème pour se rendre compte que les gens n’avaient pas besoin de s’asseoir, mais de partager sur un sujet, et peut-être qu’il y a un moyen autre de partager qu’en étant assis.
N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
46La présentation de cette posture du designer sera également faite par Laurent Pellen, chef du département de la modernisation, lors de la journée d’animation du réseau des référents académiques Devoirs faits, le 20 mars 2019. Il illustrera ce point par une infographie produite par l’agence de design les Sismo. Dans cet exemple, il est demandé au designer de dessiner un pont : un questionnement sur l’objectif recherché par la création de ce pont, qui est de pouvoir traverser la rivière, est ouvert, pour étudier si d’autres moyens peuvent présenter plus de pertinence, comme un bateau ou un avion. L’agence conclue que « l’important est de s’interroger sur la bonne manière de traverser la rivière plutôt que de se lancer tête baissée dans le dessin d’un joli pont ».
Cette capacité à réaliser un pas de coté face à la commande semble donc acceptée et partagée à la fois par les équipes de designers travaillant dans le service public, mais aussi par la structure pivot qu’est le département de la modernisation. Néanmoins, pour initier cette posture, le designer doit convaincre le commanditaire de se laisser surprendre.
2.1.2.2. S’immerger pour observer et comprendre les besoins.
Afin de saisir précisément les besoins des usagers, les designers de service s’immergent sur le terrain, avec des durées et des modalités d’interventions variables. L’immersion peut en effet être ponctuelle (quelques heures au sein d’un service) mais peut également s’étaler sur plusieurs jours voire semaines, si le projet nécessite d’être attentif à des pratiques et des usages plus fugaces. Les designers peuvent alors intervenir sous forme d’observation participante, mener des entretiens, ou s’imposer une position unique d’observateur extérieur. L’objectif de ces immersions est de comprendre les besoins des usagers, mais également
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de saisir des usages ou des réappropriations fertiles déjà mis en place. Une exigence d’empathie est centrale, pour s’enrichir sans jugement des données du terrain.
Ces compétences de lecture et d’analyse d’un terrain ne sont pas propres aux designers : ils s’inspirent dans leurs pratiques de disciplines comme la sociologie et l’ethnographie, voire même collaborent avec eux au cours de leur projet. Néanmoins, c’est le médium utilisé et produit par le designer qui semble en faire sa spécificité. En effet, le langage figuratif est préféré et maîtrisé : que ce soient des documents de travail en cours d’immersion (schéma, croquis…) ou de livrables plus aboutis à la fin de cette phase (diagramme, photomontages, écosystème…), le design « apporte la maîtrise d’outils de représentation nécessaires pour aider une pluralité d’acteurs à se figurer des idées, notamment des idées ressenties comme inédites, puis à y réagir. » (Pellerin, Coirié, 2017).L’immersion réalisée par les designers de service a alors deux objectifs : comprendre les besoins et le terrain, et en produire une synthèse visuelle facilitant la confrontation et la discussion.
2.1.2.3. Multiplier les expertises, par l’interdisciplinarité et la collaboration.
Suite à la phase d’immersion, la conception est un moment d’échange et de croisement des expertises pour le designer de service. La logique de projet des designers s’appuie en effet sur l’expérience des bénéficiaires, qu’ils recueillent notamment par des ateliers de co-conception (Findeli, 2016). L’objectif est alors de pouvoir réunir bénéficiaire et commanditaire, afin de trouver un point de rencontre entre leurs besoins respectifs.
Les designers construisent alors une « panoplie d’outils permettant à tous les acteurs de contribuer, selon leur regard et leurs compétences propres, à la réalisation du projet » (Findeli, 2016) : si de grandes familles
48 d’outils sont régulièrement utilisées (personae, parcours utilisateurs, etc.), chaque contexte de projet présente ses spécificités propres, qui obligent à une réadaptation voire à une réinvention des outils. Au delà de compétences d’animation, qui ne leur sont pas spécifiques, c’est la capacité à donner forme à des outils pour accompagner et favoriser la discussion, mais aussi pour synthétiser et analyser les propositions de participants qui donne valeur aux interventions des designers. Un temps de requestionnent des idées issues des moments collaboratifs, par le prisme de la culture spécifique du designer, vient alors donner toute sa force aux propositions produites collectivement. La culture de travail horizontale et collective se confronte parfois à la réalité hiérarchique des structures au sein de l’administration, mais le statut de prestataire extérieur permet néanmoins une mobilisation collective des agents plus importante.
2.1.2.4. Donner forme.
L’ensemble des étapes d’analyse et d’immersion sur le terrain ont pour finalité la mise en forme d’un artefact, quel que soit sa nature. En effet, « le domaine privilégié des designers est celui de la forme » (Findeli, 2016). A partir des contraintes économiques, sociétales, techniques etc. ainsi que de l’analyse des besoins des usagers, le travail du designer (quelque soit sa spécialité) consiste à donner forme à un concept, à rendre visible et lisible des idées. Différents degrés de mise en forme existent tout au long du projet : avant de donner naissance à une forme définitive (site internet, produit, espace, service…), le designer utilise une multitude de formes intermédiaires, comme objet de travail pour avancer dans sa réflexion personnelle, ou objet de communication pour discuter avec les porteurs de projet. Dans des structures où la norme de communication est textuelle, comme l’administration publique, les outils de visualisation sont particulièrement appréciés et fédérateurs.
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C’est à cette compétence du « faire », par le maniement d’outils graphiques, mais aussi de machines, et par des connaissances techniques (matériaux, procédés de fabrication…) que le designer est majoritairement formé au cours de sa scolarité.
2.1.2.5. Expérimenter de manière itérative.
Le design de service repose sur une logique d’expérimentation, afin de tester rapidement les intuitions sur le terrain et de garantir une forme optimale. Cette expérimentation peut prendre des formes variées au cours du projet : maquette numérique ou physique, prototype échelle 1…. La conception par expérimentation et prototypage permet alors de construire la solution par itérations, afin de ne pas produire un objet final qui se révèle finalement inadapté au terrain. Grâce à la validation progressive par les usagers, l’expérimentation cherche à garantir une forme plus adaptée à leurs besoins.
Ces différentes composantes du design de service sont associées de manière totale ou partielle pour mener de bout en bout un projet et accompagner des équipes lors de prestations, selon les besoins. Il est important de comprendre qu’il s’agit de connaissances et de compétences qui ont été transmises tout au long de la formation des designers, et selon leur parcours : enseignées et incorporées pendant les années d’études, ces composantes façonnent les représentations professionnelles qu’on les designers de leur métier. La confrontation à l’altérité ou à une autre culture professionnelle, peut alors donner lieu à des questionnements individuels, mais aussi à des moments de re-définition de la pratique. Mon expérience de stage au sein du Secrétariat Général a en effet été à l’origine de nombreuses remises en question professionnelles sur ma pratique, et sur la possibilité ou la potentialité d’un
50 impact des designers de service, dans le cadre restreint qui leur est offert en administration centrale.
Si la volonté d’intégrer et de transformer les services publics est un souhait qui s’exprime du coté de nouveaux profils de designer, animés par une volonté d’améliorer « l’habitabilité du monde » (Findeli, 2015), la confrontation aux codes et aux réalités de l’administration est déstabilisante ou frustrante. Ce sentiment de ne pas « faire son travail de designer » dans toutes les facettes que l’on nous a enseigné, que j’ai pû ressentir pendant mon stage, fut partagé par les autres designers avec lesquels j’ai pu échanger. Cette expérience et ces ressentis partagés m’ont alors poussé à m’interroger plus en détail sur les raisons menant les décideurs dans les organisations publiques à faire appel aux designers de service. Il me semblait alors nécessaire de confronter les représentations professionnelles qui m’avaient été transmises au cours de ma scolarité – à l’origine de ma frustration et de mes doutes – à la réalité du cadre offert en administration centrale.
Par comparaison aux représentations construites par les designers eux-même, quelles définitions du design de service se sont forgés les décideurs publics ? Pourquoi font-ils appel aux designers, et dans quelle mesure ces attentes conditionnent-elles les compétences que les designers vont pouvoir mobiliser ? Les designers ont-ils la liberté de mettre en œuvre toutes leurs compétences au sein de la structure ?
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2.2. Réactions spontanées et représentations construites des décideurs publics face au design.
Une fois l’acculturation faite et les problématiques de ce mémoire précisées, dix-neuf entretiens ont été menés, dont douze avec des agents de l’administration centrale : ces interviews m’ont permis d’interroger des cadres d’administration publique, majoritairement haut placés hiérarchiquement et disposant d’un pouvoir décisionnaire, mais aussi avec des membres de « l’écosystème innovation » travaillant sur de nouvelles manière de faire dans les administrations, et des designers exerçant dans la sphère publique (annexe 1). La liste des entretiens à effectuer a été construite en discussion avec le chef du département, Laurent Pellen, afin de rencontrer des décideurs publics ayant été confrontés au design de service, mais également d’en interroger un nombre réduit n’ayant qu’une définition lointaine et floue. Menés sous une forme semi-dirigée, ces échanges, d’une durée moyenne d’une heure, m’ont permis d’aborder les motivations et/ou les freins relatifs au recours à des designers en appui de projets des ministères, ainsi que les conditions de réussite ou facteurs d’échec - culturels, politiques, humains – de ces missions.
Lorsque des agents avait directement observé ou déclenché des prestations de design de service, un retour d’expérience leur était demandé. Ces entretiens ont permis de confronter les représentations professionnelles d’une jeune designer de service aux définitions construites par des cadres du service public, dont les cultures sont particulièrement éloignées. Ces entretiens ont été réalisés en juillet 2019, soit à la fin du stage, et sont donc nourris des observations et expériences menées pendant cinq mois.
52Comprendre comment le design intègre l’administration, c’est aussi comprendre quels imaginaires les décideurs publics ont pu mobiliser autour de la discipline, et quelles sont les représentations spontanées qui viennent faciliter ou entraver les prestations.
2.2.1. Une méfiance a priori.
L’apparition du design de service en administration centrale est à replacer dans une histoire plus longue des méthodes managériales : face à l’injonction à l’innovation qui pousse de plus en plus fortement l’administration à se transformer, les décideurs publics sont particulièrement exposés à un panel mouvant d’outils ou de méthodes, proposés pour garantir une plus grande efficience.
En effet, à partir des années 80, des principes et des discours qualifiés de « managériaux », initialement façonnés par et pour le monde de l’entreprise, font leur entrée dans des espaces politiques comme les administrations centrales des ministères. Pour Cécile Robert, dans son article " les transformations managériales des activités politiques ", les références à ces savoirs-faire managériaux ont été importées comme un label, « tantôt convoqué pour attester d’un rapprochement [...] avec le monde de l’entreprise, mais également saisi comme le signe du changement, garant de la modernité de ceux qui s’en réclament. » Ces méthodes managériales sont mises en avant comme des « emblèmes du renouveau » : « dans les administrations centrales des ministères, le management est mobilisé, via l’utilisation médiatisée d’outils et de méthodes censés en relever, pour attester de la volonté réformatrice des équipes en place, et de leur modernité. » (Robert, 2007). Ainsi, ces méthodes et outils, portés par des cabinets de conseil extérieurs ou des leaders politiques convertis au management, ont déjà été testés et vendus comme des recettes, sans forcément obtenir les effets escomptés au
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cœur de l’administration (Jouen, 2009). Ces méthodes « magiques » n’ont pas nécessairement fait leurs preuves aux regards des attentes des décideurs publics, qui se montrent alors d’autant plus sceptiques face à de nouvelles propositions.
En repositionnant l’arrivée du design en administration dans cette histoire politique et managériale, la discipline apparaît à première vue pour les décideurs publics comme un outil de plus, telle la méthode agile, le lean et une multitude d’autres… L’intégration du design dans les politiques publiques n’est alors pas accompagnée d’une vague positive facilitant son implémentation, mais plutôt d’un doute lié au faible impact des précédentes méthodes.
Depuis 30 ans, on se dit que dans l’administration, ce n’est pas bon, dans le privé c’est mieux… alors qu’est ce qu’on a fait ? On apporte les méthodes du consulting, et je ne suis pas du tout convaincu. Et puis là arrive le design - et très honnêtement, je vois arriver le design de service, et je me suis dit, bon allez, c’est la nouvelle mode… L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
Je sais que ça a existé [les prestations en design de service] mais je ne sais pas ce que ça a apporté. - De manière instinctive, avez-vous des doutes ? - Je me méfie toujours des concepts à la mode. En général, c’est une espèce de réaction, un peu de protection sans doute. [...] Par définition, si c’est la mode, c’est que ça passe.- Et si je vous parle de modernisation, ça vous parle plus ?- Ah, oui. Et encore, je me méfie toujours. La modernisation, ce n’est pas un objectif en soi. Quel est l’objectif final, le but final ? Si c’est moderniser pour moderniser, si on a pas un objectif derrière...
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Le design est initialement plutôt associé à un vernis à la mode, qui pourrait venir étoffer le champ sémantique et les éléments de langage des politiques, dans le cadre des réformes de la transformation de l’État. S’il peut être un outil à mobiliser par les décideurs publics, ces derniers doivent d’abord savoir dans quel but, et pour résoudre quels défis de l’administration. On observe alors un double mouvement de méfiance chez les décideurs publics interrogés pendant mes entretiens : à la fois une méfiance face au design de service qui pourrait être une méthode à la mode de plus, mais aussi une méfiance plus générale face à l’innovation et son injonction dans les discours, où le design pourrait être complice.
En effet, on note l’importance prise par les activités relevant de la communication et de la médiatisation dans le champ politique en général, et plus précisément dans les cabinets ministériels (Ollivier-Yaniv, 2011). Ainsi, au sein de l’ensemble lexical lié à la modernisation et à la transformation de l’État, on peut observer l’apparition du design de service, notamment dans le travail interministériel mené par la DITP ou dans les laboratoires d’innovation. En l’absence de confrontation réelle avec le travail des designers de service, un doute s’exprime a priori sur l’existence d’un impact du design au-delà du discours politique et du « verbiage » qui est produit.
Ce qui me gène avec le mot design, c’est la confusion de la finalité et de l’outil. [...] Le problème pour des non-sachant, comme moi, ou des utilisateurs potentiels de design, c’est que du
[…] Vous voyez, je ne me dis pas, " il faut moderniser ou il faut changer ", s’il faut changer, qu’est ce qu’il va pas et pourquoi on change ? Je me méfie des choses qui sont plaquées sans qu’on en connaisse bien les tenants et les aboutissants.
(P. Moya, 2019. Entretien semi dirigé le 24 juillet 2019, Paris.)
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Au cours de notre entretien, Laurent Crusson met de nouveau en avant le risque de performativité dans l’usage du design de service. Cette méfiance initiale est donc partagée par plusieurs agents interrogés, et vient façonner leur attitude face aux designers de service. Cette méfiance est assez marquée en administration centrale : l’usage d’un nouvel outil doit servir une finalité précise et explicite, dans un objectif de rigueur intellectuelle très lisible.
Le risque de l’effet de mode semble d’autant plus important dans notre cas que les agents de l’administration ne comprennent pas ce qu’est le design de service, et construisent leur définition initiale à partir d’une vision populaire.
J’avais déjà entendu parlé du design thinking, […] pour moi, c’est le truc à la mode de cabinets de consultants qui fleurissent, je n’avais pas compris exactement ce que c’était ; je trouve que la façon dont c’est expliqué n’est pas très claire, on mélange des méthodes conceptuelles et pratiques. […] Pour moi, ça restait flou, et même toujours d’ailleurs.[...] Par exemple, je vois la façon dont c’est caricaturé [...] Et bon, voilà, on parle de post it… moi par exemple, j’avais déjà fait metaplan […] Après, tu peux faire pleins de choses avec des post it, mais je pense que c’est eux au début qui se sont développés, et je suis pas sûre qu’il y ait beaucoup de rapport avec le design.(C. Kerenfle’ch, 2019. Entretien semi dirigé le 11 juillet 2019,
Paris.)
coup on leur dit, parce que justement on est dans le monde performatif, ‘’ah, il faut faire moderne, il faut faire du design’’. Mais concrètement pourquoi faire ?
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
56 Au delà de la caricature des « ateliers post-it », les décideurs publics peinent à construire une définition stable du design de service. On notera quand même que la stabilité de la définition n’est pas existente non plus du coté des designers, avec une évolution permanente de la discipline (§ 2.1.1). Avant d’être confrontés dans leur vie professionnelle au pilotage de projets faisant intervenir des designers de service, les décideurs publics ne partagent donc pas de définition commune, qui pourrait être propre à l’administration. Des préconceptions répandues dans la doxa leur permettent de produire une représentation assez floue de ce que recouvre la discipline.
En effet, la notion de design sera associée pendant les entretiens à d’autres imaginaires, bien loin de l’administration publique et du design de service, mais plutôt liés à une vision historique et populaire de la discipline : on pourra noter des références à Philippe Starck ou au design industriel ainsi qu’au design d’objet. De même, le mobilier danois ou le travail de la firme IKEA seront évoqués. Cette première image qui se construit dans l’esprit des agents – celle du design comme discipline du beau, de l’esthétique, dont le travail se limiterait à la production de mobilier – entraîne une difficulté évidente pour envisager quelconque forme d’intervention des designers dans les administrations publiques.
Le design, pour être totalement transparent avec vous, jusqu’à l’année dernière, donc mon arrivée sur ce poste, c’est pour moi un terme qui se limitait au mobilier. Et d’ailleurs, avec une certaine confusion, je pense, avec la notion d’esthétique. [...] C’est à ce moment-là que je vois Laurent [Pellen] qui me parle de marché de design de service. Et là, je n’ai pas fait le lien intuitivement, je n’ai pas compris pour être très honnête. Je me suis dit "qu’est ce que ça vient faire là ?". J’étais encore avec ma conception du
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Lors de leur première confrontation avec le design de service dans leur vie professionnelle, les décideurs publics se retrouvent alors face à leurs propres incompréhensions : si le design évoque dans la doxa une discipline du beau et de l’esthétique, que vient-elle faire en administration centrale ? Même si le département de la modernisation cherche à expliciter le travail des designers lorsqu’il en a l’occasion, il s’agit d’une petite structure, qui ne peut pas prendre en charge toute l’activité de communication.
Ainsi, avec une première lecture des réactions spontanées des décideurs publics, on note tout d’abord une réaction de méfiance, liée à une histoire récente de l’administration mais aussi à une rigueur méthodologique des personnels hiérarchiques. Il ne s’agit pas d’un rejet – plusieurs interrogés l’ont bien mentionné – mais plutôt d’une position neutre, se tenant néanmoins en garde face à risque de performativité des interventions. De plus, en se constituant une définition immédiate du design comme discipline de l’esthétique, à cause d’a priori sociétaux, une incompréhension est notable lorsqu’ils entendent parler pour la première fois de design de service en administration.
2.2.2. Une absence dérangeante de définition et glossaire des pratiques.
Qu’il s’agisse de fonctionnaires ayant déjà été en contact avec les agences de design, ou entièrement inexpérimentés, aucun des acteurs interrogés ne fait part d’une définition précise du design de service, que l’on
mobilier danois et des casques audio. "C’est quoi le rapport ?" Parce qu’effectivement, je me dis et je pense que je suis représentatif du français moyen là dessus, le design, c’est ce qui est joli.
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
58 serait venu leur transmettre ou sur laquelle ils peuvent communiquer. On note notamment, en observant la syntaxe pendant les entretiens, des doutes permanents exprimés sur la justesse de leur propos, lorsqu’il leur est demandé de définir le design de service ( " si ma définition est bonne ", " je ne sais pas si ce que je dis est vrai... " ). Des précautions orales seront toujours formulées lors des entretiens.
Les décideurs publics ne détiennent donc pas de définition claire du design de service, ni de glossaire des pratiques, ce qui peut alors mener facilement à une confusion entre des compétences : quelle différence avec un graphiste ? Un designer ? Un communicant ?
Tous les décideurs interrogés feront part d’un manque manifeste d’explicitation et de vulgarisation du métier de designer de service et de ses compétences. Ce manque est présenté unanimement à la fois comme une difficulté importante et comme un enjeu majeur pour la discipline. Cette incompréhension peut devenir un frein, notamment s’il est couplé à la méfiance initiale (§2.2.1). Avec une rigueur méthodologique et quasi scientifique, observable chez les fonctionnaires interrogés, ils expriment la nécessité de comprendre l’outil et ses potentialités, avant d’envisager toute prestation.
En tant que personne qui doit décider, je ne sais pas quelle est ma palette : j’aimerais bien savoir ce que je peux faire, et en face, le temps… un espèce de
Pour le coup, je trouve que c’est un bel outil, mais quand on est pas praticien, personne ne vous explique. C’est comme donner une boîte de mécano sans le mode d’emploi. Et je trouve que ce n’est pas évident, en tout cas, ce n’est pas intuitif.[…] il y a des a-priori sociétaux, le design, c’est ce qui est joli.
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
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En tant que personnel hiérarchique et donc disposant d’un pouvoir décisionnaire, ces agents ont une responsabilité lors du déclenchement d’une prestation : ils doivent s’assurer qu’ils font appel aux meilleurs outils et aux prestataires disposant des meilleures compétences, selon les exigences financières, temporelles et contextuelles du projet.
Disposer d’une vue globale sur les compétences de chacun est d’autant plus difficile qu’on observe un accroissement du nombre d’acteurs et de structures destinés à l’innovation ou à la transformation de la structure publique. En effet, un flou important est produit par une complexification récente de l’écosystème, avec une augmentation réelle du nombre et type d’acteurs, de structures et de méthodes employées : des laboratoires d’innovation émergent avec des facilitateurs et des coachs, des formations de design thinking se multiplient, des designers interviennent, parfois qualifiés de « designer de service » mais aussi de « ux designer »… La compréhension des prérogatives et des périmètres de chacune des structures s’avérera même difficile pour moi, en tant que designer au sein du département de la modernisation. Au sein des ministères MENJ et MESRI, cette complexification est particulièrement importante :• Le Lab 110 bis a été mis en place en 2017 sur l’impulsion politique du ministre de l’Éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer. Constitué de facilitateurs-coachs issus plutôt d’écoles de commerce, ce laboratoire d’innovation consolide aujourd’hui son positionnement au sein de l’administration.
scoring. Et combien ça coûte. […] Par exemple, je ne sais pas si le focus groupe est une prestation de design. Du coup, je ne sais pas si dans le marché, ils en sont capables.
C. Kerenfle’ch, 2019. Entretien semi dirigé le 11 juillet 2019, Paris.)
60 • En juin 2017, le marché public design de service est créé par la DELCOM, pour des prestations d’accompagnement par des designers de service. • Des formations ponctuelles sont proposées par le programme Futurs Publics, dont le pilotage est assuré par la DITP et dont le rôle est d’expérimenter et tester, en mode laboratoire et à petite échelle, de nouvelles solutions aux défis du service public. • Des programmes tels que « défis carte blanche »5 (lancé en septembre 2018) ou designers d’intérêt général6 (impulsé en avril 2019) se multiplient.
Les enjeux de ces programmes et de ses structures sont hétéroclites (accélérer la transformation agile de l’administration, accompagner les agents publics dans une prise en compte plus forte de l’usager, favoriser l’innovation « bottom-up »…) et ils sont portés par des professionnels aux profils variés (animateurs, coachs, designers…). Cependant, du côté des décideurs publics, la différenciation des compétences n’est a priori pas évidente. Issus d’une formation traditionnelle aux métiers de l’administration, et contraints par un agenda professionnel qui leur laisse peu de temps pour se renseigner, ils peinent à se retrouver dans la multiplication des structures, ce qui ne fait que renforcer le sentiment de flou et d’illisibilité qui règne autour du design de service. Au sein de l’Éducation nationale, ce flou est d’autant plus contre-productif pour les designers que les rapports entre
les agents et le laboratoire d’innovation sont parfois tendus, avec une incompréhension des objectifs de la structure, trop en rupture avec la culture administrative.
Ainsi, on peut noter une méconnaissance
« Designers d’intérêt général »est un programme lancés par la DITP pour les administrations, afin d’accueillir pendant plusieurs mois un ou deux designers UX, financés dans le cadre du programme d’investissement d’avenir. Les designers sont sélectionnés pour un projet précis de conception et d’amélioration de l’expérience utilisateur d’un service public en ligne, et sont accompagnés par des agents administratif en interne. « Défis Cartes Blanches » est un programme expérimental d’innovation, animé par la DITP, le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), et la Caisse des dépôts et des consignations. Il s’agit d’offrir aux agents publics l’autonomie pour identifier des problèmes jusque là sans solutions, et de leur fournir l’ingénierie et le financement pour qu’ils apportent des réponses.
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récurrente chez les décideurs publics du design de service, pour lequel il leur est impossible de poser a priori une définition et des limites stables. Dans un écosystème qui se complexifie, ils ne parviennent alors pas à discerner les compétences réelles des designers et dans quelle mesure ils peuvent y faire appel. Cette incompréhension peut avoir des conséquences importantes sur la réputation de la discipline dans le domaine public, qui se retrouve embarquée dans un ensemble flou au sein duquel elle ne se distingue pas.
Cette absence de connaissance et de partage plus large des initiatives a un impact important sur le travail des designers au sein de l’administration : en effet, lorsque la transformation de mode de pensée ou de faire s’effectue à l’échelle de l’individu et plutôt qu’à l’échelle d’une structure, un changement de cadre décisionnaire au sein du service entraîne une nécessité nouvelle de vulgarisation et de mise à l’épreuve de leurs travail pour les designers, comme l’évoque Nicolas Journo :
Comme il n’y a pas de définition claire de ce que c’est le design et encore moins le design de service, il y a des confusions très malheureuses qui peuvent être faites et cela a des conséquences à la fois sur le crédit de la discipline, parce qu’on finit par ne plus très bien comprendre ce que c’est; en fait il y a des espèces d’écrans de fumées qui font que les projets sont mal embarqués, pour des questions de connaissance et de compréhension, ou d’ignorance.
(C. Franko, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juillet 2019, Paris.)
Tu changes de direction, la personne ne sait plus ce qu’est le design, et il faut repasser six mois pour arriver à une nouveau stade de travail... Il faut patienter, le temps que les gens comprennent. Tu refais tes preuves sur certains aspects. Tout ne change pas d’un coup, les collègues restent,
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Même si l’écosystème reste le même et les agents convaincus sont toujours en poste, un changement en haut de la hiérarchie peut venir entraver le travail initial déjà produit par les designers. Ce nouveau processus d’explicitation augmente alors la temporalité de mise en action, dans des administrations où les délais sont déjà très longs.
Un enjeu majeur d’apport de connaissances et de lisibilité est donc à noter pour les designers de service au cœur des services publics. On peut alors néanmoins se demander si cette nécessité de vulgarisation est un aspect spécifique à l’administration ou si elle est existante dans tous les domaines dans lequel les designers interviennent. Par la dilatation récente de la discipline et son introduction dans de nouveaux lieux (hôpitaux, espaces publics…), le champs de compétences s’est élargi et complexifié, entrant alors en contradiction avec les idées préconçues de la population sur la discipline. Pour Alain Findeli, s’exprimant lors de la journée « Design des politiques publiques » de la Biennale internationale de design de Saint-Etienne, la communauté de design n’a alors « pas encore effectué le travail nécessaire […] pour expliquer à leurs partenaires en quoi consistait l’originalité de la culture dont les designers se réclament et se prévalent auprès des acteurs des politiques publiques. » (Findeli, 2013)
La méfiance a priori des décideurs publics est donc une réalité que le designer de service doit prendre en
il y a déjà des choses qui sont mises en place. Par contre, tout ce qui est décisionnaire, le cadre politique - de la même manière que dans le privé, le cadre opportunité change souvent - ça signifie qu’il faut faire ses preuves à chaque fois, réimplémenter les choses.
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
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compte lors de son intervention dans une administration publique : un travail supplémentaire pour asseoir sa légitimité semble attendu lors de ses prestations.
2.2.3. Un objectif partagé par tous les décideurs publics dans leurs discours : écouter l’usager.
Après avoir analysé le bagage culturel mobilisé a priori par les décideurs publics, ce temps a pour objectif de comprendre leur construction de la définition du design lorsqu’ils sont confrontés à une prestation. Un premier point méthodologique sera abordé, pour questionner un biais possible dans les entretiens menés. 2.2.3.1. Précaution méthodologique : un biais possible par la position centrale du département de la modernisation dans le déclenchement des prestations ?
Si on cherche à établir rapidement le parcours de décision ayant mené les décideurs publics interrogés à recourir à des designers, on remarque un positionnement d’intermédiation pro-active du département de la modernisation, comme évoqué dans le chapitre 1 : convaincu des apports possible du design de service, le département communique sur le marché et ses possibilités, au sein du Secrétariat Général et des structures proches. En venant repérer des projets porteurs, Laurent Pellen, chef du département, réalise alors un travail important de médiation, garantissant un bon usage du marché du point de vue de l’administration mais aussi des agences mandatées. Cette médiation par petit pas, permettant une diffusion concentrique du design de service à partir du département de la modernisation, a pu être observée pendant mon stage : en effet, après un échange entre Laurent Pellen, chef du département de la modernisation, et Sophia Nogueira, ajointe au Bureau
64 des collèges, il est décidé de réaliser un court atelier dans l’esprit design de service dans une réunion académique sur le programme « Devoirs Faits ».7
Il m’est alors demandé de préparer une courte présentation du design de service, ainsi qu’un atelier de travail de deux heures se focalisant sur la question de la communication aux familles, qui se révèle être un impensé. L’objectif est de faire adopter le point de vue des parents d’élèves aux référents présents, et de sortir d’une perspective technico-administrative du programme. Cette intervention aura
un impact important : du coté des participants, de nombreux retours positifs ont été recueillis, pour lesquels ce changement de regard a été enrichissant. Du coté de l’administration, cela a renforcé la conviction du bureau des collèges d’effectuer un travail de recentrage sur le parcours de l’élève. Suite à cette réunion, je serais alors sollicitée pour les accompagner avec mes outils de designer sur la problématique précise : comment améliorer l’expérience élève du programme devoirs Faits? Ainsi, en saisissant des moments levier sur lesquels l’approche par le design de service peut avoir un impact, le département de la modernisation permet une diffusion progressive de certains principes et outils. Même si les décideurs publics ne saisissent alors pas forcément ce que c’est, une confiance s’instaure avec le département de la modernisation, et des prestations peuvent être enclenchées. En utilisant également « l’approche design » dans ses propres activités, notamment dans l’organisation de séminaires, le département de la modernisation donne l’exemple et permet – par un petit axe d’entrée, celui de l’animation - de convaincre de faire appel au marché.
Une observation méthodologique sur le panel que j’ai pû
Depuis novembre 2017, le programme Devoirs Faits est proposé aux collégiens volontaires au sein de leur établissement : il s’agit d’un temps d’étude accompagnée hebdomadaire pour réaliser leurs devoirs. Le programme est aujourd’hui dans une phase d’amplification et de stabilisation dans les collèges.
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interroger est à noter : sur les douze décideurs publics rencontrés au sein du ministère de l’Éducation nationale, onze avaient piloté ou observé des prestations organisées dans le cadre du marché design de service. Les données que l’on peut tirer de ses entretiens sont donc à replacer dans un cadre circonscrit et localisé de ce ministère. Il ne peut s’agir de conclusions générales sur la perception du design dans les administrations publiques.
Suite aux entretiens, un constat peut être fait : au sein du ministère (soit douze personnes interrogées), seule une petite minorité évoque le design thinking, ou des termes comme innovation, créativité ou nouveauté.En comparaison, lors d’entretiens réalisés hors du ministère, le design de service est au contraire d’emblée apparenté à l’innovation ou à la transformation. On peut ainsi faire l’hypothèse que la structure « sachante » à l’origine de la diffusion de la culture design vient orienter et façonner la définition qui va être produite par les agents. Au sein du Secrétariat Général et de l’administration centrale, la vulgarisation du design de service est en effet assurée par le département de la modernisation, dont l’une des missions est l’amélioration de la qualité des services rendus aux usagers (on peut faire référence notamment au référentiel Marianne8). Dans ce cadre, la définition du design qui être construite par les décideurs est celle d’un outil de prise en compte de l’usager dans la fabrique des services publics. Au contraire, lorsque la diffusion s’effectue à travers une organisation comme la DITP, dont l’objectif est la transformation agile des administrations pour une plus grande efficacité, on observe une conception du design de service plus proche du design thinking.
8 « Le référentiel Marianne définit depuis 2008 le standard de la qualité de l’accueil dans les services publics de l’État. Appliqués dans plus de 4500 services publics sur tout le territoire, les 12 engagements du référentiel répondent à des enjeux de qualité de service précis : un meilleur accompagnement des usagers dans l’utilisation des services en ligne, de nouveaux engagements en matière de processus et de délais de réponse, une plus grande association des usagers dans l’évolution des services, un outillage, une formation, une implication plus forte des agents en relation avec les usagers. » Extrait du site modernisation.gouv.fr présentant le référentiel Marianne dans le cadre d’Action Publique 2022
66 Ainsi, deux mouvements semblent se croiser au sein des administrations françaises, mobilisant le design comme un outil, voire un levier de transformation mais ces deux orientations présentent des finalités différentes. La différence de champs lexicaux mobilisés peut aussi s’expliquer par les profils moins traditionnels des acteurs qui seront interrogés hors du ministère (facilitateur du lab, agents de la DITP…).
Les principes diffusés par le département de la modernisation sont aujourd’hui proches des convictions de certains designers de service œuvrant à la mise en place de services publics qui assurent la satisfaction de ses administrés. Nous rappelons sur ce point la définition d’Alain Findeli des designers sociaux travaillant dans le service public, qui met en avant un objectif « d’améliorer ce que nous appelons "l’habitabilité" du monde des bénéficiaires, des usagers des services, sur tous les registres de ce monde: matériel, psychosocial, culturel/spirituel. » (Findeli, 2016). On note un risque plus important de dévoiement des principes du coté de la DITP, où les outils sont mobilisés indépendamment d’une démarche plus globale centrée sur l’usager, comme le fait remarquer Charles Franko :
Du coté du ministère de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, c’est en pilotant des projets que les décideurs publics se construisent, par l’expérience et l’observation, une définition plus précise de ce qu’est le design de service, loin de leur a-priori initiaux, comme l’indiquera Mélanie Gaultier au cours de notre échange.
Mon point de vue là dessus, c’est que le design est complètement rentré dans le vocabulaire, la sémantique, même l’univers de pensée de la DITP, mais il a été un peu vidé de sa substance [...] il y a un certain nombre de choses sur lesquelles il faut être vigilant et ça ne s’improvise pas non plus.
(C. Franko, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juillet 2019, Paris.)
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2.2.3.2. Le design de service, ou ‘l’approche usager’
Au cours des entretiens, un terme ressortira systématiquement, pour définir ce qui est observé de la pratique des designers : celui d’usager ou d’utilisateur. C’est cette approche usager, répondant à un gap méthodologique de l’administration (§ 1.2.1) qui est centrale dans la mobilisation du design de service par les décideurs publics de l’administration centrale de l’Éducation nationale.
Le design permet alors de sortir d’une vision désincarnée de l’usager au sein d’une masse, et de prendre en compte ses besoins pour s’assurer de la conception de services publics plus efficaces. On observe donc une rencontre des principes du design de service avec une impasse méthodologique de l’administration, ce qui crée sa désirabilité. Quelque soit le projet qui a pu être accompagné, c’est donc la rencontre sur le terrain des citoyens ou leur association dans la conception qui fait sa valeur.
Ce qui me semble intéressant dans le design, c’est l’adaptation à l’usager. […] Pour moi le design, c’est un peu plugger l’utilisateur avec ce que le service public est en capacité de lui donner.
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
Dès l’été, on a été connecté sur le prix Impulsions, ça m’a permis de voir assez rapidement ce que peuvent apporter les designers de service.
(M. Gaultier, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juin 2019, Paris.)
- Quelle était votre définition du design avant d’avoir ce poste ?- Cela aurait été la conception d’une solution ou d’un produit, mais je n’y aurais pas forcément autant intégrer [...] l’idée de partir de l’expérience
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Au sein du panel de compétences du designer, c’est cette capacité d’immersion, d’observation des usages et de remontée des besoins de l’usager qui est valorisée pour les décideurs publics interrogés. L’administration centrale étant loin du terrain, la démarche des designers leur permet alors de faire tomber la distance qui existe avec les administrés, et de répondre aux critiques de déconnexion. On peut alors se demander si le design de service n’apparaît pas en premier lieu comme un étatd’esprit ou une manièredefaire, transformant les processus de conception plutôt que les résultats de ces processus.
La réponse de la Secrétaire Générale de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur soulève bien ce questionnement : l’attention semble portée d’avantage sur la démarche que sur l’objet produit en soi. Pour tenter de
Pour moi, finalement, le design de service, c’est juste une inversion de perspective [...] c’est à dire en fait, l’écoute usager, c’est se placer du point de vue de l’usager et pas de l’administration […] je ne sais pas si j’ai une bonne interprétation, mais selon moi, le design de service, c’est comment en partant de l’usager, on dessine l’organisation du service pour que ça soit le plus simple possible pour lui. C’est une " orientation usager " plus qu’un outil.(M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
utilisateur, d’y associer des utilisateurs dès le début. Pour moi, le design, c’était aussi bien quelque chose qui pouvait être pensé en laboratoire ou dans un lieu un peu fermé. Et donc je n’y mettais pas nécessairement ce lien très fort avec l’expérience utilisateur et le fait de recueillir les attentes de ceux qui allaient avoir à utiliser l’outil ou avoir recours au service.
(C. Géhin, 2019. Entretien semi dirigé le 30 juillet 2019, Paris.)
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donner une réponse plus construite à cette interrogation, nous allons étudier la manière dont le marché de design de service du MENJ et MESRI mobilise actuellement les compétences des designers.
2.3. Usages du design de service en administration centrale : le cas du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur
Si l’on définit le design comme une démarche de conception, le travail du designer de service oscille en permanence entre des phases réflexives et analytiques et des phases de création-production, pour donner forme par itérations à un service final adapté. Comme le montre la partie 2.2, les définitions proposées par les décideurs publics recouvrent toutes la notion d’usager : c’est sa rencontre et la prise en compte fine de ses besoins qui donnent de la valeur à la prestation réalisée. Dans le panel de compétences mobilisables par les designers, ce sont donc les capacités à « multiplier les expertises, par l’interdisciplinarité et la collaboration » et de « s’immerger pour observer et comprendre les besoins » (§2.1.1) qui apparaissent comme les plus valorisées.
Laformefinaleimporteraitmoinsqueleprocessusparlequelcetteformeseraitarchitecturée. En reprenant une formule de Coblence et Pallez interrogeant les «formes d’innovation publique » (FIP) se réclamant du design, « faut-il penser que l’apport principal réside moins dans des formes nouvelles de service que dans les méthodes et processus qui conduisent aux innovations de service public ? » (Coblence, Pallez, 2019). Afin de répondre à ses interrogations, cette partie réalisera une étude des prestations mandatées
70 par le marché design de service : cette analyse se base sur des données qualitatives extraites des entretiens, mais aussi sur un document de retour d’expérience sur les prestations produit pendant mon stage. En effet, suite à la réalisation d’un document-bilan en interne, en 2018, par Alice Martin, stagiaire au département de la modernisation, il était nécessaire de réactualiser les données disponibles sur le marché, et d’évaluer la qualité des livrables. Effectuant mon stage au sein du département de la modernisation, qui assure le suivi et le pilotage des prestations du coté de l’administration, ces six mois était particulièrement féconds pour décortiquer et comprendre la manière dont l’administration centrale de l’Éducation nationale laisse aujourd’hui une marge de manœuvre aux designers.
Au fil des réunions et des ateliers de co-création, Laurent Pellen s’est construit une définition du design de service au sein de laquelle il intègre directement les codes et les contraintes de l’administration, dont les designers n’ont pas toujours conscience : la manière dont les prestations ont pu être déclenchées ou menées a été à l’origine de nombreuses discussions informelles, confrontant la réalité de l’administration centrale aux représentations professionnelles d’une jeune designer.
2.3.1. Le cadre de prestations établi par le marché.
Une présentation rapide du cadre établi par le marché du design de service est nécessaire pour comprendre les observations qui seront effectuées : depuis sa mise en place, 24 prestations ont été menées (ou sont en cours) par les deux agences de design
mandatées. Les prestations réalisées par les agences sont de nature variable, mais elles sont construites à partir d’un agencement de quatre groupes d’Unités d’Oeuvre pré-construits, dont les intitulés9 recouvrent
Il s’agit des intitulés donnés par les agences dans leur mémoire technique, lors de la proposition d’accompagnement réalisée en réponse à l’appel d’offre.
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des grandes étapes de la « méthodologie en double-diamant » précédemment énoncée : - pour les Sismo designers, les quatre étapes sont : exploration-découverte / idéation / prototypage / accompagnement et assistance. - pour l’agence Coopaname : analyse stratégique/ idéation / prototypage et maquettage / accompagnement et assistance.
Lorsque l’on décortique avec plus de précisions les prestations, on observe des redondances pour tous les projets dans la structure méthodologique et les outils mis en œuvre. La quasi totalité des prestations est en effet composée de temps de co-création avec les acteurs du projet. De même, on constate la répétition d’outils phare du design de service, tel que les parcours usager ou les personae. Ces outils deviennent des repères pour les agents, et sont parfois demandés explicitement.
Dans cette partie, certains projets du marché ou menés en tant que designer stagiaire seront présentés plus en détail : il s’agit de repérer des formes et objectifs d’usage du design de service pour les décideurs publics, que ces choix soient conscients ou non : pour quels types de projet le marché-est-il déclenché ? A quel moment interviennent les designers ? Quelle valeur ajoutée est perçue et évaluée par les décideurs publics?
L’objectif est de saisir si c’est la démarche design dans sa globalité qui est attendue, ou seulement des éléments de la démarche, voire même la méthode, ou l’esprit design. Dans ce champ de questionnement, on peut noter, du côté des designers, l’apparition de mise en garde : face à un processus de vulgarisation lié au design thinking, Matthieu Savary soulève en effet un risque de « dépeçage ». Quatre points de vigilance sont à noter, présentant un risque pour la profession : « l’écueil de la co-conception, le mirage de la solution unique, la réduction à une méthode et la relégation de forme » (Savary, 2018).
72 Si on observe un mouvement de réaction épistémologique du coté des designers de service, quelle est la réalité du côté de l’administration publique ? Quelle fenêtre de tir est laissée aux différents prestataires ? Ce moment sera l’occasion d’une mise en parallèle des attentes de l’administration centrale et celle des designers de service.
2.3.2. Design des politiques publiques, design de service public ou " esprit " design appliqué au service public ? Lorsque l’on étudie la littérature produite par la 27ème région, c’est l’intitulé « design des politiques publiques » qui est mis en avant, notamment dans leur ouvrage éponyme publié en 2010. Dès l’avant propos du livre (La 27ème région, 2010), le terme d’action publique apparaît (« à quoi ressemblerait l’action publique si elle était conçue avec et pour les populations ? »), mais aussi de service public (« les habitants participent à la conception des services publics »). Le choix de ces termes interdépendants serait à approfondir : cette clarification conceptuelle est centrale dans le travail de chercheurs en sociologie de l’action publique, dont les conclusions ne peuvent être approfondies dans ce mémoire. Néanmoins, c’est un point qui a été abordé tout de suite avec Laurent Pellen, au cours de mon entretien de stage au département de la modernisation : en appui à la Secrétaire Générale, la structure n’est pas à proprement parlé en position décisionnaire dans la construction des politiques publiques, mais en accompagnement et en soutien. Un poste de designer au sein de cette structure propose donc un terrain de jeu circonscrit à ce rôle. Le lexique définissant la discipline des prestataires me semble important car il vient d’emblée cadrer le périmètre de travail offert : je privilégierais donc l’intitulé « designer
74 de service public » au cours de ma réflexion, en écho à l’intitulé du cahier des charges du marché. Il s’agit en effet d’accompagner le processus d’amélioration de services existants ou de conception de nouveaux services. Une boucle de rétroaction peut avoir un effet sur la politique publique de manière générale, mais c’est par une entrée par l’interface ou par le service que le designer vient alors remettre en question une démarche plus globale.
2.3.3. Un accompagnement par le design de l’administration centrale, à petite échelle.
2.3.3.1. L’échelle des prestations.
Un premier constat possible sur le marché est la prédominance des services de l’administration centrale dans les acteurs bénéficiaires des prestations de design de service. Cette observation est logique et inévitable en raison du positionnement du marché, créé par la DELCOM et piloté par le Département de la modernisation – et qui est mobilisable par l’ensemble des directions des ministères. Néanmoins, cette observation vient contrebalancer la première cartographie des « formes d’innovation publiques » réalisée en 2017 par Jean-Marc Weller et Frédérique Pallez, qui faisait le constat d’une place dominante des collectivités territoriales dans les projets innovants (quasiment deux tiers des projets répertoriés). Cela fait du marché de l’Éducation nationale un objet opportun d’étude, puisque la littérature est assez peu développée sur ce type de projets.
Sur les 24 projets menés ou en cours, on remarque que les prestations des designers sont d’échelle variable : certaines prestations ont consisté à concevoir et animer des événements de co-création, avec la production d’outils de médiation (Hackathon SNU, Éducathon…). D’autres ont permis au designers de mener une démarche
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de conception plus globale, comme la conception d’une signalétique dans l’académie d’Aix-Marseille, s’étendant de l’immersion anthropologique sur le terrain à la production de prototypes, qui seront développés et déployés. On mentionne également que onze projets s’attellent à des sujets numériques, avec une conception de maquette ou l’accompagnement analytique du projet (Eduscol, la maquette des parents…).
Marie-Anne Lévêque, Secrétaire Générale de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur viendra elle-même introduire des nuances dans les types d’interventions déclenchées, et donc des nuances dans le type de compétences mises en œuvre et déployées par les équipes.
Deux manières d’envisager les prestations se démarquent dans leurs déclenchements : d’un coté, on observe des prestations d’accompagnement d’équipe sur unmanqueméthodologiqueponctuel, celui d’être à l’écoute de l’usager, de l’autre des prestations de conceptionmobilisant la démarche du designer dans son ensemble jusqu’à la mise en œuvre. Ces deux orientations ne sont pas indissociables dans un seul et même projet.
Il existe plusieurs niveaux d’interventions du design de service : il y a à la fois des réponses qui sont de la contextualisation, du positionnement de l’usager face à l’institution dans toutes ses composantes, par exemple école inclusive. D’autre part, il peut y avoir des choses beaucoup plus organisationnelles d’une certaine manière, qui pourraient déboucher sur de la généralisation, type interlocuteur unique [...] Après, je pense également que c’est intéressant de garder le coté «gadget»; ce n’était pas péjoratif, de conserver l’idée d’un objet un petit peu atypique dans le paysage, permettant de travailler autrement.(M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
76 Au delà de l’échelle des prestations – et donc de leurs objectifs, c’est aussi le segment du projet sur lesquels les designers sont mobilisés qui cadre la marge de manœuvre laissée au designers.
2.3.3.2 Le segment d’intervention des designers
Dans l’image optimum des designers de ce qu’ils peuvent faire en tant que concepteur de services, et dans ce qui leur a été enseigné, ils interviennent dès le lancement d’un projet, en intégrant l’équipe à ses prémisses, lorsqu’elle est confrontée à un problème fa auquel elle se sent dépourvue. L’objectif de l’intervention
- C’est un point Godwin, tu ne peux pas me dire aujourd’hui "je me fous de l’usager". Comment tu le matérialises, tu le concrétises et tu en rends compte, c’est autre chose. Je pense que quand tu mets les gens en situation de tension, sur un planning projet en leur disant "où est-ce que vous positionnez l’écoute usager ?", la majeure partie des gens vont te dire" on va le faire pré-déploiement pour faire des ajustements à la marge". Parce qu’on a pas le temps de faire autrement, parce qu’on ne peut pas se permettre de remettre les choses en cause…- Donc finalement le design…- Ce n’est même pas le design, c’est l’usager. L’usager est la partie congrue. Le regard de l’usager vient juste apporter un plus soit sur la sémantique utilisée sur un support physique ou numérique, soit sur des petits éléments de parcours, soit éventuellement sur des questions d’ergonomie… mais on va rarement aller sur la valeurd’usage, sur la promesse, sur la valeurdesubstitution, sur des choses qui sont en fait beaucoup plus importantes que l’espace qu’ils donnent à la discussion.
(C. Franko, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juillet 2019, Paris.)
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du designer est alors de créer un service, un espace, un artefact, répondant à ce problème de manière adaptée pour les usagers et acteurs du projet.
Clélia Morali, à l’origine du marché, décrit au cours de notre entretien un projet dont les Sismo lui ont fait part, qu’ils ont mené avec le groupe La Poste :
Dans cet exemple, la problématique posée aux designers ne pré-conçoit pas de forme dans le cahier des charges : l’agence Sismo a alors la latitude nécessaire pour interroger le sens du projet et sa forme, en venant observer les usages actuels et analyser les conséquences des réorganisations déjà mises en place dans les bureaux de poste.
On peut alors se demander à quel moment les décideurs publics, au sein de l’Education nationale, décident de faire intervenir les designers,. Dans les prestations en administration centrale, on peut observer que celles-ci sont plus cadrées : la prestation du designer peut être ponctuelle dans la démarche de projet globale de l’équipe projet – elle est majoritairement circonscrite de l’analyse de terrain à la proposition de maquettes ou d’expérimentations, construites de manière collaborative.
Il y avait aussi quelque chose sur lequel les Sismo avait travaillé avec la Poste, et c’était bien sûr une question à laquelle 90 % des administrations sont confrontées. Problématique des bureaux de poste dans lesquels le degré d’invective vis-à-vis des agents était insoutenable. C’est cette question brute de fonderie qui a été amenée au designer. On a ce problème, ce n’est plus soutenable, qu’est ce qu’on fait ? Et donc toute la réflexion qu’ils ont engagé, c’est typiquement des réflexions qu’on cherche à avoir dans l’administration et qu’on arrive pas à gérer de manière endogène.
(C. Morali, 2019. Entretien semi dirigé le 17 juillet 2019, Paris.)
78 • La limite du re-questionnement en amont
Dans les cas de certains services en ligne, il s’agit de venir accompagner les équipes dans la conception des maquettes ergonomiques, mais le sens du projet est posé a priori et n’aura pas forcément la possibilité d’être requestionné. Les designers ne seront pas appelés pour la mise en place des enjeux généraux de la plateforme, mais viendront penser sa réception par l’usager.
Un temps long de cadrage – du coté de l’administration et du coté des designers - est demandé par Laurent Pellen : ce travail a pour objectif de s’assurer que les équipes de l’administration définissent avec précision leurs besoins pour le projet. Cette étape, nécessaire pour un bon fonctionnement du marché, vient néanmoins rendre plus difficile le pas de côté des designers : ils apportent alors une réponse méthodologique à un objectif déjà précis, plutôt que de requestionner le projet. Du coté des designers, la note de cadrage (qui correspond au premier livrable pour tous les projets du marché) permet un temps d’analyse et de préconisation, mais les designers ne disposent que de très peu de matière pour requestionner le projet (l’analyse de terrain se positionne en effet dans les UO de la phase suivante). Venir challenger la demande de manière hors sol est alors difficile.
• Un sursaut d’usager
Cette absence des designers au moment de la phase « réelle » de cadrage entraîne une autre problématique, celle de la place de l’usager au sein du projet. Plutôt qu’une prise en compte de l’utilisateur dès les premières phases de conception, on constate parfois un « sursaut de l’usager » au cours du projet.
Baptiste N’tsama, chef de projet au sein de la DITP, partage ce constat (il faut néanmoins décorréler les
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prestations menées par la DITP de celles menées au sein du marché MENJ-MESRI).
Ce constat peut par exemple être partagé sur un processus d’écoute usagers de Parcoursup, mis en place avec les Sismo dans le cadre du marché design de service, afin de prescrire des recommandations sur l’ergonomie et le fonctionnement de la plateforme nationale. Il s’agit néanmoins d’intervention à la marge : au moment de prendre venir questionner la place de l’usager-étudiant, la plateforme a en effet déjà été construite par une équipe de chercheurs en informatique, mais un contexte politique et une conviction de la DELCOM aboutira tout de même à cette mobilisation du marché.
C’est surtout un véritable problème de cadrage. [...] Souvent le design, il vient là comme un pansement, c’est à dire, "on a mal fait quelque chose, aidez-nous !" Sachant que le projet a déjà été avancé depuis trois mois […], on vient nous voir en disant "est-ce que vous voulez pas animer un atelier de créativité - une fois que le truc est déjà parti en vrille - et surtout est-ce que vous voulez pas l’animer avec des usagers où on sait déjà ce que l’on veut leur faire dire ?" Donc une sorte de fausse animation. Donc on a soit un design qui vient comme un pansement sur une jambe de bois, soit qui vient administrer à dose homéopathique, et qui en fait n’a pas d’effet, parce que on a pas participé au cadrage.
(B. N’tsama, 2019. Entretien semi dirigé le 18 juillet 2019, Paris.)
Il y avait l’idée d’arriver à obtenir un parcours le plus fluide possible, le plus adapté dans une procédure qui reste très complexe. […] Il faut quand même beaucoup accompagner, et donc on avait besoin de cette dimension-là, surtout qu’elle n’était pas du tout présente dans le projet. Pour le coup, elle était
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Une fois la plateforme conçue, les designers ont alors pour objectif de la rendre la plus ergonomique possible. Ainsi, seul un segment de la démarche et des compétences des designers est saisit par les porteurs de projet, avec pour conséquence la potentielle frustration du designer ayant l’impression d’ajouter un vernisusager. Si cet usage partiel des compétences « par touche » est réel et se révèle peu compatible avec les représentations professionnelles des designers – Clélia Morali remarque que cette « utilisation en pompier » peut représenter néanmoins d’une première étape, acculturant le ministère et les agents pour une intervention future des designers plus en amont.
- Quand vous dites que le service n’a pas été designé de A à Z, vous pensez que ça pourrait être pertinent ?
souhaitée par le politique mais absente totalement du projet […] On ne peut pas dire que c’est un truc qui a été designé dans la démarche design de service de A à Z, c’est faux. On a plutôt pluggé a posteriori des outils du design de service pour l’améliorer en continu une fois qu’il avait été conçu. […] Les conditions dans lesquelles on a mis en place Parcoursup, on a eu très très peu de temps et donc [...] c’est une plateforme qui a été développée par des chercheurs en informatique, c’est à dire des gens qui ne sont pas tellement confrontés aux usagers en direct. […] On était persuadé que si on avait pas des utilisateurs qui nous renvoyaient en permanence ce qu’ils faisaient avec la plateforme, on allait au case pipe […] Et puis le comité utilisateur, le politique le souhaitait aussi pour des raisons d’affichage vis à vis du parlement, vis a vis de plein de gens, sur un sujet méga polémique et méga scruté par tout le monde.
(C. Morali, 2019. Entretien semi dirigé le 17 juillet 2019, Paris.)
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On notera quand même qu’après deux années d’écoute usagers, les Sismo interviennent aujourd’hui en amont sur de nouvelles options, sur de l’incrémental. Par une entrée par la plateforme et l’ergonomie – ce qui était le but premier de la prestation - ils parviendront également à faire des recommandations et des améliorations plus structurelles liées à la procédure, comme la nécessité de la raccourcir dans le temps, d’avoir des séquences d’information en amont, en dehors de la plateforme.
Ainsi, il s’agit dès lors pour les designers d’accepter différents degré d’interventions : en entrant par la conception d’une interface, cela peut permettre de repenser une démarche, une façon de faire, un projet… mais cette situation vient néamnoins requestionner les convictions et les représentations professionnelles de chacun.
- Bien sûr que, lorsqu’on a amené ce marché, l’idée était que les designers interviennent très en amont. Ce n’était pas qu’on les plugge sur un truc qui est déjà tout fait – même pour eux, ça réduit leur marge d’intervention. Ils sont sur un projet tout fait, sur lesquels on va pouvoir broder auxmarges et avoir une logique incrémentale plutôtqu’une logique from scratch. Donc c’est sûr que pour tout le monde, ce n’est pas la solution idéale. Mais on fait comme on peut ; l’important, c’est que maintenant qu’on a acculturé le ministère à ce type de compétences, on a un pied dans la maison, on peut les mobiliser très facilement, y compris les embarquer à bord d’un projet déjà lancé. Parce que c’est une autre dynamique de toute façon d’avoir des designers à bord, même si finalement, il faudra le faire plus en amont.
(C. Morali, 2019. Entretien semi dirigé le 17 juillet 2019, Paris.)
82 • Une reprise en main par l’administration lors de la phase de déploiement
Lorsqu’un designer conçoit un service dans une structure publique, le déploiement sera effectuée par l’équipe projet au sein de l’administration. Le passage dans le faire, que revendique tout designer quelque soit sa spécialité, se limite alors à la proposition de pistes qu’il développe mais ne déploie pas. Gardant la paternité du projet, l’administration mise sur une acculturationet une transformation des pratiques, permettant aux agents en interne de développer le projet en montant en compétences. On observe alors que ladémarchededesign est tronquée des compétences de création etmise en forme, qui viennent pourtant façonner l’image que se fait le designer de son métier.
Au delà de la frustration que cela produit chez les designers – dont le métier se définit comme une démarche de conception et pas seulement d’analyse et d’expérimentation - on observe le risque d’une perte des apports de la démarche. Les projets peuvent être mis de coté, et rester au stade d’idées et de pistes, ou être
Il y a des vrais moments où c’est frustrant. Un des aspects qui me frustrent dans le travail, c’est qu’on fait beaucoup de recherche préalables et au moment donné où on arrive sur des préconisations de solutions, sur des potentiels, sur des parcours qui seraient pertinents, on est obligé de laisser la main à des agents de terrain, à des équipes qui les portent différemment […] Les problèmes de passage dans le faire, nous, on le voit, il y a un coté politique, c’est que les commandes que l’on a des ministères s’arrêtent à ce moment-là ; jusqu’au moment où ils vont faire, et c’est les ministères qui prennent en charge le faire. Ce qui est d’un point de vue conception très compliqué…
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
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développés par des prestataires ne disposant pas des mêmes compétences. Ce risque de perdre l’usager en cours de route est également noté par Céline Kerenflec’h, experte de haut niveau au sein du Secrétariat Général :
Si la conception est bien assurée par les designers pendant la prestation, l’expérimentation et le portage seront majoritairement réalisés en interne, ou par des organismes plus traditionnels dans le champs public : le projet peut alors perdre la substance qui avait été injectée par les designers de service. Au sein des services avec lesquels j’ai travaillé, on observe néanmoins la compréhension progressive d’une nécessité de penser des services publics en sortant uniquement de la norme, et une prise de conscience que les profils des designers apportent une plus-value et un recentrage sur les administrés, tout au long de la chaîne de conception :
On veut faire une plateforme numérique avec des ressources directement utilisables par les enseignants. On dit alors qu’on va prendre des prestataires de design […]. Le problème, c’est qu’au moment où il faut développer la plateforme, au départ c’était dans une académie, et on décide de confier ça à un organisme qui s’appelle Canopée […] Canopée a développé et la plateforme est sur le point de sortir. […] On perd l’approche design en route. Ils ont voulu faire un focus groupe, ils ne sont pas à l’état de l’art des focus groupe. Ils sont dans l’esprit, mais chacun son métier et il y a des expertises partout.
(C. Kerenflec’h, 2019. Entretien semi dirigé le 11 juillet 2019, Paris.)
Ce sont des étapes : la conception dans l’administration publique a appris que oui, on peut concevoir différemment qu’une règle budgétaire ou une règle légale, on peut aller autrement que « on impose ça aux gens et on voit ce que ça donne derrière ».
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
84 La marge de manœuvre offerte au sein de l’administration centrale provoque une frustration certaine lors des interventions des designers, étant donné la faible latitude laissée à la réalisation d’une démarche de conception de A à Z « dans les règles de l’art ». On remarque alors que sur les cinq groupes de compétences des designers définis dans le début de la partie, trois d’entre eux sont majoritairement utilisés : s’immerger pour observer et comprendre les besoins - multiplier les expertises, par l’interdisciplinarité et la collaboration - donner forme (cette forme n’étant pas forcément celle d’un prototype final). Il est alors laissé encore trop peu de place à son intervention en amont du projet, pour requestionner la valeur du projet sens, ni en aval de la conception lors du déploiement du service.
On peut néanmoins noter l’existence de projets modèles tels que la signalétique du rectorat d’Aix Marseille, où les designers ont pu exercer leur discipline dans toutes ses facettes (on pourra néanmoins soulever qu’il s’agit d’une prestation réalisée en services déconcentrés, ce qui n’implique pas les mêmes contraintes et les mêmes enjeux que la centrale).
Si les designers doivent rester vigilants face à la réduction possible de leur discipline à une méthode, ou à la possibilité de participer à une vitrine centrée-usager, une petite fenêtre de tir semble s’ouvrir. Suite aux prestations réalisées dans le cadre du marché design de service, une véritable plus-value est perçue par les décideurs publics. Comme le rappelle Alain Findeli, la conception et la mise en œuvre des services publics est le champs d’activité privilégié des agents de l’état et des collectivités territoriales et « on a pas attendu les designers sociaux ». « Il s’agit alors de collaborer au travail collectif que ces tâches impliquent » (Findeli, 2016), et une compréhension des attentes et des besoins des décideurs publics, ainsi que du point de vue qu’ils portent sur la discipline, peut faciliter cette coopération.
85
02
2.4. La plus-value perçue par les décideurs publics
En présentant avec plus de détails certains projets, et en décrivant le point de vue des décideurs publics qui les ont piloté, l’objectif est de comprendre quelle plus-value est perçue par les cadres d’administration, afin de comprendre pourquoi ils font de nouveau usage du marché. Avec des enjeux de transformation, d’acculturation, de changement des modes de travail, on observe que la compétence première perçue par les décideurs publics n’est forcément la capacité à concevoir un service dans une démarche globale.
2.4.1. Observer et analyser un existant : la confrontation brute à la réalité du terrain.
2.4.1.1. Synthétiser finement l’existant et la voix de l’usager.
Au mois de Juin 2019, le séminaire Moderniser, Innover, Transformer en académie, organisé annuellement par le département de la modernisation, a été conduit sur le thème du « service public de l’école inclusive », correspondant au nom d’une réforme lancée par Jean-Michel Blanquer sur l’accompagnement des élèves en situation de handicap. L’enjeu du séminaire était de mobiliser les Secrétaires Généraux d’Académie (SGA)dans la mise en place de la circulaire École inclusive, dans un calendrier très contraint, en les confrontant à l’expérience tangible des usagers. Dans ce cadre, une prestation de design a été commandée à l’agence Coopaname, dont le résultat sera présentée comme une « enquête socio-design » par Laurent Pellen.
Le déclenchement du marché de design fut demandé par la Secrétaire Générale elle-même, Marie-Anne Lévêque, au cours d’une réunion :
86
Fig.2. – Exposition socio-design proposée aux participants du séminaire Moderniser, Innover, Transformer en académie 2019.
a.
b.
87
02
a.
b.
En récoltant la parole des agents de terrain et en allant à la rencontre des familles directement concernées par la scolarisation d’un enfant en situation de handicap, mais également d’enseignants ou d’accompagnants d’élèves (AESH), l’agence a donné forme à une exposition constituée de quinze planches A2, dont la lecture constituera un moment clé du séminaire pour les hauts fonctionnaires présents (fig.2 et 3). Un temps dédié à la découverte de ces productions sera laissé pendant la matinée. Face à cette synthèse brute et visuelle, les référents académiques se retrouvent donc confrontés à une réalité qu’ils n’ont pas forcément sous les yeux au quotidien.
Pour mettre le système sous tension, il fallait partir de l’usager, en l’occurrence de l’usager parent, sur un segment de temps très limité, en l’occurrence, la rentrée. La méthode design de service se prêtait bien à la structuration par l’aval de toute la chaîne d’affectation de l’aide aux élèves en situation de handicap. […] Cela permettait de réinterroger, en partant de la réponse à l’usager, toute la chaîne qui est une chaîne particulièrement complexe et sur un sujet particulièrement irritant, sensible, traumatisant. (M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
La substance, c’est que j’ai du matériau brut du terrain, certes organisé. La force de la chose, c’est que c’est vu comme étant objectif, réel. Entre l’usager et toutes les personnes qui participent, il y a un certain nombre d’écrans assez incalculables. Et, en fait, ça te met dans la figure directement un ressenti et quelque chose qui est dépouillé de jugement, donc je pense que cela passe très bien quand il s’agit d’une critique hyper violente, et qui est incontestable.
(C. Kerenflec’h, 2019. Entretien semi dirigé le 11 juillet 2019, Paris.)
88 Après discussion avec Laurent Pellen, à la suite de la journée de séminaire, c’est bien la forcede médiation des outils graphiques produits par les designers qui étaient recherchée, pour mobiliser les référents académiques à la mise en œuvre (très) rapide de la circulaire « école inclusive » . Ce point de vue sera confirmé par la Secrétaire Générale :
2.4.4.2. Faire accepter la complexité par des objets de médiation
En parallèle de la production des designers, il m’a été demandé de représenter graphiquement l’écosystème actuel de la scolarisation des élèves en situation de handicap (structures, acteurs, outils), ainsi que l’impact de la réforme sur cet écosystème pour la rentrée 2019 (fig. 4.a et 4.b.). A partir de données disponibles au ministère, et grâce à des allers-retours avec Céline Kerneflec’h, experte de haut niveau auprès de la Secrétaire Générale en charge du dossier, ce document a pu être validé et présenté lors du séminaire. L’écosystème était laissé libre à la modification pendant la journée, afin de continuer le processus itératif de sa construction.
Qu’il s’agisse des planches produites par l’agence ou des écosystèmes, ces objets visuels ont été catalyseurs de réactions et de discussions : l’artefact produit par les designers est un outilréflexif, un objet à penser dont se saisissent les agents. Ces représentations graphiques sont traditionnellement utilisées dans le travail des designers de service comme des outils
C’est resté un éclairage, une analyse qui permettait quand même aux administratifs en charge de structurer le service public du handicap d’avoir la vision plus pédagogique et le ressenti des parents, donc c’est intéressant.(M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
89
02
MONDE ASSOCIATIF
SEPH Secrétariat d’État auprès
du Premier ministre chargé des personnes
handicapées
SERVICES ACADÉMIQUES
DSDEN
IEN-ASH Inspecteurs de l’Education
nationale chargés de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des
élèves handicapés
rôle de conseiller technique
Autorité administrative
compétente pour l’organisation de l’examen ou du
concours
AMÉNAGEMENTS DE LA
SCOLARITÉ
transport
matériel pédagogique
adapté
temps scolaire
dispense d’enseignement
aide humaineAESH
mutualiséeindividuelle
ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE ET CIRCONSCRIPTION DU 1ER DEGRÉ
AESHAccompagnant des élèves en situation
de handicapULIS Équipe
enseignante
Chef d’établissement
Dans le 1er degré:IEN-CCPD
Inspecteurs Education Nationale chargés d’une
circonscription du premier degré
ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE DE RÉFÉRENCE
IMEInstituts Médico-
Educatifs
ITEP Instituts
thérapeutiques éducatifs et
pédagogiques
ÉTABLISSEMENTS MÉDICO-SOCIAUX
IEM Instituts
d’éducation motrice
CNED
ARS Agence régionale
de santé
SESSADService d’éducation
spéciale et de soins à domicile
...
rend un avis, avec proposition d’aménagements
COLLECTIVITÉSTERRITORIALES
RÉGION
DÉPARTEMENT
COMMUNE
eduscol
site de l’INSHEA
nouvelle plateforme
CAP EI
m@gistere
...
RESSOURCESNUMÉRIQUES
CAPPEICertificat d’aptitude professionnelle aux
pratiques de l’éducation inclusive
Enseignant référent
(du 1er ou 2nd degré)
ÉQUIPE DE SUIVI DE LA
SCOLARISATION
numéro azur
CELLULE AIDE HANDICAP ÉCOLE
Ministère de l’Éducation nationale et de la
Jeunesse
transmet
PAPPlan
d’Accompagnement Personnalisé
Médecinscolaire
Responsablelégal
demande
propose
Directeur d’école
Coordonateur ULIS
Rectrice CT-ASHConseillers techniques pour
l’adaptation et la scolarisation des élèves handicapés
RECTORAT
conseille
donne un avis sur la pertinence
met en place et
suit
accompagne
"informe des démarches de
manière pro-active, oriente vers les relais, voire les supléer pour les
dossier complexes"
réunit et
anime
accompagne sur l’adaptation de la
pédagogie
a accès à
apporte expertises, aides et appuis pédagogiques
UEE Unités
d’Enseignement Externalisées
met en oeuvre
affecte
saisitenvoie la
notification
rédige
MDPHMaison départementale
des personnes handicapées
CDAPHCommission des droits et de l’autonomie des
personnes handicapées
EPE Équipe Pluridisciplinaire
d’Évaluation
est transmis
à
PPCPlan personalisé de
compensation
GEVA-SCOGuide d’évaluation des besoins de compensation en matière de
scolarisation
compte rendu de réunion:
élabore
est responsable
du suivi
est associé à l’élaboration
est approuvé par
PPSProjet personnalisé
de scolarisation
orientation vers un
établissement adapté
décide des mesures à mettre
en place
Interlocuteur unique et
permanent
Médecin
désigne
dépose une demande
d’aménagement examen • concours
AMÉNAGEMENTS CONCOURS ET
EXAMENS
décide
SG MENJ MESRI • DÉPARTEMENT DE LA MODERNISATION
06/05/2019
LA SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
Écosystème
ACTEURS
OUTILS
Élève
IA-DASENDirecteurs académiques
des services de l'Éducation nationale
w
PIALPôle Inclusif
d’Accompagnement Localisé
Aucun élève en attente d’accompagnants
dialogue de gestion
expérimente
SERVICE ACADÉMIQUE
IA-DASENDirecteurs académiques
des services de l'Éducation nationale
DSDENDIrection des services
départementaux de l’éducation nationale
IEN-ASH Inspecteurs de
l’Education nationale chargés de l’adaptation
scolaire et de la scolarisation des élèves
handicapés
rôle de conseiller technique
Responsablelégal
RectriceCT-ASH
Conseillers techniques pour l’adaptation et la scolarisation
des élèves handicapés
RECTORAT
conseille
MDPHMaison départementale
des personnes handicapées
CDAPHCommission des droits et de l’autonomie des
personnes handicapées
EPE Équipe Pluridisciplinaire
d’Évaluation
ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE
ULIS
Coordonateur ULIS
SERVICE DE L’ÉCOLE INCLUSIVE
ULIS
Coordonateur ULIS
anticipe les notifications
CELLULE D’ACCUEIL,
D’ÉCOUTE ET DE RÉPONSE
répond de manière
immédiate aux notifications
met en place et pilote
CARTE DÉPARTEMENTALE
identification des PIAL à implanter
saisit
SG MENJ MESRI
07/06/2019
LA SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP
À LA RENTRÉE SCOLAIRE 2019CARTE DES ACTEURS
PIALRENFORCÉ
1 par département
pilote
pilote
met en place et pilote
assure le recrutement, la formation, l’évaluation, le suivi et la gestion des
carrières, ainsi que l’affectation
emploi du temps évolutif
arrêteou
délègueavec quart de
décharge
arrête
besoins des élèves notifiés par la CDAPH
assure la coordination
en lien avec
Juin à Octobre
répond aux questions des
famillespose une question sur le dossier de
l’enfant
notifie les besoins des
élèves
Réponse dans les 24h suivant
sollicitation
PIAL interdegrés
PLATEFORME «CAP ÉCOLE INCLUSIVE»
Élève
ÉTABLISSEMENTS PUBLICS LOCAUX D’ENSEIGNEMENT
MUTUALISATEURPaie et recrutement des
AESH HT2
délivre une information
en matière de scolarisation des
élèves en situation de handicap
consignent les premières adaptations
et toute autre disposition
propose des ressources
pédagogiques simples, immédiatement
utilisables en classe
a accès àcrée
travaille en articulation
étroite
Enseignant référent
(du 1er ou 2nd degré)
«Livret parcours inclusif»
Comprend les documents utiles au parcours de l’élève, et les différents
outils mis en place
PPSProjet personnalisé
de scolarisation
aide à la constitution
CIRCONSCRIPTION DU 1ER DEGRÉ
RÉUNION DE PRÉ-RENTRÉE
en lien avec
IEN-CCPDInspecteurs Education Nationale chargés d’une circonscription du
premier degré
Directeur d’école
Équipe enseignante
ENTRETIEN Dès la pré-rentrée si possible ou dans le mois suivant la rentrée scolaire
ÉQUIPE DE SUIVI DE LA
SCOLARISATION
réunit et anime
PPCPlan personalisé de
compensation
PPSProjet personnalisé
de scolarisation
inclus:
emploi du temps évolutif
AESHAccompagnant des élèves en situation
de handicap
PIALPôle Inclusif
d’Accompagnement Localisé
Aucun élève en attente d’accompagnants
Chef d’établissement
Équipe enseignante
Chargé de mission Suivi de la qualité de l’inclusion scolaire
délivre une information
en matière de scolarisation des
élèves en situation de handicap
RÉUNION DE PRÉ-RENTRÉE
a accès à
AESHAccompagnant des élèves en situation
de handicap
GESTIONNAIRERH DES
ACCOMPAGNANTS
besoins des élèves notifiés par la CDAPH
PRÉ-AFFECTATION
DES AESH
anticipe les notifications PRÉ-
AFFECTATION DES AESH
accompagne dans la mise en oeuvre du PIAL
ÉTAT DES LIEUX DES
PERSONNELS ASH
réalise
Aucun élève en attente d’accompagnants
accompagne la famlle
OUTIL
ACTEUR
3.b. La scolarisation des élèves en situation de handicap - rentrée 2019 à l’Éducation nationale.
Fig. 3 - Documents graphiques "écosystème" produits pour le séminaire Moderniser, Innover, Transformer en académie 2019.
3.a. La scolarisation des élèves en situation de handicap - situation actuelle
90 intermédiaires, pour faciliter la restitution et l’échange avec le commanditaire. « Qu’elles soient tangibles ou virtuelles, toutes les représentations intermédiaires ont deux fonctions indissociables, comme le rappelle Mer (1995), à savoir : modéliser la réalité et permettre la coordination et la coopération entre les acteurs du projet. » (Bassereau, Charvet Pello, Faucheu, 2015).
Qu’il s’agisse de l’exposition ou de l’écosystème, ces objets graphiques ont permis aux référents académiques (mais aussi les services auxquels sera transmis l’écosystème par la suite) de prendreconsciencedelacomplexitéde l’organisation actuelle, et de mettre le doigt sur une réalité qu’il est parfois préférable d’ignorer.
L’écosystème produit sera l’objet de nombreuses réactions au sein des directions : la complexité évidente de la structure sera mentalement déplacée par les agents vers une complexité du schéma, qui est présenté comme incompréhensible. C’est bien cette dimensionperformativedel’objetgraphiquequimetl’administrationfaceàsesdifficultésdesimplification. Ce retour montre bien l’importance du travail de médiation graphique, pour une prise en compte par petits pas du point de vue de l’usager. En complément d’un rapport de plusieurs centaines de pages, l’écosystème produit un résultat beaucoup plus immédiat. Ces objets intermédiaires sont donc le « véhicule idéal pour initier et prolonger un dialogue interdisciplinaire dans les projets de conception », mais les artefacts produits par des designers « s’y prêtent
C’est intéressant, l’écosystème, tout le monde en parle à la DGESCO. Ils sont traumatisés. Je crois qu’ils l’ont enlevé du diaporama finalement, c’est ce qu’ils m’ont dit : « ce schéma, personne n’y comprend rien...etc.». Oui mais en fait, c’est pour montrer que personne n’y comprend rien, c’est logique.
(C. Kerenflec’h, 2019. Entretien semi dirigé le 11 juillet 2019, Paris.)
91
02
d’autant mieux qu’ils s’adressent quasi naturellement à la perception humaine. » (Bassereau, Charvet Pello, Faucheu, 2015).
Ces outils de médiation graphiques sont des productions d’analyse et de synthèse dans les projets des designers : dans le cadre du séminaire, ces objets intermédiaires deviennent le livrable final attendu.
Si ces productions graphiques ont un véritable intérêt mobilisateur pour l’administration – les participants du séminaire ont fait beaucoup de retours positifs, et se sont montrés très réceptifs au contenu produit – une question se pose néanmoins : dans quelle mesure s’agit-il d’une prestation de design de service ou de design graphique ? Par l’approche centrée-usager et la manière de venir collecter les données, on notera que c’est le profil des designers de service qui est recherché, même s’ils ne sont pas forcément eux-même spécialistes de la représentation graphique.
Cette prestation a alors permis de ré-impulser une pensée de l’usager dans la mise en place descendante d’une politique publique : l’annonce du ministre sur une rentrée de l’école inclusive sera faite seulement quelques mois avant sa mise en application. L’objet à réaction produit permet alors de redonner une prise, un levier aux équipes académiques pour la mise en place sur le terrain.
2.4.1.3. Représenter de manière simples des systèmes complexes
Au début de mon stage, une équipe inter-structure (SG, DGESCO, DNE...) était en construction pour répondre à l’appel à projets du Fond pour la transformation de l’Action Publique (FTAP).10 Un dossier écrit d’une vingtaine de pages constituait le
Doté de 700 millions d’euros sur 5 ans, ce fond interministériel, dans le cadre d’Action Publique 2022, a pour but d’accompagner des projets d’envergure de modernisation et de transformation de l’administration.
10
92 premier palier de sélection, et une mission de facilitation graphique m’a été demandée, notamment pour échapper à une logique textuelle. Il s’agissait de représenter graphiquement les objectifs du projet (fig.5.a), proposant une plateforme unique pour mener en ligne l’ensemble des démarches liées à la scolarité de l’élève, mais aussi de construire des personae, donnant corps aux complexités auxquelles sont confrontées les familles et les corps administratifs. (fig.5.b et 5.c)
Une compétence précise du design était attendue pour ce dossier: lacapacitéàrendrelisiblevisuellementun objet complexe, et la possibilité de synthétiser en une image conceptuelle unique un dossier textuel de plusieurs pages. La facilitation graphique permet de rendre évidente la complexité à laquelle est soumis aujourd’hui à un responsable légal qui effectue le suivi de la scolarité de son enfant, et pointe une certaine incapacité de l’administration à envisager l’usager final dans ses démarches de simplification numérique. Ces documents graphiques ont été particulièrement appréciés par l’équipe, et ont permis de fédérer autourd’unereprésentationcommune.
Par conséquent, on note une valeur du design qui est l’une des plus efficaces au sein de l’administration, et qui est appréciée par les décideurs publics : c’est la capacité de montrer un existant avec un regard critique, en mobilisant des compétences d’analyse, de compréhension et de synthèse, par l’intermédiaire notamment d’objets médiateurs. Le designer observe finement, montre et donne à comprendre la situation dans laquelle sont les agents – une situation qu’eux même ne peuvent pas percevoir avec ce recul lorsqu’ils sont pris à l’intérieur. Par des objets de médiation, il vient alors faire réagir, « encapaciter » les agents, ou témoigner de l’absence de l’usager dans la fabrique des politiques publiques.
93
02
Sylvain ne perd pas patience et s’attelle malgrétout à la constitution du dossier. Comme chaque
année, il remplit, de nouveau à la main, la fiche "renseignements", comportant de nombreuses
données administratives redondantes.La démarche en double est fastidieuse et
chronophage...
SYLVAIN38 ANS
Divorcé, célibataire Détient la garde de ses deux enfants:
Margaux, en 5ème et Coline, qui entre au lycée
Sylvain remplit à la main les fiches d’inscription pour le collège et pour le lycée.
Plusieurs documents doivent être joints, pour chaque établissement, notamment une copie du
jugement de divorce, alors qu’elle a déjà été fournie les années précédentes...
Le troisième trimestre approche à grand pas.
Sylvain, très occupé par son travail et les préparatifs du déménagement, redoute le temps
que vont lui prendre les démarches scolaires pour ses filles. Elles entrent en effet dans deux
établissements différents, situés dans deux académies limitrophes.
Je passe mon temps à fournir
les mêmes papiers... C’est infernal !
«
«
«Après avoir téléchargé ou récupéré le dossier, la famille le complète et le renvoie ou le
dépose à l’établissement.»
Rien n’a changé depuis l’année dernière... Pourquoi me demander
les mêmes informations administratives ? C’est absurde...
«
«
DISPONIBLE
A L’AISE AVEC LES TECHNOLOGIES
COMPRÉHENSIONDES DÉMARCHES
L’exempled’un usager
Je ne comprends pas pourquoi ils n’utilisent pas le même
système... Comment veulent-ils que j’assure le suivi
si je me perds dans les procédures ?
«
«
Pour nous ça a été simple et rapide.
Avec Théo qui rentrait en seconde, on l’a inscrit en
ligne.
La deadline pour la procédure d’inscription approche, et Sylvain parvient finalement à réunir tous les documents imprimés, et à les déposer
dans les deux établissements, le jour J !
Mais il se rend compte qu’il n’a rien rempli pour la cantine! Sylvain se renseigne auprès des établissements, on lui parle du formulaire
"demi-pension" et il découvre deux procédures complètement différentes....
Pour Coline, une carte rechargeable
doit être achetée et peut être alimentée par le paiement en ligne.
Pour Margaux, pas de paiement en ligne, il faudra déposer un
chèque... en espérant qu’elle ne l’égare pas !
LYCÉE
DEMANDE DE BOURSE DE COLLÈGE
COLLÈGE LYCÉE
ORIENTATION
TÉLÉPAIEMENTTÉLÉPAIEMENT
La cibleCOLLÈGE
1ÈRE INSCRIPTION RÉINSCRIPTION
CHOIX DES OPTIONS
MISE À JOUR DES DONNÉES ADMINISTRATIVES
SEPT.19
DÉC.19
MAR.20
À VENIR
Premiers voeux d’orientation
Renouvellement cantine
DÉMARCHES EFFECTUÉES
Validation inscription transports scolaires
Reçu par l’établissement
Fiche santé
Inscriptions au lycée
En cours de traitement
Manque information x
CONTACT
@
01.00.00.00.00
ÉTABLISSEMENTX
Les démarches en ligne en collège et lycéePanorama en juillet 2019
LIBÉRER DU TEMPS POUR ACCOMPAGNER CEUX QUI SONT LOIN DU NUMÉRIQUE
LISIBILITÉ
EXHAUSTIVITÉ
"DITES LE NOUS
UNE FOIS"
ERGONOMIE
SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL
MISE À JOUR DES DONNÉES ADMINISTRATIVES
existe en expérimentationen projet
CONSULTATION DU LSU CONSULTATION DU LSL
INSCRIPTION EN 2NDE
DEMANDE DE BOURSE DE LYCÉE
FORMULER DES VOEUX D’AFFECTION OU DE POURSUITE POST 3ÈME (APPRENTISSAGE)
INSCRIPTION EN 1ÈRE
INSCRIPTION À DEVOIRS FAITS INSCRIPTION À DEVOIRS FAITS
Thomas attend les familles pour la signature des «dossiers papier», au sein de l’établissement
scolaire.
Cela prend plusieurs jours de son temps de travail, mai mais cela rassure la cheffe
d’établissement.. Il rencontre les familles et recueille toutes leurs questions.
Il aurait aimé être plus formé; il ne sait malheureusement pas répondre à toutes les interrogations liées à à l’utilisation de l’outil.
Une fois la télé-inscription en ligne effectuée par les parents, l’équipe de direction, par précaution, préfère
imprimer les documents et invite chaque famille à venir les signer au sein de l’établissement.
IMPLICATION DU PERSONNELINFRASTRUCTURES DISPONIBLESCOMPÉTENCES NUMÉRIQUES
L’exempled’une équipe en établissement
L’établissement a fait le choix du télé-paiement pour la cantine, avec une carte rechargeable sur
internet.
Si c’est une habitude parfois difficile à prendre pour les familles, Thomas remarque que cela facilite sa gestion: «Cela évite que l’élève perde le chèque ! Et
cela permet un meilleur suivi des parents.»
SARAH & THOMAS
Cela consomme beaucoup de papiers et c’est encore des
déplacements pour les parents. Ce serait des économies, et un
gain de temps pour tout le monde si tout était fait en ligne !
«
«THOMAS
CHEFFE D’ÉTABLISSEMENT
42 ANS
ASSISTANT ADMINISTRATIF
36 ANS
Tu t’embêtes bien à faire signer tous ces papiers, tu sais que la signature électronique a
une valeur juridique ?
Le troisième trimestre approche à grand pas... Sarah et Thomas s’organisent pour que la
campagne d’inscription qui arrive soit la plus fluide et efficace possible.
La télé-inscription vient d’être mise en place dans l’établissement. Sarah s’assure que les
codes ont été distribués à l’ensemble des parents, et compte depuis le début de l’année
sur son équipe pour faire passer l’information au cours des réunions parents-professeurs. Pour les parents, le parcours de première connexion
aux services en ligne est un peu compliqué.
Thomas, lui, met en place un kiosque de saisie, avec quelques ordinateurs, pour accueillir
les familles qui auraient besoin d’aide. L’accompagnement des parents est pour lui
essentiel.
Je crains que les démarches en ligne nous éloignent des familles...
Je veux vraiment que l’équipe conserve un lien direct et humain
avec les parents.
«
«SARAH
Fig.4– Livrables pour l’accompagnement du dossier FTAP "Portail Parents" a. Résumé graphique du concept du projet.b. Personae - parent d’élèves.c. Personae - équipe en établissement.
c. b.
94
a.
En effet, la prise en compte de l’usager n’est pas une priorité logique lors de la mise en œuvre de programme – c’est la mise en place structurelle et administrative qui prend le dessus.
.
En mettant le doigt sur un point aveugle de l’administration, le design de service permet alors une remise en question critique d’une façon de faire les politiques publiques, qui est ancrée dans les réalités économiques et temporelles de l’administration. Je noterais donc pendant mon stage que les livrables produits suite aux phases d’immersion sont particulièrement appréciés et structurants pour les équipes projet.
Pour l’école inclusive, la DGESCO n’est pas tellement tournée vers la « qualité de service usagers ». Ils sont préoccupés par la prise en charge des différentes formes de handicap, la gestion des moyens, la situation pour la DGRH des personnels accompagnants, et finalement l’usager et le sujet «réponse aux parents» n’est pas forcément présent.[...] Il y a une vision à la fois plus technique et de long terme, voire même plus de politique publique. C’est-à-dire comment doit être scolarisé, dans l’idéal, un enfant en situation de handicap. On va avoir des référents handicap, des formations etc... C’est vrai qu’ils bâtissent la politique publique, mais en bâtissant la politique publique, en bâtissant coté DGRH le statut des accompagnants des élèves en situation de handicap, finalement les parents et leurs questionnements comme « qu’est ce qui se passe? pourquoi je n’ai pas de réponse à la rentrée? Quand est-ce que j’aurais une réponse et quand est-ce que je sais si je peux changer de mode de garde? », qui sont vraiment des gros sujets, passent un peu à la trappe. (M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
Confidentiel
95
02
C’est l’apport en terme de formalisation, plus précisément d’écoute de l’usager, puis de formulation graphique, qui est particulièrement mis en avant au sein de l’administration.
2.4.2. Le design comme un outil de mobilisation des agents: collaborer autrement.
Sans préjuger de la qualité des livrables produits par les designers, on observe une saisie par les décideurs publics du design comme un outil de mobilisation deressourceshumainesetd’acteurs. En effet, en tant que structure extérieure mandatée pour intervenir sur un projet, l’agence de design dispose de marges d’action que n’ont pas forcément les managers en interne : au cours d’un atelier de co-création, les designers peuvent faire travailler ensemble des agents de terrain, des cadres décisionnaires, des futurs usagers… dans un contexte d’horizontalité où la hiérarchie n’est plus aussi palpable.
Ainsi, une autre façon de travailler est proposée, sans être perçue comme une contrainte d’en haut et permet alors à des agents d’échanger et de débattre dans un cadre plus serein. S’il ne s’agit pas d’une compétence du designer en soi, mais d’une conséquence des « façons de faire » des designers, celle de mobiliser tous les agents sans distinction de hiérarchie pour participer à une gestion de
Ce que j’en ai compris - c’est cette capacité à organiser, à structurer et donc à permettre une prise en compte plus efficace à la fois des usagers mais aussi de ceux qui vont avoir à mettre en œuvre et avoir à faire. Et ça a l’immense mérite d’apporter de la méthode sur ce sujet là. Quand je dis de la méthode, c’est sans que ce soit un cadre trop rigide.
(C. Géhin, 2019. Entretien semi dirigé le 30 juillet 2019, Paris.)
96 projet plus qualitative.
La conception de la signalétique du rectorat de l’académie d’Aix Marseille est particulièrement représentative de ce point : au cours d’un séminaire organisé par le département de la modernisation, la Secrétaire Générale d’Académie Adjointe (SGAA), Blandine Brioude, découvre en effet le marché design de service. Alors que les travaux du rectorat se sont achevés, un manque manifeste de signalétique adaptée se fait ressentir par les usagers, bien que les agents cherchent à prendre le relai de manière artisanale.
La signalétique sera produite par l’agence de design Coopaname, qui viendra la co-concevoir avec les agents du rectorat et les usagers du lieu.
En retraçant le parcours de décision ayant mené Blandine Brioude à faire appel au marché pour ce projet, deux éléments caractéristiques de la prestation sont mis en avant : d’un coté, la liberté de l’agence de design, comme prestataire extérieur et créatif. De l’autre, la démarche de travail des designers de service, faisant participer les agents du rectorat volontaires, et venant contre-carrer la hiérarchie habituelle.
Le travail de facilitation a un énorme impact dans la fonction publique; cela permet d’embarquer des acteurs qui n’auraient pas osé être embarqués. Et c’est plus un effet cosmétique, un petit vernis sur la solution, mais quand à un atelier, on a réussi à dire c’est co-construit avec les utilisateurs, avec les agents ; que le directeur de l’administration était présent, a vu ça et ça l’a amusé, en fait le projet a déjà gagné quelque chose par cet aspect-là. Et ce n’est pas du design mais ça rentre dans cette chefferie de projet.
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
97
02
On note alors que l’attention de la Secrétaire Générale Adjointe est moins portée sur la capacité de la signalétique finale à orienter de manière adaptée les usagers au sein du rectorat, mais plutôt sur la démarche participative du projet, permettant de mobiliser autrement ses équipes et de changer le regard qu’ils se portent. En modifiant les manières de travailler des agents, on observe une envie plus forte de mobilisation, sans augmenter la pression sur les équipes.
Dans une administration particulièrement hiérarchique où les agents travaillent en silo, effacer la notion de grade et de corps permet une libération des
Quand je suis rentrée dans la fonction publique, on parlait des cercles de qualité pour l’amélioration des process... Quand on parle modernisation, c’était souvent pour la relation administration-usagers, mais avec une arrière-pensée de gain, de productivité et de réduction des coûts. Avec le design, il n’y a pas cette épée de Damoclès pour les personnels, c’est vraiment de la qualité.
(B. Brioude, 2019. Entretien semi dirigé le 02 juillet 2019, visio-conférence.)
Au lieu de faire quelque chose de descendant avec un groupe restreint, et de dire « ça c’est la pensée de la direction, elle conçoit sa signalétique de cette manière là […] on a adopté une autre stratégie qui moi me convient dans son esprit, parce outre la liberté de l’accompagnant, c’était aussi engager une démarche participative au sein du rectorat […] Il y avait une démarche participative, une démarche créatrice donc il y avait quelque chose de nouveau, un projet qui pouvait fédérer des personnes qui finalement sont aujourd’hui dans l’ombre mais qui finalement vont apporter quelque chose. C’était vraiment ça qui nous intéressait dans la démarche.
(B. Brioude, 2019. Entretien semi dirigé le 02 juillet 2019, visio-conférence.)
98 agents. L’effet levier sur la mobilisation ne se réduit alors pas aux agents participants : les personnels qui ne pouvaient pas être présents pendant les ateliers ont pu donner leurs avis face aux maquettes proposées par l’agence de design lors d’un moment de restitution et d’échange ; et le changement de perspective pour les personnels a ensuite dépassé le cadre du projet.
Au cours de notre entretien, Charles Franko, responsable stratégie usager à la ville de Paris, énoncera le concept d’homéostasie pour aborder la manière dont les décideurs publics peuvent se saisir du design comme une méthode de management. L’homéostasie correspond à la manière dont le corps s’équilibre quand il y a un stimulus extérieur : qu’il soit physique ou social, un corps cherchera toujours à se rééquilibrer après avoir été déstabilisé. Au sein d’un processus de conduite du changement, il s’agit pour le décideur public de changer l’équilibre au sein de ses équipes, en allant à l’encontre de la programmation des habitudes professionnelles. Le décideur doit alors s’interroger sur la manière dont il peut faire bouger les équilibres dans les façons de travailler, et le design de service peut alors apparaître comme un outil particulièrement pertinent :
C’est quelque chose qui au départ paraissait simple mais du coup, ça a eu un effet de débordement avec plusieurs dimensions : la participation, la démocratie participative, et puis il a eu, au niveau des agents, une fébrilité, ils se sont dit " on peut faire ça " et du coup [...] on a envie de continuer à travailler comme ça.
(B. Brioude, 2019. Entretien semi dirigé le 02 juillet 2019, visio-conférence.)
De ce point de vue-là, injecter du design, c’est loin d’être con, et du coup, le design n’est pas une fin en soi, c’est ce que le design apporte qui alimente ta réflexion managériale. Ça devient un outil managérial au service d’une dynamique
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02
On peut se demander néanmoins en quoi cette facilitation serait la spécificité d’un designer. Avec l’émergence de profils tels que les coachs ou les facilitateurs, notamment dans les structures de laboratoire d’innovation, la pertinence de l’intervention des designers face à ces autres corps de métiers se pose. Pour Nicolas Journo, il ne s’agit pas du métier du designer, mais il s’agit d’une étape à accompagner, le temps que l’administration saisisse l’apport possible de la discipline dans toutes ses dimensions.
On peut néanmoins faire l’hypothèse que la capacité du designer d’être « dans le faire » et dans l’empathie lui donne un profil adapté pour mettre en action des agents, même s’il ne s’agit pas d’une fin en soi au départ, ni d’un objectif de projet : il faut s’assurer pour les designers que cette « en-capacitation » des agents se fait dans une pensée plus globale de conception, afin de ne pas devenir un simple outil d’animation.
Ainsi, bien qu’il ne s’agisse pas du premier enjeu lors de l’intervention des designers dans le domaine public, cette facilitation humaine « collatérale » offerte par une prestation de design est mise en avant par plusieurs décideurs interrogés, voire même placée comme une plus-value majeure. Onpeutalorssedirequ’ils’agitde«créerdelamobilisationetdel’interconnaissancedesacteurs »(Coblence,Pallez;2015)maispasencoredetransformer lesservicespublicsdans leurconception.
d’équipe [...] tu introduis un nouveau champs de questionnements, un peu de vocabulaire, un autre terrain de jeu à une équipe que tu considères qui a besoin de se renouveler. Et ça peut créer une dynamique.
(C. Franko, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juillet 2019, Paris.)
100 2.4.3. Un outil tactique et politique: faire mieux accepter, aux agents et à la population.
Si le design de service permet de produire des services plus adaptés aux usagers, il peut également devenir un facilitateur d’acceptation pour des projets politiques. Au cours de mon stage, un projet à forte portée politique, le programme Transparence mobilisera le marché de design de service : au cours du comité interministériel le 1er février 2018, le gouvernement réaffirme en effet son attachement à ce que « toutes les administrations en relation avec les usagers publient, à horizon 2020, des indicateurs de résultats et de qualité de service, notamment de satisfaction usagers. » (Gouvernement de la République Française, 2018).
Avec un objectif public de restaurer un lien de confiance entre les citoyens et l’administration, le programme implique que l’ensemble des établissements scolaires, ainsi que les rectorats et les DSDEN, disposent d’indicateurs à afficher dès la rentrée 2019. Il s’agit d’un dossier sur lequel le Secrétariat Général est particulièrement attendu par le politique, et l’agence Coopaname est alors mandatée pour mener une expérimentation dans le district de Saint Omer. Un système d’indicateurs obligatoires, couplés avec des indicateurs complémentaires et produits par les équipes de terrain, sera alors construit avec les membres de direction de plusieurs établissements du district.
En échangeant avec Mélanie Gaultier, adjointe au département de la modernisation en charge du dossier, l’intervention des designers a un impact communicationnel important : dans le cadre d’un projet politique tel que Transparence, qui peut provoquer les crispations d’agents de terrain, la co-construction avec des personnels d’établissement facilite l’acceptation du projet pour les autres :
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02
Les établissements émettent en effet de plus en plus de réticences face aux programmes descendants imposés depuis la centrale : sur la période de six mois pendant laquelle j’ai effectué mon stage, j’ai pu noter, à plusieurs reprises, une accélération du calendrier politique, exhortant les services à mettre en oeuvre des projets ministériels dans des délais extrêmement courts. L’intervention de designers, positionnés en prestataire extérieur, permet alors de dépassionner et de venir croiser les exigences de l’administration et les besoins du terrain. La Secrétaire Générale confirmera également au cours de notre entretien que la construction par une agence de design facilitera sa mise en place dans les établissements.
Avec l’intervention de designers se déplaçant dans les établissements pour écouter les besoins, une avancée du dossier est réelle : si le fond n’évolue pas forcément, on a en tout cas un avancement de la réflexion et une mobilisation plus évidente des équipes. Les affiches proposées par les designers seront présentées aux personnels d’établissements au cours d’une réunion, et les retours seront positifs : au-delà du discours et de la facilitation de l’acceptation, l’intervention des
- Pour ce projet, vous avez l’impression que c’est un outil qui va faciliter la communication ? De dire par exemple que vous êtes allés voir les établissements ?- Oui, oui. Le fait que cela ait été construit avec les acteurs sur le terrain et non pas imposé de la centrale, c’est un facteur fort d’acceptabilité du projet.(M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
Il y a un usage détourné du marché de design: ça permet de faire passer des choses plus facilement. C’est le cas sur Transparence.
(M. Gaultier, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juin 2019, Paris.)
102 designers aura permis la production d’indicateurs dont les établissements peuvent se saisir pour valoriser leurs activités, afin d’éviter qu’ils ne soient perçus comme un outil de flicage.
Nous pouvons donc faire le constat d’usages et de compréhensions partiels par les décideurs publics des compétences propres aux designers de service : si les capacités d’analyse, d’immersion et de collaboration sont particulièrement mobilisées, on observe que des étapes pourtant constitutives de la définition que produisent les designers de leur propre métier, telles que la possibilité de reformulation de la demande ou la capacité de produire une solution tangible que l’on vient déployer, ne sont que rarement permises. Il est donc nécessaire d’être vigilant pour qu’une mobilisation segmentée de la démarche ne devienne pas un simple usage cosmétique de la discipline, pouvant même mener à son instrumentalisation politique.
Le designer adopte alors une position d’équilibriste en administration centrale : il s’agit en permanence de faire avec les contraintes politiques et structurelles de l’administration, pour améliorer le service à l’usager, sans servir de caution à la sphère politique. On pourrait conclure que l’apport principal du design
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02
de service dans l’administration réside moins dans des formes nouvelles de service qui sont proposées – le cadre et la structure ne permettant pas encore de les accepter – que dans les méthodes et processus qui amènent à ce résultat : on conclue en effet que c’estladémarchequiestmarquantepourlesdécideurspublics,plutôtquelerésultatproduit. Même si le livrable final – qu’il s’agisse de préconisations, d’une maquette ou d’un produit – est de qualité, ce sont les capacités de prise en compte de l’usager, de mobilisation des personnels et de facilitation de l’acceptation qui sont comprises et mises en avant.
Néanmoins, si l’administration conserve des cadres normatifs qui structurent la fabrique des politiques et des services publics, elle a ouvert une petite fenêtre de tir pour l’infiltration des designers, dans les discours et dans les actes. Dans ce processus d’intégration progressive des administrations centrales pour une meilleure «habilité» du monde, dans quelle mesure les designers peuvent-ils ré-interroger et ré-expliciter leurs propres représentations professionnelles, pour une hybridationfertile entre les deux entités ?
104
Pour un design maïeuticien, permettant une collaborationfertile entre agents publics et designers en administration centrale ?
0303
105
03
Les deux premiers chapitres nous ont fait toucher du doigt que les décideurs publics au sein de l’administration centrale de l’Éducation nationale et les designers viennent actuellement établir des frontières différentes à une seule et même pratique : celle du design de service public. Avec des envies profondes de transformation des pratiques des agents et des modes de faire, on observe que le design de service en administration dispose actuellement d’un statut de « design au service de l’administration » (je reprends une formule énoncée par Coline Malivel pendant un échange), où les des compétences partielles du designer et ses outils viennent participer à la transformation plus globale de la structure.
Même dans les projets présentant une entrée servicielle, la plus-value première et recherchée est rarement de créer un service dans la démarche de design de A à Z mais plutôt d’apprendre aux équipes à faire, d’aboutir sur des outils… et ces objectifs peuvent alors venir freiner la part de conception pure et simple. Les
On fait se confronter deux mondes, cela peut faire bouger les lignes, mais les lignes sont plus ou moins rigides.
(M. Gaultier, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juin 2019, Paris.)
106 représentations professionnelles des designers, qu’ils ont construit pendant toutes leurs années d’études et leurs années de pratique en entreprise, viennent alors se confronter à la réalité limitante de l’administration et à ses cadres normatifs, produisant frustration et incompréhension.
En se basant sur l’étude de trois « dispositifs d’innovation publique » en France, Emmanuel Coblence et Elsa Vivant (2017) remarquent en une « conception très plastique et instrumentale du design. Cette plasticité permet [...] de n’utiliser que les éléments de ces méthodologies jugés les plus utiles par les acteurs : le design est façonné et mobilisé en contexte, de manière à intéresser (Akrich et al., 1988) les acteurs de l’organisation d’accueil. » Si les structures de laboratoires d’innovation étudiés dans ce cas disposent d’un positionnement particulier dans l’administration – étant à la fois dedans et dehors, ce qui peut avoir une influence sur leurs interactions entre acteurs - on observe néanmoins des similarités notables au ministère de l’Éducation nationale. Les compétences sur lesquels les décideurs publics se laissent convaincre deviennent alors les motifs de déclenchements des prestations futures, mobilisant au passage de plus en plus d’acteurs.
Ils se rendaient compte d’une capacité dans le profil du designer à « savoir faire les choses », et c’est ça qui est ressorti le plus. Et qui a fait que ça a matché avec mon profil quand je suis arrivé. Néanmoins, la fiche de poste, c’ était beaucoup plus animer des ateliers, faciliter, faire un beau livrable s’il y a besoin d’un beau livrable… Onestsuruncouteausuissed’outilsbeaucoupplusquesurlaméthodologiedudesignou la pratiquedudesign commeonapul’apprendreetlamettreenœuvreailleurs.
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
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03
Si la proximité du terrain dans les services déconcentrés permet au designer de réaliser sa démarche dans sa globalité, pour la conception de nouveaux lieux ou services, l’administration centrale, avec une très forte proximité avec le politique et une gestion d’échelle nationale, s’ouvre elle progressivement à des segments de cette posture. Elle se transforme peu à peu et comprend qu’« on peut concevoir autrement qu’une règle budgétaire ou une règle légale et qu’on peut faire d’une autre manière qu’imposer aux gens et voir ce que ça donne derrière » (extrait de l’entretien de Nicolas Journo, 2019).
Ce changement de perspective est un long processus, et la place d’un designer dans une structure nationale vient poser alors de fortes questions professionnelles et éthiques : le designer peut-il conserver une posture de concepteur, prenant en compte finement les besoins des usagers, face au vertige que représente par exemple 12 000 000 d’élèves ? Peut-il participer au discours politique sur l’innovation sans se faire instrumentaliser ? En étant mobilisé actuellement uniquement pour une partie du panel de ses compétences, à quel point le design de service peut-il se transformer en administration sans perdre sa forme et son sens ? Quel point d’arrimage peuvent exister, par rapport à la culture, aux valeurs et aux enjeux des décideurs publics, pour envisager une collaboration fertile entre ces corps de métier ?
Ce chapitre fait l’hypothèse d’une posture maïeuticienne possible du designer de service en administration centrale, afin d’accompagner et challenger la structure dans sa transformation de la fabrique des politiques publiques, tout en maximisant des effets levier déjà observés. Sans se fourvoyer en un simple « esprit design », un designer en interne, au sein de l’administration centrale, accompagne les décideurs publics dans leurs projets, en intégrant une culture administrative dont ils ne possèdent pas toutes les clés aujourd’hui.
108 3.1. Une différence majeure entre designer en administration centrale et en services déconcentrés.
3.1.1. Le vertige des prestations nationales.
Six mois d’expérience au sein d’une administration centrale m’ont fait touché du doigt le vertige que peut provoquer l’accompagnement d’un programme ou d’un service public impactant des centaines d’établissements. Mon stage au sein du département de la modernisation a en effet été constitué de missions diverses, selon les opportunités et le calendrier politique de la période pendant laquelle j’ai été intégré à l’équipe. Du mois de mars 2019 au mois de juin 2019, j’ai pû accompagner par le design le bureau des collèges B-2, dans le cadre de la phase de renforcement du programme d’aide aux devoirs « Devoirs Faits » : l’objectif de cette approche était de penser le parcours et l’expérience de l’élève et sa famille.
Pour cela, un travail de recueil de l’expérience des différents acteurs impliqués a été effectué : avec trois collègues du bureau des collèges, nous avons réalisé des entretiens avec des élèves, des personnels de direction, des enseignants etc. dans quatre collèges de la région parisienne. L’enjeu de ces échanges était de retracer le parcours de décision des élèves participant et ne participant pas au programme Devoirs Faits, pour comprendre les réticences et trouver des leviers d’action. Forte des enseignements du terrain, il m’a été proposé d’animer deux ateliers pendant le séminaire national « Réussir au collège : Devoirs Faits » pour mener une réflexion et apporter des solutions concrètes aux problématiques extraites de la phase d’immersion.
C’est au cours de cet événement que j’ai pris conscience de la réalité culturelle et politique de l’administration, offrant parfois une fenêtre de tir particulièrement étroite
109
03
VOLONTAIRES
ENSEIGNANTS
COLLÉGIEN VOLONTAIRETEMPS
D’ÉTUDE ACCOMPAGNÉ,
POUR
Donne des devoirs
CHEF D’ÉTABLISSEMENT& SON ÉQUIPE DE
DIRECTION CONSEIL PÉDAGOGIQUE :mène une réflexion
sur le travail personnel des élèves
consultedonne les
orientations
COORDONNATEUR
cordonne les acteurs
EnseignantsCPE
Assistant d’éducationAssociations répertoriées
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S.G
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Mai 2019L’ÉCOSYSTÈME DU PROGRAMME «DEVOIRS FAITS»
Après entretiens et visite en établissementDocument de travail
COORDINATEUR DE BASSIN
le co
urs
PROFESSEUR PRINCIPAL
le programme
Devoirs Faits
conseille de participer
incite fortement à l’inscription
« Je ne sais pas comment ils gèrent la présence des élèves, je connais [Devoirs Faits] de manière aléatoire. »
Enseignant
« Mes parents ne disent rien. Ils ne me demande pas ce qu’il se passe en Devoirs Faits, mais parfois je raconte. Ca arrive qu’ils demandent si j’ai fait mes devoirs. »
Élève
s’inscrit sur des créneaux disponibles
détermine le planning
CPE
Formulaire d’inscription
distribué avec le bulletin
ENT
incitent fortement
à
« Une fois par semaine, ça sert à rien, je fais rien, je n’ai rien à faire. Mais ma CPE m’a inscrite. »
Élève
inscrit au programme
à la maison
AU SEIN DE CHAQUE ÉTABLISSEMENT
organise le programme
Devoirs Faits
« On se réunit pour voir comment ça se passe; nous avons fait trois réunions depuis le début de l’année. »
Enseignant volontaire
« On a fait appel aux professeurs principaux. On a ciblé les élèves en difficulté, et après avec une forte incitation aux parents pour les inscrire, quoi. Donc d’abord par courrier, puis ensuite suite à la première réunion parent profs, on a pu rajouter des élèves qui s’inscrivaient à ce moment-là. Du coup, c’est des élèves ciblés. »
Coordonnateur Devoirs Faits
« Il n’y a pas de lien, de communication avec les profs qui encadrent. Parfois un peu sur l’assiduité, mais de manière informelle. »
Enseignant
Point de rupture
« Devoirs faits, c’est important, ça doit être fait. Faire les devoirs, c’est une source de stress à la maison entre parents et enfants. »
Parent
« C’est ma mère qui m’a inscrit. Une fois que j’ai commencé, j’ai compris pourquoi elle avait voulu. Maintenant que les sessions devoirs faits sont terminées [pour le brevet des 3è], je ne sais pas quand faire mes devoirs. » Élève
5.a. Écosystème - Document de synthèse après immersion.
Fig.5– Livrables pour l’accompagnement par le design du programme Devoirs Faits.
ATELIER COLLABORATIFSÉMINAIRE "DEVOIRS FAITS"
Déroulé1. Accueil Présentation des intervenants et du déroulé global de l’atelier. Tour de table.
2. Méthodologie & design de service Présentation rapide du design de service, avec exemples concrets. Présentation de la méthodologie d’enquête en établissement.
3. Restitution des enseignements issus des entretiensPrésentation des constats (verbatims et écoute d’extraits audio).Réactions à chaud chaque participant donne son avis par rapport à ce qu’il a entendu•vu. Les verbatims les plus surprenants•marquants sont identifiés par une gommette. Présentation des problématiques identifiées par notre équipe en établissement.
3. Développement de pistesLes participants proposent des solutions (simples, réalistes, complexes, utopiques…) pour les problématiques qu’ils estiments prioritaires. Partage d’expérience: chaque participant indique des outils ou modifications de son organisation dont il a connaissance et déjà mis en place pour faire face à ces problématiques.Par petit groupe (2-3), les participants développent une ou plusieurs idées en utilisant la «fiche idée».Les groupes accrochent au mur leurs «fiches idée» et un temps de lecture est laissé aux participants.Individuellement, chacun vote pour l’idée qu’il aimerait expérimenter rapidement.
4. Remerciements et temps d’échange
ObjectifsRestituer les grands enseignements de la
phase d’entretien.•
Hiérarchiser les points de friction au sein du
parcours de décision de l’élève
•Identifier des solutions
pour améliorer l’expérience-élève du programme Devoirs
Faits.•
Réfléchir collectivement avec différents acteurs
du programme.
1h30
Quand? 04 et 05 juin 2019 Où? Qui?
(5 min)
(10 min)
(25 min)
(5 min)
(15 min)
(5 min)
(40 min)(10 min)
(20 min)
(10 min)
(10 min)
Organisation
Animatrice:Aurélie Letellier
(Bureau des collèges DGESCO A1-2)
•Bérangère Clepier
(Designer de service - département de la modernisation - SG •
MEN - MESRI)
Selon le nombre de participants, le groupe pourra être divisé en deux. Chaque groupe
sera alors encadré dans leurs activités par
une animatrice.
5.b. Programme et documents de médiation pour l’atelier collaboratif envisagé pendant le sémaire national Devoirs Faits.
FICHE SYNTHÈSE
LE(S) POINT(S) DE FRICTION
LA PROBLÉMATIQUE
Comment communiquer directement et de manière adaptée avec les élèves sur Devoirs Faits, pour favoriser leur
volontariat ?
« Une fois par semaine, ça sert à rien, je fais rien, je n’ai rien à faire. Mais ma CPE m’a inscrite. »
Élève
« [J’en ai entendu parler] par mes surveillants, parce que c’était un nouveau système qui arrivait. Ils nous ont donné des feuilles, pour remplir pour venir. Je les ai jetées. Depuis qu’on est en primaire, on nous parle de devoirs et d’aide aux devoirs.»
Élève
« La difficulté, c’est la base du volontariat. Ce ne sont pas de vrais volontaires. »
Intervenant DF
« Devoirs faits, ça ne sert à rien. C’est pour les élèves en difficulté. »
Élève
« Ma mère ne m’a pas laissé choisir. Elle a direct coché sans me consulter. »
Élève
• Communication indirecte pour l’élève, par un formulaire papier à destination des parents.• "Volontariat forcé" par les parents ou les équipes enseignantes.• Difficulté à comprendre les objectifs et les apports du programme.
« On a ciblé les élèves en difficulté, et après avec une forte incitation aux parents pour les inscrire, quoi. Donc d’abord par courrier, puis ensuite suite à la première réunion parent-profs, on a pu rajouter des élèves qui s’inscrivaient à ce moment-là. Du coup, c’est des élèves ciblés. »
Coordonnateur Devoirs Faits
FICHE IDÉE
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LA PROBLÉMATIQUE CHOISIE
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POURQUOI CETTE QUESTION EST PRIORITAIRE ?
« Et si on... ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
MON IDÉE
«Ça permettrait de.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
LES OBJECTIFS ?
LA MISE EN OEUVRE ?
LES CONDITIONS DE RÉUSSITE ?
LES FREINS? LES RISQUES?
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À quelle échelle?
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« Et avec plus de précisions... (partenariats, ressources internes, mobilisation ...)........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
« De manière concrète: ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
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au design de service.
Si les objectifs initiaux étaient de restituer les grands enseignements de la phase d’entretien (fig.6.a et 6.c) et d’identifier collectivement des solutions pour améliorer l’expérience-élève (fig.6.b), ce moment a été l’occasion de partager des expériences locales ainsi que des constats communs. La tonalité globale de l’événement – sous forme de partage descendant d’expertises – n’était pas compatible avec les méthodologies et la posture du designer pendant un atelier de co-création.
De plus, le cadre politique d’application du programme venait également remettre en question une nouvelle manière possible de concevoir des solutions : soumis à un délai politique très court de déploiement du programme, « tombé comme un cheveux sur la soupe », les hauts fonctionnaires étaient en recherche de solutions théoriques et pré-conçues pour les accompagner. Une posture plus horizontale et plus participative n’était alors pas naturelle pour les agents, bien qu’ils se soient montrés coopératifs.
Le partage d’expérience réalisé au cours du séminaire m’a permis de saisir les réalités multiples qui agitaient les établissements, et faisaient leur spécificités individuelles. Chaque établissement a mis en place à sa manière le programme, selon son personnel, ses moyens, ses élèves. Un accompagnement à échelle nationale vient alors toujours questionner l’équilibre entre les spécificités locales et le cadre national : la forme d’un projet ou d’une prestation ne peut évidemment pas être la même, s’il a une visée nationale ou locale.
Quand tu prends un décideur public, en administration locale ou en administration d’état, il doit faire un truc qui s’industrialise. […] Quelqu’un d’authentiquement intègre va chercher à faire bouger un certain nombre de choses que son
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Charles Franko, vient alors poser deux notions fondamentales qui viendront challenger le travail d’un designer à l’administration centrale : l’expérimentation et le passage à l’échelle.
3.1.2. Une pratique de l’expérimentation qui n’est pas naturelle pour l’administration
La pratique de l’expérimentation n’est pas naturelle dans les administrations publiques, quand elle semble fondamentale dans la pratique itérative du designer de service. En effet, la démarche du design de service s’appuie dans sa phase de conception sur une logique d’expérimentation, afin de tester rapidement les intuitions sur le terrain et d’obtenir des retours des usagers. Ce processus permet une amélioration progressive de la solution, afin d’arriver à la plus adaptée possible.
Dans un entretien mené par la 27ème région, Marjorie Jouen, chef de cabinet adjointe au Comité des régions, mettra en exergue cette difficulté culturelle existante aujourd’hui dans la sphère publique (La 27ème région, 2010)
mandat appelle à corriger et faire en sorte que ce qu’il avance, ce qu’il amène, passe à l’échelle. Derrière une notion de passage à l’échelle, on a déjà une notion de d’expérimentation. Son action doit avoir une incidence normalement nationale par définition.
(C. Franko, 2019. Entretien semi dirigé le 26 juillet 2019, Paris.)
« Le pouvoir public doit constamment placer le curseur entre le respect du principe d’égalité et l’exploitation du potentiel que représente la diversité. |…] il est nécessaire de tester, d’effectuer des expérimentations sur les territoires.
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Cette pratique ne fait pas encore partie de la culture des institutions. Par exemple, le droit à l’expérimentation, tel qu’il est défini dans la constitution, est cadenassé. »
Marjorie Jouen, in le design des politiques publiques, p .130-131
Au sein de l’Éducation nationale, cette approche culturelle du principe de l’égalité de traitement est particulièrement prégnante, ce qui sera confirmé par les hauts décisionnaires que j’ai pu rencontrer.
Face à un principe d’égalité de traitement dans les territoires, on observe au sein des ministères une difficile mise en pratique du concept d’expérimentation dans la définition entendue par les designers. En effet, « l’expérimentation constitue une procédure de mise au point sur un échantillon qui, s’intégrant à un processus de réforme, en constitue la première phase opératoire dont la fonction demeure limitée». (Bouillant, Duru, 2018). On
On peut avoir une approche un peu culturelle, qui d’ailleurs ne va pas nécessairement s’appliquer au design de service [...]: il y a toujours cette tension entre l’expérimentation, donc faire quelque chose de différent à un endroit précis, pour une période précise et cet attachement très fort, culturel, viscéral, à la notion d’égalité du service fourni sur l’ensemble du territoire. Ce qui fait que parfois, la notion d’expérimentation a du mal à être acceptée, ou alors on l’accepte sur un petit périmètre, et ça veut dire qu’à la phase d’après, c’est nécessairement la généralisation pour ne pas rompre l’égalité. Et on a parfois un peu de mal avec les mises en œuvre progressive pendant laquelle, sur un temps un peu long, on va accepter que le service ne soit pas rendu de la même façon sur l’ensemble du territoire.
(C. Géhin, 2019. Entretien semi dirigé le 30 juillet 2019, Paris.)
114 constate donc l’existence d’expérimentations, en tout cas intitulées ainsi, mais qui ne correspondent pas à une étape d’essai et d’analyse des résultats avec la possibilité d’échouer, mais plutôt à une première mise en œuvre -test au niveau local, avant une généralisation nationale déjà prévue en amont.
Dans le cadre du marché ‘design de service’, le questionnement autour de la notion d’expérimentation peut être évoqué pour une prestation consistant en la conception et l’organisation du Hackathon SNU, organisé avec l’objectif d’ alimenter la réflexion du groupe de travail sur le Service National Universel, pour un second rapport remis au gouvernement en Novembre 2018.
Ce projet vient cristalliser deux visions différentes de l’expérimentation : dans le cadre de la prestation, un livrable préconisant trois scénarios sera fourni à l’équipe projet – l’intérêt alors noté par un designer en charge de la prestation sera l’inscription des propositions dans une logique d’expérimentation la première année, à l’échelle du territoire. Dans la vision du designer, il s’agit alors de tester plusieurs pistes avec des POC (proof of concept), pour voir ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas et venir réaliser des ajustements à la conception. Ce designer déplorera que dans le cadre de ce projet, cela fut envisagé différemment par l’administration : en faisant l’inventaire des moyens à disposition, le SNU a été mis en place pendant une année à une échelle réduite, en projetant d’emblée son déploiement. Ainsi, même si la mobilisation de designers de service a permis de fournir un livrable intéressant, co-construit avec tous les acteurs, peu de questionnements sont menés sur la manière de faire l’expérimentation, dans une efficacité de temps et une efficience de coût. Une impression de travailler pour « un projet dont le déploiement est déjà préfiguré » se ressent.
Avec des attentes très fortes du politique et des citoyens, l’expérimentation est une prise de risque pour
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les agents qui la porte. Le droit à l’erreur est difficilement envisageable pour des acteurs publics qui portent le projet :
L’expérimentation locale devient néanmoins aujourd’hui un sujet clé de l’action publique et des discours politiques. Le président de la République, Emmanuel Macron (2017) déclarera, à l’occasion du centième congrès des maires de France : « L’égalité républicaine est un de nos grands principes mais elle ne doit pas se traduire en une uniformité de la norme parce que les territoires ne sont pas plongés dans les mêmes situations ».
Avec un changement progressif dans les discours et la culture, des expériences localisées mobilisant des processus itératifs parviennent tout de même à être menées par les designers. Elles s’avèrent très fructueuses au niveau des services déconcentrés. Néanmoins, lorsque les designers interviennent au niveau du pouvoir central, ils font face à une nouvelle problématique : celle du passage à l’échelle nationale. Ce sera une question ouverte notamment pendant mon stage par la prestation de l’agence Coopaname sur le programme Transparence.
3.1.3. La question (ou l’écueil) du passage à l’échelle
Pour la mise en place du programme Transparence au sein de l’Éducation nationale, une expérimentation est en
Très souvent, une maquette, ils vont accepter, parce que cela n’engage à rien, ça fait plaisir. C’est pauvre, un peu fiction, ça plaît, ça séduit. Quand ensuite il faut parler prototypage, voire production et expérimentation, là ça leur fait très peur. Parce que il y a toujours le coté de « droit à l’erreur » oui, mais en cas d’échec, ça retombe sur les décideurs.
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
116 effet menée au premier semestre de l’année 2019 sur le district de Saint Omer, sur une vingtaine d’établissements : il s’agit de tester les indicateurs de qualité produits en co-conception avec les personnels de direction d’établissements du secteur, sur une échelle locale mais analysable. Un détail mineur bien que marquant vient illustrer la difficulté d’un passage à l’échelle, d’un point de vue technique : les designers ont produit au départ des affiches A1 afin d’afficher à l’entrée des établissements l’ensemble des indicateurs de manière visible. Si ce type d’impression peut être envisagé pour une expérimentation locale, le déploiement dans toutes les structures françaises pose automatiquement des questions de coûts et de diffusion : transmis aux chefs d’établissements, l’affiche devra en effet être imprimée selon leurs propres moyens, et donc à moindre coût.
La difficulté du déploiement à l’échelle n’est pas uniquement technique. Comme le notera la Secrétaire Générale, un projet mené sur un contexte local se politise au moment du passage à l’échelle.
Sur Transparence, ça permet d’aller voir les acteurs de terrain avec une optique différente. - Là aussi, ce n’est pas la DGESCO, pas la DGRH, on voit les vrais chefs d’établissement et pas uniquement les syndicats de chefs d’établissement; donc c’est exactement la même démarche et les mêmes raisons de succès. Le problème, par la suite, c’est le passage à l’échelle nationale, où l’on va avoir un succès qui va considérablement se politiser. - Vous pensez que c’est plus facile à l’échelle locale? - Oui. C’est toujours plus facile, parce qu’on parle aux vrais gens. En fait, on est un ministère très idéologue. Nos sujets sont très vite théorisés. - Et du coup, l’expérimentation sur un petit point local est plus facile...
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Sur des projets où le Secrétariat Général est attendu, une question peut alors se poser sur la manière dont la solution proposée par les designers sera reprise par l’administration pour son déploiement : face à des enjeux politiques et sociétaux, et pour un déploiement rapide et efficient dans les établissements, comment vont être transformées les affiches produites par les designers ? Ne peut-on pas voir un risque de perdre l’approche de co-construction avec les établissements, et une simple conservation des éléments de communication
Si la production des designers dans le projet Transparence
- C’est plus facile, mais ça ne règle pas la question du passage à l’échelle. (M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
Le mur devant lequel on butte est le mur de la généralisation, à tous les établissements, avec une batterie d’indicateurs mis en ligne au plan national, et les conséquences que cela implique en terme de polémiques de classement des établissements etc. Pour ces points, je ne sais pas. [...] On sera obligé de le cadrer. Typiquement, un taux de résultat au bac, cela ne veut rien dire. [...] C’est pour ces raisons que l’on dispose d’autres indicateurs - si on va au plan national, c’est ceux là qu’on utilisera [...] C’est vrai qu’ensuite, sur les indicateurs qualitatifs (climat scolaire etc.), il va falloir construire des choses. Et c’est pour ça que c’est compliqué. Il y a un gap entre ce qu’on peut faire au niveau local, en choisissant des indicateurs par grand segment (apprentissage, environnement, épanouissement, bien être des élèves) et ce qui est possible à l’échelle nationale: on aura des choses beaucoup plus cadrées, nécessairement.(M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
118 fut unanimement considérée en centrale comme intéressante et porteuse – et sera bien réceptionnée par les collègues en établissement – la question de la forme du déploiement se pose : faut-il diffuser les résultats tel quel ? Disséminer des manières de faire ? Transformer le projet ?
Si un partage des manières de « concevoir différemment » est envisageable, ce mémoire fait l’hypothèse que le passage à l’échelle tel quel des produits ou des services en eux-même pourrait être un piège mortel de l’innovation publique. Deux risques sont en effet réels : d’un coté, la réalisation d’une expérimentation où le déploiement est déjà préfiguré, où le temps d’une évaluation n’est pas laissé qu’on annonce déjà une mise à l’échelle. De l’autre, la perte de la puissance du projet – qui fonctionne au niveau local, avec le contexte et les acteurs - mais qui serait vidé de sa substance au niveau national. Le designer pourrait alors être « partenaire du crime » d’une mise en application inadaptée de politiques publiques, sous couvert d’une expérimentation à petite échelle, proche des gens et du territoire. Pour la 27ème région, « les administrations doivent apprendre à tester des idées à petite échelle avant de les disséminer, prototyper les services publics, documenter le plus possible ces expériences, ne pas craindre d’expliquer ce qui pourrait être amélioré, ouvrir des zones de test permanentes… ». Si la diffusion des produits à une échelle nationale sans normalisation nous semble risquée, voire inenvisageable selon les composantes fondamentales du travail des designers, c’est donc bien sur des enjeux de documentation, de vulgarisation et de définition du design de service que le designer en administration centrale dispose de latitude – quand il peut plus efficacement concevoir des produits et des services publics dans les services déconcentrés, où se trouve la capacité de faire. Une réflexion est alors ouverte sur la forme et les enjeux de cette vulgarisation, à la fois sur un court et long terme.
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3.2. Un enjeu central de communication : diffuser, oui, mais quoi ?
Comme nous l’avons évoqué au cours du chapitre 2 de ce mémoire, nous pouvons faire le constat d’un manque manifeste de définition commune du design de service au sein du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Si certains décideurs publics parviennent à se construire une définition du design par l’observation et l’expérience, en évacuant leur préjugés initiaux, ils font néanmoins tous part d’un besoin supplémentaire d’explicitation des apports possibles des designers de service.
Une grande part du travail d’un designer en interne, et plus précisément au sein de l’administration centrale, doit donc consister à l’acculturation, à la sensibilisation, au partagedesméthodes, sans que ces outils ne viennent se substituer à une démarche design dans sa globalité. Si les prestations dans le cadre du marché produisent des résultats intéressants au sein de l’Éducation nationale, le département de la Modernisation exprime le besoin, à mon arrivée en stage, de capitaliser sur les projets qui ont été déjà menés, pour partager avec le reste de la structure ces initiatives. Ce constat sera partagé par la Secrétaire Générale, pour
Il y a cet enjeu de pédagogie. Honnêtement, je n’étais pas du tout convaincu a priori. Quand je dis pas convaincu, je ne dis pas du tout opposé. Mais ma grande théorie est la valeurajoutée. Je suis ni pour ni contre, mais je veux juste voir quelle est la valeur ajoutée. […] Et pour le design, je vois que ce n’est pas du discours creux. Mais en revanche je trouve qu’il y a un manque d’accompagnement et d’explicitation. Il y a vraiment un discours à tenir sur le design, pour montrer à quoi ça sert.
(L. Crusson, 2019. Entretien semi dirigé le 23 juillet 2019, Paris.)
120 multiplier les effets de levier possibles à partir de projets à petite échelle :
Au cours de mon stage, il m’est alors demandé de produire un document de synthèse (fig. 6.a et 6.b), afin de partager les résultats obtenus depuis deux ans avec les agences de design. Le retour d’expérience, effectué l’année précédente par Alice Martin au cours de son stage, était un document très complet, mettant en parallèle les prestations réalisées, leurs compositions et le point de vue des agents ayant participé au projet – mais sa diffusion est malheureusement restée très limitée. Avec une volonté de produire un impact en dehors du seul service bénéficiaire, une discussion s’est donc ouverte sur la forme possible de ce document de partage des prestations, et plus précisément sur son contenu.
Dans un premier temps, il m’est demandé de procéder à une sélection d’outils et de contenus produits par les prestataires, suffisamment génériques pour pouvoir être mobilisés par des agents au sein de l’administration, pour éviter que les livrables produits ne restent juste « dans un coin » de nos ordinateurs. Cette volonté de partage, dans un esprit de boîte à outils, allait à l’encontre des principes du design de service tel que je le conçois : en effet, les outils et les analyses, produits
Il y a des choses qui visiblement ont suscité un grand enthousiasme, notamment la signalétique Aix Marseille.- Mais c’est très localisé et à petit échelle.- Oui, c’est à toute petite échelle oui. Après, c’est sans doute des choses à faire connaître mais c’est vrai que ça veut dire qu’il faut, vraiment, vraiment capitaliser là dessus parce que sinon ça passe complètement sous le radar, parce que les rectorats ne sont pas des lieux massifs.(M.A. Lévêque, 2019. Entretien semi dirigé le 31 juillet 2019,
Paris.)
122 par les designers lors d’un projet, le sont dans un cadre précis, pour des acteurs précis et un enjeu précis. Diffusés sans précaution dans un esprit de design thinking, ces outils peuvent laisser penser qu’ils sont réutilisables sur n’importe quel projet. Après discussions, le document s’est donc ré-orienté vers une présentation des types d’accompagnement fournis par les designers sur un panel de six projets : une description dans le temps de la prestation est fournie, et le document insiste sur l’apport spécifique du design de service dans les prestataires face à d’autres corps de métiers.
L’acculturation de l’administration aux démarches mises en place par des designers prend du temps : une grande part de mon travail pendant le stage a consisté à vulgarisation de ma pratique – par la production performative de documents, mais également de manière informelle, au cours de discussions sur les sujets d’actualités au ministère : si la vigilance doit être accrue pour ne pas voir la discipline phagocytée par les contraintes de l’administration, il est aussi nécessaire pour les designers de requestionner leurs propres pratiques dans ce cadre particulier qu’est l’administration centrale, pour ne pas disparaître aussi rapidement qu’ils sont apparus.
S’il est évidemment frustrant de ne pas exercer son métier dans toutes les facettes qui ont pû nous être enseignées, les compétences de médiation et d’accompagnement au changement peuvent être valorisées et développées, et ouvrir progressivement la porte à des designers plus en amont de la fabrique des politiques publiques. Le cadre de pratique du designer change, pour s’alimenter de la structure qui le porte.
Je ne peux plus faire du design de terrain, du point de vue où nous, designers, entendons le terrain, mais en fait, mon terrain, c’est les ministères en eux-même. Vu que c’est là où je suis, c’est là où
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L’administration devient ainsi elle-même le terrain du designer, qui l’observe, la scrute, en perçoit les limites et vient travailler dessus. Ces pratiques demandent un changement de regard des designers eux-même ; sans s’habituer à l’administration à et ces normes – il faut continuer à poser un regard critique dessus – il faut accepter un nouveau rôle, plus diffus au quotidien, mais présentant son lot de satisfactions personnelles lorsqu’un décideur public décide de nous mobiliser sur un segment plus important. Si l’administration se saisit logiquement des compétences des designers qu’elle comprend et qui lui sont utiles, dans quelle mesure le design peut-t-il s’adapter sans perdre son sens ?
3.3. Pour des designers maïeuticiens : une rencontre possible entre administration et design ?
En se confrontant à l’administration, le designer vient modifier ses objectifs et son angle d’attaque. Travailler dans, avec et pour le ministère permet de mieux comprendre son fonctionnement et ses limites : si la « préparation du terrain » semble être nécessaire pour s’assurer d’une future collaboration fructueuse autour d’une définition commune, le designer n’est-il pas le mieux placer pour assurer ce rôle ?
je peux enquêter, questionner, changer les choses. Et c’est intéressant aussi et c’est différent. Et c’est une des forces et des limites du côté administration centrale, c’est que ton terrain, c’est l’administration elle-même et donc tu te retrouves à designer l’administration elle-même, par moment. Et parfois la solution, c‘est vulgariser, changer un process en interne, faire se rencontrer deux personnes...
(N. Journo, 2019. Entretien semi dirigé le 04 juillet 2019, Paris.)
124 Dans ce cadre, il est nécessaire pour les designers de comprendre la culture administrative, pour mieux la repenser de l’intérieur, sans jamais perdre un regard acéré et critique dessus. On peut soulever un point de détail, mais qui reviendra néanmoins de manière récurrente au cours des entretiens, montrant que le travail d’intégration du design au sein de l’administration se joue dans la finesse des relations humaines et hiérarchiques : dans une structure où le langage écrit est la norme de communication des décideurs, un manque de formalisme est noté et critiqué chez les designers de service. S’il est très apprécié d’apporter de nouveaux outils graphiques et facilitateurs, le texte reste consubstantiel de l’administration et doit être maîtrisé: les designers en administration centrale travaillent sur la forme et la syntaxe fait également partie de la forme.
Il s’agit alors d’orienter sa pratique pour devenir un design au service de l’administration, de ses agents et de ses administrés, le temps d’ouvrir une place réelle à un design des services publics, voire même des politiques publiques. Ce profil de transition est fondamental pour assurer la vulgarisation du design de service en administration sans qu’il ne perde sa forme – ce risque se présente en effet lorsque la diffusion est assurée par d’autres corps de métier. Le designer peut alors devenir spécialiste de la médiation, gardant en permanence en tête « l’amélioration de l’habitabilité » (Findeli, 2016) du monde, pour les agents, pour les bénéficiaires, et pour la structure.
Une vision de plus long terme serait donc à adopter : si l’administration s’acculture progressivement au travail des designers, on peut alors poser l’hypothèse que la nécessité de ce profil de designer, plus centré sur des missions de médiation et de vulgarisation, ne sera nécessaire qu’un temps. Ce profil est de toute façon à envisager dans un équilibre entre médiation et action : si
125un designer de service en interne dans les administrations centrales peut venir requestionner l’administration en son sein, c’est en parallèle de projets plus complets de conception menés dans les services déconcentrés, qui disposent eux de plus de latitudes pour faire.
Cette situation oblige alors le designer de service à remettre en question ses certitudes en même temps qu’il remet en question celles de l’administration, et à réadapter sa pratique au quotidien : il s’agit d’un questionnement éthique et personnel, qui viendra animer les designers faisant le choix de travailler en administration centrale.En étant capable de comprendre le champ d’activité qui lui est ouvert, le designer peut alors ou non faire le choix de s’investir dans ce long chemin que représente l’intégration du design dans les administrations.
126 Conclusion.
Travailler pendant six mois au sein du Département de la modernisation a été un moment majeur de confrontation de mes représentations professionnelles de jeune designer de service investie sur des problématiques sociales, à un contexte parfois hostile et possédant une culture différente de la mienne : l’administration centrale. Ces frictions culturelles ont été à l’origine de doutes et de remises en question personnelles, mais ont surtout accompagné en fil rouge ce mémoire de l’émergence de premières interrogations à la formulation des problématiques de recherche qui seront les miennes.
Les ministères de l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur forment un terrain vertigineux pour les méthodologies du design de service, recherchant des solutions locales construites selon les besoins des utilisateurs. Si la prise en compte de l’usager dans la conception de nouveaux services est une évidence pour les designers, de multiples écrans existent entre élèves et agents des ministères travaillant à la mise en oeuvre administrative et normative des décisions des cabinets ministériels. Si le premier regard posé face à cette rupture avec le terrain est celui de l’incompréhension, ce mémoire s’est donné pour objectif de repérer et d’analyser avecquels objectifs les décideurs publics des ministèresdeÉducationnationaleetde l’Enseignementsupérieurintègrent le design de service dans leurs pratiques etdansleursdiscours.
Le cadre d’action des décideurs publics est en cours de transformation, sous l’effet d’une montée de la voix des citoyens réclamant des services publics plus humains, plus compréhensifs, et plus attentifs à leurs besoins. Cet appel à la transformation s’observe également dans le discours de structures interministérielles ou de
127personnalités politiques, et prend forme notamment par la création de nouvelles entités dite créatives, telles que les laboratoires d’inovation pilotés par la DITP. Au sein de cet écosystème en mutation, on observe alors l’apparition de projets de services publics co-construits, faisant intervenir des méthodologies et des outils issus du design de service, afin de prendre en compte de manière plus fine les besoins des usagers. Cette collision avec le politique charrie alors avec elle un ensemble de questionnements déontologiques et éthiques pour les designers : les ministères font-ils appel au design pour une transformation profonde de la fabrique des politiques publiques, ou bien la discipline n’a-t-elle qu’un rôle de vitrine modernisante ? Dans quelle mesure s’agit-il d’une stratégie politique instrumentalisant le design dans un discours de modernité ?
L’objectif de ce mémoire était de donner une voix à ceux qui font l’administration, c’est à dire qui administrent et mettent en oeuvre les décisions, notamment au plus haut niveau de responsabilité. En laissant un espace d’expression libre à ces hauts fonctionnaires, tout en analysant un marché public de design en contrepoint, il s’agissait de comprendre les frictions culturelles qui pouvaient exister entre les différents corps de métier, et de déceler ce qui dans l’usage actuel du design de service relève du discours ou de la conviction.
En analysant les prestations réalisées pendant deux années dans le cadre du marché public MENJ-MESRI, on peut ainsi conclure que l’environnementinstutionnel et hiérarchique qu’est une bureaucratiepublique vient contraindre et limiter l’acte de fairedes designers : leurs prestations sont majoritairement ponctuelles dans la démarche de projet, et il s’agit plutôt d’un accompagnement de l’équipe de l’administration sur un manque méthodologique, celui de pendre en compte la voix de l’usager, qu’une démarche nouvelle
128 dans la fabrique des politiques publiques. Le parcours de décision menant à l’intervention des designers est majoritairement lié à un « sursaut de l’usager » lorsque le projet est déjà initié, et ce, sans la présence de designers. De plus, le segment d’intervention des designers est réduit et circonscit aux cadres normatifs de l’administration : en amont, un requestionnement du sens du projet est impossible, avec parfois même une préfigutation précise de la forme finale par le commanditaire, et en aval, le projet est repris en main par l’équipe du ministère pour la phase de déploiement, entrainant un risque de perte de ladémarche globale des designers.
On peut donc confirmer les conclusions de Coblence et Vivant (2017), pointant dans les nouvelles formes d’innovation publique une conception trèsplastique et instrumentale du design, permettant den’utiliser que les éléments de ces méthodologiesjugés les plus utiles par les acteurs. Dans le cadre de mes observations au département de la modernisation, le design est donc pour le moment au service del’administration, et non pas producteur de nouvelles formes de faire des politiques publiques.
Néamnoins, si les prestations sont aujourd’hui majoritairement limitées à un besoin ponctuel de recentrage sur l’usager en cours de projet, la discipline est perçue par les décideurs publics comme un puissant outil qu’ils sont prêts à mobiliser : le gap méthodologique de l’administration auquel répondent les manières de faire des designers produisent la désirabilité de l’outil en premier lieu, mais une véritable plus-value est perçue par les cadres d’administration suite à leurs interventions.
L’administration ne semble comprendre que de manière partielle l’étendue des compétences des designers, mais reconnait et se saisit pleinement de leurs capacités à observer et analyser un existant, à le retranscrire dans sa complexité sans le stéréotyper, et à mobiliser les équipes
129dans des pratiques de travail plus horizontales, se libérant de la hiérarchie. Si la forme finale importe donc moins que le processus par lequel cette forme serait architecturée, il s’agit néanmoins d’une première étape pour introduire la voix de l’usager, et ouvrir un champ plus large pour la conception de nouveaux services, dans une méthodologie faisant intervenir usagers et agents. Par une entrée par l’interface et l’habillage usager, une boucle de rétroaction est possible, comme dans le projet Parcoursup, requérant patience et détermination chez les designers.
Cet usage partiel et frustant du design au sein de l’administration publique est moins le résultat d’une vitrine modernisante que celui d’une limitation des marges d’action des décideurs publics par la structure. En effet, il s’agit pour les agents rencontrés de mettre en oeuvre les décisions prises par les cabinets ministériels, de manière optimale pour les agents et pour les usagers dans un calendrier très serré et avec les moyens dont ils disposent. Le design est alors saisit comme un levier permettant de prendre en compte l’usager de manière fine pendant cette mise en oeuvre, ce que l’administration ne parvient pas à faire d’elle-même, sans pouvoir néamnoins modifier le cadre normatif et législatif qui a été posé initialement par le politique.
Ainsi, dans l’objectif d’améliorer « l’habitabilité du monde des bénéficiaires, des usagers des services, sur tous les registres de ce monde: matériel, psychosocial, culturel et spirituel », il semblerait alors porteur d’interroger la place possible du design pour designer l’action publique comme acte politique, pour une prise en compte de l’usager dès la mise en place des politiques publiques. En parallèle, un nouveau profil de designer, dit maïeuticien, peut alors faire son apparition au sein de l’administration centrale : venant prendre l’administration comme son terrain de jeu et de pratiques, il s’agit
130 de mobiliser en priorité des compétences d’analyse, de transcription et de médiation graphique, ainsi que d’accompagnement aux changements. Ce profil transitoire pourrait alors accompagner l’administration publique et ses décideurs dans une nouvelle forme de fabrique des politiques publiques, plus centrée sur l’usager et plus épanouissante pour les agents.
L’intervention de designers en administration centrale est indissociable d’une continuité la pratique du faire qui se développent actuellement dans les services déconcentrés : ces deux formes complémentaires d’interventions pourraient permettre une transformation sur du plus long terme de la structure, si design et administration sont prêts aux réadaptations que cela exige.
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Table des annexes
Entretiens & méthodologie 140
Iconographie 148
Fig. 3 - Documents graphiques «écosystème» produits pour le séminaire Moderniser, Innover, Transformer en académie 2019. 148 3.a. Situation actuelle 148 3.b. Rentrée 2019 à l’Éducation Nationale 149 Fig.4 – Livrables pour l’accompagnement du dossier FTAP «Portail Parents» 150 4.a Résumé graphique du ‘concept’ du projet 150 4.b. Personae - équipe en établissement 151 4.c Personae - parent d’élèves 152 Fig.5 – Livrables pour l’accompagnement par le design du programme Devoirs Faits. 153 5.a. Écosystème - Document de synthèse après immersion 153 5.b. Programme et documents de médiation pour l’atelier collaboratif envisagé pendant le sémaire national Devoirs Faits. 154 5.c Le parcours élève - Document de synthèse après immersion 156
Fig.6 – Extraits du document «Quelques repères sur le marché ‘design de service» 159
140 Entretiens & méthodologie
Dix-neuf entretiens d’une durée de 45 min à 1h30 ont été réalisés au cours des mois de Juin et Juillet 2019, majoritairement à Paris mais aussi en visio-conférence. Deux d’entre eux ont été organisés avec deux interviewés en même temps, pour un regard en chassé croisé d’agents travaillant dans le même service.
Le corpus d’interviewés est constitué de trois grands profils d’acteurs : haut fonctionnaires d’État et cadres publics du MENJ et MESRI / acteurs rattachés à une structure publique dont les missions alimentent les réflexions sur l’innovation / designers intervenant dans des structures publiques, ou avec des partenaires publics.
La plus grosse partie du travail s’est concentré sur le recueil du point de vue de décideurs publics en administration centrale (12 entretiens), parmi lesquels 11 ont observé de près ou de loin un projet faisant intervenir des designers. Le choix des agents publics à interroger s’est effectué selon deux critères : le positionnement hiérarchique de l’interviewé (c’est à dire des agents en situation de pilotage de projets et de gestion d’équipe) et l’existence d’un projet piloté ou observé par cet agent faisant intervenir des designers. Cette connaissance même lointaine du design était nécessaire pour s’assurer d’une discussion constructive et pour s’extraire des clichés et des a-priori pendant la seconde partie de l’entretien. Néamnoins, les conclusions sont à analyser à la lumière de ce biais méthodologique : ce mémoire s’est concentré sur les perceptions et usages d’un cercle restreint de décideurs publics, travaillant tous pour deux ministères particuliers.
Les autres entretiens ont permis d’apporter des contrepoints et d’offrir un regard extérieur au MENJ et MESRI. Ils étaient l’occasion de recueillir la perception
141d’autres parties prenantes de ces nouveaux types de projets : les designers eux-mêmes, ou ceux qui en font la promotion.
Vous trouverez ci-après la liste précise des entretiens menés :
• Haut fonctionnaires d’État et cadres publics du MENJ et MESRI : • Marie Anne Levêque - Secrétaire Générale des ministères de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. 31 juillet – Bureau de la Secrétaire Générale, Paris.- ChristopheGéhin - chef de service, Secrétaire Général adjoint. 30 juillet – Locaux du Secrétariat Général, Paris. - CléliaMorali – Déléguée à la communication & GillesDevisy- Chef de projet communication (DELCOM). 17 juillet 2019 – Locaux de la DELCOM- CélineKerenfle’ch– inspectrice des finances, experte de haut niveau au sein du Secrétariat Général.11 juillet 2019 – Locaux du Secrétariat Général, Paris- LaurentCrusson - Expert de haut niveau (groupe III) auprès de la Secrétaire Générale. 23 juillet 2019 – Locaux du Secrétariat Général, Paris.- FlorenceDubo - Cheffe de service, adjointe au Directeur Général des Ressources Humaines à l’administration centrale du MENJ et MESRI. 12 juillet 2019 – Locaux de la DGRH, Paris.- JeanMichelQuenet - chef de service, adjoint à la directrice de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, à l’administration centrale du MENJ – MESRI.) 24 juillet 2019 – Locaux du département de la modernisation, Paris. -PierreMoya- expert de haut niveau, chargé de la politique de l’encadrement supérieur auprès de la Secrétaire Générale et NellyFesseau, experte de
142 haut niveau - SG MPES. 24 juillet 2019 – Locaux du Secrétariat Général, Paris.- MarjorieKoubi – Cheffe du bureau des collèges. 09 juillet 2017 – Locaux du Bureau des collèges, Paris.- MélanieGaultier– ajointe au chef du département de la modernisation. 26 juin 2019 – Locaux du département de la modernisation, Paris. -BlandineBrioude - Secrétaire Générale Adjointe de l’académie d’Aix Marseille. 02 juillet 2019 - visio conférence.• PierreArène – Secrétaire Général de l’académie de Lyon. 03 juillet 2019 - visio conférence.
• Acteurs rattachés à une structure publique, avec une mission «innovation» : - CharlesFranko – Responsable « stratégie usagers » à la mairie de Paris. 26 juillet 2017 - Drop Café, Paris- FrançoiseWaintrop - Chargée de mission innovation et modernisation de l’Etat, Directrice de la formation à l’ENA. 22 juillet 2019 – Locaux de l’ENA.- BaptisteN’tsama – Chef de projet innovation publique à la DITP, membre de l’équipe Futurs Publics. 18 juillet 2019 – Locaux de la DITP.- Somalina Pa– Responsable du lab 110bis. 12 juillet 2019 – Lab 110 bis.
• Designers intervenant dans des structures publiques, ou avec des partenaires publics:
- NicolasJourno – chef de projet designer à la DITP. 04 juillet 2019 - locaux de la DITP. - JackyFoucher– Designer et co-fondateur de l’agence Grrr, Nantes. 15 juillet 2019 – entretien téléphonique.- AnaisTriolaire – Designer, co-fondatrice de l’agence In-vivo et designer de service au laboratoire d’innovation publique de la région Sud - Unité Smart Factory. 18 juillet 2019 – entretien téléphonique.
143Je tiens vivement à remercier l’ensemble des interviewés pour le temps et la confiance qu’ils m’ont accordé, ainsi que pour la richesse de nos échanges.
Afin d’éviter les redondances, et au vu du nombre d’entretiens menés, tous les échanges n’ont pû être retranscrits entièrement ou cités dans le corps de texte de ce mémoire. Chacuns d’entre eux ont néamnoins permis un avancement considérable dans ma réflexion et d’ouvrir de nouvelles perspectives à mes questionnements.
Vous trouverez ici des extraits complémentaires, qui ont permis de conforter mes orientations pendant la rédaction de ce mémoire et apporter un éclairage à mes questionnements :
« De façon automatique, si personne n’est là pour secouer le cocotier, cela va se transformer en automatisme " mettre la petite séance design-thinking» pour que ce soit validé " »
(J.Foucher, 2019. Entretien téléphonique le 15 juillet 2019.)
« Par le design, tu résouds une petite chose; quand le service le récupère, la petite chose en question s’intègre alors dans un système beaucoup plus large. [...] Il y a trois niveaux d’impact possible : la transformation des projets, la transformation des personnes et la transformation de la culture ; le design n’est pas le seul outil, cela se fait aussi avec le management, l’intelligence collective... »(A. Triolaire, 2019. Entretien téléphonique le 18 juillet 2019.)
144« Si je n’avais pas initialement eu cette sensibilité, je ne sais pas si, avec la présentation qui a été faite du design de service, je serais partie dans la démarche. Je ne comprenais pas, j’avais besoin de savoir à quoi ça pouvait servir, et je n’arrivais pas à me repérer. [...] Il y a eu un désarconement des équipes, non pas face à la méthode, mais plutôt par la restitution : «qu’est ce que l’on fait à partir de ça?». Il y a un travail de remise en question, mais pas d’opérationnalité immédiate. [...] Pour l’exploration de pistes, il faut être s’entendre sur ce qui doit être développé par les designers : il y a une difficulté à comprendre l’étendue de ses missions, et le rôle du service qu’il rend.»
(F. Dubo, 2019. Entretien semi dirigé le 12 juillet 2019, Paris.)
« Lors de l’amphi de présentation du hachathon [de l’ENA], on observe une plus grande réception des élèves de l’INET: ils sont dans une posture plus proche du terrain, dans des collectivités qui ont bougés. Les elèves de l’ENA se cherchent encore une posture, et se demande ce qu’ils pourraient faire de ce truc bizarre. Mais on peut semer des graines et ensuite, ça peut revenir. [...] On ne passe pas assez de temps pour qu’ils soient formés au design mais ils peuvent comprendre la notion de projet: ils ne sont pas là que pour faire des normes, mais pour transformer. Pour les designers, quand on leur dit «vous arrêtez tout, il faut faire une note au ministre, ça ne passe pas. Il y a une sorte de non-acceptation de la culture administrative; ils ont leur propre conscience professionnelle, qui va à l’encontre des désideratas de l’administration.
(F. Waintrop, 2019. Entretien semi dirigé le 22 juillet 2019, Paris.)
145« Le point de départ du design, c’est se mettre à la place de l’usager. C’est une manière de penser, un mode de fonctionnement. [..] Déjà, comment structurer et mettre en oeuvre une politique publique en te mettant à la place de l’usager - en comprenant que certaines choses ne sont pas atteignables. En identifiant le besoin, il s’agit de voir où tu peux arriver à déterminer des axes forts communs. Ce qui est aussi intéressent dans la démarche de design, c’est que ça aide à voir plus loin que ta propre structure; cela aide à voir ce que les partenaires font autour de toi et à réinterroger ton mode de fonctionnement.Pour devoirs faits, on veut améliorer la réussite des élèves, qui est notre bénéficiaire premier. Nous centrale, nous avons une vision éloignée, même si on ne veut pas être déccroché. C’est une maière de revenir à la source, de remettre de la hauteur, de la méthodologie sur les devoirs. »
(M. Koubi, 2019. Entretien semi dirigé le 09 juillet 2019, Paris.)
« Dans le mot design, on peut mettre tout ce qu’on veut. Pour moi, c’est la capacité d’optimiser des ressources (méthodes, outils...) pour répondre à un problème ou faire émerger des solutions, tout en contournant les contraintes (organisationnelles, culturelles, humaines...). »
(S. Pa, 2019. Entretien semi dirigé le 12 juillet 2019, Paris.)
« J’ai été marqué par l’agilité, par la vision très trnsversale des choses et par cette capacité à mettre en reliation. [...] la préoccupation est tournée vers le service public : on passe d’un «rappel à la reglementation» à une «proximité». Le crédit de l’état est en jeu, les gens ont un sentiment d’injustice. La transformation publique est essentielle pour garder la pérenité de nos valeurs.
146 [...] Si je devais définir le design, je dirais fabrique, atelier. C’est la fabrique des usages, des services, en relation avec ses bééficiares et ce dans un cadre qui soit décloisonné. Quand je dis «fabrique», c’est une transformation douce mais pas silencieuse. Là où on va designer, on va fabriquer. On attend pas que les choses arrivent. [...]Le design a sa pertinence sur les outils numériques, mais pas que. C’est aussi la qualité du travail, la rencontre…Je pense que c’est un métier qu’on devrait avoir dans toutes administrations [...] La seule chose qui peut m’interroger: c’est un métier qui est frais. Que peut donner un designer de 50 ou 60 ans ? Dispose-t-il toujours de cette faculté d’étonnement ? Peut-il conserver cette capacité à amener les autres ? Il a un rôle d’analyse transactionnelle, de modèle comportemental pour amener les gens à dire d’eux-même. »
(P. Arène, 2019. Entretien semi dirigé le 03 juillet 2019, visioconférence.)
« Je n’avais jamais entendu parlé du design de service avant d’arriver à la centrale. Je n’ai jamais bénéficié d’une définition du design de service, d’aucune information spécifique, pas de formation non plus. Pour moi, c’est une façon de concevoir un service en partant des besoins de l’utilisateur, plutôt dans une approche inter ou pluridisciplinaire. On a une pratique du design de service sans s’en rendre compte, c’est ce qu’on fait quand on fait des comités utilisateurs [...] L’administration est beaucoup das la production de normes, mais on incite à faire plutôt des vademecums que des circulaire; on part des utilisateurs, plutôt que de décliner une circulaire.Pour transparence, j’ai bien aimé les posters prévus,
147c’est une bonne manière de présenter les choses - on donne une vision de la réalité qui est beaucoup plus complexe. C’est aussi une manière d’accepter les choses: ça ne vient pas de l’administration et l’association des usagers fait qu’ils sont plutôt contents. Je pense que ça a aidé à la mise en place»
(J.M. Quenet, 2019. Entretien semi dirigé le 24 juillet 2019, Paris.)
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Fig. 3 - Documents graphiques "écosystème" produits pour le séminaire Moderniser, Innover, Transformer en académie 2019.
3.a. La scolarisation des élèves en situation de handicap - situation actuelle
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Fig.4– Livrables pour l’accompagnement du dossier FTAP "Portail Parents"
4.a. Résumé graphique du concept du projet.
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4.b. Personae - parent d’élèves.
Sylvain ne perd pas patience et s’attelle malgrétout à la constitution du dossier. Comme chaque
année, il remplit, de nouveau à la main, la fiche "renseignements", comportant de nombreuses
données administratives redondantes.La démarche en double est fastidieuse et
chronophage...
SYLVAIN38 ANS
Divorcé, célibataire Détient la garde de ses deux enfants:
Margaux, en 5ème et Coline, qui entre au lycée
Sylvain remplit à la main les fiches d’inscription pour le collège et pour le lycée.
Plusieurs documents doivent être joints, pour chaque établissement, notamment une copie du
jugement de divorce, alors qu’elle a déjà été fournie les années précédentes...
Le troisième trimestre approche à grand pas.
Sylvain, très occupé par son travail et les préparatifs du déménagement, redoute le temps
que vont lui prendre les démarches scolaires pour ses filles. Elles entrent en effet dans deux
établissements différents, situés dans deux académies limitrophes.
Je passe mon temps à fournir
les mêmes papiers... C’est infernal !
«
««Après avoir téléchargé ou
récupéré le dossier, la famille le complète et le renvoie ou le
dépose à l’établissement.»
Rien n’a changé depuis l’année dernière... Pourquoi me demander
les mêmes informations administratives ? C’est absurde...
«
«
DISPONIBLE
A L’AISE AVEC LES TECHNOLOGIES
COMPRÉHENSIONDES DÉMARCHES
L’exempled’un usager
Je ne comprends pas pourquoi ils n’utilisent pas le même
système... Comment veulent-ils que j’assure le suivi
si je me perds dans les procédures ?
«
«
Pour nous ça a été simple et rapide.
Avec Théo qui rentrait en seconde, on l’a inscrit en
ligne.
La deadline pour la procédure d’inscription approche, et Sylvain parvient finalement à réunir tous les documents imprimés, et à les déposer
dans les deux établissements, le jour J !
Mais il se rend compte qu’il n’a rien rempli pour la cantine! Sylvain se renseigne auprès des établissements, on lui parle du formulaire
"demi-pension" et il découvre deux procédures complètement différentes....
Pour Coline, une carte rechargeable
doit être achetée et peut être alimentée par le paiement en ligne.
Pour Margaux, pas de paiement en ligne, il faudra déposer un
chèque... en espérant qu’elle ne l’égare pas !
152
Iconographie
Thomas attend les familles pour la signature des «dossiers papier», au sein de l’établissement
scolaire.
Cela prend plusieurs jours de son temps de travail, mai mais cela rassure la cheffe
d’établissement.. Il rencontre les familles et recueille toutes leurs questions.
Il aurait aimé être plus formé; il ne sait malheureusement pas répondre à toutes les interrogations liées à à l’utilisation de l’outil.
Une fois la télé-inscription en ligne effectuée par les parents, l’équipe de direction, par précaution, préfère
imprimer les documents et invite chaque famille à venir les signer au sein de l’établissement.
IMPLICATION DU PERSONNELINFRASTRUCTURES DISPONIBLESCOMPÉTENCES NUMÉRIQUES
L’exempled’une équipe en établissement
L’établissement a fait le choix du télé-paiement pour la cantine, avec une carte rechargeable sur
internet.
Si c’est une habitude parfois difficile à prendre pour les familles, Thomas remarque que cela facilite sa gestion: «Cela évite que l’élève perde le chèque ! Et
cela permet un meilleur suivi des parents.»
SARAH & THOMAS
Cela consomme beaucoup de papiers et c’est encore des
déplacements pour les parents. Ce serait des économies, et un
gain de temps pour tout le monde si tout était fait en ligne !
«
«THOMAS
CHEFFE D’ÉTABLISSEMENT
42 ANS
ASSISTANT ADMINISTRATIF
36 ANS
Tu t’embêtes bien à faire signer tous ces papiers, tu sais que la signature électronique a
une valeur juridique ?
Le troisième trimestre approche à grand pas... Sarah et Thomas s’organisent pour que la
campagne d’inscription qui arrive soit la plus fluide et efficace possible.
La télé-inscription vient d’être mise en place dans l’établissement. Sarah s’assure que les
codes ont été distribués à l’ensemble des parents, et compte depuis le début de l’année
sur son équipe pour faire passer l’information au cours des réunions parents-professeurs. Pour les parents, le parcours de première connexion
aux services en ligne est un peu compliqué.
Thomas, lui, met en place un kiosque de saisie, avec quelques ordinateurs, pour accueillir
les familles qui auraient besoin d’aide. L’accompagnement des parents est pour lui
essentiel.
Je crains que les démarches en ligne nous éloignent des familles...
Je veux vraiment que l’équipe conserve un lien direct et humain
avec les parents.
«
«SARAH
4.c. Personae - équipe en établissement.
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VOLONTAIRES
ENSEIGNANTS
COLLÉGIEN VOLONTAIRETEMPS
D’ÉTUDE ACCOMPAGNÉ,
POUR
Donne des devoirs
CHEF D’ÉTABLISSEMENT& SON ÉQUIPE DE
DIRECTION CONSEIL PÉDAGOGIQUE :mène une réflexion
sur le travail personnel des élèves
consultedonne les
orientations
COORDONNATEUR
cordonne les acteurs
EnseignantsCPE
Assistant d’éducationAssociations répertoriées
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Mai 2019L’ÉCOSYSTÈME DU PROGRAMME «DEVOIRS FAITS»
Après entretiens et visite en établissementDocument de travail
COORDINATEUR DE BASSIN
le co
urs
PROFESSEUR PRINCIPAL
le programme
Devoirs Faits
conseille de participer
incite fortement à l’inscription
« Je ne sais pas comment ils gèrent la présence des élèves, je connais [Devoirs Faits] de manière aléatoire. »
Enseignant
« Mes parents ne disent rien. Ils ne me demande pas ce qu’il se passe en Devoirs Faits, mais parfois je raconte. Ca arrive qu’ils demandent si j’ai fait mes devoirs. »
Élève
s’inscrit sur des créneaux disponibles
détermine le planning
CPE
Formulaire d’inscription
distribué avec le bulletin
ENT
incitent fortement
à
« Une fois par semaine, ça sert à rien, je fais rien, je n’ai rien à faire. Mais ma CPE m’a inscrite. »
Élève
inscrit au programme
à la maison
AU SEIN DE CHAQUE ÉTABLISSEMENT
organise le programme
Devoirs Faits
« On se réunit pour voir comment ça se passe; nous avons fait trois réunions depuis le début de l’année. »
Enseignant volontaire
« On a fait appel aux professeurs principaux. On a ciblé les élèves en difficulté, et après avec une forte incitation aux parents pour les inscrire, quoi. Donc d’abord par courrier, puis ensuite suite à la première réunion parent profs, on a pu rajouter des élèves qui s’inscrivaient à ce moment-là. Du coup, c’est des élèves ciblés. »
Coordonnateur Devoirs Faits
« Il n’y a pas de lien, de communication avec les profs qui encadrent. Parfois un peu sur l’assiduité, mais de manière informelle. »
Enseignant
Point de rupture
« Devoirs faits, c’est important, ça doit être fait. Faire les devoirs, c’est une source de stress à la maison entre parents et enfants. »
Parent
« C’est ma mère qui m’a inscrit. Une fois que j’ai commencé, j’ai compris pourquoi elle avait voulu. Maintenant que les sessions devoirs faits sont terminées [pour le brevet des 3è], je ne sais pas quand faire mes devoirs. » Élève
5.a. Écosystème - Document de synthèse après immersion.
Fig.5– Livrables pour l’accompagnement par le design du programme Devoirs Faits.
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Iconographie
ATELIER COLLABORATIFSÉMINAIRE "DEVOIRS FAITS"
Déroulé1. Accueil Présentation des intervenants et du déroulé global de l’atelier. Tour de table.
2. Méthodologie & design de service Présentation rapide du design de service, avec exemples concrets. Présentation de la méthodologie d’enquête en établissement.
3. Restitution des enseignements issus des entretiensPrésentation des constats (verbatims et écoute d’extraits audio).Réactions à chaud chaque participant donne son avis par rapport à ce qu’il a entendu•vu. Les verbatims les plus surprenants•marquants sont identifiés par une gommette. Présentation des problématiques identifiées par notre équipe en établissement.
3. Développement de pistesLes participants proposent des solutions (simples, réalistes, complexes, utopiques…) pour les problématiques qu’ils estiments prioritaires. Partage d’expérience: chaque participant indique des outils ou modifications de son organisation dont il a connaissance et déjà mis en place pour faire face à ces problématiques.Par petit groupe (2-3), les participants développent une ou plusieurs idées en utilisant la «fiche idée».Les groupes accrochent au mur leurs «fiches idée» et un temps de lecture est laissé aux participants.Individuellement, chacun vote pour l’idée qu’il aimerait expérimenter rapidement.
4. Remerciements et temps d’échange
ObjectifsRestituer les grands enseignements de la
phase d’entretien.•
Hiérarchiser les points de friction au sein du
parcours de décision de l’élève
•Identifier des solutions
pour améliorer l’expérience-élève du programme Devoirs
Faits.•
Réfléchir collectivement avec différents acteurs
du programme.
1h30
Quand? 04 et 05 juin 2019 Où? Qui?
(5 min)
(10 min)
(25 min)
(5 min)
(15 min)
(5 min)
(40 min)(10 min)
(20 min)
(10 min)
(10 min)
Organisation
Animatrice:Aurélie Letellier
(Bureau des collèges DGESCO A1-2)
•Bérangère Clepier
(Designer de service - département de la modernisation - SG •
MEN - MESRI)
Selon le nombre de participants, le groupe pourra être divisé en deux. Chaque groupe
sera alors encadré dans leurs activités par
une animatrice.
5.b. Programme et documents de médiation pour l’atelier collaboratif envisagé pendant le sémaire national Devoirs Faits.
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FICHE SYNTHÈSE
LE(S) POINT(S) DE FRICTION
LA PROBLÉMATIQUE
Comment communiquer directement et de manière adaptée avec les élèves sur Devoirs Faits, pour favoriser leur
volontariat ?
« Une fois par semaine, ça sert à rien, je fais rien, je n’ai rien à faire. Mais ma CPE m’a inscrite. »
Élève
« [J’en ai entendu parler] par mes surveillants, parce que c’était un nouveau système qui arrivait. Ils nous ont donné des feuilles, pour remplir pour venir. Je les ai jetées. Depuis qu’on est en primaire, on nous parle de devoirs et d’aide aux devoirs.»
Élève
« La difficulté, c’est la base du volontariat. Ce ne sont pas de vrais volontaires. »
Intervenant DF
« Devoirs faits, ça ne sert à rien. C’est pour les élèves en difficulté. »
Élève
« Ma mère ne m’a pas laissé choisir. Elle a direct coché sans me consulter. »
Élève
• Communication indirecte pour l’élève, par un formulaire papier à destination des parents.• "Volontariat forcé" par les parents ou les équipes enseignantes.• Difficulté à comprendre les objectifs et les apports du programme.
« On a ciblé les élèves en difficulté, et après avec une forte incitation aux parents pour les inscrire, quoi. Donc d’abord par courrier, puis ensuite suite à la première réunion parent-profs, on a pu rajouter des élèves qui s’inscrivaient à ce moment-là. Du coup, c’est des élèves ciblés. »
Coordonnateur Devoirs Faits
FICHE IDÉE
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LA PROBLÉMATIQUE CHOISIE
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POURQUOI CETTE QUESTION EST PRIORITAIRE ?
« Et si on... ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
MON IDÉE
«Ça permettrait de.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
LES OBJECTIFS ?
LA MISE EN OEUVRE ?
LES CONDITIONS DE RÉUSSITE ?
LES FREINS? LES RISQUES?
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À quelle échelle?
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« Et avec plus de précisions... (partenariats, ressources internes, mobilisation ...)........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
« De manière concrète: ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
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Formulaire à remplir
Entend parler de Devoirs Faits
L’expérience des élèves :
conseil de classe • distribution des bulletins
Théo 12 ans
5è
Professeur principal
REJET
Est inscrit à Devoirs Faits
N’est pas inscrit à Devoirs Faits
ENT
début de l’année scolaire
PEU D’ENGOUEMENT RÉSIGNATIONDÉSINTÊRET
«CA NE SERT À RIEN»
à la suite du conseil de classe
en début d’année
conseil de classe • distribution des bulletins
Professeur principal
Formulaire à remplir
Coordonnateur Devoirs FaitsProfesseur
principal
Parents
Professeur principal
« La difficulté, c’est la base du volontariat. Ce ne sont pas de vrais volontaires. » Intervenant Devoirs Faits
FORTE INCITATION
« J’ai deux amies de ma classe à Devoirs faits ; on a une perm à ce moment-là, donc autant s’inscrire. »
« J’y vais mais j’y vais pas. Je suis obligé par la CPE. »
« La première fois, je l’ai donnée [la feuille], la deuxième je l’ai brûlée. »
INFORMATION INSCRIPTION
« Je n’ai rien dit, mais au début j’ai pensé que c’était une perte de temps. Je pourrais très bien faire mes devoirs tranquillement chez moi. »
« Ma mère ne m’a pas laissé choisir. Elle a direct coché sans me consulter. »
Formulaire à remplir
Formulaire à remplir
Formulaire à remplir
« [J’en ai entendu parler] par mes surveillants, parce que c’était un nouveau système qui arrivait. Ils nous ont donné des feuilles, pour remplir pour venir. Je les ai jetées. Depuis qu’on est en primaire, on nous parle de devoirs et d’aide aux devoirs. »
« Quand j’en ai entendu parler, ça me branchait pas, je suis mieux à la maison. Je préférais faire ça chez moi, dans mon esprit de travail. »
Mai 2019PARCOURS ÉLÈVES
Retour d’expérience sur Devoirs FaitsDocument de travail
Page 1/3
Depuis juin 2017, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur se sont dotés d’un marché public de design de service pour accompagner les projets en administration centrale. En donnant un rôle " pivot " aux décideurs publics, ce mémoire vient leur donner la parole, pour recueillir l’image qu’ils se construisent de la discipline et de sa plus-value. En mettant en parallèle les représentations professionnelles structurantes de la pratique des designers, et l’usage actuel fait de la discipline au sein du marché, cette recherche tente de trouver des points d’achoppement entre deux cultures qui s’opposent, pour ouvrir une voie possible pour une collaboration fertile. Avec la nécessité d’une transition d’un " design au service de l’administration " à un " design de service public ", l’auteur énonce la possibilité d’un profil intermédiaire de designers au sein des administrations centrales, plus concentré sur la médiation.
ADMINISTRATION REPRÉSENTATIONS USAGER MÉDIATION