Panorama de l'évolution de la presse à l'heure d'Internet: du fil info au pure-player en passant...

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1 Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales Haute Ecole Galilée Panorama de l'évolution de la presse à l'heure d'Internet: du fil info au pure-player en passant par les réseaux sociaux Travail présenté dans le cadre du mémoire de fin d’études pour l’obtention du titre de Master en Communication appliquée, section Presse et Information Par Aurore Peignois Master 2 – Presse et Information [email protected] Promotrice : Régine Florent IHECS – Bruxelles – Juillet 2010 Avertissement au lecteur

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Panorama de l'évolution de la presse à l'heure d'Internet: du fil info au pure-play par Aurore Peignois de l'Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales Haute Ecole Galilée

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Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales

Haute Ecole Galilée

Panorama de l'évolution de la presse à l'heure d'Internet:

du fil info au pure-player en passant par les réseaux sociaux

Travail présenté dans le cadre du mémoire de fin d’études pour l’obtention du titre de Master en Communication appliquée, section Presse et Information Par Aurore Peignois Master 2 – Presse et Information [email protected]

Promotrice : Régine Florent

IHECS – Bruxelles – Juillet 2010 Avertissement au lecteur

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On peut aisément dire que deux des principales caractéristiques de l'information en ligne sont

la rapidité de diffusion de l'information et la rapidité avec laquelle ces informations

pourrissent. S'il fallait faire un parallèle avec ce mémoire, je dirais qu'il est empreint de la

même problématique.

A travers ces quelques pages, il sera donné une photographie non exhaustive du monde de la

presse en ligne. Et encore, une partie de la presse en ligne. Exclusivement celle qui depuis

deux à cinq ans présente un impact majeur dans le monde des médias, à la lueur de sa

popularité ou de son originalité.

Internet étant sans frontières, des références seront faites tant aux médias français

qu'américains ou belges. L'objectif est de donner un panorama des tendances fortes

actuellement.

Lors de la lecture de ce travail, une très grosse partie des informations qu'il contient aura déjà

été vue et revue et sera potentiellement dépassée. De nouveaux enjeux, de nouveaux outils, de

nouvelles techniques et de nouvelles polémiques seront nés que ce soit en l'espace de quinze

jours, deux mois ou un an. L'objectif est surtout d'asseoir une partie des éléments qui

détermineront les tournants majeurs de l'évolution de la presse à l'heure d'Internet.

Bien que ce mémoire soit rédigé sur un document papier, sa configuration sera également

semblable à un article web. Deux versions seront d'ailleurs disponibles, d'une part, une

traditionnelle, d'autre part, une version « hyperlinkée » permettant de suivre l'origine des

citations ou des informations lorsque celles-ci sont hébergées sur un site internet.

Les interviews réalisées pour ce mémoire seront disponibles dans leur intégralité sur un blog à

l'adresse suivante: http://aurore.owni.fr

Enfin, ce travail est à considérer comme une matrice de laquelle de nombreuses discussions

peuvent naître. Certaines questions seront simplement effleurées quand d'autres seront

analysées en profondeur, sans qu'il y ait de règle spécifique à cela. L'objectif final de ce

travail est surtout d'être un instantané de la presse en ligne en ce début juillet 2010.

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INTRODUCTION

De tout temps, les supports médiatiques d'informations journalistiques ont subi de nombreuses

mutations.

J'ai décidé de prendre l'évolution du support et précisément l'invention de l'imprimerie par

Gutenberg au XVe siècle, comme point de départ à la révolution des supports journalistiques.

Celle-ci a connu plusieurs vagues majeures qui eurent un impact tant sur le développement

que sur le traitement de l'information.

A travers les siècles et précisément ces cent dernières années, nous avons connu, après la

naissance de la presse imprimée, l'arrivée de la radio puis celle de la télévision. Le siècle

dernier, nous avons également pu apprécier l'émergence d'Internet en tant que média

d'informations journalistiques.

L'un à la suite de l'autre, ces quatre médias ont connu deux changements. D'une part, une

évolution physique, technique et sémantique en plusieurs phases (dont nous retiendrons

essentiellement et volontairement uniquement certaines parties), d'autre part, une méfiance

sans précédent du monde des médias, qui, à chaque arrivée d'un nouveau modèle, craint de

voir son confort révolu pour de bon. A l'image de ces journalistes de la presse écrite qui

croyaient voir venir la fin de leur existence lors de l'arrivée de la radio puis de la télévision,

nous verrons que l'émergence d'Internet n'échappe pas à la règle. Pourtant, l'histoire nous

montre que le développement des radios publiques puis privées, n'a pas compromis la survie

des modèles précédents. L'arrivée de la radio de service public puis des radios libres devenues

privées est d'ailleurs un autre exemple marquant. Tous ces médias sont toujours présents

actuellement, moins nombreux certes mais plus diversifiés. Cependant, faire un lien unique de

cause à effet entre la diminution de titres de presse ou de stations de radio et l'émergence des

nouveaux médias, est simplement inconcevable.

Ces « nouveaux » médias ont clairement forcé les « traditionnels » à revoir leur offre et leur

business plan mais, on ne peut désormais plus dire que l'information sur Internet est la cause

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majeure de la crise de la presse. La crise de la presse ne date pas de la création du web ou de

la télévision.

C'est ce qui explique en partie qu'Internet, comme quatrième média révolutionnaire connaît

encore en 2010, un rejet de la part de la profession dû à différentes craintes et ignorances.

Croire que les journalistes auraient tiré les leçons du passé s’évitant cette méfiance lors de

l’arrivée de la presse sur Internet serait « naïf ». La majorité d'entre eux tirent encore à boulet

rouge sur cette forme de journalisme, l'accablant de tous les maux.

Pourtant, ce qu'on ne peut nier, c'est qu'Internet apporte un énorme souffle de renouveau sur la

profession. Que ce soit en matière de supports, de formes de journalisme ou tout simplement

de médias. Nous verrons que certains estiment même qu'Internet permet aux journalistes de

renouer avec les origines de leur métier à savoir, l'investigation en profondeur, la vérification

des sources tout en s'intéressant enfin aux lecteurs. Internet un mal nécessaire mais salvateur?

Il semblerait bien.

A travers ce travail, le lecteur sera invité à découvrir les phases marquantes de l'évolution de

l'information, du journaliste et du journalisme à l'heure d'Internet. Les craintes que ce type de

journalisme fait naître auprès des acteurs directs et les conséquences qui y sont relatives. Il

sera également passé en revue, ce que « la Toile », à travers, entre autres, les réseaux sociaux,

a apporté au métier et à l'information. On verra aussi les problèmes qu'elle pose et comment

les médias tentent d'y répondre. J'évoquerai également quelques nouveaux modèles et

spécifiquement les « pure-players », ces médias sociaux récents, pour enfin conclure sur

l'importance des business modèles pour les médias et les perspectives d'avenir.

Ce travail est donc surtout un instantané de ce qui s'est fait et se fait, jusqu'à la mi 2010,

puisqu'une des caractéristiques majeures de la presse en ligne est son éternel et infini

mouvement.

C'est en somme, un regard sur cette évolution que nous vivons au jour et le jour et dont nous

n'observons que le commencement.

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PRE-REQUIS

Web 2.0

Lorsque l'on parle d'Internet en 2010, on évoque souvent le « web 2.0 ». Cette expression née

en 2004 de la bouche de Tim O'Reilly – le fondateur d'une maison d'édition spécialisée dans

l'informatique – revêt plusieurs définitions.

D'une part, il s'agit d'interfaces ayant la particularité d'être claires et simples permettant ainsi

aux internautes de s'aventurer sans trop de difficultés au cœur des rouages de la Toile.

D'autre part, il s'agit de la transformation idéologique qu'Internet a subie. Celle-ci a placé les

utilisateurs au centre du réseau. Ils sont désormais des acteurs de première ligne pouvant

influencer et modifier le contenu qu'ils peuvent également créer eux-mêmes. Tout ceci n'était

pas possible avec ce qu'on a appelé à posteriori, le « web 1.0 » ou web statique. L'internaute

« lambda » est désormais un acteur majeur au sein du réseau. Il n'est plus uniquement passif.

Comme le signale également Jean-Pierre Govekar, consultant Internet, « ce web est

notamment caractérisé par l'apparition de nouveaux services multi-supports (ordinateur, pda,

téléphone) favorisant l'interaction entre les internautes (blogs, wikis, réseaux sociaux,

partage de photos et de vidéos, réactions) et les informations (rss [Really Simply

Syndication, des agrégateurs de liens, ndlr.], journaux citoyens, tags) grâce aux technologies

Ajax (un langage informatique permettant de changer du contenu dynamique sans recharger

la page), xml et surtout à une meilleure maîtrise des technologies de web dynamique ».

(ZDNET, 18.10.2006)

Réseaux sociaux

A l'instar du concept de réseau social en sociologie, « le terme fait référence à des

applications Internet dont la fonction principale, de manière très simplifiée, est de relier les

individus entre eux ». (REGUER, COUTON-WYPOREK, LEGRIS-DESPORTES, 2009)

L'émergence du premier réseau social remonte à 1997 aux Etats-Unis. Il s'agit de

''www.sixdegrees.com''. Le site permettait aux utilisateurs de créer leur profil, lister leurs amis

et de surfer à travers les listes personnelles de leurs connaissances. Si ces trois possibilités

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existaient bien avant la création de Six Degrees, le réseau est le premier à combiner les trois

sur la même plate-forme.

De 1997 à 2001, d'autres réseaux sociaux voient le jour aux Etats-Unis: AsianAvenue,

BlackPlanet et MiGente. L'objectif est toujours de connecter ses amis.

En 2001, le premier réseau social à vocation professionnelle voit le jour: Ryze.com. Il sera

suivi dans la foulée par Linkedin, Tribe.net, et Friendster. (BOYD, ELLISON, 2007)

En Europe, l'émergence de réseaux sociaux se fait plus difficilement.

A une exception: Netlog. Le réseau social né en Belgique en 2004 semble être une réelle

alternative à l'européenne face à Facebook. (CAVAZZA, 2009)

2004 est justement une année très prolifique en matière de création de réseaux sociaux. C'est

en effet cette année-là que Facebook voit le jour. Créé par Mark Zuckerberg et destiné à

l'origine à ses camarades de classe d'Harvard, le réseau social compte aujourd'hui plus de 400

millions de membres à travers le monde, dont 3,5 millions en Belgique. (La Libre,

12.06.2010)

Enfin, un des derniers nés et des plus prometteurs, Twitter est arrivé en 2006. Sorti d'un

croquis de Jack Dorsey – un des pères fondateurs – le réseau vise à partager ses pensées et

ses activités via 140 caractères, soit la taille d'un sms.

L'oiseau gazouilleur (le symbole de Twitter) a très vite rejoint le top 10 des réseaux sociaux

les plus influents. (SOCIAL MEDIA WATCH, 21.07.2009)

A l'analyse des informations de cette année 2010, on peut aisément dire que le réseau devient

progressivement une des sources majeures d'information des journalistes présents sur la Toile

en 2010, qui y sont d'ailleurs surreprésentés. (VOISIN, 2010)

Parmi les exemples récents: les révoltes en Iran ou le tremblement de terre en Haïti.

Pure-player

On appelle « pure-player » une entreprise, un service et désormais par extension un média

ayant démarré et exerçant son activité uniquement sur Internet. Parmi les plus connus, on

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retrouve Slate.fr, Rue89.fr ou Backchich.info en France, HuffingtonPost.com et Slate.com aux

Etats-Unis et Apache.be en Belgique.

Nouveaux médias

Le terme ''nouveaux médias'' est généralement employé pour définir les récents outils qui par

l'arrivée d'Internet et du numérique redéfinissent l'accès, la production et la diffusion

d'informations en opérant également des changements sur l'évolution du métier de journaliste.

Ces outils ont pour vocation de connecter les personnes entre elles, puis de les connecter avec

l'information. Cela vise tant les réseaux sociaux que les pure-players, les sites Internet ou les

supports tels que les smartphones (HTC, Iphone, Blackberry...), les tablettes (Ipad) en passant

par les portes de frigo.

Rich Media

Le « Rich Media » concerne l'information enrichie via différents médias tels que l'image, le

son, la vidéo, le texte, la visualisation de données ou l'interactivité. Il concerne également

l'agencement et la répartition donnés par le journaliste, des informations qu’il mettra à la

disposition de l’internaute. L'intérêt du Rich Media concerne la subsidiarité: permettre à

chaque média de s'exprimer de la manière la plus profitable par rapport à ses caractéristiques

propres. « Le rich média permettrait ainsi de donner « à voir », « à comprendre » et « à

entendre » plus facilement, mais aussi d’expliquer des phénomènes complexes ».

(ROZIERES, 2010, 9)

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1. Aux origines de la presse en ligne

« Pour nous, le ''print'' ce n'est pas du tout une finalité.

Un journaliste web aujourd'hui va être plus content

du nombre de re-tweet1 que de l'impression papier.

C'est aussi ce qui ''clashe'' avec l'ancienne génération ». Antoine Daccord, journaliste au Figaro.fr

1.1 Définition du concept « presse en ligne »

On entendra par « presse en ligne » dans ce travail, l'information qui peut être consultée sur

une plate-forme Internet d'un média reconnu comme tel par la ''Commission paritaire des

publications et agences de presse'' (CPPAP) française2.

En ce sens, l’éditeur de presse en ligne doit publier un contenu en ligne qui se devra d'être

« original, essentiellement écrit, édité à titre professionnel, composé d’informations

d’actualité, régulièrement renouvelé et daté, faisant l’objet d’un traitement journalistique, en

matière de recherche, de vérification et de mise en forme des informations, ne constituant ni

un outil de promotion ni l’accessoire d’une activité industrielle ou commerciale et, produit

par au moins un journaliste professionnel, s’il s’agit d’information politique et générale ».

La mesure vise à la fois les sites Internet de la presse traditionnelle et les «pure-players». En

revanche, les sites qui ne regrouperont que des dépêches, mais aussi les blogs et les sites

Internet personnels ne pourront pas prétendre au statut d’éditeur de presse en ligne.

(Juriscom.net, 03.12.2009 et Pme.service-public.fr, 30.10.2009)

Le terme « presse en ligne » trouve également son équivalence dans les termes suivants:

« presse internet », « presse web », « presse 2.0 » que vous pourrez retrouver de nombreuses

fois à travers ce travail.

1 Un re-tweet est un (re)-partage d'une information sur le réseau social Twitter, auquel la source est

mentionnée et qui confère une certaine réputation à son auteur si celle-ci est fortement partagée. 2 Une telle commission n'existe pas en Belgique. Cependant un projet de décret serait en préparation en

Communauté Française, qui ne confirme pas l'information de l'information de l'Office Wallonie Bruxelles.

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Le terme « presse écrite » ne sera pas utilisé puisque trop généraliste et englobant à la fois la

presse en ligne et la presse imprimée, ce qui pourrait donc porter à confusion.

1.2. Naissance de la presse en ligne Dès le milieu des années 90, de nombreux sites web diffusent des dépêches d'actualité. Ils ne

sont généralement pas reliés au monde du journalisme. Parmi ceux-ci, se trouvent AOL.com,

France-Telecom.fr ou encore Yahoo.com.

Un peu plus tard, la majorité des rédactions de quotidiens nationaux se dotent également d'un

site Internet qui sera étroitement lié à l'édition imprimée. Parmi ceux-ci, Dhnet.be en juin

2000 ou Lalibre.be en janvier 2001. Cette arrivée sur la toile du groupe IPM (La Libre/La

DH) répondait surtout à un effet de mode, puisqu'à cette époque, Le Soir avait déjà lancé son

site Internet. « On mettait en ligne principalement les articles du journal papier et très peu de

dépêches. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, il y avait également très peu

d'actualisation de l'information. Le lancement de ce site d'information répondait surtout au

fait qu'il fallait être sur le net, un point c'est tout ». (DEPRE, 2010)

Les années suivantes, des sites indépendants, des blogs et des pure-players émergent. Aux

Etats-Unis, il s'agit d'HuffingtonPost.com, Slate.com ou Salon.com. En France, ce sont

Rue89.fr, Mediapart.org ou encore Bakchich.info. (DAGIRAL, PARASIE, 2010, p.15). En

Belgique, après une tentative avortée d'un pendant ''.be'' de Rue89 orchestré par des anciens

journalistes du Soir, Apache.be est véritablement le seul pure-player belge, mais il n'est

disponible qu'en néerlandais.

1.3. Caractéristiques et évolutions

1.3.1. Valeur de l'information vs. information de valeur

Lors d'une étude menée en 2006, F. Rebillard a constaté que la publication d'informations

exclusives pour la presse en ligne est marginale par rapport à la reproduction d'informations

initialement produites pour les médias traditionnels. (REBILLARD, 2006, 54)

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Une constatation que ne partage pas le journaliste et spécialiste Cédric Motte: « quand on

regarde l'information publiée sur les pure-players, c'est clairement une information exclusive

et réservée à Internet ». (MOTTE, 2010)

Au delà des pure-players en effet, peu de sites dits de médias traditionnels produisent des

contenus exclusifs pour la « Toile », même si ces derniers mois, l'heure est au changement.

Au Figaro, des contenus approfondis sont offerts, mais aux abonnés uniquement. Cependant,

le succès n'est pas totalement au rendez-vous. Le quotidien régional Sudpresse s'y met

progressivement lors d'évènements particuliers tels que des festivals. A la Dernière Heure,

depuis février 2010, des vidéos dédiées exclusivement au site sont réalisées par Mathieu

Militis. Parmi les évènements couverts, le Tour de France. (DUMONT, 2010)

Au Soir, l'information produite par la rédaction papier est disponible sur la Toile mais de

façon payante. Philippe Laloux, rédacteur en chef du Soir.be: « il n’y a aucune volonté de

donner le journal gratuitement. Ce qui fait vivre Le Soir, ce sont les 80.000 journaux vendus

chaque jour, pour un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros par an. Le Soir papier est

payant, le site est gratuit. Il n’y a pas de stratégie à la Murdoch pour revenir au payant,

comme c'est le cas pour le New York Times, puisqu’on n’a jamais donné nos contenus

gratuitement ». (LALOUX, 2010)

Et la direction du journal de ne pas vouloir faire l'impasse sur 50 millions d'euros, là où

Lesoir.be n'en rapporte que 2.

« Il faut considérer que tous les contenus sont payants. Il faut les valoriser et les présenter sur

une forme particulière. Pour l’Ipad, par exemple, il est hors de question de faire payer des

contenus formatés 300€ comme pour l’abonnement papier, mais gratuitement ce ne serait pas

possible car ce service a une vraie valeur, contrairement à l’information. Qui va payer pour

acheter l’éditorial de Béatrice Delvaux ? Personne ! Par contre, payer quelques euros par

mois pour accéder à des contenus exclusifs, plus de services, un chat et des informations

triées, archivées, hiérarchisées: oui. L’information n’a pas de valeur mais le service bien ».

(LALOUX, 2010)

Afin malgré tout de continuer à produire de l'information, mais surtout celle qui rapporte, Le

Soir s'est également lancé dans différentes stratégies économiques. Outre les produits vendus

en partenariat avec le quotidien (DVD, recueils, encyclopédies...), le groupe Rossel vend

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désormais des ... thés. Si à l'origine, une partie des rentrées financières de la presse écrite

étaient les petites annonces, ils doivent désormais préserver leur santé financière en vivant

avec leur temps, sans pour autant perdre leur objectif de vue: « apporter au lecteur, une

information et un service de qualité, quelque soit le support de lecture ». (LALOUX, 2010)

1.3.2. L'information en perpétuel changement

Une autre caractéristique de l'information en ligne est son caractère « mouvant ». Le support

permet un nombre infini de mises à jour. En ce sens, il est également possible de corriger,

améliorer et enrichir l'information publiée. Il est désormais courant de trouver un article

Internet dans lequel une partie des informations est « hyperlinkée » (des liens qui pointent

vers d'autres sites Internet à l'intérieur même d'un texte), à cela peuvent être ajoutés, une

photo, une vidéo, un chat (un « cover it live » généralement) et dans de plus rares cas, un

agrégateur de tweets (messages Twitter de 140 caractères) sur le sujet.

Ecrire un article pour la presse imprimée ou pour la presse Internet n'a pas les mêmes

caractéristiques. Le média Internet étant voué spécifiquement à la rapidité. Les articles web

auront tendance à être beaucoup plus courts et directs et veilleront à ce que toute l'information

soit donnée le plus vite possible au lecteur (tout doit généralement être dit dans le titre et le

chapeau).

Aujourd'hui encore, l'écriture d'un article est également conditionnée par les moteurs de

recherches. Il est recommandé dans les rédactions que les titres soient accrocheurs pour le

lecteur mais surtout pour Google. L'enjeu est le référencement de l'article par le célèbre

moteur de recherches afin d'engranger un plus grand nombre de visites. La publicité

rémunérant actuellement les médias sur Internet au nombre de clics ou de pages vues, il est

désormais indispensable d'utiliser également des mots-clés dits ''bankables''. Ces mots-clés, à

forte tendance de clics, donc fortement rémunérateur pour Google et les journaux, sont

répertoriés, entre autres, par Google Insight (ou Google Tendances des recherches en français)

(voir chapitre 2.4.3).

Pour Mélissa Bounoua, journaliste et « community manager » chez 20minutes.fr, cette

évolution a changé le journalisme dans le sens où ce n'est plus le même média, ni la même

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manière de travailler. L'information est désormais également déclinée en photo, vidéo et en

son.

« Ça change surtout la manière de traiter l'info puisque les gens veulent avoir les faits en

premier lieu. Ça a renforcé la séparation entre les faits et le ''breaking news'' ».(BOUNOUA,

2010) Chez 20minutes.fr, les journalistes et community-manager ont d'ailleurs à peine « 3

minutes » pour mettre l'information en ligne. (BOUNOUA, 2010)

« Et parce qu'il y a ce flot d'informations en permanence, il y a aussi un retour en force de

l'analyse et du décryptage de l'information. On le voit avec toutes les créations de magazines

qui sont ''plus sur le fond'' et le grand reportage comme ''21'' ou le nouveau ''Usbek et Rica''.

Ce sont de très grands papiers où on prend le temps de refaire du ''vrai journalisme''. Les

journalistes font leurs recherches en profondeur à leur aise. Ils peuvent aller sur le terrain,

alors que sur le web on n'y va quasi jamais. Ça renforce vraiment la différence entre le

''breaking news'', qui va de plus en plus vite et l'analyse qui est de plus en plus longue »,

explique Mélissa Bounoua. (BOUNOUA, 2010)

1.3.3. Analyse des changements de rapport à l'information

Selon une étude de 2008 du Centre de Recherche Pew reprise par le Time, « il y a plus

d'Américains qui consultent les infos en ligne gratuitement qu'il n'y en a qui paient des

journaux ou des magazines ». (TIME, 22.03.2009, 22)

Ces dernières années, le rapport à l’information a connu plusieurs évolutions. Pour être

concret, on peut dire qu'il a totalement changé. « Pendant des siècles, le journaliste donnait

de l’information de manière verticale, c'est-à-dire en distribuant le savoir, le même contenu à

des gens, du haut d’un piédestal. Les gens lisaient ce qu’on leur donnait sans possibilité de

retour », (LALOUX, 2010). « Avec le web, ce sont les internautes qui vont décider de ce qui

est pour eux l'actualité aujourd'hui, et plus les journalistes ». (MOTTE, 2010) Et Nicolas

Willems, journaliste à la RTBF radio de constater que l'implication des internautes dans le

processus de création de l'information a totalement changé: « j'ai des internautes qui

m'envoient des mails pour me tuyauter sur un événement ou pour me dire que j'avais l'air

endormi ce matin. C'est tout nouveau, désormais l'internaute joue clairement un rôle et les

journalistes doivent en tenir compte ». (WILLEMS, 2010)

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Du côté de la production d'information sur la Toile, les apparences sont trompeuses. Des

études ont mis en lumière le fait que la création de contenu est plutôt marginalisée et

s'exprime via la « loi des 1% »: « sur 100 personnes en ligne, 1 seule créera du contenu

inédit, 10 interagiront avec ce contenu et l'enrichiront (en commentant, améliorant,

recommandant, votant...) et 89 personnes iront simplement le consulter ». (SLIDESHARE,

2006,10)

1.3.4. Une hiérarchie à réinventer

Quelle hiérarchie pour l'information sur Internet?

Cette question, les journalistes de la presse en ligne se la posent tous les jours. Fluctuante, elle

est souvent décidée par la ligne éditoriale du média, l'importance supposée pour un fait

d'actualité en fonction du contexte actuel, de l'intérêt supposé qu'aura l'internaute ou enfin,

simplement au « feeling ». Comme me l'expliquait Vincent Genot, lors d'un stage au Vif.be,

certaines informations sont volontairement mises en avant uniquement parce qu'elles seront

des pièges à clics via les moteurs de recherche. A titre d'exemple, un article avec dans le titre

le mot ''Facebook'' attirera de nombreux lecteurs. A la fois parce qu'il tient, certes, d'un

phénomène de mode, mais aussi parce que le moteur de recherche liera le réseau social à

l'édition Internet du journal pour peu que son nom soit défini également dans la recherche de

ce mot clé ou qu'il soit recherché via Google News (Google Actualité en français).

Chez Rue89, l'organisation de la hiérarchie de l'information est loin de répondre

prioritairement à la tyrannie des moteurs de recherche: « on essaie de trouver un équilibre

entre 3 éléments. Le premier, notre sentiment sur l'actualité du jour (certains évènements sont

incontournables, on essaie d'y apporter notre regard). Le deuxième, ce qu'on apporte

d'original en sujets: des angles, des papiers ou des scoops. Le troisième, ce que le participatif

et les partenariats apportent en contenu pour notre site. Ces partenariats avec d'autres sites

nous permettent de proposer des contenus originaux sur des domaines qu'on ne couvre pas ».

(HASKI, 2010)

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Pierre Haski qui est co-fondateur et directeur de publication à Rue89, ajoute d'ailleurs que ce

que les journalistes décident le matin en réunion de rédaction est loin de correspondre au

visuel qu'a finalement le site en soirée.

Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr, estime qu'il y a tout de même une hiérarchie

dans l'information qui est tributaire du moment. « Lorsque deux événements majeurs arrivent

presque simultanément, lequel va ou reste en une? » C'est ce genre de question qui a amené

l'équipe du pure-player à innover sur le traitement en direct de l'information. « Il fallait

trouver comment ranimer et nourrir une information chaude du jour pour la tirer sur toute la

journée ». Pour parvenir à maintenir vivante cette actualité, les journalistes se sont mis à

proposer de nouveaux contenus sur le sujet via des décryptages, des interviews ou des

sélections de liens. Johan Hufnagel note une différence de processus sur Slate.fr, puisqu'il

s'agit d'un site d'analyses et par conséquence, il n'y a pas vraiment de papiers ''chauds''. « Ce

sont les meilleurs papiers que l'on met en une. Ensuite la hiérarchie se fait dans la page en

fonction de la maquette du site ». (HUFNAGEL, 2010)

Mais Johan Hufnagel explique également que la hiérarchie existe de moins en moins puisque

les internautes arrivent bien souvent par les moteurs de recherche sur des articles bien précis:

« désormais, c'est également le ''comment et pourquoi'' je suis arrivé sur Slate qui fait la

hiérarchie. Elle est en fonction de la recommandation par Facebook notamment, ou de la

recherche via Google ». (HUFNAGEL, 2010)

Une hiérarchie de l'information à géométrie variable semble être la réalité sur les sites Internet

d'actu. Ce média récent force la majorité des rédactions à avancer à tâtons et expérimenter de

nouvelles pratiques, l’œil vissé sur ce que fait le voisin, qu'il soit en France ou aux Etats-Unis.

1.3.5. De nouvelles formes de consommation

La consommation de l'information a également évolué depuis environ 5 ans. Aujourd'hui, les

internautes lisent ce qu’ils recherchent sur le support qui leur convient. Ce qui amène Philippe

Laloux à constater que l’information elle-même a changé: « les news qui sont centrées sur un

site portail, c’est fini. Désormais, l’information est sociale, partagée, fragmentée et

segmentée même dans sa construction narrative, on peut réellement parler du web

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sémantique ou tagué ». A cela, Philippe Laloux, ajoute qu'il faut repenser les contenus et leur

apparence par rapport aux nouveaux supports de lecture. « Exporter le pdf d'un journal sur

l'iPhone ne sert à rien puisque ça rend les articles illisibles » (LALOUX, 2010). Un avis

partagé par Pierre Haski, dont les citoyens de la Rue, ont réclamé une application iPhone

permettant de lire le site sans changement d'orientation du contenu, une fois couché dans un

lit.

Selon Pierre Haski, il y a également un autre élément qui montre les nouvelles formes de

consommation de l'information. Il prend l'origine des visiteurs de Rue89 pour étayer sa thèse:

« on a 3 sources de trafic majeures: la première, c'est la recommandation, soit tous les liens

entrant en provenance des emails, des blogs, de Facebook... L'ensemble de ces liens

produisent 37% du trafic. La deuxième, ce sont les gens qui tapent directement Rue89 dans

leur navigateur, et la troisième seulement c'est Google, avec environ 20-25%. » (HASKI,

2010)

Pour le directeur de publication, c'est intéressant puisque ça lui permet de comprendre les

tendances et « d'adapter » le modèle aux besoins des utilisateurs.

Cette révolution de consommation, les médias ne l'avaient pas vraiment imaginée. L'arrivée

des smartphones et spécifiquement de l'iPhone a d'ailleurs engendré un énorme

bouleversement dans le monde de l'information. « Je pense qu'on est au début d'une histoire

qu'on maîtrise mal. Les changements d'habitudes de lecture sont impressionnants. Quand

vous allez dans un métro aujourd'hui, vous ne voyez plus personne avec un journal en main.

C'est terrifiant! Il y a un autre rapport à l'actualité, aux sources des médias. Le simple fait

que les gens n'ont plus de rapport exclusif à un titre pose également des questions pour le

paiement. Personne ne paiera pour 10 sites. Demander de payer, c'est demander

l'exclusivité ». (HASKI, 2010)

Si la plupart des journalistes entre trente et septante ans ont grandi avec des parents qui étaient

fidèles à un seul titre, la génération de demain ne connaitra plus cela. L'exclusivité héritée

d'une habitude familiale disparaît avec la nouvelle génération de lecteurs.

« J'ai l'impression que le lecteur de demain, le plus jeune des lecteurs d'aujourd'hui, ne lira

plus le papier, ou de manière exceptionnelle. Sur quoi lira-t-il Le Monde, Le Nouvel Obs? Sur

le web, sur l'Ipad, sur de la feuille électronique... En tout cas il y aura une relation au flux, à

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sa propre ''timeline'', à son expérience en ligne qui sera absolument phénoménale dans son

choix. » (HUFNAGEL, 2010)

1.3.6. Peut-on réellement parler de révolution?

« Pour moi c'est une révolution à la hauteur de ce qu'a été l'invention de l'imprimerie ».

(RAPHAEL, 2010). Ces mots sont ceux de Benoît Raphaël, ex-rédacteur en chef du Post. Si

la phrase est choc, c'est peut-être parce que les évolutions le sont également. Une position que

ne partage pas tout à fait Nicolas Voisin, qui estime que l'on se situe plus dans une mue de

l'information, à l'image de l'arrivée de la radio ou de la télévision. « Internet bouscule le

paysage médiatique, mais est-ce qu'on parle de révolution? A quel niveau est vraiment cette

révolution. Je trouve que les termes sont très abusifs. La diffusion de la culture, l'information,

ce que j'appelle ''la médiation culturelle'' est un paysage qui s'est toujours transformé, qui a

toujours été animé par plein d'acteurs différents: des acteurs institutionnels, des acteurs

associatifs, des acteurs de type ''médias traditionnels'', des acteurs dits d'innovation. Tous ces

différents maillons font un paysage et un écosystème cohérent. C'est une table de mixage et on

est en train de jouer avec les curseurs. Le papier n'aura sans doute plus le même usage

demain, mais il ne disparaîtra pas pour autant». (VOISIN, 2010)

En attendant, ce semblant de révolution fait peur. Selon Antoine Daccord, le dénigrement du

métier de journaliste web serait sûrement dû à de la jalousie et de la crainte. A l'image de

l'émergence des radios libres. « Le journaliste a eu pendant longtemps une possession et une

maîtrise de l'info. Aujourd'hui, c'est complètement fini avec Internet. En France vous avez

30.000 journalistes, 70 millions d'habitants, c'est normal que l'info première soit vue par

quelqu'un d'autre que le journaliste. La différence est qu'avant, les gens ne pouvaient pas

communiquer plus rapidement que par le journaliste. Aujourd'hui, on ''tweete'', on

''facebooke'' et l'information est publiée ». (DACCORD, 2010)

Si le fait que l'info puisse provenir d'ailleurs tétanise les journalistes, il leur permet de relever

un défi encore plus intéressant qu'avant: « maintenant le métier de journaliste va être de

rattraper l'info au vol, de la vérifier, de la calibrer, de la hiérarchiser et de la

contextualiser ». (DACCORD, 2010)

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2. Un nouveau métier: le journaliste web

« Ça fait un an qu'on me demande ce que je fais de ma vie, j'en peux plus quoi! »

Mélissa Bounoua, community-manager et journaliste chez 20minutes.fr

2.1. Définition et attributs

« Journaliste web », « journaliste Internet », « journaliste 2.0 », sont trois des nombreux

termes qui souvent, définissent le métier de journaliste sur la Toile. Parmi les particularités de

cette profession, on notera le manque de définition et de considération puisqu'il s'agit d'un tout

nouveau métier, qui même s'il a vu le jour fin des années 90, est toujours considéré comme

une nouvelle profession. En ce sens, le statut social, les barèmes salariaux et les attributs

spécifiques n'ont pas encore été donnés.

Dans les rédactions aujourd'hui, il est souvent demandé aux journalistes postulant d'être

capables de manier différents outils: que ce soit une caméra vidéo, un banc de montage, un

logiciel de retouche ou un éditeur de sites Internet. Pour autant, peut-on parler de ''journalistes

couteau suisse'' en tant que spécificité liée à Internet? « Je pense que ce n'est qu'une

transposition de ce qui se passait pour le ''print''. Vous aviez déjà des soutiens de rédaction

qui savaient, entre autres, régler la colorimétrie dans une impression ou rogner une image...

Aujourd'hui, c'est adapté à Internet. Ce sont des nouvelles tâches, mais ce n'est qu'une

transposition de ce qui se passait déjà sur le ''print'' ». (DACCORD, 2010)

Il n'y aurait finalement pas de changements majeurs dans la définition du journaliste. Seuls

certains réglages de précision seraient nécessaires et relatifs à l'évolution des supports sur

lesquels désormais les informations sont publiées.

« Ce qui va changer vraiment c'est le fait d'être hyperconnecté et de suivre tout ce qui se dit

sur soi. Ça demande une nouvelle façon d'être et de travailler et c'est quelque chose qui va

être assez inné dans les générations qui arrivent. Si avant on se levait avec la radio,

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aujourd'hui on arrive à une génération qui se lève avec les réseaux sociaux ». (DACCORD,

2010)

2.2. Les journalistes à l'heure des réseaux sociaux

Pour Sree Sreenivasan, professeur de journalisme à l'Université de Columbia à New York,

« les réseaux sociaux sont le plus grand impact que le monde des médias ait connu depuis

l'émergence de l'Internet dit populaire entre 1995 et 1997. Les réseaux sociaux ce n'est plus

des conversations dans une seule direction, mais bien dans deux, dix ou mille directions. Leur

pouvoir est de connecter les gens et les rendre de plus en plus impliqués que ce soit en

écrivant, en parlant, en travaillant, en partageant ou étant engagé d'une manière jamais vue

auparavant ». (SREENIVASAN, 2010)

Pour Philippe Laloux, il s'agit surtout d'accéder à de nouvelles sources d'information

permettant, par la suite, d'alimenter ces réseaux avec des nouvelles fraîches: « on sait que sur

Internet, plus de 90% des informations sont des informations recyclées. Or l’objectif premier

pour un journaliste, est de ramener de l’information qui n’a pas encore été traitée. Il pourra

donc alimenter son enquête en s'appuyant sur la communauté grâce à ces nouveaux outils. Ce

n’est pas totalement une source d’information, c’est plutôt une source de sources ».

(LALOUX, 2010). Un constat que partagent tous les journalistes interviewés pour ce

mémoire.

« Ce qui est intéressant en tant que journalistes, c'est d'utiliser ces réseaux là non pas pour le

contenu qui est offert (Twitter: une info, Flickr: une photo, Youtube: une vidéo), mais pour la

possible mise en relation avec des gens qui sont témoins de l'évènement ». (MOTTE, 2010)

« Vous avez des réseaux comme Viadeo ou Linkedin qui sont de formidables outils pour

contacter des gens dans des entreprises, par exemple, à des postes auxquels on n'avait pas

accès avant en tant que journaliste, parce qu'on était directement dévié vers la

communication ». (MOTTE, 2010)

Selon Sree Sreenivasan, il y a quatre choses que les réseaux sociaux permettent: « trouver des

nouvelles histoires, trouver de nouvelles sources ou de nouvelles idées; être connecté plus en

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profondeur avec une audience plus diverse, attirer l'attention sur le travail du journaliste et

enfin, construire et exercer son cerveau en ligne ». (SREENIVASAN, 2010)

Pour le professeur de Columbia, les journalistes travaillent désormais main dans la main avec

leur public au lieu d'uniquement leur dire ce qu'il se passe. « Aujourd'hui, tout le monde est un

''partageur d'information''. La différence pour le journaliste c'est qu'il a la formation et le

background pour produire une information plus poussée, plus consistante et plus précise. Le

mixte des deux est cependant bon et important ». (SREENIVASAN, 2010)

Parmi les nouveaux rôles qu'endossent également les internautes, il y a celui de ''fact-

checker''. Le terme ''vérificateur de faits'' désigne les internautes et les médias d'information

qui recoupent tant l'information publiée par les journaux que les déclarations des grands de ce

monde, en les croisant avec des documents audio, vidéo, écrits... publiés par le passé. Cette

tyrannie de la cohérence (ou fact-checking) a valu, entre autres, à Nicolas Sarkozy quelques

polémiques. Une des dernières en date concerne la présence du Président français à Berlin lors

de la chute du mur. Celui-ci affirmait avoir participé au soulèvement et à la démolition du mur

le 9 novembre au matin, or des journalistes et des historiens ont croisé leurs informations pour

affirmer que c'était impossible. (SLATE, 10.11.2009)

Au blogueur Loïc Lemeur, le journaliste américain Jeff Jarvis expliquait qu'il aimait l'idée

d'être surveillé par ses lecteurs qui le corrigeaient s'il se trompait. Pour lui c'était le

journalisme de demain. (MARTIN, 2010, 26). Ce que certains journalistes apprécient

également, c'est la possibilité d'avoir un feedback immédiat sur les articles. Ce compte rendu

des lecteurs permet au journaliste de découvrir le niveau de pertinence de son information, de

ses sources et ce que cela déclenche chez les lecteurs. C'est l'opportunité également de

corriger, le cas échéant. « Je pense surtout que ça a remis les pieds sur terre aux journalistes.

Ce feedback immédiat permet de voir pour qui et pourquoi on écrit. On arrête d'imaginer

avoir le savoir unique tout seul dans son coin, en se disant que parce qu'il y a 200.000

journaux imprimés on a été lu 200.000 fois ». (DACCORD, 2010)

De son côté, Nicolas Voisin estime que « les réseaux sociaux ont amené aux journalistes une

raison de plus de remettre en cause leurs certitudes ». Expliquant que le journalisme est une

des professions qui a le plus de mal à intégrer de nouveaux usages, il estime que Twitter a

revivifié la manière dont les journalistes travaillent. « Ça impose aux journalistes de

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considérer que leur travail n'est pas terminé lorsqu'ils ont fini un article, considérer que

l'investigation, le travail d'enquête, le recoupement de l'info, ça peut se faire derrière un

écran, et que ce n'est pas forcément uniquement derrière un téléphone. Ça multiplie aussi les

sources ou le croisement des sources d'information ». (VOISIN, 2010)

Un autre avantage pour les journalistes et leur rédaction à être sur les réseaux sociaux,

s'exprime en termes de visibilité générée par la viralité3 du réseau. L'information est partagée

et vue à l'infini par les utilisateurs de ces plateformes, qu'ils y trouvent un intérêt ou pas.

Au Soir.be où l’année passée, l'arrivée des internautes depuis Facebook connaissait une

croissance de 250%, Philippe Laloux ressent parfaitement l'intérêt des réseaux sociaux. « On

est à deux doigts d’avoir la majeure partie des internautes qui viennent par Facebook, qui est

déjà au dessus de Google.be. Twitter est encore très épidermique. Aujourd'hui, toute la

difficulté est de faire comprendre à un journaliste que faire du web, ce n’est pas travailler

deux fois, mais travailler autrement ». (LALOUX, 2010)

2.3. Les forçats de l'info

En mai 2009, un article de Xavier Ternisien du Monde.fr crée la polémique en France. ''Les

forçats de l'info'' dresse un portrait assassin et peu reluisant de ces nouveaux journalistes: les

journalistes web, souvent définis comme « journalistes low-cost » ou « Pakistanais du web »,

en référence à leurs conditions de travail. Une situation qui est vraisemblablement en train de

changer.

A la suite de cette polémique, Mélissa Bounoua, journaliste-animatrice de communauté chez

Arte.tv à l'époque, organise à Paris, une rencontre entre rédacteurs en chef de médias

imprimés et en ligne. Autour de la table se retrouvent, entre autres, Benoît Raphaël

(LePost.fr), Pierre Haski (Rue89), Christophe Gueugnau (LeNouvelObs.com), Joël Ronez

(Arte.tv), Alexis Delcambre (LeMonde.fr), Johan Hufnagel (Slate.fr), Eric Mettout

(L’Express.fr) et Philippe Mathon (LePoint.fr).

3 On parle de viralité en matière de réseaux sociaux pour définir la capacité qu'ils offrent aux informations de

se répandre facilement et rapidement à travers les différents individus qui y sont présents.

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Si le débat initialement prévu entre les ''forçats'' et les ''négriers'' a finalement tourné à la table

ronde, il a néanmoins permis de faire avancer les mentalités en ouvrant le dialogue sur les

conditions de travail des journalistes en général.

Les semaines qui ont suivi ont permis à tous les participants et leurs médias affiliés de prendre

du recul par rapport à la situation. Un recul empreint d'histoire qu'a également pris Antoine

Daccord, ex journaliste régional et actuel community-manager pour le Figaro.fr. « Les

premières rédactions Internet en 2002-2003 chez Libé comptaient une quinzaine de

journalistes web. L'information sur Internet a périclité et ces personnes-là ont été renvoyées

dans les rédactions ''papier''. Tous ces médias n'allaient pas en 2007, recréer des rédactions

composées de 40 journalistes avec des salaires énormes. Ils ont donc attendu de voir

comment cela allait reprendre. Pareil pour les journalistes qui, aujourd'hui gagnent plus de

8000€, ça n'est pas arrivé le jour où Gutenberg a sorti l'imprimerie. Ça a pris du temps et

c'est le même recul qu'il faut avoir sur les forçats: ça va se tasser. Il ne faut pas oublier qu'on

est sur un nouveau média et un nouveau métier». (DACCORD, 2010)

Pour Mélissa Bounoua qui travaille dans la presse en ligne depuis plus d'un an, les raisons de

cette déconsidération et de ces salaires bas sont nombreuses. Il y a, selon elle, le fait que les

journalistes web aiment profondément ce qu'ils font et que les rédacteurs en chef en profitent

pour justifier ces différences de traitements. « Je travaille de 8h-8h30 à 19h sans réelle pause

déjeuner. Mais j'adore ça. Même s'ils nous disent qu'on est tous une grande famille et qu'il n'y

a pas de différences, on travaille quand même beaucoup plus que la génération d'avant alors

qu'on est considéré comme des moins que rien en étant également moins payé qu'eux ».

(BOUNOUA, 2010)

Une différence et une déconsidération qui s'expriment aussi dans les fiches salariales:

Dernièrement, lorsque la grille des salaires ''papier'' a été publiée par le principal syndicat

des journalistes, j'ai remarqué qu'un stagiaire gagne la première année 1750 euros brut, ce

qui est en gros le salaire net d'un journaliste web débutant chez 20minutes.fr. Concrètement,

pour la SNJ, le salaire d'un stagiaire est le salaire d'un journaliste web ». (BOUNOUA,

2010)

Pour sensibiliser les journalistes web à leurs conditions de travail et tenter de faire bouger les

choses auprès des rédactions, Mélissa Bounoua ainsi que d'autres journalistes web se sont

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regroupés au sein de ''DJIIN'': l’association pour le développement du journalisme, de

l’information et de l’innovation numérique. L'objectif: sensibiliser, informer, débattre au sujet

de ce nouveau journalisme.

Pour expliquer des salaires aussi bas, plusieurs raisons sont avancées . D'une part, c'est un

nouveau métier et les grilles salariales n'ont pas encore été mises en place. D'autre part, les

rédacteurs estiment que le « web ça ne rapporte pas beaucoup, même si leurs journalistes

travaillent 50h par semaine, ils ne peuvent donc pas être autant payés qu'au papier ».

(BOUNOUA, 2010).

« Aujourd'hui, à titre d'exemple, un journaliste 'ancien' du Monde ou Libé a 14 semaines de

congés payés, 16 mois de salaire et touche plus de 4.000€ net. Parmi ceux-là, certains ne

produisent qu'un article par semaine. C'est un écosystème issu d'une histoire, qui a

énormément de contraintes – centralisation des imprimeries, impressions, etc... On ne peut

pas le dénoncer en jetant tout aux orties car ces médias sont absolument essentiels dans notre

environnement. Mais leur économie n'est pas la même que celle d'un média qui se lancera sur

une page blanche aujourd'hui ». (VOISIN, 2010)

Une économie qui déteindrait donc sur les conditions de ces ''journalistes 2.0''.

Le bilan que Mélissa Bounoua fait de cette réunion est finalement plutôt positif. Elle estime

qu'elle a permis à tous les jeunes journalistes, tant ''web'' que stagiaires de se connaître.

''L'ancienne'' génération aura ainsi pu prendre conscience des conditions difficiles vécues par

ces novices qui se retrouvent sur le web parce qu'ils sont ''frais''.

De cette réunion est née une vraie reconnaissance. « Les rédactions web commencent à être

intégrées et pensées comme de vraies rédactions et plus des gens bizarres regroupés dans un

coin. Ça a permis à une génération et à un média, certes à l'échelle de Paris, de se demander

s'il ne faudrait pas revaloriser ce métier. » (BOUNOUA, 2010)

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2.4. Nouvelles tâches, nouveaux métiers, nouveaux outils

2.4.1. Community-editor vs community-manager: de la

communication au service après-vente

« Ce n'est pas le métier de journaliste qui change. C'est l'activité de conception, d'élaboration

de distribution de l'information qui nécessite un nouveau médiateur: le community-editor ».

(VOISIN, 2010)

Distinct du community-manager dont la tâche consiste à fédérer une communauté autour d'un

site internet ou un média et à communiquer à son sujet sur des plateformes extérieures telles

que les réseaux sociaux, le community-editor est surtout chargé de produire du contenu. « Ce

n'est pas simplement être journaliste puisque cette personne est amenée à éditer une

production qui n'est pas toujours la sienne. C'est une activité clé dans une rédaction ».

(VOISIN, 2010)

Au delà de la rédaction d'articles, les community-editors sont aussi amenés à dénicher dans

leurs réseaux les personnes les plus à même de s'exprimer et d'écrire sur certains sujets

particuliers. Journalistes, blogueurs ou simples internautes, c'est la qualité et la fiabilité qui

comptent.

« Ce boulot est étrange quand on a été formé à écrire des papiers. J'ai fini par m'avouer que

c'était tout de même à la limite du journalisme et du marketing. C'est de l'éditorial mais l'idée

quand on t'embauche est « d'aller chercher les gens ailleurs pour les ramener vers

20Minutes.fr ». Tu passes tes journées à faire de la veille, chercher des blogueurs, les mettre

en avant... Ce n'est pas ce à quoi tu t'attends en sortant d'école de journalisme, et forcément,

faut s'adapter ». (BOUNOUA, 2010)

A l'heure où les médias n'engagent plus le moindre journaliste traditionnel, l'ouverture de

postes pour des ''journalistes-community-manager'' fleurit auprès de tous les organes de

presse: « la semaine où je suis arrivée chez 20minutes (mai 2009, ndlr.), il y a eu deux offres

d'emploi dans des rédactions: c'était à l'AFP et chez Libération. Alors que ces deux médias

sont au plus mal, et n'embauchent plus personne, comme par hasard, ils engageaient tous les

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deux un ''community manager''. Ce sont quasiment les seuls jobs qui se créent». (BOUNOUA,

2010)

Pour Antoine Daccord, son job ne s'inscrit que dans un flux de changements.

« On m'a nommé community-manager il y a 16 mois, je pense que d'ici 6 mois ça ne voudra

plus rien dire. Les réseaux sociaux pareils. C'est juste le web qui est en train d'évoluer. Ce

sont de nouvelles choses qui sont là, mais c'est presque déjà du passé ». (DACCORD, 2010).

2.4.2. Multitâche, la caractéristique indispensable?

Journaliste, animateur de communauté, communicateur et chargé du service après vente, le

journaliste en 2010 est définitivement multitâches. Est-ce pour autant profitable au média et à

l'information?

Une étude menée à l'université de psychologie de Stanford par le professeur Clifford Nas a

démontré que les personnes utilisant plusieurs nouveaux médias en même temps sont

susceptibles d'une part, de développer des problèmes cognitifs mais surtout, d'autre part d'être

moins productifs. « Les multitâches deviennent des champions de la non pertinence et tout les

distrait », affirme ce coauteur de l’étude parue en août 2009 dans la 24e édition des

Proceedings of the National Academy of Sciences. (Théorie des tendances, 28.01.2010).

Chez Owni.fr, les journalistes sont amenés, au delà de leur travail d'écriture, à identifier des

auteurs et à éditer des articles dont ils ne sont pas auteurs. Ils doivent également réaliser un

travail d'édition et de sublimation de contenus en faisant un travail sur l'image, le titre, la mise

en forme, et sur la distribution de cette information. Il leur est également demandé de partager

ces articles sur les réseaux sociaux.

« C'est une pratique intéressante, mais chacun a ses spécialités. Dire d'une personne qu'elle a

un physique de radio et une voix de presse écrite est peut-être horrible, mais c'est parfois

justifié. Maintenant, ce qui me fait un peu peur, c'est l'argument économique qu'il y a

derrière, d'autant qu'on restreint les effectifs actuellement dans les médias. C'est surtout une

manière de faire travailler plus les gens et de restreindre l'emploi, parfois au détriment d'une

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qualité de contenu », explique Nicolas Willems, journaliste radio à la RTBF. (WILLEMS,

2010)

Si en France, on reconnaît que cette panoplie de savoir-faire était à l'origine des métiers

extrêmement séparés (HUFNAGEL, 2010), il est clair qu'aux Etats-Unis, ce genre de pratique

est plutôt mal accueilli. « L'idée d'un journaliste ici à CBS qui irait tourner sans caméraman

et monterait lui même ses reportages est juste inimaginable. Vous auriez les syndicats sur le

dos! » (TEWA, 2010)

Maintenant, selon Nicolas Willems, il est également possible de trouver un bon côté aux

multitâches pour peu qu'il concerne l'enrichissement de l'information et qu'il ne soit pas

dissocié du côté cross-média ou trans-média de l'information: « il s'agit de décliner un même

sujet sur plusieurs médias en tenant compte des forces et des faiblesses de chacun. Dans le

cas de la BBC, ce sont plusieurs journalistes spécialisés dans chaque média qui s'y collent.

Mais avant de commencer à travailler, les angles en fonction de chaque média sont définis.

L'inverse de ce qui se passe en Belgique où tout le monde veut faire tout et où c'est parfois

très malheureux ce qu'on obtient ». (WILLEMS, 2010)

2.4.3. Google Insight, sniffeur de tendances

Dans certaines rédactions, les journalistes s'appuient sur des outils de recherche tels que

Google Insight afin d'analyser les résultats des recherches faites par les internautes. L'objectif

est de faire le plus possible coïncider la présentation de l'actualité avec l'intérêt des internautes

et donc des potentiels lecteurs. « Cet outil montre à quel point sur certains sujets, la façon

qu'ont les médias classiques de les traiter, ne correspond pas forcément à l'attente qu'en ont

les internautes et donc les potentiels lecteurs, auditeurs ou spectateurs. A titre d'exemple, lors

du grand débat sur les retraites en France, il y a eu un pic de recherches sur le mot

« retraite » mais les mots associés recherchés ne correspondaient pas directement à la

législation qui s'y rapportait. Il s'agissait plutôt d'une recherche axée sur les ''maisons de

retraite'' ou ''préparer sa retraite''. Utiliser ce genre d'outils peut donner des angles

supplémentaires à l'actualité quotidienne et coller plus avec les questions et les intérêts des

gens ». (MOTTE, 2010)

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L'impact de l'utilisation de Google Insight peut également être économique. Consultant

indépendant, Cédric Motte explique avec un exemple concret l'impact de l'outil de statistiques

sur un numéro spécial. « Un supplément sur Twilight a été produit dans le courant du mois de

mars par l'Express. Ce ne fut pas un réel succès, mais lorsqu'on a consulté Insight, les

recherches sur le sujet à ce moment là étaient très faibles, contrairement aux mois de janvier

et février. On ne peut pas évidemment assurer à 100% qu'il y aurait eu plus de ventes s'il était

sorti plus tôt, mais c'est tout de même intéressant d'y réfléchir pour une prochaine fois ».

(MOTTE, 2010)

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3. Tous journalistes?

« Y a deux types de journalistes:

ceux qui comprennent les réseaux sociaux et qui savent comment ça marche

et ceux qui sont en dehors du coup ». Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr

Pour Nicolas Voisin, il n'y a pas de « tous journalistes » mais bien des « tous médias ». « Si

journaliste est un métier qui est très mal défini, c'est en tout cas une activité dont on peut au

moins admettre qu'elle se rattache à des textes référant ses exigences de pratique quotidienne

qu'on acquiert au fil du temps. Ce n'est pas la même chose qu'être 'média'. On est 'média' en

tant qu'individu lorsqu'on partage un lien sur Facebook, quand on diffuse de l'information.

Tout comme le fait une institution à travers une plateforme d'expression. Le fait sur le web

que tout le monde soit à la fois lecteur mais aussi auteur potentiel est une rupture culturelle

majeure ». (VOISIN, 2010)

Le temps serait-il sombre pour la caste des journalistes? S'ils ne sont pas encore en voie de

disparition, les journalistes serrent les rangs et se protègent comme ils peuvent de cette

''invasion'' citoyenne. Parmi les tactiques de défense, le repli sur soi, l'auto-conviction et une

campagne de dénigrement envers « l'ennemi ». Certains résistent, d'autres ''font avec'' en se

protégeant malgré tout et les derniers y voient une mine d'or.

En attendant, un vent de changement souffle sur la profession.

« La différence par rapport à avant, c’est qu’il faut être bon et plus vite. Un bon journaliste,

c’est quelqu’un qui recoupe son information plus vite, mais il ne faut pas être pris en excès de

vitesse. Si c’est le cas, il faut le corriger très vite aussi, revenir en arrière, et assumer. »

(LALOUX, 2010)

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3.1. Le journalisme citoyen date d'hier

Le débat sur le journalisme citoyen est né il y a plusieurs dizaines d'années, du moins dans

nos contrées. Il a cependant pris un tournant redoutable avec l'émergence des blogs, lorsque la

pratique s'est répandue dans le grand public.

Auparavant réservé au journalisme de proximité et spécifiquement aux journaux locaux, le

journalisme dit ''citoyen'' s'est épanoui grâce au développement et à l'expansion de la

blogosphère. Tout un chacun a désormais, à portée de main, les outils nécessaires et souvent

gratuits pour mettre en place sa propre plate-forme d'information, sans que celle-ci ne soit

obligatoirement reliée à un média d'information.

Si le support médiatique sur lequel le journaliste citoyen s'exprime a considérablement changé

au cours de ces dix dernières années, il semble abusé de dire que cette forme de journalisme

ait vu le jour sur une page blanche.

« On fait du journalisme amateur ou citoyen, soit semi-professionnel, depuis 40 à 50 ans.

Quatre-vingts pour cent des contenus des journaux locaux en France sont écrits par des

amateurs. Le journalisme citoyen existe depuis longtemps sauf que ces amateurs-là sont

payés ». (RAPHAEL, 2010)

Ce point est soulevé par Benoît Raphaël, ex-journaliste au Dauphiné Libéré et ex-rédacteur en

chef du Post, aujourd'hui reconverti dans la consultance. En Belgique, les journaux locaux des

groupes Sudpresse et Vers l'Avenir s'appuient également sur le travail de correspondants

locaux non journalistes pour fournir en contenu leurs éditions. Cependant, leur proportion est

bien inférieure à 80%.

Comme l'explique Benoît Raphaël, en France leur fonctionnement est assez simple:

« un chef d'agence ou un adjoint pilote une vingtaine de correspondants locaux amateurs

payés au point. Un papier vaut 5 à 30 points, une photo 10 points et un point vaut un euro.

Cette personne anime les correspondants en leur proposant des sujets et des angles,

réceptionne les papiers... Une fois le travail effectué, les correspondants mettent directement

leur contenu dans une base de données partagée avec la rédaction. C'est ensuite revu, édité,

corrigé et mis en scène par le journaliste. Cette collaboration entre amateur et professionnel

n'est donc pas nouvelle ». (RAPHAEL, 2010)

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Fort de son expérience régionale, Benoît Raphaël a mis en place ces principes lorsqu'il a créé

Le Post. (voir chapitre 4.3.1.)

3.2. Concurrence citoyenne et collaborations

Au delà de la concurrence citoyenne, Mélissa Bounoua pointe également Internet comme

dérégulateur de l'économie du journalisme: « On est désormais dans l'idée ''qu'on ne paie pas

les journalistes car c'est un plaisir de faire un article. Cette idée et les blogueurs ont un peu

faussé le fait que le journaliste a tout de même une compétence et qu'il doit être payé pour ce

qu'il fait. On remarque également cela avec Internet qui a brouillé les pistes en rendant

possible la publication du contenu d'un jeune journaliste gratuitement ». Pour la journaliste

de 20minutes.fr, le meilleur exemple est « Rue89 ». « La rédaction a très bien compris qu'un

jeune journaliste est prêt à tout pour être publié et même à travailler pour rien ».

(BOUNOUA, 2010)

Si le journaliste citoyen a l'information et le matériel, « l'analyse n'appartient qu'aux

journalistes. Celui qui a l'info de l'avion dans l'Hudson, oui il a la photo, mais pas le recul ni

l'analyse. C'était la même chose avec la situation en Iran l'année dernière ». (BOUNOUA,

2010)

Au Figaro.fr, la rédaction laisse de plus en plus aux internautes la possibilité de publier leurs

contenus et leurs idées dans différents formats. Les abonnés du quotidien ont même le droit de

poster des articles qui peuvent par la suite être sélectionnés et mis en avant par la rédaction.

« Il n'y a pas de rémunération car le but n'est pas que l'on se paie des « alerteurs d'info », on

est quand même ''Le Figaro'' donc les informations nous les avons. Mais ce qu'on ne va pas

forcément avoir, c'est le témoignage, l'expérience ou l'expertise qui peut venir avec l'info. Ce

sont des choses qui émergent très rapidement grâce à Internet et qui enrichissent l'actualité».

(DACCORD, 2010)

Un positionnement idéologique différent du Post ou de Rue89, par exemple, qui n'ayant plus

de fil de dépêches attendent de leurs internautes qu'ils donnent l'alerte à propos de certains

faits d'actualité.

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Du côté de Rue89, on tempère l'analyse : « On ne croit pas au journalisme citoyen parce

qu'on pense que ça reste un métier. Et que dans ce qu'on propose, il y a un rôle central pour

le journaliste. On est plus dans la coproduction d'information aujourd'hui, que dans l'info à 3

voix comme nous le voulions au début. Tout le monde ne se réveille pas le matin en disant ''je

vais être journaliste''. D'autant qu'il y a des servitudes comme recouper l'information, passer

3h au téléphone pour avoir un chiffre ou les deux parties dans un conflit. Ce n'est pas ce que

tout le monde fera naturellement ». (HASKI, 2010)

Le journalisme citoyen ne serait donc pas un danger pour la presse. Le fossé entre l'opinion à

ce sujet des médias traditionnels et celle des pure-players se creuse néanmoins toujours en

2010.

3.2.1. Participations croisées: L'exemple d'information financée par

les lecteurs: Spot.us

En novembre 2009, le New York Times publie un article plutôt étrange. S'il se présente

comme un article des plus conventionnels, la mention qui accompagnait la signature est

particulière: « cet article a été financé par les lecteurs de Spot.us ». (New York Times, 2009, 9

novembre)

La journaliste indépendante qui se cache derrière cet article n'a pas été payée par le New York

Times mais par des centaines d'internautes du site collaboratif américain Spot.us, qui lui ont

envoyé les ressources financières nécessaires. Spot.Us déclare vouloir permettre au public

« de lancer des enquêtes avec des donations déductibles fiscalement, sur des sujets importants

et peut-être négligés (sous-entendu par les rédactions classiques) ». Le reportage de Lindsey

Hoshaw sur les raisons d'un amas de déchets flottant dans l'océan pacifique a d'ailleurs récolté

plus de 6.000 dollars de dons.

Spot.us fonctionne un peu sur le modèle des sites musicaux où les internautes peuvent

plébisciter et financer en ligne leurs artistes favoris, tels Akamusic ou MyMajorCompany.

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Comme l'explique la journaliste et « community manager » française, Capucine Cousin, « le

site propose aux internautes de choisir le sujet d'article qui les intéresse le plus, parmi les

pitchs (les propositions de sujets, ndlr.) présentés sur le site et postés par des journalistes

freelance. Il y a plusieurs tarifs selon le type de reportage prévu (investigation, reportage sur

une entreprise...). L'internaute qui finance un reportage peut en connaître la progression via

le blog du journaliste. C'est donc une sorte de place du marché où l'internaute peut choisir de

financer des sujets de reportages qui l'intéressent ou qui lui semblent peu traités par les

médias » (COUSIN, 2009)

Selon Nicolas Voisin, ce type de projet peut être « une solution sur de très grands territoires

de langues, tels que l'anglais ou le chinois, mais pas dans l'enfermement linguistique et

territorial qu'est la francophonie ». (VOISIN, 2010)

Si l'éventualité d'un public cible trop peu important est aux yeux de Nicolas Voisin, une raison

pour ne pas exporter ce modèle dans nos contrées, Glifpix compte faire le pari inverse dès la

fin de l'année. Le projet qui est toujours en développement espère financer des enquêtes

journalistiques de longue haleine via des micro-dons. Les productions, libres de droits,

seraient alors diffusées sur Glifpix, mais pourraient être utilisées par d'autres médias par la

suite, en suivant le principe des licences Creative Commons. (ROZIERES, 2010, 38)

A travers ces nouvelles formes de soutien financier dans une perspective néanmoins de

journalisme indépendant, c'est la crise de la presse que l'on découvre en toile de fond. Pour la

combattre, les idées et les initiatives se multiplient. Pour autant, la formule miracle n'a pas

encore été trouvée.

Au Detroit Free Press, on tente actuellement d'éliminer, ou en tout cas de réduire

drastiquement, les éditions imprimées afin de se concentrer essentiellement sur des sites

Internet gratuits. Si la démarche est l'inverse du courant de pensée actuel mené par Murdoch

qui souhaite rendre payant tous les contenus de ses journaux, l'autonomie de la ligne éditoriale

ne serait pas pour autant mieux sauvegardée, puisque ces approches rendent toujours le

journal redevable à ses annonceurs. (Time, 22.03.2009, 22)

Peut-on dès lors espérer qu'un modèle où les rédactions sont payées par les utilisateurs pour

les services et le journalisme qu'elles fournissent, puisse fonctionner? Rien n'est certain.

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Cette tarification de contenu est une vieille idée mais pas seulement parce qu'elle fut d'usage

pendant quatre siècles. Le Time rappelle d'ailleurs que c'est aussi quelque chose que l'on

faisait déjà à l'aube de l'ère « en ligne ».

A titre d'exemple, lorsque les magazines Wired et Time décident en 1994 de placer leurs

magazines sur la Toile, ils développent en même temps divers outils, tels que des ''banners'',

afin d'amener des revenus. C'est à cet instant que Louis Rossetto, rédacteur de Wired, constate

qu'un changement majeur est en cours: l'idée d'être payé pour le contenu disparaît

progressivement. (Time, 22.03.2009, 22)

3.2.2. A l'écoute des utilisateurs

Pour Antoine Daccord, il est profitable et intéressant pour les médias de désormais prêter une

oreille attentive à ce que les internautes disent sur l'actualité. Lorsqu'en 2007, Le Figaro fut un

des premiers médias français à ouvrir les commentaires à tous ses articles, les critiques furent

sévères mais le succès au rendez-vous.

« Dans la presse, on a longtemps ignoré que les gens voulaient savoir ce que d'autres

pensaient pour se forger une opinion. C'est pourtant le même fonctionnement lorsque vous

choisissez un film au cinéma et que vous demandez l'avis de votre entourage.

Le premier réflexe dans les commentaires c'est de penser qu'il n'y a que des choses horribles.

Ici, on laisse les internautes dire ce qu'ils veulent tant qu'ils respectent la loi française.

Dès lors, notre travail de journaliste web animateur de communauté va être de faire ressortir

ce qu'il y a de plus intéressant par rapport à notre actualité. Un de nos journalistes peut

rédiger un article à partir des commentaires, tel un micro trottoir où il fera ressortir les

grandes tendances: ''Au Figaro, vous avez été nombreux à réagir, voilà ce que vous

pensez'' ». (DACCORD, 2010)

Antoine Daccord constate d'ailleurs que ce format fonctionne plutôt bien et est apprécié des

internautes qui ne souhaitent pas spécialement lire 500 commentaires. Du côté de la rédaction,

c'est une opportunité de recoller l'actualité dans la réalité sans perdre de vue que les personnes

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qui se sont exprimées sont une catégorie bien particulière puisqu'il y a nettement moins de

commentateurs que de lecteurs.

Cependant, l'irruption du lecteur dans le travail des journalistes crée un inconfort au sein de la

profession. « C'est très perturbant, mais ça peut devenir une force. Une bonne partie de la

défiance des journalistes aujourd'hui est due à leurs erreurs ces 20 dernières années mais

aussi à une série de fantasmes comme quoi ils seraient à la solde de leurs actionnaires, de

pressions occultes, de lobbies... ça existe mais dans 90% des cas, les journalistes font

honnêtement leur travail. Le fait de démythifier ou démystifier une partie de ces fantasmes et

d'engager ce dialogue avec les internautes contribue à baisser ce niveau de défiance ».

(HASKI, 2010)

Pierre Haski citant Patrick Eveno, historien des médias, estime également « qu'au final,

l'indépendance d'un titre n'est pas décrétée ni par ses actionnaires, ni par ses journalistes,

elle est décrétée et légitimée par ses lecteurs ». (HASKI, 2010)

3.3. Blogueurs et simples citoyens au service de l'info

Si la participation sur le web concerne toujours une minorité d'internautes (voir Loi des 1%,

chapitre 1.3.3.), c'est également le cas pour la presse en ligne. Analysant le profil des

contributeurs, le chercheur Olivier Trédan déclare que la majorité des contributeurs

d'AgoraVox.fr, pour l'exemple, s'appuient sur une légitimité tirée de leur activité

professionnelle ou universitaire et parce qu'ils possèdent également un capital culturel assez

élevé. (TREDAN, 2007, 116)

Le public cible du Post.fr était totalement l'opposé de ce tableau. Benoit Raphael, ex-rédacteur

en chef du pure-player, explique qu'il a justement voulu simplifier son site d'information pour

permettre à tout un chacun de s'exprimer sans subir un éventuel poids social lié à une classe

ou à des connaissances en marge de certains. « Nous avons volontairement dégradé une partie

de l'information, pour que les gens se rendent compte que tout le monde peut y avoir accès et

être producteur d'info sans avoir pour autant fait des très hautes études. A titre d'exemple, on

écrivait sur les photos. » (RAPHAEL, 2010)

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Si le fait que certains médias s'appuient sur les internautes pour leur amener des scoops et

produire une partie des contenus a déjà créé des tensions, les journalistes issus de médias

traditionnels s'inquiètent beaucoup plus des contenus gratuits ou payants fournis par les

blogueurs. « Les journalistes les voient comme des concurrents, mais dans l'état d'esprit des

blogueurs, l'idée ce n'est d'absolument pas de faire du journalisme. Ce sont juste des gens qui

sont passionnés par un sujet et qui se disent qu'ils ont des choses à raconter dessus. Le fait

d'être journaliste ou pas, ils n'en ont rien à faire ». (MOTTE, 2010)

Johan Hufnagel est plutôt d'avis que les journalistes ont beaucoup appris de leur rencontre

avec les blogueurs: « ils nous ont beaucoup poussés sur la manière d'écrire. Ce sont des gens

qui ont compris l'importance du lien, de la relation unique qu'il y a entre un lecteur et la

personne qui écrit ». (HUFNAGEL, 2010)

Pour Éric Scherer, directeur de la stratégie à l'AFP et blogueur, le professionnel ne sera jamais

remplacé parce qu'il joue un rôle important dans l'émergence de l'information: « le journaliste

est un guide, il aide à trouver le signal dans le bruit ». (RSLN, 29.06.2010)

Philippe Laloux rappelle néanmoins qu'il y aura toujours une différence capitale entre

blogueurs et journalistes: « Il y a des gens qui croient à la vérité, des gens qui ne seront

jamais contents du résultat et qui se diront que ce n’est pas la vérité. Ils iront plus loin. Le

blogueur ne se lève pas dans cet état d'esprit ». (LALOUX, 2010)

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4. Nouveaux outils: voyage au pays des réseaux sociaux

« Lorsque l'avion est dans l'Hudson, il est trop tard pour apprendre à utiliser Twitter » Sree Sreenivasan, professeur des nouveaux médias

à l'Université de Columbia, New York

4.1. L'information à l'heure de Facebook et Twitter

Pour Nicolas Voisin, le changement est majeur. Mais ce n'est pas pour autant une révolution.

« Les réseaux sociaux ont amené à l'information, la plus grosse mue qu'on ait connu ces

dernières années qui consiste à passer de l'économie de la rareté – qui était l'information

dans les journaux – à une économie de l'abondance quasi non organisée à ce qui est

maintenant l'ère de la recommandation, ce que j'appelle l'ère du 'passe à ton voisin' ».

(VOISIN, 2010)

L'information qui marche en général sur les réseaux sociaux et spécifiquement sur Facebook,

c'est l'insolite. Mélissa Bounoua l'a découvert à l'usage. « Sur Twitter, ce sont plutôt des news

high-tech qui fonctionnent. Quant aux articles au sujet de Twitter postés sur Twitter, c'est le

carton plein ». Mais parmi les news qui cartonnent réellement, on retrouve les nécrologies:

« Les morts ça marche super bien! Ça tourne énormément parce qu'il y a une sorte d'émotion.

Quand Filip Nikolic des 2be3 est mort, ce fut une des meilleurs statistiques de l'année. Sur le

site 20minutes.fr, plus d'un million de pages on été vues sur la journée, alors que c'est plutôt

4 millions de pages par mois, en général ». (BOUNOUA, 2010)

Pour Cédric Motte, le problème n'est pas de s'informer sur ces réseaux-là, mais bien d'avoir

les bons amis qui relaieront les bonnes informations. « Il faut bien voir que Twitter et

Facebook ne sont que des lieux de relais. La lecture de l'information se fait sur le site des

médias, sur des blogs ou autre. Elle ne se fait pas au sein de ces réseaux, mais il faut des

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personnes pour la faire émerger ». (MOTTE, 2010). Le réseau social est un média de

diffusion d'information d'autant plus efficace qu'il y a de participants.

Pourtant les mentalités changent. L'étude "Digital Journalism Study" réalisée par le Oriella PR

Network auprès de 770 journalistes de 15 pays révèle que pour la première fois, les

journalistes ont cessé de voir le numérique comme un frein mais l'envisagent beaucoup plus

comme un atout. On apprend également que 35% des publications auditionnées ont déjà

proposé des fils info issus de Twitter dans leurs offres en ligne. (Oriella PR Network, 2010)

4.1.1. Facebook: « go where the people are »

Formul e propulsée par l'équipe de campagne de Barack Obama lors de l'élection de novembre

2008, « go where the people are » est tout aussi valable pour les journalistes qui recherchent

de nouvelles sources d'information.

Pour Nicolas Willems, la théorie a déjà été confirmée par la pratique. « Je pense que pour la

recherche de contacts, Facebook est très utile. La viralité du réseau permet à l'information de

se répercuter auprès d'énormément de personnes ». (WILLEMS, 2010)

Sur le réseau social qui affiche plus de 400 millions de membres à travers le monde, ce sont

plus de 1,5 million de contenus ou d'éléments de contenu (liens Internet, titres, billets,

morceaux d'articles, photos ou encore vidéos) qui sont partagés chaque jour entre les

membres. (MARTIN, 2010, p. 11). De quoi voir le réseau comme une véritable plaque

tournante de l'information. Mélissa Bounoua explique que la convivialité de ce média social

favorise le fait que les gens s'informent à partir des réseaux sociaux: « Ce sont des endroits

personnalisés où les gens discutent. Ils sont dans un espace sympa d'où ils ne bougeront pas

puisqu'ils peuvent également y recevoir l'info ». (BOUNOUA, 2010)

4.1.2. Twitter: l'agence de presse nouveau genre

Le site gazouilleur, qui permet de poster des messages de 140 caractères maximum, a plus

vite séduit – en termes professionnels – les journalistes que ne l'avait fait Facebook

auparavant. Plusieurs raisons à cela: d'une part les évènements marquants tels que les

explosions à Mumbai ou le tremblement de terre en Haïti, d'autre part la ressemblance forte

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avec un fil de dépêches des agences de presse. Pour autant, peut-on réellement parler d'une

agence de presse?

La réponse est complexe. Premièrement, Twitter ne se définit pas ainsi. Son objectif n'est pas

de prendre le pas sur les agences de presse mais bien de permettre à ses utilisateurs de

partager leurs sentiments ou ce qu'ils sont en train de faire à un moment précis.

Deuxièmement, l'information sur Twitter n'est absolument pas vérifiée ni hiérarchisée. Elle

est tributaire de chaque utilisateur qui y inscrit ce qu'il souhaite, peu importe qu'il s'agisse d'un

fait ou d'une rumeur. Troisièmement, le réseau étant utilisé par n'importe qui, il est très facile

d'y trouver n'importe quoi et l'utilisateur se retrouve très rapidement noyé sous un flux

ininterrompu de nouvelles en tout genre.

Un constat qui laisserait croire qu'il est préférable de fuir le réseau social plutôt que de s'y

inscrire. Mais la preuve du contraire est apportée par les journalistes eux-mêmes. Du moins,

ceux qui ont accepté de franchir le pas et qui depuis l'utilise abondamment. Lorsqu'on le

maîtrise bien, on peut même y découvrir des scoops. Si ces derniers sont plutôt en rapport

avec les nouvelles technologies, le réseau permet également à tout journaliste de trouver de

nouvelles sources d'information et de nouveaux contacts. « Cependant, Twitter n'est

absolument pas une agence de presse pour l'internaute moyen. C'est juste un lieu d'échanges.

Twitter ne devient une agence de presse qu'à partir du moment où il y a du « breaking news ».

(MOTTE, 2010)

Et du côté des agences de presse, on rit jaune. Plusieurs réactions sont données: à titre

d'exemple, l'agence de presse belge ''Belga'' déserte totalement le site de micro-blogging mais

a lancé de son côté son propre réseau social de récupération d'information: Ihavenews. Chez

AP, par contre, on publie du contenu sur Twitter.

A ce sujet, Cédric Motte estime que « Twitter est un potentiel danger pour les agences de

presse, plus que pour les journaux. Il influence clairement la chronologie et ça devient

problématique pour les agences de presse. Si les journaux et les journalistes se mettent sur

Twitter, ils vont avoir un outil qui leur permet potentiellement d'avoir du breaking news et

l'accès à des témoins d'évènement, là où avant c'était l'AFP qui s'occupait de tout ».

(MOTTE, 2010). Une réalité dont les rédactions sont tout à fait conscientes autant que leur

échec avoué sur la bataille du « live », puisqu'elles ne font pas jeu égal avec la foule des

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anonymes. « Aucune rédaction ne peut rivaliser avec les millions d’appareils photo

numériques dans la nature, qui sont autant de témoins possibles d’un événement »

diagnostique Éric Scherer. (RSLN, 29.06.2010)

Nicolas Willems est plus pragmatique à ce sujet: « Twitter est vraiment là où les autres outils

n'ont pas accès soit pour des raisons politiques comme c'était le cas en Iran, soit pour des

raisons techniques comme c'était le cas en Haïti ». (WILLEMS, 2010)

Enfin, à travers l'étude ''Digital Journalism Survey'', on apprend que Twitter est devenu un

canal "attractif" pour diffuser ses informations : 41% des rédacteurs interrogés disposent d'un

compte, contre 35% en 2009. Les pays les plus "twittophiles" sont le Royaume-Uni, les Etats-

Unis et le Brésil.

4.1.2.1. Un réseau centré sur lui-même à la hiérarchie

particulière

Une autre particularité du réseau concerne l'agenda particulier de l'information: « quand je

regarde un journal et quand je regarde ce qu'il y a sur Twitter, je n'ai absolument pas la

même information ». (MOTTE, 2010). « L'information qui fait la une sur Twitter n'est pas

forcément celle qui fait la une dans les journaux. De même, il y a plus de ''soft news'' que de

''hard news'' ». (WILLEMS, 2010)

Pendant sept mois, le Pew Research Center's Project for Excellence in Journalism a recensé

les informations qui étaient les plus discutées sur Twitter, pour en dégager les grandes

tendances et évaluer les différences avec les médias dits traditionnels. Parmi les conclusions

de l'enquête, il ressort que les informations mises en avant dans les médias sociaux diffèrent

considérablement de celles qu'on retrouve dans la presse grand public. (Journalism.org,

23.05.10)

Sur Twitter, la technologie constitue un axe majeur puisque près d'un sujet sur deux (43%)

parmi les plus partagés, concerne ce secteur. Une prédominance lourde des sujets sur Twitter

lui-même est d'ailleurs soulignée d'autant que la politique joue un rôle beaucoup plus faible.

Les breaking news qui ont éclipsé tout le reste de l'information sur le réseau en 2009, ont

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majoritairement porté sur les manifestations qui ont suivi l'élection iranienne. (Journalism.org,

23.05.10)

Il est également apparu que les principaux sujets discutés sur ce réseau social étaient

totalement différents des sujets mis en avant dans la presse traditionnelle. L'année de cette

étude, le seul fait d'actualité qui ait d'abord créé la polémique sur Twitter avant de devenir un

vrai sujet dans la presse traditionnelle fut l'affaire du Climate-gate. Pour le reste, les

informations discutées sont avant tout produites par des médias professionnels.

(Journalism.org, 23.05.10)

4.1.2.2. Les faits marquants en Belgique

Buizingen

Le 15 février 2010, deux trains de passagers entrent en collision à Buizingen, en périphérie

bruxelloise. Le bilan est de 18 morts. Cédric Meldt, simple navetteur, envoie les premières

photos de l'accident via Twitter. Elles ont été reprises par tous les médias du monde.

« Cette personne a été journaliste malgré elle puisque sa seule motivation était d’envoyer une

photo pour rassurer sa famille. Il n’était pas du tout dans une démarche journalistique. Les

médias ont bien réagi ce qui prouve, contrairement à ce que l’on dit, qu’ils se servent des

réseaux sociaux ».(LALOUX, 2010)

La candidature de Jean-Claude Defossé chez Ecolo

Le 16 février 2009, le journaliste Charles Bricman annonce sur Twitter et sur son blog que le

journaliste de la RTBF, Jean-Claude Defossé, se présentera aux prochaines élections pour le

compte d'Ecolo. L'annonce officielle est prévue pour le 31 mars. Les principaux médias

mettront plusieurs jours avant d'oser publier l'information, bien que le journaliste soit connu et

reconnu. Mais le fait d'avoir découvert le scoop via Twitter, rend les médias traditionnels

réticents.

Accident de personne à la gare de Dinant

Etant informée dans les minutes qui ont suivi l'accident qui s'est produit en gare de Dinant (un

accompagnateur de train est tombé sur les voies. Il a eu les jambes sectionnées), j'ai posté

l'information sur Twitter. Recontactée par Etorre Rizza, journaliste au Soir, le site Internet du

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quotidien fut le premier à publier l'information moins de 15 minutes après mon tweet, suivit 9'

minutes plus tard par la RTBF, 11' par RTL et 25' par Belga. (PEIGNOIS, RIZZA,

23.05.2009)

Aujourd'hui, par la présence en nombre de journalistes sur Twitter et la connaissance et

reconnaissance du réseau, une information peut être vérifiée et reprise par des journalistes en

moins de dix minutes.

4.1.2.3. Les limites

Les limites ou dangers relatifs à l'utilisation du réseau social sont nombreux. Mais il serait

exagéré de dire qu'il s'agit uniquement des caractéristiques propres au service.

Parmi celles-ci, Philippe Laloux remarque qu'il est particulièrement difficile de définir

l'importance de certaines informations mises en ligne. « On ne discerne pas l’info qui a du

poids de celle qui n’en a pas. Tout a le même poids sur Twitter: Britney Spears autant

qu’Yves Leterme. Finalement, ce n’est que la caisse de résonance (la réaction du réseau à

cette information, ndlr.) qui donne une importance à l'information. C'est un indice mais ce

n’est certainement pas un critère ». (LALOUX, 2010)

Nicolas Voisin estime quant à lui que la limite principale serait de « croire que l'utilisation de

ces réseaux est une fin en soit ». Qu'il s'agirait de la réponse au problème qui se posait, en

termes de monétarisation des médias. « Ce n'est pas en les investissant pleinement qu'on va

dépasser ce qui a été problématique jusque-là. L'économie de l'information est plus

compliquée que simplement être capable d'amasser des gens sur des autoroutes comme

Facebook et Twitter et pas simplement sur des petites routes que sont les sites web ».

(VOISIN, 2010)

4.1.3.4. Une expérience pour tenter de comprendre:

''Huit-Clos du Net'' « Comment être informé et informer à son tour, lorsqu'on est coupé des sources

traditionnelles d'information ? », c'est la question à laquelle les Radios Francophones

Publiques ont voulu que cinq journalistes répondent via l'expérience « Huis clos sur le Net ».

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Isolés dans un gîte rural au cœur du Périgord et coupés de tous médias traditionnels, Benjamin

Muller (France Info), Nour-Eddine Zidane (France Inter), Janic Tremblay (Première Chaîne

de Radio-Canada), Anne-Paule Martin (RSR - La 1ère) et Nicolas Willems (La Première-

RTBF) n'avaient qu'un seul accès à l'information, les réseaux sociaux que sont Twitter et

Facebook.

N'ayant pas l'autorisation de visiter les sites traditionnels, de consulter la télévision, la radio,

la presse écrite, ni les dépêches d'agence, ces cinq journalistes partageaient ensuite leurs

sentiments sur les caractéristiques de l'information issue des réseaux sociaux.

Parmi les champs de recherches, l'expérience journalistique devait répondre à plusieurs

interrogations: « la lecture du monde, dans ces conditions, est-elle pertinente ? Est-on informé

de la même manière qu’avec les médias classiques ? Comment se construit alors l'information

? ». (Les Radios Francophones Publiques, 2010)

Au fur et à mesure du déroulement de l'expérience entre le 1er et le 5 février 2010, les cinq

journalistes francophones faisaient part de leurs découvertes et sentiments sur un blog

commun: http://huisclossurlenet.radiofrance.fr/ et auprès de leurs médias respectifs.

Parmi les règles à respecter, ces « prisonniers du Périgord » ne pouvaient consulter un site que

s’il s’agissait de suivre un lien proposé sur Twitter ou Facebook et si celui-ci n’était pas un

site/vidéo/blog d'information d'un média traditionnel.

Si cette expérience a passionné tant les journalistes « traditionnels » que ceux des nouveaux

médias, elle a surtout soulevé un nombre infini de critiques.

Parmi ces protestations, le fait que les journalistes envoyés dans le Périgord ne pouvaient

consulter aucun lien partagé par la communauté. Les observateurs ont estimé que le réseau

avait été amputé d'une part de sa réalité. Pour le journaliste québécois Rémy Charest,

« l'exercice risquait d'en montrer plus sur les journalistes présents que sur les réseaux eux-

mêmes, puisque la qualité de l'information recueillie est fonction de la qualité des contacts ».

(Technaute, 06.02.2010)

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« Est-ce pour autant différent de la réalité? », c'est la question que pose Nicolas Willems.

« Un journaliste quelque soit le type de média pour lequel il travaille s'appuie toujours sur

son réseau de contacts. Tu rencontres des gens, tu prends des témoignages et c'est en les

croisant que tu commences à voir la valeur de tes émetteurs d'information ». (WILLEMS,

2010)

Parmi les remarques des internautes, le fait d'utiliser exclusivement ces deux réseaux a fait

débat. Du côté de Nicolas Willems, les raisons étaient claires: « on savait qu'il s'agissait de

conditions exceptionnelles puisque personne ne se contente de travailler uniquement avec

Twitter ou Facebook, mais le but était d'isoler pour mieux comprendre, d'autant qu'il

s'agissait d'une expérience journalistique et non sociologique. Le fait d'avoir isolé a restreint

le champ mais nous a apporté l'avantage de comprendre beaucoup plus vite le

fonctionnement de ces deux réseaux sociaux ». (WILLEMS, 2010)

Durant la semaine de l'expérience, un simple fait d'actualité s'est transformé en formidable

enseignement pour le monde du journalisme. « Un gros boom entendu à Lille », c'est un des

tweets qui a semé la confusion tant au sein du réseau social que dans les esprits des 5

participants. Mardi 2 février en soirée, une déflagration est entendue à plusieurs endroits de la

région lilloise. Sur Twitter et Facebook, les internautes s'interrogent et émettent les plus folles

explications: l'armée belge envahit la France, une centrale nucléaire a explosé, une fuite de

gaz a détruit un bâtiment... Il faut dire que le contexte catastrophique ambiant se prête bien à

la situation: quelques jours plus tôt, un immeuble explosait à Liège tuant plusieurs de ses

occupants. Dans le Périgord, c'est la confusion: « il y a eu plusieurs étapes: la première était

le constat: il y a eu une explosion à Lille. La deuxième, c'étaient des suppositions: qu'est-ce

qui s'est passé? La troisième étape ce fut lorsque des journalistes étudiants de l'ESJ (l'Ecole

Supérieure de Journalisme) sont sortis de chez eux avec leurs téléphones 3G, ont pris des

photos et des informations de la région et les ont ensuite envoyées sur le réseau en disant

qu'ils ne voyaient rien. En deux-trois heures, des dizaines de milliers de messages ont été

envoyés à ce sujet sur les réseaux et c'est là qu'on a commencé à se poser des questions.

Finalement vers 1h du matin, un journaliste de la Voix du Nord a découvert qu'il s'agissait

d'un avion qui avait franchi le mur du son ». (WILLEMS, 2010)

Cette histoire est un cas d'école pour Nicolas Willems: « la leçon a été que, malgré tout, c'est

grâce au travail de journalistes sur le terrain qu'on a connu la raison de l'incident. C'est la

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preuve qu'on garde tout de même une certaine confiance dans le journaliste et son boulot.

C'est aussi une très belle métaphore de comment fonctionnent les réseaux sociaux avec leurs

avantages et leurs inconvénients, spécifiquement par rapport à la rapidité. Cet empressement

oblige à vérifier, contrôler ce que l'on poste et qui sont ceux qui postent. Il y a un effet ''caisse

de résonance'', car parfois les réseaux sociaux font un peu penser soit au téléphone arabe,

soit à la place du village car même si l'information n'est pas juste, vu que tout le monde la

répète, elle prend de la valeur ». (WILLEMS, 2010)

Ce qui a également marqué les participants, c'est la levée de boucliers de la part de la Toile

face à l'expérience. « Tout au long de la semaine, on a eu l'impression d'être ''le cul entre

deux chaises''. D'une part, chez certains de nos collègues journalistes – qui ont encore l'idée

que les réseaux sociaux n'ont aucun intérêt et qui ne voient pas très bien ce qu'on va faire là

dessus – cette expérience leur a permis de revoir leur jugement; d'autre part, chez la minorité

d'internautes actifs, il y a eu vraiment un rejet de notre présence parce qu'ils se sont peut-être

sentis attaqués et qu'ils ont mal perçu le projet. Nous, on était juste là pour faire un état des

lieux, un bilan, sans avis préconçu. Ils se sont sentis menacés en croyant qu'on était là

seulement pour les décrédibiliser et leur ravir un certain pouvoir ou une certaine

reconnaissance qu'ils avaient sur le réseau ». (WILLEMS, 2010)

Aujourd'hui, presque six mois après l'expérience, Nicolas Willems constate que l'aventure lui

a donné de nouveaux outils dans son travail quotidien. Son rapport à l'auditeur a également

totalement changé. Mais pour lui c'est surtout « le point de départ d'une nouvelle aventure.

Les remarques et les critiques qui ont été faites tout au long de l'expérience feront évoluer les

choses ». (WILLEMS, 2010). Si ce n'est dans la mentalité des internautes, ce le sera dans

celles des journalistes et des rédactions, assurément.

4.2. Journaliste 2.0: formation et auto-formation

Dans un post sur son blog en réaction au débat sur les ''forçats du net'' (voir plus haut), le

journaliste de L'Express.fr, Eric Mettout remarquait que : « l'agilité numérique, ça ne

s'apprend pas à l'école comme le journalisme, mais qu'il va falloir l'y enseigner quand même.

Pour être un bon journaliste demain, (...) la maîtrise d'Internet est déjà indispensable ».

(Nouvelle Formule, 24.06.2009)

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D'autre part, Mélissa Bounoua relève lors du débat sur les ''forçats du net'' que, « selon Benoît

Raphaël (Le Post.fr), Joël Ronez (Arte.tv) et Johan Hufnagel (Slate.fr), la formation au

journalisme web ne dépendrait plus des écoles mais de l’implication des étudiants sur

Internet ». (Misspress, 30.06.2010)

Pour Johan Hufnagel, le problème se crée avant l'arrivée des étudiants dans les études de

journalisme: « Ils arrivent en n'étant absolument pas formés à Internet. Ils n'ont aucune idée

de l'adaptation de Facebook ou Google à leur éventuel travail et ne sont que des utilisateurs

très passifs du web. On commence malgré tout à avoir des journalistes dont leur rêve ultime

n'est plus de travailler sur le papier mais sur le web chez Slate ou Rue89 ». (HUFNAGEL,

2010)

Mélissa Bounoua est principalement community manager à 20minutes.fr. Elle trouve que son

job reste finalement assez étrange puisqu'il se déroule sur énormément de plate-formes

différentes. Par rapport à sa formation (Ecole de Journalisme de Science Po - Paris), elle se

rappelle que ce n'est pas du tout ce type de journalisme qu'on lui a appris. « L'usage des

réseaux sociaux, ou le community management, je l'ai appris par moi-même. En cours de

''web'', on nous avait juste mentionné le nom des réseaux sociaux. » (BOUNOUA, 2010)

Antoine Daccord et Mélissa Bounoua sont d'accord sur deux choses: il est désormais quasi

impossible de décrocher un job de journaliste, et d'autant plus ''web'' sans avoir une

connaissance et une expérience approfondie des réseaux sociaux. « En étant journaliste

aujourd'hui, on doit connaître tous les moyens de diffusion de l'information. Je ne dis pas

qu'on doit être sur tous les réseaux sociaux, mais en avoir un avis, est un minimum ».

(DACCORD, 2010). Un écho français à l'une des questions d'embauche au New York Times:

« quel mot est, pour vous, le plus important dans ''newspaper'', news ou paper? ».

Les écoles de journalisme, de leur côté, commencent à réagir et se mettent à former leurs

étudiants aux « nouveaux médias ». Aux Etats-Unis, où des cours de journalisme sur les

réseaux sociaux sont déjà dispensés depuis plus d'un an, l'Université de Columbia a annoncé

en avril dernier qu'elle proposerait dès la rentrée, un diplôme mixant journalisme et

informatique. En Europe, la France et la Belgique emboîtent le pas. A Metz, l’Univer si té́ Paul

Verlaine propose un Master en « journalisme et médias numériques » depuis septembre 2009.

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A Bruxelles, l'IHECS a modifié son atelier multimédia et celui-ci est désormais axé

journalisme et réseaux sociaux. Il est animé depuis février 2010 par Damien Van Achter

(social media editor - RTBF).

4.2.1 Le crowdsourcing

En 2006, deux journalistes américains du magazine Wired, Jeff Howe et Mark Robinson,

créaient un néologisme qui joue désormais un rôle majeur dans l'évolution de l'information

sur la Toile: le « crowdsourcing ». Littéralement traduit par « l'approvisionnement par la

foule », le crowdsourcing consiste à utiliser l'intelligence, le temps, la créativité et le savoir-

faire des internautes pour des tâches particulières ou non. (WIRED, 2006)

Au Figaro, certains des journalistes se mettent progressivement au crowdsourcing. « Ils

demandent à leur communauté, à leurs experts ce qu'ils pensent sur un sujet ou simplement

pour les aider à travailler en temps réel avec les réseaux ». (DACCORD, 2010)

Pour John Hufnagel, de Slate.fr, la principale limite à cet outil journalistique est la foule elle-

même. « Pour faire du crowdsourcing de qualité, il faut déjà avoir énormément d'audience ou

alors être sur une niche extrêmement réduite. La révolution est réelle mais les exemples de

crowdsourcing réussis sont assez rares ». (HUFNAGEL, 2010)

4.2.1.2. La recommandation

La recommandation, c'est le bouche-à-oreille d'Internet. Si l'écoute des conseils de ses amis ne

date pas d'hier, elle reçoit avec Internet, une nouvelle jeunesse. « La réalité a grandement

évolué, puisque Google n'est plus le principal moteur d'audience pour la plupart des sites.

Aujourd'hui c'est le ''passe à ton voisin''. Le lien qui a été recommandé par quelqu'un de ton

réseau que ce soit sur Facebook, Digg, Twitter... c'est l'économie de la recommandation, du

réputationnel », déclare Nicolas Voisin. Le directeur de publication chez Owni.fr estime

également que « l'économie de l'information est en train d'être modifiée à peu près autant que

si le Gulf Stream changeait de sens». (VOISIN, 2010)

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Les chiffres d'Antoine Daccord permettent d'étayer cette thèse mais surtout de mesurer la

puissance de ce ''passe à ton voisin''. « Une news du Figaro mise sur Facebook est vue entre

30 et 60.000 fois, alors qu'on a environ 22.000 fans». (DACCORD, 2010) Sur Facebook,

l'outil de partage permet en un seul clic de partager un lien sur sa propre page ou de l'exporter

sur celles des autres. Un élément qui joue énormément en faveur de la propagation de

l'information et de la marque Figaro sur le réseau.

A Rue89, la recommandation est primordiale puisqu'il s'agit de la première source de

visiteurs. « Les internautes qui cliquent sur des liens en provenance de Facebook, Twitter,

d'emails ou d'autres blogs forment 37% de notre audience ». (HASKI, 2010)

Au-delà du fait qu'elle amène plus d'audience sur les sites Internet, la recommandation est

aussi tout bénéfice pour les sites d'informations, dans d'autres termes. Le lecteur qui arrive sur

un article par le conseil d'un ami y reste souvent bien plus longtemps que lorsqu'il provient

d'un moteur de recherche. « Un visiteur qui arrive par Google, reste en moyenne 12 secondes

sur le site. Tandis qu'un lecteur qui arrive sur la recommandation d'un de ses amis, reste pour

lire l'article et souvent d'autres choses, donc la durée de sa visite est beaucoup plus longue ».

(HASKI, 2010)

Cet élément de durée, Pierre Haski souhaiterait également qu'il soit pris en compte par le

marché publicitaire qui, jusqu'à présent, s'intéresse uniquement aux visiteurs uniques et au

nombre de clics. « Pour nous c'est très vertueux car c'est une véritable reconnaissance qui

explique aussi notre choix de la gratuité. Nous voulons rester de plain pied dans cette

circulation de l'information. Se mettre derrière un mur payant serait l'équivalant pour nous

de perdre plus du tiers de notre audience. On fait ce choix de rester totalement d'accès libre,

gratuit en privilégiant au contraire l'accroissement de notre lectorat, de notre notoriété et de

cette inscription dans ce mouvement circulaire du partage de l'information ». (HASKI, 2010)

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4.3. Quand le réseau social est un nouveau média: voyage au pays des

Pure-player: cas d'étude

4.3.1. Lepost

S'il fallait présenter ''Lepost'' en quelques mots seulement, on pourrait dire qu'il s'agit d'un

média d'informations générales organisé sur le mode d'un journal local.

Benoît Raphaël est arrivé à appliquer dans son pure-player la hiérarchie d'un journal de

proximité à l'échelle d'Internet. Aux journalistes de la rédaction s'ajoute donc – à l'image des

correspondants locaux – un pôle de blogueurs invités et payés. « Ils sont un petit peu plus

structurés que les autres utilisateurs et nous leur faisons confiance. Ensuite, ce sont donc des

milliers d'utilisateurs que l'on ne connaît pas mais qu'on va apprendre à connaître

évidemment. L'idée, c'était d'élargir au maximum le nombre d'intervenants pour se

rapprocher le plus possible d'une information de plus grande proximité. Plus vous avez de

monde, plus avez de chance d'avoir une info qui est rapportée par des gens qui s'y intéressent,

qui en sont experts ou qui, tout simplement, habitent ''à côté'' ». (RAPHAEL, 2010)

De nombreuses fois taxé de site « d'infos-poubelles » suite à quelques erreurs et des

informations parfois « people », Le Post recherche surtout la qualité à travers la notion de

proximité. Benoît Raphaël explique que « le but n'était pas de faire une information low-cost

ou de moins bonne qualité, mais bien de gagner en qualité parce qu'on y apporte cette

proximité. Le tout, c'est que des journalistes soient là pour animer, éditer comme en presse

locale ou régionale. Ils fonctionnent par pôle (média, politique, web...) en fonction de leur

spécialisation et animent une communauté de blogueurs et d'amateurs ». (RAPHAEL, 2010)

Le principe du Post était de créer un média d'information sur la base d'un média social. Bien

que le pure-player ait été créé par le Monde Interactif, il se dissociait totalement du site

Internet adossé au Monde. La raison c'est « qu'il n'était pas possible d'expérimenter et innover

à ce niveau avec ''Lemonde.fr'' ». Spécifiquement en raison de l'étiquette et de la force de la

marque ''Le Monde''.

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Si on décortique la mécanique du Post, on découvre que chaque utilisateur peut disposer de sa

page personnelle après inscription. C'est un outil « clé sur porte » qui est plus simple

d'utilisation qu'un blog. Chaque rédacteur peut y poster des articles qui sont lus par ensuite par

les journalistes. Leur rôle est de filtrer et éditer l'information quand il le faut.

A la suite de cela, une conversation entre le journaliste et/ou le blogueur et/ou l'utilisateur

s'entame pour obtenir, le cas échéant, des précisions. Si les articles amènent une information

jugée valable et pertinente par la rédaction, ils sont mis à la ''une'' du site. « On fonctionne

comme un triptyque », explique Benoît Raphaël: journaliste, blogueur, utilisateur.

(RAPHAEL, 2010)

Au delà d'un rôle de distributeur d'information, les journalistes du Post se sont également mis

à former des blogueurs et des utilisateurs aux règles du journalisme et d'Internet. Partant de

l'observation que l'utilisateur produit assez peu d'informations exclusives, mais fait

essentiellement du journalisme de liens – il sélectionne du contenu vu ailleurs – il fallut

« expliquer à nos utilisateurs qu'ils ne devaient pas, par exemple, faire du copié-collé mais

des résumés. Et à cette occasion, on a créé une race de blogueurs-sélectionneurs ». En

monitorant ces utilisateurs et leurs manières d'agir, l'équipe du ''Post'' est arrivée à un modèle

de journalisme collaboratif qui fonctionne. « Il s'est avéré d'ailleurs que les utilisateurs

étaient souvent de meilleurs sélectionneurs que les journalistes. Et c'était un énorme point

positif pour la recommandation et la réception de témoignages ». (RAPHAEL, 2010)

Du point de vue financier, Benoît Raphaël explique en partie le déficit du Post par l'absence

de commerciaux dédiés proprement au site. « Nous avions les mêmes commerciaux que ''Le

Monde'', mais ceux-ci n'avaient pas la moindre prime sur les espaces publicitaires vendus

pour notre site, comme c'était le cas lorsqu'ils en vendaient pour ''Le Monde''. Du coup, ils

n'en vendaient pas. A ce niveau-là, on a vraiment eu un problème de plan commercial ».

(RAPHAEL, 2010)

Aujourd'hui, Le Post virevolte après le départ de certaines têtes pensantes du projet telles que

Benoît Raphaël et Guy Birenbaum. Du côté du Monde, l'avenir du site Internet déficitaire n'a

pas encore été discuté. Il le sera certainement dès que les nouveaux actionnaires auront

pleinement la main dans le groupe.

4.3.2. Owni

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Né pendant la bataille contre l'HADOPI4 en mars 2009, en France, Owni est le fruit d'un

rassemblement des membres d' « Aaaliens » (des blogueurs, journalistes, leaders d'opinion de

la toile qui se partageaient les résultats de veilles). Représenté à l'origine par un vaisseau, la

volonté de ses membres créateurs était qu'il leur permette de regrouper toutes les différentes

communautés qu'ils avaient fédérées autour d'eux afin de publier du contenu et donner à

penser des choses neuves et constructives. L'envie était que les idées ne soient pas

uniquement versées dans la critique, mais qu'elles fassent avancer la réflexion.

Nicolas Voisin, social media editor et directeur de publication pour Owni.fr explique

l'évolution et les enjeux de ce pure-player: « Owni est le fruit du mécénat de ''22mars'' qui est

un éditeur de médias sociaux. Concrètement, on conçoit des médias sociaux pour des

institutions, d'autres clients et pour nous. C'est une expérience 'non-profit' au départ, le

« PoliTIC'Show », qui nous a permis de monter un environnement rentable qui est la société

22mars. Par la suite, ce bon résultat nous a donné l'occasion de monter également un média,

et celui-ci nous permet de conquérir de nouveaux clients » (VOISIN, 2010). Cet « écosystème

global » a permis à Owni d'être le seul média en ligne rentable aujourd'hui. Il affiche un

chiffre d'affaire en 2009 de 234.000 euros qui représente actuellement 40.000 euros par mois.

Un point spécifique d'Owni se situe dans son business plan. L'économie y précède l'éditorial.

« Nous avons d'abord voulu être rentable avant d'investir dans un média, ce qui fait que le

média lui-même n'a pas besoin d'être rentable. J'ai la conviction que l'information a bien un

coût mais par contre qu'elle n'a jamais été rentable. Il est donc pertinent si on veut être

indépendant d'avoir un projet durable ainsi qu'une économie qui précède le média et qui lui

suit: on découvre beaucoup nos services via Owni.fr ». (VOISIN, 2010)

L'offre Owni est en effet diversifiée: « nous vendons des applications de data-journalisme,

nous faisons des formations et du conseil. Enfin, la moitié de notre chiffre d'affaires est atteint

grâce au développement de titres. Mais ce n'est pas payant, ce ne le sera jamais, tout comme

il n'y aura jamais la moindre pub ». (VOISIN, 2010)

4 HADOPI: la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet.

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Un point sur lequel se démarque Owni concerne la publicité. Le site est blanc de toute

annonce commerciale. Un second, moins visible, s'exprime dans le ''carburant'' du vaisseau:

« On a une équipe qui est, pour près de la moitié, composée de profils plus techniques – des

designers, des statisticiens, des développeurs, des stratèges des médias, etc – et surtout, on

n'a commencé par être une société de services qui avait un métier, qui était reconnue sur son

secteur, qui était rentable. On n'a pas commencé par faire une levée de fonds pour créer un

média en se disant que derrière, on prendrait le métier de boite de service pour rendre le

média rentable. On a pris le problème à l'envers ». (VOISIN, 2010)

Owni, c'est aussi une stratégie média à long terme. « C'est notre raison d'être. On est tous là

pour inventer le média de demain et si on réussit notre coup, c'est un très gros groupe de

médias qu'on est en train de monter, mais on s'y prend à notre façon. On ne met pas 1 ou 2

millions d'euros pour faire la même chose que ce que font les autres: c'est-à-dire mettre de la

pub, faire des abonnements payants... De toute façon, par définition, tout ce que font les

autres, on ne le fait pas ». (VOISIN, 2010)

Enfin, Owni sortira également en papier, mais pas en tant que magazine à proprement parler.

Si Nicolas Voisin confie que c'est prévu de longue date, le modèle sera développé via des

partenariats avec d'autres publications dont le magazine ''Uzbek et Rica'' ou encore dans « des

très gros titres à très gros tirages et des magazines dont les lecteurs sont notre cible. On y va

parce qu'on est sollicité, ce qui est aussi, in fine, notre but ». (VOISIN, 2010)

4.3.3. Un modèle mixte: Rue 89

Lancé par la volonté de quatre journalistes-blogueurs partis de Libération, Rue89 voit le jour

le 6 mai 2007. Tirant le constat que l’interactivité et la contribution des internautes à

l'information pouvaient permettre de renouer un dialogue de confiance entre lecteurs et

journalistes, Pierre Haski, Pascal Riché, Arnaud Aubron, Michel Lévy-Provençal et Laurent

Mauriac se lancent, à l'image de leur slogan, dans « l'information à trois voix ». Ouvrant leur

espace aux journalistes, aux experts et aux internautes, les créateurs du média social veulent

avoir les mains libres et investissent en conséquence leurs indemnités de départ. Elles

financeront le site la première année.

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Trois années sont passées et ce sont aujourd'hui 20 salariés à temps plein et quelques pigistes

qui jour après jour, 24h sur 24, veillent à informer les citoyens.

Pierre Haski, directeur de publication, revient sur le parcours de combattant que l'équipe a

connu, à la création, lorsqu'il a fallu mener de front deux batailles. « La première, c'était de

s'imposer comme une référence nouvelle dans l'univers des médias et la deuxième consistait à

assurer la viabilité et de la rentabilité économique du modèle. On est allé à tâtons, en

expérimentant pas mal de choses et on continue encore aujourd'hui. C'est un modèle bricolé

mais qui nous permet d'avancer ». (HASKI, 2010)

Aujourd'hui les revenus de Rue89 sont divers: d'une part, la publicité qui finance le pure-

player à hauteur de 60% et d'autre part, la prestation de services tels que la création de sites

Internet, le merchandising et la formation continue auprès d'entreprises de presse ou de

particuliers. Cette dernière enveloppe correspond à 30% des rentrées financières du média.

(HASKI, 2010)

Si le modèle paraît bricolé, il a le mérite de fonctionner tant du coté des finances que de

l'audience. « Globalement, on a 1,5 millions de visiteurs par mois, sans avoir jamais dépensé

un centime en promotion-marketing ou en dopage de trafic par l'achat de mots-clés. C'est

vraiment une croissance qui s'est faite naturellement par le bouche-à-oreille du web, dans

lequel les réseaux sociaux jouent un rôle important ». (HASKI, 2010)

L'aventure est tellement positive qu'en ce début juillet, l'équipe de Rue89 a lancé son propre

mensuel. L'équipe ne compte pas dessus pour équilibrer les comptes, mais si il marche, il leur

permettra d'aller plus vite en matière de rentrées financières. « On s'adresse aux gens qui sont

intéressés par l'univers de Rue89 mais qui passent à côté de 80% de nos contenus. On voulait

donner une deuxième vie à nos articles et avoir un complément financier. Maintenant il faut

voir s'il y a une demande car il faut asseoir ce mensuel. Il est sorti à 87.000 exemplaires et

devient rentable à partir de 20.000. On sait que le premier atteindra cet objectif sans

problème. Il faudra ensuite voir si les autres numéros suivront». (HASKI, 2010)

Enfin, Rue89 se démarque également des autres médias sur un point particulier: « on ne met

pas de dépêches d'agence. On est parti du principe qui si c'était pour faire la même chose que

les autres, ça ne valait pas la peine de créer un média de plus. Là où les grosses machines (Le

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Figaro, le Nouvel Obs) sont des canons à dépêches et font une partie de leur audience avec

ça, nous on y a renoncé. Ça nous oblige à mettre en ligne des créations originales ».

(HASKI, 2010)

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Conclusion

Qui oserait encore dire que le journalisme ne se renouvelle pas? Les changements qu'un des

plus beaux métiers du monde subit ces dernières années sont certes majeurs mais ne le

poussent pas à sa perte, bien au contraire. A l'usure du temps et des conditions économiques,

la profession a réussi à renaître jour après jour, année après année toujours plus diversifiée. Si

son indépendance est parfois malmenée, son sérieux et sa qualité ne cessent de se développer.

A l'aube du 21e siècle pourtant, la presse est au bout du rouleau.

Subissant de plein fouet la crise économique de 2008, elle doit également composer avec sa

propre crise qui, depuis plus de 20 ans, ne l'épargne pas.

A l'heure où les rédactions dégraissent à tour de bras, la presse en ligne semble vouloir donner

les leçons d'une économie qu'elle découvre à tâtons.

La presse sur Internet va-t-elle sauver la presse imprimée?

Dans l'état des choses, il serait illusoire de tirer des plans sur la comète. Les modèles

économiques que testent différents médias en ligne, parfois avec succès, pourraient apporter

les premiers enseignements aux autres supports d'information. Pourtant en juillet 2010, la

presse Internet se cherche encore et spécifiquement en termes de rentabilité.

Dès lors, quel modèle économique pour la presse en ligne? Et par extension pour la presse en

général?

A cette question, diverses réponses sont données. D'une part, celles qui s'appuient sur les

modèles traditionnels de rémunération issus de la presse imprimée, dont le plus important est

la publicité. Très vite cependant, les médias se sont rendu compte que ce modèle appliqué à

Internet ne rapportait pas. Parmi les raisons de ce manque à gagner, on retrouve la politique

de rétribution mise en place par Google. Désormais, les clients ne paient plus que la pub qui

est efficace. Et pour le savoir, on compte les clics. « Cette manière d'agir n'a jamais été dans

la politique des médias: c'était ''vous payez la pub point barre'' » (RAPHAEL, 2010). En

conséquence, les revenus publicitaires se sont effondrés. A cela, s'est ajouté un nivellement

par le bas des tarifs pratiqués. En France, les prérogatives du célèbre moteur de recherches ont

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totalement modifié l'environnement économique des sites d'informations rendant la publicité

encore moins chère par le jeu de la concurrence globale. La France est désormais un des pays

où le prix de la pub est le plus bas. (RAPHAEL, 2010)

D'autre part, demander à l'internaute de mettre la main au portefeuille est une des théories et

des pratiques les plus en vogue. Mais à quelques exceptions près, les gens ne semblent pas

prêts à payer ce qu'on leur fournit gratuitement ailleurs. Pour preuve, rares sont aujourd'hui,

les médias en ligne qui rapportent lorsqu'ils suivent ce modèle. Si l'on se penche sur les

caractéristiques des services que les lecteurs acceptent de payer et où le succès est au rendez-

vous, on y découvre une politique économique datant de l'origine de la presse écrite: payer

pour du contenu original et de qualité.

Ce fait, les pure-players l'ont bien compris. A l'image du succès de Médiapart (30.000

abonnés, dont 5000 pour le seul mois de juin suite aux révélations dans l'affaire Bettencourt),

le site d'information devrait atteindre l'équilibre financier avant 2012, devançant ainsi les

prévisions.

A côté de ces modèles où l'information est à 100% payante, coexistent des modèles mixtes

(information payante et gratuite, comme Arrêt sur Images) et des modèles simples

(information gratuite, Rue89). Mais pour assurer la viabilité et en même temps l'indépendance

de ces médias, leurs rédactions ont dû chercher des rentrées financières ailleurs qu'auprès

d'actionnaires. Rue89 est un bon exemple à ce sujet. Démarré sur les fonds propres de ses

journalistes créateurs, le média est aujourd'hui financé d'une part par la publicité (60% des

rentrées financières), et d'autre part via les rémunérations reçues suite à la prestation de

services (formations, création de sites Internet...). Le résultat c'est que l'information offerte est

indépendante et gratuite. « Gratuité et qualité ne sont pas incompatibles, il faut juste

réinventer d'autres modes de financement » (HASKI, 2010)

Si ce mixte est parfois critiqué, il n'est que l'écho de ce que font également les médias en ligne

plus traditionnels adossés à un grand titre tels que Le Monde ou Le Soir. Afin d'assurer la

viabilité tant de l'imprimé que du site Internet, les groupes de presse se sont lancés dans la

vente de dérivés tels que des thés, des livres, des dvd ou toutes sortes d'autres choses. Si l'on

replonge dans le passé, à l'origine c'étaient les petites annonces qui apportaient une partie du

complément. On n'en est finalement pas si loin.

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Cependant, un bon business plan aujourd'hui n'est plus la garantie d'un succès économique. La

rareté de l'information reste malgré tout la pierre angulaire d'un succès global. Mais cette

rareté, à l'heure de ''l'infobésité'' sur Internet, il faut la recréer. C'est ce qu'ont très bien

compris Médiapart et Rue89. Par ailleurs, le modèle est exportable hors de la ''Toile'' comme

le démontre le succès des magazines ''XXI'' et ''Uzbek & Rica''. Ces publications offrent, sur

un support prestigieux, une information fournie et de qualité, loin de ce qu'on peut trouver

actuellement.

Si l'avenir est au contenu, une critique reste cependant de taille: le financement de ces

contenus. Car ce n'est pas tout de maintenir un site Internet à flot. Il faut également que les

informations qui s'y trouvent soient dignes d'intérêt sinon il se pourrait simplement que la

sauce ne prenne pas. Confrontant ses observations à l'étude du professeur Frank Rébillard qui

stipulait que très peu de contenus exclusifs étaient produits pour Internet, Benoît Raphaël

constate que ce n'est pas une caractéristique propre aux médias 2.0. Les journalistes qui

reçoivent tous la même information vont en général sur le terrain uniquement pour enrichir

cette actualité. « C'est via une photo, un commentaire ou une analyse mais ce n'est finalement

que du recopiage d'info en provenance de dépêches. Combien réellement d'informations

exclusives sont apportées par les journalistes? 10%? 20%? Et encore...» (RAPHAEL, 2010)

Se référant aux quotidiens régionaux où selon l'ex-rédacteur en chef du Post, 80% de

l'information est exclusive et apportée par les amateurs, Benoît Raphaël explique que ce

modèle peut être mis en place dans d'autres médias. « La question est de se dire que

finalement tout ce travail d'enrichissement, de sélection, de hiérarchisation et d'analyse

pourrait être fait par des amateurs. Pas n'importe qui, mais par exemple des experts, des

passionnés d'information, des gens sur place... ». (RAPHAEL, 2010)

De cette constatation, Benoît Raphaël estime que l'on peut arriver à reporter 80% du travail

journalistique actuellement fait par les journaux, sur les amateurs. « Au lieu d'avoir 10-20%

d'énergie du journaliste consacrée à sortir des infos exclusives, vous en aurez 80%. Ils lui

serviront à faire son vrai métier: trouver des sujets, faire des enquêtes, faire du vrai

journalisme finalement » (RAPHAEL, 2010). Si l'idée est que le journaliste reste journaliste

et se recentre sur le cœur de son métier, l'enquête; le blogueur/utilisateur qui se trouve en

réseau s'occupera de l'autre partie. « Le réseau permet une organisation simultanée de micro

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activités autour d'un évènement. Le premier peut apporter l'info, l'autre une photo, un autre

une précision et ensuite le journaliste s'occupera d'organiser et vérifier tout ce qui a été

récolté pour les 20 autres pour cent de sa part de travail ». (RAPHAEL, 2010). Et de pointer

du doigt les rédactions abonnées aux agences de presse qui embauchent une dizaine de

journalistes pour retraiter les dépêches.

S'il y aura toujours besoin d'informations et spécifiquement de qualité, les supports sur

lesquels elles se présenteront sont pour la plupart encore inconnus. Quelques pistes néanmoins

sont apparues avec les applications mobiles et l'iPad notamment, mais il est encore trop tôt

pour affirmer preuves à l'appui que ce support révolutionnera le journalisme et l'information.

En attendant, la presse en ligne connaîtra encore bien des changements. Qu'ils tiennent aux

caractéristiques intrinsèques du média ou à l'évolution générale de la technologie, nous

sommes en tout cas très mal placés en tant que témoins pour avoir un recul sur l'évolution de

ce secteur.

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Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui de près ou de loin auront participé à ce projet.

Des amis utilisateurs de Google Wave – lorsqu'il a fallu baliser le titre – aux journalistes d'ici

et d'ailleurs qui ont accepté de m'accorder un peu de leur temps. Merci aussi à Georg Brandt

pour ses précisions linguistiques ainsi qu'à Olivier Peignois, Jean Minet et Rita Midavaine

pour leur relecture.

Une mention particulière à Régine Florent pour son suivi complet et impliqué dans ce travail

ainsi que sa patience et sa pertinence sur les moindres détails.

Enfin merci à Etienne Magain pour sa réflexion et ses corrections bibliographiques en

dernière minute.

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WILLEMS Nicolas, 2010, 06 juillet, interview de M. Nicolas Willems, journaliste radio à la RTBF et participant à l'expérience Huit-Clos du net. Interview de vis-à-vis réalisée à Eterbeek, Bruxelles Wired, 2006, 14 juin, « The rise of crowdsourcing », Jeff Howe http://www.wired.com/wired/archive/14.06/crow ds.htmlpg=4&topic=crowds&topic_set=, Consulté le 18 juin 2010 Zdnet, 2006, 18 octobre, « Web 2.0, retour sur une définition », Jean-Pierre Govekar, http://www.zdnet.fr/blogs/le-webobserver/web-20-retour-sur-une-definition- 39600863.htm, Consulté le 8 juin

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Table des matières AVERTISSEMENT AU LECTEUR……………..........................…………………….......….2 INTRODUCTION………………………………….....................………………………….....3 PRE-REQUIS.............................................................................................................................5 1. Aux origines de la presse en ligne .........................................................................................8 1.1. Définition du concept de « presse en ligne » ......................................................................8 1.2. Naissance de la presse en ligne ...........................................................................................9 1.3. Caractéristiques et évolutions .............................................................................................9 1.3.1. Valeur de l'information vs. Information de valeur............................................................9 1.3.2. L'information en perpétuel changement..........................................................................11 1.3.3. Analyse des changements de rapport à l'information......................................................12 1.3.4. Une hiérarchie à réinventer ............................................................................................13 1.3.5. De nouvelles formes de consommation..........................................................................14 1.3.6. Peut-on réellement parler de révolution..........................................................................16 2. Un nouveau métier: le journaliste web.................................................................................17 2.1. Définition et attributs.........................................................................................................17 2.2. Les journalistes à l'heure des réseaux sociaux ..................................................................18 2.3. Les forçats de l'info ...........................................................................................................20 2.4. Nouvelles tâches, nouveaux métiers, nouveaux outils.......................................................23 2.4.1. Community-editor vs. Community-manager: de la communication au service après- vente .............................................................................................................................23 2.4.2. Multitâche, la caractéristique indispensable? .................................................................24 2.4.3. Google Insight, sniffeur de tendances.............................................................................25 3. Tous journalistes?.................................................................................................................27

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3.1. Le journalisme citoyen date d'hier ....................................................................................28 3.2. Concurrence citoyenne et collaborations. .........................................................................29 3.2.1. Participation croisée - l'exemple d'information financée par les lecteurs: Spot.us …....30 3.2.2. A l'écoute des utilisateurs ...............................................................................................32 3.3. Blogueurs et simples citoyens au service de l'information................................................33 4. Nouveaux outils: voyage au pays des réseaux sociaux.........................................................35 4.1. L'information à l'heure de Twitter & Facebook.................................................................35 4.1.1. Facebook: « go where the people are » ..........................................................................36 4.1.2. Twitter: l'agence de presse nouveau genre .....................................................................36 4.1.2.1. Un réseau centré sur lui-même à la hiérarchie particulière..........................................38 4.1.2.2. Faits marquants en Belgique........................................................................................39 4.1.2.3. Les limites....................................................................................................................40 4.1.3.4. Une expérience pour tenter de comprendre: Huit-Clos du Net ...................................40 4.2. Journaliste 2.0: formation et auto-formation .....................................................................43 4.2.1. Le crowdsourcing ...........................................................................................................45 4.2.2. La recommandation ........................................................................................................45 4.3. Quand le réseau social est un nouveau média – voyage au pays des pure-players: cas d'étude.. .........................................................................................................................47 4.3.1. Le Post ............................................................................................................................47 4.3.2. Owni ...............................................................................................................................49 4.3.3. Rue89 .............................................................................................................................50 CONCLUSION ........................................................................................................................53 REMERCIEMENTS.................................................................................................................56 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................58

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Panorama de l'évolution de la presse à l'heure d'Internet:

du fil info au pure-player en passant par les réseaux sociaux

La presse est en pleine évolution. Après la radio et la télévision, c'est aujourd'hui Internet qui

bouleverse l'information et le métier de journaliste. A travers ce mémoire, vous découvrirez

un instantané des différents changements que connaissent les médias sur la Toile. A l'analyse

des différents modèles expérimentés, tels que les “pure-players”, vous pourrez prendre

conscience de l'énergie que déploie la presse en ligne pour survivre aux aléas économiques,

toucher un public de plus en plus exigeant et garantir la qualité dans un monde saturé d’infos.

Quelles perspectives de survie pour les médias dans le futur? C'est que je tenterai enfin de

définir.

* * *

The press is changing. After radio and television, the Internet is currently modifing news and

journalism. In this dissertation you will find a snapshot of the various changes the Web media

are undergoing. Through the analysis of various existing models, such as the "pure-players",

you will realise the energy the online press is deploying to survive the economic risks, reach

an always more demanding audience and make sure there is quality in a world that is

overwhelmed with information. What are the prospects for the media in the future? That is

what we will attempt to define.

* * *

De pers ontwikkelt zich razendsnel. Naast radio en televisie gooit Internet vandaag de dag het

medialandschap en het beroep van de journalist omver. Deze verhandeling geeft een overzicht

van de veranderingen waarmee de media op het web geconfronteerd zijn. Door de analyse van

de verschillende geteste modellen, zoals dat van de "pure-spelers", zal de lezer een indruk

krijgen van de energie die de online pers opbrengt om ondanks alle economische risico's te

overleven en een publiek dat steeds hogere eisen stelt te bereiken. Welke overlevingskansen

hebben de media in de toekomst? Deze vraag zal ik in dit werkstuk proberen te beantwoorden.