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LE REGROUPEMENT DES GROUPES POPULAIRES EN ALPHABÉTISATION DU QUÉBEC Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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LE REGROUPEMENT DES GROUPES POPULAIRES EN ALPHABÉTISATION DU QUÉBEC

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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La revue Le Monde alphabétique est publiée parle Regroupement des groupes populaires enalphabétisation du Québec (RGPAQ) ; elle se veutle reflet de l'alphabétisation populaire et entenden faire la promotion. Elle s'adresse d'abord auxintervenantes et aux intervenants des groupespopulaires en alphabétisation afin d'alimenterleur réflexion et leurs pratiques. Les articlespubliés dans Le Monde alphabétique n'engagentque leurs auteurs et auteures.

Responsable de la revue : Nicole Lachapelle

Rédactrice en chef : Christiane Tremblay

Comité de lecture : Élise de Coster (coordonna-trice en alphabétisation, Carrefour d'éducationpopulaire de Pointe Saint-Charles), DelvynaLachance (coordonnatrice, Le pouvoir des mots),Nicole Lachapelle (coordonnatrice, RGPAQ),Clode Lamarre (formatrice, La Jarnigoine),Fabienne Prentout-Buché (animatrice, Lis-moitout Limoilou), Christiane Tremblay.

Ont collaboré à ce numéro : Bruno Bouchard,Anne Cartier, Serge Courchesnes, Élise de Coster,Nicole Délisle, Natalie Drolet, Rock Gadreau, LiseGervais, Ghislaine Guérard, François Huot,François Labbé, Nicole Lachapelle, VitalLalancette, Natalie Lavoiîe, José Leclair, JanineLegros, Brigitte Létourneau, Jean-Yves Lévesque,Chantai Nourry, Jean-Robert Placide, SergeQuenneville, Denis Quirion, Monique Roberge,Sylvie Roy, Serge Sévigny, Lise St-Germain, SylvieTardif, Annie Tremblay, Rodrigue Tremblay.

Ont collaboré au dossier : Raymonde Cochrane,Suzanne Daneau, Carole Doré, Jeanne Francke,Nicole Lachapelle, Gilles Landry, René Paradis,Christian Pelletier, Lise St-Germain, LucieSt-Germain, Solange Tougas et les groupes mem-bres du RGPAQ (présentations).

Designer graphique : Pierre Lachance

Réviseure : Isabelle Chagnon

Correctrice : Suzanne Éthier

Correctrices d'épreuves : Nathalie Dionne,Suzanne Éthier, Anne Pasquier, ChristianeTremblay.

La publication de la revue est financée par leSecrétariat national à l'alphabétisation dugouvernement du Canada. Le tirage est de 500exemplaires. Les textes sont soumis au Comitéde lecture, auquel revient la décision de leurpublication dans la revue.

Prix: 1 0 $

Correspondance : Veuillez adresser toute corres-pondance au Regroupement des groupes popu-laires en alphabétisation du Québec, 2120, rueSherbrooke Est, bureau 302, Montréal (Québec)H2K 1C3

N° de téléphone : (514) 523-7762N° de télécopieur : (514) 523-7741Courriel : [email protected]

Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québecet Bibliothèque du CanadaISSN: 1183-515X

Imprimé sur papier recyclé

UN NUMÉRO 13...

RELIEFS

• S'ouvrir au monde... informatique• L'écho d'un silence• La prévention : notre petite histoire• On découvre l'écrit, je t'aide pour la vie !

ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

• Peut-on « éduquer » l'intelligence ?• Ces laissés-pour-compte de la société

québécoise du XXe siècle• La stratégie des maringouins

ENJEUX

• Un C.A. souverain dans une association unie ?

EN BREF

• L'impact des nouvelles technologies del'information sur les pratiques d'un groupepopulaire d'alphabétisation

• Le recrutement en alphabétisation

PRÊTS-À-PORTER

• Qui a peur de la recherche ?

DOSSIER

On n'a pas tous les jours 20 ans !• Une longue histoire !• Création collective• Jusqu'où iront les participantes

et les participants de nos groupes ?• Action !• De l'importance de notre propre formation• Journal d'un classeur populaire• Album de famille• Qui êtes-vous les groupes membres ?• En conclusion

CÔTÉ JARDIN

• La volonté qui soulève des montagnes

D'AILLEURS

• Un passeport pour quitter la pauvreté

AU-DELÀ DE LA LETTRE

• Il était une fois un auteur• Écrire pour le plaisir

PROFIL DE GROUPE

• Le CEP de l'Estrie : le goût de continuer• Lis-moi tout Limoilou ou avoir le vent en poupe

À VOIR... À LIRE

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Un numéro

Nicole Lachapelle, coordonnatrice du RGPAQ

Tant qu'à travailler à un numéro 13, valaitmieux le faire en grand : en profiter pour mar-quer les 20 ans du Regroupement ! Pour cela, ila fallu fouiller dans les vieilles boîtes, ressortirles photos oubliées, faire des calculs savants pourêtre sûrs de parler des bons événements aux bonsmoments. Nous y avons mis beaucoup de notrecréativité, car il en faut pour rendre compte de20 ans de prises de position, de manifestations,de dénonciations, de rencontres avec une dizainede ministres de l'Éducation ; pour parler d'unetrentaine d'assemblées générales, de centaines dejournées de formation, de tonnes de documentsde réflexion et d'analyse ; pour rendre hommageà tous ceux et à toutes celles qui, pendant deuxdécennies, ont façonné le RGPAQ.

La revue, c'est aussi vos chroniques préférées.Vous constaterez que la créativité est tout aussiprésente sur le terrain. En effet, beaucoup derecherches ont été menées ces dernières années,en particulier en prévention de l'analphabétisme(compétences parentales, éveil à l'écrit) ainsiqu'en utilisation des nouvelles technologies del'information, et, signe des temps, les groupesd'alphabétisation s'intéressent de plus en plus àl'emploi. D'autre part, après un dernier articlefort apprécié sur la communauté de rechercheen alphabétisation, le Groupe en alphabétisationde Montmagny-Nord récidive en se question-nant cette fois sur l'« éducabilité » de l'intelli-gence. Il est aussi question du Code civil : de-puis qu'il a été modifié, on note tout à coup quecertaines règles régissent les organismes à but nonlucratif, et ce, souvent au détriment de leurs prin-cipes. Vous trouverez également des récits de viede participants et participantes mis en parallèleavec les grandes périodes de l'histoire du Qué-bec du XXe siècle. Voilà une éclatante démons-

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tration de ce que nous avançons depuis toujours,que les racines de l'analphabétisme sont plutôtsociales et politiques qu'individuelles ! Dans lachronique D'ailleurs, vous pourrez parcourir lesroutes du Togo, à la suite d'alphabétiseurs enga-gés. À la chronique Au delà de la lettre, la paroleest donnée à des participantes et participantshandicapés d'Alma ainsi qu'à un participant deLa Tuque, qui a connu une expérience très par-ticulière avec les mots. Dans la chronique Profilde groupe, un « jeune » organisme de Québec etun « vieux » de Sherbrooke se présentent. En-fin, comme à l'habitude, bon nombre de docu-ments susceptibles de vous intéresser sont briè-vement décrits dans la chronique A voir... à lire.

Mais n'oubliez surtout pas le dossier, qui re-trace, parfois avec humour, parfois avec nostal-gie, les faits marquants de ces 20 ans de luttes,sans lesquelles l'alphabétisation populairen'aurait pas réussi à s'imposer. C'est grâce à quel-ques pionniers et pionnières que l'analphabé-tisme a fini par être pris au sérieux et que lesadultes ayant de la difficulté à lire et à écrire ontpu espérer des solutions adaptées à leurs besoins.En somme, nous avons voulu parcourir le che-min qui a fait de nous ce que nous sommes : unmouvement dynamique, présent dans toutes lesrégions du Québec, lié aux pratiques du mou-vement communautaire, fort de ses 20 ans d'ex-périence, désireux de se renouveler et de pour-suivre son travail de représentation des groupespopulaires d'alphabétisation, de défense collec-tive des droits des personnes lésées par leur ni-veau d'alphabétisme et de développement despratiques d'alphabétisation populaire.

Nous espérons que la revue du RGPAQ oc-cupera une place de choix parmi vos lecturesd'été. Bonnes vacances et bon retour dans letemps !

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Le Carrefour d'éducation populaire, c'est 30 ansde quêtes, de rêves, de luttes et de victoires. Unelongue histoire de solidarité, d'engagement etde persévérance. Né des aspirations d'une poi-gnée de citoyens et de citoyennes, bien ancrédans la réalité, le Carrefour demeure un acteuressentiel en éducation et en alphabétisation po-pulaires. Ses membres prennent part aux débats,se prononcent sur les questions de l'heure et s'in-vestissent dans ses nombreux comités pour biense faire entendre. Les participants et les partici-pantes sont au cœur des pratiques.

Peur et passion : l'informatiquedans un contexte d'éducation populaireAu moment où l'on introduisait les premiers or-dinateurs au Carrefour, personne ne pouvait pré-voir l'ampleur des changements que cela provo-querait.

Chez nous, l'introduction des nouvelles tech-nologies s'est faite de façon progressive. Au dé-part, l'ordinateur ne devait être qu'un outil detravail pour les intervenants et intervenantes.Ensuite, nous avons eu envie de suivre la routetracée par d'autres groupes d'alphabétisationpopulaire et de faire de l'ordinateur un outilpédagogique auprès des personnes analphabè-tes. Enfin, portés par l'intérêt que suscitaient nosinterventions, nous avons travaillé à devenir unpoint d'accès Internet pour la population dePointe Saint-Charles.

L'enthousiasme marqué et soutenu de nos par-ticipants et participantes, et l'intérêt croissantde la population pour l'informatique ont ouvertun nouveau champ d'activités, qui aujourd'huioccupe une place prépondérante au Carrefour.Or, la route a été, il va sans dire, jalonnée dedébats passionnés ainsi que de réflexions sur lapertinence de nos interventions en regard denotre mission, sur les grands enjeux de l'infor-matique pour les populations marginalisées etsur le sens de la conscientisation dans un tel con-texte. Nous étions partagés entre la peur et lapassion.

Nous avons entrepris, en étroite collaborationavec Communautique1, une démarche de ré-flexion collective sur les enjeux économiques etsociaux de l'utilisation des nouvelles technolo-gies, sur leurs avantages et leurs pièges, sur lespeurs et les engouements qu'elles suscitent. Nousnous sommes interrogés sur la pertinence d'in-troduire au Carrefour de tels outils, sur la né-cessité de les adapter à notre contexte, c'est-à-dire à une population peu scolarisée, et sur laplace qu'ils devraient prendre dans une commu-nauté comme la nôtre, où des problèmes commela violence, la faim, le décrochage scolaire etl'analphabétisme demeurent encore, malheureu-sement, au centre des préoccupations d'une tropgrande partie de la population. Quelles seraientles limites de cette démarche et quels seraientles facteurs déterminant ces limites ?

Nous sommes finalement arrivés à la conclu-sion que l'accès aux nouvelles technologies del'information et de la communication était de-venu incontournable pour la population quenous rejoignons, et indispensable pour réduirel'écart entre les classes sociales et poursuivre no-tre lutte contre l'exclusion. En effet, nous croyonsque l'accès limité au monde informatique, et parconséquent à la société de l'information, devientun obstacle supplémentaire et majeur au pleinexercice de la citoyenneté. Les personnes faible-ment alphabétisées et peu scolarisées sont en-core une fois marginalisées et exclues.

Des interventions variéesà caractère novateurDepuis 1995, tous les ateliers d'alphabétisationdu Carrefour comprennent un volet d'appren-tissage technique de l'ordinateur (traitement detexte) lié à l'apprentissage notionnel du françaiset du calcul. Nous avons aussi des ateliers d'ini-tiation à l'ordinateur, où les gens peuvent se fa-miliariser avec cet outil et explorer les différentslogiciels. En 1997, nous avons entrepris une re-cherche qui a abouti à la publication de deuxtomes d'un bottin de logiciels éducatifs

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intitulé L'ABC des logiciels, un répertoire pourmieux s'y retrouver ! L'objectif du projet était desélectionner, parmi quelques centaines de logi-ciels, ceux qui étaient potentiellement utilisa-bles en alphabétisation et d'en évaluer la perti-nence à partir de critères fidèles à la philosophiede l'alphabétisation populaire. Malgré l'enthou-siasme qu'elles éprouvaient à l'idée de travailleravec des logiciels, les formatrices prévoyaient queles participants et les participantes rencontre-raient des obstacles liés à la fois à leur niveaud'alphabétisme et à la façon dont certains logi-ciels sont conçus.

Au fur et à mesure que la recherche avançait,les questions devenaient de plus en plus préciseset intéressantes. Nous nous demandions, entreautres, comment nous arriverions à travailler col-lectivement, en favorisant l'échange et la solida-rité, avec un outil qui, au départ, favorise uneapproche individuelle, et comment nous pour-rions poursuivre notre démarche de conscien-tisation. Nous comprenions de façon concrètenon seulement comment ces nouveaux outilsvenaient bouleverser nos pratiques, mais plusprofondément comment ils modifiaient nos pra-tiques d'alphabétisation populaire.

Sur le plan pédagogique, nous rencontrionsaussi des obstacles importants : conçus avant toutpour les enfants et les jeunes, les logiciels sontsouvent infantilisants. De plus, les exercices, sou-vent bâtis en fonction d'un programme scolaireprogressif, sont présentés de façon peu compa-tible avec une approche d'alphabétisation po-pulaire. Bref, il est pratiquement impossibled'utiliser un logiciel de façon intégrale du débutjusqu'à la fin. Il fallait donc faire preuve de créa-tivité et inventer un contexte pédagogique favo-rable à l'autonomie, si nous voulions profiterpleinement des avantages que les logiciels pré-sentent sur le plan des apprentissages.

Autre inconvénient avec lequel nous devionscomposer : les logiciels sont coûteux et leur utilisa-tion nécessite un équipement dispendieux. Enfin,l'utilisation de nouveaux outils d'apprentissage for-çait les formatrices à se pencher sur leurs pratiques,à se questionner et à préciser leurs choix.

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Ouvrir le chemin en matière de pratiques né-cessitait aussi un investissement de temps pourla préparation et l'évaluation des ateliers et lacréation de matériel. Le jeu en valait-il la chan-delle ? Ces réalités sont parfois décourageantes.

Tout en poursuivant notre questionnement,nous nous sommes peu à peu rendu compte quenos interrogations portaient non plus seulementsur la pertinence du contenu des logiciels, maiségalement sur l'utilisation de ces derniers par desparticipants et des participantes en alphabétisa-tion populaire, et qu'elles demeureraient sansréponses tant et aussi longtemps que nous nepourrions pas observer les personnes à l'œuvre.Nous avions besoin de mieux connaître la situa-tion d'apprentissage, du point de vue des parti-cipants et des participantes, avant d'entrepren-dre une démarche en atelier. C'est ainsi que, defil en aiguille, nous avons présenté une demandede financement au Bureau des technologies d'ap-prentissage2.

Un projet reçu avec enthousiasmeLa recherche que nous avions amorcée visait àrendre les logiciels éducatifs accessibles aux adul-tes participant à une démarche d'alphabétisationpopulaire. Elle allait se dérouler en deux phasesdistinctes : la première année, il s'agirait d'étu-dier les obstacles que rencontrent individuelle-ment les participants et les participantes dansl'utilisation des logiciels et la deuxième année,de cerner, par l'expérimentation de scénarios pé-dagogiques, comment l'utilisation des logicielsen atelier peut s'inscrire dans une pratiqued'alphabétisation populaire.

La recherche participative nous est apparuecomme le type de recherche le plus adapté en re-gard de nos objectifs et de l'approche pédagogiqueprivilégiée par le Carrefour3. En effet, la réussitede ce type de recherche repose essentiellement surla participation de la population cible.

Inutile de mentionner que nous avons choisiles logiciels à utiliser à partir de notre répertoire.Nous avons fixé des critères assez précis, direc-tement reliés aux objectifs de notre recherche.Nous voulions travailler avec des logiciels inté-

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ressants du point de vue de l'alphabétisationpopulaire, attrayants sur le plan de la forme etdu contenu, motivants, simples, facilement ac-cessibles et, si possible, peu coûteux. Certainsde ces logiciels contenaient aussi des élémentsqui, selon nous, constituent d'éventuelles sour-ces d'irritants ou d'obstacles.

Le projet de recherche a été présenté dans tousles ateliers d'alphabétisation, et les participantset participantes se sont inscrits sur une base vo-lontaire. La présentation a été soigneusementplanifiée afin de bien faire comprendre la na-ture de la recherche et de stimuler l'intérêt desparticipants et des participantes. Nous voulionsqu'ils comprennent leur rôle et nos attentesquant à leur engagement. Pour présenter les lo-giciels, nous avons utilisé un projecteur électro-nique et organisé des activités d'exploration quimettaient à profit les capacités des participantset des participantes et leur permettaient de com-prendre concrètement, par l'expérience, la na-ture des tâches qu'ils auraient à réaliser au coursde la recherche, leur rôle et leurs responsabilités.

L'activité a suscité beaucoup d'enthousiasme.Les participants et les participantes ont rapide-ment saisi les avantages qu'ils pouvaient tirer decette expérience sur le plan de l'apprentissage.Notre recherche était lancée, et surtout, nousavions réussi collectivement à en donner le tonet la couleur.

Des résultats étonnantsOnze participants et participantes, représentantles trois niveaux d'alphabétisation, ont collaboréà la première étape de la recherche. Ils ont expé-rimenté individuellement plusieurs logiciels sousla supervision d'une recherchiste. Ils ont pu ex-plorer les logiciels dans un contexte totalementlibre. En réduisant ses interventions au mini-mum, la recherchiste a pu, de son côté, obser-ver, avec des outils conçus à cet effet, les réac-tions des participants et des participantes, et ainsicerner les difficultés rencontrées par ces derniersdans l'utilisation de leur nouvel outil d'appren-tissage. La recherchiste avait pour consigne den'intervenir que dans le but d'éviter que les par-

ticipants et les participantes se retrouvent soitdans des situations sans issue, soit en situationd'échec. Elle ne devait intervenir que pour pro-poser des solutions permettant aux individus depoursuivre leur tâche.

Ces derniers se sont d'abord familiarisés avecla nouvelle situation. Petit à petit, ils se sont ap-prochés de leur outil d'apprentissage, ils l'ontexploré, se sont maintes fois perdus et retrou-vés. Nous avons voulu, autant que possible, créerun espace permettant aux expérimentateurs etexpérimentatrices de manifester librement etspontanément leurs réactions face à cette nou-velle situation d'apprentissage, et ce, toujoursdans l'optique d'observer les difficultés rencon-trées. Les expérimentateurs ont pris de plus enplus de place, ont acquis beaucoup d'assuranceet se sont exprimés très librement. Leur intérêts'est manifesté par leur assiduité, leur façon des'investir dans leur travail et, de façon plus ex-plicite, par leurs commentaires.

L'expérimentation se déroulait devant nous ;elle nous devançait, nous déstabilisait. Au moyende nos outils de mesure, nous comptions déter-miner la nature des difficultés rencontrées parles participants et les participantes et en avoirune meilleure compréhension, dans le but deproduire ultérieurement des scénarios

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Il fallait faire preuvede créativité et inventer un

contexte pédagogique favorableà l'autonomie, si nous voulions

profiter pleinement desavantages que les logiciels

présentent sur le plandes apprentissages.

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capables de surmonter ces obstacles. Or, nousconstations que les participants et les participan-tes nous révélaient plutôt les facteurs de réus-site, les éléments de facilitation. Ils prenaient lesdevants pour tracer un autre chemin. Étonnés,nous nous sommes tout de même laissés guider.

De nouvelles façons de connaîtreAu moment où nous écrivons cet article, nousavons entrepris l'expérimentation en atelier d'unlogiciel, ce qui correspond à la seconde phase denotre recherche. Nous en sommes toujours àanalyser et à comprendre les résultats de la pre-mière étape. Bien que le travail d'analyse soitloin d'être terminé, nous voulons quand mêmepartager avec vous nos premières impressions etles commentaires les plus significatifs des par-ticipants et des participantes, dans l'espoir devous intéresser à notre travail.

Dès le début de la recherche, nous avons choiside ne pas mesurer les apprentissages. En effet,puisque, à l'instar des participants et des parti-cipantes, nous ignorions comment tirer profitdes logiciels, nous pensions que les résultatsau chapitre de l'apprentissage ne seraient pasconcluants. Par contre, parce que ces outilsfavorisent l'émergence de facteurs indissociablesà la situation d'apprentissage, nous pouvionspresque affirmer que, dans certaines conditions,les logiciels éducatifs permettent de nouveauxapprentissages ou donnent lieu à de nouvellesfaçons d'acquérir des connaissances.

Sur le plan de l'environnement informatique,l'expérimentation a permis aux participants etaux participantes de mieux connaître les com-posantes de l'ordinateur. Ils se sont familiarisésavec la terminologie, ont acquis beaucoupd'aisance dans les manipulations simples et ontappris à exécuter des opérations plus complexesliées à l'utilisation des logiciels.

Apprend-on mieuxou plus quand on

a te sentimentd'apprendre ?

Ils et elles ont apprécié la richesse du contenuet ont trouvé la facture des logiciels attrayante.La clarté des images a capté leur intérêt. Ils ontsouligné la souplesse de l'expérimentation etgrandement apprécié la liberté offerte par celle-ci. Ils ont aimé avoir la possibilité de choisir eux-mêmes les exercices à réaliser et de se trompersans être jugés puisqu'ils étaient seuls face à l'or-dinateur.

Ils ont été actifs et étonnamment autonomes.Le fonctionnement par essai et erreur semble lesavoir rapprochés de leur façon d'apprendre etles avoir incités à noter leurs progrès et à en par-ler. Nous sommes toutefois très perplexes face àl'efficacité de cette façon de faire. Nous devronssans doute nous pencher plus longuement surla question. La nouveauté a incité les partici-pants et les participantes à s'observer et à se ques-tionner, ce qui présente une occasion privilégiéede s'arrêter sur des stratégies d'apprentissagecomme l'observation, la comparaison ou le ré-flexe consistant à faire des liens.

Dans un contexte idéal, l'exploration indivi-duelle accompagnée d'un soutien, bien que trèslimité, ainsi que l'utilisation de logiciels éduca-tifs semblent extrêmement bénéfiques en ce quia trait à l'apprentissage. Ces outils suscitent dessentiments positifs et permettent l'émergenced'éléments difficilement quantifiables, à la limiteinsaisissables, qui nous échappent si on tente detrop s'en approcher, mais qui sont toutefois es-sentiels à une saine situation d'apprentissage,comme l'ouverture au monde, la fierté ou l'émer-veillement. Qu'est-ce qui favorise l'apprentis-sage ? Par exemple, si on parle de terrain favora-ble, quel serait le rôle du sentiment d'appren-dre ? Apprend-on mieux ou plus quand on a lesentiment d'apprendre ?

Apprendre ou ne pas apprendreCe qui saute aux yeux, c'est l'intérêt manifestede nos participants et de nos participantes pourl'informatique et particulièrement pour les outilsà caractère plus ludique. On sait que les diffi-cultés de lecture et d'écriture créent chez nosparticipants et nos participantes des sentimentsdéficitaires qui souvent font obstacle à l'appren-tissage. Le fait de ne pas maîtriser des compé-

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tences si largement répandues dans notre sociétéentretient chez eux un sentiment d'impuissanceà franchir les limites de leur marginalité. Or, onle sait, ces limites sont bien plus souvent impo-sées par le regard des autres et par ses propresperceptions négatives que par une réelle absencede potentiel. Le fait d'accéder au monde infor-matique en même temps ou presque que la plu-part des citoyens et des citoyennes semble créerchez les participants et participantes un senti-ment de confiance et de fierté générateur d'atti-tudes positives qui, en modifiant leur image d'ap-prenant ou d'apprenante, pourrait les rendre plusdisposés à apprendre.

Lorsqu'il est question de situation d'appren-tissage, le plaisir est une donnée fondamentale.On sait que le plaisir est à la fois l'indicateurd'une saine situation d'apprentissage et un desmoteurs les plus efficaces dans l'intégration et letransfert de nouveaux acquis. L'ouverture aumonde offre un terrain d'intervention pédago-gique idéal. La fascination, l'émerveillement etla curiosité stimulent le goût d'apprendre et lapersévérance. Le sentiment d'avoir réussi, aprèsavoir fourni un effort soutenu, et d'avoir apprisquelque chose génère le goût de partager etd'aider les autres. L'apprentissage est un phéno-mène complexe, à l'intérieur duquel intervien-nent différents facteurs d'ordre cognitif, affec-tif, psychologique et social. La perception quenous avons de notre propre façon d'apprendre,la connaissance de nos stratégies d'apprentissage,les souvenirs et les sentiments liés aux premiersapprentissages sont tout aussi déterminants dansnotre façon d'apprendre ou de ne pas apprendreque les facteurs cognitifs ou strictement péda-gogiques. Tenter de comprendre ou de mesurerl'acquisition de connaissances, ou encore l'effi-cacité d'un outil pédagogique sans tenir comptede ces facteurs, serait sûrement une erreur.

C'est ainsi que les participants et les partici-pantes nous ont amenés, par leurs attitudes etleurs commentaires, à nous éloigner des obsta-cles pour nous tourner vers le terrain des fac-teurs favorables à l'apprentissage.

Dans la seconde partie de notre recherche,nous tenterons de mettre en place ces facteursde réussite à l'intérieur de scénarios pédagogi-

RELIEFS

L'ouverture au mondeoffre un terrain d'intervention

pédagogique idéal. La fascination,l'émerveillement et la curiositéstimulent le goût d'apprendre

et la persévérance.

ques que nous expérimenterons avec notregroupe de niveau intermédiaire pendant envi-ron 12 semaines afin de voir comment on peuttirer profit des logiciels à l'intérieur d'une dé-marche d'alphabétisation populaire. Nous en ex-plorerons la forme et le contenu pédagogiquestout en tenant compte d'éléments comme l'ap-proche collective, la place des participants et desparticipantes, le mode participatif, la créativité,la découverte, l'entraide et la coopération pourfinalement questionner le rôle de la formatrice,du formateur.

Bien que cette recherche suscite autant dequestions que de réponses et nous oriente déjàvers d'autres recherches, nous comptons vousprésenter des résultats sous peu, lesquels vousseront livrés de façon plus fouillée et plus struc-turée. En attendant, nous espérons avoir aumoins piqué votre curiosité.

1. Cet organisme à but non lucratif vise l'appropriation, socialementet démocratiquement, des technologies de l'information et de la com-munication et œuvre pour les organismes communautaires et les po-pulations risquant de demeurer en marge du monde des technologies(http://www.communautique.qc.ca).2. Vous pouvez obtenir de l'information sur le contenu des recherchesmenées et sur les conditions de financement en consultant son site(http://olt-bta.hrdc-drhc.gc.ca/francais/about/index.html).3. Une recherche participative repose principalement sur la collabora-tion active des personnes ciblées par la recherche, et ce, à toutes lesétapes du processus, de la définition du problème aux résultats. Ontient compte de leur perception de la situation étudiée et des solu-tions proposées. L'interaction entre ces personnes et l'équipe derecherche est un élément central (voir le Guide méthodologique derecherche pour le milieu de l'alphabétisation, Direction de la formationgénérale des adultes, ministère de l'Éducation du Québec, 2000,76 pages).

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L'échoD'UN SILENCE

Janine Legros, intervenante à Groupe Alpha LavalNatalie Drolet, intervenante àEntraide Pont-Viau — Laval-des-Rapides

On s'entendhabituellement pour

dire que les parents peuscolarisés parviennent

mal à aider leur enfant dansson apprentissage scolaire.Qu'en est-il véritablement ? Le présent article livre le fruit d'une réflexion

échelonnée sur trois années et basée sur letémoignage de 18 parents peu scolarisés en re-gard de la réussite scolaire de leur enfant. Àl'origine de cette démarche, on trouve unesimple question, qui préoccupait depuis long-temps le Groupe Alpha Laval : « Comment peut-on aider les parents peu scolarisés à soutenirleur enfant dès leur entrée au primaire ? »

Nous avons d'abord expérimenté une appro-che préventive auprès des parents et des enfants*et consulté différents ouvrages pour transformernos pratiques et ainsi optimiser les chances deréussite au primaire des enfants issus de notremilieu d'intervention. Toutefois, les interven-tions menées — en particulier celles auprès desparents — n'ayant pas donné les résultatsescomptés, l'idée d'entreprendre une recherche-action s'est faite jour.

Cette recherche, ayant pour titre L'écho d'unsilence, propose le témoignage d'individus issusd'un même milieu et présentant sensiblementles mêmes caractéristiques sociales. Elle tend àdémystifier les croyances selon lesquelles la ma-jorité des parents peu scolarisés en milieu défa-vorisé démissionnent de leur rôle de parentd'élève et présentent plus souvent qu'autrementdes lacunes à combler en tant que premier édu-cateur de leur enfant. On clame régulièrementque ces parents brillent par leur absence lors desréunions traitant du suivi scolaire et on en

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RELIEFS

déduit automatiquement qu'ils se retirent etremettent l'entière responsabilité du processusd'éducation entre les mains des acteurs et actri-ces scolaires. La tenue d'un tel discours estcertes compréhensible, mais bien souvent elledissimule une tout autre réalité. C'est pourquoinous avons tenté de savoir ce que les parents peuscolarisés font pour favoriser la réussite scolairede leur enfant et de mettre au jour les compor-tements qui semblent parfois méconnus desintervenants et intervenantes œuvrant dans cechamp de pratique.

Quelques mots sur la recherche

L'approche préventive n'est pas l'apanage d'unseul organisme ni d'un seul champ d'interven-tion. Bien au contraire, elle fait appel à la mobi-lisation au sens le plus large des actrices etacteurs sociaux ainsi que des intervenantes etintervenants. Dès lors, il nous paraissait indis-pensable que cette recherche soit portée pardiverses personnes œuvrant auprès des parentset des enfants et qui sont touchées de près oude loin par la réussite scolaire au primaire. Parconséquent, trois acteurs du milieu se sontinvestis dans la démarche : le Groupe AlphaLaval (organisme d'alphabétisation), EntraidePont-Viau — Laval-des-Rapides (Maison de laFamille) et l'école primaire Saint-Gilles. Ce par-tenariat nous a permis d'interpeller une multi-tude d'intervenants et d'intervenantes issus dedivers champs de pratique.

L'objectif de la recherche était de « décrire etanalyser certains comportements, perceptionset attentes de parents peu scolarisés, vivant enmilieu populaire, en regard de l'accompagne-ment scolaire de leur enfant à l'école primaire ».Elle s'est centrée sur la famille et la collabora-tion entre l'école et la famille. À partir de cesdeux univers, quatre dimensions ont été étudiées :les pratiques familiales de l'écrit, le suivi scolaire, lelien avec l'école et les rôles et responsabilités desparents. L'accent a été mis sur le parent afin detrouver réponse à certaines questions :

• Comment être de véritables partenaires pourles parents ?

• Comment les parents, la famille exercent-ilsun suivi scolaire à la maison ?

• Quelles relations sont entretenues actuelle-ment entre les familles et l'école ?

• Quelles sont les perceptions, les attentesmutuelles ?

• Comment améliorer les relations famille-école-milieu communautaire ?Nous souhaitions interroger autant d'hom-

mes que de femmes, sélectionnés à partir descritères suivants : avoir fait sa scolarité auQuébec, être de langue maternelle française,ne pas avoir de diplôme d'études secondaires,résider dans l'un des trois quartiers ciblés de Laval(Pont-Viau, Laval-des-Rapides et Chomedey),avoir un enfant qui fréquente le primaire etfinalement, habiter avec son enfant.

Le recrutement, étape cruciale du processusde recherche, s'est échelonné sur trois mois, dedécembre 1999 à février 2000. Les démarches(nous avons mis à contribution d'autres orga-nismes du milieu) ont permis de rejoindre18 parents, 15 mères et 3 pères âgés entre 22et 42 ans, et leur enfant (en tout, 9 filles et9 garçons ayant entre 7 et 10 ans).

Au moyen d'entrevues individuelles semi-dirigées, nous avons pu obtenir une descriptiondétaillée de l'expérience vécue par chaque pa-rent. La durée moyenne des entretiens était de67 minutes. Les deux instruments de rechercheutilisés ont été le questionnaire et le schéma d'en-trevue. Nous avons opté pour un questionnairede type fermé, rempli au début de chaqueentretien, afin d'obtenir des données socio-démographiques et ainsi acquérir une connais-sance minimale du contexte de vie des parents.Le schéma d'entrevue, instrument des plus mal-léables, a, lui, servi de guide aux intervieweures.Il contenait des questions de type ouvert etspécifiait les quatre thèmes devant obliga-toirement être abordés. Voici ce qui en estressorti.

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Les pratiques familiales de l'écrit

Presque tous les parents interrogés s'adonnentpeu fréquemment à la lecture. Les écrits consul-tés sont liés à leur environnement immédiat,mais l'utilisation qu'ils en font demeure précaire.C'est une lecture fonctionnelle qui est exercée,nécessitée par les diverses obligations sociales quetout parent et tout citoyen ou citoyenne sedoivent de remplir. Les notions de plaisir etd'affectivité associées à la lecture sont quasi ab-sentes de leurs discours, puisque bien souventils maîtrisent peu le code de l'écrit. Toutefois,plusieurs d'entre eux se dotent de stratégies leurpermettant de traiter avec l'extérieur lorsqu'ilsfont face à une lecture imposée. Ils mettent àprofit les ressources extérieures telles que les or-ganismes communautaires ou leur propre réseausocial lorsqu'ils ont besoin d'un soutien à leurdémarche de lecture. Par ailleurs, les sourcesd'approvisionnement sont plutôt limitées etconfinent le lecteur ou la lectrice à un rôle passifdans le choix de ses lectures, car bien souvent

Certainsparents exposent

leurs difficultés à l'enfantet sollicitent son aide, cequi crée une dynamique

familiale d'entraideet valorise les

savoirs del'enfant

les ouvrages sont périmés, dénués d'intérêt ouencore inaccessibles. On fait référence ici auxdons et aux échanges de livres. De plus, latotalité des parents ne fréquentent pas la biblio-thèque municipale, mais la librairie de livresusagés. La bibliothèque scolaire ainsi queQuébec Loisirs sont des sources d'approvision-nement pour quelques-uns d'entre eux.

Les interactions parents-enfants lors de lalecture sont plutôt faibles ou synonymes de mo-ments pénibles ou inconfortables pour le parent.La majorité des parents interrogés indiquentavoir une perception négative d'eux-mêmes entant que lecteur ou lectrice et mentionnent desdifficultés parfois très grandes à comprendre cequ'ils lisent. On peut alors comprendre pour-quoi lire à haute voix à leur enfant devient unesource d'anxiété et de dévalorisation. C'est unélément important à considérer, d'autant plusque dans les documents traitant de prévention,la lecture répétée de contes est vue comme unfacteur de réussite scolaire au primaire. Toute-fois, certains parents exposent leurs difficultés àl'enfant et sollicitent son aide, ce qui crée unedynamique familiale d'entraide et valorise lessavoirs de l'enfant.

Quant aux pratiques d'écriture, elles sont plusrares que les pratiques de lecture, mais pas inexis-tantes. Certaines pratiques d'écriture témoignentd'une organisation de la pensée, du temps et del'espace ; plusieurs parents dressent une listed'épicerie, notent des rendez-vous, font lescomptes ou préparent le budget. Ils organisentleurs pratiques afin de répondre aux obligationssociales ou économiques. Quant aux écrits pluspersonnels, ils sont pratiquement tous confinésà la sphère privée ; rares sont les écrits qui circu-lent à l'extérieur de l'environnement familial.

Les interactions parents-enfants lors de l'écri-ture semblent rares sinon ardues pour de nom-breux parents, qui se sentent atteints dans leurcrédibilité, surtout lorsqu'ils sont repris et cor-rigés par leur propre enfant. Certains parents fa-vorisent l'emploi des documents de référencechez leur enfant, tel le dictionnaire, mais sanspouvoir l'accompagner dans sa démarche. Onremarque aussi que la fréquence des interactionsparents-enfants lors de la lecture ou de l'écriture

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diminue proportionnellement à l'âge des enfants.Les parents interrogés disent se retirer dèsque les enfants ont sept ou huit ans, dès qu'ilsarrivent à lire. Ce retrait s'explique par la prisede conscience du faible modèle de lecteur ou descripteur qu'ils représentent pour l'enfant. Ils sesentent vite dépassés et du même coup atteintsdans leur intégrité et leur rôle. Ces constats vontde pair avec la perception négative qu'ils ontd'eux-mêmes en tant que scripteur et avecleurs difficultés à lire. Certains adopteront desstratégies de contournement telles que le télé-phone et la rencontre face à face afin d'éviterles situations anxiogènes, tandis que d'autres fe-ront appel à leur réseau social, aux organismescommunautaires et à l'école afin de pallier leursdifficultés. On comprend alors l'importancede ce soutien dans l'augmentation des chancesde réussite scolaire des enfants.

Le suivi scolaire

Les parents notent chez leur enfant des problè-mes importants : difficultés d'apprentissage,désintérêt ou comportement agité. De plus, puis-qu'ils avouent pour la plupart leur incapacité àcomprendre les consignes concernant les devoirset les leçons, le suivi scolaire devient pour euxune tâche laborieuse. Plusieurs parents favori-sent donc l'autonomie chez leur enfant, ce quise traduit par une intervention à distance. Leretrait du parent s'explique à la fois par la crainted'induire l'enfant en erreur, d'être de nouveaumis en face de ses difficultés ou de revivre sapropre expérience scolaire, qui fut pénible.D'autres s'investiront plus, interviendront de fa-çon plus soutenue. Néanmoins, la tâchedemeure ardue, et ce, pour les mêmes motifsévoqués plus haut. La plupart offrent toutefoisà leur enfant un environnement favorable àla concentration et une routine fixe durantla période des devoirs et leçons. C'est dans cedomaine que les parents peu scolarisés sesentent plus en mesure d'intervenir auprès deleur enfant, et dans bien des cas, ils offrentdéjà plus que ce qu'ils ont reçu de leurs propresparents.

Plusieurs parentsfavorisent l'autonomiechez leur enfant, ce qui setraduit par une intervention àdistance. Le retrait du parents'explique à la fois par sa crainted'induire l'enfant en erreur,d'être de nouveau mis enface de ses difficultésou de revivre sa propreexpérience scolaire,qui fut pénible.

Les échanges parents-enfants en ce qui a traità l'école sont limités, voire absents dans plusieursfamilles. Pour la plupart des parents concernés,il paraît difficile d'obtenir de leur enfant desrenseignements sur le fonctionnement en classe,l'acquisition des connaissances ou encore lesdifficultés vécues. L'univers scolaire et l'universfamilial sont alors perçus comme des domainesdistincts ; l'absence d'échanges concernantl'école devient une règle non dite et intrinsèqueà la famille. On comprend alors que biensouvent l'enfant vit seul son expérience scolaire,ce qui est bien lourd à porter.

Cependant, les parents ne démissionnent paspour autant ; pour surmonter les nombreusesdifficultés rencontrées lors du suivi scolaire, ilsfont appel aux ressources issues de la commu-nauté, telles que l'aide aux devoirs, offertes parles organismes communautaires du milieu. Lesparents reçoivent également des services de sou-tien provenant d'intervenantes et d'intervenantssociaux ou en alphabétisation ainsi que de leurréseau social, et ils affirment avoir apprécié cesservices. Leurs propos révèlent qu'ils aspirent àla réussite de leur enfant tout comme les parentsdes autres milieux. Cet espoir est alimenté et main-tenu par les différents services d'aide auxquelsils ont recours, puisqu'ils sont conscients de leurslimites à soutenir leur enfant.

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12 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le lien avec l'école

Les relations avec l'école sont souvent limitéesaux rencontres formelles ou encore tissées deméfiance et d'agressivité. On constate beaucoupd'ignorance de part et d'autre. La majorité desparents semblent méconnaître les difficultés réel-les de leur enfant. La plupart ont indiqué queleur enfant réussissait, alors qu'il avait redoubléune année ou fréquentait une classe spéciale. Deplus, le redoublement est perçu favorablementpar plusieurs parents, car leur enfant obtient demeilleurs résultats aux évaluations. Ce constatest étonnant lorsqu'on sait par diverses étudesque le redoublement au premier cycle du pri-maire est un indice avant-coureur du décrochagescolaire. Enfin, les services offerts par les spécia-listes œuvrant auprès des enfants sont pour laplupart méconnus des parents.

On peut grandement s'interroger sur les rela-tions école-famille : méconnaissance des diffi-cultés réelles d'apprentissage, méconnaissance durôle respectif des spécialistes, méconnaissance duprogramme et des objectifs éducatifs ainsi queméconnaissance des familles de la part du per-sonnel scolaire. Cette situation n'est-elle pas due,en partie, à la non-vulgarisation des écrits, à l'ab-sence de dialogue ouvert entre les acteurs et ac-trices scolaires et les parents ? En outre, la dis-tance entre le personnel enseignant et les parentspeu scolarisés est réelle et elle influence la dyna-mique des relations. Chacun est porteur de va-leurs, et celles-ci entrent parfois en conflit. Denombreux témoignages des parents montrent laprésence de ressentiment et d'un sentiment d'in-justice, et la peur d'être l'objet de préjugés. Lesmécanismes de défense fréquemment employéspar les parents peu scolarisés sont fort révéla-teurs. Par exemple, l'agressivité de leur discoursdissimule un besoin de se protéger, car ils tien-nent à préserver leur dignité et leur crédibilité,tant face à l'enfant que face à l'univers scolaire.Les parents affirment que lorsqu'ils sont écou-tés, accueillis chaleureusement et reconnus dansleur rôle, les relations sont appréciées et cons-tructives.

Par ailleurs, l'amour que l'enfant porte à sonenseignant ou son enseignante influence son at-

De nombreuxtémoignages desparents montrent taprésence de ressentimentet d'un sentiment d'injustice,et la peur d'être l'objetde préjugés.

titude envers l'école et du même coup sa réus-site. On en déduit que lorsque tous les acteurset actrices s'investissent (parent, professeur, élève)et qu'il y a place à la négociation et à l'écoutemutuelle, les chances de réussite scolaire de l'en-fant sont d'autant plus grandes.

[Rôles et responsabilités des parents ]

La plupart des parents rencontrés affichent sen-siblement le même parcours scolaire que leurenfant, soit le retard, le redoublement et le pas-sage en classe spéciale, puis l'apprentissage d'unmétier non spécialisé ou le décrochage scolaire.La majorité des parents n'ont pas bénéficié dusoutien de leurs propres parents. Leurs témoi-gnages laissent imaginer bien souvent un passééprouvant émotionnellement, et des situationsde pauvreté ou de violence. Pourtant, cela n'em-pêche pas la majorité des parents d'affirmer quel'éducation est une valeur importante, à laquelleils associent ascension sociale, statut socio-éco-nomique plus élevé et reconnaissance socialegrâce à l'obtention d'un diplôme d'études se-condaires. Cependant, rares sont ceux et cellesqui prévoient que leur enfant poursuivra des étu-des supérieures. Ce constat est compréhensiblepuisqu'eux-mêmes n'ont pas obtenu de diplôme.

Dans l'ensemble, les parents ont de la diffi-culté à exprimer comment ils perçoivent l'ave-nir de leur enfant. Leurs propos reflètent plu-sieurs appréhensions et la crainte du décrochagescolaire. Ces inquiétudes se justifient puisque leparcours scolaire de leur enfant semble aussipérilleux que leur propre cheminement. On as-siste à une reproduction d'un cycle intergé-nérationnel qu'il devient urgent de briser. Les

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RELIEFS

parents peu scolarisés — ayant difficilement sa-tisfait la plupart de leurs besoins — souhaitentardemment que leur enfant se distingue d'euxet parvienne à accomplir davantage. Leurs té-moignages sont empreints de culpabilité et detristesse, mais néanmoins d'espoir puisqu'ils fontce qu'ils peuvent avec leurs ressources. Ce sontdes parents très préoccupés par leur rôle et quisont d'autant plus conscients de leurs lacunesainsi que de la fragilité du modèle qu'ils projet-tent. Au lieu de démissionner, les parents adop-tent des stratégies et font appel aux ressourcesenvironnantes afin d'améliorer autant que pos-sible les chances de réussite scolaire de leur en-fant.

Nos nouveaux savoirs

Les résultats de cette recherche-action nous per-mettront d'établir des principes directeurs quiguideront nos futures interventions auprès desparents et des enfants. Parmi les éléments à rete-nir, mentionnons la nécessité de travailler à par-tir des acquis, des valeurs et des compétencesdes parents. Dans cette même veine, les actionsenvers les enfants doivent également reposer surleurs forces afin de rehausser leur estime d'eux-mêmes et leur confiance en leur potentiel. C'estune modalité d'intervention fondamentale, carcomme nous l'avons observé, les milieux popu-laires sont plus susceptibles d'être l'objet de ju-gements de valeur et de dénigrement dans leurculture même ; et dans de telles circonstances,les parents sont maintenus en position d'infé-riorité et de vulnérabilité. Ne pas en tenircompte, c'est perpétuer cette inégalité sociale quitranscende les générations. En général, les servi-ces offerts aux parents par les acteurs et actricesdu milieu se fondent sur des compétences et dessavoirs préétablis qui ne reflètent pas l'expérienceet les obstacles rencontrés par les personnes vi-sées. À partir de nos actions antérieures et denos observations, nous constatons que l'effica-cité de ces interventions dites « instrumen-tantes » demeure limitée et, par conséquent, quele transfert dans le quotidien des nouvelles con-naissances acquises par les personnes rejointesn'engendre pas l'apparition de changements si-

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 13

gnificatifs et durables. À cet égard, il nous appa-raît donc essentiel d'élaborer une approche oùle parent deviendra partenaire et acteur dans lamise en place des ressources appropriées répon-dant à ses besoins réels. Cette prise de consciencedécoule en partie de la démarche de rechercheentreprise en partenariat, qui a donné lieu à unemeilleure connaissance de notre milieu d'inter-vention. La concertation favorise l'échange d'ex-pertise entre les partenaires concernés et alimentela réflexion sur les éventuelles actions à mener.

La suite de ce projet en partenariat repose surdeux volets. Dans un premier temps, quatre ren-contres animées par une personne-ressource per-mettront de dégager les principes directeurs quiorienteront le travail à faire auprès des enfantset des parents, et de définir des besoins de for-mation et de travail en partenariat. Également,à partir de ces rencontres collectives, deux outrois actions locales seront menées en concerta-tion par les trois partenaires du projet afin devalider les principes directeurs établis. Dans undeuxième temps, ces réunions synthèses aide-ront à l'élaboration d'une brochure en vue dediffuser, à l'échelle locale et régionale, les résul-tats de notre travail. Cette diffusion se fera auprèsde personnes œuvrant en alphabétisation, enéducation et en intervention familiale, tant enmilieu institutionnel que communautaire.

Nous souhaitons vivement que la présenta-tion de nos résultats et de notre expérience sti-mule la réflexion au sein des divers groupes afinqu'ils puissent s'en inspirer et cheminer à leurtour dans leur propre intervention.

* Voir l'article « Comment les parents peu scolarisés peuvent-ils aiderl'enfant dans ses apprentissages ? » dans la revue Le Monde alphabéti-que, n° 12, automne 2000, p. 27 à 30.

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epuis bientôt 17 ans, legroupe d'alphabétisation popu-laire Alpha-Nicolet œuvreauprès des adultes du GrandNicolet. Une dizaine d'autresmunicipalités, situées en milieurural, ont également accès auxservices de notre organisme.

Au fil des ans, malgré l'ab-sence de transport en communet autres obstacles au recrute-ment des adultes analphabètesdu milieu, le nombre de parti-cipants et de participantes à nosateliers n'a cessé d'augmenter :d'une dizaine au début, il estpassé à plus d'une soixantaineà ce jour. Si les premières an-nées d'Alpha-Nicolet ont étéconsacrées davantage au voletalphabétisation (français et ma-thématiques de base), un tour-nant s'est effectué 10 ans plustard, et notre interventionauprès des adultes s'est élargie.

En 1990, lors de l'Année in-ternationale de l'alphabétisa-tion, l'élimination de l'analpha-

bétisme pour l'an 2000 estvenue une priorité pour tous.Après nous être rendu compte,quelques années plus tard, qu'ilserait difficile d'y arriver, nousavons décidé d'orienter nos ac-tions différemment : pourquoine pas tenter d'agir de façon àprévenir l'analphabétisme plu-tôt que seulement y réagir ?C'est ainsi que l'idée de créerde nouveaux projets est appa-rue et que nos ateliers de sti-mulation précoce et d'anima-tion autour du livre ont été con-çus. Ayant pris conscience dufait que les parents transmettentleurs valeurs face aux livres età l'écrit, nous avons donc dé-cidé de valoriser et d'encoura-ger ceux-ci dans les diversesactivités d'éveil à la lecture età l'écriture auxquelles ils s'adon-naient avec leurs jeunes enfants,car ces activités ont un réelimpact sur l'apprentissage etaugmentent les chances deréussite scolaire.

Ateliers Vivrelivresse en familleNotre outil maison, Vivrelivresse en famille, comporte sixateliers de stimulation aumonde de la lecture et s'adresseaux parents de milieux défavo-risés ainsi qu'à des personnesqui montrent des faiblesses enlecture et qui ont des enfantsd'âge préscolaire. Ainsi, un pe-tit groupe de parents se réunis-sent pour discuter de plusieurssujets : des nouvelles activitésd'apprentissage et de stimula-tion à faire avec leur enfantpour favoriser son développe-ment, de conseils dans le choixd'un livre adapté à l'enfant, dela santé et de l'apprentissagescolaire, de la manière de racon-ter une histoire, de la bibliothè-que et de son fonctionne-ment. .. Pendant ce temps, unservice de garde est offert gra-tuitement pour les jeunes en-fants afin de les stimuler à lalecture, d'une part, et, d'autrepart, de favoriser l'accès auxateliers pour les parents quin'utilisent pas de service degarderie ou qui sont limitésfinancièrement.

Ces ateliers visent principa-lement à sensibiliser les parentsà l'influence qu'ils ont dansl'éducation et le développementde leurs tout-petits, à leur rôlede premiers modèles et de prin-cipaux éducateurs. Ils ont éga-lement pour objectif de lesoutiller dans la découverte demoyens et d'activités quotidien-nes qui favorisent les appren-tissages de leurs enfants et lespréparent à l'école.

L'évaluation que nous avonsfaite des ateliers Vivre livresse

La prévention :notre petite histoire

Guider sonenfant, stimulerle développementde son potentiel,l'initier au plaisirde la lecture,ça s'apprend,comme nousl'indiquent lesdeux prochainsarticles.

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RELIEFS

en famille au fil des sessions ré-vèle une préoccupation et unintérêt déjà existants, chezplusieurs parents présents, àstimuler leurs jeunes enfantsau monde des livres. Aussiplusieurs se sont-ils montrésintéressés par la suggestion defabriquer leur propre livre. Celaa donné lieu à trois atelierssupplémentaires, très appréciés,sur la fabrication de livresmaison.

Toutefois, il est difficile derejoindre la clientèle visée, c'est-à-dire les parents peu scolariséset ayant des faiblesses en lec-ture. Divers programmes de dé-veloppement des compétencesparentales étant proposés régu-lièrement sur notre territoire(notamment Y'a personne deparfait1 et Passe-partout2), ilsont parfois de la difficulté à seretrouver dans les choix offertspar les différentes ressources etdans les objectifs des ateliersproposés.

Ateliers d'animation enlecture à la bibliothèquemunicipaleAu printemps 1998, nousavons mis sur pied des ateliersd'animation en lecture s'adres-sant aux enfants de cinq à huitans et à leurs parents. Une pu-blicité envoyée au début de cha-que session dans deux écolesprimaires de la région, entreautres, nous a permis de recru-ter près d'une dizaine d'enfantsaccompagnés de leurs parents.

Les ateliers ont lieu le matinà la bibliothèque municipale, àl'occasion des vendredis péda-gogiques. Ils comprennentdeux parties : dans un premier

temps, des activités telles quel'écoute d'une histoire, la ma-nipulation de livres et la discus-sion sont proposées aux enfantset à leurs parents. Par la suite,il peut y avoir recherche en bi-bliothèque, puis réalisationd'un bricolage ou d'une activitééducative se rapportant authème abordé.

Pour les enfants, les atelierssont une occasion de nourrirleur intérêt pour les différentstypes de livres, qu'ils peuventainsi découvrir en dehors ducontexte scolaire, d'augmenterpar surcroît leur capacité de re-cherche et de concentration enplus d'acquérir le respect desautres, des choses (livres, ma-tériel. ..) et des lieux (bibliothè-que). La présence d'un parent(ou d'une autre personne im-portante) nous paraît nécessairelors des ateliers afin qu'il ou elleacquière le goût de lire, appri-voise la bibliothèque, puisseexpérimenter diverses activitésà réaliser autour d'un livre etinitier à son tour ses enfants aumonde de l'écriture et de la lec-ture à la maison. En plus de ren-forcer les liens parents-enfantspar une activité commune, laprésence des parents nous per-met de dépister les famillesayant des besoins en lecture etde leur offrir la possibilité d'ob-tenir de l'aide.

La participation des parentsse situe sur plusieurs plans.Nous les invitons à collaborerà la planification et à l'organi-sation des ateliers. Par exemple,ils peuvent choisir des activitésde lecture et de bricolage qu'ilsveulent faire, en rapport avec lesgoûts et intérêts de leurs en-

Les activités d'éveilà la lecture et à l'écriture

ont un réel impact surl'apprentissage et

augmentent les chancesde réussite scolaire.

fants. Ils aident à trouver lesthématiques mensuelles, lesthèmes devant être accrocheurspour les parents et les enfants.De plus, on les incite à appor-ter des livres ou à trouver dumatériel à la maison pour le bri-colage de l'atelier suivant. Endehors ou à l'intérieur des heu-res d'atelier, certains parentspeuvent faire de la recherche delivres sur un thème donné, par-ticiper à la lecture de contes,aider leur enfant à bricoler, pré-parer le local et le ranger à lafin, etc.

Nous remarquons que laclientèle des ateliers est diversi-fiée : les familles appartiennentà différentes classes socio-économiques. On retrouve plusde mères que de pères. L'âge desenfants varie, tout comme leurscaractéristiques et leurs besoins.Tout cela exige une bonne pré-paration : plusieurs de ces en-fants ont parfois besoin d'uneattention et d'un encadrementaccrus (hyperactivité, légère dé-ficience intellectuelle, etc.). Deplus, des parents qui s'intéres-sent à la lecture et qui offrentdéjà un environnement stimu-lant à leurs enfants et d'autresmoins à l'aise avec le monde del'écrit se retrouvent dans lemême atelier, ce qui entraînecertaines difficultés d'adapta-tion, tant pour l'animatrice quepour les parents.

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L'Heure du ConteÀ l'intérieur des activités deMère-Veille, projet regroupantplusieurs organismes locaux quisoutiennent et accompagnentde jeunes mères peu scolariséeséprouvant des difficultés écono-miques ou autres, Alpha-Nicoletoffre aux enfants de deux àquatre ans une Heure du Conte.

Pendant cette heure, nousproposons plusieurs activités :lecture d'une histoire et interac-tion, manipulation de livres entissu, en vinyle, en carton, etc.,faisant appel à un ou à plusieurssens (livres sonores, livres ani-més, livres en trois dimensions,livres-jeux, livres-cassettes etautres), réalisation d'un dessinou bricolage, jeux variés sur lethème de l'histoire.

Des objectifs d'ordre diverssont poursuivis : initier les tout-petits au maniement du livre età l'écoute d'histoires, éveillerleur imaginaire et leur intérêtpour les livres et la lecture, leurapprendre à suivre des consi-gnes, à développer leur langage,leur motricité globale et leurmotricité fine (par le jeu et lebricolage), stimuler leur déve-loppement cognitif, social etaffectif.

Le grand défi, pour l'anima-trice, est de réussir à attirer et àgarder l'attention des enfantset à accroître leur faculté deconcentration. Pour ce faire,elle doit varier énormément sonmatériel et ses activités d'ani-mation afin de capter l'intérêtd'enfants de type visuel, audi-tif, etc. Aussi, elle doit tenircompte de leur grand besoind'être entourés, encouragés etvalorisés à l'occasion de leurs

petits succès. Par exemple, elleprête des livres comportant peude pages et de mots à un en-fant moins familiarisé avec lalecture afin qu'il ou elle puissele parcourir en entier, elle sug-gère des bricolages simples etrapides à réaliser, etc. Tout bienconsidéré, nous constatons queces ateliers répondent à un réelbesoin chez la plupart des en-fants peu habitués à lire.

En conclusion :une histoire à suivreDes difficultés se présentent ànous pour mener à bien nosprojets de prévention : premiè-rement, celle du financement.Nous ne recevons aucun mon-tant supplémentaire du Pro-gramme de soutien à l'alphabé-tisation populaire autonome(PSAPA) pour réaliser nos ate-liers de prévention et, de plus,notre organisme n'est pas accré-dité auprès de la Régie régio-nale de la santé et des servicessociaux (qui subventionne cegenre d'activités par des pro-grammes comme le PSOC3 etle PACE4). Il nous est donc dif-ficile, autrement que par desdons ou par des projets souventnon récurrents et innovateurscomme les IFPCA5, de poursui-vre nos activités de préventionfamiliale de l'analphabétisme.

Ensuite, nous nous heurtonsà l'obstacle que constituent ledépistage et le recrutement desparents et des enfants auxquelssont vraiment destinés nos ate-liers de prévention : nous n'ar-rivons pas toujours à rejoindreen grand nombre la clientèlevisée, qui présente des besoinscriants. Pour y arriver, nous

devrons accroître nos efforts desensibilisation en plus d'établirun solide partenariat avec diversintervenantes et intervenantssociaux et communautaires quigravitent autour de ces familles.

En somme, nos actions enprévention familiale de l'anal-phabétisme se sont constituées,modifiées, bonifiées... à traverschacune de nos expériences. El-les n'apportent pas toujours leschangements souhaités et,d'une fois à l'autre, se soldentpar des réussites et des insuc-cès. Malgré tout, nous demeu-rons convaincues de la néces-sité d'agir préventivementauprès des familles pour con-trer l'analphabétisme. Nouscroyons que nos petits gestespeuvent apporter un « plus »aux parents et aux enfants, etque chacun et chacune peut ytrouver des bénéfices à diversdegrés. Nous ne sommes jamaisassurées de la récolte, mais ilfaut continuer à semer les grai-nes qui pourront germer, à toutmoment, et parfois fleurir...bien au-delà des attentes !

1. Ce programme éducatif est offert par desorganismes communautaires et le CLSC auxparents d'enfants de moins de cinq ans. On ydiscute de thèmes touchant l'enfance : santé,sécurité, développement en général, compor-tement, etc.2. Ce programme est offert aux familles parles commissions scolaires. On veut aider lesparents à préparer l'enfant à la maternelle, àl'amener à améliorer son estime de soi, à faireémerger ses capacités et à repérer d'éventuel-les limites sur les plans de la motricité, du lan-gage et du développement socio-affectif.3. PSOC : Programme de soutien aux orga-nismes communautaires.4. PACE : Programme d'action communau-taire pour les enfants.5. IFPCA : Initiatives fédérales-provincialesconjointes en matière d'alphabétisation.

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RELIEFS

On

DECOUVREl'écrit, je t'aide pour la vie !

Natalie Lavoie, professeure, Jean-Yves Lévesque, professeur, Université du Québec à RimouskiSerge Sévigny, assistant de recherche, Université Laval

Le programme On découvre l'écrit, je t'aidepour la vie ! a pour but d'aider les parents ayantdes difficultés à lire et à écrire à initier leursenfants d'âge préscolaire au monde de l'écrit. Ila fait l'objet d'une expérimentation en 1997-19981, mais nous voulions continuer de recueillirdes données, particulièrement pour mesurer sonimpact sur l'acquisition de connaissances et d'unsentiment de compétence éducative par lesparents, ainsi que sur le niveau d'éveil à l'écritdes enfants.

Présentation généraleD'abord quelques mots sur le programme. Ils'adresse à des formatrices et à des formateursen alphabétisation qui souhaitent travailler avecdes parents dont les enfants sont d'âge présco-laire. Il comprend 21 situations d'apprentissage2

qui s'inspirent notamment des principes de basede l'apprentissage andragogique, des fondementsde la psychologie cognitive et du principe d'ap-propriation (« empowerment»)3. Une même dé-marche en quatre phases est proposée pour cha-cune des situations.

La phase un, celle de l'intention partagée, aprincipalement pour objet la compréhension,par les parents, de la connaissance ou de la com-pétence à acquérir, de sa signification, et l'ex-pression de ce qu'est, pour eux, l'intention de larencontre. La phase deux, dite de l'expérience,consiste, pour la formatrice, à mettre en placeun contexte facilitant l'apprentissage, et pour lesparents, à vivre une expérience leur permettantd'acquérir une connaissance ou une compétence.La phase trois en est une d'apprentissages parta-gés et de transferts anticipés. Les parents, d'unepart, prennent conscience des apprentissages quel'expérience leur a permis de réaliser et, d'autrepart, imaginent des scènes d'avenir avec leursenfants ou avec d'autres personnes au cours des-quelles ils auront à refaire ces apprentissages. Ladernière phase concerne la vérification des ap-prentissages. Elle amène les parents à acquérir del'emprise sur l'activité évaluative. Ils sont invi-tés à déterminer eux-mêmes les éléments d'ap-prentissage pouvant facilement être repris à lamaison.

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Lune a dit s'être rapprochéede son fils en lui lisant des

histoires au coucher. Une autrea raconté qu'elle avait achetéun livre à son enfant pour son

anniversaire, geste qu'ellen'avait jamais posé

auparavant

Le recrutement des parents et des enfantsDans le but de former un groupe expérimental(parents désireux de savoir comment éveiller leurenfant à l'écrit) et un groupe témoin (parents neparticipant pas au programme), 22 groupespopulaires en alphabétisation, 18 commissionsscolaires, 23 CLSC ainsi que quelques groupessociaux ont été contactés.

Le programme a été bien accueilli par les or-ganismes auxquels il a été présenté. On se disaitprêt à y participer, on le trouvait intéressant etpertinent, et on envisageait favorablement lesretombées d'une telle formation pour les parentsaux prises avec des problèmes en lecture et enécriture. Toutefois, les personnes abordées ontindiqué qu'elles entrevoyaient certains problè-mes de recrutement, puisqu'il leur était déjà dif-ficile de rejoindre suffisamment de gens pourleurs propres programmes.

La majorité des organismes ont alors mis enplace divers moyens de recrutement. Par exem-ple, à la Commission scolaire des Châteaux4, lafuture formatrice a, entre autres, assisté aux ren-contres offertes aux parents dont les enfants al-laient entrer à la maternelle en septembre 1999et leur a parlé du programme. Elle a de plus con-tacté plusieurs parents qui bénéficiaient de ser-vices de groupes communautaires. À Sable-Chaud, une personne du groupe populaire de

18 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

l'endroit s'est rendue au CLSC lors de la clini-que de vaccination des enfants entrant à la ma-ternelle et a donné de l'information. Au CLSCde Sainte-Marie-Louise, les intervenantes et lesintervenants ont communiqué avec les parentsqui les consultent pour leur présenter le pro-gramme.

Finalement, nous avons constitué un groupeexpérimental de 15 parents et un groupe témoinde 15 parents également qui provenaient de3 régions du Québec, soit Bas-Saint-Laurent —Gaspésie, Mauricie — Bois-Francs et Chaudière-Appalaches. Les sujets des deux groupes répon-daient à deux critères de base : ils étaient admis-sibles à des cours en alphabétisation et avaientun enfant qui fréquentait la maternelle cinq ans.

Deux groupes d'enfants ont aussi été formés,comprenant chacun 15 enfants fréquentant lamaternelle cinq ans. Les enfants du groupe ex-périmental étaient ceux des parents inscrits auprogramme et les enfants du groupe témoinétaient ceux des parents ne l'étant pas.

Des résultats satisfaisantsDes prétests et des post-tests menés auprès desparents et des enfants des groupes expérimen-taux et témoins ont permis de bien déterminerl'impact du programme. Les résultats ont révéléqu'il a eu des effets positifs. Les parents y étantinscrits ont plus élargi leurs connaissances queles parents du groupe témoin. De plus, ils ontappliqué à la maison les notions relatives auxdiverses composantes de l'émergence de l'écrit,ce qui a eu pour conséquence d'augmenter leniveau d'éveil de leurs enfants.

Après sept mois de rencontres hebdomadai-res d'une durée moyenne de deux heures, on aconstaté de la part des parents diverses actionssusceptibles de favoriser l'émergence de l'écritchez leur enfant. Des mères ont mentionné avoiracquis la capacité de faire participer plus leurenfant lors de la lecture d'une histoire. L'une adit s'être rapprochée de son fils en lui lisant deshistoires au coucher. Une autre a raconté qu'elleavait acheté un livre à son enfant pour son anni-versaire, geste qu'elle n'avait jamais posé aupa-

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RELIEFS

ravant. Une autre encore a affirmé que son en-fant s'était mis à s'intéresser aux livres après avoirconstaté que sa mère « allait à l'école » pour faireensuite des activités avec lui.

Certains parents nous ont dit avoir pris l'ha-bitude d'écrire des notes sur des bouts de papierdevant leur enfant, d'autres avoir donné des con-seils à des parents voisins au sujet de l'éveil à lalecture et à l'écriture. Selon plusieurs, la forma-tion reçue les a amenés à observer et à stimulerbeaucoup plus le développement de leur enfant.Le programme leur a donné confiance en leurscapacités et leur a appris à ne pas avoir peur dela lecture bien qu'ils aient encore des difficultés.

En général, les parents ont grandement ap-précié les activités concrètes proposées, telles queconfectionner un minilivre d'histoires, fabriquerun badge, visiter la bibliothèque du quartier5,de même que les expériences de simulations oùl'un jouait le rôle du parent et l'autre celui del'enfant. Ils ont également trouvé que le climatdes rencontres était agréable et qu'ils étaient res-pectés comme apprenants et apprenantes partous et chacun.

Qu'en pensentles formatriceset les formateurs ?Il apparaît que donner cette formation en 21 ren-contres exige le déploiement d'une grande éner-gie, mais que l'évolution visible des parents pro-cure une grande satisfaction. Aux dires d'uneformatrice, ce programme a même été unressourcement pour elle en tant que parent, carelle a découvert divers gestes à poser à l'égard desa propre fille.

Plusieurs aspects du programme, notammentses fondements et la démarche d'apprentissageproposée, peuvent être réinvestis dans les coursd'alphabétisation, voire dans d'autres types deformations, car ils touchent à des lois qui régis-sent l'acte même d'apprendre.

En conclusionParticiper à une formation en tant que parentssemble en avoir amené plusieurs à entreprendrepar la suite des cours d'alphabétisation. L'inté-gration du programme On découvre l'écrit, jet'aide pour la vie ! dans les activités des groupespopulaires en alphabétisation et des commissionsscolaires peut aussi être une stratégie gagnantepour le recrutement, non seulement d'une nou-velle clientèle, soit les parents peu alphabétisésqui souhaitent avoir une meilleure interactionavec leur enfant en ce qui concerne la lecture etl'écriture, mais aussi de la clientèle habituelle,c'est-à-dire les adultes qui désirent suivre descours en alphabétisation.

Cette expérimentation a été rendue possible grâce au soutien finan-cier accordé par le ministère de l'Éducation du Québec, Direction dela formation générale des adultes (Initiatives fédérales-provincialesconjointes en matière d'alphabétisation) et le Secrétariat national àl'alphabétisation, Développement des ressources humaines Canada.Les demandes de tirés à part ou d'information peuvent être adressées àNatalie Lavoie ou à Jean-Yves Lévesque, Université du Québec à Ri-mouski, 300, allée des Ursulines, Rimouski, Québec, Canada, G5L3A1.

1. Voir « Compétences parentales et émergence de l'écrit », Le Mondealphabétique, n° 11, automne 1999, p. 23-27.2. Un cédérom et une vidéocassette font partie du matériel. Le cédérompropose des séquences vidéo qui peuvent être utiles pour la planifica-tion et la préparation des rencontres. La vidéocassette montre des pa-rents et des enfants s'adonnant à des activités à la maison. On peuts'en servir lors de rencontres avec les parents afin de leur présenter desmodèles d'intervention avec leur enfant.3. R. COUTURE, N. LAVOIE, J.-Y. LÉVESQUE et L. ROY, Ondécouvre l'écrit, je t'aide pour la vie !, Rimouski, Éditions Appropria-tion, 1998.4. Tous les noms sont fictifs.5. Au cours du projet, certains parents ont commencé à fréquenter labibliothèque avec leur enfant.

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Peut-on« éduquer »

l'intelligence ?François Labbé, adjoint à la coordination

et à la formation, Groupe en alphabétisationde Montmagny-Nord

La tentationest souvent forte de

baisser les bras devant desdifficultés d'apprentissage

insurmontables. Or, lesméthodes d'éducationcognitive peuvent faire

toute la différence.Encore faut-il

choisir labonne.

« Je crois bien qu'Untel plafonne. Il ne faitplus de progrès. Je ne sais plus quoi faire. J'ail'impression qu'il n'y a plus rien qui entre. Il neretient aucune notion. Il a atteint ses limites.Et moi aussi... »

Est-ce que ces réflexions vous rappellent quel-qu'un ? En tant que formateurs, formatrices,animateurs, animatrices, notre travail nous metquotidiennement en présence de personnes pré-sentant des difficultés d'apprentissage de toutessortes et à différents degrés. Si, pour plusieursde ces personnes, nous avons acquis les ressour-ces « pédagogiques » nécessaires, il y en a d'autresavec qui nous avons l'impression de perdre no-tre temps — et le leur ! La question se pose :comment répondre efficacement à ces difficul-tés dans le respect des personnes qui désirentapprendre ?

Au cours des dernières décennies, un nouveaucourant pédagogique s'est donné comme défi desolutionner les problèmes d'apprentissage desapprenantes et des apprenants. Il s'agit del'éducabilité cognitive, courant créé sur leterrain, dans la pratique, à partir de l'actiond'intervenantes et d'intervenants en éducationde nombreux pays, aux prises avec un nombregrandissant de personnes éprouvant des difficul-tés d'apprentissage à tous les ordres d'ensei-gnement. D'emblée, les porte-parole de l'édu-cabilité cognitive affirment qu'il est toujourspossible d'améliorer l'efficience cognitive1 d'unepersonne, peu importe son « point de départ ».Animés de cette foi, ces hommes et ces femmesont porté leurs actions dans des contextes aussidifférents que le rattrapage scolaire des enfantsdes milieux défavorisés, le « redémarrage » dupotentiel intellectuel des adultes qui retournentse former, la « mise à niveau » des apprenanteset des apprenants qui souhaitent poursuivre leursétudes, le développement des personnes ayantune déficience intellectuelle, la formation dujugement critique des classes populaires et mêmele « rétablissement » cognitif et émotif de popu-lations éprouvées par la guerre et l'immigration.Un tel foisonnement a donné naissance à unensemble hétéroclite de méthodes, de program-mes et d'approches qui ont toutefois le mêmeobjectif : éduquer l'intelligence des apprenantes

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

L'intelligence est unpotentiel inné qui serapleinement développéou, au contraire, étouffépar des facteurs sociauxou personnels.

et des apprenants. Vous connaissez certainementune ou plusieurs approches représentatives dece courant, telles que l'Enseignement stratégi-que, l'Actualisation du potentiel intellectuel(API), le Programme d'enrichissement instru-mental (PEI), l'Apprentissage de l'abstraction,la Gestion mentale (GM), l'Entraînement men-tal (EM), la méthode CORT ou même la Philo-sophie pour les enfants (PPE).

L'équipe de travail du Groupe en alphabéti-sation de Montmagny-Nord (GAMN) s'estintéressée à ce courant et a produit récemmentune synthèse critique de ses fondements théori-ques, un survol des nombreuses approches et unebibliographie commentée. Au cours de cetterecherche, trois questions nous ont guidés.D'abord : est-ce vraiment possible d'« éduquer »l'intelligence ? Cela pose le problème des fon-dements théoriques de l'éducabilité cognitive.Si oui, comment ? Nous abordons alors le pro-blème des principes pédagogiques et du choixd'une ou de plusieurs méthodes pertinentes enalphabétisation populaire. Enfin, l'éducabilitécognitive deviendra-t-elle — est-elle déjà — unenjeu en alphabétisation ? Dans le présent arti-cle, nous aimerions donner brièvement nos ré-ponses à chacune de ces questions, en espérantqu'elles susciteront quelques débats et réflexionssur l'éducation populaire aujourd'hui.

Naît-on intelligent ou le devient-on ?Est-il possible d'éduquer l'intelligence ? Au coursde notre recherche, aucun auteur n'a répondupar la négative. À cet égard, leur opinion ne dif-fère pas du consensus qui s'est établi au coursdes dernières décennies autour de l'idée selonlaquelle l'intelligence est un potentiel inné quisera pleinement développé ou, au contraire,étouffé par des facteurs sociaux ou personnels(santé, constitution physique, etc.). L'une desprincipales difficultés aujourd'hui, c'est que l'en-vironnement social change vite, exigeant de toutepersonne une adaptation rapide et une certainepolyvalence. Or, une personne qui éprouve desdifficultés d'apprentissage risque d'accumulertrès vite un retard qui contribuera à samarginalisation. D'où l'idée d'apprendre à ap-prendre, solution à la nécessité de s'adapter con-

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 21

tinuellement. Apprendre à apprendre, dévelop-per ou actualiser son potentiel intellectuel, amé-liorer son efficience cognitive : toutes ces expres-sions renvoient bel et bien à l'idée d'éduquer l'in-telligence.

Mais est-ce possible d'éduquer l'intelligencede toute personne ? Oui, croient les porte-pa-role de l'éducabilité cognitive. Ainsi, au Qué-bec, certaines équipes de recherche ont mêmeadapté des méthodes d'éducation cognitive pourrépondre aux besoins des apprenantes et desapprenants adultes ayant une déficience intel-lectuelle légère et moyenne2. Le défi de touteméthode est d'amener l'apprenante, l'apprenantà développer pleinement son potentiel d'appren-tissage. Cela est possible car, si l'intelligence estinnée, l'aptitude à apprendre, elle, ne l'est pas.Toute personne pourrait donc acquérir, avec labonne méthode, les capacités qui interviennentdans tout apprentissage : mémoriser l'informa-tion, contrôler son impulsivité, observer, imagi-ner, concentrer son attention, juger, faire deshypothèses, etc. C'est ce qu'on appelle les capa-cités transversales.

Les tenants et les tenantes de l'éducabilitécognitive considèrent que ces capacités transver-sales sont indépendantes de tout domaine deconnaissances et qu'elles permettent de résou-dre la plupart des problèmes. Et puisqu'elles sonttransversales, elles peuvent être réinvesties danstoutes les situations d'apprentissage et de réso-lution de problèmes, à l'atelier, au travail, ouencore dans la vie quotidienne. De ce fait, leproblème du transfert des apprentissages, quiembête bien des éducateurs et des éducatrices,est en bonne partie résolu.

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Des critiques ont été formulées envers le mou-vement d'éducabilité cognitive. Certaines visentses fondements théoriques, d'autres l'efficacitédes méthodes, d'autres enfin l'évaluation desrésultats. Les critiques les plus importantes con-cernent cette notion, centrale, de capacités trans-versales. Des recherches tendent à démontrerqu'elles sont peu nombreuses et se limitent peut-être à la lecture, à l'écriture, au calcul mental età la mémorisation3. Les opérations mentales pluscomplexes, telles qu'analyser, déduire ouclasser, seraient dépendantes des contenus dis-ciplinaires au sein desquels elles s'enseignent ets'apprennent. Par exemple, l'apprentissage d'uneméthode générale de classification n'aidera pasla personne qui devra classer des mots selon leurnature si elle ne connaît rien de la nature desmots.

L'apprentissage de compétences généraleséloignées des domaines de connaissance poseégalement un problème de transfert. Reprenonsl'exemple de la classification. La personne quimaîtrise suffisamment de savoirs en mathéma-tiques sera plus à même de répondre à unproblème qui lui demande de regrouper desnombres qui se divisent par cinq qu'une autrequi a appris à classer sur la base de l'analogie desurface (couleurs, formes, etc.), mais qui ne saitpas ce qu'est un nombre divisible par cinq.

L'importance accordée aux aspects cognitifscomparativement aux aspects affectifs (ouconatifs) de l'apprentissage est aussi remise enquestion depuis une dizaine d'années. Lespraticiens et les praticiennes de l'éducationcognitive reconnaissent sans problème les effetspositifs de l'efficience cognitive sur la motiva-tion, l'estime de soi ou l'anxiété, l'idée étant queplus une personne est habile à résoudre des pro-blèmes (aspect cognitif)) plus elle est motivée etconfiante. Mais il semble que l'inverse soit aussivrai. En effet, plus une personne est motivée etconfiante, mieux elle apprendra à résoudre desproblèmes. Les auteurs des méthodesd'éducabilité cognitive ont négligé l'apprentis-sage de ces attitudes personnelles. Par consé-quent, peu de méthodes accordent une réelleplace à un meilleur équilibre affectif commemoyen de développer l'efficience cognitive.

D'autres critiques ont été soulevées concer-nant les tests de mesure de l'efficience cognitivedes apprenants et des apprenantes en amont eten aval de leur participation à un programme.Certains programmes, comme le PEI, utilisentdes tests de mesure fort proches des exercicesd'apprentissage proposés. Si bien que les appre-nants apprennent... à passer des tests de mesurepsychométrique ! Cela pose à nouveau le pro-blème du transfert de l'apprentissage fait à l'in-térieur d'un programme d'éducation cognitivedéconnecté de tout domaine de connaissance.

Devant ces critiques, les pédagogues ont refaitleurs devoirs. Les méthodes les plus récentes pren-nent en considération les limites et les lacunesexposées et ont tenté d'y remédier. Mentionnons,par exemple, l'Enseignement stratégique, l'API,la GM et l'Apprentissage de l'abstraction.

Affirmer qu'il est possible d'éduquer l'intelli-gence est une chose, y parvenir en est une autre.Aucune de ces méthodes ne fabrique des génies,ni ne le prétend en fait, mais des auteurs ontpéché, dans le passé, par un optimisme sansbornes qui a créé des attentes irréalistes. Ce futle cas notamment pour Reuven Feuerstein etAntoine de La Garanderie, respectivement créa-teurs du PEI et de la GM, et de leurs partisans.Toutes les évaluations des méthodes démontrentqu'une certaine modestie est de mise.

Comment choisir une approche pertinente ?Six questions à se poser.Nous voulons bien nous outiller pour répondreaux difficultés d'apprentissage et aux besoins desapprenantes et des apprenants, mais quelle mé-thode choisir ? À notre avis, il y a au moins sixquestions à se poser d'abord et avant tout. Lesvoici, avec quelques explications.

Dans la mission de mon groupe d'alphabéti-sation populaire, quels sont les principaux ob-jectifs d'apprentissage en jeu ? Avant tout, nousdevons nous rappeler quels sont les principauxobjectifs d'apprentissage en jeu dans la mis-sion que nous portons. Nous pouvons affir-mer sans risque que des compétences en lec-ture, en écriture et en calcul ainsi que le déve-loppement d'une pensée critique et autonomecomptent parmi ceux-ci.

22 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

Apprendre à apprendre implique de maîtri-ser d'abord les outils de base de la communica-tion que sont la lecture, l'écriture, la parole etl'écoute. Nous pourrions même dire que la pen-sée critique, créatrice et autonome se développeprincipalement et surtout par des actes de com-munication4. Par exemple, tout lecteur fait faceà des mots, des idées, des sentiments et un codeécrit (orthographe, grammaire, syntaxe, etc.) quiétendent sa culture et aiguisent ses capacités decompréhension et de concentration, entre autres.Parler et écrire exigent quant à eux une organi-sation de la pensée qui peut être simple ou trèscomplexe et peut solliciter autant l'intelligence,l'affectivité que la créativité. Écouter demanded'être attentif, de mettre parfois en veilleuse unecertaine impulsivité, notamment lors de débatsémotifs. Le silence n'est pas toujours un signed'apathie ou de désintérêt !

Est-ce que cette approche répond à nos objectifsd'apprentissage ? Brutalement : est-ce que cetteméthode d'éducation cognitive me permettra derépondre aux principaux objectifs d'apprentis-sage fixés dans notre groupe ? Nous croyonsqu'une approche d'éducation cognitive sera per-tinente pour celui ou celle qui alphabétise dansla mesure où elle accorde explicitement une largeplace au développement de compétences dansles sphères de la lecture, de l'écriture, du dialo-gue, de l'écoute et de la pensée.

L'approche en question tient-elle compte descritiques à l'égard de l'éducabilité cognitive et deses limites ? Si une méthodologie annonce desrésultats durables rapidement, c'est certainementtrop beau pour être vrai. Une approche sérieusetiendra compte des critiques et des limites sou-levées par les chercheurs et les chercheusesau cours des années précédentes. Nous recon-naissons souvent de telles méthodes par lerenouvellement dont elles sont l'objet, signed'une ouverture, de la part de ses auteurs, àl'évolution des connaissances sur le processusd'apprentissage5. Cette méthode s'appuiera aussisur des principes pédagogiques éprouvés, tels quela dynamique de médiation6, la prise en comptedu processus de traitement de l'information etla métacognition. Elle proposera explicitementl'appariement du développement cognitif et

affectif aux domaines de connaissance ainsique des moyens pour favoriser le transfert des ap-prentissages. Il faut faire preuve de vigilance à l'égarddes méthodes qui proposent des exercices papier-crayon trop généraux. Un lien constant doit êtremaintenu entre les exercices, les contenus notion-nels à acquérir et leur sens — ou du moins leurutilité — dans la vie des adultes.

Dans quelles situations d'apprentissage s'appli-que le programme ? Dans la pratique, plusieursformateurs et formatrices composent avec desgroupes d'adultes dont le nombre, l'âge, l'étatde santé, l'environnement familial et, bien sûr,le niveau de scolarité varient grandement. Il fautalors se demander si l'approche d'éducation co-gnitive qui nous est proposée peut s'y adapter.La PPE et l'Apprentissage de l'abstraction sontdes exemples d'approches qui s'appliquent dif-ficilement dans de petits groupes de moins desept ou huit personnes. Par contre, ces mêmesapproches, la PPE notamment, proposent unedémarche qui s'adapte bien à un contexte d'édu-cation populaire où la prise de parole, le dialo-gue, le respect mutuel et le travail communau-taire, par exemple, sont valorisés.

Quel investissement exige cette approche ? Quelinvestissement en temps consacré à la formationpar les formateurs et formatrices, en temps d'ap-plication de la méthode, en frais de toutes sortes(formation, matériel, etc.) va exiger l'approcheen question ? Est-elle facilement accessible ?Devrai-je absolument suivre des sessions de for-mation à l'autre bout du Québec ? Ce sont desquestions inévitables qui peuvent, éventuelle-ment, écarter des méthodes d'emblée, faute demoyens financiers ou de temps.

Quel soutien, quel suivi sont prévus en coursd'application de la méthode ? Souvent, le succèsde l'application d'une méthodologie dépend dusoutien et du suivi fournis après la formationinitiale. Il arrive fréquemment, faute d'un suiviapproprié, qu'une formation reste lettre morte.Demandons-nous donc si un suivi est prévu sousforme de bilans, de partages d'expériences réali-sées ou d'ateliers d'approfondissement de laméthode. Ou encore si une ou plusieurs per-sonnes-ressources seront disponibles pour répon-dre à nos questions en cours de route.

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Ignorer l''éducabilitécognitive revient à niernotre appartenance au

monde de l'éducation. Une telleattitude est proprement

suicidaire, ou du moins revient àignorer les besoins des adultes

en démarche d'alphabétisation.

Pour répondre à toutes ces questions, il fautsouvent bien connaître les méthodes et les pro-grammes d'éducation cognitive. Il n'est pas pos-sible ici, faute d'espace, de vous proposer unsurvol d'approches que nous jugeons pertinen-tes et accessibles, telles que l'API, l'Apprentis-sage de l'abstraction, la Gestion mentale, l'En-seignement stratégique, l'Entraînement mental,le Programme de développement de la penséelogique d'Hélène Poissant (1998) et la PPE.Plusieurs de ces méthodes sont complémentai-res et peuvent être aisément combinées. Nousjugeons même qu'il est souhaitable d'opérer unpareil « mariage ». Pour un survol de ces métho-des, l'équipe de travail du GAMN a mis récem-ment à la disposition des groupes une synthèsequi décrit chacune de ces approches. Il suffît denous en faire la demande ou d'attendre qu'ellesoit offerte au Centre de documentation surl'éducation des adultes et la condition féminine(CDEACF).

L'éducabilité cognitive :un enjeu en alphabétisation ?Nous l'avons dit : l'éducabilité cognitive s'estconstituée sur le terrain, en réponse au nombrede plus en plus important d'apprenantes et d'ap-prenants éprouvant des difficultés d'apprentis-sage ou se trouvant en situation d'échec. D'abordconfiné dans les « classes spéciales », ce courants'est récemment frayé un chemin vers les classesrégulières. Au Québec, le Guide de formation surmesure en alphabétisation (GFMA) et les nou-veaux programmes imposés par le ministère de

l'Éducation aux niveaux primaire et secondaires'inscrivent nettement à l'intérieur de cette pé-dagogie7. L'éducation cognitive ne s'adresse doncplus seulement à ceux et celles ayant des diffi-cultés d'apprentissage ou un certain retard à rat-traper, mais à l'ensemble des « clientèles scolai-res ». Dans les faits, l'éducabilité cognitive estaujourd'hui un courant pédagogique dominantet incontournable en éducation.

L'alphabétisation populaire est-elle en dehorsde ce courant ? Non. D'abord, plusieurs métho-des sont d'authentiques initiatives d'éducationpopulaire, la plus célèbre étant l'Entraînementmental de Georges Dumazédier. Au Québec, destravaux tendent à démontrer que nous nousintéressons à l'éducation cognitive depuis denombreuses années. Mentionnons seulement leProgramme de développement de la penséelogique élaboré par Hélène Poissant en collabo-ration avec le groupe Atout-Lire de Québec(Poissant, 1998), ou encore la recherche menéepar des chercheurs de l'Unité de recherche enefficience cognitive (UREC) de l'Université duQuébec en Abitibi-Témiscamingue et du cen-tre DÉBAT de Montréal, à laquelle ont parti-cipé plusieurs groupes d'éducation populaire etqui a conduit à la publication du documentApprendre à apprendre — Atelier d'éducationcognitive à l'usage des formateurs d'adultes pour lamédiation des stratégies d'apprentissage. Ou en-core les Ateliers de pensée critique, un projet deformation dans quatre groupes d'alphabétisationpopulaire de Chaudière-Appalaches supervisépar la Faculté de philosophie de l'UniversitéLaval ou, enfin, le guide Apprendre pour trans-mettre — À l'abordage de l'apprentissage, dugroupe COMQUAT de Montréal. Nul douteque plusieurs groupes d'alphabétisation popu-laire participent à cet essor de bien des façons,notamment par la formation de leurs interve-nantes et de leurs intervenants. Cette diversitén'est pas étonnante, les groupes disposant del'autonomie nécessaire pour expérimenter demultiples voies.

Nous croyons que le réseau public connaîtrabientôt une refonte de son programme d'alpha-bétisation — sous l'étiquette de formation de basecommune — qui s'inscrira pleinement dans le

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

mouvement de l'éducation cognitive. C'est ceque laisse présager l'insatisfaction de la Table desresponsables de l'éducation des adultes et de laformation professionnelle des commissions sco-laires du Québec (TREAQ-FP) à l'égard despédagogies actuelles en alphabétisation8. Il estalors tout à fait plausible que ce programme s'ins-pire de L'approche fonctionnelle en alphabétisa-tion élaborée par le Comité régional de déve-loppement de l'alphabétisation de la Montérégie(1993). Si cette « prophétie » se réalise, quellesen seront les répercussions sur le réseau des grou-pes populaires ? Nous n'avons pas de réponse,mais quelques questions.

L'expertise des groupes populaires d'alphabé-tisation sera-t-elle une fois de plus mise en doutepar les représentants et les représentantes du sys-tème public ? Les groupes populaires subiront-ils des pressions pour adopter les objectifs d'unprogramme de formation de base ? Seront-ilsirrémédiablement marginalisés ? La mesurede l'atteinte d'objectifs d'apprentissage ou de« résultats » deviendra-t-elle obligatoire ? Si oui,comment ? Par qui ? Pour qui ? Les groupespopulaires risquent-ils d'être « dépassés » ?

Pour notre part, nous croyons que l'autono-mie et la capacité d'adaptation des groupespopulaires d'alphabétisation doivent être misesà profit afin d'expérimenter des approches quirépondent étroitement aux difficultés et auxbesoins d'apprentissage des apprenantes et desapprenants. D'ailleurs, les groupes ne peuventpas faire l'économie d'une mise à jour de leursméthodes. Ignorer l'éducabilité cognitive revientà nier notre appartenance au monde de l'éduca-tion. Une telle attitude est proprement suicidaire,ou du moins revient à ignorer les besoins desadultes en démarche d'alphabétisation.

ConclusionEst-il possible d'éduquer l'intelligence ? Au coursde cette recherche, il n'est apparu aucun auteurpour répondre non à cette question. L'intelli-gence s'éduquerait donc ? Il est peut-être plusjuste de conclure qu'il est possible pour toutindividu, peu importe son point de départ, dedévelopper son potentiel intellectuel ou sonefficience cognitive. C'est la thèse première du

Aucune méthode necréera des génies ni ne peutgarantir des résultats rapideset durables. En éducationcomme ailleurs, il n'existepas de recette miracle.

mouvement d'éducabilité cognitive, né sur leterrain, dans la pratique, de l'action de forma-trices et de formateurs décidés à répondre auxdifficultés d'apprentissage d'enfants, de jeuneset d'adultes pour lesquels l'enseignement tradi-tionnel n'avait pas de solution. Des méthodes,des techniques et des programmes d'éducationcognitive ont alors vu le jour bien avant un véri-table cadre théorique pour les soutenir.

Une fois cette thèse acceptée se pose encorela question des moyens. Comment rendre l'in-telligence de toute personne plus efficiente ?Méthodes, techniques et programmes abondentet tous se vantent d'être efficaces. Toutefois, desrecherches tendent à démontrer que leurs effetssont modestes. D'autres études mettent en causecertains des fondements théoriques de l'édu-cabilité cognitive. Ces critiques ont amené despédagogues à approfondir leur réflexion sur ceconcept. Il s'en dégage des pistes de solutionspour faire de l'éducation cognitive un objectifréalisable. Bien sûr, nous ne devons pas viser desrésultats spectaculaires. L'une des critiques lesplus fréquentes à l'égard de l'éducabilité cogni-tive concerne justement les prétentions irréalis-tes de certains auteurs. Aucune méthode necréera des génies ni ne peut garantir des résul-tats rapides et durables. En éducation commeailleurs, il n'existe pas de recette miracle, etl'éducabilité cognitive n'en est certes pas une.Encore une fois, si ça semble trop beau pourêtre vrai, c'est certainement le cas !

S'il y a une leçon à retenir de notre rechercheen éducabilité cognitive, c'est bien qu'aucungroupe de fonctionnaires à l'intérieur d'un sys-tème d'éducation n'a jamais créé une approcheoriginale et adaptée. Ce sont des individus et depetites équipes dans une classe, puis

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 25

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deux, puis trois et ainsi de suite qui l'ont fait.C'est ainsi que la PPE, le PEI, l'API, l'Enseigne-ment stratégique, l'Apprentissage de l'abstrac-tion, la GM et l'EM sont nés, et tout porte àcroire qu'il en sera toujours ainsi. Nous croyonsdonc fermement que les groupes d'alphabétisa-tion populaire sont en excellente position pourentreprendre un renouvellement des pratiques.Les méthodes d'éducation cognitive peuventalors être les instruments privilégiés de ce renou-veau. Un travail d'appropriation et d'adaptationest sans aucun doute nécessaire, mais il en résul-tera certainement plusieurs projets éducatifs no-vateurs, efficaces et stimulants.

1. J'emprunte ici la définition d'Audy et autres : « L'efficience cogni-tive est la capacité de résoudre un problème avec un minimumde gaspillage de temps, d'énergie et de ressources et avec plaisir,élégance, aisance et assurance. » Pierre AUDY, François RUPH et MarioRICHARD, « La prévention des échecs et des abandons scolaires parl'actualisation du potentiel intellectuel (API) », Revue québécoise depsychologie, vol. 14, n° 1, 1993, p. 152.2. Nous pensons aux Unités de recherche en efficience cognitive(UREC) de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) et de l'Uni-versité du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).3. Cécile DELANNOY et Jean-Claude PASSEGAND, L'intelligencepeut-elle s'éduquer ? Paris, Hachette, 1992, p. 99 ; Even LOARER, etautres, Peut-on éduquer l'intelligence ? L'évaluation d'une méthode d'édu-cation cognitive, Berne, Berlin, Francfort, New York, Paris, Vienne,Peter Lang/Éditions scientifiques européennes, 1995, p. 179-180.4. Matthew LIPMAN, Apprendre à penser, penser pour apprendre,documents OCDE, Paris, 1993, p. 141 et passim.5. Par exemple, la Gestion mentale et la PPE sont l'objet de recher-ches continues qui ont pour effet de les renouveler et de les améliorerconstamment.6. Inspirée de la dynamique parent-enfant, la pédagogie de la média-tion place le formateur ou la formatrice en position d'intermédiaire,de médiateur, entre le savoir et les apprenantes et apprenants ainsiqu'entre ceux-ci. Il s'efforce alors de réduire la distance qui le séparedes apprenants et apprenantes, de rendre l'abstrait concret et de seposer explicitement comme modèle.7. Nous évoquons ici le nouveau programme scolaire qui doit être misen place progressivement du niveau primaire au niveau secondaire entrel'automne 2000 et l'automne 2007.8. TABLE DES RESPONSABLES DE L'ÉDUCATION DES ADUL-TES ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES COM-MISSIONS SCOLAIRES DU QUÉBEC (TREAQ-FP), Mémoire surle document de consultation du ministère de l'Éducation, intitulé«Vers une politique de formation continue », 15 octobre 1998, p. 44 etpassim.

26 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Encore de nos jours,l'analphabétisme est tropsouvent perçu comme uneaffaire personnelle. Et si

l'histoire collectivedéterminait en grande

partie l'histoireindividuelle ?

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Histoire et analphabétismeLe présent article décrit une des dimensions ré-vélées lors de l'analyse d'entrevues réalisées avecles apprenants et les apprenantes d'un centred'alphabétisation : le lien entre leur histoire in-dividuelle, leur histoire collective et l'histoire duQuébec du XXe siècle. Même si l'objectif prin-cipal de la recherche1 était l'exploration des stra-tégies individuelles d'insertion sociale de tra-vailleurs et travailleuses analphabètes, une réa-lité incontournable s'est faite jour : celle du ca-ractère social et historique de l'analphabétisme.L'analphabétisme peut prendre bien des formeset trouver sa source en des endroits différents,mais il se situe toujours dans un contexte social.Notre recherche, tant par sa méthodologie quepar ses résultats, a transformé des réalités indivi-duelles en une réalité collective comprise et par-tagée par les 23 participantes et participants in-terviewés.

L'équipe de recherche a choisi une méthoded'entrevues semi-dirigées qui a permis de dévoi-ler l'histoire de vie de personnes âgées entre 22et 73 ans. Il nous semblait essentiel de leur per-mettre de raconter l'ensemble des étapes de leurvie afin qu'ils puissent cerner ce qui était, à leuravis, à l'origine de leurs problèmes d'analphabé-tisme, ce qui les avait aidés ou ce qui leur avaitnui dans leurs efforts d'insertion sociale. Le ques-tionnaire qui a servi de guide aux entrevues com-portait trois thèmes majeurs :• L'histoire de leur vie, de l'enfance à

aujourd'hui ;• Les difficultés rencontrées et les

mécanismes d'adaptation ;• La démarche d'alphabétisation.

Une fois les entrevues terminées, une rencon-tre a été organisée afin de présenter les résultatsde la recherche aux participants et aux partici-pantes. En plus d'apporter quelques

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 27

ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

Ces laissés-pour-compte de la société québécoise du

XXe siècleGhislaine Guérard, professeure agrégée

au Département de sciences humaines appliquéesde l'Université Concordia

• • •

François Huot, chargé de cours au Département deservice social de l'Université de Sherbrooke

• • •Les animatrices du groupe d'alphabétisation

populaire Un Mondalire ont contribuélargement à la recherche qui a mené

au présent article. Il s'agît deGislaine Ratthé-Chartier,

Monique Bournival,Manon Lalancetteet Nicole Leblanc.

• • •

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L'aide que lesenfants pouvaient

apporter aux travauxde la ferme passait bien

avant la fréquentationde l'école et devenait,

beaucoup plus quela présence ou

non de difficultésd'apprentissage,

un facteurdéterminant

20 s'industrialiser et s'urbaniser peu à peu. Onassiste à l'explosion de la Révolution tranquilleet à la prise de contrôle de la société par lagénération des baby-boomers. On constatefinalement les conséquences de l'éclatementde l'État providence, des compressions bud-gétaires et des réductions de services.

C'est en recherchant et en mettant en évidenceles éléments communs des histoires de vie des23 participantes et participants que ces liensapparaissent. La réalité sociale du Québec a beau-coup changé pendant les 50 ans qui séparent lesplus vieux des plus jeunes. Ce qui n'a pas changé,c'est qu'il y a toujours, à chacune de ces épo-ques, des laissés-pour-compte : les pauvres, leshandicapés et les « sans-parents3».

Nous présentons ici une histoire du Québecen quatre temps : la vie à la campagne à la findes années 20-30, une enfance à Montréal à lamême époque, la génération de l'Expo 67 et lagénération « X ».

Une enfance à la campagnePour les participants les plus âgés, hommes etfemmes, l'école est un privilège auquel ilsn'auront pas eu accès ou du moins, pas très long-temps. En effet, à leur époque, l'école n'était pasobligatoire au Québec et ne le deviendra qu'en1942.

Plusieurs participants et participantes, âgésentre 54 et 73 ans, ont passé leur enfance à lacampagne. Ils vivaient en milieu rural et ont vuleur scolarisation limitée par les contraintes im-posées par l'organisation de la société rurale.L'aide que les enfants pouvaient apporter auxtravaux de la ferme passait bien avant la fréquen-tation de l'école et devenait, beaucoup plus quela présence ou non de difficultés d'apprentissage,un facteur déterminant. Même si certainespersonnes affirment avoir présenté de tellesdifficultés, leur histoire demeure identique àcelles d'autres qui disent ne pas avoir eu deproblèmes d'apprentissage.

Maurice se souvient que sa mère ne savait paslire et que même s'il n'avait pas de problèmes àl'école, il s'absentait souvent pour participer auxtravaux de la ferme. Jacques parle de sa santéfragile, de sa timidité qui lui causait problème,

28 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

éléments supplémentaires à ceux déjà mention-nés lors des entrevues, ils et elles ont manifestéleur intérêt pour une recherche qui leur mon-trait qu'ils faisaient partie d'une communautédont les membres avaient bien des choses encommun. Ils ont aussi discuté de certaines ques-tions, par exemple s'il était plus difficile d'êtreanalphabète aujourd'hui qu'autrefois.

L'étude de récits biographiques ou autobio-graphiques de personnes analphabètes permethabituellement de découvrir la place qu'a occu-pée ce handicap social dans le déroulement deleurs vies. Cependant, l'accumulation et la jux-taposition de ces récits nous permettent d'allerplus loin et de mettre en évidence les liens entreceux-ci et l'histoire du Québec. Elles nous per-mettent également de comprendre quels sont lesliens entre les cas individuels des personnes quise retrouvent dans différents programmes d'al-phabétisation et l'évolution de la société québé-coise, les transformations importantes que celle-ci a vécues, le changement des valeurs, l'histoiredes institutions sociales ainsi que l'évolution despratiques d'aide et d'intervention en milieu sco-laire et en service social. En analysant les viesdes personnes analphabètes qui fréquentent UnMondalire2, on voit le Québec rural des années

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

mais souligne également que l'école était à unedistance importante de la maison. Jean-Jacques,orphelin ayant vécu en institution jusqu'à l'âgede sept ans, croit avoir été vendu à une ferme àcet âge. Il dit avoir fréquenté l'école pendant unan, sans difficultés majeures, mais par la suite,parle de son travail à la ferme, du lever au cou-cher du soleil. Il se souvient de ses dures jour-nées de travail, alors qu'il n'avait que huit ans,mais ne se rappelle de rien d'autre et dit n'avoirjamais eu d'affection, n'avoir que rarement jouéet avoir été privé de son enfance. Roger a vécuen institution jusqu'à l'âge de 10 ans où, pourlui, l'école demeurait synonyme de cours de ca-téchisme. Il dit également avoir été emmené surune ferme pour aller y travailler mais, contraire-ment à Jean-Jacques, il a été accueilli par unebonne famille qui le considérait comme un dessiens. Hugues provient d'une famille nombreusequ'il décrit comme analphabète et a peu fré-quenté l'école. Rémi est demeuré en institutionjusqu'à l'âge de 18 ans. Il se souvient du travailaux champs, d'avoir été gardé dans un sous-sol,mais il n'a aucun souvenir de l'école. Adèle etLouise ont vécu à la campagne ; les familles etles milieux de vie étaient pauvres. Adèle a connuune enfance heureuse, a fréquenté l'école jus-qu'à 10 ans mais en a été retirée car sa mère avaitbesoin d'elle à la maison. Louise ne fréquentaitpas l'école l'hiver car celle-ci était trop loin. Elleen a été retirée à 11 ans à cause de la maladie desa mère. « L'instruction n'était pas importantepour les filles », affirme-t-elle.

Ces histoires font ressortir la nature de l'or-ganisation sociale du Québec de l'époque. Unemajorité de la population vit encore en milieurural, et le travail agricole, qui demeure peumécanisé, est l'occupation principale. On a be-soin de beaucoup de main-d'œuvre, et de jeu-nes enfants contribuent à ces tâches dans leurmilieu familial ou bien à la suite d'un placementen milieu substitutif. Le travail se situe à proxi-mité des milieux de vie, de la maison, alors quel'école en est éloignée, et ce facteur contribue àl'absentéisme ou à la non-fréquentation del'école. Le contrôle de la fréquentation scolaire,par des mécanismes législatifs ou bien par lespratiques de chaque école, n'existe pas encore.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 29

Le dur labeur, dans un cadre domestique pourles fillettes et dans un cadre agricole pour lesgarçons, demeure la valeur importante de cettesociété. Les institutions et la religion ont jouéun rôle déterminant dans la vie de beaucoupde participants et de participantes à la recher-che. L'institution a contrôlé leur vie et a dé-cidé de leur avenir en fonction de ses valeurs(religion) et des besoins et priorités de la so-ciété (besoin de main-d'œuvre agricole). Lessimilitudes entre ces quelques biographies etcelles des orphelins de Duplessis4 demeurentfrappantes.

Ces enfants de la campagne vieillissent et peuà peu participent au mouvement général de po-pulation de la campagne vers la ville, au déve-loppement urbain du Québec. Devant subvenirà leurs besoins économiques et souvent à ceuxde la famille qu'ils fondent, c'est par le travailque leur vie prend son sens. On arrive en ville,on travaille fort et longtemps au même endroit.

Hugues travaille 30 ans au même endroitcomme éboueur. Maurice travaille principale-ment dans le domaine de la construction. Il sefait même offrir un poste de contremaître, mal-gré son analphabétisme, et reçoit l'appui de sespairs. Jean-Jacques travaille 37 ans au mêmeendroit, dans une entreprise de récupération, etJacques, 40 ans dans une raffinerie de métal.Roger œuvre pendant 34 ans dans les cuisinesd'une institution du réseau public de servicessociaux. Il prend sa retraite dans le cadre desprogrammes de départ du secteur public et ouvreensuite un service de traiteur. Dès son arrivée àMontréal à l'âge de 15 ans, Adèle est engagéecomme aide domestique ; Louise se retrouve enmanufacture. Rémi, sorti d'institution à 18 ans,occupe des emplois intermittents, principale-ment dans le domaine de la restauration. Le tra-vail occupe une place centrale dans la vie de cespersonnes. Il est dur, souvent en usine, basé surla capacité physique, mais s'avère égalementvalorisant car il leur permet d'occuper uneposition sociale adéquate. Dans le cadre deson travail en institution, Roger établit unebonne relation avec la clientèle de jeunes héber-gés au centre d'accueil. Il partage son expériencede vie et donne des conseils.

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Leur travail est jugé satisfaisant, on leur offremême des promotions et on valorise leur con-tribution. Le travail joue une fonction identitaireen ce sens qu'il permet la formation et l'entre-tien d'une identité sociale : je travaille à tel en-droit depuis 20 ans. Ce soutien identitaire estfort et utile mais lorsqu'il disparaît, des problè-mes surviennent. Une grève de deux ans se dé-clenche chez l'employeur de Jean-Jacques. Peude temps après, il se trouve aux prises avec unedépression et doit recevoir des soins psychiatri-ques. Louise perd son emploi et souffre elle ausside dépression. Dans toutes ces histoires, le tra-vail donne un sens à la vie.

Une enfance en villeA part leur enfance en milieu urbain, Julien, Rita,Albert et William ont des histoires de vie simi-laires à celles du groupe précédent, et qui se dé-roulent à la même époque. Ces participantes etparticipants sont âgés de 59 à 69 ans. Mêmes'ils ne commencent pas à travailler aussi jeunesque les personnes du groupe précédent, Ritaet Julien arrivent sur le marché du travail à 14ans et William, à 15 ans. Albert, quant à lui,commence à travailler à l'âge de 10 ans.

Julien vit son enfance dans la pauvreté mêmesi son père travaille dans le domaine de la cons-truction. Il fréquente l'école en première année,mais on l'oriente rapidement vers les travauxmanuels. Il se rappelle avoir passé des années àconstruire des cabanes à moineaux. Il croit avoirsouffert de dyslexie non diagnostiquée, mais af-firme également qu'il lui était difficile de fonc-tionner dans des grands groupes de 25 ou 30élèves. Il trouve des emplois réguliers qu'il oc-cupe pendant de longues périodes, dans la cons-truction maritime, puis en usine. Il affirmen'avoir jamais caché ses difficultés à lire ou àécrire au travail et avoir reçu un soutien impor-tant de la part de ses collègues. Après avoir trouvéun emploi dans le domaine de la couture, Ritadevient une couturière hors pair et se voit offrirune promotion. William vit dans la pauvreté,est adopté par une tante et doit être hospitalisépendant de longues périodes à cause d'un acci-dent. Il dit avoir eu des difficultés d'apprentis-sage mais affirme également qu'il avait un ca-

30 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

ractère difficile et quelquefois violent. Il se sou-vient d'une école où l'on était plus fort sur lecatéchisme que sur les leçons. Il a toujours trouvédu travail : dans le domaine de la construction,dans les grands chantiers montréalais des années60-70, en usine ou comme concierge. .Albertpasse son enfance dans une situation de grandepauvreté au sein d'une famille caractérisée pardes problèmes d'alcoolisme et des déménage-ments fréquents. Souvent, il doit recommencerdans une nouvelle école. Il commence à travaillerpour un boulanger à l'âge de 10 ans puis trouveun emploi dans l'agroalimentaire, qu'il occuperapendant 49 ans.

Encore ici, on doit parler d'un travail quidonne un sens à la vie, qui est souvent très durphysiquement, mais qui permet d'occuper uneplace dans la société. Les jeunes d'aujourd'hui,comme nous le verrons plus loin, n'auront pascette chance.

La génération de l'Expo 67Un nombre important des participants et desparticipantes à la recherche sont âgés de 30 à 50ans. Sociologiquement, dans le contexte québé-cois, ils sont identifiés à la génération des baby-boomers. Leur enfance, ainsi que le début de leurvie d'adulte, se sont déroulés dans une périodede transformation rapide de la société : la natio-nalisation de l'électricité, la laïcisation du sys-tème d'enseignement, la mise en place d'un ré-seau moderne de santé et de services sociaux.L'objectif de ces transformations sociales étaitun peu d'éviter les situations vécues par la géné-ration précédente, de moderniser le Québec. Ceque l'on constate plutôt, c'est une transforma-tion des histoires de vie des analphabètes, unetechnocratisation progressive de leur problème.

Viateur vient d'une famille rurale de 15enfants. Souffrant d'un trouble de la vision, ila de la difficulté à convaincre ses parents de l'exis-tence du problème. Cela sera corrigé, grâce àl'intervention d'un professeur, mais trop tard :le retard scolaire accumulé est très important.Depuis maintenant 20 ans, Viateur travaille aumême endroit. Conrad présente des problèmesd'apprentissage et de comportement à l'école. Ilaffirme qu'il faisait rire de lui en milieu scolaire.

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Il veut maintenant donner toutes les chances àses enfants et leur paie même l'école privée. Pro-venant d'une famille où l'alcoolisme perturbe lavie quotidienne, Jérémy souffre de problèmesd'apprentissage et fait son primaire dans une sériede classes spéciales. À 13 ans, il est expulsé del'école à cause de problèmes de comportement.Il occupe le même emploi depuis 33 ans. Mi-reille se souvient d'une école où ses problèmesde comportement la plaçaient dans une situa-tion difficile. Elle se promenait d'une classe spé-ciale à l'autre : « Les moins bons des stupides...les déchets de la société. » Lors d'une rencontred'anciennes élèves, une religieuse montre publi-quement le bulletin où Mireille avait obtenuzéro. Déterminée et débrouillarde, Mireille tra-vaillera surtout en usine où elle obtiendra unposte de contremaître. Lise voit sa scolarisationinterrompue par la maladie. Après une interven-tion en orthophonie, elle recommence l'école à10 ans, mais les problèmes de santé persistent.Elle n'a jamais travaillé et vit avec le mêmeconjoint depuis qu'elle a 16 ans. Liliane n'aimepas l'école et redouble les niveaux à répétition.Natacha présente des difficultés à l'école dès lamaternelle. Elle est envoyée dans ce qu'ellenomme des écoles spéciales, fréquentées par desenfants encore plus démunis. Au secondaire, àla polyvalente, elle dit avoir été placée avec les« attardés mentais ». Victime des pressions et desattaques du groupe, elle consomme de ladrogue. Une maternité lui donne par la suite lecourage de continuer. Lucie provient d'unefamille où ses frères et sœurs auraient eu des pro-blèmes d'apprentissage. Elle aussi sera envoyéeen classe spéciale. Elle commencera à travaillerà 22 ans.

Dans l'histoire du Québec, il s'agit d'une pé-riode de transition et de transformation. Pourles plus âgés de cette génération, les histoires devie ressemblent un peu à celles de la générationprécédente. Le travail y occupe une place im-portante et remplit ici encore une fonctionidentitaire. Pour les femmes, l'analphabétismerisque dans certains cas de les confiner à des rô-les conjugaux, comme celles de la générationprécédente. Cependant, la création d'un réseaupublic d'éducation et de services sociaux amène

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 31

ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

Cinquante ansaprès les orphelinsde Duplessis, on seretrouve face à faceavec les enfants dela DPJ.

progressivement des changements. Les enfantsfréquentent l'école ; les obstacles auxquels a dûfaire face la génération antérieure (éloignement,travail agricole) disparaissent progressivement.La Révolution tranquille se fixe comme objectifla scolarisation de tous et de toutes. Mais celane va pas sans difficultés. À travers les histoiresde vie, on assiste à la professionnalisation desproblèmes sociaux. On voit également le voca-bulaire se transformer et les classes spéciales ap-paraître, de même que les notions de problèmesde comportement et de troubles d'apprentissage. Lesanalphabètes ne sont plus les mêmes. Aupara-vant, ils n'entraient pas dans le système d'édu-cation, maintenant, ils y entrent, y cheminentet en ressortent avec un sentiment d'échec en-core plus grand.

La génération « X »Trois participants à la recherche sont âgés de 22à 26 ans. Leur vie se caractérise par d'impor-tants problèmes d'adaptation familiale et sociale,par de nombreuses prises en charge institution-nelles et par une grande difficulté à se faire uneplace à soi dans la société québécoise. Cinquanteans après les orphelins de Duplessis, on se re-trouve face à face avec les enfants de la DPJ5.

Steve est un enfant maltraité par sa mère. Ilest placé en famille d'accueil de l'âge de 5 ansjusqu'à 11 ans. Il dit n'avoir jamais réussi à l'écolecar il se faisait battre. Le nouveau conjoint de samère l'adopte, mais à cause d'un problèmechronique d'agressivité, Steve est arrêté pourune histoire d'agression et placé en détention.Présentement âgé de 26 ans, il vit en apparte-ment supervisé et n'a pas d'expérience detravail. Pierre dit provenir d'un milieu

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L'analphabétismen'est plus un phénomène

généralisé, mais est associéaux personnes et à leur

condition personnelleou familiale.

criminalisé. À l'âge de 10 ans, il est adopté aprèsune période d'attente de 6 ans. Rapidement, ilest classé en cheminement particulier et changerégulièrement d'école. Adolescent, il a un com-portement agressif qui le conduit en centre d'ac-cueil. Il assimile le langage institutionnel et sedécrit comme MSA (mésadapté socioaffectif).Il occupe des emplois occasionnels l'été, maisvit encore en milieu protégé. René vit plusieursdéménagements et placements. Les services so-ciaux interviennent de manière soutenue danssa vie. Il connaît plusieurs placements dans desfamilles, des foyers et des centres d'hébergement.Sur le plan scolaire, il redouble sa deuxième an-née et se retrouve rapidement en cheminementparticulier. Il occupe de petits emplois irrégu-liers dans des bars.

La tendance notée plus haut se poursuit. Lesystème scolaire et social s'institutionnalise deplus en plus, et un peu comme dans le cas desorphelins de Duplessis, on retrouve de jeunesadultes qui sont des produits de cette institu-tionnalisation. Au point même que l'un de ceux-ci utilise le vocabulaire institutionnel pour sedécrire. Cependant, les stigmates de cette insti-tutionnalisation persistent à l'âge adulte, et latransformation et la complexification du mar-ché du travail empêchent les personnes qui ensont marquées de se servir du travail (commeleurs aînés) pour donner sens à leur vie. Les tra-vaux durs, manuels, peu spécialisés ont disparu,et le moindre emploi dans l'industrie des servi-ces nécessite un diplôme d'études secondaires.La marginalisation est désormais complète.

De l'individuel au collectifQuelles tendances se dégagent de cette analysedes histoires de vie des participants et des parti-cipantes à la recherche ? Principalement, il s'agitdu lien entre l'organisation sociale et les casd'analphabétisme. Chaque époque produit sesanalphabètes, et ceux-ci présentent des caracté-ristiques différentes. La modification des prati-ques en milieu scolaire en donne un bon exem-ple. L'enfant non scolarisé d'avant la guerre de-vient un enfant marginalisé dans le systèmed'éducation. L'absence de débouchés profession-nels pour les jeunes d'aujourd'hui, si l'on com-pare leur situation avec celle de leurs aînés, estun autre exemple de ces différences.

Au départ, l'objectif de la recherche était dedécouvrir les liens qui existent entre l'insertionsociale (particulièrement en ce qu'elle est reliéeà l'emploi), l'estime de soi et l'ensemble des élé-ments qui jouent un rôle dans l'intégration depersonnes analphabètes en démarche d'appren-tissage. À la lumière de l'histoire de vie des par-ticipants et des participantes d'Un Mondalire,nous avons pu explorer ces questions. Et il estvite devenu évident que l'analphabétisme revêtplusieurs visages au fil du temps. Les plus vieuxétaient analphabètes parce que le besoin de main-d'œuvre enfantine était plus important sociale-ment que l'éducation des enfants. Et cela étaitencore plus vrai pour les filles. Même si ces per-sonnes ont souffert à divers degrés de leur anal-phabétisme, celui-ci n'a pas fait obstacle à leurintégration sociale, pas plus qu'il ne les a empê-chés de travailler, de se marier et d'élever unefamille. La plupart d'entre eux ont travaillé plusde 30 ans pour la même compagnie et ont euun mariage qui a duré tout aussi longtemps.

Même si l'analphabétisme n'était pas quelquechose dont on pouvait se vanter, il était tout demême assez répandu pour ne pas constituer ungrand drame personnel, et la blessure psycholo-gique liée au phénomène pouvait être minime.Les participants et les participantes de ce groupeconviennent cependant qu'ils ont eu des emploisextrêmement durs physiquement. C'était le prixà payer pour cette lacune dans leurs compéten-ces. Les orphelins de Duplessis, eux, ont été gran-dement marqués psychologiquement par leur

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

expérience en général et leur analphabétisme.Pour l'un d'entre eux, Jean-Jacques, la blessurepsychologique est grande et ne sera jamais vrai-ment guérie. Il aura travaillé toute sa vie, fondéune famille, il se sera bien intégré socialement,mais il n'aura jamais été vraiment heureux. Unautre des orphelins qui, lui, a passé la plus grandepartie de sa vie en institution, n'a jamais vrai-ment pu travailler ou fonder une famille. Sonintégration sociale reste minimale.

Au cours des générations qui suivent, l'anal-phabétisme devient une histoire de rejet de lapart de la famille ou de l'école et d'interventiondes systèmes scolaires ou sociaux. Familles d'ac-cueil, classes spéciales, centres d'accueil, problè-mes d'apprentissage, problèmes de comporte-ments, piètre estime de soi, etc. L'analphabétismen'est plus un phénomène généralisé, mais estassocié aux personnes et à leur condition per-sonnelle ou familiale. Pour les plus jeunes parti-cipants et participantes à la recherche, il est évi-dent que le travail ne pourra jouer le rôle qu'il aeu dans la vie de leurs aînés, non seulement àcause du changement dans le marché de l'em-ploi, mais parce que ces personnes ont beaucoupplus de problèmes d'adaptation liés à leur expé-rience de vie.

Il est intéressant de noter que le cadre intimeoffert par des centres d'alphabétisation populairecomme Un Mondalire est probablement le meilleurmilieu d'apprentissage pour ces personnes qui nese sont pas senties intégrées, protégées et chéries, àla maison comme à l'école. Ce que les participantset les participantes révèlent sur les gains apprécia-bles liés à leur démarche d'apprentissage et à leurintégration dans la communauté du centre nouspermet de croire que ce cadre peut au moins leurpermettre d'améliorer leur confiance en eux. Pourles plus jeunes, c'est en augmentant leur estime desoi qu'ils parviendront à se dénicher un emploi ouà s'en créer un. Ainsi, une des jeunes femmes ayantparticipé à la recherche a quitté l'aide sociale pourfonder sa propre entreprise. D'autres ont obtenudes promotions. Certaines et certains se disentbeaucoup plus heureux. Le centre d'alphabétisa-tion ne peut faire de miracles, mais il peut donnerun coup de pouce indispensable pour évoluer, etce, pas seulement en alphabétisation.

Cette recherche, par son approche et ses mé-thodes, a permis aux participants et aux partici-pantes de s'approprier leur propre histoire et deréaliser qu'ils ne sont pas « seuls ». Que ce qu'ilsont toujours vécu comme une tare personnelle s'ins-crit dans une réalité collective. Pour beaucoup, ceconstat a amené une certaine « libération ». La re-cherche universitaire a pour but avoué d'accroîtrele savoir des « savants » et de leurs étudiants et étu-diantes. Or, voici une recherche qui, par un effetpervers, a atteint un but tout autre : celui d'accroî-tre le savoir et le bien-être de ceux et celles qui enétaient les sujets.

Ceci nous indique qu'une recherche avec despersonnes vulnérables pourrait n'avoir pour seulobjectif que de réconcilier ces personnes avecleur propre passé, de les amener à comprendreles liens qui existent entre leur situation et lasituation sociale et collective d'une époque. Ellepourrait aussi amener cette collectivité à con-vaincre jeunes et moins jeunes de la nécessité dedénoncer ce criant problème social qu'est l'anal-phabétisme.

1. Subventionnée par les Initiatives fédérales-provinciales conjointesen matière d'alphabétisation (IFPCA).2. Un Mondalire est un groupe communautaire d'alphabétisation si-

tué à Pointe-aux-Trembles, un quartier ouvrier de Montréal. La for-mation y est donnée dans de très petits groupes, dans un environne-ment qui ressemble plutôt à une maison privée qu'à une école. Lenombre de participants et de participantes peut varier d'une année àl'autre ; en 1998-1999, année de la recherche, il s'élevait à une tren-taine.3. Par « sans-parents », nous entendons les personnes qui sont orphe-lines ou qui proviennent de foyers dans lesquels elles n'ont pas reçu lessoins et la protection offerte par un ou des parents responsables.4. Dans le rapport du protecteur du citoyen, on définit les orphelinsde Duplessis de la façon suivante : « Toute personne qui, avant l'âgede 12 ans, a été abandonnée par ses parents biologiques pour des rai-sons sociales, politiques et religieuses, et pour des motifs de décès d'unou des deux parents, a été placée dans les crèches, orphelinats, institu-tions psychiatriques et autres logeant des orphelines et des orphelins,à compter des années 1930 à 1965. » (Daniel JACOBY, Les enfants deDuplessis à l'heure de la solidarité. Rapport du protecteur du citoyen,1997).Des orphelines et des orphelins se sont retrouvés en institution psy-chiatrique parce que celles-ci étaient subventionnées par le gouverne-ment fédéral alors que les orphelinats devaient compter sur la charitédes congrégations religieuses. Plusieurs enfants parfaitement normauxont donc été classés « fous », « déficients mentaux » ou les deux. Etbeaucoup ont été envoyés sur des fermes sur la base des mêmes argu-ments économiques.5. Direction de la protection de la jeunesse.

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maringouinsLa stratégie des

Pourquoi s'occuper dedéveloppement économique ?

Les groupes populairesd'alphabétisation ont-ils

un rôle à jouer ence sens ?

Lise St-Germain, présidenteSylvie Tardif, coordonnatrice

Centre d'organisation mauricien de serviceset d'éducation populaire (COMSEP)

Depuis 1986, l'organisme COMSEP luttecontre la pauvreté. Pour ce faire, il privilégie uneapproche globale, c'est-à-dire que son interven-tion vise à améliorer les conditions de vie socia-les, culturelles, politiques et économiques despersonnes appauvries. Il rejoint annuellementprès de 4 000 personnes, dont 400 participent àtitre de membres à diverses activités et profitentdes services offerts. L'équipe de travail compte17 personnes permanentes et 125 bénévolesœuvrant dans les différents volets d'intervention.Plusieurs comités et activités ont été mis en placepour répondre aux besoins des personnes rejoin-tes et réaliser concrètement la mission deCOMSEP : le comité envol alpha, les cuisinescollectives, le comptoir vestimentaire, le comitéAPPUI (soutien aux familles monoparentales),le collectif de femmes, le collectif d'hommes etde pères, le théâtre populaire, la formation pro-fessionnelle ainsi que le développement écono-mique par la mise en place de micro-entreprisesd'économie sociale.

Le présent article explique pourquoi et dansquel contexte un organisme en alphabétisationet en éducation populaires comme COMSEPs'est intéressé, avec les années, au développementéconomique, comment il a graduellement in-vesti l'univers économique à partir des besoinset réalités des personnes rejointes et quels obsta-

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cles il a surmontés pour relever le défi. Il faitégalement ressortir l'importance du développe-ment économique communautaire dans un pro-jet de société axé sur la démocratie, l'égalité et lajustice, le rôle du mouvement communautaireet la contribution des groupes populaires en al-phabétisation dans l'adoption d'une approchealternative en développement économique.

Des victoires qui motivent l'actionAlphabétiser, on l'a dit, c'est travailler à amélio-rer les conditions de vie sociales, politiques, cul-turelles et économiques des personnes. Cetteperspective globale a toujours été présente dansl'approche de notre organisme, et nous avonsconçu au cours des années des pratiques qui agis-sent sur chacune de ces dimensions. À ce titre,notre organisme participe aux grandes luttes dumouvement communautaire (projet de loi con-tre la pauvreté, marche des femmes, chômage,aide sociale, salaire minimum, etc.), mais aussiessaie concrètement de remporter des victoiresà plus petite échelle pour donner espoir aux per-sonnes, leur permettre de croire en elles et enleur potentiel. Par exemple, notre organisme adéposé avec ses membres un mémoire sur l'ac-cès à la culture1. Cela a donné lieu à des enten-tes avec la Corporation culturelle de Trois-Ri-

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vières et d'autres organismes pour que les per-sonnes à faible revenu aient accès à des specta-cles, à des musées, à la bibliothèque et à des re-présentations théâtrales.

Par l'alphabétisation, nous tentons de mettreen action les personnes et de favoriser l'exerciced'une citoyenneté participative. À chacune desélections fédérales, provinciales ou municipales,des ateliers d'alphabétisation-conscientisationsont organisés afin que les personnes soient in-formées et comprennent les enjeux politiques etéconomiques. À ces occasions, nous invitons lescandidats et les candidates de chaque parti à undébat et nous permettons aux personnes de leurposer les questions qui les préoccupent.

Notre organisme a mené, il y a quelques an-nées, une petite lutte au niveau municipal pourque les personnes à faible revenu aient accès, àtrès faible coût, à la plus grande piscine publi-que familiale de Trois-Rivières. Après plusieursdémarches et quelques sorties médiatiques, nousavons eu gain de cause.

Ces petites victoires permettent aux gens decroire aux luttes qui sont plus difficiles à gagner,c'est-à-dire les luttes à une plus grande échellequi interpellent les structures politiques et éco-nomiques et qui feront, à long terme, sortir lespersonnes de leur situation de pauvreté.

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La question de L'emploi,à COMSEP, est devenue

importante à partir du momentoù les membres y ont accordé

de l'importance et y ont vuune solution à leur exclusion,

une voie de sortie àleur pauvreté.

De l'intervention socialeà l'économie socialeCertains diront : pourquoi se mêler de l'écono-mique et de l'emploi alors que la mission desgroupes populaires en alphabétisation relève plusdes dimensions sociales et éducatives ? Notreréponse à ce questionnement et à ce débat nousest venue des préoccupations et des besoins denos membres. La question de l'emploi, àCOMSEP, est devenue importante à partir dumoment où les membres y ont accordé de l'im-portance et y ont vu une solution à leur exclu-sion, une voie de sortie à leur pauvreté. Dans laperspective d'une approche globale de l'inter-vention, il nous apparaissait tout à fait néces-saire de lier les problèmes sociaux aux condi-tions économiques et de tenter de trouver desréponses cohérentes. Et c'est là qu'a commencéun grand défi pour notre organisme, celui del'emploi. Même si le bien-être des individus nepasse pas seulement par l'emploi, il n'en demeurepas moins que dans notre société nord-améri-caine, le travail joue actuellement un rôle im-portant et déterminant, particulièrement en ter-mes de reconnaissance sociale, d'identité et delien social. Les personnes analphabètes ont aussiintégré ces valeurs dominantes et aspirent à lareconnaissance sociale que pourrait leur appor-ter un travail. Même s'il ne constitue pas la seulesource d'épanouissement, nous croyons tout demême que le travail est un moyen d'améliorerles conditions économiques des personnes et delutter contre leur exclusion. Remplis de bonnes

intentions, nous nous sommes donc lancés danscette aventure sans trop en évaluer au départ lesobstacles. Cependant, nous nous sommes rapi-dement heurtés à un obstacle majeur, celui del'accès à l'emploi des personnes peu scolarisées.

En effet, l'accès à l'emploi pour les personnespeu scolarisées est un défi de taille. Un adulteanalphabète venant de terminer un processusd'alphabétisation possède l'équivalent d'une pre-mière secondaire. Rares sont les personnes quisuivent un processus afin d'obtenir les équiva-lences du secondaire, alors que les exigences dumarché du travail actuel sont de plus en plusaxées sur des critères de scolarité. Par exemple,pour balayer les rues aujourd'hui, on doit pos-séder une cinquième secondaire.

Pourtant, après avoir traversé tout un proces-sus d'alphabétisation, ces personnes se sententprêtes et mieux outillées pour affronter la so-ciété, et leur désir le plus grand est très souventde se sortir de leur pauvreté par l'obtention d'unemploi. Mais il ne suffit pas de vouloir un em-ploi pour en avoir un. Ceux et celles qui onttenté de relever le défi ont dû faire face à uneréalité qui les frappe de plein fouet, celle du murde l'emploi.

En effet, selon une étude réalisée par DenisRoss en 19962, 68 %, soit plus des deux tiersdes personnes peu scolarisées ayant moins d'unecinquième secondaire sont sans travail, et 77 %des personnes n'ayant pas atteint une deuxièmesecondaire ne travaillent pas.

Afin de permettre à ces personnes d'avoir ac-cès à un emploi et en tenant compte des réalitésactuelles et des exigences du marché, COMSEPa décidé de relever le défi du développementéconomique. Pour ce faire, nous avons mis enplace un programme de formation préparatoireà l'emploi adapté aux personnes peu scolariséesdans des métiers peu spécialisés en demande surle marché. Notre organisme offre donc des pro-grammes de formation professionnelle dans desmétiers aussi variés que la cuisine d'établisse-ment, le transport routier, la couture industrielle,l'aide domestique, l'opération de machine à boiset la manutention. Le programme présente lapossibilité de faire des stages en milieu de tra-

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

vail. De plus, un accompagnement soutenu estoffert durant toute la formation, au moment desstages, pendant la période de recherche d'em-ploi ainsi qu'en emploi. Cette démarche adap-tée nous permet d'avoir un taux de placementet de rétention à l'emploi de 83 %.

L'entrepreneuriat collectifcomme projet de sociétéMalgré tous nos efforts et notre taux de réussiteélevé, ce programme, même s'il s'adresse à desgens peu scolarisés, était encore trop difficilepour certaines personnes, en particulier celles quiont une plus faible scolarité (première secondaireet moins) et qui ont été plus longtemps éloi-gnées du marché du travail. En effet, danscertains cas, le retour en emploi dans le marchédu travail actuel est un choc et une réalitécomplexe. Malgré le désir d'occuper un emploiet de « travailler comme tout le monde », unefois les deux pieds dedans, c'est un tout autredéfi ! Leur condition de pauvreté a laissé chezces personnes un héritage qui se traduit parl'insécurité, la peur de l'échec et une capacitéde production parfois diminuée en raisond'une santé précaire, tous des facteurs pouvantmalheureusement nuire à leur intégration àl'emploi.

Pour faire face à ces obstacles, COMSEP adécidé d'innover encore et de créer des micro-entreprises de nature collective ayant comme fi-nalité sociale l'intégration des personnes peuscolarisées exclues du marché du travail. La pre-mière entreprise à voir le jour a été un service detraiteur, les Buffets Bouff'elles. Ce projet a étélancé par un groupe de femmes issues des cuisi-nes collectives qui désiraient relever le défi del'emploi. L'idée d'un service de traiteur leur per-mettait de miser sur les compétences et les capa-cités qu'elles avaient acquises dans leur rôle demère et de les transférer dans une situation detravail rémunéré. Le fait d'être accompagnéesdans leur démarche par COMSEP les a sécuri-sées. Le service de traiteur, situé dans les locauxde l'organisme, leur a permis de bénéficier, pen-dant la période de démarrage, du soutien finan-cier et technique de COMSEP. En plus de gérer

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 37

un café-restaurant et un casse-croûte estival,Bouff'elles est maintenant devenu le troisièmetraiteur en importance à Trois-Rivières.Bouff'elles a créé depuis son ouverture quatreemplois à temps plein et six à temps partiel.

COMSEP a également mis sur pied une ébé-nisterie ainsi qu'une micro-entreprise d'ensachagede café. De plus, afin de répondre à un plus grandnombre de besoins, nous avons créé en 1996ECOF (Economie communautaire deFrancheville), un nouvel organisme dont la mis-sion première est de favoriser l'accès à l'emploi despersonnes peu scolarisées par la mise en place demicro-entreprises et de services liés à l'emploi.

Dans une perspective d'éducation populaire,le développement économique communautairevéhiculé par COMSEP a des visées sociales etalternatives et s'inscrit dans un projet de sociétéglobal qui vise la démocratisation de l'écono-mie. À ce titre, les entreprises créées misent surles principes et les valeurs d'un projet de sociétéplus juste sur les plans économique et social. Cesprincipes, similaires à ceux de l'économie sociale,reposent sur la gestion collective des entrepri-ses, la finalité sociale, la redistribution des sur-plus d'argent, la création d'emplois durables etl'obtention de salaires décents. Les entreprisesd'économie sociale posent le défi de faire de l'éco-nomie une économie au service des personneset en solidarité avec les personnes exclues. Il s'agitdonc d'intégrer, aux dimensions économiques dutravail, des dimensions sociales. Bien évidemment,cet objectif ne se réalise pas sans défis.

Dans notre sociéténord-américaine, le travailjoue actuellement un rôleimportant et déterminant,particulièrement en termesde reconnaissancesociale, d'identitéet de lien social.

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Le milieu social ne peutà lui seul se préoccuper du sort

des plus démunis de la société, carl'exclusion, c'est la responsabilité

de tout le monde, de la sociétéet de ses actrices et acteurs

institutionnels, économiques,politiques, syndicaux ou

issus du mouvementchrétien engagé.

Le premier défi provient du choc des culturesentre le monde de l'économique et le monde dusocial, comprenant les milieux communautaire,syndical, chrétien et institutionnel. En effet, lapratique nous a démontré que notre vision desproblèmes sociaux est très différente. Les actri-ces et les acteurs sociaux ainsi que ceux de l'éco-nomique doivent donc adopter une visioncommune des problèmes avec lesquels sont auxprises les personnes exclues et trouver des moyenspour les régler. Le deuxième défi consiste à ap-prendre collectivement à travailler autrement, àpartir d'une approche concertée, globale et in-tégrée et non en vase clos, à mettre un frein ànos luttes de pouvoir et à reconnaître récipro-quement nos expertises. Cela veut dire, de partet d'autre, faire des compromis en gardant tou-jours en tête les valeurs de fond et l'objectif fi-nal. Troisièmement, il faut travailler ensemble àdes projets concrets et non seulement sur desidées. Cela signifie tenter des expériences nou-velles et sortir des sentiers battus. À ce titre, nouscroyons que les actrices et les acteurs du socialsont des spécialistes en la matière. Le quatrièmedéfi est d'inclure dans la démarche les premièrespersonnes concernées, c'est-à-dire celles aux pri-ses avec les problèmes. Du côté du social, celava de soi, mais c'est beaucoup moins évident ducôté des acteurs économiques. Le dernier déficonsiste à reconnaître la nécessité de lutter glo-balement contre l'exclusion et non uniquementcontre le chômage. Il s'agit sûrement de la con-tribution que peuvent apporter le social et l'éco-

nomique ensemble. En effet, l'emploi ne règlepas tout. La pauvreté, c'est aussi des problèmesde logement et d'accès aux loisirs, aux ressour-ces, à la culture, aux services de santé. Cela veutaussi dire régler les problèmes de faim, de vio-lence, d'isolement, etc. Lutter contre la pauvretéimplique un combat sur deux fronts, l'écono-mique et le social.

Le rôle du mouvement communautaireet des groupes populaires dans ledéveloppement économiquePlusieurs obstacles se présentent quand on dé-cide de concilier monde économique et mondesocial. Premièrement, à cause de leur méconnais-sance de l'économie sociale, les acteurs et actri-ces économiques et politiques considèrent tropsouvent les acteurs de l'économie sociale commedes joueurs de ligues mineures. Plusieurs préju-gés sont véhiculés à l'égard des pratiques d'éco-nomie sociale et de développement économiquedu communautaire, souvent qualifié de milieu« broche à balle » ! Un autre obstacle est lié auxlimites des personnes avec qui on travaille. Eneffet, la condition sociale de ces personnes lesdésavantage sur plusieurs plans et réduit leurpotentiel à long terme. De plus, les entreprisesd'économie sociale doivent compétitionner dansle marché en tenant compte des principes et desvaleurs qu'elles défendent, ce qui les empêcheparfois d'être concurrentielles. Œuvrer en éco-nomie sociale dans le marché actuel, c'est uncombat entre David et Goliath.

Le dernier obstacle est le rapport au temps.En éducation populaire, en alphabétisation po-pulaire, en économie sociale, nous avons besoinde temps pour réaliser nos projets et pour aiderles gens à sortir de la pauvreté. Or, l'État et nousn'avons pas le même rapport au temps. Par exem-ple, pour nous, une démarche de deux ans estune démarche à « court terme », alors que pourl'Etat, c'en est une à très long terme. À notreavis, le temps est lié au processus dans lequels'inscrivent les personnes. Le processus est aussiimportant que les résultats, car c'est par lui trèssouvent qu'il est possible de créer des espaces decitoyenneté pour les personnes exclues. Il estdonc nécessaire, dans cette perspective, de tra-

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ÉCHOS ET RÉFLEXIONS

vailler avec les gens concernés, avec eux et non àleur place, de croire en leur potentiel et de four-nir des moyens, des ressources et des conditionsqui feront émerger ce potentiel.

Les espaces de citoyenneté s'inscrivent dansle champ du social, mais aussi dans celui de l'éco-nomique. Grâce aux expériences entre-preneuriales, les personnes acquièrent des capa-cités de gestion, des connaissances qui leur per-mettent de prendre part aux décisions et de jouerun rôle plus actif. Dans les entreprises, on gèrecollectivement l'organisation du travail, les fi-nances, les ressources humaines, mais aussi lespetits et gros problèmes du quotidien. Ainsi, ontisse par le travail le lien social qui se trouve à labase de tout exercice de la citoyenneté. Mais pourque cela se fasse, il faut que le monde du socials'aventure dans le monde de l'économique.

Quelle est la responsabilité des groupes po-pulaires en alphabétisation en regard de cettequestion ? A notre avis, le milieu social ne peutà lui seul se préoccuper du sort des plus dému-nis de la société, car l'exclusion, c'est la respon-sabilité de tout le monde, de la société et de sesactrices et acteurs institutionnels, économiques,politiques, syndicaux ou issus du mouvementchrétien engagé. Cependant, les groupes popu-laires en alphabétisation et le mouvement com-munautaire ont acquis par leur pratique uneexpertise importante en matière de démocratie,de citoyenneté et d'éducation populaire. Cetteexpertise doit être mise au profit de nouvellespratiques sociales en développement économi-que. Pourquoi laisserions-nous une dimensionaussi importante que le développement écono-mique dans les mains des seuls acteurs et actri-ces économiques ? Il nous semble que la dimen-sion économique de nos luttes politiques et so-ciales est trop importante pour que nous la lais-sions uniquement sous la responsabilité des per-sonnes qui ont du pouvoir dans la société. Il estnécessaire de mettre à profit le rôle politique denos organisations afin d'élargir nos luttes et d'yfaire valoir nos préoccupations, celles des per-sonnes exclues, ainsi que notre projet de société.Les groupes communautaires sont aussi des grou-pes de pression dont le rôle est de faire entendrela voix des populations qui n'ont pas la possibi-

lité de revendiquer, ni de s'adresser aux élus, à lasociété ou aux acteurs et actrices économiques.Dans le contexte d'un discours néolibéral do-minant, il nous apparaît encore plus nécessairede se mêler, au nom de la démocratie, de l'éga-lité des chances et de la justice sociale, des affai-res économiques de notre société. Si nous nejouons pas ce rôle, qui le fera ?

La stratégie des maringouinsEn conclusion, nous aimerions vous présenterla stratégie élaborée par notre organisme avecles années. Que ce soit dans nos luttes sociales,politiques ou économiques, nous avons très sou-vent à relever des défis et à surmonter des obsta-cles. L'histoire des luttes populaires nous a dé-montré que chaque fois que nous nous lançonsdans le champ de la défense des droits des per-sonnes exclues, appauvries, stigmatisées, nousnous attaquons à la grande armée. Quand nousaffrontons des défis de taille, nous nous sentonssouvent minuscules et isolés, et les obstacles noussemblent insurmontables. Pour garder courage,nous avons mis en branle, à COMSEP, la straté-gie des maringouins. Ainsi, au besoin, les mem-bres de COMSEP se transforment en tout pe-tits maringouins. Un seul maringouin peut pa-raître bien insignifiant, mais imaginez un ins-tant une nuée de maringouins fonçant vers unobjectif commun ? Cela peut amener des trans-formations radicales ! Un premier ministre,même avec tout son pouvoir, ne pourrait pasrésister à des milliers de maringouins dans unepetite tente de camping !

En nous regroupant, en nous fixant des ob-jectifs communs, nous pouvons relever des dé-fis majeurs comme changer les mentalités, amé-liorer les conditions de vie et transformer ainsila société. À vous de définir votre propre straté-gie pour accomplir vos missions.

1. Voir l'article « L'accès à la culture » dans Le Monde alphabétique,

n° 12, p. 7.

2. Denis ROSS, Les personnes peu scolarisées et l'emploi, Montréal,

Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec,

1996, 66 pages.

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40 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Avons-nousrelégué nos valeurs

communautairesau second plan

dans l'applicationdu nouveauCode civil ?

Brigitte Létourneau, responsable de la formation auRGPAQ, en collaboration avec Lise Gervais, formatriceau Centre de formation populaire

Au cours des dernières années, certains ou cer-taines d'entre nous avons peut-être été témoinsde conseils d'administration prêts à faire la loidans nos organisations sous prétexte qu'ils étaientdésormais devenus légalement responsables deleurs actes et que les administrateurs et admi-nistratrices pourraient être individuellementpoursuivis devant les tribunaux. D'autres grou-pes ont brandi, en période de crise, le bâillon dela loi afin d'éviter à l'assemblée générale de fairedes débats qui auraient pu les désavantager, alorsque ces débats étaient essentiels au développe-ment de l'organisme. Au-delà du Code civil etdu respect de la loi, nous est-il possible de réflé-chir aux choix éthiques que nous pouvons oudevons faire en regard de la loi ? Est-il possiblede respecter la loi tout en respectant nos valeurscommunautaires ?

S'il y a un objectif pour lequel le mouvementcommunautaire se bat ardemment, et ce, depuisles débuts de son existence, c'est bien celui dechanger le monde. Objectif irréaliste ? Lutte in-sensée ? Qu'on le veuille ou non — et au nomde convictions profondément ancrées — la luttecontre les injustices et la redéfinition des rap-ports actuels de pouvoir demeurent le pain quo-tidien des militantes et des militants engagés dansles groupes communautaires. Conséquemment,la place et la parole des personnes économique-ment défavorisées prennent tout leur sens autantdans la société que dans nos groupes, puisqueces derniers représentent un lieu formidabled'exercice de la citoyenneté et d'apprentissagedu pouvoir collectif. Cette façon de faire sesitue donc au cœur des changements espérés.

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ENJEUX

Mais voilà, la souveraineté de nos membres,souvent acquise et maintenue au prix de duresluttes externes et internes (luttes pour la recon-naissance de nos pratiques par le gouvernement,luttes pour l'autodétermination et même luttesinternes de pouvoir), a-t-elle été balayée par l'en-trée en vigueur du nouveau Code civil en 1995 ?

Le Code civil remet-il enquestion nos façons de faire ?Précisons d'abord le rôle des membres d'unorganisme en ces termes :

« [...] Les membres ne peuvent exercer aucuncontrôle direct sur l'administration de la corpo-ration et ils ne participent aucunement aux dé-cisions de gestion courante. Ils ne peuvent gé-néralement pas :• empêcher les administrateurs d'agir ;• ni leur donner des instructions ;• ni faire annuler leurs actes.

« Ainsi, les résolutions adoptées par l'assem-blée générale doivent être reçues comme des sug-gestions ; c'est la volonté, le vœu des membresqui s'expriment. Le conseil d'administrationpourra cependant en disposer comme il l'entend,en considérant les tenants et les aboutissants decelles-ci dans le meilleur intérêt de la corpora-tion.

En vertu de la loi, les membres d'un

organisme possèdent les droits suivants :

• Droit à un traitement égalitaire ;• Droit au respect des lettres patentes et des

règlements généraux;• Droit d'assister aux assemblées des membres,

d'y prendre la parole et d'y voter ;• Droit d'être élu au conseil d'administration ;• Droit de recevoir les états financiers et les

rapports des administrateurs et administratrices ;• Droit de consulter les livres et les registres

concernant la structure de la corporation (lettrespatentes, règlements généraux, liste des membreset des administrateurs et administratrices).

« Par conséquent, les seuls véritables pouvoirsdes membres consistent à :• élire les administrateurs et, le cas échéant, les

destituer si ce pouvoir leur est conféré dansles lettres patentes ;

• nommer le vérificateur des comptes, s'il y alieu ;

• ratifier les changements aux règlements gé-néraux ; approuver les changements aux let-tres patentes [...]1. »L'application stricte du Code civil, on le cons-

tate, risque de remettre en question le rôle del'assemblée générale. Si le conseil d'administra-tion ne se sent pas lié aux décisions (ou sugges-tions) de ses membres, il risque de nier les va-leurs sur lesquelles repose le mouvement com-munautaire. De plus, pour exister, nous avonsbesoin de l'intérêt et de la mobilisation de nosmembres. Cultiver un sentiment d'appartenancechez nos membres nous permet de mieux at-teindre nos objectifs communs. Administrerl'organisation dans le respect de sa base va depair avec le « meilleur intérêt » de la corpora-tion. Rappelons qu'une assemblée de mem-bres insatisfaite peut mener à une destitutiondu conseil d'administration, à une désaffec-tion des membres et à une perte de crédibilitéde l'organisme.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 41

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Que recherchons-nous dans l'association ?

En premier lieu, une association estun espace de liberté. Les personness'associent librement. L'idée d'es-pace implique que les associés dé-terminent eux-mêmes l'association,ses activités, ses orientations. Siune contrainte extérieure intervientd'une quelconque façon, nous nepouvons plus parler d'associationcomme espace de liberté.

Deuxièmement, une associationest un outil pour la mise en évidence

de situations problématiques qui, àterme, donneront lieu à de nouveauxdroits. Un exemple éloquent de cetype de pratique sont les groupes defemmes qui travaillent contre la vio-lence. Il y a à peine 20 ans (dans lesannées 70), la violence conjugaleétait tolérée. Aujourd'hui, c'est dif-férent. Sans ces groupes, où en se-raient les droits des femmes ? Cesassociations ont donc permis l'éclo-sion de nouveaux droits.

Troisièmement, les associationspermettent l'exercice des droitsexistants. Les citoyens et les ci-toyennes ont des droits, les chartesles protègent et de multiples légis-lations permettent de freiner lesabus. Mais comment faire appliquerces différents droits ? En tant qu'in-dividus, nous sommes souvent dé-munis quand vient le temps de fairerespecter nos droits. Les associa-tions permettent de trouver l'infor-mation et le soutien nécessaires aumoment de se battre contre des bu-reaucraties trop lourdes et compli-quées. Les associations, dans ces si-tuations, permettent et favorisentl'application des droits existants.

Quatrièmement, les associa-tions permettent une participa-tion à la vie démocratique. Dansnotre système parlementaire,l'exercice de la démocratie peutse limiter, et se limite trop sou-vent, à un vote tous les quatreans. Le travail des associationspermet à la population de s'expri-mer entre les élections. Les voixconjuguées d'un groupe de ci-toyens et de citoyennes sont plusfacilement « entendables » quecelle d'un individu isolé. Les as-sociations, à ce titre, permettentle maintien d'une certaine vitalitédans notre démocratie.

Et cinquièmement, les asso-ciations sont des lieux et des es-paces privilégiés pour l'appren-tissage de la citoyenneté. Êtrecitoyen et citoyenne, ce n'estpas inné, ça s'apprend ! Maispour apprendre, on doit pouvoirexpérimenter, prendre graduel-lement des responsabilités,composer avec un groupe, fairevaloir ses opinions, écouter etcomprendre un point de vue dif-férent. .. Bien peu de lieux exis-tent pour cet apprentissage ci-vique, et faute d'améliorer noscapacités d'exercer notre rôlede citoyen, citoyenne, c'est laqualité de la vie démocratiquequi se détériore.

Tiré d'une allocution prononcée par LiseGervais, du Centre de formation populaire,lors du colloque ASEMO en 1993.

Autre fait important : nos choix passés faceà la souveraineté des membres tirent leur ori-gine des façons de faire du mouvement syndi-cal, dans lequel nous nous reconnaissions àl'époque (années 70). À l'heure actuelle, leslois qui touchent les organismes sans butlucratif (le Code civil et la loi sur les compa-gnies, particulièrement la troisième partie)encadrent une multitude d'organisations aveclesquelles nous n'avons pas beaucoup en com-mun (organismes de bénévolat, de loisirs,organismes de services, etc.). Les lois tententde donner des bases communes de fonction-nement à des organismes sans tenir comptedes particularités du mouvement communau-taire telles que notre mission, nos valeurs,notre philosophie.

D'un autre côté, peu importent les choixéthiques que font les conseils d'administration,il est vrai que, advenant l'éventualité d'unepoursuite judiciaire contre l'organisme, le C.A.est légalement responsable et ne peut se déres-ponsabiliser en prétextant qu'une décision aété prise en assemblée générale. Il faut que lesdécideurs fassent preuve de bon sens et quel'organisme communautaire établisse des rô-les clairs pour chaque structure (C.A. et A.G.).

Il est normal qu'un C.A. fasse un travail de« déblayage » afin que l'assemblée des mem-bres soit fonctionnelle. Par exemple, il seraitbien inefficace d'apporter des changementsaux règlements généraux en assemblée géné-rale (en grand groupe) et espérer assurer unecertaine cohérence d'un règlement à l'autre.Le rôle de l'assemblée est plutôt d'indiquer auxadministratrices et administrateurs s'ils font ounon fausse route et leur suggérer une direc-tion à prendre.

Les groupes communautaires se sont dotésde structures généralement assez bien définiesafin d'assurer la continuité et la cohérence desdécisions dans l'organisation. L'A.G. définitles grandes orientations, le C.A. s'assure de laréalisation des orientations pendant l'année etles membres de l'équipe voient à l'exécution

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ENJEUX

du travail. Cependant, cette définition des rôlesdes structures n'est pas toujours très claire dansla pratique quotidienne, d'où l'importance d'uneformation et d'un questionnement continuelsafin que les militants et les militantes des grou-pes comprennent bien le rôle qu'ils peuventjouer, et que celui-ci soit toujours adéquat pourla bonne marche de l'organisme.

Est-il possible d'éviter lesC.A. trop « contrôlants » ?La loi est incontournable, maiselle ne devrait jamais empêcherle débat. Lorsqu'on en vient àchercher une réponse juridiqueà nos différends, c'est souventpour empêcher le débat d'avoirlieu et pour éviter par le faitmême de mettre en évidence cer-taines difficultés. Même si onempêche les débats au moyend'arguments juridiques, les dif-ficultés non résolues finissentpar ressurgir et parfois encoreplus douloureusement que si ony avait fait face dès le début.

L'aspect financier motiveaussi certains conseils d'adminis-tration à « prendre le contrôle ».Au moment de l'entrée en vi-gueur du nouveau Code civil,plusieurs bailleurs de fonds ontexpliqué aux administrateurs etaux administratrices qu'ils pour-raient faire face à d'éventuellespoursuites judiciaires individuel-les s'ils ne prenaient pas la situa-tion en main. Ceci a parfois eupour effet de décourager certai-nes personnes de militer au seind'un C.A. ou encore d'en ame-ner d'autres à tout contrôler.Plusieurs se sont questionnés surla nécessité de prendre

Lorsqu'on en vient à chercher

une réponse juridique à nos

différends, c'est souvent pour

empêcher te débat d'avoir lieu

et pour éviter par le fait même

de mettre en évidence

certaines difficultés.

Afin d'aider les conseils d'administration à exercer leur rôlejudicieusement, Centraide, le principal bailleur de fondsd'un grand nombre d'organismes, a élaboré 15 règles d'or :

1- Participer régulièrement aux réunions.2- S'assurer que l'organisme conserve tous les procès-

verbaux du C.A. ainsi que les décisions officielles.3- Exercer un contrôle général des activités et des ressour-

ces de l'organisme.4- Avant de prendre une décision, se renseigner sur son

implication et sa pertinence.5- Quand quelque chose ne va pas, s'en inquiéter tout de

suite et réagir en conséquence.6- Insister pour que des rapports financiers et d'activités

soient présentés régulièrement aux réunions du C.A.7- S'assurer que l'organisme retienne les services d'un

comptable agréé pour la vérification des états financiers.8- Demander à l'organisme de consulter un avocat dans les

situations où une gestion prudente est de rigueur.9- Demander des comptes rendus écrits des réunions des

comités du C.A. lorsqu'il y a des décisions à prendre.10- Adopter des budgets équilibrés et éviter de contracter

des dettes.11- Bien connaître les autres membres du C.A. et le person-

nel de l'organisme.12- Adopter et respecter des méthodes de travail accepta-

bles pour tous les membres du C.A.13- Éviter les règlements et la paperasse qui ne sont pas

réellement utiles.14- Éviter les conflits d'intérêts.15- Acquérir une bonne connaissance de l'organisme et de

son secteur d'intervention afin d'assumer les responsa-bilités relatives à sa gestion.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 43

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des assurances. Bien que celles-ci ne soient pascontre-indiquées, elles sont bien souvent coû-teuses pour les groupes. Il faut bien définir leurnécessité, car personne n'est couvert en cas defraude ou de mauvaise foi.

A-t-on raison de s'en faire ?Même si le nouveau Code civil ne donne paslieu à de nouvelles règles de conduite, la placequ'a prise son interprétation dans nos organisa-tions est importante, peut-être trop. Le problèmene réside-t-il pas dans le fait que certains orga-nismes appliquent ces règles à la lettre, dans unsouci bien compréhensible de respecter la loi,mais sans trop se questionner sur les conséquen-ces que cela pourrait avoir sur le respect de leurmission et des valeurs communautaires ?

Il ne faut pas croire que « l'entrée en vigueurdu nouveau Code civil du Québec a amplifié lesdevoirs et la responsabilité. Le code n'a, en réa-lité, fait que «codifier», formuler les principesqui existaient déjà, sans les modifier substantiel-lement. Or, ces principes n'ont jusqu'à présentmené à pratiquement aucune condamnationd'administrateurs de corporations sans but lu-cratif, du moment que ceux-ci agissent de bonnefoi, avec probité et bon sens. Le bénévolat n'ajamais été et il n'est pas devenu un piège. [...]En définitive, les seules matières dont on doitvraiment et constamment se préoccuper (et pourlesquelles on peut se protéger par de l'assurance)sont le paiement des salaires des employés, lesretenues à la source fiscales et les contributionsd'employeur de la corporation2. »

1. Cité dans Pouvoirs, rôles et responsabilités dans un organisme sans butlucratif, Programme de soutien aux organismes sans but lucratif,Service des sports, des loisirs et du développement social, Ville deMontréal, 1996, p. 22.2. Paul MARTEL, Administrateurs de corporations sans but lucratif:le guide de vos droits, devoirs et responsabilités, Montréal, ÉditionsWilson et Lafleur, 1996, p. 94.

44 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Depuis plus de dix ans, l'équipe deCLÉ1 a entrepris d'intégrer les NTIC(nouvelles technologies de l'informa-tion et de la communication)2 à sesactivités, et ce, dans le respect maxi-mal de sa mission, de ses objectifset des principes de l'alphabétisationpopulaire. À l'automne 1999, l'équipes'investissait dans un projet derecherche financé par le Bureaudes technologies d'apprentissage(BTA)3 pour répondre aux questionssuivantes :• Quelles sont les conditions préa-

lables favorables à l'utilisationdes NTIC dans un organisme d'al-phabétisation populaire ?

• Quels sont les changements ap-portés par les NTIC dans les pra-tiques du groupe ?

• Quelles sont les pistes de ré-flexion suscitées par l'utilisationdes NTIC dans les groupes popu-laires et communautaires ?Cette recherche comporte deux

phases. En premier lieu, nous voulonscerner l'impact des NTIC sur tous lesplans (technique, organisationnel, ad-ministratif, associatif, pédagogique,etc.) dans un organisme comme CLÉ.Ensuite, nous souhaitons pousserplus loin la réflexion, en collaborationavec un réseau de partenaires desmilieux communautaire et de l'alpha-bétisation populaire.

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EN BREFL'impact des nouvelles

technologies de l'information surles pratiques d'un groupe populaire

d'alphabétisationSerge Quenneville, consultant

Des conditions préalablesLors de la phase 1, nous avons tentéde déterminer les conditions préala-bles à l'utilisation des NTIC, afin deconnaître certains des facteurs desuccès ainsi que les raisons et les mo-tivations qui justifient la décisiond'intégrer les NTIC dans un groupepopulaire. Dans le contexte social ac-tuel, le discours dominant des sec-teurs privé et gouvernemental sur lesNTIC vante leurs effets sur la produc-tivité et le rendement au travail enplus d'affirmer qu'elles contribuent àaugmenter la consommation, à amé-liorer la rapidité et la vitesse d'exé-cution, à diviser les tâches, à couperdes emplois et à accroître les profits.Qu'est-ce qui caractériserait l'inté-gration des NTIC dans le milieu com-munautaire ?

La culture des groupes populaires,représentés ici par CLÉ (mission à butnon lucratif, structure démocratique,recherche de nouvelles règles pourvivre ensemble et désir de constituerun savoir populaire), rend spécifiquesles conditions préalables à l'intégra-tion des NTIC dans le milieu commu-nautaire. Ces conditions préalables« structurelles » offrent un environne-ment propice à l'appropriation duchangement, du « nouveau », dans le-quel s'inscrivent les NTIC.

Il existe aussi des conditions préa-lables qui répondent à des considé-rations « contextuelles4 ». Les parti-cipants et les participantes à la phase1 ont clairement exprimé que la prise

de conscience des conditions préa-lables aidait à l'intégration des NTICdans le groupe. À CLÉ, deux facteursont facilité et accéléré le processusd'intégration des NTIC : d'une part,la préparation de l'équipe aux enjeuxsociaux liés aux NTIC5, et d'autre part,la présence au conseil d'administra-tion de bénévoles6 qui ont non seu-lement appuyé les projets mais aussiparticipé à leur élaboration et à leurgestion, le tout dans un contexte oùle financement public valorisait cegenre de projet.

Pratiques et usagesNous avons constaté que les usagesdes NTIC porteurs d'enjeux sociauxet politiques sont principalement liésà la communication et à la vie asso-ciative, alors que les usages relatifsà l'administration et à l'informationrenforcent les tâches traditionnelleset sont plutôt de l'ordre de l'adapta-tion à un travail prescrit : il est plusfacile d'intégrer les NTIC à un travailde comptabilité qu'à un processusd'apprentissage avec les apprenantset les apprenantes en atelier.

C'est le poste occupé au sein dugroupe qui déterminerait les usagesque l'on fait des NTIC, mais c'est l'or-ganisation collective que l'on sedonne qui assure le degré d'appro-priation des NTIC dans le groupe.Bien qu'il y ait encore à CLÉ des tâ-ches pour lesquelles les NTIC ne sontpas ou peu utilisées (réunions, ani-mation, recrutement, promotion), cel-

les-ci sont de plus en plus présentesdans tous les champs d'activité. Cesont surtout les conditions dans les-quelles on utilise les NTIC, ainsi quela qualité du parc informatique qui dé-terminent les usages associés à cestechniques. À CLÉ, comme le parc in-formatique est insuffisant (quantitéet qualité) et désuet, il ne permet pasl'utilisation de logiciels « avancés »,l'installation d'un intranet, l'accès àInternet pour les apprenants et les ap-prenantes, la compatibilité entre en-vironnement PC et Macintosh, etc.Ces conditions obligent l'équipe àfaire toutes sortes de concessions età s'adapter de diverses façons : tra-vail à domicile, organisation d'ate-liers à l'extérieur et recherche definancement.

Dans un groupe comme CLÉ, lespratiques rattachées aux NTIC sontglobalement liées à la mission, etc'est d'abord et avant tout au servicedes participants et des participanteset pour promouvoir l'éducation popu-laire que CLÉ s'approprie les usagesdes NTIC. On diversifie les manièresde faire, les pratiques habituelles. Lesprincipales modifications survenuesconcernent la pédagogie et les mé-thodes d'apprentissage, ainsi que laformation de l'équipe et des partici-pants et participantes relativement àl'utilisation des NTIC. Peu de nouvel-les pratiques ont été instaurées, maisparmi celles-ci, mentionnons la créa-tion d'une page sur la toile élec-tronique (Web) ayant pour

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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objectif d'augmenter la visibilité dugroupe. Dans certaines situations, lesNTIC, plutôt que de créer de nouvel-les pratiques, ont suscité une diver-sification des façons de faire ; parexemple, la prise quotidienne desmessages électroniques par rapportau dépouillement du courrier, une re-cherche sur la toile contre une recher-che en centre de documentation,l'éditique au lieu d'une impression àl'extérieur, le réseautage électroni-que pour une réunion, etc. Les usa-ges interactifs (Internet, sites Web,courriel, forums de discussion) desNTIC créent un espace public nou-veau autour duquel s'articule une sé-rie d'enjeux à portée sociale qui pour-raient faire l'objet d'autres recher-ches.

L'impact des nouvellestechnologiesÀ CLÉ, les NTIC sont perçues commeune technologie incontournable à in-tégrer, qui a un impact sur tous lesplans de l'organisation : la vie asso-ciative, les participants et les parti-cipantes, les bénévoles, les tra-vailleuses, les finances, etc. Ceschangements, à court, moyen et longterme, s'effectueront dans uneperspective d'intégration, de conso-lidation et de développement pourl'organisme.

L'introduction des NTIC dans uneéquipe de travail est un révélateur, uncatalyseur des forces et des faibles-ses en présence. Chaque travailleusede CLÉ a un rapport particulier auxNTIC : résistance à la technologie ouconfiance en celle-ci, présence ouabsence d'un ordinateur à domicile,connaissances préalables des NTIC,motivations personnelles, discourspositif ou négatif, etc. Les NTIC onteu comme impact de révéler au seinde l'équipe les positions individuel-les à leur sujet, et par extension ontsuscité des discussions extrêmementriches sur la place de chacun et cha-cune dans le groupe, les talents per-

sonnels, les orientations, la mission,les tâches, etc. Il s'agit là de facteursqui sont souvent occultés ou niésdans un processus d'intégration, maisqui sont néanmoins présents et dé-terminants.

Les NTIC ont aussi tendance à ren-forcer une certaine division du travail.L'équipe de CLÉ résiste à ce clivagedes tâches et s'assure d'une appro-priation collective par différentsmoyens : partage de l'information etdes mandats, formation commune surordinateur, entraide technique, circu-lation des dossiers. Les NTIC sont unmoyen, pour l'équipe, de s'appropriercollectivement de nouveaux savoirset, par le fait même, d'élaborer col-lectivement un discours, des idées,des positions, des revendications.L'appropriation collective exige dutemps en réunion et des discussions,de la formation de base et continue,des choix à faire, une orientation àprendre. Globalement, l'appropriationcollective exige un engagement per-sonnel des membres de l'équipe, une« mise à niveau » individuelle en cequi a trait à l'apprentissage, aux con-naissances et aux projets ainsi qu'uneadhésion récurrente aux objectifsd'intégration des NTIC. Mais les NTICont également un impact sur l'orga-nisation du travail, la surcharge detravail, le financement de l'équipe-ment et de la formation, la gestionquotidienne et, à long terme, sur lesateliers, la préparation, la pédagogie,les processus et les niveaux d'appren-tissage.

Enfin, la clientèle que CLÉ rejointest une population souvent isolée etmarginalisée. Pour les participants etles participantes, les NTIC représen-tent une difficulté supplémentaire àl'alphabétisation parce qu'elles sontà la fois inaccessibles et omniprésen-tes : leurs enfants les utilisent, lesservices publics les mettent de plusen plus de l'avant, les employeurs enfont une exigence, les médias lesbombardent d'adresses électroniques

difficiles à comprendre pour les néo-phytes. CLÉ offre à ces personnes lapossibilité d'ouvrir un ordinateur, detoucher une souris, d'écrire destextes, de communiquer par courriel,etc. Les effets observés sont indé-niables sur l'estime de soi. Cet ap-prentissage, véritable formation debase au cœur de la citoyenneté, créeun sentiment d'appartenance faceaux changements sociaux, un mieux-être et une plus grande autonomie.

ConclusionCette première phase a suscité beau-coup d'intérêt au sein de CLÉ, tantchez les bénévoles, les participantset participantes que chez les mem-bres de l'équipe de travail, et a dé-clenché un processus ouvert d'appro-priation centré sur les NTIC. Ce pro-cessus a aussi mis en évidence uneautre série de questions sur l'impactdes NTIC dans le groupe. C'est à laphase 2 que nous tenterons d'y ré-pondre.

1. CLÉ (Centre de lecture et d'écriture), sis dans lePlateau Mont-Royal, à Montréal, œuvre en alphabétisa-tion populaire depuis 1982. L'équipe est composée d'unecoordonnatrice et de deux formatrices. Pour avoir un aperçudes études antérieures, nous vous renvoyons au site Webde CLÉ : http://www.communautique.qc.ca/cle/2. Les participantes à l'étude ont défini les NTIC en fonc-tion de l'utilisation des micro-ordinateurs, bien qu'ellesreconnaissent leur présence dans le quotidien sous diversaspects (guichets automatiques, téléphones cellulaires,télévision et vidéo, multimédia).3. En consultant son site, on obtient de l'information surle contenu des recherches, les conditions de financement,etc. (http://olt-bta.hrdc-drhc.gc.ca/francais/about/index.html).4. D'autres conditions ont été déterminées : un budgetadéquat, de l'équipement de qualité, des services conseilsà l'achat, un soutien technique à l'installation et à l'usage,un encadrement « humain », l'appropriation d'un minimumde vocabulaire et des connaissances techniques, une lo-gistique adéquate (espace, bureau, lignes téléphoniques,sécurité). Les dispositions individuelles et celles de l'équipefont aussi partie de ces conditions préalables, par exem-ple le partage des tâches, les processus démocratiquesconcernant les décisions à prendre, les réseaux d'entraideà créer ou existants, les motivations personnelles et aussila patience, la persévérance ainsi qu'une certaine capa-cité de lire et une certaine habilité motrice, de l'intérêt,de la logique et de la créativité. La solidarité est aussi unpréalable qui facilite l'intégration des NTIC.5. Notamment les enjeux des NTIC sur les pratiques de lacitoyenneté et l'exclusion.6. Soulignons la présence de représentants et représen-tantes d'organismes tels que Communautique, CFP,CDEACF.

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EN BREF

Le recrutementen alphabétisation

Jean-Robert Placide, formateur au Centre N A Rive

Au Québec, malgré un pourcentagefort élevé de 21 % d'analphabètes etde 31 % d'allophones ayant des ca-pacités de lecture et d'écriture trèslimitées, on constate une décrois-sance du nombre de participants etparticipantes en alphabétisation,aussi bien dans le réseau des com-missions scolaires que dans celui desgroupes populaires. Cette situationinterpelle plusieurs responsables denotre domaine.

Au Centre N A Rive1, plusieurs rai-sons peuvent expliquer la baisse dunombre de participants et de partici-pantes. Cette décroissance est in-fluencée notamment par les nouvel-les orientations d'Emploi-Québec, quiaccorde une priorité absolue àl'employabilité, par l'ignorance, de lapart des agents d'Emploi-Québec, desressources existantes, par la concur-rence déloyale des commissions sco-laires, qui s'accaparent des domaineslaissés autrefois aux organismes po-pulaires, par la mise en œuvre declasses d'alphabétisation dans le cir-cuit des mouvements religieux pro-testants haïtiens et soutenues pardes commissions scolaires, par le

sentiment qu'ont certains analphabè-tes d'être capables de fonctionnermalgré leur faible degré d'alpha-bétisme, par les préjugés entretenuspar une couche importante de la po-pulation concernant l'alphabétisa-tion, par l'absence des décrocheursdu secondaire dans les ateliers d'al-phabétisation, par le vieillissementde la clientèle et par l'absence desjeunes immigrantes et immigrantsfaiblement scolarisés ou alphabétisésen créole qui devraient pourtant fré-quenter un centre d'alphabétisation.

Pour remédier à la situation, troisorganismes de la communautéhaïtienne, le Centre N A Rive, LaMaison d'Haïti et le Centre haïtiend'animation et d'intervention socia-les, membres du RGPAQ, ont décidéde faire une campagne de recrute-ment. Bénéficiant d'un appui finan-cier dans le cadre des projets Initia-tives fédérales-provinciales conjoin-tes en matière d'alphabétisation, ilsespèrent par cette action concertéeaugmenter d'environ 200 le nombrede participants et participantes dansles groupes. Les stratégies et moyensd'intervention devront permettre de

recruter des apprenants et apprenan-tes par différentes activités ou forma-tions, de promouvoir l'alphabétisationpopulaire dans la communauté,d'atténuer les préjugés négatifs àl'égard de l'alphabétisation, de vul-gariser les récents concepts élaborésen alphabétisme, de sensibiliser lespersonnes concernées aux bienfaitsde l'alphabétisme et de faire connaî-tre nos services.

Nous attendons beaucoup decette initiative, qui nous permettraégalement de juger de l'intérêt despersonnes analphabètes pour desactivités de formation générale. Nousvoulons aussi profiter de cette expé-rience pour réévaluer les change-ments d'attitudes et notre approcheen recrutement.

Ces nouvelles avenues, nous de-vons l'espérer, sauront nous mainte-nir plus solides aux côtés de ceux etcelles qui luttent pour prendre leurdestinée en main. À suivre.

1. Le Centre sert la communauté haïtienne. En plus de fairede l'alphabétisation, il offre des cours de langue créole etde culture haïtienne.

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Qui a peur de larecherche ?

Sylvie Roy, consultante en alphabétisation etresponsable du Répertoire canadien de la recherche sur

l'alphabétisation des adultesen français (RECRAF)

Un tout nouveaurépertoire sur

la recherche enalphabétisationest maintenant

accessible surInternet.

Je vous imagine déjà tourner la page, indiffé-rent, indifférente au sujet, ou encore convaincuque le présent article ne s'adresse pas à vous...C'est vrai, je vous le concède, la recherche estun terme qui fait peur. Pourtant, ce n'est pas ceque vous diraient aujourd'hui les équipes d'UnMondalire, du Groupe Alpha Laval, de La Boîteà lettres ou d'Atout-Lire, quatre groupes popu-laires parmi d'autres qui se sont lancés dans larecherche. Et qui, je pense, ne regrettent pas dutout leur décision ! Alors, laissez-moi, dans cesquelques pages, vous convaincre que ces équi-pes n'ont pas travaillé pour rien et que vous pour-riez tirer plusieurs éléments positifs de leurs ex-périences. Ou même, pourquoi pas, vous lanceraussi dans la grande aventure de la recherche.

Un outil rapide et efficaceDes exemples de l'utilité de la recherche pournos pratiques ? En voici quelques-uns. Parcequ'ils ont mené une recherche pour évaluer leseffets de la mesure Alphabétisation — implica-tion sociale auprès des participants et partici-pantes, des intervenants et intervenantes de plu-sieurs groupes populaires ont réussi à convain-cre les fonctionnaires du ministère de la Solida-rité sociale d'étendre le programme à d'autresorganismes1. Les recherches de Clé-Montréal2

sur l'application des nouvelles technologies dansun groupe d'alphabétisation populaire ont per-mis de raffiner et de diversifier les pratiques quiintègrent cette nouvelle composante. Plus lar-

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La base dedonnées RECRAF contient

des renseignements sur toutesles recherches publiées en

français depuis 1994, de mêmeque sur les projets en coursde réalisation qui portentsur l'alphabétisation ou le

degré d'alphabétismedes adultes.

gement, les résultats et les études issues de l'En-quête internationale sur l'alphabétisation desadultes (EIAA)3 ont sensibilisé la populationainsi que les décideurs à l'importance de l'alpha-bétisation, ce qui a pu contribuer à l'augmenta-tion des budgets du Secrétariat national à l'al-phabétisation (SNA) et de l'enveloppe PSAPA4.Enfin, soulignons que les études sur les jeunesinscrits en alphabétisation5 ont accru l'intérêtdes groupes (et du gouvernement) pour la préven-tion de l'analphabétisme, et que les résultats dubilan des Initiatives fédérales-provinciales con-jointes en matière d'alphabétisation (IFPCA)6

ont permis notamment d'affermir le soutien auxgroupes qui faisaient de la recherche7.

Les exemples de ce type sont trop nombreuxpour les nommer tous. Mais il y a maintenantun bon moyen d'apprécier les résultats des re-cherches et de les utiliser dans la pratique : con-sulter le Répertoire canadien de la recherche surl'alphabétisation des adultes en français(RECRAF).

La base de données RECRAF contient desrenseignements sur toutes les recherches publiéesen français depuis 1994, de même que sur lesprojets en cours de réalisation qui portent surl'alphabétisation ou le degré d'alphabétisme desadultes. On y trouve de tout : des recherches-actions réalisées par des groupes ou des com-missions scolaires, des recherches gouvernemen-tales ou de groupes privés, des recherches uni-versitaires8. Au total, plus d'une centaine de

PRÊTS-À-PORTER

notices, qui illustrent la richesse et la diversitédu champ de l'alphabétisation des adultes. Tou-tes les recherches citées dans cet article y sontd'ailleurs inscrites.

Accessible sur Internet depuis septembre2000, le RECRAF a été créé par le Centre dedocumentation sur l'éducation des adultes et lacondition féminine (CDEACF)9. On souhaitemettre à jour cette banque de données de façonrégulière (deux fois par année si les budgets lepermettent), de sorte à toujours présenter desnouveautés, soulignant ainsi le dynamisme ence domaine.

Il est très facile d'utiliser le RECRAF. On peutconsulter la liste des auteurs ou la liste des ter-mes ou sujets dont parlent les recherches (lestermes retenus proviennent du Thésaurus cana-dien d'alphabétisation10). On peut aussi chercherselon l'année (de 1994 à 2000), selon la pro-vince ou même inscrire un terme de son choixdans la rubrique la plus large, soit « INDEX ».Chaque recherche fait l'objet d'une notice augraphisme aéré et d'un format facile à impri-mer, qui comprend des renseignements biblio-graphiques, un court résumé et un autre plusdétaillé, d'une longueur d'une page environ. Latrès grande majorité des recherches décrites dansle Répertoire sont d'ailleurs disponibles pour con-sultation et emprunt au CDEACF.

Améliorer notre pratiquePourquoi consulter le Répertoire ? Vous rédigezvotre projet IFPCA, qui porte sur le recrutement.Pour vous aider à établir votre problématique,vous voulez consulter diverses recherches qui ontporté sur cette question. Vous faites donc unerecherche dans le RECRAF en indiquant cer-tains mots clés ayant un rapport avec votre su-jet : par exemple, les mots recrutement, partici-pation, barrières (à la participation), abandon...La lecture des recherches trouvées vous donnerades pistes pour votre projet, en vous montrantce qui a été étudié ailleurs, ce qui fonctionne, cequi ne marche pas... Vous souhaitez élaborerun projet d'expérimentation des nouvelles tech-nologies ? Il pourrait être bon de savoir quel or-ganisme a déjà travaillé en ce sens, de

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manière à vous en inspirer et à ne pas réinventerla roue. Vous souhaitez explorer plus à fond unequestion qui préoccupe votre groupe en faisantune recherche ? Vous pouvez consulter leRECRAF, notamment la rubrique des projetsen cours, pour voir quels sont les sujets étudiésen ce moment ; cela vous permettra de trouverdes équipes avec qui discuter de problématiquessemblables, ou même de préciser tous les aspectsd'un sujet en évitant la redondance par rapportà d'autres projets déjà financés.

Le RECRAF demeure un moyen facile et ra-pide d'accès au contenu de recherches. Il n'estpas nécessaire de lire tous les documents duCDEACF, mais plutôt de lire attentivement lesrésumés qui vous sont offerts et de bien sélec-tionner ce qui vous intéresse.

Grâce à la recherche et à la lecture, nous pou-vons prendre du recul dans notre pratique effré-née, faire le point, trouver de nouvelles idées,nous remettre en question. Et dans un milieupréoccupé par l'amélioration des pratiques delecture et d'écriture ainsi que des conditions quiles rendent possibles, il est intéressant de réha-biliter le sens et l'utilité de la lecture dans nosvies d'intervenantes et d'intervenants, d'anima-trices et d'animateurs. Comme le démontrentles résultats de l'EIAA, ce n'est que par une pra-tique répétée et diversifiée que l'on améliore sescompétences en lecture. Et si c'est vrai pour lesparticipantes et participants, c'est sans douteaussi vrai pour les animatrices et animateurs.

CDEACF110, rue Sainte-Thérèse,

bureau 101Montréal (Québec)

H2Y1E6Téléphone .(514) 876-1180

Télécopieur : (514) 876-1325Courriel : [email protected]

Voilà ! Vous êtes restés avec moi jusqu'à lafin de cet article. Tant mieux ! Il vous restecertainement quelques minutes de votreprécieux temps pour consulter le RECRAF(http://www.alpha.cdeacf.ca/recraf/index.html).Et si vous avez des commentaires ou des sugges-tions, n'hésitez pas à m'écrire, je me ferai unplaisir d'en tenir compte. Bonne lecture !

1. Carole VANIER et Lise SAINT-GERMAIN, Rapport d'évaluationdu projet Alphabétisation — Implication sociale, Centre d'organisationmauricien de services et d'éducation populaire (COMSEP), Centred'éducation populaire de Pointe-du-Lac, CLÉ-Montréal, Ebyôn etLudolettre, 1997.2. Diane LAMBERT, Création et expérimentation d'une grille d'évalua-tion de sites Internet réutilisable en alphabétisation : rapport d'expéri-mentation, Montréal, Centre de lecture et d'écriture, 1998.3. Voir notamment STATISTIQUE CANADA, Lire l'avenir : un por-trait de l'alphabétisme au Canada, Ottawa, Statistique Canada, Déve-loppement des ressources humaines Canada, Secrétariat national à l'al-phabétisation, 1996, ainsi que toutes les monographies publiées par leSNA et la DRHC.4. Le Programme de soutien à l'alphabétisation populaire autonomeest financé par le ministère de l'Éducation.5. Mentionnons notamment tous les travaux de la Boîte à lettres et lesétudes du ministère de l'Éducation : Diane CHAREST, Les jeunes de16-25 ans en alphabétisation : profil de fréquentation actuel et chemine-ment scolaire antérieur, Québec, MEQ, Direction de la recherche, 1992,60 p. ; Sylvie ROY, Portrait de filles et de garçons de 16 à 25 ans inscritsà des activités d'alphabétisation, Québec, Direction de la formationgénérale des adultes, 1995, 122 p.6. Diane CHAREST, Faire le point sur nos actions. Bilan des projets desInitiatives fédérales-provinciales conjointes en matière d'alphabétisation,Québec, ministère de l'Éducation, Direction de la recherche, 1999.7. Voir Isabelle COULOMBE et Sylvie ROY, Guide méthodologiquede recherche pour le milieu de l'alphabétisation, ministère de l'Educa-tion, gouvernement du Québec, 2000, 75 p.8. Nous avons retenu tout projet ou document de recherche qui faitétat d'une démarche rigoureuse et systématique de collecte de don-nées, dans le but d'en tirer un nouveau sens et de répondre à des hy-pothèses ou à des questions préalablement posées. Nous n'avons doncpas retenu les recensions des écrits, ni les inventaires, les descriptionsd'expérience, les articles d'opinion ou les témoignages.9. Notons que le RECRAF a un pendant anglophone hébergé sur lesite de la Banque de données en alphabétisation des adultes (BDAA),soit le « Canadian Directory of Literacy Research in English »(http://www.nald.ca/crd/start.htm). Cependant, si certaines recherchesfont partie des deux bases, la grande majorité du matériel répertoriéest unique à chaque répertoire. Il est donc important de consulterrégulièrement les deux répertoires si on veut être au courant de tout cequi se fait en matière de recherche en alphabétisation au Canada.10. Le Thésaurus contient un vocabulaire contrôlé bilingue quifacilite la recherche documentaire en alphabétisation. La deuxièmeédition, disponible au CDEACF et sur Internet, comprend 1 950descripteurs français et 1 890 descripteurs anglais(http://thesaurusalpha.org/thesaurus/homefrench.htm).

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DOSSIER

On n'a pastous les jours

Nicole LachapelleCoordonnatrice du RGPAQ depuis 1990

Pas facile de faire un dossier sur le RGPAQ ! Par quel bout commencer ? Ons'arrête sur un aspect et on se retrouve au milieu d'une tonne de documents, à larecherche de la date, du détail, de la fois où...

Étonnant ? Non. Le RGPAQ est un mouvement foisonnant, difficile à dépein-dre, une mosaïque aux multiples facettes. Un mouvement dynamique, à l'image deses membres, un mouvement qui a du cœur, comme ceux et celles qui viennent ychercher un coup de main dans leur démarche d'apprentissage, qui s'y engagent,qui y travaillent. Le RGPAQ est un carrefour de points de vue et de façons de fairequi donnent lieu à différents regards.

Nous avons voulu le dossier fidèle à cetteréalité. C'est pourquoi il n'est pas d'une écri-ture unique. Plusieurs personnes qui font etqui ont fait le RGPAQ ont répondu à notreinvitation et nous livrent leurs perceptionssur un ou des aspects de leur regroupement.Un vieux de la vieille nous parle de satumultueuse relation de couple, une autredu difficile et exigeant exercice de la démo-cratie. Les principes fondamentaux denotre approche y sont abordés, ainsi quedes chapitres de notre histoire, pour mieuxmesurer notre évolution. Vous y verrezmême de vieilles photos de famille !

Bien sûr, tout n'a pas été couvert. Excu-sez à l'avance les trous, les oublis, les omis-sions : 20 ans, c'est long quand même ! Heu-reusement, le RGPAQ, tout au long de savie, a beaucoup écrit et souvent publié.Il est donc possible de s'en remettre à defidèles témoins...

Vous avez en main le portrait du RGPAQ,tel que nous l'avons vu au moment où cedossier a été conçu. Notre regroupementcontinuera de changer, d'avancer, mais vouspourrez peut-être, l'espace d'un court mo-ment, en saisir l'essence...

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Une longue

histoire !Gilles Landry, formateur à Lettres en main, avec la collaboration de Jeanne

Francke, formatrice au même endroit

Le RGPAQvu par un de ses

groupes membres.Autopsie d'une

relation entre adultesconsentants.

Lettres en main1 et le Regroupe-ment, c'est un peu comme unerelation de couple. Nous y avonsbeaucoup investi : huit annéesau COCOA2 et plusieurs annéesdans de multiples comités. Nousy avons vécu toutes sortes d'émo-tions : passion, amour, exaspéra-tion, haine. Il y a même eu desjours où nous avons pensé sé-rieusement au divorce. Mais,en définitive, nous sommes tou-jours restés fidèles. Ce spécial20e anniversaire, c'est un peul'occasion pour nous de lever levoile sur cette longue relation...en conservant tout de même unecertaine pudeur.

La rencontreLa première « véritable rencontre »entre Lettres en main et le Re-groupement s'est faite le 22 avril1983. Afin de bien en saisir le con-texte, il faut rappeler qu'à cetteépoque, le ministère de l'Educa-tion avait décrété un moratoiresur le financement de tout nou-veau groupe populaire en alpha-bétisation. Pendant ce temps, leRegroupement organisait à répé-tition des journées de concerta-tion sur la création d'outils di-dactiques (trois jours en février,une journée en mars et deux enavril). Malgré nos demandes ré-pétées d'accorder du temps auproblème du financement, rien

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DOSSIER

Nous n'avonsjamais vraiment été tentés

de divorcer. Aujourd'huimême si nous formons un vieux

couple, nous sommestoujours fidèles.

ne bougeait. Aussi avons-nousdécidé de créer l'événement.Nous sommes venus à l'assem-blée d'avril en bloc (neuf person-nes) et nous avons fait une dé-claration publique qui remettaiten question le rôle et les choixdu Regroupement. Elle se termi-nait d'ailleurs par un certainnombre de questions qui noussemblaient fondamentales :1. À quoi le Regroupement de-

vrait-il servir ? Doit-il deve-nir un pourvoyeur de servi-ces ou doit-il servir d'agentmobilisateur qui favorise desactions concertées des grou-pes lorsque des situationsd'urgence se présentent ?

2. De quoi traiterons-nous enassemblée générale si nousn'avons jamais eu de discus-sions collectives sur des sujetsaussi brûlants que celui du fi-nancement ?

Une longue relationMême si cette déclaration a eul'effet d'un pavé dans la mare àl'époque, elle a tout de mêmemarqué le début d'une longuerelation qui dure encore entreLettres en main et le Regroupe-ment. D'ailleurs, le jour même,les groupes présents ont mis surpied le Comité financement,premier comité à caractère poli-tique du Regroupement.

Évidemment, par la suite,comme dans toute relation quise respecte, les discours se sontaffinés et les moyens d'actionsont devenus plus subtils. Parcontre, les principes de base quinous ont persuadés de poursui-vre cette union sont toujoursrestés les mêmes :• Il faut accorder une priorité

à la dimension politique duRegroupement, qui doit êtreun outil de revendicationpour l'ensemble des groupes.

• Il faut que le Regroupementtravaille à la reconnaissance(et toute reconnaissance passed'abord et avant tout parle financement) de l'alphabé-tisation populaire et des grou-pes qui la façonnent quoti-diennement.

• Il faut que l'autonomie desgroupes soit toujours aupremier plan de toutes lesactions et réflexions du Re-groupement.

• Il faut qu'au Regroupementnous puissions, en tant qu'in-dividus et en tant que grou-pes, garder et promouvoirnotre intégrité et notre visionidéologique.Si ces principes peuvent sem-

bler évidents, ils n'ont pas tou-jours été faciles à défendre,même de notre part. Les exigen-ces du travail quotidien, lemanque de temps et d'énergie,les problèmes d'argent,

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Le Regroupementa permis à Lettres en main

d'accroître son impactpolitique et social et de devenir

un véritable acteurde changement.

voilà autant de facteurs qui ontsouvent contribué à nous éloi-gner de l'essentiel. Dans cesmoments-là, comme dans touterelation qui se respecte, noussommes devenus négligents etnous avons oublié de travaillernotre couple.

De son côté, le Regroupe-ment peut être volage ; il a beau-coup de partenaires à combler.Il lui arrive d'avoir des fréquen-tations qui ne partagent pas tou-jours nos principes ou qui leurdonnent des contenus différents.Aussi, de temps à autre, noussommes-nous éloignés, questionde retrouver notre calme inté-rieur.

Toutefois, malgré toutes lestentations d'envoyer l'autre sefaire voir ou d'aller voir ailleurs,nous n'avons jamais vraiment ététentés de divorcer. Aujourd'hui,même si nous formons un vieuxcouple, nous sommes toujoursfidèles.

Ce qui nous a moinsplu dans cette relationMême les unions les plus par-faites ne sont pas à l'abri desirritants. S'ils ne sont pas tou-jours de nature à briser la rela-tion, ces irritants peuvent toutde même laisser un goût amer.

Dans un premier temps, nousavons toujours trouvé que lesconditions liées à l'adhésion desmembres étaient trop lâches.Sous prétexte de représenter leplus de groupes possible etpeut-être d'avoir une certainelégitimité, le Regroupement a euquelquefois tendance à accepterdans ses rangs des groupes dontles assises idéologiques n'étaientpas toujours stables (et c'est uneuphémisme). Par exemple, lorsdu dernier congrès d'orienta-tion, après deux jours de débats,une personne d'un « groupe po-pulaire d'alphabétisation »membre du Regroupement s'estcrue justifiée de dire qu'au fondles groupes populaires et lescommissions scolaires faisaientexactement le même travail.Dans ces conditions, on com-prend que la mobilisation desmembres ne soit pas toujoursacquise.

De la même façon, nousavons toujours dénoncé le côté« étapiste négociateur » qui a ré-

gulièrement fait surface au Re-groupement. Pour toutes sortesde raisons (fatigue, désabu-sement, besoin de reconnais-sance, plaisir de côtoyer le pou-voir), on s'engage facilementdans des stratégies à long termeoù l'on se donne l'impression denégocier, souvent dans des co-mités consultatifs sans réel pou-voir. Nous en venons à nous in-terroger sur le rôle du Regrou-pement qui, selon nous, doitd'abord et avant tout en être unde revendication.

Dans un même ordre d'idées,nous déplorons la difficulté duRegroupement à établir un rap-port de forces avec le gouverne-ment (sans lequel les négocia-tions du point précédent n'ontaucun sens). Le Regroupementmet souvent de l'avant de peti-tes actions en mettant de côtétoutes les propositions d'actionsplus subversives qui pourraientavoir un impact majeur (retenuedes déductions à la source parl'ensemble des groupes, grèvegénérale de l'alphabétisationpopulaire).

Par ailleurs, le respect del'autonomie et de l'intégrité desgroupes a souvent été menacé auRegroupement. Il ne se passe pasune année sans qu'on voie ap-paraître des stratégies qui por-tent atteinte à ce principe. Ladernière en date visait à définirl'alphabétisation populaire enfonction des grilles du ministère

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DOSSIER

au lieu des nôtres. Heureuse-ment, elle a été battue en assem-blée générale. On doit sans cesseêtre vigilant, particulièrementquand il y a du financement envue. Il devient alors faciled'oublier ses principes. Il suffîtde se rappeler que, à la fin desannées 80, l'assemblée généralea sérieusement jonglé avec l'idéede faire financer l'ensemble desactivités de formation des grou-pes à même l'enveloppe des heu-res-cours réservée aux commis-sions scolaires, même si les con-traintes de ce programme (tempsde formation limité, quotas dansles ateliers, taux horaire, etc.)étaient en contradiction avec lesprincipes de l'alphabétisationpopulaire (autonomie sur lesplans politique et financier). Il afallu des débats houleux pourque ce projet soit rejeté.

Ce qui nous a pludans cette relationSi nous avons continué à fré-quenter le Regroupement pen-dant toutes ces années, c'estavant tout parce que nous ytrouvions notre compte.

Tout d'abord, cette relationnous a permis d'être au premierplan de ce qui se passe en alpha-bétisation populaire au Québec.Ainsi, de concert avec d'autresgroupes, nous avons pu faireavancer des dossiers auxquelsnous tenions particulièrement.Par exemple, les deux congrèsd'orientation, la levée des diffé-rents moratoires, l'augmentationdu financement, le programmedistinct et la révision des condi-tions d'adhésion. En fait, le Re-

groupement a permis à Lettresen main d'accroître son impactpolitique et social et de devenirun véritable acteur de change-ment.

De plus, nous avons grande-ment apprécié le fait de partici-per à un mouvement qui s'estacquis une reconnaissance et unecrédibilité grandissantes, sur lascène tant nationale qu'interna-tionale. En effet, le Regroupe-ment est invité à envoyer desreprésentants et représentantespartout où l'on parle d'alphabé-tisation, que ce soit en France,en Belgique, en Yougoslavie, enThaïlande ou à Anjou. Que dechemin parcouru depuis l'épo-que où il occupait un petit bu-reau dans le fond du local duTour de lire, le groupe d'alpha-bétisation populaire du quartierHochelaga-Maisonneuve !

Nous avons également appré-cié le fait que le Regroupementait réussi avec le temps, particu-lièrement depuis la fin de l'An-née internationale de l'alphabé-tisation, à concilier les dossierspédagogie et politique. En effet,pendant des années, ces deuxvolets essentiels étaient constam-ment opposés. Le fait d'avoirsubordonné le premier au seconda même procuré une cohérenceaccrue au Regroupement, quipeut ainsi donner plus de subs-tance à ses revendications. Plu-sieurs documents, dont l'excel-lent Passeport pour l'alpha pop etla revue Le Monde alphabétique,sont là pour le prouver.

Finalement, nous applaudis-sons le Comité des participan-tes et des participants qui, pour

la première fois depuis des an-nées, semble s'être donné desbases solides. Il faut particuliè-rement souligner son apport auComité défense des droits. Eneffet, à Lettres en main, nousavons toujours cru que ce n'estpas uniquement par l'enseigne-ment de la lecture et de l'écri-ture qu'on défend les droits despersonnes analphabètes. Lesgens ont le droit d'être de vraiscitoyens même s'ils ne maîtrisentpas le code écrit. Ils doivent avoiraccès aux mêmes services, auxmêmes droits, donc à la mêmedémocratie.

En conclusionComme toute relation, celle deLettres en main et du Regrou-pement a connu des hauts et desbas. Toutefois, quand nous éva-luons le chemin parcouru, nousnous rendons compte que, en cequi nous concerne, cette uniona été bénéfique et que si c'était àrefaire, nous laisserions de nou-veau parler nos pulsions.

1. Lettres en main est un groupe populaired'alphabétisation qui intervient dans le quar-tier Rosemont à Montréal depuis 1982.2. Comité de coordination du Regroupement(et « A » pour alphabétisation), composé de neufreprésentants et représentantes des groupesmembres ainsi que de la coordonnatrice duRGPAQ. Élus par l'assemblée générale annuellepour un mandat de deux ans, les membres nedéfendent pas les intérêts de leur groupe, maisceux de l'ensemble des groupes membres.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 55

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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Créationcollective

Solange Tougas, coordonnatrice à Déclic

Engagement,

partage du

pouvoir et

démocratie.

Le Regroupement

s'est construit

sur les valeurs

propres à

l'alphabétisation

populaire. Mieux,

il en est le

reflet.

Vers la fin des années 70, desadultes de divers groupes com-munautaires entreprennent unedémarche d'alphabétisation dansleur quartier, leur village. Mêmesi les commissions scolaires fontdéjà de l'alphabétisation, lesmilieux veulent se prendre enmain et se donner des moyensvéritablement respectueux desbesoins, des compétences et des

intérêts des gens. L'alphabétisa-tion populaire fait son appari-tion : on explore de nouvellesfaçons d'apprendre, de partagerle savoir, d'acquérir et de mettreà profit des connaissances parl'élément fondamental qu'est legroupe communautaire.

En 1981, quelques groupesde la région de Montréal, deLanaudière et de l'Estrie1 déci-

Déclaration de principes du Regroupement

LES ORIENTATIONS DU RGPAQ

Le Regroupement des groupes populai-res en alphabétisation du Québec voità la promotion, à la défense et audéveloppement de l'alphabétisationpopulaire, des groupes populairesd'alphabétisation ainsi qu'à la défensedes droits des personnes analphabètes.

Ces orientations découlent desdéfinitions d'alphabétisation populaireet de groupe populaire d'alphabétisa-tion que nous avons adoptées collecti-vement et se fondent sur :

1- Des bases idéologiquesA. Nous croyons que les groupes po-

pulaires d'alphabétisation, de parleur spécificité, tiennent mieuxcompte des besoins et attentes despersonnes analphabètes et y appor-tent des réponses qui se veulentplus adaptées.

B. L'analphabétisme est souvent pré-senté comme un problème indivi-duel alors qu'il s'agit d'un problèmesocial.

C. Nous croyons que le droit à l'alpha-bétisation et l'accessibilité réelleaux programmes d'alphabétisationne sont pas vraiment reconnus.

2- Des bases politiquesA. Nous sommes conscients que, pour

se développer, l'alphabétisation po-pulaire et les groupes populairesd'alphabétisation ont besoin d'unereconnaissance politique et sociale.

B. Nous pensons qu'un regroupementde groupes de même nature permetde mieux définir des stratégiescommunes et représente une forcecollective nécessaire pour atteindrenos objectifs.

C. Nous devons nous assurer du res-pect de notre spécificité et de notreautonomie politique, pédagogiqueet administrative.

D. Nous devons revendiquer notre re-connaissance effective par le biaisd'un financement adéquat et statu-taire.

E. Nous devons revendiquer le déve-loppement des groupes existants, lamise sur pied de nouveaux groupesainsi que l'obtention de meilleuresconditions de travail pour les anima-teurs et animatrices des groupes.

F. Nous devons sensibiliser la popula-tion au problème de l'analphabé-tisme et faire connaître et reconnaî-tre le niveau de langage, les valeurs,la culture et les référents des mi-lieux populaires.

G. Nous devons faire reconnaître lesdroits des personnes analphabètes,dont le droit de choisir leurs lieuxde formation.

L'ALPHABÉTISATION POPULAIRE

L'alphabétisation populaire est pournous une approche polyvalente enéducation populaire autonome dont laspécificité se trouve dans :

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DOSSIER

dent de mettre leurs efforts encommun car ils ont un immensebesoin de partager leurs ré-flexions et leurs questionne-ments, d'analyser leur expé-rience et de mieux cerner leursparticularités en tant que grouped'éducation populaire. Ils veu-lent un lieu pour discuter deleurs pratiques. Ils veulent un

outil pour faire connaître leurapproche et pour revendiquerune place dans le monde del'éducation : cet outil se nom-mera le Regroupement des grou-pes populaires en alphabétisa-tion du Québec.

Le RGPAQ devra faciliter lacommunication entre les grou-pes, faire circuler de l'informa-

tion partout au Québec etsurtout mettre la pédagogie aucœur des discussions. Il aiderales groupes à promouvoirl'alphabétisation populaire, àfaire reconnaître leur spécificité,et à obtenir du ministère del'Education des ressourcesfinancières adéquates.

des groupes populaires en alphabétisation du Québec

1- Sa dimension pédagogiqueA. L'alphabétisation populaire favorise

la maîtrise des outils essentielsque sont la lecture, l'écriture et lecalcul. Elle vise l'acquisition deconnaissances générales : fonction-nelles, politiques, sociales etpersonnelles.Elle fait de l'apprentissage de lalecture et de l'écriture un outild'expression sociale, de prise deparole, de pouvoir sur son milieu etson environnement, un moyend'acquérir la confiance en soi et des'approprier le langage écrit.

B. L'alphabétisation populaire est uneapproche collective à l'intérieur delaquelle l'individu est intégré à unedémarche de groupe, ce qui permetd'acquérir un sentiment d'apparte-nance, de réaliser des projets etd'avancer des revendications.

C. L'alphabétisation populaire se ca-ractérise par la place qu'occupentles participants et participantes àl'intérieur des groupes. Elle se dé-veloppe par ceux et celles qui sontimpliqués dans le groupe, soit lesanimateurs et animatrices ainsi queles participants et participantes.

D. L'alphabétisation populaire est enlien avec le milieu de vie. Les horai-res, les activités et la vie du groupesont pensés et conçus en fonctiondes besoins des participants et par-ticipantes.

2- Sa dimension politiqueA. L'alphabétisation populaire vise

l'ensemble de la population et viseprincipalement les milieux qui necontrôlent pas ou peu leurs condi-tions de vie.

B. L'alphabétisation populaire tend àfaire connaître et reconnaître leniveau de langage, la culture et lesvaleurs des milieux populaires.

C. L'alphabétisation populaire favori-se une prise de conscience et uneconnaissance critique du vécu desparticipants et participantes desgroupes ainsi que des différentesréalités de la société. Elle favorisechez les participants et participan-tes, animateurs et animatrices ledéveloppement d'une consciencesociale et politique en renforçantdes capacités d'analyse critique, dechoix d'actions et d'évaluation.

0. L'alphabétisation populaire susciteune prise en charge collective dumilieu afin d'améliorer les condi-tions de vie de la population et visedonc, à court, moyen et long terme,la gestion par les participants etparticipantes de leur espace social,culturel, politique et économique.

3- Son implication socialeA. L'alphabétisation populaire se

préoccupe de la sensibilisationconstante du milieu ainsi que de lapromotion des droits des personnesanalphabètes.

B. L'alphabétisation populaire impliquel'établissement, dans nos milieux,des alliances les plus importantespour répondre aux besoins des per-sonnes analphabètes afin que cesbesoins soient intégrés dans un dis-cours plus large sur les personnesdéfavorisées socialement.

UN GROUPE POPULAIRED'ALPHABÉTISATION

Un groupe populaire d'alphabétisationest un groupe dont les membres, de parleur orientation, se donnent pour objec-tif de faire de l'alphabétisation popu-laire.1- Un groupe populaire d'alphabétisa-

tion est autonome sur les planspolitique, pédagogique et adminis-tratif.

2- Un groupe populaire d'alphabétisa-tion est accessible et implanté dansle milieu.

3- Un groupe populaire d'alphabétisa-tion a une structure démocratiquequi favorise la participation desanimateurs et animatrices ainsi quedes participants et participantes.

4- Un groupe populaire d'alphabétisa-tion mène une réflexion globale surle lien entre l'analphabétisme et lesconditions socio-économiques despersonnes analphabètes.

5- Un groupe populaire d'alphabétisa-tion élabore des revendications liéesà la reconnaissance des groupespopulaires et aux droits des person-nes analphabètes.

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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La création d'un mouvementLe jeune regroupement a beau-coup de pain sur la planche. Nonseulement doit-il répondre auxmultiples besoins, mais il doitaussi assurer sa propre existence.Et pour que la participation desgroupes devienne l'une de sesplus grandes richesses, des mé-canismes et des ressourcesdoivent être mis en place sanstarder.

Créer des liens entre les grou-pes est une priorité : on veutmieux se connaître les uns lesautres, et partager son expertise.Ces discussions sont essentiellesà la construction du Regroupe-ment, car ce n'est qu'à partir dequestionnements et d'analysescommunes qu'il pourra reposersur du solide, sur des élémentsrassembleurs.

L'« identité » du Regroupe-ment se construit aussi par lepartage de certaines valeurs del'alphabétisation populairecomme l'importance du groupe,la nécessité d'avoir des « lieuxdémocratiques » et l'engagementdans le milieu. Petit à petit, leRGPAQ détermine un mode defonctionnement en accord avecl'approche privilégiée par sesgroupes membres.

Beaucoup d'efforts seront né-cessaires pour que se tissent desliens solides entre les groupes,car leurs réalités diffèrent énor-mément. Par exemple, la vie enmilieu rural et celle en milieuurbain n'ont souvent pas grand-chose en commun. On doitcomposer avec les différences etmiser avant tout sur ce qui ras-semble. Au fil des années, lesgroupes prendront leur place, ettoute cette diversité se refléteradans l'ensemble des actions.

Vivre la démocratieLe Regroupement a donc étéfaçonné par ses membres et sonéquipe qui, quotidiennement, avu à son évolution. Il n'a cesséde s'appuyer sur des principesdémocratiques, ceux-là mêmesqu'on applique dans les groupes.La démocratie a pris diversesformes et a guidé l'ensemble deses interventions.

La démocratie, c'est d'abordbien informer, bien s'informer.L'information, c'est le pouvoir,diront certaines personnes, etelles ont raison. Pour se forgerune opinion, bien analyser unesituation, prendre une décisionéclairée, il est essentiel d'avoirtoutes les données. Rendre l'in-formation accessible ne veut pasdire enlever les éléments tropcomplexes ou présenter unepartie seulement de la matière.L'accessibilité, valeur importantede notre approche en alphabéti-sation populaire, consiste àprésenter l'information en ter-

Le Regroupementa été façonné par

ses membreset son équipe qui,quotidiennement

a vu à son évolution.Il n'a cessé de

s'appuyer sur desprincipes

démocratiques,ceux-là mêmesqu'on applique

dans les groupes.

mes clairs, par une démarchefacilitant son appropriation, afinqu'elle soit utilisée à bon escientpar les adultes en formation, leséquipes de travail et les conseilsd'administration.

Il faut ensuite prendre letemps de bien comprendre l'in-formation, de l'analyser sousdivers angles afin d'aller plusloin, tant dans nos réflexions quedans nos actions. L'une de nospremières responsabilités à titrede membres du Regroupementa d'ailleurs été de bien cernerl'information afin de prendredes décisions respectueuses del'ensemble des groupes.

La démocratie, c'est égale-ment avoir des lieux, se donnerdes lieux où discuter de ses idées eten débattre, car ce n'est que parce processus que les idées évo-luent. Les groupes ont investi ceslieux et s'y sont engagés afin quese concrétise la force de la col-lectivité. Cela est inévitablementpassé par l'exercice du pouvoir,qui donne lieu à des prises deposition et à l'affirmation deprincipes incontournables. Tousles groupes ont eu le pouvoir defaire évoluer le RGPAQ, enparticipant à des comités de tra-vail, au conseil d'administration,à des rencontres thématiques.Tout au long des années, ladémocratie s'est exercée dans ungrand nombre d'événements.

Par exemple, dès 1982, desassemblées de concertation ontlieu sur les thèmes suivants :Qu'est-ce qu'une personne anal-phabète ? Quels sont ses besoinset ses attentes ? Comment fairele lien entre le contenu des ap-prentissages et la réalité vécuepar ces personnes ? Quelles sontles méthodes utilisées dans les

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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Ces 20 années rempliesde créativité et de travail

acharné nous ont permis denous mettre de l'avant et de nousinscrire clairement dans l'univers

québécois de l'éducation.

ateliers ? Ces rencontres ontpermis d'en savoir plus sur lequotidien des groupes et deparler des difficultés liées àl'application des principes d'al-phabétisation et d'éducationpopulaire.

Lors des assemblées générales,les groupes décident des moyensà prendre pour que le mouve-ment soit reconnu à sa juste va-leur. Plusieurs débats y prennentplace : rappelons-nous lesdiscussions sur les ententesheures-cours entre groupes etcommissions scolaires et, plusrécemment, les nombreuxéchanges concernant la défini-tion d'un groupe populaire enalphabétisation. De bons exem-ples qui prouvent que la démo-cratie n'est pas synonyme defacilité, car c'est par des débats ar-dus où s'affrontent des positionsdivergentes que l'on arrive à uneposition plus rassembleuse.

En 1986, un premier congrèsd'orientation a lieu. Après plu-sieurs années de pratiques etd'application de diverses appro-ches, nous décidons de partagernos expériences afin d'en déga-ger des principes communs. Àla suite d'intenses discussions,un consensus s'établit sur desvaleurs importantes liées à l'édu-cation populaire, et nous nousdonnons collectivement une dé-claration de principes, base com-mune sur laquelle s'appuierontdorénavant les interventions desgroupes. Notre souci de démo-cratie se reflète dans l'énoncémême de certains principes, oùl'on affirme que l'apprentissagede la lecture et de l'écriture estun outil d'expression sociale, deprise de parole, de pouvoir surson milieu et sur son environ-nement.

En 1999, à l'approche deses 20 ans, maturité oblige, leRegroupement amorce une dé-marche avec tous les groupespour réviser, de fond en comble,son fonctionnement et évaluerles divers lieux démocratiquesqu'il s'est donnés. Cet exercicetrès exigeant, tant sur le plan dela préparation que de la réalisa-tion, permet aux groupes deréaffirmer les valeurs propres aumouvement d'alphabétisationpopulaire et de mieux définir laplace des diverses instances duRegroupement, en ce qui a traità leurs rôles et à leurs responsa-bilités.

Aujourd'hui, en 2001, avecses 75 groupes membres, leRegroupement sait qu'il doitrester près de sa base s'il veutcontinuer à bien remplir sonrôle, à la fois sur le plan politi-que et sur le plan pédagogique.Il doit conserver ses acquis et sedonner de nouveaux moyenspour que l'expertise des groupescontinue à guider ses réflexionset ses actions.

Une œuvre importanteque l'on doit conserverLa démocratie au Regroupe-ment demeure très importante,même après 20 ans d'existence.Nous n'avons qu'à évoquer lehaut taux de participation desgroupes membres et les multi-ples moyens mis en place pourfaciliter leur engagement (comi-tés et COCOA2 notamment).

Ces 20 années remplies decréativité et de travail acharnénous ont permis de nous mettrede l'avant et de nous inscrire clai-rement dans l'univers québécoisde l'éducation. Il faut doncveiller à tout conserver.

Les prochaines années peu-vent altérer notre force. De plusen plus, les groupes d'alphabé-tisation sont appelés à travaillerà diverses tables de concertation.Les instances régionales pren-nent du pouvoir et deviennentdes lieux où il importe d'inves-tir temps et énergie. Nousdevrons, en tant que regroupe-ment provincial, composer avecces nouvelles réalités et amélio-rer sans cesse nos façons de faireafin que la place des groupesdemeure toujours importante.

Les groupes, eux, devront ré-viser leur fonctionnement en vuede poursuivre collectivement letravail, pour que le mouvementcontinue de leur ressembler etsuscite toujours leur intérêt àse rassembler.

Le Regroupement n'est pasune œuvre achevée mais unecréation collective en mouve-ment, qui s'inscrit dans l'histoireet le devenir du monde del'éducation.

1. Voir la liste des groupes fondateurs duRegroupement des groupes populaires enalphabétisation du Québec à la page 83.2. Comité de coordination du Regroupement(et « A » pour alphabétisation), composé de neufreprésentants et représentantes des groupesmembres ainsi que de la coordonnatrice duRGPAQ. Élus par l'assemblée générale annuellepour un mandat de deux ans, les membres nedéfendent pas les intérêts de leur groupe, maisceux de l'ensemble des groupes membres.

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Jusqu'où iront lesparticipantes et les

participants denos groupes ?

Lucie St-Germain, responsable du dossierDéfense des droits et du Comité des

participantes et des participants au RGPAQ

Peu à peu, ils et elles sesont emparés de la

parole et donnéle droit d'agir.

« Ce n'est pas parcequ'on a de la misère à lire

et à écrire qu'on n'est pas intelligentet qu'on ne sait pas penser. »

Louise Whitmore, Comité des participanteset des participants du RGPAQ

Introduction« Eh oui ! ce n'est pas parce qu'onne sait pas lire et écrire qu'onn'est pas intelligent et qu'on nesait pas penser. » J'ai entenducette phrase plusieurs fois depuisque je suis responsable du Co-mité des participantes et des par-ticipants du RGPAQ. Et je suisen mesure de dire que c'est vrai.Quand on donne la parole à desgens à qui on n'a jamais permisde s'exprimer, à qui on n'a jamaisfait confiance, on se rendcompte, si on les écoute, qu'ilspensent et qu'ils ont des avisaussi valables que les nôtres.Pourquoi n'auraient-ils pasd'opinions sur leurs conditionsde vie, sur leur condition de per-sonnes ayant des difficultés à lireet à écrire, sur la défense de leursdroits ?

Le RGPAQ accorde de plusen plus de place aux participan-tes et aux participants dans sastructure, et cela ne se fait passans créer quelques remous. Cer-taines et certains sont d'accordet trouvent qu'il était temps quecela se fasse ; pour d'autres, celadevrait plutôt se produire dansles groupes, car nous sommes unregroupement de groupes et nonun regroupement de personnes.

Dans le présent article, je veuxdémontrer qu'il y a eu une évo-lution constante de la place oc-cupée par les participantes et lesparticipants dans l'histoire duRGPAQ, et que lorsqu'on leuren donne la possibilité, ces fem-mes et ces hommes savent trèsbien s'exprimer, ce qui ne peutêtre que bénéfique au mouve-ment.

60 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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DOSSIER

Écrire pour la première foisDès ses débuts, en 1981, leRGPAQ insère dans son Bulle-tin d'information un supplémentd'une douzaine de pages intituléEcrire pour la première fois. Plustard, on mettra sur pied uncomité journal dans lequel s'in-vestiront quelques personnesparticipantes. Les articles sontécrits par et pour les participan-tes et les participants des grou-pes membres. En 1985, leRGPAQ, n'ayant plus d'argentpour financer le journal, cesse dele produire. Les membres ducomité sont très déçus et deman-dent aux participantes et auxparticipants des groupes des'exprimer sur la place qu'elleset qu'ils devraient prendre ausein du RGPAQ.

Une grande rencontreToujours en 1985, le RGPAQ or-ganise un colloque de 2 jours (laGrande Rencontre) qui réunit 400personnes (participantes et anima-trices). Plusieurs participantes etparticipants collaborent au proces-sus d'organisation, qui dure plusd'un an. Malgré un succès sansprécédent, on ne voudra plus ré-péter un événement de cette en-vergure, tout le monde étant àbout de souffle.

La Grande Rencontre était untrop gros morceau pour les capa-cités du RGPAQ : on a vraimentvoulu amener les participantes etles participants à prendre part àtout le processus d'organisation.Beaucoup de personnes se sontépuisées dans cette aventure, avecpour conséquence que les respon-sables n'avaient plus l'énergie né-cessaire pour continuer leur tra-vail auprès des participantes et desparticipants dans la structuremême du RGPAQ.

À la suite de la Grande Ren-contre et lors du congrès duRGPAQ de mars 1986, les par-ticipantes et les participants exi-geront que le Regroupementtienne compte de leurs difficul-tés et de leur niveau d'appren-tissage dans la production destextes qu'il fait parvenir auxgroupes membres et qu'il utiliseun langage accessible.

L'Année internationalede l'alphabétisationEn 1990, à l'occasion de l'An-née internationale de l'alphabé-tisation, autre moment fort deleur engagement, les participan-tes et les participants deviennentdes personnes-ressources dans lecadre de l'organisation du forumUne société sans barrière, où l'ondiscutera des droits des person-nes analphabètes.

D'autre part, ils et elles sontplus de 500 à rédiger des textes àl'occasion de l'événement LeVoyage du livre. Dans chaque ré-gion, des activités sont organisées(pièces de théâtre, soirées dansan-tes, accueil à l'hôtel de ville, etc.)pour marquer l'arrivée d'un grandlivre où chacun, chacune peutécrire quelques mots.

Des porte-paroleEn 1992, lors d'un congrès d'orien-tation où l'on s'interroge sur lescritères d'admission des membres,il est décidé que, pour devenir etrester membres, « les groupes de-vront développer et maintenir desstructures de gestion participative etdémocratique (adaptées aux réalitéset aux besoins des participantes etdes participants) en créant des lieuxde partage du pouvoir ». Il est égale-ment décidé « que le RGPAQ soitconséquent avec son discours surla place des participantes et des

participants en créant des lieuxde partage du pouvoir, en ren-dant le fonctionnement et l'in-formation plus accessibles ».

À la suite du congrès, on de-mande aux groupes membres denommer des porte-parole pourreprésenter les participantes etles participants de leur groupe.Un total de 25 groupes membressur 40 feront la démarche.

En 1993, le RGPAQ organisedes rencontres régionales afin desensibiliser les participantes et lesparticipants à la lutte politiquepour l'obtention d'un meilleurfinancement des groupes d'al-phabétisation populaire. ÀMontréal, une centaine de per-sonnes sont présentes. On pro-fite de ces rencontres pour pré-senter les porte-parole et leurdemander de donner les raisonsde leur engagement. Avec fierté,elles et ils avouent souhaiterjouer un rôle actif dans la luttepolitique.

À l'assemblée générale de1994, il est décidé « d'enrichiret d'appuyer les actions du Co-mité de stratégie en voyant àfaciliter l'implication des parti-cipantes et des participants ».

C'est ce qui est fait en 1994et en 1995. Dans son bilan an-nuel, le RGPAQ souligne que letravail avec les porte-parole a ététrès satisfaisant et a donné de trèsbons résultats. Même si, lors decertaines rencontres avec des« officiels », les participantes etles participants ont eu de la dif-ficulté à prendre leur place, ilsont su se réajuster.

Les porte-parole sont égale-ment présents à l'assembléegénérale de février 1995. Mon-sieur Garon, ministre de l'Edu-cation d'alors, est venu annon-cer une augmentation

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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de l'enveloppe budgétaire. Danstoute cette lutte menée pour unmeilleur financement, les porte-parole ont été présents et se sontexprimés devant le ministre.C'est en grande partie à euxqu'on doit les gains obtenus.Elles et ils ont su sensibilisermonsieur Garon à la cause despersonnes analphabètes et à l'im-portance des groupes d'alphabé-tisation populaire.

La Fête de solidaritéPour souligner le succès des re-vendications, on prévoit tenir unegrande fête de solidarité en mai,à Québec. Le RGPAQ met surpied un comité d'organisationde la Fête de solidarité en mai,auquel se joignent plusieurspor te -paro le . La fête, quiregroupe plus de 300 partici-pantes et participants, soulèvebeaucoup d'enthousiasme.

Un comité ad hocLes participantes et les partici-pants prennent de plus en plus deplace au sein du Regroupement.Et après la Fête de solidarité, celase manifeste de façons différentes.À l'assemblée générale de 1995,il est décidé de mettre en œuvredes moyens pour favoriser leurparticipation aux activités duRegroupement. Un comité ad hocde participantes et de participantsest donc formé pour élaborer uneproposition à soumettre à la pro-chaine assemblée. En juin 1996,le comité suggère de créer un co-mité permanent de participanteset de participants. La propositionest refusée par l'assemblée, quiaccepte toutefois que le comitéad hoc poursuive son travail etse penche sur une proposition destructure de fonctionnement auRGPAQ.

Le Comité des participanteset des participantsdu RGPAQFinalement, en 1997, le Comitédes participantes et des partici-pants du RGPAQ voit le jour.Par un processus des plus démo-cratiques, on organise des élec-tions. Seize participantes et par-ticipants se présentent, dix sontélus. Les membres du Comitésont présents à l'assemblée gé-nérale de 1997, en plus des 25représentantes et représentantsdes groupes.

Pour la première fois auRGPAQ, des participantes et desparticipants font partie de la struc-ture officielle. Le Comité devientun comité permanent au mêmetitre que les autres, même si sonbudget de fonctionnement estminime. C'est un début.

Le rôle du ComitéLa première année, les membresparticipent à trois rencontres dedeux jours pour se connaître etconnaître le RGPAQ à partir desdifférents dossiers. De plus, ilsapprennent à devenir des porte-parole à l'échelle provinciale.Dans l'ensemble, ils sont satis-faits de leur participation, maisaimeraient avoir plus de respon-sabilités et, surtout, participer àdes actions concrètes. Ils deman-dent donc plus de rencontres etun projet qu'ils pourront menerjusqu'au bout, malgré un trèspetit budget. On arrête alors lapublication du bulletin des par-ticipantes et participants, Monjournal, pour pouvoir engagerune personne une journée parsemaine pour le Comité.

Lors de la deuxième annéed'existence du Comité, leRGPAQ présente un projetIFPCA (Initiatives fédérales-

provinciales conjointes en ma-tière d'alphabétisation), qui seraaccepté. L'un des objectifs estde définir les orientations de ceque pourrait être la défense desdroits au RGPAQ. Les membresdu Comité des participantes etdes participants, en collabora-tion avec les membres du Co-mité défense des droits, organi-sent alors une tournée dans quel-ques groupes afin de connaîtreles obstacles et les problèmes

AGIR POURCOMPRENDRE

Propos recueillis parLucie St-Germain

René Paradis fréquente le groupe Atout-Lire de Québec. Analphabète il y a septans, il suit maintenant des ateliers deniveau avancé.

Il est membre du Comité des parti-cipants et des participantes du RGPAQdepuis trois ans. Il partage avec nousses réflexions sur le sens du travail qu'ilaccomplit au Regroupement.

Pourquoi avez-vous décidé de fairepartie du Comité des participantset participantes du RGPAQ ?Je voulais aller dans les groupes voirce qui s'y passait. Je me suis dit : « Jevais me présenter ; si je rentre, je vaisêtre content. » J'ai été élu. Après on estmonté à Montréal pour faire une pre-mière réunion. Sur le coup, c'est gênantparce qu'on sait pas comment ça mar-che tout ça.

Pourquoi ça vous intéressait tant ?Je voulais aider d'autres participants.Essayer de donner des nouvelles de cequi se passe. Comment ça marched'autres groupes. Et rendre compte deça.

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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DOSSIER

que rencontrent les personnesayant des difficultés à lire età écrire. Les membres du Comitéveulent représenter toutes lespersonnes participantes desgroupes membres. Ils et ellessont déçus que Mon journaln'existe plus, car c'était un bonmoyen d'informer les groupesde leur travail, mais ils nese laissent pas décourager ettrouvent une solution quine coûte pas trop cher au

RGPAQ : ils décident d'insé-rer quelques feuilles Infoparticipantes et participantsdans le bulletin mensuel duRGPAQ, Le Scoop. Grâce à cetteinformation, les participanteset les participants des groupespourront suivre le travail duComité. Certains tiendrontmême des discussions sur lesdroits des personnes analpha-bètes et nous enverront l'essen-tiel des propos.

Avec le temps, les membresdu Comité finissent par trouverque 10 personnes, c'est trop, quecela coûte cher et que ça empê-che de se réunir plus souvent. Ilssuggèrent donc au COCOA1

que le Comité comprenne seu-lement six membres à l'avenir,comme les autres comités. Ilsdemandent également que qua-tre anciennes et anciens membresreviennent pour assurer la conti-nuité.

Vous en êtes à votre troisièmeannée au Comité, puisque vousavez été élu une deuxième fois...Qu'avez-vous tiré de cette expé-rience ?J'ai appris beaucoup. On commence àconnaître tous les groupes de partici-pants. On aime aller parler avec lesautres, savoir comment ça marche leursaffaires. On donne des résultats àd'autres groupes.

Avant, je ne savais pas trop ce queje faisais là, maintenant je suis à monaise et je peux parler pour d'autres par-ticipants. Je peux aller plus loinqu'avant.

Je suis aussi plus capable de fon-cer qu'avant. Quand je vois un groupe,je vais jaser avec les autres, discuterdes affaires qu'on pourrait arrêter. Çatrouble un chemin. Dernièrement, jesuis aussi allé dans les écoles, voir desjeunes et conter mon histoire. C'estcomme si j'avais toujours fait ça.

Qu'est-ce que vous pensez duComité ? De la manière dont il fonctionne ?Il fonctionne beaucoup mieux qu'il y adeux ans. À ce moment-là, on était 10participants et plusieurs trouvaient quec'était beaucoup. Là on est six. On peutdire notre petit point plus vite et pen-ser mieux, avoir plus de réunions. Avanton n'en avait pas beaucoup, on se voyait

à peu près quatre-cinq fois dans un an,on n'avait pas le temps de se virer debord. On aime ça maintenant parcequ'on se voit plus souvent, on est ca-pable d'aller voir d'autres groupes, dediscuter et d'essayer de trouver dessolutions.

À Atout-Lire, vous faites partiedu C.A., du Comité maison et duclub social. Pensez-vous que lesgroupes devraient permettre àleurs participants et participantesde s'investir autant ?J'aimerais que tous les participantsaient la chance de parler dans des co-mités, qu'ils aillent en voir d'autres pourparler avec eux. C'est intéressant cartu apprends, tu sers à quelque chose.

Selon vous, comment les partici-pants et les participantes sont-ilsperçus dans les assemblées géné-rales ? Il y a eu une évolutiondepuis que vous y allez. Qu'est-ceque les gens, les formatrices, lesformateurs pensent de vous ?Je pense qu'ils me mettent égal avecles autres. Si on a de quoi à dire, on estcapable de le dire. On est là pareilcomme si on était des maîtresses. Onest libre de dire ce qu'on veut, de dé-fendre notre point. Ça, c'est vraimentintéressant !

Dans l'idéal, quelle place le Re-groupement devrait-il donner auxparticipants et participantes ? Jus-qu'où ceux-ci devraient-ils aller ?En tant que participant je me sens bien.Je ne peux pas demander mieux. Onarrive ici, on est bien reçu. On fait no-tre travail, tout le monde a droit de diresa parole. Demander mieux que ça, jepense que c'est impossible.

Mais j'aimerais ça que les participantsdu Comité disent : « On prend un dossieret on peut le rendre au bout. » Par exem-ple, d'autres participants dans des grou-pes, s'ils ont besoin de quelque chose,d'être défendus, ils pourraient passer di-rectement par nous autres, nous le de-mander. Nous, les membres du Comité,on pourrait s'assembler...

// faudrait que le Comité des partici-pants et des participantes soit plusautonome ?Oui. On pourrait monter notre dossier etle donner ensuite au COCOA pour qu'ill'étudié et dise si c'est bon ou pas bon.On serait capable de monter un dossierpuis de l'envoyer au COCOA pour qu'il l'ar-range.

Dans les premiers temps, on ne com-prenait pas ce qu'on faisait ici. On se sen-tait inutile. C'est pas facile de regarderles autres travailler. Maintenant, on aquelque chose à faire. On vient ici pourtravailler. Parce qu'on agit, on comprendce qu'on fait là.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 63

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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ConclusionDans cet article, nous pouvonssuivre facilement l'évolution dela place occupée par les partici-pantes et les participants auRGPAQ. Nous sommes passésd'un supplément au bulletind'information en 1981 à un co-mité permanent des participan-tes et des participants en 2001.Vingt ans d'histoire, et chaquefois que l'on a eu besoin d'elleset d'eux, ils étaient là. Que cesoit en vue de mener une lutte

pour le financement, en 1995avec monsieur Garon afin d'ob-tenir de plus grosses subven-tions, ou encore dans le but deréfléchir sur la défense des droitsau RGPAQ, non seulement cespersonnes étaient là, mais ellesétaient aussi indispensables.

Présentement, avons-nous lastructure idéale ? Doit-elle en-core évoluer ? Depuis quelquesannées, certains groupes souhai-tent qu'il y ait un représentantdu Comité des participantes et

des participants au COCOA. Àl'assemblée générale de juin2000, les groupes présents ontvoté contre cette proposition.Cependant, pour la premièrefois, une participante a été élueà un comité autre que celui desparticipantes et des participants(Comité défense des droits). Est-ce le début d'une plus grandeprésence des participantes et desparticipants dans l'ensemble desstructures du RGPAQ ? Jus-qu'où voudrons-nous aller ?

DES FEMMES ANALPHABETES S'INSCRIVENTDANS UNE PAGE DE L'HISTOIRE DES FEMMES

Propos recueillis par Lise St-Germain du Centre d'organisation mauriciende services et d'éducation populaire (COMSEP)

« Lire l'écrit, écrire le social,s'inscrire dans le monde. »

Franklin Midy

À l'occasion de la Marche mondiale desfemmes en l'an 2000, COMSEP décidede relever le défi d'accorder une placeprépondérante aux femmes vivant dansun contexte de pauvreté et de violence.Cela veut dire, pour l'organisme, don-ner l'occasion et les moyens aux fem-mes qui le désirent d'aller jusqu'au boutdu processus, c'est-à-dire se rendre àNew York pour y déposer collective-ment les revendications mondiales dela Marche devant l'Organisation desNations Unies.

Ce projet est rapidement approuvépar plusieurs femmes et alimenté parune démarche d'éducation populairequi débute le 8 mars 2000 pour se con-clure le 17 octobre 2000 à New Yorkavec la participation de 49 femmes,dont le tiers ont un faible revenu et plu-sieurs sont inscrites à notre programmed'alphabétisation.

Afin de réaliser ce rêve, surtout pourles femmes en situation de pauvreté, ilfaut bien sûr trouver les moyens finan-

ciers. Pour ce faire, nous mettons encommun petites économies, dollars etsous noirs, nous vendons du café, beau-coup de café. De plus, plusieurs person-nes sensibles à la cause de la Marcheet aussi par solidarité font un don afinque les femmes à faible revenu puis-sent participer à l'événement sans tropdégarnir leur garde-manger.

Un comité organisateur est mis surpied pour l'ensemble de la démarche,qui nous mènera du régional au natio-nal et à l'international. Ces femmes tra-vaillent ensemble, réfléchissent ensem-ble, discutent de leur réalité, parlent deleur vécu et de leur conviction que leurlutte collective aura du poids et finale-ment, elles marchent et revendiquentensemble, à Trois-Rivières, à Montréalet à New York.

L'une de ces femmes a bien voulunous faire part de son expérience et desmotivations qui l'ont poussée à pren-dre une place importante dans la dé-marche. Voici des extraits d'une entre-vue réalisée avec Raymonde Cochrane,membre de COMSEP et inscrite à desateliers d'alphabétisation depuis qua-tre ans.

Raymonde, qu'est-ce qui vousa motivée à participer à cetteMarche ?Je me suis impliquée parce que je mesens concernée. Je suis à l'aide socialeet les coupures, j'en ai eu plus souventqu'à mon tour. Il faut que ça cesse. Etla violence, je l'ai vécue et mon enfantaussi. Je l'ai vécue deux fois, une pre-mière fois avec mon premier mari etensuite avec le deuxième. À la marcheDu pain et des roses, j'ai pas eu lachance de participer, j'étais malade.Mais comme mes jambes vont mieux,je me sentais capable de suivre. J'aivoulu le faire jusqu'au bout et je suistrès fière d'avoir réussi.

Croyez-vous vraiment que laMarche peut changer des choses ?J'espère. Je ne peux pas dire « oui » ou« non ». Encore ce matin, j'ai reçu unelettre m'annonçant qu'on peut mainte-nant être saisi sur notre chèque en casde dettes. Bouchard, le premier minis-tre, n'a pas accepté la loi-cadre contrela pauvreté. Il veut mettre une straté-gie en remplacement d'une loi. C'est unpeu inquiétant ce qu'il fera du projet.

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DOSSIER

L'effort que le RGPAQ fait pouraméliorer la place des participan-tes et des participants au sein desa structure provinciale est-ilsoutenu par la base ?

L'une des forces du Regrou-pement est de questionner sespratiques. Ainsi, nous pourrionsnous demander si nous utilisonstous les moyens nécessaires pourassurer une plus grande placeaux participantes et aux partici-pants à l'intérieur même de nosgroupes. Pourrions-nous faire

plus ? Utilisons-nous les moyensmis en œuvre par le Comitépour favoriser l'investissementdes participantes et des partici-pantes des groupes (élire lesmembres du Comité, envoyer lesrésultats des discussions menéesen atelier sur les thèmes suggé-rés par L'Info, photocopier lesrenseignements qui sont desti-nés aux participants et partici-pantes et les faire circuler, etc.) ?

Beaucoup de questions, n'est-ce pas ? Le RGPAQ n'a cessé, en

20 ans, de faire de plus en plusde place aux participantes et auxparticipants, et je suis convain-cue que cela n'est pas terminé.

1. Comité de coordination du Regroupement(et « A » pour alphabétisation), composé de neufreprésentants et représentantes des groupesmembres ainsi que de la coordonnatrice duRGPAQ. Élus par l'assemblée générale annuellepour un mandat de deux ans, les membres nedéfendent pas les intérêts de leur groupe, maisceux de l'ensemble des groupes membres.

On peut quand même gagner deschoses. Les coupures pour te logement,au moins ça n'aura pas lieu. Je seraiprête à faire des luttes car il ne fautpas lâcher, pour celles derrière nous.Même si on gagne juste des petiteschoses, les luttes, ça fait qu'on ne re-cule pas.

Qu'est-ce que vous retenezde l'expérience de la Marchedes femmes ?Avoir l'impression de faire quelquechose, de défendre mes droits maisaussi ceux des autres. De tenir des pan-cartes avec les revendications. Beau-coup de choses m'ont impressionnée.Des images me reviennent souvent : laminute de silence, les femmes de par-tout dans le monde, leurs vêtements,les revendications que les femmes onttransportées au bout de leurs bras dansla foule. Ça m'a émue cette chaîne depétitions. Je pense aussi à la femmemusulmane qui a eu le courage de sedévoiler. Je me demande ce qui lui estarrivé, si elle est retournée chez elle.C'est difficile à croire que les hommesde ces pays n'acceptent pas que les

femmes se montrent le visage. Ce futvraiment une chance de vivre ça, d'al-ler à New York avec toute l'équipe deCOMSEP. On a vécu beaucoup d'ami-tié. Le voyage de New York, c'est quel-que chose que je n'oublierai jamais. Jen'aurai plus jamais cette chance.

C'est comme le projet de loi contrela pauvreté. Au début, je me demandaisce que ça donnerait. Je pensais qu'onnous avait parlé de ça une fois et qu'onn'en reparlerait plus. Et ça a continué.J'ai fini par témoigner de ce que je viset ensuite on m'a demandé de faire untémoignage à Québec et je suis deve-nue la porte-parole. Ça m'a changéecomplètement tout ça. J'ai pris connais-sance de beaucoup de choses. On estchanceux d'être regroupés, d'avoirCOMSEP. Il y a des personnes qui sontseules avec leur pauvreté. Pas nous. Onpeut participer, être dans des comités,prendre des décisions, ça aide à pren-dre sa place.

Au début, quand je suis arrivée àCOMSEP, je ne voulais participer à rien.Je ne faisais pas confiance à cause detoutes mes mauvaises expériences.Mais j'ai changé et personne ne m'a

obligée à changer. Je l'ai fait par moi-même en étant avec les autres. J'aicompris par l'écoute, par le respect etles moyens qu'on se donne pour s'ensortir. Maintenant mon projet de vie, ceserait de travailler pour retrouver madignité mais surtout ne jamais oublierd'où je viens. Si je travaille un jour, jene veux jamais oublier les autres enarrière.

L'histoire de Raymonde, c'est aussicelle de Pauline, de Denise, de Lise etde centaines d'autres qui ont eu l'oc-casion de prendre leur place grâce à desévénements comme la Marche mon-diale des femmes, de dire non à la pau-vreté, de dire non à la violence. C'estpeut-être aussi l'histoire de milliersd'autres qui auront été inspirées par cesfemmes et qui diront à leur tour « non »à la pauvreté et à la violence. Des fem-mes qui, espérons-le, prendront aussiun jour une place dans la société, cellequi leur revient.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 65

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Action!Carole Doré, consultante en alphabétisation

L'auteure remercie Françoise Bouchard,Suzanne Daneau, Louise Miller, Sylvie Tardifet Lisette Trudel pour leurs connaissances

et leur précieuse mémoire...

Un simple regard en arrièresuffit pour comprendre que

notre Regroupementse distingue par ses

coups d'éclat et par sadétermination.

En relisant nos bilans, nos bulle-tins internes et au moyen d'entre-vues téléphoniques avec des ac-teurs et des actrices de différentesépoques, nous avons remonté lecours de notre jeune histoire poury retrouver les actions-chocs quiont marqué nos luttes, tant pourfaire connaître la problématiquede l'analphabétisme et faire recon-naître nos pratiques que pourobtenir un financement adéquat.

Le big-bangLe Regroupement est né officiel-lement en février 1981. Sa pre-mière action d'éclat a été la ré-daction et le dépôt d'un mé-moire intitulé L'alphabétisationau Québec — situations — recom-mandations en juillet 1981 à laCommission d'étude sur la for-mation des adultes (CEFA),mieux connue sous le nom deCommission Jean, du nom de saprésidente, madame MichelleJean. La CEFA avait pour man-dat de faire le point sur l'éduca-tion des adultes et d'adresser desrecommandations au gouverne-ment. Le mémoire du Regrou-pement abordait la problémati-que de l'analphabétisme, les in-terventions des organismes vo-lontaires d'éducation populaire(OVEP) en alphabétisation ainsiqu'un certain nombre de recom-mandations pour une futurepolitique en matière d'éducationdes adultes.

Cette action a permis de fairerapidement connaître le Regrou-pement. « Le mémoire présen-té à la CEFA quelques moisaprès la naissance du Regroupe-ment a joué un rôle déterminantdans la reconnaissance du rôle

des groupes populaires et de leurpratique d'intervention. » (LouiseMiller, dans Alphabétisationpopulaire, printemps 83, n° 12,p. 26.)

Mais à peine un mois après ledépôt du mémoire, on apprendque les subventions consentiespour l'année 1981-1982 ne se-ront augmentées que de 3 910 $pour l'ensemble des groupes in-cluant neuf nouveaux groupes.Ceci aura pour effet de diminuerconsidérablement les subven-tions des groupes déjà financéset de mettre très sérieusement enpéril la survie de l'ensemble desgroupes. Il y a urgence. La ri-poste s'organise. Échange de let-tres avec Camille Laurin, le mi-nistre de l'Éducation de l'épo-que, ainsi qu'avec son sous-mi-nistre, et rencontre avec ces der-niers. Le Regroupement de-mande : 1) la révision des mon-tants alloués pour consolider lesgroupes existants et l'octroi d'unbudget supplémentaire qui per-mettrait aux nouveaux organis-mes de s'implanter et de se dé-velopper efficacement ; 2) l'allo-cation de budgets spéciaux afinde favoriser la recherche et leperfectionnement de nos prati-ques d'alphabétisation (il existebien un programme de recher-che, mais il est réservé aux seu-les commissions scolaires).

Parallèlement à ces pourpar-lers, on organise une vaste cam-pagne médiatique (articles dansles journaux, interviews à la té-lévision, etc.). La problématiquede l'analphabétisme fait son ap-parition dans les médias et laquestion du financement desgroupes y est soulignée.

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Le Regroupement participeégalement aux actions de laCoalition nationale contre lescoupures en éducation des adul-tes. Cette coalition regroupe unevingtaine d'organisations trèsvariées qui œuvrent dans lesecteur de l'éducation des adul-tes : syndicats, Institut canadiend'éducation des adultes (ICEA),groupes populaires, institutions,services à la collectivité. Diver-ses actions sont organisées : con-férences de presse, lancementd'un « dossier noir », publicationd'un journal et campagne d'en-voi de milliers de cartes postalesadressées au ministre CamilleLaurin.

Nous sommes en période derestrictions budgétaires (lireépoque où on disait couper dansle gras... ). Le gouvernement, parla voix de son ministre desFinances, monsieur Parizeau,et de son ministre de l'Educa-tion, a pourtant annoncé publi-quement que ni la quantité ni laqualité des activités ne seraientaffectées par les restrictions bud-gétaires. La réalité est tout autre,même si le gouvernement dit ac-corder une priorité à l'alphabé-tisation. « Le secteur de l'éduca-tion aux adultes a été l'un desplus touchés par les restrictionsbudgétaires décrétées par le mi-nistre Jacques Parizeau, ce qui amême soulevé des inquiétudesau Conseil supérieur de l'éduca-tion et à la Commission Jean. »(Mario Fontaine, La Presse, 21octobre 1981.)

Le gouvernement annonce ennovembre 1981 des fonds sup-plémentaires de 150 000 $. Cen'est pas le Pérou, mais

DOSSIER

Qu'avons-nous gagné ?Engagés depuis près d'une décennie aucœur des actions en reconnaissance etfinancement, Suzanne Daneau, coor-donnatrice de La Boîte à lettres deLongueuil, et Christian Pelletier, respon-sable du dossier Reconnaissance etfinancement au RGPAQ, ont défini cequi leur semble être les gains les plusmarquants de ces 20 ans d'espoir et deluttes dans ce dossier.

La reconnaissanceII est certain que nous n'avons pas en-core de reconnaissance formelle1,comme nous le revendiquons depuis denombreuses années déjà. Cependant,dans les faits, nous avons fait des gainsimportants à ce chapitre, tant sur le planpolitique que sur celui des pratiques.L'expertise que nous avons acquise aucours des ans, dans les groupes et auRGPAQ, nous semble de plus en plusreconnue. Nous n'avons qu'à citer quel-ques événements auxquels nous avonsparticipé pour nous en convaincre :

• Le RGPAQ siégeait aux assises desÉtats généraux sur l'éducation en1996, aux côtés des syndicats, descommissions scolaires et d'autresintervenants et intervenantes.

• Le RGPAQ représentait le mouve-ment d'alphabétisation populaire auQuébec à la Ve Conférence sur l'édu-cation des adultes à Hambourg en1997.

• Des formateurs et des formatrices,des participants et des participan-tes issus des groupes membres duRGPAQ se sont retrouvés à Namuren 1997 pour discuter de leurs pra-tiques en alphabétisation.

• Le RGPAQ était invité au Sommet dulivre et de la lecture organisé en1998 pour stimuler la lecture, aumême titre que des maisons d'édi-tion et d'autres acteurs dans le do-maine.

• Le RGPAQ a toujours entretenu desrelations soutenues avec le cabinetdes différents ministres de l'Éduca-tion.

• Le ministère de l'Éducation du Qué-bec ainsi que différents intervenantset intervenantes se sont souventinspirés des pratiques d'alphabéti-sation des groupes dans certainsdomaines : les jeunes, les nouvel-les technologies, l'insertion sociale,la prévention, l'emploi, etc.

Nous avons, au cours de ces 20 ansd'existence, forcé le gouvernement etle milieu de l'éducation à nous consi-dérer comme un interlocuteur incon-tournable lorsqu'il est question d'anal-phabétisme et d'alphabétisation. C'estgrâce à la mobilisation et à la solida-rité des groupes dans les différentesactions menées que cette reconnais-sance s'est bâtie, ainsi que grâce à lacrédibilité acquise avec le temps et àla pertinence de nos interventions pu-bliques sur les solutions à apporter pourlutter contre l'analphabétisme. Notrepercée, depuis quelques années, enmatière de « contacts » politiques aveccertains ministres sympathiques à lacause communautaire n'est pas étran-gère non plus à cette reconnaissance.

En un mot, nous avons fait desgains relativement importants en ce quiconcerne la reconnaissance de nospratiques et de notre expertise, etnotre pouvoir politique. Par contre, lareconnaissance légale de notre réseaun'est pas encore obtenue. Maisserons-nous prêts à accepter les con-traintes qui y seront associées ? Leministère nous le répète depuislongtemps : un certain « contrôle »viendra avec la reconnaissance. Enconnaissons-nous toutes les implica-tions ? Qu'adviendra-t-il de notreautonomie ?

Le financementDes gains financiers ont été obtenusdepuis la création du RGPAQ, et parti-culièrement depuis 1995.

En 1980-1981, à la création duRegroupement, le budget disponiblepour les 19 groupes d'alphabétisationde l'époque subventionnés par

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le PSAPA (Programme de soutien àl'alphabétisation populaire autonome)était de 276 000 $2, pour une subven-tion moyenne par groupe de 14 526 $3.En 1994-1995, le budget était de2 602 269 $4, pour une moyenne pargroupe de plus ou moins 24 500 $par année. En 1995-1996, l'enveloppebudgétaire du PSAPA pour 130 groupesreprésentait 5 302 269 $5, pour unemoyenne de 39 000 $ par groupe. Fina-lement, en 2000-2001, les 128 groupesse partagent un total de 8 102 300 $6,pour stabiliser la moyenne à près de61 000 $ par groupe.

Si nous regardons d'un peu plus prèsces augmentations de budget, nousconstatons que, durant les 15 premiè-res années d'existence du Regroupe-ment, l'enveloppe budgétaire disponi-ble pour les subventions aux groupes aaugmenté très lentement. En effet, de1980 à 1995, l'augmentation de la sub-vention moyenne allouée aux groupesa été d'environ 10 000 $, soit de 71 %en 15 ans. Par contre, entre 1995 et2001, cette augmentation a été d'envi-ron 36 500 $ par groupe, soit de 154 %en six ans.

Les gains financiers ont été plusimportants ces dernières années, etnous expliquons ce fait par l'interactionde plusieurs facteurs. D'abord, au dé-but des années 90, le Regroupement adécidé de « prendre les moyens » afind'intensifier la lutte pour un meilleurfinancement. Nous avons élaboré uneplate-forme de revendications et établides objectifs de lutte très clairs7. En-suite, nos demandes ont eu un échoauprès de certains députés et ministresqui croyaient, plus que d'autres, à lapertinence du travail qu'accomplissentles groupes auprès de la population. Deplus, la tenue des États généraux sur

l'éducation en 1996 et, par la suite, lavaste réforme de l'éducation entreprisepar le gouvernement ont été deséléments contextuels importants pournotre lutte, et nous avons su en profi-ter. Finalement, nous considérons quetout le travail de sensibilisation surl'analphabétisme et sur l'alphabétisa-tion accompli auprès de la populationa été un facteur non négligeable, puis-que maintenant on reconnaît l'urgencede la situation.

L'augmentation des subventions estcertes le gain le plus évident, mais ilne faudrait pas oublier que des amélio-rations ont également été apportées aucours des dernières années dansl'application du PSAPA. En effet, cettesubvention récurrente est enfin répar-tie sur trois ans — pour une action àplus long terme —, et nous avons main-tenant le droit de financer les activitésde vie associative aussi bien que lesateliers et de consacrer jusqu'à 40 %de l'argent au fonctionnement dugroupe. Aussi, depuis 1995, la subven-tion est remise en deux versementspar année plutôt que trois, etc.

Il est bon de constater que le travailacharné et la mobilisation à partir denos revendications financières ontdonné des résultats intéressants, maisnous sommes loin d'un financementadéquat pour les groupes. De plus, ilne faut pas oublier que les gains ontété obtenus dans un contexte de désen-gagement de l'État, ce qui nous com-mande d'être très vigilants si l'on veutque ces gains servent les intérêts de lapopulation avec laquelle nous tra-vaillons (et non ceux du gouvernement)et nous garantissent l'autonomie dansnotre mission et nos pratiques.

1. Nous entendons, par reconnaissance formelle, l'inscription dans un texte de loi approprié dela reconnaissance de l'alphabétisation populaire autonome.2. Jean-François AUBIN, « Retour vers le passé ! », Le Monde alphabétique, n° 7, p. 12 à 16.3. Le ministère de l'Éducation se réserve une partie du budget disponible pour administrer leprogramme de subvention. Nous avons donc soustrait ce montant pour établir la subventionmoyenne des groupes.4. Direction de la formation générale des adultes, Service de l'éducation populaire, Note in-terne, juillet 2000.5. Ibid.6. Ibid.7. Cadre de référence sur le financement des groupes membres du RGPAQ, Montréal, janvier 1994.

68 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

c'est tout de même plus du dou-ble des subventions versées en1980-1981. Victoire! Pour lescinq premiers mois d'existencedu Regroupement... un départsur les chapeaux de roues !

À la guerrecomme à la guerreTout au long de la première dé-cennie, le Regroupement, avecses alliés du mouvement d'édu-cation populaire, a réalisé unimportant travail de représenta-tion et de pression pour faire re-connaître l'importance de l'al-phabétisation populaire par lesdirigeants et les dirigeantes etobtenir ainsi un meilleur finan-cement. Diverses actions ont étémenées : manifestations ; occu-pation des bureaux du MEQavec des participants et partici-pantes et d'autres groupes d'édu-cation populaire ; dépôt d'unnouveau mémoire à la suite del'énoncé de politique en éduca-tion des adultes (laquelle est trèsdécevante et ne tient pas comptedes recommandations de laCommission Jean, qui accordaitune place fondamentale à l'al-phabétisation et à la formationde base) ; mobilisation pour lalevée des moratoires imposés parle MEQ sur la création de nou-veaux groupes en 1982-1983 eten 1985-1986.

Bien que des gains importantsaient été réalisés au fil des ans,et que des actions de toutes sor-tes aient été menées, le finance-ment des groupes a toujours été,et demeure,« le nerf de laguerre ». De 1981 à 1988-1989,les groupes d'alphabétisation etd'éducation populaires sont fi-nancés à partir de la même en-veloppe budgétaire. En 1988-1989, le Regroupement obtient

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Tout au long de sa premièredécennie, le Regroupement,avec ses alliés du mouvementd'éducation populaire, a réaliséun important travail dereprésentation et de pressionpour faire reconnaîtrel'importance del'alphabétisationpopulaire.

la création d'un programme dis-tinct de financement, le PSAPA(Programme de soutien à l'al-phabétisation populaire auto-nome). C'est certes un pas enavant, mais sans un sou de plus !On l'a dit... le nerf de la guerre !

Braves et vaillants, les grou-pes ont continué le combat, dé-terminés à obtenir ce qu'ils vou-laient. Voici en vrac certaines desactions spectaculaires menéesentre 1994 et 1999, qui, si ellesn'ont pas toujours apporté desolutions, ont forcé les dirigeantset dirigeantes à nous écouter.

Campagne d'Alpha-BitsPrintemps 1994But : Faire connaître nos deman-des et amener le gouvernementlibéral à bouger dans le dossierde l'alphabétisation.

C'est dans le cadre de la pre-mière année de notre plan d'ac-tion pour la reconnaissance et lefinancement et à cause de lapriorité donnée à la lutte politi-que que les groupes du RGPAQ

envoient au ministre de l'Édu-cation, monsieur JacquesChagnon, un grand nombre deboîtes de céréales Alpha-Bits(une par jour, par groupe, pen-dant cinq jours) accompagnéesd'un message rappelant nos de-mandes quant à la nécessitéd'une politique gouvernemen-tale en alphabétisation et l'ur-gence d'un financement équita-ble. Quelques mois plus tard età la suite de rencontres avec leministre, ce dernier se dit prêt àdiscuter d'un plan de lutte con-tre l'analphabétisme et évoque lapossibilité de doubler les budgetsdes groupes populaires d'alpha-bétisation ! Sauf que... peu detemps après, des élections sontdéclenchées et le Parti libéralperd le pouvoir.

Que faites-vous pourles analphabètes ?Été 1994But : Faire connaître le problèmede l'analphabétisme pendant lacampagne électorale.

Que faites-vous pour les anal-phabètes ? Tel est le message vé-hiculé par une montgolfièrelouée par le RGPAQ pendant lacampagne électorale. Cette mont-golfière « accueille » monsieurParizeau, chef du Parti québé-cois, en tournée électorale àYamachiche. Cet accueil pour lemoins visible force JacquesParizeau, le futur Premier minis-tre, à s'informer sur la questionet à prendre position sur l'alpha-bétisation populaire.

Cette question est aussi po-sée publiquement aux chefs desdeux principaux partis (DanielJohnson du Parti libéral et Jac-ques Parizeau du Parti québé-cois) par une publicité d'unepage insérée dans un quotidien

à grand tirage le même jour quele désormais traditionnel débattélévisé.

Ces actions amènent le Partiquébécois à s'engager à son tour.Dans une lettre datée du 6 sep-tembre (les élections sont pré-vues pour le 12 septembre), il ditvouloir « concevoir, de concertavec les intervenants, une véri-table politique de reconnais-sance et de financement desorganismes volontaires d'éduca-tion et d'alphabétisation populai-res autonomes. Le financementdes organismes sera augmenté, demême qu'il sera planifié et octroyésur une base triennale » (lettre deHubert Thibeault, chef de cabi-net de Jacques Parizeau, adresséeau RGPAQ).

Déjeuner aux Alpha-BitsFévrier 1995But : Presser le nouveau minis-tre de l'Éducation, Jean Garon,de faire connaître ses intentionsen matière d'alphabétisation.

En novembre 1994, lorsd'une première rencontre avecune délégation du RGPAQ,composée de formatrices et deformateurs, de membres du per-sonnel et de porte-parole desparticipants et participantes, lenouveau ministre de l'Éducations'engage à nous revoir rapidementpour nous faire part de

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LA DEFENSE DES DROITS AU RGPAQ

1981Dans le mémoire présenté à la Commis-sion Jean, nous faisons une déclarationen faveur du droit à l'éducation, à l'em-ploi et à des conditions de vie décentespour les personnes analphabètes.

1986Au congrès d'orientation, les groupes éta-blissent la priorité suivante : « 11 faudrapromouvoir la défense et le développe-ment de l'alphabétisation populaire ainsique les droits des personnes analphabè-tes. »

1990 (Année internationale del'alphabétisation)-1991Le Forum pour une société sans barrièresmarque un point tournant dans la défensedes droits des personnes analphabètes.Membre du comité organisateur et à l'ori-gine du projet, le RGPAQ est à l'avant-plan dans ce dossier (mesures de soutienau rattrapage scolaire, droit de s'alpha-bétiser en touchant des prestationsd'assurance-chômage, etc.).

1991-1992Au congrès de 1992, nous adoptons laproposition suivante : « Les luttes pourl'amélioration des conditions de vie despersonnes analphabètes doivent êtremenées par l'ensemble des groupes mem-bres et par le Regroupement. Ce derniera le mandat de prendre position surles réalités sociales des personnes socio-économiquement défavorisées, de coor-donner des actions touchant des enjeuxsociaux, de former et d'informer lesgroupes membres des enjeux liés à laconjoncture. »

1992-1993Le RGPAQ participe à la lutte contre la loi37, qui force les prestataires de l'aidesociale à travailler pour obtenir leur chè-que en entier, et se prononce sur les me-sures de rattrapage scolaire qui y sontreliées.

À l'assemblée générale, on vote unplan d'action pour obtenir du gouverne-ment une politique globale en alphabéti-sation qui repose sur le droit de choisir lelieu de formation (réseau institutionnel ouréseau populaire), des politiques et une

fiscalité favorisant une répartition plusjuste de la richesse, une politique de pleinemploi, le maintien et l'amélioration desprogrammes sociaux, des services gou-vernementaux s'adressant aux personnesanalphabètes et l'assurance que la parti-cipation aux mesures de rattrapage sco-laire ne sera pas basée sur la coercition,mais bien sur une participation volontaire,sans catégories d'âge, ni discrimination,même si les places sont limitées.

1993-1994En ce qui concerne le rattrapage scolaire,une rencontre a lieu avec des fonction-naires, nous sensibilisons les députés etnous menons des actions médiatiques. Legouvernement accepte finalement de ré-duire les heures de formation à 15 (au lieude 20).

À l'assemblée générale d'octobre 1994,il est résolu de former un comité ad hocchargé de trouver une solution de rechangeau programme de rattrapage scolaire.

1994-1995Le Comité de stratégie politique devientresponsable des dossiers suivants : rat-trapage scolaire, réforme de l'assurance-chômage (réforme Axworthy) et réformeélectorale.

À l'assemblée générale de 1995, nousformons un comité ad hoc afin de pour-suivre le travail amorcé par le CEP (Cen-tre d'éducation populaire) de l'Estrie(Arbralettre) et de favoriser l'accès à l'em-ploi des personnes peu scolarisées.

1995-1996Le RGPAQ présente un projet sur l'accèsà l'emploi des personnes peu scolariséeset participe à un colloque sur l'emploi. Ilse joint à la Coalition nationale sur l'aidesociale. Finalement, il effectue une recher-che sur l'emploi et les personnes peu sco-larisées.

1997-1998Nous établissons une définition large dela défense des droits : « Défendre le droità la satisfaction des besoins fondamen-taux de la personne peu scolarisée, à lapréservation de sa santé, de sa dignité,de sa liberté, de son développement etde son épanouissement. »

Le RGPAQ travaille au dossier Alpha-bétisation — implication sociale, pilotépar le groupe populaire COMSEP (Centred'organisation mauricien de services etd'éducation populaire).

1998-1999Le RGPAQ produit des outils afin de pro-mouvoir l'emploi pour les personnes peuscolarisées. Il travaille également au dos-sier Alphabétisation — implication so-ciale. Il participe aux rencontres de la Coa-lition des organismes en développementde la main-d'œuvre (C0DM0) ainsi quede la Coalition pour une loi sur l'élimina-tion de la pauvreté.

À l'assemblée générale de 1999, nousréaffirmons notre accord concernant letroisième volet de la mission du RGPAQet nous en reformulons les grandeslignes : « Le Regroupement des groupespopulaires en alphabétisation du Québecvoit à la défense des droits collectifs despersonnes qui sont lésées par leur niveaud'alphabétisme. »

1999-2000Le dossier Alphabétisation—implicationsociale devient la responsabilité du Co-mité défense des droits, qui établit éga-lement un plan de réflexion sur la défensedes droits au RGPAQ. Une personne tra-vaille maintenant quatre jours par se-maine en défense des droits. Le RGPAQparticipe de nouveau aux rencontres dela C0DM0 et de la Coalition pour une loisur l'élimination de la pauvreté. Enfin, leComité des participantes et des partici-pants effectue une tournée dans les grou-pes membres concernant les droits despersonnes analphabètes. À l'issue desrencontres, il amorce une réflexion sur lesujet en collaboration avec le Comité dé-fense des droits.

2000-2001II faudra mener à terme la réflexion sur ladéfense des droits au RGPAQ, continuerle travail en ce qui concerne la mesureAlphabétisation — implication sociale,amorcer une réflexion sur notre partici-pation à des mesures gouvernementaleset continuer notre planification stratégi-que.

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DOSSIER

ses intentions en ce qui a trait àl'alphabétisation. Décembre...,janvier..., toujours pas de nou-velles du ministre. Après avoirpris la peine de lui rappeler no-tre existence (et son engagementde novembre) par l'envoi de di-zaines de bas de Noël et d'autantde SOS dans une bouteille —dans lesquels nous avons insérédes lettres réitérant nos deman-des concernant la nécessité d'unepolitique gouvernementale enalphabétisation et d'un finance-ment équitable pour les groupesmembres du RGPAQ — il nousvient en tête un vieux proverbe(probablement tiré de la sagessesuisse...) : Si la montagne nevient pas à toi, va à la monta-gne. .. Pourquoi pas ?

Nous décidons d'aller déjeu-ner dans le hall du ministèreet d'inviter monsieur Garon àvenir rendre publics ses engage-ments. Le 7 février, devant plu-sieurs centaines de personnesmobilisées par les groupes popu-laires d'alphabétisation pour cerepas aux Alpha-Bits, le minis-tre s'engage à venir à l'assembléegénérale du RGPAQ, le 25février. Il nous fera alors part,devant les membres et une délé-gation de participants et parti-cipantes, de ses intentions :doubler le budget de l'alphabé-tisation populaire, c'est-à-direpasser de 2,6 à 5,3 millions $ etaffecter la plus grande partiede ces sommes à la création denouveaux groupes. En ce quiconcerne la politique gouverne-mentale en matière d'alphabéti-sation, le ministre attendra latenue des États généraux surl'éducation.

Opération facturesNovembre 1995But : Forcer le ministère de l'Edu-cation du Québec à accélérer leprocessus d'émission des chèquesde la première tranche de lasubvention PSAPA, laquelle esten retard de plus d'un mois.

Le 20 novembre 1995, les grou-pes font face à un retard injustifiéde plus d'un mois dans le verse-ment de la première partie de lasubvention PSAPA. Cela entraînedes problèmes financiers graves(les prêts et les marges de créditsont difficiles à obtenir), et certainsgroupes seront bientôt forcés decesser temporairement leurs acti-vités en raison d'un manque de li-quidités.

Après plusieurs tentatives(restées sans réponses) de com-muniquer directement avec leministre Garon pour lui faireconnaître les problèmes que cedélai tout aussi incompréhensi-ble qu'inadmissible entraînechez les groupes, nous passons àl'action. Chaque groupe enverraune facture par jour au minis-tre, laquelle inclura des frais deretard, plus les frais d'utilisationd'une marge de crédit ou l'inté-rêt se rapportant à un prêt,selon le cas. Évidemment, lebureau du ministre est inondéde factures. L'événement fait

la une de La Presse, on en parleà la radio, plusieurs groupessont approchés par les médiaspour faire connaître leur opi-nion.

Après avoir fait une autresérie d'appels au ministère ainsiqu'au bureau du Premier minis-tre et établi certains contactsavec des représentants et repré-sentantes de l'opposition offi-cielle, nous obtenons noschèques le 12 décembre. JoyeuxNoël !

Bonne fête... Pauline...Bonne fête... Pauline...Booonnne fête Boonn...fêè...

ou la fois où la manifn'a pas eu lieuPrintemps 1996But : Obtenir une rencontreavec la nouvelle ministre del'Education, Pauline Marois.

Dans le contexte des nouvel-les sommes consenties l'annéeprécédente pour l'alphabétisa-tion populaire, de la régionali-sation possible du programme etdu départ de Jean Garon duposte de ministre de l'Education,le RGPAQ demande à rencon-trer Mme Marois pour connaîtresa vision du développement del'alphabétisation populaire auto-nome et obtenir des réponses àses demandes.

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Le 22 février, le RGPAQ faitparvenir à l'attaché politiquechargé du dossier de l'alphabé-tisation populaire une carted'anniversaire où l'on peut lirele message suivant : « Madame,depuis votre arrivée au ministèrede l'Éducation, nous n'avons paseu l'occasion de vous rencontreret de vous souhaiter la bienve-nue. Ce n'est pas faute d'avoiressayé. Nous profitons de votreanniversaire pour vous inviter àune fête le 29 mars 1996 à 13 hà votre bureau de comté. Plu-sieurs personnes analphabètesvous y attendront. » L'attachépolitique se dit offusqué du mes-sage car « c'est un affront que devouloir faire sa fête à une per-sonne ». Ce n'est pourtant pasle sens que nous voulions don-ner à ce geste. Le 27 mars (deuxjours avant la date prévue de lamanifestation), le RGPAQ faitparaître une publicité dans LeDevoir où il est dit que « la luttecontre l'analphabétisme figureparmi les consensus sociaux auQuébec1 » et que « le MEQ doitinvestir dans les deux réseaux quicombattent l'analphabétisme ».Panique au bureau de comté demadame Marois. Les attachéspolitiques ne ménagent ni les

efforts ni les pressions pour ar-rêter la tenue de la manifesta-tion. Voyant que nous tenions ànotre action (tout était prêt :300 personnes étaient attendues,les ballons, les fleurs, les cadeaux,etc.), le bureau de comté offrede conclure une entente : unerencontre aura lieu avec la mi-nistre le 29 avril (tiens donc,dans un mois, alors qu'il sem-blait impossible de rencontrer laministre avant l'automne !).Notre objectif est atteint. LeComité de stratégie décide d'ar-rêter la machine et la manifesta-tion n'aura pas lieu.

OpérationDéclarationen alphabétisationAutomne 1998But : Obtenir des engagementsclairs de la part de la ministre del'Education sortante pendant lacampagne électorale.

Les enjeux sont importantspour les groupes d'alphabétisa-tion lors de la campagne électo-rale de 1998. En effet, le MEQs'apprête à adopter une politiquede formation continue selon la-quelle il veut faire de l'alphabé-tisation une priorité, reconnaî-tre le rôle éducatif de nos grou-

pes et revoir le cadre de finance-ment. La suite du travail consis-tera à amener le ministère à ré-diger un texte où il reconnaîtranotre importance et à obtenirune augmentation de l'enve-loppe budgétaire pour 1999-2000. En novembre 1998, legouvernement déclenche desélections : la politique de forma-tion continue est alors mise enveilleuse. Les enjeux étant ma-jeurs, il faut marquer des pointsdurant cette campagne électo-rale. On met en branle une séried'actions tous azimuts. On veutsensibiliser les candidats et lescandidates, les députés, les fonc-tionnaires, la ministre et la po-pulation. Le 8 novembre a lieuune conférence de presse ayant

Depuis la création duRegroupement 10 ministres

de l'Éducation se sontsuccédé...

• Camille Laurin(de novembre 1980 à mars 1984)

• Yves Bérubé(de mars 1984 à décembre 1984)

• François Gendron(de décembre 1984 à décembre 1985)

• Claude Ryan(de décembre 1985 à octobre 1990)

• Michel Page(d'octobre 1990 à octobre 1992)

• Lucienne Robillard(par intérim en octobre 1992)

• Lucienne Robillard(de novembre 1992 à janvier 1994)

• Jacques Chagnon(de janvier 1994 à septembre 1994)

• Jean Garon(de septembre 1994 à janvier 1996)

• Pauline Marois,(de janvier 1996 à décembre 1998)

• François Legault(depuis décembre 1998)

Source : site Internet du ministère(http://www.meq.gouv.qc.ca/mineduc.htm)

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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DOSSIER

pour thème l'exercice du droitde vote des personnes peu alpha-bétisées. La couverture médiati-que est très bonne. On rédigeaussi une Déclaration pour l'al-phabétisation. Chaque groupeest invité à rencontrer les person-nes candidates de son comté, despersonnalités publiques et lapopulation en général pour faireun blitz de sensibilisation. Enquelques semaines seulement,10 000 personnes signent notreDéclaration, dont 21 candida-tes et candidats élus. On faitparaître la Déclaration avec lessignatures des personnalités dansLe Devoir. Le RGPAQ organise,conjointement avec l'Institutcanadien en éducation des adul-tes et le Mouvement d'éducationpopulaire et d'action communau-taire du Québec, un débat avec laministre Marois, Henri-FrançoisGautrin, critique libéral en ma-tière d'éducation, et ManonBazeau, candidate de l'Actiondémocratique du Québec. PaulineMarois s'engage alors à augmen-ter le budget du PSEPA (Pro-gramme de soutien à l'éduca-tion populaire autonome) et duPSAPA de 6 000 000 $, dont4 000 000 $ iront à l'alphabétisa-tion, en plus de reconnaître l'exis-tence de celle-ci dans la politiquede formation continue à l'autom-ne 1999.

À qui appartient la balle ?Novembre 1999But : Dénoncer le fait que legouvernement Bouchard n'apas respecté ses engagementsconcernant la mesure Alphabé-tisation — implication sociale2.

Lors de la campagne électo-rale de l'automne 1998, LouiseHarel, alors ministre de l'Emploiet de la Solidarité, annonce que

le projet Alphabétisation — im-plication sociale, mis sur piedpar un groupe de la régionMauricie — Bois-Francs, serareconnu comme mesure et pour-ra être implanté partout auQuébec à partir de janvier 1999.Plusieurs groupes de différentes ré-gions se montrent intéressés parce projet. Cependant, certainscentres locaux d'emploi tardent àsigner le protocole d'entente, carils considèrent que ce n'est pas deleur ressort. Les moyens d'Emploi-Québec sont concentrés plutôtsur la « clientèle-cible » de l'épo-que, soit les gens qui peuventintégrer le marché du travailà court terme. Une confusionde plus en plus grande s'ins-talle. Ni le ministre de la Soli-darité sociale, André Boisclair, nila ministre de l'Emploi, DianeLemieux, ne veulent de la me-sure Alphabétisation — impli-cation sociale dans leur minis-tère respectif. La mesure tombealors dans le vide administratiflaissé par la division de l'ancienministère de l'Emploi et de la So-lidarité, et ce sont les personnesanalphabètes qui paient le prixde cet imbroglio. Le déploie-ment de la mesure est compro-mis, et plusieurs personnes n'yauront pas accès.

Pendant cette joute de ping-pong avec les personnes anal-phabètes, le RGPAQ lance unmot d'ordre pour que chaquegroupe membre envoie au Pre-mier ministre Bouchard, auxministres Diane Lemieux et An-dré Boisclair, aux deux critiquesde l'opposition concernés par cedossier et aux chefs des partis del'opposition, Mario Dumont etJean Charest, une balle de ping-pong accompagnée du messagesuivant : « À qui appartient la

balle ? » et d'une courte explica-tion de la situation. Cette actiona aidé à provoquer un débat sur laquestion à l'Assemblée nationale.

Que ce soit par les actions-chocs qui viennent d'être rela-tées, par les nombreuses mani-festations à Québec, à Montréalou ailleurs ou par notre présencedans les médias chacun dans sarégion, bref par une foule d'évé-nements de toutes sortes, nousconstatons la volonté d'engage-ment des groupes membres, desparticipantes et des participants,de même que la grande créati-vité et le dynamisme dont faitpreuve notre mouvement.

1. Selon un sondage Léger et Léger effectuépour le Regroupement en 1995, 87,7 % desQuébécois et Québécoises (soit 9 personnessur 10) estiment que le gouvernement doitinvestir plus dans des programmes d'aide auxpersonnes analphabètes et 82,3 % qu'il esturgent qu'il adopte un plan d'action globalpour prévenir et combattre l'analphabétismeau Québec.2. Cette mesure a été élaborée à la suite de laréforme du programme Rattrapage scolaire duministère de la Sécurité du revenu. Les grou-pes populaires étaient en désaccord avec uneapproche pédagogique orientée vers une finpurement fonctionnelle et d'adaptation àl'emploi. Ils ont donc proposé une mesurepermettant aux personnes analphabètes nonseulement d'améliorer leurs compétences debase, mais aussi de prendre leur place dans lasociété et de jouer pleinement leur rôle de ci-toyen et citoyenne, bref de participer à la foisà des activités d'alphabétisation et à des acti-vités complémentaires favorisant leur intégra-tion communautaire, et ce, à raison de 20 heu-res par semaine (10 à 14 heures d'alphabéti-sation et 6 à 10 heures d'engagement social).Les prestataires de la Sécurité du revenu quis'engagent dans ce projet sont considéréscomme participant à une mesure de dévelop-pement d'employabilité et ont droit ausupplément mensuel prévu pour les adultesadmis au programme Soutien financier(d'après le Rapport d'évaluation du projetAlphabétisation — implication sociale rédigépar Carole Vanier, avec la collaboration deLise St-Germain, en mai 1997).

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 73

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De l'importancede notre propre

formationNicole Lachapelle,

coordonnatrice du RGPAQ

Depuis toujours, les groupespopulaires d'alphabétisation

s'interrogent sur leurs pratiques.C'est en cherchant à satisfaire

les besoins de formation etde perfectionnement de ses

membres que le Regroupements'est peu à peu constitué

une expertise.

Dans un contexte où l'« éduca-tion tout au long de la vie » estdevenue primordiale, les milieuxcommunautaires doivent s'inter-roger sur leur contribution enmatière de formation et de per-fectionnement des intervenanteset intervenants du milieu. Pourplusieurs, les regroupementsd'organismes communautairesont acquis en ce domaine unevaste expertise, mais encore troppeu reconnue1. Le RGPAQ faitpartie de ces organismes qui con-sidèrent la formation maisoncomme un outil de développe-ment des pratiques du milieu.En effet, depuis sa création en1981, le RGPAQ n'a pas cesséd'intervenir en ce sens. La spé-cificité des pratiques d'alphabé-tisation populaire exige de l'in-novation sur le terrain et mèneà de constantes remises en ques-tion. Ce sont ces nécessités et leconstat que la formation est aussiun moyen de rassembler lesmembres et de raffermir lesentiment d'appartenance quimotivent le RGPAQ à offrir dela formation. Nous retraçonsici les grandes lignes de son che-minement.

Quatre grandes périodesII y a d'abord, de 1981 à 1989,ce qu'on peut appeler la « nais-sance du mouvement ». La pé-riode est celle des premières an-nées d'expérimentation desgroupes, des débuts du RGPAQ,de l'organisation des assembléesde concertation et de la publi-cation de la revue Alphabétisa-tion populaire, de son supplé-ment Ecrire pour la première foiset, plus tard, du bulletin interneDes nouvelles du 5040. C'estaussi à ce moment qu'a lieu lepremier congrès d'orientation,dont les discussions mènent àl'adoption de la Déclaration deprincipes, document de baseauquel le mouvement se réfèretoujours2.

La deuxième période, de1989 à 1995, est celle de «lapédagogie en avant-plan ». Nousnous attardons à définir nos pra-tiques, à les diffuser et à mettrede l'avant notre spécificité pourfaire reconnaître notre travail.C'est à cette époque que leRGPAQ réalise sa premièreétude des besoins de formationauprès de ses membres, étudequi conduit à l'élaboration d'un

premier, puis d'un second pro-gramme de perfectionnement.Au total, huit thèmes de forma-tion seront élaborés. Ces for-mations donnent lieu à desdocuments regroupés dans lasérie Un visa pour l'alpha pop5.C'est aussi l'époque de la nais-sance de la revue Le Mondealphabétique. Le RGPAQ a ainsila chance de se constituer unpatrimoine qui, en plus de « pro-longer la vie » des formations,permet d'exporter son expertiseet de la faire connaître. Il ne fautpas oublier que cette période esttraversée par l'Année internatio-nale de l'alphabétisation,moment d'activités intensespour le RGPAQ et ses membres,qui nous a placés pendant uncertain temps sous le feu desprojecteurs.

La troisième période, de 1995à 1997, est celle où « la vie asso-ciative » prend beaucoup d'im-portance. C'est l'époque « post-Garon4 », où l'on assiste à la créa-tion d'un grand nombre degroupes et à une augmentationimportante du nombre de mem-bres du RGPAQ. Ceci nousconduit à la nécessité d'assurer la

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DOSSIER

Une constante demeure : le besoinde soutien des groupes dans leur travail

d'alphabétisation populaire.

transmission de nos valeurs et lacohésion du mouvement. Pour cefaire, le RGPAQ conçoit, pour lesnouveaux et nouvelles qui arri-vent dans les groupes, une for-mation portant sur le RGPAQen tant que mouvement d'alpha-bétisation populaire, sur les ser-vices offerts et sur tout le con-texte entourant l'alphabétisationpopulaire : les bailleurs de fonds,les partenaires, etc. Un nouveaubulletin de liaison voit le jour :Le Scoop. On ajoute une rencon-tre préparatoire à l'assembléegénérale pour que les nouveauxet les nouvelles puissent s'y re-trouver. Une « formation itiné-rante » sur la pédagogie est of-ferte avec la participation d'uneformatrice-terrain et d'un for-mateur-terrain, ainsi que de laresponsable de la formation.Cette formation sera donnéedans plusieurs régions duQuébec, d'où son qualificatifd'itinérante.

La quatrième période, de1997 à 1999, est marquée pardes préoccupations pour« l'analyse critique et l'outil-lage des groupes ». La diversi-fication des interventions enalphabétisation populaire,

attribuable aux importantschangements sociaux qui mar-quent le Québec (régionalisa-tion, économie sociale, lutte audéficit, etc.), met en évidencela nécessité d'encourager l'ana-lyse critique et politique : desformations sur la compréhen-sion des enjeux sociaux, poli-tiques et économiques sontoffertes et des dossiers thémati-ques sont réalisés. En mêmetemps, les groupes demandentde l'aide dans leur travail quoti-dien : une session de formationsur les demandes et les rapportsPSAPA (Programme de soutienà l'alphabétisation populaireautonome) et une autre sur lesdemandes IFPCA (Initiativesfédérales-provinciales conjoin-tes en matière d'alphabétisa-tion) sont offertes, en plus d'unsoutien pour la formulationdes demandes.

Au-delà des caractéristiquesspécifiques de ces quatre pério-des, une constante demeure :le besoin de soutien des groupesdans leur travail d'alphabéti-sation populaire. Ce type de be-soin a toujours été présent, mêmes'il a parfois été relégué au secondplan.

Un patrimoine à conserver

En 1983, l'Équipe d'aide au développement de la Direction générale de l'éducationdes adultes (DGEA) transmettait son fonds documentaire au Regroupement. Quel-ques années plus tard, en 1989, pas moins de 800 documents (monographies, vi-déos, périodiques) portant sur l'alphabétisation en français au Canada étaient con-fiés au Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition fémi-nine (CDEACF) pour en faciliter la conservation et la consultation. Le RGPAQ et sesgroupes membres n'ont pas cessé depuis d'enrichir cette collection. Les noticesbibliographiques figurent dans le catalogue informatisé Alpha, accessible sur lesite du CDEACF (http://www.cdeacf.ca/sinformer/coLcatalpha.html).

Où en sommes-nousmaintenant ?Depuis 1998-1999, on pourraitdéterminer une cinquième pé-riode, où le RGPAQ fait face àune multitude de besoins à com-bler en raison de l'accroissementrapide de ses membres et de l'ar-rivée de nouveaux intervenantset intervenantes en alphabétisa-tion populaire : de niveaux dif-férents, des plus expérimentésaux petits nouveaux, ils ont desbesoins qui varient, et les de-mandes sont nombreuses. Deplus, les contacts avec les mem-bres étant plus espacés et les pra-tiques encore plus diversifiées,on en vient parfois à se deman-der quelle place occupe encorela conscientisation dans les ate-liers et où en sont les pratiquesen alphabétisation populaire.Nos pratiques sont-elles encoreliées à nos principes ?

Plusieurs questions revien-nent sans cesse :• Quelles sont les compétences

et les connaissances essentiel-les en alphabétisation popu-laire, et lesquelles d'entreelles devraient être prises encharge par le RGPAQ?

• Existe-t-il une hiérarchie ouune urgence à considérer dansles besoins ?

• Quels sont les besoins réels deformation des groupes mem-bres par rapport aux besoinscernés par le RGPAQ pour sesmembres ?

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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• Devons-nous intervenir surles quatre dimensions suivan-tes : vie associative, pédago-gie, outillage et analyse poli-tique ?

• Qui sont les personnes viséespar les activités de formationdu RGPAQ : les animatrices,les animateurs, les coordon-natrices, les coordonnateurs,les participantes, les partici-pants, les membres des con-seils d'administration ?

• Quelles sont les expertisesacquises au sein des groupeset du RGPAQ?

• Quel est le rôle des publica-tions et de la recherche dansce contexte ?Pour essayer de mieux struc-

turer notre cadre d'intervention,nous avons travaillé à élaborerun programme de formationpouvant répondre à l'ensembledes besoins (ceci dit, en s'accor-dant un certain nombre d'an-nées !).

Le programme a été présentéaux membres à l'assemblée gé-nérale de juin 2000 et a été bienreçu. L'arrivée en poste d'unenouvelle responsable à la forma-tion a fait en sorte que le travailamorcé cette année donne lieu àde nouvelles pistes. Nous ensommes maintenant à essayerdifférentes modalités d'offre deformations afin de remplir plu-sieurs objectifs. Ainsi, la forma-tion sur le RGPAQ a été don-née à « domicile », dans quelquesgroupes, pour permettre à la res-ponsable de la formation non

Pourquoi écrire ?Dès les débuts, on s'est mis à écrire au RGPAQ ! À écrire un mémoire pour laCommission d'étude sur la formation des adultes, à publier un bulletin deliaison, Alphabétisation populaire, pour alimenter les discussions des mem-bres lors d'un premier puis d'un deuxième congrès d'orientation... et ça s'estpoursuivi. Au fil des ans, le RGPAQ a produit des documents d'analyse, desdocuments pédagogiques, des bulletins d'information internes, des comptesrendus d'expériences, des rapports de recherche et la revue Le Monde alpha-bétique.

Ces publications répondent à différents besoins. La revue nous permet deréfléchir sur notre philosophie et nos pratiques d'alphabétisation populaire,tout en constituant une source d'information sur les projets réalisés par lesgroupes. Elle sert aussi à faire la promotion de l'approche particulière qu'estl'alphabétisation populaire. Au début des années 90, la collection Un visapour l'alpha pop s'inscrivait dans le cadre d'un programme de formation des-tiné aux formateurs et aux formatrices. On traitait alors de questions tellesque le processus d'apprentissage et l'évaluation des apprentissages des in-dividus, l'animation des ateliers, les approches et méthodes d'alphabétisa-tion, la vie associative, etc. Les documents produits ont permis à ceux etcelles qui se sont joints plus tard au mouvement d'avoir accès au contenu deces formations.

D'autres publications sont liées à des préoccupations ponctuelles : la pré-vention de l'analphabétisme, l'emploi ou nos différentes prises de positionspubliques comme celle manifestée dans le Plan national d'action en alphabé-tisation. Enfin, des dossiers d'information sont réalisés sur une foule de thè-mes, comme l'économie sociale.

Pourquoi écrit-on autant au RGPAQ ? Pour laisser des traces ? Pour rejoin-dre plus de gens ? Pour faire connaître notre action, nos façons de faire ?Pour mieux réfléchir ? Tant de raisons qui nous rappellent qu'il faut continuerde le faire.

seulement de connaître les grou-pes, mais aussi de rejoindre plusde personnes, en particulier lesmembres des conseils d'adminis-tration.

Lors d'une rencontre élargiedu Comité développement despratiques5, la question de la né-cessité des échanges entre lesintervenants et les intervenantesa ressurgi, et l'idée de tenir uncamp de formation (genre uni-versité d'été) a suscité beaucoupd'enthousiasme. L'inventaire desformations déjà offertes par leRGPAQ a été fait, et nous se-rons en mesure de faire connaî-

tre à nos membres celles quiseront offertes une fois terminéle choix des personnes en me-sure de les donner. Nous souhai-tons aussi répertorier les diffé-rentes expertises des groupes afinde les mettre à contribution dansle cadre de nouvelles formations.Nous savons que certains grou-pes ont particulièrement tra-vaillé la question du recrutement,par exemple, que d'autres ont faitdes recherches sur le fonctionne-ment de l'intelligence, sur les pro-cessus d'apprentissage, ou sur leprocessus d'appropriation del'écrit, etc.

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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DOSSIER

Et la reconnaissancede notre expertise,c'est pour quand ?À l'heure où la formation conti-nue préoccupe les gouverne-ments, où les entreprises consa-crent un pourcentage de leurmasse salariale à la formation etau perfectionnement de leurssalariés, qu'en est-il des milieuxcommunautaires ? Les ressourcesqu'ils se sont données pour ré-pondre à leurs besoins de per-fectionnement sont méconnueset encore bien moins reconnues.Dès la fondation du RGPAQ, lesmembres se sont questionnés surleurs pratiques, ce qui ne les apas empêchés de les améliorer,bien au contraire ! La formationdonnée par le milieu et dans lemilieu, encadrée par des gens duterrain, reste la formule que nousprivilégions. L'examen de notreitinéraire dans ce domaine nousconfirme que nous sommes sur'la bonne voie. Reste qu'il fautcontinuer de se questionner, deréfléchir, d'essayer de nouvelleschoses, d'évaluer, de remettre enquestion. Pour ce faire, il fautaccepter de vivre dans l'insécu-rité et mettre l'efficacité de côtépour y aller à tâtons.

Souhaitons que nous trou-vions le courage nécessaire pourcontinuer de le faire et pour af-firmer haut et fort qu'il faut sou-tenir la formation issue des mi-lieux communautaires, même sitout n'y est pas fait en totale con-formité avec les formes et lesnormes de l'éducation formelle.

1. Voir à ce sujet l'enquête Les pratiques et les

besoins de formation en action communautaire

du Comité sectoriel de main-d'œuvre del'économie sociale et de l'action communau-taire, Montréal, 2000, 108 pages.2. Voir le texte à la page 56.3. Voir la liste des titres de la série ci-dessous.4. En 1994, l'arrivée de Jean Garon au minis-tère de l'Éducation conduit à l'augmentationde l'enveloppe du PSAPA (Programme de sou-tien à l'alphabétisation populaire autonome).Elle sera doublée, mais une bonne partie desnouvelles sommes devront servir à la créationde nouveaux groupes d'alphabétisation, prin-cipalement dans des régions où il y en a peuou pas du tout. Ainsi, 39 nouveaux groupesseront créés, et le RGPAQ offrira son soutiendans leur mise en place. Près de 30 de ces

nouveaux groupes deviendront membres duRegroupement, qui en comptait auparavant45.5. Le RGPAQ exerce ses activités avec l'ap-pui de comités de travail. Le Comité déve-loppement des pratiques travaille à la conso-lidation et au développement des pratiques ;en ce sens, il mène des réflexions sur les be-soins de formation, sur les pratiques d'alpha-bétisation populaire et sur le soutien à y ap-porter. Il voit à la mise en œuvre des objectifsdu plan stratégique concernant ces questions.Le Comité voit également à la préparation età la réalisation d'actions pour l'avancementdu dossier. Il assure la circulation de l'in-formation auprès des membres en ce quiconcerne les pratiques d'alphabétisationpopulaire.

Les publications réalisées par le RGPAQ,en plus des rapports et comptes rendus de toutes sortes

La revue Le Monde alphabétique

N° 1 La métacognition (épuisé)N° 2 Rendre la lecture « plus facile »N° 3 Où en est l'alphabétisation conscientisante au Québec ?N° 4 Les femmes et l'alphabétisationN° 5 Alphabétisation populaire et emploi...N° 6 Dossier sur les mathématiquesN° 7 Le point sur l'alphabétisation populaire en 1995N° 8 Quinze ans de vie associativeN° 9 Pourquoi y a-t-il encore des personnes analphabètes en 1997 ?N° 10 CitoyennetéN° 11 Les personnes analphabètes imaginent l'an 2000N° 12 Les personnes immigrantes et l'alphabétisation populaire

La série Un visa pour l'alpha pop

N° 1 Animation et alphabétisation (François Soucisse)N° 2 Les personnes analphabètes et l'apprentissage (Michèle Dupuis)N° 3 Approches et méthodes (Françoise Lefebvre)N° 4 Comment créer (Michelle Saunier)N° 5 Le langage intégré (Guy Boudreau)N° 6 L'évaluation des apprentissages en alpha populaire (Franklin Midy)N° 7 La sauce... à calculer (vidéo produit en collaboration avec le Service

aux collectivités de l'UQAM)N° 8 Agir ensemble démocratiquement (Réjean Mathieu)N° 9 Mathématiques au quotidien (Francine Loignon et autres)

• Le livre de l'Année internationale de l'alphabétisation• Alphabétisation populaire, emploi, et après (Françoise Lefebvre)• Passeport pour l'alphabétisation populaire• Le matériel didactique en alphabétisation (Serge Wagner)• Catalogue des productions du RGPAQ et de ses groupes membres• Les personnes peu scolarisées et l'emploi (Denis Ross)• Prévenir l'analphabétisme... répertoire d'activités

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Novembre 1982Ça y est, c'est mon tour, on m'achoisi ! J'ai été adopté... Eh,doucement, pas besoin de mesecouer comme un prunier !

Quel drôle d'endroit ! Ah, degrandes fenêtres, une drôle detable, avec des... lumières ? Çasent la cire chaude, heureuse-ment que je suis à l'épreuve dufeu, moi. Elle met de la cire surle papier, mais ça va tout coller !Elle a l'air bien fière de son coup,cette Sylvie !

Les journées sont souventlongues, y a pas beaucoup demonde ici. Juste Nicole et Sylvie.Des fois, y a de la visite, alors làça parle, ça parle et puis aprèson ouvre les tiroirs, ferme les ti-roirs. Moi, ça me fait prendre unpeu d'air.

Janvier 1983Tiens, d'autre visite : Bernard etDaniel. Eux, ils sont tout proches,ils arrivent pas de bottes, pas demanteau, rien. Ça parle de livres,de documentation, de centre po-pulaire.

Bon, Nicole a encore le nezdans l'tiroir ! Tiens, elle s'amuseavec une sorte de machine à écrire,une machine avec un fil, ça faitdu bruit ! Elle l'appelle sonIbéaime.

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Novembre 1984Ouf, je respire ! Quand on melaisse un tiroir ouvert, ça m'aèreun peu... Ils ne s'en rendent pascompte mais leurs papiers, c'estplein de poussière ! Mais,mais... on est en train de viderle tiroir ! On dirait, on diraitqu'on déménage... moi qui ai desproblèmes d'adaptation... oh làlà!

Mars 1985Comment ça qu'on joue dansmes tiroirs un samedi ! Ils sontplusieurs, ça fait du bruit... Ondirait qu'ils préparent une ren-contre, une Grande Rencontreà part ça. Il y a des gens que jen'ai jamais vus ici... ça a l'aircompliqué leur travail. Ils ontl'air en retard... ils s'énervent,ils cherchent de l'argent.Ils parlent toujours du moisde mai à Québec... Qu'est-cequ'il a de spécial ce moisde mai ? À Montréal,le printemps est beau ;pourquoi aller àQuébec ?

Mars 1986C'est drôle, y en a une qui selaisse pousser le ventre ! Drôled'idée, déjà qu'il n'y a pas beau-coup de place pour passer quand

je suis ouvert... Elles n'arrêtentpas de prendre des papiers dansles tiroirs pour les mettre dansdes caisses. Ça, c'est bien Louiseavec ses caisses ! Mais où est-cequ'elles s'en vont ? Jouvence,qu'est-ce que c'est ça ? Elles vontfaire une cure ? Non, c'est plu-tôt un congrès ! Oui, c'est ça, uncongrès d'orientation. À les voiraller, on dirait bien que c'est leurpremier !

Le 8 septembre 1989Personne dans le bureau. Toutle monde est encore à Québec !Ah, comme j'aimerais voir dupays, moi aussi, mais ça me faitdu bien d'être seul parce que cesderniers temps, il y a une vraietornade dans le bureau ! Il com-mence à y avoir pas mal demonde ici. Faudrait pousser unpeu les murs. Tout le mondeparle de l'AI. Ça a l'air bien im-portant une AI... Surtout que,cette fois-ci, ils sont en avance...Y a une histoire de grand livre...je l'ai jamais vu parce qu'il nerentre même pas dans mes tiroirstellement il est grand !

Mars 1990Ciel, un homme fouille dansmes tiroirs ! Il dit qu'il travaillepour La Fondation... encore une

DOSSIER

nouvelle affaire qui va faire biendu papier ! Evidemment, on neme l'a pas présenté ! Son nomressemble à Jean Haut-Bain...

Septembre 1990Ça y est, on vient de me tasser.Mais qu'est-ce qui se passe ? Ondirait qu'on joue aux quilles enhaut ! Tout un branle-bas : ons'étend à ce que je vois ! Il y ades nouvelles au troisième ! Moiqui ai peur des hauteurs, j'espèrequ'on ne va pas me jucher là-haut ! Tiens, on dirait que Louisese prépare à partir...

Le 15 décembre 1990L'AI, c'est fini ! Ben non, c'estjuste pour rire, on commence ladécennie de l'alpha... ! Y a unep'tite rousse qui a pris la placede Louise.

Juin 1992Un deuxième congrès d'orienta-tion : j'ai entendu dire qu'ilsétaient sur la piste des dinosau-res... Vérités et mensonges auprogramme...

Le 5 novembre 1992Encore des papiers ! Cette fois,ça parle beaucoup des... mem-bres de la révision ou de la révi-sion des membres ? Ils m'em-brouillent tellement, des fois...

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Juin 1993Tiens, on fait dans la construc-tion... ça parle de plate-forme,de cadre...

Le 29 octobre 1993Il paraît qu'il y a 40 membres...je me demande comment ças'agence pour former un ensem-ble ? La fameuse révision leurcause des problèmes, en toutcas...

Juin 1995On dirait qu'ils sont allés à laplage, mais à contrecœur parcequ'ils n'ont même pas eu letemps de se mettre le gros orteilà l'eau. Les dossiers sont pleinsde sable... Ah ! non, c'est moimaintenant qui va se grattertoute la nuit !

Le 23 novembre 1995Pauvre Christian ! Il a la bouchetoute croche à force de parlervite...

Le 10 février 1996Ououououlàlà, ce qu'ils ont l'airénervés... J'entends parler sanscesse d'un gars rond, qui devraitvenir les rencontrer. En tout cas,je trouve que s'il est si impor-tant que ça, faudrait qu'ils pen-sent à faire duménage ici-dedans.

J u i n 1996Y a un anniversaire dans l'air :15 ans, ça vous a un parfumd'adolescence... On dirait qu'ilsorganisent une parade demode... y a des t-shirts partout !Y en a même une qui veut enfaire l'exportation au Togo...

J u i n 1997Y a de l'électricité dans l'air ! Çan'arrête pas de parler d'un plande la Trinité... non ! de la Trien-nale, des objectifs triennaux !Non mais, qu'est-ce qu'ils onencore inventé !

Octobre 1997II me semble que, tout à coup, ily a beaucoup plus de papier, plusde sonneries. Coudonc, on se-rait-tu en train d'enfler ? Aie, jene vois plus le beau grandMartin...

Décembre 1997Ça faisait longtemps que j'avaispas vu de ventre pousser ; celui-là est bien petit quand même !Et puis Lilianne qui se remet autricot !

Le 22 juin 1998Enfin, quelqu'un pense à passerun plumeau sur mon dos ! Mais,mais, oh ! non, tout se remet àbouger. J'ai le vertige. Attentionaux escaliers, les gars... me lais-sez pas tomber !

Le 27 juin 1998Tiens, on pense à moi, c'est pastrop tôt ! Ouvre-moi donc au

complet, tant qu'à y être... quej'y voie quelque chose ! Je suispas mal perdu ! Ouille, maiscomme il fait clair ici ! Y a desfenêtres partout ! Aie, non, nefermez pas le tiroir, il fait si noir !Lâchez-moi avec les accidents detravail !

Le 4 octobre 1998En v'là une qui s'énerve pas fa-cilement (ça va leur faire dubien !). Elle arrive d'Afrique avecson assurance tranquille.

80 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le 12 avril 1999J'sais pas si c'est l'effet du prin-temps, mais y a deux p'tites jeu-nesses qui sont arrivées en mêmetemps. Une dans le genreNathalie pis une p'tite Rachel.

Le 27 avril 1999On dirait que ça va mal. Maiscessez d'ouvrir mes tiroirs sansarrêt ! Quelle fébrilité ! On di-rait qu'ils ne savent pas ce qu'ilscherchent. Ah ! mais il manquequelqu'un, ce sont ses papiersqu'on cherche... ça peut êtrelong : elle n'est pas très en ordreet depuis le temps qu'elle enempile là-dedans, ils sont peut-être mieux d'attendre qu'ellerevienne...

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Le 5 novembre 1999Ouf, on vient de se rappeler queje sers à quelque chose ! Tiens,ça fait longtemps que je l'avaispas entendue celle-là. Pourtant,je lui ai pas vu le ventre pous-ser... En tout cas, là, je vais pou-voir recommencer à jeter uncoup d'œil autour.

Le 12 janvier 2000Tiens, une nouvelle face... elle al'air à son affaire ; y a plus rienqui traîne ! C'est elle, la nouvellevoix du téléphone ; elle a l'airben gentille ! On dirait que legros ventre de Rachel est parti...mais celui de Marie-Hélène seremet à pousser. Ah, elle aussi vasûrement partir puis revenir... Ya une espèce de plante qui semeurt sur mon dos... Commentça se fait que personne y pense ?

Le 14 février 2000Tiens, un nouvel accent dans lebureau. C'est un accent aiguqu'elle a cette Cricri parce qu'ellen'a pas l'air de badiner avec lesfautes... Mes papiers sont toutbarbouillés de rouge ! Non mais,attends un peu que je lui dise mafaçon de penser...

Le 12 mars 2000Il me semble que l'espace s'estagrandi... il y a des figures queje n'ai pas vues depuis long-temps... On dirait bien queMarie-Hélène est partie pourbon...

Le 16 mai 2000Ici, en tout cas, c'est pas la pous-sière qui traîne longtemps...N'empêche que j'ai trouvé duchili sur ma troisième poignée...Y en a qui devraient mettre leurgrain de sel ailleurs !

Le 21 août 2000Encore une nouvelle face ! Etpuis une qui est revenue à sataille, mais pas à la mêmeplace !... Bientôt, on va manquerd'espace, pis, moi je ne veux plusbouger d'ici ! La tremblotte dudernier déménagement a bienfailli en finir avec mes coulisseset mes tiroirs ! Ah ! mais voilà uncompatriote... on partage l'es-pace avec le comptable ! C'estpas croyable la quantité depapiers qu'il brasse, André !Heureusement qu'il a son pro-pre classeur !

Octobre 2000Je pense qu'on vient de décou-vrir ma cachette ! C'est en fai-sant le grand ménage qu'ils onttrouvé mon journal : paraîtqu'ils ont besoin d'un nouvelespace, calme, à l'abri du bruitet des distractions... C'est vraiqu'avec le nouveau bureau deBrigitte, y aurait pas eu de placepour trois là-dedans ! Mais de làà choisir ce racoin... Y en a vrai-

DOSSIER

Les adresses duRGPAQ au fil du temps

• 1475, rue Bourbonnière(de 1981 à 1982)

• 3575, boul. Saint-Laurent,8e étage (de 1982 à 1984)

• 5040, boul. Saint-Laurent(de 1984 à 1998)

• 2120, rue Sherbrooke Est,bureau 302 (depuis 1998)

ment qui aiment la vie dure ! Ya que des boîtes, du papier et dela poussière là-dedans. Aie,pourquoi le ranger dans un sa-chet ?

Ainsi donc, je lègue à la na-tion alphabétique ces modestesréflexions en espérant qued'autres prendront le crayonpour poursuivre ce feuilletonpopulaire et, ainsi, faire décou-vrir l'une des faces cachées duRGPAQ.

Un quatre tiroirsqui préfère garder1 ' anonymat...

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 81

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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Album de famille Les alliés de toujours

L'Association des organismes volontai-res d'éducation populaire (maintenantle Mouvement d'éducation populaireet d'action communautaire du Québecou MEPACQ) et l'Institut canadiend'éducation des adultes ou ICEA.

La première équipepermanente

En octobre 1982, Nicole Lachapelle,l'actuelle coordonnatrice du Regroupe-ment, et Sylvie Roche sont embau-chées. La première accomplira les tâ-ches relatives aux finances et au secré-tariat et la seconde sera en charge dusoutien aux groupes et des communi-cations. Un an plus tard, à l'automne1983, Louise Miller se joint à l'équipe.Elle aura pour mandat d'éditer le bulle-tin de liaison des groupes, Alpha-pop(publié 4 fois par année, il peut avoirjusqu'à 60 pages et comporter quelquesannexes ! ), et de s'occuper des dossiersfinancement et politique.

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DOSSIER

Les groupes fondateurs

• Le Centre N A Rive• L'Arbralettre (maintenant le Cep de l'Estrie)• Le Centre portugais de référence et de promotion sociale

(maintenant le Centre d'action socio-communautaire de Montréal)• Le Centre éducatif des Haïtiens de Montréal• La Maison d'Haïti• Atelier Alpha (maintenant le Regroupement des assistés

sociaux du Joliette métropolitain)• La Coopérative des services multiples de Lanaudière• Le Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles• Le Tour de lire• Le Collectif d'alphabétisation des détenus• Le Centre d'alphabétisation de Jonquière• Un Mondalire

Le premier COCOA(Comité de coordination

en alphabétisation)

• Adeline Chancy,de La Maison d'Haïti

• Danielle Cloutier, du Tour de lire• Yvan Comeau, de la Coopérative des

services multiples de Lanaudière• Micheline Laperrière, du Carrefour

d'éducation populaire de PointeSaint-Charles

• Louise Miller, du Collectifd'alphabétisation des détenus

Les militantes etles militants de lapremière heure

René Boucher, de L'Arbralettre(maintenant le Cep de l'Estrie) ;Michel Leduc, d'Un Mondalire ;René Soler, du Centre N A Rive ;Lisette Trudel, d'Un Mondalire ;Serge Wagner, du Collectifd'alphabétisation des détenus.

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QUI ÊTES-VOUS LESABITIBI-TEMISCAMINGUE

ALPHA-TÉMISAnnée de création : 1987Nous sommes un groupe d'alphabétisation popu-laire autonome œuvrant dans une région vaste maisà faible densité démographique. Nous sensibilisonsles Témiscamiens et Témiscamiennes aux problè-mes de l'analphabétisme et nous organisons desateliers d'alphabétisation dans différents villagesdu Témiscamingue. Nous rejoignons des adultesde tous les âges, de milieux différents et de niveauxdébutant, intermédiaire et avancé. Nos ateliers sontgratuits.

CENTRE DE CROISSANCED'ABITIBI-OUESTAnnée de création : 1984Cet organisme communautaire autonome vient enaide à tous ceux et celles qui sont analphabètescomplets ou fonctionnels. Son principal but est depromouvoir l'alphabétisation sur son territoire, maisil travaille aussi à la réinsertion sociale de ces per-sonnes.

BAS-SAINT-LAURENT

CENTRE ALPHA DES BASQUESAnnée de création : 1984Le Centre offre différentes activités en alphabéti-sation conscientisante dans les 10 municipalitésde son territoire. Il aide la personne peu scolariséeà acquérir les outils nécessaires à son développe-ment et à son intégration sociale. Le Centre estmembre actif du RGPAQ depuis 15 ans.

CENTRE-DU-QUÉBEC

ALPHA-NICOLETAnnée de création : 1984Pour nous, la valorisation des participants et desparticipantes est de première importance. Leur plusgrande confiance en eux a permis à l'organisme deproduire, à partir de leurs textes, plusieurs recueilset outils pédagogiques dont chacune, chacun esttrès fier. La prévention de l'analphabétisme noustient aussi à cœur : diverses activités touchant à lafois les parents et leurs jeunes enfants ont été mi-ses sur pied. Il est parfois difficile de mesurer lechemin parcouru, mais des témoignages comme :« Moi, j'ai appris à me respecter plus, à m'aimerplus, à me sentir mieux avec moi-même » nous fontcroire en notre mission et nous poussent à conti-nuer.

CENTRE D'ACTION BÉNÉVOLEDE LA MRC DE BÉCANCOURAnnée de création : 1985(pour le volet alphabétisation)

Deux formatrices visitent une dizaine de municipa-lités et donnent des cours à des petits groupes etparfois en individuel à raison de trois heures parsemaine. Les apprenants et apprenantes sont invi-tés à venir au point de service pour découvrirInternet, et chaque vendredi, des ateliers d'alpha-bétisation et d'intégration sociale sont offerts auxpersonnes ayant une déficience intellectuelle.

LUDOLETTREAnnée de création : 1986Au fil des ans, Ludolettre est devenu une porte d'en-trée pour la communauté rurale, un milieu de vieen mesure de répondre aux besoins des gens peuscolarisés. Des projets avant-gardistes tels que laformation à distance et l'utilisation des nouvellestechnologies de l'information et des communica-tions en alphabétisation reflètent bien le dyna-misme et l'engagement des gens qui fréquententle centre. De plus, l'intervention en milieu familialest au cœur de ses préoccupations.

CHAUDIÈRE-APPALACHES

ABC DES HAUTS PLATEAUXMONTMAGNY-L'ISLET INC.Année de création : 1995Nous servons 15 municipalités réparties dans deuxMRC (municipalités régionales de comté). Étant enmilieu rural, les formatrices se déplacent pour don-ner des ateliers à une clientèle très diversifiée :jeunes familles (acquisition des compétences pa-rentales), adolescents et adolescentes (chemine-ment particulier), personnes ayant des problèmesde santé mentale ou des déficiences physiques ouintellectuelles, personnes inscrites à la mesure Al-phabétisation — implication sociale et personnesâgées (centre de jour).

ABC LOTBINIÈREAnnée de création : 1995Nous offrons des ateliers en lecture et en écritureà une trentaine de personnes. Depuis un an, nousoffrons aussi des ateliers de base en informatique.Notre clientèle est composée de travailleurs et detravailleuses, de personnes à la retraite et de pres-tataires de l'aide sociale. Nos ateliers se modifientselon les besoins de chacun et de chacune et com-prennent un petit nombre de personnes.

84 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

ALPHA DES ETCHEMINSAnnée de création : 1996Tout en côtes, en courbes et en forêts, au cœur desAppalaches, notre territoire d'intervention est im-mense. Depuis les débuts, notre organisme est enconstante évolution et nos activités sont de plusen plus diversifiées : alphabétisation, enseignementde compétences parentales, ateliers de raisonne-ment logique... Nos participants et participantes,l'essence même de l'organisme, ont su tisser desliens entre eux et acquérir un sentiment d'apparte-nance au groupe. Nous participons activement àla vie communautaire de la région : projet d'aide àl'éveil à la lecture et à l'écriture, participation à dif-férentes tables de concertation... Pour tout dire,nous sommes une bien belle « gang ».

ALPHA ENTRAIDE DESCHUTES-DE-LA-CHAUDIÈREAnnée de création : 1995

Cet organisme à but non lucratif a pour missiond'offrir gratuitement des services d'alphabétisation(français et mathématiques de base) à des adultesde 16 ans et plus, et ce, sur tout le territoire de laMRC des Chutes-de-la-Chaudière. De plus, il offredes cours d'informatique.

CENTRE D'ALPHABÉTISATIONPOPULAIRE DE BEAUCEAnnée de création : 1995II nous a fallu beaucoup de patience pour mettresur pied notre centre et le faire connaître. Nousavons bien essayé d'offrir beaucoup avec peu, maisnous avons fait moins que prévu. Nous avons réel-lement commencé à grandir lorsque nos ressour-ces financières ont été augmentées, ce qui nous apermis d'engager une personne en permanence.Notre essor s'est poursuivi depuis.

CLÉS EN MAINAnnée de création : 1996Notre groupe couvre la région de l'Islet-Nord (neufparoisses). Nous donnons des ateliers d'alphabéti-sation au local central ou dans des locaux offertspar des organismes des municipalités environnan-tes (un centre de jour et une entreprise). Des ate-liers d'initiation à Internet et à l'informatique sontaussi proposés à nos participants et participantes.

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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GROUPES MEMBRES ? DOSSIER

GROUPE EN ALPHABÉTISATIONMONTMAGNY-NORDAnnée de création : 1995Le groupe offre des ateliers de lecture, d'écritureet de calcul ainsi que des ateliers de raisonnementlogique et thématiques (géographie, impôt, etc.).Les interventions pédagogiques sont respectueu-ses des besoins et des caractéristiques des adul-tes. Elles visent aussi à contribuer à l'acquisitiond'une autonomie d'action et de pensée nécessai-res à la pratique éclairée de la citoyenneté. À celas'ajoutent des recherches, des publications et desactions dans la région de Chaudière-Appalacheset à Montmagny pour améliorer les pratiques d'al-phabétisation populaire et en promouvoir les ser-vices, défendre les droits des adultes peu ou passcolarisés et provoquer des débats et des réflexions.

LA CLÉ DE L'ALPHAAnnée de création : 1995Notre groupe se compose de femmes et d'hommesqui ont envie de sortir de l'anonymat et d'aller del'avant. Ensemble, nous suivons divers ateliers (lec-ture, écriture, calcul) et nous mettons en pratiqueles acquis, par exemple aller au guichet automati-que et échanger des recettes de cuisine.

CÔTE-NORD

LIRA INC.Année de création : 1984Depuis trois ans, le groupe a mis en place une for-mation sur mesure destinée aux Innus et donnéedans deux points de service, ce qui a consolidé sonimplantation dans le milieu. Il offre également dela formation de base aux non-autochtones ainsi quedes cours d'immersion française.

POPCO INC.Année de création : 1980Au début, les activités du groupe se déroulaientdans une salle ouverte partagée par d'autres orga-nismes communautaires. Popco donnait un peu deformation, mais son action se situait surtout endéveloppement de la créativité afin d'aider les gensà acquérir de la confiance et à accroître leur poten-tiel. À la fin des années 80, il accueillait son pre-mier groupe d'apprenants et d'apprenantes.Aujourd'hui, le groupe offre en plus une formationde base en milieu de travail, un service d'aide àl'emploi (en collaboration avec le centre locald'emploi) ainsi qu'un service d'accès communau-taire (carrefour Internet), ce qui s'inscrit dans samission d'alphabétisation et d'éducation popu-laires. Au fait, savez-vous ce que signifie PopcoPop signifie « population » et co, « collabore »,donnant ainsi « La population collabore ».

ESTRIE

CEP DE L'ESTRIEAnnée de création : 1979Deux groupes de travailleurs et de travailleuses,un groupe de personnes immigrantes et trois grou-pes de gens sans emploi suivent présentement desateliers d'alphabétisation à raison de 6 à 30 heu-res par semaine. Les adultes qui souhaitent parti-ciper à un programme d'insertion sociale oud'employabilité ont accès à une aide financière dela part d'Emploi-Québec1.

GASPÉSIE — Î L E S - D E - L A - M A D E L E I N E

COLLECTIF PLEIN DE BON SENSAnnée de création : 1995Avoir une bonne maîtrise du français et des ma-thématiques de base, c'est non seulement essen-tiel pour bien fonctionner dans un monde de hautsavoir, mais ça l'est aussi pour exercer ses droitset devoirs de citoyen et citoyenne. Voilà ce que leCollectif offre à toutes les personnes de la Baie-des-Chaleurs qui veulent profiter de ses servicesgratuitement. L'éducation et l'alphabétisation po-pulaire, ça change le monde !

DÉVELOPPEMENTCOMMUNAUTAIRE UNÎLE INC.Année de création : 1996II s'agit du seul groupe populaire en alphabétisa-tion aux îles-de-la-Madeleine. Nous sommes situésà Havre-Aubert, soit à l'extrémité ouest des îles.Nous offrons plusieurs ateliers à une clientèle va-riée et nous travaillons à partir des besoins expri-més par la population.

LE POUVOIR DES MOTSAnnée de création : 1998Encore en phase de structuration, nous comptonspeu de participants et de participantes. Mais nouscontinuons de grandir, et tout porte à croire quenous serons là pour longtemps.

LANAUDIÈRE

ABC DES MANOIRSAnnée de création : 1983Situé à Terrebonne, notre groupe est le seul orga-nisme de la MRC des Moulins. Notre dynamiqueéquipe travaille avec un grand nombre de partici-pantes et de participants, dont l'un siège au C.A.Les ateliers sont très variés, et deux projets de théâ-tre ont fait émerger des talents insoupçonnés etont été source de grande valorisation. Nos béné-voles occupent une place importante au C.A. ainsique dans les ateliers et les activités. Nous som-mes fières de faire partie du RGPAQ et lui souhai-tons bon anniversaire.

AU BORD DES MOTSAnnée de création : 1995Situé au bord de notre beau fleuve Saint-Laurent,le groupe entreprend sa cinquième année d'interven-tion auprès des personnes qui éprouvent des difficul-tés en lecture, en écriture et en calcul. En plus d'ap-prendre, celles-ci découvrent... l'informatique, la navi-gation sur Internet, leurs aptitudes, leurs compéten-ces, de nouveaux amis, et beaucoup plus !

DÉCLICAnnée de création : 1982Lorsqu'ils assistent à des ateliers à Berthierville, àSaint-Gabriel et à Saint-Barthélémy, un « déclic »se fait pour les participants et les participantes !Déclic, c'est aussi les comités Journal et Alpha-cuisine ainsi que plusieurs autres projets : en pré-vention, nous offrons, en collaboration avec lesorganismes communautaires et les institutions, desactivités pour les parents ayant des enfants auprimaire ; en sensibilisation, nous organisons, deconcert avec des groupes d'alphabétisation dela région, différentes activités, dont le concoursUne histoire à terminer. De plus, nous menons desactions pour diminuer l'exclusion des adultes peuscolarisés en ce qui concerne le travail et leur pro-posons une formation.

REGROUPEMENT DESASSISTÉS SOCIAUX DU JULIETTEMÉTROPOLITAIN (RASJM)Année de création : 1973L'histoire s'y écrit tous les jours, avec une penséepour le premier noyau de personnes assistées so-ciales qui, dans une volonté d'améliorer leur qua-lité de vie, se sont donné des objectifs d'éducationet d'entraide. L'histoire continue de s'écrire dansdes ateliers d'alphabétisation et en défense desdroits, grâce à des femmes et des hommes en dé-marche d'alphabétisation, engagés sur tous lesplans dans l'organisme, et à des bénévoles qui oc-cupent une place pleine et entière.

LAURENTIDES

LA GRIFFE D'ALPHAAnnée de création : 1996Le participant et la participante sont au cœur de lapédagogie. Nous nous adaptons aux besoins de laclientèle et composons avec les nouvelles techno-logies, ce qui veut dire que nous offrons des coursd'initiation à Internet et d'informatique. De plus,nous proposons un cours dont l'objectif est d'aug-menter le temps de formation de certaines person-nes afin qu'elles acquièrent plus d'autonomie etd'estime de soi. Comme le recrutement est parfoisdifficile auprès de la clientèle analphabète, nousoffrons de l'aide à la population peu scolarisée dela région pour remplir des formulaires. De cettefaçon, nous faisons la promotion de nos servicestout en favorisant le recrutement d'adultes et endémystifiant l'analphabétisme

LE MONDE ALPHABÉTIQUE ~ 85

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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LA MAISON DES MOTSDES BASSES-LAURENTIDESAnnée de création : 1995La Maison des mots se distingue surtout par le dy-namisme de son équipe. C'est un organisme tou-jours en mouvement, où tous et toutes apprennentà se dépasser. La créativité, la mise en commundes forces et l'humour sont toujours de mise cheznous, ce qui nous permet de passer à travers biendes tempêtes. Les participants et les participantesemboîtent le pas à l'équipe et font l'expérience del'entraide, de l'ouverture et de la bonne humeur.

LA MAISON POPULAIREAnnée de création : 1989Nous offrons des services d'alphabétisation fami-liale, de soutien à la réussite scolaire, de défensedes droits des parents ayant des enfants à l'école,de défense des droits individuels et collectifs etd'aide pour remplir des formulaires. Un nouveauservice vient de s'ajouter : la défense des droitsdes personnes assistées sociales. Nous exploitonsune librairie de livres usagés, La Maison du livre,où, en plus de l'achat et de la vente, nous com-mandons des livres spéciaux.

LE COIN ALPHAAnnée de création : 1996Une belle histoire qui dure depuis cinq ans. Cegroupe d'alphabétisation populaire, c'est d'abord...des apprenants et des apprenantes de tous âges,milieux et nationalités qui ont le courage et la vo-lonté d'apprendre. C'est aussi un lieu d'apprentis-sage de la lecture, de l'écriture, du calcul, peu im-porte le niveau de difficulté, des ateliers en petitsgroupes qui respectent la personne dans ce qu'ellevit, des projets personnalisés : club de lecture, vi-sites d'expositions, fréquentation des bibliothè-ques, discussions et actions concernant des sujetsimportants (la consommation, etc.). Enfin, c'est uneéquipe de travailleuses et de bénévoles à l'écoutedes gens et une étroite collaboration avec les or-ganismes des milieux communautaire et social.

LAVAL

AU FIL DES MOTSDE SAINT-FRANÇOISAnnée de création : 1995Cet organisme d'alphabétisation populaire offre desateliers de lecture, d'écriture et de calcul dans l'estde la municipalité (à Saint-François, Saint-Vincent-de-Paul, Vimont et Auteuil). Une partie de ses ser-vices s'adressent aux personnes ayant desincapacités intellectuelles ou physiques. Il proposeégalement des ateliers de francisation.

AU JARDIN DE LAFAMILLE DE FABREVILLEAnnée de création : 1995Nous offrons des ateliers d'alphabétisation popu-laire aux adultes de 18 à 77 ans. Chacun et cha-cune y travaille à son rythme à l'intérieur de petitsgroupes où sont abordés des thèmes comme lasanté, l'alimentation, le budget, les jeux, la cuisinecollective...

GROUPE ALPHA LAVALAnnée de création : 1995Améliorer la qualité de vie des personnes peu àl'aise avec l'écrit des quartiers Centre-Sud de La-val, telle est notre mission. Nous intervenons souscinq volets : ateliers d'apprentissage, sensibilisa-tion, communauté, employabilité et prévention.

MAURICIE

CENTRE D'ACTIVITÉSPOPULAIRES ETÉDUCATIVES (CAPE)Année de création : 1996Le CAPE est de la dernière cuvée des organismessubventionnés par le Programme de soutien àl'alphabétisation populaire autonome. Situé enHaute-Mauricie, il reçoit une clientèle aussi bienallochtone qu'autochtone. Présent dans son milieu,il collabore avec les organisations communautai-res latuquoises pour le mieux-être de la popula-tion. Le CAPE s'inscrit dans la philosophie de l'édu-cation populaire et travaille dans le respect des dif-férences.

CENTRE D'ÉDUCATIONPOPULAIRE POINTE DU-LACAnnée de création : 1991

Notre centre a 10 ans. Dix ans de pratique en édu-cation populaire, d'activités et de programmes di-vers : alphabétisation, ateliers-soleil (pour prépa-rer les enfants de deux à cinq ans à leur entrée à lamaternelle), aide aux devoirs et leçons, cafés-ren-contres hommes, cafés-rencontres femmes, cuisi-nes collectives, ateliers de sensibilisation sur desthèmes d'actualité, éveil à la lecture, pour ne nom-mer que ceux-là. En plus de travailler avec les per-sonnes analphabètes et les familles, nous faisonsde la représentation auprès des instances commu-nautaires régionales et nationales pour promouvoirl'éducation populaire.

COMSEPAnnée de création : 1986Cet organisme communautaire a pour principalemission de regrouper les gens peu scolarisés duGrand Trois-Rivières et de les accompagner dansleurs démarches pour améliorer leurs conditions devie. Pour y arriver, COMSEP travaille à partir dequatre axes : social, économique, politique et cul-turel. Pour actualiser ses objectifs, l'organisme acréé plusieurs activités en alphabétisation popu-laire, en éducation populaire et en intégration àl'emploi.

EBYÔNAnnée de création : 1989(pour le volet alphabétisation)L'organisme doit son nom à son fondateur, un prê-tre très engagé dans la communauté, l'abbé DenisGervais. Ebyôn (psaume 145) signifie «les accablésqui se relèvent » et désigne donc les personnes quiont vécu ou vivent de grandes difficultés (pauvreté,toxicomanie, violence, problèmes de santé men-tale et physique, etc.) et qui lentement se repren-nent en main, s'en sortent. Chaque année, de 35 à40 personnes participent aux ateliers d'alphabéti-sation, de mathématiques et d'engagement social(logement, démocratie municipale, budget, solida-rité internationale, etc.) ainsi qu'à diverses mani-festations contre la pauvreté.

LA CITE DES MOTSAnnée de création : 1996Ce centre d'alphabétisation et d'éducation popu-laires autonomes du Centre-de-la-Mauricie sert unequinzaine de municipalités. Il offre des ateliers defrançais obligatoires qui donnent accès aux autresateliers : calcul, informatique, Internet et éducationpopulaire. Ses animateurs et animatrices se dépla-cent occasionnellement pour donner de la forma-tion sur mesure dans des groupes communautai-res.

LA CLÉ EN ÉDUCATIONPOPULAIRE DE LA MRC DE MASKINONGÉAnnée de création : 1992Vous pouvez fréquenter la Clé pour plusieurs rai-sons. D'abord pour assister à des ateliers d'alpha-conscientisation et, occasionnellement, à des con-férences. Ensuite, pour suivre des ateliers d'alpha-ordinateur, de plus en plus populaires, où il est pos-sible à la fois de s'initier à l'ordinateur et d'appren-dre le français par ce moyen novateur. Le volet Im-plication sociale, non moins important, permet auxgens de participer à des comités (C.A., tri et distri-bution de nourriture dans un autre organisme, etc.).Enfin, nous offrons des ateliers de prévention auxjeunes du primaire, dont l'aide aux devoirs et auxleçons, et, nouvellement, des collations santé2 fois par semaine à 170 élèves (projet « l'École »lation porte fruits).

MONTÉRÉGIE

AIDE PÉDAGOGIQUE AUX ADULTES ETAUX JEUNES (APAJ)Année de création : 1996Notre organisme d'alphabétisation populaire viseà aider les jeunes et les adultes à mieux lire etécrire. Nos ateliers, donnés par des formateurs, for-matrices et bénévoles expérimentés, respectent lerythme d'apprentissage des participants et desparticipantes et favorisent un contact social enri-chissant. Diverses activités thématiques sont aussioffertes, telles que la création de cartes de vœuxet l'utilisation de l'informatique.

86 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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DOSSIER

COMQUAT INC.Année de création : 1984Organisme communautaire en alphabétisation, legroupe a comme objectif premier de favoriser l'auto-nomie des personnes et leur participation sociale.Comquat a mis sur pied plusieurs services pour fa-ciliter l'apprentissage des éléments de la commu-nication : ateliers d'écriture, de lecture et de cal-cul, alphabétisation pour la famille, atelier de fran-cisation et d'anglais et ateliers de prévention dudécrochage scolaire. À Comquat, les participantset participantes prennent part aux activités d'ap-prentissage à la vie communautaire et réalisentainsi leurs objectifs.

LA BOÎTE À LETTRESAnnée de création : 1983Nous travaillons avec des jeunes adultes de 16 à25 ans de la Rive-Sud de Montréal dans une pers-pective d'éducation populaire et de lutte à la pau-vreté. Nous offrons un milieu de vie leur permet-tant de renouer avec leur apprentissage, de s'ini-tier à la vie associative et démocratique et de seprendre en charge, entre autres par un suivipsychosocial individuel. La Boîte à lettres, c'estaussi un lieu de recherche visant l'amélioration despratiques d'alphabétisation ainsi que la productionde matériel pédagogique innovateur et adapté à laréalité des jeunes.

LA CLÉ DES MOTSAnnée de création : 1984Le grain creva, noyant tout... du bureau à la cui-sine... (1x)... (2x)... (3x)... De son deuxième perché,nous accédons à la CLÉ DES MOTS, rebaptisée LACLÉ DANS L'EAU, par un escalier « colimaçonné ».Depuis le printemps 2001, LA CLÉ DANS L'EAU arepris ses lettres de noblesse ; LA CLÉ DES MOTS,elle, a déménagé ! Toiture en bon état et premierplancher, elle peut enfin recevoir les personnesayant un handicap physique ou les personnes âgéesqui, jadis, ne pouvaient pas gravir son escalier.

L'ARDOISE DU BAS-RICHELIEUAnnée de création : 1996En 1995-1996, nous avions 4 inscriptions pournos ateliers de formation ; en 1996-1997, 16 ; en2000-2001, près de 60 ! Nous avons publié un ca-hier d'exercices en lecture et en écriture pourdébutants et débutantes et réalisé le film LesBarrières. Nous sommes à mettre sur pied une en-treprise d'économie sociale avec les participantset les participantes. Mais ce dont nous sommes leplus fiers, c'est d'avoir réussi à donner du pouvoirà des personnes qui n'en avaient plus.

L'ÉCOLE DE LA VIEAnnée de création : 1996Bientôt cinq chandelles à souffler, en compagniede parents et d'enfants, dans une maison rempliede rires et de rimes. À l'École de la vie, il y a desidées à entendre, des mots doux à dire et des let-tres à lire. Le cœur à l'ouvrage, le cœur sur la main,l'École de la vie est tournée vers demain.

L'ÉCRIT TÔT DE SAINT-HUBERTAnnée de création : 1991Être non seulement un lieu d'apprentissage de lalecture et de l'écriture, mais aussi un lieu où l'ex-ploration et l'exercice de la citoyenneté sont aucœur des pratiques. Une participante nous a déjàdit : « Aujourd'hui, grâce à L'Écrit Tôt de Saint-Hu-bert, je sais au moins une chose, que je suis capa-ble d'apprendre et de comprendre ce qui m'en-toure. » Voilà pourquoi nous formons UNE BELLEGRANDE FAMILLE.

LE SAC À MOTSAnnée de création : 1996Le groupe est reconnu à Cowansville pour son ac-tion populaire et pour la mise sur pied d'un centredu livre usagé. Il se distingue par son engagementsocial auprès des personnes peu scolarisées etdéfavorisées de la ville et de la région.

LA PORTE OUVERTEAnnée de création : 1984La Porte ouverte a fait du chemin depuis ses dé-buts. À l'origine, l'intervention de l'organisme selimitait à la sensibilisation du public et au recrute-ment de personnes analphabètes. Aujourd'hui, LaPorte ouverte offre des ateliers d'alphabétisationpopulaire (niveaux débutant, intermédiaire et fonc-tionnel) et des cours de français langue secondeaux personnes immigrantes de la région du Haut-Richelieu. L'organisme exploite aussi un centre delivres usagés dont l'objectif est de rendre la lec-ture accessible au plus grand nombre de person-nes possible dans le but de prévenir l'analphabé-tisme. La Porte ouverte est membre du RGPAQ de-puis 1989.

LES GRANDS DÉBROUILLARDSAnnée de création : 1996Nous offrons des ateliers d'alphabétisation et deperfectionnement en français. Les participants etles participantes peuvent également s'initier au trai-tement de textes. Notre organisme est en évolu-tion constante : nous lançons chaque année denouveaux projets avec la participation de nos mem-bres. Présentement, nous travaillons à mettre surpied un laboratoire-café Internet. Des servicesd'aide à la lecture et à l'écriture sont maintenantofferts à la communauté. L'engagement de nosmembres, bénévoles, travailleuses et travailleurscontribue à l'essor de notre organisme. Grâce à euxet à elles, nous pourrons atteindre nos objectifs etrépondre adéquatement aux besoins en alphabéti-sation de la région de Valleyfield.

MONTREAL METROPOLITAIN

ATELIER DES LETTRESAnnée de création : 1985Nous intervenons dans le quartier Centre-Sud. Aufil des années, nous avons participé à l'effort col-lectif pour diminuer le taux d'analphabétisme. Dansun même élan, nous poursuivons des objectifs telsque la défense des droits des personnes analpha-bètes et la sensibilisation des intervenants et in-tervenantes, des élus et de la population. Nousavons fait une percée du côté des écoles primairespour rejoindre les parents de jeunes enfants. Noustravaillons également à devenir une ressource depremier plan en alphabétisation pour les organis-mes communautaires de la communauté gaie. Lequartier Centre-Sud est pauvre, mais riche de sadiversité, et à l'Atelier des lettres, nous sommesriches de toutes ces différences.

CARREFOUR D'EDUCATIONPOPULAIRE DE POINTESAINT-CHARLESAnnée de création : 1968

Ce centre est administré par les gens du quartierPointe Saint-Charles en fonction de leurs besoinset de leurs intérêts. Par l'information, l'animation,l'action engagée, le Carrefour aide participants etparticipantes à défendre leurs droits, à améliorerleurs conditions de vie et à exprimer leur vision dumonde. En accordant une place de choix à la fêteet aux rencontres, il les amène à rompre leur isole-ment, à mieux accepter l'Autre dans ses différen-ces et à vivre concrètement la solidarité. Depuistoujours, le Carrefour travaille à l'instauration d'unesociété démocratique, plus juste et plus humaine,où tout le monde, sans exception, pourrait vivredécemment.

CENTRE ALPHA-SOURDAnnée de création : 1995Notre centre a grandi rapidement grâce à la parti-cipation de la communauté sourde. Nous avons uneclientèle variée, surtout composée de personnessans travail ou employées au salaire minimum. Il ya autant de femmes que d'hommes dans nos ate-liers, sauf au conseil d'administration, formé uni-quement de femmes de la communauté sourde.Tout se fait en langue des signes québécoise (LSQ).Les personnes sourdes sont très enthousiastes, etleur désir d'apprendre est grand. Elles comprennentbien que savoir lire et écrire est la clé de la com-munication

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 87

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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CENTRE D'ACTIONSOCIO-COMMUNAUTAIRE DE MONTRÉALAnnée de création : 1972Le Centre a été créé pour aider à contrer les pro-blèmes de mésadaptation sociale, d'exploitation etd'exclusion vécus par un nombre important de mem-bres de la communauté portugaise. Dès ses débuts,il a eu pour objectif la conscientisation, la prise encharge et la promotion sociale des plus démunisdes communautés ethnoculturelles. En 1979, descours d'alphabétisation sont offerts. Ils deviennentvite la pierre angulaire du programme de forma-tion, qui doit aussi favoriser une intégration har-monieuse des individus pour qu'ils deviennent descitoyens à part entière dans la société québécoise.Le CASCM est devenu au fil des ans un organismemultiservices et multiclientèles où se trouve inté-grée l'alphabétisation. Bon anniversaire au RGPAQ !

CENTRE DE LECTURE ET D'ECRITUREAnnée de création : 1983Le groupe veut augmenter le niveau d'alphabétisa-tion, informer les personnes analphabètes ou peuscolarisées sur leurs droits et responsabilités, leurfaire connaître les ressources du quartier oud'ailleurs, briser leur isolement et augmenter lasolidarité entre elles, en favorisant la circulationde l'information, la prise de parole et la prise dedécisions, encourager leur autonomie tout en leurapportant du soutien ainsi que sensibiliser les in-tervenants et intervenantes d'organismes commu-nautaires, les services gouvernementaux et la po-pulation en général à l'analphabétisme et aux droitsdes personnes analphabètes ou peu scolarisées.Pour atteindre ces objectifs, CLÉ utilise diversmoyens : activités de sensibilisation et de recrute-ment, d'accueil et de référence, ateliers d'alpha-bétisation en petits groupes et création de maté-riel didactique adapté aux besoins des personnes.

CENTRE DE LIAISON POUR L'ÉDUCATION ETLES RESSOURCES CULTURELLES (CLERC)Année de création : 1990Le CLERC propose des ateliers d'alphabétisation etdes services de soutien aux adultes pour faciliterleur accès aux ateliers ou leur retour aux études. Sesservices s'adressent aux personnes immigrantes, ré-fugiées et québécoises. Il a élaboré des approcheséducatives adaptées à leurs besoins. Il offre aussi del'aide aux devoirs aux jeunes du primaire.

CENTRE HAÏTIEN D'ANIMATIONET D'INTERVENTIONS SOCIALES (CHAIS)Année de création : 1983Cet organisme communautaire travaille, entre autres,en alphabétisation populaire. Situé dans Parc-Extension, un des quartiers multiethniques et défavo-risés de Montréal, il rejoint une population immigrantevivant sous le seuil de la pauvreté. Au fil du temps,le CHAIS a conçu des ateliers de lecture, d'écriture etde calcul de base. Il a à son actif plusieurs productionset est en train de créer un didacticiel à partir deses cahiers pour apprenants et apprenantes. Il mettrabientôt sur pied un réseau de distribution pour faireconnaître ses productions.

CENTRE INTERNATIONALD'ÉCHANGES CULTURELS (CIEC)Année de création : 1991Notre organisme fait de la francisation et de l'al-phabétisation populaire. Il intervient en éducationdes adultes ainsi qu'en formation continue et faci-lite l'échange culturel entre les groupes ethniquespour favoriser leur intégration dans le milieu d'ac-cueil. Nous aidons les personnes qui veulent amé-liorer leurs conditions de vie et se rattraper sur leplan éducatif. Pour ce faire, nous utilisons plusieursapproches d'intervention : communicative,andragogique, individuelle, conscientisante, fonc-tionnelle, syllabique et participative. Dans tous lescas, nous privilégions une approche qui facilite l'ap-prentissage et le développement de l'apprenant oude l'apprenante, suivant sa réalité et son vécu.

CENTRE N A RIVEAnnée de création : 1973Issu d'une initiative du Bureau de la communautéchrétienne des Haïtiens de Montréal en 1973 etdevenu autonome en 1986, le Centre N A Rive estun organisme à but non lucratif. À partir de 1993,le Centre a greffé autour de l'alphabétisation, sonpivot central d'intervention, des programmes de for-mation socioprofessionnelle qui ont donné lieu àdeux ateliers de travail : Pâtés boucan et Boucand'assiettes, permettant aux apprenantes et appre-nants formés en cuisine d'acquérir de l'expérienceen échange d'un travail professionnel et rémuné-rateur. Enfin, pour favoriser l'arrimage interculturel,il offre des cours de langue créole et de culturehaïtienne.

COMITE D'EDUCATION AUX ADULTESDE LA PETITE-BOURGOGNE ETDE SAINT-HENRI (CEDA)Année de création : 1971

Le CEDA fête cette année son 30e anniversaire. Népeu de temps après son voisin de Pointe Saint-Char-les, cet organisme intervient dans les quartiers dusud-ouest de Montréal. Depuis sa création, plu-sieurs secteurs d'activité ont été mis sur pied afinde répondre aux nouveaux besoins des quartiers.Cela en fait aujourd'hui un grand centremultisectoriel et multiculturel.

LA JARNIGOINEAnnée de création : 1985Le centre offre des ateliers d'alphabétisation etd'alpha-francisation à temps partiel et de jour à uneclientèle majoritairement issue des communautésculturelles, en particulier de la communauté latino-américaine. La Jarnigoine mène aussi un projetd'aide aux devoirs dans une école primaire du quar-tier.

LA MAISON D'HAÏTI INC.Année de création : 1972Le groupe a comme principal objectif de faciliterl'adaptation des personnes d'origine haïtienne à lasociété d'accueil. Les clientèles visées sont les fem-mes, les jeunes, les familles et les jeunes mèresanalphabètes. En plus d'offrir des services d'alpha-bétisation, le groupe s'occupe d'immigration, d'em-ploi et de réinsertion des jeunes mères. Il proposeégalement de la formation sur les compétences pa-rentales et de l'aide aux devoirs. Enfin, il fait dutravail de rue et de la prévention en matière dedécrochage scolaire.

LES ATELIERS MOT-À-MOTDU SAC. ANJOU INC.Année de création : 1986Afin de pouvoir offrir des services individualisés àchaque apprenant et apprenante, l'équipe voit à ceque les attentes de l'adulte analphabète soient res-pectées en adoptant une attitude d'accueil etd'ouverture face aux difficultés et aux malaises. Deplus, elle fait en sorte que la démarche d'appren-tissage revête un caractère anonyme. La participa-tion aux ateliers doit être volontaire et motivée parle besoin d'apprendre. Cinq types d'ateliers sontofferts : calcul de base, écriture et lecture à la ta-ble, écriture et lecture à l'ordinateur, apprentissagedu français pour les immigrants et immigrantes etalpha-Internet.

LETTRES EN MAINAnnée de création : 1982Ce groupe populaire d'alphabétisation intervientdans le quartier Rosemont. Son objectif principalest de combattre l'analphabétisme. Pour ce faire,il offre, entre autres, des ateliers de lecture et d'écri-ture et s'engage dans la défense des droits despersonnes analphabètes. De plus, il se consacre àla conception et à la diffusion de matériel didacti-que.

TOUR DE LIREAnnée de création : 1980L'un des membres fondateurs du RGPAQ, le Tourde lire œuvre dans Hochelaga-Maisonneuve, unquartier défavorisé de l'est de la ville. Depuis sesdébuts, il travaille activement à diminuer l'analpha-bétisme et la sous-scolarisation dans le quartier. Ils'emploie aussi à contrer l'exclusion dont sont vic-times les personnes analphabètes et peu scolari-sées. Le Tour de lire est présentement en pleinemutation. En effet, en plus d'assurer les servicesde base en alphabétisation, il acquiert une exper-tise en informatique, en implication sociale ainsiqu'en employabilité et diversifie ses approches afinde mieux lutter contre la marginalisation socialedes personnes peu scolarisées.

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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DOSSIER

UN MONDALIREAnnée de création : 1980Un Mondalire, l'un des membres fondateurs duRGPAQ, œuvre depuis 20 ans à Pointe-aux-Trem-bles (quartier industriel de l'extrême est de la ville).Fonctionnant par petits groupes de une à six per-sonnes, il reçoit des gens de tous âges à des ate-liers de lecture, d'écriture, de calcul, d'initiation àl'ordinateur et à Internet ainsi qu'à des ateliers defrancisation. Sa clientèle se compose majoritai-rement d'ouvrières et d'ouvriers actifs ou retraités.Accueil chaleureux, grande disponibilité (plus de20 ateliers par semaine), flexibilité dans les horai-res pour nos travailleurs et travailleuses, stabilitéde l'équipe d'animation, telles sont les principalescaractéristiques du centre.

OUTAOUAIS

ATELIER D'ÉDUCATION POPULAIREAnnée de création : 1996Nous sommes situés au nord de la région de laPetite-Nation, entre Montebello et Mont-Tremblant.En cinq ans, nous avons grandi avec les participantset participantes de nos deux points de service,Saint-Emile et Chénéville. En plus des ateliers d'al-phabétisation, nous offrons un « club de devoirs »pour prévenir les échecs et les abandons scolairesdes enfants du primaire, des ateliers d'initiation àInternet et des ateliers de cuisine. Nous avons étéreconnus en juillet dernier « organisme de bienfai-sance ».

QUÉBEC

ALPHABEILLE VANIERAnnée de création : 1988Depuis 13 ans, les membres manifestent beaucoupde courage et de ténacité pour maintenir l'orga-nisme en vie. Ils et elles ont créé un milieu où la vieassociative et démocratique favorise l'entraide etcrée une solidarité entre toutes et tous. Nous pou-vons entrevoir l'avenir sous les meilleurs horizonspossible.

ALPHA STONEHAMAnnée de création : 1985Nous offrons des ateliers de formation de base enfrançais, mathématiques et informatique. Nous pri-vilégions toutefois la voie de l'alphabétisation fa-miliale, notre objectif étant d'alphabétiser plus spé-cifiquement les parents. Nous espérons ainsi con-trer le décrochage scolaire et redonner le goût dela lecture et de l'écriture aux familles sous-scolari-

ATELIER D'ALPHABÉTISATIONDES SOURDS DE QUÉBECAnnée de création : 1996Nous offrons plusieurs cours aux adultes sourds,dont l'alphabétisation par ordinateur. Les gens quiœuvent chez nous ont à cœur la réussite des parti-cipants et participantes.

ATOUT-LIREAnnée de création : 1981Voici ce que pensent les apprenants et les appre-nantes de leur organisme : Atout-Lire, c'est 20 ansd'existence, c'est apprendre à lire, à écrire et à cal-culer, c'est de l'aide, de l'ambiance, c'est plusd'écoute qu'ailleurs, c'est une famille, c'est le res-pect, c'est apprendre les uns avec les autres, c'estbeaucoup d'amour, ça va à ton rythme, c'est du plai-sir, c'est de l'aide pour se débrouiller, c'est ac-cueillant, c'est un lieu pour apprendre à se connaî-tre, c'est de la chaleur, c'est de l'attention, c'estdes animatrices fines, exceptionnelles, c'est tout,c'est polyvalent, c'est du calcul, c'est de l'ordina-teur, c'est du théâtre, c'est le party de Noël, c'estde la bouffe, c'est des sorties, c'est des devoirs,c'est le C.A., c'est le club social, c'est le comitéMaison, c'est Atout-Faire, c'est des participants etdes participantes qui travaillent fort, c'est René,Sylvie, Lyne, Paul, Denise...

FORMATION ALPHABÉTISATIONCHARLEVOIX (FAC)Année de création : 1996Redécouvrir le plaisir d'apprendre. Apprendre à sonrythme, selon ses intérêts. Vivre en groupe, sesentir partie prenante des décisions collectives.Apprendre l'abc d'être soi, pleinement soi, dans cebeau pays de montagnes. Voilà ce que propose laFAC.

LA MARÉE DES MOTSAnnée de création : 1996Voici le récit d'une merveilleuse aventure. La Ma-rée des mots a pris son envol dans le quartier Gif-fard, à Beauport, avec un groupe de neuf person-nes. Rapidement, se sont ajoutés des ateliers defrançais, de calcul et de couture. En 1999, le groupea modifié ses orientations et défini de nouveauxprincipes concernant ses activités. Cela a donnélieu aux ateliers francisation et initiation à l'infor-matique et à la mise sur pied d'une mini-bibliothè-que. La Marée des mots s'est développée grâce àla collaboration de bénévoles et de participants etparticipantes qui l'alimentent de beaux projets etd'idéaux qui, peu à peu, deviennent réalité.

L'ARDOISE DESAINT-MARC-DES-CARRIÈRESAnnée de création : 1996On y vient pour le plaisir d'apprendre. Parmi lesactivités offertes, on retrouve des cours de fran-çais, de mathématiques et d'initiation aux nouvel-les technologies ainsi que des ateliers de théâtre.Chaque apprenant et apprenante découvre ses for-ces et développe son potentiel créateur, car les artsplastiques, la musique, la couture, la cuisine, le jar-dinage et les sorties éducatives sont à l'honneur.De plus, grâce à ses cours d'alpha itinérants, l'Ar-doise rayonne partout sur le territoire du comté dePortneuf.

LIS-MOI TOUT LIMOILOUAnnée de création : 1996Ce groupe populaire en alphabétisation sert unquartier populaire de la ville de Québec. Il s'est ra-pidement imposé comme une ressource de premierplan pour favoriser l'autonomie des personnes ayantdes problèmes d'analphabétisme. En plus de sesactivités visant l'acquisition des compétences debase en lecture, en écriture et en calcul, Lis-moitout Limoilou s'allie avec les groupes communau-taires du quartier pour aider les personnes qui fontappel à ses services dans leur démarche d'autono-mie et d'intégration sociale2.

SAGUENAY — LAC-SAINT-JEAN

CENTRE ALPHA DE LA BAIEET DU BAS-SAGUENAYAnnée de création : 1984Notre centre dynamique et à l'écoute de ses parti-cipants et participantes offre un programme d'ap-prentissages variés et possède une équipe polyva-lente qui permet de sortir du cadre habituel de for-mation. Nos membres se rendent à des expositions,au musée, à la bibliothèque et s'intéressent auxsciences.

GROUPE CENTRE-LAC D'ALMAAnnée de création : 1981Nous visons l'épanouissement des adultes vivantavec un handicap physique ou intellectuel et leurintégration au monde du loisir, de l'éducation, destechnologies et du travail. Nous couvrons le terri-toire de la MRC Lac-Saint-Jean-Est. En plus d'of-frir des ateliers en alphabétisation, nous aidons lesmembres à se prendre en mains, à devenir autono-mes, à défendre leurs intérêts et à briser leur isole-ment. Dans notre action, nous souhaitons faire duCentre un lieu d'échange et d'appartenance.

REGROUPEMENT DES CENTRESD'ALPHABÉTISATION MOT À MOTAnnée de création : 1984Le Regroupement sert quatre municipalités : Bégin,Shipshaw, Saint-Ambroise et Saint-Charles. Cha-que point de service est autonome et organise sesateliers de formation en fonction des besoins de laclientèle inscrite. Depuis 17 ans, il travaille en col-laboration avec ses partenaires de chaque munici-palité. Compte tenu de l'expansion technologique,il est passé à l'ère informatique et a créé de nou-veaux outils pédagogiques, sans toutefois abandon-ner son approche traditionnelle.

Vous trouverez les coordonnées des groupesà la page 110.

1. Pour en savoir plus sur le Cep, consultez lapage 103.2. Pour en savoir plus sur Lis-moi tout Limoilou,consultez la page 105.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 89

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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Ils n'étaient qu'une poignée degroupes et de personnes à se re-trousser les manches il y a 20 ans.À ce moment-là, non seulementne reconnaissait-on pas qu'il yavait, ici au Québec, un pro-blème d'analphabétisme mais,aussi, les quelques institutionsoffrant malgré tout des cours auxpersonnes analphabètes utili-saient le même matériel que ce-lui conçu pour les enfants ! Ilétait donc impératif de changerles choses.

Après avoir élaboré une ap-proche originale — basée surcelle du Brésilien Paolo Freire —visant à faire de l'apprentissagede la lecture et de l'écriture unmoyen d'agir dans sa commu-nauté par le développement dusens critique et de la capacité dejugement, les groupes se sontunis pour faire connaître l'anal-phabétisme, pour faire reconnaî-tre leur approche, leur façon detravailler et leurs besoins. Ils sesont aussi regroupés pour discu-ter entre eux et pour apprendreles uns des autres.

Vingt ans plus tard, le Re-groupement des groupes popu-laires en alphabétisation duQuébec représente 75 groupesaux pratiques novatrices, répar-tis dans toutes les régions duQuébec, et constitue une forcecollective occupant une placeimportante dans le monde del'éducation des adultes. Long-

temps seul intervenant provin-cial préoccupé par l'analphabé-tisme, il a largement contribuéà la reconnaissance politique etsociale de ce problème.

Aujourd'hui, les besoins àl'origine de la création duRGPAQ sont toujours présents.Nous rejoignons encore trop peude personnes analphabètes, as-pect sur lequel nous devronscontinuer d'insister. Mais com-ment rejoindre plus de gens touten maintenant les principes quiguident notre action depuis ledébut ? Faudra-t-il, pour encou-rager leur participation, revenirà des idées toutes simples, misesde l'avant il y a 20 ans : congé-éducation (permettant aux tra-vailleurs et travailleuses de seconcentrer uniquement sur leurformation) ou allocation cou-vrant les frais de participationaux activités éducatives ?

Quel est l'avenir de l'alpha-bétisation populaire, duRGPAQ et des groupes populai-res d'alphabétisation ? Quel estl'avenir des personnes analpha-bètes et de celles qui, courageu-sement, sont en démarche d'ap-prentissage un peu partout auQuébec ? Aucune boule de cris-tal ne saurait nous le dire. Demême, aucune politique d'édu-cation des adultes ou de forma-tion continue. Heureusement, ily a ces militants et militantes quin'attendent pas après le gouver-

nement pour trouver des solu-tions originales aux problèmes.Depuis 20 ans, une multitude depersonnes se sont engagées pourfaire avancer les choses, et celacontinuera parce qu'il y a de lavolonté dans notre mouvementet des idées : lorsque diverspoints de vue, manières de faireet réalités sont tournés vers unmême objectif, on décuple lesforces et on peut prétendre à réa-liser les plus grands rêves !

Le RGPAQ continuerad'étendre son réseau et de le faireconnaître. Il ne cessera pas deremettre en question les prati-ques, pour en assurer le renou-vellement mais aussi pour con-trer la dégradation des condi-tions de vie et l'accroissement dela pauvreté, cadeaux de la mon-dialisation des marchés.

On entendra encore leRGPAQ parler au nom des ac-teurs et actrices du terrain et deceux et celles qui, la plupart dutemps, sont exclus des débats desociété, alors qu'ils sont toutautant concernés. Le RGPAQcontinuera de promouvoir l'al-phabétisation populaire et des'assurer que les personnes peuou pas à l'aise avec l'écrit puis-sent agir comme citoyennes etcitoyens responsables et fairevaloir leurs droits, pour mieuxparticiper à la vie sociale, politi-que, économique et culturelle.

I ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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L

Monique Roberge, directricede l'Ardoise du Bas-Richelieu

Comment à la fois

acquérir des compétences,

mieux connaître le monde

du travail et offrir un

service indispensable

à la communauté ?

En se créant un

emploi.

e groupe populaire en alphabétisationL'Ardoise du Bas-Richelieu est à l'aube de soncinquième anniversaire. Petit à petit, il s'est faitune place dans le milieu en créant des mécanis-mes d'intervention adaptés aux besoins des per-sonnes analphabètes ou peu alphabétisées.

Au début, il s'est concentré surtout sur l'al-phabétisation populaire, l'intégration des con-naissances au quotidien, la vie démocratiquedans le groupe et la participation des apprenantset des apprenantes aux différents paliers de pou-voir. Mais bien vite, le quotidien l'a interpelléen tant que groupe populaire. Il a eu à se pen-cher sur les conséquences de la pauvreté, car lespersonnes qui composent ses ateliers viventmajoritairement de l'aide sociale. Tous et toutessavent ce qu'est la pauvreté insidieuse, celle quien vient à tuer l'espoir.

Les participants et participantes se sont doncinterrogés en atelier sur « comment » sortir decette pauvreté. L'un des moyens choisis a été demettre sur pied un volet « travail » qui misaitsur les compétences des individus. L'emploi étantun secteur d'exclusion pour nos membres, il fal-lait trouver une réponse qui tienne compte desvéritables besoins.

Se créer un emploiLa mise sur pied d'une micro-entreprise a étéune première solution envisagée. L'objectif étaitde permettre à des personnes peu alphabétiséesd'avoir accès au marché de l'emploi, en tenantcompte de leurs compétences et en les intégrantactivement dans le processus de création d'uneentreprise.

Cette démarche s'est réalisée progressivement.Les participants et les participantes ont pris partau processus du début à la fin. Nous en avonsd'abord parlé tous ensemble. Ensuite, avecAnthony, l'animateur du projet, nous avons dé-fini le type d'entreprise qui serait le plus appro-prié pour nous. En premier lieu, nous

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 91

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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Dans un contexted'apprentissage continuel, nous avons

intégré alphabétisation et travail dereliure. Ayant droit de se tromper, les

participants et les participantes ontappris beaucoup plus rapidement

devions définir le créneau visé : la reliure de do-cuments nous a plu. Nous avons ensuite préciséles étapes de réalisation du projet. Cela a été trèslong, mais nous avons de la patience à revendre.

La micro-entreprise prenait vie. Dans un con-texte d'apprentissage continuel, nous avons in-tégré alphabétisation et travail de reliure. Ayantdroit de se tromper, les participants et les parti-cipantes ont appris beaucoup plus rapidement.Par des activités et des tâches diverses, ils et ellesont aussi appris à se connaître et à choisir eux-mêmes ce qui leur convient.

Notre micro-entreprise n'offrirait pas de ser-vice de luxe, souvent proposé en d'autres lieux,mais un service peu coûteux visant avant toutles groupes communautaires et les associations(familiales, sportives, religieuses, etc.).

À long terme, nous voulions bien connaî-tre les techniques de la reliure, de façon à pou-voir réparer des livres abîmés. Cela nous per-mettrait d'offrir un service inexistant locale-ment. Le cégep de Sorel-Tracy, les polyvalen-tes, les autres écoles et les bibliothèques mu-nicipales dont les livres doivent être réparésrégulièrement pourraient alors nous les con-fier (à un coût moindre, car il s'agit d'un ser-vice local).

Ce projet serait une solution de rechange pourles personnes peu alphabétisées dans leur démar-che d'emploi, car il les aiderait à augmenter leurscompétences et leur permettrait d'expérimenterdiverses facettes du travail, d'acquérir une plusgrande autonomie et de créer un service local,ce qui signifie des prix avantageux pour lesclients.

De plus, ce travail s'effectuerait sur une basevolontaire et chacun pourrait, après essai, choi-sir la tâche qui lui convient et ainsi trouver savoie. Les bénéfices, d'abord réinvestis dans leprojet, pourraient, s'ils sont importants, se tra-duire en salaires pour les employés.

Vers un premier contratUne partie du matériel était déjà disponible : desordinateurs étaient sur place ainsi que des logi-ciels de mise en pages et de création graphiqueet une photocopieuse pour les différents essais.Nous n'avons acheté qu'une machine à relier lesdocuments ainsi qu'une lamineuse.

En janvier 2000, un plan d'affaires était surla table, qui restait toutefois à élaborer. Un agentdu Centre local de développement et un techni-cien en économie sociale de la Corporation dedéveloppement communautaire du Bas-Riche-lieu (sorte de regroupement d'organismes locauxd'action communautaire) nous ont accompagnésdans ce travail. L'aspect technique étant ardu,les participants et les participantes n'y ont pastrouvé leur place. Le projet devenait trop lourdpour eux. Nous avons arrêté la démarche et dé-cidé de la continuer à notre manière et surtout ànotre rythme. Nous avons choisi de faire paral-lèlement le plan d'affaires et certaines démar-ches d'apprentissage technique afin d'obtenir desrésultats concrets plus rapidement.

Nous avons invité des personnes ayant déjàdémarré des entreprises pour connaître leur ex-périence, leur philosophie. Les participants etles participantes adorent recevoir des gens quiprennent le temps de leur raconter leur histoire.Ils sont très intéressés et posent énormément dequestions.

En mai, tout le monde était prêt, tous et toutess'étaient tellement exercés... Après avoir « boudiné »tout ce qui pouvait l'être, nous avons attendu lescontrats. Enfin un client : la Corporation de déve-loppement communautaire du Bas-Richelieuvoulait faire relier 100 exemplaires du Bottin desressources communautaires du Bas-Richelieu en3 semaines. Le groupe a travaillé intensément, eten huit jours, il a réussi à remplir la commande. Lepremier exemplaire a été conservé et signé par toutel'équipe sur la page couverture. Ce livre est uni-que, c'est notre premier !

En septembre, Madeleine a été élue pour re-présenter le groupe au lancement officiel duBottin des ressources. Elle était tellement fière decette réalisation, mais aussi très intimidéelorsqu'elle est entrée dans la salle de conférences.Elle a réussi malgré tout à raconter comment

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...CÔTÉ JARDIN

s'était déroulé ce premier contrat, puis a invitéles personnes présentes à acheter plusieurs exem-plaires du Bottin. Elle a compris que plus la Cor-poration en vendrait, plus il y aurait des chan-ces que le groupe puisse en confectionnerd'autres.

Et la suitePuis, l'heure du questionnement surla manière de solliciter des contratsest arrivée. Les participants et parti-cipantes ont écrit une lettre indi-quant pourquoi ils avaient créé cetteentreprise et surtout qui ils étaient.Ils voulaient travailler, ils voulaients'en sortir, et avec un coup de main,ils pourraient réussir ! En une jour-née, le groupe a appris à se servird'un télécopieur. Ils et elles ont en-voyé des télécopies dans un orga-nisme qui a accepté de les recevoir.Cela a marché, ils ont pu ensuitediffuser plus largement leur publicité.

En octobre 2000, l'occasiond'acheter une entreprise d'économiesociale s'est présentée à nous. Lesparticipants et les participantes ontdécidé de foncer, appuyés par le con-seil d'administration. Après plu-sieurs problèmes techniques, nous ysommes arrivés, soutenus par le Cen-tre local de développement, la Cor-poration de développement com-munautaire, la Société d'aide au dé-veloppement des collectivités1, laTable de l'entrepreneuriat collectif,l'Atelier du chômeur et le CLSC.

Nous ne pouvons dire encore ce qu'il advien-dra de tout cela, mais nous avons des idées etdes idées. Cela permet de créer, d'innover, car ilest difficile de se défaire de ses espoirs et de sesrêves. Le projet d'entreprise a été long à mettreen place, nous y avons beaucoup réfléchi. Nousavons pris notre temps, pour mettre toutes leschances de notre côté.

Ces personnes ont gravi des montagneset arriveront un jour au sommet. L'espoir, lamotivation doivent se poursuivre. Bien que

ce ne soit pas dans la mission de L'Ardoisede lancer des entreprises, il y a des besoins etsurtout une volonté de la part des participantset des participantes d'aller plus loin, toujoursplus loin.

OSER

Au printemps 2000, les participants et lesparticipantes décidaient d'inscrire l'entre-prise GPM (groupe populaire multiservice) auconcours provincial « Entrepreneurs à toutâge ». Nous avons déposé notre plan d'affai-res et nous avons espéré ensemble. Puis estvenue l'invitation à la soirée d'attributiondes prix locaux. Deux participantes ont étéélues pour représenter le groupe, et je les aiaccompagnées. Nous avons été reçues engrande pompe, avec photo et fleurs commetous les participants et participantes auconcours. Mais pour nous, c'était spécial.La fierté des participantes était visible dansleurs yeux qui brillaient tellement.Ils et elles n'ont pas gagné, mais ont oséprésenter leur projet. Pour ma part, ils ontgagné le prix de l'audace. Des personnesexclues dans à peu près tous les domaines,avec pour tout comptant 500$ (amassés avecpeine) et très peu de moyens, ont eu l'audacede se présenter avec des gens d'affairesde la région, se sont assises dans la mêmesalle que le député, ont côtoyé des gensjamais rencontrés auparavant. Oh, oui ! Ilset elles ont gagné mon estime et mon admi-ration.

M.R.

1. La SADC du Bas-Richelieu a pour mission d'allier toutes les forcesvives de la collectivité pour favoriser la prise en charge locale du déve-loppement dans toutes ses dimensions et pour combattre la « dévitali-sation » de la communauté.

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UN PASSEPORTPOUR QUITTER LA PAUVRETE

José Leclair, coopérante CUSO, responsable du jumelagede la Fédération togolaise des clubs UNESCO

Dans certaines régions du Togo,75 % des femmes sont analphabè-tes. Savoir lire, écrire et compter leurassure de meilleures conditions devie et surtout leur permet de contri-buer au développement de la société.Ne dit-on pas, en Afrique, qu'édu-quer une femme, c'est éduquer lanation entière ?

94 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Pauvre, mais non sans ressourcesLe Togo est un petit pays situé en Afrique de l'Ouest.Cette bande de terre longue de 1 000 km abrite enson sein 4 000 000 d'habitants. Le Togo fait partiedes pays les moins avancés de la planète et connaîtune grande pauvreté. L'endettement du pays (818 mil-liards $ US en 1998) a contraint l'État à baisser lessalaires, à privatiser ses entreprises publiques, à pro-céder à des licenciements massifs dans sa fonctionpublique et à ouvrir ses barrières douanières au mar-ché international, ce qui, en raison de la concurrence,compromet dans bien des cas l'expansion du marchélocal. Près de 72 % de la population du Togo vit quo-tidiennement avec moins de 2 $ en poche. Sur 100 en-fants qui naissent chaque jour, 27 connaîtront uneinsuffisance pondérale, 12 souffriront de malnutri-tion et 17 décéderont avant l'âge de 15 ans.

Le Togo est un pays de jeunesse ! La moitié dela population est âgée de moins de 15 ans, et à peine3 % des gens ont plus de 65 ans. Les femmes consti-tuent plus de 50 % de la population. Celles en âge deprocréer ont en moyenne 6,2 enfants chacune. Ellesse marient pour la plupart avant l'âge de 20 ans et,dans 50 % des cas, elles vivront dans un mariage po-lygame.

Le Togo est un pays très accueillant qui regroupeune quarantaine d'ethnies, ayant chacune leur dia-lecte, leurs coutumes et leurs croyances. Ses habitantset habitantes ont une longue tradition d'hospitalité.Ils sont pleins de gentillesse et vous accueillent avecsimplicité et chaleur.

Le Togo est ma terre d'accueil. J'y ai vécu commecoopérante volontaire pendant deux années : de sep-tembre 1998 à août 2000. C'est l'agence CUSO1

Québec qui m'a recrutée. Je travaillais à Lomé, la ca-pitale, pour la Fédération togolaise des associationset clubs UNESCO (FTACU), organisme de déve-loppement œuvrant auprès des jeunes pour promou-voir leur éducation et leur scolarisation. La FTACUregroupe 105 associations et clubs répartis sur le ter-

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D'AILLEURS

ritoire national. Le plus souvent créés dans des éco-les secondaires, lycées et universités, les clubs con-sacrent leurs efforts à promouvoir la paix et la jus-tice sociale par le théâtre, la danse, le chant, lesarts. C'est dans ces clubs que les jeunes se consti-tuent des tribunes pour discuter, notamment deleur avenir, de l'égalité des droits et des sexes, dusida, de l'environnement et de toutes les questionsqui les préoccupent.

Combattre l'analphabétisme des femmesLa FTACU est jumelée avec le Syndicat de l'ensei-gnement de Champlain, au Québec, depuis 1992.Après avoir organisé des camps-chantiers de reboi-sement pour des jeunes du Québec et du Togo,construit une école et mis sur pied une bibliothè-que de 20 000 livres, les partenaires ont décidé des'attaquer à ce fléau qu'est l'analphabétisme des fem-mes et des filles, qui peut atteindre un taux de 75 %dans certaines régions, comparativement 46%chez les hommes.

L'analphabétisme des filles est la résultante d'uneéconomie fragilisée et d'une culture qui a du mal àse renouveler. Au sein de la famille africaine en gé-néral et togolaise en particulier, la fille occupe leplus bas niveau de la hiérarchie. Elle est au servicedu père, qui détient l'autorité absolue, de ses frèreset de sa mère, par qui elle est éduquée et à qui elledoit ressembler. Dès son plus jeune âge, on lui ap-prend à préparer les repas, à puiser l'eau, à balayerla cour, à faire la lessive et à servir ses aînés. De cefait, la fille est rapidement accablée par le fardeaudes tâches domestiques. Elle peut difficilementdégager temps et énergie pour se concentrer surses travaux d'écolière. D'où l'échec scolaire précocede la fille au Togo. De plus, elle n'a pas autant devaleur que le garçon pour la famille. Comme ellese mariera le plus souvent avant l'âge de 20 ans etquittera sa famille au profit de celle de son mari, iln'est pas avantageux pour le père de la faire édu-quer, car, de toute façon, c'est quelqu'un d'autrequi en profitera.

D'autre part, le système d'éducation est fragilisépar le niveau d'endettement du Togo. L'État n'apas les moyens d'investir dans ce domaine. Aumoment de mon départ, en août 2000, les profes-seurs togolais avaient six mois d'arrérages sur leursalaire. Enfin, en raison de l'accroissement de lapopulation, les écoles sont bondées et connaissent

des difficultés d'accueil ; il est fréquent qu'une classede primaire compte 100 élèves. Cette situation en-traîne des problèmes d'enseignement et d'évaluationainsi que des taux de redoublement élevés qui décou-ragent les élèves en difficulté, malheureusement sou-vent des filles, à poursuivre leurs études.

Un projet ambitieuxLa FTACU et le Syndicat ont mis sur piedun projet financé par l'ACDI2 et supervisé au Qué-bec par le Centre international de solidaritéouvrière. Ce projet visait à alphabétiser, sur unepériode de 2 1/2 ans, un minimum de 3 150jeunes filles et femmes regroupées autour d'activi-tés telles que la fabrication de savons, le tissage,l'élevage, la couture, la coiffure et le maraîchage.En plus d'apprendre à lire, à écrire et à compter,ces femmes allaient pouvoir se préparer à mieuxintervenir dans les activités de gestion et de déve-loppement de leur société, car elles avaient déjàl'habitude de mettre leurs efforts en commun pouraméliorer leurs conditions de vie et celles de leurfamille. En effet, qu'elles soient agricultrices,vendeuses au marché, couturières ou coiffeuses, lesfemmes d'un même village ou d'un même quar-tier ont toujours le réflexe de mettre une partiede leur revenu dans une caisse commune appeléela « tontine ». Ces fonds de solidarité sont le plussouvent destinés à acheter des médicaments pourla famille, à payer le médecin, à augmenter lecapital de la production et, s'il en reste, à couvrirle coût des fêtes traditionnelles !

La FTACU s'est engagée à mettre en chantier156 classes d'alphabétisation dans les 5 régions du pays,soit une cinquantaine de classes à chacun des 3 cyclesde développement. Pour ce faire, elle comptaits'appuyer sur l'expertise de ses clubs et de ses conseilsrégionaux, qui auraient la responsabilité de coordon-ner les classes dans chaque région.

Pour obtenir une bonne gestion de ce vaste projet,les partenaires ont voulu embaucher un coordonna-teur national. C'est avec lui et avec le secrétaire admi-nistratif que nous allions former l'équipe-projet char-gée de la bonne marche des activités. De plus, afin dedéterminer les orientations du programme d'alphabé-tisation, la FTACU a mis sur pied un comité d'appuiet de suivi nommé CASA (maison), formé d'expertsen éducation, pour la plupart des professeurs engagésdans le mouvement de l'UNESCO.

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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En alliance avec la Direction nationale del'alphabétisation3 et en fonction des besoins, laFTACU a choisi un programme d'alphabétisationfonctionnelle donné en cinq langues : le français(la langue des affaires de la capitale), l'éwé (la lan-gue la plus parlée dans le sud du pays), le kabyiè(la langue la plus courante au nord), le tem et lebenn et comportant quatre modules :

• La lecture et l'écriture ;• Les quatre opérations de base

en mathématiques ;• L'hygiène et la santé ;• L'éducation civique.Les cours seraient offerts à raison de deux séan-

ces par semaine d'une durée de trois heures cha-cune. Au terme de six mois de formation, les audi-trices du premier cycle subiraient un examen dela Direction nationale de l'alphabétisation et rece-vraient un diplôme d'une valeur inestimable pourles femmes de ce pays.

Comme la Direction de l'alphabétisation et lesorganismes du Togo qui œuvrent en alphabétisa-tion n'avaient jamais donné de cours d'hygiène etd'éducation civique, l'équipe-projet a conçu deuxmanuels didactiques à l'intention des auditrices.

Les alphabétiseurs (53 % de femmes) ont étéchoisis par les conseils et les groupements pour leurintégrité, leurs connaissances et leur savoir-faire.La formation qu'ils et elles ont reçue a été donnéeen plusieurs langues et a duré 18 jours. Elle a portésur la pédagogie des adultes, la méthode d'ensei-gnement de la lecture, de l'écriture et du calcul etla méthode d'enseignement des notions d'éduca-tion civique et d'hygiène.

Venus de partout, ces hommes et ces femmes sesont lancés ensemble dans cette aventure du sa-voir. Au terme de la formation, ils et elles ont reçule titre officiel d'alphabétiseurs diplômés de laDirection nationale de l'alphabétisation du Togo.

Ils et elles se sont engagés à donner deux séancesde trois heures par semaine sans toucher de salaire,seulement un montant symbolique d'environ 25 $par mois, en plus d'un 25 $ supplémentaire à lafin du programme. C'est ainsi que, avec à peine80 000 $ CA, la FTACU réussira à alphabétiserenviron 3 150 jeunes filles et femmes au Togo. Celareprésente un coût de formation de 25 $ par audi-trice !

96 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

En décembre 1999, une campagne de recrutementest lancée dans les régions. Les présidents des conseilsrégionaux de la FTACU mettent en œuvre leur créa-tivité pour la réussite de cette opération. Des annon-ces sont diffusées dans les journaux et à la radio, auterme de soirées d'information sur la place publique,lors de rencontres avec les patronnes des salons de coif-fure et des ateliers de couture, de débats avec les syndi-cats, etc. En tout, 1 521 femmes et filles se montrentintéressées à s'engager dans un processus d'alphabé-tisation.

Il faut ensuite, depuis Lomé, doter toutes lesclasses du pays de livrets d'alphabétisation, de ca-hiers, de règles et d'accessoires divers comme destableaux et des lampes à pétrole là où il n'y a pasd'électricité. Les conseils régionaux trouvent sou-vent les salles dans les écoles primaires ou secon-daires ou dans les centres communautaires. Lesauditrices auront à débourser la moitié du coût desmanuels d'apprentissage, en plus d'apporter ardoiseet craies en classe. Toutes se donnent la main pourfaire plus avec peu de moyens.

Au mois de mars 2000, 52 classes sont prêtes àaccueillir les auditrices. Dans toutes les régions, lespréfets sont invités, et le folklore est mis à contri-bution pour donner un air de cérémonie au coupd'envoi du projet !

Lire et écrire au quotidienAprès les cinq premiers mois de formation,j'ai visité les classes du premier cycle (24 classes d'al-phabétisation en français, 14 en éwé, 9 en kabyiè, 2en tem et 3 en ben). La plupart des auditrices étaientsur la bonne voie pour réussir l'examen final, épreuvepréparée et soumise par la DAEA et consistant en desexercices de lecture, d'écriture et de calcul.

Toutefois, les femmes alphabétisées en français,souvent issues des groupements de la capitale puis-que la ville a adopté la langue de son colonisateurpour les affaires, avaient pour la plupart des diffi-cultés avec l'écriture. De ce fait, certaines avaientbesoin de poursuivre le programme au deuxièmecycle. Et beaucoup de femmes alphabétisées dansleur langue maternelle ont manifesté le désir decontinuer le programme en français, pour mettretoutes les chances de leur côté.

Des 1 521 auditrices inscrites, 1 115 fréquen-taient toujours assidûment les cours lors de ma vi-

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D'AILLEURS

site, ce qui représente un taux de participation de73 %. Mais elles étaient souvent en retard à causedu marché, du travail au champ ou à l'atelier decouture. Elles s'absentaient parfois pour soignerleurs enfants malades, pour assister à des funéraillesou parce que les maris leur interdisaient d'aller enclasse. Certaines ne voyaient pas bien : elles auraienteu besoin de verres correcteurs, mais ne pouvaientpas se les payer. D'autres auraient voulu que lescours se donnent dans la brousse, mais lesalphabétiseurs n'ont pas de moyens de transport.Plus les femmes sont âgées, plus elles sont moti-vées. Elles ont davantage souffert de leur analpha-bétisme. Et souvent, leur but est d'apprendre à lirel'Evangile !

Le défi réside néanmoins dans l'application, auquotidien, des notions de lecture et d'écriture queces femmes ont patiemment apprises. Il s'est avéréque, en raison du manque de stimuli, elles ont ten-dance à oublier rapidement ce qu'elles ont acquissi difficilement. La post-alphabétisation sera cer-tainement le prochain projet de la FTACU.

Une leçon d'humanitéÀ titre de coopérante, j'ai fait pleinement partie del'équipe-projet. Ensemble, mes collègues et moiavons élaboré des outils et des stratégies pour faireavancer les activités. En Afrique, nous sommesconstamment aux prises avec les distances à par-courir, la rareté du matériel qui pourrait faciliter letravail. Même les communications sont ardues, carle téléphone n'est pas répandu dans toutes les ré-gions et demeure un produit de luxe... Imaginezalors Internet et ses avantages !

Malgré cet environnement modeste, j'ai été édi-fiée en voyant la volonté de ces femmes et de cesfilles qui cherchent à améliorer leurs conditions etcelles de leur famille. Certaines femmes ont telle-ment de plaisir à se retrouver deux fois par semainequ'elles ont manifesté le désir de se regrouper encoopératives !

Et que dire des alphabétiseurs... mal payés ? Ilset elles doivent arriver au cours avant l'heure pouraider celles qui se sont absentées à se rattraper. Dansla semaine, on les sollicite pour des exercices, destravaux, des conseils. Pourtant, ils et elles sont d'uneassiduité impressionnante. Toujours prêts à allerplus loin avec chacune.

Je salue le travail acharné de la FTACU, desmembres du Bureau National ainsi que des per-manentes et permanents de l'équipe-projet, qui ontà cœur d'enrayer ce fléau qu'est l'analphabétismedans leur pays. J'aimerais aussi rendre hommageaux membres des conseils régionaux, qui travaillentsans relâche sur le terrain. C'est grâce à leurs ef-forts que les classes fonctionnent si bien. J'ai ren-contré des présidents de conseil devant quitter leurfamille chaque nuit pour suivre les classes et s'assu-rer que tout se déroulait bien. Certains devaientparcourir des kilomètres en moto sur des routesdangereuses, sans un dédommagement qui vaillela peine. Pourquoi acceptent-ils de donner autant ?En raison peut-être de l'espoir que ce projet suscitechez ces gens, professeurs pour la plupart mal payés,mal outillés mais qui, animés d'une vraie cons-cience, se disent qu'ils ont encore à agir pour leurpays. Ils le font pour leurs enfants, leurs petits-en-fants.

Toutes ces actions ainsi que cette solidarité, cetengagement inconditionnel qui persistent dans unenvironnement dénudé et d'extrême pauvretém'ont touchée profondément et ont changé mafaçon de voir la vie.

Un peuple à alphabétiser, certes, mais qui auraitaussi bien des choses à nous apprendre si nous ac-ceptions de l'écouter !

1. CUSO est un organisme canadien de coopération internationalequi existe depuis 1961. Il travaille avec des organismes locaux de dé-veloppement qui luttent pour la liberté, l'égalité et la réduction de lapauvreté. Par l'échange de compétences humaines et professionnelles,CUSO intervient avec ses partenaires des pays en développement dansles domaines suivants : l'amélioration des conditions de vie, l'envi-ronnement et les droits, en particulier ceux des jeunes et des femmes.2. L'Agence canadienne de développement international investit envi-ron 0,24 % du PNB des Canadiens et Canadiennes dans l'aide publi-que au développement. En Afrique subsaharienne, l'ACDI a aidé en1998-1999 plus de 20 pays, dont 10 qui se sont partagé la moitié desfonds. Malheureusement, le Togo, en raison de sa situation politique,dit-on, ne fait pas partie des 20 pays les plus aidés par le Canada.3. La Direction de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes(DAEA) du Togo relève du ministère des Affaires sociales. Sa présencesur le territoire a été très active et a contribué à faire baisser le tauxd'analphabètes de 89 % qu'il était en 1970 à 56,5 % en 1990. Toute-fois, la situation politique du pays, marquée par les grèves de 1993 etla dévaluation du franc CFA en 1994, a ralenti son action au profitdes organismes non gouvernementaux, qui ont continué la lutte con-tre ce fléau. Aujourd'hui, la DAEA ne reçoit aucune subvention exté-rieure. Pour mettre son programme d'alphabétisation en œuvre, elledoit travailler de concert avec la dizaine d'organismes qui œuvrentdans ce domaine sur le territoire.

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II était une foisL'histoire vraied'une rencontreavec des mots.

Denis Quirion, participant au Centre d'activitéspopulaires et éducatives (CAPE) de La Tuque

Denis Quirion est un latuquois en fin deparcours au CAPE, c'est donc dire que, aprèsquatre ans, il est maintenant alphabétisé. Grâceà nos ateliers, il a acquis le goût de l'écriture etde la lecture, et surtout de la confiance en lui.

Peu avant les vacances de Noël 1998, nousavons demandé à nos participants et à nosparticipantes de nous écrire un petit conte. Deprime abord, Denis n'avait aucune envie de fairecet exercice. Mais nous voulions à tout prix quetous et toutes fassent cet effort. Nous les avonsdonc encouragés à faire de leur mieux et àpasser par-dessus la crainte du ridicule. C'estainsi que Feuille-de-chou, le petit lutin, estentré dans la vie de Denis, un peu à son insu.

Il lui a fallu beaucoup d'imagination, maisaussi beaucoup de ténacité pour mener à bienson projet de conte pour enfants. Peu à peu,les personnages se sont mis à s'imposer d'eux-mêmes, et il les a apprivoisés. C'est là qu'est en-trée en scène une amie, Diane Rondeau St-Jarre.Elle a lu les histoires de Denis et lui a offert desillustrations en guise d'encouragement. Ainsi,après avoir côtoyé les amis de Feuille-de-chou,voilà soudain que nous les voyions prendre formesous nos yeux éblouis.

L'équipe du CAPE ne pouvait se résoudre àce que ce travail de titan ne dépasse pas l'étapede la photocopie1. Le tourbillon de la célébritéest alors entré en action : animation de L'Heuredu Conte à la bibliothèque municipale de LaTuque, animation pour les enfants de laprématernelle du Jardin enchanté du Centre dela petite enfance Le Fou rire, entrevue avec les

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un auteurmédias de la région, etc. Pour Denis, qui n'avaitpas l'habitude de parler devant un public, ce futtout un défi, qu'il a relevé avec brio.

C'est une aventure de près de deux ans quis'est achevée avec la parution des Aventuresde Feuille-de-chou. Ce livre aura sans doute uneffet extraordinaire sur les gens qui n'osent pasaller en alphabétisation. Cet événement dira àtous et à toutes que, malgré des difficultés enlecture et en écriture, on peut accomplir de gran-des choses. On pourra ainsi contrer certainspréjugés à l'égard des personnes analphabètes.

Afin de nous remercier de l'avoir soutenu,Denis a tenu à verser les profits de la vente dulivre au CAPE. Nous ne l'en remercieronsjamais assez. Les futurs participants et partici-pantes du Centre sauront qu'un jour un petitlutin malicieux est venu par ici et qu'il a laissédans son sillage la motivation et la fierté dutravail accompli.

Francine Beaupré, coordonnatrice

MOT DE L'AUTEUR

Beaucoup de personnes se posent des questions.« Pourquoi as-tu écrit Les aventures de Feuille-de-chou ? » Quand j'ai commencé en alphabétisation,je ne savais pas écrire. Ce n'était pas rose. Il y avaitune barrière devant moi. Un jour, mes professeursm'ont demandé d'écrire un conte de Noël et j'aicommencé à écrire ma première histoire. Soudain,la magie des mots m'entoura. Quel plaisir d'écriremon histoire. J'espère que vous allez avoir du plai-sir à lire ce livre.

Mais ça n'a pas été toujours facile d'écrire celivre, certains jours je voulais tout lâcher... Je medisais que je n'y arriverais jamais. Mais les mots meparlaient. « Denis.. . nous sommes là, tu n'asqu'à nous placer au bon endroit et nous formeronsl'histoire. » Et les mots m'ont aidé à créer l'histoirede Feuille-de-chou. Alors, j'encourage les person-nes qui ne savent pas lire et écrire de s'inscrire enalphabétisation car les mots vous attendent avecamour et tendresse.

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« Respire le parfum de cette fleur jaune, elleva te remettre de tes émotions, dit la déesse desfleurs.

— Ah, c'est toi, la déesse des fleurs ? dit lelutin.

— Oui, c'est moi. Je m'appelle Lutantine. Jesuis contente de te voir. Je vais te faire connaîtrela forêt. Je vais t'apprendre tous les dangers, etsurtout à ne plus tomber dans les chutes. Ha,ha, ha !

— Oui, dit Feuille-de-chou. Je vais faire at-tention.

— D'où viens-tu, Feuille-de-chou ?— Moi ? Je suis venu au monde dans une

pomme de chou, c'est pourquoi on m'appelleFeuille-de-chou. Je suis venu au monde très, trèstard en automne, il y avait de la neige. C'estpourquoi je n'ai jamais vu l'été. Le fermier avaitjeté la pomme de chou dans le bois pour nour-rir le lièvre. Mais le lièvre ne l'a pas mangée.Heureusement qu'il ne l'a pas mangée ! Je neserais pas là aujourd'hui.

— J'étais sur le point de manger la pommede chou quand j'ai vu bouger quelque chose etj'ai vu sortir un petit lutin. J'étais content de levoir car je n'avais pas d'ami, explique le lièvre. »

C'est alors que Feuille-de-chou dit : « Tousles trois, partons dans la forêt et allons nousamuser. »

« On va se cacher derrière ce buisson et fairepeur au lièvre, dit Lutantine à Feuille-de-chou.

— Oh ! oui, dit le lutin. On va rire ! »Lutantine et le lutin se cachent derrière le

buisson et soudain Feuille-de-chou voit un trou.« Oh ! regarde, Lutantine, un trou !

— Un trou ? dit Lutantine.— Oui, regarde !— Fais attention, Feuille-de-chou, je ne veux

pas que tu tombes dedans ! Tu te souviens de lachute ? dit Lutantine.

— Oh ! oui ! Je me souviens très bien !— Où êtes-vous ? dit le lièvre.— Nous sommes là, derrière le buisson. Nous

voulions te faire peur, disent Lutantine et le lu-tin.

— Viens voir, le lièvre, nous avons découvertun trou, dit Feuille-de-chou. Je vais descendrevoir ce qu'il y a au fond, dit le lutin.

— Fais attention, Feuille-de-chou, dit le liè-vre. Si tu es mal pris, je ne pourrai pas te veniren aide. Moi et le corbeau, nous sommes tropgros.

— Ne t'inquiète pas. Je vais faire attention,je serai prudent, dit le lutin. »

Feuille-de-chou descend dans le trou.« Tu vois quelque chose ? dit Lutantine.— Non, il fait trop noir, dit le lutin.— Attends, je vais appeler mes amies les lu-

cioles, elles vont t'éclairer, dit Lutantine.— Merci ! Ça va m'aider beaucoup, répond

le lutin. »Lutantine appelle ses amies les lucioles pour

éclairer Feuille-de-chou, elles se font un plaisirde l'aider.

« Maintenant, est-ce que tu vois quelquechose ? demande le lièvre.

— Oui, je vois mieux, répond le lutin. »

Qu'arrivera-t-il à notre sympathiquehéros ? Pour le savoir, lisez

Les aventures de Feuille-de-chou !

1. Les aventures de Feuille-de-chou est disponible au CAPE. Pour connaître les coordonnées du Centre, consultez la page 111.

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Le Groupe Centre-Lac d'Alma sert une popula-tion d'adultes vivant avec un handicap physi-que et (ou) intellectuel. Il offre des services mul-tiples dont des ateliers en alphabétisation depuisplus de 20 ans. En 1997, il proposait à ses mem-bres d'affronter les techniques modernes et deperfectionner leurs compétences en lecture, enécriture, en composition et en calcul dans desateliers d'apprentissage par ordinateur. Ces ate-liers ont non seulement favorisé la vie associa-tive, mais permis également des rencontresenrichissantes.

Un article dans la revue Le Monde alphabéti-que, quel beau prétexte pour mener un projetd'écriture avec nos participants et participantesde niveaux intermédiaire et avancé, ayant unhandicap physique pour la plupart. Le proces-sus de création s'est échelonné sur un mois, àraison de trois à six heures par semaine. Le tra-vail, effectué au moyen d'un logiciel de traite-ment de textes, comportait les étapes suivantes :

1. Ecrire un brouillon avec les idéespremières ;

2. Structurer les phrases ;3. Enrichir le vocabulaire (qualificatifs, mots

d'action, ponctuation) ;4. Apporter des corrections grammaticales et

orthographiques ;5. Insérer des images.

C'est avec grand plaisir que nous vous pré-sentons les textes de quelques participantes etparticipants inscrits aux ateliers d'ordinateur. Ilsont répondu avec enthousiasme à l'invitationd'enrichir les pages de la revue.

Françoise Bouchardet Denise Fradette, formatrices

Traduire des sentiments. Exprimerses désirs. Dire merci. Parler de ce

qu'on aime. L'écrire.

Depuis deux ans, Nicole participe à nos ate-liers d'apprentissage du français par ordina-teur pour consolider ses notions d'informati-que et de français, de même que pour com-bler son désir d'apprendre à faire de la recher-che et atteindre ainsi une meilleure autono-mie. Elle est scolarisée et de niveau avancé.Son léger handicap physique l'a menée à Cen-tre-Lac trois heures par semaine, car elle ytrouve l'ambiance et l'accompagnement né-cessaires pour acquérir de la confiance enelle.

Elle est membre du Comité des participantset participantes du RGPAQ et travaille à laChaîne de travail adapté d'Alma1.

L'analphabétisme, « pus » un obstacle...

Bonjour !Je témoigne en tant que fille qui était complètementdans l'inconnu face à ma première visite au GroupeCentre-Lac. Cette première visite a été le pas vers uneautre tranche de ma vie. Je me suis toujours dit que jene pourrais jamais apprendre l'informatique. Mais grâceà la patience de mes professeurs, j'ai appris l'informati-que. En plus, je me suis embarquée dans un des plusbeaux défis de ma vie, une riche expérience : le comitédes participantes et participants. Ce bateau, pour moi,je souhaite qu'il vogue le plus longtemps possible.L'analphabétisme est un gros problème. Mais avec desgroupes dynamiques comme Centre-Lac, des personnescomme moi ont heureusement la chance de s'épanouirdans la société.Tous ces regroupements génèrent une énergie positivepour le futur, pour qu'en 2000-2001 toutes les person-nes aient la même chance de posséder un outil qui estprécieux : l'instruction à la portée de tous.

Nicole Délisle

100 ~ LE MONDE ALPHABÉTIQUE

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AU-DELÀ DE LA LETTRE

Anne participe aux ateliers de français et demathématiques de niveau intermédiaire aurythme de trois heures par semaine. Elle a net-tement amélioré son orthographe au cours deson apprentissage par ordinateur. Mais sonrythme demeure lent à cause d'un handicapintellectuel léger.Elle a une sœur jumelle qui se nomme Annie.Abandonnée à la naissance par sa mère, ellea vécu à l'orphelinat et par la suite dans desfamilles d'accueil. L'année dernière, son in-tervenante l'a aidée à faire des démarchespour retrouver sa mère. Voici sa lettre pour laremercier.

Vital a commencé des cours d'alphabétisationde niveau intermédiaire en 1981 à raison detrois heures par semaine. D'abord inscrit auGroupe Centre-Lac, il est passé par la com-mission scolaire pour finalement revenir cheznous il y a quatre ans. Il a besoin d'un accom-pagnement individuel la plupart du temps.Il travaille comme réceptionniste au bureaude notre organisme.Vital est un franc collaborateur, fiable, persé-vérant et toujours de bonne humeur.

L'hiver tout en joie !

C'est beau l'hiver ! Les parterres sontrecouverts d'un blanc étincelant, féerique.L'hiver nous amène la fête de Noël.Noël, c'est une fête où on se rassemble en famille.Les lumières avivent notre joie.Pour moi cette fête, ça représentela joie, la joie dans le monde tout autour de la terre.Cette période s'annonce comme unrayon de soleil dans le quotidien.

Vital Lalancette

Chère intervenante

Je suis contente parce que tu m'as proposé de faire desrecherches pour retrouver ma mère. Je te remercie beau-coup pour la grande joie que j'ai vécue à la première ren-contre avec ma mère, le 5 juin 2000.Ma mère était fière de nous voir, Annie et moi. Parfoisma mère m'écrit et je lui réponds. Elle me téléphone detemps en temps ; elle va nous envoyer un petit jonc. Jesuis toujours contente d'avoir de ses nouvelles.Encore une fois mille fois « merci » pour ce beau cadeau.Tu es très gentille.

Anne Cartier, qui t'adore. XXXXX

Rodrigue accroche et décroche au rythme duvent du lac... Santé fragile, esprit d'initiativehors du commun, sourire moqueur, onretrouve son nom dans nos listes d'il y a huitans. Il est de niveau intermédiaire et nefréquente le groupe que trois heures parsemaine.

Au Lac-Saint-Jean

Je m'appelle Rodrigue et j'ai 40 ans. Je suis une personnedu Lac-Saint-Jean dans la ville d'Alma. J'ai quatre frères,une sœur et un chien qui se nomme Bingo.J'aime beaucoup les femmes du Lac-Saint-Jean parcequ'elles sont belles et chaleureuses. J'aime beaucoup lemonde qui vient avec moi aux ateliers de français surordinateur.Notre région a beaucoup d'attraits touristiques commele Zoo de Saint-Félicien, les chutes de Val-Jalbert, leMoulin des pionniers, la Traversée du lac et les GrandsJardins de Normandin.Bienvenue à tous dans notre région.

Rodrigue Tremblay

1. La plupart des travailleurs et travailleuses sont handicapés intellec-tuellement et (ou) physiquement. On y exécute différents types detravaux, notamment de menuiserie, de conciergerie et d'ensachaged'objets.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 101

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Bruno est un homme autonome dans lasoixantaine dont l'apprentissage en françaisest de niveau avancé. Il s'est inscrit aux ate-liers d'alphabétisation il y a quatre ans pouraccompagner son épouse, participante de-puis quelques années.Il fréquente nos ateliers d'apprentissage dufrançais par ordinateur six heures par se-maine depuis deux ans. Sa participation à cesateliers lui a donné le goût de se procurer unordinateur en vue d'améliorer son vocabu-laire, ses recherches et de combler son désird'enrichir sa culture au moyen d'Internet.Grâce à son ordinateur, il poursuit son auto-apprentissage, quotidiennement et fidèle-ment, et comme il le dit si bien, ce n'est passon handicap physique qui l'empêche de trou-ver la vie belle.

Présentement, il écrit son autobiographie enutilisant notre guide Je me raconte. . . l ien par-tage avec vous un extrait.

Annie n'a rien d'une personne amor-phe ! Elle peut même vous aider à trou-ver les accords en français ! Des diffi-cultés personnelles ont limité son ap-prentissage en milieux scolaires régu-liers. De niveau intermédiaire, elle par-ticipe aux ateliers depuis 1990, à raisonde trois heures par semaine. L'ordina-teur la fascine et la motive à aller del'avant vers l'autonomie.Son vocabulaire est bon, et elle exprimeclairement ses besoins. Elle fréquentenos ateliers pour améliorer son françaisécrit et s'inscrire dans un milieu favo-rable aux interactions sociales.

Mon travail

J'ai commencé un stage de travail en concierge-rie le 7 novembre 2000 à l'église Saint-Jude àAlma. Une journée par semaine, c'est un départ !J'aime beaucoup travailler à cet endroit car jesuis juste à côté de chez nous. Je commence àhuit heures du matin, je vais dîner et je finis àdeux heures de l'après-midi. Je travaille aussi qua-tre jours dans des serres.Ces milieux de travail me donnent l'occasion derencontres avec des intervenants et de sorties aurestaurant. Je suis contente de travailler et de bienremplir ainsi mes journées.

Annie Tremblay

Grandir avec l'alpha

Aimé de toute ma famille, mais un peu gâté, j'ai grandiavec mes frères et ma sœur. Souvent, j'allais jouer avecmes voisins dans la petite rivière tout près de chez nous.Me voici rendu à l'âge scolaire, moment tant attendu depouvoir aller à l'école et de faire comme les autres. Nousmarchions un mille pour aller le matin et le même che-min pour revenir le soir. On dînait à l'école et c'étaitavec grand plaisir. Mes premières années furent très agréa-bles et pleines de succès.À la fin de ma sixième année, nous marchions au caté-chisme. Pour cela nous allions à l'église du village et nousétions un mois sans classe. Ha ! Quel soulagement !Après toutes ces belles années passées à l'école du rang, ilm'a fallu aller à l'école du village. Nous avions un pro-fesseur pour tous les élèves de niveaux différents. Les coursbeaucoup plus approfondis, il me devint impossible desuivre les autres élèves parce qu'ils étaient trop avancés.À l'école des rangs, nous avions des institutrices dontl'enseignement était très différent. Je me suis vite renducompte que ma sixième année ne valait qu'une quatrièmeannée. Après deux années de dur effort pour apprendre,il m'a fallu quitter l'école. Ce fut une grande déceptionpour moi car mon rêve était de travailler dans un bureauou un restaurant. Mes rêves sont devenus vite impossi-bles à réaliser car je n'avais pas assez d'instruction. C'estla raison pour laquelle je suis devenu fermier avec monpère. Les années passent, le temps fuit.Comme mon épouse prend des cours Alpha depuis quel-ques années et trouve ce programme formidable, il mevint l'idée de faire les démarches pour qu'un jour je puissecontinuer d'apprendre le français pour approfondir mesétudes sur ordinateur. Depuis, je trouve que mon fran-çais va beaucoup mieux. Aussi je peux aider les autrespersonnes pour lire leur courrier, écrire des lettres, desrecettes et même analyser leur budget.Il faut dire que j'ai des formatrices formidables. Ellesenseignent avec amour et patience ; ce n'est pas toujoursfacile d'apprendre à du monde comme moi. C'est pour-quoi j'encourage tous ceux et celles qui en ont besoin dene pas se gêner pour prendre des cours d'alpha. De nosjours, sans instruction, tout devient très désagréable auniveau du travail et même dans le quotidien de la vie detous les jours.

Voilà les raisons de mon retour aux merveilleux coursAlpha que j'apprécie beaucoup. J'aimerais encouragertous ceux et celles qui en ont besoin de ne pas retarder às'inscrire à ce splendide programme.

Bruno Bouchard

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Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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de l'Estrie :le goût de continuer

Deux décenniesde luttes, de solidarité et

de passion. Là pour durer.

La belle époqueEn 1979, à Sherbrooke, deux jeunes passionnésfont les manchettes du quotidien régional LaTribune. Ils viennent d'obtenir une subventiondu Centre d'emploi du Canada pour répondreaux besoins d'alphabétisation de la population.L'idée est originale et les médias en parlent defaçon régulière. C'est la première fois, au Qué-bec, que l'État subventionne un projet dont lemandat est spécifiquement l'alphabétisation. Cesont les beaux jours de l'histoire du recrutement.Cinquante adultes s'inscrivent rapidement. Toutle monde met la main à la pâte. Le local estmeublé par les participants et les participantes,qui apportent armoires, tables, chaises, etc.L'enthousiasme est à son paroxysme et les atten-tes sont grandes. Deux ans plus tard, les fonda-teurs du Cep de l'Estrie (Centre d'éducationpopulaire de l'Estrie), alias Shécrilire (en 1979)et l'Arbralettre (de 1980 à 1994), sentent lebesoin de se regrouper en créant une associa-tion vouée à la cause de l'alphabétisation ; ilsse joignent à une dizaine d'autres groupes po-pulaires pour fonder le Regroupement des grou-pes populaires en alphabétisation du Québec.

Serge Courchesnes, directeur du Cep de l'Estrie

Trouver sa voieDes pourparlers en vue d'une entente régionalede service entre les groupes d'alphabétisationpopulaire et le Centre d'éducation des adultesde la Commission scolaire de Sherbrooke mè-nent à un premier accord écrit en 1987. À la findes années 80, le Cep offre des ateliers d'alpha-bétisation à plus de 150 participants et partici-pantes. Les personnes immigrantes constituent20 % du nombre des inscriptions.

En 1992, des compressions sont appliquéeset réduisent de façon majeure l'accès à la forma-tion en alphabétisation pour les personnes fai-blement alphabétisées. Près de 75 adultes du Cepn'auront plus droit à une aide financière à moinsd'aller s'inscrire à la commission scolaire. Nousn'avons pas d'autre choix que d'établir des critè-res pour déterminer qui doit partir ou rester. Lasituation ira en se dégradant jusqu'en 1994, alorsque le ministère de la Sécurité du revenu (MSR)détournera systématiquement tous les adultessouhaitant s'inscrire à notre centre vers la com-mission scolaire.

Notre réflexion nous amène à conclure quenous n'avons pas beaucoup de pouvoir et quenous sommes à la merci de nos partenaires ré-gionaux. Nos participants et participantes s'in-vestissent dans notre lutte politique, n'hésitantpas à brandir des pancartes et à marcher dansSherbrooke. Cependant, ils sont encore et tou-jours victimes de compressions. La fièvre dudébut des années 80 refait surface et nous rap-proche de notre mission éducative. Nous nousquestionnons sur le type de partenariat que nousavons établi. Nous privilégierons désormais desententes locales.

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Nous n'avonsjamais cessé de remettre

en question nos pratiques.Nous enrichissons notreexpérience à travers nos

contradictions, nosécueils et nos bons

coups.

En 1994, nous entrons en contact avec lesfonctionnaires des bureaux locaux du MSR. Cesrencontres visent à créer un climat de confiance,à travailler sur des ententes viables et à mettreen place des mesures concrètes pour soutenir ladémarche des personnes peu alphabétisées. Unprogramme nommé Alphabétisation — impli-cation sociale voit alors le jour. À ce moment-là,nous bénéficions du travail politique effectué parles groupes de la Mauricie. Après un an d'expé-rimentation, nous concluons avec les partici-pants et participantes qu'il manque un volet ànotre programme puisque certains d'entre euxsouhaitent réintégrer le marché du travail. Nousproposons alors au MSR le programme Forma-tion de base et employabilité : un parcours sim-ple vers l'emploi. Cinq ans plus tard, nous con-sidérons avoir répondu aux attentes de nos par-ticipants et participantes et créé des liens cons-tructifs avec les fonctionnaires des Centres lo-caux d'emploi de Sherbrooke.

Des projets adaptés à la réalitéEn matière de recherche d'emploi, le rôle denotre conseillère est fondamental et contribuelargement à faire du cheminement un « parcourssimple vers l'emploi ». Elle n'hésite pas à utiliserses compétences en communication, là où leparticipant ou la participante éprouve des diffi-cultés pouvant le disqualifier pour un emploiqu'il est pourtant capable d'assumer. Elle pourraétablir le premier contact avec un employeur afind'obtenir de l'information, une entrevue oumême un emploi pour un participant. Ainsi, lesintervenants et intervenantes du Cep mettentleurs compétences et leurs connaissances au ser-vice de celui ou celle qui démontre une réellevolonté de travailler. Nous croyons que, dans le

contexte actuel de l'insertion en emploi, une aideinstrumentale est plus efficace qu'une formationde longue durée portant sur la connaissance desoi ou sur l'acquisition d'aptitudes sociales, carces compétences s'acquièrent plus rapidementen emploi. L'an dernier, 70 % des participanteset participants inscrits au programme ont ob-tenu un emploi, et nous savons qu'ils n'auraientpas été admis dans les autres organismesd'employabilité faute de posséder les préalablesnécessaires à leur inscription. Voilà pourquoinous persévérons à leur offrir un tel service.

Depuis un an, nous avons également misbeaucoup d'énergie dans un projet de préven-tion de l'analphabétisme portant sur l'éveil à lalecture et à l'écriture. Une première étape con-sistait à recruter des partenaires. Vingt-trois or-ganismes provenant de différentes municipali-tés en Estrie se sont joints à nous pour travaillerà la mise en place d'activités d'éveil à la lectureet à l'écriture pour les enfants de moins de cinqans provenant de milieux défavorisés. Le défi estde taille. Nous avons une autre année devantnous pour mener à bien ce projet. Il est un peutôt pour faire un bilan. Peut-être en entendrez-vous parler dans un prochain numéro de la re-vue Le Monde alphabétique ?

Cent fois sur le métierAu Cep, nous misons depuis toujours sur laqualité des rapports tissés entre les participantset participantes, les animateurs et animatrices,les bénévoles, les membres du conseil d'admi-nistration et les partenaires des différents mi-lieux. Le rayonnement et la vitalité du centre endépendent. Nous n'avons jamais cessé de remet-tre en question nos pratiques. Nous enrichissonsnotre expérience à travers nos contradictions, nosécueils et nos bons coups. Tout cela nous donnele goût de continuer. Espérons que nous avonssu, par ce portrait, vous donner une imagefidèle du Cep de l'Estrie.

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PROFIL DE GROUPE

Lis-moitout

Limoilouou avoir

le vent enpoupe

Rock Gadreau, membre du conseild'administration du groupe

Lis-moi tout Limoilou

Fort de ses cinq ansd'existence, le groupe

met le cap sur des défistoujours plus grands.

Lis-moi tout Limoilou est un groupe d'alphabétisationpopulaire d'un quartier ouvrier de Québec. Lis-moi toutLimoilou ne veut pas seulement apprendre à ses parti-cipantes et participants à lire et à écrire, il veut aussiles amener à s'ouvrir et à prendre part à la vie de leurmilieu.

Lis-moi tout Limoilou est né de l'idée d'une forma-trice chevronnée. La coordonnatrice, Nicole Landry,qui avait déjà 17 ans d'expérience en alphabétisation,avait perçu le besoin d'une ressource pour apprendreaux adultes de Limoilou à lire et à écrire. Grâce à uneaugmentation de budget attribuée au Programme desoutien à l'alphabétisation populaire autonome(PSAPA), l'organisme a pu être incorporé en janvier1996. En mai de la même année, il recevait ses premiè-res participantes et ses premiers participants à un ate-lier de français et de calcul.

Conjuguer les effortsMontrer à lire et à écrire ne peut se faire qu'en relationavec la réalité concrète des adultes. D'où la nécessitéd'établir des complicités avec les autres ressources aux-quelles ils et elles ont recours. Dès les premiers mois,Lis-moi tout Limoilou est parti à la conquête de sonmilieu. Nous avons rencontré à peu près tous les orga-nismes du quartier pour leur faire connaître le nouveaugroupe populaire en alphabétisation et évaluer les pos-sibilités de collaboration. Cinq ans plus tard,

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Nous voulons fairevivre à nos adultes le plus

d'expériences possible.Chaque activité est l'occasion

de vérifier les acquis et deconcrétiser les apprentissages

réalisés dans les ateliersde français et de calcul.

près de 80 % des organismes communautairesde Limoilou sont partenaires avec nous, d'unefaçon ou d'une autre. De plus, Lis-moi toutLimoilou entretient des liens très étroits avecdes organismes tels que le Carrefour JeunesseEmploi, le Centre local d'emploi de Limoilou,le Centre Louis-Joliet de la Commission scolairede la Capitale nationale ainsi que le CLSC.

Les organismes de Limoilou apportent leurcontribution au recrutement des adultes.L'automne dernier, Lis-moi tout Limoilou atrouvé une façon originale d'engager ses parte-naires dans cette difficile tâche qui est celle derejoindre des adultes qui, forcément, ne sont pasbranchés sur les réseaux habituels de communi-cation. Nous avons organisé des cafés-rencon-tres auxquels nos partenaires ont été conviés. Enleur faisant mieux connaître la situation des adul-tes analphabètes, nous leur permettons de mieuxrepérer, dans leur clientèle, les personnes sus-ceptibles d'avoir besoin de nos services. Et çafonctionne bien, puisque avant même que l'opé-ration ne soit complètement terminée, plusieurspersonnes nous avaient déjà été adressées.

Appliquer les notions apprisesCes liens avec le milieu ont également permis àLis-moi tout Limoilou d'élaborer une pédago-gie ancrée dans le concret. Par exemple, en pre-nant en charge l'entretien d'un panneau d'affi-chage publicitaire appartenant à la Ville, les par-ticipantes et les participants constatent qu'il estnécessaire de savoir lire pour faire le tri entre lesaffiches de spectacles passés et à venir. En parti-cipant à un rallye dans le Vieux-Limoilou, ilsapprennent à distinguer les chiffres pairs deschiffres impairs. Jardinage écologique, visites du

Musée de la civilisation, de l'Observatoire de lacapitale, du Parlement, du Centre d'interpréta-tion de Place Royale, participation à l'émissionCode d'accès à TQS.. . chacune de ces activitésest l'occasion de vérifier les acquis et de concré-tiser les apprentissages réalisés dans les ateliersde français et de calcul.

Comme l'action de Lis-moi tout Limoilous'inspire d'une vision globale de la situation etdes besoins des personnes analphabètes, son in-tervention trouve son prolongement dans la misesur pied d'entreprises qui offrent des débouchésprofessionnels pour les personnes qui bénéficientde ses services. C'est ainsi que l'organisme a par-rainé une étude de faisabilité en vue de la créa-tion d'une entreprise d'économie sociale visantle recyclage des matériaux de construction. Leprésident et la coordonnatrice jouent un rôleactif dans le conseil d'administration de la nou-velle entreprise, qui vole maintenant de ses pro-pres ailes. De la même façon, Lis-moi toutLimoilou est partenaire dans le lancement d'uneentreprise de mise en marché de cartes géogra-phiques à l'intention de la clientèle touristiquede Québec.

Et ce n'est qu'un débutAprès cinq ans, toutes les pièces du casse-têtesemblent vouloir se mettre en place, et Lis-moitout Limoilou a le vent en poupe. Ce résultatest évidemment le fruit d'un travail d'équipe.Sans l'ouverture d'esprit de nos participantes etparticipants, sans l'engagement des deux forma-trices, de nos bénévoles et des membres du con-seil d'administration, Lis-moi tout Limoilou neserait pas ce qu'il est.

C'est donc avec beaucoup d'optimisme quece jeune organisme peut envisager son avenir.Comme nous souhaitons toujours faire vivre auxadultes de nouvelles expériences, nous allonscontinuer de chercher des façons de les aider àretrouver un sens à leur vie et à devenir plusautonomes.

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À VOIR... À LIRE

LA FAMILLE SOURDOUX49 pages, 8 1/2 po x 11 poAnnée de publication : 2000

Par Daniel Deschesnes,Centre Alpha-Sourd

Les aventures du jeune garçonde la famille Sourdoux mettent enrelief des problèmes et des solutions.Ce livre d'images en LSQ (langue dessignes québécoise) s'adresse aux en-fants de 6 à 10 ans. Il encourage pa-rents et enfants à lire ensemble.

Prix : 10 $, plus frais d'envoi

L'ALPHABÉTISATIONCHEZ LES SOURDSPochette de presse etvidéo de 17 min.Année de production : 2000

Réalisé par : Centre Alpha-Sourd

Matériel de sensibilisation et d'in-formation sur les centres d'alphabé-tisation pour personnes sourdes.Assorti du livre La famille Sourdoux.

Prix : 50 $, plus frais d'envoi(ensemble offert dans une mallette)Disponibles a l'endroit suivant :Centre Alpha-Sourd65, rue De Castelnau Ouest,bureau 300Montréal (Québec)H2R2W3Tél. : (514) 278-5334Téléc. : (514) 279-5373

L'ALPHABÉTISATION ET LESMALADIES MENTALES : DEUXRÉALITÉS À CONJUGUER104 pages, 8 1/2 po x 11 poAnnée de publication : 2000Par Ebyôn et Le Traversier

Étude sur l'alphabétisation en tantqu'outil de réinsertion sociale pourles personnes souffrant d'une mala-die mentale. En plus d'établir un lienentre l'analphabétisme et les problè-mes de santé mentale, on aborde lesprincipales maladies, les traitements,les médicaments et leurs effets.

Prix: 5$Disponible à l'endroit suivant :Ebyôn49, rue Saint-IrénéeCap-de-la-Madeleine (Québec)G8T7C3Tél. : (819) 373-7653Téléc. : (819) 691-2866Courriel : ebyon @infoteck. qc.ca

LES AVENTURES

DE FEUILLE-DE-CHOU

40 pages, 5 1/2 po x 81/2 po

Année de publication : 2000

Par Denis Quirion, avec la participa-tion de Diane Rondeau St-Jarre(illustrations)

Ce conte pour enfants a été écritpar un participant du Centre d'acti-vités populaires et éducatives (CAPE)de La Tuque. Il est assorti d'une ta-blette à colorier reproduisant les per-sonnages du livre. Suivez l'espièglepetit lutin dans ses aventures.

Prix : 10 $, plus frais d'envoiDisponible à l'endroit suivant :Centre d'activités populaires etéducatives (CAPE)290, rue Saint-Joseph, C.P. 186La Tuque (Québec) G9X3P2Tél. : (819) 523-7533Téléc. : (819) 523-5692Courriel : lecape_l @sympatico.ca

LE P'TIT CODE DE LA ROUTE107 pages, 8 1/2 po x 11 poAnnée de publication : 2000

Par La Cité des mots

Adaptation du Guide de la routepublié par le gouvernement du Qué-bec. On y trouve des textes et desactivités, ainsi qu'un lexique.

Prix : 9 $ (feuilles volantes) ; 12 $(document broché)Disponible à l'endroit suivant :La Cité des mots805, IIIe Rue, Shawinigan-Sud(Québec) G9P 2T5Tél. : (819) 537-1055Téléc. : (819) 537-9525Courriel : [email protected]

LA BELLE HISTOIRE

DE LA LANGUEFRANÇAISE

AU QUÉBEC

64 pages, 8 1/2 po x 11 po(relié par une spirale)Année de publication : 2000Par Ariane Daneault etClode Lamarre, La Jarnigoine

Ce recueil de textes porte sur l'his-toire de la langue française au Qué-bec. Il s'adresse aux gens inscrits enalpha-francisation qui ont de la dif-ficulté à comprendre comment lefrançais est devenu la langue officielledu Québec et à ceux et celles en dé-

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À VOIR... À LIRE

marche d'alphabétisation, de niveauxintermédiaire et avancé, qui ont peude connaissances sur notre histoire.

Prix : 20 $, plus fraisd'envoi de 2,50 $Disponible à l'endroit suivant :La Jarnigoine7445, rue Saint-DenisMontréal (Québec)H2R2E5Tél. : (514) 273-6683Téléc. : (514) 273-6668Courriel : [email protected]

EXERCICES DE COMPRÉHENSIONDE TEXTES ET DE VOCABULAIRE125 pages, 81/2 po x 11 poAnnée de publication : 2000Par Alpha-Nicolet

En plus d'enrichir le vocabulairedes adultes en processus d'alphabéti-sation, ce cahier d'apprentissage fa-cilitera leur compréhension de tex-tes. Il comprend un corrigé et est as-sorti d'un recueil des textes.

Prix : 30 $ l'ensemble,plus frais d'envoiDisponible a l'endroit suivant :Alpha-Nicolet690, rue de Monseigneur-PanetNicolet (Québec)J3T1W1Tél. : (819) 293-5745Téléc. : (819) 293-8339

GUIDE D'ÉVEIL À L'ÉCRITDU CEP DE L'ESTRIE16 pages, 81/2 po x 11 poAnnée de publication : 2000Par Sophie Desharnais

Un recueil d'activités d'éveil à l'écritpour les enfants de moins de cinq ans.

Prix : gratuitDisponible à l'endroit suivant :Cep de l'Estrie32, rue Wellington Nord,bureau 450Sherbrooke (Québec) J1H 5B7Tél. : (819) 562-1466Téléc. : (819) 562-1444Courriel : [email protected] URL :www.multimania.com/cepestrie

LES BARRIÈRESVidéo mono, 1 heure 30 min.Année de production : 1999Réalisé par : Anthony Bender

Des témoignages de participants etde participantes de L'Ardoise, groupepopulaire en alphabétisation du Bas-Richelieu. Une illustration sincère ethumaine des barrières qu'ils et ellesrencontrent constamment dans leurvie de tous les jours.

Prix : 25 $, plus frais d'envoiDisponible à l'endroit suivant :L'Ardoise du Bas-Richelieu108, rue CharlotteSorel (Québec) J3P 1G8Tél. : ( 450 ) 780-1016Téléc. : (450) 780-1182Courriel : [email protected]

L'ÉCHO D'UN SILENCE,RECHERCHE-ACTION SUR LESPARENTS PEU SCOLARISÉS154 pages, 81/2 po x 11 poAnnée de publication : 2001Par Entraide Pont- Viau — Laval-des-Rapides et Groupe Alpha Laval

Un rapport de recherche-action surcertains comportements, perceptionset attentes de parents peu scolariséset vivant en milieu populaire en cequi concerne l'accompagnement sco-laire de leurs enfants à l'école pri-maire. Quatre dimensions sont abor-dées : les pratiques familiales del'écrit, le suivi scolaire, le lien établiavec l'école ainsi que les rôles et res-ponsabilités des parents.

Prix : 12 $ pour les organismes etles individus, plus frais d'envoi ;15 $ pour les institutions,plus frais d'envoiDisponible a l'endroit suivant :Groupe Alpha Laval90, boul. Lévesque EstLaval (Québec) H7G 1B9Tél. : (450) 669-3232Téléc. : (450) 669-3708Courriel : [email protected]

108 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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L'HOMME QUIVENAIT D'AILLEURS28 pages, 51/2 po x 81/2 poAnnée de publication : 2000Par Myriam Gauthier

Quelques heures sur la Terre, voilàtout ce dont dispose l'homme quivenait d'ailleurs pour sauver les ha-bitants de sa planète. Réussira-t-il ?Roman de science-fiction.

Prix : 2,99 $

MIMI, UNE ENFANTEXCEPTIONNELLE63 pages, 51/2 po x 81/2 poAnnée de publication : 2000Par Hélène Quesnel Sicotte

Ce roman raconte l'histoire d'uneenfant atteinte d'un handicap men-tal et le cheminement que vit safamille pour la connaître et la com-prendre.

Prix: 5,99$

L'ANGE REBECCA66 pages, 51/2 po x 81/2 poPar Estelle de la Chevrotière

La vie d'une fille au cœur d'or quin'a pas peur de foncer pour réaliserses rêves. Née dans un petit village,Rebecca aime la vie. Bien que la fa-mille soit importante à ses yeux, elledoit apprendre à vivre loin de ses pro-ches, à travailler fort et à ne pas crain-dre de réaliser son grand projet de vie.Découvrez la vie de ce petit ange.

Prix : 5,99 $

LA VENGEANCEDE L'ORIGNAL (roman)120 pages, 5 1/2 po x 81/2 poAnnée de publication : 2000Par Doric Germain (adaptation enécriture simple de Louise Lalonde)

La nature est sauvage, mais elle estjuste. Trois chasseurs l'apprendrontà leurs dépens. Après avoir illégale-ment abattu un orignal, ils décou-vrent de l'or et s'épuisent à l'extrairedu lit d'une rivière. Mais la natureréserve ses richesses à ceux qui res-pectent son code d'honneur. La ré-colte du trésor se transformera en unelutte dramatique pour la survie.

Prix: 6$

LA VENGEANCE DE L'ORIGNAL(cahier d'activités)81 pages, 81/2 po x 11 po (reliépar une spirale)Année de publication : 2000Par Marguerite Lapalme-Blais

Ce cahier comprend des activités delecture et d'écriture correspondantaux cinq niveaux du programme d'al-phabétisation et de formation de basede l'Ontario. Avec indicateurs deréussite et corrigé.

Prix : 3 $ pour le cahier ; 7 $ pourle roman et le cahier

ÉCOLUDO60 cartes et 18 fiches,4 1/4 po x 51/4 poPar Suzanne Benoit, Louise Lalondeet le Centre ALEC du Nipissing

Un jeu de cartes sur l'écologie com-prenant 120 questions et réponses etdes fiches proposant des trucs mai-son.

Prix : 19,99 $Disponibles à l'endroit suivant :Centre FORA432, av. Westmount, unité HSudbury (Ontario)P3A 5Z8Tél. : (888) 814-4422Téléc. : (705) 524-8535Courriel :lromain @centrefora.on.ca

POUR UNE TRANSITIONALPHA-SECONDAIRE RÉUSSIE.Guide à l'intention des formateurspour l'encadrement des partici-pants désirant poursuivre leursétudes au secondaire42 pages, 81/2 po x 11 poPar Johanne Bérubé, Popco inc.

Ce document s'adresse aux forma-teurs et formatrices en alphabétisa-tion qui veulent aider leurs appre-nants et apprenantes à poursuivreleurs études secondaires. Il proposedes pistes d'action pour une transi-tion réussie.

Prix : 15 $, incluant les frais d'envoiDisponible à l'endroit suivant :Popco inc.3, rue des PeupliersPort-Cartier (Québec) G5B2B6Tél. : (418) 766-8047Téléc. : (418) 766-6367Courriel :popco@globetrotter. net

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Liste des groupes membres(Avril 2001)

RGPAQ2120, rue Sherbrooke Est, bureau 302

Montréal (Québec) H2K1C3Téléphone: (514) 523-7762

Télécopieur: (514) 523-7741Courriel : [email protected]

ABITIBI-TEMISCAMINGUE

ALPHA-TÉMIS11, rue Saint-Isidore Ouest, C.P. 239Laverlochère J0Z2P0Tél. : (819) 765-2549Téléc. : (819) 765-5111Courriel : [email protected]

CENTRE DE CROISSANCED'ABITIBI-OUEST254, 3e Rue EstLa Sarre J9Z3J3Tél. : (819) 333-3881Téléc. : (819) 333-9786

BAS-SAINT-LAURENT

CENTRE ALPHA DES BASQUES15, rue Notre-Dame EstTrois-Pistoles GOL 4K0Tél.: (418) 851-4088Téléc. : (418) 851-3567Courriel : [email protected]

CENTRE-DU-QUÉBEC

ALPHA-NICOLET690, rue De Monseigneur-PanetNicolet J3T1W1Tél. .(819) 293-5745Téléc: (819) 293-8339Courriel : [email protected]

CENTRE D'ACTION BÉNÉVOLEDE LA MRC DE BÉCANCOUR124, rue Saint-AntoineSainte-Sophie-de-Lévrard G0X3C0Tél. : (819) 288-5533Téléc: (819) 288-5662Courriel : [email protected]

LUDOLETTRE430, rue Lamothe, C.P. 488Saint-Léonard-d'Aston JOC 1M0Tél. : (819) 399-3023Téléc. : (819) 399-3023Courriel : [email protected]

CHAUDIÈRE-APPALACHES

ABC DES HAUTS PLATEAUXMONTMAGNY-L'ISLET INC.213-B, rue de la SalleSaint-Fabien-de-Panet GOR 2J0Tél. : (418) 249-2814Téléc. : (418) 249-2628Courriel : [email protected]

ABC LOTBINIÈRE157, rue PrincipaleSaint-Flavien GOS 2M0Tél. : (418) 728-2226Téléc: (418) 728-4020Courriel : [email protected]

ALPHA ENTRAIDE DESCHUTES-DE-LA-CHAUDIÈRE3493, avenue des ÉglisesCharny G6X1W5Tél. : (418) 832-1141Téléc. : (418) 832-1141Courriel : [email protected]

CENTRE D'ALPHABÉTISATIONPOPULAIRE DE BEAUCE12 910, 2e AvenueSaint-Georges G5Y 1Y3Tél. : (418) 226-4111Téléc : (418) 227-1649Courriel : [email protected]

CLÉS EN MAIN268-C, rue Lionel-Groulx, C.P. 464Saint-Jean-Port-Joli GOR 3G0Tél. : (418) 598-9780Téléc : (418) 598-9780Courriel : [email protected]

GROUPE ALPHA DES ETCHEMINS201, rue Claude-Bilodeau, bureau 105Lac Etchemin GOR 1SOTél. : (418) 625-2550Téléc: (418) 625-2550Courriel : [email protected]

GROUPE EN ALPHABÉTISATIONMONTMAGNY-NORD104-A, rue Sainte-MarieMontmagny G5V2S2Tél. : (418) 241-5024Téléc : (418) 241-5024Courriel : [email protected]

LA CLÉ DE L'ALPHA159, rue Notre-Dame NordThetford Mines G6G 2S1Tél.: (418)338-8193Téléc. : (418) 338-8193

CÔTE-NORD

LIRA INC.391, avenue BrochuSept-îles G4R 4S7Tél. : (418) 968-9843Té léc : (418) 968-0990Courriel : [email protected]

POPCOINC.3, rue des PeupliersPort-Cartier G5B 2B6Tél. : (418) 766-8047Té léc : (418) 766-6367Courriel : [email protected]

CENTRE D'ÉDUCATIONPOPULAIRE DE L'ESTRIE32, rue Wellington Nord, bureau 450Sherbrooke J1H 5B7Tél. : (819) 562-1466Téléc. : (819) 562-1444Courriel : [email protected] URL : www.multimania.com/cepestrie

GASPESIE — ILES-DE-LA-MADELEINE

COLLECTIF PLEIN DE BON SENS149, boul. Perron, C.P. 477New Richmond G0C2B0Tél. : (418) 392-4818Téléc. : (418) 392-6008Courriel : [email protected]

DÉVELOPPEMENTCOMMUNAUTAIRE UNÎLE INC.Bassin, C.P. 190îles-de-la-Madeleine G8B 1J0Tél. : (418) 937-5459Téléc : (418) 937-2145Courriel : [email protected]

LE POUVOIR DES MOTS143, rue de la ReineGaspé G4X 1T5Tél. : (418) 368-7500Téléc : (418) 368-7505Courriel : [email protected]

LANAUDIERE

ABC DES MANOIRS568, rue Léon-MartelTerrebonne J6W2J8Tél. : (450) 471-6928Téléc: (450) 471-9328

AU BORD DES MOTS998, rue Notre-DameLavaltrie J0K1H0Tél. : (450) 586-0820Téléc. : (450) 586-1231Courriel : [email protected]

DÉCLIC350, rue Frontenac, C.P. 377Berthierville J0K1A0Tél. : (450) 836-1079Téléc : (450) 836-1079Courriel : [email protected]

110 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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REGROUPEMENTDES ASSISTÉS SOCIAUXDU JULIETTE MÉTROPOLITAIN(RASJM)144, rue Saint-JosephJuliette J6E 5C4Tél. : (450) 752-1999Téléc. : (450) 752-2603

LAURENTIDES

LA GRIFFE D'ALPHA610, rue de la MadoneMont-Laurier J9L1S9Tél. : (819) 440-2044Téléc. : (819) 623-3081Courriel : [email protected]

LA MAISON DES MOTSDES BASSES-LAURENTIDES23-A, rue TurgeonSainte-Thérèse J7E3H2Tél. : (450) 434-9593Téléc. : (450) 434-5181Courriel : [email protected]

LA MAISON POPULAIRE335, rue PrincipaleLachute J8H 2Z7Tél. : (450) 562-1996Téléc. : (450) 562-2458Courriel : [email protected]

LE COIN ALPHA16, rue De Martigny OuestSaint-Jérôme J7Y2E9Tél. : (450) 436-2099Téléc. : (450) 438-7749Courriel : [email protected]

AU FIL DES MOTSDE SAINT-FRANÇOIS8560, rue de l'ÉgliseLaval H7A1K9Tél. : (450) 665-9612Téléc. : (450) 665-4361Courriel : [email protected] Web : w2.lavalnet.qc.ca/aufil

AU JARDINDE LA FAMILLEDEFABREVILLE3867, boul. Sainte-RoseLaval H7P1C8Tél. : (450) 622-9456Téléc. : (450) 622-0312

GROUPEALPHA LAVAL90, boul. Lévesque EstLaval H7G1B9Tél. : (450) 669-3232Téléc. : (450) 669-3708Courriel : [email protected]

MAURICIE

CENTRE D'ACTIVITÉSPOPULAIRES ET ÉDUCATIVES(CAPE)703, boul. Ducharme, C.P. 186LaTuqueG9X3P2Tél. : (819) 523-7533Téléc : (819) 523-5692Courriel : [email protected]

CENTRE D'ÉDUCATIONPOPULAIRE POINTE-DU-LAC201, rue Grande-AlléePointe-du-Lac GOX 1Z0Tél. : (819) 377-3309Téléc. : (819) 377-3052Courriel : [email protected]

COMSEP749, rue Saint-MauriceTrois-Rivières G9A3P5Tél. : (819) 378-6963Téléc. : (819) 378-0628Courriel : [email protected]

EBYÔN89, rue Saint-lrénéeCap-de-la-Madeleine G8T 7C3Tél. : (819) 373-7653Téléc: (819) 691-2866Courriel : [email protected]

LA CITÉ DES MOTS805,111e RueShawinigan-Sud G9P 2T5Tél. : (819) 537-1055Téléc. : (819) 537-9525Courriel : [email protected]

LA CLÉ EN ÉDUCATIONPOPULAIRE DE LA MRCDE MASKINONGÉ110, 2e Avenue, 2e étageLouiseville J5V 1X1Tél. : (819) 228-8071Téléc. : (819) 228-4358Courriel :é[email protected]

MONTEREGIE

AIDE PÉDAGOGIQUEAUX ADULTES ET AUXJEUNES (APAJ)330, avenue Saint-SimonSaint-Hyacinthe J2S5B9Tél.: (450) 261-0384Téléc. : (450) 261-0835Courriel : [email protected]

COMQUAT INC.300, boul. Perrot, bureau 100Île Perrot J7V3G1Tél. : (514) 453-3632Téléc. : (514) 453-3632Courriel : [email protected]

LA BOÎTE À LETTRES212, rue Gentilly OuestLongueuil J4H 1Z6Tél. : (450) 646-9273Téléc. : (450) 646-9281Courriel : [email protected]

LA CLÉ DES MOTS503, rue Saint-GeorgesLaprairie J5R2N2Tél. : (450) 659-7941Téléc. : (450) 659-0737Courriel : [email protected]

LA PORTE OUVERTE81, rue FrontenacSaint-Jean-sur-Richelieu J3B 2Y4Tél. : (450) 346-3283Téléc. : (450) 346-3283Courriel : [email protected]

L'ARDOISE DUBAS-RICHELIEU108, rue CharlotteSorel J3P 1G8Tél. : (450) 780-1016Téléc. : (450) 780-1182Courriel : [email protected]

L'ÉCOLE DE LA VIE2363, chemin ChamblyLongueuil J4L4H3Tél. : (450) 448-0965Téléc. : (450) 448-8220Courriel : [email protected]

L'ÉCRIT TÔT DE SAINT-HUBERT1890, boul. MarieSaint-Hubert J4T3R6Tél. : (450) 672-6565Téléc. : (450) 672-2915Courriel : [email protected]

LE SAC À MOTS94, rue SudCowansville J2K2X2Tél. : (450) 266-3766Téléc. : (450) 266-3766Courriel : [email protected]

LES GRANDS DÉBROUILLARDS52, rue NicholsonValleyfield J6T4M8Tél. : (450) 377-7606Téléc. : (450) 377-0215Courriel :[email protected]

MONTREAL MÉTROPOLITAIN

CARREFOUR D'ÉDUCATIONPOPULAIRE DE POINTE SAINT-CHARLES2356, rue CentreMontréal H3K1J7Tél. : (514) 596-4444Téléc. : (514) 596-4443Courriel : [email protected] URL:www.communautique.qc.ca/carrefour

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 1 1 1

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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CENTRE ALPHA-SOURD65, rue De Castelnau Ouest, bureau 300Montréal H2R 2W3Tél. : (514) 278-5334Téléc. : (514) 279-5373Courriel : [email protected]

CENTRE D'ACTIONSOCIO-COMMUNAUTAIREDE MONTRÉAL32, boul. Saint-Joseph OuestMontréal H2T2P3Tél. : (514) 842-8045Téléc: (514) 842-2356Courriel : [email protected]

CENTRE DE LECTURE ET D'ÉCRITURE4273, rue Drolet, 4e étageMontréal H2W2L7Tél. : (514) 849-5473Téléc: (514) 350-8887Courriel : [email protected] URL:www.communautique.qc.ca/cle

CENTRE DE LIAISON POUR L'ÉDUCATIONET LES RESSOURCES CULTURELLES(CLERC)12 618, rue Sainte-Catherine EstMontréal H1B1W9Tél. : (514) 640-8521Téléc: (514) 640-8521

CENTRE HAÏTIEN D'ANIMATION ETD'INTERVENTIONS SOCIALES (CHAIS)7745, av. Champagneur, bureau 203Montréal H3N 2K2Tél. : (514) 271-7563Téléc: (514) 271-3629Courriel : [email protected]

CENTRE INTERNATIONAL D'ÉCHANGESCULTURELS (CIEC)3375, rue Barclay, bureau 2Montréal H3S1K3Tél.: (514) 735-5031Téléc: (514) 735-8396Courriel : [email protected]

CENTRE N'A RIVE6971, rue Saint-DenisMontréal H2S 2S5Tél.-.(514)278-2157Téléc. : (514) 278-4374Courriel : [email protected]

COMITÉ D'ÉDUCATION DES ADULTESDE LA PETITE-BOURGOGNE ET DESAINT-HENRI (CEDA)2515, rue DelisleMontréal H3J 1K8Tél. : (514) 596-4422Téléc: (514) 596-4981Courriel : [email protected]

LA JARNIGOINE7445, rue Saint-DenisMontréal H2R 2E5Tél. : (514) 273-6683Téléc: (514) 273-6668Courriel : [email protected]

LA MAISON D'HAÏTI INC.8833, boul. Saint-Michel, 2e étageMontréal H1Z3G3Tél. : (514) 326-3022Téléc : (514) 326-3024

L'ATELIER DES LETTRES1710, rue BeaudryMontréal H2L3E7Tél. : (514) 524-0507Téléc : (514) 524-0222Courriel :[email protected]

LES ATELIERS M0T-À-M0TDU SAC. ANJOU INC.6497, rue AzildaAnjou H1K2Z8Tél. : (514) 354-4299Téléc. : (514) 354-2023

LETTRES EN MAIN5483,12e AvenueMontréal H1X2Z8Tél. : (514) 729-3056Téléc. : (514) 729-3010Courriel : [email protected]

TOUR DE LIRE4026, rue Ontario EstMontréal H1W1T2Tél. : (514) 252-4718Téléc. : (514) 252-0600Courriel : [email protected]

UN MONDALIRE11 763, rue Notre-Dame EstMontréal H1B 2X9Tél. : (514) 640-9228Téléc. : (514) 640-9443Courriel : [email protected]

OUTAOUAIS

ATELIER D'ÉDUCATION POPULAIRE299, route des CantonsSaint-Émile-de-Suffolk JOV 1Y0Tél. : (819) 426-3193Téléc. : (819) 426-3193Courriel : [email protected]

QUÉBEC

ALPHABEILLEVANIER235, rue BeaucageVanier G1M1H2Tél. : (418) 527-8267Courriel : [email protected]

ALPHA STONEHAM660, Ve Avenue, C.P. 296Stoneham G0A4P0Tél. : (418) 848-3427Téléc. : (418) 848-7427Courriel : [email protected]

ATELIER D'ALPHA-SOURDS DE QUÉBEC4635,1re Avenue, bureau 227Charlesbourg G1H2T1Téléc. : (418) 623-7732Courriel : [email protected]

ATOUT-LIRE266, rue Saint-Vallier OuestQuébec G1K1K2Tél. : (418) 524-9353Téléc : (418) 521-4000Courriel : [email protected]

CENTRED'ALPHABÉTISATIONL'ARDOISE145, boul. de la MontagneSaint-Casimir GOA 3L0Tél. : (418) 339-2770Courriel : [email protected]

FORMATIONALPHABÉTISATIONCHARLEVOIX (FAC)32, boul. Leclerc, C.P. 548Baie-Saint-Paul GOA 1B0Tél. : (418) 435-5752Téléc: (418) 435-5778Courriel : [email protected]

LA MARÉEDES MOTS3365, chemin Royal, 2e étageBeauport G1E1W1Tél. : (418) 667-1985Té léc : (418) 667-4954Courriel : [email protected]

LIS-MOI TOUTLIMOILOU798,12e RueQuébec G1J2M8Tél. : (418) 647-0159Téléc : (418) 647-0350Courriel : [email protected]

SAGUENAY—LAC-SAINT-JEAN

CENTRE ALPHADE LA BAIE802, boul. Grande-Baie NordLa Baie G7B 3K7Tél. : (418) 697-0046Téléc : (418) 544-2459Courriel : [email protected]

GROUPECENTRE-LAC D'ALMA285, boul. Eymard NordAlma G8B 5J2Tél. .(418) 668-3357Téléc. : (418) 668-0534Courriel : [email protected]

REGROUPEMENTDES CENTRESD'ALPHABÉTISATIONMOT À MOT156, rue Gaudreault, C.P. 218Saint-Ambroise G7P 2J9Tél. : (418) 695-5385 ou 672-6272Téléc : (418) 672-4720Courriel : [email protected]

112 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 13, printemps 2001 - On n'a pas tous les jours 20 ans ! - RGPAQ

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