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Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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La revue Le Monde alphabétique est publiéepar le Regroupement des groupes populairesen alphabétisation du Québec; elle se veut lereflet de l'alphabétisation populaire et entenden faire la promotion. Elle s'adresse d'abordaux animatrices et aux animateurs des groupespopulaires en alphabétisation afin d'alimenterleur réflexion et leurs pratiques. Les articlespubliés dans Le Monde alphabétique n'engagentque leur-s auteur-e-s.

Comité de lecture :Françoise Bouchard, animatrice au GroupeCentre Lac d'Alma ; Nicole Lachapelle, coor-donnatrice au RGPAQ ; Rachel Pointel, coordon-natrice d'Au fil des mots de St-François ; FabiennePrentout-Buché, animatrice à Alpha Stoneham ;Liliane Rajaonina, collaboratrice à la formationau RGPAQ.

Rédactrice en chef :Liliane Rajaonina

Collaboration pour ce numéro :Jean-François Aubin, Antoine Baby, GuillaumeBeaulé, Nathalie Belleau, Caroline Boucher,Richard Boyer, le Bureau du Protecteur ducitoyen, Sandra Chastenay, Denis Chicoine,Jocelyne Desroches, Martine Dupont, PierretteFournier et les participantes et participants deClés en main, Pierre Gaudreau, André Girard,Colette Hamel, Nicole Lachapelle, SylvieLambert, Jean-Claude Leclerc, FrançoiseLefebvre, Patricia Lefebvre, Josée Martin, AndréParadis, Hélène Patenaude, John Pineault,Fabienne Prentout-Buché, Liliane Rajaonina,Monique Roberge, Lise St-Germain, AndréVecerina.

Design graphique :Pierre Lachance

Révision :Pascale Noizet

Saisie de textes :Josée Roy

Correction d'épreuves :Denis Chicoine, Liliane Rajaonina,Micheline Séguin

La publication de la revue est financée par leSecrétariat national à l'alphabétisation à Ottawa.Le tirage est de 500 exemplaires. Le choix desthèmes et des textes est soumis au comité à quirevient la décision de leur publication dans larevue.

Prix à l'unité : 10,00$

Correspondance :Veuillez adresser toute correspondance auRegroupement des groupes populaires enalphabétisation du Québec, 2120, rue SherbrookeEst, Montréal H2K 1C3Téléphone: (514) 523-7762Télécopieur : (514)-523-774lDépôt légal : Bibliothèque nationale du Québecet Bibliothèque du CanadaISSN: 1183-515X

... Un nouveau «look» pour clore la première dizaine!

... RELIEFS• L'alphabétisation, ça commence à la maison!• Quoi de neuf, après un an de recherche, à La Boîte à lettres?• Un espace francophone pour les alphanautes

... PRÊTS-À-PORTER• Alpha-Banko

... ÉCHOS ET RÉFLEXIONS• Conférence de Hambourg : revoir nos pratiques• Séminaire international Le livre et l'enfant 1997• La santé mentale : une problématique en marge,

mais loin d'être marginale

... ENJEUX• Quelles voies privilégier pour la prévention de l'analphabétisme.

... DOSSIER1. Citoyenneté, citoyennetés...• Les temps et les espaces de la citoyenneté• Reconquérir une citoyenneté perdue : le rôle de l'école• Médias, information, citoyen

2. Citoyenneté et exclusion• Le droit de vote est-il vraiment un droit fondamental

pour tous les citoyens et citoyennes ?• Combattre aussi les sinistres permanents• L'appareil d'inquisition chez les exclu-e-s...• Une entrevue avec le Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby• Le citoyen, l'État et la mondialisation

3. Développer une citoyenneté active• La multiplication des lieux d'implication...• Un espace de citoyenneté active• Une action «achalante» du Parlement de la rue• Le comité des participants et des participantes du RGPAQ :

un exercice démocratique dans les groupes• Des personnes analphabètes jettent un regard critique sur les

médias et passent à l'action

... LES COULISSES DU « MONDE ALPHA »

... CÔTÉ JARDIN• Chaleureuse rencontre

... AU-DELÀ DE LA LETTRE• Entrevue avec les participantes et participants de Clés en main• Témoignage de Colette Hamel

... D'AILLEURS• Terre des femmes

... PROFIL DE GROUPE• Le Centre d'alphabétisation d'Argenteuil

• La Marée des mots

...À VOIR... À LIRE

... COURRIER

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C'est au printemps 1991, pour son dixième anniversaire, que le RGPAQpublie le premier numéro du Monde alphabétique. Auparavant, il y avaitun bulletin interne de liaison des groupes populaires en alphabétisation :Alphabétisation populaire.

Une enquête menée en 1989 auprès des groupes membres a révélé desbesoins de formation aux méthodes et approches pédagogiques. Lorsque leSecrétariat national à l'alphabétisation lui a alloué une subvention pour laformation, le RGPAQ a décidé d'en affecter une partie à la publication d'unerevue, afin de permettre les échanges d'expériences entre les groupes membreset aussi de faire connaître et reconnaître les pratiques de l'alphabétisationpopulaire.

S'adressant d'abord aux animatrices et animateurs de l'alphabétisationpopulaire, Le Monde alphabétique a été dans un premier temps une revueessentiellement pédagogique. Il est devenu non seulement un outil de promo-tion des pratiques pédagogiques, mais aussi un lieu de réflexion sur lesnombreux enjeux reliés à l'alphabétisation populaire, et son audience s'estprogressivement élargie aux différents milieux de l'éducation du Québec etd'autres pays francophones.

Publiée deux fois par an dans les premières années, la revue a dû se limiterà un numéro annuel par suite de contraintes budgétaires. Et chaque annéel'incertitude persiste : pourra-t-on produire un autre numéro ? Des questionsse posent : est-ce utile, prioritaire, rentable ? Dans ces circonstances, parvenirau numéro 10 relève d'une gageure. Symboliquement, le 10 peut être la find'une série ou, au contraire, augurer d'une longue carrière. C'est tout ce quenous pouvons lui souhaiter !

Le voici donc, « re-looké » pour la circonstance : nouveau format, plus decouleurs. Mais, pour ne pas trop bousculer vos habitudes, toujours les mêmeschroniques.

Tous nos remerciements aux personnes qui ont présidé à sa naissance et àcelles qui y ont travaillé successivement depuis le premier numéro : FrancinePelletier et Micheline Seguin. Merci également aux nombreux collaborateurset collaboratrices qui lui ont apporté sa substance ainsi qu'aux membres descomités de lecture qu'il est impossible de tous et toutes citer ici, et à ses fidèleslecteurs et lectrices.

Liliane Rajaoninapour le Comité de lecture

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L'alphabétisation,ça commence à la maison !

Une histoire d'alpha familiale...Fabienne Prentout-Buché, Alpha Stoneham

Récit d'une approche d'alphabétisa-tion familiale où la famille est aucœur d'un processus de préventionde l'analphabétisme, mais aussi lapierre angulaire sur laquelle reposentdes projets multiples et variés d'acti-vités éducatives réunissant ensembleparents et enfants.

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Cet article tente de rendre compte d'unepratique d'alphabétisation familiale menéepar un groupe populaire autonome, AlphaStoneham. Il ne se veut pas le reflet d'unmodèle en particulier d'alphabétisationfamiliale, mais il vise plutôt à approfondirensemble notre compréhension et notreconnaissance de cette pratique interven-tionniste en milieu familial. Il est avant toutle reflet d'un cheminement de réalisationsnombreuses et variées qui correspondentà une réalité de notre milieu et quirépondent aux besoins propres de lacommunauté dans son ensemble.

Qu'entendons-nous paralphabétisation familiale ?

L'alphabétisationfamiliale a pour but

de contrecarrer le processus de reproduction del'analphabétisme. Pour cela, elle met l'accent surle milieu familial qui devient alors le lieu privilé-gié d'apprentissage et d'enseignement. Dès lors,la famille devient l'acteur de son propre proces-sus d'alphabétisation. Concrètement, cela consisteà alphabétiser les parents, tout en accompagnantles enfants à travers une multitude d'activitésd'apprentissage en lien direct avec la lecture etl'écriture.

En s'appuyant sur ces grandes lignes, AlphaStoneham s'est alors doté de principes de base quivisent à améliorer les conditions de vie familialeen améliorant les habiletés, les attitudes, lesvaleurs et les comportements associés à la lectureet à l'écriture.

Qui estAlpha Stoneham Alpha Stoneham est un groupe

populaire d'alphabétisation qui offre depuistreize ans des services d'alphabétisation à unepopulation de 4 500 habitants répartie en troisvillages principaux : Stoneham, Tewkesbury etSaint-Adolphe. Sa mission première est d'ap-prendre à lire, écrire et calculer à des personnesanalphabètes complètes ou fonctionnelles quifréquentent les ateliers de formation du groupe.Parallèlement, des projets éducatifs se sont misen place à l'intention d'enfants d'âge scolairedans l'aide aux devoirs et leçons et l'aide à lalecture. Ces projets sont devenus peu à peu desservices pédagogiques permanents. En outre,des projets d'intervention d'alphabétisation fami-liale viennent compléter et supporter chaqueannée le travail accompli par le groupe..

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 3

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Pourquoi et commentAlpha Stoneham a-t-ilorienté sa pratiqued'alphabétisationvers la famille ?

Suite à des dépistagessuccessifs d'analphabé-tisme par le biais duporte-à-porte, les ani-matrices « terrain » ontpris conscience, en

pénétrant chez les familles visitées, de situationsdramatiques et urgentes où le matériel écrit n'exis-tait pas. Elles se sont aperçues d'une absencepartielle ou totale de stimulation éducative liéeà l'écrit, d'un manque d'encadrement familialface à l'apprentissage de la lecture. Elles décou-vraient là des enfants d'âge pré-scolaire et desparents non initiés à la langue écrite et, parlà-même, non préparés au monde de l'école.

C'est donc à partir de 1993 que se sont mis enplace divers projets de prévention de l'analphabé-tisme portant tous sur la participation directe ouindirecte de chacun des membres de la familleimpliquée. Quel que soit le mode d'interventionproposé aux familles concernées, les parents et lesenfants ont toujours été associés dans une démar-che « d'appropriation de l'écrit ».

Avec les parents, on utilise d'abord des techni-ques de stimulation et d'encouragement dansl'encadrement des difficultés d'alphabétisationque connaît l'enfant et les parents apprennent àaccompagner celui-ci vers la découverte de l'écrit.Puis, avec les enfants d'âge pré-scolaire, on se sertde méthodes de pré-lecture et pré-écriture, le toutproposé sous une forme interactive et ludique.

Lors de ces projets, on tente en priorité d'iden-tifier et de reconnaître avec le parent toutes lesformes possibles que la langue écrite prend à lamaison, les habitudes utilisées face à l'écrit et lesmoyens d'apprentissage du « lire et écrire » enfamille. En effet, nous savons que l'influence desparents est déterminante en matière d'alphabéti-sation ; qu'ils soient, comme lecteurs, des modè-les négatifs ou non, ils transmettent à leursenfants des valeurs propres à l'alphabétisation.Pour les mener à bien, la participation directe desparents est requise tant au niveau de la motiva-tion, de la compréhension que de la réflexion surla problématique présentée. De plus, la lecture atoujours été au cœur de nos objectifs. Promou-voir la lecture comme une activité familialesatisfaisante et amusante, « Lire pour le plaisir »,

a toujours fait partie de nos objectifs. Munies denos trousses d'animation, nous avons tentéd'outiller au mieux en matériel pédagogique lesparents et les enfants, tout en offrant des livresadaptés à l'âge des enfants.

À la fin de chaque projet, les parents sont enmesure de redéfinir leurs défis personnels etfamiliaux ainsi que de préciser les moyens qu'ilsprendront pour les relever. Ils seront plus à mêmede guider et de soutenir le long apprentissage dela langue écrite de leurs enfants. Ils pourront êtreplus à l'écoute du développement de leurs plusjeunes face à l'éveil et à leur entrée dans le mondede l'écrit.

Lors du dernier projet d'action, les famillesparticipantes ont accompagné leurs enfants dansla construction d'un livre de vie intitulé « Mapetite histoire » à travers lequel l'enfant s'éveillaità l'écrit, à la découverte de lui-même et desmembres de sa famille. Ce livre est devenu unsupport de lecture pour parent et enfant, et il asuscité le goût et le plaisir de la lecture chez tous.Ce même projet a pu profiter de l'appui et de lacollaboration de l'école primaire du village. Eneffet, depuis quelques années, notre organismepeut compter sur la reconnaissance de nos projetsd'action par la direction de l'école, ce qui apermis d'établir peu à peu des liens de confianceet de collaboration entre l'équipe pédagogique enplace, direction, enseignant-e-s, orthopédagogue,et nous-mêmes.

L'école ne peut à elle seule remplacer cettepériode primordiale de l'apprentissage de lalangue écrite. Faut-il préciser que les pratiquesde lecture et d'écriture sont avant tout condition-nées par le premier milieu de vie de l'enfant, c'est-à-dire la famille, bien avant le milieu scolaire ?La famille est un lieu privilégié de partage etd'interaction de la connaissance entre le parentet l'enfant. N'oublions pas que, malgré de faiblescompétences scolaires, tout parent est en mesurede posséder des ressources qu'il a lui-même

\ - LE MONDE ALPHABETIQUE

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En effet, nous savonsque l'influence des parents

est déterminante en matièred'alphabétisation

l'habitude d'exploiter dans d'autres domaines, etque, s'il est éveillé à l'importance de posséder uncapital lecture-écriture, il sera à même d'aider sonenfant.

À ce jour, des mères fréquentent nos ateliersde l'après-midi pour se rappeler et y réappren-dre des règles simples de français et demathématiques. Pour la plupart, elles se sententdésemparées et démunies devant le processusd'apprentissage scolaire de leurs enfants. Biensouvent, elles nous disent être dépassées par lacomplexité des programmes scolaires et desdifficultés rencontrées par leurs enfants. Ellesretrouvent dans ces ateliers, soutien, espoir etencouragement tout en y acquérant matières etméthodes pédagogiques nécessaires pour aiderleurs enfants. En ce sens, nous pouvons nous féli-citer de pouvoir accompagner parents et enfantsdans une même démarche d'alphabétisation.

Quelques avenues enguise de conclusion

À la lumière des résultatsobtenus à ce jour, on peutaffirmer que l'alphabétisa-

tion familiale apparaît plus que jamais commeun moyen incontournable de prévention del'analphabétisme. En plus de constituer uneapproche aux problèmes de pauvreté matérielleet psychologique ainsi que de sous-scolarisation,elle est également un moyen efficace pourcontrer le décrochage scolaire chez les jeunesdès leur entrée à l'école, elle évite par conséquentde fabriquer de potentiels analphabètes.

Redonner aux parents les moyens de jouerpleinement leur rôle de premiers éducateurs etde premiers enseignants, c'est leur donner lapossibilité d'acquérir et de développer des com-pétences éducatives, et ainsi d'être les premierspartenaires de l'école lors du processus d'appren-tissage de leurs enfants. En regroupant parents etenfants dans un même projet éducatif, nousespérons pouvoir réduire les risques de trans-mission de l'analphabétisme entre les générations

et, en bout de ligne, enrayer le cycle infernalreproducteur de ce grave problème.

Intervenir en analphabétisme ne se limite pasqu'à la formation aux adultes ni à la préventionen milieu scolaire, mais prend racine au cœurmême de la cellule familiale. Cela implique doncun véritable partenariat entre tous les acteurs, quece soit la famille, parents et enfants, l'école et lacommunauté. L'analphabétisme ne peut être sup-primé qu'en utilisant des moyens complémentai-res d'action tant en amont qu'en aval de la sourcedu problème.

Nous le savons toutes et tous, travailler enalphabétisation familiale n'est pas chose aisée,car, en pénétrant l'univers familial, il est sous-entendu que l'on se heurte aux préjugés négatifsqui existent chez certains des membres de cesfamilles et que l'on brise l'isolement psycholo-gique de ces personnes, adultes ou enfants.

L'action menée à ce jour par le grouped'Alpha Stoneham est devenue un défi à la foisenrichissant et important pour chacune etchacun d'entre nous. Cette action représente uninvestissement de tous les instants dont lacommunauté dans son ensemble tirera profit.

Documentation de référence pour consultation :

MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION DU QUÉBEC (MEQ). Pour pré-

venir l'analphabétisme, recherches, réflexions et propositions d'actions,

1997.

LEVESQUE, F. Alphabétisation familiale, Modèle d'intervention, 1996.

Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français (F.C.A.F). C'est

écrit dans le ciel !'Alphabétisation Familiale (4 vol.), 1995.

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Quoi de neuf,après un an de recherche, à la Boîte à lettres ?

Françoise Lefebvre, agente de recherche du projet RAF de La Boîte à lettresCollaboration : Martine Dupont, formatrice à La Boîte à lettres

Cet article n'est que le compte rendu partield'une démarche de recherche en cours qui

comprend actuellement trois étapes de travail1.Au moment où vous le lirez, en septembre 1998,

nous entreprendrons alors la troisième étapede la recherche. Au moment où il est rédigé,

en avril 1998, la deuxième étape bat son pleinmais n'est pas encore terminée. Cet article n'est

donc qu'un résumé du bilan que nous avonstiré concernant la première étape de recherche,

soit la période de mai 1996 à juin 1997.

Le Comité RAF (1996-1997) de gauche à droite :Anne-Marie Gervais, Martine Dupont,

Françoise Lefebvre, Danielle Desmarais,Louisette Audet, Suzanne Daneau

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Problématique etobjectifs de la recherche

Les lectrices et lecteurs que nous som-mes vivons un processus d'appropriationde la lecture et de l'écriture basé sur une

relation personnelle, dynamique et en constanteévolution. Les jeunes qui fréquentent la Boîte àlettres proviennent en majorité du secteur des« classes spéciales ». Ces jeunes n'ont pas développéles stratégies diversifiées et efficaces de la majoritédes lecteurs actifs. Dans leur cas, le processusd'appropriation de l'écrit est figé, c'est là l'hypo-thèse qui a retenu notre attention.

Le premier objectif de cette recherche vise doncà comprendre la nature du processus figéd'appropriation du lire/écrire des jeunes analpha-bètes fréquentant l'organisme. Le deuxième ob-jectif concerne le renouvellement des pratiquesd'alphabétisation pour les rendre plus efficaces etamener les jeunes à transférer, ailleurs qu'enatelier, leur pratique de la lecture et de l'écriture2.

Jusqu'en juin 1997, trois préoccupations cons-tantes vont cohabiter : l'atelier autobiographiquequi se construit par tâtonnements, la formation« sur le tas » de l'ensemble des membres ducomité recherche-action-formation (comité RAF)ainsi que la rédaction de leur récit de formation3.En juin 1997, deux journées de bilan rassem-blent les membres du comité RAF afin de fairele point sur la situation. Ce bilan permet d'inven-torier deux principaux volets : l'atelier autobio-graphique et le comité RAF. Le comité aviseuret le conseil d'administration sont égalementanalysés.

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Les différents acteurs,

leur rôle respectif

La recherche est menée par le comitéRAF. Ce comité est composé detrois permanentes de la Boîte à lettres,

d'une professeure de l'UQAM qui est impliquéeà titre de formatrice et spécialiste en recherche-action (grâce à un dégrèvement des Services àla collectivité de l'UQAM), d'une assistante derecherche et finalement d'une agente de recher-che. Les rôles de chaque membre sont abordésau cours du bilan effectué en juin 1997. Certainsrôles sont questionnés par les personnes concer-nées : celui de la coordonnatrice, celui de la for-matrice de l'équipe de la Boîte à lettres, celui del'assistante de recherche et celui de la responsablede la formation. Il devient donc nécessaire, pourla prochaine étape de recherche, de clarifier lesrôles de certains membres du comité RAF et, cefaisant, de reconnaître leur expertise respective.

Les jeunes de la Boîte à lettres font égalementpartie, à part entière, de cette recherche dansle cadre de l'atelier autobiographique. Principallieu d'expérimentation d'une nouvelle pratiqued'alphabétisation, l'atelier autobiographique acomme objectif d'amener les jeunes à réfléchirsur leur propre processus d'appropriation dulire/écrire, en rédigeant leur récit de formation.Ils et elles sont amenés à en partager collective-ment le contenu et à cerner les types d'interven-tion qui pourraient les aider à « défiger » leurprocessus d'appropriation du lire/écrire (ALE).

Un comité aviseur composé de personnes« stratégiques » est mis sur pied au tout début dela recherche. Ses membres proviennent de la Cen-trale des enseignantes et enseignants du Québec(CEQ), du ministère de l'Éducation (MEQ), del'université du Québec (UQAM) et du Regrou-pement des groupes populaires en alphabétisationdu Québec (RGPAQ). La composition du comitédevrait se diversifier en s'adjoignant notammentune personne des groupes de base en alphabé-tisation. Il reste à préciser nos attentes pour ladeuxième étape, viser des personnes préciseset vérifier leur intérêt à être membres de notrecomité.

Le conseil d'administration de la Boîte àlettres est un autre intervenant dans le dossier, dansla mesure où les membres ont pris connaissancede la problématique et qu'ils sont intéressés aux

aboutissements de cette recherche pour l'orga-nisme. Les liens vont continuer à se maintenirauprès du c.a. car il est important, pour la recher-che elle-même, mais également pour l'impact decette recherche sur l'organisme, que les gestion-naires soient bien informés. Le type de liens seraà définir avec les membres du conseil d'adminis-tration, au cours de la deuxième étape de recher-che.

Fonctionnement de l'atelierautobiographique et du comité RAF

• L'ATELIER AUTOBIOGRAPHIQUE

La recherche-action entreprise veut impliquer lesjeunes qui fréquentent la Boîte à lettres. D'abordles impliquer dans le processus même de recher-che, ensuite, dans l'élucidation de l'objet derecherche, à savoir une meilleure connaissancede la nature du processus figé de l'appropriationdu lire/écrire. La forme de participation la mieuxadaptée à la mission de l'organisme est de créerun lieu, un moment où des jeunes soient inter-pellés régulièrement. Ainsi, en octobre 1996,naît l'atelier « autobiographique ». Onze jeuness'y inscrivent en sachant quelle est, « grossomodo », la teneur de cet atelier. Ils savent aussique c'est un atelier au cours duquel il leur serademandé de rédiger leur récit de vie et quetous les récits seront partagés par l'ensemble desjeunes et seront lus également par les membresdu comité RAF. Ces onze jeunes sont au courantqu'ils participent activement à un processus derecherche qui leur permette finalement decomprendre ce qui s'est passé dans leur vie auplan de la lecture et de l'écriture et qui permetteégalement d'identifier de nouvelles activitéspour les aider à apprendre. De ces onze jeunesinscrits en octobre 1996, trois abandonnenten mars, avril et mai de l'année suivante.

L'atelier autobiographique est à « inventer ». Ilse construit au fur et à mesure grâce aux réflexionsde l'animatrice qui en a la responsabilité, réflexionspartagées au sein du comité RAF qui alimente laformatrice. À l'automne 1996, le contenu del'atelier a touché à l'écriture sous plusieurs aspects :son histoire, sa présence imposante dans notresociété, les styles différents. Une partie desateliers porte sur l'écriture de son propre récit

8 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

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autobiographique. L'écriture autobiographiquedébute dès la fin du mois d'octobre. Pour enfaciliter l'exécution, on privilégie une façon deprocéder. Le récit se divise en périodes de vie :0-6 ans (petite enfance), 6-12 ans (correspondantà la période du primaire), 12-16 ans (périodedu secondaire) et finalement 16 ans jusqu'à laBoîte à lettres. Divers éléments doivent figurerdans le récit : famille, amis, école, héros de leurenfance, lecture et écriture autour d'eux. Chaquepériode d'écriture est précédée d'une discussion(dont les contenus sont ciblés en comité RAF)afin de stimuler la mémoire des jeunes, de leurpermettre d'échanger des souvenirs. Au cours dela session d'hiver (janvier à mai 1997), l'agentede recherche se joint à l'atelier autobiographiquedans le rôle de coanimatrice.

À l'hiver, deux principaux points sont travaillésde façon parallèle : la rédaction (par tranche devie) et l'analyse des récits, faite collectivement.L'approche biographique permet notamment auxjeunes une distanciation par rapport à leurpropre situation (par l'analyse de leur récit), uneprise de conscience collective de leur situationqu'ils croyaient unique (par la collectivisation desrécits).

Lors de la première étape de recherche, l'ate-lier autobiographique a pris énormément de placedans le cadre de nos préoccupations. Le modèleconstruit par la professeure d'université sert debalises mais cet atelier, s'adressant à des jeunesanalphabètes, présente une grande part d'inconnuqui se clarifie au fur et à mesure que les semainespassent. Au cours de la deuxième partie del'année, une certaine vitesse de croisière permetun peu de répit intellectuel et émotif. Les réti-cences présentes au début chez les jeunes s'estom-pent peu à peu, au fur et à mesure que le climatde confiance, instauré en début d'année parl'animatrice, se solidifie entre eux et à mesure queles échanges, suscités par l'analyse des récits faitecollectivement, laissent entrevoir des aspectssimilaires dans les vies de tout un chacun. Lesjeunes sont entrés de façon individuelle dans ladémarche qu'on leur proposait à l'automne. Àpartir du moment où on leur demande deprésenter leur histoire, de partager leur vécu, ladémarche prend une dimension collective et cette

nouvelle étape est déterminante dans l'atelier.Il est important de mentionner que certainsmoments ad hoc (camp d'écriture au CapSt-Jacques, moment d'écriture à l'UQAM)contribuent de façon exceptionnelle à créer unclimat de confiance et de partage entre eux.

• LE COMITÉ RAF

Le comité RAF se réunit chaque semaine au coursde la première étape de recherche (mai 1996à juin 1997). Dans l'ensemble, les énergiesinvesties dans la recherche sont ÉNORMES parrapport aux agendas respectifs, en regard desressources disponibles pour l'ampleur d'unetelle recherche-action, mais le désir de mieuxfaire, d'approfondir davantage est égalementprésent. L'ajout des moments ad hoc de forma-tion et de travail en comité permet de mêlerintimité et contenu. De fait, ces moments créentdes anecdotes collectives qui sont importantespour établir et maintenir un esprit d'équipe.Nous convenons rapidement, au moment dubilan, que la même fréquence de rencontre seramaintenue pour la deuxième étape. De plus, nousconservons la formule des temps ad hoc, hors denos lieux respectifs de travail, la trouvant propiceà la réflexion et aux apprentissages, permettantune distanciation avec l'action.

Des points positifs sont soulevés : il y a eu, cha-que mardi, de la formation non formelle tant surl'objet de recherche, sur la méthodologie (appro-che biographique), sur le processus de recherche-action-formation que sur l'alphabétisation et lesjeunes. On mentionne le besoin de partagerdavantage l'expertise entre les membres ducomité, notamment celle relative à l'approchebiographique et celle de l'alphabétisationpopulaire. Certaines questions, qui n'ont pas puêtre abordées durant la première étape, pourraientêtre débattues dans le cadre de ces réunions decomité (Avons-nous la même vision de l'alphabé-tisation populaire ? Comment arrime-t-on cettevision à l'appropriation du lire/écrire ? en sontquelques exemples).

Malgré le fait que les moments de formationde type plus formel passaient souvent en secondlieu (l'action ayant priorité), plusieurs membresdu comité reconnaissent avoir effectué un

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 9

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certain nombre d'apprentissages tout au long del'année. L'impact potentiel de cette recherche, lesattentes du milieu relativement aux résultats, l'idéede transformation des pratiques de l'organismesont autant d'éléments qui stimulent la motiva-tion. L'intérêt grandit au fur et à mesure desdécouvertes et donne envie de voir les résultats.

Les membres du comité RAF se sont bienapproprié le processus de recherche-action, danslequel des personnes sympathisent au départ,découvrent des intérêts communs, se reconnais-sent certaines affinités. Puis, petit à petit,interagissant les unes avec les autres, les person-nes identifient, dans l'action, des contradictions/oppositions entre l'action, la réflexion et laformation, ce qui provoque certaines tensions àrésoudre. Par ailleurs, le comité RAF ayant étésurtout concentré sur l'action, certains trésorsrestent à mettre à jour. Ainsi, une partie desréflexions et des échanges de contenu n'a paspu faire l'objet de notre regard critique.

Les constats de cettepremière étape de la recherche

* L'ATELIER AUTOBIOGRAPHIQUE

Certains constats émergent au moment du bilande juin 1997. Premier élément à instaurer : créerun climat de confiance entre les jeunes. Grâce àce climat de confiance, les jeunes vont accepterde s'investir et de se dévoiler. Un autre élémentprimordial : susciter une prise de conscience chez lesjeunes en regard de leurs motivations actuelles faceau lire/écrire. Certaines réflexions doivent êtreapprofondies avec les jeunes, notamment cellesqui ont trait aux conditions dans lesquelles on peutapprendre (les conditions de vie, par exemple),la place de la motivation dans l'apprentissage.Comme cet atelier a expérimenté des formulesdifférentes, tels le camp d'écriture, les plagesd'écriture supplémentaires (à l'UQAM, à la Boîteà lettres) ou les déjeuners et dîners « causerie » quiont donné des résultats positifs, il est convenu deconserver cette organisation pour la deuxièmeétape de recherche.

À la fin de cette première étape de recherche, àtravers les balbutiements de cette première année

d'expérimentation, nous constatons que les récitsde vie des jeunes nous apprennent peu sur leurappropriation du lire/écrire. N'ayant pas, audépart, suffisamment ciblé notre objet derecherche, étant également en élaboration d'uneméthode, la consigne d'écriture donnée auxjeunes les amène à rédiger un récit de vie quidemeure trop vague (et trop vaste). Par ailleurs,force est de constater l'impact positif de l'appro-che biographique et de la démarche utilisée aucours de cette première année. L'apprivoisementdes jeunes entre eux s'est réalisé en grande partiegrâce à l'approche biographique proprement dite.L'analyse collective des récits, faisant partie del'approche biographique telle que développéepar la professeure d'université, et entreprise enatelier, s'est révélée plus riche que les récits eux-mêmes. C'est pourquoi nous conservons l'appro-che biographique pour la deuxième étape derecherche tout en faisant l'effort conscient decibler davantage l'objet de recherche et la rédac-tion des récits de formation des jeunes : cetterédaction sera axée exclusivement sur leurprocessus d'appropriation du lire/écrire.

Finalement, l'écriture du journal de bord parl'animatrice de l'atelier s'avère très utile pourretracer la dynamique de l'atelier, les diverspoints de contenu, la fréquentation de l'atelier.Ce journal sert de « mémoire » à l'animatrice etau comité RAF. De plus, il permet de créer unedistanciation pour celle qui le rédige.

• LE COMITÉ RAF

Cette première étape a priorisé l'action, tant dansles énergies investies que dans le temps imparti.De nouvelles pratiques s'expérimentent tout aulong de la démarche d'exploration : pratique detravail en comité, pratique de recherche-action-formation, pratique d'auto-formation, pratiqued'alphabétisation par l'atelier autobiographique.Après le bilan, le travail du comité RAF s'estréorganisé de façon plus efficace. De plus,certains outils de construction de connaissancesont été produits et utilisés, notamment une grilled'analyse des récits de formation des membres ducomité et un plan du déroulement de l'atelierautobiographique.

10 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Cette première étape a permis de constater lesbénéfices de la méthode utilisée et de la démar-che d'animation privilégiée. Elle a également misen lumière l'importance de focaliser le récit desjeunes sur « l'appropriation du lire/écrire » etl'importance de les amener à faire des liens.Finalement, cette première étape a permis deconstater qu'une démarche de recherche-action-formation demeure une « danse d'éléments eninteraction »...

Évaluation et réajustements pourla deuxième étape de recherche

• L'ATELIER AUTOBIOGRAPHIQUE

L'atelier est composé de jeunes qui sont choisispour leur motivation et leur sens des respon-sabilités (on peut compter sur leur présence)ainsi que pour leurs capacités en lecture/écriture,puisqu'ils ont à « écrire leur vie ». Des question-nements sont soulevés à cet égard au momentdu bilan : si nous « ciblons » certains jeunes,ne risquons-nous pas d'obtenir des résultats enpartie biaisés ? Ne risquons-nous pas de passerà côté des besoins de ceux qui en « arrachent »plus avec la lecture et l'écriture ? Pourrons-nousmesurer l'impact de l'atelier sur ceux et celles quisont moins motivés, moins stimulés ? Serons-nous en mesure d'observer des changementsd'attitudes face à l'appropriation du lire/écrirede ceux et celles qui sont de niveaux d'alphabé-tisation différents ? Nous choisissons donc,pour la deuxième année, de ne pas cibler lesjeunes sur le critère d'une maîtrise minimale ducode écrit.

Certains changements s'avèrent nécessairespour pousser plus loin l'investigation du côté del'objet de recherche. Ainsi, il ressort qu'au niveaude l'écriture des récits individuels, il faut resserrerdavantage, mieux cibler notre cueillette doncorienter très rapidement le contenu de l'atelier surl'appropriation du lire/écrire. Quant à la place del'oral dans l'approche biographique, il y aura, pourla deuxième étape, un travail plus systématiqueà faire à cet égard. Selon les expériences citéesdans la documentation qui traite de l'approchebiographique en formation des adultes, la pro-

duction orale des récits précède la productionécrite. Il nous apparaît important d'en vérifierl'impact sur la production écrite.

• LE COMITÉ RAF

Un premier objectif ressort pour la deuxièmeétape : investir plus efficacement nos énergies.Nous avons également l'intention de planifier uncertain nombre de rencontres pour la formation,au début de la deuxième étape. Pour cettedeuxième étape, le comité RAF décide que lessujets de formation plus théoriques seront définiset choisis collectivement. De cette façon, il yaura une meilleure répartition du temps etdes énergies entre la recherche, l'action et laformation.

Certaines décisions relatives à l'organisationfuture de l'atelier autobiographique sont prises.Un plan de travail permettant d'avoir une visionglobale de l'atelier sera décidé en comité RAF,mais sa mise en pratique sera confiée à deuxpersonnes : la formatrice de l'atelier et l'agentede recherche. Il est convenu que la rédaction desrécits de vie des jeunes se fera de façon continue,et non par tranche de vie. Outre l'analyse quisera effectuée en atelier avec les jeunes, une autreanalyse de ces récits sera faite en sous-comitéet présentée au comité RAF. Le comité pourraitainsi canaliser ses énergies sur l'élucidation del'objet de recherche plutôt que sur la compilationfastidieuse des données recueillies auprès desjeunes.

Des liens sont aussi à construire entre l'appro-che biographique telle que nous l'avonsexprimentée avec son volet collectivisation etla conscientisation en alphabétisation populaire.Les jeunes prennent conscience de leur chemine-ment à la lumière des réflexions des autres, maisils prennent également conscience qu'ils formentun groupe partageant des points communs.Le groupe peut devenir un excellent moteur de« changement social » dans la relation quechacun et chacune entretient avec la lecture etl'écriture. Intuitivement, nous percevons que laréflexion pouvant émaner de ce type deconscientisation servirait à enrichir la philosophiepropre à l'alphabétisation populaire.

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Rappelons que c'est en grande partie de cettecollectivisation que naît toute la richesse de ladémarche autobiographique (telle que pratiquéepar la professeure de l'UQAM), tant chez lesjeunes que chez les membres du comité RAF.

Nous nous préoccupons également d'intégrerles autres membres de l'équipe de la Boîte àlettres au projet. Au cours de la deuxième étapede recherche (septembre 1997-juin 1998), onpourra faciliter leur appropriation du dossieren les invitant à effectuer certaines lectures : laproblématique, un article déjà paru, le bilan. Aucours de cette deuxième étape, le comité RAF sepenchera sur des moyens concrets qui permettentaux autres membres de l'équipe et aux autresjeunes de la Boîte à lettres de s'approprier cetterecherche et de devenir partie prenante de latroisième étape de travail. En effet, pour latroisième étape de recherche qui vise à dévelop-per des pratiques nouvelles dans l'organisme,il serait souhaitable que toutes les personnesimpliquées à la Boîte à lettres puissent fairepartie non seulement d'une réflexion collectiveà cet égard, mais également de l'action qui actua-lisera les nouvelles pistes d'intervention.

Période de tâtonnements, de questionne-ments, de doutes, d'essais et erreurs, périoded'empirisme4, cette première étape s'est avéréeincontournable afin d'en arriver à dégager uncertain nombre de paramètres essentiels à lapoursuite des travaux. Une systématisationde l'atelier autobiographique, une meilleureorientation de notre objet de recherche, unfonctionnement et un meilleur esprit d'équipe encomité RAF, une meilleure identification desbesoins de formation (tant pour les jeunesque pour les membres du comité RAF), uneconnaissance éprouvée du processus de recherche-action-formation et de l'approche biographiquesont autant d'acquis différents qui permettent depoursuivre avec confiance cette belle aventure !

POUR EN SAVOIR DAVANTAGE

SUR L'APPROCHE BIOGRAPHIQUE

• DESMARAIS, D. et autres. La pratiquedes récits de vie, l'Harmattan, 1997.Ce livre est le compte rendu d'expériencesdiversifiées présentées lors du IIe symposiumquébécois sur les pratiques des histoires devie.•JOSSO, C. Cheminer vers soi, L'âge del'homme, Lausanne/Paris, 1997, 2e édition.Ce livre est divisé en deux parties : lapremière est plus théorique, mais la secondeplus « personnelle » retrace une partie del'itinéraire de vie de son auteure.Il existe également un répertoire despersonnes travaillant avec l'approche biogra-phique à titre de formatrices, chercheureset intervenantes. Ce répertoire est distribuépar le Réseau québécois pour la pratique deshistoires de vie. On peut s'en procurer unexemplaire en s'adressant à Yvonne Streit(télécopieur : (514) 584-2020 ou Courrielyvonne @ sympatico. ca).

1. Si vous désirez mieux saisir le cadre dans lequel cette recherche s'estentreprise, lire à ce sujet « Démarche d'orientation à la Boîte à lettres :un bilan, des perspectives », Sylvie Roy, Le monde alphabétique n° 8,automne 1996.2. Consulter à cet égard « Renouveler ses pratiques d'alphabétisation »,Françoise Lefebvre, Le monde alphabétique n° 9, automne 1997.3. Un récit de formation est la rédaction, par un auteur, de sonhistoire de vie, dans une perspective de formation. Dans le cas dela RAF, les membres du comité ont rédigé leur récit de formationrelativement à leur appropriation du lire et écrire, dans leur vie.4. Méthode fondée uniquement sur l'expérience

12 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

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Un espace francophone pour les

alphanautesYves Otis, coordonnateur du projet Internet Alpha,

Centre de documentation sur l'éducation des adulteset la condition féminine (CDEACF)

En êtes-vous encore aux« ordinausaures » ou êtes-vous déjà des

« alphanautes »? Quel que soit le cas, voicides nouvelles du projet Internet Alpha quivous permettra de vous initier ou de vous

spécialiser en navigation dans les basesde données en français, d'accéder aux

espaces de rencontres virtuelles,et à bien plus encore...

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En juin 1997, le Centre de documentation surl'éducation des adultes et la condition féminine(CDEACF) se voyait confier par le ministère del'Éducation du Québec (Direction générale de laformation des adultes) le mandat de superviseret de développer le volet québécois d'un espacefrancophone en alphabétisation. Ce dernierprojet est le fruit d'une initiative des ministèresquébécois et ontarien de l'Éducation et duSecrétariat national à l'alphabétisation.

Le projet Internet Alpha — nom provisoiredu volet québécois — a pour objectif de favoriseret d'encourager, par une variété de moyens,l'utilisation et l'expérimentation des TIC dansle secteur de l'alphabétisation. Le projet s'adresseaux intervenant-e-s et aux participant-e-s desgroupes populaires autonomes en alphabétisationet des centres d'alphabétisation qui relèventdes commissions scolaires, soit près de 260organismes. À terme, il s'agit que tous cesorganismes puissent avoir accès, sans trop decontraintes, à un ensemble de ressources disponi-bles sur Internet et qu'ils puissent les utiliser. Demême, le projet vise à encourager et à soutenir lamise en place de contenus provenant du milieu.

Une étude menée en 1995 avait permis demesurer l'étendue des besoins en ce qui concernel'apprentissage en ligne dans le secteur de l'alpha-bétisation. À cette période, un grand nombre degroupes ne possédaient pas d'équipement infor-matique ou ne disposaient que d'un matérieldésuet.

Si, depuis l'enquête de 1995, certains progrèsont été observés, le portrait d'ensemble demeurevalide. Les résultats de la consultation que nousavons menée au cours de l'automne 1997 mon-

trent en effet que l'état du parc informatique desgroupes populaires s'est amélioré, mais que fortpeu d'activités de télématique avaient cours dansle réseau de l'alphabétisation au Québec.

Le manque de connaissance des logiciels etdu réseau Internet ainsi que la dispersion dumatériel didactique représentent de sérieuxobstacles à l'élargissement de l'utilisation des TICen alphabétisation. Dans le but précis de favo-riser l'appropriation de ces nouveaux outils decommunication, le projet Internet Alpha offreune série d'ateliers pratiques aux formateurs etformatrices en alphabétisation des commissionsscolaires et des groupes populaires. Ainsi, leprojet a élaboré une formation de base à Internet(courriel, navigation) qui a été offerte à quelquesreprises pendant le printemps 1998 dans lesrégions de Montréal, de Québec, de Chaudière-Appalaches et de la Montérégie. Nous avons prissoin de centrer le contenu de ces ateliers sur lesbesoins spécifiques des formateurs et formatrices,en tenant compte notamment, dans le choix desexemples et des exercices, des caractéristiquesde l'intervention en alphabétisation. De façonindirecte, ces ateliers cherchent à joindre despersonnes qui pourront transmettre leursconnaissances au sein de leurs organismes. Cesformations de base et d'autres plus spécialiséessont prévues pendant l'année qui vient. Entreautres, nous pensons organiser des ateliers quiporteront sur la production de matériel didacti-que destiné à être mis en ligne, sur les techniquesd'animation de conférences électroniques et surl'utilisation d'autres logiciels de communications.

L'élaboration d'un site Web qui rassemblera lesressources disponibles en français sur Internet

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constitue le dernier grand volet du projet InternetAlpha. Le développement de ce site s'inscritdirectement dans la mission du CDEACF, àsavoir réunir et assurer la diffusion la plus largepossible de la documentation qui concerne lesthèmes touchant la formation des adultes.Chaque année, par le biais de son projet destrousses IFPCA, le Centre réussit à faire circulerune grande partie de cette collection documen-taire dans le réseau de l'alphabétisation.

À plusieurs égards, le site du projet InternetAlpha se situe dans le prolongement direct desactivités de diffusion du CDEACF. Ainsi, il serapossible de consulter les bases de données enalphabétisation et en éducation des adultes quele CDEACF a constituées. Le site vise aussi àrendre accessibles — et ce, en exerçant une veilleconstante et une mise à jour régulière desinformations — les ressources disponibles enfrançais sur Internet qui traitent d'alphabétisation.Il offrira une série de pointeurs vers les organis-mes nationaux, vers les autres centres dedocumentation. On y trouvera également desdossiers thématiques (emploi, famille, etc.) misà jour périodiquement. Par le biais de vitrinesrégionales, le site cherchera à refléter la diversitéde la réalité de l'alphabétisation au Québec.Enfin, des espaces de rencontre virtuels — sous formede conférences électroniques — seront aménagéspour permettre tant aux intervenant-e-s qu'auxparticipant-e-s de pouvoir échanger sur desthématiques variées.

Le site est d'abord et surtout conçu comme uncarrefour, un point de départ pour la navigationvers les ressources sur Internet. Le CDEACF n'a

pas le mandat de produire le contenu mais biende mettre en valeur ce qui se fait dans le milieu del'alphabétisation. Par contre, le projet InternetAlpha est en mesure de procurer une aideconcrète à la réalisation d'activités d'explorationdes TIC en alphabétisation. Par exemple, il serapossible d'héberger des contenus (journauxd'apprenant-e-s, sites Web de groupes, etc.)directement sur les serveurs du projet pour lesgroupes qui n'ont ni les ressources, ni l'expertisepour le faire. De plus, le projet Internet Alphacompte offrir une assistance (formation, guide,dépannage) pour l'apprentissage de mise en lignede contenus.

La recherche de collaboration avec les diversprojets qui sont issus du milieu de l'alphabétisa-tion guide la démarche du CDEACF dans laréalisation de ce vaste programme d'activités. Ils'agit tout simplement d'éviter l'éparpillement desénergies, le dédoublement des efforts. Les échan-ges, comme ceux que nous avons amorcés avecle projet Cyberquartier (CECM) et avec nospartenaires ontariens, sont conçus dans un espritde soutien mutuel des initiatives et dans le butd'assurer une grande visibilité aux ressources quise développent en alphabétisation. Ils sont égale-ment, et surtout, motivés par le désir d'offrir auxalphanautes — qu'ils soient intervenant-e-sou apprenant-e-s — un environnement riche,accessible et utile.

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Alpha-BankoDenis Chicoine, Un Mondalire

Les nouvelles technologiesenvahissent de plus en plus nos vies,

et devoir « dialoguer » avec un gui-chet automatique, sans pouvoir

demander d'explications complé-mentaires ni délais de réponse, n'est

pas toujours rassurant pour tout lemonde. Comment décoder son

langage, s'adapter à sa vitessed'opération et à son style ?

Guichet automatique :mode d'emploi.

ContexteL'ébauche de ce jeu a débuté en 1995 par un pro-jet IFPCA qui portait sur un document pédago-gique : « Initiation au guichet ». Ce documentconcernait la terminologie et la syntaxe d'une ins-titution bancaire, soit les caisses populaires Des-jardins.

Nous avions débuté ce projet après avoir uti-lisé en atelier un simulateur de guichet automati-que. En effet, nos participant-e-s utilisaient peules guichets automatiques et ils avaient de gran-des difficultés avec les services automatisés, choseévidente lors de l'expérience avec le simulateur.

Ainsi, il nous est clairement apparu que les ser-vices automatisés représentaient un grand défipour nos participant-e-s qui avaient à confronterautant le médium informatique, le temps allouéaux opérations que la structure écrite du message.

Il est devenu évident que nos participant-e-s,en connaissant la structure, le vocabulaire et lasyntaxe des guichets automatiques, pourraientcomposer plus facilement avec leur stress lors del'utilisation de ce médium informatique.

Nous en avons donc fait un projet IFPCA pourl'année 1995-96. Nous voulions au début nousattaquer à l'ensemble des réseaux automatisés desdiverses institutions bancaires, ou du moins desplus utilisés au Québec. Nous avons donc fait unsondage auprès des participant-e-s des différentsgroupes du RGPAQ, pour connaître le degré d'uti-lisation des services automatisés et des institutionsbancaires. L'ensemble de ces participant-e-s pré-sentaient généralement le même type d'appréhen-sion que les gens d'Un Mondalire. Le sondage fitressortir également que la caisse populaire Des-jardins était, dans une large mesure, l'institutionbancaire la plus utilisée par les participant-e-s...

Face à l'envergure du projet, nous avonsdécidé de centrer notre projet sur les services duguichet automatique Desjardins, ce qui a donnénaissance à notre cahier d'exercices : « Initiationau guichet ».

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Alpha-BankoL'année suivante, pour parachever, dans unecertaine mesure, notre projet initial, nous noussommes attelés à un autre projet visant à familia-riser les participant-e-s avec les services bancairesinformatisés.

Ce projet prit la forme d'un jeu didacti-que portant sur les expressions et les termesemployés par les services automatisés de plusieursinstitutions bancaires. Après une cueillette destermes bancaires, nous les avons compilés en nousbasant sur notre sondage de l'année précédente.Nous n'avons retenu que les huit institutionsles plus utilisées. Cependant, après les avoircontactées, seulement cinq institutions nous ontdonné le droit de nous servir de leurs termes etlogos. Ce sont les institutions représentées dansle jeu.

Ce jeu, Alpha-Banko, permet de mémoriserles termes bancaires dans le cadre d'une activitéludique similaire à un jeu de bingo. Cette appro-che, sous forme de jeu, évacue le stress du guichetlui-même ainsi que de l'effort à fournir ensituation d'apprentissage.

Règles du jeu :

NOMBRE DE JOUEURS

Le nombre de participant-e-s est de deux joueurset plus. Le jeu permet cependant un nombremaximum de 40 joueurs ayant chacun une carte,ou moins de joueurs ayant chacun plusieurscartes.

OBJECTIF

Comme au bingo, le but est de couvrir une ran-gée complète d'une carte avec les petits cartonsservant à cet effet, lorsque tous les termes de cetterangée ont été clamés.

MATÉRIEL

Le jeu Alpha-Banko comprend :• 40 cartes de jeu dont cinq séries de cartes

différentes (8 cartes par série), présentant levocabulaire de cinq institutions bancairesdifférentes. Chaque série de cartes comportedes termes en commun (termes génériquesutilisés par l'ensemble des institutions bancai-res) et des termes spécifiques à l'institutionreprésentée ;

• un tableau de référence présentant l'ensembledes termes ;

• un stylo marqueur non permanent pour cocherles termes sur le tableau de référence ;

• des petits jetons de carton pour couvrir les ter-mes sur les cartes ;

• une liste des termes et expressions communesaux cinq institutions ;

• cinq listes de vocabulaire spécifique (une parinstitution bancaire) ;

• une liste des termes bancaires dont le sens estsimilaire (plus ou moins des synonymes) ;

• une liste des verbes les plus utilisés ;• une feuille présentant des informations géné-

rales sur les services bancaires automatisés.

DÉROULEMENT DU JEU

Le jeu est composé de cartes présentant des ter-mes et expressions bancaires (à la place des nom-bres comme au bingo) regroupés sous les lettresdu terme « Banko » ainsi que d'un tableau deréférence où se retrouve l'ensemble des termeset expressions bancaires. L'une des personnes(animateur ou participant avancé) doit être lemeneur de jeu. Le meneur de jeu pige un nombreet clame le terme ou l'expression bancairecorrespondant au nombre, sur son tableau deréférence. Chaque fois que l'un des joueursretrouve le terme ou l'expression sur sa

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carte, il la couvre d'un petit jeton. Quant aumeneur de jeu, il raye au fur et à mesure, avec unmarqueur effaçable, les termes et les expressionssur son tableau de référence.

Le gagnant est la personne qui, la première,réussit à couvrir une rangée complète sur sa carte.Il y a plusieurs variantes pour remporter lavictoire. En effet, un joueur peut décider decouvrir l'ensemble de la carte, ou une rangéeprécise dans un sens précis, ou bien les quatrecoins, etc. Le niveau de difficulté peut alors variergrandement selon le déroulement adopté et lenombre de cartes utilisé par chacun des joueurs.On peut se servir aussi, de façon simultanée, descartes de diverses institutions bancaires oud'une seule institution à la fois, selon les besoinsexprimés par les participant-e-s.

Alpha-Banko a été expérimenté quelques foisen atelier pour confirmer sa validité auprès desparticipant-e-s de divers niveaux. Les résultats sesont avérés satisfaisants, bien que l'on ne puissevérifier, dans un aussi court terme, l'atteinte del'objectif principal, soit une utilisation facilitée desservices bancaires automatisés. Par contre lafamiliarisation des participant-e-s avec les termesbancaires était directement vérifiable et trèsprobante.

Utilisation en atelierDans l'atelier, l'expérimentation du jeu apermis de cerner certaines erreurs et surtout deréaliser l'importance de moduler le niveau dedifficulté, par exemple par le nombre de cartesdistribuées à chacun lors de l'utilisation avec desparticipant-e-s de divers niveaux. En effet, pourles débutant-e-s, le jeu présentait au début uncoefficient de difficulté dont ils n'ont pas ou peuconscience et qui peut être dans un premier tempsrébarbatif. Il est donc important d'atténuer lesdifficultés par une répartition minimale descartes de jeu lors d'une première utilisation. Parailleurs, le rythme de déroulement du jeu doitaussi varier et devenir de plus en plus rapide poursoutenir l'intérêt et amener les participant-e-sà une vitesse de décodage qui permette lacompréhension des messages affichés, dans letemps alloué aux guichets automatiques. De

toute façon, l'un des aspects les plus frappants lorsde l'utilisation répétitive du jeu est la diminutiondu temps requis pour jouer une partie et donc, defaçon inhérente, l'apprentissage des termes parles participants.

Par ailleurs, pour vérifier à moyen terme untransfert des acquis avec les participant-e-s,il apparaît nécessaire, dans la plupart des cas,d'exercer un suivi. Une visite en atelier desguichets automatiques bancaires peut s'avérer unexercice complémentaire et primordial pourencourager le passage de la théorie (bonneconnaissance des termes bancaires et de lastructure des messages affichés) à la pratique(utilisation des services bancaires automatisés).Cette visite en atelier permet donc dans unpremier temps de mesurer les acquis en termed'apprentissage du vocabulaire bancaire et, dansun deuxième temps, de mesurer les acquis lors del'accès effectif au système bancaire informatisé.

Cette évaluation informelle constitue ladernière étape de ce processus d'apprentissageludique. Elle doit préférablement être effectuéeaprès une expérimentation assez importante dujeu avec le même groupe d'apprenant-e-s pourne pas les mettre en situation d'échec. Ce typed'évaluation informelle leur permet de constaterpar eux-mêmes, à la fois leur apprentissagenotionnel (vocabulaire bancaire) et leur progrèsdans le décodage des messages affichés dans lesservices automatisés. Ils perçoivent donc directe-ment les barrières qu'ils ont franchies vis-à-vis deces services, devenus quasi inévitables à utiliserdans la vie courante.

Pour plus d'informations sur Alpha-Banko,vous pouvez contacter Un Mondalire partéléphone au (514) 640-9228 ou par télé-copie au (514) 640-9443.

18 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

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Conférencede Hambourg : revoir nos pratiques

Jean-François Aubin,Économie communautaire

de Francheville (ECOF)

LPromouvoir une culture de

l'apprentissage, consacrer « uneheure par jour pour apprendre »,

introduire l'éducation en milieude travail, organiser des réseauxd'apprentissage afin d'instaurerla société éducative : il ne s'agit

pas des élucubrations dedoux rêveurs, mais desrecommandations de la

Conférence des Nations Uniessur l'éducation des

adultes de 1997.

e 11 juin dernier, le gouvernement duQuébec rendait public le document Vers unepolitique de la formation continue . Ce projet depolitique, dans lequel il est question de l'éduca-tion et de l'alphabétisation populaire, serasoumis à une consultation publique cet automne.Nous ne pouvons que souhaiter que tous lesparticipants et participantes à cette consultations'inspirent, pour leurs interventions, du contenude la Cinquième conférence internationale surl'éducation des adultes tenue à Hambourgen juillet 1997. Mme Marois, ministre del'Education, était au nombre des 1 507 partici-pants et participantes provenant de 135 paysqui ont pris le temps de réfléchir à l'avenir del'éducation des adultes. Nous pouvons retrouverl'essentiel des délibérations de ces personnesdans deux documents, soit la Déclaration deHambourg et l'Agenda pour l'avenir. Il fautsouligner également que les travaux de laConférence de Hambourg ont été fortementcolorés par les réflexions de la CommissionDelors (L'éducation : un trésor est caché dedans,UNESCO, 1996).

Contrairement à ce que l'on est habitué de voirces dernières années, la Déclaration de Hambourgaborde l'éducation dans une perspective huma-niste. On retrouve l'être humain au cœur del'éducation des adultes et non l'économie. LaDéclaration de Hambourg précise que l'objectifultime de l'éducation devrait viser à « créer unesociété éducative attachée à la justice sociale et aubien-être en général.

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L'ensemble de la Déclaration s'appuie sur cesquatre principes de base :• un développement axé sur l'être humain ;• l'établissement d'une société à caractère par-

ticipatif ;• l'importance des droits humains ;• un développement qui doit être durable et

équitable.

Est-ce que l'on parle des mêmes choses ?Pour bien savoir de quoi nous parlons, il estimportant de s'entendre sur les mêmes définitions.La Conférence de Hambourg a pris la peinede reprendre quelques définitions majeures.Elle définit l'éducation des adultes de la façonsuivante :

« L'ensemble des processus d'apprentissage, formelsou autres, grâce auxquels les individus considéréscomme adultes dans la société à laquelle ils appar-tiennent développent leurs aptitudes, enrichissentleurs connaissances et améliorent leurs qualificationstechniques ou professionnelles. »

Une des précisions importantes de cettedéfinition, c'est qu'elle englobe autant les proces-sus formels (souvent scolaires) et les autres(l'ensemble des autres lieux d'éducation compre-nant l'éducation et l'alphabétisation populairesautonomes).

Selon la Déclaration de Hambourg l'éducationdes adultes devrait permettre d'atteindre quatreobjectifs :1. développer l'autonomie et le sens des respon-

sabilités des individus et des communautés ;2. permettre de mieux faire face aux transfor-

mations qui affectent notre société ;3. promouvoir la coexistence et la tolérance ;4. promouvoir une participation éclairée et créa-

tive des citoyens et des citoyennes à la collec-tivité.Il est intéressant de se demander si nos prati-

ques d'alphabétisation populaire permettent d'at-teindre ces objectifs.

Et l'alphabétisation dans tout cela ?La Déclaration de Hambourg retient une défini-tion large d'alphabétisation. Elle utilise d'ailleursbeaucoup plus le terme « éducation de base ». LaDéclaration se réfère à une définition issue d'une

conférence précédente sur l'éducation de base(Jomtien, 1990) :

« Ces besoins concernent aussi bien les outilsd'apprentissage essentiels (lecture, écriture, expressionorale, calcul, résolution de problèmes) que lescontenus éducatifs fondamentaux (connaissance,aptitudes, valeurs, attitudes) dont l'être humaina besoin pour survivre, pour développer ses facultés,pour vivre et travailler dans la dignité, pourparticiper pleinement au développement, pouraméliorer la qualité de son existence, pour prendredes décisions éclairées et pour continuer àapprendre. »

Plusieurs publications récentes insistent surl'importance de parler moins d'alphabétisation etplus d'éducation de base ou de formation de base(voir « Alpha 97»). Au-delà du débat de mots,il y a un débat de conceptions, qui, quant à elles,déterminent des pratiques différentes. N'est-ilpas vrai que parfois, dans nos pratiques, noustravaillons plus avec une notion restreinte de« l'alphabétisation » par rapport à une dimensionplus ouverte de formation de base ? En alphabéti-sation populaire, la lecture et l'écriture ne sontpas une fin en soi, mais des moyens pour arriverà une émancipation. Au nom de cette logique,ne devrions-nous pas nous préoccuper de rendreles individus habiles à résoudre des problèmesautant sur un plan individuel que collectif ?Ou encore d'avoir une base minimale en infor-matique, puisque c'est devenu un apprentissagede base dans notre société ?

Une société éducative...Une des pièces maîtresses autour de laquelles'articulent les propositions de la Conférence deHambourg, c'est de développer une sociétééducative. La Déclaration affirme qu'il fautdévelopper une nouvelle conception qui« appelle une véritable organisation en réseaux ausein des systèmes formels et non formels etoù elle exige de l'innovation et davantage decréativité et de flexibilité. »

À l'heure actuelle, il existe bien plusieursréseaux d'éducation des adultes mais les liens, lespasserelles entre ces divers réseaux, sont faibles,voire inexistants. La condition première pourfavoriser la création de tels liens serait probable-

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ment la reconnaissance et le soutien financierà ces différents réseaux. Jusqu'où l'établissementde passerelles peut-il progresser sans cettereconnaissance et ce financement ? Ce n'est pasimpossible, mais ce n'est pas facile.

La société éducative implique également despratiques où l'adulte est à tour de rôle enseignantet enseigné (cela rappelle peut-être quelquessouvenirs à ceux et à celles qui ont lu avec passion« Une société sans école » de Ivan Illitch, écrit autournant des années 70).

Quelle place donnons-nous à la culture et ausavoir des apprenants et apprenantes en alphabé-tisation ?

Une société éducative, c'est une société où l'onoffre une très large diversification de parcours pourpouvoir répondre aux différents besoins. Nousn'apprenons pas tous et toutes de la mêmemanière, au même rythme, dans les mêmeslieux, etc.

À ce titre, il faudra reconnaître de plus en plusle rôle crucial des organismes d'éducation etd'alphabétisation populaires en plus de valoriserles autres moyens d'éducation, telles la formationà distance, les émissions de télévision éducatives,les bibliothèques, les institutions culturelles, etc.

Une société éducative, c'est également unesociété où on retrouve une notion d'alphabétismequi fait référence aux attitudes, aux perceptionsainsi qu'aux pratiques de lecture et d'écriture.Apprendre à lire et à écrire est une chose, maisconserver ces apprentissages en est une autre.

C'est aussi de reconnaître ces différents appren-tissages par des formes simples de reconnaissancedes acquis et de certification des apprentissages.La Déclaration de Hambourg prône une culturede l'apprentissage et propose même de joindrele mouvement « une heure par jour pourapprendre ». Elle demande aux Nations Uniesd'instaurer une semaine pour l'éducation desadultes.

Éducation, économie et travailUn des réseaux d'éducation possibles, maisencore très peu utilisé, est celui du travail. Celademande une modification en profondeur denotre vision du monde du travail, mais pourquoicela ne serait-il pas des lieux d'éducation ? Par

exemple, en Mauricie, des entreprises d'économiesociale expérimentent une formule où, chaquesemaine, les employé-e-s se donnent une heured'éducation populaire pour échanger et seformer sur différents sujets d'actualité. Celapermet d'élargir un peu le cadre de la formationen entreprise qui actuellement est, plus souventqu'autrement, une formation professionnellepour des besoins à très court terme.

Dans nos pratiques éducatives, il fautégalement tenir compte, tout en y réfléchissant,du fait que le marché du travail se transforme.Le salariat perd sans cesse du terrain au profit dustatut de travailleur autonome ou indépendantpour le meilleur et pour le pire. Comment tenons-nous compte de cette mutation ?

Selon « l' Agenda pour l'avenir » préparélors de la Conférence de Hambourg, il fautaussi intégrer à l'éducation des adultes uneanalyse critique par rapport au monde économi-que et à son fonctionnement.

Priorité à l'éducation de baseUn des dangers de se donner un plan d'actionambitieux, c'est de tout considérer comme étantd'égale importance et de tout faire, mais peu. LaDéclaration de Hambourg évite le piège et lanceun message clair : l'éducation de base est une prio-rité. Elle clame que :

« L'alphabétisation, conçue dans une acceptationlarge comme l'acquisition des connaissances et com-pétences de base dont chacun a besoin dans un mondeen rapide évolution, est un droit fondamental de lapersonne humaine. »

La Conférence a proposé également de« resserrer les liens avec d'autres domaines tels lasanté, la justice, l'aménagement urbain et rural ».Autrement dit, nous devons continuer à mettreà jour notre analyse de la société, pour pouvoirlier nos pratiques d'éducation aux vécus despersonnes avec lesquelles nous travaillons. Si cen'est pas fait, qu'attendons-nous pour réaliser parexemple des ateliers d'alphabétisation sur levirage ambulatoire ?

D'ailleurs l'Agenda pour l'avenir va plusloin et propose « d'associer les apprenants àla conception des programmes ». Les stratégiesd'apprentissage doivent être axées sur

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l'apprenant et sur l'apprenante : on doit utiliserleurs connaissances.

La Déclaration suggère également que l'année1998 soit le début d'une décennie de l'alphabéti-sation en l'honneur de Paulo Freire, pédagoguebrésilien mort en 1997, qui a inspiré l'ensembledes pratiques d'éducation populaire. À ce propos,en décembre dernier, l'Assemblée générale desNations Unies a adopté une résolution sur l'édu-cation pour tous, réaffirmant l'importance del'alphabétisation en tant que droit fondamentalet élément de progrès social. La résolution inviteégalement les Nations Unies et l'UNESCOà consulter les pays sur l'idée de lancer unedécennie consacrée à l'élimination de l'analpha-bétisme.

Le rôle du politiqueLa Conférence lance un message précis à nos gou-vernements en affirmant que :

« L'État demeure le rouage essentiel pour garantirle droit à l'éducation pour tous et définir les grandeslignes de la politique éducative. Il doit permettre auxindividus d'exprimer leurs besoins et leurs aspira-tions en matière de formation et d'accès à l'éduca-tion toute leur vie. »

Cet énoncé confronte directement le courantde pensée néolibérale qui veut que l'Etat sedésengage le plus possible et laisse faire les forcesdu marché. D'ailleurs la Conférence demande auxgouvernements de réinvestir en éducation desadultes, c'est une urgence. Notre gouvernementfera-t-il la sourde oreille à toutes ces interpella-tions ? Et nous, sommes-nous capables de nousévaluer et de remettre en question nos pratiques ?Quelles seront nos nouvelles pratiques d'alpha-bétisation populaire pour répondre aux réalitésd'aujourd'hui et non à celles d'hier ?

Ce texte est librement et largement inspiré d'un document produitpar le CDEACF : Où s'en va l'éducation des adultes?, avril 1998.

Le Comité national canadien de l'OrganisationMondiale pour l'Éducation Préscolaire (OMEP)nous conviait, cet été, à assister au séminaireinternational qui avait pour thème Le livre etl'enfant. Plus de 30 pays y étaient représentés afinde faire connaître les projets, les recherches et lesexpériences en lien avec le sujet qui nous réunis-sait. L'École de la vie de Longueuil, grouped'alphabétisation populaire qui intervient pourprévenir l'analphabétisme en soutenant lesparents d'enfants de moins de douze ans, arépondu à cette invitation avec un vif intérêt.

Nous avons donc assisté à une grande variétéde conférences. Ainsi, la prévention de l'anal-phabétisme arborait parfois des facettes fortoriginales. Que ce soit des projets de création surordinateur ou une expérience de « conte sur roues »,en passant par l'utilisation de la métaphorecomme moyen de communication ou par unprogramme d'accessibilité au livre pour lesenfants qui vont visiter un parent en prison, bref,les moyens pour donner le goût de la lecture sontvariés. Voici donc un résumé des conférences qui

ont retenu notre attention.

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OMEP-Canada

Josée Martin et Sandra Chastenay,L'École de la vie de Longueuil

Des comptines aux phonèmes, de la magie des contesà l'écrit, petit à petit les enfants s'initient, en compagniede leurs parents, à l'amour des livres et à l'apprentissage

du langage écrit : toute occasion d'interactionavec les livres, même pour des bébés, concourt

à la prévention de l'analphabétisme.

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Avant de pouvoir lire,

que savent les enfants sur l'écrit ?Sofia Vernon (Mexique)

Bien avant de savoir lire comme nous, lesenfants sont capables de reconnaître les rimes,les syllabes, les phonèmes. Leur capacité deprédiction des rimes dans les comptines oules chansons est un bon indice quant à leurcapacité future de lire et d'écrire. Les enfantsqui sont régulièrement en contact avec lescomptines, les « rimettes », les livres, appren-nent les codes du langage et développent leurhabileté phonologique.

Les bébés et les livresMarie Bonnafé (France)

Le fait de lire des histoires aux tout-petits lesmet en contact avec le langage du récit, un lan-gage qui se parle et qui peut s'écrire. Le lan-gage du récit est différent du langage factuel(journalier), il est découpé dans le temps et faitdavantage appel à la mémoire.Dans les milieux défavorisés surtout, on inté-resse les parents à la lecture en lisant des histoi-res à leurs enfants dans les salles d'attente descliniques. Les parents sont à même de consta-ter la magie qu'exercent les livres sur tous lesenfants. Ils peuvent également observer l'ani-matrice et s'en inspirer, tout cela s'opérant dansun cadre informel et non menaçant.

La lecture de livres d'histoire aux enfantsà risque : un outil de développementL. St-Laurent, J. Giasson, A. Boisclair (Québec)

Le GRIED (groupe de recherche de l'univer-sité Laval) a mis sur pied un programme axésur l'émergence de l'écrit à la maternelle. Ceprogramme s'appuie sur le constat que 50 %des doubleurs en lrc année seront décrocheursau secondaire. Il vise donc l'acquisition de basessolides au niveau des connaissances, deshabiletés et des attitudes face à l'écrit.Le programme s'inscrit en sept volets dans desclasses de maternelle situées dans des quartiersdéfavorisés de Québec. L'évaluation montre

qu'à la fin de l'année les élèves des groupesexpérimentaux performent mieux au niveaude l'émergence de l'écrit que ceux des autresgroupes1.

Éducation familiale, perspectives etpratiques : allier l'école et la maisonpour stimuler la lecture et l'écritureLesley Mandel Morrow (États-Unis)

Ce programme scolaire d'alphabétisationfamiliale s'adresse aux familles de milieu urbainqui vivent dans des conditions difficiles. Ilvise à donner aux parents un modèle destimulation pour leur enfant, partant du faitqu'ils en sont les principaux éducateurs. Leprogramme comprend des activités pratiquéesseulement avec le parent, juste avec l'enfantet enfin avec toute la famille.

Stratégies pour la lecture d'histoiresManon Doucet (Québec).

Établir notre propre portrait de lecteur permetde dégager plusieurs stratégies de lecture. Nospremiers souvenirs de lecture, les marques qu'ilsnous laissent, notre rapport avec l'objet, lelivre comme tel, le soigne-t-on ? le prête-on ?en plions-nous les pages ? y écrit-on ? Et nosgoûts, nos choix de livres sont autant de lieuxqui mettent en évidence des stratégies delecture transférables2.

La métaphore : un outil de communicationLise Lemelin (Québec).

Les métaphores sont écrites spécialement pouraider des enfants en difficulté, afin qu'ils puis-sent se mettre en contact avec leurs sentiments,les exprimer en ouvrant des portes de l'incons-cient et en brisant la résistance. La métaphoreest une mise en scène faite à partir de figurineset d'éléments de décor, elle réfère en fait au vécude l'enfant. Il s'agit d'un conte en trois dimen-sions avec lequel les enfants peuvent interagir.À travers l'histoire, on retrouve un personnagequi représente l'enfant ciblé, et le déroulementvisera à lui transmettre des apprentissages sousforme de voies de résolutions heureuses lui cor-

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respondant. Cette technique donne des résul-tats probants chez les enfants visés et dans toutle groupe en général.

La lecture avec amourVéronique Brisson (Québec)

Lecture avec amour, c'est le titre d'un programmecomprenant trois volets. Dans le premier volet,les parents s'engagent à participer trois fois parsemaine, chez-eux, à des sessions de lecture avecleurs enfants. Un deuxième volet consiste plutôten un jumelage d'enfants de la maternelle oùensemble, deux fois par semaine, on regarde deslivres. Le dernier volet sera le jumelage d'unenfant de 5e année qui s'engage à faire la lecture àun enfant de la maternelle. Un document qui faitétat de la marche à suivre de ce programme a étéproduit par la commission scolaire desDécouvreurs.

Le collectif de recherche pédagogique :

Grandir avec les livresCécile Cloutier (Québec)Les contes sur rouesMarie-Josée Trudel (Québec)

Ce collectif a mis sur pied des programmesqui visent la prévention de l'analphabétismeet du décrochage scolaire. Ces programmess'adressent à une clientèle vulnérable etdifficile à rejoindre. Ce sont surtout des mèresmonoparentales, souvent démunies et endétresse, référées par le CLSC, qui participentà ces programmes. On y fait la promotion dela lecture comme d'un préparatif important del'école. Les programmes tiennent compte de lapeur que les livres inspirent aux parents du faitqu'ils les mettent face à leurs limites.

Projet du groupe ACCES (Actions culturellescontre les exclusions et les ségrégations)Christine Rosso (France)

Un programme où s'associent la bibliothèque,l'école et les services sociaux afin que, pendantau moins un an et à raison d'une fois parsemaine, des groupes de parents et leurs

enfants soient mis en présence d'animatricesqui racontent des histoires autour d'un livre.Ces rencontres ont pour but de convaincre lesparents des plaisirs et bienfaits de la lecture viala réaction des enfants. Ces derniers peuventécouter à leur guise les histoires, on ne les obligepas à interagir, sachant qu'ils peuvent êtreattentifs même à distance.

Des actions intégrées pourprévenir l'analphabétismeHélène Tremblay, François Blain (Québec)

De A à Z, on s'aide ! est le nom d'un projetde recherche-action en prévention de l'anal-phabétisme de la commission scolaire Jacques-Cartier qui s'adresse aux familles du quartierLionel-Groulx à Longueuil. En collaborationavec des intervenant-e-s provenant de différentssecteurs, cette équipe met sur pied des projetsvisant à outiller les parents dans leur rôled'éducateur et à favoriser le développement desenfants âgés de 0 à 4 ans lors de leurs premierscontacts avec l'écrit.À la lumière de toutes ces informations, nouspouvons conclure que les premières années dedéveloppement sont effectivement crucialesdans le développement des habiletés quant àl'apprentissage du langage écrit. Bien quel'informatique prenne de plus en plus de placeet suscite un grand intérêt de tous et toutes,il semble que le livre aura encore une placed'honneur dans les moyens d'éveil à l'écrit etdans la transmission de connaissances.

1. On peut se procurer une copie de la description de la rechercheen contactant l'une des conférencières au Département de psycho-pédagogie de l'Université Laval.2. On peut se renseigner davantage en communiquant avec ManonDoucet au Département des sciences de l'éducation de l'Université duQuébec à Chicoutimi.

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La santé mentale :une problématique en marge

mais loin d'être marginaleRichard Boyer et Caroline Boucher1

D

Cette recherche est née de larencontre de deux problématiques : d'une

part l'analphabétisme et de l'autre la santémentale dans le sens de bien-être général. Carl'analphabétisme ce n'est pas seulement ne pas

savoir lire et écrire. C'est aussi le manqued'estime et la dévalorisation de soi, ainsi

qu'un ensemble de contraintes qui, à terme,peuvent mener à la dépression et renforcer

l'exclusion. D'où la nécessité pourles groupes d'alphabétisation demobiliser d'autres intervenants.

ans cet article, nous présenterons les faitssaillants d'une recherche sur la santé mentalede personnes ayant des difficultés de lectureet d'écriture et qui sont en processus d'alpha-bétisation au sein des groupes membres duRegroupement des groupes populaires enalphabétisation du Québec (RGPAQ)2. Lesobjectifs principaux de cette recherche visaientd'une part à estimer l'importance des problèmesde santé mentale d'un échantillon de personnesavec des difficultés sévères de lecture et d'écritureet à les comparer d'autre part à la populationgénérale du Québec et à son sous-groupe depersonnes à faible revenu et à faible scolarité.Pour les fins de cette recherche, les problèmesde santé mentale sont définis par un niveau élevéde détresse psychologique, représentant lafréquence de symptômes de dépression etd'anxiété au cours de la dernière semaine, par laprésence d'idées et de gestes suicidaires et parl'auto-évaluation de sa santé générale (physiqueet psychologique) comme étant déficiente.

Trois cent soixante personnes furent sélec-tionnées au hasard afin de participer à uneinterview en face à face. Ce groupe forme unéchantillon représentatif des personnes en pro-cessus d'alphabétisation au sein des groupesmembres du RGPAQ depuis deux ans et plus. Lesparticipant-e-s purent répondre aux questionsportant sur des thèmes souvent très confidentiels,en toute intimité, grâce à des pictogrammesspécialement développés pour cette recherche.En plus de pouvoir évaluer le niveau de santéde ces personnes, les instruments utilisés dansl'enquête ont permis de comparer ces personnesà l'ensemble de la population générale duQuébec et à un sous-groupe de personnesfaiblement scolarisées et pauvres. Ce projet derecherche a permis d'instituer une heureusecollaboration entre des chercheurs universitaireset les intervenants en alphabétisation.

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Effets directs et indirectsde l'analphabétisme sur la santéUn rapport ontarien (Association pour la santépublique de l'Ontario [ASPO], 1990) montre quemoins le niveau de scolarité est élevé, plus mau-vaise est la perception de sa santé. Leigh (1983),s'intéressant aux effets directs et indirects de l'édu-cation sur la santé, a démontré que l'éducationagit positivement sur la santé d'un individu etaffecte indirectement les saines habitudes de vieet les précautions prises dans le choix d'uneoccupation. Grossman (1975) et Feldstein (1979)affirment aussi que le nombre d'années descolarité est l'un des meilleurs prédicteurs de l'étatde santé d'une personne. Par ailleurs, il ne faitaucun doute que des capacités restreintes delecture et d'écriture peuvent constituer desbarrières psychologiques importantes dans lerecours aux services de santé (Tousignant, 1992).

Plusieurs importantes enquêtes réalisées auxÉtats-Unis et au Canada montrent qu'un faibleniveau de scolarisation est associé à une plus forteprévalence de troubles mentaux (Robins et Régier,1991 ; Kessler et ai, Bland, Newman, 1988 ;ministère de la Santé de l'Ontario, 1990). Plusprès de nous, nos recherches révèlent que lespersonnes avec les plus faibles niveaux de scola-rité, mais possédant la capacité de lire et derépondre par écrit à un questionnaire, présententun déficit sanitaire certain. Les analyses, que nousavons réalisées en préparation de cette recherche,révèlent que les personnes faiblement scolariséesprésentent plus de détresse psychologique sévère,qu'elles font plus de tentatives de suicide au coursde leur vie et qu'elles perçoivent leur santé commebeaucoup plus déficiente.

Le rapport ontarien déjà cité attire égalementnotre attention sur les conséquences indirectes del'analphabétisme. On y mentionne : le stress, lesconditions malsaines de vie et de travail ainsiqu'une faible estime de soi. L'analphabétisme aaussi pour conséquence d'entraver les contactssociaux et de rendre ardue la recherche fructueused'un emploi. L'isolement, la honte et le désespoirfont aussi partie de la vie courante d'un bonnombre de ces personnes. Patry (1989) démontreque l'analphabétisme a aussi un effet négatif surl'identité de plusieurs. Leur identité détériorée,

ces personnes s'identifient souvent à un statutinfériorisé et sont dominées par l'échec, le rejet,l'humiliation et la peur.

En 1998, la situation de l'analphabétisme auQuébec demeure inquiétante, malgré les effortsdéployés par les groupes populaires ainsi que parl'éducation des adultes. Le nombre insuffisantde recherches, et tout particulièrement sur lasanté des personnes aux prises avec ces lacunes,accentue de façon indirecte la triste réalité del'analphabétisme au Canada et au Québec. Bienque les écrits relatant des expériences de terrainpeuvent nous donner des indices sur la rela-tion entre l'analphabétisme et la santé, seule larecherche empirique comme celle dont il estquestion ici peut tracer le portrait explicite dela situation (Boyer, Boucher, 1998).

Faits saillantsL'information recueillie grâce à cet échantillonreprésentatif indique que plus de femmes (61 %)que d'hommes (39 %) sont en processus d'alpha-bétisation au sein des groupes membres duRGPAQ. Cela n'est pas surprenant puisque, defaçon générale, les femmes demandent plusfacilement de l'aide, lorsqu'elles sont dans lebesoin. Cette particularité des groupes populai-res d'alphabétisation n'autorise toutefois pas àaffirmer que plus de femmes que d'hommes sontaux prises avec des difficultés de lecture etd'écriture. La grande majorité de l'échantillonest âgée entre 25 et 64 ans (82 %) et possède neufannées ou moins de scolarité (78 %). Les parentsdes ces personnes ont également un faible niveaude scolarité, puisque près de 40 % de leurs mèreset pères n'ont qu'une scolarité primaire. Il estconnu que des déficiences au niveau de lalecture et de l'écriture augmentent la difficulté àobtenir un poste convenablement rémunéréou même à se trouver un emploi. Ainsi, 83 %des apprenant-e-s de cette étude vivent trèspauvrement ou pauvrement.

LA DÉMARCHE D'ALPHABÉTISATION

En moyenne, les personnes que nous avonsrencontrées fréquentaient leur groupe d'alphabé-tisation depuis près de trois ans. Leur motifprincipal de participation consiste à

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acquérir des habiletés en lecture et en écriture,mais aussi à socialiser et à se trouver éventuelle-ment un emploi. L'intensité moyenne deformation reçue par les apprenant-e-s duRGPAQ est de 28 semaines par année, au rythmemoyen de dix heures par semaine. En moyenne,la durée totale de formation est de 750 heureset de 81 semaines.

PERCEPTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ

Les résultats de l'étude montrent que près de 30 %des personnes en processus d'alphabétisationperçoivent leur santé comme déficiente. Cetteproportion est trois fois plus élevée que dans lapopulation générale du Québec et même 30 %plus grande que celle enregistrée chez les Québé-cois peu scolarisés et pauvres.

DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE SÉVÈRE

La détresse psychologique est l'un des thèmesprincipaux de cette recherche. La détresse psycho-logique a été mesurée à l'aide d'une échelleidentifiant des symptômes psychologiques quel'on rencontre souvent chez des individusprésentant des problèmes de dépression, d'anxiété,d'irritabilité ou des problèmes cognitifs. Nousvoulions ici confirmer ou infirmer la perceptiondes intervenant-e-s en alphabétisation selonlaquelle un nombre important de participant-e-sprésentaient beaucoup de détresse psychologiqueassociée, du moins en partie, à leurs difficultés delecture et d'écriture. Selon les critères de l'enquêteSanté Québec de 1992-93 (Boyer, Légaré,St- Laurent, Lebeau, 1995), nous avons estiméque près de six personnes sur dix présentent unniveau sévère de détresse psychologique. Chez cesapprenant-e-s, la prévalence de la détresse sévèreest deux fois plus élevée que celle observée dans lapopulation du Québec et même près de deux foisplus grande que celle des Québécois pauvres et defaible scolarité. Ce constat vient donc supporterempiriquement l'impression des intervenant-e-s.En effet, puisque les apprenant-e-s présententmême plus de détresse que les Québécois àfaible scolarité et pauvres, cela suggère que lesdifficultés de lecture et d'écriture seraient, en partiedu moins, responsables de celle-ci. Néanmoins,

puisque près de 40 % des participant-e-s neprésentaient pas de détresse sévère, cela suggèreaussi que le processus causal unissant l'anal-phabétisme et la détresse psychologique estcomplexe et doit être élucidé.

IDÉATION SUICIDAIRE SÉRIEUSE ET TENTATIVE DE SUICIDE

Près d'une personne sur quatre avec desproblèmes sévères de lecture et d'écriture ditavoir déjà pensé sérieusement au suicide au coursde leur vie et 12 % au cours de l'année avant leurparticipation à l'étude. Pour ces deux périodes deréférence, la prévalence des idées suicidaires esttrois fois plus élevée que chez l'ensemble desQuébécois et 2,5 fois plus grande que chez lesQuébécois peu scolarisés et pauvres. Les sujets del'étude rapportent également cinq fois plusfréquemment une tentative de suicide au coursde leur vie que l'ensemble des Québécois et prèsde trois fois plus souvent que la population àfaible scolarité et pauvre. Pour la période deréférence d'un an avant l'étude, les personnesavec des difficultés sévères de lecture et d'écrituredisent avoir attenté à leur jour neuf fois plussouvent que l'ensemble des Québécois. Lorsqu'ilssont comparés aux Québécois faiblement scolari-sés et pauvres, les répondant-e-s rapportentquatre fois plus fréquemment un geste suicidaire.

STRESSEURS DANS L'ENFANCE

Les séparations dans l'enfance peuvent contribuerà augmenter la vulnérabilité psychologique à l'âgeadulte. En moyenne, le nombre d'événementsstressants survenus avant l'âge de 12 ans est de0,5. Si la majorité des répondants (63 %) n'a pasété exposée à ce genre d'événement dans l'enfance,6 % rapportent avoir perdu leur mère, 13 % leurpère, 21 % ont subi le divorce de leurs parents et15 % ont été placés dans une famille d'accueil.Même s'il est impossible d'affirmer qu'il existe unlien causal entre ces événements et l'analphabé-tisme, nous pouvons d'ores et déjà établir qu'ilexiste un lien entre ces événements survenusau cours de la petite enfance et les difficultésultérieures dans les domaines de la lecture etl'écriture. La recherche montre, en outre, queles personnes inscrites au sein des groupes popu-

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Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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La santé mentale et l'alphabétisation populaire

Nicole Lachapelle

La recherche menée par le Centre Fernand-Séguin en collaboration avec le RGPAQ susciteplusieurs commentaires. D'abord la recherchemontre qu'au-delà du problème social et même àcause de celui-ci, oserais-je dire, il y a denombreux problèmes de santé, y compris de santémentale. Le rapport montre que les personnesfréquentant les groupes ont connu dans leur vieplusieurs situations stressantes (deuil, séparation,placement en famille d'accueil). Cela nous permetde dire que la situation sociale a causé plusieursévénements qui, au-delà d'un « choix » personnelde quitter l'école par exemple, ont déterminé soitl'abandon de l'école, soit l'échec. Ainsi cetterecherche devrait nous aider à élaborer et àdévelopper de nouvelles avenues pour prévenirl'analphabétisme.

D'un autre côté, le rapport nous expliqueassez clairement pourquoi les animateurs et ani-matrices en alpha trouvent leur travail exigeant :ce n'est pas facile de travailler dans un contexteoù plusieurs personnes sont déprimées, ont pensédans leur vie, et même dans l'année en cours,

à s'enlever la vie ! On a beau être polyvalentet bien dynamique, il faut aussi penser à se« ressourcer ».

Du côté de la sensibilisation, on voit aussi qu'ily a encore du travail à faire. Les services deprévention du suicide par exemple devraientêtre approchés pour qu'ils saisissent mieux ladynamique de l'analphabétisme et qu'ils puissentaussi proposer des ressources en alphabétisationsi cela est pertinent. La même chose d'ailleursdu côté de l'ensemble des services en santémentale et en prévention ou en promotion de lasanté mentale.

Il reste qu'il ne faut pas oublier que l'analpha-bétisme, au niveau où il a été mesuré par l'Enquêteinternationale, reste un problème social. Dans cesens, les solutions pour l'enrayer sont d'abordpolitiques. Quant aux effets, ils sont multiples, c'estpourquoi il faut continuer de les démasquer pourpouvoir mieux y trouver des solutions.

Le rapport de recherche est disponible auCDEACF.

laires ont vécu près de trois fois plus souventdes stresseurs dans l'enfance que l'ensembledes Québécois et 1,5 fois plus souvent que lesindividus pauvres et peu scolarisés du Québec. Unde ces événements, soit le placement en familled'accueil, se démarque particulièrement. Eneffet, les personnes aux prises avec des difficultésde lecture et d'écriture ont vécu un tel placementcinq fois plus souvent que l'ensemble de lapopulation québécoise et deux fois plus fréquem-ment que le sous-groupe pauvre et peu scolarisé.

STRESSEURS DE LA VIE QUOTIDIENNE

En moyenne, au cours de la dernière année, lesrépondant-e-s ont vécu un peu plus de troisévénements stressants importants. Comparativement àla population en général du Québec, les par-ticipant-e-sont vécu deux fois plus d'événements stressantsalors que le rapport est d'un peu moins d'unefois et demie en comparaison avec le sous-groupedes Québécois peu scolarisés et à faible revenu. Unefois de plus, les personnes avec des difficultés de lectureet d'écriture de l'étude semblent vivre plus de stressque l'ensemble des Québécois.

SOUTIEN SOCIAL

Le niveau de soutien social des apprenant-e-s estinversement proportionnel à leur âge. De plus,les personnes pauvres et très pauvres affirmentdeux fois plus souvent recevoir peu de soutiencomparativement à celles un peu plus aisées. Enoutre, les personnes percevant leur santé commemoyenne ou mauvaise, tout comme celles quivivent de la détresse psychologique sévère, disentpouvoir compter sur moins de soutien social dansleur environnement. Dans le même sens, il y adeux fois plus de personnes avec peu de soutienqui rapportent des idéations suicidaires au coursde leur vie et même 2,5 fois plus, si l'on ne seréfère qu'à la dernière année. Par ailleurs, au coursdes 12 derniers mois, les tentatives de suicide sontdeux fois plus fréquentes chez les personnessocialement isolées.

ESTIME DE SOI SOCIALE

Les personnes aux prises avec des difficultésde lecture et d'écriture ont un niveau moyend'estime de soi. Les personnes âgées

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Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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65 ans et plus sont celles qui s'estiment le plusalors que les 25-64 ans présentent les profilsd'estime de soi les plus faibles. Compte tenudu fait que ces deux groupes ont évolué dansdes contextes culturels différents où la scola-risation n'avait pas nécessairement la mêmeimportance, il est plausible que cette différencesoit imputable à des styles d'attribution diffé-rents ; l'un peut justifier davantage ces manquespar le contexte social (attribution externe) alorsque l'autre groupe se culpabilise et doute encoreplus de lui-même (attribution interne).

Implications pour l'interventionSelon nos discussions avec les intervenant-e-sen alphabétisation, plusieurs se sentent souventimpuissants face à l'ampleur des problématiquespsychosociales qu'ils rencontrent. Cela n'estpas sans raison puisque les résultats de notreétude démontrent qu'une importante proportionde personnes souffrent de détresse psycho-logique sévère, qu'elles ont ou ont eu desidéations suicidaires ou encore qu'elles ontfait une tentative de suicide. Cette impuissances'explique souvent par le manque d'outils oude formation spécialisée en santé mentale ousur le suicide.

Il nous semble donc opportun de mieuxformer les intervenant-e-s à identifier lesproblèmes psychologiques et les crises suicidai-res ainsi que de faire connaître les ressourceslocales en santé mentale et en prévention dusuicide, et ce autant pour les intervenant-e-sen alphabétisation que pour les personnes enprocessus d'alphabétisation. Il est aussi indispen-sable de démystifier les tabous entourant cesproblématiques.

Par ailleurs, l'accès à un psychologueconnaissant bien la problématique de l'alpha-bétisation en milieu populaire pourrait êtrebénéfique pour les intervenant-e-s qui éprouventun besoin de soutien ou de ventiler. Parconséquent, ces échanges pourraient, dans unecertaine mesure, protéger les intervenant-e-s,de l'épuisement professionnel. De plus, ceservice pourrait être offert à l'ensemble des

apprenant-e-s qui manifestent le désir de seregrouper et de suivre des ateliers de gestion dustress, d'estime de soi ou tout simplement afinde parler de ce qui les préoccupe. De touteévidence, des gens moins envahis par des pro-blèmes personnels peuvent se concentrerdavantage sur l'apprentissage et déployer ainsiplus d'énergie à la réussite de leur objectifd'alphabétisation.

BibliographieASSOCIATION POUR LA SANTÉ PUBLIQUE DE L'ONTARIOET COLLÈGE FRONTIER. Le projet alphabétisation et santé (pre-mière étape) : rendre le milieu plus sain et sans danger pour les personnesqui ne savent pas lire, Association pour la santé publique de l'Ontario,Toronto, 1990, 75 pages.BLAND, RC. NEWMAN, SC. ORN, H. « Prevalence of psychiatricdisorders in the elderly in Edmonton » Acta Psychiatrica Scandinavica,n° 77, 1988, pp. 57-63.BOYER, R., BOUCHER, C. La santé mentale des personnes avec desdifficultés sévères de lecture et d'écriture : une problématique en margemais loin d'être marginale, Rapport de recherche, Centre de rechercheFernand-Seguin, Montréal, 1998.BOYER, R., LÉGARÉ, G., ST-LAURENT, D., LEBEAU, A. « Lasanté mentale » in Rapport de l'enquête sociale et de santé 1992-1993,MSSS, Gouvernement du Québec, 1995, pp. 217-255.KESSLER, R. ETAL. « Lifetime and 12-month Prevalence of DSM-III-R Psychiatric Disorders in the United States, results from theNational Comorbidity Survey », Archives of General Psychiatry, n° 51,1994, pp. 8-19.MINISTÈRE DE LA SANTÉ DE L'ONTARIO. Enquête sur la santéen Ontario (ESO), supplément sur la santé mentale, Ministère de laSanté, Toronto, 1990, 64 pages.PATRY, J. « L'évolution de l'identité chez les personnes analphabè-tes », Revue québécoise de psychologie, n° 10, vol. 3, 1989, pp. 67-77.ROBINS et REGIER, D., (Eds.). Psychiatrie Disorders in America :The Epidemiologic Catchment Area Study, Free Press, New York, 1991,449 pages.TOUSIGNANT, M. Les origines sociales et culturelles des troubles psy-chologiques, P.U.F, Paris, 1992.

1. Chercheurs au Centre de recherche Fernand-Séguin, Université deMontréal2. Cette recherche a été réalisée grâce au soutien financier duSecrétariat national à l'alphabétisation, Développement desressources humaines Canada.

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De nombreux organismesont pris l'initiative de travailler,à leur manière, à la prévention

de l'analphabétisme dans toutesles régions du Québec. Après les

consultations de cet automne sur lapolitique de formation continue,on peut se demander si madame

Marois bonifiera son projet depolitique en tenant compte

de la richesse et de la diversitédes expériences menées

sur le terrain.

Le ministère de l'Éducationet la prévention de l'analphabétismeBien que ce ne soit pas d'hier que le RGPAQclame la nécessité de travailler à prévenirl'analphabétisme1, c'est depuis peu que leministère de l'Éducation du Québec (MEQ)s'intéresse à la question. En 1996 la Directionde la formation générale des adultes (DFGA),qui s'occupe entre autres des interventionsen alphabétisation, a commencé par publierun document faisant état de la situation2.Puis, au printemps 1997, un autre documentassorti de propositions d'actions voyait lejour. On y trouve entre autres un but priori-taire :

« Le but à atteindre en matière de préventionde l'analphabétisme est de faire en sorte que tousles Québécois et toutes les Québécoises puissent s'ap-proprier l'écrit selon leurs objectifs, leurs besoins etleur culture, pour leur mieux-être et celui de lacommunauté. »et deux objectifs principaux :• «favoriser une meilleure appropriation de l'écrit

parmi les familles des milieux populaires ;• contribuer au maintien des capacités de lecture

et d'écriture des adultes des milieux populaires. »

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Qu'en est-ilde la préventionactuellement ?

Pour le premier objectif, on cible les enfantsde 0 à 9 ans et on souhaite passer par les parentsen leur offrant de la formation pour améliorerleurs compétences parentales. Pour le secondobjectif, on pense s'adresser à l'ensemble desadultes, mais on prioriserait les adultes sanstravail, ceux et celles qui occupent des emploissusceptibles de disparaître, leurs employeurs, lesjeunes adultes sans diplôme, les parents de jeunesenfants et les immigrant-e-s peu scolarisé-e-s. Cetobjectif est assez large bien qu'on oublie lespersonnes qui ont des besoins spécifiques commeles personnes sourdes ou aveugles ou celles ayantun handicap intellectuel. Si on améliorait parexemple l'enseignement aux personnes sourdes enrespectant leur culture et en reconnaissant leurlangue, cela aurait sûrement un impact sur le tauxd'analphabétisme de ces personnes3.

Quant aux pistes d'action, elles interpellentd'abord le milieu de l'alphabétisation et del'éducation des adultes. La définition des actionsde prévention se rapproche de bon nombred'activités qui ont déjà cours dans les milieuxcommunautaires. On propose que les servicesexistants puissent avoir un financement stable età long terme pour qu'ils puissent intégrer laprévention dans le cadre de leur travail, mais, dansle même souffle, on précise que « Dans lecontexte actuel de restriction des ressources financiè-res et humaines, il faut viser la complémentarité etla cohérence des services et des projets, et promouvoirdes pratiques et des projets qui nécessitent peu de res-sources 4 ».

Dans le même document toujours, on souhaiteaussi la diffusion des connaissances dans ledomaine, comme les approches, les outils, lematériel, les critères de réussite et les modèlesd'évaluation déjà définis.,

Une recension de 53 projets de préventionmenés par les intervenant-e-s en éducationdes adultes au Québec a déjà été faite parSylvie Roy5. Par contre, on connaissait peu cequi se fait en prévention en dehors du réseaude l'alphabétisation. Pour avoir un portrait pluslarge de la situation, le RGPAQ s'est associé àl'École de la vie pour publier un répertoire deprojets de prévention, projets menés par desorganisations dont l'alphabétisation n'est pasla priorité. L'objectif était double : montrer qu'ilse fait de la prévention sur le terrain et offrir lapossibilité aux groupes d'alphabétisation deconnaître d'autres projets pour s'en inspirer oupour créer des partenariats dans leur milieu.Ainsi, en moins de quatre mois, plus de 150projets ont été répertoriés à travers le Québec.Le document est à paraître et sera disponibleau RGPAQ.

Pour les fins du répertoire, nous avons ainsidéfini la notion de prévention de l'analphabé-tisme :

« L'analphabétisme est une problématiquecomplexe où s'entremêlent les causes socia-les, culturelles, économiques, scolaires etfamiliales. La prévention de l'analphabétismese caractérise par une intervention à longterme centrée sur les familles des milieuxpopulaires dans une approche systémiquequi tient compte des milieux social, économi-que et culturel des personnes rejointes. Leschamps d'action pour agir en prévention sontl'école, le milieu de vie et la famille.

Il existe trois niveaux d'intervention àl'intérieur desquels il est possible d'agir

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Bonne nouvelle donc,puisque du travail se fait sur

le terrain pour éviter quel'analphabétisme

se propage.

auprès des personnes touchées par l'anal-phabétisme. Le niveau primaire consiste àéviter le problème à la source, à intervenirsur les causes et à agir avant que les diffi-cultés ne se produisent. Le niveau secondairefavorise le dépistage précoce et l'actiondès l'apparition d'un problème. Le niveautertiaire permet de réduire les effets et lesimpacts d'un problème.

La prévention de l'analphabétisme vise,par l'appropriation de l'écrit, une améliorationdes conditions de vie socio-économiquedes personnes et familles, le développementde la prise en charge individuelle et collectiveainsi qu'une reprise de pouvoir des personneset familles sur leur environnement. »

On s'attendait à trouver une cinquantainede projets. On en a trouvé plus du triple en peude temps ! Il faut souligner le travail exception-nel du groupe Économie communautaire deFrancheville (ÉCOF) qui était mandaté pour lacueillette des données. Parions qu'avec un peuplus de temps, on en aurait trouvé beaucoupplus !

Bonne nouvelle donc, puisque du travail sefait sur le terrain pour éviter que l'analphabé-tisme se propage. Évidemment, le principal pro-blème reste la pauvreté et même l'appauvris-sement grandissant d'une bonne partie de lapopulation québécoise. Si on n'intervient paslà-dessus, on aura beau travailler très fortsur les autres aspects de l'analphabétisme, onrisque d'avoir peu de résultats.

LA PRÉVENTION DE L'ANALPHABÉTISME...

BEAUCOUP SE SENTENT CONCERNÉS

Mais ne nous laissons pas décourager etvoyons un peu comment la situation se présentesur le terrain. Des projets se mènent dans tou-tes les régions du Québec. Encore là, rappe-lons que la cueillette des données n'a pas étéexhaustive, il y a donc des projets qui existentet dont, pour toutes sortes de raisons, nousn'avons pas entendu parler. Qui mène cesprojets ? Des maisons de jeunes, des maisonsde la famille, des centres d'éducation populaire,des centres communautaires, des centres defemmes, des bibliothèques, des CLSC, descentres de bénévolat, etc. Des partenariatssont développés avec les municipalités, lesressources du quartier ou de la communauté,les écoles, les parents, la police, etc.

Dans ce répertoire, nous avons présenté etdéfini les activités de prévention de l'analpha-bétisme. D'abord au niveau primaire, il y a lesactivités d'animation autour du livre, des acti-vités de stimulation précoce et d'améliorationou de développement des compétences paren-tales ; au niveau secondaire, il y a les activitésd'aide au devoir, avec ou sans interventionauprès des parents et les actions de préven-tion du décrochage scolaire. Pour les fins durépertoire, nous n'avons pas retenu d'activitésde niveau tertiaire.

Pour en savoir plus sur les différents projets,il faudra vous plonger dans le répertoire.Véritable source d'inspiration, le document estaussi une mine d'informations sur les projets,sur ceux et celles qui les mènent, sur lessources de financement, etc. On y reconnaît ledynamisme du mouvement communautaire !

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Finalement, on élargit les pistes d'action à laFormation générale des jeunes du MEQ et auxautres ministères et organismes.

À la lecture de ce document, des inquiétudesdemeurent : il faudra d'abord que le pland'intervention comporte des mesures concrètespour lutter contre la pauvreté et l'appauvrissementgrandissant d'une partie importante de lapopulation. Pour ce faire, il faudra aligner deschiffres et des dollars.

Il faudrait aussi encourager l'innovation,permettre le développement d'initiatives,soutenir leur mise en place, diffuser les résultatsplutôt que d'imposer un modèle qui fonctionnaitbien dans un contexte donné mais qui, imposéà un ensemble, montrera des lacunes. Au MEQon est souvent tenté d'imposer « le » modèle.

Il faut espérer que le fameux plan d'actioncontre l'analphabétisme retiendra cet élargisse-ment de la perspective et ne viendra pas couperl'herbe sous le pied aux groupes qui ont décidé,bien avant que le MEQ ne s'y intéresse, des'attaquer au problème. En effet, il y en aplusieurs qui interviennent déjà sur le terrain.

Il est rassurant de constater que beaucoup desecteurs, beaucoup d'intervenant-e-s se sententdéjà concernés et ont choisi d'intervenir àleur manière dans la lutte à l'analphabétisme.Il ne faudrait surtout pas qu'un seul secteurs'approprie l'intervention en ce domaine. Déjàle ministère de la Culture, avec son projet depolitique sur la lecture et le livre, a fait un pasintéressant. Bien sûr, il en reste plusieurs autres àfaire et, surtout, il ne faudrait pas lésiner sur lesmoyens. On a malheureusement tendance àajouter sans cesse de nouveaux mandats auxorganismes sans ajouter de ressources. On estencore loin du véritable sens du mot prévention !

La principale cause de l'analphabétisme restela pauvreté. L'enquête internationale en alphabé-tisation a, elle aussi, confirmé le lien entre lerevenu et le niveau d'alphabétisme ; les récits devie des participant-e-s en alphabétisation lemontrent très bien : le manque de ressourcesfinancières entraîne des problèmes fréquents desanté, de malnutrition, d'absentéisme à l'école

ainsi que des déménagements fréquents, desretards dans le cheminement scolaire, unmanque de motivation, un abandon précoce del'école pour tenter de gagner un revenu, etc.

Si on n'intervient pas sur la cause principale,en n'adoptant pas, par exemple, la claused'appauvrissement zéro, en n'augmentant pasle revenu des personnes sur l'aide sociale ouen n'augmentant pas le salaire minimum,les meilleures interventions de prévention nepourront pas régler grand chose.

1. Déjà dans le mémoire du RGPAQ à la Commission Jean, en 1981,lors de la mise sur pied du RGPAQ, on parlait de la nécessité de doterle Québec d'une politique d'alphabétisation qui devrait s'inscrire dansle cadre d'une politique plus globale de véritable promotion culturelleet collective des couches populaires où se retrouvent les analphabètes.Cette politique aurait dû pouvoir s'appuyer sur une infrastructureculturelle comprenant le développement du réseau de bibliothèquespubliques, la démocratisation des médias, etc.Notre mémoire aux États généraux de l'Éducation en 1996 faisait luiaussi valoir la nécessité de s'attarder à la prévention. Et, dans le Plannational d'action en alphabétisation, lancé le 8 septembre 1996 par leRGPAQ, douze mesures concernent spécifiquement la prévention del'analphabétisme.Le Conseil supérieur de l'éducation en faisait une recommandationen 1990 dans son Avis au ministre de l'Éducation et ministre de l'Ensei-gnement supérieur et de la Science : recommande au ministre de l'Édu-cation d'accorder, dans la perspective d'une élimination du problèmeà la source, une importance primordiale à la prévention, dès le plusjeune âge et tout au long de la période de scolarisation obligatoire.2. DIRECTION DE LA FORMATION GÉNÉRALE DESADULTES. Prévention de l'analphabétisme à l'éducation des adultes :état de situation et réflexion, janvier 1996.3. Voir à ce sujet : HILLION, M. « Comment aider les élèves sourds àmieux réussir », Le Monde alphabétique, no 9, 1997, pp. 11-17.4. DIRECTION DE LA FORMATION GÉNÉRALE DESADULTES. Pour prévenir l'analphabétisme, recherches, réflexions et pro-positions d'actions, 1997.5. DIRECTION DE LA FORMATION GÉNÉRALE DES ADUL-TES. Prévention de l'analphabétisme à l'éducation des adultes : état desituation et réflexion, janvier 1996.

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Citoyenneté,Citoyennetés...

On ne peut désormais feuilleterun journal, écouter une émission

à la radio, regarder un programme àla télévision, participer à un débat,naviguer sur Internet sans tomber

sur la citoyenneté ! Ici, on parle del'entreprise citoyenne, là de l'école

citoyenne, et l'agriculture elle-mêmedevrait être citoyenne ! On se croirait

revenu au temps jadis où le roilui-même était citoyen ! Mais de

quoi parle-t-on au juste ? De quellecitoyenneté ? Devant l'inflation et labanalisation de ce terme, il devient

urgent de revenir aux sourcespour essayer de suivre son évolution

depuis l'époque des Cités antiques.Et aujourd'hui, comment se

concrétisent les droits etles valeurs rattachés à la

citoyenneté ? Si l'école prépareles futurs travailleurs, forme-t-elle

encore les futurs citoyens ?Face à la complexification

croissante des enjeuxen présence, où le citoyenpeut-il puiser l'informationnécessaire pour décrypter

cette réalité et agir ?Où et comment peut-il faire

entendre sa voix?

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 35

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Qu'y a-t-ilde commun entre

les personnes citoyennesde la Cité d'Athènes et celles

d'un État moderne ? Et entre cellesd'un pays du Nord et celles d'un pays

du Sud ? Sommes-nous vraimentmieux lotis que les citoyens et

citoyennes du début du siècle ?Questions incontournables

en cette année de célébrationdu cinquantième anniversaire

de la Déclaration universelle desdroits de l'homme.

Les temps et lesespaces de la

citoyennetéLiliane Rajaonina

Qu'est-ce qu'être citoyen ? Qu'est-ce qu'unecitoyenne ? Ces questions peuvent sembler futi-les, mais vous seriez surpris de la variété deréponses qu'elles suscitent :

• avoir des devoirs envers l'État et bénéficierdes droits qui en découlent ;

• avoir le droit de vote ;• avoir la nationalité canadienne, avoir un pas-

seport canadien ;• s'impliquer dans la communauté... dans un

groupe... dans un parti politique ;• s'organiser pour que ça change ;• appartenir à une société ;• résider dans un pays et bénéficier des droits

qui en découlent...

Un peu d'histoireSupposons maintenant que l'on pose la mêmequestion à un habitant d'Athènes, contem-porain d'Aristote. On obtiendrait à peu près lesréponses suivantes :

• avoir la liberté de parole ;• bénéficier de l'égalité devant la loi ;• participer aux affaires de la Cité pour le bien

public.Vous obtiendriez ces réponses, à condition que

vous ne vous adressiez pas à une femme, unesclave, un métèque (étranger) ou un prolétaire1,qui étaient par nature exclus de l'Agora etrelégués, qui dans les gynécées, qui dans d'autreslieux périphériques : en fait, ces personnesn'avaient pas « droit de cité ». Quant à l'accès réel

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I

à la vie et aux charges politiques, il était réservéaux hommes autonomes qui étaient en mesure dedéfendre la Cité contre les nombreuses agressionsextérieures et de sauvegarder la liberté commune.

Ainsi, dès l'origine, la citoyenneté estexclusive, et ce, de façon explicite. Pour certainspenseurs, l'accorder à tout le monde eût été im-pensable, voire dangereux. Il n'était évidemmentpas question de revendiquer des changements,puisque c'était inscrit dans les lois édictées parles Dieux, dans l'ordre naturel des choses, ensomme. Ainsi Athènes a inventé le concept dedémocratie, mais il faut bien comprendre quela démocratie athénienne se fonde sur desrestrictions et des exclusions.

Dans la petite Cité-État d'Athènes, où lescitoyens se connaissaient, où la communauté étaitcimentée par des valeurs reconnues et respectéesde tous (la religion, les Dieux), l'objectifprincipal du citoyen était non pas le bonheurindividuel, mais le bien collectif.

Entre la Cité grecque et les États-nationsmodernes, il y a eu le long processus d'affranchis-sement des « pesanteurs » de la communauté etl'affirmation de l'individuel aux dépens ducollectif. C'est au Moyen-âge, longtemps stig-matisé comme une période des ténèbres, ques'élabore la notion d'un droit fondé sur l'équité etle bon sens, et de ce fait supérieur à la loi, qui està la base des premiers éléments des droits humains.Les marchands et artisans forment des franchisesmédiévales, ou villes auto-administrées. L'établis-sement de la population dans les villes fortifiéeset la sécurité croissante inclinent à une vie avanttout privée et familiale et à un désintérêt de plusen plus marqué pour la communauté et la chosepublique. Mais l'idée d'un « droit naturel » faitson chemin. Au XVIe siècle, se propagent la

notion de contrat incluant des devoirs récipro-ques entre les gouvernés et le monarque ainsi quel'idée d'une révolte légitime contre les mauvaisgouvernements.

Les philosophes du « siècle des Lumières »élaborent les principes de la démocratiemoderne, notamment le système représentatifainsi que la séparation du législatif et de l'exécu-tif. Ils formulent le contrat social comme fonde-ment de la légitimité du pouvoir. Le peuple a undroit naturel de participer au gouvernement. Parune convention librement consentie, les membresde la société s'engagent à la réalisation du biencommun, le gouvernement ayant pour mandatde l'exécuter, et en aucun cas de la modifier, enplus de garantir les libertés civile et politiquecodifiées dans la loi. Cependant, pour longtempsencore, le droit de vote sera réservé aux possé-dants (suffrage censitaire).

Au cours des siècles, des luttes s'organisent pourplus d'égalité, pour l'obtention de droits nonseulement politiques mais aussi économiqueset sociaux, elles peuvent prendre la forme derevendications sectorielles ou de contestationsglobales du pouvoir en place : ce sont ces luttesde longue haleine qui illustrent l'histoire dumouvement ouvrier et populaire.

Le citoyen et la citoyennede l'État-providenceComme son homologue des cités médiévales, lapersonne citoyenne se consacre à la poursuite deses intérêts privés. La sécurité est assurée par l'Etatface à l'agression extérieure, aux accidents, à lamaladie, aux aléas des vieux jours ; les assurancespubliques et privées et autres filets de sécuritépréviennent d'une gamme de plus en plusétendue de risques ; les droits et libertés sontgarantis par les constitutions ou les chartes. Toutserait-il pour le mieux dans le meilleur desmondes possibles ? Il y a toujours des

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Reconquérir une citoyenneté perdue :

le rôle de l'écoleAntoine Baby1

Pour que l'école ne soitplus une simple fabrique de

main-d'œuvre, il serait tempsde faire de la politique en

classe, d'établir un partenariatécoles/groupes communautaires etde substituer une pédagogie de la

libération à une pédagogied'employabilité.

Quand la citoyenneté ne va plus de soiJusqu'à tout récemment, la citoyenneté sociale(que je distingue de la citoyenneté territorialeencore appelée nationalité et de la citoyennetéstrictement légale) s'obtenait presque automa-tiquement, du moment qu'on atteignait l'âge dela maturité et qu'on réussissait à se trouver unemploi stable. Dès lors qu'une personne franchis-sait ces étapes, on lui reconnaissait généralementtoutes les prérogatives du citoyen ou de lacitoyenne. Par contre la situation était un peudifférente pour ceux et surtout celles qui ne sedestinaient pas au marché du travail. Pour ces gens,la citoyenneté s'obtenait par l'âge seulement,c'est-à-dire du seul fait de la majorité légale. Maisils et elles devaient en payer le prix puisqu'il nes'agissait habituellement que d'une citoyennetépartielle et tronquée. Ainsi les femmes, bien quelégalement majeures, n'ont pas eu le droit de voteavant 1944. Quant aux femmes mariées, au

début des années 60, elles n'avaient toujours pasle droit de contracter ou d'emprunter sans lasignature de leur mari. À l'époque, les juristesdisaient même avec une pointe de cynisme etd'ironie qu'une femme mariée, c'était moins qu'unmineur émancipé. Quoi qu'il en soit, il n'y avaitni de crise, ni même de véritable problème decitoyenneté. On s'accommodait assez facilementde la citoyenneté qu'on avait, puisque celle qu'onobtenait, correspondait grosso modo à son statutsocial et surtout aux obligations de son statut. Etles difficultés d'insertion étaient bien davantagedes difficultés d'ordre psychologique vécuespar des individus qu'un phénomène social impli-quant, par exemple, des classes d'âge entières.À l'époque, la plupart des gens étaient donc « sansdiscussion » citoyens à part entière.

Mais les choses ont basculé brusquement. Unedéconnexion brutale s'est opérée entre le travailsalarié et la citoyenneté, à partir du moment où lasituation de l'emploi et les conditions du travailsalarié ont elles-mêmes commencé à se dégrader.Pure coïncidence ? non. On comprendra facile-ment pourquoi les choses se sont produites ainsisi on se rappelle que, depuis la révolution indus-trielle, la clé d'accès par excellence au rang decitoyen était la possibilité d'occuper une fonctionde travail rémunérée et stable. Lorsque la possi-bilité d'occuper une telle fonction de travail s'estmise à se détériorer, la qualité de citoyen, quilui était indissociablement liée, a égalementcommencé à se détériorer. Les choses étant cequ'elles sont, nous voilà aujourd'hui dansune situation où il n'est pas exagéré de direqu'à travail précaire correspond une citoyennetéprécaire.

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Être ou ne pas être citoyen-neMais que veut dire aujourd'hui perdre sa citoyen-neté ? Que signifie au juste l'expression ne plusêtre citoyen-ne ou ne pas être citoyen-ne ? Il y amille et une façons de perdre sa citoyenneté entout ou en partie. Je m'en tiendrai donc à quel-ques exemples. Ainsi, quand on perd une partiedes libertés et des droits qu'on accorde aux autres,on perd aussi une partie de sa citoyenneté. Quandle système refuse aux bénéficiaires de la sécuritésociale, par exemple, le droit au dépôt automati-que de leurs prestations dans leur compte debanque, on les prive d'un droit qu'on accordemême aux mineurs. Qui plus est, on les prive dece droit pour pouvoir les contrôler et s'assurerqu'ils font des démarches rituelles d'employabilitédans un contexte où, paradoxalement, il n'y a plusd'emplois pour tout le monde ! Autrement dit,on les prive d'un droit pour pouvoir mieux lespriver d'une partie de leurs libertés ! Ces disposi-tions de la sécurité du revenu les privent doncd'une partie de leur citoyenneté. Quand onrefuse à des gens le droit de s'associer, commec'est le cas dans la plupart des situations desous-traitance, on les prive aussi d'une part trèsimportante de leur citoyenneté.

Perdre son travail ou se voir refuser du travailsalarié quand le travail salarié est la seule façon desurvivre dignement dans une société comme lanôtre, c'est encore une autre façon de se fairepriver d'une partie, peut-être la plus importante,de sa citoyenneté et de tout ce qui y est associé :autonomie financière, droit de contracter, droitd'emprunter, droit au logement décent, droit dedisposer de ses avoirs comme bon nous semble,

droit d'augmenter ses revenus et d'améliorersa situation matérielle, droit de prendre desvacances, d'avoir des loisirs et ainsi de suite. Lapersonne sur la voie de l'exclusion est alorsentraînée dans une spirale dont il lui devientpratiquement impossible de se sortir jusqu'au rejettotal. N'ayant plus de travail, elle n'a plus desalaire. N'ayant plus de salaire, elle n'a plus lesdroits et les privilèges qui s'y rattachent. N'ayantplus les droits et privilèges qui s'y rattachent, elleperd aussi les relations que ce travail lui avaitpermis d'établir ainsi que l'accès aux réseauxinformels qui sont indispensables à la vie quoti-dienne. Elle perd même l'accès à l'information quilui aurait permis autrement de savoir ce qu'il luireste comme droits, s'il lui en reste. Elle perdencore l'accès aux solidarités de base que cesréseaux lui assuraient jusqu'ici.

En bout de piste, cette personne perdgraduellement confiance dans les autres, puisen elle-même et le tour est joué : sans le savoir,cette personne vient d'achever la privatisationperfide d'un problème de société, en ce sens qu'ellevient de prendre à son compte et à sa charge unproblème qui pourtant avait été créé de toutespièces par le système. Et Madame la

En dépit de sesefforts pour se « recycler »,l'école fut pourtant doubléede vitesse et de zèle par les

programmes d'employabilité,véritables interfaces qui

venaient se loger entre elleet le marché de l'emploi.

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Il faut que, grâceaux gens de terrain

qui travaillent avec leslaissés pour compte, ceux-ci

réinvestissent le social enrangs serrés pour que ce ne

soit pas en bandesenragées.

Société se retrouve alors comme la Madame deWal-Mart : elle est ben contente parce que ça luifait un problème de moins à régler !

Quant à l'individu, il se retrouve avec unproblème de plus sur les épaules. Même s'il estencore nominalement dans la Cité, il est mainte-nant isolé et sans défense. C'est alors qu'ils'engage contre son gré dans l'ultime étape del'exclusion. Il est rapidement refoulé aux portesde la Cité, c'est-à-dire exclu. N'étant plus sociale-ment dans la Cité, il n'est plus citoyen. Un point,c'est tout ! L'exclusion sociale, c'est donc la pertetotale de la citoyenneté. L'individu est peut-êtreencore physiquement là, mais il est civiquementmort, comme on dit cliniquement mort !

Encore la faute de l'école ?Pour l'observateur attentif, le problème s'estd'abord posé, il y a plusieurs années, en termes dedifficultés croissantes d'insertion sociale et pro-fessionnelle. La transition école-travail devenaitde plus en plus pénible. Puis on s'est mis à parlerd'exclusion sociale. Non seulement les nouveauxarrivants éprouvaient-ils de plus en plus de diffi-cultés à se trouver « une place dans le trafic »,comme dit la chanson, mais ceux et celles quis'y trouvaient déjà, en étaient-ils de plus en plussouvent rejetés. Les idéologues du néolibéralisme,véritables preachers des relations humaines, firentalors une découverte géniale qui achevait de

privatiser ce qui était pourtant, et de plus enplus, un problème engendré par l'organisation.Le problème, entonnèrent-ils en chœur, vient dufait que les jeunes d'aujourd'hui ne sont pasemployables. C'est donc une question d'em-ployabilité. Ce n'est pas le système social qui estincapable de trouver une place pour tout le mondedans la Cité. C'est l'individu qui n'est pas capablede s'y insérer.

Tel était bien le discours insidieux qui fit croireaux gens peu instruits et démunis qu'ils n'avaientqu'à s'en prendre à eux-mêmes de ce qui leur arri-vait. D'un autre côté, il n'en fallait pas plus pourque l'école, qui était déjà le site d'enfouissementsanitaire par excellence d'un nombre croissant deproblèmes de société, se voit accuser de mal faireson travail. Cédant trop vite sous le poids despressions, elle réorienta trop radicalement samission en fonction de la satisfaction de trèsvolatiles besoins immédiats de main-d'œuvre.Par la force des circonstances, elle délaissait ainsil'autre aspect de sa mission, celui de préparer àl'insertion sociale, c'est-à-dire à l'exercice du rôlede citoyenne et de citoyen, auquel pourtant ellen'accordait déjà pas tellement d'importance.En dépit de ses efforts pour se « recycler », l'écolefut pourtant doublée de vitesse et de zèle par lesprogrammes d'employabilité, véritables interfacesqui venaient se loger entre elle et le marché del'emploi. Aujourd'hui, le moins qu'on puisse direest que la problématique de l'employabilité n'apas donné les résultats escomptés.

Personnellement, je crois qu'il en est dessolutions au problème contemporain de lacitoyenneté et de sa négation que constituel'exclusion sociale, comme du traitement desmaladies humaines. Il y a des médecines douceset des médecines de choc. Il y a des médecinessociales conciliantes et des médecines socialesirréductibles. Après avoir vécu des expériences avecdes exclus sociaux qui m'ont profondémentmarqué, je suis devenu résolument partisan desmédecines de choc, tellement j'ai perdu espoirdans les médecines douces appliquées à toutes les

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formes de problèmes de la citoyenneté, à com-mencer par les diverses variantes des mesuresd'employabilité. Si d'autres croient encore dansles médecines sociales douces, tant mieux. Nonseulement je respecte leur croyance, mais je leurtends le relais et leur offre ma collaboration. Quantà moi, j'ai changé de camp.

La loi du plus fortVoilà plus de trente ans que je fais de la sociologieet, pourtant, je ne connais toujours qu'une seuleloi du social, c'est la loi du plus fort ! Une société,c'est comme une famille nombreuse aux moyenslimités : c'est celui qui gueule le plus fort qui estle mieux habillé ! Je dis souvent aux jeunes et auxautres en mal de citoyenneté avec lesquels j'ail'occasion de travailler : « Gueulez plus fort, ilsne vous entendent pas parce d'autres gueulentbeaucoup plus fort que vous ». Et à toutes lesintervenantes et les intervenants du vastechantier de la citoyenneté, je dis, au risque de mefaire accuser de subversion et de sédition : « Soit,aidez les jeunes et les autres à se développerpersonnellement, à développer leur employabilité,par exemple. Mais aidez-les aussi et surtout àse développer collectivement et à rétablir solidai-rement l'équilibre de la terreur ! Rien de moins ».Seuls et isolés, ces gens sont cuits, ils sont faits àl'os ! Il faut que, grâce aux gens de terrain quitravaillent avec les laissés pour compte, ceux-ciréinvestissent le social en rangs serrés pour que cene soit pas en bandes enragées.

J'utilise souvent la métaphore des barbares auxportes de la Cité antique pour caractériser lasituation de ces personnes. L'idée m'était venue àla suite d'une série d'entretiens avec des jeunesfrappés de multiples exclusions. Exclusion del'emploi, exclusion de la scolarisation, exclusionmême de la résidence fixe, exclusion du réseaufamilial, exclusion d'à peu près tous les autresréseaux d'appartenance et finalement exclusion dela citoyenneté. Et j'avais été frappé par le fait que,sur le coup, ces jeunes ne semblaient éprouver nifrustration, ni sentiment de révolte de la pénible

situation existentielle qui était la leur. C'était peut-être parce que j'avais touché là ce que Paulo Freire2

appelle la « conscience dominée » qu'il oppose àla « conscience libérée ». Je ne pouvais pas expli-quer cette étonnante résignation autrement quepar le fait qu'ils et elles étaient sous anesthésiesociale. Voilà pourquoi j'avais intitulé une de mespremières réflexions sur la question : « Les barba-res sont aux portes de la cité, mais ils dorment... ».

Non seulement n'éprouvaient-ils apparemmentaucun ressentiment, mais encore assimilaient-ilsles modèles et les clichés de l'idéologie néolibéraleavec une facilité déconcertante. Ils se faisaientvolontiers les auteurs de leur propre misère. « Legars du BS m'a dit que j'étais " apte au travail ",me confiait l'un d'entre eux. " Fait que si j'trouvepas d'job, ça doit être de ma faute ". " Après tout,disait un autre, on est l'auteur de sa propremerde ! " Et la cerise sur le gâteau qui m'avaitsuggéré d'appeler ce curieux phénomène lesyndrome de Rockefeller, c'était celle-ci qui m'étaitlivrée presque sur le ton de la remontrance :

Exclusion de l'emploi,exclusion de la scolarisation,

exclusion même de la résidencefixe, exclusion du réseau familial

exclusion d'à peu près tous lesautres réseaux d'appartenance et

finalement exclusionde la citoyenneté.

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« Prenez Rockefeller, lui, il s'est tenu d'boutte, ils'est retroussé les manches, pis y'a foncé ! »Rockefeller, lui-même, ne se serait jamais senticapable de cette forme assez particulière dephilanthropie : servir d'exemple aux enfants etaux petits-enfants de ceux et celles qu'il avaitexploités et opprimés. Et pourtant, disait Galilée,elle tourne !

Émancipation,conscientisation et politisationGrâce à un ingénieux stratagème méthodologi-que3 que j'introduisais à la fin de l'entrevue, j'avaispu tester leur « potentiel de révolte » ou d'éman-cipation ou même simplement de rouspétance.Et j'en étais venu à la double conclusion 1) qu'ilvalait mieux ne pas sous-estimer leur capacité dese réveiller brusquement, comme cela se faitdéjà dans les banlieues d'exclusion de France,d'Angleterre et des États-Unis d'une manière siviolente et si aiguë que les pouvoirs publicsn'arrivent plus à les contenir, 2) qu'il était parconséquent préférable d'enseigner à ces jeunes àmontrer les dents dans l'espoir qu'ils ne soient pasobligés de mordre. C'est à partir de ce momentque le problème de fond devint pour moi infini-ment plus qu'un problème d'employabilité. Cesjeunes avaient même perdu leur citoyenneté ; ilset elles avaient désappris à être citoyens et citoyen-nes. Ils étaient donc à cent lieues d'avoir besoinqu'on leur montre à être plus employables. Leurréinsertion sociale passait plutôt par la reconquêtede leur propre citoyenneté que seul un travail de

Il fallait notamment queces gens réapprennent à être

sujets de leur propre existence.Sujet, comme dans sujet verbe et

complément : celui ou cellequi fait l'action.

politisation, au sens noble du terme, pouvait leurpermettre d'entreprendre. J'entends ici le motpolitisation dans le sens premier du terme : polis,la cité. Ils et elles doivent réintégrer la cité. Toutsimplement. Il fallait notamment que ces gensréapprennent à être sujets de leur propre existence.Sujet, comme dans sujet, verbe et complément :celui ou celle qui fait l'action.

Il y avait aussi un travail d'émancipation à faire.Et cette émancipation ne pouvait s'amorcer autre-ment que sur un processus de conscientisation.Ces gens devaient en effet passer du stade queFreire appelle de la « conscience dominée » austade de la « conscience libérée ». Et Freire signaleque ce passage ne peut pas et ne doit pas se faire àtravers une « éducation-domination », commec'est trop souvent le cas des pédagogiesd'employabilité et de réinsertion sociale. Il doitse faire à travers une « éducation-libération » qui,selon les termes de Freire, développe chez l'excluen voie d'émancipation « une conscience claire desa situation objective », « une approche critiquede la réalité » et surtout qui amène celui-ci à« rechercher et à trouver les moyens de transfor-mer le monde dans lequel il vit ». Rien de moins.

En somme il s'agit bel et bien, pourquoi se lecacher, d'une forme non-violente de subversionbasée sur cette vieille sagesse qui nous rappelleque la crainte est le commencement de la sagesse... pour l'autre aussi. C'est d'ailleurs cette sagessequi m'avait conduit à suggérer à ces jeunes assis-tés sociaux qu'il valait mieux apprendre à mon-trer les dents pour ne pas être obligés de mordre.On a eu récemment des exemples de gens qui,par milliers et par millions, ont repris confiancedans leur capacité d'être le sujet de leur propreaction et de leur propre vie politiques au sens largedu terme. Ces gens ont aussi recouvré leur capa-cité de changer le cours des choses à travers uneaction solidaire, confiante et concertée. Je penseaux trois grands pays d'Europe, l'Angleterre, laFrance et, demain, l'Allemagne, où des millionsde gens ont dit non à une Europe trop économi-que et qui ont fait basculer la démocratienéolibérale pour faire place à la social-démocratieapparemment porteuse d'une Europe plus sociale.

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Pour en arriver à de tels résultats, il a fallu qu'unpar un, une par une, des millions de citoyens etde citoyennes prennent conscience de leur pou-voir réel. Or, pour prendre conscience, il faut quela conscience soit éveillée, il faut donc êtreconscientisé. Par ailleurs, pour prendre consciencede son poids politique réel, il faut être aussi poli-tisé. En ce sens, chapeau à l'éducation démocrati-que européenne. Il faut sûrement qu'on ait le droitde « faire de la politique en classe » dans ces pays-là pour en arriver à de tels résultats. Chanceux,va ! De ce côté-ci de l'Océan, l'École québécoise,en supprimant le bloc de la formation personnelleet sociale, vient de se tirer dans le pied et de sedéposséder du seul outil dont elle disposait pourassurer l'éducation à la citoyenneté. Encore aurait-il fallu le recycler à la lumière des postulatsd'action de Freire.

Aux Etats-Unis, il y a présentement des disci-ples de Freire qui travaillent en ce sens dans lesmilieux défavorisés, soit par le truchementde l'école, soit par celui des groupes communau-taires. Je pense à Henry Giroux4, Jonathan Kosol5

et Peter McLaren6 entre autres. Ils ont mis au pointdes pédagogies émancipatrices adaptées auxcontextes historiques et sociaux très difficilesdans lesquels ils travaillent. Pourquoi pas nous ?Parce que ça fait trop vieille gauche ? Ce n'estpas un argument. D'ailleurs je sais qu'il y aprésentement des groupes d'alphabétisation deMontréal et de Québec qui sont effectivementengagés dans la voie d'une pédagogie émancipa-trice et libératrice, pour ne pas dire carrémentsubversive dans le beau sens du terme. C'estpeut-être sans le savoir qu'ils se sont engagés danscette voie, un peu comme Monsieur Jourdainqui, dans le Bourgeois gentilhomme de Molière,faisait de la prose sans le savoir, mais ça n'estpas moins efficace pour autant ! J'ai vu de cesgroupes, par exemple, réapprendre aux jeunes lemaniement d'une arme non violente extrêmementpuissante : la solidarité entre gens de mêmecondition sociale. La base même de la reconquêtede la citoyenneté pour ceux et celles qui en ontété dépossédés ou qui, plus jeunes, n'y ont jamaiseu accès.

Je crois en l'efficacité de l'action de cesgroupes d'alpha dans la mesure où ils n'en restentpas à l'alphabétisation « fonctionnelle ». Carcelle-ci, si on ne l'intègre pas à une alphabétisa-tion de « conscientisation », risque fort de nousramener brusquement dans les ornières décritesplus haut. Laissée à elle-même, elle est plutôtune pédagogie de sujétion et d'asservissementqu'une pédagogie d'émancipation. Apprendre toutjuste ce qu'il faut pour se débrouiller, cela seréduit trop souvent à aller chercher le p'tit kitdont le boss a besoin ou simplement celui qui vaplaire au boss. Il faut en donner beaucoup plusque ce que le boss demande. Il faut donner tousles outils, toutes les armes non violentes néces-saires à la reconquête d'une citoyenneté perdue.Je crois sincèrement que les conditions optimalesd'une telle pédagogie passent par un puissantpartenariat école-groupes communautaires enaffichant haut et fort un indéfectible parti prisen faveur des laissé-e-s pour-compte de plus enplus nombreux et de plus en plus démunis.

1. Chercheur au Centre de recherche et d'intervention sur la réussitescolaire (CRIRES), Faculté des sciences de l'éducation, UniversitéLaval.2. FREIRE, Paulo (1974), Pédagogie des opprimés, Paris, Petite collec-tion Maspero.3. À la fin de l'entrevue, je revenais sur deux ou trois passages dont lacharge affective ne me semblait pas avoir été résolue sur le coup. Je mecontentais alors de reprendre ces passages Verbatim et d'attendre uneréaction sans la provoquer. Par exemple, l'un d'eux me racontait qu'unsoir, « en revenant à la maison, j'devais avoir quatorze ans, quand j'suisentré, mon père était chaud et il était en train de battre ma mère. Sij'avais été plus grand, pis plus fort, je le tuais... ». Je reprenais donc lepropos le plus fidèlement possible et n'ajoutais aucun commentaire,aucune question.

4. GIROUX, Henry (1983), Theory and Resistance in Education -A Pedagogy for the Opposition, South Hadley, Bergin & GarveyPublishers Inc.5. KOSOL, Jonathan (1990), The Night is Dark and 1 Am FarfromHome, New-York, Simon & Schuster Inc.6. McLAREN, Peter (1989) Life in Schools - Introduction ta Critical

Pedagogy, Toronto, Irwin Publishing.

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Les médiasremplissent-ils leur rôle

d'informateur ou sont-ils devenusdes supports de propagande ?

Peuvent-ils susciter de véritablesdébats politiques dans une société

qui a d'autres priorités ?Quel genre d'informations

peut capter l'intérêt decitoyen-ne-s qui sont

devenus de simples usagerset des consommateurs ?

Le point de vue d'unjournaliste.

De nos jours, quelles décisions importantesle citoyen ou la citoyenne peut-il encore pren-dre, pour lesquelles les médias auraient à luifournir toute l'information nécessaire ?

La personne citoyenne doit élire un gouver-nement, c'est vrai. Heureuse est-elle si elle peutaussi choisir son travail. Toutefois, il lui estdevenu quasiment impossible d'adopter unsyndicat plutôt qu'un autre. Elle peut encoremagasiner son logis ou son auto, voire sa desti-nation de vacances. Mais, à moins de lui payerl'enseignement privé, elle n'a plus le pouvoirde décider à quelle école envoyer ses enfants.Elle possède encore le droit de choisir sonmédecin, mais pas son hôpital. Parmi les déci-sions importantes qui lui reviennent, il y aégalement celle de choisir son conjoint ou saconjointe. Mais la personne citoyenne a perdula liberté qu'elle avait de faire un testament2,sauf pour décider où ira sa dépouille.

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Bref, le citoyen ou la citoyenne a fort peu dechoses à décider pour sa vie au travail, l'école deses enfants, les soins médicaux de sa famille, ouses biens que le fisc ne lui a pas confisqués. Desbureaucraties gouvernementales, syndicales, cor-poratives, médicales le dominent, même là où ilse croirait suffisamment informé pour souhai-ter des politiques différentes ou de meilleuresdécisions. Son seul recours, quand les droits quilui restent sont lésés, c'est d'aller en cour, s'il estpatient, ou, si son cas s'y prête, de s'adresser àun journal en quête d'histoires choc.

On comprend dès lors qu'ayant si peu devraies décisions à prendre, hormis celle de voteraux quatre ans, la personne citoyenne n'attendepas beaucoup des médias, et que ceux-ci, rare-ment sollicités par elle, ressentent de moins enmoins l'obligation de lui fournir « l'informationnécessaire ». Dans une société où la consomma-tion tient lieu de participation, les vedettes dusport ou de l'écran occupent la première place.Le citoyen, qui est souvent une citoyenne, vitde grandes choses mais par procuration, à tra-vers les téléromans, ou encore les heurs et mal-heurs d'une princesse à la mode.

Et pourtant, on ne manque pas d'informa-tions, ni de sources où les apprendre, ni de jour-nalistes pour les faire connaître. Comment sefait-il qu'il y ait si peu de nouvelles, ou qu'ellesarrivent le plus souvent en retard, quand hélas iln'est plus possible d'ignorer la réalité ? Bien sûr,quelques journalistes sont atteints de paresse,

ayant trop de salaire à dépenser pour avoirle loisir de fouiller le dossier ou d'aller surplace voir ce qui s'y trame. Bien sûr, tel com-manditaire fait mine de retirer sa lucrative pubcouleur, si votre magazine préféré la dépare enétalant autour de trop scandaleuses révélations.Mais tout cela n'explique pas le formidabledécalage qui s'est creusé entre tout ce qui bouge,crie ou meurt dans les faits et ce que les médiasen rapportent.

Censure ? Complot ? Démission ? pas vrai-ment.

Chaque jour, les rédactions sont prisesd'assaut par des centaines de personnes et degroupes qui cherchent à se gagner la faveurdu public en se présentant sous un jour« positif». Au lieu de publier une franchepublicité, qui manquera parfois de crédibilité,ils préfèrent donner à leur propagande les appa-rences de l'information, laquelle ne manquepas de poids, malgré tout. De la société la plustapageuse au groupuscule le plus obscur, toutle monde accapare les médias et prend

Dans une sociétéoù la consommation

tient lieu de participation,les vedettes du sport oude l'écran occupent la

première place.

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Comment se fait-ilqu'il y ait si peu de nouvelles,

ou qu'elles arrivent le plus souvent en retard,quand hélas il n'est plus possible

d'ignorer la réalité ?

ainsi la place du journaliste et des... infor-mations. Et même quand il arrive qu'uneinformation sorte du sac, c'est souvent parceque la source de cette révélation cherche àavantager sa cause ou à nuire à celle d'autrui.

Paradoxalement, après avoir contribué autriomphe de la démocratie, les médias en sontdésormais des victimes. Partis et religions, com-pagnies et syndicats, services et laboratoires,universités et prisons, tous les milieux possèdentdes informations qu'il faudrait rendre publiques,afin que le citoyen ou la citoyenne puisse porterun jugement éclairé sur sa classe politique oureligieuse, sur les entreprises et le monde du tra-vail, sur l'enseignement ou la sécurité publique.Mais par crainte d'être mal vu de la société, oubanni de son propre milieu, on se tait. Car, dansune démocratie qui permet la libre confronta-tion des idées et des réalisations, rien n'est plusfort ni surtout plus dangereux que l'informa-tion.

Gouverner, c'est faire croire, pensait avec rai-son Machiavel, trois siècles avant Napoléon.Celui-ci rajoutera : « Si je lâche la bride à lapresse, je ne resterai pas trois mois au pouvoir. »Deux siècles après, les médias jouent toujoursun rôle crucial dans la prise de décisions des gou-vernements. Mais qu'en est-il du citoyen oude la citoyenne qui les élit ?

Certes, les médias ne manquent pas d'infor-mations valables, pour qui prend le temps d'yprêter attention. Toutefois, pour que circule unenouvelle ou une explication éclairante, il ne suf-fit pas d'un émetteur. Encore faut-il un récep-teur. Et là, la réception n'est pas toujours aussiclaire qu'il le faudrait. « Donnez-moi un lecteurobjectif, et je lui présenterai un journaliste

objectif», a-t-on pu déjà dire. Préjugés, aspira-tions, peurs, illusions sont autant de filtres quiempêchent le public de saisir un message. Biensûr, ces médias qui carburent à l'hystérie ont unepart de responsabilité dans cette déformationdu récepteur, comme aussi maints prêcheurs,écrivains et autres éducateurs qui ont, au fildes siècles, biaisé la culture des gens et leursperceptions du monde. Mais la lutte contrel'ignorance ou l'aveuglement est une missionqui n'incombe pas aux seuls journalistes.

Soulever pareille question, c'est s'interrogersur les valeurs et les priorités d'une communauté.Il ne saurait y avoir plus de vérité, de risque, dedébat véritable dans les médias qu'il n'y en a dansla société elle-même. Qu'on aime cela ou non,il n'existe pas de raccourci pour parvenir à lamaturité démocratique. Une société autoritairecomme celle du Québec a pu, le temps d'uneRévolution tranquille, aménager tout un Étatet quelques espaces de liberté. Mais les mœursn'ont pas partout suivi, ni dans les adminis-trations et les entreprises, toujours fortementhiérarchisées, ni même dans les organisationscensément progressistes ou les mouvements de...citoyen-ne-s.

Bref, la démocratie et l'information, fillesjumelles de la liberté, ont encore un bel avenirdevant elles. À condition de le conquérir.

1. Éditorialiste au journal Le Devoir pendant plusieurs années, puiscolumnist au quotidien The Gazette, l'auteur enseigne maintenant lejournalisme à l'Université de Montréal. Il tient aussi une chroniquesur les médias dans le magazine des journalistes du Québec, Le 30.

2. Fait référence à la loi sur le partage du patrimoine familial.

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Citoyennetéet exclusion

Le faible taux de participationaux élections semble indiquer que

de plus en plus de citoyennes etde citoyens se désintéressent de lapolitique, même dans son exercice

le plus élémentaire. Quant auxpersonnes analphabètes et aux

personnes assistées sociales, bienque citoyennes de droit, elles sont

exclues de tous les lieux de décisionet privées de leurs droits les plusfondamentaux. Est-ce que cela a

un sens d'être citoyen et d'être enmême temps exclu ? Faudrait-il

alors parler de citoyen de secondezone, de citoyen à statut précaire ?Autant de situations qui interpellent

le fonctionnement démocratiquedes sociétés actuelles. De quelsrecours disposent ces exclus ?Auprès de quels interlocuteurs

peuvent-ils s'adresser pour fairevaloir leurs droits? Quelles sont

les marges de manœuvre desorganismes de défense des

droits lorsque l'exclusions'accroît et que les lieux dedécisions se déplacent vers

des instances internationalesdifficiles à contrôler et, semble-t-il,

hors de l'autorité des gouvernementsnationaux eux-mêmes ?

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LE DROIT DE VOTEest-il vraiment un droit fondamental

pour tous les citoyen-ne-s ?André Vecerina

Pour une personne analphabète, la qualité devie au travail et dans la société est réduite. Étantlimitée dans ses capacités d'apprentissage et decompréhension, elle a tendance à s'isoler, à sedévaloriser, à limiter sa participation à la viecommunautaire et son intégration sociale. Dansles faits, même l'exercice des droits fondamentauxest limité pour la personne analphabète : droit devote, droit de s'exprimer, droit à des services,droit à l'information, droit au travail. Ayant de ladifficulté à exercer ses droits, la personne ne peutjouir pleinement des privilèges de la citoyenneté.

L'accès à l'informationSi le choix d'un candidat est de plus en plus dif-ficile pour les citoyen-ne-s qui ont accès à toutessortes d'informations, en raison à la fois de lacomplexité des enjeux et de l'inconsistance desprogrammes électoraux, les personnes analpha-bètes rencontrent des obstacles autrementdissuasifs. Ayant de la difficulté à lire, ellesdoivent se contenter des informations donnéespar la radio ou la télévision. Mais ces médias, outrele niveau de langage utilisé, ne donnent souventque des informations nationales en informantrarement sur les candidats locaux.

Le recensement des électeurs et les formalités àremplir pour figurer sur la liste électorale ne sontpas davantage faits pour encourager la participa-tion des personnes qui n'ont pas l'habitude de

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Le droit de vote est un droitpolitique essentiel du citoyen etde la citoyenne. Mais comment

et dans quelles conditions lespersonnes analphabètes

peuvent-elles exercer ce droit ?

s'adresser aux autorités et qui ont de la difficultéà écrire, dans la mesure où cela peut impliquerdes démarches pour demander des explicationscomplémentaires et remplir des formulaires. Lesmêmes problèmes se posent pour les prospectusenvoyés par les candidats.

En période électorale, les débats se multiplient,mais ce ne sont pas des lieux familiers auxpersonnes qui ont pris l'habitude de vivre enretrait de la société et qui ont de la difficultéà s'exprimer. Et même lorsque des groupescommunautaires et populaires, plus proches deleur milieu, organisent des soirées d'information,ils font souvent appel à des conférenciers quin'arrivent pas à s'adapter à leur auditoire : on peutcomprendre que les personnes analphabètes nesoient pas prêtes à renouveler l'expérience d'unetelle soirée d'information.

Comment, dans ces conditions, peut-onparler de choix, condition essentielle à l'exercicedu droit de vote ? Si, malgré cela, elles décidentd'aller voter, parce que c'est aussi un devoir, lespersonnes analphabètes ont tendance à se fieraux opinions véhiculées dans leur milieu, qui netiennent pas forcément compte des enjeux dumoment, ou à se fier à un candidat local qu'ellesont pu rencontrer et qui leur a semblé sympa-thique, c'est-à-dire susceptible de comprendreleurs problèmes.

Nous vivons aujourd'hui dans une société oùprime l'intérêt personnel et dans ce contexte lerôle de l'État n'est plus d'encourager le débatpublic, le développement de la démocratie, laparticipation du citoyen aux affaires publiques.Son rôle consiste de plus en plus à gérer les servi-ces offerts à différentes clientèles (consommateurs,jeunes, personnes âgées, automobilistes...). De faitl'exercice de la citoyenneté est dénaturé, passantde la réflexion sur le bien commun et l'intérêtgénéral à la défense d'intérêts particuliers.

Le voteLe bulletin de vote ne peut être compris parune personne qui ne sait pas lire et elle doit êtreaccompagnée pour voter, ce qui n'encouragepas sa participation. Mais que ce soit au niveaufédéral, provincial ou municipal, les lois électo-rales du pays prévoient des dispositions quipermettent aux personnes analphabètes de voteravec assistance. Le droit de vote pour les person-nes analphabètes est donc reconnu par la loi mais,malgré ces dispositions particulières, différentessituations se rencontrent dans la réalité : lespersonnes ne savent pas qu'elles peuvent êtreassistées pour voter ; elles n'osent pas demanderde l'aide et ne se rendent pas au bureau descrutin ; elles vont voter mais le font un peu auhasard ; elles n'apprécient pas la procédured'élection (déclarer sous serment que l'on ne saitpas lire, être accompagné de plusieurs personnespour voter). De plus, dans les petites communau-tés, les personnes qui travaillent au bureau de voteconnaissent tout le monde, et demander del'aide équivaudrait à déclarer publiquement sonanalphabétisme. C'est donc dire que, dans laréalité, les personnes analphabètes ont de la diffi-culté à exercer leur droit de vote, et ce malgré lesdispositions spécifiques prévues par les lois.

Une manière simple de faire face au problèmeserait de permettre aux personnes analphabètesde voter sans avoir à demander de l'aide. L'intro-duction d'éléments visuels permettrait auxpersonnes analphabètes d'exercer leur droitde vote de façon autonome. Par exemple, enajoutant le sigle du parti et la photo du candidatau bulletin de vote, une personne pourrait

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plus facilement faire le lien entre les candidats,le parti et son chef. L'introduction d'élémentsvisuels au bulletin de vote est une transformationmineure qui peut être faite à peu de frais, qui nenécessite pas un changement de la loi électorale,mais simplement une modification des annexesà la loi décrivant le bulletin de vote. D'ailleurs,les bulletins de vote avec éléments visuels sontdéjà utilisés dans certains pays d'Afrique etd'Amérique latine.

À Montréal, lors de l'élection municipale de1994, l'organisme PARHI (Parents et AmisReprésentant le Handicapé Intellectuel) a conçuet expérimenté un prototype de bulletin de voteavec photos dans le quartier Hochelaga. L'expéri-mentation simulée, qui a eu lieu une semaineavant l'élection officielle, prévoyait des allocutionsdes candidat-e-s, une période de questions réser-vée aux 23 usagers participants, suivie du vote avecdes bulletins comprenant des éléments visuels.

Lors de leur allocution, les candidat-e-sdevaient de façon simple se présenter, présenterle parti et le maire avec qui ils font équipe,expliquer le sigle du parti et commenter ce qu'ilscomptaient faire pour améliorer le sort despersonnes présentant un handicap intellectuel.Avant la votation fictive, les organisateurs ontexposé les raisons de l'ajout des photos sur lesbulletins de vote, commenté le bulletin de voteavec photos à l'aide d'un prototype géant,expliqué la façon de voter et d'insérer le bulletindans la boîte de scrutin.

Suite à cette expérimentation, les membresde l'organisme PARHI ont pu affirmer que lebulletin de vote avec photos et éléments visuelspermet aux personnes analphabètes présentantune déficience intellectuelle d'exercer leur droitde vote sans recourir à l'assistance.

Au Québec, lors de la réforme électorale de1994, le Directeur général des élections MonsieurPierre F. Côté recommandait l'ajout de la photodes candidats et candidates sur les bulletins de votepour faciliter la participation des personnesanalphabètes. À cette époque, le Regroupementdes groupes populaires en alphabétisation duQuébec, fort de plusieurs appuis, avait revendi-qué auprès du Ministre responsable de la réformeélectorale et parlementaire, Monsieur GuyChevrette, l'ajout d'éléments visuels au bulletinde vote.

Malgré tout, la recommandation ne fut pasretenue. L'essentiel du projet de réforme portantsur la proposition d'une liste électorale perma-nente et informatisée, on argumenta le caractèrenon urgent et les coûts trop élevés pour justifierla non-considération de la demande. En fait, peut-être y a-t-il eu une certaine pudeur à indiquer aumonde entier le problème d'analphabétisme auQuébec.

Ainsi, bien que l'on garantisse légalement àtous les citoyen-ne-s d'un pays des droits sociauxet politiques, il n'est pas toujours assuré que lescitoyen-ne-s puissent exercer ces droits. L'exem-ple de la personne analphabète illustre bien cettelimite. Ce n'est pas tout de donner le droit devote, encore faut-il que tous les citoyen-ne-spuissent exercer ce droit. Pour favoriser la partici-pation des personnes analphabètes au processusélectoral, le bulletin de vote avec photo sembleêtre un moyen adéquat, mais encore faudrait-ilcréer des lieux de débats accessibles pour qu'ellespuissent défendre leurs intérêts et être informées.

Article réalisé à partir de propos recueillisauprès de Sylvie Bernier d'Atout-lire,Marie-Chantal Bertrand du Tour de lire,Jocelyne Desroches de La Marée des mots etOdette Neveu de DÉCLIC.

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La crise du verglasa fait la Une des médias,mobilisé tout le monde,

et le gouvernement est montéaux premières lignes. Mais qui

se préoccupe des situationscritiques, moins médiatisées,

que vivent en permanenceles personnes assistées

sociales et les personnesanalphabètes ?

Pierre Gaudreau,Front d'action

populaire enréaménagementurbain (FRAPRU)

L'hiver dernier, pour sortir de la crise du ver-glas, le gouvernement québécois n'a pas hésité àdélier les cordons serrés de sa bourse pour rétablirle courant et assurer un minimum de servicesessentiels aux victimes. « Je ne veux pas savoirce que ça coûte, je veux que ça se fasse », clamaitle Premier ministre. Personne ne reproche augouvernement d'avoir agi ainsi, d'avoir combattula détresse créée par les événements.

Au quotidien, cependant, les politiques gou-vernementales accentuent la misère. Le projet deloi sur l'aide sociale, la faiblesse des interventionsen logement social ne font qu'empirer la pauvreté.Douze mois par année, des personnes vivent dansdes logements mal chauffés, avec trop peu àmanger. Le problème de l'itinérance continue degrandir. Il y a aussi des sinistres permanents... eteux aussi devraient être des priorités...

Quotidiennement aussi, on parle de citoyen-neté. « Nouveau » concept qui implique uneparticipation des personnes à la société, par letravail, l'école, mais aussi l'implication desindividus dans la société civile. Beau concept.Mais de quoi parle-t-on ?

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Au totalle gouvernement

choisit donc de mettrepurement et simplement

en tutelle une partiedes prestataires de la Sécurité

du revenu qui perdrontjusqu'au droit d'administrer

eux-mêmes leur chèqued'aide sociale

La lutte au déficit comme prioritéAu cours des dernières années, les gouvernementsn'ont cessé d'accentuer la pression sur l'impérieusenécessité de rétablir l'équilibre budgétaire et deprésenter le déficit zéro comme la conditionsine qua non de la relance économique, de lacompétitivité sur les marchés mondiaux et, àterme, de la prospérité générale. À force de sabrerdans les programmes sociaux, ils sont en train derésoudre leur principale préoccupation. Soyonsfiers, le Canada est le premier pays du G-7, sélectgroupe des plus grosses puissances capitalistes, àatteindre le déficit zéro.

Malgré l'effet catastrophique de la tempête duverglas, le gouvernement québécois annonçait ledépôt de son dernier budget déficitaire pourle printemps 1998. Victoires, clament-ils tous,le monstre du déficit est vaincu. Le Québec nesera plus jamais emprunteur, sera maître de sonavenir. Malgré ses conséquences, la lutte audéficit demeure populaire. Dès les premièresannées du nouveau millénaire, des jours meilleursseraient à l'horizon grâce aux immenses surplusanticipés. Vraiment ? Il faudrait d'abord regarderlà où a mené la lutte au déficit.

Un déficit social sans précédentLe prix payé par la société pour l'atteinte dudéficit zéro est immense. Les données du recense-ment de 1996 dévoilent un accroissement de 5 %de l'écart entre le 20 % de la population la pluspauvre et le 20 % la plus riche. Ces derniers, avecun revenu moyen de 112 500 $, bénéficientd'un revenu 6,5 fois supérieur au quintille le pluspauvre dont le revenu moyen est de 17 250 $.Quelques jours avant le dépôt du budget fédéral,les Coalitions québécoises sur la santé et l'aidesociale et la Fédération étudiante intervenaientpour réclamer que le budget fédéral répare les potscassés par des années de lutte au déficit : desurgences qui débordent, des écoles qui manquentde manuels scolaires et les incessantes compres-sions à l'aide sociale.

« Son équilibre budgétaire, Ottawa l'a atteintsur le dos des pauvres, des étudiants, des malades.Ottawa doit profiter de la nouvelle situation bud-gétaire pour rétablir le financement des program-mes sociaux », affirmait Jean-Yves Desgagnés,porte-parole de la Coalition nationale sur l'aidesociale.

L'utilisation des surplus budgétaires anticipéspour les prochaines années doit aller au finance-ment adéquat de la santé, de l'éducation et del'aide sociale, bien avant le paiement de la detteet les réductions d'impôt, réclament les regrou-pements nationaux.

Car si la lutte au déficit a un impact sur toutela société, c'est les plus pauvres qui en subissentle plus durement et le plus directement leseffets. Ces retombées sont manifestes sur la viequotidienne des personnes que nous côtoyonsdans les groupes d'éducation populaire. Dans lesconditions actuelles, nombre de personnes dansle besoin ne bénéficient plus du « ... droit à uneaide financière et sociale susceptible de lui assurerun niveau de vie décent1. » Peut-on encore parlerpour eux de citoyenneté et de droits économiqueset sociaux ?

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La fin de l'aide sociale ?Le projet de loi 186 sur la sécurité du revenu

prévoit la création de programmes distinctsconsacrant la division actuelle entre « aptes » et« inaptes » au travail. Plus encore que maintenant,les prestataires n'ayant pas de contrainte àl'emploi devront « mériter » leurs prestations s'ilsveulent continuer à les recevoir. Même si leprojet de loi va moins loin en ce sens que leslégislations récemment adoptées en Ontario ouencore aux États-Unis, il s'inscrit dans la tendanceau workfare2.

Dans des articles calqués sur le programmefédéral d'assurance-emploi et beaucoup plusexplicites que ceux de l'actuelle loi 37, le gou-vernement se réserve le droit de refuser unedemande ou encore de réduire, suspendre oucesser de verser une prestation si la personneconcernée n'entreprend pas des « démarchesappropriées à sa situation afin de trouver unemploi convenable. »

Dans un contexte de chômage endémique, oùl'on parle de la fin du travail, où la moindre offred'emploi requiert de plus en plus de qualifications,comment des personnes assistées sociales, dont ungrand nombre ont un faible niveau de scolarité,pourraient-elles satisfaire à cette exigence ? Com-ment le gouvernement peut-il décemment conti-nuer à parler d'« aide de dernier recours ? »

La question du logement :une mise en tutelle des personnesassistées socialesLe projet de loi 186 reconnaît à l'article 30 queles prestations versées en vertu du programmed'assistance-emploi sont « incessibles et insai-sissables », mais il contourne ce principe dèsl'article suivant. Celui-ci prévoit en effet qu'unprestataire, reconnu coupable de non-paiementde loyer par la Régie du logement, verra unepartie de sa prestation être versée directement aupropriétaire pour les loyers à venir, et ce pour unepériode maximale de deux ans.

Le propriétaire doit en échange renoncer àdemander la résiliation du bail pour les loyerséchus. Toutefois, une fiche produite par le minis-tère de l'Emploi et de la Solidarité indique que« la totalité du montant du loyer doit toujoursêtre versée à défaut de quoi le propriétaire pour-rait demander à la Régie du logement du Québecl'éviction du locataire. »

Le projet de loi 186 va plus loin encore, enindiquant que, dans des cas de récidive au coursd'une même période de deux ans, l'ordonnancepourra « s'appliquer au locateur concerné ou à toutlocateur futur. »

Au total, le gouvernement choisit donc demettre purement et simplement en tutelle unepartie des prestataires de la Sécurité du revenu quiperdront jusqu'au droit d'administrer eux-mêmesleur chèque d'aide sociale. Et le non-paiement deloyer continuera de s'amplifier, puisqu'il est lié àun problème beaucoup plus fondamental, celuide l'incapacité de payer des personnes assistéessociales.

Une logique implacable conduit à l'évictionprogressive du statut de citoyen et de citoyenne.Sans emploi ? Soit, il est possible d'obtenir del'aide, mais il faut la mériter, et son utilisation estpassible de contrôle. Une aide conditionnelleet non plus un droit, dans le sens de ce qui estexigible pour tout citoyen.

La lutte au déficit a créé un déficit social sansprécédent, où les plus démunis s'appauvrissentquotidiennement, où la survie devient un enjeuquotidien. Les enjeux liés aux politiques budgé-taires et fiscales demeureront importants dansles prochaines années. Les surplus budgétairesqui se pointent serviront-ils à la redistributionde la richesse et à redonner un sens aux droitsà l'éducation, à la santé et à un revenu décent ?Ou accroîtront-ils la richesse de certains, parles réductions des impôts et le rembourse-ment accéléré de la dette ? La bataille n'est pasgagnée.

1. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, art. 45.2. Obligation de travailler pour toucher une prestation.

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La Charte des droits et libertésde la personne du Québec

stipule que la dignité et le respectde la vie privée font partie des

libertés et droits fondamentaux.Mais si ces droits sont de plus en

plus menacés pour tous lescitoyen-ne-s, l'intrusion dans la vie

privée et les préjugés de toutessortes font partie du quotidien des

prestataires de la sécurité durevenu. Que dire alors du respect

de ces droits pour les personnesanalphabètes assistées sociales ?

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L'étiquette « d'assisté-e social-e » :stigmatisation et préjugésAu Québec, le fait d'être prestataire de la sécuritédu revenu serait plus humiliant que l'état depauvreté auquel il est rattaché, ce qui fait dire àun jeune sur la sécurité du revenu : « Être sur leB.S., c'est pire qu'être pauvre ; c'est d'être pauvreet en porter l'étiquette2. » Sans nier les misérablesconditions de survie avec lesquelles doiventcomposer les personnes assistées sociales enraison du faible taux de leurs prestations, celles-cidoivent subir les humiliations répétées des bien-pensants du seul fait de leur statut de prestataire.

Dans notre société, le travail est une valeur trèsimportante qui définit le statut et la place d'unepersonne dans la société. Être sans emploi et surla sécurité du revenu ouvre la porte à lamarginalisation, à l'exclusion et à une désappro-bation impitoyable par la population en général.Avec l'hégémonie de l'idéologie néolibérale, lamystification des déficits budgétaires qui faitfermenter une psychose populaire, on assiste auretour de la responsabilité individuelle, duconservatisme et de la distinction entre les bonset les mauvais pauvres, soit les inaptes et les aptes.

Les préjugés ont la couenne dure, on le savait...Les sept péchés capitaux ou stéréotypes liés à lacondition de personnes assistées sociales les plusvéhiculés semblent être la paresse, la veulerie,l'irresponsabilité, le parasitisme, l'insolvabilité, lafraude et le mensonge. Il ne faut pas s'étonnerque des membres de notre société multiplientles mesures de vérification, de surveillance, decontrôle et affichent des précautions exagérées,quand ils ne refusent pas carrément de transigeravec une personne assistée sociale.

Un certain M. Harrington soulevait que « pluson descend dans l'échelle sociale, plus on sollicite

l'aide de l'État sous la forme de diverses presta-tions, plus on est amené à divulguer ce que lesautres parviennent à protéger : sa vie privée3. » Lespersonnes assistées sociales constituent probable-ment les plus administrées des administréspar l'État et parmi les plus fichées par l'entrepriseprivée.

Droit à la vie privée,à la dignité et à la non-discriminationsous l'État de surveillanceLa majorité du temps, ce zèle suspect dans lesmesures de contrôle est simplement un traitementdiscriminatoire et la négation des droits fonda-mentaux, tels les droits à la vie privée et à ladignité des personnes assistées sociales. Leschartes de droits humains sont pourtant censéesgarantir les droits à l'égalité, à la vie privée et àla dignité des personnes4. Cependant l'exercicede ces droits n'est pas toujours simple ; les tribu-naux ont tardé à considérer que le fait d'êtreprestataire de l'aide sociale puisse constituerune condition sociale qui est un motif de discri-mination prohibé par la Charte québécoise5.

Notons que les mécanismes de contrôle amé-nagés par l'État sont de plus en plus sophistiqués :les nouvelles technologies informatiques commele réseautage ou l'appariement de fichiers infor-matiques font dorénavant partie des procéduresusuelles de l'administration publique. Aussi, l'Étatparticipe activement au processus de dénigrement.Multipliant les mesures de contrôle et desurveillance, le gouvernement contribue à unlaisser-aller dont profite également l'entrepriseprivée. Le traitement social et juridique réservéaux personnes assistées sociales par l'État en ditlong sur les préjugés qui prennent forme au seinde la société. Le programme de sécurité durevenu, autrefois d'aide sociale, a toujourscontenu des mesures de vérification sur l'admis-sibilité et l'éligibilité des prestataires. Toutefois, sicertaines mesures administratives minimales decontrôle peuvent se justifier, la proliférationd'autres mesures depuis une dizaine d'années estpour le moins discutable. L'acharnement dans lalutte aux fraudeurs et aux fraudeuses s'effectue audétriment de la vie privée de l'ensemble desprestataires, considérant que les critères

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d'admissibilité se resserrent au point que lanotion de fraude a tendance à devenir un conceptélastique d'une réforme à l'autre ; la coupure pourpartage de logement, la suspicion qu'entraînentles échanges de services ou la débrouillardiseet la quasi présomption de vie maritale chez lesfemmes prestataires qui ont un chum, en sontdes exemples.

De l'État-providence à l'Étatdisciplinaire et de surveillanceAvec l'adoption de la Loi 37 en 1988, la loiactuelle sur la sécurité du revenu, on avait assistéau développement de mesures de contrôle accruescomme les visites systématiques d'agents spéciauxau domicile des personnes assistées sociales6.Soulignons que dans l'affaire Laforest7, on avaitreconnu que ces visites devaient s'effectuer avecle consentement des prestataires, reconnaissantainsi leur droit à la vie privée. La contraintepsychologique à l'acceptation de mesures decontrôle ne semble pas encore avoir été évaluéepar nos tribunaux.

En décembre 1995, l'Assemblée nationaleadoptait des modifications importantes à la Loisur la Sécurité du revenu8 et permettait officielle-ment que l'État soit autorisé à recueillir et à com-muniquer des renseignements personnels auprèsde tout organisme, entreprise ou personne. Sousle couvert d'une saine gestion des finances publi-ques, l'État cible les prestataires du programmede dernier recours, il sort l'artillerie lourde et define technologie pour s'introduire dans leur vieprivée par le biais des renseignements personnelsen adoptant la Loi modifiant la Loi sur la Sécu-rité du revenu et d'autres dispositions législati-ves9. Ces échanges de renseignements ont lieu àl'insu et sans le consentement des premiersconcernés, ce qui est contraire aux principesjusqu'alors observés dans les instruments deprotection de la vie privée. Par ailleurs, il s'en estfallu de peu que les prestataires de la sécurité du

revenu soient exclus complètement du champd'application de la Loi sur l'accès aux documentsdes organismes publics et sur la protection desrenseignements personnels, puisque le projet deloi original le prévoyait ainsi10.

Soulignons que, bien avant l'adoption de cesmodifications à la Loi sur la Sécurité du revenu,on avait constaté que « la quasi-totalité des orga-nismes (gouvernementaux) communiquent desrenseignements personnels à un organisme publicdistinct. La très grande majorité des communica-tions ont lieu dans le cadre de l'application d'uneloi, d'un règlement, d'un programme et dedispositions pénales. De plus, la majorité desorganismes communiquent des renseignementspour établir l'admissibilité d'une personne...11 »Le droit à la vie privée et à la dignité des person-nes assistées sociales est quasi inexistant quandl'État permet à des organismes, à des entrepriseset à des particuliers de détenir ou de participer àcet échange de renseignements personnels. Lesprestataires se retrouvent ainsi cernés de toutesparts, car autant l'épicier du coin que RevenuQuébec peuvent avoir accès ou communiquercertaines informations à caractère confidentiel.

Avec le développement des technologies infor-matiques, les enquêtes se font plus sournoisementet sans possibilité d'en être informé. Au plansocial et politique, l'État semble en mesured'adopter impunément des règles portant atteinteaux droits fondamentaux d'une partie de sapopulation. Les personnes assistées sociales sont-elles en voie de devenir les premières à fairel'objet d'un fichier centralisé ? La création d'ungrand fichier central par l'État12 n'est pas sans nousrappeler le cauchemar de 1984 avec la société de« Big Brother ».

Un secteur privé avide de ...renseignementsDu côté de l'entreprise privée, on semble affaméde renseignements personnels pour des raisonsde marketing et surtout pour enquêter sur la

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solvabilité du cocontractant, sur son état desanté et ses antécédents. Ainsi, beaucoup d'entre-prises cherchent à obtenir des renseignementspersonnels sur leurs clients. Par le biais de for-mulaires à compléter permettant d'obtenir desservices, nous fournissons des renseignementstels que notre numéro d'assurance sociale, notredate de naissance, notre employeur actuel, etc.Que ce soit le propriétaire immobilier, le clubvidéo ou certains magasins de meubles, on nelésine pas pour s'assurer du paiement de créance.La prison pour dette a été remplacée par un sys-tème d'inquisition de plus en plus raffiné. Lesentreprises privées collectent, communiquent ets'échangent des renseignements personnels sur laclientèle de consommateurs que nous sommes.Nous évaluons encore mal les effets pervers liésà ces pratiques, mais certaines personnes nouspréviennent des dangers en ces termes :

« C'est... non pas les caractéristiques de cetindividu qui seront utilisées pour prendre unedécision (octroi d'un emploi, d'un crédit) à sonégard, mais bien les caractéristiques du groupeauquel on l'a arbitrairement rattaché. L'apparte-nance au groupe prendra alors le pas sur lescaractéristiques personnelles de l'individu.... pourles personnes qui sont ou ont déjà été prestatairesd'aide sociale, l'association à un groupe peutprésenter un handicap majeur13. »

Exemple : le cas des formulaires de location surle marché locatif privé.

Plusieurs propriétaires du marché locatif privéutilisent des « formulaires de location » ou « for-mulaires de renseignements personnels » à com-pléter par les aspirant-e-s locataires. Il s'agit d'uneétape de pré-location qui souvent n'engage queles locataires en cas d'acceptation future par lepropriétaire. Certains de ces formulaires peuventprévoir jusqu'à plus de 70 demandes de rensei-gnements différents. Il ne faut pas se leurrer, cesformulaires servent avant tout à déterminer lasolvabilité des locataires et à exercer une discrimi-nation sur la base de leur dossier de crédit suite à

la vérification des renseignements fournis. Lenuméro d'assurance sociale permet d'avoir accèsà une quantité inouïe de renseignements. Lespersonnes assistées sociales sont des victimesde choix et les propriétaires exercent leur discri-mination sous le couvert de ces artifices. Parconséquent, les personnes assistées sociales ontde plus en plus de difficulté à se loger.

Pour le moment, le lobby des propriétaires sem-ble trouver écho auprès de la ministre Harel. Danssa version actuelle, le Projet de loi 18614, réformeprojetée de la Loi sur la sécurité du revenu, il estprévu qu'une partie de la prestation puisse êtresaisie par le propriétaire lors du non-paiement oudu retard dans le paiement du loyer. Commemécanisme de vérification d'admissibilité à cettemesure, la Régie du logement pourra ordonnerau ministère de la Sécurité du revenu de luiconfirmer que le ou la locataire est prestataire duprogramme.

Citoyens et citoyennesfichés ou fichus ?Parce qu'elles bénéficient de prestations de l'État,les personnes assistées sociales doivent subirdiverses mesures de contrôle par l'appareilgouvernemental qui débutent au dépôt de lademande et qui s'exercent pendant toute la duréedes prestations. Les sociétés libérales assistent àun effritement des droits collectifs , le droit à uneprestation sociale étant de plus en plus menacé.Les populations s'extasient devant les développe-ments technologiques tout en conservant unespoir candide de préserver leurs droits civils etpolitiques. Cette combinaison dangereuse peutcréer les conditions préalables à l'avènementde l'Etat de surveillance à la solde d'intérêtsfinanciers privés.

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La pensée libérale s'est toujours acharnée ànier la pauvreté en tant que phénomène social,la reléguant ainsi à la responsabilité individuelleen faisant la distinction entre le bon et le mauvaispauvre. Au cours des siècles, les formes d'assis-tance aux pauvres ont toujours été marquées d'uncontrôle moral et social plus ou moins subtil, surla légitimité du secours. Avec l'État-providence,les notions de « droit à la subsistance » et de« besoin » sont apparues, l'Etat amorçant uneprise en charge de l'assistance aux pauvres, soitune reconnaissance de la responsabilité collective.La notion de besoin était au centre des program-mes dits d'assistance.

De nos jours, on constate un retour de lanotion de « mérite » et de l'aide catégorisée,qu'on retrouvait jadis à la base des secours octroyésaux mères nécessiteuses15. La notion à la modede « citoyenneté » doit prévoir aux dires decertains des obligations en plus des droits. Cesobligations renforcées viennent empiéter davan-tage sur les droits fondamentaux des prestataires.Le Projet de loi 186 ne fait pas exception enaccentuant les contrôles disciplinaires en matièred'emploi et d'employabilité, mesures particuliè-rement draconiennes pour les jeunes qui doiventêtre inscrits à un Parcours sous peine de voirleur prestation de base coupée. Ce projet de loimaintient et renforce les dispositions de contrôleet de vérification déjà présentes dans la législa-tion actuelle. Le ministère précise que cesmesures de contrôle contribuent également àl'atteinte d'objectifs budgétaires.

Il n'est pas rassurant de constater que l'État, enexerçant la contrainte, profite de la vulnérabilitédes prestataires de l'aide de dernier recours pouratténuer leurs droits à la vie privée et à la dignité.Nul doute que le glas de l'État-providence a sonnéet que le train de réformes passe à toute allure,dépouillant de son sens les concepts d'égalité etde dignité. Récemment, la CSN dénonçait le faitque plusieurs corporations et sociétés commer-ciales échappent pendant des années à l'œil dufisc. La précarisation des emplois et le chômageélevé font grossir les rangs de la pauvreté et del'exclusion. On arrive à se demander si certainsne sont pas plus égaux et plus dignes que d'autresaux yeux de l'État... Le traitement social de la

pauvreté par nos gouvernements ne peut nouslaisser dans l'indifférence ; les prochains sur la listene risquent pas d'être les insouciantes corpora-tions ... « Big Brother pourrait avoir besoin devous ! »

1. Auparavant permanente au Comité des Citoyens et Citoyennes duQuartier St-Sauveur de Québec, et coordonnatrice au Regroupementdes Comités Logement et Associations de Locataires du Québec,Nathalie Belleau est actuellement étudiante à la maîtrise en droitsocial et du travail de l'UQAM. Le sujet de son mémoire est : « Vieprivée et dignité des personnes assistées sociales au Québec : lesmécanismes de contrôle et de surveillance du ministère de laSécurité du revenu. »2. CONSEIL PERMANENT DE LA JEUNESSE. « Dites à tout lemonde qu'on existe... », Avis sur la pauvreté des jeunes, Québec, 1993, p.14.3. Marie-Claude LAUZANNE. La protection de la vie privée despersonnes bénéficiant de lois sociales au Québec, 1982, Prix Charles-Coderre pour l'avancement du droit social, Fonds Charles-Coderre,Beauceville, Les Éditions Yvon Biais Inc., 1983, p. 61 : elle réfère auxpropos tenus par Michael Harrington, « Privacy and the Poor »,University of III, Law Forum, 1971.4. Voir les articles 4 (droit à la dignité), 5 (droit à la vie privée) et 10(droit à l'égalité) de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q.,c-12 et les articles 8 (protection contre les fouilles, perquisitions etsaisies abusives) et 15 (droit à l'égalité) de la Charte canadienne desdroits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe Bde la Loi sur le Canada, R.U., 1982, c.11.; Voir également la Loi surl'accès aux documents des organismes publics et sur la protection desrenseignements personnels, L.R.Q. c. A-2.1. et la Loi sur la protection desrenseignements personnels dans le secteur privé, L.R.Q. c. P-39 et lesarticles 35 à 41 C.C.Q.

5. C.D.P.Q. c. Gauthier, (T.D.P.Q.), (1994) R.J.Q. 253.6. Gisèle TURCOT. « Big Brother chez les Pauvres : Les effets perversde la Loi 37. » Mations, n° 589, avril 1993, pp. 71- 77.7. Laforest c. Paradis. [1987] R.J.Q. 364 (C.S.)8. L.R.Q., c. S-3.1.1.9. L.Q., c. 1995, c. 69.10. Journal des débats, 28 août 1997, p. 8.11. Groupe de recherche informatique et droit (GRID). Vie privéesans frontières ; Les flux transfontières de renseignements personnels enprovenance du Canada, Étude commanditée par le gouvernement duCanada, Ministère de la Justice, Ministère des Approvisionnements etServices Canada, 1991, p. 328.12. Michel VENNE. Vie privée et démocratie à l'ère de l'informatique,coll. Diagnostic, nc 15, Institut québécois de recherche sur la culture,1994.13. René CÔTÉ. « Présentation » dans René CÔTÉ et RenéLAPERRIÈRE (dir.), Vie privée sous surveillance : la protection desrenseignements personnels en droit québécois et comparé, Cowansville,Les Éditions Yvon Biais Inc., 1994.14. Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidaritésociale, Projet de loi 186 (déposé à l'Assemblée nationale le 18 décem-bre 1997), 2e session, 35e législature (Québec). Nous soupçonnonsque le gouvernement envisage son adoption en toute vapeur d'ici peu.15. Loi instituant l'assistance aux mères nécessiteuses, S.Q., 1937, chap.11., qui ne s'adressait qu'à des mères de deux enfants de moins de16 ans et dont le mari était décédé ou interné. De plus, les mèresdevaient amener des garanties de bonne moralité en fournissant deuxcertificats de bonne conduite dont un du curé, l'autre du maire oud'un médecin.

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Une entrevueavec le protecteur du citoyen,

Me Daniel Jacoby

Vous exercez la fonction de Protecteur ducitoyen depuis bientôt dix ans et on peut dire quevous n'avez pas hésité à le faire en pleine lumière.Avez-vous le sentiment que les citoyens et lescitoyennes connaissent mieux votre rôle et le typed'aide qu'ils peuvent obtenir en s'adressant àvotre organisme ?

Je vous répondrai oui et non, à la fois. Quandje suis entré en poste, environ 25 % de la popula-tion avait déjà entendu parler de l'Institution duProtecteur du citoyen. Le dernier sondage quenous avons fait indique qu'environ 60 % de lapopulation connaît l'existence du Protecteur ducitoyen, ce qui ne veut pas dire pour autant quetoutes ces personnes s'adresseraient spontanémentà nos bureaux si elles avaient un problèmeavec l'administration gouvernementale. Voussavez, ce n'est pas parce que le citoyen ou lacitoyenne m'aura vu à la télévision qu'il ou ellepensera s'adresser au Protecteur du citoyen,quelques mois plus tard.

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Le Protecteur du citoyen estl'institution incontournable en

matière de recours. D'autant plusque Me Jacoby est très critiqué etque son dernier rapport a fait du

bruit. Que peut-il faire ?Jusqu'où peut-il aller ?

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Ils sont 20 % seulement à avoir spontanémentce réflexe et cela suppose qu'en plus de connaîtrele nom, ils savent que nous pouvons les aiderquand ils croient avoir été traités injustement parun ministère ou un organisme du gouvernementdu Québec. C'est également ce groupe qui dis-tingue le mieux le rôle du Protecteur du citoyende celui de la Commission des droits de la per-sonne et des droits de la jeunesse, organisme quiagit en matière de discrimination, de harcèlementou lorsqu'une décision du directeur de la Protec-tion de la jeunesse apparaît insatisfaisante. Demême, ils connaissent mieux le rôle de l'Officede la protection du consommateur, et s'y adres-sent directement, quand ils veulent connaître etfaire respecter leurs droits en tant que consom-mateur dans une transaction avec un commerçant.

On peut facilement imaginer ce que nos son-dages confirment. Ce sont là les personnes trèsbien informées, et elles le sont parce qu'elles ontaccès ou qu'elles possèdent les moyens de s'infor-mer, de la parole à l'écrit en passant par tous lesautres moyens de communications et d'accès àdes connaissances. Même si les technologiesmodernes tendent à écarter l'écrit, on sait trèsbien que la maîtrise de la langue écrite demeurela clef principale pour le développement del'autonomie d'un individu et de sa capacité decomprendre pleinement où, quand et commentil peut agir sur ce qui lui arrive et sur ce qui sepasse dans son environnement.

Cela dit, même si nous avons fait des progrèsindéniables pour nous faire connaître de toutela population, je demeure un éternel insatisfaità cet égard. Je suis donc particulièrementheureux que vous me donniez l'occasion decet échange puisque vos membres, par leurtravail quotidien auprès des personnes analpha-bètes, peuvent être de précieux alliés dans latransmission d'une information sur le recours auProtecteur du citoyen et la facilité d'accès à nos

services.

Les groupes qui défendent les droits des per-sonnes analphabètes sont particulièrement inté-ressés à mieux connaître votre rôle auprès descitoyen-ne-s et comment vous pouvez leur veniren aide dans leurs rapports avec l'Etat. Ce pour-rait être là une thématique de formation trèsintéressante à aborder dans les activités d'alpha-bétisation.

Ce serait là une excellente idée, en effet. Toutd'abord, il faut souligner que le Protecteur ducitoyen est nommé par l'Assemblée nationale etqu'il constitue une institution complètementindépendante de l'administration publique surlaquelle il exerce ses pouvoirs d'enquête. Lescitoyen-ne-s peuvent donc être assurés qu'ilexaminera leurs problèmes avec impartialité, sanspréjugés et sans esprit partisan. La loi lui accordetout pouvoir pour mener ses enquêtes à l'intérieurde l'administration publique, pour avoir accès auxdossiers et pour obtenir une réponse à sesquestions. Je soulignais plus tôt que le Protecteurdu citoyen exerce son pouvoir de surveillancesur les ministères et organismes du gouvernementdu Québec. Cependant, il faut dire que la Loisur le Protecteur du citoyen exclut certainsorganismes et sociétés d'État du gouvernementdu Québec. Ainsi, il n'est pas autorisé à interve-nir sur les décisions prises par les établissementsde santé, les institutions d'enseignement et lesmunicipalités. À cet égard, le Québec est enretard sur la presque totalité des pays démocra-tiques où l'ombudsman a autorité sur toutes lesmissions de service public.

Par ailleurs, il doit cesser d'agir si un tribu-nal est saisi du problème. Il n'est pas davantageune Cour d'appel des décisions des tribunauxadministratifs et judiciaires. Ceci est normal àcause du principe démocratique de la sépara-tion des pouvoirs législatif, administratif et judi-ciaire.

Parce qu'il est un recours de dernier ressort,il ne doit se substituer ni au citoyen ni aux servi-

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ces publics. Sauf dans les cas d'urgence, il doitparfois réorienter les citoyen-ne-s vers l'organismevisé par la plainte, en leur donnant toutefois desconseils pour les aider à rétablir les ponts et enleur fournissant des informations précises sur leursdroits et obligations ainsi que sur les mécanismespour les faire valoir. Dans de nombreux cas, eneffet, un nouvel échange avec le premier interlo-cuteur et, au besoin, son supérieur, suffit à clari-fier la situation avant qu'un-e citoyen-ne n'entre-prenne de préserver ses droits en exerçant lesrecours judiciaires appropriés, s'il en est. S'il existeun service crédible et efficace de règlement desconflits dans une organisation, les citoyen-ne-speuvent être invités à s'y adresser ou même yêtre référés directement par le Protecteur ducitoyen. En tout temps, toutefois, ils sont assurésde pouvoir à nouveau obtenir conseil ou assistance,si des difficultés surgissent qui sont du ressortdu Protecteur du citoyen.

Lorsque le citoyen s'adresse au Protecteur ducitoyen, celui-ci doit déterminer d'abord si lapersonne doit faire d'autres démarches, ou s'il y alieu de faire enquête immédiatement. Lorsqu'uneenquête révèle une erreur ou une injustice à sonégard, le Protecteur du citoyen requiert de l'orga-nisme ou du ministère qu'il corrige la situation.Si la réclamation du citoyen ou de la citoyennen'est pas fondée, on l'informe de la décision enprenant soin de la lui expliquer le plus clairementet complètement possible. À l'occasion de l'exa-men des réclamations, le Protecteur du citoyenpeut être amené à faire modifier des lois, desrèglements ainsi que des formulaires, des pra-tiques, des procédures, des directives ou despolitiques administratives, s'il juge ces change-ments d'intérêt public. Ultimement, il peutadresser à l'Assemblée nationale un rapportspécial lui recommandant d'intervenir pourcorriger une situation.

Pour de nombreux citoyen-ne-s, le Protecteurdu citoyen devrait pouvoir « forcer », « obliger »,

« ordonner ». Ce n'est pas ce qu'a voulu lelégislateur. En adoptant la Loi sur le Protecteurdu citoyen, l'Assemblée nationale créait unefonction distincte du pouvoir législatif àqui appartient le rôle de faire les lois, distincteaussi de l'Administration, responsable au premierchef de leur application, et, tout autant, destribunaux à qui incombe la tâche de régler deslitiges particuliers en interprétant le droit.Par contre, dans de nombreux pays, le Protecteurdu citoyen peut éventuellement s'adresser auxtribunaux si la médiation échoue.

En confiant au Protecteur du citoyen un rôlede « persuasion morale », en aménageant enconséquence ses pouvoirs d'enquête, derecommandation et de rapport, le législateur luidemandait de préserver et promouvoir la qualitédes relations entre l'État et ses citoyens, en seservant bien sûr des règles de droit, mais il luipermettait aussi d'ouvrir la voie à des solutionsd'équité si, par exemple, une interprétationdéraisonnable ou les effets non anticipés des loisou des règlements causent préjudice à un citoyenou à une citoyenne.

Le Protecteur du citoyen joue donc un rôleimportant dans la protection des droits de lapersonne à l'égard de l'administration publique,dans l'amélioration de la qualité des servicesgouvernementaux et dans le renforcement de ladémocratie.

Est-ce qu'une personne analphabète pourraitbénéficier d'une aide particulière ou d'un accèsplus facile auprès de votre organisme ?

Nos préoccupations vont dans ce sens.D'ailleurs, il a toujours été dans la tradition duProtecteur du citoyen, autant dans ses relationsavec les citoyen-ne-s que lorsqu'il intervient poureux auprès des ministères et organismes, deleur faciliter l'accès aux services et de défendrel'importance d'adapter ceux-ci aux besoins desgens et non l'inverse.

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Les personnes qui s'adressent au Protecteurdu citoyen peuvent donc, à leur gré, se présenterà nos bureaux, écrire ou téléphoner. Si elles sontou se sentent incapables de faire la démarcheelles-mêmes, elles peuvent se faire représenter parune personne de leur choix. Il suffit que cettepersonne soit bien au courant du problème etpuisse fournir toute l'information additionnelle.Nos services sont tout à fait gratuits et accessi-bles, partout au Québec. Les adresses de nosbureaux de Québec et de Montréal apparaissentaux pages bleues de tous les bottins téléphoniques,sous la lettre « P », de même, bien sûr, que lesnuméros de téléphone.

Quant à l'aide que nous pouvons leurapporter, règle générale, le Protecteur du citoyenintervient lorsque la personne a tenté de réglerson différend avec les services publics, mais qu'ellen'y a pas réussi. Le Protecteur du citoyen acependant une grande marge de manœuvre pourdéterminer le moment où il doit entreprendred'agir et il le fait en tenant compte des circons-tances et des ressources particulières à chaquecitoyen et citoyenne. Dans certains cas, unepersonne maîtrisant peu ou pas la langue écritesera tout de même en mesure de faire d'autresdémarches après avoir reçu les informations oules conseils utiles ; dans d'autres cas, son besoind'assistance sera plus immédiat. Vous savez, biensûr, qu'il n'est pas toujours facile de déceler deprime abord qu'une personne est analphabète,mais le personnel du Protecteur du citoyen estparticulièrement attentif aux indices qui luipermettent d'agir en tenant compte des besoinsde la personne et dans le respect de sa dignité.

Quels types de problèmes rencontrez-vous le plus fréquemment et avez-vous noté une évolutionau fil du temps ?

Chaque jour, plusieurs milliers de personnessont en relation avec les divers services du gou-vernement du Québec, les unes pour obtenir desrenseignements, les autres pour les alerter d'unesituation, d'autres, encore, pour faire reconnaîtreleur droit à une forme d'aide de la part de l'État,pour obtenir divers services ou pour respecter leursobligations comme citoyen-ne-s. Dans la très

grande majorité des cas, les services publics four-nissent des services de qualité et respectent lesdroits des citoyen-ne-s. Mais, nous le savons, lescitoyen-ne-s n'obtiennent pas toujours satisfactiondans leurs rapports avec eux. Non seulement lenombre de plaintes a-t-il augmenté mais, plusfondamentalement, les plaintes ont changé denature. Les compilations pour cette année ne sontpas complétées, mais si on se réfère aux chiffresde 1996-1997, nous avons reçu 28 333 plainteset demandes de consultation, une augmentationde 10 % sur l'année précédente. En 1988, à monentrée en fonction, le compte était de 22 389.

Si les citoyen-ne-s contestent encore des déci-sions et des services qu'ils reçoivent ou qu'ils nereçoivent pas, plus qu'auparavant ils dénoncentla façon dont ils sont traités par les ministères etorganismes, le manque d'accès à l'informationgouvernementale et le peu d'effort qu'on accordeà leur rendre cette information compréhensible.Le manque d'information et la baisse de qualitéde celle-ci, sources de problèmes de communica-tion, sont souvent causés par l'inaccessibilité deslignes téléphoniques et la présence multipliée deboîtes vocales inadéquates. Les délais d'accès àl'information et aux décisions, sources dedifficultés et de craintes pour les citoyen-ne-s,résultent notamment de l'implantation précipi-tée de nouveaux programmes, et de la révision decertains modes de fonctionnement. La perte dedroits, impliquant parfois tout l'avenir d'unepersonne, découle souvent d'une informationinadéquate trop fréquemment associée à unmanque de transparence de l'Administration. Lesinjustices perdurent parce que, dans un contextede réduction de personnel et d'accroissement dela charge de travail des fonctionnaires, l'Adminis-tration a tendance à se retrancher derrière larigidité des normes. Enfin, la bonne foi descitoyen-ne-s est souvent remise en cause. Tropsouvent, on ne prend plus le temps de les écouterou de tenir compte de leur situation particulière,et, à la limite, on refuse tout simplement de lesentendre. Au cours des dernières années, la crisedes finances publiques a aussi amené l'Adminis-tration à modifier considérablement ses façonsde faire, notamment par un recours massif aux

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nouvelles technologies : ceci a été à l'origine denombreuses réclamations.

Dans le traitement des plaintes des citoyen-ne-s,j'ai dû, sans cesse, m'interroger sur leurs attenteslégitimes, insister sur les causes des insatisfactions,tenir compte du contexte socio-économique,suggérer des règles de conduite à l'Administrationet faire appel aux valeurs éthiques qui doiventanimer l'action des fonctionnaires.

Peu à peu, la responsabilisation est devenue lethème sur lequel je suis davantage intervenu à larecherche de l'équilibre dont doivent témoignerles relations citoyens-État. D'un côté, je demandeaux citoyen-ne-s d'effectuer d'abord leurs démar-ches, de fournir les documents et renseignementsutiles, de tenter de résoudre eux-mêmes leurs dif-ficultés, d'être francs, honnêtes et respectueux desfonctionnaires. De l'autre, il faut exiger que lesservices publics développent des services accessi-bles et adaptés, qu'ils écoutent les citoyen-ne-smême lorsque leur demande n'est pas soumisedans la forme prescrite, qu'ils fassent preuved'empathie et de jugement, évitent l'arbitraire,motivent et expliquent leurs décisions, respectentles droits et la dignité des citoyen-ne-s et qu'ilsrecherchent l'amélioration.

Au cours des dernières années, vous avezdénoncé l'exclusion croissante de nombreuxgroupes de la société. Les personnes analphabètesse sont trouvées particulièrement vulnérables etont été lourdement affectées par la décroissancesurvenue autant dans le secteur public que dansle secteur privé. L'État joue-t-il pleinement sonrôle d'assurer la plus grande participation possi-ble de tous les citoyen-ne-s ?

Il est certain que c'est principalementl'État qui peut agir pour développer la citoyen-neté. Depuis déjà plusieurs années, l'urgenced'assainir les finances publiques est devenuela priorité. Le Protecteur du citoyen partagecet objectif. Ce qui est davantage l'objetd'une controverse, ce sont les moyens préconiséspour l'atteindre. La lutte au déficit ne doitpas provoquer ou augmenter les exclusions et lesinjustices.

Globalement, on peut affirmer que le défi despouvoirs publics est de gérer la décroissance sanscompromettre substantiellement les acquis d'uncontrat social forgé au prix d'une solidaritécollective. Mais on doit constater que si tel estson défi global, l'État rencontre parfois desdifficultés à le réaliser. Il faut reconnaître que lescontraintes générales, et particulièrement celles denature budgétaire, imposent des sacrifices majeurset la prise de décisions lourdes de conséquencespour les citoyen-ne-s ou du moins pour uneimportante partie d'entre eux. L'État pourra alorsavoir tendance à suivre le courant dans un réflexed'impuissance.

Cette attitude, bien qu'on puisse en compren-dre les causes, doit être débusquée. Elle ne peutêtre recentrée que par l'avènement d'une éthiquerenouvelée et mobilisante. Il devient urgent deréaffirmer la primauté du citoyen et de la ci-toyenne ; autrement, on risque de faire perdre devue l'essentiel, le véritable motif de toute actiondes pouvoirs publics : le citoyen lui-même et saparticipation à une collectivité en développement.Il faut donc que nous soyons tous vigilants.

À Québec525, boul. René-Lévesque Est, bureau 1.25Québec (Québec) G1R 5Y4Téléphone : (418) 643-2688Sans frais : 1 800 463-5070Télécopieur : (418) 643-8759

À Montréal1, rue Notre-Dame Est, bureau 11.40Montréal (Québec) H2Y 1B6Téléphone : (514) 873-2032Sans frais: 1 800 361-5804Télécopieur : (514) 873-4640

Par InternetCourrier électronique :[email protected]

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Le citoyen, l'État et lamondialisation

Entretien avec André Paradis,Ligue des droits et libertés

Dans le contextedu désengagement de l'État

et de la mondialisation,quelles perspectives s'offrent

aux personnes exclues ? quel aveniry a-t-il pour les droits et libertés ?

de quelle marge de manœuvredisposent les organismes

de défense des droits ?

Pourquoi parle-t-on beaucoup de citoyennetédepuis quelque temps ? Est-ce parce que c'esttout ce qui reste de commun entre les gens,avec l'accroissement de l'exclusion ?

Il y a plusieurs facteurs qui expliquent leretour de la réflexion sur la notion de citoyennetédepuis une dizaine d'années, ici et en Europe. Pourun bon nombre de mouvements sociaux, c'est enréaction au développement du phénomèned'exclusion, et aussi, dans certains cas, au phéno-mène du pluralisme culturel et social, et à celuide la mondialisation.

Il y a eu une évolution de la notion de citoyen-neté dans l'après-guerre : la citoyenneté véritable,ce n'était plus seulement des droits politiques maisaussi la reconnaissance d'un certain nombre dedroits sociaux, économiques et culturels, avec ledéveloppement de l'État-providence. Il y a eu lacollectivisation d'un certain nombre de risques etla redistribution de la richesse à l'intérieur desprogrammes sociaux. Mais à mesure que lenéo-libéralisme et le processus de mondialisationprogressent et que ces acquis-là sont remis en

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cause, les mouvements sociaux sont amenés às'interroger sur le sens de la citoyenneté face àl'exclusion.

Une autre raison, c'est que la plupart dessociétés occidentales deviennent de plus en pluspluralistes au plan culturel, en termes de compo-sition ethnique et de mode de vie. Il y a toutessortes de courants qui coexistent, et cela posebeaucoup de questions : est-ce que ce pluralismeculturel-là conduit à une fragmentation ou est-ilpossible de maintenir un minimum de cohésionsociale pour fonctionner ? Quelle est la base decette cohésion ? D'où le retour sur l'idée de lacitoyenneté.

La globalisation qui s'opère depuis une ving-taine d'années a plusieurs dimensions, aussi bienculturelles qu'économiques. On assiste en fait àla marchandisation accélérée du monde, que cesoit à travers la pénétration accrue de la culturede masse d'origine surtout américaine, le déve-loppement du capitalisme et des transnationalesdans tous les secteurs d'activité ou la croissancevertigineuse de l'économie financière qui fait cir-culer les capitaux instantanément d'un bout àl'autre de la planète. Cela entraîne inévitablementune érosion des pouvoirs des États-Nations.Concurremment, il y a le développement extra-ordinaire des communications et de la circulationdes personnes. Cela en amène certains à se poserla question : être citoyen, citoyenne au Canada,est-ce que ça a encore un sens ou est-on« citoyen, citoyenne du monde ? » Mais enréalité, n'assistons-nous pas à une dépossessionde notre citoyenneté ?

À ce propos, dans les pays du Sud, est-ce quecela a un sens de parler de citoyenneté, si l'on seréfère au concept sous-jacent de démocratie ?

Par exemple au Pérou, dans la réflexion desorganismes des droits humains les plus avancés,il y a aussi une prise en compte de la notion decitoyenneté. C'est un régime très autocratique,autoritaire, dominé par les militaires, et quiapplique principalement les politiques dictéespar la Banque mondiale et le FMI. C'est aussi unpays où il y a eu beaucoup de violence politiqueet de répression dans les 15 dernières années, ainsiqu'une dégradation des conditions de vie de lapopulation, en majorité très pauvre. Même dansun contexte comme celui du Pérou, on est amenéà revenir sur la notion de citoyenneté, justementpour faire valoir la nécessité de la lutte pourles droits économiques et culturels ainsi que laparticipation des citoyen-ne-s aux processusdécisionnels, face à un régime de plus en pluscentralisé et dont les vrais maîtres sont les instan-ces internationales.

Le citoyen ou la citoyenne étant celui ou cellequi est membre de la Cité, avec les droits et obli-gations qui sont attachés à cette qualité, qui estinclus dans une communauté, quel est le statutdes personnes exclues, des personnes pauvres (« ci-toyens » de droit et non de fait) : citoyens deseconde zone, non-citoyens ?

Aujourd'hui, on reconnaît en principe les droitsde tous et toutes. Selon la Déclaration universelledes droits de l'Homme, dont sont inspirées leschartes canadienne et québécoise : « Tous les êtreshumains naissent libres et égaux en dignité et endroits. » Mais la reconnaissance des droits devientformelle pour une partie de plus en plus impor-tante de la population, qui n'a plus les moyens departiciper à la vie sociale et politique. Effective-ment, ces exclu-e-s sont des citoyen-ne-s deseconde zone. Leur citoyenneté est remise enquestion. Certains voient là la remise en questionde la notion même de citoyenneté qui serait unleurre. Pour d'autres, au contraire, c'est uneraison de lutter pour la conquête des droits et dela citoyenneté pour tous et toutes.

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Lorsqu'on parle de lutte, auparavant c'était cir-conscrit dans un espace national. Aujourd'hui,dans le contexte de la mondialisation, qui estl'interlocuteur du citoyen et de la citoyenne ?

Une partie de plus en plus importante dupouvoir réel est entre les mains d'institutionsinternationales et de corporations transnationalessur lesquelles les citoyen-ne-s n'ont plus de prise,et le défi, justement, pour les mouvementssociaux, c'est d'inventer des mécanismes decontrôle démocratique.

Il y a des idées et des stratégies qui sediscutent. Il y en a qui parlent d'instancesinternationales pour contrôler l'activité descorporations transnationales, pour limiter l'ins-tabilité des flux de capitaux et taxer les transac-tions en vue de constituer un fonds pour financerles programmes sociaux. À l'heure actuelle, il ya un retour à la solidarité sociale avec unedimension internationale de plus en plus forte.

Par exemple, au moment des négociations pourl'Accord de libre-échange nord-américain(ALENA), une coalition plus ou moins formellede syndicats et d'organisations populaires duQuébec, du Canada, des États-Unis et du Mexi-que, s'est constituée. Avec le début du processusde création d'une Zone de libre-échange desAmériques, ces dernières années, cette coalitions'est élargie à d'autres pays. L'année dernière, lorsd'une rencontre tenue au Brésil, à Belo Horizonte,ces organisations ont formé l'Alliance socialehémisphérique, qui veut faire entendre la voix despopulations dans ce processus. Cette Allianceavance des revendications pour la justice socialeet le respect des droits. Elle a joué un rôle centralpour l'organisation du Sommet des peuples desAmériques, en parallèle avec le sommet des chefsd'État des Amériques de Santiago, Chili, en avril1998.

Ces dernières années, il y a eu un développe-ment important dans la coopération et l'unitéd'action entre les organismes qui s'occupent desdroits humains, par exemple, la Fédération inter-nationale des ligues des droits humains. Cetteunité de plus en plus grande permet de dévelop-per un contrepoids : lors des grandes conférencesinternationales organisées par l'ONU ces derniè-res années, et notamment lors de la conférence

mondiale sur les droits humains, à Vienne en1993, les organisations non gouvernementales, lesorganisations populaires et communautaires, ontpu faire sentir leur poids, empêcher des reculsparfois et même réaliser des avancées, sur les droitsdes femmes, par exemple. C'est la capacité de cesorganisations de la société civile à se développercomme une force internationale qui peut amenerla mise en place de mécanismes de contrôle etde régulation des multinationales ainsi que ladémocratisation des institutions internationalescomme le F.M.I. et la Banque Mondiale.

Depuis une quinzaine d'années, il y a un reculgénéralisé dans les domaines social et économi-que, accompagné d'une entreprise idéologique quimet l'accent unilatéralement sur la responsabilitédes gens. Actuellement, il y a non seulement ungrand nombre de gens sans emploi, mais aussi deplus en plus de gens qui se sentent menacés. Est-ce qu'ils vont accepter longtemps cette situation ?La dégradation des conditions de vie des gens peutaller jusqu'à un certain point. Mais à un momentdonné, quand ça touche un trop grand nombrede gens, il y a comme un réflexe des populations.Il y a eu la Marche contre la pauvreté au Québecet, en ce moment, une Marche mondiale s'orga-nise.

En attendant, faut-il élaborer des chartesspécifiques pour des formes d'exclusions diverses,par exemple une charte des droits des personnesanalphabètes ? Est-ce la bonne stratégie ?

Pour ce qui est des chartes, personnellement,je n'en suis pas trop partisan. Mais ça dépend dece que l'on va en faire. Si ces chartes visent à édu-quer les gens sur leurs droits et responsabilités,c'est certainement utile. Mais la prolifération detelles chartes peut aussi faire diversion.

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Développer unecitoyennetéactive

On a dit et redit que le payeurde taxes et le consommateur ont

pris la place du citoyen. Le siècle aété traversé par des revendications

radicales et des conflits majeurs,va-t-il s'achever dans la torpeur ?

Ou bien la lutte a-t-elle pris d'autresformes moins visibles ? Quoiqu'ilen soit, il apparaît nécessaire derevitaliser la solidarité citoyenne.

Comment reconstruire les réseauxpour faire émerger avec forceles revendications sur la place

publique et réveiller l'apathiedes citoyens ?

Confrontés à toutes sortesd'injustices dans leur travail de tousles jours, comment fonctionnent lesgroupes d'alphabétisation populaire

pour répondre aux problèmes etbesoins des personnes avec

lesquelles ils travaillent ? Comment,à partir des activités qu'ils mènent enatelier, les animateurs et animatricesfont-ils pour promouvoir une culture

de la citoyenneté et faire entendrela voix de ceux et celles qui

sont en marge de la Cité ?

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Contrairement aux apparences, lescitoyens n'ont pas déserté la sphèrepolitique. Il faut plutôt parler de« nouveaux » citoyens, qui ont uncomportement différent et qui pra-tiquent le militantisme autrement.

Si nous examinons les données habituellementutilisées pour mesurer la « santé démocratique »d'une société, nous pouvons être tentés deconclure rapidement à une apathie populairemontante face à tout ce qui touche au politique.Ainsi, les politicien-ne-s obtiennent le plus baspourcentage de confiance dans les sondages, lesélectrices et électeurs s'identifient de moins enmoins aux partis politiques et les taux de partici-pation aux scrutins stagnent aux environsdes 70 % (50 % en moyenne aux États-Unis).Malgré cela, les gens continuent généralement deréagir face aux événements qui marquent lascène politique, ce qui ne correspond pas, parconséquent, à une apathie classique. Commentpeut-on alors expliquer une telle situation ? Si lesgens réagissent mais qu'ils le font moins par lebiais des partis politiques et par le vote aux élec-tions, alors ils utilisent des moyens alternatifs. Lemilitantisme et les revendications empruntentd'autres voies, d'autres organisations, d'autresoutils et d'autres stratégies. De plus, les motifspour lesquels les gens s'impliquent se transformenteux aussi. Dans cet article, nous décrironsquelques exemples de militantisme variés, et nousexpliquerons certaines transformations dans lamanière de militer. Nous verrons aussi que lecommunautaire constitue une des principalesvoies alternatives. Finalement, nous parlerons durôle des groupes alpha, dans un tel contexte.

Un militantisme plus variéDe nos jours, les revendications peuvent s'exercerpar diverses voies. Ainsi, l'attraction des groupescommunautaires n'empêche pas les gens de mili-ter dans les partis politiques. Ceci donne naissanceà des combinaisons d'organisations assez intéres-santes. Lors de nos entrevues, nous avons rencon-tré des membres du PQ et du BQ qui militaientégalement dans des comités de citoyen-ne-s de leurville respective, sur des dossiers plus locaux. Bref,il est possible de militer dans divers types d'orga-nisations, pour des intérêts variés. Les gens peu-vent aussi s'impliquer dans diverses organisationspour défendre un seul intérêt. Par exemple, nousavons rencontré un membre du PQ qui militaitaussi dans le mouvement Québec-Français, alorsqu'un autre s'impliquait également au Bloc età la Société St-Jean Baptiste. Ici, la défense dela langue française justifiait leur implicationsimultanée dans ces différents groupes. Ces scé-narios indiquent l'éclosion de comportementsnouveaux et parfois inusités (peut-être moins denos jours). Ainsi, certains membres actifs d'unparti politique travaillent fortement à l'électionde leur candidat, dans leur comté. Puis, aprèsl'élection, ils utilisent des groupes de pression pour« taper sur la tête » de leur député, qu'ils ont pour-tant aidé à élire. Ces militants préfèrent alorsexercer des pressions par le biais d'un groupe, quidéfend spécifiquement une catégorie d'intérêts et

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de gens, sur un député qu'ils connaissent bienet qui sera possiblement plus sensible à leursdemandes. Le contexte actuel laisse donc plusd'opportunités aux militants, qui peuvent adap-ter et combiner plusieurs manières de revendiquer.

La vitalité du communautaireLes organismes communautaires constituentdonc une voie alternative intéressante pour s'im-pliquer dans la sphère politique. D'ailleurs, selonMayer1, 40 % des Français militent dans uneorganisation quelconque (incluant le commu-nautaire), contre 3 % seulement dans les partispolitiques. Au Québec, selon Godbout2, lenombre de groupes communautaires est passé de6 100 en 1973, à 24 510 en 1989. Il a donc qua-druplé. Qu'est-il arrivé pour que les groupescommunautaires obtiennent la faveur desmilitants, au détriment des partis politiques ? Toutd'abord, les partis s'avèrent de moins en moinsreprésentatifs de leurs membres et de l'électorat.Ils tendent à adopter les mêmes lignes de pensée,ce qui les pousse à défendre le même genred'intérêts. De leur côté, les groupes communau-taires sont plus représentatifs des gens qui lesfréquentent, parce qu'ils opèrent directement dansleur milieu. En étant près des gens, ils saisissentalors mieux leur réalité et leurs besoins. De plus,ces groupes défendent généralement mieux leursintérêts, justement parce que ce sont des intérêtsparticuliers, propres à une population homogène.Par exemple, les groupes en alpha s'occupent desanalphabètes et de leurs droits. En comparaison,un parti politique doit se charger d'une multi-tude d'intérêts divers, propres à des groupestrès différents (les besoins des analphabètesmais aussi ceux des personnes assistées sociales,des homosexuel-le-s, des immigrant-e-s, desentrepreneur-e-s, etc.). Par conséquent, il est plusdifficile pour un parti de travailler avec tous cesintérêts, parfois même opposés, comparativement

à un groupe communautaire qui défend unecatégorie spécifique de gens. De plus, il fautmentionner que les individus ont aussi tendanceà défendre des intérêts plus concrets, les touchantdirectement dans leur quotidien (exemple : lesfrais de scolarité pour un-e étudiant-e), plutôtque de soutenir des grands idéaux (comme lasocial-démocratie ou libéralisme). Ceci favorisedonc l'adhésion aux groupes communautaires,qui traitent de problématiques plus ciblées et quidéfendent mieux ce type d'intérêts (comparative-ment aux partis). Bref, dans ce contexte, cesgroupes offrent une alternative intéressante pourceux qui veulent s'impliquer dans la sphèrepublique.

Transformations dansle fonctionnement des groupesDe manière générale, les groupes travaillent defaçon plus planifiée et à « long terme », sur desactions plus « calmes ». En effet, au lieu deconfronter les autorités, ils essaient habituellementdans un premier temps de négocier, par exemple,à des tables de concertation, avec les différentspartenaires concernés par le dossier (dont legouvernement). Les dépôts de mémoires auxcommissions parlementaires et les rencontres avecles politicien-ne-s font aussi partie du menu desactions possibles. Par exemple, un membre d'uneassociation de défense des droits nous indiquaitqu'il faut faire « poliment » passer le message :« C'est de dialoguer avec les gens, exprimer ce quenous autres on ressent pis ce qu'on aimerait avoir...C'est pas d'aller là en criant ! » Par conséquent,les groupes doivent se bâtir une crédibilité, afind'être écoutés lors des rencontres, dans le butd'influencer les autres partenaires. L'un desmoyens pour construire cette crédibilité consisteà proposer des alternatives et des solutions auproblème abordé, au lieu simplement de revendi-quer des changements. Ils doivent alors

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proposer eux-mêmes des solutions viables etconvaincre les autres partenaires de les adopter.Pour ce faire, la bonne connaissance des dossierss'avère primordiale. En disposant des dernièresdonnées sur l'évolution du problème, les groupesexposent une image sérieuse, en plus d'être mieuxoutillés pour construire leur solution et influen-cer les autres. Ainsi, la sensibilisation continued'être l'un des principaux objectifs de l'action desgroupes communautaires (en matière de pression).Cette sensibilisation passe toujours en partie parles médias d'information. Lorsque le dossier nefait plus l'actualité, les groupes peuvent alors le« réactualiser » en utilisant les journaux ou latélévision. Si le dossier est encore d'actualité, ilspeuvent exposer et vendre leurs solutions. Dansun tel contexte, les connaissances en communi-cation constituent un atout appréciable. Parconséquent, certains groupes plus en moyensengagent un expert en relations publiques, quis'occupera du volet médiatique. Bref, les groupestendent davantage à fonctionner comme desorganisations privées ou encore comme des partispolitiques, du moins en matière de pression.Ils misent sur un travail de concertation et desensibilisation, en disposant de l'information eten créant des alternatives pour résoudre lesproblèmes. En comparaison, les groupes desannées 70 axaient leurs actions sur des manifes-tations plus bruyantes et colorées, souvent sansproposer d'alternatives réalistes.

Le rôle des groupes en alphaPeu importe le type d'organisation et les moyensutilisés pour militer, les groupes en alphabétisa-tion jouent un rôle important dans le développe-ment de la citoyenneté active. Globalement, ilsdotent les plus démuni-e-s de notre société desoutils nécessaires pour participer activement à lavie « publique ». Tout d'abord, en leur enseignantà lire et à écrire, ils leur permettent d'accéderà l'information et à la communication, quiconstituent les bases essentielles de notre viedémocratique. Ensuite, ils redonnent fréquem-ment la confiance en soi aux participantes etparticipants. En apprenant à lire et à écrire,ceux-ci se sentent revalorisés et intégrés denouveau à la société. Ils sont alors plus à l'aise

et plus aptes à défendre leurs intérêts. Ils ontmoins peur de foncer et de se faire entendre.Enfin, les groupes en alpha donnent l'occasionaux participantes et participants de vivre uneexpérience de groupe, en milieu communautaire.Ceux-ci peuvent alors apprendre à fonctionner engroupe (exemple : les règles de procédure enassemblée, dans un c.a.), dans une démocratie àpetite échelle. Ils adhèrent aussi, pour la plupart,à des valeurs humanitaires propres au milieucommunautaire, tels l'égalité, le partage ou lasolidarité. Par conséquent, les groupes en alphaoffrent une base solide aux individus, afin qu'ilspuissent prendre l'initiative de se défendre, euxet leurs intérêts, dans une société inondéed'informations écrites et où la communicationconstitue un atout important (autant pour lesindividus que pour les groupes).

Bref, avec les changements qui tendent às'opérer actuellement, les groupes communau-taires prennent de plus en plus leur place auniveau de la vie « publique ». Ils deviennent desinstruments privilégiés pour la revendication decertains intérêts, généralement ceux des strates lesplus démunies de la société (et donc ayant peu lesmoyens de se défendre). Quant aux groupes enalpha, ils jouent un rôle des plus importants enfournissant les armes de base nécessaires à cesindividus. Malgré toutes les menaces de coupureset de transformations majeures, si nos groupes ontréussi à redonner l'espoir, ne serait-ce qu'à uneseule personne, alors nous n'avons pas travaillépour rien, bien au contraire. Si, grâce à nosactions, une seule personne lit le journal, écrit deslettres à son député ou signe des pétitions, nousavons alors contribué au mieux-être de notresociété.

Les informations dans cet article (à l'exceptionde celles qui concernent les groupes en alpha)proviennent d'un mémoire réalisé dans le cadred'une maîtrise en sociologie, à l'UQAM.

1. MAYER, N. et PERRINEAU, P. Les comportements politiques,éditions, A. Colin, Paris, 1992, p. 16.2. GODBOUT, J. La participation politique : leçons des dernières dé-cennies, IQRC, Québec, 1991, p. 240.

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Un espacede citoyenneté

activeLiliane Rajaonina

Imaginer un espace de libre expres-sion, où les exclu-e-s pourraient por-ter leurs revendications, dialogueravec les élu-e-s, sensibiliser leursconcitoyens et concitoyennes... Leconcrétiser avec les moyens du bordet l'installer, comme par défi, sur lacolline parlementaire... Et rallier unelarge mobilisation... Pari lancé et tenupar le Parlement de la rue.

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• Pouvez-vous m'indiquer où se trouve le Parlement de la rue ?

• Qu'est-ce que c'est ça ?• Pouvez-vous me conduire au Parlement de la rue?• Où c'est ça ?

C'était le 12 décembre dernier à Québec, et jevoulais tester le retentissement d'un tel événementsur la population locale, en m'adressant à unchauffeur de taxi et à des personnes rencontréesau hasard, près de la gare.

C'était quelques jours avant la fin de sessiondu Parlement de la rue, inaugurée le 15 novem-bre par une marche de solidarité et une grandemanifestation festive au Palais Montcalm, alorsque les deux roulottes étaient installées dans leParc de l'Esplanade depuis près d'un mois. L'évé-nement, qui a été largement couvert par les médiaslocaux, semble avoir échappé à l'attention ducitoyen et de la citoyenne « ordinaires ».

Une journée dans les roulottesJ'ai passé l'essentiel de cette journée dans une desroulottes, avec un groupe de personnes assistéessociales, dans le cadre d'un atelier organisé parl'Association pour la défense des droits sociauxdu Québec métropolitain. Il y avait une douzainede personnes autour de la table, qui parlaient desconséquences des coupures sur leur vie de tousles jours.

• LES BRIQUES

Les briques, c'est ce qui leur est tombé dessus, cequ'elles ont vécu par suite des décisions du gou-vernement en matière d'aide sociale. Il y a eu les« briques passées » (la coupure pour partage dulogement, l'allocation unifiée par enfant, le pro-gramme non-participant, les contrôles du comptede banque, l'incertitude quant au paiement desmédicaments, les différentes coupures pour desmotifs aussi futiles qu'injustifiés, l'espionnage etla délation, etc.), et les « briques avenir », dont lafameuse saisie du chèque pour le loyer.

On a demandé à chaque personne d'inscrire leou les problèmes vécus sur un morceau de car-ton, puis de disposer chaque carton sur le tableauoù on avait dessiné les roulottes et l'Assemblée

nationale. Ces morceaux de carton, disposés lesuns sur les autres à la manière de briques, ontformé un véritable mur entre le Parlement de larue et l'autre. (À ce propos, il y a des coïncidencesqui ne s'inventent pas. Le mur n'est pas une sim-ple figure de rhétorique : en effet, les roulottesont été reléguées de l'autre côté du mur [de pier-res] des fortifications, parce que la Commissionde la capitale nationale n'a pas permis qu'on lesinstalle en face de l'autre Parlement).

D'un côté du mur, se tenaient ainsi l'Assem-blée nationale et ses lois, et de l'autre, en paral-lèle, les réponses du mouvement populaire : lesétapes de formation des coalitions et celles de lamobilisation qui devaient aboutir au Parlementde la rue. L'exercice a permis de visualiser ladynamique sociale qu'une résistance organisée acréée et de mettre en évidence tout ce qui sépareles citoyen-ne-s de ceux qui sont censés lesreprésenter.

Pour finir, on a demandé à chacun quel espoirsuscitait en lui le Parlement de la rue. Voici quel-ques réponses : « Qu'il n'y ait plus de coupures » ;« Qu'il y ait du travail » ; « Qu'il y ait un peu plusd'humain » ; « Une extension de la solidarité jus-qu'au gain de toutes les revendications » ; « Quel'aide sociale redevienne un droit ».

• UNE VISITE INATTENDUE

Dans l'après-midi, on nous appelle dans l'autreroulotte : Bernard Landry et sa suite viennentd'arriver ! Grande effervescence, car on pourraenfin parler avec le grand argentier en personne,lui expliquer les problèmes que l'on vit, lui direque cette situation n'a pas de bon sens. S'il estvenu, c'est sans doute qu'il est ouvert à ladiscussion... Mais on s'est vite aperçu qu'on neparlait pas le même langage, que nous fonction-nions selon des logiques fort différentes. Nous,nous parlons de nos difficultés à joindre les deuxbouts, lui, il parle de croissance. Lui, ce qui lepréoccupe c'est d'abord d'augmenter la rentabi-lité des entreprises et de créer plus de richesse,nous, c'est de mieux distribuer celle qui existe.

Certes, on n'a pas disposé d'assez de temps,mais commencée sous de telles prémisses,la rencontre pouvait-elle aboutir à un dialogue ?

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La rencontre a d'abord laissé les personnesprésentes incrédules et frustrées. Mais elles se sontvite ressaisies, elles ont eu le temps de s'aguerrirtout au long de la session, et c'est cela le gainessentiel du Parlement de la rue : reprendre assezconfiance en soi pour raffermir ses positions,continuer la lutte, développer la solidarité, agiren citoyens et citoyennes.

Un lieu où chacun peuts'exprimer, inventer, s'organiserAprès la clôture de la session, le 15 décembre, lesentêté-e-s des deux roulottes, comme ils et ellesse qualifient, constatent qu'ils et elles ne sont pasépuisé-e-s. C'est seulement un début, ils et ellessont prêt-e-s à continuer ! Le Parlement de la rueretourne dans la rue : est-ce que cela ne vousrappelle pas quelque chose ?

En faisant le bilan, ils et elles ont identifié ungain majeur : c'est, contrairement à ce qui se passedans la vraie vie, d'avoir imposé « un espace depleine citoyenneté », où « tout le monde est bien-venu », et où les personnes pauvres ont pus'exprimer, s'intégrer au débat en cours, dialogueravec d'autres citoyen-ne-s et avec des élu-e-s, avoirdroit de cité. Malgré des rebuffades, même sansl'espoir de gains immédiats, c'est l'amorce d'unprocessus de résistance citoyenne à long terme,soutenue par une plus grande sensibilité del'opinion publique aux problèmes des personnesvivant la pauvreté. Tout au long de la session, lesroulottes ont accueilli des visites de soutien et d'en-couragement. Plus de 2 500 personnes ont signéle registre du Parlement de la rue et adhéré à sesrevendications sur la réforme de l'aide sociale(revenu décent, parcours volontaires d'insertionsociale et professionnelle, refus du transfert à laRégie des rentes, refus de la saisie du chèque pourle loyer), et, à plus long terme, sur un programmed'élimination de la pauvreté sur dix ans.

Cet espace de citoyenneté, les personnes orga-nisatrices, regroupées au sein de la CoalitionDROIT, ont voulu l'étendre à toutes les régionsdu Québec, en invitant les personnes et les grou-pes à organiser différents types d'actions selon leursmoyens : créer leur propre Parlement de la ruepour quelques heures ou quelques jours ; mener

des actions « achalantes », en mettant en évidenceun problème particulier à l'aide sociale ; envoyerune délégation au Parlement de la rue à Québec.

Le Parlement de la rue, c'est un foisonnementd'idées, un laboratoire de créativité, une multi-tude d'activités : un point de presse quotidien,une série de pétitions et de tracts, des ateliers etdes débats, des accompagnements à l'assembléenationale, des envois de fax aux députés, undépanneur 37 (comptoir juridique pour desquestions sur la loi 37), le père Noël de la rue,un cours de la rue, l'idée d'une université de la

rue...Et puis, c'est aussi des permanent-e-s

qui vivaient pratiquement dans les roulottes,une foule de visiteurs, militant-e-s, étudiant-e-s,chercheur-e-s, passant-e-s... Il y a même eu destouristes attirés par les bannières disposées toutautour du parc et qui ont dû croire que c'étaitune fête ! Et en un sens, c'était bien une fête deretrouvailles de citoyen-ne-s que l'on croyaitassoupis, dépassés par la succession de mesuresqui ont opéré des coupes sombres dans lesservices de santé, de logement, d'éducation. Unefête de la solidarité, une brassée de chansonstoutes plus irrévérencieuses les unes que les autres,des freudonneux-ses engagés, des projections defilms engagés, des discussions jusqu'aux petitesheures du matin... Et tout ceci avec les moyensdu bord, mais avec la force de la conviction. Etsi l'imagination était au pouvoir ?

Je ne sais plus qui a dit que la politique étaittrop importante pour qu'on la laisse aux politi-ciens. Le Parlement de la rue a démontré que lescitoyen-ne-s peuvent se réapproprier la politique,et qu'il ne s'agit pas d'un simple feu de paille. Aumoment où j'écris ces lignes (février 1998), lesgroupes populaires et communautaires promet-tent que le printemps sera chaud !

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Une action « achalante »du Parlement de la rueMonique Roberge, L'Ardoise du Bas-Richelieu

Ardoise du Bas-Richelieu se veut unagent de transformation sociale. La vie démocra-tique du groupe revêt une importance capitaledans notre démarche d'alphabétisation populaire.Les participants et participantes déterminent leursbesoins et les activités de formation sont réaliséesafin de répondre à ces besoins et ceci à leur rythme.

Un comité d'action contre la réforme de l'aidesociale s'est formé en 1996 dans le Bas-Richelieu.L'Ardoise s'est impliquée dans ce comité pour ladéfense des droits des participants et participan-tes des groupes de formation. Les personnes peuscolarisées de notre groupe sont touchées par laréforme de l'aide sociale.

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Le thème de la rue, symbolede revendication et de résistance,a inspiré beaucoup de militants.

Après une visite au Parlementde la rue, des personnesanalphabètes inventent

le Père Noëlde la rue.

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Dès le début, en avril 1997, ces personnes ontvoulu participer aux actions concrètes qui se sontorchestrées dans notre région. Elles ont participéà une rencontre avec Vivian Labrie, du Carrefourde pastorale en monde ouvrier de Québec, quenous avions invitée pour venir nous parler descoupures, de la consultation publique qui se pré-parait à cette époque. En juin 1997, suite à cetterencontre, les participants et participantes del'Ardoise ont défilé dans les rues de Montréallors de la marche contre la pauvreté. Ce qui les ale plus surpris, c'est qu'il y ait beaucoup de monde

comme eux.

Visite au Parlement de la rueLe 15 novembre 1997, des participants et partici-pantes se sont entassés dans l'autobus qui allait àQuébec pour voir si cette action donnerait desrésultats. Dans notre groupe, il existe un belesprit d'équipe : nous croyons en la démocratieet, qui plus est, ce n'est qu'à l'intérieur du groupeque plusieurs participant-e-s peuvent avoir un peude pouvoir. Donc, nous étions parmi les 2 000personnes qui s'étaient donné rendez-vous auPalais Montcalm afin d'inaugurer cette belle idéedu Parlement de la rue. Ce fut un très grandsuccès. Nous avons marché, crié des slogans quenous avions étudiés auparavant. Le clou fut devoir toute cette foule chantante réunie, dans cefroid d'hiver, autour d'une petite roulotte reflé-tant assez bien la vision du populaire.

Ateliers de formation pour l'activitéachalante « Le Père Noël de la rue »

Dans le cadre des actions achalantes, nous avonsinventé le Père Noël de la rue (du Parlement de larue). Ce fut une idée très populaire, le Parlementde la rue avait déjà beaucoup plu à cause de laplace qu'il donnait aux gens ordinaires. Le PèreNoël de la rue correspondait, en cette veille deNoël, à une réalité pas toujours très drôle pour lespersonnes vivant de l'aide sociale. Lorsque l'on ade la difficulté à joindre les deux bouts dans saréalité quotidienne, comment avoir le cœur àfêter...

Les participants et participantes sont très cons-cients qu'il se prépare des changements mais ils

voudraient avoir leur mot à dire. Lorsque l'on estconfronté à répondre seulement à ses besoinsprimaires et que ces besoins dits essentiels senomment, dans l'ordre : LOGEMENT, HYDRO,TÉLÉPHONE, ENFANTS, ET PEUT-ÊTRE MANGER, on

n'a pas le goût de fêter. Les participants et parti-cipantes ont réfléchi : « Nous avons des acquis,nous sommes bons à quelque chose... Nous éprou-vons de plus en plus de problèmes avec nosdépenses ; une dépense qui n'est pas prévue dansnotre budget, lequel est déjà trop maigre, est rayéede la liste parce qu'inaccessible. Est-ce que je peuxcontinuer à suivre mes cours quand mes enfantsont faim ? »

Les ateliers sur la réforme se sont faits petit àpetit, selon le besoin exprimé par les participantset participantes. Ils voulaient savoir ce qui allaitchanger. Tout changement est appréhendé engénéral. Lorsque l'on est démuni, peu scolarisé,on se sent à la merci d'un gouvernement quisemble loin de sa réalité. La pauvreté a été analy-sée. Les participants et participantes se sontimpliqués dans presque toutes les actions commela rédaction des textes de lettres, des chansons,etc. L'Ardoise a eu la visite de madame GinetteFleury, travailleuse au Regroupement des assistéssociaux, qui est venue nous donner plus d'infor-mations et surtout répondre aux différentesquestions. Nous avons composé des chansons deNoël pour le Père Noël de la rue sur des airsconnus. Nous les avons lues et, bien sûr, chantées.Tous et toutes étaient bien préparés pour l'acti-vité qui se tenait dans la soirée du 9 décembre.

La soirée du 9 décembreTous et toutes ont participé, le Père Noël de larue était un administrateur de l'Ardoise.Ce Père Noël était un peu le messager quel'on avait inventé pour envoyer nos messages àQuébec. Une participante a composé une lettreadressée au Père Noël de la rue afin qu'il latransmette à qui de droit. Cette lettre et toutescelles recueillies dans la région furent lues lors del'activité du 9 décembre. À cette rencontre, touset toutes ont eu leur mot à dire sur les différentsthèmes : la défense des droits, les préjugés, lelogement et le revenu minimum essentiel.

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J'ai toujours payémon loyer, je suis unepersonne de confiance.Je trouve injuste la loi quipermet de saisir le loyersur le chèque d'aide sociale,ça veut dire qu'on neme fait plus confiance.J'ai droit au respect.

Lettre d'une participante de l'ArdoiseJe suis une femme de 35 ans. Je suis sur l'aide

sociale, monoparentale et j'ai trois enfants. J'enarrache...

J'en ai assez des coupures ! Le coût de la vie montesans arrêt mais le chèque d'aide sociale, lui, semblebaisser. Au début octobre, je me suis fait couperl'électricité. J'ai téléphoné pour une entente maisles conditions de 164 $ par mois pour le rembourse-ment étaient impossibles, vu mon maigre budget.À l'aide sociale, on ne pouvait m'aider. Une lettred'avertissement, j'ai pourtant payé pendant 17 ans,j'ai essayé de m'entendre avec Hydro mais, clic ! Onm'a coupé pour 300 $. Ça m'a pris 453 $ pourque l'on me « rebranche » maintenant j'ai encoreplus de dettes à rembourser.

J'ai toujours payé mon loyer, je suis une personnede confiance. Je trouve injuste la loi qui permet desaisir le loyer sur le chèque d'aide sociale, ça veutdire qu'on ne me fait plus confiance. J'ai droit aurespect. Je veux un emploi mais je n'ai pas dediplôme. L'aide sociale vous donne le minimumet même moins. Pour me payer une paire de bottesd'hiver, j'ai dû couper mon compte de crédit de30 $, donc je vais encore payer plus d'intérêt. Unautre exemple, à l'entrée des classes, j'ai trois enfantset ça me coûte 181 $ juste pour les livres, ils ne sontpas encore habillés, chaussés. Je ne veux pas que mesenfants aient l'air de B.S..

Les choix sont difficiles : je ne fume plus, jene bois pas, il n'y a aucun frais de loisirs chez nous.Je suis un parent qui souffre de ne pouvoir donnerque l'essentiel à mes enfants. Aucun vêtement neuf,aucun surplus, je n'ai pas les moyens. Il n'y a plusd'enfants pauvres, mais chez nous je calcule pour

tout. Je veux les nourrir, les loger, les vêtir mais je mecasse tellement la tête. Qui en souffre, vous pensez ?Les enfants, eux, voient ce que les autres ont. C'estchoquant ! Je veux qu'on s'en sorte en famille, on esten train de se révolter devant cette situation, d'êtretoujours à la « cenne ». On est obligé d'aller quêterà droite, à gauche en racontant sa vie privée justepour survivre.

En espérant, Père Noël de la rue, que vousapportiez cette lettre à qui de droit et que monmessage soit entendu. Je suis un être humain pasune machine. Qu'on arrête de me mettre des bâtonsdans les roues pour que je m'en sorte ! On est supposéêtre «égaux », mais c'est différent dans la réalité.Même si je n'ai pas d'éducation, je veux bienavancer mais j'ai besoin d'aide. Arrêtez de memarcher dessus et tendez-moi la main.

Sylvie

Au cours de la soirée du 9 décembre, différentsintervenant-e-s du communautaire ont animé lesateliers. Nous avons participé, chanté les chan-sons que nous avions écrites lors des ateliers. Nousavons pu discuter et échanger avec d'autrespersonnes. Ce fut une très belle soirée !

Le vendredi suivant, toutes les lettres et lecompte rendu de cette activité achalante ont étéacheminés au Parlement de la rue, à Québec.Quatre personnes ont été déléguées dont troismembres de l'Ardoise. Cette visite au Parlementde la rue a coïncidé avec celle du ministre desFinances. Au grand plaisir des participant-e-s,madame Vivian Labrie était présente lors de larencontre. Elle a, encore, grandement impres-sionné les participant-e-s.

Tous les ateliers, toutes les discussions nous ontrapprochés. Tous et toutes, nous avons pris cons-cience que la population entière était touchée parcette réforme. Aujourd'hui avec la mondialisation,la rationalisation et la notion de profit des entre-prises, nous ne sommes aucunement à l'abri d'unséjour sur l'aide sociale. On ne naît pas sur l'aidesociale, on y tombe... Mais, lorsqu'on est unepersonne peu scolarisée en plus, où se trouve doncla voie, pour s'en sortir ?

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Le comité de participantset participantes du RGPAQ :

un exercice démocratiquedans les groupes

Denis Chicoine

Comment peut-onencourager la participation

au vote ? De quelle manièreorganiser l'information et les

débats pour que chacun etchacune puissent s'exprimeret voter en connaissance de

cause ? Un exemple de lapratique de la citoyenneté

dans les groupes populairesen alphabétisation.

Court historiqueIntégrer les personnes analphabètes dans la struc-ture décisionnelle des groupes populaires enalphabétisation est un des principes de base del'alpha pop. Il restait cependant à les intégrer dansla structure du Regroupement des groupes popu-laires en alphabétisation du Québec. La créationde cette nouvelle instance au RGPAQ a nécessitéun long processus et beaucoup d'énergie investiepar nombre de personnes. La création du Comitépermanent des participant-e-s a nécessité toutd'abord la formation d'un comité ad hoc desparticipants et participantes, chargé de structurerle projet, avec la collaboration d'une personneressource et de la responsable à la formation duRGPAQ. Ces participant-e-s ont présenté unpremier projet à l'assemblée générale de 1996.Celui-ci fut reçu de façon mitigée et l'assembléedemanda une structuration plus formelle duprojet. Le comité ad hoc s'y est donc attelé :il a présenté l'année suivante, à l'instancedécisionnelle du RGPAQ et ensuite à l'assem-blée générale de juin, un projet très bien

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structuré pour la réalisation du Comité perma-nent des participant-e-s. Accepté à l'assembléegénérale, ce projet devint réalité au cours del'hiver et du printemps 1998. Cet article rendcompte de l'exercice de scrutin et de ses variantesformelles dans les groupes du RGPAQ, commeun exemple intéressant d'un processus démocra-tique issu de la base. Il ne s'agit pas ici d'uneprésentation exhaustive des diverses pratiquesoriginales adoptées par les groupes lors decet exercice de scrutin, mais plutôt d'illustrercertaines d'entre elles.

Mise en candidatureUne édition spéciale du journal des participantset participantes {Mon Journal), où l'on présentaitl'ensemble du projet, ses différentes étapes ainsique l'échéancier de façon claire et succincte, étaitenvoyée dans les groupes. Les animatrices etanimateurs recevaient un petit guide présentantune façon de procéder et l'échéancier de l'ensem-ble du processus. La première étape consistait doncà nommer un-e représentant-e du groupe, quiservirait plus tard de lien entre le comité desparticipant-e-s et son groupe. Celui-ci pouvait,s'il le désirait, se présenter ultérieurement commecandidat au Comité.

Cette étape a été adaptée de différentes façonsselon les groupes. Certains groupes organisè-rent un scrutin en bonne et due forme. ÀUn Mondalire, par exemple, on a présenté leprojet aux participant-e-s avec le matériel d'ani-mation à l'intérieur de chacun des ateliers. Lesparticipant-e-s ont ensuite réfléchi sur leurimplication possible comme représentant-e-s etcandidat-e-s. Quelque temps plus tard, à la suitede l'émergence de plusieurs candidatures commereprésentant-e-s, on mit sur pied un mode descrutin. Les cinq candidat-e-s apportèrent leurphoto que les animatrices ont accrochée sur despanneaux distincts. Les informations relatives auxcandidat-e-s se limitaient à leur photo et à leurnom, les participant-e-s se connaissant déjà trèsbien. Cette façon de fonctionner s'explique entreautres par la vie associative, très active, qui carac-térise Un Mondalire et du milieu à la dynamique

locale très forte. Ainsi, dans chaque atelier, on votade façon individuelle et secrète pour l'un-e descandidat-e-s. Les participant-e-s étaient très im-pliqués dans cet exercice et prenaient celui-citrès au sérieux. L'un d'eux commençait déjà àélaborer son texte de présentation comme candi-dat au Comité des participants et participantespour évacuer le stress d'avoir à le faire à ladernière minute et prendre le temps de bien seprésenter. Cet exercice a permis de bien expliciterla démarche, de permettre aux participant-e-s dese l'approprier et surtout de réaliser l'importancede leur participation. De plus, l'aspect local etfamilier du scrutin, le fait d'en connaître lesmécanismes, ramenait une confiance, habituelle-ment bien amochée, en un processus « électoral ».Cette participation était d'autant plus intéressanteque les « scrutins officiels » ont bien triste presseauprès des participant-e-s.

Dans d'autres groupes tel Le Tour de lire, onexposa le matériel d'animation tout en question-nant les personnes sur leur désir de participation.Plusieurs personnes se montrèrent intéressées,mais une seule se présenta finalement. Pour eux,cette étape fut donc assez courte.

D'autres groupes présentèrent le processus etallèrent pressentir les personnes qui semblaientavoir le plus d'aptitudes à remplir ce mandat dereprésentation.

Procédure d'électionDans un deuxième temps, après la compilation desrésultats (les candidat-e-s et les représentant-e-s),un deuxième journal des participants et desparticipantes fut envoyé pour annoncer les can-didatures. Dans ce journal des candidatures, uncourt texte donnait le profil des candidat-e-s.Dans les ateliers, on se servit d'ailleurs de cecahier pour faire une présentation didactiquedes candidat-e-s ou pour en faire une lectureindividuelle avant le vote.

Cette deuxième étape donna lieu à de mul-tiples initiatives, toutes très originales. Certainsgroupes ont présenté les pages reproduiteset séparées, sous forme de tableau que lesparticipant-e-s pouvaient consulter, de plus ils

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pouvaient lire une copie du journal qu'on leuravait remis. D'autres groupes exposaient le textedes candidat-e-s sur une grande carte qui indi-quait la situation géographique du groupe.Les participant-e-s pouvaient ainsi s'approprierquelque peu un lieu, un groupe, un individu quirestaient, sinon, très abstraits. Cette présentationse prêtait également très bien à l'élaboration denotions géographiques et sociales.

Au Tour de Lire, cette deuxième partie a étédifférente d'une animatrice à l'autre. J'ai assisté àun atelier où les participant-e-s avaient à voter.Les participant-e-s ont d'abord lu collectivementles textes du Journal des candidatures, puisl'animatrice leur a demandé qu'ils le lisent et sel'approprient individuellement avant le vote de lasemaine suivante. En atelier, ils ont donc remplichacun un bulletin de vote et ils ont ensuite donnéleurs commentaires. Voici ce qui en ressortait :

Réflexions des participantet participantes du Tour de LireTout d'abord l'atelier était d'un niveau avancéet les participant-e-s pouvaient lire les textes pareux-mêmes sans trop de difficultés. Il y avait cinqparticipant-e-s dans cet atelier, deux hommes ettrois femmes, Anne-Marie, Gérard, Lucie, Patricket Renée. Le choix s'est effectué individuellement,chacun avec son journal, mais il y avait des échan-ges sur divers candidat-e-s. Les commentairesaprès le vote allèrent bon train. En voici unrésumé :

COMMENT ILS ONT CHOISI LES CANDIDATS :

Gérard : « J'en ai retenu cinq seulement parce que,les autres, je n'avais pas confiance »« Pourquoi ? », lui demande l'animatriceGérard : « Je ne sais pas mais je n'avais pas con-fiance »Lucie : « J'en ai retenu sept, puis j'ai relu et j'en aichoisi trois autres »Patrick : « Moi, j'ai choisi selon les intérêts pré-sentés, ceux qui m'intéressaient (les candidats) »Anne-Marie : « Le choix n'a pas rapport avec lalongueur des textes »Lucie : « Moi, j'ai essayé de donner sa chance à lapersonne qui commence et à la personne qui a de

l'expérience »Lucie : « Ça fait pas sérieux la candidature où elledit qu'elle est célibataire »Anne-Marie : « On n'a pas à écrire ça sur une can-didature »Anne-Marie : « L'apparence, ça n'a rien à voir avecl'implication »Renée : « Par contre, elle est célibataire et elle adu temps »Lucie : « Il faut que je lise et que ça vienne mechercher »Anne-Marie : « La région où ils sont, ça n'a rien àvoir »Lucie : « Oui, j'ai pris des gens de Montréal, plusprès »Patrick : « Oui, j'ai voté pour ma région, pis j'aipris Micheline du groupe »Patrick : « J'ai voté pour des femmes. Y a plus defemmes »Anne-Marie : « Non, j'ai pas choisi des hommesou des femmes, j'ai choisi en fonction de ce qu'ilsécrivent. »

QUE PENSENT-ILS(ELLES) DU

COMITÉ DE PARTICIPANTS ET PARTICIPANTES ?

Anne Marie : « C'est important d'avoir uncomité des participants, parce que ça défend nosdroits et être tous ensemble c'est mieux ! »Lucie : « Tout le monde a son opinion. C'estimportant de rendre compte de ça ! »

POURQUOI NE PARTICIPENT-ILS(ELLES) PAS AU COMITÉ ?

Est-ce que tu participerais au Comité, toi ?Anne Marie : « Non, je suis trop gênée. Pis il fau-drait que j'apprenne mes verbes »Renée : « Moi, j'ai jamais de contacts avec ces gens-là. »

QUE PENSENT-ILS(ELLES) DU MODE DE SCRUTIN ?

Anne Marie : « C'est comme une élection »Renée : « Vous n'avez pas pensé à mettre des pho-tos ? Ça aurait été intéressant ! »Anne Marie : « Les photos c'est pas nécessaire. Situ votes pour les apparences, tu votes pas pourgrand chose ! »Lucie : « S'il y avait des photos aux élections, onvoterait pas fort !

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Anne-Marie : « De tout façon, dans les électionsy a pas de photos et je vote pas fort pareil ! »Lucie : « Y sont tous menteurs ! »

LES QUALITÉS DES PERSONNES POUR ÊTRE AU COMITÉ

Anne Marie : « Ben par exemple, Robert Tardif,y a réussi pis y veut aider les autres, ça c'estimportant. »Lucie : « Ce que j'ai trouvé de ben le funlà-dedans, c'est que les personnes étaient attenti-ves au monde. Si elle te tend la main, c'est qu'elleveut t'aider. »

ConclusionIl est probable que la façon de présenter la

démarche dans les groupes par les animatrices étaitsouvent décisive de l'implication subséquente desparticipants. La première étape du scrutin a étéà la fois un succès et un demi-succès. Seizereprésentant-e-s se présentèrent égalementcomme candidat-e-s au Comité, ce qui est beau-coup, mais le total des représentant-e-s degroupes se chiffra à 27 seulement, ce qui estrelativement peu en regard des 73 groupesmembres. La participation représente doncenviron 37 %, ce qui n'est peut-être pas si malpour la première année de cet exercice démo-cratique avec les participant-e-s.

La deuxième partie du scrutin a rencontré uneparticipation nettement plus importante. Eneffet, 41 groupes participèrent à cet exercicedémocratique, ce qui représente environ 55 %de l'ensemble des groupes. On peut supposerqu'il y a eu un effet d'entraînement suite ausuccès de la première partie du « vote ». Les dixparticipant-e-s siégeant au Comité ont été élussuite à la compilation des résultats. Lors de lacompilation des votes, certains candidats se déta-chaient nettement de l'ensemble et il auraitété intéressant de savoir pourquoi ceux-ci sus-citèrent l'adhésion d'un si grand nombre departicipant-e-s. Cette dernière étape du scrutin aété un net succès et laisse bien présager pour lasuite du processus.

La pratique démocratique et son application,comme on peut le voir partout, révèlent un grandniveau de difficulté. Les efforts doivent être cons-tants et suivis.

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Des personnes analphabètesjettent un regard critiquesur les médias etpassent à l'actionLise St-Germain, COMSEP

À partir de l'analysedes rouages de la machine

médiatique et du constat quece pouvoir est trop souvent

utilisé au détriment despersonnes marginalisées,

un groupe d'alphabétisationlance une contre-offensive :

aider les participantes etparticipants à comprendre,

analyser et agir en tantque citoyen-ne-s.

La population consommatrice des médias,plus particulièrement les personnes analphabètes,les personnes assistées sociales et les populationsmarginalisées (les Autochtones, entre autres), n'apas toujours les éléments lui permettant d'avoirun regard critique sur les médias. Plus souventqu'autrement exclus de la société, ces personneset ces groupes sociaux sont trop souvent la ciblede discours méprisants et d'injustices qui contri-buent au renforcement de leur exclusion.

C'est dans cet esprit que nous avons élaboréune démarche qui permettra aux personnes des'outiller de façon à comprendre et à analyser, defaçon critique, les rouages des pouvoirs médiati-ques.

Les citoyens et citoyennes ont des droits àl'égard des médias ainsi qu'un pouvoir de dénon-ciation. Cependant, dans la pratique, il est plutôtdifficile d'exercer ces droits, souvent par manqued'information et de moyens.

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La démarche deconscientisation sur les médiasAfin d'aider les participantes et participants àdévelopper une analyse critique sur ce sujet, nousavons créé une démarche d'alphabétisation-conscientisation sur le thème des médias.

Cette démarche s'est déroulée sur une périodede quatre semaines : elle a été présentée à treizegroupes dont un composé de personnes immi-grantes, un de personnes handicapées et deux degens du milieu rural.

OBJECTIFS :

• prendre conscience que l'information véhicu-lée par les médias est contrôlée, sélectionnéepar l'idéologie dominante et qu'elle est auservice de celle-ci ;

• aider les personnes analphabètes à développerun esprit critique face au pouvoir des médias ;

•permettre aux personnes analphabètes d'uti-liser les médias afin de reprendre du contrôlesur leur vie ;

• connaître les types de médias, leur structureet leur fonctionnement.

L'outil de référence que nous avons utilisé pourdévelopper cette démarche et notre analyses'intitule Les médias et nos organisations, guided'utilisation pour les groupes populaires produitpar le Centre de formation populaire.

Ce document nous a permis de mieux connaî-tre les types de médias et leur structure. Et bienentendu, il nous a fallu mettre à jour certainesdonnées, pour identifier entre autres les réalitésactuelles abordées par différents quotidiens.

De plus, pour favoriser une meilleure assimi-lation de la matière, nous avons aussi utilisé unvidéo produit par l'Institut canadien d'éducationdes adultes (ICEA) : Une bonne histoire. Cefilm illustre de façon concrète la mécaniqueet l'orientation idéologique des médias.

De façon plus concrète, nous avons égalementtravaillé à partir d'une banque d'articles de jour-naux traitant de l'aide sociale, récupérés dans lesdossiers de presse d'un groupe de défense des droitssociaux de Trois-Rivières. Nous avons rapatrié desarticles qui donnaient une image favorable despersonnes assistées sociales et d'autres qui en

donnaient une image défavorable. Ces textesont servi d'éléments d'analyse critique sur « lanouvelle » et les contenus des médias écrits.

Pour compléter la démarche, nous avons tra-vaillé à partir d'un exemple de manipulation del'opinion publique par les médias électroniques,notamment la télévision. Pour ce faire, nous avonsvisionné un reportage choc présenté à l'émissionLe Point, après la guerre du Golfe, intitulé Lemensonge de la guerre du Golfe.

Afin de ne pas rester sur une impressiond'impuissance devant cette machine de pouvoir,les animatrices ont consulté et invité unepersonne-ressource de l'ICEA qui explorait ladimension des droits des citoyens et descitoyennes envers les médias ainsi que notredevoir d'agir plutôt que de subir. Cette dernièreétape a conduit les participants et les participantesà une action démocratique par rapport auxpréjugés véhiculés par un animateur de radioenvers les personnes assistées sociales.

La démarche de conscientisation sur les médiasest présentée dans un document pédagogiqueproduit par COMSEP Les médias, l'envers de lamédaille. Ce document est disponible à COMSEPIl présente une analyse de la situation, les objec-tifs de la démarche, les outils d'animation ainsique le déroulement de la démarche.

Cependant, la préoccupation des médias àCOMSEP ne s'arrête pas à la réalisation de prati-ques d'alphabétisation. Si nous avons concentrédes apprentissages sur le thème des médias àtravers ce type d'activités, c'est parce que celanous permet de donner beaucoup d'informationsen peu de temps.

Par ailleurs, la préoccupation et la présence desmédias se font aussi sentir dans la vie quotidiennede notre organisme à travers l'ensemble desactivités et des pratiques. Elle est en fait uninstrument de travail pour notre groupe.

La place et l'utilisationdes médias dans la vie de l'organismeDepuis plusieurs années, COMSEP s'est dotéd'une stratégie médiatique afin de rendre visibled'une part son travail, son organisation et lesmembres qu'il rejoint et, d'autre part, de s'en

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servir comme levier de dénonciation des injusti-ces sociales et économiques.

Les médias occupent donc une place impor-tante dans la vie de l'organisme. En tant qu'orga-nisation, nous avons choisi de mettre le pouvoiret l'influence des médias au service de notre fina-lité sociale, de l'utiliser comme un instrument desensibilisation, d'éducation, de prise de parole, dedéfense des droits et d'exercice de la citoyenneté.

Nous utilisons les médias pour sensibiliser lapopulation aux différents problèmes que viventles personnes que nous rejoignons : faire connaî-tre des réalités, des situations problématiques, desdonnées pertinentes à une situation.

Nous utilisons les médias comme un instru-ment d'éducation populaire non seulement pourla population mais aussi pour les personnes anal-phabètes qui sont impliquées dans cette stratégie.Par exemple, COMSEP a animé pendant 26semaines une chronique régionale à la télévision(Radio-Canada région) intitulée « Solidaritérégionale ».

Cette chronique d'éducation populaire, dequatre minutes par semaine, portait sur la viecommunautaire de la région : les problématiques,les ressources du milieu, les populations rejoin-tes. Ce fut réellement une expérience d'éducationpopulaire pour la population. Dans cetteémission, nous avons tenu à utiliser des appro-ches et des moyens pédagogiques qui nousressemblent, afin de faire comprendre à la popu-lation le travail des groupes communautaires.

La parole aux personnes analphabètesEn ce qui concerne les personnes analphabètes,elles ont vécu une expérience intéressante avec unmédia communautaire de notre région, La gazettepopulaire de Trois-Rivières qui distribue plus de50 000 copies de son mensuel.

Le comité journal produit pour La Gazette lapage de l'alphabétisation. Ce sont les personnesen alphabétisation qui écrivent les textes etdécident du contenu de la page. Le comité estaccompagné d'une animatrice de COMSEP ainsique d'une personne de La Gazette. C'est nonseulement une expérience riche d'apprentissageen alphabétisation, mais c'est aussi une expérienced'écriture journalistique.

La page de La Gazette est un espace quipermet aux personnes analphabètes de prendrela parole et d'être plus actives socialement. C'estun projet très valorisant. Si les participantes et lesparticipants ont été capables de réaliser ce projet,c'est d'abord parce qu'ils ont bien compris lemonde et le rôle des médias. Par le biais de laconscientisation, les personnes sont en mesure desaisir aussi le rôle qu'elles peuvent jouer auprès decet appareil idéologique.

Avec les années, les participantes et les partici-pants sont de plus en plus présents dans lesactions médiatiques de notre organisme. Ils et ellesprennent la parole dans les conférences de presse,lors de rencontres de sensibilisation ou lorsd'activités spéciales. Notre organisme s'est dotéd'un comité de représentantes et représentantspolitiques. Leur rôle est de participer à l'élabora-tion et à la réalisation des différentes actionspolitiques et médiatiques de notre organisme.

Les représentantes et les représentants sont ainsiprésents lors de rencontres avec des députés ouministres mais aussi dans les étapes de développe-ment stratégique.

Somme toute, nous considérons que la viemédiatique de notre organisme est un excellentmoyen pour permettre aux personnes d'exprimeret de développer leur citoyenneté et ainsi être plusactives socialement. Les médias ont du pouvoir etce pouvoir est trop souvent utilisé au détrimentdes populations marginalisées et exclues, mais lesmédias peuvent aussi être un espace démocrati-que pour ces personnes.

Nous avons tenté par nos pratiques deconscientisation de renverser ce pouvoir et de faireen sorte que, par les médias, les personnesanalphabètes et exclues reprennent du contrôlesur leur vie.

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LES COULISSES DU« MONDE ALPHA »

Liliane Rajaonina

Lorsqu'on feuillette une revue, tout a l'air trèssimple. Mais pour celui qui est de l'autre côté,dans les coulisses de la production, cette revuereprésente des journées, des semaines ou des moisde travail, et la moindre page peut lui rappeleraussi bien des épisodes cocasses que des incidentsbeaucoup moins drôles.

Le travail commence en automne, quand lesfeuilles mortes jonchent les parcs de Montréal.C'est la saison de réflexion sur le thème duDossier. Quels sont les sujets qui correspondentaux objectifs de l'année, quelles sont les priorités,qu'est-ce qui sera encore d'actualité en septembreprochain, époque du lancement ? C'est la saisonde tous les possibles, la saison qui détermine leschoix avec lesquels on va vivre toute l'année.

Puis viennent la recherche de collaborateurset collaboratrices et les commandes d'articles.Temps d'intenses tractations ! Il faut inciter,convaincre, négocier.

Avec l'hiver commence l'attente. La date detombée fixée, malgré l'expérience des annéespassées, on y croit toujours, même si, au momentde la commande, on a consenti quelque retardpour obtenir l'accord de collaboration ! Lasemaine de tous les dangers, c'est celle où on

attend, mais aucun appel, aucun fax ne se pointeà l'horizon ! Et si... ? Il arrive que des auteur-e-sreportent, se décommandent, ne sachent pluscombien de pages il fallait produire ni pour quand.Il faut rassurer, de nouveau convaincre, dire queça ira, malgré ceci ou cela. Et on réaménagel'échéancier !

De nouveau, attente et angoisse. Quelquessemaines pendant lesquelles on échafaude lesscénarios les plus sombres. Si pour une raisonou une autre tel ou tel article n'arrivait pas, s'ilfallait rechercher un autre collaborateur à deuxsemaines de la date limite, si le lancement... De sien si, l'angoisse commence à décroître, par unsystème de régulation qui finit par vous faireremonter du fond des pires découragements.

Et puis, on ne peut pas juste attendre en setordant les mains, car il y a beaucoup à faire :mener des entrevues auprès de personnes qui pré-fèrent ce type de collaboration, écrire les articlespour lesquels on n'a pas trouvé de collaborateursou parce qu'on est inspiré par un sujet particulier.Ce sont alors des journées de recherches intensesdans les bibliothèques et les centres de documen-tation. Temps de lecture et de réflexion, plage decalme volée au train-train quotidien, loin dutéléphone...

Et puis, un beau jour, généralement auprintemps, on a la plupart des textes ! Le plus durest passé, pense-t-on. Il faut alors rédiger lelead pour chaque article : quelques phrases,quelques lignes d'introduction pour attiser lacuriosité du lecteur.

Le comité de lecture se réunit, une, deux outrois fois, selon les années. On discute, plus oumoins facilement selon les personnalités en pré-sence. Comme on se trouve entre le marteau(le comité) et l'enclume (les auteurs), il fauttempérer les uns en imaginant déjà les réactionsdes autres. La partie la plus délicate de ce travail,le moment le plus difficile à vivre, ce n'est pasl'attente, c'est d'appeler les auteurs et de sug-gérer des aménagements : « Ne vaudrait-il pasmieux... ? », « Peut-être que si... », « Il semble aucomité que... ». Les réactions sont très diverses.Certains ne demandent que ça : « Au fond, avecun œil neuf, on peut mieux juger... », et pour

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d'autres : « C'est ça ou rien ! » Il faut de la straté-gie, de la diplomatie, presque de la psychologie,pour faire ce travail-là !

L'étape suivante, c'est la révision linguistique.Mais il faut passer auparavant à travers tous lestextes pour vérifier s'il n'y a pas de guillemetsanglais à la place de guillemets français, s'il n'y apas un espace de trop entre les mots, s'assurerque la présentation des notes de bas de pagesest uniforme, etc. Travail minutieux sur unetrentaine de textes.

Au fond, une revue, c'est un peu une pièced'artisanat : on recherche le matériau, on assem-ble, on coupe, on rajoute, on polit, on peaufine...

Après le contenu, la forme : le traitementinfographique. Illustrer, rendre attrayant, facile-ment lisible. Depuis la première parution de larevue, c'est Pierre Lachance qui fait ce travail, etc'est pourquoi nous tenions à vous le présenter età lui laisser la parole.

La dernière ligne droite, c'est en été, lorsque lapremière épreuve arrive. Relecture pour traquerles « coquilles ». Et enfin le « bleu », dernièreépreuve en bleu et dans le format de la revue.Oubliés l'angoisse, les incertitudes et les problè-

mes. Car en plus, il fait beau ! Restent tout demême des doutes, des insatisfactions : on auraitdû faire ci plutôt que ça, peut-être que si... laprochaine fois... Car on pense déjà au prochainnuméro !

Produire une revue, c'est une véritable coursed'obstacles. D'année en année, on se rend compteque tout n'est pas perfectible, qu'il y aura tou-jours des problèmes, qu'on a beau prévoir, il yaura toujours des surprises. Alors pourquoi con-tinue-t-on à faire ce travail ? Parce qu'on croit tou-jours et malgré tout qu'on peut mieux faire,comme à l'école ! Et que, contrairement à d'autres,on a le résultat tangible de ses efforts. Qu'il soitbon ou mauvais, c'est une autre histoire. À ce pro-pos, chaque fois qu'on reçoit le numéro fraîche-ment imprimé, l'équipe se livre à un petit rituel :c'est à qui trouvera le premier une (deux, trois)coquille ! Eh quoi ! la perfection n'est pas de cemonde !

Mais vous-mêmes, lecteurs et lectrices,qu'est-ce qui vous a intéressés, ennuyés ou déplu ?Nous avons reçu des encouragements, maisnous attendons aussi des suggestions, descritiques... et des offres de collaboration !

Dans le merveilleux monde alphabétique, je nage depuis bientôt 7 ans

Après 772 pages à organiser, plus de 96 illustrations à créer, 308 numérisationsd'images, une cinquantaine de caractères typographiques différents, 10 pagescouvertures à concevoir, plusieurs générations de pictogrammes pour les différentesrubriques, quelques nuits blanches, deux « crashs » de disque dur, quelques « bug »de tout accabit, des virus pernicieux, cinq cartouches pour l'imprimante, troisscanners, deux ordinateurs, deux imprimantes, trois souris, trois moniteurs,une quantité incroyable de feuilles blanches pour les épreuves, 950 megabytesde données, trois déménagements de bureau, un nombre incalculable de cafés,des centaines de litres d'essence (j'habite à l'extérieur de Montréal), unebonne trentaine de rencontres ( beau temps mauvais temps, du verglasà la canicule),des fax et des fax, quelques voyages chez l'imprimeurà St-Hyacinthe, une bonne quantité d'échéanciers à reforger,10 délais de livraison qu'on arrive toujours à respecter et pasloin de 1 200 heures de travail... ouf 1 ! ! Je suis toujoursfidèle au poste pour le dixième numéro, qui se refait unebeauté. Nouveau format, nouvelle grille, nouvelle reliure,page couverture en couleurs. Qui sait ? Je seraipeut-être là pour le vingtième !

Pierre Lachance

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Chaleureuse rencontreAndré Girard, membre de l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ)1

Un écrivain rencontredes participantes et participants

pour leur parler de ses livreset de ses lectures. C'était le 24

novembre dernier au CentreAlpha de La Baie : récit d'une

belle soirée d'échanges.

C'est arrivé en septembre 1997, au Salon dulivre de Jonquière. C'était tranquille, ça ne se bous-culait pas trop fort dans les allées pour venir sefaire dédicacer un livre de recettes, et encore moinsun roman. Pas grave, je me disais, c'est dansl'ordre des choses. On n'en est quand même pas àson premier salon ; c'est terrible, mais on finitpar s'habituer. Car finalement, ce qui compteréellement, c'est d'être présent au kiosque, c'estd'être là lorsque tôt ou tard se présentera lelecteur, la lectrice.

J'étais parti dans ma brume industrialo-littéraire depuis un bon moment, lorsque cettelectrice en question est venue se planter tout justedevant moi. Comme une divine apparition :Nathalie Giroux, du Centre Alpha de La Baie.Discussion autour de la littérature en général,et sur mon dernier roman en particulier. Unpeu normal, l'histoire se passant à La Baie. Et puis,de fil en aiguille à tricoter, on s'est mis à discourirsur l'importance de la lecture. L'accord fut total.

Mais entre nous, on n'aurait pu imaginer lecontraire. Et elle est très futée, la Nathalie Giroux :elle oriente alors subtilement la discussion sur lanécessaire présence d'un organisme comme leCentre Alpha dans notre ville industrielle, elle enrajoute même sur l'importance d'un réseau quitrouve racine un peu partout, à la grandeur duQuébec. Cela dit, est-ce que moi, romancier, jeserais intéressé à venir rencontrer ses élèvespour leur parler de mes livres, de mes lectures ?Évidemment, Nathalie, avec plaisir, je ne demandeque ça.

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Le 24 novembre, nous étions peut-être unevingtaine dans une grande salle de l'église Saint-Edouard, secteur Port-Alfred, très belle église néo-gothique située à deux pas de la Stone-Consoldevenue depuis peu l'Abitibi-Consol. C'était unlundi soir. Et quelle belle soirée tu m'as permis devivre, Nathalie. D'une rare intensité, comme sinous nous étions tous connus depuis toujours.Parler tout simplement de mes premières lectu-res, de la bibliothèque municipale de mon enfance,celle qui m'a ouvert les portes du monde, revenirsur Tintin, Bob Morane, Obélix et Astérix, surles journaux qu'on lit au début avec grande diffi-culté, sur ces journaux qu'on fait plus tard sem-blant de lire pour mieux observer les autres, ettout ça à l'ombre de cette usine de pâte et papierqui a vu, à une certaine époque, les filles et les filsd'ouvriers venir livrer sur l'heure du midi la boîteà lunch du père.

Nathalie, nous en avons ri un bon coup, tesélèves, quelques membres du conseil d'adminis-tration, Roxane Minier, toi et moi. Quelle bellesoirée, vous m'avez tous permis de vivre. Ce n'étaitpas très compliqué, et le courant passait toutnaturellement. En fait, tous ensemble, nous noussommes appliqués à apprivoiser les mots, àdédramatiser l'acte de lecture. Car selon moi, ilest là le problème, dans la sacralisation du livre.

Sacristie ! nous prenions un plaisir fou à ima-giner la scène ! Je m'installe le plus confortable-ment possible chez Dunkin' Donuts, je me plongedans les gros titres du journal, posé à l'endroit sipossible, histoire de connaître aujourd'hui un motde plus, peut-être même deux ; je vais faire untour à la bibliothèque municipale le plus souventpossible, pour m'y sentir chaque jour de mieuxen mieux. Et puis quoi ! C'est pas vrai ! je neresterai pas figé comme une statue et pour la viedevant tous ces livres, parce que j'ai seulementl'impression dans ma tête que ce n'est pas pourmoi. Je vais m'approprier cette cathédrale de mots,ou du moins une petite partie, celle où je me sensvraiment bien. J'irai me perdre dans la sectionde mon choix, et puis, si vous n'êtes pas contents,

là-bas, je vous dirai que la BD, c'est aussi pour lesadultes. La preuve, on l'étudié à l'université, laBD. Et puis aussi, les livres avec des illustrations,c'est fait pour être regardé ; on n'est pas obligé delire tous les mots. Quelqu'un a déjà dit qu'uneimage valait mille mots, et il a bien raison.

Quelle belle soirée ! Je n'oublierai jamais,tellement était chaude et belle la complicité. Etlorsque Denis est venu me lire un petit mot signépar tous les élèves, il était mon frère, et il savaitdéjà toute l'estime que j'avais pour lui. Et tu saisaussi le respect que vous m'inspirez tous pourle travail essentiel que vous faites en équipe auCentre Alpha de La Baie, pour le soutien,l'espoir, toute la chaleur que vous savez donner àvos élèves. Et je crois comprendre qu'ils etqu'elles vous le rendent bien.

Alors Nathalie, sœur des mots et lectrice plusque futée, si j'avais un message à lancer à tousceux et celles qui œuvrent à la grandeur duQuébec dans les groupes populaires en alphabéti-sation, ce serait de ne pas se gêner, de lancercarrément un appel à l 'UNEQ et à tous lesécrivains, histoire de les impliquer dans votredémarche plus que louable. Ils occupent l'ensem-ble du territoire, il y en a dans toutes les régions,hommes et femmes, connus ou pas connus, et jesais que plusieurs ne demandent qu'à s'impliquerdans leur collectivité locale, ne demandent qu'àvous donner un petit ou un grand coup de main.

Permettons-nous de rêver un brin : peut-êtremême que l 'UNEQ pourrait développer unprogramme national strictement dédié auxgroupes d'alphabétisation. Car lorsqu'une fillecomme Manon et un gars comme Denis semettent à lire, à écrire, ils entraînent toute uneville dans leur démarche.

1. Professeur de littérature au CEGEP de Chicoutimi, membre del'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), a déjà publiéDeux semaines en septembre (Montréal, Quinze, 1991 ; Montréal,Québec-Loisirs, 1991), Prix Robert-Cliche 1991 et Orchestra (Mon-tréal, VLB éditeur, 1994) Prix du CRSPB Saguenay-Lac-Saint-Jean1994.

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Entrevue avec les participantes etparticipants du groupe Clés en mainde la région de l'Islet-Nordréalisée par Pierrette Fournier, animatrice

Qu'est-ce qui vous a motivés à vous inscrire dansun atelier alpha ?- Je voulais retrouver ce que j'avais perdu en fran-çais et calcul. En plus c'est facile d'accès, c'est prèsde chez-moi.- Je n'ai jamais bien compris les règles de gram-maire et je voulais corriger cette situation, car jefais beaucoup de fautes.- Je voulais me faire une vie nouvelle. En venant àl'atelier, je m'aperçois que je suis plus autonomequ'avant face à l'écriture et la lecture.

Qu'est-ce que cela vous a apporté jusqu'à main-tenant ?- Moi, cela me permet d'aider mes enfants dansleurs devoirs, car j'apprends en même tempsqu'eux. Maintenant je comprends ce que je leurexplique et je me sens bien.- Je comprends mieux les règles de grammaire, jefais moins de fautes, j'écris plus vite et ça me donneune plus grande confiance en moi.- Tout en apprenant à mieux lire, écrire et calcu-ler, j'ai appris que chacun apprend à son rythme.Le fait de travailler en groupe m'a aidée à mieuxvivre en société.- Ça me rafraîchit la mémoire : je ne savais pasque j'en avais tant oublié en français. Le fait deréapprendre m'apporte beaucoup de joie.

Comment vous sentez-vous dans le groupe ?- Au début, j'étais gêné. Je me sens mieux main-tenant grâce au bel esprit d'équipe que je retrouveici.- Moi je suis bien : on se sent tous égaux, donc iln'y a pas de conflits. Nous nous entraidons beau-coup.- J'aime bien l'ambiance... On a du plaisir : onpeut rire ensemble des fautes que l'on fait.

Croyez-vous que votre passage ici vous aura per-mis de trouver une meilleure qualité de vie ?- Oui, cela m'a permis d'avoir plus confiance enmoi. Je me sens égale aux autres.- Moi, ça va me permettre de mieux écrire deslettres : je n'aurai plus honte car je sais que je feraimoins de fautes.- D'avoir le bagage qu'il faut pour aider mesenfants dans leurs travaux scolaires m'apportebeaucoup de valorisation. Je me sens plus à lahauteur qu'avant.

Pensez-vous que le mot alphabétisation fait peuraux gens ?- Oui ça fait peur... C'est un grand mot pour laplupart des gens.- C'est comme un mythe qui dérange : il faudraitplus d'explications pour faire comprendre ce qu'ilveut dire exactement.- Des fois, ça me dérange de dire : « Je vais dansun groupe d'alphabétisation », parce qu'il y a tou-tes sortes de réactions de la part des gens à qui jele dis... Mais je pense qu'il faut prendre ça en riant.Moi, je sais que je suis gagnante.

Selon vous, est-ce que la gêne est une barrièrepour décider de venir aux ateliers ?- Oui, pour certaines personnes : elles ont peurde faire rire d'elles, elles ne veulent pas être iden-tifiées et elles ont peur des préjugés des autres.- Au départ, il y a la gêne d'être dans un groupe etaussi celle d'avouer nos limites en français et cal-cul devant des nouvelles personnes. On se sentun peu handicapé.- Pour quelqu'un qui est gêné d'avance, la bar-rière est haute parce qu'en plus c'est gênant demontrer nos lacunes dans ce domaine-là.- Quelqu'un qui décide de dépasser sa gêne et des'inscrire aux ateliers, c'est un acte courageux. C'estun grand défi à relever.

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TémoignageColette Hamel,

La Marée des mots

Pensiez-vous qu'il y avait autant de personnesayant des besoins en alphabétisation ?- Non, je pensais qu'il y avait seulement 20 % dela population avec ce besoin et que c'était surtoutdes personnes âgées.- Les gens trouvent des trucs pour ne pas laisserdeviner leurs difficultés, donc elles ne paraissentpas.- Je n'aurais jamais imaginé que le taux était siélevé : c'est surprenant !

Selon vous, quels seraient les meilleurs moyenspour motiver les gens à venir aux ateliers ?- Pour ma part, c'est de me donner en exemple etde leur dire à quel point cela m'aide.- Je leur dirais que dans les ateliers, ça se passeautrement que ce qu'ils ont connu à l'école. Onapprend à notre rythme.- C'est d'en parler autour de nous, de dire auxgens que les ateliers sont adaptés pour chacun-edes participant-e-s.

Croyez-vous à l'importance de bien lire, écrireet compter ?- Oui, à cent pour cent ! Cela nous permet de lireen public, d'avoir une conversation intéressante,de faire notre correspondance nous-même, demieux vivre quoi !- Oui, c'est important pour mieux se diriger surla route en étant capable de lire les panneaux decirculation.- Oui je suis d'accord, je peux ainsi aider mesenfants dans leurs travaux scolaires. Ils pourrontaller plus loin dans la vie, et, moi, je me coucheplus intelligente le soir.

Bonjour je meprésente, ColetteHamel. J'ai 52 anset je suis mère decinq enfants. Pré-sentement, je suis àla recherche d'untravail en bureautique. Ma raison devivre est que mes enfants poursuiventleurs études afin d'acquérir une car-rière dans laquelle ils seront heureuxet capables de subvenir à leurs besoins.

Pour dénicher un emploi en bureau-tique, il faut posséder, en plus de plu-sieurs logiciels, un excellent français.Je possède une quantité industrielle delogiciels sur environnement IBM etMacintosh. Cependant, le françaisétait ma seule faiblesse et, il fautl'avouer, je n'aimais pas ça. Depuis unan, j'ai commencé des ateliers de fran-çais à La Marée des Mots. Ces ateliersque l'on pourrait qualifier d'innova-teurs et de constructifs ont réussi à sti-muler ma curiosité à l'égard de notrelangue, à ma grande surprise il fautbien l'avouer..

Dans ces ateliers, il y a des gens dedifférents pays qui forment

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avec nous, Québécois-e-s, une bellefamille riche en culture et en partage où ilfait bon se retrouver semaine aprèssemaine. La lecture, l'écriture et lagrammaire prennent forme à partir desexpériences vécues de chacun. Par exem-ple, nous avons choisi un pays parcontinent pour écrire un texte. Chaqueparticipant et participante choisissaitun sujet et le développait en effectuantune recherche sur les coutumes despays déterminés. Ainsi, que le sujetconcerne l'alimentation, l'habillement,les habitudes ou les traditions, nousdevions présenter notre texte accompagnésoit de photos, de films, de cartesgéographiques, de recettes ou de musi-ques typiques des peuples.

C'est toujours avec une grande joie aucœur que nous nous rendons à nos ate-liers, puisque nous nous sentons commeune famille unie. Nous sommes vraimentà l'écoute les uns des autres. Ainsi, c'estavec empressement que nous nous aidonsmutuellement en échangeant sur lesressources ou services disponibles auQuébec. Nous tentons ainsi d'améliorerles conditions de vie de nos sœurs etfrères nouvellement arrivés au pays.

Aussi, en octobre dernier s'est tenuel'assemblée générale annuelle et il y avaitun poste à combler. Lorsque l'anima-trice a expliqué l'importance de la repré-sentation d'un ou d'une participant-e sur

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le conseil d'administration, je me suis dit :c'est pas pour moi. J'ai beaucoup trop deresponsabilités, étant monoparentale aveccinq enfants et travaillant cinq jours parsemaine. Puis, les autres membres dugroupe ont suggéré ma candidature. Aprèsune réflexion d'une semaine, je me suisdit : voilà pour moi une porte ouvertepour acquérir confiance en moi, mettreen pratique mes acquis en logiciels etpratiquer mes récentes connaissances enfrançais. Comme dit le proverbe : c'est enforgeant qu'on devient forgeron. Ainsi,l'assemblée générale annuelle a eu lieu,puis, comme il y avait un autre parti-cipant d'un autre groupe, des électionsont eu lieu. J'ai été élue par une voix demajorité.

Mon rôle sur le conseil d'administra-tion consiste à prendre des notes auxréunions mensuelles, à rédiger le procès-verbal et le compte rendu puis, bienentendu, à exprimer mon opinion surles décisions à prendre pour le bon fonc-tionnement de l'organisme. Par ailleurs,la ville offre gratuitement des cours auxorganismes pour parfaire les connaissan-ces des bénévoles qui y œuvrent. J'ai suiviun cours sur le fonctionnement duconseil d'administration et de l'assembléegénérale. Je peux vous dire que je suistrès contente de m'être impliquée àLa Marée des Mots et que mes enfantsn'en souffrent pas.

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Terre des femmesJocelyne Desroches de La Marée des Mots,Hélène Patenaude d'A.B.C. des Manoirs et SylvieLambert de Déclic et membres du Comité deSolidarité Internationale du RGPAQ.

L' ors de la dernière assemblée générale duRGPAQ, nous avons déterminé deux mandatspour le Comité de solidarité internationale. Lepremier consistait à informer les groupes mem-bres du RGPAQ sur des expériences d'alphabéti-sation populaire. Le deuxième consistait à poserune action concrète pour appuyer un projet pré-cis en collaboration avec un groupe d'un autrepays.

Au courant de l'année, nous nous sommes pen-chées plus particulièrement sur le premier man-dat. Nous avons fait appel à des groupes d'édu-cation au développement qui avaient des liensavec des organismes qui œuvrent en alphabétisa-tion populaire. L'organisme Le CinquièmeMonde nous a mis en contact avec Madame InèsCastro, de l'organisation K'inal Antzetik, auChiapas (Mexique). En mars dernier, nous l'avonsrencontrée et nous partageons avec vous uneriche expérience d'alphabétisationpopulaire avec des femmesautochtones duChiapas.

Dans un contextede violence généralisée,des femmes autochtones duChiapas luttent pour survivreet faire valoir leurs droits les plusélémentaires : l'alphabétisationcomme composante d'un processusd'autonomisation et de prisede pouvoir.

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Au Mexique, ladémocratie est très fragile.

Des balbutiements de libertéd'expression se sont

manifestés récemment auparlement et dans des

manifestations publiquesponctuées de massacresd'Indiens zapatistes du

Chiapas et de répressionsde toutes sortes.

Situation géographique et démographiqueLe Chiapas est l'un des 31 états du Mexique, dontla capitale est Tuxltla Gutiénez. Il se trouve ausud du pays.

La majeure partie de sa population de3 600 000 habitant-e-s vit dans des conditionsprécaires. En effet, 66,7 % de la populationsouffre de malnutrition, 69 % des gens sont anal-phabètes (en majorité des femmes), 56 % n'ontpas d'eau courante et 67 % n'ont pas l'électricité.Les principales activités économiques des paysanset paysannes sont l'agriculture et l'artisanat.

La langue officielle est bien sûr l'espagnol, maisla majorité de la population autochtone parleneuf dialectes différents qui se sont maintenusjusqu'à aujourd'hui. Un tiers de la population estautochtone, c'est-à-dire qu'elle vit dans unecommunauté qui a su garder sa langue et saculture. Pauvreté et exclusion font partie de laréalité des Autochtones chiapanèques qui sont lesplus marginalisés.

Situation politiqueAu Mexique, la démocratie est très fragile. Desbalbutiements de liberté d'expression se sontmanifestés récemment au parlement et dans desmanifestations publiques ponctuées de massacresd'Indiens zapatistes du Chiapas et de répressionsde toutes sortes.

Le soulèvement zapatiste de 1994 a montré, àla face du monde, la fragilité des droits humainsau Mexique et permis de témoigner des condi-tions de misère autochtone. En effet, ils ont vouludéfendre leurs terres communales contre laréforme gouvernementale qui permettait lemorcellement et la vente de celles-ci. Pour unAutochtone, la terre est un bien des plus précieux !

L'État du Chiapas et tout spécialement les com-munautés autochtones souffrent gravement desconséquences d'une situation généralisée de vio-lence et d'impunité. L'armée fédérale mexicaineest omniprésente ainsi que de nombreux groupesparamilitaires. C'est la terreur en permanence !

De plus, pour certains groupes, la situation estencore pire : une population estimée à 15 000personnes est déplacée par la guerre et subit desconditions d'extrême pauvreté. Les femmes pourleur part sont doublement affectées. Depuis dessiècles, elles subissent discrimination, surchargede travail, agressions et viols impunis, etc.

Situation des femmesDans ce contexte, les femmes du Chiapas luttentpour la reconnaissance de leurs droits les plus élé-mentaires. Leur courage mérite d'être souligné.Elles ont élaboré une loi écrite : la loi révolution-naire des femmes zapatistes. Cette première ver-sion de la loi affirme et réclame le droit à la santéet à l'éducation, qu'elles n'ont jamais eu aupara-vant. Cette loi a été rendue publique au début de1994. Elles tentent du mieux qu'elles peuvent dela faire appliquer aussi bien dans leur commu-nauté que dans leur famille. Avant, elles n'avaientaucun droit. Elles ne pouvaient pas se rassemblerni participer à des réunions. Là, c'est un peumieux. Les choses progressent peu à peu, parcequ'elles-mêmes progressent avec la loi. Elles ontmême élaboré une nouvelle version de cette loiqui va plus loin, pour être respectées dans les dif-férents aspects de leur quotidien.

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K'inal Antzetik et les coopérativesCette volonté transparaît dans de nombreuxregroupements. Par exemple, des milliers defemmes autochtones se sont mobilisées pourformer K'inal Antzetik qui signifie « Terre desFemmes ». Cette organisation non gouvernemen-tale est née dans les années 80. Elle avait commeobjectif d'appuyer techniquement des coopérati-ves qui regroupaient des femmes du Chiapas ence qui a trait à la commercialisation de leurproduction artisanale. Trois grandes coopérativessont actuellement très actives au sein de K'inalAntzetik.

Par son travail d'accompagnement, l'équipe deK'inal a constaté que l'artisanat joue un rôle vitaldans la vie des femmes du Chiapas. C'est souventla seule source de revenu qui assure la subsistancede leur famille. Par contre, elles éprouvent beau-coup de difficulté à commercialiser leurs produits,tant sur le marché local que national ou interna-tional.

Suite à des échanges avec les femmes ettenant compte de leurs expériences antérieuresavec des organisations gouvernementales et desintermédiaires, l'équipe de K'inal opta pourune orientation qui permettrait aux femmes dedevenir autonomes dans tout le processus deproduction et de commercialisation de leursproduits. De cette volonté est né un volet deformation plus spécifique qui répondait auxbesoins rencontrés dans chacune des coopé-ratives.

AlphabétisationK'inal Antzetik travaille à outiller les artisanes surle plan fonctionnel : alphabétisation, apprentis-sage de l'espagnol, acquisitions de notions encomptabilité et en administration et autres tech-niques spécifiques à leur activité artisanale. Deplus, elle les appuie sur le plan socio-politique :formations sur la santé, l'écologie, leurs droitscivils, politiques, etc.

Au cours de ces formations, les femmes regrou-pées au sein de K'inal Antzetik ont rapidementpris conscience de la nécessité d'apprendre à lire,à écrire et à compter puisque 80 % d'entre ellessont analphabètes dans leur langue maternelle.Elles ont également exprimé le besoin d'appren-dre à parler espagnol pour avoir un meilleur pou-voir de négociation et obtenir ainsi des prix plusavantageux dans un marché élargi.

L'équipe de K'inal Antzetik a d'abord élaboréun projet d'alphabétisation en espagnol. Cetteexpérience n'a pas obtenu les résultats escomptés.Le fait d'alphabétiser dans la langue des domi-nants a eu un effet négatif sur leur apprentissage.

L'équipe a donc repensé un nouveau projetd'alphabétisation bilingue, c'est-à-dire en languematernelle et ensuite en espagnol. Ce projet adébuté en janvier dernier et s'inscrit dans unedémarche de prise de pouvoir pour les femmesqui y participent. En effet, il veut promouvoir laculture des femmes autochtones afin de susciterune réflexion quant à leur place dans cette cul-ture et au rôle qu'elles peuvent y jouer. Il veutégalement permettre aux femmes d'être plusautonomes dans le processus de planification, deproduction, de gestion, de commercialisation etde contrôle de leur production artisanale.

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Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Ce projet se réalisera en deux étapes. Dans unpremier temps, il s'agit d'alphabétiser dans l'unedes deux langues les plus parlées des hautsplateaux, soit le tzotzil et le tzeltal. Une phaseexpérimentale est présentement en cours et elleregroupe 120 femmes de huit communautés. Cesfemmes alphabétisées seront par la suite forméespour devenir animatrices lors de la deuxième phased'alphabétisation. Ainsi, l'effet multiplicateur seraassuré au sein du Chiapas.

Dans un deuxième temps, l'apprentissage del'espagnol se fera selon les besoins spécifiques desgroupes en vue de développer avant tout deshabiletés en communication.

Déroulement d'un atelierGénéralement, les animatrices ont recours à unplan d'atelier utilisé à chacune des rencontres. Lapremière partie consiste en une discussion autourd'un élément déclencheur, qui peut être soit unephoto ou un texte simple qui favorise l'analyse decertains aspects de la vie quotidienne ou du tra-vail productif. Lors de cette animation, l'anima-trice recueille les expériences de vie propres auxfemmes pour alimenter et favoriser l'approbationdu thème choisi.

Suite à l'animation, une phrase significative estretenue pour l'apprentissage de la lecture et del'écriture, qui se fait à partir d'une méthode glo-bale. De la phrase, on isole des mots ou des sylla-bes significatives pour ensuite faire de nouveauxmots ou de nouvelles phrases.

En ce qui a trait à l'apprentissage oral del'espagnol, les animatrices utilisent une métho-dologie appelée « langue totale ». Elle consisteà enseigner la langue seconde parallèlement àl'apprentissage écrit de la langue maternelle, etce, à travers des activités de la vie quotidienne.Par exemple, en écoutant ou en mimant dessituations, en ayant recours à des objets, dessentiments ou des rêves qui ont des références dansleur langue maternelle. L'acquisition de l'espagnolest ainsi plus accessible puisque l'apprentissagese fait conjointement avec celui de la languematernelle.

À chaque rencontre, l'animation suscite laparticipation des femmes, ce qui développe unsentiment de confiance et la création de lienssignificatifs. Chaque femme devient ainsi partieprenante des activités réalisées dans le cadre deson apprentissage. Chaque femme acquiert del'autonomie, une plus grande confiance en elle etmet en valeur des aptitudes qui lui permettent dechanger et d'améliorer différents aspects de sa vie.

ConclusionIl apparaît clairement que l'alphabétisation desartisanes autochtones du Chiapas s'organise pourdes raisons de survie. Un certain sentimentd'urgence semble les animer. Nous, du Comitéde solidarité internationale, avons été touchées parle courage et la solidarité de ces femmes.

Nous souhaitons suivre de près la progressionde cette expérience d'alphabétisation. Nous nousquestionnons également sur la possibilité et lesmoyens d'appuyer concrètement les efforts deK'inal Antzetik. Un projet en ce sens pourrait bienfaire partie des priorités du Comité pour l'annéequi vient.

Si vous désirez plus d'informations sur cesujet, nous vous transmettons les adresses postaleet internet de l'organisme et nous vousdemandons de nous aviser de toute commu-nication éventuelle :

K'inal AntzetikOficina Central :

5 de Mayo No. 25-A,Barrio de Mexicanos

San Cristobal de Las CasasChiapas, C.P. 29200

Mexicoe-mail : [email protected]

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Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Le Centre d'alphabétisationd'Argenteuil (CADA)

Patricia Lefebvre et John Pinault

Le CADA entame maintenant sa neuvièmeannée d'intervention auprès de la collectivitéd'Argenteuil. D'abord connu sous le nom de« Centre des lettres », il a vu le jour grâce à lavolonté du Regroupement de groupes commu-nautaires d'Argenteuil, le Comité régional inter-organismes, qui a parrainé le « Centre des lettres »jusqu'à son incorporation, sous le nom de Centred'alphabétisation d'Argenteuil, le 8 novembre 1991.

Le Centre qui, à ses débuts, bénéficiait dusupport de huit bénévoles et inscrivait une ving-taine de personnes analphabètes par année,a aidé, au total, plus de 400 personnes depuis 1989.Il a terminé la saison hiver 1998 en faisant l'acqui-sition d'une maison pour y aménager ses locaux.

Depuis 1995, une moyenne de 80 personnes parannée s'inscrivent pour une démarche d'alphabé-tisation dans un de nos ateliers, soit nos ateliers àtemps plein ou à temps partiel au Centre, soit lesateliers hors-centre tels les ateliers tenus dansdes locaux prêtés par la bibliothèque municipaleet le CLSC de Grenville ainsi que par une maisonde personnes âgées de St-Philippe. De plus,pour les personnes en régions qui ne peuventpas se déplacer (personnes handicapées oupersonnes qui ne disposent pas de moyens detransport), nous organisons des jumelages (un-eapprenant-e, un-e bénévole) qui sont offerts unpeu partout sur le territoire de la MRC d'Argen-teuil.

Depuis avril 1997, nous offrons également unservice de défense des droits et d'aide ponctuelleaux personnes qui ont des difficultés en françaisou en calcul. Ces services vont de l'accompagne-ment pour rechercher un numéro de téléphone àde l'aide pour compléter un formulaire. À ce jour,69 personnes se sont prévalues de ce service.

En juin 1997, le CADA aménageait, avec l'aidede ses bénévoles et de la communauté, dans sesnouveaux locaux du 335, rue Principale à Lachute.

Le CADA a choisi cet emplacement, d'une part,pour offrir des locaux mieux adaptés aux appren-tissages pratiques et, d'autre part, pour augmen-ter sa visibilité en étant situé dans un quartier pluscentral.

En octobre 1997, Développement des ressour-ces humaines Canada nous mandatait pour ladistribution, la vérification et l'acheminement desdemandes de prestation d'assurance-emploi dela population de notre MRC. Ce nouveau serviceexige en moyenne 11 interventions par jour.

De plus, depuis 1990, nous avons donnél'occasion à une vingtaine de personnes des'épanouir et d'acquérir de l'expérience de travailen les embauchant dans le cadre des program-mes de développement à l'emploi ou des mesuresde réinsertion sur le marché du travail. Nous avonsd'ailleurs gardé un de ces travailleurs. Il fait nonseulement partie de nos ressources humaines,mais il est également responsable des bénévoleset du développement.

Grâce à son équipe dynamique et en s'alliantà des partenaires parmi les groupes commu-nautaires et dans le réseau des servicessociaux, le CADA réussit à atteindre des person-nes qui :• sont isolées partout sur le grand territoire

d'Argenteuil ;• sont impossibles à rejoindre par écrit ;• ne sont pas motivées à s'inscrire par crainte

d'être identifiées comme analphabètes.Nos partenaires nous réfèrent les personnes

qui requièrent de l'aide en français et en calculde base. Dans certains cas, nous offrons mêmedes ateliers d'apprentissage sur place.

Il est évident que les énergies bénévoles, lepartenariat avec les groupes communautaires etles différent-e-s intervenant-e-s du milieu nous ontpermis de faciliter l'accès à nos services.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 97

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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LA MARÉE DES MOTSJocelyne Desroches

La Marée des Mots fait partie du dernier« baby boom » en alpha populaire. Comme nosgrands-parents, parents, marraines et parrains,nous avons un budget limité avec lequel nousaccomplissons les miracles propres à l'alphabé-tisation populaire. Notre groupe est situéà Beauport, à quelques kilomètres à l'est deQuébec.

Depuis sa fondation, le territoire du GrandBeauport regroupait sept municipalités :Beauport, Villeneuve, Giffart, Courville,Montmorency, Sainte-Thérèse-de-Lisieux etSaint-Michel Archange. En 1976, l'Assembléenationale a décrété la fusion de ces sept muni-cipalités. Ces villes sont donc devenues desquartiers du Grand Beauport tout en conservantleur vocation et leurs caractéristiques. Le GrandBeauport s'est énormément développé au coursdes 10 dernières années. Sa population s'estaccrue de plus de 15 %. Une partie de celle-cioccupe les nouveaux quartiers localisés enpériphérie et une autre, plus défavorisée etprovenant des quartiers populaires de Québec,se regroupe dans les quartiers centraux. Beauportest une ville culturellement homogène com-posée en grande majorité de personnesquébécoises de souche. Cependant une portionde sa population est constituée de personnesimmigrantes qui vivent dans les quartierscentraux du Grand Beauport. Certaines d'entreelles sont membres de La Marée des Mots.

98 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Depuis le début de nos activités, nous avonstrois mandats prioritaires. Notre premier man-dat consiste à sensibiliser le milieu à la problé-matique de l'analphabétisme. Pour ce faire, nousavons développé des liens avec des acteurssociaux œuvrant dans les groupes commu-nautaires, les paroisses, et les institutions duGrand Beauport.

Notre deuxième mandat, complémentaireau premier, est d'augmenter notre visibilité,afin de faciliter le recrutement et d'instaurerun réseau de référence fonctionnel au sein de lacommunauté. C'est dans cette optique quenous avons conçu un guide de sensibilisationqui a été distribué dans plus de cent orga-nismes.

Notre troisième mandat consiste à offrir desateliers qui répondent à nos besoins particuliers.En effet, les participants et participantes de LaMarée des Mots sont, à 50 %, des personnesimmigrantes provenant d'Asie, d'Afrique duNord, d'Europe de l'Est et d'Amérique Latine.La composition multiethnique des groupesapporte une teinte particulière aux ateliers.Parmi les thèmes, nous abordons la géographie,les cultures, les grandes civilisations, etc. Nousorganisons également des activités (sorties,repas, visites) qui favorisent l'échange inter-culturel. Cette ouverture sur le monde est trèsimportante dans un milieu culturellementhomogène comme Beauport.

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Outre les ateliers de français (débutant,intermédiaire, avancé) et de calcul (débutant,intermédiaire), d'autres activités ponctuellesviennent également consolider les appren-tissages des participants et participantes. Desjumelages de une à deux heures par semaineavec des personnes bénévoles offrent la possi-bilité de faire soit de la conversation, soit desactivités dirigées pour améliorer certaineslacunes en français. Un atelier de couturepermet aux participants et participantesd'utiliser des notions de français et de calcul dansun contexte précis et de développer par le faitmême des habiletés manuelles utilitaires.Le comité café est un autre lieu où les membrespeuvent développer certaines notions de gestion(inventaire, recettes, dépenses, budget équilibré)afin d'être en mesure de gérer l'argent de la ventede breuvages.

En septembre, nous débuterons un atelier decommunication interculturelle. L'objectif de cetatelier est de favoriser une meilleure compréhen-sion des différences culturelles existant au seind'une communauté, pour développer des rela-tions fondées sur le respect et la tolérance. Cetatelier sera un lieu d'échange qui permettra tantaux participantes et participants qu'aux person-nes bénévoles de partager et de mettre en com-mun des expériences de vie différentes.

La vie démocratique se manifeste par l'impli-cation des participants et participantes ainsi que

des personnes bénévoles dans des activités oùils/elles se sentent confortables. L'atelier est lelieu privilégié où chaque personne a un pouvoirdécisionnel soit dans le fonctionnement dugroupe, le choix des thèmes que l'on aborde oul'organisation d'activités reliées à ces thémati-ques. D'autres peuvent s'impliquer dans le con-seil d'administration et occuper des postes quinécessitent une plus grande disponibilité.Certaines personnes préfèrent représenter LaMarée des Mots lors de rencontres avec desorganismes du milieu dont nous sommesmembres. Bref, il y a une place pour chacunedes personnes qui désire s'impliquer et faire ensorte que La Marée des Mots soit dynamique.

Comme nous sommes un jeune groupe, ilreste un éventail de choses à réaliser. Nous avonscommencé nos activités avec un groupe et nouscontinuons tranquillement notre chemin enmettant beaucoup d'espoir en toutes les person-nes qui s'impliquent à La Marée des Mots et quicontribuent à sa belle histoire.

ErratumUne erreur s'est glissée dans la

rédaction du Monde alphabétiquenuméro 9 : Les auteures de l'article« Petit poisson deviendra grand »(chronique Profil de groupe) sontNathalie Giroux et Roxane Minier.

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 99

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A VOIR A LIRE

L'ABC DES LOGICIELS,UN RÉPERTOIRE POUR MIEUXS'Y RETROUVER !106 pages, 81/2 X11 po.

par le Carrefour d'éducationpopulaire de Pointe St-Charles

Vous offrez des ateliers d'al-phabétisation assistés par ordi-nateur ? Vous recherchez del'information sur les logicielsexistants ? L'ABC des logiciels estl'outil qu'il vous faut ! Ce réper-toire propose un contenu simple,clair, concis qui permet auxformatrices de s'outiller rapide-ment et efficacement. C'est unoutil essentiel pour les groupesdésireux d'entreprendre le viragetechnologique.

Les 38 logiciels évalués sont pré-sentés sur des fiches individuellesoù l'on retrouve : un résumé dulogiciel, une cote coup de cœur,les résultats de l'évaluation, unesynthèse des forces et des limites,des informations techniques pré-cieuses.

Coût: 15$Disponible au Carrefourd'éducation populaire dePointe St- CharlesTél. : (514) 596-4444Téléc. : (514) 596-4443Courriel :carrefour.anim @cecm. qc. ca

ALPHA-BANKO

par Un Mondalire

C'est à la fois un jeu et un outild'apprentissage. Il permet deconnaître et d'apprendre lestermes des services bancairesautomatisés d'une façon ludiqueet agréable. Il s'adresse à toutepersonne désireuse de se fami-liariser avec les guichets automa-tiques bancaires. Ce jeu contient :cinq ensembles de huit cartesde jeu plastifiées, un tableau dumeneur de jeu (210 mots etexpressions), 210 numéros depige, un marqueur effaçable àsec, 50 jetons, un tableau devocabulaire général, un tableaude verbes, cinq tableaux du voca-bulaire spécifique propre à chaqueinstitution, un tableau de termeséquivalents, une feuille d'informa-tions générales, une feuille deprésentation et les règles du jeu.

Coût: 35$Disponible à Un MondalireTél. : (514) 640-9228Téléc. : (514) 640-9443

ALPHA-GRAMMAIRE137 pages, 81/2X11 po.

par le Centre d'AlphabétisationHuronie de Penetanguishene encollaboration avec le Centre FORA

Cahier de l'apprenant et del'apprenante divisé en 12 leçonsde grammaire suivies de tableauxde règles, d'exercices écrits etd'un corrigé. Sur feuilles amovi-bles à trois trous. Accompagnéde deux cassettes audio. Pournouveaux alphabétisés, niveauxintermédiaire et avancé.

Coût: 29,95$Disponible au Centre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :ti-guy@centrefora. on. ca

ALPHALUDO 380 pages, 81/2 X11 po.

par Diane Labelle

Le plus récent cahier d'appren-tissage du français produit parLettres en main. Dans la sérieAlphaludo, ce troisième numérocomporte : trois niveaux de diffi-cultés ; 40 nouvelles activités dont10 plus spécifiquement axées surl'acquisition de compétencesdirectement liées à l'insertionau marché du travail ; un solution-naire clair et détaillé.

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Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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En plus de renforcer les acquisdes participants-es en lecture et enécriture, ces activités ludiques leurpermettent d'acquérir ou de con-solider des connaissances relati-ves au marché du travail et dedévelopper une meilleure compré-hension des aptitudes requisespour effectuer des recherchesd'emploi.

Enfin, la trousse des troisAlphaludo compte, au total, 100activités-jeux d'apprentissage dufrançais à prix abordable.

Coût unitaire :10 $, la trousse alphaludo(3 numéros) : 20 $(plus frais postaux)Disponibleà Lettres en main inc.Tél. : (514) 729-3056Téléc. : (514) 729-3010

AUTREMENT DIT

par le Collectif de recherchepédagogique

Magazine bimestriel d'intérêtgénéral, rédigé entièrement enécriture simple à l'intention detoute personne à la recherched'une lecture plus accessible, plusconfortable pour l'œil. Il pro-pose de courts dossiers, del'information claire et concise,des chroniques sur des sujetsvariés comme la santé, le sport,le plein air, l'environnement,l'histoire, un cahier culturelabondant, des jeux et beaucoupplus encore.

Coût : 3,25 $Abonnement :1 an (6 numéros) 18,70 $,2 ans (12 numéros) 29,90 $,taxes inclusesHors Canada :1 an 30 $ Can., taxes inclusesDisponible au Collectif derecherche pédagogiqueTél. : (418) 653-0091Télec. : (418) 653-0034

LA BICYCLETTE89 pages, 43/4 X 7 po.

par Marguerite Andersen

Recueil d'une dizaine de nouvel-les courtes et captivantes. Rédigéen langage simple et imagé.

Sujets variés sur la vie de tous lesjours. Pour lecteurs et lectrices detous âges. En collaboration : Prisede parole et Centre FORA.

Coût: 8$Disponible auCentre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :ti-guy @centrefora. on. ca

CINQ ENFANTS DISPARUS68 pages, 51/2 X 81/2 po.

par Hélène Quesnel Sicotte

L'auteure raconte l'histoire d'unjeune couple qui a perdu cinqenfants dans le feu. C'est l'histoirevraie de ses parents. Une produc-tion du Centre Moi j'apprendsde Rockland en collaboration avecle Centre FORA.

Coût: 5,99$Disponibleau Centre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :ti-guy@centrefora. on. ca

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 101

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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COLLECTION CAP-NORD VIII

1. LE CHEMIN DE L'ESPOIR56 pages, 51/2 X 81/2 po.

par Thérèse Nadeau

Un homme est à la recherched'une personne. La trouvera-t-il ?Lui pardonnera-t-elle ?

Coût : 4 $

2. J'AI EU LE COURAGE53 pages, 51/2 X 81/2 po.

par Tiffany Del Guidice

Une jeune femme a le couragede surmonter les difficultés qu'ellea vécues à cause d'un troubled'apprentissage et d'un profondsentiment d'abandon.

Coût :4$

3. JE ME SOUVIENS39 pages, 51/2 X 81/2 po.

par Ursule Sauvé

Michel veille auprès du lit d'hô-pital de Jasmine. Dans l'espoir dela sortir de son coma, il lui raconted'heureux souvenirs de leur vieensemble.

Coût : 3 $

Prix de la collection :9,99 $ (3 livres)Disponibles au Centre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :ti-guy @centrefora. on. ca

DES CRAYONS QUI PARLENT63 pages, 51/2 X 81/2 po.

par Le Collectif plein de bon sens

Crayonnez ! Crayonnez ! leurdisait-on, il en restera toujours...un petit recueil dans lequel deuxGaspésiennes racontent des tran-ches de leur vie de famille. Unefaçon différente de découvrir laGaspésie où le Collectif plein debon sens a été le premier groupepopulaire en alpha à prendre pied.Ces « crayons qui parlent » vousfont aussi mieux connaître cegroupe, ses objectifs, la méthodedu langage intégré et l'intégrationdu Collectif dans son milieu.

Nous en avons fait notre carte devisite en faisant rimer « alphabé-tiser » avec « publier ». Un pre-mier défi !

Disponibleau Collectif plein de bon sensTél. : (418) 392-4818Télec. : (418) 392-6008Courriel :forge@globetrotter. qc. ca

INITIATION AU GUICHET180 pages, 81/2X11 po.

par Un Mondalire

Cahier d'exercices qui s'adresseà toute personne qui veut démys-tifier et comprendre le systèmebancaire automatisé. Il permet dese familiariser avec les termes ban-caires, la marche à suivre, et levocabulaire du guichet automati-que Desjardins. Il comprend desexercices de lecture, de vocabulaireet des jeux qui permettentd'entrer dans le monde du systèmebancaire automatisé. Chaqueexercice est identifié selon sondegré de difficulté ($ : peu élevé,$$ : moyen, $$$ : élevé).

Coût unitaire : 15 $,12 $ pour cinq exemplaireset plusDisponible à Un MondalireTél. : (514) 640-9228Téléc. : (514) 640-9443

102 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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INTÉGRATION AU TRAVAIL,TOME 1 -RECHERCHE D'EMPLOI193 pages, 81/2 X11 po.

par Linda Frappier, DianeLarivière, Monique Poitras

Cahier à spirale présentant lesnotions nécessaires à une bonnerecherche d'emploi. Des textescourts, des questionnaires, desdiscussions, des exercices, desjeux et un corrigé. Pour person-nes ayant des difficultés d'appren-tissage ou nouveaux alphabétisés,niveau débutant. Une produc-tion du Centre communautaireAssomption en collaboration avecle Centre FORA.

INTÉGRATION AU TRAVAIL,TOME 2-LES EMPLOIS170 pages, 81/2X11 po.

par Linda Frappier, DianeLarivière, Monique Poitras

Cahier à spirale traitant de :l'atelier de bois ; la restauration ;la conciergerie ; l'entretien ména-ger ; la réception de bureau. Unesection d'information générale,du vocabulaire illustré, des textescourts, des questionnaires, desexercices, des jeux et un corrigé.Pour personnes ayant des diffi-cultés d'apprentissage ou nou-veaux alphabétisés, niveau débu-tant. Une production du Centre

communautaire Assomption encollaboration avec le CentreFORA.

Coût unitaire : 19,99 $Prix de la collection : 35 $Disponibles au Centre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :[email protected]

MACEDOINE :UN POT-POURRI DERECORDS ET DE TEXTES115 pages, 71/2 X 91/2 po.

par Suzanne Benoit etCarole Perron

Livre de 50 records tirés duGuinness des records 1996accompagnés d'illustrations, defaits divers et de textes parfoisamusants, parfois informatifs.

Quatre sections : la nature, lesanimaux, l'être humain et la com-munication. Une production duCentre Moi, j'apprends deRockland en collaboration avec leCentre FORA.

Coût: 15,99$Disponible au Centre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :ti-guy@centrefora. on. ca

MON FRANÇAIS AUQUOTIDIEN (NIVEAU 3)265 pages, 81/2X11 po.

par Alpha-Nicolet

Cahier d'exercices grammati-caux en français utilisant commepoint de départ des textes produitspar nos participantes et partici-pants, afin d'expliquer la règledont il est question. C'est un outilde travail et de référence pour lesparticipantes et les participantsainsi que pour les animatrices etanimateurs en alphabétisation.Les textes sont en gros caractères.

Coût unitaire : 30 $ ;la série de trois niveaux : 75 $(plus frais postaux). Un rabaisde 10 % sera accordé sur l'achatde 10 exemplaires et plus dumême document.Disponible à Alpha-NicoletTél. : (819) 293-5745Télec. : (819) 293-8339

NUANCES ET MOUVANCES94 pages, 81/2 X I I po.

par Gilles Landry et Jeanne Francke

Les préjugés, l'oppression et lesdifférentes formes de discrimina-tion nous interpellent tous tantdans la vie professionnelle quepersonnelle, qu'on les subisse ouqu'on les fasse subir. Nous nesavons pas toujours comment y

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 103

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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réagir. C'est pourquoi Lettres enmain a créé Nuances et Mouvan-ces. Facile d'utilisation, c'est unoutil de réflexion malléable quicherche à conscientiser sansculpabiliser.

Nuances et Mouvances com-prend : des textes théoriquesaccessibles aux personnes analpha-bètes ; des activités d'animationoriginales ramenant à soi et à laréalité du quotidien ; un jeu-questionnaire (culture, histoire etgéographie) ; une liste de docu-ments visuels et écrits ; une listede mots français empruntés àd'autres langues et bien plus encore.

Nuances et Mouvances s'adresseà tout-e intervenant-e aux prisesavec les différentes formes de dis-crimination ou de racisme.

Coût : 12 $ (plus frais postaux)Disponibleà Lettres en main inc.Tél. : (514) 729-3056Téléc. : (514) 729-3010

LES PREMIERS SOINS ETL'ALPHABÉTISATION171 pages, 81/2X11 po.

par le Centre d'éducationpopulaire de Pointe-du-Lac

Outil d'animation en alphabéti-sation à partir du thème « Lespremiers soins », ce documentregroupe 15 ateliers. Chaqueatelier comprend un plan, deslectures, des exercices et des corri-gés. Les exercices sont davantagedestinés aux groupes intermédiaireset avancés, mais il est possible de lesadapter. Quelques exemples parmiles thèmes proposés : le squelettehumain, l'évanouissement, le devoirde porter secours, l'étouffement,

connaissances sur la Croix-Rouge,l'ABC « intervenir en situationd'urgence », plaies et hémorragies,les fractures.

Coût : 30 $Disponible au Centred'éducation populairede Pointe-du-LacTél. : (819) 377-3309Téléc. : (819) 377-3052

RECUEILS DE TEXTES 539 pages, 81/2X11 po.

par Alpha-Nicolet

Recueil de textes traitant dedivers sujets de la vie quotidiennedécrits simplement par les parti-cipantes et participants d'Alpha-Nicolet.

Coût unitaire : 5 $ ; la sériede cinq recueils : 25 $ (plus fraispostaux). Un rabais de 10 %sera accordé sur l'achat de10 exemplaires et plusdu même document.Disponible à Alpha-NicoletTél. : (819) 293-5745Télec. : (819) 293-8339

SE RENSEIGNER POUR MIEUXADMINISTRER142 pages, 81/2X11 po.

par Céline Brière

Ce document s'adresse aux admi-nistratrices et administrateurs descorporations sans but lucratif quifont une démarche en alphabé-tisation. Il peut servir d'outild'intégration ou de guide de réfé-rence pour toute personne n'étant

pas trop familière avec les conceptsde base.

Il est rédigé dans un langagesimple, avec des termes clairs,en respect avec la Loi sur lescorporations sans but lucratif etagrémenté de quelques dessinshumoristiques pour en alléger lecontenu !

Sans aller trop loin, les textesreprésentent un petit aperçu desobligations les plus susceptibles des'appliquer dans un organismesans but lucratif.

Coût unitaire : 12 $, 10 $ pourtrois exemplaires et plus(plus frais postaux)Disponible à La Clé des motsTél. : (450) 659-7941Téléc. : (450) 659-0737

LES VOLEURS DE POULES ETAUTRES CONTES À RIRE DEL'ONTARIO FRANÇAIS98 pages, 43/4 X 7 po.

par Donald Deschênes

Recueil d'une douzaine decontes du bon vieux temps.Rédigé simplement tout en res-pectant les tournures oralespropres aux conteurs. En vedette :Ti-Jean, le diable, Petit Poucetteet autres. Pour lecteurs et lectricesde tous âges. En collaboration :Centre franco-ontarien de folk-lore, Prise de parole et CentreFORA.

Coût: 8$Disponible au Centre FORATél. : (705) 524-3672Téléc. : (705) 524-8535Courriel :ti-guy @centrefora. on. ca

104 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Montréal, le 16 juin 1998

Mme Nicole LachapelleRegroupement des groupes populairesen alpha du Québec5040, boul. St-LaurentMONTRÉAL (Québec)H2R 1R7

Objet : Message de la CRCQ :à ceux et celles qui bâtissent des alternativespour un projet de société plus juste

Madame Lachapelle,

Frappés comme vous tous et toutes par la complexité de notre société etpar ses multiples enjeux, notamment les réalités économiques qui necessent de produire de nouvelles victimes, nous avons décidé de soulignerbien haut votre courage et votre détermination ; ils stimulent notre foiet notre espérance.Nous sommes 450 leaders de communautés religieuses réunis en congrèspour faire le point sur notre vie à ce moment-ci de notre histoire. Noussommes fortement préoccupés par notre société malade qui laisse se pro-duire des aberrations à nous couper le souffle.Quelle société peut tolérer qu'un système se déshumanise à ce point qu'unejeune mère de famille de deux enfants en bas âge en soit arrivée à s'enlever lavie la semaine dernière en apprenant que son chèque d'aide sociale seraitcoupé parce qu'elle ne s'est pas rendue disponible pour travailler la nuit ?Combien faudra-t-il de ces cas de grand désespoir pour que nos dirigeantset dirigeantes se réveillent?

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 105

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Chaque jour, directement ou par nos membresqui œuvrent sur le terrain avec les personnesappauvries et les sans voix, nous entendons descris stridents de détresse. Comment réagir lors-que nous apprenons qu'une aide financière dedépannage à une jeune haïtienne l'obligera àrembourser à l'aide sociale la somme reçue ?Nous sommes conscients que les décideurspolitiques ne sont pas les seuls responsables dela situation. Elle est permise par l'égoïsme del'ensemble de la société dont nous-mêmefaisons partie. À titre d'illustration : les profitsrecords qu'enregistrent nos banques depuisquelques années, pendant qu'un large pan de lapopulation s'appauvrit.Nous refusons de fermer les yeux devant cessituations. Nous refusons de garder le silence.Nous vous partageons notre inquiétude et notreindignation. Nous n'acceptons pas qu'uneminorité de plus en plus infime possédant 80 %de la richesse, ignore la personne humaine enagissant comme un rouleau compresseur sanspitié.Heureusement, de plus en plus de personnes,tout comme vous, posent des gestes concrets quimettent l'accent sur la dignité humaine, la soli-darité, la fraternité. Ce sont des valeurs qui nousfont vivre et donnent l'espoir en une transfor-mation de notre monde.Parmi les nombreuses actions et les groupes quenous appuyons, certains sont pancanadiens.Nous voulons citer : la marche des femmes del'an 2 000, le mouvement d'opposition àl'Accord multilatéral sur les investissements(AMI) tel que conçu par l'OCDE, le projet2 000 contre la pauvreté des enfants, le groupeanti-pauvreté, le projet d'alternative budgétaire,la Coalition canadienne pour le réinvestissementcommunautaire (qui vise les banques), l'Initia-

106 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

tive œcuménique canadienne pour le jubilé quidemande au gouvernement canadien d'annulerla dette des pays les plus pauvres, et beaucoupd'autres exemples semblables.Pour la région du Québec, nous voulons parti-culièrement souligner le Jeûne à relais qui apermis de lancer l'opération « appauvrissementzéro », et le Parlement de la rue qui a redonnéla parole au peuple pour dénoncer les mesuresd'appauvrissement. L'occupation du ComplexeG et l 'Opération Bouffe Reine-Elizabethrappellent avec force que les jeunes n'ont plusleur place dans la société et qu'ils ont faim.Nous signalons également le geste du députéStéphane Tremblay qui se veut un appel à unvéritable débat de société sur les impacts de lamondialisation dans une société qui s'appauvrit.Au-delà de ces actions parfois médiatisées, noussouhaitons rendre hommage à ces femmes et ceshommes qui travaillent à bâtir un projet desociété dans le respect de la personne humaine.Notre solidarité vous est assurée.Nous invitons les citoyens et les citoyennes à nepas se laisser isoler par le système. Embarquonsplutôt dans le train de ceux et celles qui dénon-cent les injustices et qui contribuent à établir denouvelles règles du jeu pour une société humaineet juste !Courage !

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c.cM. Jean Chrétien,Premier ministre du CanadaM. Lucien Bouchard,Premier ministre du QuébecM. Preston Manning,Reform PartyM. André Harvé,whip du Parti ConservateurM. Jean Charest,Parti Libéral du QuébecM. Mario Dumont,Action DémocratiqueMme Alexa McDonaugh,NPDM. Gilles Duceppe,Bloc QuébécoisMme Pauline Marois,ministre de l'Education,de la Famille et de l'EnfanceMme Louise Harel,ministre d'État Emploi et SolidaritéM. Mario Laframboise,Union des Municipalités du QuébecM. Pierre Bourque,maire de MontréalM. Jean-Paul L'Allier,maire de QuébecM. Gilles Taillon,Conseil du Patronat du QuébecM. Denis Chalifoux,député de Bertrand (libéral)Mme Monique Guay,députée des Laurentides (Bloc québécois)

INSTITUT DE LUNESCO POUR L'EDUCATIONUNESCO INSTITUTE FOR EDUCATIONUNESCO-INSTITUT FUR PÄDAGOGIK

Communiqué de presse

PRIX INTERNATIONALDE RECHERCHE

EN ALPHABÉTISATION 1998

Co-financé par :Secrétariat national d'alphabétisation,Développement des ressources humaines, Canada,et Institut de l'UNESCO pour l'éducation

À la suite des prix décernés en 1991, 1993 et 1995,le gouvernement du Canada a renouvelé son engagementpour l'organisation de ce concours. Dans le cadre d'un par-tenariat renouvelé avec l'Institut de l'UNESCO pourl'éducation (IUE), la quatrième sélection pour cette dis-tinction internationale de la meilleure recherche appliquéeen alphabétisation des adultes aura lieu en 1999. Untroisième organisme parrain sera sollicité pour la compéti-tion afin que cette coopération si fructueuse dans lesannées passées puisse être élargie. Son nom sera communi-qué ultérieurement.

L'auteur de la recherche sélectionnée se verra attribuerune récompense d'une valeur de 10 000 $ US, et sonmanuscrit fera l'objet d'une publication internationale entrois langues (anglais, espagnol et français).

Les candidats et candidates sont invités/ées à soumettrel'original de leurs manuscrits, qui devront présenter uneétude et ses résultats innovants sur l'un des multiplesaspects de l'alphabétisation des adultes. Les dossiersdevront être remis à l'IUE avant le 31 novembre 1998en vue d'être examinés par un jury international.

Pour toute information supplémentaireconcernant ce prix de recherche, s'adresser à :

Prix international de recherche en alphabétisationInstitut de l'UNESCO pour l'éducationFeldbrunnenstrasse 5820148 HambourgAllemagneTéléphone : 49 (0) 40 448041 0Télécopie : 49 (0) 40 410 77 23Couriel : [email protected]://www.education.unesco.org/uie

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 107

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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Liste des groupesmembres

(Juin 1998)

ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

ALPHA-TÉMIS11, rue St-lsidore OuestC.P. 239, LaverlochèreJ0Z2P0Tél. : (819) 625-2069Téléc. : (819)765-5111

CENTRE DE CROISSANCED'ABITIBI-OUEST65, 6ème Avenue EstC.P. 533, La Sarre J9Z1L7Tél. : (819) 333-3881Téléc. : (819) 333-9786 (ext)

BAS ST-LAURENT

CENTRED'ALPHABÉTISATIONDES BASQUES15, Notre-Dame EstTrois-Pistoles GOL 4K0Tél. : (418) 851-4088/851-3320Téléc. : (418) 851-3567 (ext.)

CHAUDIÈRE - APPALACHES

L'ABCDES HAUTSPLATEAUXMONTMAGNY-L'ISLET Inc.199, rue BilodeauSt-Fabien-de-Panet GOR 2J0Tél.: (418) 249-2433Téléc. : (418) 249-2628

ABC LOTBINIÈRE157, PrincipaleSt-Flavien GOS 2M0Tél. : (418) 728-2226Téléc. : (418) 728-4020

ALPHA ENTRAIDE DESCHUTES-DE-LA-CHAUDIÈRE3491, avenue des ÉglisesCharny G6X1W5Tél. : (418) 832-1141Téléc. : (418) 832-0045

CENTRED'ALPHABÉTISATIONPOPULAIRE DE BEAUCE12910, 2e AvenueSt-Georges G5Y1Y3Tél. : (418) 226-4111Téléc. : (418) 227-1649

LA CLÉ DE L'ALPHA37, rue Notre-Dame Sud, bureau 203Thetford Mines G6G 1J1Tél.: (418) 338-8193Téléc. : (418) 335-0830

CLÉS EN MAIN25, rue Gérard OuelletC.P. 464, St-Jean-Port-JoliG0R3G0Tél. : (418) 598-9780Téléc. : (418) 598-9639

GROUPE ALPHADES ETCHEMINS201, rue Claude Bilodeau,bureau 105LacEtchemin GORISOTél.: (418) 625-2550Téléc. : (418) 625-2550Courriel. [email protected]

GROUPE ENALPHABÉTISATIONMONTMAGNY-NORD23A, av. du MoulinMontmagny G5V 2H6Tél. : (418) 241-5024Téléc. : (418) 248-8758Courriel : [email protected]

CÔTE-NORD

LIRA25, rue NapoléonSept-lles G4R 3K7Tél. : (418) 968-9843Téléc. : (418) 968-9843Courriel : [email protected]@bbsi.net

POPCO Inc.41, ParentPort-Cartier G5B 2G3Tél. : (418) 766-8047Téléc. : (418) 766-6367

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ESTRIE

LE CENTRED'ÉDUCATIONPOPULAIRE DE L'ESTRIE32, Wellington Nord,bureau 450Sherbrooke J1H 5B7Tél. : (819) 562-1466Téléc. : (819) 562-1428

GASPESIEILES-DE-LA-MADELEINE

COLLECTIFPLEIN DE BON SENS149, boul. PerronC.P. 477, New RichmondG0C2B0Tél. : (418) 392-4818Téléc. : (418) 392-6008Courriel : [email protected]

DÉVELOPPEMENTCOMMUNAUTAIRE UNILE Inc.C.P. 190 Bassinîles de la MadeleineGOB1J0Tél. : (418) 937-5459Téléc. : (418) 937-2145

LANAUDIERE

ABC DES MANOIRS568, rue Léon MartelTerrebonne J6W 2J8Tél. : (450) 471-6928Téléc. : (450) 471-6928

AU BORD DES MOTS20, St-Antoine Nord, bureau 2Lavaltrie JOK 1H0Tél. : (450) 586-0820Téléc. : (450) 586-1231

COOPÉRATIVE DE SERVICESMULTIPLES LANAUDIERE2566, rue VictoriaSte-Julienne JOK 2T0Tél. : (450) 831-3333Téléc. : (450) 831-3333

DÉCLIC350, Frontenac - C.P. 377Berthierville JOK 1A0Tél. : (450) 836-1079Téléc. : (450) 836-1079

REGROUPEMENTDES ASSISTÉS SOCIAUXDE JOLIETTE MÉTRO121, St-Barthelemy SudJuliette J6E5N8Tél. : (450) 752-1999Téléc. : (450) 752-2603

LAURENTIDES

CENTRE D'ALPHABÉTISATIOND'ARGENTEUIL Inc.335, PrincipaleC.P. 181, Lachute J8H 2Y3Tél. : (450) 562-1996Téléc. : (450) 562-2458

LE COIN ALPHA16, rue de Martigny OuestSt-Jérome J7Y 2E9Tél. : (450) 436-2099Téléc. : (450) 438-7749

LA GRIFFE D'ALPHA610, rue de la MadoneMont-Laurier J9L1S9Tél. : (819) 440-2044Téléc. : (819) 623-3081

LA MAISON DES MOTSDES BASSES-LAURENTIDES23A, rue TurgeonSte-Thérèse J7E 3H2Tél. : (450) 434-9593Téléc. : (450) 434-9593Courriel : [email protected]

LAVAL

AU FIL DES MOTSDE ST-FRANÇOIS8560, rue de l'ÉgliseSt-François, Laval H7A1K9Tél. : (450) 665-9612Téléc. : (450) 665-4361Courriel : [email protected]

LE GROUPE ALPHA LAVAL101, boul. de la Concorde EstLaval H7G 2C1Tél. : (450) 669-3232Téléc. : (450) 669-3708

AU JARDINDE LA FAMILLEDE FABREVILLE3867, boul. Ste-RoseFabreville H7P 1C8Tél. : (450) 622-9456Téléc. : (450) 622-9456

LE MONDE ALPHABÉTIQUE-109

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MAURICIE BOIS-FRANCS

ALPHA-NICOLET690, rue Monseigneur PanetNicolet J3T 1W1Tél. : (819) 293-5745Téléc: (819) 293-8339

CENTRE D'ACTIONBÉNÉVOLE DE LA MRCDE BÉCANCOUR124, St-AntoineSte-Sophie-de-LévrardGOX3C0Tél.: (819) 288-5533Téléc. : (819) 298-3916

CENTRE D'ACTIVITÉPOPULAIRE ET ÉDUCATIVE(CAPE)290, St-JosephC.P. 186, La Tuque G9X 3P2Tél. : (819) 523-7533Téléc. : (819) 523-9301Courriel :[email protected]

CENTRE D'ÉDUCATIONPOPULAIRE DEPOINTE-DU-LAC201, Grande AlléePointe-du-Lac GOX1ZOTél. : (819) 377-3309Téléc. : (819) 377-3052

LA CITÉ DES MOTS1985,14e AvenueShawinigan Sud G9P2C5Tél. : (819) 537-1055Téléc. : (819) 537-5445

LA CLÉ EN ÉDUCATIONPOPULAIRE DE MASKINONGÉ110, 2e Avenue, 2e étageLouiseville J5V 1X1Tél. : (819) 228-8071Téléc. : (819) 228-4358

COMSEP749, rue St-MauriceTrois-Rivières G9A 3P5Tél. : (819)378-6963Téléc. : (819) 378-0628Courriel : [email protected]

EBYON89, St-IrenéeCap-de-la-MadeleineG8T 7C3Tél. : (819) 373-7653Téléc. : (819) 691-2866

LUDOLETTRE430, rue LamotheC.P. 488, St-Léonard-d'AstonJ0C1M0Tél. : (819) 399-3023Téléc. : (819)399-3023Courriel :[email protected]

MONTÉRÉGIE

L'ARDOISE DU BAS RICHELIEU108A, CharlotteSorel J3P 1G8Tél. : (450) 780-1016Téléc. : (450)780-1182Courriel :[email protected]

LA BOÎTE À LETTRES212, Gentilly OuestLongueuil J4H 1Z6Tél. : (450) 646-9273Téléc. : (450) 646-9281Courriel : [email protected]

LA CLÉ DES MOTS503, St-GeorgesLaprairie J5R 2N2Tél. : (450) 659-7941Téléc. : (450) 659-0737

COMQUAT Inc.300, boul. Perrot,bureau 100île Perrot J7V3G1Tél. : (450) 453-3632Téléc. : (450) 453-3632

L'ÉCOLE DE LA VIE212, Gentilly OuestLongueuil J4H 1Z6Tél. : (450) 646-0965Téléc. : (450) 646-9261

L'ÉCRIT-TÔTDE ST-HUBERT1890, boul. Marie,St-Hubert J4T3R6Tél. : (450) 462-2227

LES GRANDSDÉBROUILLARDS52, rue NicholsonValleyfield J6T4M8Tél. : (450) 377-7606Téléc. : (450) 377-2451 (ext.)

GROUPE D'ENTRAIDE IOTA32, rue St-LouisVille Lemoyne J4R 2L4Tél.: (450) 466-0076Téléc. : (450) 466-7048

110 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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LA PORTE OUVERTE439, boul. Séminaire NordSt-Jean-sur-Richelieu J3B 5L4Tél. : (450) 349-6827Téléc. : (450) 349-6827

LE SAC À MOTS94, rue SudCowansville J2K 2X2Tél. : (450) 266-3766Téléc. : (450) 263-4985 (ext.)

MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN

ATELIERDES LETTRES1710, rue BeaudryMontréal H2L3E7Tél. : (514) 524-0507Téléc. : (514) 524-0222courriel. : [email protected]

ATELIERSMOT-À-MOT DUSAC. ANJOU Inc.6497, rue AzildaAnjou H1K2Z8Tél. : (514) 354-4299Téléc. : (514) 354-2023

CARREFOUR D'ÉDUCATIONPOPULAIRE DE POINTEST-CHARLES2356, rue CentreMontréal H3K 1J7Tél. : (514) 596-4444Téléc. : (514) 596-4443Courriel :[email protected]

CENTRE ALPHA-SOURDS65, De Castelnau Ouest,bureau 300Montréal H2R 2W3Tél. : (514) 278-5334Téléc. : (514) 279-5373

CENTRE D'ACTIONSOCIO-COMMUNAUTAIREDE MONTRÉAL4050, rue St-UrbainMontréal H2W1V3Tél. : (514) 842-8045Téléc. : (514) 842-2356

CENTRE DE LECTUREET D'ÉCRITURE4273, rue Drolet, 4e étageMontréal H2W 2L7Tél.: (514) 849-5473Téléc. : (514) 350-8887 (ext)courriel. :[email protected]

CENTRE DE LIAISONPOUR L'ÉDUCATIONET LES RESSOURCESCULTURELLES (CLERC)12618, Ste-Catherine EstMontréal H1B1W9Tél. : (514) 640-8521Téléc. : (514) 640-8521

CENTRE HAÏTIEND'ANIMATIONET D'INTERVENTIONSOCIALES7745, av. Champagneur,bureau 203Montréal H3N 2K2Tél. : (514) 271-7563Téléc. : (514) 271-3629

CENTRE INTERNATIONALD'ÉCHANGES CULTURELS(CIEC)3532, KentMontréal H3S1N2Tél.: (514) 735-5031Téléc. : (514) 735-8396

CENTRE N'A RIVÉ6971, rue St-DenisMontréal H2S 2S5Tél. : (514) 278-2157Téléc. : (514) 278-4374

COMITÉ D'ÉDUCATIONDES ADULTES DEST-HENRI (CEDA)2515, rue DelisleMontréal H3J1K8Tél. : (514) 596-4422Téléc. : (514) 596-4981

LAJARNIGOINE7445, rue St-DenisMontréal H2R 2E5Tél.: (514) 273-6683Téléc. : (514) 273-6668

LETTRES EN MAIN5483,12e AvenueMontréal H1X2Z8Tél. : (514)729-3056Téléc. : (514) 729-3010

LA MAISON D'HAÏTI8833, boul. St-MichelMontréal H1Z3G3Tél. : (514) 326-3022Téléc. : (514) 326-3024

LE MONDE ALPHABÉTIQUE - 1 1 1

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UN MONDAURE12127, rue Notre-Dame EstMontréal H1B 2X9Tél. : (514) 640-9228Téléc: (514) 640-9443Courriel : [email protected]

LE TOUR DE LIRE4439, rue AdamMontréal H1V 1T7Tél. : (514) 252-4718Téléc. : (514) 255-5750

OUTAOUAIS

ATELIER D'ÉDUCATIONPOPULAIRE299, route des CantonsSt-Émile-de-SuffolkJ0V1Y0Tél. : (819)426-3193Téléc. : (819) 426-3193

QUEBEC

ALPHABEILLEVANIER235, rue BeaucageVille Vanier G1M 1H2Tél.: (418) 527-8267

ALPHASTONEHAM660,1ère Avenue -C.P 296Stoneham G0A 4P0Tél. : (418) 848-3427Téléc. : (418) 848-7427

ATELIERD'ALPHABÉTISATIONDES SOURDS DE QUÉBEC1220, av. GionoQuébec G1P4C9Tél. : (418) 876-3368ou 871-6104 (via Bell)Téléc. : (418) 640-5270 (ext.)

ATOUT-LIRE266, rue St-Vallier OuestQuébec G1K1K2Tél. : (418) 524-9353Téléc. : (418) 521-4099 (ext.)

FORMATIONALPHABÉTISATIONCHARLEVOIX32, boul. LeclercC.P. 548 Baie St-PaulCharlevoix G0A 1B0Tél. : (418) 435-5752Téléc. : (418) 435-5778

LA MARÉE DES MOTS3354, boul. Mgr Gauthier,bureau 103Beauport G1E2W4Tél.: (418) 667-1985Téléc. : (418) 667- 4954Courriel : [email protected]

SAGUENAY-LAC ST-JEAN

CENTRE ALPHADE LA BAIE802, boul. Grande Baie NordLa Baie G7B3K7Tél. : (418) 697-0046Téléc. : (418) 544-2459

GROUPE CENTRELAC D'ALMA475, rue St-Bernard OuestAlma G8B4R1Tél. : (418) 668-3357Téléc. : (418) 668-0534Courriel : [email protected]

REGROUPEMENTDES CENTRESMOT-À-MOT156, rue GaudreaultC.P. 218, St-Ambroise G7P 2J9Tél. : (418) 695-5385 ou 672-6272Téléc. : (418) 672-4720Courriel : [email protected]

ONTARIO

CENTRED'ALPHABÉTISATIONDE PRESCOTT511, rue Principale EstHawkesburyK6A1B3OntarioTél.: (613) 632-9664

112 - LE MONDE ALPHABÉTIQUE

Le monde alphabétique, numéro 10, automne 1998 : Citoyenneté, citoyennetés... - RGPAQ

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