Obama et le climat. Une révolution verte… en demi-teinte

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Note de la FEP #6***Obama et le climat***par Alice BÉJANovembre 2015

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  • Lengagement de Barack Obama au sujet du rchauffement clima-tique, en particulier au cours de son second mandat, est rel, et dmontr par les mesures quil a prises autant que par les engage-ments proposs par les Etats-Unis dans la perspective de la COP21. Celles-ci marquent un tournant par rapport lattitude du pays au cours des der-nires annes, notamment si lon pense au refus amricain de ratifier le pro-tocole de Kyoto en 1997. Cependant, cet engagement est critiquable et fragile. Critiquable, car la lutte contre le rchauffement climatique est associe au dsir de relancer la croissance amricaine, et donc lindpendance nergtique, qui repose largement sur lexploitation des gaz et ptrole de schiste et en partie sur des dcisions controverses de forage, notamment dans lArctique. Fragile, car la question divise plus que jamais le paysage politique amricain ; les mesures prises par Barack Obama lont t sans laval du Congrs, ce qui signifie que nombre dentre elles peuvent tre remises en question par le prochain prsident ; la plupart des candidats la primaire rpublicaine se sont dailleurs prononcs contre cette politique environnementale. Par ailleurs, vu de ltranger (et peut-tre singulirement de France), on a tendance ne considrer que le pouvoir excutif et lEtat fdral comme dignes dattention. Or si les engagements au niveau fdral sont importants et on souvent valeur dexemple, il ne faut pas oublier les volutions de lopi-nion publique ni les initiatives prises par les villes ou les Etats en matire cologique. Et sil faut relativiser le poids des engagements qui seront pris Paris et la volont politique amricaine en la matire, on ne peut nier que, sur la question climatique et environnementale, le pays a volu au cours des dix dernires annes.Avant-propos - Les Etats-Unis : la nation de la natureLes Etats-Unis sont la nation de la nature 1, et ont construit leur mytho-logie nationale sur limage dune terre vierge, inventer et conqurir. A Buffon qui mprisait la nature amricaine2, Thomas Jefferson tint rpondre point par point dans ses Notes on the State of Virginia (1784), pour dfendre ce qui tait aprs tout le patrimoine de la jeune nation. Les Pres fondateurs mirent en valeur cette nature, valorisant la gographie contre lhistoire, qui tait celle, fodale et ingalitaire, de la vieille Europe, vantant les monuments que Dieu avait donns lAmrique en la dotant dun vaste territoire encore largement inexplor.Henry David Thoreau, auteur de Walden ou la vie dans les bois (1854), a lui aussi enracin lidentit amricaine dans lespace sauvage (wilderness), le grand Ouest qui reprsente pour les Amricains une rserve , la voie dune vie nouvelle

    Alice BJA

    ALICE BJAMatresse de confrences Sciences Po Lille en civilisation amricaine, elle a particip louvrage collectif Paris climat 2015. 20 ans aprs (Fondation de lEcologie Politique, 2015).

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    N6 - Novembre 2015

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    Obama et le climat une rvolution verte en demi-teinte

  • et de la libert 3. Et cest justement lorsque cette rserve spuise, lorsque la Frontire se ferme, la fin du XIXe sicle, qumergent les dbats sur la conser-vation des espaces naturels, ports par exemple par John Muir, dfenseur de la sanctuarisation despaces comme Yosemite, en Californie, et fondateur du Sierra Club, lune des premires ONG environnementales au monde. Le gouvernement fdral se saisit de la question, notamment sous la prsidence de Theodore Roo-sevelt, qui dclare en 1907 : La conservation de nos ressources naturelles et leur usage raisonn est le problme fondamental qui sous-tend presque toutes les autres questions lies la vie de notre nation 4. Il cre de nouveaux parcs na-tionaux, fonde le United States Forest Service et les premires rserves naturelles pour les oiseaux, rendant ainsi hommage lun des prcurseurs de lcologie aux Etats-Unis, John James Audubon5. Theodore Roosevelt tait rpublicain ; mais ses ides furent en partie reprises par Franklin Delano Roosevelt, dmocrate, dont le premier New Deal (1933-35) vit la cration du Civil Conservation Corps, un service civique destin aux jeunes hommes de familles pauvres et qui avait pour objectif la protection et le dveloppement des ressources naturelles dans des zones rurales et sur des terrains appartenant au gouvernement ou aux au-torits locales.Lenvironnement, la protection de la nature et de ses ressources (qui ntait pas envisage en opposition au dveloppement) a longtemps t une question qui allait au-del des clivages partisans, mme si elle a galement donn lieu des mouvements sociaux clairement ancrs gauche, notamment dans les an-nes 1960 et 19706. Cest le rpublicain Richard Nixon qui fit voter, en 1970, le Clean Air Act et instaura lEnvironmental Protection Agency-EPA7, charge de superviser lapplication des lois ayant trait lenvironnement. Comme Barack Obama le rappelle souvent dans ses discours, le premier prsident dclarer que les activits humaines avaient un impact sur latmosphre fut George H. W. Bush, en 1990. Il faut toutefois rappeler que le mme Bush fut rticent signer le trait de Rio en 1992.Car le consensus autour du patrimoine naturel des Etats-Unis et de son im-portance pour lidentit amricaine nempche pas la pollution ni la surex-ploitation des ressources. Si la Chine a dpass les Etats-Unis pour les mis-sions globales de gaz effet de serre (GES), il nen est rien pour ce qui est des missions par individu, bien plus leves outre-Atlantique non seulement quen Chine, mais que dans dautres pays industrialiss, notamment euro-pens. Le parc de Yellowstone est une magnifique rserve naturelle que lon peut presque intgralement explorer en 4x4. La nation de la nature est aussi celle de lhyperconsommation.Et si peu dAmricains remettraient ouvertement en question limportance de la nature ou des espaces sauvages prserver, les dbats autour de lenviron-nement, et singulirement du changement climatique, sont eux beaucoup plus controverss. Les clivages partisans se sont accrus ces dernires annes tout comme sur un certain nombre dautres questions du fait de la polarisation croissante du champ politique. Mme John McCain, lancien candidat la pr-sidentielle qui, plusieurs reprises dans les annes 2000, a propos des lois pour limiter les missions de GES des centrales lectriques, a rcemment dur-ci ses positions. En mai 2015, le rpublicain modr a ridiculis Barack Oba-ma, qui dclarait que le changement climatique tait un risque immdiat pour la scurit nationale, en pointant le fait que lavance de lorganisation Etat islamique tait une menace bien plus concrte8.Cette division idologique se retrouve dans les sondages : 92% des d-mocrates libraux pensent quil existe des preuves tangibles du rchauffe-ment de la Terre, contre seulement 38% de rpublicains conservateurs9. Elle explique les paradoxes comme les fragilits de la position et des initia-tives de Barack Obama sur le sujet.

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    1. Perry Miller, Natures Nation, Cam-bridge, Harvard University Press, 1967.2. Ce quil exposa dans sa Dgnration des animaux (1760).3. Henry David Thoreau, The Corres-pondence of Henry David Thoreau, New York, New York University Press, 1958, p.436, cit par Michel Granger, Henry David Thoreau, Paris, Belin, coll. Voix amricaines , 1999, p.93.4. Theodore Roosevelt, Conservation Message , 1907.5. Peintre, naturaliste et ornithologue, John James Audubon (1785-1851) est surtout clbre pour ses tudes et peintures des oiseaux des Etats-Unis. 6. Citons le livre influent de Rachel Car-son, Silent Spring (1962), dans lequel elle dnonait la pollution, notamment les pesticides et leurs effets sur les oi-seaux. Outre son impact sur les mou-vements cologistes, le livre et lenga-gement de son auteure menrent entre autres linterdiction de lusage agri-cole du DDT aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde.7. Voir infra, 1.2, Un hritage fra-gile? .8. John McCain mocks Obama for cal-ling climate change a threat as Isis ad-vances , The Guardian, 24 mai 2015, http://www.theguardian.com/wor-ld/2015/may/24/john-mccain-oba-ma-climate-change-isis-threat, vu le 2 juillet 2015. 9. Ideological divide over global war-ming as wide as ever , enqute mene par le Pew Research Centrer en mai-juin 2015, http://www.pewresearch.org/fact-tank/2015/06/16/ideolo-gical-divide-over-global-warming-as-wide-as-ever/, vu le 27 juin 2015.

  • 10. My administration will not deny facts, we will be guided by them . Discours du 26 janvier 2009, https://www.whitehouse.gov/blog_post/Fromperiltoprogress/. Vu le 2 juillet 2015. 11. Les contributions sont consultables et tlchargeables sur le site de lONU, http://www4.unfccc.int/submissions/indc/Submission%20Pages/submis-sions.aspx. Vu le 9 juillet 2015.12. US-China Joint Announce-ment on Climate Change , https://www.whitehouse.gov/the-press-of-fice/2014/11/11/us-china-joint-an-nouncement-climate-change. Vu le 9 juillet 2015.13. Pour lire le texte officiel de la dclaration, voir U.S.-China Joint Presidential Statement on Climate Change , 25 septembre 2015, https://www.whitehouse.gov/the-press-of-fice/2015/09/25/us-china-joint-pre-sidential-statement-climate-change. Pour une analyse des consquences sur la politique amricaine, voir Valerie Volcovici, China climate announcement turns tables on Congress foes , Reuters, 25 sep-tembre 2015, http://www.reu-t e r s . c o m / a r t i c l e / 2 0 1 5 / 0 9 / 2 6 /u s - u s a - c h i n a - c l i m a t e c h a n g e -idUSKCN0RQ00E20150926.14. Ds 2009, via le dcret (executive order) 13514, le prsident demandait aux agences fdrales de faire de la rduction des missions de GES leur priorit. Ce dcret a depuis t rvoqu par un autre, plus large, promulgu en mars 2015 (https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/03/19/executive-order-planning-federal-sus-tainability-next-decade). - 3 -

    1. Le deuxime mandat d Obama : une rvolution verte en demi-teinte ?1.1. La lutte contre le changement climatique est le combat du XXIe sicle Llection de Barack Obama a suscit, dans le domaine du climat et de lenvi-ronnement comme ailleurs, de trs grands espoirs. Ds la campagne de 2008, le candidat dmocrate a mis en avant sa volont de rupture par rapport lre Bush, son refus de nier les preuves scientifiques du rchauffement climatique et de la responsabilit humaine dans cette volution. Mon gouvernement ne niera pas les faits, ils seront notre guide , dclare-t-il en juillet 200910. Une partie du plan de relance de lconomie pour sortir de la crise financire concerne les nergies renouvelables et le financement dinnovations, notam-ment dans lindustrie automobile, pour diminuer la consommation dessence des voitures amricaines et dvelopper les technologies alternatives (hy-brides, voitures lectriques). Le gouvernement sengage ce que les Etats-Unis rduisent de 17% leurs missions de gaz effet de serre par rapport au niveau de 2005, entre 2009 et 2020, un objectif raffirm depuis, notamment dans les engagements prsents dans la perspective de la COP2111. Cependant, le premier mandat du nouveau prsident est davantage marqu par ses tentatives pour ramener la croissance aux Etats-Unis et mettre en place sa r-forme de lassurance maladie. Cest vritablement lors de son second mandat quil met en avant les questions climatiques et environnementales. Questions qui se sont dailleurs invites dans la campagne prsidentielle de 2012, llection stant tenue une dizaine de jours seulement aprs que louragan Sandy a frapp la cte Est des Etats-Unis, causant des dgts et des perturbations considrables. Obama multiplie alors les discours volontaristes et annonce son plan daction pour le climat en juin 2013. Lorsquil le prsente lUniversit de Georgetown, il rappelle que la question de lenvironnement a longtemps dpass les clivages politiques et affirme que la lutte contre le changement climatique est le combat du XXIe sicle, dans lequel lAmrique doit sengager pleinement, pour garder la matrise de son avenir. En novembre 2014, lors dun forum de coopration co-nomique de lAsie pacifique (AFEP), Barack Obama et Xi Jinping, actuel prsident de la Rpublique populaire de Chine, sengagent rduire les missions de GES dans leurs pays12. Cet accord est peru par la presse internationale comme une avance majeure et une tape de bon augure dans la perspective de la confrence de Paris en 2015, tout comme la dclaration conjointe de septembre 2015, lors de la premire visite dEtat de Xi aux Etats-Unis, lorsque ce dernier sengage mettre en place un march carbone en Chine partir de 2017 et consacrer des fonds pour aider les pays pauvres lutter contre le rchauffement climatique13.Le prsident amricain a dailleurs raffirm son engagement pour que les Etats-Unis soient une force de proposition dans les ngociations internatio-nales, et rpt de nombreuses reprises notamment dans son discours sur ltat de lUnion de janvier 2015 que le changement climatique constituait un risque pour la scurit nationale amricaine, le plaant ainsi parmi ses prio-rits. Tout au long de ses deux mandats, et en particulier depuis juin 2013, Barack Obama a pris un certain nombre de mesures pour rguler les missions de GES des Etats-Unis (deuxime pays metteur aprs la Chine) en amliorant les performances nergtiques des centrales lectriques ou en tendant les pouvoirs de lEPA en matire de supervision de la rnovation de logements ou dutilisation de leau, afin de donner lexemple, aussi bien au niveau inter-national quintrieur14. Citons, parmi les plus emblmatiques, la rduction des missions produites par les centrales lectriques de 30% (par rapport leur niveau de 2005) dici 2030, le doublement de la production dlectricit issue dnergies renouvelables dici 2020 ou le durcissement des normes defficacit nergtique pour les vhicules (0,4L/100km dici 2025). En apparence, la mul-tiplication des discours volontaristes sur la question climatique et environne-mentale sest donc accompagne de mesures concrtes.

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  • 15. Michigan et al. v. Environmental Protection Agency et al. (dcision du 29 juin 2015) http://www.supremecourt.gov/opinions/14pdf/14-46_10n2.pdf. Vu le 9 juillet 2015.16. Russell Birman, A Rare Loss for Environmentalists at the Supreme Court , The Atlantic, 29 juin 2015, http://www.theatlantic.com/politics/archive/2015/06/a-rare-loss-for-environmentalists-at-the-supreme-court/397196/. Vu le 9 juillet 2015.17. Ideological divide over global warming as wide as ever , art. cit.18. Gwynne Taraska, Ben Bovar-nick, The Authority for U.S. Parti-cipation in the Paris Climate Agree-ment , Center for American Progress, juillet 2015, https://www.ame-ricanprogress.org/issues/green/report/2015/07/07/116690/the-authority-for-u-s-participation-in-the-paris-climate-agreement/. Vu le 9 juil-let 2015.19. Dans dautres domaines galement: citons simplement ici lExecutive or-der 13658 du 12 fvrier 2014, qui im-pose un salaire minimum de 10,10$ de lheure pour tous les prestataires tra-vaillant avec les services fdraux.20. Coral Davenport, Obama Builds Environmental Legacy With 1970 Law , New York Times, 26 novembre 2014, http://www.ny-t i m e s . c o m / 2 0 1 4 / 1 1 / 2 7 / u s / w i -thout-passing-a-single- law-oba-ma-crafts-bold-enviornmental-policy.html. Vu le 9 juillet 2015.21. Climate Policy : Obamas Green Gamble , The Economist, 3 juin 2014, http://www.economist.com/blogs/democracyinamerica/2014/06/cli-mate-policy. Vu le 16 juillet 2015.

    1.2. Un hritage fragile ?Mais ces mesures sont fragiles, et susceptibles dtre remises en question. Par la voie judiciaire par exemple, comme on la vu en juin 2015 lorsque la Cour Suprme a estim que lEnvironmental Protection Agency-EPA navait pas imposer des rgulations aux centrales charbon en matire dmis-sions de mercure et dautres lments toxiques sans prendre en compte le cot que celles-ci reprsentaient15. Jusque-l, la Cour avait plutt soutenu les initiatives dans le domaine de lenvironnement, avant mme larrive dOba-ma au pouvoir, comme lorsquelle avait, en 2007, approuv lextension des comptences de lEPA pour lui permettre de rguler les missions de GES, dcision qui a permis au prsident actuel de mettre en uvre ses propres mesures sur le climat16. Car le principal obstacle que rencontre Barack Obama nest pas judiciaire, il est institutionnel. Depuis 2010, le prsident dmocrate doit composer avec une Chambre des reprsentants majorit rpublicaine, et depuis 2014, le Snat est lui aussi pass dans lopposition. Avec un tel Congrs, et sur une question, lenvironnement, plus que jamais soumise aux oppositions idolo-giques, aussi bien parmi les Amricains que chez leurs reprsentants17, pas question de faire passer une loi sur la lutte contre le changement climatique. Cest pour la mme raison que les autorits amricaines ne veulent pas que la Confrence de Paris dbouche sur un trait, qui devrait tre approuv par le Snat la majorit des deux tiers, chose actuellement impensable18.Etant dans lincapacit de faire voter une loi en 2009, une loi sur les quotas de carbone, approuve par la Chambre, avait t rejete par le Snat Obama a largement gouvern par dcret en ce qui concerne les questions environne-mentales19. Pour ce faire, il sest appuy sur le Clean Air Act de 1970, une loi lpoque vote par les rpublicains et les dmocrates la quasi-unanimit, sous la prsidence de Richard Nixon20. Elle permettait dimposer des limites aux missions de polluants dans divers domaines et fut mise en uvre par lEPA, cre la mme priode, dont les pouvoirs furent renforcs en 1990 par George H. W. Bush. Obama, cependant, est le premier prsident avoir utilis cette loi pour combattre le rchauffement climatique. Les rpublicains ont vu dans son programme de rgulation des missions et defficacit ner-gtique une guerre au charbon quils considrent comme une dangereuse aberration conomique, et tous les candidats la primaire rpublicaine ont dailleurs dclar que, sils taient lus la prsidence, ils reviendraient sur les engagements pris par Obama en matire denvironnement. Dans le camp dmocrate, la favorite Hillary Clinton a quant elle dclar quelle poursui-vrait dans la ligne de son prdcesseur.Obama lui-mme, cependant, na pas une approche radicale des questions cologiques, quil ne dissocie pas de celles lies lconomie et au dveloppe-ment des Etats-Unis, en particulier dans le contexte de la crise. Cest dailleurs pour linstant le ralentissement conomique qui a t le principal facteur de la baisse des missions amricaines, avec laugmentation de la consommation de gaz par rapport au ptrole. Ainsi, entre 2005 et 2012, les missions ont baiss davantage quelles ne le devront dici 2030 si lAmrique veut honorer ses engagements21. En dautres termes, le ralentissement conomique a fait une partie du travail ; mais la reprise amorce sous la prsidence dObama signifie galement quil faut redoubler defforts pour ne pas assister une re-monte des missions. En matire denvironnement comme ailleurs, Obama dfend avant tout les intrts amricains, ce qui lamne parfois prendre des dcisions contradic-toires. Les fragilits et les paradoxes de sa politique des petits pas en matire de lutte contre le rchauffement climatique ne sont pas uniquement dus des facteurs externes (procdures judiciaires, Congrs hostile)- 4 -

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    2. Une tradition politique raffirme : la dfense des intrts amricains2.1. Forages et fracturations : le gaz de schiste comme outil de sortie de crise ?Dans son discours sur lEtat de lunion de janvier 2015, Obama a peu insist sur le climat, et davantage sur les progrs faits par les Etats-Unis en matire de pro-duction dnergie : Nous avons cru en notre capacit rduire notre dpendance aux importations de ptrole et protger notre plante. Aujourdhui, lAmrique est le premier producteur de ptrole et de gaz. LAmrique est le premier produc-teur dnergie olienne. Toutes les trois semaines, nous produisons plus dnergie solaire que dans toute lanne 2008. Et grce aux prix en baisse et aux normes def-ficacit nergtique en matire dessence, les familles cette anne devraient co-nomiser prs de 750$ la pompe . Dans ce court extrait sont rsums les princi-paux arguments de Barack Obama en matire de politique nergtique : protger la plante, assurer lindpendance du pays, faire gagner du pouvoir dachat aux Amricains. Objectifs que certains, en particulier les reprsentants des mouve-ments cologistes, considrent comme impossibles conjuguer.Les critiques se sont concentres, au cours des dernires annes, sur deux pra-tiques des industries gazires et ptrolifres : le forage et la fracturation. En avril 2010, un peu plus dun an aprs larrive au pouvoir dObama, une fuite se dcla-rait suite une explosion sur une plate-forme ptrolire de British Petroleum-BP dans le golfe du Mexique, au large de la Louisiane. Pendant quatre-vingt-sept jours, lquivalent de mille cinq mille barils de ptrole se dversa quotidiennement en mer (selon les estimations de BP) et le gouvernement fdral sengagea dans les activits de nettoyage des ctes. Le prsident Obama se trouva tout dabord dans une situation complique, car il avait quelques mois auparavant autoris de nou-veaux forages exploratoires. En ragissant la mare noire, il insista sur limpor-tance de la transition nergtique, sur la ncessit dinvestir dans de nouvelles formes dnergie, afin de construire un nouvel avenir qui bnficiera tous . Aprs la catastrophe, les Etats-Unis ont adopt un moratoire de six mois sur les forages en eaux profondes dans le plateau continental amricain, la suite du-quel les contrles ont t renforcs et les demandes de forage significativement baiss. Mais la polmique a refait surface rcemment, lorsque le prsident a au-toris la compagnie multinationale Shell reprendre ses forages dans lArctique. En 2013, celle-ci en avait t exclue, pour linsuffisance de ses procdures de contrle et de scurit, qui avaient notamment men lchouage de la plate-forme Kulluk le 31 dcembre 2012. Face aux critiques, Obama a rpondu sur Twitter quil tait impossible dinterdire totalement les forages dans lArctique et que le gouvernement amricain avait fait en sorte den prserver les zones les plus sensibles et dexiger de Shell des garanties quant la scurit des qui-pements et des procdures22. LArctique, rappelons-le, est sous linfluence de ses Etats ctiers (Russie, Canada, Etats-Unis, Danemark, Sude, Norvge, Finlande, Islande) ; contrairement lAntarctique, elle est ouverte au dveloppement co-nomique23, et les diffrentes puissances tentent de sapproprier ses richesses et ses atouts, en particulier dans la perspective dune fonte des glaces qui ouvrirait le clbre passage du nord-ouest . Mais les opposants au projet de Shell nont pas manqu de dire que lAmrique, loin de se livrer cette course au profit, pour-rait montrer lexemple en sanctuarisant sa part de lArctique. Sur un autre sujet controvers cependant, Barack Obama a donn raison aux cologistes en opposant son vto en janvier 2015 au projet doloduc Keystone (Keystone XL Pipeline), cher aux rpublicains, qui permettrait dacheminer vers les Etats-Unis le ptrole canadien issu des gisements bitumineux de lAlberta, un procd dexploitation extrmement polluant24. Ritrant son opposition en mai dernier, Obama a dclar quen ltat actuel des choses, les avantages conomiques procurs par loloduc ne pouvaient compenser ses dommages

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    22. Rose Hackman, Obamas Arctic Drilling Tweets Alarm Environmen-talists , The Guardian, 29 mai 2015, http://www.theguardian.com/envi-ronment/2015/may/29/obama-arc-tic-drilling-tweets-alarm-environmen-talists. Vu le 16 juillet 2015.23. Voir Michel Foucher (sous la dir.), LArctique. La nouvelle frontire, Paris, CNRS Editions, 2014.24. Voir ce sujet le jeu vido/do-cumentaire de David Dufresne, Fort McMoney, produit par Arte en 2013, http://www.fortmcmoney.com/#/fortmcmoney.

  • cologiques. Certains lus dmocrates qui ont vot en faveur du projet conti-nuent nanmoins de faire pression pour quil soit approuv.Mais le thme le plus important du dbat environnemental et nergtique est celui du gaz de schiste, mme sil est moins virulent quen Europe, et en France en particulier (o la fracturation hydraulique est interdite). Comme lexplique le militant Bill McKibben, fondateur de lorganisation 350.org, nombreux sont ceux, mme parmi les cologistes (et il en faisait partie), qui ont au dbut rellement cru que se tourner vers le gaz permettrait de rduire les missions de GES dues au charbon. Ils ont cependant rapidement dchant en constatant que labon-dance de gaz naturel pouvait freiner la transition nergtique vers des nergies non fossiles, que le gaz naturel tait en lui-mme, non brl, un gaz effet de serre bien plus dangereux que le CO2 et que la technique de fracturation hydraulique comportait de nombreux risques environnementaux (pollution de leau, mise en danger des paysages, mission de gaz toxiques)25. Or Barack Obama semble en tre rest au raisonnement initial. Dans son dis-cours lUniversit de Georgetown en 2013, lors de lannonce de son plan pour le climat, il dclarait ainsi : Cest vrai, parfois il y a des dbats sur le gaz naturel, mais laissez-moi vous dire cela : il faut que nous renforcions notre position de premier producteur mondial de gaz naturel, car au moins moyen terme, cela nous apportera de lnergie propre bas cot et nous permettra de rduire nos missions carbone . Dans son discours sur ltat de lUnion de 2014, il quali-fiait le gaz naturel de bridge fuel , une nergie de transition qui permettrait dabandonner le charbon sans que lconomie sen ressente. Ses mandats ont dailleurs concid avec lexplosion de la production de ptrole, et surtout de gaz de schiste aux Etats-Unis. La mthode dextraction par fracturation hydraulique existe depuis les annes 1970 et a t rendue possible grce des recherches finances par lEtat fdral, mais ce nest qu partir de 2007, lorsque les prix du gaz et du ptrole se sont envols, que les grandes compagnies gazires et ptrolires ont commenc investir massivement dans les hydrocarbures non conventionnels . En cinq ans environ, la production de gaz de schiste a t mul-tiplie par dix aux Etats-Unis, qui sont devenus le premier producteur de gaz au monde, juste devant la Russie. Les principaux sites dexploitation incluent le gisement Barnett, au Texas, et limmense gisement Marcellus, sur la cte est, qui va de la Virginie orientale lEtat de New York et a transform la Pennsylvanie en terrain dexploitation pour les compagnies gazires. Si les militants cologistes ont obtenu des victoires sur le front du gaz de schiste26, le gouvernement Obama continue de promouvoir cette nergie, en opposant ceux qui dnoncent ses risques des rgles plus strictes en matire dexploita-tion, telles celles annonces par le Ministre de lintrieur en mars 201527. Les Etats-Unis ont galement lanc, sous lgide de la Secrtaire dEtat Hillary Clinton en 2010, un programme international de soutien au dveloppement du gaz de schiste, le Global Shale Gas Initiative, renomm par la suite Unconventional Gas Technical Engagement Program (UGTEP). Celui-ci vise faire profiter les pays qui le souhaitent, et qui sont slectionns, de lexpertise du gouvernement amricain en matire de gaz de schiste. Il permet au passage de faciliter limplantation den-treprises amricaines comme Chevron ltranger.La politique nergtique de Barack Obama, bien quelle soit fort diffrente de celle de son prdcesseur, nen a pas moins pour objectif de dfendre les in-trts amricains et de dvelopper lconomie des Etats-Unis, qui est en train de sortir dune des pires crises de son histoire. Dans ce contexte, le dveloppe-ment des hydrocarbures non conventionnels , dont les mthodes dextrac-tion causent de grands dgts cologiques, est prsent comme une ncessit, dune part sur le plan international se librer de la dpendance vis--vis des pays ptroliers du Golfe dautre part sur le plan intrieur permettre aux Amricains de voir baisser leur facture nergtique, crer des emplois.

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    25. Bill McKibben, Why Not Frack ? , New York Review of Books, 8 mars 2012.26. Voir infra, 3. Les fronts de linno-vation ? .27. Coral Davenport, New Federal Rules Are Set for Fracking , New York Times, 20 mars 2015. A noter que ces rgulations ont dj t remises en question dans certains Etats. Un juge du Wyoming a ainsi bloqu leur appli-cation en juin 2015.

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    Et la remise en cause actuelle du gaz de schiste par certains a moins voir avec des proccupations cologiques quavec de nouvelles projections sur les rserves existantes. Labondance promise risque dtre de courte dure, et de nombreux conomistes annoncent un clatement de la bulle gazire28.2.2. Evaluer les engagements amricains sur le long terme Si les cologistes continuent de se battre et de faire pression sur ladministration Obama en ce qui concerne les questions lies au climat et au changement clima-tique, les partenaires des Etats-Unis eux aussi mettent parfois des rserves sur les engagements amricains en matire denvironnement. Bien que le changement de rhtorique soit rel, laffirmation de la volont de faire de lAmrique le leader mondial en matire de lutte contre le rchauffement climatique peut laisser scep-tique, notamment chez les Europens, qui ont connu les Amricains moins en-thousiastes sur le sujet et se sont globalement imposs des rgles beaucoup plus strictes en matire environnementale que leur alli dOutre-Atlantique. On voit ressurgir ces intrts divergents notamment dans le cadre des ngociations du trait transatlantique (TTIP), dont les Europens (certains partis, de nombreuses ONG et une partie de la socit civile) craignent quil ne tire les normes sociales et environnementales du vieux continent vers le bas. Ainsi, en janvier 2015, le parle-ment britannique a diligent une enqute visant dterminer limpact de laccord sur le plan environnemental. Les inquitudes se concentrent en particulier sur les OGM, les pesticides, et plus gnralement le principe de prcaution. En ce qui concerne les engagements pris par les Etats-Unis dans la perspective de la confrence de Paris, des organismes internationaux ont mis en avant la possibilit daller plus loin et la relative modestie des ambitions affiches par le gouvernement amricain. Par exemple, le World Resources Institute-WRI29 a fait des contre-propositions au plan dObama, en mettant en avant dune part le fait que les objectifs actuels de rduction dmissions de GES de 17% par rapport au niveau de 2005 dici 2020 ne pouvaient tre atteints sans mesures supplmen-taires, dautre part que ces mesures ne ncessitaient pas de voter de nouvelles lois, mais pouvaient sappuyer sur les textes existants comme sur les actions de certains Etats. Plus gnralement, le WRI insiste sur le fait quau-del de 2025 (le second engagement amricain est celui de rduire les missions de 26-30% dici l), il sera ncessaire de mettre en place des mesures plus restrictives afin dvi-ter les consquences catastrophiques du changement climatique30. Pour Climate Action Tracker, rseau scientifique indpendant qui value les en-gagements des diffrents pays en matire de lutte contre le changement clima-tique, les Etats-Unis sont dans la catgorie medium (comme dailleurs lUE et la Chine, qui sont cependant mieux classes), qui signifie que ces engagements ne permettent pas de restreindre laugmentation de la temprature du globe moins de 2C (de plus que les tempratures de lre pr-industrielle, seuil cri-tique ne pas dpasser et base des ngociations climatiques en cours au niveau international) car elles supposent que les autres pays fassent des efforts bien plus consquents. Lorganisme, comme le WRI, juge que les mesures annonces par Obama dans son plan daction pour le climat permettront datteindre les objectifs fixs pour 2020, mais que des mesures supplmentaires seront nces-saires pour atteindre ceux de 2025. Dautres soulignent la contradiction entre le dsir de rduire la consommation de charbon sur le sol amricain et la poursuite dexportations massives de charbon linternational31.Enfin, aprs lenthousiasme initial provoqu par laccord entre la Chine et les Etats-Unis de novembre 2014, certains analystes ont relativis sa porte et ses consquences. Comme lcrit lconomiste Jean-Paul Marchal, il faut replacer cet vnement dans un contexte historique plus large, et notamment prendre acte des transformations radicales de la scne internationale depuis les accords

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    28. Bill Powers, The Popping of the Shale Gas Bubble , Forbes, 3 sep-tembre 2014, http://www.forbes.com/sites/billpowers/2014/09/03/the-po-pping-of-the-shale-gas-bubble/ 29. Une organisation internationale de recherche dont on a rcemment enten-du parler en France parce que Pascal Canfin, ancien ministre cologiste du gouvernement Ayrault, la rejointe.30. Pour plus de dtails, voir la note consacre aux Etats-Unis par le WIR, Delivering on the U.S. Climate Com-mitment. A 10-Point Plan Toward a Low-Carbon Future , de K. Hausker, K. Meek, R. Gasper, N. Aden, M. Obeiter (mai 2015), tlchargeable en ligne, http://www.wri.org/publication/de-livering-us-climate-commitment-10-point-plan-toward-low-carbon-future. Vu le 19 juillet 2015.31. Celles-ci ont trs fortement aug-ment entre 2009 et 2012, et sont en baisse depuis lors, sans pour autant tre repasses sous leur niveau de 2009. Les chiffres sont disponibles sur le site de lEIA (Energy Information administration), http://www.eia.gov/coal/production/quarterly/

  • 32. Jean-Paul Marchal, Lima et aprs ? , laviedesidees.fr, 28 avril 2015.33. U.S.-China Joint Announcement on Climate Change , site de la Maison Blanche, cit par J.-P. Marchal, Lima et aprs ? , art. cit.34. Ibid.

    de Kyoto. A lpoque, George H. W. Bush avait refus de ratifier le protocole, entre autres parce quil exemptait la Chine de toute obligation de rduction de ses missions de GES. Or, en 1990, la Chine rejetait moiti moins de CO2 que les Etats-Unis, aujourdhui, elle en rejette deux fois plus 32. Une rengociation tait donc invitable, et elle a t rendue ncessaire, aux yeux en tout cas du gouver-nement chinois, par les dgts considrables causs par la pollution en Chine, et surtout par les risques politiques et conomiques que ces dgts font peser sur le rgime. La dclaration conjointe de 2014 a t prpare en amont, par des rendez-vous tenus secrets, et sinscrit dans un cadre plus vaste de coopration entre les deux pays : mentionnons ainsi le programme dcennal de coopration en matire dnergie et denvironnement (U.S.-China Ten-Year Framework for Energy and Environment Cooperation) mais aussi, plus rcemment, le U.S.-China Climate Change Working Group (CCWG), mis en place en 2013 la suite de la premire visite Pkin du Secrtaire dEtat John Kerry. Les rendez-vous bilat-raux se sont dailleurs poursuivis aprs lannonce conjointe de novembre 2014, dans la perspective de la confrence de Paris. Que dit cette dclaration ? Du ct amricain, elle ritre les engagements pris par Obama en 2013 dans son plan daction pour le climat, et notamment la rduction de 25 28% des GES dici 2025. La Chine, quant elle, sengage parvenir son pic dmissions de CO2 vers 2030, voire avant, et augmenter la part dnergies non fossiles dans sa consommation dnergie (20% environ dici 2030). Les deux parties ont lintention de continuer uvrer afin daccrotre leurs ambitions au fil du temps 33. En clair, pas de rvolution, chaque pays souhaite prserver ses avan-tages et son positionnement dans le champ de la comptition conomique mon-diale. Citons encore J.-P. Marchal, propos de lengagement chinois datteindre un pic dmissions en 2030 : mme si la croissance chinoise nest que de 5% au cours de cette dcennie et demie, cela suffira lempire du Milieu pour dou-bler son PIB et ainsi dpasser les Etats-Unis. Dit autrement, la Chine souhaite que rien ne lui soit demand en matire dmissions de CO2 tant quelle ne sera pas devenue la premire puissance conomique mondiale 34. Ct amricain, comme nous lavons vu, les engagements de Barack Obama ont toujours t pris laune de la reprise conomique, et ne sont pas exempts de contradictions, notamment en ce qui concerne la production de gaz naturel. En septembre 2015, la dclaration conjointe dObama et de Xi Jinping marque une volution du discours chinois sur la lutte contre le changement climatique mme si elle ne remet pas en question la volont des Chinois datteindre leur pic dmissions avant de les faire baisser. Mais elle peut avoir des consquences sur le champ politique amricain ; jusque-l en effet, lun des arguments des rpublicains consistait dire que, la Chine ne fai-sant aucun effort pour lutter contre le changement climatique, des mesures prises par les Etats-Unis ne pourraient se faire quau dtriment de leur comptitivit.Il nen reste pas moins que les Etats-Unis et la Chine, travers ces dclarations et comme dans dautres domaines (conomique notamment) mettent sur le de-vant de la scne leurs ngociations bilatrales, excluant ainsi leurs autres parte-naires pour faire comprendre au monde que seules comptent vritablement les deux premires puissances mondiales. Ils relativisent du mme coup la porte de la confrence de Paris, qui ne fera quavaliser ce que les deux grands ont convenu entre eux.Le dindon de la farce, comme souvent, est lUnion europenne, engage depuis bien plus longtemps et de manire bien plus radicale que ces deux grands pays dans une politique de lutte contre le rchauffement climatique. Nest-il pas hautement para-doxal, pour ne pas dire presque absurde, que ce soient soudain les Amricains dont beaucoup doutent encore de la ralit du rchauffement et dont la conversion des lites politiques est pour le moins rcente qui se prsentent aux yeux du monde comme les hrauts de la plante ? L encore, embourbe dans la crise, per-cluse de divisions, lUE peine faire entendre sa voix, dans un domaine pourtant o celle-ci aurait toute lgitimit tre coute.- 8 -

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    3. Les fronts de linnovation : la socit civile en marche pour le climat3.1. Villes et EtatsLes engagements pris par les Etats-nation en matire de lutte contre le chan-gement climatique sont, presque par dfinition, gnraux. Ils ncessitent dtre mis en uvre par des mesures volontaristes et avec la coopration des collectivits locales des diffrents pays. En la matire, celles-ci vont souvent plus vite, et plus loin, que leurs autorits de tutelle. Lorsque lon sintresse aux Etats-Unis depuis ltranger, et singulirement depuis la France, on a sou-vent tendance ne prendre en considration que lEtat fdral et le pouvoir excutif. Sil ne faut pas minimiser limportance de la figure prsidentielle, de ses prises de position, et le facteur dexemple que reprsentent les choix faits par le gouvernement fdral, on ne peut nanmoins oublier que les Etats-Unis sont une fdration, dont les Etats possdent une vaste autonomie dans de nombreux domaines (justice, ducation, environnement) que lon considre-rait en France comme rgaliens . Et quau sein de ces Etats peuvent exister des villes puissantes, dotes elles aussi dun certain nombre de prrogatives dans des champs qui affectent le quotidien de leurs citoyens.Ainsi, si les blocages du Congrs nont pas permis, au niveau fdral, le passage dune loi, cela na pas empch certains Etats de faire voter des textes sur la lutte contre le rchauffement climatique, ni de se fixer des objectifs plus ambitieux que ceux dicts par Obama au niveau national. Cest le cas par exemple de Hawaii, du Minnesota, et surtout de la Californie35, souvent donne en exemple en ma-tire denvironnement. En 2006, le gouverneur Arnold Schwarzenegger (rpubli-cain) a fait voter une loi (le Global Warming Solutions Act, ou AB32) qui dessinait lobjectif dun retour aux missions de GES de 1990 lhorizon 2020, mettait en place un march carbone le second au niveau mondial, aprs celui de lUnion europenne et annonait quun tiers de llectricit de lEtat proviendrait de sources renouvelables lhorizon 2020. Un referendum demandant labolition de cette loi a chou en 2010 et le gouverneur dmocrate Jerry Brown a poursuivi dans la voie trace par son prdcesseur. Lexemple californien dmontre aussi que linvestissement dans la croissance verte nest pas dommageable pour la croissance et lconomie, aid en cela, certes, par la Silicon Valley et les nouvelles technologies, dont les gourous se sont rcemment convertis au discours colo-giste. Par ailleurs, la Californie a souvent t lavant-garde dvolutions de lopi-nion publique et de la politique ; cest Santa Barbara en 1969, aprs une mare noire, quest n le mouvement ayant abouti en 1970 la cration de la Journe de la terre (Earth Day) clbre chaque anne aux Etats-Unis et dans le monde. Enfin, certaines mesures ont t dictes par les conditions climatiques extrmes qui svissent dans lEtat depuis des annes, notamment la scheresse, qui a men des politiques plus svres en matire dutilisation de leau.Si lOregon et lEtat de Washington sont eux aussi fortement engags dans la lutte contre le changement climatique, certains Etats de la cte Est (plus in-dustriels) ne sont pas en reste ; le gouverneur de lEtat de New York, Andrew Cuomo, a ainsi impos un moratoire sur la fracturation hydraulique, suspen-dant lextraction du gaz de schiste36. Les villes, elles aussi, prennent des initiatives, au niveau local comme au niveau global, par exemple au sein du C40 (Cities Climate Leadership Group), souvent encourages dailleurs par le gouvernement fdral et lEPA. Citons simplement ici le cas de New York : le maire Michael Bloomberg, actuellement reprsentant de lONU pour les villes et le changement climatique, a permis a sa ville de di-minuer ses missions de 19% depuis 2005 (mais il demeure toujours en faveur de lexploitation du gaz de schiste). Son successeur dmocrate, Bill de Blasio, a annonc des mesures fortes au moment de la grande marche pour le climat de 2014, notamment la rduction des missions de 80% dici 2050, grce en

    35. Voir Gold and Green. California wants to lead America to a greener fu-ture , The Economist, 16 mars 2013.36. Il va de soi que de nombreux Etats amricains sont loin dtre des mo-dles, au contraire, que lon pense lIl-linois, la Pennsylvanie ou au Texas, en matire dmissions de GES et de rejets toxiques des industries. Nous avons cependant fait le choix ici de nous concentrer sur les Etats et les villes qui font preuve dinitiative en termes envi-ronnementaux, et cet gard vont plus loin que le gouvernement fdral, ou linspirent.

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  • 37. New York citys environment pro-gram to focus on income inequality , New York Times, 21 avril 2015. http://www.nytimes.com/2015/04/22/nyregion/new-york-citys-environ-ment-program-to-focus-on-inco-me-inequality.html?_r=0. Vu le 21 juil-let 2015. Voir le site officiel de la mairie de New York pour ses engagements en matire environnementale : http://www.nyc.gov/html/planyc/html/home/home.shtml 38. Cest le cas par exemples de maires de villes du Texas et de lArizona, qui prennent des initiatives en matire de lutte contre le drglement climatique, alors mme que les gouverneurs de ces Etats Rpublicains sont ouverte-ment climato-sceptiques. 39. Chiffres pour lanne 2014. Don-nes du Yale Project on Climate Change Communication, http://environment.yale.edu/poe/v2014/. Les donnes sont galement dispo-nibles par Etat, par district ou par cont, sur diffrentes questions. Vu le 22 juillet 2015.40. Comparaison entre des enqutes de mars 2013 et novembre 2014, ex-traite de la synthse How Americans View Top Energy and Environmental Issues , Pew Research Center, 15 jan-vier 2015. http://www.pewresearch.org/key-data-points/environment-en-ergy-2/. Vu le 22 juillet 2015.41. La vido, qui date de mai 2014, est en ligne ladresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=cjuG-CJJUGsg

    particulier la rnovation des btiments anciens. Il prsente en outre son plan comme lassociation de la lutte pour la prservation de lenvironnement et du combat contre les ingalits37. Dautres villes se lancent dans des initiatives de lutte contre la pollution et le rchauffement climatique, souvent en-dehors du prisme partisan et parfois mme en contradiction avec les positions prises par les gouverneurs des Etats dont elles font partie38. 3.2. Mouvements militants et opinion publiqueMais nombre de ces initiatives auraient t impossibles sans les changements r-cents de lopinion publique amricaine et les actions militantes des groupes colo-gistes. Cest le cas notamment du moratoire sur la fracturation hydraulique mis en place, non sans hsitations, par Andrew Cuomo en 2014. Au cours des dernires annes, des vnements climatiques extrmes ou des accidents lis lexploita-tion ptrolire et gazire ont contribu faire progresser la conscience du risque cologique chez les Amricains. Louragan Katrina en 2005, la mare noire de BP en 2010, et bien sr louragan Sandy, qui a provoqu de nombreux dgts sur la cte est des Etats-Unis, et touch notamment New York, la veille de llection prsidentielle de 2012. Pour autant, une partie des Amricains reste convaincue que, si le rchauffement climatique est une ralit (63% au niveau national, contre 18% de sceptiques), il nest pas prouv quil soit caus par les activits humaines (48% en sont convaincus, contre 35% qui pensent quil est le fait de causes natu-relles)39, et lenvironnement demeure une des questions qui divisent le plus lopi-nion sur des lignes partisanes. Comme le montrent les tudes du Pew Research Center, lopinion soutient globalement les initiatives visant protger lenviron-nement, mais les rponses sont plus circonstancies ds lors quil sagit daborder des mesures concrtes, car une inquitude se fait jour quant leurs consquences sur la croissance et lemploi. Malgr cela, on constate une volution au fil des der-nires annes : par exemple, le soutien la construction de loloduc Keystone XL, sil reste largement majoritaire (59% des personnes interroges y sont favorables, 31% opposes), dcline en 2014 par rapport 2013 (66% y taient favorables). De mme, en 2013, ceux qui soutenaient lintensification de la fracturation hy-draulique taient plus nombreux (48%) que ceux qui sy opposaient (38%), alors quaujourdhui ce rapport sest invers (41% y sont favorables, 47% opposs)40. Indniablement, la forte mobilisation des groupes cologistes ces dernires an-nes, ainsi que la prsence plus grande des questions environnementales dans les mdias a contribu ces volutions dans lopinion. Prsence qui ne garantit dailleurs pas une prsentation quilibre du dbat. On la bien vu au moment de louragan Sandy, en 2012. Si certains hommes politiques, comme le gouverneur de lEtat de New York Andrew Cuomo, ont os, du bout des lvres, avancer lhypo-thse que ces pisodes climatiques extrmes taient peut-tre lis une volu-tion plus gnrale du climat, les climato-sceptiques comme Donald Trump nont eux pas hsit raffirmer leurs opinions, comme dans ce tweet du 6 novembre dans lequel lactuel candidat la primaire rpublicaine dclarait que le concept de rchauffement climatique est une cration des Chinois pour rendre les indus-tries amricaines moins comptitives . En 2014, dans son mission satirique du dimanche soir, Last Week Tonight, John Oliver avait dnonc les biais dont faisaient preuve les mdias dans leur prsentation des dbats autour du chan-gement climatique. Il illustrait son propos la vido a normment circul sur le net en comparant la proportion de climato-sceptiques dans la communaut scientifique (3%) leur reprsentation sur les chanes de tlvision (50%), et en proposant un plateau vritablement quilibr, soit 97 scientifiques convaincus de la ralit du changement climatique face trois tenants de la thse oppose41.La socit civile, elle aussi, se mobilise, comme on a pu le voir de manire specta-culaire lors de la marche pour le climat qui sest tenue New York en septembre 2014, en parallle dun sommet de lONU, et a runi plus de 300 000 personnes - 10 -

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    dhorizons divers. Mais il faut aussi sintresser aux mouvements locaux de pro-testation, qui font beaucoup pour faire avancer la prise de conscience sur les questions environnementales. Citons ici par exemple, au Canada, la mobilisation des Premires nations contre lexploitation des sables bitumineux de lAlberta, ou bien, aux Etats-Unis, les fortes mobilisations contre le forage en Arctique (menes notamment par Greenpeace) et la structuration dun mouvement contre le gaz de schiste (les fracktivists)42. Au cours des dernires annes, les lobbys cologistes ont galement gagn en influence Washington, dmontrant par l que les mobi-lisations collectives peuvent avoir un impact sur les dcisions politiques, comme le veto oppos par Obama au Keystone pipeline. Mme si la volont, porte par les mouvements cologistes, de cesser dexploiter les nergies fossiles (keep it in the ground) demeure minoritaire, on ne peut nier que certaines avances ont t obtenues. Cest ce qui fait dire Bill McKibben, lun des organisateurs de la marche de 2014, que mme si la Confrence de Paris est importante, ce qui lest encore plus, cest ce qui sest pass avant, ce qui se passera aprs, dans les mobi-lisations populaires et leur capacit cristalliser des propositions, transformer lopinion publique43 et, in fine, la loi. Comme on a pu le constater rcemment aux Etats-Unis en ce qui concerne le mariage pour les couples de mme sexe

    Conclusion : Les Etats-Unis, pollueur repenti ?Barack Obama a chang la manire dont les Etats-Unis parlent du change-ment climatique, cest indniable. Aprs la sortie de la crise conomique et la rforme de lassurance maladie, il a voulu faire de lenvironnement avec dautres questions comme laccord avec lIran ou le rtablissement des rela-tions diplomatiques avec Cuba lun des thmes de son second mandat, dans la perspective de la confrence de Paris, comme on la vu lors de son trs m-diatique voyage en Alaska o le changement climatique est visible, en parti-culier par la fonte des glaces en aot 2015, savamment mis en scne44. Des mesures ont t prises, cela aussi doit tre reconnu. Pour autant, le change-ment nest pas aussi radical que lon aurait pu lesprer, ou le souhaiter. Dune part, parce que le prsident actuel fait face un certain nombre dobstacles institutionnels, notamment lhostilit du Congrs majorit rpublicaine, particulirement cliv sur les questions lies lenvironnement. Dautre part parce que les priorits dObama demeurent malgr tout la primaut amri-caine, lindpendance du pays en matire nergtique, et que les lobbys du gaz et du ptrole sont puissants. Ainsi, une grande partie des rductions de GES est due la crise, et il faudra attendre de voir si la reprise amricaine se confirme pour voir si les mesures mises en place sont rellement efficaces. Prsenter la transition nergtique comme un atout pour lconomie nest pas quelque chose de ngatif, au contraire, mais cela devient problmatique lorsque cette transition repose en ralit largement sur la production, lexploitation et lexportation de gaz naturel recueilli par fracturation hydraulique. Les en-gagements amricains doivent ainsi tre relativiss (mais rappelons tout de mme quil y a bien pire quObama le milliardaire Donald Trump, candidat linvestiture rpublicaine, nie la ralit du rchauffement climatique au motif que les derniers hivers sur la cte est ont t trs froids), y compris sur le plan international. Laccord Chine/Etats-Unis et les dclarations de Xi Jinping lors de sa visite officielle de septembre 2015 concernant la mise en place dun systme de plafonnement et dchange du carbone (cap and trade) sont certes des lments positifs, car ils rvlent une prise de conscience des enjeux qui tait inexistante il y a encore dix ans. Mais ils privent galement lUnion euro-penne de sa voix dans un domaine o elle sest bien plus fortement engage que les deux premiers pollueurs mondiaux.Dans la perspective de llection prsidentielle de novembre 2016, on voit se dessiner les positions des diffrents candidats linvestiture. Ct rpubli-

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    42. Voir notamment le documentaire de Josh Fox, Gasland (2010). Pour un article synthtique sur ces mouve-ments, voir Colin Kinniburgh, From Zuccotti Park to Zurawlow. The Global Revolt Against Fracking , Dissent, t 2015.43. Bill McKibben, Climate fight wont wait for Paris : vive la rsistance , The Guardian, 9 mars 2015, http://www.theguardian.com/environment/2015/mar/09/climate-fight-wont-wait-for-paris-vive-la-resistance. Vu le 22 juillet 2015.44. La mise en scne faon tl-ra-lit a parfois fait grincer des dents, et ce dautant plus que le voyage en question est intervenu au moment mme o le prsident autorisait la compagnie Shell reprendre ses fo-rages en Arctique. Voir Kate Shep-pard, In Alaska, Obama Highlights Climate Change While His Decisions Draw Accusations of Hypocrisy , Huffington Post, 31 aot 2015, http://www.huffingtonpost.com/entry/oba-ma-alaska-climate-change_55e4be-9be4b0b7a96339f3d5

  • cain, la question du changement climatique est plus que jamais lun des piliers de lopposition lactuel gouvernement. Parmi les candidats la primaire, la majorit nie lexistence de ce changement ; ceux qui la reconnaissent, comme Jeb Bush, refusent de lattribuer laction humaine, ou ne se prononcent pas sur la question. Enfin, mme ceux pour lesquels lhomme a une responsabilit dans les transformations du climat, comme la admis Carly Fiorina, ne pensent pas que des mesures prises par les Etats-Unis puissent y changer quoi que ce soit45. Du ct des dmocrates, Bernie Sanders, le snateur du Vermont qui se revendique socialiste , a t lun des principaux opposants la construction du Keystone Pipeline. Quant Hillary Clinton, aprs avoir longtemps tergiver-s, elle sest finalement prononce contre en septembre dernier. Au mme moment, elle a annonc un plan pour faire des Etats-Unis une superpuis-sance de lnergie propre , ainsi que la mise en place daccords avec le Canada et le Mexique concernant la rduction des GES46. Quen sera-t-il effectivement de ces engagements une fois les primaires et llection passe, il est bien trop tt pour le dire. Mais il est vident que, si une prsidence dmocrate peut garantir un maintien sans parier sur une extension des mesures prises sous les mandats dObama, une victoire rpublicaine les remettrait presque certainement en question.Cest pour cette raison, aussi, quil ne faut pas oublier de regarder ce qui se passe au niveau local, dans les collectivits, dans la socit civile, car cest l que se jouent les atteintes les plus graves lenvironnement et que se construisent les mouvements de protestation. Le bottom up ne doit pas tre sous-estim. Mouvements et groupes de pression mettent en uvre des avances graduelles, qui ne rpondent peut-tre pas compltement lur-gence de la situation mais sont sans doute plus solides et plus durables que bien des discours politiques et des annonces diplomatiques.

    Lauteur

    Alice BJA

    Matresse de confrences Sciences Po Lille en civilisation amricaine, elle a particip louvrage collectif Paris climat 2015. 20 ans aprs (Fondation de lEcologie Politique / Green European Foundation, 2015).

    Note n6 - novembre 2015 Obama et le climat

    La Fondation de lEcologie Politique - FEP31/33 rue de la Colonie 75013 ParisTl. +33 (0)1 45 80 26 07 - [email protected] FEP est reconnue dutilit publique. Elle a pour but de favoriser le rassemblement des ides autour du projet de transformation cologique de la socit, de contribuer l laboration du corpus thorique et pratique correspondant ce nouveau modle de socit et aux valeurs de lcologie politique. Les travaux publis par la Fondation de lEcologie Politique prsentent les opinions de leurs auteurs et ne refltent pas ncessairement la position de la Fondation en tant quinstitution. www.fondationecolo.org

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    45. Rebecca Kaplan, Ellen Uchimiya, Where the Republican candidates stand on climate change , CBS News, 1er septembre 2015, http://www.cbsnews.com/news/where-the-2016-republican-candidates-stand-on-cli-mate-change/46. Hillary Clinton unveils her mas-terplan to make US clean energy su-perpower , The Guardian, 24 sep-tembre 2015 http://www.theguardian.com/environment/2015/sep/24/hillary-clinton-unveils-her-master-plan-to-make-us-clean-energy-super-power.